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    C O M M E J E L E S A IC O N N U S

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    Chapitre 3Lyman L. Lemnitzer

    General d'armee (Etats ...Unis)Commandant supremedes Forces Alliees en Europe

    (1899-1988)

    I!

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    Lyman L. Lemnitzer29-8-1899 13-11-1988

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    LES ETATS-UNIS'Les Europeens en general et les Belges en particulier connaissent mallesEtats-Unis. A part les gens qui ont voyage, ceux qui sont cultives ou ontfrequente de grandes ecoles, lc commun des mortels est mal renseigne. Levocable "Americain'' n'evoque pour lui que des cow-boys ou la bombe

    atomique. Et depuis la guerre du Golfe c'est l'arsenal des missiles. Pourtant, al'issue de la premiere guerre mondiale, les Etats-Unis connaissaient deja uneprosperite remarquable mais qui nous echappait. Un Americain sur cinqpossedait une voiture. Ils connurent de terribles problemes sociaux parcequ'une crise economique sans precedent, mit des millions d'hommes auch6mage.

    Ils etaient les pourvoyeurs de l'Europe en aliments et en materiels. Commeils utilisaient des techniques inconnues chez nous, leur production prit un essorextraordinaire et comme elle n'etait pas completement consommee chez eux, ilsetaient specialement a la recherche de marches.La vie politique et l'economie etaient conduites par les grands hommesd'affaires. Le nationalisme et le conservatisme etaient au gout du jour. Lapresse, la litterature et le cinema presentaient le pays de l'Oncle Sam, commeleparadis de lademocratie, par contre, ils essayaient de contingenter l'emigration,Obnubiles par leur "colour-bar", ils etaient foncierernent anti-communistespuis que ce regime etait l'anti-these de leur propre systeme economique,En 1929, ils sont frappes par cette terrible crise qui atteint tous les echelonsde la societe. F.R. Roosevelt et son "New Deal" vont remettre l'economie enmarche. Un programme de grands travaux finances par l'Etat, la production

    mise sous contr6le et la limitation des terres cultivees seront accompagnes demesures sociales. Cette renovation causa la reelection de Roosevelt en 1936 eten 1940. L'autorite presidentielle a cte renforcee mais le syndicalisme s'est faitde plus en plus puissant. ,Tel est le contexte vecu par le jeune Lyman Lemnitzer qui est entre al'Academie Militaire de West Point en 1920. Il avait choisi un metier qui offrait

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    des garanties de stabilite et la promesse d'une retraite convenable. A quelquepays qu'il appartienne, Ie fonctionnaire militaire n'est jamais riche mais commeil fait partie de la charpente de l'Etat, il est certain d'etre paye,

    Le general Pershing est rentre d'Europe couvert de gloire. Les calots desveterans de la guerre sont tres populaires. West Pointreste le creuset dans lequelon burine les vocations du metier des armes. Ce monastere militaire foumirapendant la seconde guerre mondiale, les chefs qui triompherent du Nazisme etde l'imperialisme nippon.

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    Alors que les Etats-Unis professaient une politique d'isolement IiI'epoquede leur crise economique, ils vont au contraire jouer un role dominant dans Iemonde entier, Iil'issue de la seconde guerre mondiale.lIs ont gagne economiquement la guerre. Le dollar devient la monnaieintemationale la plus forte. lIs possedent Ie plus haut niveau de vie du monde.Leurs citoyens sont des citoyens du globe. Le mot americain est synonyme derichesse. Leur prestige s'etend sur l'ensemble de la sphere terrestre jusque dans

    les plus humbles villages de brousse. Je fus Ie temoin de cette penetration, enAfrique, entre 1949 et 1953. Des catalogues de grandes surfaces americaines,circulaient entre les paillotes. Des "evolues'' traduisaient la publicite et les prixde toutes ces merveilles qu'on pouvait commander et qui arrivaient. Notam-ment dans tous les comptoirs tenus par des Grecs ou des Hindous qui avaientinstalle leurs magasins sous des "Linzanza" ou toles metalliques.

    La puissance mil itaire americaine n'est plus Iidemontrer. Engages dans lacourse aux armements avec l'URSS depuis 1947, ils possedent un arsenalincomparable et furent les premiers sur la lune. Fiers d'appartenir Iiune grandefamille tres riche, leurs ministres, leurs ambassadeurs, leurs representants, leursindustriels, leurs officiers generaux ont la classe qui s'impose aux grands de cemonde. Lyman Lemnitzer, issu d'un milieu modeste, avait acquis dans lesgrandes eccles des U.S.A., une education et une culture qui Ie mettaient Iil'aiseavec les chefs de gouvernement. II faisait face Iitoutes les assemblees pour yprendre la parole avec serenite et detachement, Sa conduite privee correspon-dait Iil'image classique des dirigeants integres : irre-pro-chable !

    Je l'ai vu en presence du General de Gaulle, President de la RepubliqueFrancaise, Ii la table du Roi des Belges, parlant aux senateurs de son pays,entoure d'ambassadeurs aux reunions politiques du Conseil de l'OTAN .c'etaitun "Grand Monsieur". Un produit de West-Point.,Quand on a eu Ie privilege de vivre dans l'ombre d'un homme de ce calibre,

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    vous imaginez les reactions que l'on peut eprouver devant le spectacle quedonnent parfois certains de nos hommes politiques a la television ...

    ASSISTANT SPECIALLe 1er janvier 1967, j'etais le commandant en second du 2e regiment de

    Carabiniers Cyclistes, a Spich, en Allemagne Federale. Que le profane serassure, je n'etais pas " a bicyclette" ... Nos coutumes militaires avaient ainsibaptise les unites d'infanterie blindees qui composaient notre corps de bataille.Tradition oblige ...

    Mon ami Guy de Greef appartenait au cabinet de M. Poswick, Ministre dela Defense Nationale. II avait appris que, suite a la decision du general deGaulle, de retirer les officiers francais des etats-majors internationaux, un posteallait se trouver vacant dans le cabinet du general Lemnitzer. En effet, l'etat-major personnel du SACEDR, le commandant en chef des Troupes Alliees enEurope, ne comprenait que des officiers americains, a l'exception d'un aide decamp francais et d'un assistant special appartenant a la nation qui hebergeait lequartier general.

    Comme la Belgique accueillait lc SHAPE, il etait logique que desormais,ces fonctions soient remplies par un officier belge, D'ailleurs, par me sured'economie, il avait ete decide de fondre les deux postes en un seul. Le colonelet le commandant seraient tous deux remplaces par un lieutenant-colonel dontles attributions portaient l'etiquette : "Assistant pour la nation - hote".

    Je fus propose pour occuper ce poste. Je retrouvais avec plaisir l'ambianceinteralliee, Je connaissais cette atmosphere de chaude camaraderie avec desofficiers de differentes nationalites, mais qui avaient tous fait la guerre. De 1962a 1965, je m'etais trouve a Fontainebleau, au quartier general des ForcesTerrestres Centre-Europe, sous la houlette du general allemand Speidel, ci-devant chef d'etat-major de Rommel. N'etait-ce pas tout un programme? Lapremiere phase de rna nouvelle mission en 1967, consistait a prendre contactavec les organismes charges de l'installation en Belgique, de cet etat-major, quela France ne desirait plus voir implante sur son sol.

    On avait cree a Bruxelles, au sein du Ministere des Affaires Etrangeres, uncomite d'installation qui repondait au sigle affreux de CISHIC. Cet organismeetait preside de main de maitre par le comte de Kerkhove, entoure de commisaussi efficients que la baron Greindl, Sylvain Frey ou Marchalk. Une reunionhebdomadaire rassemblait les delegues des differents departements, La De-

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    fense Nationale etait representee par Jean Bastogne et Jean Verdin. Je devaisassister a . quelques unes de ces reunions "pour etre au courant". Je pris cegalement avec la Province du Hainaut dont Ie commandant militaire, Maurice. Minette, fit monts et merveilles pour l'installation du SHAPE. Ma premierevisite au camp militaire de Casteau, dans ce bourbier O U les ouvriers du batirnenttravaillaientjouretnuit, date du 18janvier 1967. Jeme demandais commentlespromesses allaient etre tenues : ouvrir Ie 1er avril.

    Et pourtant, ce chantier bourbeux donnerait naissance en temps utilebatiments de l'etat-major, grace au dynamisme impulsif d'enthousiastes dans legenre du colonel Bonneur.

    Le 7 janvier-1967, je prenais lc train pour Paris. On m'avait retenu unechambre au Cercle National des Armees, Place Saint-Augustin, relic par unservice regulier de l'autocar du SHAPE. Arrive Ie lendemain matin a .Rocquencourt,je fus recu a bras ouverts par Rene Descurieux, Ie comparse desdebuts de rna carriere. II representait la Belgique aupres du commandantsuperieur des Forces Alliees en Europe. II m'introduisit chez ce demier aveclequel il me laissa en tete-a-tete. Un officier americain entrait et sortait dubureau : James Burdick.

    A premiere vue, L.L. Lemnitzer avait l'air d'un ours. Son attitude corres-pondait parfaitement a . l'exercice de ses fonctions. II avait vu evoluer tous lesgrands chefs de la Seconde Guerre Mondiale et avait ete lui meme chef d'etat-major de l'armee de terre des Etats-Unis : iljugeait un homme en le soupesantdu regard. II me toisa, me fit asseoir et m'interrogea longuement en renouvelantmaintes fois ce geste familier que je devais decouvrir par Ia suite: il faisaitglisser regulierement Ie long de son doigt, la bague de West-Point qu'il portaita . la main gauche. Pendant qu'il me decrivait l'essentiel de mes futures fonctions,je pensais a . son propre passe.

    Le general L.L. Lemnitzer etait ne a Honnesdal en Pennsylvanie, Ie 29 aout1899. Ses concitoyens l'appelaient familierement : "The PennsylvanianDutchman" (le Hollandais de Pennsylvanie). Diplome de l'Academie Militairede Westpoint en 1920, il y devint lui-meme professeur de physique. Le jour del'attaque de Pearl Harbor par les Japonais, ce jour sinistre de l'entree en guerredes Etats-Unis, il etait major d'artillerie aux Philippines, commandant unebatterie "dans laquelle il n'y avait que deux bons canons" comme il me Ie repetasouvent.

    Le 11 novembre 1942, au moment ou les Americains debarquent enAfrique du Nord, ilest general ( a . 43 ans ...) commandant la 34e brigade d'ar-tillerie anti-aerienne, Apres les campagnes de Sicile et de Tunisie, il devientsous-chef d'etat-major pour les plans et.operations du general Eisenhower.

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    Mais sa grande fierte etait dans Ie fait d'avoir appartenu a cette phalanged'officiers americains debarques par un sous-marin sur la plage de Cherchellpour prendre contact avec la resistance francaise et preparer le debarquementen Algerie et au Maroc. J'etais present lorsqu'il raconta cette histoire a LeoCollard, le bourgmestre de Mons, auquel je traduisais les propos du general.

    Les journalistes et les historiens racontent habituellement que lors dudebarquement clandestin du general Clark et de son equipe, en Afrique du Nord,le 8 novembre 1942, le general Lemnitzer avait passe ses vetements au generalClark. La relation de cette aventure n'est pas toujours conforme a la verite. Eneffet, les officiers et les diplomates americains composant cette mission dereconnaissance s'etaient refugies dans une ferme, apres la conference, etattendaient qu'on vienne les reprendre. Chacunse trouvait dans sa chambre,occupe a se changer pour se preparer a reembarquer a bord du sous-marin quiles avait amenes. Alors que Ie general Lemnitzer se trouvait dans le plus simpleappareil c'est-a-dire en chemisette et en calecon, le guetteur qu'on avait placedehors s'ecria : "La police !".

