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Le deacuteclin des communes de grands ensembles effets dela forme urbaine ou de la seacutegreacutegation sociale
Jean - Bernard Chebroux
To cite this versionJean - Bernard Chebroux Le deacuteclin des communes de grands ensembles effets de la forme urbaine oude la seacutegreacutegation sociale Sociologie Universiteacute de Lorraine 2012 Franccedilais NNT 2012LORR0330tel-01749326
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Le deacuteclin des communes de grands ensembles effet de la forme urbaine ou
de la seacutegreacutegation sociale
Jean-Bernard CHEBROUX
Thegravese de doctorat de Sociologie
Sous la direction de Jean-Marc STEacuteBEacute Professeur des Universiteacutes
Jury
2012
1
2
SOMMAIRE
Introduction 7 PROBLEacuteMATIQUE
DES EXCLUS DANS LES GRANDS ENSEMBLES CAUSE DE LEUR DECLIN OU MODALITE SPATIALE DE LA SEGREGATION SOCIALE 25
CHAPITRE I LrsquoEXCLUSION SOCIO-ECONOMIQUE DEPUIS LES ANNEES 1970 UN PREMIER SIGNE DE LA
SEGREGATION SOCIALE MODERNE 29 A- Le contexte de lrsquoexclusion un reacutegime politique neacuteolibeacuteral 30 B- Analyses sociales politiques et sociologiques de lrsquoexclusion 41 C- Les effets eacuteconomiques et sociaux de lrsquoexclusion 55
CHAPITRE II LE DECLIN DES GRANDS ENSEMBLES EFFET ET MODALITE SPATIALE DE LA SEGREGATION
SOCIALE PERSISTANTE DES MOINS QUALIFIES 67 A- Exclusion releacutegation spatiale et laquo ghettoiumlsation raquo dans les grands ensembles 68 B- Des politiques de la ville et sociales territorialiseacutees inefficaces 79 C- Lacunes institutionnelles ghettoiumlsation et deacuteclin social urbain 92 D- Le deacuteclin social des communes de grands ensembles un effet drsquoune modaliteacute spatiale de la
seacutegreacutegation sociale 109 PREMIEgraveRE PARTIE
LES ULIS AU TOURNANT DES ANNEES 2000 LES SIGNES DU DECLIN SOCIAL AU SEIN DrsquoUN ESPACE DE CLASSES MOYENNES 115
CHAPITRE III LES ULIS DU GRAND ENSEMBLE POUR UNE laquo VILLE NOUVELLE raquo AU PEUPLEMENT EN
DIFFICULTES 118 A- Preacutesentation geacuteneacuterale de la commune 118 B- Lrsquoobservatoire local un dispositif strateacutegique de recueil de donneacutees multiples 130 C- La structure sociodeacutemographique et eacuteconomique deacuteclinante de la population 138
1 La dynamique de deacutecroissance deacutemographique plus de deacuteparts faibles deacutecegraves et naissances et vieillissement 139
2 La sous-moyennisation de la population 144
CHAPITRE IV DES SIGNES IMPORTANTS DE PRECARITE DrsquoEXCLUSION ET DE TENSIONS SOCIALES 154
A- La demande de logement social indicateur de releacutegation socio-spatiale locale 154 B- Preacutesence importante de la preacutecariteacute socio-eacuteconomique 164
1 Un chocircmage laquo officiel raquo faible et fluctuant selon les sources 165
2 Une estimation de lensemble des sans emploi et sous-employeacutes de la ville 170 C- Une importante population issue de lrsquoimmigration 184
1 De lrsquoimmigration agrave la population ethnique 185
2 La laquo population ethnique raquo aux Ulis une population preacutecaire de lrsquoimmigration surtout dans lrsquohabitat social 190
3
D- Inseacutecuriteacute eacuteleveacutee de voisinage et dans lrsquoespace public violence preacutedation et drogue 204 1 La violence et les preacutedations constateacutees par la police et drsquoautres acteurs locaux 204
2 Violences et deacutesordres nombreux dans la plupart des espaces de la ville 215
3 Lrsquousage et la vente de drogue tregraves reacutepandus 221
DEUXIEgraveME PARTIE
DES VILLES DE GRANDS ENSEMBLES EN MILIEU RURAL ET PERIURBAIN DES SITUATIONS SOCIALES NEGATIVES 229
CHAPITRE V DES GRANDS ENSEMBLES DIFFERENTS DANS DES CONTEXTES SPATIAUX VARIES 231
A- Un grand quartier drsquoune petite ville en croissance continue Pierrelatte (Gard) 233 B- Une grande Citeacute agrave lrsquoeacutecart des villes et du village communal Fareacutebersviller (Moselle) 239 C- Une grande Citeacute en peacuteripheacuterie drsquoune petite ville et agrave lrsquoeacutecart du village communale Behren-
legraves-Forbach (Moselle) 246 D- Une petite laquo Ville nouvelle raquo agrave distance des villes et du village communale Mourenx
(Pyreacuteneacutees-Atlantiques) 252 E- Plusieurs quartiers drsquoune petite ville Bagnols-sur-Cegraveze (Gard) 264 F- Une grande laquo Ville nouvelle raquo entre deux villages proche drsquoune grande ville Rillieux-la-Pape
(Rhocircne) 271
CHAPITRE VI 282 LA SIMILITUDE DES SITUATIONS ET DES DYNAMIQUES SOCIALES NEGATIVES SOUS DES FORMES
VARIEES 282 A- Des univers sociaux et urbains contrasteacutes mais modestes 283 B- La deacutecroissance deacutemographique post-construction des grands ensembles 295 C- Lrsquoamplification de la deacute-densification et du vieillissement des meacutenages 307 D- Une population plus ouvriegravere et deacuteconnecteacutee du travail 320 E- Violence et inseacutecuriteacute dans les relations sociales 326
TROISIEgraveME PARTIE
DES MILIEUX SOUMIS A LA SEGREGATION SOCIALE ET URBAINE 333
CHAPITRE VII LES COMMUNES DE GRANDS ENSEMBLES ETUDIEES DES MILIEUX TENDUS COMPLIQUANT
