Le Torrent Anne Hébert

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    4. And re Vana~se..L'ec6ture el l 'arnbivalence , entrevuea ve c A nn e Hebert . Montreal. \.hix et Images, vol. V ll, 0

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    gression quelconque, C'est-a-dire que rna mere ne m'ad-ressait la parole que pour me reprimander, avant de mepunir.

    Au sujet de I'etude, I A encore tout etait compte, cal-c ule , s an s un jour de conge, ni de vacances. L'heure deslecons terminee, un mutisme totalenvahissait AnouveauIe visage de rn a m ere .. S a bouche se fermait durement,hermetiquemenr, cornme tenue par un verrou tire del'interieur.Moi, j e b a is sa is les y eux , s ou lage de n'avoir plus Asuivre Ie fonctionnernent des puissantes machoires et deslevres minces qui prononcaient, en detachant chaque syl-labe, les mots de chdtiment , justice de Dieu , dam-nation , enfer , discipline , peche originel , et sur-tout cette phrase precise qui revenaircomrne un leit-motiv:

    - n faut se dornpterjusqu'aux os. On n'a pas ideede la force mauvaise qui est en nous 1 Tu m'entends,Francois? Je te dompterai bien, moi ...L a , je commencais a frissonner et des lannes em-plissaient mes yeux, car je savais bien ce que rna mereallait ajouter:

    - Francois, regarde-moi dans les yeux ...Ce supplice pouvait durer longternps. Ma mere me

    fixait sans merci et moije ne parvenais pas a me decider ala regarder. Elle ajoutait en se levant:

    - C'est bien, Francois, l'heure est finie ... Mais jeme souviendrai de tarnauvaise volonte, en temps et l ieu . ..

    En fait, rna mereenregistrait minutieusement cha-cun de mes manquements pour m'en dresser Ie compte,un beau jour, quand je ne m'y auendais plus. Juste aumoment a u je croyais m'echapper, elle fondait sur moi,impl acable, n' ayan t rien oublie, detaillant, jour apres jour,heure apres heure, les chases memes que je croyais lesplus cachees,

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    Je ne distinguais pas pourquoi rna mere ne mepunissait pas sur-Ie-champ. D'autant plus que je sentaisconfusernent qu'elle se dominait avec peine. Dans la suitej'ai compris qu'elle agissait ainsi par discipline enverselle : pour se dompter elle-meme , et aussi certaine-ment pour rri'impressionner davantage en etablissant sonemprisele plus profondernent possible sur moi,

    Il y avait bien une autre raison que je n'ai decou-verte que beaucoup plus lard.J'ai dit que rna mere s'occupait sans arret, soit dansla maison, soit dans l'etable ou les champs. Pour meeorriger, elle attendait une treve,

    J'ai trouve, l'autre jour, dans la remise, sur unepoutre, derriere un vieux fanal, un petit calepin ayantappartenu a rna mere. L'horaire de ses journees y etmtsoigneusement inscrit. Un certain lundi, elle devait mettredes draps a blanchir sur l'herbe ; et, je me souviens quebrusquement jl s'etait rnis a pleuvoir. En date de ce memelundi, j' ai done vu dans son camet que ceue etrangefemme avait raye: Blanchir les draps, et ajoute dans lamarge: Battre Francois .

    Nous etions toujours seuls. J'allais avoir douze anset n'avais pas encore contemple un visage humain, si cen'est Ie reflet mouvant de mes propres traits, lorsque I'eteje rne penchais pour boire aux ruisseaux, Quant 8. rnamere. seulle bas de sa figure m'etait famiJier ..Mes yeuxn'osaient manter plus haut, jusqu'aux prunelles cour-roucees et au large front que je connus, plus tard, atroce-ment ravage.

    Son menton imperatif, sa bouche tourmentee, malgrel'attitude calme que le sHence essayai t de lui imposer, soncorsage noir, cuirasse, sans nulle place tendre ou put seblottir la tete d'un enfant; et voila l'univers maternal danslequel j'appris, si t6t, la durete et Ie refus.

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    Nous demeurions it une trop grande distance duvillage, meme pour aller a la messe. C ela n e m'empechanpas de passerquelquefois mon dimanche presque eatier agenoux sur Ie plancher, en punitien dequelque faute,C'etait ia,je crois,la {altonmatemeUe de sanctifier Ie jourdu Seigneur, a mes depens,

    Je n'ai jamais vu rna mere prier. Mais, je soupcon-nais qu'elle le faisait, parfois, enfermee dans sa charnbre.Dans ce temps-la, j'etais si dependant de rna mere que .Iemoindre mouvement interieur chez elle se repercutait enmoi, Oh !je ne comprenais rien, bien entendu, au dramede cette femme, mais je ressentais, comme on pereoitl'orage, les sautes de son humeur la plus secrete. Or, lessoirs oa je croyais rna mere occupee a prier, je n'osaisbougersur ma paillasse, Le silence etait lourd a mourir.J'attendais je ne sais queUe tourmente qui bal.aierait tout,m'entrainant avec rna mere, a jamais H e a son destinfuneste,

    Ce desir que j'avais augmentait de jour en jour etme pesait comme une nostalgie, Voir de pres et en detailune figure humaine. Je cherchais a examiner rna mere a laderobee ; mais, presque toujours, elle se retournait vive-ment vers moi et je perdais courage.

    Je resolus d'aJler a Ia rencontre d'un visaged'homme, n'osam esperer un enfant et me promettant defuir si c 'etait une femme ..Pour cela je voulais me posterau bord de la grand-route. II finirait bien par passerquelqu'un ..

    Notre maison s'levait a l'ecart de toute voie decommunication, au centre d'un domaine de bois, de champset d'eau sous toutes ses formes, depuis les calmes ruis-seaux jusqu' a I'agitation du torrent.

    Je traversal l'erabliere et les grands champs tout enbuttons durs que rna mere s'obstinait a labourer en serrantles dents, les mains attachees aux rnaaeherons que Ie choe

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    lui faisait parfois Hieher. Notre vieux cheval. B Io i. e n estmort.Iui,

    Je ne croyais pas 1 3 . route si loin. Je craignais de meperdre. Que d ira it r na . mere. au retour de la traite desvaches, quand elle s 'apercevrait de mon absence?D'avance je me recroquevillais sons les coups, mais jecontinuais de marcher. Mon desir etait trop pressant, tropdesespere.

    Apres Ie petit brflle ou chaque e t e je v en ais cueillirdes bleuets avec ma mere, je me trouvai face a face avecla route. Essouffle, je m'arretai court, comrne touche aufront par une main. J 'avais envie de pleurer. L a routes'etendait triste, lamentable, unie au soleil, sansame,morte. Ou se trouvaient les corteges que je m'imaginaisdecouvrir? Sur ce sol-las'etaient poses des pas autres queles miens ou ceux de rna mere ...Qu' etaient devenus cespas? OU se dirigeaient-i1s? Pas une empreinte, La routedevait certainement etre rnorte.

    Je n'osais marcher dessus etje suivais le fosse, Toutit coup, je butai sur uncorpsetendu et fus projete dans lavase. Je me levai, consterne, it la pensee de mes habitssalis ; et je vis l'homme horrible a c6te de moi. II devaitdormir la, et maintenant it s' asseyait lentement, Cloue surplace, je ne bougeais pas, m'attendant a etre tue pour Iemoins, Je n e tro uv ais m em e pas 1a force de me garantir Ievisage avec mon bras.

    L'bommeetait sale. Sur sa peauet ses vetementsalternaient la boue seche et Ia boue fraiche. Ses cheveuxlongs se confondaient avec sa barbe, sa moustache et sesenormes sourcils qui lui tornbaient sur les yeux. MonDieu, quelle face faite de poils herisses et de taches deboue ! Je vis la bouche se montrer la-dedans, gluante,avec des dents jaunes. Je voulus fuir. L'homme me retintpar Ie bras. n s'agrippa it moi pour tenter de se mettredebout ce qui eut pour effet de me faire culbuter,

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    L'homme Til. Son Tire etait bien de lui. Aussi ignobleque lui. Encore un e fois je tentai de me sauver. IJ me fi tasseoir sur le bord du fosse, pres de lui. Je sentais sonodeur fauve se msler aux relents du marecage, Tout bas.je faisais mon acre de contrition, er je pensais a la justicede Dieu qui, pour moi, ferait suite a la terreu r et au degoiitque m'inspirait cet homme ..n avail sa main malpropre etlourde sur monepaule,

    - Quel age as-tu, petit gars?Sans attendre rna reponse, il ajouta :- Connais-tu des histoires ?Non, hein ... Moi,

    j' en connais ...II passa son bras autour de mes epaules, J'essayai

    de me deprendre. IIserrait plus fort, en riant, Son eire etaittout pres de rna joue. A ce moment, j'apercus rna meredevant nous. Dans sa main eUe t en a it l a ma it re ss e branchequi servait a faire rentrer les vaches. Ma mere m'apparutpour lapremiere fois dans, son ensemble, Grande, forte,nette, plus puissante que je ne l'avais jamais cru.

    - L achez cet enfant !L'hornme, surpris, se leva peniblement, II semblait

    fascine par rna mere autant que je I'etais, Ma mere seretourna vers moi et, du ton sur lequel on parle a un chien;elle me cria :- A I a ma is on , F ranco is !