    Lemnitzer se precipita, dans la tenue O U il se trouvait, dans la salle a mangerpour controler en hate si aucun document compromettant n'avait ete laisse surla table. Quand il revint dans sa chambre, il constata que son pantalon avaitdisparu. Comme les autres membres de l'equipe, il monta en catastrophe dansles kayaks qui devaient les ramener a bord sur une mer houleuse. Arrive dansIe sous-marin, et a la vue du general Clark qui portait des pantalons beaucouptrop courts pour sa taille, Lemnitzer s'ecria "General Clark! vous portez monpantalon !"

    Le responsable de cette situation etait le diplomate americain Holmes quiavait precipitamment passe au general Clark les vetements qui lui tombaientsous la main, puisque ce dernier, apres un premier naufrage de son kayak, etaitapparu ruisselant et claquant des dents. Les heros de cette aventure se reunissentfidelement chaque annee Ie 8 novembre, pour commemorer cette reconnais-sance peu banale.

    Une autre intervention remarquable du general Lemnitzer survint en 1943,alors qu'il etait chef d'etat-major adjoint du 15e Groupe d'Armees sous les ordresdu general britannique, Harold Alexander. II avait ete charge de negocier lacapitulation italienne avec Ie marechal Badoglio. Enfin, en 1945, comme chefd'etat-major adjoint du Commandant Supreme Allie en Mediterranee, il se renden Suisse afin de conduire avec les autorites allemandes, les discussions quiameneront celles-ci a rendre les forces d'ltalie du Nord et du Sud del'Autriche.

    Apres la guerre ? On le retrouve au Pentagone, a l'Ecole de Guerre

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    Nationale, au Secretariat a la Defense. A 51 ans, il prend son brevet deparachutiste pour commander la 11e division aeroportee. En 1951, il devient Iechef de la 7e division d'infanterie pendant la guerre de Coree. II s'illustre dansles batailles de Heartbreak Ridge, de Punch Bowl et de Mundung-ni Valleyainsi que dans les combats de Cherwon Valley et de Kumhwa Valley. II fut chefd'etat-major de l'armee de terre des Etats- Unis et President du Comite des Chefsd'Etat-Major en 1960. Le I er janvier 1962, il etait nomme Commandant Su-preme des Forces Alliees en Europe (SACEUR).

    Cet extraordinaire soldat dans l'ombre duquelj'allais vivre, avait epouse Ie6 novembre 1923, Katherine Mead Tryon aussi native de Pennsylvanie et quilui avait donne deux enfants. William etait lieutenant-colonel dans l'armee deterre americaine et Lois Katherine, epouse du major Henry E. Simpson, vivaitavec ses parents parce que son mari servait au Vietnam.Apres avoir salue Ie commandant en chef,j'allais demander audience a tousses adjoints. II etait en effet indispensable de renconter ceux avec lesquelsj'allais travailler. Cet etat-major etait une immense machine administrativecomme seuls peuvent en concevoir les americains qui assuraient la paternite decet organisme. J'avais heureusement ete familiarise a Fontainebleau avec tousles sigles, les innombrables abreviations portees par les differentes fonctions.

    Le DSACEVR ? C'est Ie Deputy/SACEVR c'est-a-dire Ie premier adjoint,Ie bras droit, Ie "commandant en second". Le titulaire a I'epoque etait britan-nique : Ie general d'armee Sir Robert Bray ne a Dacca (aux Indes) Ie 29 aout1899, colonel en chef du Regiment "Duke of Wellington" . Eleve dans Ie serailde l'armee britannique victorienne, ce "roc" avait ete nomme officier aux Indes,en 1928. II est en 1939 dans Ie Corps Expeditionnaire britannique en France eton Ie retrouve quatre ans plus tard, lors du debarquement, comme chef d'etat-major de la 6e division aeroportee a laquelle nous appartenions. Ce passecommun dans l'estuaire de l'Ome et mon passage dans un OCTU anglais,devaient grandement faciliter mes relations avec ce seigneur qui avait com-mande la 2ge brigade britannique en Coree en 1952, et la Peninsule Arabe en1957. II avait trois fils dont l'un servait evidemment dans Ie regiment de sonpere,

    Le chef d'etat-major etait un officier d'artillerie de l'armee americaine.Theodore, W. Parker. Celui-ci repondait a l'image que l'on se faitd'unintellectuel americain, II riait tres peu. Ses remarques etaient incisives. IIincamait Ie "mechant loup". II etait la terreur du personnel feminin, Ancieninstructeur a I'Academie Militaire de West Point, de 1935 a 1939, il avait elevequatre generations d'officiers. Originaire de Mineapolis dans Ie Minesota, ilavait trois filles. II etait done "livre" a quatre femmes ... et se vengeait sur dessubordonnes puisque son autorite devait etre reduite "at home ..." .148

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    A cette epoque, Ie commandant en chef etait flanque d'un adjoint "air" etd'un assistant "nucleaire''. Le premier poste etait occupe par Ie general d'armeeaerienne des U.S.A., William, S. Stone. Ce grand philosophe etait ne a CapGirardeau dans le Missouri, le 6 janvier 1910. Apres avoir ete officier d'artil-lerie, ilprit son brevet de pilote. Instructeur a l'Academie Militaire de l'Air en1940, il devait commander cette meme ecole en 1959. Specialiste en meteo-rologie, erudit, psychologue,j'essayais de me trouver a sa table le plus souventpossible pour beneficier de sa conversation captivante. Sentait-il sa fin pro-chaine? II devait mourir chez nous, a Casteau, dans la salle de gymnastique.

    Le general italien Nino Pasti remplissait les fonctions d'adjoint nucleaire.N e a Bologne le 18 avril 1909, ilfutnommesous-lieutenantdansl'armeedel'air,vingt ans plus tard. Major en 1940, il combattit en Ethiopie et fut fait prisonnierpar les Troupes Coloniales Belges. II ne nous pardonnait pas de l'avoir livre auxBritanniques qui Ie garderent cinq ans. II etait particulierement sensible auxcharmes du sexe faible et devint depute du parti communiste italien apres saretraite. Oui, vous avez bien lu ... "communiste". .

    Le D.C.L.A. ? C'est le Deputy Commander for Logistics and Administra-tion. Un autre general italien d'une intelligence hors-pair, Antonio Taverna, ce"chasseur alpin" ne a Allesandria Ie 18janvier 1908, avait ete attache militairea Bonn. Polyglotte, cultive, un sourire eternel au coin des levres, il vint habiter.pres de chez nous, a Waterloo. Je me flattais d'etre de ses amis.

    Peter von Butler, lieutenant-general de la Bundeswehr etait sous-chefd'etat-major pour les operations. Futur representant de l'Allemagne Federale auComite Militaire de l'OTAN, ce bon geant avait un jour ete en disgrace totaledans son pays, pour avoir ecrit dans unjournal, un article qui deplut auministre.Un retournement politique lui avait rendu sa virginite et ce Saxon d'Heldritt,ancien chef d'etat-major d'un corps d'armee de Panzer, ferait une brillantecarriere dans l'OTAN. II me donna avec une grande bienveillance d'excellentsconseils sur le theme: "Comment ecrire dans la presse sans etre puni ... ".

    Un civil completait l'equipe qui entourait le SACEUR. Le conseillerpolitique etait un ministre plenipotentiaire des Etats-Unis, M. Robert MeadBrandin. Ne a New-York en 1919, il fut dip lome de l'universite de Princetownen 1940. En poste a Madrid de 1942 a 1945, il connaissait la musique des evadesde guerre et nous evoquions des souvenirs espagnols pleins de couleurs. II avaitoccupe des postes a Helsinki, Paris, Berlin et Vienne. Marie et pere de quatreenfants, ilhabitait la Brisee de Saint-Denis pres d'Obourg dans un cottage oul'on etait accueilli avec une tres grande chaleur.

    Je viens de decrire l'etat-major officiel. Le commandant en chef possedaitaussi un etat- maj or particulier. En France, on dirait un "cabinet". Tous ceux qui

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    composaient son entourage immediat etaient des officiers americains, J'etais leseul etranger dans cette tribu. Je devais m'y integrer parfaitement. Un jourDorothy Maree dit au general : "Would you make a Yank with Guy?" Lareponse ne se fit pas attendre : "Of course! For sure l''.

    Le chef de cabinet etait Ie general de brigade aeriennc Bruce Erwin. IIsuccedait a ce remarquable disciple de Norstad, Ie general Orwatt dont ladelicieuse epouse francaise relevait le blason avec brio.L'aide de camp americain etait le colonel James R. Burdick. II incarnait lanervosite et l'agitation mais se depensait sans compter pour Ie bonheur du"chef", allant jusqu' a hypothequer sa sante. Dans sa carriere militaire passee, ilavait ete trop longtemps sergent-major et oubliait parfois que je n'etais pasamericain, II n'avait done aucune raison d'etre jaloux.James Patchell etait l'assistant militaire, celui que les Americains appellentIe "ghost". Chez nous on dirait "Ie negro", celui qui redige les discours.Forictions delicates qu'il remplissait avec une grande competence. II aimait lavie et les femmes. La sienne avait pourtant la beaute d'une vraie squaw.Le pilote personnel de Lemnitzer etait Ie lieutenant-colonel Elmer Dunn.Ce geant au calme olympien, me raconta, comment il fut un jour charge depiloter MOIseTshombe vers Leopoldville. Quand il etait aux commandes deson quadrimoteur, il etait Ie seul maitre apres Dieu. II n'avait en bouche que le

    mot: "efficience".Personnellement, j e penetrais dans ce petit monde avec une secretaire et unchauffeur. Josette Decock a d'emblee compris son metier. Elle valorisaitnotrepays dans cette ambiance americaine, en acceptant les besognes les plusobscures. Commander des fleurs, prendre des rendez-vous chez Ie dentiste ouindiquer un bon coiffeur ne l'empechait pas de conserver une discretion totalesur Ie courrier politique ou militaire qu'elle dactylographiait. Cette ravissanteliegeoise fut rna fidele collaboratrice pendant deux ans.Paul Smet, mon chauffeur, etait "un cas". Ancien legionnaire a Dien-Bien

    Phu, medaille militaire francais, son devouement etait total. II aurait sacrifie savie pour moi, mais faillit me l'enlever sur la route de Mons. S'il avait souffledans le baIlon, celui-ci efrt vire au mauve ... Je pris le volant pour l'abandonnera Bacchus.Le premier probleme concret que j'eus a resoudre, concernait l'installationpersonnelle du general Lemnitzer et sa famille, dans la region de Mons. LaFrance avait mis a la disposition du commandant enchef, une superbe proprietea Marne-la-Coquette OU,non loin de la residence de Maurice Chevalier, lesdirigeants du Shape cohabitaient dans un grand pare.

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    SUPREME HEADQUARTERS ALL.IEO POWERS EUROPEGRANO QUARTIER G~N~RAL OES PUISSANCES ALLI~ES EN EUROPE

    PARIS. FRANCE

    9 ma.rl 1967

    Ion oher Colonel,C'ost a 1R oi3 a titre personnel et au nom de vos nouveaux

    collaborateurs du Grand Quartier General des puissances Alliees enEurope que j'ai le plaisir de vous souha1ter la bienvenue parmi Doua.Je tiens par ailleurs a vous e11oiter de vos etats de serviceanterieurs qui VOllS ~lent oette attec~tion.