LrsquoINTEGRATION SOCIALE 336 A- Pauvreteacute culturelle preacutecariteacute eacuteconomique et violence dans les grands ensembles 337
1 Pauvreteacute eacuteconomique et culturelle dans des contextes urbains diffeacuterents 338
2 Une ambiance laquo lourde raquo drsquohabitation 352
3 Des institutions laquo deacutepasseacutees raquo par les difficulteacutes et la violence 364 B- laquo Ghettoiumlsation raquo des espaces et des conduites sociales un processus affectant les zones de
grands ensembles 370 1 Un processus structurel la laquo ghettoiumlsation des ghettos raquo traditionnels et des espaces marginaliseacutes 371
1 Une redeacutefinition du ghetto adapteacutee monde contemporain 386
2 Du ghetto au deacuteclin social urbain des communes de grands ensembles 404
CHAPITRE VIII LES DETERMINANTS PRODUCTIFS ET SOCIAUX DU DECLIN DES GRANDS ENSEMBLES 419
A- Constructions deacutefectueuses urbanisme inadapteacute et deacuteveloppement urbain deacutefavorable aux grands ensembles 420
1 Historique sociale et politique de la construction des grands ensembles 421
2 Des deacutefauts multiples de production urbaine et drsquohabitat 442
3 Eacutevolution des espaces reacutesidentiels et de la fonction des grands ensembles 462
4
B- Deacuteclin des grands ensembles et logiques politiques et sociales seacutegreacutegatives 470 1 La deacutetermination politique et eacutetatique de la laquo crise raquo des grands ensembles 471
2 La logique seacutegreacutegative des rapports sociaux aux grands ensembles 479
3 La spirale des seacutegreacutegations sociales et urbaines 500
4 Reacutenovation des grands ensembles de lrsquoobjectif de mixiteacute aux effets de la seacutegreacutegation urbaine 507
CONCLUSION
COMMUNES EN DECLIN ET SEGREGATION EN HAUSSE LA LOGIQUE SOCIALE DrsquoUNE FORME DrsquoINEGALITE SPATIALE 533
Liste des Sigles 547
Annexe
Les onze minima sociaux en France en 2011 550 BIBLIOGRAPHIE 551
Reacutesumeacute 574
5
6
Introduction
Dans les pays deacutemocratiques drsquoeacuteconomie avanceacutee du monde et en France depuis le
deacutemarrage de la crise-mutation de lrsquoeacuteconomie industrielle agrave partir du milieu des anneacutees 1970
deux types de pheacutenomegravenes sociaux et urbains ont eacutemergeacute et se sont deacuteveloppeacutes sous des
formes diverses dans le temps et lrsquoespace la paupeacuterisation croissante de ceux subissant
lrsquoexclusion et la preacutecariteacute eacuteconomique et sociale et leur releacutegation urbaine dans les espaces
urbains reacutesidentiels deacutevaloriseacutes socialement Ce double mouvement de diffeacuterenciation de la
structure sociale suscite des tensions vives notamment dans les villes qui en constituent le
principal theacuteacirctre de manifestation
Parmi les reacuteactions de la part de ceux qui subissent la mise agrave lrsquoeacutecart urbaine les eacutemeutes des
adolescents et jeunes adultes illustrent le plus nettement ce manque drsquointeacutegration de familles
les plus fragiles du fait de lrsquoabsence de structures et de mesures eacuteducatives drsquoappui et
drsquoinsertion sociale suffisantes Elles surgissent geacuteneacuteralement agrave la suite drsquoune intervention
policiegravere brutale en tous cas jugeacutee telle pouvant se solder par la mort drsquoune ou de plusieurs
personnes Cet eacuteteacute 2012 par exemple agrave Amiens dans son quartier Nord dans lequel des
voitures brucirclent reacuteguliegraverement depuis plusieurs mois le taux de chocircmage la population
drsquoorigine immigreacutee le trafic de drogue et un climat de violence des jeunes srsquoy sont fortement
deacuteveloppeacutes faisant se deacutetourner certains organismes drsquointervention meacutedicale deux nuits
drsquoeacutemeutes ont eacuteclateacute du dimanche 12 au mardi 14 aoucirct faisant dix-sept policiers blesseacutes et
plusieurs millions drsquoeuros de deacutegacircts en voitures et bacirctiments publics incendieacutes (trois
eacutetablissements dont une eacutecole primaire et un centre sportif) Lrsquoorigine eacutetant imputeacutee agrave une
intervention policiegravere pour arrecircter et controcircler un automobiliste srsquoamusant agrave rouler vite et agrave
contresens dans les rues pregraves drsquoune ceacutereacutemonie drsquohommage agrave un jeune homme mort en moto
trois jours avant1 En Grande-Bretagne un an auparavant pendant lrsquoeacuteteacute 2011 la mort le jeudi
1 laquo Eacutemeutes drsquoAmiens lrsquointervention policiegravere eacutetait ldquojustifeacuteerdquo raquo Lepointfr 23082012 laquo Eacutemeutes les habitants drsquoAmiens sous le choc raquo Lepointfr 14082012
7
04 aoucirct drsquoun homme noir de 29 ans agrave Tottenham quartier pauvre multiethnique du nord de
Londres a deacuteclencheacute des flambeacutees de violence collective et drsquoaffrontements avec la police
eacutetendues agrave Londres puis dans drsquoautres agglomeacuterations Birmingham Manchester Bristol ou
Leicester2 Selon un scheacutema identique agrave celui des soulegravevements de nombreux groupes de
jeunes de quartiers sociaux en France en octobre-novembre 20053 ces violences britanniques
