Les Idées Philosophiques Et Religioses de Philon d'Alexandrie (E. Bréhier)

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  • LES IDESPHILOSOPHIQUES ET RELIGIEUSES

    DE

    PHILON D'ALEXANDRIE

  • LES IDES

    PHILOSOPHIQtES ET RELIGIEIISES

    DE

    PHILON D'ALEXANDRIE

    PAR

    MiLE BRHIERDOCTEUR S LETTRES

    PROFESSEUR AGRG DE PHILOSOPHIE AU LYCE DE LAVAL

    PARIS

    LIBRAIBIE ALPHONSE PICARD & FILS82, RUE BONAPARTE, 82

    1908

  • INTRODUCTION

    On a beaucoup crit sur Philon, et le philonisme reste encorepour une g-rande part inexpliqu. Les uvres de Philon ont euds le dbut de leur histoire une sing-ulire destine ; elles ontd leur conservation, alors que tant d'autres ont pri, l'usag-econstant, qu'en ont fait les apolog-istes chrtiens. Les nombreuxfragments que Ton en retrouve encore dans les Florilg^es et les(( Chanes , les imitations pousses jusqu' la servilit d'unsaint Ambroise, enfin pour couronner le tout la lgende propa-ge par Eusbe qui fait de Philon un chrtien, sont la preuvedu got que tmoignaient pour lui les premiers sicles chrtiens.Cependant ses ides et sa mthode ne jetaient pas de profondesracines dans le judasme : la colonie juive alexandrine resteaprs son poque presque ignore, tandis qu'en Palestine, puis Babylone, Texgse palestinienne se meut dans un cercled'ides tout diffrent.

    C'est pourquoi Philon a d'abord proccup les thologiens etles historiens qui cherchent les origines du christianisme. Que l'onajoute le rapport indniable de sa thorie du Logos avec celle duquatrime vangile, et l'on verra la signification historique du phi-lonisme dans son rapport la conception essentielle du christia-nisme de Jean^ celle du Messie-Logos. Les recherches sur Philonse sont peut-tre ressenties de ce rapprochement. Pendant toutle XVIII sicle, et une moiti du xix^, on s'est demand si et jus-qu' quel point Philon tait chrtien Malgr quelques excellentstravaux, la critique oscille entre l'affirmation fantaisiste d'unKirschbaum, qui voit entre Philon et le christianisme un lien sitroit qu^il fait des uvres de Philon une invention apocryphedes chrtiens, et la thse de Carpzov qui refuse de voir dans lelogos philonien aucun trait du logos johannique.Dans ces ingnieuses comparaisons, on perd ainsi de vue

    l'essentiel, qui est d'expliquer l'origine du philonisme par les

  • 11 INTRODUCTION

    milieux intellectuels dans lesquels il s'est dvelopp. La secondemoiti du xix^ sicle se marque, dans les tudes philoniennes,par une recherche plus attentive de ce milieu. Ce sont en Franceles ouvrag-es de Biet, de Bois, et d'Herriot, en Allemagne denombreuses tudes de dtail sur les dbris de la littraturejudo-alexandrine, qui essayent de replacer Philon dans soncadre historique. On cherche d'une part quels liens intellectuelsle rattachent encore la Palestine (Frankel, Ritter, Sieg-fried),et d'autre part quelle est la marque distinctive de son alexan-drinisme.

    Mais, soit par la pnurie des sources, soit pour toute autreraison, Philon apparat toujours dans le dveloppement dujudasme alexandrin comme un isol. 11 est impossible de recons-tituer une cole juive alexandrine, dont les uvres de Philonnous feraient connatre les travaux et les aspirations. La philo-sophie de rhistoire de la Sag-esse de Salomon ou de la Sibylle, lesyncrtisme vhmriste d'Artapan ou d'Eupolme nous fontconnatre des directions d'esprit bien opposes celle de Philon.Il y a, comme l'a montr Friedlnder bien des partis diffrentschez les juifs de la dispersion et le philonisme peut ne reprsen-ter qu'un parti assez restreint.Mais peut-tre faudra-t-il, pour mieux comprendre Philon,

    tendre ses vues au del de la colonie juive. Aussi bien a-t-onvu depuis longtemps que le philonisme nat d'une fusion entrel'esprit juif et l'esprit hellnique. Mais encore faut-il bien l'en-tendre. Il n'y a rien dans cette union d'artificiel et de voulu

    ;

    Philon qui a reu une ducation grecque, qui crit des traitsphilosophiques sans aucune intervention de la loi (comme lede incorruptibilitate et le de Providentiel)^ ne parat jamais avoirvu la moindre contradiction entre le g-nie hellnique et lemosasme, et, nulle part, il n'prouve le besoin de les concilier.Il n'y a donc pas, chez lui, fusion de concepts opposs. Otrouverait-on d'ailleurs une philosophie propre au judasme ?L'entente parat se faire moins sur la philosophie elle-mme (quePhilon accepte tout entire) que sur certains concepts relig-ieuxcomme ceux du Logos et de la Sag-esse. Des concepts de ce genreont, en partie du moins, une orig-ine hellnique, mais ils. ontsubi, Alexandrie, une laboration qui en renouvelle la signi-fication. C'est par cette base commune que le philonisme va

    I, Der Antichrist, pp. 90-106.

  • INTRODUCTION m

    rejoindre l'hellnisme. La fusion s'accomplit moins dans la penseclaire d'un philosophe que dans les rg-ions obscures de la relij^ionpopulaire. Nous essayerons de montrer, par l'analyse des idesphilosophiques et religieuses de Philon, que les uvres du juifalexandrin nous rvlent une transformation profonde de la pen-se grecque, qui s'est accomplie en grande partie en dehors dujudasme.

    L^activit intellectuelle de Philon s'exerce, comme l'on sait,pendant les quarante premires annes de l're chrtienne ; c'estaprs la mort de Galigula en 4i qu'il crit un ouvrage qui estprobablement son dernier, VAmbassade Caus. Nous ne parle-rons pas ici de sa vie dont un seul vnement d'ailleurs est bienconnu : plus de soixante ans, Philon fut choisi par ses core-ligionnaires pour aller porter Rome devant l'empereur Gali-gula les dolances des Juifs contre le gouverneur P'iaccus.

    Les belles tudes de Massebieau et de Gohn ont apport lalumire dans un sujet prliminaire de la plus haute importancepour Ttude du philonisme, le classement des uvres de Philon.Admettant la triple division en crits purement philosophiques{de incorruptib. miindi

    ;quod omnis probus liber ; de providentia ;

    de animalibus) , crits d'explication du Pentateuque, et critsmissionnaires et apologtiques {Vie de Mose apologie des Juifs,et TuoGsTu (ces deux derniers ne sont connus que par fragments),ils sont arrivs prciser le classement du second groupe d'critsqui est le plus important. On y distingue : i*^ le Commentaireallgorique qui commence non par le de opijcio mundi, mais parle premier livre des Allgories ] il tait prcd d'un livre perdu,VHexamron, qui portait sur la cration des six jours; il suit avecquelques interruptions qui proviennent sans doute de la pertedes textes, Tordre de la Gense ; 2^ l'Exposition de la loi quicommence par le de opiJicio, se continue par le Trait sur Abra-ham (il ne comprend pas la Vie de Mose qui est intercale dansles ditions entre le de Josepho et le de Decalogo) ; V Les Ques-tions sur la Gense et sur UExode.Nous avons tent de montrer, dans la Revue de VHistoire des

    Religions^ en nous appuyant sur les notes de M. Massebieau \que VExposition de la Loi est antrieure au Commentaire, et lesQuestions en partie antrieures et en partie contemporaines.

    I . Nous saisissons ici l'occasion de remercier la famille de M. Massebieau,qui a mis gracieusement notre disposition les notes et bauches d'articlesqu'il a laisss sur Philon, sans avoir pu malheureusement les publier.

  • IV INTRODUCTION

    Les questions d'authenticit sont compliques pour quelques-uns des traits, mais non pas pour les principaux. On n'a g-ureattaqu, en effet, que des traits philosophiques sur VIncorrup-tibilit^ sur la Libert du Sage^ sur la Providence et le petittrait sur La vie contemplative. Il n'y a donc pas lieu de se poserdans l'introduction des questions sur l'authenticit qui serontmieux leur place dans le cours de notre expos ^

    I. Nous citerons, pour les traits parus dans l'dition Cohn-Wendland enrenvoyant au parag-raphe

    ;pour les autres en renvoyant au chapitre et la

    pag-ination de Mangey (ou d'Aucher pour les Questions) qui est reproduitedans l'dition Holtze.

  • I. _ MANUSCRITS ET EDITIONS

    On trouve une histoire complte des manuscrits de Philon dans les prol-gomnes de l'dition Cobn (Berlin, 1896, I-LXXXIX). Voyez aussi :

    Fabricius, Bibliotheca gr., IV (743-746).Mai, Nova bibliotheca patrum, VI, 6, p. 67.

    Tischendorf, Philonea inedita (p. vii-xx).

    Pitra, Analecta sacra. II, 314.

    Ces manuscrits drivent tous d'un modle commun (Cohn, p. xxxviii) etse rattache un archtype de la bibliothque de Pamphile, vque de Csare,mort en 307. Un des traits de Philon, le de Posteritate Caini, ne se trouveque dans un seul manuscrit (cod. Vaticanus grsecus, 381 U).Deux traits, quis rerum divinarum hres et de Sacrificiis Abelis et Caini

    ont t trouvs en outre en 1889 dans un papyrus du vi^ sicle (dits dansMm. publis par les membres de la miss, archol. franaise au Caire,t IX. 2^ fasc. Paris, 1893). D'aprs Cohn (p. xlii), ils ont la mme sourceque les manuscrits de Csare.Une dcouverte plus importante fut celle de traductions armniennes

    d'uvres de Philon perdues en grec, connues seulement par quelques courtsfragments de Procope. Les manuscrits dcouverts Lemberg en 1791 sonttraduits en latin par Aucher (2 vol. 1822-1826). Gonybeare dans son ditiondu trait de la Vie contemplative, conserve en grec s'est servi d'une tra-duction armnienne de cette uvre, pour combler une lacune (ch. IV, II483 M.).

    Les trois ditions principales avant celle de Wendland et Cohn, sont :Edition Turnbe, 1552

    ;

    Edition Hschel, 1613, in-f ; 2 d. 1640 ;Edition Th. Mangey, Londres, 1742, 2 vol. in-P.Il faut y ajouter la publication de deux traits indits en grec de festo

    Cophini Qi de 00tendis parentibus, par Ang. Malo, Milan. 1818, in-4o, puisla traduction latine des manuscrits armniens par Aucher (le^" vol. : I et Hde Providentia ; de animalibus, Venise, 1826 ; 2' vol. : Qusliones in

  • VI MANUSCRITS ET DITIONS

    Genesin ; Qusestiones in Exodum ; de Sampsone ; de Jona, Venise,1826).

    Toutes ces uvres se trouvent runies, avec la pagination de Mangey,pour les uvres grecques, d'Aucher et de Mai pour les autres, dans la seuledition complte jusqu'ici (Leipzig. Holtze, 8 vol., 1893, 1898, 1901).

    L'dition Golm qui est en cours de publication (Pkiioms Alexandrini,opra qu supersunt, d. Colin et Wendland, in-8", 1*^^ vol., Berlin, 1896(Cohn); 2e vol., 1897 (Wendland) ; 3^ vol., 1898 (Wendland): 4e vol.,1902 (Cohn); aux mmes dates, dition Minor, in- 12, sans apparat criti-que) est bien suprieure, au point de vue critique, aux prcdentes .ditions :elle contient jusqu'ici la partie plus importante des uvres de Philon, leCommentaire allgorique (I, II et III) et le dbut de VExposition de la Loi,avec la Vie de Mose (voyez sur cette dition la discussion du Philologus,1900, p. 256 et 521 et les annes suivantes).

    Passons aux ditions des traits spars. Nous laisserons de ct lesanciennes ditions antrieures l'dition Mangey ^ pour arriver des tra-vaux plus rcents et vraiment importants :Neu entdeckte Fragmente Philos, von P. Wendland (Berlin, 1891),

    contient un fragment important du de Animalibus sacrificiis idoneis, dusecond livre perdu sur Hvresse, et des fragments des Questions tires deProcope et Theodoret.