    Vous serez amene ioi a traVRiller en liaiaon etroite aveod'autres offioiera partioulierement oompetents des quatorze paysde l'OTAN representes au SrI/iB. Je suis 0 onvainou que les multiplesaspeots de leur" experienoe et l.a diversi te de leur formation oonsti-tueront pour vous une scucce d' e nriohissement durable tant du ai tdes relations personnelles que vous aurez l'oocasion de nouer que de1a no~velle optique professionnelle que VOl l S acquerrez. Vous appor-terez ensemble une oontribution preoieuae a l'Organisation du Traitede l'Atlantique Nord en nous aidant a renforcer lR s eo ur it e o ol le ot iv .et individuelle de s e s pays membrea et en vous joignant l'effortc cmmun pour maintenir et detendre lea prinoipe" fondamentaux auxquelJlsouaorivent toutes lea nations de l'Allianoe.

    Je VOWI aouhad.be dono bonne chance dans 1 'exercice de vosimportantes onotions au SHAPE et auia persuade que VOl l S y trouvereli n t e r & t . t t i . f o o t i o n . ~ ~

    Lieutenant-Colonel G u y W E B E RArmee de Te rrEl beIgeO S A C E U R

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    Le 22 fevrier 1967, je conduisais les responsables des travaux publics duHainaut, a la decouverte de cette somptueuse residence. Leurs yeuxs'ecarquillerent. De memoire de Montois, on n'avait vu general loge a pareilleenseigne. La France riche et genereuse avait jadis installe Ie generalEisenhower comme un seigneur. Le budget devolu a cette hospitalite, depassaitles conceptions provinciales des experts hennuyers. L'affaire gravit les eche-lons de.1ahierarchie et la diplomatie de Charlie de Kerkhove l'emporta aupresdu Preinier Ministre de l'epoque : Paul Van den Boeynants. On mit a ladisposition du SACEUR, Iedomaine deGendebien, situe sur la route deBinche.

    Huit hectares et demi sur Ie versant nord-ouest du mont Panisel, a l'anglede la rue Leon Save et de la Chaussee de Binche, sur lesquels on construisit en1880, un chateau du style "renaissance modeme". On l'appelait alors chateaud'Hardenpont, beau-perc d'un certain Gendebien. Transforme en ambulancebritannique pendant la premiere guerre mondiale, i 1 prit feu et brula comple-tement. Les ruines hebergerent successivement des Allemands et des Cana-diens. Les Gendebien rentrerent dans leurs murs et restaurerent la propriete al'issue du conflit. 1940vit renaitre Iemartyrologue de l'endroit qui servitd'asileaux auxiliaires feminines de l'armee allemande. A la seconde liberation de.Mons en 1944, les Americains y camperent et firent feu de tout bois ...Aujourd'hui, en 1967, il n'y manquait qu'un fantome.

    Le 10 mars 1967, a l'issue d'un dejeuner offert a Bruxelles par l'AllianceAtlantique,je conduisais le general Lemnitzer a la decouverte de ce chateau dela misere. Quel desolant spectacle ! Quatre murs encadraient des debriscalcines. Et dans ce decor d'apocalypse l'ambassadeur de Kerkhove promit aLemnitzer de relever Ie chateau de ses ruines et de Ie loger en attendant, dansun pre-fabrique installe a l'entree du pare. Ce fut fait.

    Larestauration s'etendit sur trois annees. Elle donna lieu a des reunions, desdiscussions et des echanges de vues parfois courtelinesques. Les rencontresentre l'architecte provincial et Madame Lemnitzer etaient vaudevillesques. Jedevais servir d'interprete quant au choix des foumitures, des peintures, destapisseries, des ceramiques, desparquets ...Mon collegue americain JimBurdickgrimacait d'impatience etje desesperais de faire conprendre aux entrepreneursbelges que les Yankees affectionnaient les couleurs pastels.

    Parmi les decombres du chateau Gendebien, dans ce decor sordide, i 1 mefut donne d'assister a des scenes burlesques. Un colonel fut renvoye aux Etats-Unis pour une initiative malheureuse. IIavait fait couper cinq arbres qui avaientcertainement mis cinquante ans pour atteindre leur taille et servir d'ecran a unepartie de la propriete. La securite militaire voyait des tireurs d'elite terroristesdans Ietoit de la brasserie voisine. lIs existaient surtout dans l'imagination desbarbouses qui entouraientle general. Ceux-ci avaient laphobie desjoumalistes152

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    et tentaient de deceler des cameras dans les lucarnes du quartier. J'avais beauleur demontrer que la paisible population de cette route qui conduit a Charleroi,en passant par Binche et Anderlues, n'avait rien de comparable aux habitants deChicago, ils conservaient les complexes de leur continent. Mais la bonhomie etIa sagesse de Lyman Lemnitzer alliees ala diplomatie de Charlie de Kerkhoveant elude toutes ces difficultes d'ordre ancillaire. Le SACEUR est aujourd'huiIe locataire d'une magnifique propriete a l'entree de laquelle reside son principaladjoint. Et lc golf d'Oerbiseeulx n'est pas loin ...

    Que d'heures de discussions pseudo-juridiques pour installer cet enormeorganisme interallie dans notre petit pays dont les frontieres, en ce temps-la,n'etaient pas encore completement ouvertes aumarche commun. Le confor-misme des fonctionnaires n'etait pas encore a l'heure atlantique. Un exemple ?Un "rancher" texan avait l'habitude d'expedier a Lemnitzer, chaque annee, pourses etrennes, un enorme colis de cinquante "filets mignons". Ces merveilleuxtoumedos selectionnes, pur produit du betail de l'expediteur, representaient lesolde d'une vieille dette de reconnaissance. Le general etait sensible a cettehabitude. Mais avez-vous jamais essaye de dedouaner dela viande, aZaventhem,la veille de Noel? Je prefere aller chez le dentiste ...

    Dans le meme cadre, j'eus un jour l'occasion d'entendre Charles deKerkhove decrire a des generaux americains, les mceurs belges en matiere defraude. C'est tellement vrai que nous sommes tous des "smokeleers ... " Et lamaniere dont ille raconta etait digne des meilleures pages de Courteline. Pauvre"Charlie", il n'est plus de ce monde. Mais comment oublier son accentbritannique !

    Le 16 mars 1967, j 'eus l'insigne honneur de pouvoir contempler le generalCharles de Gaulle dans l'exercice de ses fonctions de President de la RepubliqueFrancaise. Pour mettre quelque baume sur la decision politique tres lourde deconsequence, qui "boutait hors de France" l'Organisation Atlantique, Ie chef del'Etat avait decide d'organiser une ceremonie.

    II faisait un froid de canard dans cette cour des Invalides O U prenait placela Garde Republicaine. Le general de Gaulle allait remettre les insignes deGrand Cordon de la Legion d'Honneur au general Lemnitzer. Je n'avais pas misde manteau etje battais la semelle pres de Madame Simpson, la fille du generalLemnitzer qui representait sa mere souffrante. La fanfare ouvrit lc ban et lagrosse DS du chef de l'Etat penetra dans cette cour au passe prestigieux. Lavoiture s'immobilisa au-dela du front des troupes et le groupe des ministresfrancais qui attendaient devant l'etendard, se pressa pour accueillir le "patron".

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    Et ils firent ce deplacement au pas de gymnastique ... Le general Boby Braymurmura : "Illes a bien en main ... "En uniforme, le geste lent et majestueux, le general de Gaulle proceda a laremise du Grand Cordon et donna l'accolade a Lemnitzer qui n'aurait jamaisimagine etre unjour embrasse par un general francais et par le chef de la FranceLibre en particulier. De Gaulle se dirigea vers nous, entoure d'une nuee dephotographes dont la moitie (me pretendit le colonel James) etaient desbarbouses. Ce qui me frappa le plus! Le teint couleur eire, de ce grand hommea l'egard duquel je nourrissais une admiration sans bomes. II incamait sesfonctions avec une dignite incomparable. Alors qu'il passait pour entendreparfaitement la langue anglaise, il s'exprima dans celle de Voltaire pour dire aMadame Simpson: "Vous direz a Madame votre mere combien je regrette

    qu'elle ne soit pas presente et pour lui exprimer mes vceux de prompt retablis-sement" .La ceremonie etait terminee. Le chef de bataillon fut remercie par de Gaulleet la grosse automobile noire fila vers l'esplanade. La fete etait finie. II nousrestait a aller saluer le Soldat Inconnu et a raviver la flamme de la dalle sacree,

    Cette courte ceremonie eut lieu I'apres-midi du 22 mars. Ce jour-la, je sortaisde l'Ambassade de Belgique ou Robert Rothschild qui representait notre paysen France, se souvenait aimablement de notre collaboration au Katanga. IIm'avait invite a dejeuner avec son attache militaire Charles Laurent et Andre DeStaercke, notre ambassadeur a l'OTAN. Je n'avais jamais eu l'occasion derencontrer le "poulain" de Paul-Henri Spaak et l'ancien chef de cabinet duRegent. Ce fut pour moi un regal de decouvrir l'erudition, les convictions et ladiction de cet extraordinaire "ambassadeur". Nous etions tres fiers de sesinterventions au sein du Conseil Permanent de l'OT AN dont il etait le doyen.

    Apres l'Arc de Triomphe,je rejoignis le bureau qui m'hebergeait desormaisa Rocquencourt, dans ces ignobles "tubes" prefabriques et reputes provisoires.Ils abriterent Ie SHAPE pendant quinze ans ! On penetrait dans le saint dessaints, c'est-a-dire dans Ie bureau du SACEUR, par le secretariat gere par unefemme de la USAF. Gladys Leshey filtrait Ie flot des visiteurs avec uneincroyable maitrise. A part l'esclavage dans lequel elle tenait deux quartiers-maitres de la marine americaine, Smith et Corriveau, elle collectionnait lespendules. Je me suis toujours demande comment avait pu s'effectuer sonvoyage de retour aux Etats-Unis avec ces horloges de tous les ages, de tous lescalibres, de toutes les dimensions.

    Tout ce petit monde beneficia de mon champagne lorsque le 26 mars,je fuscommissionne au grade de lieutenant-colonel. Guy Laviolette, le vieux et fidelemaitre de bouche du general et de tous les commandants en chef precedents,

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    1'avait savamment prepare. Richard Provensal et Ie colonel James me firentl'honneur de participer a cette petite reception. Ces deux officiers francais queje venais relever et qui auraient pu me considerer comme un "usurpateur",eurent la courtoisie de me mettre au courant et de m'initier jusqu'a la datefatidique du depart: Ie 31 mars 1967.

    Richard Provensal appartenait aux Chasseurs d'Afrique. II avait la fouguedes gens de son arme, leur classe aussi. II maniait l'anglais avec maestria. Lecolonel James, ancien pied noir arborait une photographie au mur de sonbureau. CelIe O U 1'on voyait Ie general americain Clarck, Ie decorer en Afriquedu Nord. II mangeait un de Gaulle a chaque repas et comme on Ie pressentaitquant a sa nouvelle affectation il repondit "N'importe ou, sauf sous les ordresd'un general francais". Et il fut designe pour Ie Centre de Langues, attache al'Ecole Superieure de Guerre.

