Les Indiscretions

7/28/2019 Les Indiscretions

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AGATHA CHRISTIE

LES INDISCRTIONS

DHERCULE POIROTAfter the funeral

TRADUIT DE LANGLAISPAR YVES MASSIP

LE MASQUE


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CHAPITRE PREMIER

Le vieux Lanscombe trottinait dune pice lautre, relevantles stores. De temps en temps, ses yeux chassieux, au regard envrille, scrutaient la rue.

Ils ne tarderaient pas rentrer des obsques.Lanscombe se dplaait plus vite maintenant. Il y avait tant

de fentres !Enderby Hall, grande demeure de lpoque victorienne, avait

t bti dans le style gothique. Dans le salon vert, le vieuxserviteur leva la tte et considra, accroch au-dessus dumanteau de la chemine, le portrait du vieux CorneliusAbernethie, pour qui Enderby Hall avait t construit. Sa barbebrune pointait en avant dune faon agressive et sa mainreposait sur un globe terrestre ; que cette attitude rpondt audsir du modle ou quelle symbolist de laffectation de la partde lartiste, nul naurait pu le dire. Quoi quil en ft, le vieuxLanscombe estimait que Cornelius Abernethie tait ungentleman dallure puissante et, au fond de lui-mme, il serjouissait de ne pas avoir eu affaire lui personnellement.

Son gentleman lui avait t Mr Richard un bon matre,Mr Richard, emport bien brusquement. Mais voil, il ne staitjamais compltement remis de la mort du jeune Mr Mortimer.

Tandis quil se htait vers la porte de communication etpntrait dans le Boudoir Blanc, le vieux serviteur hochait latte. Quel vnement terrible ! Quelle catastrophe ! Un jeunehomme si solide, si vigoureux et en si bonne sant, sen allerainsi ! Ctait ny pas croire. Et Mr Gordon qui avait t tupendant la guerre ! Un malheur narrive jamais seul, cest ainsique vont les choses, de nos jours. Le matre navait pu ensupporter davantage, et pourtant, il y a une semaine encore, il

semblait tout fait lui-mme.


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Le troisime store du Boudoir Blanc refusait de remonterjusquen haut ; mi-chemin, il se coinait. la vrit, cest queles ressorts taient fatigus, et les stores eux-mmes, vieuxcomme toutes choses dans cette demeure.

Mais il ne pourrait rparer le store sans avoir recours lescabeau. Malheureusement, Lanscombe naimait pasbeaucoup grimper sur les escabeaux, cela lui donnait le vertige.Pour le moment, le store resterait comme cela ; ctait,dailleurs, sans importance, puisque le Boudoir Blanc nedonnait pas sur le devant de la maison do lon aurait pu enapercevoir les fentres lorsque les automobiles rentreraient desobsques, et la pice tait inoccupe en ce moment. Ctait une

chambre de dame, mais il y avait bien longtemps quaucunefemme navait rsid Enderby Hall. Quel dommage queMr Mortimer ne se soit jamais mari ! Tout le temps en voyage,en Norvge pour la chasse, en cosse pour la pche, en Suissepour les sports dhiver, au lieu dpouser quelque gentille jeunedame, lever une famille et rester la maison. Depuislongtemps, aucun enfant navait galop Enderby.

Par la pense, Lanscombe se reporta une poque dont il se

souvenait trs nettement plus nettement que des vingtdernires annes.Envers ses frres et surs, MrRichard stait plutt

comport comme sil se ft agi de ses enfants. la mort de sonpre, il navait que vingt-quatre ans. Il prit aussitt la directionde la maison. Joyeuse maisonne, en vrit, compose de jeunesgens et de jeunes filles. Les querelles et les batailles nemanquaient pas, au grand dsavantage des jeunes matresses.

De pauvres cratures bien courageuses ! Miss Geraldine surtout,ainsi que Cora, bien que cette dernire ft beaucoup plus jeune.Maintenant, Mr Leo tait mort et Miss Laura sen tait alle, elleaussi. Mr Timothy ntait quun pitoyable infirme. Quant Miss Geraldine, elle tait morte, quelque part ltranger.Mr Gordon avait t tu la guerre. Quoique Gordon ft lan,le plus fort de tous avait t Mr Richard. Il leur avait survcu, oupresque, puisque Mr Timothy tait encore de ce monde, de

mme que la petite Cora qui avait pous cette espce dartistedplaisant. Il y avait vingt-cinq ans que Lanscombe ne lavait


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pas revue. Elle tait jolie lpoque o elle partit avec ce type,mais cest peine sil lavait reconnue, tant elle avait grossi etshabillait de faon extravagante.

Oh ! elle stait bien souvenue de lui :

Mais, cest Lanscombe ! stait-elle crie, lair ravi derevoir le vieux serviteur.

Lorsquils arrivrent pour assister aux obsques, ils luiavaient tous fait leffet dtrangers minables !

Mrs Leo faisait exception, toutefois ; elle ntait pas commeles autres. Depuis leur mariage, elle et Mr Leo taient souventvenus Enderby Hall pour passer quelque temps. Une gentilledame, une vraie dame, voil ce quelle tait. Le matre laimait

beaucoup.Lanscombe se secoua. Quelle ide de rver au temps jadis

alors quil avait tant faire !

** *

Comme Lanscombe passait la tte par la porte de la cuisine,

il fut pris partie par Marjorie, la cuisinire, jeune femme devingt-sept ans, le dsespoir de Lanscombe, car elle necorrespondait en rien lide quil se faisait dune cuisinireaccomplie. Elle qualifiait parfois la maison de vieuxmausole et se plaignait de la trop grande superficie de lacuisine, de larrire-cuisine et de loffice, prtendant quil luifallait une heure pour en faire le tour. Elle tait Enderby Halldepuis deux ans et ny restait que parce quon la payait bien et

que Mr Abernethie avait apprci sa bonne cuisine.Assise la table, Janet buvait une tasse de th ; ctait unedomestique dge mr qui, bien que souvent en dsaccord avecLanscombe, se rangeait son avis quand il sagissait de critiquerla jeune gnration telle que lincarnait Marjorie. Un quatrimepersonnage, compltant le personnel, venait dentrer,Mrs Jacks, qui avait beaucoup aim le service funbre auquel lesdomestiques avaient assist.

Ctait vraiment beau, dit-elle avec un reniflement decirconstance, tandis quelle remplissait sa tasse. Dix-neuf


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voitures, lglise pleine craquer et le chanoine officiantdadmirable faon. Et quelle belle journe pour une tellecrmonie !

Soudain, on entendit un klaxon, puis un bruit de voitures

roulant dans la grande alle. Mrs Jacks reposa sa tasse. Les voil ! scria-t-elle.Une une, les automobiles remontrent lalle. Il en

descendit des gens vtus de noir qui, dun pas hsitant,traversrent le hall et pntrrent dans le grand salon. Dans lagrille en acier de ltre brlait un feu, pour combattre lespremiers froids de ces jours dautomne et rchauffer ceux quivenaient dassister aux obsques de Richard Abernethie.

Lanscombe entra dans la pice, portant un plateau dargent.Il offrit chacun un verre de xrs.

Mr Entwhistle, le plus ancien des associs de la vieille etrespectable firme Bollard, Entwhistle, Entwhistle etBollards se tenait debout, le dos tourn au feu. Il accepta unverre de xrs et considra lassistance de son regard pntrantdhomme de loi. Ne connaissant pas toutes les personnesprsentes, il se mit en devoir de ranger chacune delles dans

telle ou telle catgorie ; les prsentations avaient tsuperficielles et chuchotes avant la crmonie.Il observa le vieux Lanscombe en premier. Devient bien

tremblant, le pauvre type ! se dit Mr Entwhistle. Je ne serais passurpris quil approcht des quatre-vingt-dix ans ! Un fidleserviteur, que ce vieux ; les fidles serviteurs sont si rares de nosjours. Triste poque ! Le pauvre Richard a aussi bien fait departir avant lheure !

Car, pour Mr Entwhistle, qui avait soixante-douze ans,Richard Abernethie disparu soixante-huit ans tait mortprmaturment. Depuis deux annes, Mr Entwhistle staitretir des affaires, ce qui ne lavait pas empch, en tantquexcuteur testamentaire du dfunt, son plus vieux client, defaire le voyage jusqu ce comt du nord de lAngleterre.

Il songea ensuite aux dispositions du testament et, denouveau, observa lassistance.

Mrs Leo. Helen, dabord. Il la connaissait bien, elle. Une trscharmante femme pour qui il prouvait autant de sympathie


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que de respect. Il lui jeta un regard approbateur. Le noir luiallait bien et elle avait conserv sa ligne. Il aimait ses traitsnettement dessins, la manire dont ses cheveux gris taienttirs sur les tempes, ses yeux qui conservaient leur nuance bleu

vif.Quel ge pouvait avoir Helen aujourdhui ? Cinquante et un

ans, peut-tre cinquante-deux ? Il stonnait quelle ne se ftjamais remarie aprs la mort de Leo. Sduisante, elle avaitform, avec son mari, un couple trs uni.

Ses regards se posrent sur Mrs Timothy. Il ne lavait jamaisbien connue. Non, le noir ne lui allait pas, elle. Ctait plutt legros tweed qui aurait convenu cette grande femme capable,

pleine de bon sens, toujours attache son mari, prenant soinde sa sant, trop, mme, sans doute. Timothy tait-il vraimenttrs malade ? Mr Entwhistle pensait que ce ntait quunhypocondriaque. Tel avait t, dailleurs, lavis de RichardAbernethie.

Faible de la poitrine, ds lenfance , disait-il. Mais ctaitbien peu prs tout ce dont il souffrait, pensait Mr Entwhistle,dont lattention se porta alors sur George Crossfield, le fils de

Laura.Lhomme que Laura avait pous tait un personnagesuspect dont on ne savait que peu de choses. Il sintitulait agentde change. Leur fils, George, travaillait dans une tude davou,maison de rputation douteuse. Beau garon, mais un peufuyant. Sa mre, ne comprenant rien aux questions financires,gra si mal sa fortune, qu sa mort, survenue il y a cinq ans, ilne lui restait presque rien.

Mr Entwhistle poursuivait son inspection. Qui taient cesdeux jeunes femmes ? Ah ! oui. Celle-ci est Rosamund, la fille deGeraldine, absorbe dans la contemplation des fleursartificielles, disposes sur une table en malachite. Jolie fille,belle mme, quoique le visage soit niais. Elle fait du thtre etsest marie avec un acteur, beau garon, lui aussi, et qui le sait,pensa Mr Entwhistle qui avait quelques prjugs contre cetteprofession. Quel bagage intellectuel peut-il possder et do

peut-il venir ? se demanda-t-il, tout en jetant un regard


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rprobateur dans la direction de Michael Shane, la chevelureblonde et aux charmes fatigus.

Et voici Suzan, la fille de Gordon : plus de personnalit queRosamund, russirait mieux au thtre. Elle se trouvait

prsent tout prs de Mr Entwhistle qui lobserva attentivement.Cheveux noirs, yeux couleur noisette, presque dors, boucheattrayante et boudeuse. Prs delle se tenait lhomme quelleavait pous rcemment, assistant dun pharmacien, daprs cequil put comprendre.