    Lentement, sentant mes jambes se derober sousmoi, je repris Ie sentier du brule. L'homrne parlait a rnamere. 11paraissait laconnaitre, IIdisait de sa voixtrainante ;

    - Si c'est pas la belle Claudine !Te retmuver lei ...T'as quitte le village it cause du petit, hein ? Un

    beau petit gars ... oui, ben beau ... Te retrouver ici. .. ToutIe monde te pensait defunte ...

    - Allez-vous-en !lonna rna mere.- La grande Claudine, si avenante, autrefois ...

    Fache-toi pas ...

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    _ Je vous defends de me tutoyer, cochon 1LA, j'entendis le bruit sec d'un coup, suivi par Ie

    bruit sourd d'une chute. Je me retoumai, Ma mere etaitdebout, immense, it la lisiere du bois, la trique toute fre-missante a lamain,l'homme etendu it ses pieds. Elle avaitd O . se servir du gros bout d u baton pour frapper l'homme ala tete.La grande Claudine (c'estainsi que mentaJementjeme prenais a nommer rna mere) s'assura que l'hommeetait vivant, ramassa ses jupes, sauta le fosse et s'engageaa nouveau dans le chemin de la maison, Je partis a courir.L'echo de mes pas affoles resonnait ames oreilles enmeme temps que celui des robustes enjambees de mamere. derriere moi,Elle me rattrapa en arrivaat pres de la maison. Metrainant par le bras, elle entra dans la cuisine. Elle availjete le baton. J 'etais si effraye, si moulu, et pourtant je nepouvais m'empecher d'eprouver un inexplicable senti-ment de curiosne et d'aurait. Je croyais obscurement quece qui allait suivre serait a 1 3 1 hauteur de ce qui venait de sepasser. Mes sens, engourdis par nne vie contrainte etmonotone, se reveillaient. Je vivais une prestigieuse etterrifiante aventure.Ma mere dit d'une voix coup ante :

    _ C'est beau un etre humain, hein, Francois ? Tudois etre content d'avoir enfin contemple de pres unvisage. C'est ragoutant, n'est-ce pas?

    Au comble du trouble de voir que rna mere avait pudeviner un desir que je ne lui avais jamais confie, je levailes yeux sur elle, semblable a quelqu'un qui a perdu toutcontrole de soi. Et, c'est mes yeux egares retenus dans lessiens, que se deroula tout l'entretien. J'etais paralyse,magnetise par la grande Claudine.

    _ Le monde n'est pas beau, Francois.Il ne faut pasy toucher. Renonces-y tout de suite, genereusernent. Ne25

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    t'attarde pas. Fais ce que ron te demands, sans regarderaJentour ...Tu es man fils. Tu me continues. Tu combattrasl 'instincr mauvais, jusqu'a la perfection ...

    Ses yeux lan~aient des Hammes ..Tout son etre droit,d re sse a u milieu de la piece, exprimait une violence qui nese contenait plus, ei qui me figeait , a la feis de pear etd'admiration. Elle retait, la voix moins dure, commeseparlan; Aelle-meme: La possession de soi la maitrisede soi.... surtout n' etre jamais vaiacu par sol Ma mere s' arreta, Ses longues mains etaient dejacalmes, et Ie calme rentra par 1 3 . dans route sa personae,EUe continua, le visage presque feone. Seul I' 6clat desyeux ne se retirait pas tout a fait, ainsi que les restes d'unerete dans une maison deserte,

    - Prancois, je retoumerai au village, la tete haute.Tous s'inclineront devant moi, J 'aurai va in cu , V ain cre lJe ne pennettrai pas qu'un salaud d'ivrogne bave sur moiet touche a rnon fils. Tues mon fils. Tu combattras I 'ins-tinct mauvais, jusqu'a 1 3 1 perfection. Tu seras pretre! Lerespect I Le respect, quelle victoire sur eux tous !

    Pretre l Cela me paraissair tellement accablant, sur-tout en cette journee O U j'avais e le si blesse dans rnapauvre attente d'un visage doux, Ma mere m'expliquaitsouvent: La messe,c'est Ie sacrifice. Le pretre est a lafois sacrificateur et victime, comme le Christ ..II fallaitqu'il s'immol.it sur I'autel, sans merei, avec I'hostie. J'etais si petit etje n'avais jamais e t e heureux, J'6clatai ensanglors, Ma mere faillit se jeter sur moi, puis tourna lestalons en disant, de sa voix breve:

    - Pleurnichard !Enfant sans energie !J'ai reeu lareponse du dlrecteur ; tu entreras au college, jeudi pro-chain, Ie quatre septernbre, Va me chercher une brasseede petit bois que j'allume le poole pour souper, Allons,rernue-toi I

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    Mes lin es d'etude avaient appartenu a rna m ereI or sq u ' e ll ee ta it e nf an t. Ce so ir -IA . 801lS pretexte de p:reparerrnes -bagagespour le college, je pris les livres, un par un,et regardai avecavidite Ie nom qui s'inscrivait en pre-miere page de chacun d'eux : Claudine Perrault ..Claudine. la belle Claudine, la grande Claudine .

    Les leures du prenom dansaient devant mes yeux,se rordaient comme des flammes, prenam des formes fan-lastiques ..Cela ne m'avait p a s f ra p pe auparavant que rn amere s'appelat Claudine. Etmalnrenanr, celame semblaitetrange, cela me faisait mal. Je ne savais plus si je Hsais cenom ou si je I'entendais prononcer par unevoix eraiUee.celle d'un demon, tout pres de moi, son souffle touchantma joue,

    Ma mere s'approcha de moL Elle n'allegea pasI' atmosphere, Elte ne me sauva pas de monoppression,Au contralre, sa presence. donnait. du poids au caracteresumaturel de cette scene. La cuisine elait sombre, le seulre nd d e e tan e projete par la lampe tom bait sur le livre queje tenais ouvert, Dans ce cercle lumineux.Ies mains de rnamere entrerent en action. EUe s 'empa ra du livre. Un ins-tant le Claudine eerit en lettres hautes et volontairescapta toute 1 8 1 lum ie re, p uis il d isp arut et je vis v enir a taplace, trace de 181meme calligraphic altiere: Francois ,UnFrancois en enere f raIche, accole au Perrault de vieille encre, Etainsi dans ce rayon etroit, en l'espacede quelques minutes, les mains tongues jouerent et scel-lerent mon destin. Tous mes Jivres y passerent, Cettephrase de rna mere me rnartelait 1 . 3 tete: Tu es rnon fils.Tu me continues ,

    Ce jour extraordinaire disparu, je m'efforcai, surl'ordre de rna mere, de le repousser de rna memoire,Paone depuis longtemps par une regie de fer, je reussisassez bien a ne pluspenser consciemment aux scenesecouleeset a accom plir m ecaniquem ent les taches im -

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    ~osees. ~ependant, au fond de moi, je sentais parfois unenc~esse mconnue, redoutable, qui m 'etonnait et me trou-blait par sa presence endormie.. Le resultat pratique, si l' on peut dire, de rna pre-

    miere rencontre avec autrui, fut de me mettre sur mesgardes e~de repli,er a jamais en moi tout geste spontaae desyrnpathie humaine, Ma mere enregistrait une victoire.

    J'entrai au college dans ces dispositions, L'air sau-va.ge et renferme, j.'observais mes camarades. Je repous-sais leurs avances timides OIl railleuses. Bientet le vide sef l . t autour du nouvel eleve, Je me disais que c'etait mieuxainsi, puisq u' il me fallai t m' attacher nulle part en cem~nde. Puis, je m'i.mposais des penitences pour cettepeme que j e res s en ta is de man isolement,

    Ma mere m'ecrivait : Je ne suis pas III pour tedresser, Irnpose-toi, toi-rneme, des mortifications, Surtout,comba~s la molless~, ton defaut dominant. Ne te laisse pasattendrir par Ie mirage de quelqueamitie particuliere.Taus, professeurs et eleves, ne sontla que pour un certainmoment, necessaire II ton instruction et a ta formation.Pro~te de ce qu'Ils doivent te donner, mais reserve-toi.Ne t abandonne a aucun prix, ou tu serais perdu. D'ailleurson m: tient au courant de toutce qui se passe au college.Tu m en rendras un compte exact aux vacances et a Dieuaussi, .au jour de la justice. Ne perds pas ton temps. Pourc~ qU I est des recreations, je me suis entendue avec ledirecteur. Tu a~deras lefermier, a I 'etable et aux champs ,, Le trav,all,de la fenne meconnaissait et je preferais

    m occuper amsi que d'avoir a suivre mes camaradesenrecreation, Je ne savais ni jouer nirire et je me sentais detrap '. Qu~t aux professeurs, II tort au a raison, je lesconsiderais les allies de rna mere, Et j'etais particuliere-rnent sur m es gardes avec eux." :~ut:u long,des annees de college qui suivirent,

    J etudiai, C est-a-dire que rna rnemoire enregistra des28

    I

    I

    dates, des noms, des regles, des preceptes, des formules.Pidele a I'miriation matemelle, je ne voulais retenir queIes signes exterieurs des matieres a etudier. Je me gardaisde la vraie connaissance qui est experience et possession.Arnsi, au sujet de Dieu, je m'accrochais de routes mesforces. de volonte aux innombrables prieres red tees chaquejour, pour m'en faire un rempart contre I'ornbre possiblede la face nue de Dieu.