font suite agrave une longue seacuterie drsquoeacuteveacutenements de ce type depuis 1958 agrave Notting Hill (Ouest
londonien) date des premiers soulegravevements de pauvres urbains apregraves la derniegravere guerre en
Europe de lrsquoOuest (Esteves 2011)
En France les premiegraveres laquo eacutemotions populaires raquo modernes de ce type sont apparues degraves la
fin des anneacutees 1970 dans lrsquoagglomeacuteration lyonnaise dans des quartiers de grands ensembles
drsquohabitat ougrave les conseacutequences de la deacutesindustrialisation se sont le plus manifesteacutees avec la
hausse du chocircmage aupregraves des ouvriers et des employeacutes composeacutes en majoriteacute drsquoimmigreacutes et
de leurs descendants peu qualifieacutes (Mucchielli 2011) Les eacutemeutes fortement meacutediatiseacutees de
1981 aux Minguettes agrave Veacutenissieux dans cette mecircme agglomeacuteration ont marqueacute le deacutebut du
caractegravere socialement probleacutematique de ce contexte drsquoineacutegaliteacutes sociales dont le deacutefaut
drsquointeacutegration des jeunes des cateacutegories populaires constitue un trait majeur Leurs laquo fureurs
banlieusardes raquo eacuteclatent sous la domination de deux sentiments susciteacutes par cette expeacuterience
drsquoexclusion (Bachmann Le Guennec 1997) la sensation de lrsquoimpasse et la conscience du
meacutepris des groupes dominants et de lrsquoEacutetat
Depuis le deacutebut des anneacutees 1990 avec des eacuteveacutenements de ce type ayant eu lieu agrave Vaulx-en-
Velin (banlieue lyonnaise) puis dans lrsquoouest de lrsquoagglomeacuteration parisienne (Argenteuil
Mantes-la-Jolie et Sartrouville) la violence eacutemeutiegravere en France srsquoest installeacutee de maniegravere
quasi continue et durable sur tout le territoire avec ses manifestations chaque anneacutee presque
chaque semaine pour 2011 Alain Bertho relegraveve sur son site laquo Anthropologie du preacutesent raquo4
34 eacutemeutes en France hors eacutechauffoureacutees lieacutees aux fecirctes du 14 juillet et de la Saint-Sylvestre
(sauf les affrontements jeunes-polices de lrsquoEst parisien) et pour 2012 il en deacutenombre 13
jusqursquoau 23 juin avec deux articles retraccedilant les eacutemeutes des nuits du 21-22 janvier et du 3-4
mars agrave Forbach (lieacute au quartier de Wiesberg) Cette derniegravere ville fait partie drsquoune
communauteacute de communes agrave laquelle appartient une un des terrains de notre recherche
2 Le Monde laquo Londres connaicirct sa pire nuit drsquoeacutemeutes depuis des anneacutees raquo Lemondefr 07082011 3 Suite agrave une eacutemeute agrave Clichy-sous-Bois (93) pregraves de 300 communes ont eacuteteacute atteintes par des incidents de graviteacute diverse pendant trois semaines totalisant pregraves de 10 000 incendies de veacutehicules de particuliers et plusieurs centaines drsquoincendies de bacirctiments publics notamment drsquoeacutetablissements scolaires 4 httpberthoalaincom consulteacute le 22 juillet 2012
8
Behren-legraves-Forbach en Moselle dont sa Citeacute un des grands ensembles construits pour le
bassin houiller de Lorraine a eacuteteacute gagneacutee par ce mouvement contestataire
Ainsi une nette eacuteleacutevation du niveau de violence entre jeunes et police srsquoest deacuteveloppeacutee par
rapport aux anneacutees 1980 en France avec une hausse du nombre de jeunes concerneacutes et la
diversification des actes entre voitures poubelles magasins et autres eacutetablissements brucircleacutes
pillages de commerces et autres deacutegradations drsquoeacutequipements publics sociaux et priveacutes
(Mucchielli 2011) Lrsquoincompreacutehension et lrsquoimpuissance politiques restent fortes puisque des
politiques sociales et urbaines se sont accumuleacutees et renforceacutees dans ces lieux depuis cette
peacuteriode sans reacutesultats tangibles Drsquoune part la politique intituleacutee laquo Deacuteveloppement social des
quartiers raquo puis laquo Deacuteveloppement social urbain raquo dans les anneacutees 1980 srsquoest transformeacutee en
laquo Politique de la ville raquo structureacutee par un ministegravere une administration centrale particuliegravere et
une loi drsquoorientation pour la ville (1991) Drsquoautre part le controcircle policier des territoires
urbains concerneacutes srsquoest accru avec la creacuteation drsquoun service speacutecifique au sein des
Renseignements geacuteneacuteraux et drsquoune uniteacute drsquointervention dans la police urbaine la Brigade
anti-criminaliteacute (BAC)
Cependant le versant drsquoanimation sociale des habitants preacutecaires et exclus de la politique de
deacuteveloppement social (participation agrave des projets divers) et qui tend agrave se restreindre par ses
principaux promoteurs et opeacuterateurs (Tissot 2007) a globalement eacutechoueacute le niveau de
participation des populations marginaliseacutees reste faible en raison tant du manque de moyens
institutionnels que du deacuteficit de meacutediation entre habitants et deacutecideurs par des organisations
politiques ou associatives Celles-ci sont en deacuteclin depuis trente ans ou parfois