    Quelques fragments ont t tirs des chroniques byzantines (SimonLogothte, Lon le Grammairien, Julios Polydeukes) et publis par Pree-chter (Arch. f. Gesch. d. Philos., Bd. IX, 1896, p. 415), et identifis despassages des questions.

    Une traduction latine anonyme d'une partie des Questions sur la Gense(IV, 154-245), dite Ble en 1538 (reproduite dans Tdition Holtze) peutservir de tmoignage la traduction d'Aucher ^.Vdition du de opificio mundi de Cohn (Vratislavise, 1889, in-8o), repro-

    duite dans l'dition complte;

    Le de ternitate mundi, par Cumout (Berlin, 1891), dition critique, quia rendu bien plus facile l'interprtation de cette uvre, en retrouvantl'ordre vritable des chapitres, troubl dans le manuscrit

    ;

    Philo about contemplative life, d. Conybeare, Oxford, 1895 (unique di-tion critique)

    ;

    i On en trouvera la liste dans Herriot, Philon le Juif.1. Cette traduction, d'une concision et d'une obscurit parfois extrmes,

    est mle de remarques critiques du traducteur; il rattache Philon uneopinlej! des ApoUinaristes ( 2i5), ce qui place la traduction vers la fin duivc sicle. Il est peu favorable Philon (cf. surtout le 2 de la partie npnconserve dans l'armnien aprs le | 195, Aucli., p Sg). Il trouve dans soninterprtation du puits une contradiction. Il le considre non pas comme unchrtien, mais comme un juif (ce qui prouve que la l;-ende d'Eusbe n'taitpas universellement accepte) qui, suivant la coutume des Juifs a corrompufe texte; cf. 4 '^in, 10 d'autres remarques

  • BIBLIOGRAPIIIE VII

    Dans ses P/iUonea inediia (Leipzi^^, 1868), ischendorf donne la pre-mire dition critique du de Pont. Caliii.Voyons maintenant les fragments. Ils sont utiles tant pour faire conna-

    tre quelques uvres perdues (comme les TTrosnxa) que pour vrifier l'au-thenticit du manuscrit d'Aucher. Ils sont tirs d'crivains ecclsiastiquescomme Eusbe et tous les auteurs de chanes et de florilges : Maxi-min, Procope, Theodoret, Ant. Melissa, Leontius. Ce fond a t utilispar :

    Mangey, la fin de son dition ;Tischendorf. Philonea inediia, Leipzig, 1868 * ;Harris. Fragments of Philo Judseiis, Cambridge, 1886 (qui met en

    regard les fragments grecs et la traduction d'Aucher) 2, et qui reproduit desfragments de ischendorf et de Pitra (Analecta sacra).Une traduction franaise des uvres de Philon manque. La traduction

    de Bellier (uvres de Philon le Juif, conlenant l' interprtation de plusieursdivins et sacrs mystres, Paris, 1388, in-8'') ; 2^ d., 1612 ; 3' d., 1619) ;V Oraison de la vraye noblesse (trad. Daniel d'Auge, 1855), le livre de Philonde la vie Contemplative (trad. Montfaucon, Paris, 1709), ne suffisent plus.Il faut y ajouter cependant la traduction du Contre Flaccus et de VAmbas-sade Caus (trad. Delaunay, Philon d'Alexandrie, Paris, 1867; 2 d.,1870). On possde en outre une traduction anglaise de Yonge (Philo J

    .

    Works, 4 vol. in-8^, 1854 1855), et en Allemagne, la Chrestomathia philo-niana de Dahl (Hambourg, 1880, 2 vol.).

    II. BIBLIOGRAPHIE

    1 MANUELS ET ETUDES GENERALES

    Encyclopdies ; La Grande Encyclopdie (Blum);Schenkel, Bibel-

    lexicon (Lipsius);

    Herzog, Realencyclopdie, 1883 (Zckler) ; 1885(Millier), Realencyclopdie filr Bibelu. Talmud^ 1883 (Hamburger); Dic-tionnaire des sciences philosophiques de Franck

    ;Parthy's, Realencyclopdie

    (Steinhart) : Cheyne and Blake, Ecyclopdia Biblica ; Ersch. u. Grilbers,Allgemeine Encyclopdie (Deehne).Manuels et histoires gnrales : Brucker, Historia philosophiae ;

    1. Cf. les corrections d'Holwerda, Verslag . en mededeel. der Koningl. Acad,Atnsterdam, 1878 et 1884, p. 69 sq.

    2. Dans les passages non identifis des Questions, nous avons pu iden-tifier le deuxime passage (ustov yjatwO'vri) Qu. in Gen., IV, 179, 882 ;le quatrime (oO G'/zt x hp. ts),t-^) Qii. in Gen IV, 8, 262; le premierpassage de la col. 2, p. 70 (r r 7r),ov;tav) Qa. in Gen. IV, 211, lii^.

  • VIII BIBLIOGRAPHIE

    Zeller, Philosophie der Griechen (dr. Th., zw. Abth., Leipzig, 1881, p. 388-

    488); F. Picavet, Esquisse d'une histoire gnrale et compare des philoso-phies mdivales (Paris, 1905) ; Schrer, Geschichte des jd. Volkes imZeilaller Jesu Christi^ 1898, 3^ vol.

    ;Bousset, die Religion des Judenthums

    in neutest, Zeitalter, Berlin, 1903 : Jost, Geschichte des Judenthums ;Herzfeld, Geschichte des Volkes Isral, vol. III, 1847

    ;Graetz, Geschichte

    der Juden, t. III, p. 265 ; Ewald, Geschichte des Volkes Isral (vol. VI,

    p. 270-290), Gttingen, 1843; Hausrath, Neutestamentliche Zeitgeschichie,2 vol., 1897; E. de Pressens, Histoire des trois premiers sicles; Havet,Les origines du Christianisme, t. III, p. 382 -452; Renan, Histoire du peupled'Isral, t.V.

    Etudes gnrales :

    Carpzov. Philoniana (avant les Sacrse exercitationes in Pauli epist.ad Hebros), Helmstadt, 1750.

    Stahl. Versuch eines systematischen Entwurfs des Lehrhegriffs Philo'

    s

    von Alexandr. (Eichhorn's Biblioth. d. bibl. Lit.), 1793.Bryant. The sentiments ofPhilo Judus, Londres, 1797, in-8''.Sarrazin. De philosophica Philonis Jud. doctrina, thse (Argento-

    rati, 1835).Gfrrer. Philo u . die jdische alexandrinische Philosophie (dans

    Kritische Geschichte des Urchristenthums), Stuttgart, 2 vol., 2^ dit., 1835.Daehne. Geschichtliche Darstellung der jdisch-alexandrinischen

    Religionsphilosophie, 2 vol. in-8o, Halle, 1834 (Recension de Baur dansJahrbb. f. wissensch. Kritik, 1835, p. 476).

    Dentzinger. De Philonis Philosophia et schola judorum alexan-drhia, thse; Herbepoli, 1840.

    F.-J. Biet. Essai historique et critique sur Pcole juive dAlexandrie,Paris, 1854, in-8.

    Wolff. Die philonische Philosophie in ihren Hauptmomenten, Gothen-burg, 1859, et nouv. d. en 1888.

    Noack. Der Jude Philo u. seine Weltansicht (Psych, IL 1861).Schultz. Die alexandrinische Religionsphilosophie (Gelzer's Monatsb.

    octobre 1864).B. Bauer. Philo, Strauss, und Renan und das Urchristenthum {aon-

    tient : lo Philon comme guide de l'hellnisme au christianisme ; 2 La reli-gion universelle chez Philon ; 3" Philon dans le Nouveau Testament ; 4 Lescrits de Philon), Berlin, 1874.Nicolas. Essai sur Philon d'Alexandrie (Revue de l'Hist des Relig.,

    t. V, p. 318 ; VII, p. 145 ; VIII, p. 468, 582, 756).Drummont. Philo J. 07i the jewish-alexahdrian Philosophy in its

    develop. and completion, London, 1888, 2 vol.Renan Philon d'Alexandrie et son uvre (Revue de Paris, 1894,

    fvrier)

    .

  • BIBLIOGRAPHIE IX

    E. Herriot. Philon le juif; essai sur tcole juive dAlexandrie,Paris, 1898, in-8'^ (cf. L. Gohn, Philo v. Alexandria, Neue Jahrbb. f. dasKlass. Alterth., 1898, 2 et Saltet, Philon le juif, propos d'un livre rcent,Rev. des quest. historiques, janvier 1899).Cohn. Wochenschr. fiXr Klass. philo l,, 1896, 43.Abb Martin. Philon {Q^oWe^ci. des Grands Philosophes, Alcan, 1907).

    2o TUDES SUR LES SOURCES ET l'ORIGINE DU PHILONISME

    Fabricius. De Platonismo Philonis Judaei, 1693 (Leipzig).Frankel. Vorsiudien zu den LXX, 1841, p. 18.Werner. DePhilone Judo teste integritatis scriptorum mosaicorum,

    1743,in-f.

    Hornemann. Spcimen exercitat. critic. in versionem LXX inter-pretum ex Philone, 1773

    Siegfried. Bie hebrischen Worterklrungen des Philo und ihreEinwirkung auf die Kirchenvter, 1863, gr. in-4o.

    Archiv fr wissenschaftliche Einforschung, 1872, II, 43.B. Ritter, Philo und die Halacha, eine vergleichende Studie unter

    steter Beriicksichligung des Joseph, Leipzig, 1879.

    Siegfried. Philon et les Z/Xy\r (HilgenfeldsZeitschr. f. wissenschaftl.Theol., 1873, p. 217).Ryle. Philo and Holy Scripture, London, 1895.Planck. ~ De principiis et causis interpretationis Philon. allegoric,

    Goett., 1806.

    Grossmann. De Pharisasmo Judorum Alexandrinorum Commen-tatio.

    Georgii. Ueber die neuesten Gegenstze in Auffassung der alexandrin.Religionsphilos . (Zeitschrift f. die hist. Theol

    ,1839, H. 3 et 4).

    Kirschbaum. Der Jdische Alexandrinismus, eine Erfindungchristlicher Lehrer, Leipzig, 1841.

    Frankel. Einfluss der palstin. Exgse auf die Alexandrin . Her-meneutik, 1851.

    Nicolas. Les doctrines religieuses des Juifs pendant les deux dernierssicles avant Jsus-Christ, Paris, 1860.

    Lipsius. Alexandrin. Religionsphil. (Bibellexicon, I 85-99).Klasen. Die alttestamentliche Weisheit und der Logos der jildisch.

    Alexandrin. Beligionsphilosophie, Freib. in-Br., 1879.Ziegler. Ueber Entstehung der Alexandr. Philos. (Verhandl. der 36.

    Versammlung deutsch . Philol. zu Karlsruhe, 1883. p. 136).Bois. Essai sur les origines de la philosophie judo-alexandrine, Tou-

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  • X BIBLIOGRAPHIE

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    [feer den Philonism der LXX. Donner Zeitschr., p. 103.Jol. Ueber einige geschichtliche Beziehungen des philonischen Sys-

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    a grcis philosophis sumpserit^ thse, Paris, 1854,in-8.

    Siegfried. Philonische Studien (Merx. Archiv, 1872, IL p. 143).Siegfried. Philo von Alexandria als Ausleger des alten Testaments

    an sich se^lbst^ nebst Untersuchungen iiber die Grsecitaet Philo's, Jena,1875, in-8.

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    Wendland. Eine doxographische Quelle Philo's (Sitzungsher. derkais. preuss. Akad. d.Wiss., Berlin, Reimer, 1897).Grossmann. Qust. philonian (I. de theol. phil. fontihus), Leipzig,

    1829.

    3 TUDES CRITIQUES DU TEXTE, ET QUESTIONS d'AUTHENTICIT

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    Krit., 18.32, H, I).

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    N. F. Bd 53, H. 1).Cohn. Kritisch-exegetische Beitrge zu Philo (Herms, Bd. 32).

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    die Vorsehung, Berlin, 1892, in-4o.

    Sur le de posteritate Caini :

    Holwerda. Annott, in post. Caini, Verslagen en Mededeeling. der

    k. ak. van Wetensch., Amsterdam, 1884).

  • BIBLIOGRAPHIE XI

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    Drexler. Zu Philo de posterit. C, % 161 (Philol. 1899, p. 316).

