Le Sacre du roi

Marina Valensise

Le sacre du roi : stratgie symbolique et doctrine politique de lamonarchie franaiseIn: Annales. conomies, Socits, Civilisations. 41e anne, N. 3, 1986. pp. 543-577.

AbstractThe Royal Coronation: the French Monarchy's Symbolic Strategy and Political Doctrine. M. Valensise.

The unction and crowning ceremonyconsidered as a synonym of royalty and an ahistorical mystery of royalty's symbolicstrenghtnonetheless has a history. Far from being a gesture which was always identical and faithful to itself, the coronationwent through incessant transformation in its morphology. We can see in it the work of semantic erosion and continual changewhich allowed it to adapt to the legal and political evolution of the French monarchy.A diachronic analysis of its transformations and the controversy it raised at the time of Louis the Sixteenth's coronation in 1775show the last possible dynamism of this archaic representation of the power incarnated in the king, before the dissolution of themonarchy during the revolution. This analysis points out the inherent limits to the efforts mode to reconstruct an unequivocal andinfallible history of the monarchy's political doctrine so as to rationally found the historical rights of kings.

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Valensise Marina. Le sacre du roi : stratgie symbolique et doctrine politique de la monarchie franaise. In: Annales.conomies, Socits, Civilisations. 41e anne, N. 3, 1986. pp. 543-577.

doi : 10.3406/ahess.1986.283295

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1986_num_41_3_283295

MARINA VALENSISE

LE SACRE DU ROI STRAT GIE SYMBOLIQUE ET DOCTRINE POLITIQUE DE LA MONARCHIE FRAN AISE

Parmi les nombreux thmes qui permettent tudier la royaut comme sys tme symbolique de reprsentation du pouvoir le sacre est sans doute celui qui retient le plus la curiosit de historien Ralit polymorphe et complexe le sacre se prvaut une gamme attributs si riche il apparat comme un objet analyse idal

Repris au dbut de chaque rgne tout au long de histoire plus que mill naire de la monarchie fran aise le rituel de onction et du couronnement parat avoir dfi le temps tout en ne cessant de se modifier Figure oblige dans la tradition immmoriale de la royaut dont il fini par devenir synonyme le sacre connat pourtant et innovation et les transformations Depuis les ori gines carolingiennes il est considr comme acte qui confre au roi la grce divine lgitimant ainsi usurpation de Ppin le Bref Pendant le Moyen Age lorsque le rite de onction est associ celui du couronnement le sacre devient la synthse une double lgitimation une transcendante autre fonde sur la reconnaissance des hommes Il participe alors tout la fois du religieux et du politique de la dimension symbolique et de la ralit juridico-lgale Et

la fin du Moyen Age il perdu toute importance lgale dans la pleine accession du nouveau roi au pouvoir le sacre continue tre considr chaque nouvel avnement comme un acte public indispensable Pendant sa longue histoire le rituel parat avoir conserv semblables eux-mmes des significations des formes et des gestes qui constituent non seulement le sym bole de la royaut mais le secret de sa longue permanence

Thtre un pouvoir toujours identique lui-mme et pourtant toujours diffrent au gr infimes transformations le crmonial intronisation du

Annales ESC mai-juin 1986 n0 pp 543-577

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souverain peut donner un sentiment de vertige qui dcide en entreprendre tude Quelle prise avoir sur un polydre en constant mouvement Comment saisir travers lui essence irrductible et intime de la royaut Comment traiter du sacre

La dmarche que nous avons retenue ici est peut-tre la moins orthodoxe mais elle ne nous pas sembl la moins adapte entreprise Elle est la moins orthodoxe parce que choisissant tudier le sacre au xvnie sicle et donc en commen ant par la fin de histoire nous avons invers ordre qui est normale ment suivi par ceux qui tudient la gnalogie une ralit historique Mais elle pourrait tre la plus adquate parce elle permet de prendre en compte ensemble des attributs surajouts que le sacre propose lors de son ultime grande clbration classique avnement de Louis XVI en 1775 est alors en fait que le rituel se cristallise Il fait apparatre la faveur une analyse diachronique les transformations internes les permanences formelles et les vicissitudes subies au cours des temps celles-l mmes qui font comprendre sa permanence mais aussi les altrations de la signification originelle du sacre qui ont rendu possible cette pernamence Le rituel du sacre prsente au xvnie sicle une valeur heuristique particulire et si on le confronte la culture du temps il suggre une perspective clairante il permet en effet de saisir comment image archaque du pouvoir royal t per ue dans une poque qui efforce de redfinir ordre politique travers les ides neuves individu de libert galit et de souverainet nationale tude du sacre rencontre alors au moins indirectement une interrogation pralable laquelle est confront tout historien qui cherche comprendre quelle royaut et quel type de reprsentation du pouvoir la Rvolution fini par liminer

La capacit pour un homme de rsumer tout un peuple la sagesse un grand peuple concentre dans la tte un imbcile telle tait selon Michelet la doctrine monstrueuse que la Rvolution avait combattre la consubstantialit entre sujets et souverain cristallise dans image anthropomorphique du pouvoir tait l le paradoxe de la royaut union mystique du peuple et de son roi que le rite du sacre prcisment clbrait comme un mariage chaque nouvel avnement La Rvolution devait abolir le contenu et le fondement tho logique une telle union le dogme de incarnation monarchique Nouvelle religion et nouvelle glise il lui incombait opposer dogme dogme principe

principe pour instituer un ordre nouveau et substituer au pouvoir incarn dans le souverain le pouvoir un peuple souverain et transparent lui-mme Mais avnement de la nouvelle reprsentation du pouvoir fonde sur le droit et sur le principe du nombre est--dire sur abstraction mathmatique de la majorit ne pouvait avoir lieu sans un geste symbolique sans un acte fon dateur

Michelet vu dans le jugement du roi le nom secret et mystrieux de la Rvolution Sans doute dans les pages il consacre au procs de Louis XVI a-t-il pas sous-valu le dilemme et les contradictions un peuple tout ensemble juge et partie Mais dans Histoire de la Rvolution ces contradic tions apparaissent jamais aussi rdhibitoires que chez Kant lorsque celui-ci

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se pla ant sur le terrain de la doctrine du droit dmontre le caractre foncire ment illgal du rgicide Pour lui en effet tablir le principe au nom duquel accus royal pouvait tre condamn tait toucher au principe mme qui fondait la socit qui prtendait riger en juge occasion du procs de Louis XVI la Rvolution est ainsi faite juge elle-mme en non ant ide du droit et la norme morale auxquelles elle entendait conformer le nouvel ordre politique

Mais un procs un verdict pouvaient-ils suffire abolir le principe mill naire de incarnation monarchique et fonder le nouveau rgime

La royaut et le Roi devaient tre trs utilement condamns jugs et mis sous le glaive Le glaive devait-il tomber tait une autre question Le Roi confondu avec institution morte tait une tte de bois vide et creuse rien une chose Que si on frappait cette tte et on en tirt seulement une goutte de sang la vie tait constate on recommen ait croire que tait une tte vivante la royaut revivait1

Frapper au-del du verdict la royaut dans la personne du roi tait pour la Rvolution redonner vie au dogme de incarnation ressusciter institution et identifier nouveau son titulaire On effa ait ainsi la rduction du souve rain une personne prive que le roi lui-mme avait accepte en se dguisant en valet de chambre lors de la fuite Varennes puis que le procs fait Louis ap avait cherch parachever Mais si on choisissait de frapper le corps du roi pour abattre la royaut la royaut elle-mme reprenait vie en vertu de immortalit spcifique attache la nature duelle du corps du roi est sur ce dogme et ce mystre que tait construite la reprsentation anthropomorphique du pouvoir qui depuis le Moyen Age avait nourri la doctrine du droit public en Angleterre et en France

Aux origines de ce dogme un roi pourvu de deux corps un naturel et sujet la souffrance aux passions et la mort autre symbolique et immortel reprsentation du corps collectif du royaume et garant de sa perptuit on trouve des emprunts faits aux concepts de la thologie politique dans la priode de formation de monarchies nationales dfinies par un territoire Au terme une srie complexe de transformations doctrinales et smantiques des formu lations du principe de incarnation divine transformations dont

Kantorowicz t incomparable exgte2 glise tait dfinie poque de Boniface VIII comme le corps mystique du Christ la tte duquel est plac le pape son vicaire et son reprsentant visible Dans le monde lac au mme moment sous influence conjointe de la doctrine des universaux dans la lecture thomiste Aristote de la thorie des corporations et de la reviviscence du droit romain fruit de effort des canonistes et des glossateurs laborait le concept de corps civil et politique dans le cadre une rflexion sur la chose publique Dans la pense juridico-politique du Bas Moyen Age ces deux expressions corps mystique et corps politique pourtant apparues dans des contextes doctrinaux distincts mme ils taient voisins en vinrent ainsi tre employes comme des notions homologues substituables une autre partir une signification originaire sacramentelle puis ecclsiologique la mta phore du corps mystique du Christ re ut une interprtation politique nouvelle

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elle servit distinguer le corpus mysticum regni Sur le modle de glise romaine corps mystique dont la tte tait le souverain pontife les nou

velles entits politiques de Occident chrtien se dfinirent alors comme corps mystique politique la tte duquel tait plac le roi Elles russirent ainsi riva liser en sacralit avec la plus grande fonction politique du temps et revendi quer face glise leur identit et leur autonomie

La royaut en vint ainsi constituer un ordre symbolique ncessaire organisation de la socit La conception organiciste du pouvoir incarn dans le corps du roi qui rsumait en lui-mme le corps de la collectivit tout entire accordait parfaitement avec les structures corporatives de la socit mdi vale dans laquelle appartenance un individu la collectivit tait ncessaire ment dfinie par son appartenance un corps ou une communaut La rcu pration du principe thologique de incarnation par les monarchies sculires ne marque pas seulement un moment fondateur dans une volution juridique elle aussi t occasion de redfinir les rapports constitutionnels existant entre les sujets et leur souverain emploie ici adjectif constitutionnel dans son acception classique qui relve de la modalit existence des diff rentes parties qui composent un rgime politique plutt que un phnomne lgal et positif qui fonde et organise la vie publique une collectivit. La doc trine politique mdivale avait pas labor en fait de concept de la souverai net de tat3 La personnalit unitaire et juridique de tat disparaissait der rire ceux qui taient visiblement investis des fonctions inhrentes la puissance publique Et le dbat sur la souverainet tait jamais abstrait des conditions exercice de cette souverainet En France comme en Angleterre la reprsen tation du pouvoir incarn telle elle tait inscrite dans la figure du corps mys tique et politique unissait le roi et ses sujets dans une relation de rciprocit et se prtait du mme coup la dfinition de prrogatives constitutionnelles rci proques Et la double virtualit contenue dans la conception du royaume comme corps politique soit sous la forme complexe une volont exerce la fois par la tte et par les membres pour le roi et par ses sujets soit au contraire comme un organisme o le chef prdomine sur ensemble et o le souverain commande ses sujets devait dans chacun des deux pays tre ori gine une histoire politique originale