    Ces deux officiers ne m'ont laisse qu'un seul fardeau. Un enorme courrierdu cceur, celui des Francais qui regrettaient Ie depart "des Americains" etauquels il fallait repondre, Ces lettres etaient parfois poignantes. Comme celIequi disait: "Vous nous avez liberes deux fois. Nous ne l'oublierons pas. Nousprendrons soin de vos tombes".

    Le 30 mars 1967, Ie SHAPE- Rocquencourt fermait ses portes. Une "closingceremony" ou ceremonie de cloture avait ete soigneusement organisee. Legeneral Ailleret, chef d'etat-major des armees francaises y prendrait la parole.Comment oublier ce remarquable polytechnicien qui devait perir avec safamille et son etat-major particulier dans une catastrophe aerienne lors d'uneinspection a Madagascar?

    Penetrant dans le mess des officiers du SHAPE, avant la ceremonie, Iegeneral Lemnitzer me tendit sa casquette. Ailleret se touma vers moi en disant :"Puis-je vous confier egalementrnon kepi ?". J'avais depose Ie superbe chapeaucouvert de feuilles d'or, sur Ie sommet du porte-manteau encombre de coiffures ..Or, il advint que Ie magnifique kepi bascula entre Ie meuble et Ie mur de simalencontreuse facon, qu'il fallut Ie repecher a l'aide d'une antenne de radio. Lapolice militaire avait immediatement trouve Ie true. J'etais horrific par Ienombre de toiles d'araignees qui entouraientle galurin, l'epoussetai precipitam-ment et a l'issue de la ceremonie, je Ie restituais a son proprietaire avec forcesourires. II n'en a jamais rien suo

    J'avais ete eberlue par la memo ire du general Ailleret. En rna presence, ilavait dit negligemment a son aide de camp : "Avons-nous un texte dediscours ?". Ce demier extraya de sa serviette quatre ou cinq feuilles dactylo-graphiees qu'il tendit au general, lequel s'isola quelques instants en s'excusantaupres du general Lemnitzer. Or, au cours de la ceremonie, lorsque Ie generalAilleret occupa Ie pupitre.j'etais exactement derriere lui. II debita son discours156

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    de memoire, en ne jetant qu'un coup d'ceil furtif au texte. Les mots qu'ilprononc;ait correspondaient parfaitement au papier que je lisais par-dessus sonepaule.

    Le lendemain, les portes s'ouvrirent a Casteau, en Belgique. Il neigeait. Lesspectateurs grelottaient dans les tribunes. On avait deroule devant le batimentprincipal, des tapis de gazon prefabrique. Poussant sur un bouton, Lemnitzerdeclara officiel le relais du centre operationnel de Rocquencourt a celui deCasteau. Et nous passames les troupes en revue. Comme la musique du 1erGuides belges, entama une marche de l'infanterie legere britannique, c'estpresqu'au pas de course que je suivis M. Poswick, notre ministre de la defense,qui galopait devant le front des troupes avec leur commandant.Ce 1er avril etait un samedi. Lemnitzer avait embarque ses hotes de marquedans son avion pour rentrer a Paris ou chacun avait encore sa residence. Ilm'avait laisse passer le week-end avec ma famille, en Belgique. Je profitai dece rep it pour rendre visite au colonel Quinet, au Domaine Royal d'Argenteuilet lui confinner que le general Lemnitzer se proposait d'aller saluer le RoiLeopold. Quelle ne fut pas ma stupefaction lorsque le secretaire du Roi medeclara : "Le Roi desire vous voir. Suivez-moi !". Je me trouvai done en tete atete avec l'idole de ma jeunesse. Mon grand-pere et mon pere ne tarissaient pointd'eloges concernant la monarchie etj'avais moi-meme prete sennent d'officierau souverain avec lequel j' etais confronte, J'eus a subir un interrogatoire sur tousles aspects de l'existence. Questionne, retourne sur toutes les coutures, sonde,soupese, juge comme jamais aucun examinateur en maturite.n'eut a me fairesouffrir. J'ai du etre "recu'' dans l'esprit de mon interlocuteur. Unjour, en effet,je deviendrais son aide de camp. Mais ceci est une autre histoire.En ce temps hi, en avril 1967, il ne s'agissait que de decrire le passe dugeneral Lemnitzer, sa personnalite et l'organisation qu'il dirigeait. Dans lememe esprit,j'avais rencontre Paul Boussemaere, le chef de la Maison Militairedu Roi Baudouin qui ouvrit les portes de Laeken, le 6 avril. Le roi et la reinerecurent a dejeuner le general et Madame Lemnitzer ainsi que leur fille. J'avaisle privilege de me trouver au bout de la table, le vicomte Poulet me faisait facea l'autre bout. Je devais decouvrir les dons polyglottes de la reine qui passait du

    francais a l'anglais et au neerlandais avec une parfaite aisance alors que salangue maternelle est l'espagnol.Quatre jours plus tard, nous dejeunions au Domaine Royal d'Argenteuil, enfamille, avec les Princesses Marie-Christine et Esmeralda. Je me tenais dis-

    cretement dans un coin avec le colonel Edouard de Vicq, lorsque la PrincesseLilian m'interpella : "Colonel! Venez vous asseoir pres de moi !". Commentoublier ce geste delicat ? L'epouse du Roi souhaitait sans doute valoriser soncompatriote en presence d'une famille americaine que j'escortais officiel-lement.

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    8 avril 1967. Le general Lemnitzer est recu par le Roi Baudouin.

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    J'avais aussi convaincu Ie general Lemnitzer que dans notre pays, une visiteau Cardinal s'imposait. Je pris contact avec Malines et Son Eminence me recutle 29 avril. Je n'aijamais entendujuger Jean XXIII avec autant d'enthousiasmeet d'autorite, d'amour et d'admiration que dans les propos du Cardinal Suenens.

    Ce fut un reel privilege d'avoir pu rencontrer "tous ces gens" qui presidaienta nos destinees et que le peuple des non-inities juge sans connaitre. Que de"racontards", de bobards, de legendes, de fausses images n'alimentent pas lesconversations des reunions mondaines ou celles du cafe du Commerce? Quandle 25 mai 1967, Ie chef de l'eglise catholique romaine en Belgique recut Ie"macon" Lemnitzer, deux grands conducteurs d'hommes se rencontraient. II nefut question que des celebres pasteurs de l'eglise que le general avait rencontresdans ses campagnes et dont il gardait le meilleur souvenir. Le cardinal ne fitallusion a aucune "bondieuserie" et Lemnitzer s'abstint de toute morale laique.Et bien que leurs philosophies respectives soient dissemblables, ils etaient tousles deux sur la meme longueur d'ondes.

    Le 21 mai, nous avions assiste a un spectacle folklorique qui chaque annee,met la ville de Mons en emoi, le "Dou-Dou". Du haut du baIcon de l'hotel deville, entre Leo Collard et Ie gouverneur du Hainaut "Lem" avait en quelquesorte arbitre le combat entre Saint-Georges et le dragon. II avait aussi souffertdu pantagruelique repas qui suivit. Le banquet de la "ducasse" , servi a la MaisonLosseau, ne laissait rien a Lucullus mais constituait une performancegastronomique pour un estomac americain de soixante-dix ans. Depuis cetteaventure,je fus regulierement charge au cours des voyages, de choisir le menu ...comme si j'avais eu une responsabilite quelconque dans celui du "Dou-Dou".

    Lemnitzer ne detestait pas les imprevus. II m'apostropha un jour pour medire: "Weber! The 19 June is yours !Build up a plan!". Ce qui signifiait quej'avais carte blanche pour l'organisation de cette journee oil nous devions nousrendre a Bruxelles pour visiter l'exposition organisee par la Force Aerienne.Apres avoir regale ses papilles gustatives dans le plus celebre restaurant du Boisde la Cambre, je lui fis decouvrir le Musee de l'Armee. Apres la visite de notreaviation, Ie general Ceuppens trop tot disparu, nous reconduisit dans sonhelicoptere personnel.

    Je suivais ainsi le SACEUR dans tous ses deplacements sur le territoirenational, avec l'appui des autorites locales et celui du gouvernement enparticulier. Je n'ai jamais ete inscrit a aucun parti politique et mon metierm'imposait une neutralite absolue. Mais je dois reconnaitre avoir trouve chezPaul Van den Boeynants, sur le plan civique un support total. La premiere fois0 1 1 il me fut donne de rencontrer Ie premier ministre en son cabinet, pour luiparlerde l'arrivee du SHAPE, il me dit textuellement: "Nous allons arrangercela entre Belges, n'est-ce pas, colonel ?". Merci encore, Monsieur ... Quant au

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    general Werner qui etait chef de cabinet de M. Poswick, il mit tout en ceuvrepour faciliter rna tache alors que tant de mes collegues le critiquaient. Avez-vous deja essaye de faire atterrir unhelicoptere dans la cour de lacaserne Sainte-Anne, celle de l'Ecole des Cadets ousur le campus de l'Universite deBruxelles,face aux casernes de gendarmerie? We did it. Pour amener le "patron" dans lecadre de son calendrier, a etre present a l'heure convenue aux rendez-vousacceptes, il fallait prendre des dispositions inhabituelles. Et il est tellementdifficile de faire sortir certains fonctionnaires de la routine ...

    Les relations avec laFrance rcsterent cordiales. Cellc-ci continuait d'ailleursa faire partie de l'organisation politique du Traite de l'Atlantique Nord. Elleavait designe pour la representor au Shape, le general Lennuyeux, qui ne l'etaitpas ... II fut bientot remplace par le general de Galbert dont le passe militaireprestigieux et la diplomatie firent oublier le depart force de France.Dans le cadre demes fonctions.j'etais parfois depeche par "Lem" pour alleraccueillir en son nom des hates de marque. Je fis ainsi la connaissance dugeneral Wheeler, chef d'etat-major general des Etats-Unis, de l'amiral Holmes,commandant le SACLANT et de l'amiral Busch, commandant la Manche, ouCINCHAN.

    Le 25 aout 1967, nous nous envolames pour Trieste afin d'assister auCongres des officiers de reserve de l'OTAN. II faisait un temps radieux surl'Adriatique, et le palais O U se tenait la reunion me fit rever a ce glorieux passedeMaximilien et deCharlotte dans leur residence deMiramar. Un compatriote,Jean Bloch, menait tambour battant et dans toutes les langues, ce congresinterallie au sein duquel il mettait notre pays en valeur. On prenait aussi lalogique habitude deme faire participer aux voyages d'inspection concernant lesMats-majors dont Ie corps beIge d'Allemagne dependait. Nous allions souventa Brunssum ou se trouvait le Groupe d'Armee Centre sous le commandementdu general Killmanseg et ou je retrouvais des officiers allies connus a Fontai-nebleau.Au debut de I'annee 1968, Lemnitzer fut invite a visiter les cimenteries

    d'Obourg. M. Fiala y deployait une activite analogue a celle que je lui avaisconnue a Albertville. A travers de vertigineuses passerel-les, il nous emmena ala decouverte de cette immense machine a pollution.A la fin du mois de janvier, a l'interieur de notre pays, une flambeelinguistique prit de telles proportions a l'Universite de Louvain, que j'etaisassailli de questions de la part des officiers generaux allies. Dans la salle amangerparticuliere duSACEUR, serail dans lequel n'etait admis que le "gratin"de l'etat-major, pour le "break for lunch", on avait l'avantage d'etre a l'abri desoreilles indiscretes. La plupart des autorites militaires alliees avaient l'impres-

    sion qu'unjour notre pays eclaterait. Les plus soucieux semblaient les Britan-160

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    Defile des troupes belges. Bruxelles, 21 juillet 1967.Le general Lemnitzer (dernier a droite) en conversation

    avec son chef d'etat-major, le general Parker.Extreme-gauche: le general aviateur italien, Nino Pasty, assistant air.