    Mes notes demeuraient exceHentes, et je con servaishabituellement les premieres places exigees par rna mere.Je considerais la formationd'une rragedieclassique

    ou d'une piece de vers telle un mecanisme de principes etde receues enchainees par la seule volonte de t'auteur,Une ou deux fois,pounant, la grace m'effleura. J'eus laperception que la tragedie ou le poemepourraient bien nedependre que de leur propre fatalite interieure, conditionde I'oeuvre d'art.Ces revelations rn ' atteignaient douloureusement.E n un e second e, je m esurais Ie n eant de man existence. Jepressentais Ie desespoir. Alors:]e me raidissais. J'absor-boos des pages entieres de formules chimiques.

    A . la lecture des notes et surtout a la distribution desprix, je retrouvais la meme impression de degout infinique je ne parvenais pas a maitriser malgre mes efforts,

    L'annee de rna rhetorique. j'arrivai premier et jeremportai un tres grand nombre de prix. Les bras chargesde livres, les oreilles bourdonnantes des applaudissementspolis des camarades pour lesquels je ne cessais pas d'etreun etranger, j'allais de rna place it l'estrade etj'eprouvaisune angoisse aigue et un tel accablementque j'avais peineit avancer.La ctremonie tenninee, je m'allongeai sur mon lit,dans le dortoir bruyant du va-et-viem deseleves qui s'ap-prstaient it partir pour les vacances.

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    Soudain, j'entrevis ce qu'aurait pu eire rna vie. Unregret brutal, presque physique, m'etreignit, Je devinsoppresse, QueIque chose se serrait dans rna poitrine. Jevoyais s'eloigner mes cam arades, un Aun ou par groupes.Je les entendais rire et chanter. Moi, je neconnaissais pasla joie, Je ne pouvais pas connaftre la joie. C'etait plusqu'uneinterdi:ction. Ce fut d'abord un refus, cera devenaitune impuissance, nne sterilite. Mon cceur etait arner, ra-vage. J'avais d il l- s ep t ans !Un seul g ar co n r est ai t m a in te na nt d an s Ie dortoir, nparaissait avoir de la difficulte Aboucler sa rnalle. Je fussur le point de m' offrir a !'aider. Comme je me levais demon lit, il demanda :

    - Aide-moi done un peu a fermer rna malle.Surpris, mecontent d'etre devance, j'artieulai pour

    gagner du temps:-Qu'est-ce q;ue tu dis?Ma phrase resonna dans Lasalle deserte et eut pour

    effet de me mettre sur Ies dents . .Ma voix breve, rauque,m'etait toujours penible, irritantea entendre.

    Je m'etendis a nouveau, les levres serrees, pressantmon oreiller a pleines poignees. Mon compagnon repetasa meme phrase. Je fis mine de ne pas cornprendre, esperantqu'il la recomrnenoerait une troisieme fois. Je cornptaisles secondes, p e n e t r 6 du sentiment qu'il ne m'appelleraitplus. Etje ne bougeais pas, eprouvant la volupte de faire cequi est irreparable.

    - Merci de ton obligeance et bonnes vaeances,sacre caractere !

    Puis, ce eamarade que, en secret, j'avais pref6r6 auxautres, disparut, ployant sous le poids de sa malle.

    Ma mere ne venait jamais me chercher a la gare,Elle ne me guenait pas Donplus a la fenetre. Elle m' atten-dait lsa facon, c'est-a-dire en robe de semaine, en pleinmilieu d'une tache quelconque. Amon arrivee, eUe s'in-

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    terrompait pour me poser les quelques questions jugeesnecessaires. Ensuite, eUe reprenait son ouvrage, apresm'avoir assigne rna besogne jusqu'au prochain repas,

    Ce jour-la, rnalgre la grande chaleur, je la trouvai agenoux, en train de sarcler un carre de betteraves. ElLes'assit sur ses talons, fit, d'un geste brusque, basculer sonchapeau de paille en arriere de sa tete, essuya ses mains ason tablier et me dit :.

    -Eh bien, combien deprix .,_ Six livres, rna mere, et j'ai gagne la bourse.- Montre!Je lui tendis les Iivres, semblables a tous les livres

    de prix, rouges et a tranches dorees. Qu'ils me semblaientridicules, derisoires ! J'en avais honte, je les meprisais.Rouges, dores, faux. Couleur de fausse gloire, Signes derna fausse science. Signes de rn a servitude:Ma mere se leva et emra dans la maison. Elle pritson trousseau de clefs, gros noeud de ferraille ou toutes lesclefs du moade semblaient s'etre donne rendez-vous.

    - Donne I' argent!Je mis Iamain a rna poche et en sortis Ia bourse. Elleme l' arracha presque._ Avance donc !Crois-tu que j'aie le temps delambiner! Change-toi, puis viens rn'aidera finir le carreavant le souper !Je ne bronchai pas. Je regardai rna mere etla certi-tude s'etablissait en moi, irremissible. Je me rendis compteque je la detestais.Elle enferma l' argent dans le petit secretaire.

    -Je vais ecnre demain au.d irecteur pour faire tonentree. Heureusement que tu as eu la bourse ...

    _ Je ne retoumerai pas au college, I'annee pro-chaine, prononcai-je si nettement que je croyais entendrela voix d'un autre. C'etait la voix d'un homme.

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    Je vis le sang manter au visage de rna mere. couvrirSon front. son cou hales. Pour la premiere fois, je la sentischanceler, hesites, Cela me faisait un extreme plaisir, Jerep etai :

    - Je ne retoumerai pas au college. Je n'irai jamaisau seminaire !Tu fais mieux de ne pas compter sur moipour te redorer une reputation ...

    Ma mere bondit comme une tigresse. Tres Iucidej'observais la scene. Tout en me reeulant vers la porte. jene pouvais m'ernpecher de noter la force souple de cettelongue femme. Son visage etail tout defait, presque hideux.Je me dis que c'est.probablementainsi que 13 1haine et Jamort me defigureralent, un jour. 1'entendis tinter Ie trous-seau de clefs. Elle le brandissait de haul. J'entrevis soneclat metallique comme celui d'un eclair s'abattant surmoi. ~a mere me frappa plusieurs fois ~Ia tete. Je perdisconnarssance,

    Quand je rouvris les yeux, je me trouvais seul,etendu Sur le plancher, Je ressentais une douleur violentea la tete. J'etais devenu sourd,A partir de ce jour, une fissure se fi t dans rna vieopprimee, Le silence lourd de la surdite m'envahit et ladisponibilite au reve qui se montrait une sorte d'accom-pagnement. Aucune voix, aucun bruit exterieur n'arrivaitplus jusqu 'a moi. Pas plus Ie fracas des chutes que Ie cridu grillon. De eels, je demeurais silr. Pounanr, j'entendaisen moi Ie torrent exister, notre rnaison aussi et tout Iedomaine. Je ne possedais pas Ie monde, mais ceci se trou-vait change: une partie du monde me possedait, Ledomaine d'eau, de montagnes e1 d'antres bas venait deposer sur moi sa touche souveraine.

    Je me croyais defait de rna mere et je me decouvraisd'autres liens avec la terre.Mes yeux s'attachaient sur notre maison, basse,

    longue, et, lui faisant face, les batiments de merne style32

    identifie au sol austere, les chiches eclaircies des champscultives, Je deroulernent des bois au rytbme heurte desmontagnes sauvages tout alentour. Et sur tout ca, la pre-sence de l'eau. Dans la fraicheur de I'air, les especes desplantes, Ie chant des grenouilles, Ruisseaux, riviere molle,etangs clairs ou figeset, tout pres de la maison, bouillon-nant dans un precipice de rochers: Ie torrent.

    Le torrent prit soudain I'importance qu'il auraittoujours dOavoir dans mon existence. Ou pluto! je devinsconscient de son:emprise sur mol, Je me debattaiscontresa domination. 1Ime semblait que su r mes vetements, mesIivres, les meubles, les murs, un embrun continuel mon-tait des chutes et patinait rna vie quotidienne d'un goGtd'eau indefinissable qui me serrait le ceeur. Deroutes lessonorites terrestres, rna pauvre tete de sourd ne gardaitque le tumulte intermittent de la cataracte battant mestempes. Man sang coulait selon le rythme precipite deI'eau houleuse, Lorsque je devenais a peu pres calme, celane me faisait pas trop souffrir, cela se reduisait a un mur-mure lointain. Mais, les jours epouvantables oa je ressas-sais rna revolte, je pereevais le torrent si fort ~ l'interieurde mon crane, contre man cerveau, que rna mere mefrappant avec son trousseau de clefs ne m'avait pas faitplus mal.

    Cette femme ne rn'adressa plus un mot depuis lafameuse scene au, pour 1a premiere fois, je m'etais op-pose a sa volonte. Je sentais qu'elle m'evitait, Les travauxd'ete suivaient leur COU TS Je m'arrangeais pour me trou-ver seul, Et, delaissant foin, faucheuse, I.egumes, fruits,moll. arne se Iaissait gagner par l'esprit du domaine. Jeresrais des heures a contempler un insecte, ou l' avance deJ'ombre sur les feuilles. Des journees entieres aussi aevoquer certaines fois, meme les plus eloignees, o u rnamere.m'avait maltraite, Chaque detail restait present. Rienne s'ecoulait de ses paroles et de ses coups.