Ce est que dans Angleterre des Tudor que le dogme du double corps du roi parvint une parfaite laboration formelle au terme du lent processus qui permit la doctrine de tat de rcuprer un certain nombre de concepts tho logiques sculariss Cette laboration fut autant plus prcise elle fut continuement associe aux dbats lgaux et judiciaires de la monarchie anglaise Et est grce la distinction acquise entre les deux corps uvre des lgistes de la Renaissance associe la notion une souverainet centre sur le Parlement il fut juridiquement et conceptuellement possible aux rvolu tionnaires puritains du xvne sicle de prendre au nom du Roi les armes contre le roi et de tirer du vieux dogme mdival des conclusions dmocratiques et repr sentatives

En France un processus comparable caractrisa le dveloppement conjoint de la doctrine du droit romain et canonique des corporations une part et la doctrine moderne de tat de autre on retrouve les mmes emprunts et le mme change de positions Grce au concept persona ficta emprunt au

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droit civil et au droit canon et en faisant appel au modle depuis longtemps mis en uvre par glise on en vint distinguer la capacit juridique attribue au souverain en tant que tel de celle qui lui appartenait en tant que personne prive en utilisant cette fin la catgorie de la dignitas incarne en une per sonne Contrairement ce qui tait pass en Angleterre pourtant on alla jamais sur le continent laborer une thorie lgale et politique des deux corps du roi La monarchie fran aise ne manquait certes pas de distinguer ce qui relevait des diverses manifestations du roi comme individu de ce qui ren voyait immortalit de la dignitas dont il tait revtu et elle obissait dans une certaine mesure aux principes qui inspiraient le dogme des deux corps la dfinition juridique de la royaut semble pourtant avoir suivi une volution particulire en identifiant quasi compltement tat avec la personne vivante du souverain elle devait dboucher sur affirmation de absolutisme monar chique

Comme ont dmontr une srie de travaux sur les grandes crmonies royales fran aises les funrailles les lits de justice le sacre et les entres

uvres un groupe historiens amricains qui sont les hritiers intellec tuels Kantorowicz4 la doctrine de la royaut parat avoir connu trois phases successives entre la fin du Moyen Age et le xvne sicle Ces trois phases correspondent autant de modalits des rapports constitutionnels entre le souverain et ses sujets Pendant la Renaissance la royaut est centre sur la notion de dignitas et sur une idologie juridique qui associe la transmission du pouvoir souverain au droit public du royaume limitant du mme coup auto rit lgislative du roi Au dbut du xvi sicle ce type de royaut connat une inflexion lourde de consquence lorsque la notion dynastique et le lien sminal qui unit chaque souverain son prdcesseur deviennent les critres dtermi nants de la transmission monarchique Ces nouvelles valeurs relvent dsormais du droit public et rejettent dans ombre la vieille notion impersonnelle et abs traite de dignitas royale la distinction entre la fonction royale et son titulaire temporaire en mme temps que le caractre constitutionnel de la monarchie de la fin du Moyen Age et de la Renaissance Cette inflexion sans nul doute proche de la formulation du concept de souverainet indivisible chez Bodin apparat pour la premire fois occasion de avnement de Louis XIII Elle dtermine un renversement complet de ordre des crmonies officielles Le nouveau roi parat solennellement en public occasion du lit de justice qui au Parlement confie la rgence Marie de Mdicis et qui pour la premire fois dans le programme un nouvel avnement prcde la crmonie du couronne ment entre royale et les funrailles du roi dfunt privant ainsi de sa signifi cation ordre des apparitions officielles Cette inflexion dans la doctrine au dbut du xvne sicle constitue un prliminaire fondamental dans identifica tion de la royaut la personne mme du souverain qui caractrise la monarchie absolue la fin du mme xvne sicle une nouvelle volution voit en France la royaut chapper sa dfinition juridique elle est paradoxalement contem poraine de affirmation de la souverainet de tat et de la cration une bureaucratie centralise En pla ant tout accent sur le principe de consangui nit dvelopp dans une vritable mystique du sang royal la monarchie absolue supprime la distinction originelle entre la fonction souveraine et la personne de celui qui la dtient elle confond les deux termes et les associe dans le corps

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mme du souverain et dans ceux qui sont issus de lui5 levant toutes les limita tions imposes autorit lgislative du roi

Cette volution doctrinale la culture juridique et politique qui suit instau ration de absolutisme louis-quatorzien ne pas enregistre avec la mme pr cision que les historiens du xxe sicle De fait au xvine sicle la dfinition de la royaut reste caractrise par un extraordinaire mlange de principes et axiomes hrits de la tradition et souvent contradictoires entre eux qui mani festent la fois la complexit et la fragilit de la reprsentation du pouvoir incarne dans la figure royale qui travers les sicles

La culture historique et juridique du xvine sicle reconnat quasi unanime que le rite du sacre pas de valeur lgale En 1723 Nicolas Menin conseiller au Parlement de Metz publie un Trait historique et chronologique du sacre qui va devenir un texte de rfrence et dans lequel il dfinit la fonction des diverses crmonies onction est plus acte qui confre au roi souverainet et autorit sur le peuple comme tait autrefois le cas puisque note-t-il

Nous reconnoissons les droits de nos monarques indpendans de toute cr monie que nous respections mme avant leur naissance ceux qui par les lois du sang sont destins nous gouverner le Royaume tant jamais vacant il

ayant continuation de Roi en sorte que le mort saisit le vif que le Roi ne mourant point en France le mme instant qui finit le rgne du pre commence celui du fils est--dire du plus proche hritier de la couronne entre les mles6

Cette explication mle une srie de remarques et axiomes qui ont t utiliss par le pass dans des contextes idologiques divers pour fixer le principe de instantanit de la succession au trne Soit une maxime typique de la royaut de la Renaissance telle que Le Royaume tant jamais vacant Elle t forge au xvie sicle partir de la dignitas royale et de sa perptuit Quoique renvoyant avec une particulire insistance ide constitutionnelle elle en vient

prcder sans apparence de contradiction le principe du Roi ne mourant point qui enregistre lui le transfert de la perptuit de la fonction royale dans la personne du roi et affirmation une transmission dynastique est au prix une telle confusion des principes atteste il est vrai depuis deux sicles que le xvine sicle explicite ide une succession instantane la couronne conviction qui depuis la fin du Moyen Age transform la concep tion de la transmission au pouvoir royal et par voie de consquence la signifi cation de la crmonie du couronnement elle-mme

Le Moyen Age avait considr le sacre comme un lment fonctionnel dans la transmission du pouvoir royal7 La crmonie de onction unie depuis le xie sicle celle du couronnement avait normalement lieu du vivant du prd cesseur et non pas aprs sa mort Cette pratique tait lie une conception de la transmission du pouvoir dans laquelle coexistaient les notions apparemment inconciliables lection et hrdit on acceptait lection une race royale une dynastie de souverains qui chaque succession devait faire

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objet une ratification publique De l la valeur lgale du sacre et la ncessit de le clbrer pour confrer au rex designatus au successeur dj associ au trne la pleine autorit Pendant le cours du Moyen Age cet lment lectif originel constitutif subit une neutralisation partielle Le hasard avait voulu que pendant plus de trois sicles les Captiens aient toujours eu un fils asso cier au trne comme hritier accentuant de fait la dimension hrditaire du titre royal La mort inopine de saint Louis Tunis en 1270 et urgence de reconnatre le nouveau roi sans attendre la clbration du sacre Reims afin de pouvoir poursuivre la guerre contre les Infidles fut un second hasard qui imposa de fait usage de considrer que le nouveau roi devenait tel le jour mme de la mort de son prdcesseur8

Il fallut pourtant attendre le dbut du xve sicle pour que le principe de la succession instantane trouve une sanction formelle acheve avec les deux ordonnances de Charles VI qui en 1403 et 1407 annulrent la valeur lgale du rite et son caractre obligatoire dans la transmission de autorit souveraine Elles tablissaient la reconnaissance immdiate du successeur au trne ins tant mme de la mort du roi prcdent indpendamment de toute crmonie Un peu plus tard la faveur un renforcement de autorit royale pendant la Guerre de Cent Ans les principes fondant la continuit de la fonction royale et la perptuit du pouvoir devaient trouver une laboration doctrinale acheve avec le trait de Jean de Terre Rouge 1419) crit pour dfendre les prroga tives du Dauphin Charles VII menaces par la nomination du Duc de Bour gogne comme rgent Au mme moment les clauses du Trait de Tr oyes 1420 faisaient Henri VI Angleterre le lgitime hritier prsomptif du trne de France

Dans son Contra Rebelles Suorum Regum le fondateur de la thorie statu taire dgageait la succession au trne de tout aspect patrimonial9 hrdit tait plus un simple moyen naturel pour dsigner le titulaire une telle prrogative Il en tait ainsi non pas en raison une volont testamentaire du roi dfunt mais en vertu du droit public du royaume de France Cette innova tion capitale dans la conception de la transmission du pouvoir prenait forme dans la distinction entre deux modalits de succession la premire per trans- missionem applique dans le droit civil rglait hrdit des biens patrimoniaux la deuxime simple per remotionem qui intressait les biens publics communs tous les hommes rglait la succession aux dignits ecclsias tiques et pouvait tre tendue la succession monarchique

En appliquant cette distinction il empruntait au droit romain et au droit canon aux lois coutumires du royaume o la succession au trne se transmet tait en voie masculine et par droit de primogeniture Jean de Terre Rouge en arrivait montrer que le principe de la possessio successiva du titre royal tait une loi constitutive et aucun souverain avait le pouvoir de la remettre en cause La substance juridique du pouvoir royal tait ainsi mancipe des contraintes naturelles qui fixent chaque vie un dbut et une fin Derrire la personne physique du roi on laissait entrevoir le souverain lgitime dtenteur une dignitas immortelle non par la volont de son prdcesseur ni au terme une crmonie qui aurait confirm dans sa pleine capacit juridique mais en vertu du droit du royaume La valeur lgale du sacre tait donc remise en cause Il reste que cette inauguration symbolique du rgne gardait toute sa charge reli-