Mr Entwhistle termina son examen par Cora Lansquenet, lapetite retardataire. Sa mre avait prs de cinquante ans quandelle vint au monde. La pauvre femme ne survcut pas cette

dixime naissance. Trois de ses enfants taient morts trsjeunes. La petite Cora fut plutt un embarras pour sa famille.Ses frres et surs furent toujours trs gentils avec elle. Pas trsjolie, dgingande, faisant des avances aux jeunes gens, on nepensait pas quelle pt se marier.

Puis, elle rencontra dans une cole de dessin PierreLansquenet.

Un jour, elle annona tous son intention dpouser lartiste.

Richard sy opposa fermement, le jeune homme lui dplutds labord, il le prit pour un coureur de dot. Mais, pendant quilse renseignait son sujet, Cora fila avec son amoureux etlpousa. Ils habitrent en Cornouailles et en Bretagne. Peintremdiocre, Pierre Lansquenet ne fut mme pas un bon mari. Cequi nempcha pas Cora de lui rester trs attache et de ne paspardonner sa famille son attitude envers lui. Gnreux,Richard leur avait fait une petite pension qui, sajoutant ce

quils possdaient, leur permettait de vivre. Mr Entwhistle sedemandait si Pierre Lansquenet avait jamais gagn quoi que ceft. Il devait y avoir douze ans ou plus, que Cora tait veuve,estima Mr Entwhistle. En ce jour de deuil, elle naffichait pas unchagrin excessif. Mais Cora, il faut le reconnatre, navait jamaisfait semblant

Lanscombe fit une nouvelle entre dans le salon et, dun tonbas et de circonstance, annona :

Le djeuner est servi.


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CHAPITRE II

Aprs le dlicieux bouillon de poulet et force viandes froides,arroses dun excellent chablis, latmosphre funbre se dissipatotalement. vrai dire, personne nprouvait un chagrindmesur, aucun des membres de lassistance nayant eu derapports troits avec le dfunt. Le comportement gnral avaitt conforme aux circonstances exception faite pour Cora quise divertissait nettement et, la biensance ayant tjusqualors respecte, on sentait que la conversation pouvaitmaintenant prendre un tour moins solennel. Mr Entwhistle futdailleurs le premier encourager cette nouvelle attitude. Ilavait lexprience des enterrements et savait exactementcomment on minute une crmonie de ce genre.

Le repas achev, Lanscombe fit savoir que le caf tait servidans la bibliothque. Lheure tait venue de parler affaires ,cest--dire de parler du testament. Pour une telle discussion, labibliothque avait sembl tout indique, avec ses rayonnageschargs de livres et ses rideaux de velours rouge. Lanscomberemplit les tasses, puis sclipsa, refermant la porte derrire lui.

Aprs quelques propos dcousus, chacun regardatimidement Mr Entwhistle qui, aprs avoir consult sa montre,dclara :

Il me faut attraper le train de 3 heures 30.Les autres dsiraient aussi prendre un train. Comme vous le savez, commena Mr Entwhistle, je suis

lexcuteur testamentaire de Richard Abernethie.Il fut interrompu. Je ne le savais pas, dit Cora Lansquenet vivement.

Vraiment ? Ma-t-il laiss quelque chose ?Ce ntait pas la premire fois que Mr Entwhistle sapercevait

que Cora avait une fcheuse tendance parler sans quon lenprit. Il eut son adresse un regard svre et reprit :


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Jusqu il y a un an, le testament de Richard Abernethietait trs simple. Sous rserve de certains autres dons, il lguaittout son fils Mortimer.

Pauvre Mortimer, coupa, une fois de plus, Cora. Vraiment,

je pense que cette poliomylite a t une chose affreuse !La mort tragique de Mortimer, poursuivit lorateur,

survenue si brutalement, fut pour Richard un coup terrible. Illui fallut des mois pour sen remettre. cette poque, je lui aisoulign lintrt de prendre de nouvelles dispositionstestamentaires.

Maude Abernethie demanda alors de sa voix profonde : Que serait-il arriv sil navait pas fait un nouveau

testament ? Sa fortune aurait-elle t lgue Timothy, en tantque plus proche parent ?

Mr Entwhistle ouvrit la bouche pour faire une dissertationsur le problme du plus proche parent, mais il se ravisa etpoursuivit un peu schement :

Sur mes conseils, Richard dcida de rdiger un autretestament. Mais dabord, il jugea utile den savoir plus long surla jeune gnration.

Il nous a donc mis lessai, scria Suzan avec un gros rire.Dabord George, puis Greg et moi-mme, ensuite Rosamund etMichael.

Le visage troit de George Banks rougit. Il remarquaschement :

Suzan ! Peut-on ainsi prsenter les choses ! lessai !Mais, ctait bien ainsi quil lentendait, nest-ce pas,

Mr Entwhistle ?

Ma-t-il laiss quelque chose ? rpta Cora.Mr Entwhistle toussa et reprit :Je me propose denvoyer chacun de vous copie du

testament. Je pourrais, bien entendu, vous en donner tout desuite la lecture intgrale, mais je crains que la terminologiejuridique de ce document ne semble obscure beaucoup dentrevous. En bref, il se rsume ceci :

Aprs quelques petits legs et un don substantiel

Lanscombe, sous forme de pension annuelle vie, lensemble dela fortune qui reprsente une valeur trs considrable est


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diviser en six parts gales. Quatre dentre elles tant rpartiesentre le frre de Richard, Timothy, son neveu George Crossfield,sa nice Suzan Banks et son autre nice Rosamund Shane. Lesdeux autres parts seront investies et une rente vie sera

accorde Mrs Helen Abernethie, veuve de son frre Leo, et sasur, Mrs Cora Lansquenet. Aprs la mort de ces deuxhritires, le capital sera partag entre les quatre autresbnficiaires ou leur descendance.

Cest trs chic a ! remarqua Cora Lansquenet dun tondapprciation. Une rente ! Combien ?

Peut-tre trois ou quatre mille livres par an, environ. Chic ! scria Cora. Jirai Capri !

Helen Abernethie dit son mot dune voix douce : Quel tre gnreux et bon que Richard ! Jai toujours

apprci laffection quil ma tmoigne. Il vous aimait beaucoup, approuva Mr Entwhistle. Leo

tait son prfr et, aprs la mort de votre mari, il tait heureuxchaque fois que vous veniez le voir.

Jaurais bien voulu savoir quel point il tait malade, ditencore Helen, avec du regret dans la voix. Je lavais peu vu

avant sa mort et quoique je connusse sa maladie je nimaginaispas que ce ft si srieux.avait toujours t srieux, dit Mr Entwhistle. Mais il

naimait pas quon en parlt et je suis persuad que personne nesattendait une issue si brutale. Je sais que le mdecin en a tle premier surpris.

Brusquement, dans sa rsidencevoil ce quont crit lesjournaux.

Ctait Cora qui venait de parler et elle hochait la tte. Je me suis demand, alors Ce fut un choc pour nous tous, dit Maude Abernethie. Ce

pauvre Timothy en tait tout boulevers. Il narrtait pas derpter : si brusquement, si brusquement.

Au fond, laffaire a t touffe bien gentiment, nest-cepas ? fit observer Cora.

Tous les regards convergrent vers elle.

Mais je pense que vous aviez raison, tout fait raison,reprit-elle, un peu dcontenance. Je veux dire que enfin, il


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tait inutile pourquoi rendre la chose publique ? Cette histoirene doit pas sortir de la famille.

Les visages tourns dans sa direction devenaient de plus enplus consterns.

Ce fut Mr Entwhistle qui lui rpondit :En vrit, jai peur de ne pas comprendre tout fait ce que

vous insinuez.Cora Lansquenet jeta un regard alentour, la surprise dans

ses yeux. Elle inclina la tte dun ct, comme et fait un oiseau.Mais il a bien t assassin, nest-ce pas ? dit-elle.


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CHAPITRE III

Dans le train qui le ramenait Londres, install dans le coindun compartiment de premire classe, Mr Entwhistle prouvaitune sorte de malaise en voquant la conversation qui suivit laremarque malheureuse de Cora Lansquenet.

Vraiment Cora ! stait cri Maude. Ma chre tanteCora , avait dit George. Quelquun dautre avait demand : Quest-ce que vous voulez dire par l ?

Alors, Cora Lansquenet, confuse, pronona quelques phrasesdsordonnes.

Oh ! je suis dsole je ne voulais pas Oh ! bien sr,ctait ridicule de ma part. Je sais bien quil ny a rien de vraidans tout cela, mais cette mort a t si brutale Je vous en prie,oubliez ce que je viens de dire Je sais bien que je parletoujours tort et travers !

partir de cet instant, lmoi gnral se dissipa. On discutade ce quon ferait des affaires personnelles de Richard.Finalement, il fut dcid que la maison et son contenu seraientmis en vente.

La regrettable gaffe1 de Cora semblait oublie. CoraLansquenet, si elle ntait pas anormale, nen tait pas moinsnave jusqu en tre gnante. dix-neuf ans, cela avait moins

dimportance, les manires denfant terrible2 sont admisesjusqu cet ge-l, mais une enfant terrible frisant lacinquantaine est par trop dconcertante. On na pas ide delaisser chapper des vrits si malencontreuses.

Pour la deuxime fois, le fil de la pense de Mr Entwhistle futinterrompu par ce mot de vrits. Pourquoi ce terme le gnait-il ce point ? Pour la simple raison que le mot en question avait

1 En franais dans le texte.2 En franais dans le texte.


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t contenu dans le malaise gnral que la remarque nave deCora avait provoqu. Quoique la rondelette Cora de quarante-neuf ans ressemblt aussi peu que possible la jeune filledgingande quelle fut jadis, certains traits de son

comportement navaient gure chang ; telle cette maniredincliner la tte comme un oiseau lorsquelle faisait uncommentaire outrageant avec une expression despoir rjoui,telle encore cette remarque concernant lembonpoint de la fillede cuisine : Mollie narrive plus sapprocher de la table decuisine, son ventre est bien prominent. Je me demandepourquoi elle grossit ce point ?

Mr Entwhistle seffora alors danalyser plus fond son

propre malaise. Cette mort a t si brutale , avait dit Corapour se justifier.

Dans un sens, la mort de Richard pouvait, en effet, treconsidre comme brutale. Mr Entwhistle avait discut de sontat de sant avec le malade lui-mme ainsi quavec le mdecin.Celui-ci avait laiss entendre que son patient ne vivrait paslongtemps ; en prenant de grandes prcautions, il pouvaitencore durer deux ou trois ans, peut-tre plus, mais cela tait

peu probable. Dans tous les cas, le praticien ne prvoyait pasune issue aussi rapide.Eh bien ! le mdecin stait tromp, mais les mdecins ne

peuvent vraiment pas prvoir les ractions propres chaquemalade. On a vu des cas dsesprs dans lesquels le condamnretrouve la sant. Dautres meurent au moment o la gurisonsemble en bonne voie.

Quant Richard Abernethie, malgr sa force et sa vigueur,

rien ne lincitait plus vivre. Le seul fils qui lui restait,Mortimer, avait, six mois plus tt, contract une poliomylitequi lemporta en huit jours. Cette mort lavait dautant plusfrapp que Mortimer, solide jeune homme plein de vitalit,sportif fervent et athlte, tait de ceux dont on dit quils nontjamais eu un jour de maladie. Il allait se fiancer unecharmante jeune fille, et le pre avait mis tous ses espoirs dansce fils bien-aim qui lui donnait toute satisfaction.