    Sur les crits philosophiques grecs :

    Zeller. Herms XV.

    Sur la vie de Mose :

    Flesch. De Vita Mosis, Prague, 1838.

    Sur les crits historiques :

    Delaunay. Philon dAlexandrie. Ecrits historiques^ Paris, 1867,2 d.. 1870.

    Gottleber. Animadversiones historicse ad Philonis leg. ad Caiumspectantes, Meissen, 1773-1774.

    Sur le peu d'autorit historique de Philon dans ces livres, voy. Willrich,Judica, p. 127 sq. Gttingen, 1900.

    Sur le de seternitate mundi :Bernays. - Ueber die unier Philo's Werken stehende Schrift

  • XII BIBLIOGRAPHIE

    Renan. Journal des Savants, 1892, p. 83-93.Cohn. Sur le trait de vita contemp. (Jewish Quaterly Review,

    oct! 1892, p. 20).

    Schurer. Theologische Litteraturzeitung^ 1895, p. 385.Wendland. Die Therapeuten und die philonische Schrift vom

    beschaulich. Leben (Jahrbb. f. Klass. PhiloL, 1876).

    Sur le quod omnis probus liber :

    Hilgenfeld. Zeitschrift fur wissensch. Thologie, 1882, pp. 257-292.Ausfeld. De libro Trsp't toO Travra (jTxouScdov shat ls\j%spo'J^ Gttng,,

    1887, m-80.

    Ohle. Die Esser des Philos (Jahrbb. f. protest. TheoL, 1887).Wendland. Sur le quod omn. prob. lib. (Arch. f. Gesch. der Phil.

    1888, p. 509) (A propos du travail d'Ausfeld).Krell. Philo quod omnis prob. lib. die Echtheitsfrage (Prog.

    Augsburg 1896).Treplin. Die Essenerquellen (Th. Stud. u. Krit., 1900, pp. 20-92).Pour la question des Essniens que Philon dcrit dans ce trait, voyez

    dans Schurer la littrature considrable du sujet.

    Sur les livres apologtiques perdus :

    Hilgenfeld. Sur l'Apologie (dans l'article sur le ivdXi quod omn.p. L, pp. 276-78).Bernays. Philon s Ytto-tixk (Monatsberichte der Berlin. Akad.,

    1876, p. 389) (Gesamm. Abhandl., t. I, pp. 262-282).Ohle. Contre ^authenticit du fragment de l'Apologie des Juifs

    (Jahrbb. f. protestant. heol. 1887).

    4*^ Chronologie et classement des crits

    Grossmann. De Philonis operum continua srie (Leipzig, I, 1841;

    II, 1842).Massebieau. Le classement des uvres de Philon (Bibl. de l'Ec. des

    H. Et. sciences relig., vol. I).

    Lop. Cohn. Einteilung u. Chronologie der Schriften Philo'

    s

    (Philologus Suppl. Band, VII), Leipzig, 1899.Massebieau et Emile Brhier. Chronologie de la vie et des

    uvres de Philon (Rev. d'Hist. des Relig., 1906, 1, 2 et 3).Les tmoignages sur la personne de Philon sont rassembles au premier

    volume de l'dition Cohn."Wendland. Sur la fin de Exposition de la Loi, Herms, 1896,

    p. 4.35.

  • BIBLIOGRAPHIE XIII

    5*^ Dieu, le logos et les intermdia^hes

    Grossmann. Qustiones philone. II, De logo Philonis (Leipzig.

    ,

    1829).Keferstein. Philos Lehre von den gttlichen Mittelwesen, Leipzig,

    1846.

    Bcher. Philonische Studien : Versuch b. die hrage nach der per-snlichen Hypostase des Logos, Tubingen, 1848.Niedner. De subsistentia tm 6ctw lyM ap. Philon. Jud. et Johann.

    Apost. tributa (Hilgenfelds Zeitschr. fur hist. TheoL 1848, XIX, p. 337 sq.).Rippner. Ueber die Ursprnge des philon. Logos (Monatsschr. f.

    Gesch. u. Wiss. des Judenth. Breslau, 1872, p. 300).Heinze. Die Lehre vom Logos in der qriech. Philosophie (Olden-

    burg, 1872).Kennedy Anet. La notion du Logos dans la philosophie grecque

    dans saiit Jean, et dans les apologistes^ thse, Lausanne, 1874.Henri Soulier. La doctrine du Logos chez Philon d'Alexandrie,

    Rome-Turin, 1876, in-8.Rville. Le Logos daprs Philon; dissert, Genve, 1877.Agathon Harnoch. De Philonis judi Logo inquisitio, Regio-

    monti, 1879.

    Anathon Aall. Der Logos, Geschichte seiner Entwickelung in diegriechische und die chrisil. Litteratur, 2 vol., Leipzig, 1896 et 1899.Horovitz. Untersuchungen ber Philons und Platons Lehre der

    Weltschpfung,Marburg Elvs^ert, 1900, in-8''.

    Henri Guyot. L'infinit divine depuis Philon le juifjusqu' Plo-tin, avec une introduction sur le mme sujet dans la philosophie grecqueavant Philon, thse, Paris, 1906.

    Falter. Philon und Plotin (Philosoph. Arbeit., herausg. v. H. Cohnund Natorp, Bd. I, H. 2, t. I), Giessen, 1906.

    6 L'anthropologie et la morale

    Frankel. Zur Ethik der jd. alexandrinschen Philosophie(Monatsschr. f. Gesch. und Wissensch. des Judenth., 1867, pp. 241-252,281-297.

    Schreitet. Sur Vimmortalit.Analecta de Keil et Tschirner, t. I

    (H. 2) et t. m (H. 2).Schlatter. Der Glaube im neuen Testament (sur la foi chez Philon,

    pp. 55-101), Leiden, 1885.Freudenthal. Erkenntnisslehre Philos, v. Jtean^/rm, Berlin, 1891.M. Wolff. Die philonische Ethik in ihren wesentlich. Punkten (Phi-

    los. Monatsschr., 1879, VI et VIII).

  • XIV BIBLIOGRAPHIE

    Ziegert. Uher die Anstze zu einer Mysterienlehre bei Philo (Thol.Stud. und Krit., pp. 706-732).Tiktin. Die Lehre von den Tugenden und Pflichten bei Philo v. Alex.

    Diss. Bern, 1895 (Francfort, 1897).Pantasopulos. Die Lehre vornaiurlichen und positiven Rechte bei

    Philo Jud. Munich Straub, 1893, in-8.Barth. Die stosche Theodicee bei Philo (Philos. Abhandl. Heinze

    gewidmet, Berlin, 1906, p. 23).

    7 Sur les rapports de Philon avec le christianisme

    Il faut consulter l'immense littrature sur le quatrime vangile. Nousnous bornons indiquer deux tudes sur le rapport de Philon et de lapatristique :

    Ihin. Philo und mbrosius (Neue Jahrbb. fur Philos, u. Pdagogik,1890, p. 282) (Cf. du mme Studia Ambrosiana, p. 81).Karppe. Philon et la patristique i\)d.n^ les Essais de Critique et

    d'Histoire de philosophie, Paris, 1902).

  • LIVRE

    LE judasme

  • CHAPITRE PREMIER

    LE PEUPLE JUIF

    Sommaire : L'avenir du peuple juif ; comment il est dcrit dans VExposition de la Loi. L'ide du roi messianique ; sa parent avec celle du sage-roi des Stociens. Dans le Mose, l'avenir de la Loi se substitue l'avenir du peuple juif. Dans leCommentaire allgorique, les ides eschatologiques sont totalement absentes.

    Philoii se donne comme un Juif fervent, observant avec pittoutes les coutumes religieuses de son peuple. Son activit phi-losophique est presque entirement consacre l'explication dela loi mosaque. Si l'on ne considre que la forme de son uvre,elle prend place dans l'immense littrature exgtique qui asuivi, dans les coles des rabbins, la fin de la priode cratricedu judasme.

    Pourtant il n'est pas besoin d'avoir beaucoup pratiqu lesuvres de Philon pour s'apercevoir que ses ides philosophiqueset religieuses ne sont lies au texte de la loi que par le lien fra-gile de l'allgorie. Elles ont en elle-mme une valeur universelleet dpassent la nationalit juive.Ce contraste entre le fond et la forme de ses uvres, l'auteur

    lui-mme ne parat pas un moment en avoir conscience. C'estdonc un problme qui doit prcder tous les autres de' savoir cequ'tait au juste ce judasme philonien, et comment pouvait,sans contradiction apparente, se dvelopper en lui une religionuniveibelle. Que pensait Philon du peuple juif considr commenation ? Que pensait-il de la loi juive comme loi positive? Quellien, enfin, tablissait-il entre cette loi et sa philosophie?Nous voulons chercher dans ce chapitre quelle place tient

    dans les ides de Philon l'ide nationale juive. Les crits deMose constituent avant tout en efet, non pas une philosophie,

  • 4 LE PEUPLE JUIF

    mais une loi. Cette circonstance entrane chez Philon un ensem-ble de vues politiques, pratiques et thoriques que nous allonschercher d"ag-er.

    L'on sait qu' cette poque, des Juifs dont les conceptions nousont t conserves par le livre III des pomes sibyllins, rvaientpour leur peuple un avenir de paix et de bonheur universel.D'aprs les ides gnrales de son systme, Philon se trouvait

    dans une situation difficile par rapport ces ides eschatologi-ques; toute la prosprit matrielle que les Juifs, comme lesauteurs de la Sibylle, dcrivent comme aboutissement du pro-grs \ n'tait rien aux yeux de Philon, au prix de la pit etde la connaissance du vrai Dieu. Elle ne concernait que le corpset les choses extrieures, alors que les biens de l'me seule sontles vrais biens. Mais alors le progrs extrieur et historique dupeuple cde le pas un progrs intrieur et moral. Un tel progrsne peut se concevoir comme celui de tout un peuple, mais seule-ment d'un individu. Par l on retire toute valeur et tout prix auxpromesses de bonheur extrieur faites par Dieu son peuple.

    Philon revient deux reprises sur l'avenir de la race juive.Dans le premier de ces textes (de prsemiisy ch. XIV, fin), il mon-tre comment le peuple juif, tant par excellence celui qui obit la loi divine, doit atteindre tous les biens extrieurs et corpo-rels ; dans Tnumration de ces biens se trouve l'absence de laguerre laquelle un roi prdit par les oracles doit mettre fin.Le second {de exsecrat.^ ch. VIII et IX) est destin expliquerles maux des Juifs comme un avertissement de Dieu ; ils doi-vent prcder leur repentir final et leur runion en une mmecontre.Mais de pareils espoirs ne trouvent pas dans l'esprit de Philon

    une signification bien profonde. Nous croyons mme que Tonse tromperait en rattachant ces peintures aux ides eschatologi-ques qui avaient pris une si grande valeur chez l'auteur juif dulivre III des Sibylles. 11 est ais en effet de trouver dans le Deut'ronome le fend et la suite de ces ides. Le premier texte est uneexplication des quinze premiers versets du chapitre XXVIII duDeatronome \ le second une explication des dix premiers ver-sets du chapitre XXX. Philon, en nonant ces ides, fait doncun simple travail d'exgte de la loi, sans qu'il faille y voiraucune opinion vritablement personnelle. S'il y a d'autres

    I. III, 744-762, qui d'aprs Schrer est antrieur l'poque de Philon.

  • d'aprs l'kxposition de la loi 5

    dtails que ceux du Deiitronome, c'est g"alement aux livressacrs qu'il les prend. Ainsi, le dbut du chapitre XIV du deprxmiis sur le bien qui est prs du cur de Thomme est emprunt un passage voisin du Deutronome (XXX, ii, 12, i3). Le pro-phte Isae est galement utilis dans les passages sur la pacifi-cation des animaux sauvages et pour le portrait du prince de lapaix ^La part personnelle de Philon dans ces explications serait

    plutt d'avoir vit ce que les prophties avaient de trop prcis.C'est ainsi qu'on trouve dans les passages comments par Phi-lon ride d'une nation spcialement lue par Dieu et conduitepar lui pour combattre les Juifs (Beat., XXVIII, 49? 5o). Cetteide faisait partie intgrante des conceptions de la SibyllePhilon la laisse dans le vague; pour lui, cette nation ennemiedevient un cadre dans lequel il fait entrer toutes les perscu-tions contemporaines dont pouvaient souffrir les Juifs \ Ilvite donc, avec intention semble-t-il, toute reprsentation apo-calyptique.On pourrait nous objecter le portrait du prince de la paix, ce

    messie qui met fin la guerre, et dont le portrait est trac avecun dveloppement qui rappelle la Sibylle Examinons de prsce passage.