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Premire reprsentation du sacre de Louis XIV Sacre de Louis XIV) 1654 B.N. Dpartement des Estampes collection Hennin 154489)


gieuse originelle tait la sanction divine obligatoire et le privilge de la monarchie fran aise En se rfrant au rituel de onction Terre Rouge pouvait soutenir que la prise de possession du royaume de France avait bien lieu selon les lois et la volont divines elle bnficiait de application du Seigneur parce que seule la dynastie fran aise se voyait honorer des grces clestes par le baume sacr envoy du ciel saint Remy sous la forme une colombe occa sion du baptme et de la conscration de Clovis selon ingnieuse lgende transmise depuis Hincmar archevque de Reims au ixe sicle10

En accentuant la fonction religieuse du sacre qui clbrait la rencontre entre la providence divine et la lgitimit dynastique on inflchissait la signifi cation originelle constitutive du rite dans son lment lectif opposition entre la valeur lgale de la crmonie fondamentalement remise en cause et sa ncessit symbolique et religieuse allait se retrouver dans toute la srie de cons tructions doctrinales et juridiques labores autour du sacre aux xv et xviie sicles Elle manifestait en clair la difficult un quilibre entre une inter prtation purement religieuse du rite et la persistance de formules et de gestes qui en rappelaient obstinment la dimension politique Au xvnie sicle au terme un lent processus de redfinition de la doctrine et de continuels amen dements du rite ce sont prcisment les moments et les gestes qui dans le sacre voquent institutio ab hominibus de la royaut qui vont pousser les historiens les juristes et les antiquaires reconnatre dans la crmonie inaugurale la ratifi cation publique du droit des rois se succder la couronne et la confirmation de acte qui les avait mis origine en possession du trne

Le rituel de onction et du couronnement observ occasion du sacre de Louis XVI le 11 juin 1775 traduit cette recherche pour adapter le vieux legs mdival aux principes une royaut moderne Comme toutes les autres cl brations officielles le sacre avait t soumis effort de rationalisation mis en

uvre par les matres des crmonies de la cour au xvi sicle Ces derniers avaient rassembl collationn et tudi les documents mdivaux tout en effor ant de conformer le sacre tiquette de la cour11

Le rite proprement dit qui antique tradition devait tre clbr dans la cathdrale de Reims avait lieu deux jours aprs arrive du roi et de sa cour dans la ville il tait suivi deux jours plus tard de la chevauche abbaye de Saint-Rmy et du toucher des crouelles avec lequel achevait le crmonial Le rituel du sacre commen ait aube un dimanche Les invits prenaient place selon ordre des prsances dans le ch ur et dans les tribunes droite de autel six pairs ecclsiastiques les cardinaux les archevques les vques le clerg et derrire eux les aumniers du roi taient rangs en ordre hirar chique Sur un autre rang de tribunes les conseillers tat et les matres de requtes puis six secrtaires du roi reprsentant leur compagnie aux crmo nies gauche de autel on trouvait les six pairs lacs les trois marchaux dsigns par le souverain pour porter les insignes royaux les quatre secrtaires

tat puis les autres marchaux Venaient ensuite les principaux officiers du roi et seigneurs de la cour La tribune au-dessus du ch ur tait rserve aux invits de marque aux ambassadeurs et aux reprsentants trangers ainsi aux multiples personnes de qualit associes au rituel

ordre respectait donc un principe hirarchique traduit par la distance plus

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FIG Seconde reprsentation du Sacre du Roy Louis XV Sacre de Louis XV 1722 B.N. Estampes coll Hennin 158959)

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FIG Deuxime reprsentation du Sacre de Louis XVI Sacre de Louis XVI 1775 B.N. Estampes coll Hennin 160758)

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FIG Dcoration du Sacre de Louis XVI Sacre de Louis XVI 1775 B.N. Estampes coll Hennin 160 758)

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ou moins grande qui sparait chacun du souverain et refltait la hirarchie ins titue au sein de la socit ordres Aprs que chacun ait trouv sa place une dlgation des douze pairs qui allaient tre les protagonistes avec le roi du rituel tout entier quittait glise en procession solennelle pour aller chercher le souverain au palais archipiscopal o il rsidait Devant la porte ferme de sa chambre avait lieu la premire squence du rituel le lever du roi comme on disait au xvnie sicle premier et curieux indice nous le verrons de la persis tance formelle de gestes dont la signification tait dans une large mesure altre Aprs le lever le roi faisait son entre dans la cathdrale accompagn par un cortge solennel et au son des hautbois des tambours et des cordes Aprs les prires rituelles et la gnuflexion devant autel il installait sur un fauteuil au centre du ch ur Son arrive tait suivie de celle de la Sainte Ampoule contenant le baume de onction porte en procession par quatre chevaliers depuis abbaye de Saint-Rmy o elle tait conserve tait alors le moment de la promesse glise par laquelle le roi assis et la tte couverte engageait

maintenir les privilges canoniques les droits et les juridictions ecclsiastiques et protger ses vques Selon le protocole il prtait ensuite le serment du royaume et jurait sur vangile de employer conserver en paix glise de Dieu en toute occasion de opposer tout abus et injustice de faire respecter la justice et la misricorde dans les jugements exterminer sur ses terres et dans les juridictions il commandait tous les hrtiques condamns par

glise selon une formule remontant au xine sicle Entre la promesse glise et le serment du royaume intervenait la squence que beaucoup consi

draient essentielle de la prsentation du roi assemble des prsents par les vques de Laon et de Beauvais

est alors que commen ait la vritable investiture mystique du roi avec la bndiction des ornements dposs sur autel pe le sceptre la main de justice les perons le livre des crmonies une camisole de satin rouge garnie or la tunique et la dalmatique symboles de la qualit de diacre et de sous- diacre qui lui tait confre pendant le sacre les bottines et le manteau de velours bleu brod de lys or et bord hermine Une exacte grammaire des gestes rglait usage de ces symboles dont chaque dtail avait eu une significa tion bien prcise au Moyen Age12 Aprs la benedictio vexilli pe tait remise en trois temps archevque de Reims la donnait au roi qui la passait archevque officiant qui la rendait au roi et celui-ci la confiait au grand conntable qui la fin de la crmonie la tenait pointe leve onction dbutait alors avec la prparation du Saint Chrme la prosternation du roi devant archevque de Reims face autel en signe de humilit ncessaire qui doit recevoir et transmettre la grce divine Il tait oint alors en neuf parties de son corps sur la tte et la poitrine entre les paules sur les deux paules et

la saigne des bras puis aprs il ait endoss la tunique la dalmatique et le manteau sur les paumes Venait ensuite la bndiction des gants de anneau royal la remise du sceptre et de la main de justice Une fois le roi revtu de tous les insignes le couronnement pouvait commencer

archevque de Reims appelait nominalement chacun des pairs prendre part au rituel Aprs avoir rcit la bndiction usage implor la rmission des pchs du souverain et demand abondance pour le royaume il posait la couronne sur sa tte puis entour par les pairs il le conduisait au trne install

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FIG Le roi prostern devant autel Sacre de Louis XVI B.N. Estampes coll Hennin 160 761)

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FIG Le roi men au trne Sacre de Louis XVI B.N. coll Hennin 160 763)

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sur un jub entre le ch ur et la nef et couvert un baldaquin ouvert de tous cts afin que le roi fut visible de la nef aussi Une fois install sur le trne il recevait le baiser de chacun des pairs qui acclamaient au cri de Vivat rex aeternum Au point culminant de la crmonie les portes de la cathdrale pouvaient enfin ouvrir Le peuple entrait en foule pour voir le souverain sur le trne dans la splendeur de sa majest au milieu un concert de fltes de trom pettes de hautbois et orgues ml une triple salve de mousquets On lchait des colombes en signe de paix on distribuait des pices or et argent frap pes pour occasion Le Te Deum et la messe achevaient la crmonie Au moment de offertoire le roi quittait son trne descendait du jub pour offrir un grand vase de vermeil rempli de vin un pain or et un autre argent et une bourse contenant treize pices or Et en sa qualit de diacre il avait le privi lge de recevoir la communion sous les deux espces

La messe acheve le festin royal concluait les festivits au palais archipis copal Ce banquet nuptial du roi et de la France obissait tiquette de cour qui prvoyait cinq tables La premire surleve sur une estrade accueillait le roi assis sous un dais violet la seconde sa droite les pairs ecclsiastiques la troisime sa gauche les pairs lacs les deux autres enfin le nonce pontifical et les ambassadeurs trangers le Grand Chambellan le premier Gentilhomme de la Chambre et les chevaliers de Ordre du Saint-Esprit Aux officiers de la ville et aux notables bourgeois le protocole rservait outre la dpense du ban quet le privilge de servir table leurs htes honneur exception du roi que servait son propre personnel de cour

Telle tait la liturgie initiation qui soustrayait le roi au monde pour lever la majest et en faire une figure symbolique une personne sacre et inviolable et auquel la mtamorphose rituelle donnait accs au trne Mais dans cette liturgie ostensiblement religieuse des traits persistaient qui rappelaient que le sacre avait aussi une dimension extra-religieuse Mme ils avaient beau coup perdu de leur signification originelle ces traits continuaient manifester en plein xvine sicle la dimension politique et constitutive du rite inaugural en tout cas ils vhiculaient une lecture temporelle du sacre qui pouvait redonner vie une reprsentation archaque du pouvoir ainsi la participation des pairs de France les douze protagonistes du rituel aux cts du roi ou encore cer taines squences que le protocole tentait de plier aux conceptions modernes de la royaut et qui se prtaient une lecture ambigu le pr-couronnement la prsentation du roi entre la promesse glise et le serment du Royaume la remise de anneau et entre du peuple dans la cathdrale

Le protocole traditionnel voulait que le collge des pairs qui devaient prendre part tous les moments importants de la crmonie fut compos de six membres ecclsiastiques et de six autres laques Les premiers taient dans ordre archevque de Reims officiant majeur du rite entier les vques- ducs de Laon et de ngres les vques-comtes de Chalons Beauvais et Noyon les pairs lacs toujours en ordre de prsance les ducs de Bourgogne de Normandie et Aquitaine les comtes de Toulouse de Flandres et de Cham pagne En 1775 ces titres qui voquaient de grands fiefs mdivaux ne corres-