Richard Abernethie, aprs la tragique disparition deMortimer, tait demeur seul, sans mme un petit-fils,


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personne qui perptut le nom dAbernethie, et, la tte duneimmense fortune et de plusieurs affaires que, dans une certainemesure, il contrlait personnellement. Qui prendrait sa place,dsormais ?

Mr Entwhistle savait que ce dernier point avait beaucoupproccup Richard : son frre le seul qui ft encore en vie tait presque un infirme. Restait la jeune gnration.Mr Entwhistle tait persuad quoique son ami ne lui en etrien dit que Richard avait eu lintention davoir un seulsuccesseur. Il savait, en tout cas, que, depuis six mois, Richardavait invit venir le voir pas ensemble, mais chacun leurtour son neveu George, sa nice Suzan et son mari Gregory

Banks, sa nice Rosamund et son mari Michael Shane, et sabelle-sur, Helen Abernethie, veuve de Leo. Ctait surtoutparmi les trois premiers, pensait Mr Entwhistle, que Richardavait cherch son seul lgataire. Helen Abernethie fut sansdoute invite par pure affection, peut-tre mme pour luidemander un avis, car il avait toujours eu une trs hauteopinion de sa belle-sur et apprci en elle son bon sens, sonesprit pratique et son jugement sr. Lhomme de loi se rappela

mme que Richard tait all faire un court sjour chez son frreTimothy.Et le rsultat de tout cela tait reprsent par le testament

que Mr Entwhistle transportait maintenant dans sa serviette.Distribution parfaitement quitable, et il ressortait que le dfuntavait t du la fois par son neveu et ses nices ou peut-treaussi par les maris de ses nices.

Dautre part, il ne se souvenait pas avoir appris que Richard

et invit sa sur Cora, et tout de suite, lhomme de loi serappela une phrase troublante que Cora avait laiss chapper : Mais je croyais, daprs ce quil avait dit?

Quavait donc dit Richard ? Et quand lavait-il dit ? Si Corane stait pas rendue Enderby Hall, alors ctait Richard quitait all la voir dans ce joli petit village du Berkshire o ellepossdait une villa. Ou bien, Cora avait-elle fait allusion unechose que Richard lui aurait crite ?

Mr Entwhistle frona les sourcils. Cora ntait videmmentquune sotte. Elle pouvait trs bien avoir mal compris une


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phrase et lavoir par la suite mal interprte. Mais lhomme deloi se demandait quand mme quelle pouvait avoir t cettephrase.

Il se sentait trop tourment pour songer aller demander

des explications Mrs Lansquenet. Pas encore, en tout cas.Mieux valait ne pas paratre y attacher trop dimportance, ce quine lempchait pas de se demander ce qui pouvait avoir incitCora poser cette extravagante question :

Mais, il a bien t assassin, nest-ce pas ?

** *

Dans un compartiment de troisime, plus en arrire dumme train, Gregory Banks disait sa femme :

Il faut que ta tante soit compltement idiote ! Tante Cora ? Oui, je crois quelle a toujours t un peu

simple desprit.Assis sur la banquette den face, George Crossfield dclara

vivement :

On devrait lempcher de sortir de pareilles bourdes. apourrait donner des ides.Rosamund Shane, occupe dessiner avec son tube de rouge

larc en forme de cur de sa bouche, murmura : Je suppose que personne ne fait attention aux propos de

cette sorcire.En tout cas, jestime quon devrait len empcher, rpta

George.

Daccord, chri, reprit Rosamund rangeant son tube derouge et considrant complaisamment son visage dans unmiroir. Empche-la donc !

Son mari intervint brusquement :Je suis de lavis de George, dit-il. Il est si facile de

provoquer des racontars. Et quand il en serait ainsi ? (Rosamund sourit et son

sourire fit se relever les deux extrmits de larc en forme de

cur de sa bouche.) a pourrait tre drle ! Drle !


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Quatre voix staient cries ensemble. Un meurtre dans la famille, mais, ce serait passionnant !

continua-t-elle.Il vint lesprit du nerveux et ennuyeux jeune homme

qutait Gregory Banks que la cousine de Suzan, son physiqueattrayant mis part, avait quelques vagues traits deressemblance avec la tante Cora. Les paroles quelle prononaensuite confirmrent plutt cette impression :

Sil a vraiment t assassin, poursuivit-elle, qui croyez-vous qui ait commis le meurtre ?

Elle promena autour du compartiment un regard pensif. Sa mort nous a t tous profitable. Michael et moi tions

bout de ressources. On a offert Mick un rle vraimentintressant dans la revue de Sansborn : sil a les moyensdattendre quon le lui confie Alors, nous serons tirs daffaire,et nous pourrons mme financer le spectacle sil nous en prendlenvie. Dailleurs, il y a unepice avec un rle magnifique

Mais personne ne prtait attention aux digressions deRosamund. La pense de chacun stait oriente vers son propreavenir immdiat.

Toucher ce qui mest d et puis partir, songeait George.Maintenant, je pourrai rendre largent et personne nen saurarien mais ctait tout juste.

Gregory ferma les yeux tout en se renversant sur labanquette. Fini lesclavage.

Dune voix claire, un peu dure, Suzan parla : Bien sr, je suis dsole pour ce pauvre oncle Richard.

Mais il tait trs vieux, et puis Mortimer tant mort, rien ne

lattachait plus la vie. Il a bien mieux valu quil claque commea, sans faon.Son regard dur et assur sadoucit en se posant sur le visage

pensif de son mari. Elle ladorait et elle sentaitbien que Gregoryne laimait pas autant quelle le chrissait, et cette pense nefaisait quaccrotre sa passion. Greg lui appartenait, elle feraitnimporte quoi pour lui. Oui, nimporte quoi

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Enderby Hall, o elle avait dcid de passer la nuit, MaudeAbernethie changeait de robe pour le dner. Elle se demandait sielle naurait pas d offrir de rester plus longtemps afin daider

Helen dans le tri et le rangement des affaires de la maison. Il yavait tous les effets personnels de Richard, peut-tre aussi deslettres. Les papiers importants, pensait-elle, avaient dj d treemports par Mr Entwhistle. Mais elle ne devait pas trop tarder retourner auprs de Timothy qui sagitait tellement chaquefois quelle ntait pas l pour soccuper de lui. Elle esprait quilne serait pas trop mcontent du testament, pas trop du. Ellesavait quil sattendait ce que Richard lui laisst la plus grande

part de sa fortune. Aprs tout, il tait le dernier survivant de lafamille Abernethie. Richard aurait pu lui confier la direction dela jeune gnration. Oui, elle avait bien peur quil ne ftcontrari ; les contrarits nuisaient ses digestions et lerendaient draisonnable. Parfois, il perdait totalement le sensde la mesure Maude se demanda si elle ne devrait pas entoucher deux mots au docteur Barton. Timothy se mettaittellement en colre lorsquelle voulait lui enlever le flacon

contenant les comprims de somnifre (Timothy en avaitbeaucoup trop pris ces derniers temps). Cela pourrait tredangereux de les laisser sa porte. moiti endormi, il peutarriver quon ne se rappelle plus en avoir dj pris, et quon enabsorbe encore. Quarriverait-il alors ?

Maude Abernethie poussa un soupir. Puis son visagesclaira. La vie allait quand mme tre beaucoup plus faciledsormais. Le jardin, par exemple

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Dans le salon vert, Helen Abernethie assise prs du feu,attendait que Maude descende pour le dner.

Ses yeux parcoururent la pice. Elle voquait le temps oelle, Leo et les autres vivaient ici.

Elle se demandait qui achterait Enderby. Serait-iltransform en htel, en institut, en pension de famille pour


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jeunes gens ? Qui sait si on ne le dmolirait pas pourreconstruire ensuite un nouveau domaine ? Rsolument, ellechassa ces tristes penses. Elle devrait plutt songer sespropres occupations, ses amis, ses intrts. Oui, ses

intrts. Avec ce que lui laissait Richard, elle pourrait conserveret entretenir sa villa de Chypre et raliser tous ses projets.

Depuis quelque temps, elle avait eu des ennuis financiers.Dsormais, grce largent de Richard, ces problmes taientrsolus.

Pauvre Richard ! Quelle bndiction pour lui dtre mortdurant son sommeil. Subitement, le vingt-deux. Quel treextravagant que cette Cora ! Quelle sotte, aussi ! La pauvre ! Au

fond, ce ntait pas sa faute, et son mari ne lavait pasparticulirement bien traite.

Ses yeux fixaient, sans les voir, les fleurs artificielles posessur une table ronde en malachite, auprs de laquelle Cora staittenue debout pendant que les autres demeuraient assis enattendant le moment de partir pour lglise. Elle stait mise voquer une foule de petits incidents appartenant au pass,apparemment ravie de se retrouver dans sa maison dautrefois,

si ravie quelle semblait avoir oubli le motif de cette runiongnrale. Mais peut-tre, songea Hlne, stait-elle montre la

moins hypocrite de tous Cora navait jamais t femme respecter les conventions.

Cette simple phrase : Mais il a bien t assassin, nest-cepas ? le prouvait.

Tout autour delle, les visages lavaient regarde, surpris,

choqus. Chacun avait montr une expression diffrente.Et soudain, se remmorant clairement la scne, Helen fronales sourcils Ce tableau prsentait quelque chose danormal

Quelque chose ?Quelquun?tait-ce telle expression sur tel visage ? Ou quelque chose

qui comment pourrait-elle lexprimer ? quelque chose quinaurait pas d tre l?


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Elle ne savait plus elle narrivait pas dterminerlanomalie mais, coup sr, quelque chose, quelque part,nallait pas.

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Pendant ce temps, au buffet de Swindon, une dame en robede deuil agrmente de guirlandes noires mangeait des briochesen buvant une tasse de th et faisait des projets davenir. Ellenavait aucun pressentiment de la catastrophe. Elle taitheureuse.

Ces voyages en train omnibus taient certainement fatigants.Il et t plus facile de rentrer Lytchett St Mary en passant parLondres, et pas beaucoup plus cher. Mais alors, elle aurait dfaire le trajet avec la famille, tre sans doute oblige de parlertout le temps. Leffort lui en aurait trop cot.

Non, elle prfrait viter le train de Londres. Ces briochestaient vraiment dlicieuses. Cest incroyable comme unenterrement peut vous creuser lestomac.

Que les gens sont donc bourgeois, et quels hypocrites ! Ettous ces visages lorsquelle avait parl dassassinat ! Et lamanire dont chacun lavait dvisage !

Elle hocha la tte en signe de satisfaction. Ctait pourtant laremarque faire.

La dame en deuil jeta un coup dil la pendule de la gare.Pendant un court instant, elle demeura l, rvant rvant lavenir qui souvrait devant elle Elle eut un sourire denfant

heureux.Enfin, elle allait pouvoir samuser. Et ce fut lesprit plein deprojets quelle se dirigea vers le train omnibus.


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CHAPITRE IV

Mr Entwhistle passa une nuit trs agite. Au matin, sesentant las et indispos, il resta couch.

Sa sur, qui soccupait de la maison, lui apporta, au lit, sonpetit djeuner sur un plateau et se mit en devoir de lui prouverqu son ge et dans le frle tat de sant o il se trouvait, ilavait eu grand tort daller se promener dans le nord delAngleterre.

En guise de rponse, Mr Entwhistle dclara simplement queRichard Abernethie avait t un ami de longue date.