    Le chapitre XVI est le plus ce messianique des uvres dePhilon : il montre que la paix devait rgner dans le pays despieux (8(. ytopa sa-stov), soit par la honte que les hommesauraient d'tre moins paisibles que les animaux, soit parce queles ennemis verraient combien l'alliance du Juste rend les pieuxinvincibles. Si par une rage incomprhensible, les mchantsavaient l'audace de combattre contre les pieux, vaincus par uneforce plus puissante ils fuiront en droute, la crainte seule lespoursuivra

    ; car il viendra un homme, dit l'oracle % puissant etguerrier qui s'emparera de peuples grands et nombreux ; Dieului a envoy l'aide convenable aux saints (xoc; oo-wk), savoirl'audace dans l'me et la force dans le corps. Il aura srement

    1. De praem., ch. XX et Isae, 9, 6-9; de praem., id. et Is. 11, i-5 ; (comp.chez Philon Opao-o -^Myrric, et (twok/twv ayjo,, et chez Isae nv-O^x [3ov)./j xat

    2. Sib. III, 489-572;Gog- et Magog-.

    3. Cf. p. 436 fin, l'allusion des perscuteurs srement contemporains quiforaient les Juifs assister aux ftes officielles.

    4. III, 653 ; de praem., ch. XVI fin.^5. L'oracle de Balaam, Deutron,, 24, 71.

  • 6 LE PEUPLE JUIF

    la victoire sans verser de sang- (va(.[/.coT(j, mais de plus, il g-ouver-nera sans rsistance pour l'utilit des sujets qui viendront lui par amour, ou par crainte ou par honte ; son srieux inspirela honte, son air terrible la crainte, sa bienfaisance, l'amour .Philon a donc eu Tide d'un Messie * g-uerrier et roi, qu'il rat-tache une prophtie des livres de Mose, et qui tait destin tablir la paix universelle. Mais sa pense sur ce point est singu-lirement hsitante. Le Messie n'est en effet qu'un des troismoyens possibles d'tablir la paix universelle. Il n'est nullementconsidr comme ncessaire. Les traits de ce Messie sont ceuxdu roi idal que Philon a dpeints diffrentes reprises dans leportrait de Mose et dans le paradoxe stocien du sage-roi

    ;

    d'abord il a une victoire assure sans faire couler le sang" (vat.-piwTl), de mme que Mose a eu la royaut non pas commequelques-uns^ en s'levant au pouvoir par les armes et la puis-sance militaire ^ Ce roi impose son autorit uniquement parses qualits morales, le srieux (o-savov) qui impose le respect(alw), la i.v6t7i; qui inspire la crainte, la bienfaisance quiinspire l'amour ('jvof.av). De mme dans le g-rand passage sur laroyaut de Mose, Mose est roi cause de sa bienveillance pourtous''; et peu aprs il est dit que le roi impose au sujet, sespropres vertus, par la crainte ou le respect (cpto y| alool). Ce roin'agit pas d'une autre faon sur ses sujets (et il faut indiquer icice paralllisme) que Dieu sur l'homme moral par ses puissances.Il inspire par sa bont l'amour, mais ceux qui ne peuventconcevoir sa bont, sa toute- puissance inspire la crainte et lerespect Ce paralllisme nous amne une ide frquente chezPhilon, le caractre divin de la vraie royaut; le sage est un roi,non pas choisi (xy(.poTOV7i[i.vov) par les hommes, mais par Dieu ^

    ;

    c'est une rcompense que Dieu donne Mose pour sa vertu ^c< Le sage est non un roi, mais le prince des princes, il est divin,

    1. Philon ne prononce pas le nom, mais il a tous les traits du Messie de laSibylle (cf. surtout III, 653, le rle du Messie est de faire cesser la g-uerre).Dans un commentaire se rapportant au mme passage du Deutr.{de fortitit.y8, p. 382), ce n'est plus un homme, mais bien Dieu qui commande les armes(6soO f7zpa.Tv.oy^o\j-jroc, oparw;), preuve du peu de consistance de cette ide.

    2. V. M. I, i48 ; mme opposition Qu. in Gen. IV, 76, p. 3o4, entre le sageroi et ceux qui russissent per vim violentam , et surtout de Abi^ah., 216.

    3. F. M., ibid.

    4. De fuga et inv., 98.5. De somn., II. 243.6. V. M., ibid.

  • d'aprs la vie de mose 7

    et roi des rois; il a t ordonn non par les hommes mais parDieu )) \ Ce dveloppement sur le Messie contient donc deuxides ; l'ide du Messie consacr Dieu, et Tide stocienne dusag-e-roi.

    Philon s'inquite moins au fond de l'avenir de bonheur promisaux Juifs que des conditions morales de cet avenir. Il y a par-fois mme des rserves sur la ralit future du bonheur. (( Iln'en faut pas dsesprer , dit-il simplement ^ Il refused'accepter le bonheur matriel sans l'amlioration de l'me. N'est-il pas sot, dit-il comme s'il rpondait quelque adver-saire, de supposer que nous chapperons aux btes, tout enexerant la frocit celles qui sont en nous. Ces idesmorales que Philon introduit videmment aprs coup dans uneeschatologie trs matrialiste, produisent parfois un contrasteassez bizarre, comme au chapitre XVII, o la frug'alit, dcrite la manire des diatribes cyniques, est considre comme lemoyen d'obtenir de Dieu les plus g-randes richesses! Ce soucimoral enlve peu peu toute valeur la fin elle-mme.

    Enfin, il arrive que le souci de l'avenir du peuple juif dispa-rat devant celui de l'avenir de la loi. A la fin de la F/e c/^7l/o,se,Philon parle des prophties que Mose fit au moment de sa mort.Il ressort de ce passage qu'il croyait une prophtie mosaquedont tous les rsultats ne s'taient pas encore produits ^. Il y aici une vidente allusion l'attente d'vnements prdits parMose. Mais tout l'ouvrag-e prouve que cette attente se rapporte la loi juive plus qu'au peuple.

    Le Mose est une uvre apologtique adresse aux paens pourmontrer la supriorit du lg-islateur juif et de sa lg-islationsur tous les autres. Aussi met-il l'accent, dans cette uvre, surl'avenir de la loi. La g-rande supriorit d cette loi, c'est qu'elleest reste immuable travers toutes les vicissitudes du peuplejuif, malgr les famines, les guerres, les tyrannies, et que l'onpeut esprer qu'elle durera autant que le monde Le sort de la

    1. Qu. in Gen.^ IV, 76, 384; cf. de Abrah., 261 ; V. M. II, i3i, celui quiest consacr Dieu est roi .

    2. De praem.^ ch. XX, cf. Vita Mos., II, 43.3. V. M., II, 288 : XV. pkv ri-fi (yv^SsS-r}y.s, r npoaoy.oira.t ; cL de Humanit.,

    ch. IV, II, 388 : (s.e., les prophties mosaques), , qtl -safop-nQrio^ovTUL, nta-Tsvrov)

    .

    4. Pour Philon, la loi juive n'est pas diffrente de la loi de nature, de cellede la cit du monde, et par l, l'ide stocienne du cosmopolitisme acquiertune valeur pratique et politique.

  • 8 LE PEUPLE JUIF

    loi juive est donc en une certaine mesure considr comme ind-pendant de celui du peuple juif. Cette impression est renforcepar Targ-ument qui suit : la conqute du monde par la loi juive,d'aprs le tableau que trace Philon, n'est plus faire, elle estfaite ; il n'y a pas une cit qui n'ait en honneur et le sabbat etle jene de la hiromnie^ Le fait fondamental de cette domi-nation de la loi juive est pour lui la traduction de la loi en grecpar les Septante, entreprise non, pense-t-il, pour les besoinsdes Juifs, mais uniquement par le dsir que les Grecs avaient deconnatre cette loi dont ils entendaient dire tant de merveilles.Nous sommes donc ici en plein universalisme. Pourtant le soucide la russite du peuple juif lui-mme revient dans la conclusionqui prsente la victoire dfinitive de la loi comme attache aubonheur du peuple : Les lois sont l'objet des dsirs de tous,particuliers et gouvernants, bien que le peuple depuis long-temps ne soit pas heureux (ox stu-^^ouvto) ; s'il se produisaitquelque impulsion vers un tat plus brillant, quel accroisse-ment prendraient ces lois! Quittant ses coutumes particulires,abandonnant celles de ses pres, chacun se tournerait vers l'hon-neur de ces lois seules; par la russite (euTuy^ta) du peuple, parleur clat, elles obscurciront les autres, comme le soleil levantfait des toiles (II, 63-44)- Remarquons ici le conditionnel : eiyivoLTO ; cet avenir est donc simplement hypothtique. On nepeut gure douter que la condition qu'il passe sous silence estle repentir moral de la fin du de exsecrationibus. Mais il et tmaladroit, dans une uvre de propagande, d'insister sur le ctpurement nationaliste de la question d'avenir. Nous prenons ici,sur le fait, une des raisons qui ont pu faire abandonner Phi-lon ce point de vue d'un nationalisme troit; on ne pouvaitgure faire de la loi juive une image de la loi ternelle dumonde qui doit s'imposer tous les hommes et en mme tempsfaire dpendre son succs de la russite politique d'un petitpeuple. Le public tendu auquel Philon destinait son Mosen'aurait pu admettre une telle absurdit; les ncessits de lapropagande Le poussaient donc attnuer ce qu'il y aurait eu icide trop choquant pour tout autre qu'un Juif.Pourtant il y a une autre raison plus profonde ; on a pu remar-

    quer que le seul chapitre du Deutronome utilis par Philon

    I. V. M., Il, 20-25; cf. ibid.j I, 2. La gloire des lois qu'il a laisses serpandant travers le monde est parvenue jusqu'aux extrmits de la terre.

  • d'aprs lk commentaire allgorique 9

    dans Mose ^ est le chapitre XXXII sur les bndictions. Il laisseentirement de ct les chapitres XXVIII et XXX qui ne dcri-vent que des biens ou des maux matriels ; abandonnant icil'avenir extrieur du peuple, il pense seulement son pe-rfection-nement moral ultrieur : Les demandes de Mose, dit-il pro-pos des bndictions, taient des demandes des vrais biens (ylv/^-(7ti Yio-av al Twv A'/iGivwv yaOwv) ; il demande non seulementqu'ils arrivent dans la vie mortelle, mais surtout aprs que l'mesera libre des biens de la chair \ Au point de vue nationa-liste de la russite du peuple dans sa richesse et sa sant se subs-titue donc ici d'une faon complte le point de vue mystique etindividualiste du perfectionnement moral qui doit aboutir lavie ternelle : les vrais biens sont opposs aux biens extrieurset aux biens du corps.