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pondaient plus des personnes relles Ces antiques pairies avaient disparu pendant la gense de tat monarchique Depuis le xne sicle elles avaient t runies au domaine du roi ou transformes en apanages et autres terres avaient par consquent t riges en pairies Mais le rituel du sacre continuait immuablement prvoir la participation de ces six pairs lacs que reprsentaient dsormais des personnages de premier rang En 1775 ce furent des princes de sang royal Monsieur et le comte Artois frres du roi les ducs Orlans et de Chartres les princes de Conde et de Bourbon

Reprsenter les six antiques pairs de France par six princes du sang tait bien videmment la manifestation la plus explicite de accroissement du pres tige dont bnficiaient les membres de la dynastie royale tait ailleurs le terme une volution qui avait commenc au xv sicle et qui avait peu peu oblitr la signification premire de la participation des pairs aux crmonies du sacre13 En 1576 un edit Henri III avait mis fin au long conflit de prsance qui pendant plus de trente ans avait oppos les ducs de Guise et de Nevers tous deux titulaires une pairie et le duc de Montpensier Louis II de Bourbon pair de France lui aussi mais de cration bien plus rcente et qui tait en outre prince du sang Ledit arrtait que les princes du sang titulaires une pairie prendraient le pas sur les autres pairs de France dans toutes les crmonies officielles selon ordre de consanguinit qui les liait au souverain Il donnait donc une sanction lgale aux raisons invoques par le duc de Mont pensier pour dfendre la surminence de son rang en se fondant sur le droit du sang rappel fondamental dans une priode de crise grave avec extinction du lignage des Valois et o la force du lien dynastique allait justifier accession Henri de Navarre cousin au vingt et unime degr de son prdcesseur au trne de France

La mystique du sang royal exprimait dit Henri III qui il excluait que les pairs de France puissent reprsenter ces anciens pairs du royaume ne fixait aucune rgle entre les princes du sang non titulaires une pairie inspire encore dit par lequel Louis XIV efforce en 1711 de rgler les problmes laisss ouverts par le texte de 1576 Ledit propose en fait un vri table code de la pairie14 Il tablit le droit des princes du sang reprsenter les anciens pairs dans toutes les crmonies officielles mme ils ne sont pas relle ment dtenteurs une telle dignit en leur absence et dans ce cas seulement honneur en revient aux btards lgitims du roi et leurs descen dants mles ce est enfin que si ces deux premires catgories font dfaut que on fera appel aux vritables ducs et pairs Ce sont ces dispositions

partiellement corriges par un edit de Louis XV qui en 1718 annule la pro motion des princes lgitims sans toucher la prminence des princes du sang qui expliquent au sacre de Louis XVI six membres de la famille royale aient tenu le rle des anciens pairs

Tout au long de la crmonie les gestes ils avaient accomplir conti nuaient rappeler leur fonction lective originelle et la participation des grands

institution de la royaut Sans doute la longue histoire du crmonial modifi dans le dtail chaque nouvel avnement avait-elle peu peu sup prim toute allusion un pouvoir man du peuple pour insister sur le caractre thocratique une royaut confre par Dieu et chappant du mme coup toute dimension lective Mais la morphologie du rite continuait rappeler

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FIG Lever du Roi Sacre de Louis XVI B.N. Estampes coll Hennin 160 758)

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cette origine occulte travers un systme de gestes et de formules Et est pen dant la Renaissance prcisment que la recherche et la collation des ordines mdivaux avait redonn vie cette dimension lective si fortement remise en cause depuis le xnie sicle

Au dbut de la crmonie du sacre on vu les pairs dputaient les v- ques de Laon et Beauvais pour aller chercher le roi au palais archipiscopal tait le moment de trange rituel du lever du roi Le chantre du chapitre de Reims devait frapper la porte Le Grand Chambellan interrogeait de intrieur Que demandez-vous Leveque de Laon rpondait Nous demandons le Roi quoi il lui tait rpliqu Le Roi dort La mme squence se rptait la troisime fois vque de Laon modifiait sa demande Nous demandons Louis XVI que Dieu nous donn comme Roi La porte ouvrait enfin et laissait apercevoir le roi couch sur un lit de parade revtu du premier des trois vtements il aurait porter pendant la crmonie une tunique de toile argent sur une camisole de satin cramoisi ouverte aux endroits qui seraient soumis onction Le roi tait prt tre

soulev par les deux vques aprs avoir re leur bndiction puis tre port la cathdrale en procession solennelle15

Un prcieux volume imprim par ordre du libraire des Menus Plaisirs du Roi recueille quelques recherches sommaires sur le rite du sacre et un rcit cr monial de 1775 enrichi de superbes gravures reprsentant les moments essen tiels de la crmonie Le lever du roi est illustr par une allgorie commente qui esquisse une interprtation

La France pare de sa couronne revtue du manteau royal est assise dans un char lumineux tel que imagination des potes le prte au soleil entrant dans sa carrire la place des heures qui accompagnent ordinairement on voit dans les airs plusieurs gnies ails portant les ornemens de la Royaut son approche la nuit se dessine la lumire renat

Ces figures qui dsignent le lever du Roi ont ailleurs un juste rapport au commencement de son rgne Aprs avoir pleur la mort un grand Roi qui avoit mrit le sur-nom de Bien Aim cette perte sembloit plonger dans une nuit profonde une nation toujours distingue par amour elle porte ses souvenirs

Mais au milieu de cette profonde consternation le nouvel astre qui devoit nous ramener les jours les plus sereins commen oit rpandre sa lumire vivifiante ses premiers regards calmrent nos regrets furent le prsage de notre bonheur16

Cette description qui figure dans le livret officiel du sacre de Louis XVI en reprend mot par mot une autre publie plus de cinquante ans plus tt occa sion de inauguration du rgne de Louis XV est alors que pour la premire fois le curieux rite de pr-couronnement avait t explicitement associ au sym bolisme solaire par allusion une autre crmonie celle du lever du roi qui commen ait les journes de Louis XIV Versailles17 Le dveloppement du symbolisme solaire permettait de librer ce rite nigmatique de la signification dont il avait pu tre investi origine Il tait apparu pour la premire fois lors du sacre de Charles IX en 1561 un moment o il pouvait tre compris comme

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FIG Sacre de Louis XIII 1610 B.N. Estampes coll Hennin 152 135)

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le symbole de accs au pouvoir un roi mineur et comme une sorte de dcla ration obissance de la part des pairs prsents tous les douze cette fois au

rveil du pr-couronnement imagerie solaire qui tait dj diffuse dans la seconde moiti du xvie sicle permettait de reprsenter la continuit de la dignitas royale con ue comme continuit du pouvoir transmis de roi en roi par voie dynastique indpendamment de toute crmonie On corrigeait ainsi ce qui dans le rituel et pu suggrer que autorit du souverain demeurt incom plte avant le sacre En comparant le roi un astre qui renat chaque jour sans interruption on pla ait la transmission de la couronne au-dessus de toute inter vention humaine alors que le passage un tat passif le sommeil un tat de veille par intervention des pairs pouvait suggrer que des hommes fussent en mesure de confrer au souverain sa pleine autorit Le symbolisme solaire avait enfin le mrite de bien traduire inflexion dynastique de la conception de la royaut qui au dbut du xvne sicle tendait confondre la dignias royale personnifie par le roi avec son titulaire on le constate origine du sacre de Louis XIII lorsque les demandes des pairs se transforment et que vque de Laon nomme le roi fils Henri IV insistant sur le lien de filiation entre ancien et le nouveau souverain18

On retrouve la mme conservation des formes et le mme remaniement de la signification originelle du sacre propos une autre squence de la crmonie la prsentation du roi assemble des prsents qui intervenait normalement entre la promesse glise et le serment du royaume Selon le protocole du sacre de Louis XVI les deux vques de Laon et de Beauvais devaient

soulever le roi au-dessus de son sige et demander aux seigneurs assistants et au peuple ils acceptent pour roi Puis le mme texte ajoute avant de passer au serment une formule Et leur consentement re par un respec tueux silence Archevque prsente au Roi le serment du Royaume 19 Ce

respectueux silence tait la formule adopte pour le sacre de Louis XIV mme il est dj attest dans une des relations de inauguration de Louis XIII20 Il tait une autre expression de la tendance que manifeste la litt rature juridico-politique de la fin du xvie sicle vider appel au consentement de toute dimension lective

La prsentation du roi aux protagonistes du sacre apparat pour la premire fois dans les rituels modernes occasion une relation du couronnement Henri II en 1547:1 Mais ds la fin du xv sicle on avait pris conscience des risques inhrents un appel au consentement qui pouvait renforcer la thse une origine lective de la royaut Celle-ci tait soutenue par les protestants avant de devenir un des arguments de extrmisme ligueur Ce fut le cas sur tout lorsque assassinat Henri III en 1589 et absence hritiers directs eurent ouvert la succession un prince protestant On employa donc pro curer une dfinition officielle de ce moment du sacre Ce est pas un hasard si la mise au point doctrinale de appel au consentement eut lieu occasion de la conscration Henri IV en 1594 clbre Chartres puisque Reims tait alors aux mains de la Ligue La prsentation du roi fut expurge de toute allusion un ventuel caractre lectif de la royaut et assimile une sorte de dclaration de la lgitimit du nouveau souverain est ce que montre la distinction soi gneusement introduite par vque Nicolas de Thou dans son rcit de la crmonie

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Non que cette acceptation se prenne pour lection ayant ce Royaume est toujours hrditaire successif au plus prochain ma le mais pour dclaration de la submission obeyssance fidlit il luy doivent comme leur souve rain Seigneur de expresse ordonnance de

Le distinguo est repris mot pour mot dans une relation du sacre de Louis XIII23 Mais deux autres textes qui rapportent le mme rituel utilisrent la fois la formule de 1547 et la rfrence au consentement silencieux qui pr vaudra aprs 165424 Le geste tait alors devenu totalement formel et les deux vques purent soulever le roi de son sige sans prononcer la formule rituelle donnant une preuve supplmentaire de la russite un lent et continu refoule ment des lments politiques de la crmonie

Toujours occasion du sacre Henri IV la remise de anneau royal fut objet un nouveau commentaire symbolique de la part du mme de Thou