Des funrailles ! scria la sur dun ton de reproches. Cescrmonies sont fatales un homme de ton ge ! Si tu ne temnages pas plus, tu finiras par mourir subitement comme tonMrAbernethie dont lamiti ttait si prcieuse.

Le mot subitement eut le don de faire tressaillirMr Entwhistle. Il lempcha aussi de rpliquer.

Il savait trs bien pourquoi il avait tressaut en entendantprononcer ce mot : subitement.

Cora Lansquenet ! Sa supposition ne se fondait sur rien dutout, mais il aurait nanmoins bien voulu savoir ce qui lavaitpousse faire semblable suggestion.

Parfaitement, il tait fermement dcid se rendre

Lytchett St Mary pour lui faire une petite visite. Il pourraitprtexter une affaire ayant un rapport avec la validation dutestament, une signature delle, par exemple. Il tait inutile delui laisser voir que sa stupide remarque avait attir sonattention. Il irait la voir, et trs bientt.

Son petit djeuner termin, il se renversa sur ses oreillers etentreprit de lire le Times. Il en trouva la lecture trs apaisante.

Il tait environ six heures, le soir mme, quand le tlphone

se mit sonner. Il dcrocha. La voix, lautre bout du fil, tait


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celle de Mr James Parrott, le deuxime associ de la firme Bollard, Entwhistle, Entwhistle et Bollards .

Dites donc, Entwhistle, je viens juste de recevoir un coupde tlphone de la police, dun patelin qui sappelle Lytchett

St Mary. Cest propos dune certaine Mrs Cora Lansquenet.Ntait-ce pas lune des hritires de la fortune dAbernethie ?

Oui, bien sr. Je lai vue hier aux obsques. Oh ! Elle tait prsente aux obsques ? Mais oui ! quy a-t-il donc ? Eh bien ! (Mr Parrott avait lair de sexcuser.) Elle cest

incroyable Elle a t assassine ! Assassine ?

Oui oui jen ai bien peur. Enfin, je veux dire quil ny aaucun doute ce sujet.

Mais pourquoi la police sest-elle adresse nous ? Sa dame de compagnie est une certaine Miss Gilchrist. La

police lui a demand quels taient ses plus proches parents ouses avous. Elle navait pas lair de connatre les parents, maiselle a donn notre nom. Cest pour cela quon nous a tlphonaussitt.

Mais quest-ce qui a fait dire la police quil sagissait dunassassinat ? demanda Mr Entwhistle.De nouveau, Mr Parrott eut lair de sexcuser. Oh ! il semble quil ny ait aucun doute. Il parat quon

sest servi dune hachette ou de quelque objet analogue en toutcas, un vrai crime.

Il y a eu vol ?Cest cela mme. On a retrouv une fentre dfonce, les

tiroirs ouverts et quelques petits bijoux ont disparu. Pourtant,aux yeux de la police, laffaire nest pas claire. quelle heure cela sest-il pass ? Entre deux heures et deux heures trente, cet aprs-midi. La gouvernante ? Reading, o elle tait alle changer des livres la

bibliothque municipale. Elle est rentre vers cinq heures et atrouv Mrs Lansquenet, morte. Les policiers aimeraient savoir

si nous connaissons des personnes susceptibles dtre les


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auteurs de lagression. Je leur ai rpondu la voix deMr Parrott trahissait lindignationque ctait peu probable.

Oui, bien sr.Ce doit tre un rustre simple desprit qui pensait pouvoir

trouver quelque chose voler et qui, perdant la tte, sest jetsur elle. Cest ainsi que les choses ont d se passer, nest-ce pasvotre avis, Entwhistle ?

Oui, ouiMr Entwhistle rpondait, lesprit ailleurs. Parrott a raison,

pensait-il. Cest ainsi que les choses ont d se passer Mais, de nouveau, il voqua avec un malaise la phrase

prononce par la voix claironnante de Cora :

Mais il a bien t assassin, nest-ce pas ? Quelle sotte que cette Cora, mettant les pieds dans le plat,

laissant chapper des vrits quelle aurait mieux fait de garderpour elle.

Des vrits.Encore cette maudite formule

*

* *

Mr Entwhistle et linspecteur Morton changrent un regarddestime mutuelle.

Mr Entwhistle, avec cette faon prcise et soigneuse qui taitun des traits de son caractre, avait expos linspecteur tousles faits pouvant avoir un rapport avec Cora Lansquenet : sonducation, son mariage, son veuvage, sa situation financire, ses

parents. Mr Timothy Abernethie est le seul frre qui lui reste et sonplus proche parent, mais cest un reclus, un infirme, incapablede quitter son domicile. Il ma charg de prendre toutes lesdispositions ncessaires.

Linspecteur approuva de la tte.Daprs ce qua dclar Miss Gilchrist, dit-il, jai cru

comprendre que Mrs Lansquenet stait rendue dans le Nord, la

veille de sa mort, pour assister aux obsques de son frre an ?En effet, inspecteur. Jy tais moi-mme.


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Mr Entwhistle, nous sommes en prsence dun cas difficile comprendre. Supposons que quelquun ait vu Miss Gilchristsortir de la maison vers deux heures de laprs-midi et se dirigervers le village et larrt de lautobus. Alors, ce quelquun se saisit

dlibrment dune hachette qui trane dans le hangar, sen sertpour enfoncer la fentre de la cuisine, pntre dans la maison,monte ltage suprieur et attaque Mrs Lansquenet, avecsauvagerie puisque la victime a reu six ou huit coups de cettearme.

Mr Entwhistle frona les sourcils.Oui, poursuivit linspecteur, un crime sauvage. Alors,

lintrus ouvre plusieurs tiroirs, rafle quelques babioles valant

peine quelques sous et sclipse. Elle tait dans son lit ?Oui. Il semble quelle soit rentre trs tard de son voyage

dans le nord, la veille au soir, puise et agite. Jai crucomprendre quelle avait hrit de quelque chose ?

En effet.Elle dormit trs mal et, le matin, souffrait dun violent mal

de tte. Elle but plusieurs tasses de th, absorba des cachets

pour sa migraine et pria Miss Gilchrist de ne pas la drangerjusqu lheure du djeuner. ce moment-l, elle ne se sentitpas mieux et prit deux comprims de somnifre. Puis, elleenvoya Miss Gilchrist Reading, pour changer des livres labibliothque. Elle devait tre assoupie, sinon tout faitendormie, lorsque lhomme pntra chez elle. Il aurait pusemparer de ce quil cherchait en usant de menaces, ougalement la billonner. Pourquoi, dans ces conditions, stre

empar dune hachette ? Il a peut-tre voulu simplement lui faire peur, suggraMr Entwhistle. Sil y avait des signes de lutte

Selon le rapport mdical, il ne semble pas que la victimeait oppos de rsistance. Tout porte croire quelle taitcouche et dormait paisiblement au moment de lagression.

Mal son aise, Mr Entwhistle remua sur sa chaise. Ce genre de crime sauvage et sans motif nest pas rare,

nest-ce pas ?


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Oh ! bien sr. Et cest probablement ainsi que laffairesest droule. Mais nous devons rechercher toutes lespersonnes suspectes. Nous sommes certains que nul, parmi lesgens du pays, nest mettre en cause. Les rapports sont

concluants : la plupart des gens de la rgion se trouvaient leurtravail au moment du crime. videmment, la villa de la victimeest en haut dun sentier et en dehors du village proprement dit,et il existe tout un labyrinthe de chemins ceinturant le bourg. Ilfaisait beau et la pluie ntait pas tombe depuis plusieurs jours,aussi navons nous relev aucune trace de pneus de voiture, sitoutefois quelquun est venu par l en automobile.

Pensez-vous vraiment que quelquun soit venu en

voiture ? demanda vivement Mr Entwhistle.Linspecteur haussa les paules :Je lignore. Tout ce que je sais, cest que cette affaire

prsente des lments troubles. Ainsi (Il tendit soninterlocuteur une poigne dobjets quil posa sur le bureau : unebroche en forme de trfle, un collier de petites perles et unbracelet grenat) voici les babioles qui ont t enleves ducoffre bijoux de Mrs Lansquenet et que nous avons

dcouvertes dans un buisson devant la maison. Curieux, en effet. Peut-tre le meurtrier a-t-il pris peur Peut-tre. Mais, dans ce cas, il les aurait abandonnes l-

haut, dans la chambre. Bien sr, il a pu tre pris de paniqueentre le moment o il a quitt la chambre et celui o il a atteintla porte de sortie de la maison.

Ou bien, ainsi que vous avez sembl le suggrer, cesbricoles voles ont servi de trompe-lil, mit doucement

Mr Entwhistle. Oui, il y a plusieurs possibilits. Il se peut aussi que cetteMiss Gilchrist soit la coupable. Deux femmes vivant ensemblequi sait quelles querelles, quelles passions peuvent natre decette intimit ? Bien entendu, nous avons aussi envisag cettedernire ventualit, mais elle nous parat peu vraisemblable.Daprs ce que nous avons appris, elles entretenaient desrelations de grande amiti.

Linspecteur se tut un instant avant de reprendre.


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Daprs vous, personne navait intrt ce queMrs Lansquenet mourt ?

Sur sa chaise, lavou changea pniblement de position :Je nai pas dit tout fait cela.

Linspecteur Morton lui jeta un regard vif. Je croyais que vous aviez dit que la source de revenus de

Miss Lansquenet consistait en une rente que lui avait alloueson frre et que, en ce qui la concernait, elle navait aucunefortune.

Cest exact. Lorsque son mari est mort, il tait en pleinebanqueroute, et, telle que je la connaissais aujourdhui etlorsquelle tait jeune fille, je doute quelle ait mis de largent de

ct. Sa villa ne lui appartenait pas ; elle la louait seulement.Quant aux quelques meubles quelle contient, ilny a vraimentpas de quoi fouetter un chat, mme de nos jours. Celui qui enhritera ne fera pas une affaire merveilleuse. Si, toutefois, elle afait un testament.

Mr. Entwhistle hocha la tte.Jignore tout de ses dernires volonts, dit-il. Il y a des

annes que je ne lavais pas revue, vous savez.

Mais alors, quavez-vous voulu insinuer, tout lheure ?Quelque chose vous trottait par la tte, nest-ce pas ? Oui, videmment. Je voulais me montrer aussi prcis que

possible. Faisiez-vous allusion ce legs ? Je veux parler de ce que

lui a laiss son frre. Pouvait-elle en disposer par testament ?Non, pas dans le sens o vous lentendez. Elle navait

aucun droit de disposer de ce capital. Maintenant quelle est

morte, ce capital sera rparti entre les cinq autres hritiers.Chacun bnficiera donc automatiquement de la mort de CoraLansquenet. Tel tait le fond de ma pense.