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    C'est vers ce temps que Perceval fit son arriveechez nOIlS.Ce cheval, quasi sauvage, ne se laissait pasmater par Ja grande Claudine qui en avait dompte biend'autres. II lui resistait avec une audace, une perseveranceune rouerie qui m'enchantaient. Toute noire, sanscess~les ~aseaux fumants.I',&;ume sur le corps,cette batefre~ssan~e resse~blait 11I'Btre de fougue et de passionque J aurais voulu mcamer, Je l'enviais. J'aurais voulu la~ons~lter. Vivre dans I'entourage immediat de cette fureurjamais dementie me semblait un honneur, un enrichisse-ment,

    Le soir, je me relevais, une fois rna mere endonnieet j'allais me percher dans le fenil au-dessus de Perceval:Je me delectais, je m'etonnais de ne jamais percevoir ladeten~e auparo~ysme de .son emportementEtait-ce parargued que Ia b8te anendaitrnon depart pour s'endormir?au rna presence immobile er cachee l'irritait-elle? Ellene cessait pas de souffler bruyamment, de donner descoups de sabots dans sa stalle, De mon abri je voyais labelle robe noire aux reflets bleus. Descourants electri-~ues ~arcour~ent ~on epine dorsale. Je n'avais jamais puu:nagmer pareille fete. Je goOtais 11a presence reelle, phy-sique, de la passion.

    Je quittais I'ecurie.Ia tete et les orei1Ies battant d 'unvacarme qui me rendait presque fou. Toujours ce ressacd 'eau et d'orage. Je me prenais le front . i \ . deux mains et leschocs. se precipitaient 11une telleallure que j'avais peur demounr: Je m~ pro~ettais de ne pas rester si longtemps laprochaine fOIS,mars le spectacle de la colere de Percevalm'attirait a un tel point que je ne me decidais a m'eloignerque lorsque Ie fracas du torrent en rnoi me saisissait etm'interdisait toute autre attention.

    Je descendais alors au bord des chutes. Je D'etaispas libre de n 'y pas descendre. J'allais vers le mouvementde I'eau, je lui apportais son chant, comme si j'en elais

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    devenu l'unique depositaire. En tchange.l'eau me mon-trait ses toumoiements, son ecume, te}s des complementsnecessaites aux coups heurtant roon front. Non une seulegrande cadence entrainant toute la masse d'eau, mais lespectacle de plusieurs luttes exasperees. de plusieurs cou-rants e t r emous interiellTs se combattant ferocement.

    L'eau avait creust5le rocher. Je savais que l'endroitou je metrouvais avan~ait SIlT l 'eau comme une terrasse.Je m'imagi:nais la crique au-dessous.sombre, opaque,fran gee d 'ecume. Fausse paix, profondeur noire. Reserved'effroi.Des sources filtraient par endroits. Le rocher etaitlimoneux. C'eOtete facile de glisser. Quel saut de plusieurscentaines de pieds! Quelle pature pour Ie gouffre quidevait decapiter et dernembrer ses proies! Les dechi-queter ...Je reprenais le chemin de rna paiUassea mSme leplancher, sans m' etre s6pare du torrent. Enm' endormant.j' ajoutai s 11son mUg1ssement, dej a integre en moi, l'imagede son imperueuse fievre. Elements d'un songe ou d'uneoeuvre ? Je sentais que bientot de I'un ou de I'autre je ver-rais le visage forme et monsoueux emerger de mon tour-ment. Le jour de la rentree approchait. Ma mere s'etaitraidie et n'attendait que le moment de faire volte-face,toute sa vigueur ramassee et accrue par cene longue etapparente demission qui n'etait en realite qu'un gainremporte SU T sa viV3cite. Oh.! pas une de mes minutes deparesse devant le travail ni une seule de mes m.neries aubord des chutes ou ailleurs ne lui demeuraient inconnues.

    Je la devinai.s en pleine possession de son pouvoir.Chose errange. les continue1s ecnecs qu'elle tencono-aildans le dressage de Perceval ne semblaient pas l'atteindre.Elle s'elevait au-dessus de tout, sflre de son momphefinal. Cela me rapetissait. Et je savais que bientlit ce serait

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    inutile d'essayer d',6viter la confrontation a vee la giga n-tesque Claudine Perrault.

    Je me tournai vers Perceval ..C e so ir- la .Ia b ate 6 ta it d6chai'nee. En entrant dans

    I'ecurie, je fus sur Ie point de retonmer en. arriere, Lecheval se demenait si fort que je craignais qu'it ne defoncattout. Une fois a I'abri dans Ie feni], je eontemplai cetterage etonnante. Le sang sur son poi I se meJait a la sueur. netaitcrueUement entrave, pourtant, etcela ne I',empechaitp as d e se de ba ure.

    Je crus mon premier sentiment fait de pilie en voyantnne superbe creature b le ss ee e t to rtu re e. Je De me rendaispa~mpte que eel a surtout m'tlait insupportable a econstater une haine aussi. mureel a point, Me et retenue,alorsqu'en mOlje sentais ]3 mlenne inferieur . ache.

    - _ emona tif, e;-pleine pu:iss31lce m'eb~s-sait, lelui devan e n bonuna e e en ustice' auss. de'luipermettre d'etre sOldans IemO-fide. que! mal voul~s-jerendl'e la hbe rte ? E ta J.H i en mOl'lLe torrent subitement gron~avee. rant de forcesous mon crane que l'epouvante me saisit, Je voulus crier.Je D e pouvais plus reculer, -J e me souviens d'avoir etc~etourdi par cette masse sonore qui me frappait a la tete.. . p .~ .i.s:l yala un man.Queque i e me hareele a eclair-cir, depUlS e tern s. _ E t lorsque' e sens l' .' e s-sibe de I'horrible lumfer.e dans rna memoi .' me debaLset j 'accloche desesperement AI'obscmilC,si troubleeet menacte q~elle soit. CercI_' .' umain, cercl;de mespe s mcessantes, matiere de m v'_ emelle ..

    e torrent me su -~ugua, me secoua de la tete aux.pieds, me brisa dans un remous qui faillit me desarticuler,

    Impression d'UD abime, d'unablme d'espace et detemps o u je fus f o . U l e dans un vide succedant A1 3 1tempete ..La limite de cet espaee mort est franehle. J'ouvre les yeuxsu r UDmatin Iumineux, Je suis face a face avec Ie matin.

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    Je ne vois que le del qui m'aveugle .. Je De P U t S faire un.. rte?mouvement- QueUe lutte m'a donc 6puise de .a so ..Lutte centre l'eau ? C'est impossible. Et d'ailleurs, mesvelements sont sees. De quel gouffte suis-je le naufrage 1J e tourne rna tete avec peine. Je suis couche su r ie r oc , t ou tau bord du torrent.le vois sa mousse qui fuse en gerbesjaunes, Se peut-il que je revienne du torrent? Ah 1quelcombat airece m'a rneunri! Ai-je combattu corps a 'corpsavec I'Ange? Je voudrais ne pas savoir. Je repousse laconscience avec des gestes d6chirants .LaMte aete d6Hvree. Elle a pris son galop effroya-ble dans Ie monde. Malheur a qui s'est trouve sur sonpassage. Oh 1je vois rna. mere renversee: J~ la regarde. Jemesure son envergere terrassee. Elle euut munense, mar-quee de sang et d'empreintes incrustees.

    IIJe n' ai pas de point. de repere. Aucune horloge ne marquemes heures, Aucun calendrier ne compte mes annees. Jesuis dissous dans Ie temps. Reglements, discipline. entravesrigides, tout est par terre. Le nom de Dieu est s~ ets' effrite. Aueun Dieu n'habita 'amai,_see nom pour mOl. Jen tCOnDU glJ~ signes vides. J'1!.iporte trop lon~:npsmes chaines. EUes ont eu Ie loisir de pousser des racmesillt! e. es m'ont detail-par Ie de aDS. e ne seraijamai~ un hommeh . r e o a1.VOU u m affranch~r,.trop tard,. , Je marctleSur des deEns. Un ~lOJt pai11n1~1!fut'trL'.angoisse seufe me distin e des Signes mo~s. ..:',

    I n'y a de vivant que le paysageautour deIUOl..nnes'agit pas de la contemplation aimante ~u .es1h~uque.Non, c'est plus profond, plus engage; je sut .s Idenufie aupaysage. U vit a la nature. Je me sens dev~rurun arbre auun e moue de terre. La seule chose qw me separe de

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    l'arbre ou de la motte, c'est l'angoisse. Je suis poreuxsous l' angoisse comme la terre sous la pluie.

    La pluie, le vent, le trefie, les feuilles sont devenusdes t1 6m en ts de rna vie. Des membres reels de mon c orp s.Je partlcipe d'eux plus que de moi-meme, La terreur,po~rtant, est ~ fleur de peau. Je feins de ne pas y croire.Mms, parfois, elle me fait discerner men bras de I'herbequ'i~ fauche: Si mon bras tremble, c'est parce que la peurI e f ru t so~d3lD trembler. L'berbe, e lle , n e d ep en d pas de lap eu r, m ars seu lern en t d u vent. J'ai beau m ' abandonner auvent, lapeur, seule, me balance et m'agite.