Au jour du Sacre le Roy espousa solennellement son Royaume fut comme par le doux gracieux et simple lien de mariage insparablement uni avec ses sujects pour mutuellement entraimer ainsi que font les espoux luy fut par ledit Evesque de Chartres prsent un anneau pour marque de cette rci proque conionction25

anneau figure union infrangible entre le roi et ses sujets et leur mutuelle alliance est une innovation sensible par rapport au Moyen Age et la Renaissance et qui traduit le changement des rapports entre les sujets et le sou verain rendu ncessaire le problme de lgitimit pos avnement Henri IV Pendant le Haut Moyen Age anneau avait t con comme le signaculum fidei il rappelait la qualit de dfenseur de la foi qui tait dvolue au roi Les thologiens carolingiens le distinguaient donc de anneau episcopal signe par lequel vque pousait son diocse Mais mesure que les rapports entre le spirituel et le temporel voluaient pour aboutir la distinction entre saceraotium et regnum la signification originelle de anneau se transforma et depuis le xive sicle anneau devint le symbole du mariage entre le roi et son peuple Le modle du mariage mystique entre glise et le Christ caractris tique de investiture episcopale avait t transpos dans le domaine temporel et servait de mtaphore parlante pour dfinir les relations entre le souverain et le royaume une poque o il tait devenu ncessaire affirmer le principe de inalinabilit du domaine royal La mtaphore des pousailles entre le roi et son royaume pouvait parfaitement exprimer en fait ide que le fisc la pro prit de tat peut comme la dot une pouse tre utilis par le mari condition de tre pas alin contraignant ainsi les prrogatives du souverain Elle voquait donc une rfrence de nature constitutionnelle qui avra effecti vement efficace au xvie sicle au moment du conflit juridique et politique avec Empire-6 autant plus elle rencontrait les principes juridiques qui inspi raient les thories contemporaines de la transmission du titre royal Mais la mme mtaphore pouvait aussi servir exprimer le caractre obligatoire et indissoluble du lien existant entre le roi et ses sujets ce fut le cas la fin du xvie sicle quand les doctrines de la royaut en accenturent la dimension dynastique et insistrent sur la consubstantialit du roi et du peuple On laissa

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alors dans ombre le motif du royaume dot inalinable confie au souverain avec toutes les virtualits constitutionnelles dont il tait porteur

Cette mme rosion smantique des gestes et des emblmes du sacre explique sans doute aussi une dernire et importante modification du crmo nial la prsence du public dans la nef de la cathdrale aprs le crmonial observ pour Louis XVI ce est aprs intronisation du roi sur le jub qui sparait la nef du ch ur que le peuple fut admis en foule dans glise27 au sacre de Louis XIII en 1610 il semble que la cathdrale soit demeure ouverte au public tout au long de la crmonie Le dispositif attest en 1775 parat avoir t introduit en 1654 pour Louis XIV puis repris en 1722 pour Louis XV Lors de ce dernier sacre admission du peuple aprs intro nisation fut prcisment le dtail qui donna Saint-Simon occasion un long rquisitoire sur la dnaturation du rite suivi une tentative pour redfinir la crmonie entire dans sa signification historique et politique digression qui devait tre un prcdent important pour tous ceux qui dans les temps venir allaient employer une lecture temporelle et constitutionnelle du sacre royal28

Dans un des tmoignages les plus corrosifs sur le rgne de Louis XV Espion anglais auteur imagine une longue correspondance propos du sacre de Louis XVI Pidansart de Mairobert tait un polygraphe radical et un bon reprsentant de ces intellectuels de second rang qui ont contribu la dcomposition une tradition communment accepte Dans son ouvrage histoire de la crmonie fait objet une reconstruction fidle Il fait ensuite rfrence aux tentatives rformistes de Turgot alors contrleur gnral des Finances qui aurait voulu transfrer le rituel Notre Dame et surtout modi fier les clauses du serment du royaume relatives extermination des hrti ques comme contraires esprit du temps aux principes modernes de la jus tice et du droit naturel tout autant aux intrts mmes de tat Il aurait suggr de moderniser la formule de la promesse glise en sorte que le roi proclame les principes de la tolrance et de galit des cultes29 Ces proposi tions de Turgot ne furent pas prises en compte Elles rvlent pourtant incer titude doctrinale qui entachait alors le serment royal et le sacre lui-mme La formule propose par le ministre illustre bien quel point le serment pouvait cette date tre per comme un acte lgal auquel on pouvait se rfrer pour contrler ou limiter autorit du souverain et cela en vertu une habile combinaison de notions anciennes comme la responsabilit du roi devant Dieu et modernes comme les droits individuels des sujets) qui allaient sug grer aux historiens de la fin du xixe sicle reconnatre une sorte de dcla ration un monarque constitutionnel prt accepter le principe de la souve rainet nationale

On retrouve une semblable combinaison entre ancien et le moderne dans la correspondance de Pidansart de Mairobert Il commente sarcastiquement arm une ironie iconoclaste vocation des principaux moments du sacre et dnonce le ridicule un rituel dont ne subsiste dans son texte une pompe purement formelle et religieuse vide de toute signification politique

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Dans un acte patriotique o tout retrace au prince lire le souvenir de cette ancienne institution o on va le chercher il est dpouill de divers attributs de la Royaut on ne appelle que par son nom on commen ce par le qualifier on rpond que le Roi dort est--dire il en point en ce moment o on demande au peuple il agre un tel pour roi o on fait prter serment celui-ci o on lui confre successivement pe le sceptre la main de justice la couronne o on installe sur le trne ai entendu un orateur lui dire en chaire il tenoit sa puissance de Dieu il ne la tenoit que de Dieu il en tait comptable Dieu Et on exalt son discours comme hardi. Hardi sans doute mais non dans le sens dont on levamoit50

Toutes les crmonies du sacre taient ainsi rduites leur seule dimension religieuse des moments culminants du rite comme la prosternation du roi devant autel avant onction la promesse glise intolrante et sangui naire pour en arriver aux plus infimes dtails ainsi les monnaies frap pes pour clbrer vnement et sur lesquelles le roi tait reprsent agenouill devant une hostie et un calice duquel coulait le chrme sur sa tte incline Cette interprtation iconographique du rituel ne faisait gure crdit imagina tion ni au patriotisme des membres de Acadmie des Inscriptions qui en taient responsables mais pour Mairobert une et autre qualit faisaient tout autant dfaut aux autres emblmes et aux dcorations ralises pour le sacre on trouvait aucune allgorie la gloire de la Nation aucune clbra tion du retour des Parlements le seul vritable vnement politique selon lui du nouveau rgne depuis que Louis XVI rappelant les cours avait mis fin la rforme de Maupeou31

Le reportage de VEspion anglais achevait sur des considrations trs ra listes sur le toucher des crouelles il agissait selon auteur une coutume indcente qui compromettait le roi et exposait au ridicule sous absurde pr texte de faire titre hrditaire preuve un miracle aucun de ses prd cesseurs avait jamais accompli Image de Dieu le souverain avait tort de vou loir se poser en rival du crateur

On retrouve la mme conviction que le sacre t dnatur dans un crit anonyme publi en deux volumes en 1775 sous un titre qui pour la postrit devait avoir la saveur un oxymoron Le Sacre Royal ou les droits de la nation fran aise reconnus et confirms par cette crmonie Espion anglais regroupe ce libelle avec une srie de pamphlets eux aussi publis la mme anne et condamns au bcher par le Parlement de Paris comme crits sditieux atten tatoires la souverainet royale et contraires aux lois fondamentales du royaume De fait si uvre pas connu le destin de Ami des lois ou du Catchisme du citoyen est que parmi les parlementaires personne sans doute avait eu le courage en dvorer ennui Mais l arrte le paral lle entre le Sacre Royal et les deux autres pamphlets qui dveloppaient la thse de la souverainet nationale en mme temps une polmique plus agressive contre les principes de ordre tabli Que des textes aussi diffrents aient pu tre associs nous fait mieux comprendre comment t re le Sacre Royal

uvre lourdement erudite et qui travers un labyrinthe de notes de citations de renvois de toutes sortes cherchait dmontrer origine lective de la monar chie fran aise ainsi concilier la doctrine juridique de la royaut mdivale

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et moderne avec la reconnaissance de la souverainet nationale et ide du consensus et un contrle de autorit monarchique

travers un assemblage de citations bibliques et extraits des Pres de glise des philosophes antiques auteurs de traits politiques contem

porains mais aussi de capitulaires carolingiens rasme de Massillon et des ordines des sacres mdivaux auteur du Sacre Royal probablement un robin lorrain origine protestante33 laborait son interprtation de la monarchie fran aise

Il situait origine un pacte social vrit certaine et indubitable34 Chaque rgime politique doit son existence un pacte travers lequel autorit est ta blie et tat de nature ou tat de guerre dpass pour le bien de tous Ds le dpart de son analyse auteur du Sacre Royal inverse donc ordre des deux principes de lgitimation de ordre politique Avec la notion de pacte social il interroge sur les origines mmes de tat reconnaissant dans le consensus un principe ncessaire de lgitimation cependant il ne renonce pas combiner cette typologie rationnelle et naturelle avec une rfrence origine divine du pouvoir Se rfrant la Gense il ne cesse de souligner la nature religieuse du pacte qui unit les sujets au souverain et il fait appel aux catgories du pch et de la perversion de la nature humaine pour expliquer la ncessaire division entre celui qui commande et ceux qui doivent obir Reprenant le thme biblique de alliance entre Dieu le roi et le peuple rpte dans la relation entre le peuple et le souverain dont Dieu lui-mme est le suprme garant il peut ainsi dfinir sacrilge action de celui qui viole le pacte originaire La thorie du Sacre Royal est donc de type contractuel mais elle ne cesse de remployer les catgo ries politiques de la scolastique mdivale pour tout ce qui touche origine divine indirecte du pouvoir royal autorit drive de Dieu mais per populum Le recours la rfrence religieuse permet de dfinir la souverainet comme une

libralit que le roi re oit travers le ministre des hommes Il permet aussi de rfuter dans une perspective anti-absolutiste certaines des affirmations de Hobbes et de Bossuet en spcifiant la nature de alination de souverainet

limite selon auteur au seul pouvoir excutif et non pas la fonction lgislative laquelle le peuple consenti Pour que le pacte originaire soit efficace des conventions les lois et les rgles de la vie sociale sont ncessaires et est la nation est reconnu le droit en dlibrer de les accepter ou de les refuser La monarchie laquelle pense auteur du Sacre Royal est donc un systme autorit tempre N un accord partag entre les sujets et le souve rain ce systme requiert pour fonctionner que soient distingues et dlimites les prrogatives des deux parties contractantes Mais la nation laquelle est reconnu le droit de contrler le pouvoir et de lgifrer est pourtant jamais dfinie comme une personne juridique spcifique elle apparat pas comme la somme individus souverains mais comme une ralit de fait existant avant le pacte et donc ncessairement rapporte la souverainet constitutive du roi

intrt de cette uvre ne rside nullement dans la solidit de son labora tion conceptuelle mais bien plutt dans un effort erudii pour donner une lgiti mit historique aux principes noncs et pour fonder dans histoire de la monarchie le systme autorit tempre Pour adapter la thorie du pacte histoire de la monarchie fran aise et la crmonie du sacre auteur fait mas sivement appel la culture juridique mdivale et il le fait avec une notable