    Il y avait dj dans l'Exposition une certaine bizarrerie dansl'opposition entre la frugalit laquelle doit atteindre le sag^e et

    les rcoltes et les biens immenses que Dieu lui offrait commercompense. C'est ce qui a pu dcider Philon une poque pos-trieure du dveloppement de sa pense' abandonner entire-ment l'avenir matriel de son peuple, la gloire, la richesse etles honneurs au profit de Tavenir purement moral. Cette impres-sion est fortifie par l'examen de certains passages du Commen-taire allgorique ; c'est la dernire en date des uvres de Philonet il s'y montre rsolument hostile aux doctrines qui comptaientsur un avenir de prosprit matrielle.Dj les quelques passages des chapitres XXVIII et XXX que

    Philon y interprte sont, par l'allgorie, tourns en un sensmoral; la pluie bienfaisante de Z>eM^e>._, XXVIII, 12, devient le biencleste oppos aux biens terrestres^; les || 65 et 66 du mmechapitre dsignent non pas des maux matriels, mais par all-gorie rinstabilit du mchant*. Enfin, la runion en une seulecontre des Juifs revenus au repentir (Z>gM^., XXX, 11) est inter-prte comme l'union et Taccord des vertus opposes la disper-sion et la dissipation du vice ^

    1. De flamaji., p. 388.2. Le Mose est postrieur V Exposition de la Loi. Cf. Massebieau et

    E. Brhier. Chronol. des uvres de Philon [Revue de l'Hist. des Relig., jan-vier juin 1906).

    3. Quod D. immut., i56.4. De post., C. 24.5. Confus, ling., 197 ; cf. encore Q. in Gen,, IV, 216 sq.

  • 10 LE PEUPLE JUIF

    Il serait difficile de trouver dans les Questions ou le Commen-taire une allusion l'avenir historique du peuple juif; en revan-che Philon s'lve diverses reprises contre une doctrine quivoit les fins de la vie autant dans les biens extrieurs comme larichesse et les honneurs et dans les biens du corps comme lasant que dans les seuls biens de l'me, la vertu ; cette doctrinepripatticienne, prsente sous le nom de Joseph et quelque-fois de Gan et combattue au nom du principe stocien que l'hon-nte seul est bon, parat tre celle d'un parti juif qui, comptantsur les promesses de Dieu, voyait dans l'avancement mondainaussi bien que dans l'accomplissement de la loi le but de lavie nationale/ Peut-tre faut-il voir autre chose qu'un pur sym-bole dans le portrait de Joseph le a politique qui donne l'Egypte la prosprit matrielle, tandis que ses frres (les sto-ciens) ddaignent les biens extrieurs ^

    Ainsi cette seule ide reste vivante chez Philon de toute l'escha-tologie juive : l'avenir de la Loi qui doit devenir universelle.Tout le reste vient s'imposer lui comme un cadre sans valeur,ou bien devient symbole du progrs moral intrieur.

    I. Philon, en raison du succs de la propagande juive travers les pays dela dispersion, est amen donner un rle g-al, dans l'extension de la Loi auxtrangers convertis et aux Juifs de naissance {laoriiim, de Mon., I, 7 ; II, 219).On sait quelle estime il faisait des proslytes qu'il recommande d'aimercomme soi mme {de humanit., 12); il fait d'Abraham le modle des pro-slytes {de nobilit., 5 fin). Sans aller aussi loin que l'auteur du livre IV de laSibylle qui fait dans son pome l'loge des saints , sans laisser aucunrle aux Juifs de naissance dans l'avenir messianique, il les admet cependantdans la nation juive (cf. sur ce point Bertholet, Die Stellung des Isral, u. derJuden zu d. Fremden.\)^. 257-803, qui traite de la propagande, et Friedlnder,das Jadenthum in der vorchristl. griech. Welt, pp 66-74 sur la situation despartis juifs vis--vis des convertis).

  • CHAPITRE II

    LA LOI JUIVE

    Sommaire: i . La Loi juive suivant Philon. La Loi juive comme loi naturelle. 2. Critique des lgislateurs. Lieux communs contre la loi civile issusde l'cole cynique. Emploi du Gorgia$ et du Politique de Platon. ~ La politi-que et la parntique stocienne. Critique des Lois de Platon. 3. Lelgislateur. Mose et l'Herms Trismgiste. Mose et le roi idal des no-pythagoriciens. Rapport des portraits de Mose avec celui du Messie et del'empereur romain . 4- UExposition de la Loi. Le de opificio niundi pro-logue des lois. Les patriarches ou lois non crites. Les lois du code mosaqueet leur interprtation. 5. Le gouvernement politique. Les lieux communssur les gouvernements. L'empire romain. Thorie de l'empire et de l'empe-reur. L'empire romain et la tolrance.

    I. La loiJuive suivant Philon

    Aux lois civiles fondes sur le despotisme da lgislateur^ ou,dans le meilleur cas, sur la fiction d^une cit imagine par lui,Philon oppose la loi de Mose. Il y voit Timage de la loi ternellesuivant laquelle la grande cit du monde est gouverne \ TouteVExposition de la loi n'est qu'un long effort pour rattacher la loipositive de Mose cette loi naturelle. Il peut sans doute dansles dtails, avoir suivi les exgtes juifs de son poque et de sonmilieu. Mais Tenlreprise hardie qu'il tentait est cependant issued'une origine toute grecque. Le stocisme, considrant le mondecomme une cit administre par Dieu et l'homme comme uncitoyen du monde, avait propag l'ide d'une lgislation sup-rieure toutes celles des cits ; c'est la loi morale conue dansson essence la faon d'une loi civile ternelle dont nous trou-vons l'expression l'tat de puret complte et dgage de tout

    i.-Mme ide chez Cicron, de Rep., II, ii, qui oppose Scipion aux autreslg-islateurs comme Philon fait de Mose.

  • 12 LA LOI JUIVE

    lment proprement politique dans les uvres de Marc-Aurle.Mais l'ide d'une loi universelle et positive la fois est tran-gre aux proccupations du g"rand empereur. Le stocisme prendici son dveloppement moral le plus lev.

    D^autre part, sa priode grecque il n'avait pu produire davan-tage tous ses rsultats politiques. Les rivalits des cits grecquesqui tenaient chacune, comme un bien propre leur lgislateur,ne pouvaient gure permettre de faire descendre dans le mondedes ralits une loi universelle. Cet exclusivisme des lois grec-ques a frapp Philon Or ce peuple grec profondment etdfinitivement divis s'opposent deux autres peuples qui ontdans l'univers civilis ^ une place spciale : le peuple romain etle peuple juif. Tous les deux sont remarquables par une univer-selle extension ^ et en mme temps par leur unit. Les murset les lois juives restaient les mmes travers le monde entieret l'union des Juifs tait renforce par les envois annuels desdputations de chaque colonie Jrusalem pour apporter autemple les contributions des fidles. De plus la conqute dumonde par la religion juive pouvait donner les meilleursespoirs ; les proslytes taient nombreux. Dans cette grandeexpansion des deux nations il devait ds lors se trouver, etdans le monde juif et dans le monde romain, des hommes qui,profondment imbus des ides stociennes contre les lois civiles,mais en mme temps attachs avec force leurs lois nationales,devaient, pour conserver un sens celles-ci et leur donner unfondement, montrer qu'elles taient l'image exacte ou l'mana-tion de la loi ternelle du monde ; nous avons nomm Gicrond'une part, Philon d'autre part. On n'a gure remarqu la singu-lire analogie dans le plan et dans l'objet qui unissent les deuxouvrages de Gicron sur La Rpublique et sur Les Lois, et VEx-position de la loi de Philon ; il y a le mme souci des deux ctsde dfendre leurs lois respectives en les mettant sous l'invoca-tion de la loi naturelle ; le travail de Gicron n'est que le dbutde l'immense laboration qui devait aboutir sous l'inspiration

    1 . Dans la Grce et les pays barbares, il n'est pour ainsi dire aucunecit qui honore les lois d'une autre. Les Athniens rejettent les murs "etles lois des Lacdmoniens, les Lacdmoniens, celles des Athniens, etc.

    ..

    (F.i^f., Il, 19).2. Philon borne le monde civilis aux limites de l'empire romain,3. Cf. la g-rande extension de la dispersion suffisamment prouve par les

    textes de Philon in Flaccum, 7, II, 524.

  • SUIVANT PHILON 13

    de lgistes toujours anims de Tesprit stocien la codificationdu droit romainAu livre II Des Lois, Gicron veut donner pour lois. univer-

    selles et naturelles les coutumes romaines. A Atticus qui remar-que, aprs que Gicron a numr les rg'les naturelles du cultedivin : Gette constitution ne diffre pas beaucoup des lois deNuma et de nos propres murs , il rpond : Puisque notrerpublique est la meilleure, n'est-il pas ncessaire que les loisde la meilleure rpublique s'accordent avec nos murs ? etplus loin : Ce n'est pas au peuple romain^ mais tous les peu-ples bons et fermes que nous donnons des lois \ Il oppose ilest vrai, le droit de nature connu par nos propres rflexions, etle droit romain connu par les traditions [de Legg. III, 20 fin.),mais cette opposition ncessaire aussi chez Philon n'empchepas la concidence. Pour une fois le point de vue traditionalisteconcide avec le point de vue rationaliste.Le code philonien a eu une moins brillante destine ; suivant

    Philon en effet chaque juif devient citoyen du pays o ses aeuxont colonis et s'y attache comme une patrie ; la cit romaineabsorbe, au contraire, tous les peuples conquis. L'applicationd'un code crit suppose non seulement l'expansion religieused'un peuple mais sa puissance politique ; sinon les prescriptionspolitiques, comme telles, deviendront lettre morte, et il ne sub-sistera que le souffle moral qui l'animait : la formule criten'aura plus qu'une valeur symbolique. G'est ce qui arrive chezPhilon lui-mme

    ;lorsque les lois ne sont pas des prescriptions

    purement religieuses, il est fort incertain si l'on a affaire uneloi rellement pratique ou un simple desideratum moral. Ledernier cas est sans doute le plus frquent.Pour faire accepter la supriorit du mosasme dans le milieu

    o il vivait, en faire une loi universelle, il fallait en modifiersingulirement les caractres nationaux. Nous allons montrerque de fait, Philon examine et dfend la Loi en se plaant tou-jours au point de vue des ides rgnantes dans les coles de rh-teurs ou de philosophes. G'est ces coles qu'il emprunte la cri-tique des cits et des lgislateurs devant laquelle toutes les loisdoivent tomber sauf celle de Mose ; c'est chez elles qu'il prend

    1. Leg., II, I, i4; cf. III, 5.2. In Place., 7, 524; cf. la diffrence entre la mtropole commune, Jrusa-

    lem et leur patrie qui est le pays o ils rsident.

  • 14 LA LOI JUIVE

    le type du lgislateur idal que Mose seul ralise ; d'elles enfinvient l'ide fondamentale de loi naturelle, v

    2. Critique des lgislations

    Philon trouvait dans la philosophie grecque, et en particulierdans l'cole cynique de violentes polmiques contre la politique,les cits .et les lgislations positives. Il s'approprie ces ides pouropposer la loi juive aux lois ordinaires. Mais nous devons y voirmoins une doctrine suivie (qui serait d'ailleurs contredite pardes passages logieux sur la politique) que des lieux communs.Nous essayons donc seulement de les classer et d'en chercherTorigine.Le premier est le lieu commun concernant l'origine des lois

    civiles : suivant la doctrine cynique qui nous est connue parDion Ghrysostome, il pense que c'est par suite de leurs vices, eten particulier de leur avidit que les hommes ont d ajouteraux lois de la nature (Gsct^ol) les lois civiles (vojjiot.) K Peu importequ'ailleurs en dcrivant les dbuts de l'histoire j uive, il attribuela runion des hommes en cits la sociabilit entre les hom-mes ^ Philon, suivant les points de vue, est sduit par les idesles plus diverses, les plus opposes. D'origine galement cyni-que est l diatribe contre les cits qui occupe tout le dbut dutrait sur \q Dcalogue (4-i3) : la fume d'orgueil (6 Tcpo) quiengendre l'effronterie, le mpris et l'impit, est une expressionfavorite de l'cole cynique.

    Toute la partie allgorique du trait sur Joseph est occupepar le dveloppement d'un second lieu commun contre le poli-tique. Le politique dont il s'agit ici n'est pas le lgislateur, ni leroi, puisqu'il ne commande pas le peuple ( i48), mais celuiqui se mle un titre quelconque de la vie de la cit pourconseiller le peuple et le persuader. Un pareil type est chezPhilon tout d'emprunt ; ce n'est que dans une dmocratie etparticulirement dans la dmocratie athnienne qu'il pouvait se

    I. Comp. de Josepho, 28 sq. {de Decal., i5, o les lois sont zvpriiJLurcx. v0pw-Txou

    ;Qu. in Gen., IV, 184, qui oppose jus existant par nature et lex

    existant par convention), Dion Chrys., Orat. (II, 244; H, 177, Arnim). Lepassade du de Josepho se rapproche de Gorgias, 483 b, o le principe des loisest la crainte de l'avidit des puissants.