    . J ~ ne suis pas encore mfir o o u r Iu1time fuite.l 'ultimed~lss10n aux forces cosmigues. J en' ai pas encore ledroit permanent de dire ~ l'arbre: Mon frere , et auxchutes: Me voici I

    Qu'est-ce que le present? Je sens sur mes mains lafraicheur tiede, attardee, du soleil de mars. Je crots aupr~s~nt. Puis, je I . e v e les yeux, rapercois la porte ouvertede 1e table. Je sais le sang, la, une femme etendue et lesstigmates de la mort et de la rage sur elle, C'est aussi pre-sent ~mon.r~gard.~ue l e s ol ei l de mars. Aussi vrai que Iapremiere V1S10n d 11Ya quinze ou vingt ans. Cette imagedense me .pourrit le soleil sur les mains. La touche limpidede la Iumiere est g a t r e a jamais pour mol.

    Je rentre. L"effroi seul differencie mes pas boueuxde la boue du sentier menant jusqu'a Ia maison.

    .Dans ~evieux pin, le plusvieux et Ie plus haut, unecomeille d~lt ch:u:t~r son reto ur d u sud. Je ne p ercois ques:s ~on.tofSlons. J a1perdu Ie son et le chant. La parolen xiste plus. Elle est devenue grimace muette.

    Le torrent est silencieux, Du silence lourd qui pre-ede I~ crue du p~temps. Ma tete est silence. J'analyse~es b~bes. Je refais mon malheur. Je Ie complete. JeI tc lr ur e . J e Ie reprends l a ou je I'avais laisse. Mon inves-t arion est Iucide et methodique. Elle corrobore peu a

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    peu ce que mon imagination ou rnon instinct me laissentsupposer. . ,. . .J' admire mon detachement gUimetonne. POlS, touta eoup,jr:sens tie'e me du e. J e crois etre ~ans. . itie, e~j'e 1 : . 1 core, je bifurque pour tchap~r ~la re~hte.Je me~s .A q~l ncfierdier quoi bon mentlf ? La ve~.!_infuse pese de tout son poids en m~l. Elle corrorop! cfia-CUDd'eroes ges ,es es p uS snnples. Je poss _e_a v nte etje hi recoM~s ~eera qu' aucunde mes gesles n' ~t PO!'Je nim. pas res senti autant de calme, depU1S}e1lesais plus quand ... Cela m'inquiete. De quelle ampleur

    'J:.' ? Ah Isera done renforce le prochain tumulte toreneur . .que vient faire ce manque dans rna nuit? Apporte-t-il unedouceur? Je ne crois pas a la douceur.Le desir de la femme m'a rejoint dans le desert.Non, ce n'est pas une douceur. C'est impitoyable, commetout ce qui m' atteint. posseder et detruire le corps et I 'limed'une femme. Etvoir ceue femme tenir son rOle dans rnapropre destruction. Aller la chercher, c'est lui donner cedroit. Je suis parti a sa rencontre. J'ai repris le trajet demon enfance, vers la grand-route. Ce trajet de quan~j'etais innocent et que je cherchais un etre fratemel. qU Ime r u l refuse.A res tant d'annees. de nouveau_Je_!9!l0nte a lasurface de rna solitude. J'emerg. gu fq.!!!Ut~.umgo aque, Je gyette l'appat. ~ujourd'hui, je sais.que..c'estun plege. Mais, moiaussi,.je le briserai et j'aurai goute lIa chair fralche en pflture.Le brie-a.-brae des colporteurs est installe sur rnaterre au bord de la route. n y a Ildeux personnages sansfo~e, drapes, encapuchonnes. debout, tels d~S arbresgris. Leurs mains colorees. elevees vers un pent feu debranchages. Leurs mains immobiles dans ['air au-dessusdu feu, ainsi que pour benir le feu sans fin.

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    Je sens mes muscles durs et Ie souffle robuste de rnapoitrine. Je vais, enfin, pouvoir mesurer rna force en chas-sant ces intrus !D'un coup d'ceil je constate qu'iJs ontcoupe du petit bois. Ils campent chez moi! Ils me voientv.eniret ne bougent pas, semblabIes Ades dolmens impas-sibles !6 rna colere, assemble tes puissances certaines 1

    J'interpelle ~es gens. Aueune reaction quelconquedel~ur part. Depuis le temps que je n' ai adresse la parolea qUI que ce s~it, si je ne savais plus parler? Je erie, jehurle. Je ne sais quels mots s'&happent de mon gosier.Correspondent-ils Arna pensee ? Je ne sais, En tout casj'ai atteint les dolmens. II y a du remous sous les mantes:Les mains.laiS,sentle feu. Une des deux ombres s'appro-che de moi, C est un homme assez rnur, grisonnant, I'airchafouin. Son accoutrement bizarre et faussement solen-nel le ridiculise assez bien.

    Mes poings sont tendus. L'homme se confond enreverences. II parte sans arret. Ma i s son babiUage setrouve pe~du pour moi. Je 1'etends a terre d'un seul coup.n est pant au bout de mon bras comme une balle. Je ris.Mon rire doit avoir un son. Je ne le connais pas.

    L 'homme se releve, sa cape maculee de boue et deneige fondante. II multiplie les saluts et Ies protestations~.'excuses. J l parafi me proposer sa marchandise, en repara-non ..Ilramasse dans sa voiturette une brassee de colliersde chapelers, d'almanachs, de couteaux, etc. II me metce~te.charge ~ans Ies bras, accompagnant son geste d'unemuruque affllgee, plus. Ala verite par sa.joue qui saigne,qu~ par Ie regret. Toute ceue mise en scene equivaut pourmoi a nne phrase claire, a peu pres du genre de celle-ci :Choisis !Prends tout ce que til voudras, mais ne metouche plus, de grace! Je vais quitterta propriete aU881totque possible... Laisse-moi seulement reunir mes af-faires ...

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    Je depose a terre tous les objets disparates et neconserve qu'un collier de verroterie qui me plait par savulgarite naive. Je regarde l'homme. II me fait signe deconserver Ie bijou. H e ureux de s'en tirer a 81bon compte,ilsourirait, si ce n'ttait de sa joue qui le force a se pincerles levres, Je lui offre de l'argent, il refuse en secouant latete, d'un air rembruni,

    J'avance toujours, Je suis tout II cot~de la secondeombre accroupie pres du feu, le capuchon sur les yeux. Jesouleve cette ombre jusqu'a moi, solidement par lesepaules. C'est une femme. Elle rit, Son visage est levevers moi, Je perds de monassurance. Je m'eloigne un peu.Elle fit. L'homme aussi essaie de sourire, lis ont I'air dese moquer de moi. En guise de riposte, je me rapproche dela femme, si pres qu'elle me respire dans le cou. Je luiarrache son manteau. Je voudrais lui dechirer tous ces o n -peaux qui la couvrent, a la facon dont je sais decortiquerun bouleau blanc. EUe ne tente pas de s 'ecarter de moi.c,Elle me souffle toujours dans Ie cOU. Elle rit dans moncou. Ses dents eblouissantes me narguent. Je sens soncoeur battre, a peine essouffle par ce T ire que je n'entendspas. Elle tient ses bras leves en are, au-dessus de sa tete,les mains sur sa nuque, sernblant cacher quelque chose.

    Ai-je vraiment parle, ou me suis-je srmplement-faitcette reflex ion en moi-meme ? Je voulais savoir ce qu'elledissirnulait ainsi. Sans se retirer de moi, elle enleve Iefichu branlant que ses mains renouaient sur les lourdscheveux.l1s s'echappent, libres, sur ses epauJes. Je recule,Ilssont noirs et rres longs. Une masse de cheveux presquebleus, Je recule encore. C'est elle qui marche sur moi. Sesyeux sont pers, Ses noirs sourcils, places haut, soulignentI'enchassement parfait des prunelles.

    Je fais volte-face et je erie aubonhomme qui a suivila scene. la mine ennuyee :

    - C'est ta fille ?41

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    II hausse les epaules.Pa r gestes et paroles ., .me rente dans tout le bazar ~~exphque que seule la fillesent pas I I me 1 3 1 ceder j'e . que, si le marchand ne con-d t ' \11 casse la figur Ell .oux, tout contre mal' J e. e nt plus. e sens la chal dsur rna poi trine. Elle a baisse un eur e son ~aleineodeur. peu la tate. Je respire son, L 'homme parait consterne J I " . .d argent. (Je ne comprend . e Ul Jette des poignees

    ds pas que J ' " .~s Ies poches.) L'homme r . ale tout cet argentpieces. de-ci de-la par . ecueille les billets et les

    el, ar pents bond aft: 1"yeux extasies, II me fern .. s 0 es , n roule desPu' .erC le jusqu' a terre. . IS je mets fin aux demo .'en lui signifiant d'et . dr nstranons du vagabond. c em . e le feu t d d" 'ntppes. n s'affaire. Maintenan e e eguerpir avec sesvoiturette a bras I'h ' it .que tout est empile dans la, ' .omme hesite La fcomparse et lui parle. n teou . er nme va vers sonelle revient a moi A ' . te en bran.lant 1.31ete . Puisgagne rna proie. son attimde, je comprends que f~Le rOle de Ia solitude estsent sur les epaule d renverse, Elle pese a pre-, s u colporteur J favec rna compagne L'h . e orrne un couplen'est pas moi. . omme seul reprend Ie large. E t ceLa femme a .remis son esoece davoir ete chercher un oetit . t""""., e burnous apresrette. Son visage est ~.e . ?aquet de hnge dans la char-

    I.' nne. J e remrepos; epanouie et ch .. arque sa houche auson rire sans I'efface' arnue~ eUe remplace Ia saveur de. r en mOlEt voila que je lui donne un no .sauvage, je sens monter a m it nom. MOl, l'hommetel un don a offrir M.' . es. vres un nom de femme.01 qUIn'ai j ", " . ,a ce miracle du premi~r don. ~alS nen ~~,je goiite

    probablement un autre p Je, 1 .appelle Arnica. Elle aI' renom, mars en aentendrai prononcer et ce I . la .. ucun temps je Depour 1a premiere fois 'Je I' . ui- je VIens de l'entendre. al entendu s' assembler en moi42

    et j aiUir ho rs de moi pour qu'eUe te prenne. EUe l'a pris,car eHe est devenue mienne et j'ai acquis le droit de 1adesigner.J' ai attendu longtemps apres que l'honune fu t dis-paru sur la route. cahin-caha. poussant sa voinire. Ensuite,j' ai fail faire a Arni.ca un lot de detours dans la montagne.afin de brouiller a jamais dans sa memoire le cheminconduisant a roon domaine.J'imagine qu'elleme pose toutes sortes de ques-tions, comme: Ou me menes-tu ? C'est loin, en-core?) Tu me garderas longtemps?