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dsinvolture philologique accommodant les textes il invoque aux besoins de la thse il propose

Le problme central qui se pose auteur du Sacre tait celui de la nature hrditaire et dynastique du titre royal Comment concilier ce type de transmis sion du pouvoir avec la thse du contrat Comment faire entrer ide de consensus et de souverainet nationale dans la doctrine de la royaut Il agit de concilier la notion lection et celle hrdit Or ces deux notions taient pas per ues on dit comme exclusives comme contradictoires dans la culture juridique mdivale Le motif de lection une race les rendait compatibles Se rfrant aux capitulaires de Charlemagne auteur soutient selon le critre mdival que initiateur de la dynastie royale re le trne pour lui-mme en mme temps il recevait la vocation lui succder de la race issue de lui chaque nouvelle succession le sacre doit ratifier publiquement cette vocation comme accomplissement une lection personnelle35

Une fois rsolu le problme il reste adapter la doctrine moderne un cri tre de transmission du pouvoir labor dans la culture et dans la pratique mdivales Or la doctrine moderne mancipait la transmission du titre royal de acte du couronnement tant dans la version juridico-lgale pour laquelle le roi devenait tel en vertu du droit public du royaume que dans la version dynas tique qui insistait sur le rle du sang comme principe de transmission auteur per oit la complexit de ce nouveau problme Il avertit le lecteur que sa solution met en cause toute la reconstruction historique il mobilise appui de son interprtation du sacre Il interroge

Mais celui qui se trouve objet un tel pacte envers lequel la patrie est constitue dbitrice de la dignit royale doit-il attendre que les mains de cette mre bienfaitrice lui ceignent le front du diadme ou croire que son seul sang le lui dfre sans avoir besoin aucun consentement En un mot est-il oblig de recevoir la royaut ou lui est-il permis de en saisir comme si elle tait son hri tage propre Voil le ud gordien que la force et la flatterie tranchent tou jours que amour de la justice est seule capable de dnouer36

Voici donc un ud gordien ailleurs confusment formul car pour rendre au sacre sa valeur institutio ab hominibus auteur fait appel opposition entre transmission lgale la nation tant prsente comme dbitrice de la dignit royale et transmission dynastique par le sang il insinue subreptice ment que la seconde relve du droit priv L o le sacre se voyait priv de valeur lgale en raison prcisment de la distinction entre droit public et droit civil auteur recours une habile manipulation des sources historiques Il ne peut ignorer la grande innovation avait constitue la thorie statutaire de Jean de Terre Rouge dans la conception de la succession au trne Mais de son trait il cite les passages qui dsignent les deux modes de succession et insiste sur le droit du sang qui dans la loi coutumire fonde la dvolution du trne De la distinction pose par Terre Rouge il tire enfin un argument en faveur une instance lgislative qui serait manation des hommes qui dfinissent consensuellement les rgles de la vie sociale Qui plus est auteur rduit la nou veaut thorique du Contra Rebelles Suorum Regum en identifiant dans les textes contemporains de Clo vis le mme principe une dvolution du titre

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royal rgle par la loi du Royaume et non point par la volont testamentaire un prdcesseur37

La mme dmarche qui fossilise la doctrine du droit public au nom une continuit historique abstraite qui rduit ou annule le changement et innova tion se retrouve lorsque auteur du Sacre Royal cherche donner corps ide de souverainet nationale Le problme tant cette fois de reprer dans le rite du sacre les vritables agents de la souverainet nationale les mandataires du peuple lus par lui et qui leur tour lisaient le souverain parachevant ainsi la transmission hrditaire Il agit des pairs de France les principaux protagonistes du rituel aprs le roi Mais au xvine sicle ces pairs qui partici paient au sacre taient des princes de sang royal qui taient investis aucune reprsentativit de la part de la nation Comment ds lors les considrer comme partie contractante renouvelant avec le roi le pacte originaire alors eux-mmes taient issus de la dynastie rgnante Une manipulation philolo gique supplmentaire permettait nouveau de rsoudre le problme

auteur du Sacre Royal vacue toute distinction entre les pairs de France qui depuis le xnie sicle figuraient dans les ordines et les pares indi

vidus de condition sociale et politique gale Il affronte ainsi un des problmes les plus complexes de histoire de France celui de origine de la pairie il fait remonter poque carolingienne mieux mrovingienne un temps o selon lui survit encore organisation administrative et judiciaire de la Gaule antique Les pairs avaient alors la fonction de juges38 Leur prsence tait ncessaire authentification un acte public ou un serment et cela aux diffrents niveaux de juridiction du district la province et au pays tout entier Le sacre comme tout acte public devait donc tre soumis la validation des pairs-juges il tait accompagn un serment auquel il tait ncessaire de donner une forme lgale Ces pairs enfin qui taient prsents au sacre taient investis une vritable reprsentativit puisque depuis les premiers niveaux juridiction nels les districts ils taient lus par le peuple Un distinguo supplmentaire entre pairs de la nation et pairs du domaine dont les prrogatives lies existence un titre priv comme le fief taient pas recevables il agissait un acte public comme le sacre permet auteur de se rfrer une impossible distinction rtrospective entre droit public et droit priv Il peut

partir de l rendre compte des pairies mdivales et expliquer leur runifica tion la couronne et comprendre en consquence elles aient pu tre ensuite reprsentes par des princes du sang opration lui permet en tout cas de revendiquer pour les pairs prsents au sacre une fonction reprsentative de la nation tout entire ainsi une prrogative lective ils sont les chefs de administration provinciale directement mandats par le peuple mme si on pouvait supposer que dix sicles histoire les avaient dpouills de leur droits anciens

Ainsi un incroyable dossier erudii appui on pouvait tenter en plein xviiie sicle de relire histoire et de dmontrer que le sacre ne se rduisait pas comme le voulait Encyclopdie une simple crmonie religieuse dont le but eut t de dmontrer au peuple que la personne du roi tait sacre et inviolable et il tait point permis attenter sa vie39 Le Sacre Royal dmontrait citations en abondance appui que le rite inaugural tait un moment essentiel de la vie publique au cours duquel la souverainet de la nation se voyait

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reconnue et reconfirme Cette uvre anonyme prsentait ainsi une tentative partiellement russie si on laisse part ses approximations en matire rudition pour ancrer le droit dans histoire un et autre se lgitimant rciproquement Au terme une longue volution de la doctrine juridique de la royaut lasticit des notions de lois fondamentales et de constitution les ren dait aptes toute interprtation ainsi la dmonstration de thses contradic toires entre elles

La tentative mme embryonnaire pour faire concider une reprsenta tion archaque et une reprsentation moderne du pouvoir royal en revendi quant la souverainet nationale en affirmant les notions de contrle de consensus et la fonction lgislative de la nation est patente dans les passages de ouvrage qui sont plus prcisment consacrs aux serments du roi On lit dans la finalit immdiate de actualit politique une rvaluation globale du sacre40 propos du privilge ecclsiastique auteur soutenait ainsi que le clerg tait nullement exempt de contribution financire aux besoins de la nation si assemble des reprsentants de celle-ci estimait ncessaire ailleurs il mettait en cause la validit de la clause sur extermination des hrtiques inapplicable dans ordre temporel elle avait pas t autorise par la nation Il reste au-del de ces mentions sommaires uvre manquait une laboration plus complte du principe de la souverainet nationale et une rflexion sur les modalits et les formes qui devaient la rendre effective On peut probablement expliquer par le fait que les deux reprsentations du pou voir celui du souverain et celui de la nation taient jamais per ues comme exclusives auteur les intgrait en fait et russissait les concilier au prix une constante oscillation qui traverse uvre entre la rfrence aux doctrines politiques mdivales une part et de autre idologie parle mentaire des annes 177041 Cette conciliation tait possible que parce il en tenait une vision morale de la royaut ici dfinie par la volont unanime et qui comporte identit absolue entre le roi et la nation

Le jour de son inauguration le roi accde selon auteur la dignitas par la runion des sujets sa personne est ce qui semble expliquer la difficult il prouvait donner un contenu concret par-del les dclarations de principe la souverainet de la nation Dans ide de concidence et unanimit persistait une reprsentation de type anthropomorphique du pouvoir il posait la souve rainet de la nation il restait pourtant incapable de la concevoir en dehors une parfaite adquation entre les deux ples du systme politique les sujets et le souverain qui appelait la mtaphore du corps Comme homme est com pos un corps et une me ainsi un Royaume est compos du roi qui gou verne et des peuples qui sont gouverns 42 La souverainet de la nation et les droits que mentionne auteur du Sacre Royal accdaient jamais au statut de reprsentations abstraites impersonnelles dsincarnes Insparable de la royaut la souverainet nationale tait incompatible avec ide un dsaccord ou une dcision politique elle excluait la possibilit une rupture du contrat social originel Et la participation politique et lgislative de la nation tait reconnue comme une variable propre la reprsentation traditionnelle du pou voir Dans une formulation thorique et juridique le Sacre Royal faisait ainsi cho une reprsentation iconographique vieille de deux sicles qui figurait la fin des guerres de religion et avnement Henri IV la France apparaissait

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comme une femme dont le corps spar en deux moitis se recomposait avnement du nouveau roi

Le thme de unanimit morale de union des volonts qui la fin du xvie sicle avait servi mettre fin aux dchirements du corps social faisait du souverain un point de ralliement en mme temps que le lieu o tous les conflits politiques se voyaient neutraliss Le roi trouvait investi une lgitimit morale a-politique une fonction arbitre et de garant de la paix et du bien collectif Une telle image de la royaut renvoyait une idologie du pouvoir monarchique fonde sur thique qui permettait de transcender en annu lant existence de dsunions oppositions intrts et de conflits au sein du corps social Et est prcisment cette idologie qui continuait prvaloir la fin du xvine sicle interdisant comme dans le Sacre Royal de tirer les cons quences logiques de ide une nation souveraine Du mme coup la tentative pour fonder le droit dans histoire demeurait illusoire et sans vraie cons quence