instrumentaliseacutees pour acheter la laquo paix sociale raquo Sans autre intervention exteacuterieure et
institutionnelle de deacuteveloppement eacuteconomique de maniegravere globale tous les problegravemes
viseacutes persistent depuis pregraves de 20 ans ce que relegraveve la Cour des Comptes dans son quatriegraveme
rapport (2012) sur la politique de la ville (Epstein 2012) ineacutegaliteacutes sociales de territoires
difficulteacutes de mobilisation des politiques publiques et de reacutepartition des moyens sur les sites
ainsi que mauvaise articulation entre le Plan national de reacutenovation urbaine (PNRU) mis en
place en 2003 aux effets sociaux faibles5 et les politiques sociales proprement dites
En effet lrsquoeacuteloignement par rapport au systegraveme de repreacutesentation politique est patent faible
inteacuterecirct (accentueacute par lrsquointerdit du vote) pour les eacutelections des cateacutegories eacutetrangegraveres non-
communautaires tendance agrave la stigmatisation et au repli communautaire des groupes arabo-
5 Ce que les rapports parlementaires de 2007 (Seacutenat) et de 2010 (Comiteacute drsquoeacutevaluation et de controcircle de lrsquoAssembleacutee nationale) ont deacutejagrave indiqueacute
9
musulmans et noir-africains non ou faiblement inseacutereacutes faible inteacutegration globale des
habitants en difficulteacutes socio-eacuteconomiques dans les sections locales des partis et dans les
eacutequipes municipales et sur le plan national insuffisante prise en compte des attentes
drsquointeacutegration par les grands partis politiques de gauche traditionnellement relais des
revendications ouvriegraveres et des populations drsquoorigine eacutetrangegravere Plus globalement cette crise
drsquointeacutegration relegraveve selon certains (Donzelot 2006) drsquoune laquo question urbaine raquo qui ne
recouvre pas seulement le constat de lrsquoexistence de la misegravere etou de la violence en zone
urbaine mais exprime plutocirct lrsquoideacutee que les solutions reacutegulatrices deacutependent des instances et
des acteurs politiques eacuteconomiques et sociaux des niveaux locaux et national ayant un
pouvoir de reacutegulation en milieu urbain Cependant lrsquoaction locale drsquoordre spatial etou
social ne suffit pas pour produire le changement des situations sociales des habitants elle
omet lrsquoaction au niveau des structures sociales et des rapports sociaux drsquoordre global agrave
inteacutegrer dans la sphegravere politique (Garnier 2010)
Sur le plan analytique drsquoailleurs divers travaux inclinent agrave distinguer entre drsquoun cocircteacute les
deacuteterminants sociaux de ces problegravemes urbains comme lrsquoeacutevolution des rapports sociaux de
production de la socieacuteteacute et de lrsquoautre cocircteacute leur cadre spatial dans lequel ils se
manifestent ou encore les effets spatiaux qursquoils produisent Ces deux aspects sociaux et
spatiaux ne sont pas sans lien comme lrsquoattestent lrsquoapproche drsquoanalyse des effets de lrsquoespace
associeacutes agrave ceux des rapports sociaux sur les conduites sociales (Remy 1998) Par exemple
en reacutegion parisienne les politiques drsquoameacutenagement drsquourbanisme de logement voire
drsquoeacutequipement ont des effets seacutegreacutegatifs non souhaiteacutes qui renforcent les ineacutegaliteacutes sociales
drsquointeacutegration urbaine (Preacuteteceille 2004) ce que lrsquoEacutetat et les collectiviteacutes locales ne prennent
pas suffisamment en compte Et la speacutecialisation sociale des territoires srsquoaccentue avec les
tendances agrave lrsquoentre-soi seacutelectif des plus riches et des plus qualifieacutes souvent agrave proximiteacute des
eacutequipements scolaires les mieux laquo freacutequenteacutes raquo (Maurin 2002)
Agrave partir de ce contexte notre probleacutematique srsquoest deacuteveloppeacutee autour de questions relevant
drsquoune sociologie des espaces qui connaissent une transformation sociale ayant des effets sur
les rapports sociaux locaux sur les dynamiques des pratiques et des repreacutesentations sociales
Le sujet porte plus preacuteciseacutement sur le type drsquoespace qui sous lrsquoeffet de plusieurs mouvements
de mobiliteacute spatiale et sociale des habitants et de politiques spatiales particuliegraveres des
pouvoirs publics srsquoest meacutetamorphoseacute au point drsquoecirctre devenu un objet-enjeu central de
cristallisation sociopolitique pour le devenir de la socieacuteteacute urbaine moderne les localiteacutes
10
urbaines de grands ensembles drsquohabitation devenues pour lrsquoessentiel des lieux de releacutegation
des plus preacutecaires fragiles et discrimineacutes des agglomeacuterations ou des bassins drsquohabitat
Ces environnements reacutesidentiels sont devenus assez rapidement depuis leur creacuteation des
lieux de tensions et de difficulteacutes sociales multiples et intenses que les instances et les
politiques sociales peinent chroniquement agrave reacutesoudre depuis pregraves de cinquante ans Car degraves la
livraison des premiers grands ensembles par lrsquoEacutetat dans les anneacutees 1950 les critiques par des