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    niques. Aucun d'entre eux n'imaginait avec serenite un accroissement territorialfrancais provo que par Ie rattachement de la Wallonie a la France. Aucun d'entreeux ne parvenait a comprendre notre systeme "racial" en matiere de promotiondans les forces armees.J'avais ete tellement impressionne par les reflexions de mes interlocuteursque j'avais ecrit une lettre au Grand Marechal de Cour, Andre Scholler, monancien conseiller a Elisabethville en 1960, pour lui exprimer mon desarroi.

    A la meme epoque, Raoul Buyle fut nomme conseiller juridique ducommandant en chef. Je retrouvais non seulement un ancien de la R.A.F. maisaussi un membre du barreau d'Elisabethville. Lorsqu'il fut recu en ma presencepar Ie general Lemnitzer, ce dernier lui precis a que l'OTAN avait laisse derrieree1le, en France, 46 bases aeriennes et 6 hopitaux de 1.500 lits. Par la memeoccasion Lemnitzer raconta une anecdote du temps O U il etait chef d'etat-majorde l'armee de terre des Etats- Unis. Ike Eisenhower etait President. Les Japonaissouhaitaient recevoir sa visite. Comme les autorites americaines hesitaient a yconsentir, un officier nippon sollicita une audience urgente de la part du generalLemnitzer. L'interesse se presenta avec vingt enormes caisses contenantchacune 100.000 signatures de citoyens japonais qui souhaitaient pouvoiracc1amer Ie President des Etats- Unis dans leur propre pays. Quatre jours avantde quitter la Maison Blanche, Ike Eisenhower decida de recevoir le Japonaisorganisateur de ce referendum monstre. Mais il fut ahuri de s'entendre dire qu'ilserait convenable de repondre a chacun des signataires ...Lemnitzer aimait raconter les histoires de son passe. Au cours de nosdeplacements en voiture, pendant les longues heures de vol, reveur, il evoquaitses vertes annees, Comme celles des Philippines O U il commandait unemiserable batterie de canons anti-aeriens, avant que n'eclate Pearl Harbor. Unjour, a Mons, il fut surpris d'apprendre qu'unjeune garcon s'etait presente auxgrilles du chateau Gendebien pour vendre un billet de tombola "au general lui-meme". Je fus charge d'aller rechercher au College Saint-Stanislas, l'auteur decette requete. Je decouvris cet intrepide etudiant, Christian Calomme, etl'introduisis dans Ie bureau du general qui ne manqua pas de lui acheter tout uncamet de billets de loterie.

    "Lem" incarnait la bonte. Tous ceux qui se sont adresses a lui pour obtenirune faveur, ne sont jamais repartis les mains vides. Et cette charite naturelle nel'empechait pas d'avoir l'ceil a tout. Au moment O U ceocollegien quittait l'etat-major, Ie general me tendait un discours du general de Gaulle. "Will you please,translate this 7". C'etait l'homelie du grand Charles concernant l'ambition de laFrance de posseder son propre arsenal atomique "tous azimuts".

    Le 7 fevrier 1968, Ie gouvemement beIge de Paul Van den Boeynantstombait sous les coups d'un irresponsable. Je vis une note redigee par un162

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    ambassadeur americain dans laquelle on lisait textuellement : "Le gouverne-ment efficient de VDB vient d'etre abattu" en plein vol"( sic) par des" shoolboys"(resic ) ... une certaine stupeur regne" En effet, pas moins de huit ministressociaux -chretiens flamands qui composaient ce gouvemement, refuserentd'approuver une declaration gouvemementale qui ne mentionnait pas Ie retraitimmediat de la section francaise de l'Universite de Louvain.

    Le 27 fevrier 1968, le general Lemnitzer fut invite par le senateur Delieges,bourgmestre, a assister au camaval de Binche. Nous avions eu la malencon-treuse idee de nous y rendre en uniforme. Le chef d'etat- major, le general Parkern'etait pas content. II dut envoyer son magnifique impermeable au nettoyage asec. Chacun connait la tradition. Durant leur ronde au au cours du defile, lesGilles lancent des oranges aux spectateurs. Au balcon de I'hotel de ville, lesinvites de marque sont proteges par un grillage. Mais celui-ci fait office depassoire et les "VIP'S" sont litteralement asperges de puree d'orange. Ce petitjeu amusa "Lem" et ses voisins Haulot, commissaire au tourisme, Destree notreconsul a Nice et Ie Prince Antoine de Ligne mais la plupart des Americains negouterentpas la plaisanterie. Auretour,je fus inquietparce que des perturb ateurs ,etudiants pour la plupart, scandaient "US go home" et "Peace in Vietnam".Certains d'entre eux s'etaient etendus sur les paves, devant la voiture du general.La fermete d'un jeune commandant de gendarmerie mit un terme a cettedemonstration.

    Deux jours plus tard, nous nous envolions vers Monchengladbach. AuQuartier-General du Groupe d'Armee Nord, nous fumes adorablement recuspar le general et lady Hackett. Sir John Hackett, dit "Shan" s'etait illustre aArnhem, comme commandant de la 4e Brigade de Parachutistes. Son unitefaisait partie du deuxieme lacher, Ie 18 septembre 1944, et avait quitte lesaerodromes britanniques avec quatre heures de retard a cause du brouillard.L'effet de surprise etait rate et d'autre part la zone de parachutage avait etechoisie trop loin de l'objectif. Dans cette tragedie, Hackett et ses "diablesrouges" chargerent a la baionnette dans les bois de Wolfhezen pour prendreposition dans Ie perimetre defensif divisionnaire autour d'Osterbeek. Ce noma lui seul, evoque l'Holocauste des paras britanniques. Hackett allait terminerla guerre en captivite en Allemagne, mais son extraordinaire dynamisme n'allaitpas etre affecte par cet echec, II etait Ie plus fougueux des "Major SubordinatedCommanders" que j 'ai connus. Pas plus haut qu'une botte, ce cavalier impetueuxspecialiste de la reconnaissance, me faisait penser a un roquet toujours sur le .qui-vive. Ses deux aides de camp tres efficients, Baron et Richard Maccanessallaient se decarcasser pour rendre notre sejour agreable.

    Au cours du diner de corps qui nous reunit le soir, je retrouvais deuxcompatriotes. Le general Robert Werbrouck commandait la division belge et

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    19 mars 1968. Les accords concernant l'ecole internationale du SHAPEsont signes entre le general USA L.L. Lemnitzer et le ministre belge

    de l'Education nationale, Michel Toussaint. Guy Weber traduit.En arriere, Raymond Callier, auteur des textes legaux.

    19mars 1968. Signature, a Casteau, des accords concernantl'Ecole Internationale du SHAPE. A droite, le general Lemnitzer.A gauche, M. Toussaint, Ministre de l'Instruction Publique.

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    Guy Logiest etait en service dans I'etat-major de NORTHAG (Ie grouped'Armee Nord). Comment faire autrement que d'evoquer des souvenirs colo-niaux?

    A notre retour, le general recut un coup de telephone personnel du RoiBaudouin. Sa Majeste desirait remercier Lemnitzer, des fleurs qu'il avait faitporter a la clinique ou la Reine avait ete hospitalisee pour une interventionchirurgicale. Cet appel mit le cabinet du general en emoi et ravit ce demier.Dans sa bonne humeur, "Lem" me conta une anecdote vecue dans l'etat-major personnel du general Eisenhower. Le sergent Smith qui en fait partie poseune question au Private de 2e classe Peter avec lequel il travaille : le sergentSmith : "Peter, savez-vous qu'il existe un point commun entre le generalEisenhower et vous ?" Le private Peter: "Oui, sergent. .. lequel ?" Le sergent

    Smith: "Vous etes tous les deux arrives au sommet de votre carriere".Le general Lemnitzer en profita pour raconter qu'il etait reste pendant

    quinze annees dans le grade de lieutenant. C'etait l'epoque heroique ou lessoldats de l'oncle Sam portaient un chapeau comme celui de Baden Powell etdes bandes molletieres,Le 1er mars, Ie general partit pour Paris, assister aux funerailles du chefd'etat-major de l'armee francaise, le general Ailleret. Le DC 6 qui transportait

    ce demier et sa suite, s'etait ecrase a Madagascar, avec 19personnes a bord dontce grand legionnaire qui avait ete si aimable pour moi au depart deRocquencourt.

    Quelques jours plus tard, les Americains s'agiterentparce que les dirigeantsdes grandes banques mondiales - a l'exception de la France - se reunissaienta Washington. Pour faire face ala demande accrue d'or, sur lc marche mondial,et a la montee de son prix, on decidait de creer deux marches. Le premier seraitofficiel mais bloque et l'autre serait "officieux". Mais comment empecher lesfuites de l'un vers l'autre ?

    Le 19 mars, notre tres sympathique ministre de l'instruction publique, M.Toussaint, inaugurait l'Ecole Intemationale du Shape. Tout le Hainaut mondainetait present. Raymond Callier, mon compatriote qui avait mis en ceuvre cetteinauguration, et fit signer l'accord officiel, laissait derriere lui une magnifiquerealisation. Comme a Rocquencourt, elle survivrait a l'etat-major si ce demierdevait encore bouger. C'est peu probable etant donne l'enorme "trou" quedepuis lors on a fait "dessous". En effet la presse de juin 1982 nous apprenaitque l'on creusait un quarrier-general du temps de guerre a 32 metres deprofondeur et de 3 kilometres de diametre, sous les batiments de Casteau.

    Dix jours plus tard, nous volions vers Brunssum. Une ceremonie etaitorganisee pour le depart du general von Kilmansegg qui cedait Ie commande-ment de la region centrale au general Benneke. Ce demier me fit une tres forte

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    impression. Elance, dynamique, race, il avait incontestablement Ie physique del'emploi.

    Au cours de l'un de mes entretiens hebdomadaires avec le general TedParker, le chef d'etat-major, ce dernierme posa une question surprenante. Etait-il exact que M. Van den Boeynants avait recueilli plus de 100.000 voix depreference aux demieres elections legislatives ? II poursuivit son enquete en medemandant: "Pourquoi les Belges ont-ils vote? La situation n'est-elle pas plusconfuse qu'avant ? "Pourquoi Ic seul parti pronant l'unite du pays, n'a-t-ilrecueilli que si peu de voix ?"

    ... Que voulez- vous repondre a un etranger aussi perspicace et bien informe,sinon que les extremistes belges sont plus nombreux que jamais ?Au debut du mois d'avril, alors que le general Lemnitzer se trouvait auxEtats- Unis, il fut transporte d'urgence au Walter Reed Hospital pour lui enlever

    l'appendice. II en revint plus en forme que jamais et le 16 avril, ce diabled'homme participait a un tournoi de golf a Oerbiseulx. Trois jours plus tard, ilme convoquait pour me montrer une lettre immonde. Le Professeur J. B. Daelsde I'Universite de Gand ecrivait au Commandant en Chef pour lui signaler quele mouvement qu'ilpresidait le "Vlaamse Volkbeweging" desapprouvait lanomination du general Georges Vivario auposte de chef d'etat-major generaldes forces armees belges. Pourquoi ? Parceque ce dernier etait incapable deparler la langue neerlandaise qui etait cellc de 62 % du contingent.Le general Lemnitzer me tendit cette lettre dont j'ai la copie sous les yeux,en me disant : "Do what you wish with this. It's not my business ..." J'ai transmiscette lettre avec l'expression de rna sympathie personnelle au general Vivario (1).