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    son. J'ai referrne 1aportvisage ne bouge La me. sur nous. Pas un muscle de son. . ruson est ..sombre, elle garde la fi. . suustre, pourtant. Salet . orme et l'od d -,emble vivant que je suis A eur e la morte et duAmi . . ' ucun recut a .ca, Impassible, apparait " ucune inquietude :mODdrame, en rna demeure, penetre enArnica est 1 di ..... e iable, Je convie Ie dia .En nant beaucoui elle met ble chez moi,

    cou. Ses beaux bras fer!' met. ses bras auteur de mODl\ je ne sais quel role pr:i: r:::mblent malsains, destinesenchantement (Quels r ntil rnaperte, Je resiste a leur-. epn es frais 'rache brusquement d mont enlace?) J'ar-Le ..(' . e rna nuque les b .,ur resistance me plalt J 1 ras qUI s obstinent. . e es tords C I . _.mars ne me rassure pas L' . e a me fait du bienindique trop bien 10 dH~cti emtoi de ~o force physiqu;La brutalite est le recot don e rna pU.lssance spirituelle. . urs 'e ceux . , ' -, yOU interieur. qui 0 ont plus de pou-Je sors, Une bouffee d' ., humiD6ja,jen'aiplusqu'und~' R air ' umide sur mOD front.ment des bras d' Ami L~'. entrer, retrouver l'enchaine-. ' ca. rur du so' ,DaIS, maintenant, une autre fraich It nest rien. Je COD-Quand j'ouvre la : eur, un autre trouble.

    de la piece en train d . porte, Je la trouve debout, au fondd . ' . e couper du pai J' , -~ bois a terre; et, irnmobil am.. e Jette rna b ra s s eecne : 1e, sans quitter le seuil, je lui- Bonjour, rna. femme!L e repas I"I , . .. ' . un e n face de I'a tr Lampe plus claire, puisqu'elle a l a V u e r a flamme de lasur une chaise sa mante d . e ,globe. SonchaIee . . I pen ue a un I Qrn nage paisible que j'aper is a ~ c ou: uel est cenen ne parait plus penetrer ~e ~ote~e mal? Car en moien face d'une femm .. . VOlS un mconnu qui mange, e inconnue Us .que 1 autre. Non je n' . '. sont aUSSl secrets Pun, . ' al pas habite ce lie' .'VOICl que j'accueille e li U ru cet homme.qui l'accompagne. nmon it lafernme et l'homme

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    Depuis combien de tempS ai-je repris le grand lit derna mere? Je n' ai pas encore eu la force d' occuper toutesa chambre ~mais, un soh. r a i montele lit dans mon gre-nier, en remplacement de ma paiUasse d'enfant. Crai-gnais-je de voir s'affadir \'honeur de roes nuits? Je joueavec une plaie.]e l'entIetiens.]e suis eUe, et elk est moi.Et puis,a quoibon disserter sur laraisOn de mes ges

    tes etimpulsions. J e ne suis pas hbre.l' introduis ;\Inica dans le vestige de mes nui ts - A h !vous ne savez pas, longue chevelure bleue. ni VOUS, pro-neHes phosphorescentes, ni vous, chair des bras frais, quelest ce lit qui VOUS re~oit, vous et 'lotte sourd compagnon?Quelles viellles insomniesveiUent alentour, offran

    t lesfievreS et tes lerreurs innombrables !Et le soromeil nevaut guere mieux, 11n' est que descente au gouffre le pluScreux de la subconscience, H I.o u je ne puis ni jouer, ni medefendre, sifaiblement que je puisse Ie faire eveiBe.}'observe le couple etranger en sa nuit de noces- JeSUlS I'invite des noces. Arnica lUonne une :Usance. unehabilete dans les caresses qui me plangent dans un 6ton-nement reveur. EUe don - t.e s demons f ami li er s appareiUen tdans ies noires s.culptures du lit. Ah! je ne serai pluS seultourmente! Non, Us epargnent son sommeil crume. Us sedeploient de loin autour d'elle. Elle forme une lie calroesur rna couche maudite.Le matin point. Je sens le munnure lointain dutorrent, en marche, en rooi. Est-ce que je reve? Pourquoices petits souliers au pied du lit'] Sur une chaise, cesloffes legeres? A h !que fait ceue tete endormie sur rnap itrine ']J e la prends dans mes mains, te11eune boule. Enen\ 'embarrasse. Elle m'ennuie. EUe me gene. Qu'est-ceue je vais en faire? La jeter? )'6pTOuve une telle seche-I l i se .Ni desir! ni vo lup le . S e che re sSe. Secheresse de lout.1\ n.idepuis tOujours une volonte arbitraire a saccage lout

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    principe d 'emotion .. de ,. ,mer~,'je ne pouvais de:vi:e;~;~~~~ce en moi, Ah !rnatruenon 'en moi I. amp leur de votre des-Je me leve, Je me 'echapper a la .." .. penche a la fenetre 1, " ._ VISion des noces e ' vou an tm~l. J'agis par discretion, comm rrangeres c e l e ~ r e e s chez

    ser Ie cOllpleendomri s' a, reeve ,S I je ne voulals pas lais-tree dans la chamb . ~ -evoir de rna presence fru, re nuptiale, . '. s-. Les JOUTS ont passe Un ..Arnica S 'occupe des re . econrinuite s 'est etabliec' .. pas et du mena . M . . .,en est pas encore 1'6 ue ,ge. '01, de I'etable,ne v~ux pas Ia laisser s:: d~s cbampset du jardin. Je

    la SUIS sans cesse J ". 1 ,un mstant,. dans 131maison J. . .. III es nerfs a bout.Te . . enen, - ut, Je ne reponds dePourquoi ne 1,.. . at-Je pas recond .nuit? EUe m'etait deja achar e. S' ,U1.teap~esla pr-emierepar peur.. de Ie gr. d g. 1Je ne 1 ,!III pas fait 0"and-route. du r ,est

    p . .O U I T . ait e~.tre13 .et a u . o ir am .< .lI.m. ar.chart.d .am.m bulan t q U I '. "asse; de b d - . ,me qu.estionner peut-etr d S. ' aauds pour me voir" ,.-.,. 'C ans ~'I t ' . ,qu iei? Cette pensee _ '. .. , . n. entlon. de. venir jus-. ,. . ~ . . .. _ m est msu .. . -pourtant, etrea.l'abri e isupportable, Je croyaiscoupes d ,. n ma retralte. L es po. '.. _.: - ,. s . avec I umver.s h b ' '< . " . . ms se trouvaients I a lte; Bt Je 1 c ~us es pas d'Amica, Elle .'. . es 8J aussi coupes

    v.ie, E I.le n e la q uitte ra p _a s .a fv .~ ulu d ev en ir temoin de ma,. ,.. .. ... . 8 1 acileme t p: .,qu i me,blesse,m'obsedel Ami . ' _. n , .cm~m, que! motde quoi ?Temol d .. ca est un temoin T'< - '. ID 'emOl, de m . ... '.. ' cmomCela suffit ~our me donner la fi~~resence, de m . ~maison,un grand miroir aux images, ine .,.. sse, comm~ 81 je voyaiset m es regard-s 1. ffa~ables retemr mes gest, _ '. A. auclln p ri 'I .. estemoin dans le d. .nx, 1 ne faut relacheron e. .c mon

    La nuit, pan' .. . ... ... ms, lorsque je . ,'6' .~sslse sur Ie pied du lit . .- m .veille, je la voisinvariablement surpris d' l~lgn:wt sa chevelure, Je suis.. e extreme tt '. .qui me d.evisagent, EUem' b . a ennon de ses yeuxla