observateurs et leur rejet par certains occupants pour de multiples deacutefauts conceptuels et
pratiques se sont rapidement exprimeacutes Deacutefauts mateacuteriels et physiques drsquoabord qursquoune partie
des acteurs politiques a reconnu tregraves tocirct mais sans pouvoir les corriger totalement avec la
rapiditeacute de la dynamique de production (Peillon 2001 Fourcaut 2002 Voldman 2002)
Deacutefauts drsquoordre social ensuite concernant lrsquoennui et le stress reacutesidentiel que procurent la
plupart des environnements construits en raison drsquoune part de lrsquoabsence drsquoactiviteacutes et
drsquoanimation relieacutees agrave des traditions festives et locales (Lefebvre 160) drsquoautre part de la
promiscuiteacute forte lieacutee agrave la sonoriteacute des cloisons et au vide des espaces inteacuterieurs et exteacuterieurs
sans oublier les deacutefauts drsquoeacutequipements de toute sorte la monotonie des formes architecturales
et urbaines et la distance physique culturelle symbolique et sociale avec les environnements
Avec la crise-mutation de lrsquoeacuteconomie agrave partir des anneacutees 1970 ce sont ajouteacutes les problegravemes
sociaux (paupeacuterisation tensions violence deacutelinquance) lieacutes agrave la preacutecarisation de certaines
cateacutegories modestes et moyennes dans ces peuplements et agrave lrsquoarriveacutee des meacutenages en
difficulteacutes sociales en remplacement des cateacutegories moyennes et supeacuterieures parfois en
recherche de conditions drsquohabitat plus confortables sur les plan physique et social
Puisque les modes de reacutegulation de cette question depuis plus de trente anneacutees apparaissent
inefficaces est-ce lieacute agrave une incapaciteacute ou agrave un refus conscient de la part des responsables
politiques agrave mettre en œuvre des mesures adapteacutees Car selon le paradigme simmelien de la
pauvreteacute (Simmel 2005) les acteurs dominants sont deacuteterminants pour caracteacuteriser son eacutetat
Depuis la fin du XIXe siegravecle en Europe ce sont agrave travers les rapports sociaux que les plus
aiseacutes selon leurs inteacuterecircts et leurs points de vue apportent des moyens divers aux domineacutes
pour eacuteviter le risque de colegravere reacutevolutionnaire En fait leur investissent dans les conditions
drsquoexistence des plus pauvres et des moins utiles au travail deacutepend du caractegravere du lien social
entre eux Ainsi dans un premier temps pendant une grande partie du XXe siegravecle la question
sociale eacutetait fortement indexeacutee aux problegravemes de production dans le domaine industriel dont
les conflits manifestaient des liens somme toute eacutetroits baseacutes sur lrsquoutiliteacute fonctionnelle Loin
de complegravetement disparaicirctre ce type de liens se voit rejoint et par endroit menaceacute par un
11
autre type de lien drsquointerdeacutependance plus relacirccheacute La raison en est lrsquoexposition agrave une
nouvelle division internationale du travail qui fournit agrave lrsquoeacutetranger des quantiteacutes de main
drsquoœuvre bon marcheacute que ne peuvent pas concurrencer les ouvriers des socieacuteteacutes riches
Ce type de lien beaucoup plus relacirccheacute existait deacutejagrave pendant les Trente glorieuses (1945-1975)
au deacutetriment des groupes drsquo laquo inadapteacutes raquo alors mecircme que cette peacuteriode offre une image de
laquo collaboration raquo fonctionnelle ideacuteale avec une laquo eacuteconomie du plein emploi raquohellip sauf pour
ceux qui en eacutetaient exclus (Klanfer 1965 Labbens 1969 Donzelot 1994 Clavel 1998)
Par la suite la mutation de lrsquoeacuteconomie depuis les anneacutees 1970 a engendreacute des quantiteacutes
croissantes de pertes drsquoemploi et de situations de chocircmage Les niveaux sont tels qursquoils ont
pris le sens agrave la fin des anneacutees 1990 et au deacutebut des anneacutees 2000 drsquoune deacutecomposition du lien
de domination eacuteconomique anteacuterieur le salariat srsquoest mueacute en laquo preacutecariat raquo (Castel 1995
Clavel 1998 Donzelot 2004)
Face agrave la croissance du nombre des laquo valides inutiles raquo mais aussi agrave lrsquoanxieacuteteacute de groupes
modestes et moyens inteacutegreacutes avec la geacuteneacuteralisation du risque de deacuteclassement de preacutecariteacute et
drsquoexclusion sociale dans les anneacutees 1980 et 1990 (Maurin 2002 2004 Bertho 1997) les
dominants usent alors de comportements seacutegreacutegatifs plus ou moins appuyeacutes notamment dans
le domaine reacutesidentiel qui varient dans le temps et dans lrsquoespace (Grafmeyer 1994) Selon le
paradigme de la pauvreteacute appliqueacute agrave la territorialisation urbaine le relacircchement partiel ou la
faiblesse chronique de lrsquointerdeacutependance entre certaines cateacutegories supeacuterieures et les couches
les plus basses de lrsquoeacutechelle sociale entraicircnent une moindre neacutecessiteacute de leur cohabitation
proche dans lrsquoespace urbain (Donzelot 2003)