    Le 4 mai,j'assistais pour la premiere fois a une reunion du Comite Militairede l'OTAN. Sagement assis dans les rangees derriere le SACEUR, pret aprendre note s'il se retournait ou a bondir pour lui passer un crayon, je n'auraispas cede rna place pour un empire. Pourquoi ? Parce que le general Charles deCumont, notre eminent compatriote, presidait la reunion. II faut l'avoir vu dansl'exercice de ses fonctions. Un petit general belge qui faisait danser avechumour, et les trait ant comme des collegiens, une quinzaine d'amiraux, demarechaux de l'air et de generaux representant leurs pays respectifs. Et certainsd'entre eux etaient coriaces. Le general grec Angelis, tout puissant dans la Grecedes colonels, se presentait pour un pro-consul. Le Canadien Allard etait aussiimposant que son physique. Quant au marechal de l'air, Sir Charles Elworthy,i1 avait visiblement conscience de representer Sa Tres Gracieuse Majeste laReine d'Angleterre.

    Le mois de mai ne s'ecoula pas sans interet. de Gaulle fit un discours--(1) On trouvera cette lettre et sa traduction en annexe de ce chapitre.166

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    retentissant, la chienlit estudiantine secoua Paris et la Belgique changea de chefd'etat-major. Ulysse Dessart, Ie sage, cedait sa place a Georges Vivario. Celui-ci fut recu par Lemnitzer comme un ami. Les Americains n'ontjamais oublieceux qui les ont aides en Coree. Je nous vois encore dans la salle a manger duSACEUR, pendant Ie dejeuner. Je me trouvais en face de Vivario. II ne parlaitpas beaucoup mais me prenait aimablement a temoin pour la plupart de sespropos, puisqu'il etait mon compatriote.

    Le 13 juin, grand depart! Nous decollons de Chievres pour la Norvege.Nous allons assister a l'exercice "Polar Express". II est 7 heures 45 quand nousatterrissons a Bardufoss ou il fait jour depuis minuit. .. Et je suis naivement partien tenue d'ete alors qu'ici, dans Ie grand nord, ala frontiere de la Laponie, lesneiges fondent seulement. Dans laboue, en jeep, nous allons de tentedecommandement en PC en campagne, notamment a Skitbotn, pour ecouter des"briefings" au cours desquels tous les orateurs - comme il se doit - remontentaux calendes grecques pour exposer leur affaire.

    Au QG de la Force Mobile, j'ai Ie plaisir de reconnaitre Andre Grandjeanet Baudouin Legrand. Comme moi, ils regrettent que pour les operations de cetype, la Belgique ou du moins les unites de para-commandos qui la represen-tent, ne disposent pas d'un equipement d'hiver. Comme nous avons l'airmiserable a cote des Americains ou des Anglais qui reIevent Ie capuchon fourrede leur "Parka".

    Le 24 mai, j'arrive Ie premier sur Ie tarmac de Chievres. Cette fois nouspartons en Italie. Je prends Ie temps d'examiner Ie USAF-Cl18 A du type DC6 Bet immatricule 33.303. Qui, c'est un avion a helices. "Lem" est allergiqueaux turbo-reacteurs. Dunn et Montgomery se partagent Ie pilotage. Le majorWhitehouse assure la navigation. Creel et France sont deux mecaniciensexperts. Nous sommes gates par deux stewards exemplaires :Hearn et Heisler.Quant aux communications, elles sont assurees par Tracy et Johannsen.

    II est 11 heures quand nous decollons pour Naples, via Lyon, Nice et l'ilcd'Elbe. A 16 heures 15, nous prenons possession de l'hotel Vesuvio dans IeGolfo di Napoli. Le lendemain, comme je n'avais rien a voir dans la defense dusud del'Europe, on me confia l'escorte de Madame Lemnitzer. Ce fut uneexcellente idee! Apres avoir visite les locaux de l'etat-major du sud de l'Europe(AFSQUTH), la voiture nous emporta a Sorrente, pour dejeuner dans unrestaurant qui surplombe la baie. Dans 1 'apres-midi, un expert designe guida nospas dans les mines d'Herculanum au pied du Vesuve.

    Le lendemain, Lem etait en mer, a bord d'un porte-avion, Nous aussi, maisa bord d'une vedette, celIe de l'amiral Ribero, qui nous emmenait a Capri. Je suisalle rever dans le jardin d'Axel Munthe et celui de Malaparte, revivant les

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    Je presente au general L. L. Lemnitzer le colonel Bill Call,U.S.A. commandant le H.Q. du SHAPE.

    1968. Le general Lemnitzer recoit le lieutenant-general Vivario,chef d'etat-major des Forces armees belges.

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    lectures de rna jeunesse. Et comme tous les touristes, j'ai trempe la main dansl'eau limpide de la grotte.Le jour suivant, branle-bas de combat des l'aube ! Nous decollons pour la

    Crete a 7 heures 30. Cette tres grande ile de la Mediterranee passe pour avoirete l'endroit - d'apres la legendc - on naquit Jupiter. Trois heures plus tardnous survolons le siege de l'antique civilisation de Minos. Nous sommesexactement au-dessus de la baie de Suda ... II me semble revoir les parachutistesallemands photographies par "Signal" en 1941.

    Apres avoir assiste a une seance de tir des fusees teleguidees et dejeuneavec les officiers de la NAMFI Range, nous redecollons pour decouvrir que lecommandant grec de la base que nous venons de quitter, a fait mettre a bord troiscaisses de ce Yin cretois que j'avais tant apprecie ... Les Grecs sont des hatesmerveilleux. Leur commandant de district nous accueille a Heraklion a 15heures 30 et nous fait visiter l'antique ville de Knossos. Decouverte seulementen 1878, elle fait l'objet de fouilles systematiques depuis 1900. Une exquiseinterprete qui manie la langue anglaise avec precision nous explique que noussommes en presence du plus vaste et du plus suggestif des sites minoesdecouverts en Crete. La meme jeune personne nous emmene Ie lendemain aumusee d'Heraklion on sont exposes les premiers vestiges de la civilisationgrecque. Adieu Heraklion !Nous volons vers Rhodes, la plus belle des iles duDodecanese, Comment ne pas penser au "Comte de Monte-Cristo" en arrivantdans l' "ile des roses" ?

    C'est un des plus beaux coins du monde !Une dame tres digne, interpretedesignee du gouvemement d'Athenes, nous embarque dans des voitures adestination de la cote orientale: Koskinou, Afantou, Archangelos et Malona.Je fus tres impressionne par la forteresse de Lindos. II me semblait voir, la, enbas, a la pointe de l'ile, debarquer saint Paul. Insoucieuse au vertige, LOISSimpson, la fille du general, se promenait sur Ie faite des remparts en mine. Elleaffolait notre guide qui avait assiste a un horrible spectacle. Un professeurd'universite, francais, se fracassa le crane ridiculement, dans une chute de 300metres sur les rochers. II photographiait sa famille. Comme il reculaitinconsiderement pour ajuster son objectif et regler la lentille de son appareil, ilne remarqua pas l'absence de parapet et s'ecroula dans l'abime ... On recherchason corps toute une nuit.

    Apres avoir dejeune dans la "vallee des papillons" on ils sont vraiment desmilliers, nous sommes rentres par la cote occidentale: Paradission, Kremastiet Kritika. Le soir meme on celebrait au grand hotel "Summer Palace"l'anniversaire de la fille du general. Le 30 juin, nous quittions Rhodes pour laTurquie. Le DC 6 aborda la piste d'Izmir, au bout de laquelle nous attendait Ie .general Dick. Nous allions assister a une remise de commandement.169

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    Le 7juillet Lemnitzer avait decide de presider au Grand-Duche de Luxem-bourg a la ceremonie organisee a la memo ire du celebre general Patton.L'helicoptere nous emporta a Ettelbruck ou les forces armees americaines etgrand-ducales rendaient hommage a l'illustre disparu. Au cimetiere de Hamm,sa tombe anonyme parmi les autres etait facilement decouverte grace auxinnombrables traces de pas laissees par les milliers de pelerins venus rendre undemier hommage a ce geant.

    Lemnitzer se souvenait de la guerre et en particulier de la campagne enAfrique du Nord quand Patton etait en disgrace pour avoir gifle un soldatamericain hospitalise. Au cours d'un repas auquel "Lem" etait present, IkeEisenhower demanda a Patton: "By the way, of what are you in control for themoment ?" ("A propos, pour l'instant, vous controlez quoi ?"). La reponse fut :"Not even of myself !" ("Ie ne me controle meme pas moi-meme ... ").Dans le cadre des anecdotes,je me rappelle aussi avoir ete prendre livraisona l'aerodrome militaire de Melsbroeck, par helicoptere, d'un "crabe geant''offert a SACEUR par un genereux donateur ... Ces Americains tout de meme !Mais j e les aime !

    Le 20 aout, depart de Chievres pour un long vol de nuit. Enfonces dans lesconfortables fauteuils du DC 6, notre somnolence est troublee a deux heures dumatin par un cable qui sort de la cabine de pilotage. Les troupes russes et cellesdu Pacte de Varsovie, ont occupe la Tchecoslovaquie dont les quatre principauxdirigeants ont ete emmenes vers une destination inconnue. Le monde occiden-tal assistera passif, a ce nouvel assassinat.

    SACEUR n'etant qu'une autorite militaire aux ordres du pouvoir politique,notre vol se poursuit vers la Grece. II est 7 heures du matin quand nousatterrissons sur l'aerodrome de Micra a Thessalonique ou nous attend l'amiralRibeiro dit "rivet". En voiture et en helicoptere, nous voici a Kavala. Chaquefois que je revois cette delicieuse plage, je me demande comment le roiConstantin avait - depuis cette adorable station balneaire depourvue de toutescommunications digne de ce nom - tente un coup d'Etat. La principaleobsession de mon compagnon de voyage, le colonel Lacey, responsable dubureau de presse et d'information au Shape, est la chasse aux pasteques. Commeon trouve des melons sur tous les marches locaux, la voiture fait de frequenteshaltes.

    Du haut d'un observatoire installe a Myrkinos, nous assistons au passage dela riviere Strymon par les forces helleniques. Occasion supplementaire pourune foule d'officiers d'etat-major ambitieux de se mettre en valeur, devant unauditoire d'autorites, en declamant des themes tactiques qui remontent audeluge et que personne n'ecoute. Un dejeuner est offert au cercle des officiersd'Elevsis a l'issue duquel nous partons visiter le centre operationnel de Larissa.170

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    Le lendemain, un nouvel observatoire au sommet duquel on a installe unetribune, nous attend a Kikrohorion O U les parachutistes americains et grecs selancent a l'assaut, "droppes'' dans la plaine de Drama.Et nous rentrons a Kavalla dont les charmes ne me lasseront jamais. Onl'appelait jadis Neapolis, a l'epoque romaine et Christopolis pendant la periode

    byzantine. Un aqueduc romain et des fortifications du type byzantin sont toutce qui reste de ce port qui dessert la Macedoine Orientale et la Thrace. Mais quede couleurs ... C'est a regret que nous montons dans un sordide "coucou" grecqui s'envole vers Thessalonique, ou nous retrouvons le colonel Dunn et sonequipage pour rentrer a Chievres,

    Le 1er septembre, le general Lemnitzer est invite par la 2e flotte aeriennedesignee par le vocable TWO-ATAF a Wildenrath, en Allemagne Federale,contre la frontiere hollandaise. N ous sommes les hates du marechal de l'air C.N.Foxley-Norris et de sa ravissante epouse. Apres un festival nocturne demusiques militaires ou les fanfares allices rivaliserent de prouesses d'ensem-bles, le maire de l'endroit nous fit remettre un souvenir emaille aux armes deMunchen-Gladbach, pour commemorer cette journee faste.