    2. De septen.y i4, H, 291.

  • CRITIQUE DES LGISLATIONS 15

    raliser. De fait dans le triple portrait qu'il trace du politique \le fond d'ides et d'expressions est emprunte au Politique et auGorffias de Pldiion. Le premier portrait insiste, d'aprs le traitde Platon (294 a^b) sur l'absence de rg^les fixes en politique, parsuite de la diversit des objets. Le second qui dcrit le politiquecomme un sophiste cherchant flatter la foule, rappelle le

    Gorffias sur bien des points ^ Le troisime o le politique estprsent surtout comme un rhteur, s'attachant au vraisemblableen des sujets particuliers rappelle la fois le Gorffias et la dfi-nition de la rhtorique qu'a donne Aristote ^. Mais la source laplus immdiate dePhilon parat tre la critique, que Ton trouvedans l'cole stocienne d'Ariston et qui nous est connue parSnque, de la parntique laquelle il rduit de fait toute lapolitique Les prceptes que donne le politique de Philon ontle mme caractre que les prceptes que Snque donne enexemples. Ceux-ci portent in rem, non in omne sur un fait parti-culier non sur un tout, et ceux-l r^t^l exo-TOu. Snque au 87rapproched'ailleurslui-mme les prceptes des lois,puisque u nonseulement elles commandent, mais elles instruisent . Il critique cet g-ard l'opinion de Posidonius qui voulait faire les lois br-ves, sans explications ni prologues qui instruisent. Or nous trou-vons dans le Mose cette mme critique, et ce rapprochement dela parntique avec la politique ^ Philon se sert, pour montrerla varit des rgles de la politique, de la comparaison avecl'art du pilote et du mdecin ; c'est cette comparaison mme(95,7) que Snque indique comme tant celle des Stociensqui voulaient rduire la morale la parntique. Un mot deSnque qui leur est adress n'est pas facile comprendre sansle dveloppement de Philon : Tu te trompes, dit-il, si tu croisque la philosophie te promet seulement des uvres terrestres

    ;

    elle aspire plus haut : je scrute, dit-elle, le monde entier, et je neme tiens pas dans le contubernium mortel, en me contentant devous conseiller et de vous dissuader . Cette apostrophe touchejustement la politique de Philon, qui, non seulement s'en tient

    1. De Jos., 28-82, 54-80, i25-i5i.2. De Jos., 62 et Gorg., 465 a; comparaison de la rhtorique et de l'art culi-

    naire.3. 143 et Gorg., 459 c ; cf. Aristote, Rht., II, ch. I" ; la rhtorique est

    (Juvap-f Tspt 'xaa-TOv tou BswpijiTat t6 kvz-/^6u.fJ0-j 7Tt6av6v.4. Gomp. de Jos., 32 ; et Sn., Ep., 94, 35; de Jos., i44 et Ep., 95, 87.5. V. M., Il, 5o. Il est trop tyrannique d'ordonner sans conseiller .

  • 16 LA LOI JUIVE

    la vie humaine et terrestre, mais oppose cette vie pleine detroubles, Tternit et l'harmonie du monde cleste (i45-i48).Le politique, comme tel, est donc fort mpris. Mais les lgis-

    lateurs autres que Mose sont aussi Tobjet de vives critiques. Cescritiques sont rassembles dans deux passages peu prs identi-quespourle fond, d'abord au dbut de l'expos del Loi mosaque;et au dbut de la partie du yl/oise consacre au mme sujet: Parmiles autres lgislateurs, est-il dit dans la premire phrase du deOpi/icio, les uns ont ordonn ce qui leur a paru tre juste sansornement de style ; les autres, ayant entour leur pense d'unegrande pompe, ont aveugl la foule et cach la vrit par des fic-tions mythiques. Le premier procd est inconsidr, faible(Ta).aL7rcL)pov), et sans philosophie ; le second, mensonger et char-latanesque . Le second passage * reproduit avec plus de dtailla mme division et les mmes critiques. Aux premires lgisla-tions, composes sans plus des ordres lgaux et des chtimentscontre les transgresseurs, il reproche leur despotisme, leurtyrannie ; elles ordonnent sans conseiller comme des esclaves .Une bonne lgislation doit donc dans sa pense exposer les prin-cipes sur lesquels elle est fonde, et les raisons des lois ; elleimplique toute une philosophie de la nature. Philon ne songepas lorsqu'il parle de lgislations aux codifications pratiques etimmdiatement applicables, mais plutt aux lgislations philo-sophiques, telles que celles de Platon dans les Lois ou des no-pythagoriciens. Les deuximes lgislations sont meilleures ; ellescommencent par fonder par la pense une ville , puis imagi-nent la constitution qui conviendrait le mieux la cit idale

    ;

    elles conseillent plus qu'elles n^ordonnent , et emploient, cette fin, des prologues et des pilogues . Mais Mose leurreproche d'tre bonnes pour une ville artificielle (y^s'.poTroiYiTo;),mais de ne pas tre ce que doit tre une lgislation, l'image dugouvernement de l'univers, la grande cit.

    Ce dernier trait montre que ceux qu'il critique ici ne sont pasles Stociens ; au reste nous savons par le tmoignage de Cicronqu'ils se sont fort peu occups de lgislation ; ils en restaient enpolitique des principes trs gnraux. Pourla premire espce delgislateurs, leur thorie correspond trs exactement un vu dePosidonius que nous avons dj rencontr. Les lgislations pro-logue et pilogue sont frquentes l'poque de Philon chez

    I. V.M. II, 49-52.

  • CRITIQUE DES LGISLATIONS 17

    les no-pythag-oriciens qui composent des lois qu'ils attribuent d'autres philosophes K Mais le prototype de ces faussaires setrouve dans les Lois de Platon, et c'est bien celles-ci qui sontdans la seconde partie de nos deux textes l'objet des critiquesde Philon. Tout ce qu'il dit se rapporte trs exactement aulivre IV des Lois, qui prcde immdiatement le dtail des lois.Nous mettons ici les textes en regard ^ Le reproche de fictiondans le Mose peut s'adresser Platon, et l'emploi que celui-cifait souvent des mythes ^ peut expliquer les pnjO'/z- TrXa-fjLa-a dupremier passage. Mais c'est srement le procd de Platon qu'ildcrit en l'approuvant lorsqu'il parle des prologues qui doiventter aux lois tout caractre despotique ou tyrannique et le rem-placer par des conseils La critique qu'il fait (sous l'influencedu stocisme) ne l'empche pas d'approuver, et (ce qu'il fait sou-vent lorsqu'il approuve) d'attribuer Mose les traits essentielsde la mthode. Ce ne sont pas les seuls contacts que Philon aitavec l'auteur des Lois. Pour nous en tenir aux critiques, la firecomparaison entre les lois des autres peuples branles parmille circonstances, guerres, tyrannies et autres malheurs dusau hasard , avec la Loi mosaque inbranlable au milieu detoutes les preuves du peuple, semble tre une rponse un pas-

    1. Lois de Zaleucus, de Charondas, conserves en partie par Stobe.2. Lois, 712 b. nstpwaOa TTfjoac/.p^oz-ovze^ rvj tzoIsl... tt^ttsiv t^'j yw rc;

    volJLOvq (dit l'Athnien ; puis il invoque le Dieu pour qu'il ordonne avec lui lacit et les lois). Puis sur le travail du lg-islateur, 719 e. norepov ouv r^urj Trayavo kn rot; vouloir xcrJh zotovro^j Tvoo^-ayoocvj sv OLoyj tm'j voumv svO; el TZQubj xt ix-fj fodi'-f) T xt 7Ta;rt),/;(7a; t'v ''/juLLCty krJcCiXo^j 'pr^z'ui voaov,7ri3au6ta; xar 7Tct6oO; rot; joao^)zToyu.ijoi^ u-(i Iv TzooaoS) (de la mme faon,ajoute-t-il, le mdecin des hommes libres, leur donnera les raisons de sesremdes, non pas celui des esclaves).

    722 esq. montre la ncessit des prolog-ues sans lesquels la loi serait unordre tyrannique (sn-rayaa TLoavvr/.dy;

    .

    V. M., 49 (sur la seconde espce de lg-islateurs) : r.r/n-j >,6yr,) xTta-avrc;xat iSpucjduz-JOt irpozcpo-j r,-j VJoy.io'j or/.toTarvjv.,. stvai rv: ATiai)iiT, r.o'f.iriiv.-j

    . .

    ,

    SfnppLO^^ov.

    49 (Description de la premire espce de lgislateurs) : ot fxsv OO a t /pi}TZpdz-iLV C?tTa^C. I^OUAOI (Sc. MoSC) VTrOTtOcTat Xt TTKjO/jyO-pl - 7r)v6v V7 xAt, uTCf. TzpooLuicyj xa'f. STTiloyMy r Tzlsiaru xt juyAC

  • 18 LA LOI JUIVE

    sag-e o Platon montre les lois naissant et prissant par des cir-constances accidentelles \Tout ce recueil de lieux communs doit montrer la supriorit

    de Mose. Mais quelle ide se fait il de Mose comme lgisla-teur ?

    3. Le lgislateur

    Chaque cit grecque plaait son origine un lgislateurmythique. Mose est suprieur tous ces lgislateurs parce qu'ilest unique et qu'il a donn au peuple juif une loi universelle etimmuable ; mais de fait, les traits par lesquels le dpeint Philondans le deuxime livre de sa Vie, sont presque tous empruntsaux traditions populaires des Grecs, telles qu'elles se sont fixeschez Platon, chez les historiens et surtout chez les no-pythagori-ciens. Nous avons vu que Philon connaissait les Lois. Un texte dulivre III des Questions sur la Gense '^ montre avec certitude qu'ilconnaissait les fausses lgislations pythagoriciennes. Il parle dela doctrine de la triple division des biens : aprs avoir dit qu'elleest soutenue par Aristote^ il ajoute : On dit cependant que telleest aussi la lgislation pythagoricienne . Or les prologues quinous ont t conservs par Stobe contiennent prcisment, dansleurs principes, cette doctrine d'Aristote \Le lgislateur est en mme temps roi, grand prtre et pro-

    phte. C'est au roi d'abord qu'il convient de lgifrer. Puiscomme il ne peut russir sans l'asistance divine, il lui faut lascience du culte, le sacerdoce. Enfin, comme l'avenir est indis-cernable Thomme, il lui faut l'inspiration divine : il est pro-phte. Toutes ces vertus s'unissent en Mose, et changent entreelles leurs services comme les Grces insparables Un texteprcdent ( la fin du livre P^) ne mentionne que trois de cesdons, la royaut, le sacerdoce et la lgislation. Reitzensteinsignale un texte de Josphe ^ qui attribue au roi des JuifsHyrcan la souverainet, le sacerdoce et la prophtie . Il recher-

    1. Cf. Gicron, de legg., II, 2, imitant Platon, et [ZaleucosJ chez Stob. Floril.,44, 20-21, donnant pour raison que la loi s'adresse non des esclaves, m^iis des hommes libres.

    2. iG, 188.

    3. Fragments d'Archytas ; MuUach, p. 553.4. V. M., II, 1-8, correspondant de praem. et poen., 9, II, 4i6. Le don de

    prophtie, dans ce dernier texte, est antrieur au don de sacerdoce.5. Poimandres, p. 176 : Jos. BelL. Jud., I, 68.

  • LE LGISLATEUR 19

    che le prototype de cette conception commune dans le mythegypto-grec de l'Herms-roi. Il en voit la trace dans le culte desSabiens, qui adorent l'Herms trismgiste comme roi prophte etphilosophe. Mais il faut remarquer que ce culte est d'un ge fortpostrieur, et que l'Herms roi qa'W retrouve dans l'Eg-yptepharaonique ou encore reprsent l'poque impriale sous laforme d'Auguste n'offre pas encore tous les traits de notreMose. Quoi qu'il en soit, comme nous verrons que le mythed'Herms a influ sur certaines parties du rcit de la vie deMose, une influence de ce genre n'est pas invraisemblable.