Ce qui explique la tendance agrave la seacutegreacutegation reacutesidentielle agrave tous les niveaux de la hieacuterarchie
sociale Il reste donc aux autoriteacutes publiques dans la sphegravere de la reproduction sociale
(Dubet Martucelli 1998) de porter une attention aux conditions de vie et de participation
sociale (Schnapper 2001) notamment en milieu urbain des plus exclus preacutecaires et fragiles
socialement Leur bien-ecirctre dans les villes constitue drsquoailleurs une condition du
deacuteveloppement qualitatif de celles-ci en leur donnant les moyens drsquoune inteacutegration urbaine
dans le but de favoriser la coheacutesion sociale drsquoensemble de la socieacuteteacute (Bourdin 2006
Donzelot 2006)
Ainsi la persistance lrsquoampleur et la multipliciteacute des situations de crise de gestion politique
des problegravemes et des tensions lieacutes agrave la concentration territoriale des plus pauvres et exclus a
engendreacute depuis le deacutebut des anneacutees 1990 une large preacuteoccupation sociale vis-agrave-vis des
pheacutenomegravenes de deacutegradation sociale et mateacuterielle de certains secteurs drsquohabitat urbain
12
Lrsquoeacutemergence de zones marginaliseacutees souvent identifieacutees aux seules laquo banlieues raquo deacutedaigneacutees
ainsi qursquoagrave des ghettos contemporains dans lrsquoimaginaire du sens commun (Steacutebeacute Marchal
2009) srsquoest drsquoailleurs geacuteneacuteraliseacutee depuis plus longtemps une quarantaine drsquoanneacutees au moins
au point qursquoelles constituent un objet drsquoune speacutecialisation tant sociologique que drsquoautres
disciplines des sciences sociales (eg Vieillard-Baron 1990 Donzelot 1991 Dubet
Lapeyronnie 1992 Wacquant 1993 Paugam 1995 Deacutesigaux 1996 Cuillier 1999
Avenel 2007 Baudin Genestier 2002 Damon 2004 Steacutebeacute 2007 Jaillet Perrin Meacutenard
2008) Ce sujet recouvre un nœud de probleacutematiques scientifiques sociales et politiques
eacutetant donneacute qursquoil est laquo sous influence raquo de lectures sociales et savantes multiples oscillant
entre ambivalence et simplisme et entre instrumentalisation ideacuteologique et politique
(Chevalier 2005) mais aussi theacuteorique (Kokoreff 2007)
Effectivement lrsquoanalyse de pheacutenomegravenes sociaux se reproduisant dans toute une seacuterie
drsquoespaces urbains reacutesidentiels partageant des caracteacuteristiques proches ne peut se contenter de
recherches se limitant agrave des processus sociaux trop particuliers comme la releacutegation et
lrsquoimmobiliteacute dans les quartiers laquo sensibles raquo les mouvements de peacuteriurbanisation des classes
moyennes ou encore le retour aux centres-villes des classes supeacuterieures si lrsquoon se reacutefegravere en
partie agrave la typologie de laquo la ville agrave trois vitesses raquo de Jacques Donzelot (2004) Examineacutes
isoleacutement ces processus ne rendent compte que partiellement de lrsquoeacutevolution des structures
sociales et des usages particuliers des espaces qursquoils traversent Par ailleurs les analyses en
termes de polarisation ou de mixiteacute sociale des espaces reacutesidentiels se cantonnent souvent agrave
des constats quantitatifs sur les parts de cateacutegories sociales diffeacuterentes en copreacutesence Elles ne
visent pas souvent de maniegravere simultaneacutee les pheacutenomegravenes lieacutes aux problegravemes publics qui se
manifestent dans ces espaces et qui traduisent les formes et le sens des rapports sociaux et des
pratiques locales qui srsquoy deacuteveloppent
Notre recherche srsquoest alors centreacutee sur les espaces significatifs sur le plan sociopolitique telle
une commune qui connaissent de multiples processus divergents mais coexistants en leur
endroit Car si les eacutetudes se sont accumuleacutees sur la description des conduites de multiples
groupes sociaux dans les laquo citeacutes raquo ou sur les modes de vie et les attitudes de certaines
cateacutegories de citadins tels les pavillonnaires sur les laquo questions sociales raquo que sait-on sur les
eacutevolutions drsquoensemble drsquoun espace de taille plus importante ougrave se manifestent des
dynamiques sociales multiples aux interactions variables et aux deacuteterminants endogegravenes et
exogegravenes speacutecifiques selon des dimensions et des contenus divers
13
En eacutelargissant lrsquoanalyse agrave des pheacutenomegravenes observables agrave une eacutechelle spatiale elle-mecircme
eacutelargie ie des villes-communes plutocirct que les seuls espaces drsquohabitat deacutegradeacutes aussi grands
soient-ils le questionnement sur les deacuteterminants des situations de crise socio-urbaine et leur
sens par rapport agrave lrsquoensemble de la socieacuteteacute reste pertinent Sur un plan theacuteorique lrsquoeacutevolution
de la structure et de la dynamique sociales des espaces locaux ne deacutepend-elle pas des
modifications des structures socio-spatiales qui ont des effets sociaux divers sur lrsquointeacutegration
urbaine et la coheacutesion sociale selon lrsquointeraction avec drsquoautres facteurs Par exemple