    Je devais retrouver le marechal Foxley-Norris, unjour, a Singapour, sur unterrain de golf, alors que j'escortais le Roi Leopold. Mais ceci est une autrehistoire ...

    Le samedi 4 septembre 1968, Ie general Lemnitzer recut la visite duministre belge de la defense nationale : P. W. Segers venu lui expliquer Ienouveau plan de "restructuration" des forces armees de notre pays. Avec lecolonel Descurieux, nous fumes introduits dans le bureau du SACEUR ou jeservis d'interprete. Apres le dejeuner, et lc depart du ministre, "Lem" me ditsimplement : "Quelle personnalite differente de celIe de M. Poswick, sonpredecesseur !".

    A la fin du mois de septembre, nous allions voler vers la Mediterranee pourles manoeuvres d'automne. Je retrouvais l'hotel Vesuvio a Naples. "Lem" etaitloge chez l'amiral Ribeiro. Coup du sort ou complicite de la direction, on melogea exactement dans la meme chambre que lors de mon dernier passage. Lelendemain, l'amiral Ribeiro prit place a bord de notre appareil pour voler versAthenes, Notre arrivee en Grece fut courtelinesque. La tour de controle ayant172

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    signale que les autorites attendaient a l'aeroport militaire, Dunn effectua sonimpeccable atterrissage sur ce dernier. II n'y avait personne ... En effet, leprotocole organise attendait a l'aeroport civil. Qui en voiture, qui dans unecamionnette de fortune, celIe des services de l'aeroport, nous passames d'unaeroport a l'autre O U notre arrivee fit sensation ... James Burdick ne decoleraitpas et fit entendre a l'officier de liaison americain aupres des autorites grecques,qu'il etait arrive au faite de sa carriere.Je l'entendis faire cette declaration dans des termes dignes d'un sergent-major parlant a des troupiers dans un decor de boue du plus affreux site deguerre.Apres une nuit a l'hotel Hilton, nous decollons pour Thessalonique. Nouspenetrons dans l'hotel Egnatir. Je retrouve avec plaisir cette vieille cite histo-

    rique fondee par Cassandre 315 annees avant la naissance du Christ. Saint Pauly fonda la premiere eglise chretienne. Capitale romaine de la Macedoine,Thessalonique avait ete byzantine pendant deux siecles et turque pendant cinqautres. Elle ne revint a la Grece qu'en 1912.Avant le depart d'Athenes. je suis charge d'une mission "secrete". Je doistrouver un dessus de table en marbre blanc et circulaire ! Apres avoir essayel'allemand, l'anglais et Ie francais pour convaincre mes interlocuteurs, on nousemmene au cimetiere d'Athenes ! C'est en effet ici que logent les principauxmarbriers. Avisant de curieuses petites boites, Jim me fait demander s'il s'agit

    de "containers" pour un casse-croute ?"Reponse duprepose : "Non, Monsieur,c'est Iecoffret dans lequel on depose les os d'un macchabec lorsqu'on le changed '1 "cercuel ...Le 24, nous sommes a Ankara. Apres une courte ceremonie au monumentd'Ataturk, nous nous couchons. Du haut des minarets, une melopee radiodif-fusee appelle les Musulmans a la priere, C'est beau ... Le lendemain c'estIstambul, la plus incroyable, la plus coloree des villes. Tout l'orient a la sauceeuropeenne se trouve a Istambul. Les bazars remplis de vieilles armes dont lamoitie sont fausses, les odeurs, les mceurs coraniques, Ie fleuve humain qui

    franchit Iepont... Comme c'est beau! Une sorte denostalgie dupasse flotte dansl'air et tous les contes d'Orient reprennent forme.Nous quittames Istambulle 26 septembre pour voler vers l'Italie. Nousretrouvons IeComite Militaire de l'OTAN aUdine. Pour demontrer sa solidaritevis-a-vis des membres de ce Comite, le general Lemnitzer effectue Ie voyagedans "leur" avion.Siunjour, l'occasion sepresente, allez voir Iemarche aux oiseaux a Udine.Toute l'Italie qui s'eveille en criant, en chantant, heureuse de vivre sous unclimat idyllique.

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    Le 7 octobre, le general de brigade aerienne Bruce Erwin chef de cabinetde "Lem", etait releve par Dunwoody. Ce demier, grand blesse de guerre,claudiquant, avait un calme olympien et un sourire perpetuel. Quelle chancepour un cabinet de cette importance, d'etre dirige par une homme d'humeuregale. 11faisait rire Dorothy Maree qui nous a quittes pour toujours, emporteepar un mal incurable en nos jours de medecine sophistiquee,

    Du cote belge, un changement de personnalite s'opera aussi a la tete del'etat-major de la Force Terrestre. Maurice Ducamp, Ie heros de mon enfance,le modele que me proposa mon pere pendant toute rna jeunesse, etait remplacepar John Groven. Le premier etait aussi energique que le second etait prudent.Mais il etait exclu que Maurice Ducamp, malgre ses qualites et son passe, puisseatteindre le sommet de la hierarchic puisqu'il ne possedait pas la connaissanceapprofondie du neerlandais. J'avais coutume de dire a l'epoque, qu'un jour,l'armee belge ne serait plus conduite par les plus capables mais par destraducteurs ou des interpretes.

    En effet, dans la pyramide des fonctionnaires superieurs, faire de laconnaissance de la deuxieme langue nationale, une condition indispensable del'acces aux emplois superieurs, n'est-ce point priver le pays de commisremarquables mais auxquels il manque le don des langues ? Foch avait eubesoin d'un traducteur pour s'adresser a French, la veille de la bataille deChampagne. Napoleon etait incapable de se servir d'une autre langue. Eisenhowerou Mac Arthur ne parlaient que l'anglais ...

    La Belgique entrait dans un processus desormais irreversible et qui com-plique toutes les situations. Si un ministre est francophone, son chef de cabinetdoit etre flamand et vice-versa. Les portefeuilles ministeriels sont d'ailleursrepartis par moitie. Mais dans le cas des Forces Armees, de grandes injusticesse preparaient.

    J'ecrivis a l'epoque, un article qui parut dans Ie Bulletin des Officiers deReserve, dans celui du syndicat des officiers d'active et que je fis parvenir auministre personnellement pour qu'il ne soit pas pris au depourvu et m'accuserd'avoir He deloyal. Ce papier s'intitulait : "Le Federalisme et I'Armee". J'en fistenir une copie egalement au chef d'etat-major general belge, Georges Vivario,qui me remercia aimablement.

    Cette litterature m'attira l'antipathie de la plupart de mes collegues fla-mands. Je me trouvais fatalement a "contre-courant". Pourtant, mon raisonne-ment n'etait-il pas logique? Oui, les cadres superieurs des forces armees etaientencombres par des wallons. Mais fallait-il reprocher a ceux-ci d'avoir atteint lesommet de la hierarchic, suite a leur conduite pendant la guerre ? Et si lesFlamands etaient en minorite, n'etait-ce point parce que la grande majorited'entre eux fut congediee en 1945, pour leur attitude incivique ?174

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    Ile de Rhodes, 25 juin 1968. Reunion de famille.De gauche a droite autour de la table : Mme Chamber,

    Lieutenant-colonel USAF Dunor, le pilote,le general Lemnitzer (mains croisees sur la table),

    Mme Erwin, Colonel USA Burdick, en bout de table:Mme Simpson (fille du general Lemnitzer) ;

    fumant la pipe : general USAF Erwin, chef de cabinet;M. Chamber, W.Q.l ; Mme Lemnitzer, l'auteur.

    Dans les couloirs de l'OTAN, a Bruxelles, 1968.175

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    Le 10 octobre 1968, le service d'information des forces armees belges, sousle controle du cabinet du ministre, publiait une synthese dans sa revue de presse.L'article faisait boule de neige puisqu'il avait ete repris par unjournal liberal deBruxelles.

    Sous le titre "Les promotions linguistiques a l'armee", La DerniereHeure donne de larges extra its d'une lettre d'un officier, M G. Weber, publieedans "Mars ", bulletin de I'Association des officiers en service actif.M. G. Weber rappelle que, dans la categorie des officiers superieurs,l'avancement se fait au choix. C'est le "Comite d'armes" qui propose, auministre de la Defense nationale, la nomination aux differents grades de ceuxqu'il a selectionnes.''Les candidats ont toujours ete juges selon leurs merites quel que fut leurregime linguistique. Depuis toujours, continue M. G. Weber, ce systeme afaitses preuves. Chacun des membres du corps des ojjiciers y croit".M G. Weber poursuit en se demandant: "Quel est l'organisme quipossededepuis 1938, un examen legal de connaissance de la deuxieme langue natio-nale ? Dans quelle autre carriere faut-il deux fois, faire la preuve de laconnaissance 'effective de la seconde langue?" Et de poursuivre : "Nonobstantcette situation saine, on tient a introduire au sein des Forces armees le systemedit de "parite ".Qu 'onnouspermette d'ajJirmer qu 'une telle operation consisterait

    a hypothequer definitivement la valeur du corps des officiers. (.. .)"En conclusion, M G. Weber rappelle que "l'armee n 'estpas seulementfaitepour la guerre, mais qu 'elle est aussi Ie principal instrument du maintien del'ordre. Dans ce pays agite qu'est L e notre, les pouvoirs publics seraientparalyses, leurs decisions resteraient sans effet et la rue imposerait ses volontessi l'armee, et la gendarmerie qui en fait partie intimement, n 'etaient pasloyales.Manquerait-il a nos dirigeants Ieminimum de bon sens necessaire pourcomprendre que dynamiter l'armee c'est provoquer le suicide des pouvoirspublics?" . '.

    Le 21 octobre, dans lc cadre du "site seing in Belgium" le general Lemnitzeravait ete invite par ses concitoyens a visiter les etablissements de Carterpillara Gosselies. Nous avons effectue le voyage par helicoptere, Je n'avais jamais eul'occasion de contempler le Borinage de haut. Nous fumes effrayes par ce nuagejaune de pollution qui flotte en permanence au-dessus de la zone industrielle duHainaut. Je rencontrais aussi pour la premiere fois, un politicien belge dont jedevais apprecier les talents oratoires : M. Merlot. Ce fut une de ses dernieresprestations. Il allait succomber peu apres, des suites d'un ridicule accidentd'automobile.Le 19 novembre nous retoumions a Brunssum ou le general Benneke,

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    commandant du secteur Centre-Europe nous recut dans sa residence de "CastelPut". A l'issue du diner, auquel etait convie le gratin des autorites militairesalliees, les assistants dans mon genre avaient ete invites a partager "le cafe". Lechef d'etat-major belge fut arnon egard, d'une amabilite plus que cordiale. Danssoixante jours, nous allions nous entre-dechirer ...