    Les ressemblances de dtail que nous trouvons entre ce por-trait et celui du lgislateur des no-pythagoriciens font supposerque, s'il y a eu influence gyptienne, elle s'est exerce la foissur ceux-ci et sur Philon. Chez Philon, Mose n'est lgislateurque parce qu'il est d'abord roi. C'est comme roi qu'il prendtoutes les fonctions humaines et divines^ puisqu'il est commetel, lgislateur et grand prtre. Il y a dans toute la suite, unedescription d'un gouvernement Ja fois paternel et irrespon-sable dont il faut chercher le pareil dans les traits apocryphesde Diotogne, de Stnids de Locre et d'Ecphante sur laRoyaut K Pour Diotogne le roi est la loi vivante ou le sou-verain lgal (vop-o [j.(J;uyo t, v6(X!.(j.0s apywv). Ses trois fonctionsessentielles qui toutes sont les consquences de la vertu royalesont celles de stratge, de juge et de prtre (o-xpTayov xs xalSuaa-xv xal l'osa). Comme le pilote sauve les passagers en pril, etle mdecin, les malades, le roi stratge sauve ses sujets. Il asur eux une souverainet irresponsable (ap'^7,v vuTrsuSuvov) ; d'oil rsulte qu'en en faisant un a souverain lgal , Diotogne neveut pas dire que la loi est une borne sa puissance, mais quepar nature et par essence, son pouvoir est lgal. Il se fait doncdu roi la plus haute ide, et en fait sinon un Dieu, au moinsautre chose et mieux qu'un homme. Il est la cit ce que Dieuest au monde ; il ne doit pas tre semblable aux autres, maissuprieur; il est convenable que, commandant aux autres, ilpuisse d'abord matriser ses passions. Ce n'est pas la richesse, lapuissance cl la force des armes qui le distinguent, mais la vertu.Vient ensuite le portrait de ce roi idal : son attitude n'est nirude, ni mprisante. Il imite les vertus de Zeus (G6[jLt.[jiov Tcpay^xa).

    I. Ces uvres sont impossibles dater avec prcision ; mais elles tombentau sicle avant J.-G. (Zeller, Philos, de?' Gr., \, p. loo).

  • 20 LA LOI JUIVE

    Il est vnrable (o-jjlvo) par Texcs de sa vertu, bon par sa bien-faisance et sa libralit, terrible (o!.v6;) pour chtier les injus-tices, et commander tous. Il est bienfaisant dans ses plaisirs

    ;

    il fait part autrui de ses richesses, et il a la prudence. Stnidsdveloppe surtout l'ide que le roi doit imiter Dieu, avoir commelui l'me g-rande, la douceur et peu de besoins (pisyaT^ocppova,Tpov, oAt-yoSa) ; Dieu qui il ressemble, n'est pas seulementcrateur, mais matre et lgislateur. Ecphante, enfin, soutientune tKse analogue.

    Cette thorie est une utopie politique, qui nglige fort toutesconditions pratiques. Au reste, chez les no-pythagoriciens,comme chez Philon, l'intrt moral et religieux est essentiel, etla politique pratique reste secondaire. Aussi sans dnier l'in-fluence que Vauteur des Lois a eu sur ces conceptions, nous pou-vons dire que jamais Platon n'a perdu contact ce point avec laralit. Le portrait du bon tyran platonicien est videmment undes modles ^ Ce tyran qui n'est pas le lgislateur, mais sert celui-ci de moyen pour imposer les lois, est jeune, temprant,apprend et retient facilement, est courag-eux et magnanime . Ace portrait idal il est vrai, mais non pas utopique, il faut joindreun autre passage, d'aprs lequel Gronos, sachant qu'aucunenature humaine, si elle exerce la toute-puissance, n'est capabled'tre exempte de violence et d'injustice, a institu comme roispour les cits, pendant l'ge d'or, non des hommes, mais destres d'espce plus divine et meilleure, des dmons >> ^. Ce quePlaton considre comme un mythe a t pris au srieux par lesno-pythagoriciens qui en dduisent la nature divine du roi.Mais le lieu mme o ils crivaient, l'Egypte, a d tre une

    circonstance dterminante dans cette accentuation d'une idejete en passant par Platon. La royaut pharaonique, laquelleavait succd, sans qu'il y ait eu de changements dans les prin-cipes politiques, la royaut des Ptolmes, puis l'autorit romainetait absolue et d'essence divine. Or ce sont bien les deux carac-tres les plus frappants et les plus nouveaux des frag-ments no-pythagoriciens.Nous allons montrer maintenant, dans le Mose de Phlon, et

    dans les portraits que l'on trouve a et l du paa-Lsu une inspi-ration tout fait identique. Pour lui aussi le roi est une loi

    1. Lois, IV, 709 1 c.2. Ih., 71;^ e.

  • LE LGISLATEUR 21

    vivante et un souverain lg-al ^ Pour ses fonctions, si l'on netient pas compte de la prophtie qui est toujours attribue Mose, mais non pas toujours au ['iao-Qvj; idal, le roi est prtre 7 indiquant le repos et lapaix, et son carr les biens venant de la vertu (^?^. in Gen . Wl, [\o, 207).

  • CHEZ LES JUFS AVANT PHILON 45

    2. La mthode allgorique chez les Juifs avant Philon

    Philon disting-ue trs nettement trois sources de ses explica-tions allg-oriques : l'inspiration, la recherche personnelle etrflchie, la tradition \ Il ne distingue malheureusement paschaque fois les explications traditionnelles des explications nou-velles qu'il introduit. Mais si nous ne connaissons pas l'tenduede cette tradition, nous sommes du moins assurs qu'il y enavait une.

    Deux moyens sont possibles pour dterminer ce qu'tait cettetradition : d'abord l'examen des littratures juives^ palestinienneet judo-alexandrine, antrieures Philon. Pour la littraturejudo-alexandrine de trop courts fragments nous en ont t con-servs parEusbe et Clment. Un second moyen est Ttude atten-tive des allusions de Philon lui-mme aux allgoristes ant-rieurs qui pourra nous renseigner sur leur mthode et leurdoctrine.

    Sur le premier point, le matriel de notre tude n'est plus rechercher. La confrontation des allgories philoniennes avec lalittrature palestinienne a t faite avec soin par Siegfried ^ etcomplte sur quelques points par Karppe ^

    Sans doute un trait gnral de l'esprit j udaque a persist chezles Juifs de la dispersion : toute pense quelle qu'elle soit, phi-losophique, historique ou juridique fait partie de Texgse dela Bible. Philon, sauf quelques exceptions, a toujours conu ledveloppement de la pense philosophique et religieuse sous laforme exgtique. Mais les rapprochements de dtail que l'onconstate entre l'exgse philonienne et rabbinique ne peuventnullement prouver une influence de celle-ci sur celle-l. D'abordles textes sont impossibles dater ; ils prsentent le rsultatd'une exgse poursuivie depuis le ii*^ sicle avant J.-G. j usqu'auIV sicle sans aucune suite chronologique. Il n'est donc pasimpossible que les ressemblances soient dues l'action en retourdu philonisme sur les exgtes palestiniens. Friedlnder con-firme la possibililit de cette influence en montrant l'existenced'une communaut judo-alexandrine Jrusalem mme, au

    1. Tradition : V. i/., II, 98; inspiration, de Cher.^ 27; recherche conjectu-rale, V. M.

    ,

    II, 122.

    2. Siegfried, Philo von Alexandria als Ausleger. des A. T., Jena, 1875.3. Etude sur l'origine et la nature du Zohar, Paris, 1901,

  • LA MTHODE ALLGORIQUE

    temps des aptres. Un membre influent et actif de cette commu-naut nous est mme connu \ Si l'on songe qu'il y a eu uneinfluence considrable de ce judo-alexandrinisme sur le chris-tianisme naissant ^, on comprend que cette propagande ait puquelque peu agir sur les rabbins. De plus si les explications all-goriques se rencontrent et l, elles sont bien loin de former lasubstance des commentaires de la Loi. Le principe de Texgserabbinique lui est tout contraire ; elle prend pour tche, commel'a remarqu Bousset, d'expliquer la lettre de la Loi ^

    Si nous nous tournons vers la littrature judo-alexandrine, lesdbris qui nous en restent ne nous permettent nullement decroire qu^elle manifestait un got spcial et marqu pour l'all-gorie. Il n'y a rien de pareil chez les historiens juifs et chez lesSibylles. Ils traitaient littralement les lgendes de la Genseavec une tendance vhmriste les identifier aux mythes grecs.Le livre III des Sibylles mle l'histoire de la tour de Babel,celle des Gants et des fils de Cronos. Artapan faisait de Moseun dieu inventeur des arts '\ Bestent la Sagesse de Sirach quiest la traduction grecque d'un original hbreu crit en Palestine(original dont on possde seulement quelques fragments), laSagesse de Salomon^ le livre IV ^s Macchabes^ la lettre di'Ariste,enfin les fragments 'Aristobule. Si nous laissons pour le momentce dernier, nous trouvons dans les autres crits des traces d'expli-cation allgorique ; mais elle est employe d'une faon toute occa-sionnelle, et sans aucun lien avec les doctrines qu'ils renferment.

    UEcclsiastique renferme une seule allgorie, celle d'Enoch ^,symbole du repentir. Cette allgorie se retrouve chez Philon.Mais ainsi que l'a remarqu Drummond, elle est fonde chezlui sur le texte de la traduction des Septante ((j.T9r,xv) et ellepeut tre dans VEcclsiastique une interpolation du traducteurd'origine alexandrine ^ La Sagesse de Salomon nous prsenteune histoire du peuple juif, faite pour y montrer l'influenceconstante de la sagesse : en rgle l'histoire est interprte dans

    1 . Textes cits par Friedlaender : I, Cor., 3, 6-9 ; Act., 18, 24-28 ; 6-9, sur lacommunaut alexandrine.

    2. Cf. les allg-ories du nouveau Testament : la circoncision du cur dansep.ad Rom., II, 28, le voile du Temple, II, Cor., 3, i5. Bousset, p. iSy.

    3. Certaines interprtations des noms propres ne s'expliquent que par destymolog-ies hbraques (Karppe, Orig . et nat. du Zohar, p. 55o sq.).

    4. Prp. v., 9, 27, 3 sq.5. 44, 16.

    6. Cf. Drummond, p. i44'

  • CHEZ LES JUIFS AVANT PHILON 47

    son sens littral. Montrer dans les vnements Faction sous-jacente de l'esprit et de la sag-esse, ce n^est nullement commePhilon transformer l'histoire extrieure en histoire intrieure.Les trs rares allg'ories que l'on rencontre ne permettent doncnullement de rang-er Fauteur dans une cole allgorique juiveantrieure Philon. 11 faut remarquer cependant qu'elles sontcommunes Philon et au pseudo-Salomon ; le vtement du grandprtre est le symbole du monde \ la femme de Lot de l'incr-dule ^ ; le serpent d'airain du salut ^ Les autres exemples citspar Bois * sont moins des allgories que des mtaphores inter-prtes en un sens spirituel.Ces allg"ories suffisent du moins prouver qu'il existait

    l'poque o ces auteurs ont crit une mthode allg-orique rg'u-lirement constitue. Enfin outre que ces mmes allg-ories seretrouvent chez Philon, ce qui tend prouver l'existence d'unetradition, elles sont indiques chez eux comme assez courantes etrpandues pour ne pas avoir besoin d'explication. Les raisonscompliques pour lesquelles le vtement du grand prtre sig-nifiele monde et dont on peut voir le dveloppement chez Philon, nesont pas indiques dans la Sagesse. Celle-ci et les autres parais-sent donc provenir des emprunts des allgoristes proprementdits par des auteurs qui n'employaient pas systmatiquement ceprocd.

    Possdons-nous en Aristobule un de ces allg-orisles ? Ce juifpripatticien qui adresse au roi Philomtor une explication dela Loi dont les principes sont exactement les mmes que ceuxde Philon, nous montrerait le procd dj constitu une po-que bien antrieure celle de notre auteur.

    L'objet d'Aristobule est tout autre et bien moins tendu quecelui de Philon : il s'attache uniquement deux points : viterl'anthropomorphisme par la mthode allgorique, et faire deMose le matre des philosophes grecs ^ Quant au premier pointon sait que c'est une des proccupations de toutes les traduc-tions de la Bible partir du ii^ sicle, soit de la traduction grec-

    1. Sap., i8, 24 ; Philon, F. i/., II, 117.2. 10, 7 ; leg. alleg., III, 2i3.3. 16, 5, 7 ; leg. alleg., II, 79.4. Essai sur l'origine de la philosophie alexandrine, Toulouse, 1890.5. Le fragment principal est une explication des membres que l'Ecriture

    attribue Dieu {pr. ev., III, 10) ; comp. Philon, de post.^ C, 7 ; de conf.lingu.,i35, etc.) soutient que la philosophie grecque vient de Mose (XIII, 12).