lrsquoeacutevolution des positions sociales des habitants dans les espaces urbains a neacutecessairement des
effets sur la dynamique des rapports sociaux et des pratiques sociales internes et externes de
ces espaces en relation avec les caracteacuteristiques urbaines des zones fonctions qursquoelles
remplissent varieacuteteacute des immeubles configuration des rues preacutesence drsquoactiviteacutes ou encore
densiteacute deacutemographique
Mais comment aborder cette analyse des eacutevolutions sociales des espaces urbains Les
premiegraveres recherches ont montreacute que les analyses peuvent couvrir plusieurs thegravemes qui
traitent de cette question et notamment des espaces dans lesquels lrsquointeacutegration sociale est en
panne Ce dysfonctionnement est expliqueacute en grande partie par les eacutevolutions majeures des
villes en raison de leur morphologie de la taille croissante et de leurs fonctions de plus en
plus complexes ce qui entraicircne un affaiblissement des capaciteacutes urbaines inteacutegratives
Dans ce sens les secteurs urbains laquo sensibles raquo seraient des cas empiriques significatifs de la
notion de ville laquo fragmenteacutee raquo (Dorier-Apprill Gervais-Lambony 2007) reacutesultant drsquoune
diffeacuterenciation territoriale interne lieacutee aux dynamiques sociales de ses composantes
populationnelles Henri Lefebvre (1968 1970 1973 1974) a le premier deacutecrit un effet
drsquoeacuteclatement des villes lieacute agrave leur forte croissance depuis les anneacutees 1950 Lrsquoeacuteclatement
correspond selon lui drsquoune part agrave une laquo implosion raquo des centres urbains avec la concentration
excessive des personnes et des objets et drsquoautre part agrave lrsquo laquo explosion raquo des limites des villes
ie une extension deacutesordonneacutee soutenue par des programmes drsquourbanisation drsquoinspiration
fonctionnaliste mis en place par lrsquoEacutetat pour la construction de logements
Ce double pheacutenomegravene notamment lrsquoeacutetalement urbain se diffuse de maniegravere sans preacuteceacutedente
dans lrsquohistoire urbaine franccedilaise ainsi que dans celle du monde entier Une partie importante
de cateacutegories ouvriegraveres et employeacutees deacuteplaceacutee dans ces nouveaux espaces en a mesureacute les
conseacutequences en termes de deacutestructuration de communauteacutes reacutesidentielles anteacuterieures agrave
lrsquoidentiteacute dite laquo populaire raquo elles se sont retrouveacutees dans des milieux drsquohabitat atomiseacutes
composeacutes drsquoun meacutelange de cateacutegories sociales de profil tregraves varieacute tout en eacutetant placeacute dans un
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eacutetat de laquo nomadisme raquo imposeacute pour rejoindre les lieux de travail ou de consommation du fait
de lrsquoeacuteloignement des centres de toutes sortes Cette situation reacutesidentielle est devenue
cruellement probleacutematique agrave mesure que se reacuteveacutelait le manque de moyens pour lrsquoassumer
notamment lorsque le chocircmage et la preacutecariteacute socio-eacuteconomique se sont diffuseacutes agrave partir des
anneacutees 1970
En effet les effets nuisibles agrave lrsquointeacutegration sociale de la dispersion des villes ont eacuteteacute perccedilus
assez largement par les sociologues urbains de lrsquoapregraves Seconde Guerre mondiale agrave lrsquoinstar de
Raymond Ledrut (1968) qui dans son ouvrage Lrsquoespace social de la ville eacutevoque la
laquo diminution de lrsquoindividualiteacute collective de la ville et de la personnalisation des quartiers raquo
ou encore pour le dire autrement laquo [la reacutegression] de la vie et de la conscience collectives
alors que la vie sociale et son reacuteseau ont tendance agrave augmenter raquo (citeacute par Steacutebeacute Marchal
2010 p 115) Dans leur ouvrage Sociologie urbaine Jean-Marc Steacutebeacute et Herveacute Marchal
(2010) rappellent que les fondateurs de la sociologie franccedilaise ont identifieacute degraves la fin du XIXe
siegravecle la distension des liens sociaux dans le processus de deacuteveloppement urbain pousseacute par
lrsquoindustrialisation ayant des effets sur les plans affectifs et identitaires
Des travaux sur des pheacutenomegravenes divers ont abordeacute cette question le suicide lrsquoorganisation
du travail les conditions de vie eacuteconomique la vie sociale ou religieusehellip La cause des
tensions et des conduites de perte de sens est souvent imputeacutee agrave lrsquoeacutevolution du champ de la
production et de lrsquoorganisation du travail geacuteneacutereacutee par le deacuteveloppement industriel Drsquoun type
de lien social laquo meacutecanique raquo fondeacute sur une conscience collective et des liens affectifs forts
drsquoappartenance aux mecircmes communauteacutes reacutealisant une gamme drsquoactiviteacutes peu varieacutee des
laquo alveacuteoles raquo assez autonomes selon Eacutemile Durkheim (2007) la socieacuteteacute est passeacutee agrave un type
laquo organique raquo de liens avec la complexification de la division du travail preacutesentant des