Dans les relations des contemporains spectateurs directs du sacre de Louis XVI la crmonie continue vhiculer la mme notion unanimit morale et intgration collective exprimait le Sacre Royal Limage du roi adapte la nouvelle langue des Lumires mais elle conserve intacts les traits archaques de idologie de la royaut De cette imbrication entre ancien et le nouveau on trouvera un autre exemple encore dans la relation du sacre que publie le Journal Encyclopdique t de 1775

La prsentation publique du roi Reims apparat comme un vnement exceptionnel qui rien de commun avec ses apparitions Versailles dans la routine rgle de son sjour habituel ou avec ses passages Paris o la confu sion de la foule interdisait toute motion profonde Reims est une synthse de Versailles et de Paris le rituel unit la cour et la foule Le sacre rassemble les fastes de tiquette et des prsances la hirarchie des grands et enthousiasme collectif acclamation de la foule il adresse opinion auteur du repor tage du Journal Encyclopdique Jean Levesque de Poulily presidiai au parle ment de Reims et reprsentant de ce milieu acadmique provincial qui diffuse une version tempre du langage de la modernit philosophique recourt la mtaphore de la famille pour dcrire ce spectacle unique Le royaume est une immense famille longtemps prive un pre qui retrouve enfin ses enfants le jour du sacre Ainsi acte public le plus clatant le plus tranger la dimension prive le rituel qui clbre et rinstitue chaque nouvel avnement ingalit des rangs qui fixe les prsances exalte la hirarchie des ordres et les dpasse dans exaltation un homme absolument diffrent et distant de ses sujets le sacre se voit rhtoriquement transform en une fte de famille laquelle sont attachs des valeurs inverses sinon contraires celles que clbre la crmo nie galit la proximit la transparence et la confiance des relations prives

Nul dsordre nul emportement les gardes se confondent avec le peuple et partagent cette motion Les grands sont entraines paroissent avoir oubli tiquette du rang Tout conspire les toucher les regards un roi qui semble leur dire soyez heureux de ma joie comme je le suis de la joie de mon peuple et les regards un peuple qui vient de former avec eux le rsultat une confiance mutuelle il plus de grands il plus de petits ce sont

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des frres ce sont des amis qui prouvent le bonheur de se revoir aprs une longue absence qui tous de concert rapportent hommage de leur ur au chef respectable qui les rassemble et qui les unit Cependant au milieu de ces transports personne oublie les gards chacun est son rang mais chacun est citoyen43

occasion du dernier sacre de Ancien Rgime ethnographie de la royaut et analyse de la doctrine juridique de la monarchie dmontrent une et autre la vitalit des reprsentations du pouvoir incarn que clbre le rite inaugural

Au xvnie sicle la crmonie de onction et du couronnement traduit dans sa morphologie le stade ultime une stratgie adaptation de hritage tradi tionnel aux exigences nouvelles de la doctrine de la royaut tudi dans sa dynamique le rituel du sacre fait voir comment ont perdur image de la sou verainet et les reprsentations du pouvoir il clbre La gurison des crouelles qui inscrit le pouvoir royal dans le temps sans histoire du mythe thaumaturgique et dans la continuit statique une anthropologie religieuse donne de la perception collective de la royaut une image arrte Le sacre fait voir en revanche comment un strotype archaque se prte adaptation et innovation

travers les efforts de critique historique et la rflexion contemporaine qui accompagne le dernier sacre de Ancien Rgime fait apparatre quels inves tissements politiques taient encore possibles sur un matriel symbolique tradi tionnel Il permet de comprendre et peut-tre expliquer en partie la diffi cult du rgicide de 1793 et nigme que Michelet qui entrevue nous lgue

Marina VALENSISE EHESS-Institut Raymond Aron

Universit di Roma

Traduit par Michle et Jacques Revel

NOTES

Cet article est la nouvelle version une tude parue dans les Annali della Fondazione Luigi Einaudi XVI 1982 rflexion ne au sein du sminaire EHESS anim par Fran ois Furet et Mona Ozouf ma dette envers eux qui depuis fait que crotre ajoute celle envers Jac ques et Michle Revel qui ont parfaitement traduit mon italien ils trouvent ici le signe de ma reconnaissance

Jules MICHELET Histoire de la Rvolution fran aise vols Paris La Pliade Paris 1952 livre IX chap vu II 95 Sur interprtation de la Rvolution par Michelet Claude LEFORT

Permanence du thologico-politique Le temps de la r flexion II 1981 pp 13-60 Ernest KANTOROWICZ The Two Bodies Study in Mediaeval Political Theo

logy Princeton 1957 Sur cet ouvrage cf Marcel GAUCHET Des deux corps du roi au pouvoir sans corps Christianisme et politique Le Dbat no 14 1981 pp 133-157 et no 15 1981 pp 147-168 572


Otto VON GIERK Johannes Althusius und die Entwicklung der naturrechtlichen Staats theorien Breslau 1880 pus magnum du grand historien allemand Das deutsche Genossen schaftsrecht vols Berlin 1868-1913 reste une rfrence indispensable

Ralph SEY The Royal Funeral Ceremony in Renaissance France Genve 1960 Sarah HANLEY The Lit de Justice of the Kings of France Constitutional Ideology in Legend Ritual and Discourse Princeton 1983 Richard JACKSON Vivat Rex History of the French Coronation Ceremony from Charles to Charles Chapel Hill 1984 Lawrence BRYANT The French Royal Entry Ceremony Politics Society and Art in Renais sance Paris Ann Arbor University Microfilm 1978

Je pense notamment la lgitimation des enfants naturels de Louis XIV et leur lvation la succession la couronne en cas extinction de la race rgnante Ces dispositions royales rv lent le point extrme et en mme temps la crise de absolutisme en matire de droit public Elles mritent une analyse systmatique que espre un jour pouvoir publier Pour un inventaire des pices concernant ce sujet Claire SAGUEZ-LOVISI Les lois fondamentales au XVIIIe sicle Recherches sur la loi de dvolution de la couronne Paris 1983

Nicolas MENIN Trait historique et chronologique du Sacre et couronnement des rois et reines de France Paris 1723 175 Sur le problme de la lgitimit de la succession dans la monarchie fran aise GIESEY The Juristic Basis of Dynastie Right to the French Throne Transactions of the American Philosophical Society LI 1961 pp 3-44

Sur la conception mdivale de la transmission du pouvoir royal Robert HOLTZMANN Franzsische Verfassungsgeschichte Munich-Berlin 1910 Fritz KERN Gottesgnadentum und Widerstandrecht im Frhren Mittelalter zur Entwicklungsgeschichte der Monarchie Leipzig 1914 Gaines POST Studies in Mediaeval Legal Thought Public Law and the State 1100-1322 Princeton 1964 Berndt SCHNEIDM LLER Karolingische Tradition und frhes franzsisches Knigtum Wiesbaden 1979 Sur interaction des diffrents ordines du rite du couronnement au Moyen Age Percy SCHRAMM Der Knig von Frankreich Das Wesen der Monarchie vom zum 16 Jahrundert vols Weimar 1939 Cornelius BOUMAN Sacring and Crowning The Development the Latin Ritual for the Anointing of Kings and the Coronation an Emperor before the Eleventh Century Groningen 1957

Toutefois dans les actes de la chancellerie royale est partir de 1142 que usage de prendre pour date le jour de la mort du prcdent roi devient normal et presque exclusif Je dois ce renseignement la courtoisie de Jacques Le Goff

Je suis la datation du trait de Terre Rouge propose par Andr LEMAIRE Les lois fonda mentales de la monarchie fran aise aprs les thoriciens de Ancien Rgime Paris 1907 pp 54- 62 Sur la doctrine juridique de cet auteur GIESEY The French Estates and the Corpus Mysticum Regni dans Album Helen Maud CAM tudes prsentes la Commission internatio nale pour Histoire des Assembles tat XXIII 1960 pp 153-171 et aussi Jean BARBEY La fonction royale Essence et lgitimit aprs les Tractatus de Jean de Terrevermeille Paris 1983

10 Jean DE TERRE ROUGE Contra Rebelles suorum regum Lyon 1526 Tractatus Art Conclusio XV ff.XVr-v pp 88-89 de dition de 1585 publie par Fran ois HOTMAN en appen dice la Diputatio de controversia successionis Regiae Sur la lgende Hincmar Marc BLOCH Les rois thaumaturges tudes sur le caractre surnaturel attribu la puissance royale particuli rement en France et en Angleterre Strasbourg 1924 pp 224-227 Francis OPPENHEIMER The Legend of the Sainte Ampoule Londres 1956 pp 27-37 Jean DEVISSE Hincmar archevque de Reims 842-882 vols Genve 1976 II pp 1008-1054

11 Le protocole observ aux xvne et xvine sicles avait t tabli en 1610 lors du sacre de Louis XIII On peut le lire sous le titre de Formulaire moderne qui obserue au Sacre et couron nement des roys de France. Recueilly exprs pour seruir au Sacre du Roy Louis XIII dans le grand recueil in-folio de documents sur les crmonies royales par Thodore et Denys GODEFROY Le crmonial fran ais vols Paris 1649 Sur la rationalisation de ces codes de civilisation Nor bert ELIAS ber den Prozess der Zivilisation Soziogenetische und Psychogenetische Untersu chungen vols Francfort-sur-le-Main 1977 trad frse La civilisation des urs Paris 1973 La dynamique de Occident 1976 Id. Die hfische Gesellschaft Untersuchungen zur Socio logie des Knigtums und der hfischen Aristokratie mit einer Einleitung Soziologie und Geschichtswissenschaft Neuwied-Berlin 1969 trad frse La socit de cour Paris 1975 et

rest Courtesy Absolutism and the Rise of the French State 1630-1660 Journal of Modern History LII 1980 no pp 426-451

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Au xvu sicle un nouveau recueil de documents par Jean DUMONT Le crmonial diploma tique des cours de Europe Amsterdam 1739 continue uvre des Godefroy tout en lui don nant une dimension cosmopolite Ces deux recueils ont t utiliss pour tablir le protocole du Sacre de Louis XVI en 1775 que je suis ici aprs Vordre de la marche et des crmonies qui seront observs au Sacre et couronnement de Sa Majest Louis XVI par MOREAU LE JEUNE Paris 1775 B.N. Lb 39 181) et aprs Pons Augustin ALLETZ Crmonial du Sacre des rois de France Paris 1775