  • 48 LA MTHODE ALLGORIQUE

    que, soit des traductions aramennes d'viter les anthropomor-phismes trop vidents. On se sert pour cela de la thorie despuissances divines auxquelles on attribue les actes que le texteprimitif attribuait Dieu, par exemple les thophanies ^Ce fut unprocd tout diffrent, et dont, sauf Aristobule, nous ne rencon-trons pas d'indice avant Philon, d'utiliser pour cela la mthodeallg-orique. C'est d'ailleurs chez Philon lui-mme un objet trssecondaire de cette mthode. L'objet principal de la mthodeallgorique chez Philon et aussi comme nous le verrons tout l'heure ^antrieurement lui, c'est la dcouverte de l'histoireintrieure de Tme ; elle est totalement absente d'Aristobule.Nous avons Timpression d'un auteur, qui aurait utilis sans encomprendre toute la porte quelques-uns des procds philo-niens.

    Pour le second point, Aristobule est le premier qui systmati-quement ait rattach la philosophie grecque Mose. Rien depareil chez Philon. S'il ne faut pas aller aussi loin qu'Elter ^ quimconnat entirement chez lui l'existence d'une pareille idenous voyons du moins qu'il se borne rapprocher quelquesthories grecques du texte mosaque^ mais qu'il affirme en sommeForiginalit et la haute valeur des penseurs grecs\ L'ide est aucontraire devenue trs familire l'poque qui a suivi Philon,surtout parmi les chrtiens.

    L'inauthenticit des fragments d'Aristobule est devenue unecertitude grce l'analyse soigneuse et dcisive des fragmentsfaite parElter et la confrontation tablie par Wendland avec letexte de Philon. 11 en ressort que l'auteur, qui d'ailleurs n'estconnu d'abord que par Clment d'Alexandrie, a copi Philon, enl'abrgeant, en l'obscurcissant, et bien souvent sans le com-prendre

    Il ne reste donc dans la littrature antphilonienne pas unseul fragment conu dans la mthode et l'esprit de Philon. Cettevrit est trop peu reconnue. Il ne faut pas se laisser guider pardes ressemblances trop gnrales, formes de traits communs

    1. Deissmann, Die Hellenisierting des semitischen Monotheismus, Leipzig-,1903.

    2, Elter, de gnomolog. graecor. hist. atque orig., Bonn, 1894-1895, p. a-ai.3 Cf. outre les textes cits par Elter qui font Mose matre d'Hraclite, de

    Socrate, des stociens, le texte Qu. in Gen., IV, 167, 373, o les stociens ennriorale drivent de Mose. Le procd est comparable celui des allg-oris-tes d'Homre, plus que des apologistes chrtiens.

    4. Elter, loccit., p. 229.

  • CHEZ LKS JUIFS AVANT PHILON 49

    des cercles trs tendus comme la thorie des puissances ou lerejet de Tanthropomorphisme. L'essentiel de la doctrine philo-nienne est une transformation par la mthode alli^orique del'histoire juive en une doctrine du salut. C'est ce que ron neretrouve nulle part ailleurs.

    Faut-il conclure avec Elter * qui, sans nier les allgoristesantrieurs, soutient que le philonisme est dans l'histoire desides juives une apparition sans prcdent, que tout chez lui,procd et systme, vient de sa personnalit. Ce serait allertrop loin. L'opinion plus modre de Bousset qui montre com-ment le philonisme tranche seulement sur le reste des doctrinesde la diaspora, et par consquent n'a pu exister que dans unmilieu assez restreint, est aussi plus exacte.Nous connaissons, en effet, non pas d'aprs leurs uvres^

    mais par de courts tmoignag-es des contemporains, un milieujuif assez restreint o, ds avant Philon, on pratiquait de lamme faon que lui la mthode allgorique. Nous voulons par-ler de la communaut des Essniens. Elle nous est connue parles tmoig'nag-es concordants de Philon, de Josphe et d'unauteur paen Pline l'Ancien '

    La communaut essnienne, l'poque de Philon, tait djfort ancienne : on en constate l'existence sous les rois Jonathanet Aristobule I^^. 11 ressort formellement de nos sources qu'ellen'existait qu'en Palestine^ o ses membres, au nombre de 4-ooo,vivaient en plusieurs communauts dans les bourg-s et dans lesvilles. En aucun pays de la dispersion, il n'est fait mentiond'Essniens. S'il y en avait eu Alexandrie, Philon n'auraitpas manqu de le dire. Mais leur doctrine se distingue par destraits si nombreux et si essentiels du judasme orthodoxe, quepresque tous les auteurs sont d'accord pour y admettre desinfluences extrieures au judasme. Schrer lui-mme tout enles appelant, cause de leur thorie de la providence incondi-tionnelle \ des Pharisiens dcids admet cependant bien deslments trangers aux ides juives : notamment l'adoration ou

    1. Loc. cit., p. 227.2. Philon, Quod omn. prob lib. 12, i3, II, 458 ; ap. Eus., Prep. et; , 8, 11;

    Pline, Hist. nat., V, 17 ; Jos., Bell. Jud., II, 8, 2-i3 ; Ant. Jud., XV, 10, 45 XVIII, 1-5; XIII, 5-9.

    3. C'est ainsi qu'il interprte la croyance Vii^apu^r/} {Jos. Ant., XIII, 5, 91);le mot serait la coloration juive d'une ide grecque.

    4

  • LA MTHODE ALLGORIQUE

    rinvocation du soleil, la thorie des anges, de la prdiction, derim mortalit et de la prexistence des mes.

    Philon indique dans les termes suivants que les Essniensemployaient l'allgorie : Au saint sabbat, ils vont dans deslieux saints, les synagogues o ils s'asseyent par rang d'ge, lesjeunes au-dessous des plus gs. Ils se disposent couter dansTordre convenable. Ensuite l'un prend les livres et on les lit

    ;

    puis un autre parmi les plus savants, s^tant avanc, expliquetout ce qui n'est pas comprhensible ^; c'est qu^en effet, chezeux, la

    ,

    plupart des passages sont mdits ^ au moyen de sym-boles suivant un got trs ancien .Ce passage se trouve au milieu d'un dveloppement o Philon

    expose les doctrines philosophiques essniennes. Aprs avoir ditqu'ils rejettent la logique comme sans usage pour la vertu, etla physique trop leve pour la nature humaine, il montredans l'thique, l'objet de leur principale tude. Dans cette tudeils se servent comme soutien de la loi juive. Cette loi est ensei-gne au sabbat, avec les symboles qui la recouvrent. La phrasequi vient ensuite (TtaiosovTa'. o) se rattache la phrase que nousavons traduite pour indiquer l'objet de cet enseignement. Ce quileur est enseign (certainement comme il ressort du contexteau moyen des interprtations allgoriques de la loi) c'est lapit, la saintet, la justice^ l'conomie, la science des biens,des maux et des choses indiffrentes^ la volont (al^^zi) de cequ'il faut, le refus (cp'JY(yi) du contraire . Le reste du paragrapheest destin montrer dans les murs des Essniens, les excel-lents rsultats d'une pareille ducation. Ainsi le centre de leurphilosophie est une ducation morale reposant sur une exgseallgorique de la loi. Il y a une ressemblance tout fait remar-quable entre cette peinture et le tableau de l'enseignement dessynagogues alexandrines que l'on trouve dans les autre uvresde Philon. L'poque de l'enseignement est la mme : il se fait entout temps mais surtout au sabbat ^ ; le moyen d'enseignementest aussi la lecture et l'explication des textes sacrs ; enfin

    l'objet est uniquement l'thique, avec la mme triple division

    1. Le texte est : irspo; rrjiv kunLporc/.ZMv ocra yvpipici TtapAGwv u-jixLa.(j-

    y.zL..

    .y\aoiy^oii.v.i signifie s'avancer dans une assemble pour parler (Cf. Zeller,Phil. d. (?.\V, 293. n. 3).

    2. ftloaofdTKi n'a pas ici d'autre sens.

    3. F. M., II, 21 5, propos de la synagogue de Mose ; cf. les Essniens Tvup.

  • CHEZ LES JUIFS AVANT PHILON 51

    que Ton rencontre dans l'enseignement essnien ^ : les vertus engnral, la pit et Thumanit. Dans un autre texte ^, l'attitudedes assistants assis en ordre, et celle de l'interprte ( un des"plus expriments s'tant lev... ) est peinte peu prs de lamme faon. Nous constatons une seule diffrence, mais d'uneimportance extrme. Nulle part il n'est dit, que dans les syna-gogues alexandrines, on employait l'explication allgorique.Nous voyons d'ailleurs trs bien, par les uvres de Philon lui-mme, comment les exgtes alexandrins pouvaient de la seuleexplication littrale, tirer des leons morales. Pourtant nous nepouvons conclure de ce dfaut d'information que, dans les syna-gogues extrmement nombreuses de la dispersion, l'on n'em-ployait jamais cette mthode.Un paralllisme aussi parfait entre la synagogue essnienne

    en Palestine et les proseuques que Philon connaissait et frquen-tait Alexandrie n'est pas pour nous inspirer beaucoup de con-fiance dans l'exactitude de cette peinture. Il est vraisemblable quePhilon a pu imaginer sur le modle de ce qu'il voyait autour delui, les loisirs des Essniehs. D'ailleurs cet enseignement all-gorique est tmoign uniquement par ce passage de Philon

    ; les

    autres sources, l'Apologie des Juifs de Philon et les passages deJosphe qui pourtant contiennent des peintures d'ensemble del'essnisme omettent les runions hebdomadaires et l'explicationdes textes.Comparons les deux portraits de la Libert du Sage et de

    VApologie. Les dtails prcis sur leur nationalit, leurs lieuxd'habitation, l'tymologie du nom, leurs occupations matrielles,les rgles de leur communaut sont, quelques nuances prs,les mmes. Le passage sur l'allgorie et les exercices sabbati-ques, seul est tout entier ajout dans le premier portrait commeune vritable interpolation. Bien plus ce que nous savons deleurs ides n'implique nullement ou mme exclut cette exgseallgorique qui, d aprs le passage cit, aurait fait le soutien deleurs doctrines. Les livres de la secte qu'ils conservaient n'taientsrement pas des livres allgoriques. Ils renfermaient entreautres choses, les proprits des racines et des pierres pour la

    1. Cf. quod omn. pr, lib., tm t)oGw xat fLlaptro xa ^t>av6pw7rw et l'num-ration de Mose : on enseigne d'abord les quatre vertus cardinales, puis lesvertus concernant les choses humaines et divines.

    2, De Septen., 6, II, 282 ; cf. encore Fragments, II, 63o.

  • 52 LA MTHODE ALLGORIQUE

    gurisoii des passions. Lorsqu'ils se servaient des Ecritures pourdeviner l'avenir^ ils taient loin de l'exg-se philonienne.Mais c'est non seulement le passag^e sur l'allg-orie, mais le

    dveloppement tout entier dont il fait partie, qui doit treinexact. Zeller a dj remarqu que l'on ne pouvait pas dire la lettre que les Essniens s'abstenaient de toute physique puis-qu'ils avaient une thorie du destin et de la divination, desides astrologiques, la croyance la prexistence des mes dansl'ther. Philon parle des Essniens en apologiste non en histo-rien. 11 s'agit de montrer chez eux certains traits de son propreidal. Ils lui sont un prtexte des thmes moraux qui noussont familiers dans l'uvre de Philon : au dbut, c'est le thmecontre les cits reposant sur l'ide que les Essniens n'habitentpas les villes, ce qui est en dsaccord complet avec l'autre tmoi-gnage de Philon

    ;puis le thme contre Fesclavage et sur l'galit

    humaine. Dans le texte de VApologie, nous avons d'abord l'indi-cation d^un thme contre la noblesse de naissance, puis un longdveloppement contre les femmes. Ce sont l des ides connues,et les Essniens servent seulement de prtexte leur introduc-tion. Le long passage sur leur philosophie, dont nous cherchonsmaintenant la valeur dveloppe l'ide philonienne bien connueque les subtilits du discours et les recherches physiques doi-vent tre abandonnes pour la morale. Ceci s'accordait bienavec le genre de vertu purement pratique, avec l'asctisme desEssniens, mais n'a rien voir avec leurs doctrines, telles quenous les connaissons d'ailleurs.

    Il reste donc peu certain que les Essniens employaient l'all-