    Vous n'avez jamais visite la sucrerie de Brugelette ? J'y ai conduit "Lem"qui, sous la baguette intelligente de M. Duchateau, s'est prodigieusementinteresse a la transformation des betteraves.

    Le 2 decembre 1968 ! Comment oublier ... Je dejeunais avec le generalDoumier, le general britannique Robert Bray et le general Stones de I'armee del'air americaine. Ce demier racontait sa carriere. Avait-il un pressentiment ?Deux heures plus tard, dans la salle de gymnastique du Shape, il tombaitfoudroye par une crise cardiaque. 11etait catholique romain, comme moi... Jeconduisis "Lem" pour saluer Mme Stones a Braine-le-Chateau. J'ai assiste a sesfunerailles que Raymond Thils, notre chapelain belge du SHAPE, organisaavec une extraordinaire dignite. Et je fus aussi dans cet enorme avion detransport C 119, au centre duquel il n'y avait qu'un cercueil recouvert du drapeauetoile. Aux Etats-Unis, plus que dans n'importe quel autre pays, commentme surer I'abime qui separe le Capitole de la roche tarpeenne ? La veuve d'ungeneral d'armee aerienne ? Cela n'existe pas ... 11a fallu l'intervention person-nelle du general Lemnitzer aupres du President des Etats-Unis pour queMadame Stones soit autorisee a rapatrier le corps de son mari dans un avionmilitaire et a prendre place pres du cercueil dans le meme appareil. .. La mortenleve inexorablement tous les privileges du personnage qu'elle emporte.

    Sur Ie plan professionnel, l'annee 1967 n'avait pas manqued'animation,Chacun se rappelle de la guerre dite "des six jours" au Moyen-Orient. LesIsraeliens luttaient pour leur survie. On compta 20.000 tues parmi les Egyp-tiens, 6.094 en Jordanie et 445 Syriens. Le centre operationnel du SHAPEbourdonnait jour et nuit. Nous n'avions rien a voir avec ce confiit, mais "on nesait jamais ...".

    Au mois de novembre, nos collegues britanniques perdaient une colonie deplus. Les Anglais quittaient Aden dont la situation strategique n'est plus aqualifier depuis la Guerre du Golfe.En decembre enfin, le Conseil de l'Alliance Atlantique adoptait la doctrine

    de la "Reponse flexible". C'etait l'epoque de la guerre froide, de la menace, onn'envisageait l'emploi du nucleaire que si nous avions ete debordes parce quenous ne faisions emploi que d'armes conventionnelles.Les Americains se battaient toujours au Vietnam et en janvier 1968, uneoffensive Tet prouvait que l'ennemi etait loin d'abandonner. Les bombarde-

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    ments strategiques continuaient mais les fantassins americains s'enlisaient deplus en plus dans cette brousse hostile. Aux Etats-Unis meme, ce conflitdevenait de moins en moins populaire.

    A cette epoque, les Britanniques prirent la decision d'abandonner leursbases militaires a l'est de Suez, des 1971. On se demande s'ils ne le regrettentpas aujourd'hui malgre la presence des Egyptiens aux cotes des "Allies" dansle Golfe.

    La grave alerte a Casteau fut declenchee au mois d'aout, quand les forcessovietiques et celles du Pacte de Varsovie, ecraserent la revolte enTchecoslovaquie. La situation etait serieuse, L'agressivite sovietique etait deplus en plus menacante. Les Tcheques avaient espere trop. Leur liberation nesurviendrait que vingt ans plus tard, quand le Marxisme s'ecroula de lui-meme,Au mois de septembre 1968, l'horizon s'eclaircissait puisque l'Albanie

    quittait le Pacte de Varsovie. Les Americains etaient d'ailleurs passionnes parun probleme interieur : les elections. Richard Nixon sortit vainqueur ennovembre avec 43,4 % des voix contre son rival H.H. Humphrey.

    ,f,-0-'I',I, '"a _ - e -"l' -r-

    Le 13 decembre 1968, on inaugurait les batiments qui allaient abriterl'hopital du Shape. 11etait alors le plus modeme des etablissements hospitaliersinstalles sur le territoire belge, Le genie americain avait importe ses methodesles plus recentes. Le secteur de la dentisterie ressemblait a un salon de coiffureavec ses quatorze sieges (un par nation ...) alignes et servis par des stomatologuesintemationaux.

    Le general-medecin Guerisse-alias Pat O'Leary, ce heros de la Resistance,representait le service medical belge, Je fis part des intentions du ministerequant au sort des officiers superieurs francophones accuses d'etre trop nom-breux. Comme moi, il deplora la precipitation de ces mesures qui allaient porterprejudice a tant d'innocents.

    L'expose des querelles tribales de l'armee belge sort du cadre de ce recit.Mais l'annee 1969 allait etre celle de la fin de rna carriere. 11faut done quej'explique au lecteur pourquoi et comment j'allais etre contraint de quitter mesfonctions au Shape, en fevrier 1969.Le ministre belge de la Defense nationale avait decide de relever de leursfonctions les officiers superieurs charges de la carriere et de la selection descadres et qui ne possedaient pas la connaissance approfondie du neerlandais.Trois colonels dits "Inspecteurs d'armes" furent destitues, Le general qui les

    coiffait, Lucien Champion, mon frere d'armes du Katanga, demanda a partager178

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    Alors que Ie general italien Taverno s'incline devant Mme Lemnitzer,je presente M. Leborgne, bourgmestre de Casteau, au general.

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    leur sort. Les chefs d'etat-major des trois annes laisserent faire... Fidele a seshabitudes, un Don Quichotte dans mon genre prit saplume et adressa une lettreouverte ala presse.J'avais soumis cette litterature a la lecture du principal interesse, le generalChampion, ainsi qu'au doyen des officiers du Shape, le general EdmondDoumier. Par courtoisie, j'avais informe au prealable, le general Lemnitzerdont je dependais, Aucun de ces trois consultants ne m'a dit que j'etais fou. Lepremier corrigea les tennes de rna prose et fignola mon style. Le deuxiemeeclata de rire en disant "Bien joue !". Quant au troisieme, fidele aux traditionsdemocratiques des Etats-Unis, il trouvait mon raisonnement plein de bon sens.On trouvera ci-contre cet article tel qu'il parut dans le journal belge "LeSoir" du 10janvier 1969. C'etait Ie "chant du cygne ..."Merci, mon general!Le general-major Lucien Champion vient d'etre releve de ses Jonctionsd'inspecteur general adjoint de la Force terrestre.Comme it ne s 'agit pas de n'importe qui s 'en allant pour n'importe quoi, itest interessant de noter comme observation clinique, un nouveau sympt6me dumalaise qui regne dans les Forces armees.Le general Champion est ne aRoux le 22juin 1910. Nomme sous-lieutenanten 1931, it est designe pour le 2e Chasseurs. Mais, en 1934, la creation desunites de cyclistes frontieres etant decidee, it sollicite de servir aux Chasseursardennais. Ce choix revele deja le caractere de cet officier.C'est dans cette unite d'elite que le capitaine Champion Jait la campagnede 1940. II est cite a l'ordre du jour au cours de celle-ci mais une anecdoteparticuliere vaut d'etre contee parce qu 'elle situe le personnage dans lecontexte actuel.Au cours de la "debacle de 40" dans cette retraite eperdue pendant laquelleles unites francaises, anglaises et belges se melangent, le capitaine Champion

    va operer un sauvetage que seuls connaissent ses intimes. Le long d'une desroutes qui jalonnent cet exode tragique de mai 1940, it s'apercoit que desmilitaires francais sont en train de "coller au mur" un soldat revetu del'uniforme belge et qui erie son innocence dans un jargon de la Flandremaritime. Dans l'affolement general, des esprits traumatises ont pris pour unparachutiste ennemi ce malheureux paysan de Dixmude qui n 'entend d'autrelangue que celle du pays plat. II Jaudra tout Ie courage, la diplomatie et la"connaissance effective de la seconde langue nationale" du capitaine Cham-pion pour Jaire echapper ce malheureux egare au poteau d'execution.Le capitaine Champion Jut envoye en captivite comme tous les officiers

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    d'active et rapatrie comme malade apres deux ans. Des la fin de 1943, ilparticipa activement a la Resistance. Brevete d'etat-major, il a ete choisi parle colonel Defraiteur pour fa ire partie du cabinet du ministre de la Defensenationale.Comme major, ilfut Ie chef d'etat-major de la base de Kamina aux tempsheroiques de sa construction, c'est-a-dire a l'epoque despionniers. Seuls ceuxqui ont vu cette base peuvent se rendre compte a quel point ellefaisait notreorgueil en Afrique. Autant en emporte le vent...

    Le colonel Champion, chef d'etat-major de la 1ere division, devait d'ailleursretourner defendre son ceuvre lors des tragiques evenements du Congo, en1960. En ejJet,il seporta volontaire ppur porter secours aux Belges d'Afrique,et c'est a la tete de la brigade ''Katanga'' (composee en majeurepartie d'unitesd'expression neerlandaise ...) que L e colonel Champion garantit l'ordre danscetteprovince congolaise grande comme laFrance et ou vivaient quinze millede nos compatriotes. C'est sous sa houlette que la Belgique remit aux NationsUnies un Katanga en paix ...

    Apres avoir ete conseiller militaire de notre representant permanentaupres de l'O.T.A.N., le general-major Champion est devenu sous-chef d 'etat-major general, c 'est-a-dire qu'ilfut I'adjoint direct dugeneral Dessart de 1965a 1968.

    .Cet officier au brillant passe militaire et de competence exceptionnellevenait d'etre designe pour remplir lesfonctions d'inspecteur general adjoint dela Force terrestre quand le ministre de la Defense nationale precisa sesintentions dans ledomaine linguistique. En ejJet,dans le cadre des mesures quivisent a assurer la parite au sein du corps des officiers, l'une d'entre ellesprevo it le bilinguisme dit approfondi des inspecteurs d'armes. Deux d'entreeux etant releves de leurs fonctions pour connaissance non-doctrinale duneerlandais (alors qu'ils avaient subi avec succes les epreuves legales...), legeneral Champion decida de protester contre cette iniquite frappant desofficiers places sous ses ordres. II demanda a subir le meme sort.... On l'accepta. D'aucuns diraient avec plaisir ... .En ejJet, dans le contexte politique actuel qu'il ne nous appartient pasd'apprecier, mais dont les officiers subissent les consequences, celui qui essaiede faire respecter la LEGALITE est embarrassant. Personne n'a le droitd'anticiper sur les modifications que d'aucuns voudraient apporter aux dis-positions legales qui regissent le statut de l'officier. Et ceux qui s'opposent auxmesures d'avant-garde qui PREJUGENT de la decision du constituant, sontgenants pour d'autres qu 'unparti pris souvent passionnel a conduit a mettre enplace avant la lettre, les cadres de nouvelles institutions. En d'autres mots, on

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    nous conditionne pour le federalisme alors que personne ne l'a encoreaccepte.Il est d'ailleurs permis de se demander si dans cette nouvelle formede Constitution qu 'on nous prepare, nos dirigeants comptent doter laBelgique d'une armee federale ou de DEUX armees distinctes. lis doiventsavoir que toutes les conditions sont en train de se reunir pour conduireineluctablement vers