    .. . o serve tend ... momdre alene. A la ve' ..., s : . . ue, prete a fuir a. . n t e . Je sens son regard m~erne46

    sous rna paupiere fennee. Il pese sur man sonuneil, de toutson poids .etrange. C'est lui qui me reveille, ~ force de,concentration. Cela res semble presque a de 1'hypnotisme.A quai veuHlle en venit 't Esperec+elle me possMer enmon i.ntegrit6? Je 1 8 0 tuerai, avant.Une fois, ne pouvant pluS SOlltenir cette ,ex.asperanteinsis.tance, l'aivoulu trapper ;unlca. D 'U11 bond, elle asaut6 1 \ terre. Ce bond tlastique a et e pour moi une teUerevelation que je n' at plus pense 1\ counr apres Arnica. 1 . &malaise poignant qu e roe donnaient Ies yeux trOpgrandsouverts attaches sur mOl est ,complete par I'impression de13chute soup Ie. eela me rappeUe na certain chat.Ma mere ne voulait pas garder de chat. Probable-ment paroe qu'el1e savait qu'3ucund'eux ne se piieraitjamais a la servitude. Blle n'aoeeptaitque desootes qu'onpeut tew! en main ei faire Tamper, tJ'emblanteS, a ses piedS(Ah !Perceval, quietiez-voUs done '? ) Je n'ai pas vu dechat ici, si ce 0'est les derniers joursde Ia vie de rnamere. Un chat rada alors auX environs. Il ae se monttait,chose extraordinaire, que lorsque fetais seul- Je me sou-viens d'avoir et e trouble, ;,rrite, par la sensation que rani--mal Ole guettait de ses pupilles d ila te es . n sem.blait su iVTeen mal 1aformation latente d'un dessein qui m'echappait,'et dont lui seut penetraille denouement inevitable.La demiere fois que rapel'QusIe chat, c' etait quand[e mesurais mamere ravagee, La b ete , c on sc ie nte e t norsd'atteinte, continuait sur mol son fixe regard d'eternite,Quelqu'un m'a donc surpris7 Quelqu'un m'a donecontemple, sans interruption ni nuit ? Quelqu'un m'atl,onc connu, au moment meme oil moi je ne poss6daisp lu s Ii.e reg .ard sur mOl?'Arn ica a .te s memes yeuX que ce chat. Deux grandsllisques en appareace immobile s, m a is q ui palpitent comroeI, O arorne. EUe m'examinequand je dors. Elle me reg

    ardeIU.nl'ld Ie ne me vois plus- Ene peut decouvrir dans roes

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    songes les gestes de mon abs1es,regions les plus obscurese~cet ces gestes enfouis danmeil re ssas se a lois;'. afin s moo e i r e et que Ie som-amer, juste de quoi nourrir Ide laisser au matin ce reie tourm ' . ent

    ans la suite, je n'ai . ent du JOur.vent une singuliere ' .. 'pas revu Ie chat J'a 'que la be . . im p ressro n A son ,... vais SOU -tout et ell~e m~e~que e t a i t disparae sUjet. n , me semblaitcertitud e ex".". en moi, pesant d en ~ t, Elle savoi.e, . U pOlds entier de

    Et ' sa.. aujourd'hui dyeux si etonnamm ' e trouver ainsi cette fvoir mon temoin :nt s~mbla~les, rives sur m:~e au,xemerger dan urgir au Jour. Mon e . ' je croisclair. II m s rna conscience, en fae dt mOl ,n occultefai '. e torture! n ve "e e moi, bien aaire lei cette sorciere ? Jut que J avoue ! Qu'est v Ugarde IJ . e ne ve enue, ' e ne veux as' ux pas qu'elle m ...q~e je De pourrai r a m ! U el~e ~ questionne !Ie S > . i , ' b : e-m a co. ." S m en deb len, . nnua 1 instant de 13 fui arrasser. Une creaturemamtenant m'interro .' He de Perceval. Ce .separe de.' ge, directement d de ternoinmot, sans' ' U ehors d .poursuit dans m conmvence, conune un . e moi,demeure. II Viol':P~fuge Ie plus secret, .. 0" ~~ge. n meJe ne sais not J .us profondement qu sa propreen, e ne ' , e rna cons .Pas de moi sais nen IS' . creneeemoi No 'N ,1 ee chat sait I' . .de m ' M', ,n, on! Ne souris " ur, il n'est

    01. 01,je ne 5";S.' pas , Arnica Iln'est' ...... nen, .u nest pases jupes et ch:Ues laqu~ par tes agrafes m drapent et ne sernblent retemoms serrees sel . . ouvantes de ses main . nusnonchalante V ~n les capric.es de saMmS h' pI,us ou, n reseau d li . arcn e v iv erenaissant plus I. e p rs glissant de s '. oumains N . omen ondes pres sees es mams etScintill ceud de plis sur I.poitrine . Jeux des plis et des, ement de soie tr . en une seule m '

    ~bre :mpu. recree a i l I : C ; e " ~ rsur Ies epaules, E q ' : :ue, evoilement des b . ~ssement de soie ep ]c uge La . ras, Doigts . b au .' jupe est relevee a 0 SI runs sur la jupepoignees, prestement, pour

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    monter 1tescalier. Les chevUles sonl fines, les jambes par-faites. Un genoa saiUit. Tout est d is pa ru . L a jupe balaie \eplancher, les roainS sont libres et te corsage ne tient plus.Ce matln, Arnica avait aligne sur Iatable les quelquescuiUers, fourcbetteS et couteaUX que je pos~. Ene parais~saitrefl6chir en les

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    m'atteignent, algues comme des fl~ches. Je suis plonge aucen tr-e d e m oi.;m em e, san s r6 nissio n. A p rel> l ine enfances up p li ci6 e p a r l a s tr ic te defense de laconna i s sance int ime ,p rofonde, tout d 'un coup , j'ai ete en face du g ouffieinterieur de I'homme. Je m'y suis ab im e. D e mon vivant,je goiheau jugement dernier : cette confrontation rooUeavec soi. C'est trop pour les forces hwnaines. Je btiJl.e.Oh !e ne SU]S p as to ujo urs Iu cid e. Ma tete malade dMonneles voix. Mais il me suffit de savoir qu'elles par lent etqu'elles m'accusent. Je m'accuse rnoi-meme ..Parfois, ilm e vient une p ensee qui p ourr ai t e tt e un allegement, unegrace, si je pouvais croire a l'apaisement et si la grace nern'etait pas refusee, Tout bomme porte en soi un crimein co nn u q ui suinte et qu'it expie.

    Quand j'etais petit, je m'endorrnais, abruti detra-vail et de crainte. II m'arrivait a lo rs , p a rf o is , de sentir, uninstant, une p re se nc e q ui etail uneespece de consolation,superieure a tout ce que j'ai s ou ff ef t . Je n'osais m'aban-donner a ceue dou ce ur , a p pe J ee testation de m ollesse p arrna mere ..Je me raidissais, conscient de tuer peut-etre unan ge en m e recu san t. POUT me raisonner, je me disais quece D epouvait B lIieq u'u n m au vais an ge, car les b on s fo nt [apolice de D ie u e t p an is sem .le sp etits e nf aru s tro p te nd re s.L 'exp ertence de O ieu m 'ctaiit d efen dae, et l'o n v ou -lait fake un p retre de moi !T r es to t, je fus detourne de lasav eu r p ossib le d e D ieu ,

    Si la grace existe, je l'ai perdue. Je l 'ai repoussee ..Ou plutot, c ' e st. p lu s p ro f an d q ue c ela : q ue lq u'u n d'avantm oi et dont je suis Ie p ro longem ent a refuse la g ra ce pOW'moi, Oma mere, que je vous hais !et je n ' ai p as e nc oretout exp lore le cham p de 'lotte devastation en moi , Unephrase hante m es nuits : T u ,es m on fils, tu m e qon ti-

    Je suis l i e a une damnee, J'ai participea s a d amn a-tio n, comme etle, a la m ieane .... N o n! N on.je ne suisres-p ons able de rien !Je ne suis pas Iibre !P uisq ue je VOllS

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    . fb ' Que je n'ai jamm s et e1,epete que je ~e SUIS pas, 1_ re ~etachamement '1 Letor-libre! Ah,l qm m e fi~PP~ :;~ne suis pas seul'! Cette s n erent bondit dans rna tete. J , . ' . ' rn' observe et. .., . 1 ro ute e st d ev an t moi, .. .que J'at ~uet1he sur a., .'. .' voie en cet ~tat. Je SOLSm'6pie . d ne faut p as qu ell.!A m e ire que je regarde m on. d"h teS II est Ooo...essru . .t l l l : 6 pr~~ ...~ cu. . .'. . nche sur te gouf fr e o om l1on -image u ne .n eu re . J e me pe . .. . nche su r mOL . nant. J e SUlS pen . . .... ....(.? Que] instinct me frut

    Chien d'heures ont pass," . . . '. .om ,' .' eri t du tern er qin r.ame.ne.~.....A .. ? Insune .' .rernonler I l l ' rive esc" ,:,~ ,. .. 'est que I e torrent n'estles ~ tes blessees ? 5 1 J e rev len s~ m aiso n d e D lo nen ian cePa s e nc ore ma d eme ure . a b so1ue.. .'. It. _. .. '., .', .,' nt-ette aUSSl l"UJ11ca... . .agt.t 'encore su r mOl, et pe , . re are pour l 'mtegra-J~e sUls p as c~ mp letem en t ~ P ur Ie plus profondt ion de f in i tive ala fune des chutes .. po Le denoue-

    :-. A, J . m'eEhappe encore. ,abime eomot-meme. e n m o l l d~sespOlr. reste en- .. ,. tAme en SOl, e .ment, I ll'fulte ex r . ~ . urs '/ ticonsen-.. . . . b' d'heures '? De )0.. .sus~nsJou! . . c . 2 ! ! I .len . de end pasde m a volonte . L arement a mon_ d esun ne p." ~ . 1 ' rt rapr~e .em. ~. ,coulent renforc6es p ar lesUs sources du rocher . .' . faible que. . - .. he dans l"eau. Je SUlS SI i.phnes recen t.es . J .eO la : '.,. etera chaque pas.je m e ttOUV~ oblige de m alTJe m 'asperge la tete d.'eau.Je bois a III.pompe. che tout habillt, III.teteA n t i c . a n' est pa.s u. J~ me coucor.e 0 ' e pense si tente-. . . . ,. nqmete pas ,en ' '.bnsee. C ela ne m 1 :.. ree. O'habitude, je ne 131er~sment) de ne pas Ia VOIr ren.tr. ' ' 'l.o;gne J ' am ais. Q ue falt-D" llleurs cHe ne s!:; .. . .pn de vue. alleu, . , .... . . d ejh p arle des.\l done '1 pOllrtant, c' est Ie SOlI. J e lUI at '.IUllps dans la montagne. J strop la s pour l'interro-A rnica est de retour. e SUI ... d'otdinaire. EUe

    ~. ,El le est.p lu s lou rde ~tearessanteE~::tteint la form e de.. h d a re ss es mconnues. . . , .II 'I I n nc. e eJC d r , ";8 e l . o i g n . e r c ette fiU e re pu e- Qu ai-Il,iS,nirude. e von ...