12 Comme le montre le premier trait sur le sacre des rois de France crit au xive sicle par le moine carmlite Jean GOLEIN o on trouve une explication dtaille du triple passage dans la consigne de pe Lespee mise dedens le fourrel la quele II taillans signifie quie prent de Dieu auctorit pour def endre les bons et pour chastier les mauvais Le fourrel signifie meurtre de conseil et bonne deliberaci en faiz de guerre Le pommel signifie la retraite que len doit faire la foiz par misricorde et pour ce est la croix en remembrance de la piti que le filz de Dieu Roy des Roys et de ses amis et de ses enemi en la croix La pointe de espe signifie que on doit les obstinez anemis estoquer et poindre dition tablie par JACKSON Proceedings of the American Philosophical Society CXIII 1969 no pp 305-324 314 pour le passage cit)

13 JACKSON op cit. chap pp 156-171 14 Edit portant rglement pour les duchs et les pairies de France Marly mai 1711 dans

ISAMBERT Recueil gnral des anciennes lois fran aises XX pp 565-569 Trois ans aprs cet edit Louis XIV dclare les princes lgitims le duc de Maine et le comte de Toulouse capables accder la couronne en cas absence de princes lgitimes En 1717 un nouvel edit de Louis XV annule les dispositions de Louis XIV en faveur de ses enfants naturels tout en recon naissant la nation le droit de choisir un successeur au trne en cas extinction de la branche rgnante cf ISAMBERT op cit. XXI pp 144-148 anne suivante un edit fixe le rang des princes lgitims selon la date rection de leurs pairies ce qui signifie les placer aprs les princes du sang en matire de prsances ibid. pp 163-166)

15 ALLETZ op cit. 38 16 Sacre et couronnement de Louis XVI. prcd de recherches sur le Sacre des rois de

France et suivi un journal historique de ce qui est pass cette auguste crmonie Paris 1775 pp 95-96

17 KANTOROWICZ Ortens Augusti Lever du Roi Dumbarton Oaks Papers XVII 1963 pp 119-177 JACKSON op cit. chap ix pp 131-154

18 Le rituel des funrailles royales montre au xvne sicle la mme substitution dans les dispo sitifs symboliques qui reprsentent le passage du pouvoir immdiat un roi autre la mta phore du soleil et image du phnix remplacent effigie du roi mort KANTOROWICZ op cit. pp 395 ss GLESEY op cit. pp 177-183

19 ALLETZ op cit. 54 Dans Ordre de la marche des crmonies op cit. on ne trouve aucune trace de la demande des vques Sur le tmoignage du duc de Croy un des invits au sacre de Louis XVI aprs lequel cette demande ne figurait plus dans les instructions aux vques Anton HAUETER Die Krnungen der franzsischen Knige im Zeitalter des Absolu tismus und in der Restauration Zrich 1975 149

20 Nicolas SAINCTOT Crmonies du sacre et couronnement du roi Louis XIV Rheims le juin 1654 dans DUMONT op cit. pp 212-220 ..les vques de Laon et de Beau-

vais le soulevrent de sa chaise il fut debout ils demandrent aux seigneurs assistans et tout le peuple ils acceptaient pour Roy Le silence universel aiant est un tmoignage certain du consentement de tout le monde il assit et se couvrit et officiant luy fit mettre les mains sur les saints vangiles et luy fit prononcer le serment du Royaume 214 Pour le sacre de Louis XIII cf les Particularitez obmises aux prcdentes relations tires un discours manuscrit dans Th et GODEFROY op cit. pp 437-458 et ayant tous unanimement approuv par leur paisible consentement 449)

21 ordre observ au Sacre et couronnement du Roy Henri II Rheims le 28 lulliet de an 1547 dans Th et GODEFROY op cit. pp 279-293 Et aprs que le dit Seigneur eut fait le serment de Promitto il fut subslev de sa chaire par lesdits Euesques de ngres de Beauuais Lesquels estant ains debout firent contenance de demander au peuple circonstance ils acceptoient pour Roy Et comme ayans receu le consentement du dit peuple mondit Sieur de

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Rheims luy fit faire serment du Royaume 287 Sur ce problme JACKSON op cit. chap vin pp 115-127

22 Nicolas DE THOU ordre observ au Sacre et Couronnement de Henri le Grand an 1594 dans Th et GODEFROY op cit. pp 346-383 361 Sur utilisation de la thse de lectivit de la royaut par les ligueurs Friedrich BAUMGARTNER Radical Reactionaires the Political Thought of the French Catholic League Genve 1975 pp 173-199 Le distinguo de de Tnou suivait celui du greffier au Parlement de Paris Jean DU TILLET Zea Mmoires et les recherches Rouen 1578 pp 143-145 Sur cet auteur Donald KELLEY Foundations of Modem Historical Scholarship Language Law and History in French Renaissance France New York 1970 pp 215-238 et aussi HANLEY op cit. pp 102-125 La rfutation de la thse de lectivit figure aussi chez Cardin LE BRET De la souverainet du Roy Paris 1632 liv chap IV 27 qui cristallise le sacre dans la dimension purement religieuse efface le caractre constitutionnel de la confirmation des devoirs rciproques entre le roi et le peuple et prpare ainsi le passage intellectuel la doctrine du droit divin Sur cet auteur Georges PICOT Cardin Le Bret 1558-1665 et la doctrine de la souverainet Nancy 1948 et William CHURCH Richelieu and Reason of State Princeton 1972 pp 268-286 Dans cette archologie du droit divin on doit accorder une place essentielle la propagande des politiques Si le sacre est plus utile la trans mission du pouvoir ni la dclaration des principes constitutifs de la monarchie il aide nan moins garder le pouvoir en le rendant vnrable est ce on note dans la Satyre Mnipe de la vertu du catholicon Espagne et de la tenue des Estatz de Paris s.L 1593 Ainsi la mystique ancienne de la royaut thocratique se plie la politique moderne Le sacre se transforme en ins trumentum regni qui permet au prince tre craint et aim par ses sujets

23 Les crmonies du Sacre du Trs Chrestien Roy de France et de Nauarre Louis XIII par le Cardinal de loyeuse Rheims le 17 octobre 1610 dans Th et GODEFROY op cit. pp 404-419 410)

24 Formulaire moderne qui obserue au Sacre et couronnement des roys de France Auec toutes les crmonies prires et oraisons. recuilly exprs pour seruir au Sacre du Roy Louis XIII dans Th et GODEFROY op cit. pp 52-76 59 pour le deuxime texte cf les Particularitez obmises cits la note 20 ci-dessus

25 DE THOU op cit. 369 Pour le sacre de Louis XIII Th et GODEFROY op cit. 412 Pour le sacre de Louis XIV et pour celui de Louis XV DUMONT op cit.

pp 216 et 226 Dans oraison qui accompagne la consigne de anneau demeure la signification mdivale de emblme Recevez cet anneau qui est le signe de la foi de votre dignit royale la marque de votre puissance afin que par son secours vous triomphiez de vos ennemis vous dtruisiez hrsie vous teniez vos sujets dans union demeuriez persveremment attach la foi catholique ALLETZ op cit. 105 Voir aussi SCHRAMM op cit. 239 et

KANTOROWICZ op cit. pp 212-223 26 aprs HANLEY op cit. 83 la mtaphore du mariage entre le roi et son royaume

parat pour la premire fois en 1527 dans le discours du prsident du Parlement de Paris Jean de Selves lors du dbat sur annulation du Trait de Madrid qui prvoyait la cession de la Bourgogne et autres territoires fran ais aux Habsbourg

27 ALLETZ op cit. 126 Pour le sacre de Louis XIII Th et GODEFROY op cit. 414 Pour le sacre de Louis XIV DUMONT op cit. 35 Le 25 octobre 1722 lors du

sacre de Louis XV entre du peuple dans la cathdrale eut apparemment lieu aprs intronisa tion du roi ibid 226

28 Je fais allusion au duc de SAINT SIMON dont on peut lire le Mmoire succint sur les for malits desquelles la renonciation du roy Espagne tant pour luy que pour sa postrit doit tre revtue en France pour tre justement et stablement valide dans crits indits dition tablie par Paul FAUG RE vols Paris 1880 II pp 181-408

29 Selon Turgot la promesse glise de Louis XVI aurait pu se rduire cette phrase Toutes les glises de mon Royaume doivent compter sur ma protection La formule du ser

ment du royaume aurait d tre Je promets Dieu et mes peuples de gouverner mon royaume par la justice et par les loix de ne jamais faire la guerre que pour une cause juste et indispensable employer toute mon autorit maintenir les droits de chacun de mes sujets de les dfendre contre toute oppression et de travailler toute ma vie les rendre aussi heureux il dpendra de moi TURGOT uvres... vols Paris 1808-1911 VII pp 314-315 La formule

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traditionnelle du serment du royaume tait la suivante Haec populo Christianu et mihl subdito in Christo promitto nomine Inprimis ut Ecclesiae Dei omnis populus Christianus pacem nostro arbitrio in omni tempore servet Item ut omnes rapacitates et omnes iniquitates omnibus gradibus interdicam Item ut in omnibus iudiciis aequitatem et misericordiam praecipiam ut mihi et vobis indulgeat suam misericordiam demens et misericors Deus Item de terra mea iurisdic- tione mihi subdita universos haereticos ab Ecclesia den talos pr viribus bona ide exterminare studebo Haec omnia dicta firmo iuramento sic me Deus adiuvet et haec saneia Dei Evangelia

ALLETZ op cit. 55 Les termes traditionnels de la promesse glise auxquels Louis XVI en tint son sacre taient Promitto vobis et perdono quod unicuique de vobis et Ecclesiis vobis commissis canonicum privilegium et debitam legem atque iustitiam servabo et defensionem quantum potero adiuvanteDeo exhibeo sicut Rex in suo regno unicuique episcopo et Ecclesiae sibi commissae per rectum exhibere debet Ibid 53 Sur les tentatives de rforme par Turgot cf Pierre FONCIN Essai sur le ministere Turgot Paris 1877 et Hermann WEBER

Das Sacre Ludwigs XVI von 11 Juni 1775 und die Krise des Ancien Regime dans Vom Anden Regime zur franzsischen Revolution textes dits par HINRICHS RHAUS SCHMITT Gttingen 1978 pp 536-565 30 PrDANSAT DE MAIROBERT Espion Anglois ou Correspondance secrte entre

Milord Eye et Milord Ear vols Londres 1779 343 31 Jules FLAMMERMONT Le Chancelier Maupeou et les Parlements Paris 1885 Furio DIAZ

Filosofia politica nel Settecento francese Turin 1962 pp 455 ss Jean EGRET Louis XV et opposition parlementaire Paris 1970 Willi

Le Sacre du roi

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