Linspecteur parut dsappoint. Je vous voyais dj sur une piste, dit-il, Bref, il ne semble

pas quil y ait eu de mobile justifiant une agression hachette enmain. Il apparat plutt que nous avons affaire un dtraqu ;peut-tre un de ces jeunes criminels irresponsables, comme il

en existe pas mal de nos jours. Pris de panique, il a fourr lesobjets vols dans un buisson avant de dtaler. Oui, ce doit tre


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a. moins que Miss Gilchrist ne soit la vraie coupable, ce qui, mon sens, est peu vraisemblable.

quel moment a-t-elle dcouvert le corps ? Pas avant cinq heures, ou presque ; elle est rentre de

Reading par le car de quatre heures cinquante. Arrive la villa,elle sest dabord rendue dans la cuisine o elle a mis de leau bouillir pour le th. Aucun bruit ne provenant de la chambre coucher de Mrs Lansquenet, elle pensa que celle-ci dormaittoujours. Cest alors quelle remarqua la fentre de la cuisine ;des morceaux de verre jonchaient le sol. Mme ce moment-l,elle songea que ces dgts avaient t causs par la fronde ou laballe dun gamin. Ensuite, elle monta ltage suprieur et,

doucement, passa la tte par la porte de la chambre, o devaitreposer Mrs Lansquenet, pour lui demander si elle dsiraitprendre une tasse de th. Vous devinez la suite : Miss Gilchristpoussa un hurlement et, quittant la maison, dvala lallejusquau plus proche voisin. Sa version de laffaire a lairparfaitement cohrente et nous navons relev aucune trace desang dans sa chambre, ni dans la salle de bains, pas plus que surses vtements. Non, je ne crois vraiment pas quelle puisse tre

incrimine dans cette histoire. Le mdecin est arriv dix-sept heures trente. Selon lui, lamort a eu lieu entre quatorze heures et seize heures trente etplus probablement vers quatorze heures.

Le visage de lavou se crispa lgrement. LinspecteurMorton poursuivit :

Vous allez faire une visite Miss Gilchrist, je suppose ?En effet, ctait mon intention.

Jen serais heureux. Je crois quelle nous a dit tout cequelle savait, mais on ne sait jamais. Au cours de votreconversation avec elle, il pourrait ressortir un fait nouveau. Ellefait un peu vieille fille, mais ma paru sense et objective.

Linspecteur fit une pause, puis il ajouta :Le corps est la morgue. Si vous dsirez le voirSans grand enthousiasme, Mr Entwhistle acquiesa.Quelques instants plus tard, lhomme de loi se tenait devant

la dpouille mortelle de Cora Lansquenet. Le meurtrier staitconduit avec sauvagerie. Le sang stait agglutin la frange


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durcie de ses cheveux teints. cur, il serra les lvres etdtourna les yeux.

Pauvre petite Cora Elle qui, lavant-veille, stait montre sianxieuse de savoir si son frre lui avait laiss quelque chose !

Elle avait d en faire de jolis projets ; tous les rves stupidesquelle aurait raliss avec cet argent !

Pauvre Cora Ses rves furent decourte dure la rflexion, Mr Entwhistle se dit que personne navait

profit de sa mort, pas mme cette brute dagresseur qui staitdbarrass des babioles voles. Cinq personnes voyaientmaintenant leur capital saugmenter de quelques milliers delivres, mais ce que leur avait laiss Richard Abernethie leur

suffisait amplement. Non, ce ntait pas de ce ct quil fallaitrechercher un mobile.

trange cette ide dun meurtre qui lui tait venue la veillede sa propre mort !

Mais il a bien t assassin, nest-ce pas ? Suggestion parfaitement ridicule, trop ridicule mme pour

quon en parlt linspecteur Morton.Aprs avoir rencontr Miss Gilchrist, il verrait

Et si chose peu probable Miss Gilchrist fournissaitquelque indice permettant de savoir ce que Richard avait dit Cora ?

Daprs ce quil a dit, javais compris Quavait donc ditRichard ?

Il faut que jaille voir Miss Gilchrist immdiatement ,dcida-t-il.

** *

Miss Gilchrist tait une personne maigre et fane, auxcheveux courts, dun gris fer. Son visage aux traits imprcis taitcelui de beaucoup de femmes frisant la cinquantaine.

Elle accueillit Mr Entwhistle avec chaleur. Je suis si heureuse que vous soyez venu, Mr Entwhistle,

scria-t-elle. Je sais si peu de choses sur la famille de


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Mrs Lansquenet, et, bien entendu, je nai jamais t mle uneaffaire de meurtre. Quelle chose affreuse !

Mr Entwhistle tait, en effet, persuad que ctait la premirefois que la vieille fille se trouvait mle un assassinat.

On ne sait que ce quen disent les journaux, bien sr,ajouta-t-elle, et mme, je ne raffole pas de ce genre delittrature il y a des crimes si crapuleux.

Tout en la suivant dans le petit salon, Mr Entwhistle jetait unregard aigu tout autour de lui. Il flottait une odeur de peinture lhuile. La maison tait encombre, non pas de meubles, mais detableaux (les murs en taient surchargs) peintures sombreset poussireuses pour la plupart. et l, quelques aquarelles et

deux natures mortes. Des cadres plus petits taient empils surla banquette devant la fentre.

Mrs Lansquenet les achetait des ventes aux enchres,expliqua Miss Gilchrist. Elle adorait courir les ventes, cettepauvre chre amie. Elle disait toujours que ce tableau-l tait unprimitif italien qui devait valoir beaucoup dargent.

Mr Entwhistle considra le primitif en question que luimontrait du doigt une Miss Gilchrist peu convaincue de

lauthenticit de l'uvre. Il songea que Cora ne sy tait jamaisentendue en matire de peinture. Il voulait bien tre pendu siune de ces crotes valait au plus un billet de cinq livres.

Moi-mme je ne suis pas trs comptente, ajoutaMiss Gilchrist qui avait devin la pense de lavou. Pourtant,mon pre tait peintre ; mais sa renomme na jamais t biengrande. Jai mme fait un peu daquarelle quand jtais jeunefille et Mrs Lansquenet tait heureuse de pouvoir parler de sa

marotte avec quelquun qui la comprenait. Pauvre amie, elleraffolait de tout ce qui touchait lart.Vous laimiez beaucoup ?Question ridicule, se dit-il. Pouvait-elle rpondre non ! Mais

Cora devait tre, de son vivant, une personne bien fatigante vivre.

Oh ! oui, rpondit Miss Gilchrist. Nous nous entendionstrs bien. Par de nombreux cts, Mrs Lansquenet tait trs

enfant. Elle disait tout ce qui lui passait par la tte, mais je me


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suis souvent demand si, parfois, elle ne manquait pas dejugement.

Il ne faut pas mdire des morts, dit Mr Entwhistle, mais mon sens, ctait une femme parfaitement stupide ; en tout cas,

elle navait rien dune intellectuelle. Peut-tre avez-vous raison, mais, monsieur Entwhistle,

elle tait trs maligne. Jai souvent t bien tonne de voircombien il lui arrivait de tomber juste.

Miss Gilchrist commenait intresser lhomme de loi, quise dit quelle non plus ntait pas une sotte.

Il y a plusieurs annes que vous viviez avec elle, je crois ?demanda-t-il.

Trois ans et demi.Vous euh tiez une sorte de dame de compagnie et

faisiez galement euh ! enfin, vous vous occupiez de lamaison ?

De toute vidence, Mr Entwhistle venait daborder unequestion dlicate, car il remarqua que Miss Gilchrist rougissaitlgrement.

Oui, en effet. Je faisais presque toujours la cuisine

jadore cuisiner, dailleurset moccupais un peu du mnage bien sr, pas les gros travaux ; ctait Mrs Panter, du village, quisen chargeait. Voyez-vous, Mr Entwhistle, je naurais jamaissupport quon me considrt comme une bonne. Quand monpetit salon de th a fait faillite quelle catastrophe ! noustions en guerre. Ctait un endroit charmant. Je lavais baptisLe Saule et tous les motifs dessins de la vaissellereprsentaient des saules peints en bleu ; ctait trs joli. En

somme, je ne me dbrouillais pas mal, dautant plus que mesgteaux taient bons. Jai toujours eu un bon coup de main pourla ptisserie. Alors la guerre est arrive, le ravitaillement estdevenu difficile et jai fait faillite, ce sont l des malheurs deguerre, cest ce que jessaie toujours de me dire. Largent quemon pre mavait laiss et que javais investi dans cette affaire afondu, aussi ai-je d chercher un emploi. Mon ducation nemavait oriente vers aucune spcialit. Je suis alle chez une

dame, mais je ny suis pas reste : elle tait beaucoup tropbrusque et arrogante. Jai fait ensuite des travaux de bureau,


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mais je naimais pas a. Alors, je me suis rendue chezMrs Lansquenet et, tout de suite, nous nous sommes entendues,du fait que son mari tait un artiste et pour bien dautresraisons.

Essouffle, Miss Gilchrist se tut un instant, puis elle ajoutasur un ton funbre :

Mais comme jai regrett mon cher petit salon de th ! Il yvenait tant de gens agrables ! Vraiment, je parle beaucoup tropde moi-mme. La police sest montre trs aimable avec moi etpleine de considration. Un certain inspecteur Morton est venume voir, il a t trs comprhensif. Il ma mme offert de fairedes dmarches pour me permettre daller passer la nuit chez

Mrs Lake, en bas du sentier, mais jai dit : Non . Jai sentiquil tait de mon devoir de rester ici, avec toutes les jolieschoses appartenant Mrs Lansquenet.

Alors, ils ont emport le (la voix de Miss Gilchriststrangla un peu) le corps, puis ils ont ferm la porte clef.Ensuite, linspecteur ma prvenue quun agent de policeresterait toute la nuit en faction dans la cuisine cause de lafentre brise. Je suis contente quon lait rpare ce matin O

en tais-je ? Ah ! oui. Jai dclar que je serais trs bien dans machambre, ce qui ne ma pas empche de tirer la commodedevant la porte et de mettre une grande cruche pleine deau surle rebord intrieur de la fentre. On ne sait jamais ! sil sagissaitdune espce de maniaque. On entend parler de choses sitranges aujourdhui

Miss Gilchrist se tut enfin. Mr Entwhistle en profita pourdire vivement :

Je me trouve en possession des lments essentiels delaffaire que je tiens de linspecteur Morton. Toutefois, si cela nevous est pas trop pnible, jaimerais bien connatre votre pointde vue

Mais bien sr, monsieur Entwhistle. Je me rends compteexactement de ce que vous ressentez. Les policiers ont desmanires si impersonnelles, nest-ce pas votre avis ?

Mrs Lansquenet est bien rentre des obsques avant-hier

soir ? demanda lavou.


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Oui. Son train est arriv tard. Javais command un taxi,comme elle men avait prie. Pauvre amie, elle tait trsfatigue cela se comprenait mais dans lensemble, dansdexcellentes dispositions morales.

Bon, bon. A-t-elle parl des obsques ?Rien quun peu. Je lui ai servi une tasse de lait chaud

cest tout ce quelle voulait prendre, elle ma dit ensuite quelglise tait pleine de gens, quil y avait eu des quantits defleurs. Et puis, elle regrettait de navoir pas vu son autre frre Timothy, je crois ?

Oui, Timothy.Elle disait quil y avait vingt ans quelle ne lavait pas revu

et quelle aurait aim quil ft l, mais elle se rendait compte quectait mieux ainsi, tant donn les circonstances, mais safemme tait prsente ; puis elle a ajout quelle ne pouvait passupporter Maude Oh ! mon Dieu ! je vous demande pardon,monsieur Entwhistle. a ma chapp, je ne voulais vraimentpas

Pas du tout, pas du tout, reprit Mr Entwhistle dun tonencourageant. Je ne suis pas un parent, vous savez. Je crois, en

effet, que a nallait pas fort entre Cora et sa belle-sur.Cest peu prs ce quelle a dit. Elle a mme conclu : Jesavais bien que Maude finirait par devenir une de ces femmesautoritaires qui se mlent de ce qui ne les regarde pas. Ensuite, elle a parl de sa grande fatigue et a dcid daller secoucher aussitt. Je lui ai prpar une bouillotte et elle estmonte dans sa chambre.