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    ta police. Elle en saura meme plus long qu'il n'est neees"saire a un rapport judiciaire. EUe n~ttera man tounnent.La fievre est sur moi. Si je parle en man delire, je nem'entends pas. Et, elle, eUe remplace mon ouIe perdue.Elle usurpe mon role d'auditeur premier. Ie conununiqueavec eUe au lieu. d'avec moi- Man arne est violee. Onm'avait dit que Dieu seul avait ce pouvoir et ce droit .L'arr

    etsupreme sera prononce paT une droiesse. En ce

    moment, je voudrais croire en Dieu, en sa droiture terribleet sa parfaite grandeur. Que lui me con.fesse et m' absorbeen rn a verite. Pas cette fille !Pas cette miserable nullite!Le diable est done bien puissant! Et je suis son complice.J e sens le printemps hutnide qui monte par la fenette.L'odeur des chutes est dans Ie printemps. rai l'odoratd'un chien. Depuis ma surdite, ce sens s'est developpe,accru d'une singuliere fa~on. Man flair d'an

    imal traquern'a fait craindre Ia touche de la police sur Amica. Mais, sije m"Ws t rompe' II .'Y' p as de ,enleur d'_e et depap ;" '" Ah t je ,,0;' que c' est p lu tO < te goUt ranee ducolporteur !'mica me borde conune un enfant au berceau. Jeme dehats. Elle rit,Qu'est"ce que je donnerais pout enten"d re te son de son rire t Je n'en connais que cette grimacede plus en plus sauvage.Amica me quiue. Elle est en bas. EUe doit fouiUerportout. Le cbaffiP est lib. F .Ue a beau jeu. F .U . veut lospreuves materielles du crime. Depuis peut"etre vmgt ans' lue je chercbe, moi. ,erate\le mieu' ,en'ie 1 Il y a bien-rtaius recoins prohibeS par moi dans la maison. Dans\'ctable, une certaine stalIe, un certain endroil dans le fainI ussiereu" vi_ de vingt ,"'. Une certaine lourd- hI\ me-moire morte ou sont apposes les sceUes... Pour

    t lea, rien d'interdit ; eUe ira partout, au pluS epais

    ,I'\\l\e epouvante mal jointe, ..

    je Iietre si difficile ? QIlhumiliation? . ue e campagne faut-il don > .c a rnonEUe pose ses .~ h ' m ains sur m

    Tpe cier de jouir de ses mai on front. Je ne puis m'eout a coup la . :'"" donees centre m "m're ve latio n q ue p :" "q ue s empare de moi. a b ru lu re .bouche . J ai, Je ne croyais ,une cenaine. mrus seuJement d .{ . .{ pas aVOlf ouvert IArnie fai . t;Slr.:; mental . aa rut signe que'. ement avoir de l'enf OUI et m"d eau. ant, en soul evant rna t~ ai e a boire comme .stupefies sur elle. Elle it ete. Je dais rouler des unJe n. yeux

    possede done I 'aucune maitri a certitude que je I, . se sur rna ' ne cons .SI je continue mon monVOlX.Je.ne s~s si je parle hau

    erveme, pensees M ologue interieur Am' t oun'avai : on cerveau est ' dec . ic a peut lirelivre.' pas imagine ce comb Ie. ouvert devant elle. Jecette vaurienne I J mon horreur , Je : .plus laisser echapper a' e me mords les Ievres afln d

    SUlS

    Jj ueune parol EI . . ' . e nee n ru pas I . . e. Ie nt, .a lorce d . .yams efforts. La tete ,,(_ e me lever. Je m ,.{ .De . m eclate J e ' epurse en~ .pUISson arrivee, elle a du~' voudrais chasser Arnica

    lOIS Que ' me surprendr . .respi sait-elle au juste ? Ell e ainsi bien des. lr~uneodeurinsolites . . e me donne a boire. Je~U1 m outrage. Puis' . w : sa peau. Une odeur etrticulierdH .' Je crois reconnaitr " angerede tabac J senti, compose de cuir hum ~ un arorne par-a ' de paperasses et d'en am pas tres jeuneu chef de police a 1 " . ere ... Cela me fait Ia mort de ,mterrogatoirequ'il fi penserrna mere' Je . me t subir a :> .comp te qu" . pon,se un eri d ont . pro'sau t qu e fait ':. ~ontraction de rn a pOi1rin~~e me rend,iU ica qur s' est Ie ~ surtou t aup e. Son chale a roule a terr v e route droite. EIIe estses bras. Je voudrais dechi e, decouvrant ses epaulsa chair offerte .. irer de mes dents de m es et' esongles

    Je n'ai I '. pus d'abri interimrs Le d eneur Le .sac e man etre Ie I . sacrilege est com-nu, dehon d p u s se cre t e sts, evant cette fill . accompli. Je suise en pillag e pour Ie compte de

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    J'ai devant lesaccidentelle Q' yeux le verdict du conn' . . u a done cette fille A roner : Mort. y a nen It apprendre Le perquisitionner ici ?nen. II ne . marchand ib '. pourra repeter' am ulant ne saurArnica non 'p lus quor que ce soit It la I' a. ponce, Ni.a fievre me glace etQbuedecouvrira-t-elle.? S ..me c~nsume. Que fait Arnica?c ose ? Je n'ai " e peut-il qu'elle trouv ' ,"Quand elle re pas Ie. pouvoir physique d e quelquedrai . montera.je )'6ttan . e me lew.,lie retour complet de t glerai, Ou plutot j'aup,onn d' . e rna v'g . .' en-deans I eau. Un instant ueur et ]' jetterai I' es-

    .::s;:,. d u p re cip ic e, Elle se d t ~ : ; t t t . r a ;l a ba lanceront au-Pui ns, ~a" seulement A se a. e ne gouterai pas A

    IS" Arnica sera deca it' es convulsions de terreurbon~ront sur les roche~ _ e eNe\ dernernbree. Ses debris'sa tete tr he . on. Non 1 J .ses : ane e. SID' rna po it ri ne ! .' ne veux pas de~ slangs cheveux bleus aut . ed' Rien !Rien d' elle !Etent, our e mon cou II ''

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    mon erreur. Qui m'enseignera l'issue possible. Je suisseul, seul en moi.

    Je marehe.le puis faire un pas en arriere, un pas enavant. Qui done a dit que je n'etais pas libre? Je suisfaible, mais je marehe. Je vois le torrent, mais je l' enten dsa peine ..Ah !je n'aurais pas ern a une telle lucidite !Jejoue,.eveilIe, avec les 6temerlts d'une fievre qui s'apaise.L'eau est noire, toute en rourbillons, et I'ecume crachejaune. Je vois la tete d' Arnica au-dessus des flats. Cettetete dont je ne sais plus que faire !Pourquoi demeure-t-elle en moi '1 Tout vit en moi. Je me refuse absolurnent asortir de moi. Sa chevelure se prend dans le vent commeun voile de tenebres. Elle se mele avec I'eau en un longenroulement, plein de fracas noiret bleu, borde de blanc.Les cheveux coulent en crochets jusqu'a moi. lis sententI'ean douce des chutes et ce parfum unique d'Amica, Satete arrachee, non, je n ' en veux pas! Elle toum oie commeune bane! Ah! qui vent I'acheier? Moi, j'ai dejil trop misdessus!Je suis fatigue de regarder l'eau et d'y cueillir desimages fantastiques. Je me penehe tant que je peux. Jesuis dans I'embrun, Mes levres goatent I'eau fade.

    La maison, la longue et dure maison, n e e du sol, sedilue aussi en mol. Je la vois se deformer dans les remous.L a chambre de rna mere est renyersee. Taus les objets desa vie se repandent dans l'eau.Ils sont pauvres !Ah! jevois un miroir d 'argent qu' on luia donne! Son visage estdedans qui me comemplet Francois, regarde-rnoi dansles yeux. ,

    Je me penche tant que je peux. Je veux voir Iegouffre, le plus pres possible. Je veux me perdre en manaventure, rna seule et epouvantatie richesse.

    (Hiver-printemps 1945)

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