Elle na rien ajout qui vous ait particulirement frappe ?

Elle navait aucun pressentiment, monsieur Entwhistle, sicest cela que vous avez en tte. Jen suis certaine. En dehors desa fatigue et des tristes circonstances, elle tait en bonnesdispositions desprit. Elle ma demand si cela me plairait daller Capri. Capri ! videmment , ai-je rpondu, ce seraitmerveilleux. Cest un rve que je naurais jamais cru voir seraliser. Eh bien, nous irons ! a-t-elle dclar. Je pensaialors quoiquelle ne men ait pas parl que son frre lui avait

laiss une rente, ou quelque chose danalogue.Mr Entwhistle approuva de la tte.


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Pauvre chre amie ! En tout cas, je suis heureuse de savoirquelle a pu faire de jolis projets.

Miss Gilchrist sinterrompit pour soupirer, puis ellemurmura dun ton de regret :

Je pense que je nirai jamais Capri, maintenant Et le lendemain matin ? demanda vivement Mr Entwhistle

sourd au dsappointement de Miss Gilchrist.Le lendemain matin, elle nallait pas bien du tout. Sa mine

tait vraiment impossible. Elle avait pass une trs mauvaisenuit, me dit-elle. Des cauchemars. Cest parce que vous tieztrop fatigue, hier soir , ai-je suggr. Alors elle ma rponduque javais sans doute raison. Elle a pris son petit djeuner au lit

et est reste couche toute la matine. lheure du djeuner,elle mapprit quelle navait toujours pas pu dormir. Je mesens si agite, je ne cesse de rflchir, de me poser desquestions ; voil ce quelle ma dit. Puis elle dcida de prendredes comprims de somnifre pour pouvoir se reposer laprs-midi. Elle voulait que jaille Reading par le car pour changerdeux livres la bibliothque. Elle les avait termins durant levoyage en train et navait plus rien lire. Dhabitude deux

volumes lui faisaient presque une semaine. Je suis donc partieun peu aprs deux heures et ce fut la dernire la dernirefois

Miss Gilchrist commena renifler.Elle devait tre endormie, vous savez. Elle na rien d

entendre et linspecteur ma certifi quelle navait pas souffertIl pense que le premier coup la tue. Oh ! mon Dieu ! Je suismalade rien que dy songer !

Je vous en prie, je vous en prie. Je ne veux pas vous endemander plus long sur ce qui sest pass. Je dsire seulementconnatre ce que vous savez de Mrs Lansquenet avant le drame.

Cest tout naturel. Vous pouvez dire sa famille qu partla mauvaise nuit quelle a passe, elle tait vraiment trsheureuse et faisait des projets davenir.

Mr Entwhistle observa un temps darrt avant de poser laquestion suivante. Il ne voulait pas influencer son tmoin.

Elle na pas parl dun membre de sa famille enparticulier ?


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Non, non. Je ne crois pas (Miss Gilchrist considra laquestion.) Elle a seulement dplor labsence de son frreTimothy.

Na-t-elle rien dit de la mort de son frre ? La euh la

cause de sa mort, par exemple. Non.Aucune trace dmotion napparut sur le visage de la vieille

fille. Mr Entwhistle pensa quelle se serait trahie si Cora avaitlaiss chapper son verdict dassassinat.

Il y avait dj quelque temps quil tait souffrant, nest-cepas ? Sa mort ma tout de mme surprise. Il avait lair sivigoureux !

Vous laviez vu ? Quand ? demanda vivementMr Entwhistle.

Mais lorsquil est venu voir Mrs Lansquenet. Voyons, ildoit y avoir trois semaines.

Il a couch ici ? Oh ! non, il a seulement djeun. Ctait une surprise,

Mrs Lansquenet ne lattendait pas. Jai cru comprendre quil yavait eu quelque dsaccord dans la famille. Daprs ce quelle

ma dit, elle ne lavait pas revu depuis des annes. Oui, en effet. Elle a t toute bouleverse de le revoir, sachant sans

doute quel point il tait maladeElle savait quil tait souffrant ?Oui, je men souviens trs bien, parce qu ce moment-l,

je me suis demand si peut-tre Mr Abernethie ne souffrait pasdune espce de ramollissement du cerveau. Une de mes

tantesPrestement, Mr Entwhistle carta le sujet de la tante. Mrs Lansquenet vous a-t-elle dit quelque chose qui vous a

fait penser un ramollissement du cerveau ? Oui. Je me souviens que Mrs Lansquenet ma dit peu

prs : Pauvre Richard, la mort de Mortimer semble lavoirbeaucoup vieilli. On dirait quil devient snile, avec son dlire dela perscution, et cette obsession qui lui fait croire que

quelquun veut lempoisonner. Voil comme on est quand on sefait vieux. En effet, ce nest que trop vrai. Ainsi la tante dont je


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vous parlais tout lheure, tait convaincue que ses domestiquesessayaient de mettre du poison dans ses aliments et ne voulaitplus manger que des ufs la coque, parce que, affirmait-elle, ilest impossible dintroduire du poison lintrieur dun uf. On

se pliait ses fantaisies, mais quaurions-nous fait si elle avaitvcu en ce moment, avec le rationnement des ufs qui,dailleurs, nous viennent de ltranger et ne supportent pasdtre servis la coque

Mr Entwhistle coutait lhistoire de la tante de Miss Gilchristdune oreille lointaine. Il se sentait extrmement troubl.

Je suppose que Mrs Lansquenet na pas pris la chose tropau srieux, dit-il enfin.

Oh ! non, monsieur Entwhistle ! Elle comprenait trs bien.Lavou fut encore troubl par cette remarque, car il ne la

prit pas dans le sens o lentendait Miss Gilchrist.Cora Lansquenet avait-elle compris ? Peut-tre pas ce

moment-l, mais plus tard ? Navait-elle que trop biencompris ?

Lhomme de loi savait pertinemment que RichardAbernethie ne souffrait pas de snilit. Richard tait en pleine

possession de ses facults, il ntait pas homme avoir le dlirede la perscution. Ctait, comme il lavait toujours t, unhomme daffaires la tte solide et sa maladie ny avait rienchang.

Il tait extraordinaire de penser que Richard Abernethie aitpu sexprimer dans ces termes devant sa sur, mais il sepouvait que Cora, avec sa singulire facult, propre aux enfants,daltrer la vrit, et quelque peu dform la pense de son

frre.Sous maints rapports, pensait Mr Entwhistle, Cora staitmontre stupide. Elle navait aucun jugement, aucune logique etune vue enfantine des choses ; cependant, elle possdaitgalement ce talent mystrieux, particulier aux jeunes, de taperparfois dans le mille.

Il nalla pas plus loin dans ses rflexions. Il estima queMiss Gilchrist avait dit tout ce quelle savait. Il lui demanda

ensuite si elle avait connaissance dun testament que Cora


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aurait fait. La vieille fille rpondit aussitt que Mrs Lansquenetlavait dpos sa banque.

L-dessus, et aprs avoir pris quelques dispositions pourlavenir, lavou prit cong. Il insista pour que Miss Gilchrist

acceptt une petite somme dargent liquide pour quelle ptfaire face aux dpenses de lheure; il lui dclara quil se mettraitde nouveau en rapport avec elle, et ajouta quil lui seraitreconnaissant si, en attendant de trouver un nouvel emploi, ellevoulait bien rester la villa. Cette proposition convint Miss Gilchrist, qui assura quelle naurait pas peur dans lamaison.

Mais il ne put sen aller avant quelle lui et fait faire le tour

du propritaire et montr les tableaux de feu Pierre Lansquenetqui encombraient la petite salle manger et donnrent lefrisson lavou. Ctaient surtout des nus ne tmoignantdaucun talent de dessinateur mais cependant trs fidles dansles dtails. Elle lui fit admirer nombre de peintures lhuilereprsentant de pittoresques ports de pche et excuts parCora elle-mme.

a, cest Polperro, expliqua Miss Gilchrist avec fiert.

Nous y tions lan dernier et Mrs Lansquenet avait t frappepar sa couleur locale. Elle mavait promis de me lguer ses croquis, ajouta-t-elle

avec une nuance denvie. Je les admirais tellement. Mme si elleavait oubli sa promesse, peut-tre pourrais-je en avoir un,comme souvenir ?

Je suis certain que cela pourra sarranger, la rassuraMr Entwhistle, qui la quitta peu aprs pour se rendre dabord

la banque o il voulait un entretien avec le directeur, ensuite aubureau de linspecteur Morton.


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CHAPITRE V

Compltement reint, voil ce que tu es, dclaraMiss Entwhistle du ton autoritaire dune sur dvoue quisoccupe de la maison de son frre. Tu devrais te mnager unpeu plus, ton ge. Je me demande en quoi cela te regarde ; tues la retraite, nest-ce pas ?

Mr Entwhistle souffla timidement que Richard Abernethieavait t lun de ses plus vieux amis.

Daccord. Mais il est mort, maintenant. Je ne vois doncpas pourquoi tu tiens te mler de choses qui ne te concernentpas et attraper ce froid de la mort dans les courants dair deces sales trains. Cest un meurtre ! Je ne comprends paspourquoi on ta fait appeler, dailleurs.

Ils se sont mis en rapport avec moi parce quon a trouvune lettre de moi, informant Cora des dispositions qui avaientt prises pour les obsques.

Obsques ! propos, cela me rappelle quun de tes chersAbernethie ta tlphonun Timothy, je crois. Il appelait dunendroit dans le Yorkshire et il a parl dun autre enterrement. Ila dit quil rappellerait plus tard.

Le soir mme, Mr Entwhistle reut un appel tlphonique. lautre bout du fil, Maude Abernethie se fit entendre.

Dieu merci, je vous ai enfin trouv ! La nouvelle de la mortde Cora a boulevers Timothy !

Cest tout fait comprhensible, rpondit-il. Elle a vraiment t assassine ? Et avec une hachette,

daprs ce quon a crit dans les journaux ? Oui. Je suis inquite propos de Timothy, reprit Maude. Tout

cela lui fait beaucoup de mal. Je viens de le mettre au lit, mais

avant de consentir se coucher, il a bien insist pour que jevous persuade de venir le voir. Il y a mille choses quil veut


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savoir sil y aura enqute, qui y assistera, quel momentlenterrement aura lieu, si Cora a demand tre ou nonincinre, si elle a laiss un testament

Mr Entwhistle jugea bon de lui couper la parole :

Il existe un testament. Elle a dsign Timothy commeexcuteur testamentaire.

Oh ! mon Dieu ! Jai bien peur que Timothy soit incapabledentreprendre quoi que ce soit

La firme soccupera de toute cette affaire. Le testament esttrs simple. Elle laisse ses esquisses et sa broche damthyste sa dame de compagnie, Miss Gilchrist, et tout le reste Suzan.

Suzan ? Je me demande bien pourquoi. Je crois bien

quelle navait jamais vu Suzan, pas depuis quelle tait toutepetite en tout cas !

Jimagine que cest parce quon disait que Suzan avait faitun mariage qui ne plaisait pas particulirement la famille.

Maude reniflait bruyamment :Gregory est quand mme mieux que ne ltait Pierre

Lansquenet, dit-elle. videmment, le fait dpouser un hommeservant dans un magasin et t inconcevable de mon temps,

mais une pharmacie est quand mme autre chose quunemercerie et, de plus, Gregory a lair dun individu parfaitementrespectable.

Elle se tut un instant, puis reprit : Mais cela peut-il expliquer que Suzan hrite de la pension

que Cora tient de son frre ? Le capital sera rparti selon les dispositions

testamentaires de Richard. Non, la pauvre Cora navait lguer

que quelques centaines de livres et le mobilier de la villa. Unefois ses dettes payes et les meubles vendus, je doute que le toutdpasse une valeur de cinq cents livres. Il y aura enqute, bienentendu, ajouta lavou, enqute prvue pour jeudi prochain. SiTimothy ny voit pas dinconvnient, nous chargerons le jeuneLloyd de soccuper de tout au nom de la famille.

Comme sil sexcusait, Mr Entwhistle ajouta :Je crains que cette affaire ne fasse quelque bruit euh !

tant donn les circonstances.


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Toute cette histoire est bien dsagrable. A-t-on dcouvertle misrable

Non, pas encore.La police nest vraiment pas la hauteur.

Mais non, mais non, les gens de la police sontparfaitement comptents. Nallez pas croire le contraire.

En tout cas, tout cela me parat extraordinaire, et bienprouvant pour Timothy. Vous ne prvoyez pas de venir nousvoir, par hasard, Mr Entwhistle. Jen serais personnellementtrs heureuse et je suis sre que votre venue apaiserait un peuTimothy.

Lhomme de loi resta un instant sans rpondre ; cette invite

ne lui agrait pas particulirement. Vous avez peut-tre raison, finit-il par dire. Jaurai, en

effet, besoin que Timothy, en tant quexcuteur testamentaire,me signe quelques documents. Oui, je pense que ce sera unebonne chose de venir vous voir.

Magnifique ! Je me sens tellement soulage. Demain ? Etvous passerez la nuit la maison ? Il y a un bon train qui part dela gare de St Pancrace onze heures vingt.

Oh ! je ne pourrai prendre que le train de laprs-midi,prcisa lavou, car jai quelques affaires rgler dans lamatine.

** *

Ce fut avec chaleur, mais peut-tre aussi avec un peu de

surprise, que George Crossfield accueillit Mr Entwhistle.Jarrive de Lytchett St Mary, dclara celui-ci, comme silvoulait justifier sa visite, mais, la vrit, sa remarquenexpliquait rien du tout.

Il sagissait donc de tante Cora ? Jai lu toute laffaire dansles journaux et je nen suis pas revenu. Jai cru dabord quiltait question dun homonyme.

Lansquenet nest pourtant pas un nom trs courant.

Non, bien sr. Jimagine quil doit y avoir une tendanceinstinctive qui pousse les gens croire que lassassinat dun


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membre de leur famille est chose impossible. Tout cela merappelle un peu laffaire qui sest droule Dartmoor le moisdernier.

Vraiment ?

Oui, et les circonstances du drame taient identiques. Unevilla isole, deux dames ges vivant sous le mme toit, voldune somme dargent vraiment drisoire.

La valeur de largent est toujours relative. Tout dpend desbesoins de lindividu.

Oui, vous avez sans doute raison. Si vous avez vraiment besoin de dix livres, quinze livres

vous paratront amplement suffisantes et inversement, sil

vous en faut cent, vous naurez que faire de quarante-cinq livres. plus fort raison si vous en voulez mille, quelques centaines nevous suffiront pas.

Une lueur apparut dans les yeux de George. mon avis, dit-il, tout argent est bon prendre de nos

jours, quelle que soit la somme. Tout le monde est fauch Mais non dsespr, prcisa Mr Entwhistle. Le

dsespoir compte plus que la gne pcuniaire.

Pensez-vous quelque chose en particulier ? Oh ! non, pas du tout, dit lavou, qui, aprs une courtepause, ajouta : La fortune de Richard ne sera pas convertie enliquide avant quelque temps. Cela vous arrangerait-il dobtenirune petite avance ?

Jallais effectivement soulever cette question avec vous.Dailleurs, je suis all voir les gens de la banque ce matin. Je mesuis recommand de vous et ils ont consenti me faire une

avance.La mme petite lueur dansa de nouveau dans les yeux deGeorge. Mr Entwhistle fut, cet instant, persuad que le jeunehomme se trouvait dans une situation financire sinondsespre, du moins trs difficile. Il se demanda si RichardAbernethie, grand connaisseur, lui aussi, de la nature humaine,avait senti cela. Lhomme de loi tait peu prs persuadquaprs la mort de Mortimer, Richard avait eu lintention de

faire de son neveu son hritier. George ne portait pas le nomdAbernethie, mais ctait le seul reprsentant masculin de la


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jeune gnration, donc, logiquement, le successeur deMortimer. Dautre part, Richard avait demand son neveu devenir passer quelques jours Enderby Hall. Il semblait qu lafin du sjour de George, celui-ci nait pas donn satisfaction

loncle. Avait-il senti instinctivement comme venait de le faireMr Entwhistle que le jeune Crossfield ne marchait pas droit ?Selon lopinion de tous les membres de la famille Abernethie,Laura navait pas eu la main heureuse en pousant RexCrossfield, ce courtier en bourse aux activits assezmystrieuses. George tenait plus de son pre que desAbernethie.

Peut-tre le jeune homme interprta-t-il mal le silence du

vieil homme de loi. Toujours est-il quil eut un rire gn. la vrit, dit-il, je nai pas eu de chance avec mes

placements, ces derniers temps. Jai pris quelques risques quine mont rien apport. En fait, je suis plus ou moins nettoy.Mais je vais pouvoir me refaire ; maintenant, tout ce quil faut,cest un petit capital. LesArdents Consolidatedsont des actionssolides, nest-ce pas ?

Mr Entwhistle ne formula pas dopinion. Il se demandait si,

par hasard, George ne se serait pas laiss aller spculer avecde largent appartenant ses clients. Et si George risquait dtrepoursuivi

Jai essay de vous toucher le lendemain des obsques,poursuivit lavou. Vous ntiez pas votre bureau?

Ah ! oui ? Je nen ai rien su. vrai dire, javais pens queje pouvais moffrir un jour de cong aprs la bonne nouvelle

La bonne nouvelle ?

George rougit. Dites donc ! Je ne parlais pas de la mort de loncleRichard. Mais quand on apprend quon va rentrer dans un peudargent, cela vous moustille, pas vrai ? On a envie de fter a.En fait, je suis all Hurst Park et jai mis sur deux gagnantsOh ! une affaire dune cinquantaine de livres, mais cest toujoursa

Et puis, vous allez encore toucher quelque chose du fait de

la mort de votre tante Cora.George prit un air constern.


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Pauvre fille ! Pas de veine, quand mme. Au momentmme o elle allait, sans doute, pouvoir samuser.

Esprons que la police dcouvrira bientt son meurtrier.Je suis sr quils vont lattraper. Ils sont habiles, dans

notre police. Ils arrtent tous les suspects des environs, lescuisinent et leur demandent ce quils faisaient et o ils taient lheure du crime.

Ce nest pas si facile que vous croyez lorsquil sest djcoul par mal de temps, reprit Mr Entwhistle. (Il prit alors unpetit air pince-sans-rire comme sil allait faire une bonneplaisanterie.) Je me trouvais moi-mme chez Hatchard, lebouquiniste, quinze heures trente, ce jour-l. Men

souviendrais-je si, dans dix jours, la police me questionnait surlemploi de mon temps? Jen doute fort. Et vous-mme, George,tiez-vous Hurst Park ? Vous rappelleriez-vous quel jour vousvous tes rendu aux courses, si on vous questionnait dansdisons un mois ?

Oh ! oui, parce que ctait le lendemain des obsques. Oui, bien entendu. Ainsi, vous avez mis sur deux

gagnants ? Tenez, encore un petit exercice de mmoire on

oublie rarement le nom des chevaux qui vous ont fait gagner comment sappelaient-ils donc ? Voyons : Gaymark et Grog II. Je ne suis pas prs doublier

ces deux noms.

** *

Bien sr, je suis ravie de vous voir, mais il est vraimentterriblement tt.Cest de cette faon peu enthousiaste que Rosamund

accueillit Mr Entwhistle, tout en billant fortement.Il est onze heures, dit lavou.Rosamund billa de nouveau. Nous avons eu une de ces soires ! On a bien trop bu et

Michael sen ressent encore.

Michael Shane parut cet instant, tenant dans sa maindroite une tasse de caf noir. Il avait revtu une robe de


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chambre trs lgante. Sa mine dfaite demeurait sduisante etson sourire conservait son charme habituel. Quant Rosamund,elle avait pass une jupe noire et un chandail jaune plutt sale,et rien dautre, autant que Mr Entwhistle pt en juger.

Lhomme prcis et ennuyeux qutait lavou napprouvaitpas du tout la manire de voir du mnage Shane, lappartementun peu dlabr quil occupait un premier tage, dans lequartier de Chelsea, les bouteilles vides, les verres et les mgotsparpills sur le plancher, lair vici, latmosphre poussireuseet dsordonne.

Au centre de ce fouillis spanouissaient ces deux beauxspcimens humains qutaient Rosamund et Michael. Ils

formaient incontestablement un couple lgant qui, pensaitMr Entwhistle, semblait saimer beaucoup. En tout cas, il taitclair que Rosamund adorait son mari.

Chri, scria la jeune femme, ladresse de Michael, quedirais-tu dune petite gorge de champagne ? Il me semble quea nous remettrait daplomb et ce serait boire notre avenir.Oh ! Mr Entwhistle, quelle merveilleuse chance que loncleRichard nous ait lgu cet argent, en ce moment

Lavou remarqua le rapide froncement de sourcilsrprobateur de Michael, mais Rosamund continua en toutesrnit :

Parce quil y a une admirable pice pour laquelle Michael apris une option. Quel rle magnifique pour lui, et il y en a mmeun petit pour moi. a parle dun de ces jeunes criminels, voussavez, et qui, en ralit, sont des saints ; cest plein dides,dides modernes.

Je men aperois, reconnut Mr Entwhistle avec raideur. Vous savez bien. Il vole, il tue. Alors, il a la police sestrousses, la socit dos et, finalement, il accomplit un miracle.

Mr Entwhistle observa un silence lourd dindignation. Cesjeunes idiots tiennent des propos imbciles et nfastes et ilscrivent de mme , se dit-il.

Michael, lui, ntait pas trs loquace, et sa mine demeuraitlgrement renfrogne. Il finit par dire sa femme :


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Mr Entwhistle se soucie peu de toutes nos dclarations,Rosamund. Tais-toi donc et laisse-le nous apprendre pourquoi ilest venu nous voir.

Enfin lavou put prendre la parole :

Je viens mettre au clair un ou deux points. Jarrive deLytchett St Mary.

Cest donc bien tante Cora qui a t assassine. Nousavons lu a dans les journaux. Je men tais dout parce que sonnom ne court pas les rues. Pauvre vieille tante Cora ! Je laregardais, aux obsques, je me disais quelle tait fagotecomme une vieille sorcire et je me suis fait la rflexion quequand on est comme a on ferait aussi bien de mourir ; eh bien !

elle est morte, maintenant. Ils ne voulaient absolument pas mecroire, hier soir, quand je leur disais que la personne tue avecune hachette, dont parlaient les journaux, tait vraiment matante. Ils se sont contents de me rire au nez ; pas vrai,Michael ?

Michael Shane ne rpondit pas, et Rosamund, dun tontoujours aussi enjou, poursuivit :

Deux meurtres ! Lun aprs lautre! Cest quand mme

trop, nest-ce pas ?Ne sois pas idiote, Rosamund. Ton oncle Richard najamais t assassin.

En tout cas, Cora laffirmait.Mr Entwhistle intervint dans la discussion : Vous tes rentrs Londres aprs les obsques ? Oui, nous tions dans le mme train que vous.Bien sr Bien sr. Je vous demandais a parce que jai

essay dentrer en rapport avec vous (Il jeta un coup dilrapide sur lappareil tlphonique) le lendemain plusieursreprises mme, mais je nai pas eu de rponse.

Oh ! mon Dieu ! Comme je suis navre ! Quavons-nousfait, ce jour-l, cest--dire avant-hier ? Nous sommes rests icijusque vers midi. Toi, tu es sorti pour essayer de trouverRosenheim, puis tu es all djeuner avec Oscar. Quant moi,jai fait les magasins pour essayer de trouver des bas nylon. Je

devais rencontrer Janet, mais nous nous sommes manques.Oui, jai pass un aprs-midi charmant faire des emplettes. Le


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soir, nous avons dn au Castille. Nous avons d rentrer vers dixheures.

Oui, peu prs cette heure-l, confirma Michael. Puis, setournant vers Mr Entwhistle :

Pour quelle raison vouliez-vous entrer en rapport avecnous, ce jour-l, monsieur ?

Oh ! rien que certains points concernant les biens deRichard Abernethie, des papiers signer

Est-ce que nous allons rentrer dans notre argent sur-le-champ ou dans cent sept ans ? demanda Rosamund.

Je crains, rpondit Mr Entwhistle, que la loi nexige desdlais

Mais nous pouvons obtenir une avance, pas vrai ?(Rosamund parut inquite.) Michael a dit que oui. Cest trsimportant pour nous, en ce moment, cause de la pice.

Michael intervint alors dun ton enjou. Oh ! il ny a vraiment pas le feu la maison. Il sagit

seulement de savoir, si oui ou non, nous devons prendre uneoption.

Il est trs facile de vous faire avoir une avance, reprit

lavou. Autant que vous voudrezAlors, cest parfait.Rosamund poussa un soupir de soulagement, puis elle

demanda, comme si lide ne lui en tait venue quaprs coup : Tante Cora a-t-elle laiss quelque chose en mourant ?Oui, un peu. Cest votre cousine Suzan qui hrite. Suzan ? Pourquoi Suzan, je voudrais bien savoir ?

Combien lui a-t-elle laiss ?

Quelques centaines de livres et un peu de mobilier. Du joli mobilier ? Non, fut la rponse de Mr Entwhistle.Alors, Rosamund se dsintressa de la question.Tout cela est curieux, et ctait tout fait dans la manire

de Cora de scrier, aprs les obsques : Mais il a bien tassassin ? Et le lendemain, elle se fait assassiner son tour.Curieux, nest-ce pas ?

Un silence embarrassant suivit, qui fut interrompu parMr Entwhistle.


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Trs curieux, en effet ! approuva-t-il.

** *

Tandis quelle se penchait par-dessus la table et parlait decette faon anime, qui lui tait habituelle, Mr Entwhistletudiait Suzan Banks. Son visage tait sduisant, mais cettesduction provenait de la vitalit mme du sujet, pensait-il.Sous bien des rapports, Suzan lui rappelait loncle RichardAbernethie : la forme de la tte, la courbe de la mchoire, lesyeux enfoncs au regard rflchi. Comme lui, elle possdait

lnergie qui pousse en avant, la prvoyance, le jugement sr.Des trois membres de la jeune gnration, elle seule semblaitappartenir la classe de ceux qui avaient amass la fortune de lafamille Abernethie. Richard avait-il reconnu les affinitsexistant entre lui et sa nice ? Mr Entwhistle le pensait, carRichard avait toujours su bien juger les caractres. Suzanpossdait ces qualits mmes que son oncle recherchait. Etcependant, Richard Abernethie navait fait preuve daucun

favoritisme son gard. Mr Entwhistle se disait que, nayantaucune confiance en George et ngligeant la charmante etcervele Rosamund, Richard aurait pu trouver en Suzanlhritire idale. Pourquoi donc ne lavait-il pas choisie ?Pourquoi, sinon cause de son mari ? Cela tait logique.

Par-dessus lpaule de Suzan, son regard glissa doucementvers Gregory Banks, qui, lair absent, se taillait un crayon.Ctait un tre maigre et ple, aux traits incertains et la

chevelure rousstre ; totalement domin par la personnalit desa femme, le genre dhomme qui dit toujours oui . Lui et safemme formaient un couple trs mal assorti ; Suzan avaitcependant tout fait pour lpouser. Pourquoi ? Que lui avait-elletrouv ?

Suzan sexprimait avec emphase et indignation :Cest vraiment une honte. Vous vous rappelez cette

femme qui a t assassine dans le Yorkshire, lanne dernire ?

Eh bien, personne na t arrt. Et cette autre vieille femme qui


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tenait une confiserie ? Tue dun coup de pince-monseigneur !On a apprhend un individu, puis on la relch !

Il fallait des preuves, chre amie, dit Mr Entwhistle.Sans couter, Suzan poursuivait :

Et cette autre affaire, celle de lancienne nurse, encore unehache, ou une hachette, comme pour tante Cora.

Ah ! mon Dieu ! Suzan, vous semblez trs documente surces crimes, reprit doucement lavou.

Naturellement. On se rappelle ces affaires quandquelquun de votre famille est, son tour, victime dunassassinat analogue. En tout cas, tout cela montre quil existedes tas dindividus qui courent les campagnes, entrent par

effraction chez les gens et sen prennent aux femmes seules.Mais la police ne parat pas sen soucier beaucoup !

Ne sous-estimez pas la police, Suzan. Cest uneorganisation qui compte des hommes trs futs, patients ettenaces.

Pourquoi des centaines de crimes restent impunis chaqueanne ?

Des centaines ? Mr Entwhistle eut un air de doute.

Quelques-uns, oui, mais il existe certains cas o la policeconnat bien le coupable, mais ne possde pas les preuvessuffisantes pour le confondre.

Je nen crois rien, rpliqua la jeune femme. Je suispersuade que si lon connaissait lauteur dun assassinat, onfinirait bien par runir les preuves de culpabilit. Est-ce que lapolice possde quelque indice je parle de la mort de tanteCora sur lidentit de lassassin ?

Je ne saurais vous le dire, et il est peu probable que lespoliciers me fassent des confidences. Il est encore trop tt pourmettre une opinion. Noubliez pas que la mort de votre tantene date que davant-hier

Et la dame de compagnie de Cora ? Na-t-elle rien voirdans cette histoire ? Tante lui a-t-elle laiss quelque chose ?

Oh ! une broche damthyste de quatre sous et quelquescroquis reprsentant des ports de pche dune valeur toute

sentimentale.


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moins que le coupable ne soit un simple desprit, il fautbien quil y ait eu un mobile ?

Mr Entwhistle eut un petit gloussement :Autant quon puisse en juger, rpondit-il, la seule

personne ayant intrt tuer, ctait vous, ma chre Suzan. Quoi ?Gregory venait soudain de savancer. On et dit un dormeur

qui sveille. Dans ses yeux brilla une lueur mauvaise, etbrusquement, il ne fut plus quun personnage falot et de secondplan.

En quoi cela concerne-t-il Suzan ? Quallez-vous insinuer ? Assez, Greg ! Mr Entwhistle na rien voulu insinuer.

Simple plaisanterie, dit lavou en manire dexcuse, etpas du meilleur got, je le reconnais. Cest vous, Suzan, queCora a laiss tout son avoir. Mais pour une jeune femme quivient dhriter de plusieurs centaines de milliers de livres, le legsde votre tante Cora nest pas un mobile suffisant.

Elle ma laiss son argent ? Il y avait de ltonnementdans sa voix. Cest extraordinaire ! Pour quelle raison pensez-vous quelle ait fait cela ? Elle ne me connaissait mme pas.

Elle avait entendu circuler des rumeurs concernantcertaines difficults surgies au moment de votre mariage(Gregory sarrta de nouveau de tailler son crayon et frona lesourcil). Elle-mme avait eu pas mal dennuis au moment de semarier, et je suppose que cela vous avait rapproche delle.

Elle avait pous un artiste ? senquit Suzan. Personne nelaimait dans la famille. Avait-il du talent ?

Mr Entwhistle hocha ngativement la tte.

Y a-t-il des uvres de lui, la villa de Cora ? Oui. Bon. Je jugerai par moi-mme. Je pense quil serait peut-

tre bon quejaille faire un tour l-bas. Y a-t-il quelquun ? Je me suis arrang avec Miss Gilchrist pour quelle garde

la maison jusqu nouvel ordre.Gregory intervint :Il faut quelle ait les nerfs solides pour continuer dhabiter

une villa o un crime vient dtre commis.


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Miss Gilchrist est une personne de bon sens, rpliquaschement lhomme de loi. Dautre part, avant davoir trouvune nouvelle situation, elle ne sait o aller.

taient-elles intimes ?

Assez, je pense. Cora ne la traitait pas comme unedomestique.

Moi, je trouve quelle la traite comme la dernire desdernires. Ces prtendues dames de compagnie sontexploites de nos jours. Je vais essayer de lui trouver quelquechose de convenable. a ne soit pas tre si difficile. Quiconqueveut rendre service, faire un peu de mnage et de cuisine vautson pesant dor aujourdhui. Elle sait faire la cuisine ?

Oh ! oui. La seule chose qui ne lui plat pas, a-t-elledclar, cest le gros travail.

Mr Entwhistle jeta un bref coup dil sa montre et ajouta : Votre tante a choisi Timothy comme son excuteur

testamentaire.La voix de Suzan tait empreinte de mpris lorsquelle

rpondit : Timothy! Loncle Timothy nest quun mythe. On ne le

voit jamais.Derechef, lavou regarda lheure. Je prends le train cet aprs-midi pour aller le voir. Je lui

ferai part de votre dcision de vous rendre la villa de votretante.

Ce sera laffaire dun jour ou deux. Je nai pas lintentionde rester longtemps absente de Londres. Jai plusieurs projetsen vue ; je vais me lancer dans les affaires.

Mr Entwhistle jeta un coup dil au petit salon du minusculeappartement. De toute vidence, Suzan et Gregory taient dansla gne.

Et quels sont vos plans davenir, si je ne suis pasindiscret ?

Jai envue un immeuble dans Cardigan Street, je supposequil serait possible davoir une avance ? Il se pourrait quejeusse verser des acomptes.

Cela pourra sarranger, rpondit lhomme de loi. propos,je vous ai tlphon le lendemain des obsques, mais je nai pu


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obtenir de rponse. Je songeais justement vous offrir uneavance sur lhritage. Vous tiez sans doute alls en ville

Oh ! non ! scria Suzan sans hsiter. Nous navons pasquitt lappartement de toute la journe.

Tu sais, Suzan, dit doucement Gregory, je crois que notretlphone na pas march ce jour-l. Tu te rappelles que je naipas pu avoir la communication avec la maison Hard, laprs-midi ? Je voulais le signaler la compagnie, mais le lendemainmatin la ligne fonctionnait.

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