fonctions speacutecialiseacutees du fait de la multiplication et de la diversification des activiteacutes de
production imposant une individualisation des consciences et une plus forte distance entre
individus (Toumlnnies 1977)
La transformation du lien social dans le temps est donc lieacutee autant agrave la mutation des structures
sociales qursquoagrave celle des structures spatiales de la socieacuteteacute drsquoune part une plus grande
possibiliteacute de mobiliteacute sociale et spatiale srsquooffre aux individus avec lrsquoextension et la
diversification des reacuteseaux sociaux et des espaces geacuteographiques de mobiliteacute et drsquoautre part
les agglomeacuterations urbaines srsquoaccroissent et se diffeacuterencient agrave mesure qursquoaugmentent et se
diversifient les activiteacutes sociales qui srsquoy produisent Cette eacutevolution preacutesente une double
dynamique drsquoabord la croissance deacutemographique puis le deacuteveloppement quantitatif et
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qualitatif des activiteacutes avec leur diversification et leur adaptation Ce dernier point nrsquoest
cependant pas toujours garanti selon Lefebvre par exemple la croissance de la main-
drsquoœuvre qui ne va pas sans ineacutegaliteacutes et tensions neacutecessite de la formation pour lrsquoadaptation
agrave la speacutecialisation des fonctions mais aussi des logements ou encore un accegraves agrave la
consommation et aux loisirs
Dans lrsquoanalyse de ces eacutevolutions le statut eacutepisteacutemologique de lrsquoespace geacuteographique du
social prend de la valeur il apparaicirct autant comme deacutependant de la dynamique des modes
globaux drsquoorganisation du travail social que comme deacuteterminant des eacutevolutions sociales et
culturelles des rapports sociaux de production Crsquoest pourquoi il constitue un enjeu drsquoordre
politique pour sa maicirctrise sa production est motiveacutee par la recherche drsquoadaptation aux
usages et aux valeurs des individus et des groupes (Halbwachs 1970) ce qui rend sa
production et sa consommation centrales dans les rapports sociaux au-delagrave de la seule
production drsquoobjets mateacuteriels (Lefebvre 1970)
La ville doit ainsi ecirctre perccedilue moins comme le lieu de la reproduction des moyens de
production agrave des fins eacuteconomiques (vision marxiste traditionnelle) que comme le cadre tout agrave
la fois produit et support-enjeu des rapports sociaux de la socieacuteteacute (Lefebvre 1968) lrsquoespace
se compose ainsi de maniegravere diffeacuterentielle avec des parties centrales et peacuteripheacuteriques agrave
appreacutehender selon une laquo lecture symptocircmale raquo (Lefebvre 2000 p 79) en ce que leur eacutetat
plus ou moins pratiqueacute entretenu ou abandonneacute reacutevegravele les rapports sociaux dans la ville
La ville repreacutesente ainsi un territoire de lieux constituant une matrice drsquoorganisation
drsquointeractions et drsquointerdeacutependances sociales ayant deux implications theacuteoriques (Voyeacute
2002) le deacuteveloppement de pheacutenomegravenes cineacutetiques (flux et temporaliteacutes multiples entre
lieux) qui produisent eux-mecircmes de la ville et la production drsquoeffets de milieu Cette
approche de la dynamique urbaine est sensible aux ineacutegaliteacutes socio-spatiales du fait de la
seacutelectiviteacute sociale des lieux qui structurent le deacuteveloppement de la vie urbaine (Plouchard
1999) Les programmes drsquohabitat et drsquourbanisation fonctionnaliste des anneacutees 1950 agrave 1975
srsquoinscrivent dans cette orientation seacutegreacutegative agrave lrsquoinverse des objectifs de mixiteacute parfois
afficheacutes leurs multiples deacutefauts ont rendu les grands ensembles repoussant aux yeux des
classes moyennes aspirant aux pavillons ou rejoignant le collectif priveacute neuf ou ancien de
meilleure qualiteacute mieux inseacutereacute dans les villes ou plus proche de leur travail
Cette phase marque le deacutebut de la formation de laquo ghettos raquo contemporains en France
Lefebvre (1960) utilise dans son article sur laquo Les nouveaux ensembles urbains raquo le terme de
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laquo citeacutes-ghettos raquo agrave cocircteacute de celui de laquo citeacutes-dortoirs raquo mais aussi le mot laquo ghetto raquo seul pour
deacutesigner la manifestation possible dans des nouvelles uniteacutes urbaines des laquo deacuteficiences raquo des
agglomeacuterations historiques ou laquo spontaneacutees raquo par effet de laquo captation raquo voire de
laquo condensation raquo Le terme ghetto est aussi citeacute en 1968 dans la publication de son livre Le
droit agrave la ville premier de sa seacuterie drsquoouvrages sur lrsquoeacutevolution urbaine Il srsquoagit cependant agrave
cette eacutepoque moins de deacutesigner des espaces de violence et de criminaliteacute comme y est
davantage enclin lrsquoimaginaire urbain depuis les anneacutees 1980 en raison de lrsquoanalogie avec la
deacutesagreacutegation sociale et la criminaliteacute puissante des ghettos noirs eacutetatsuniens (Wacquant
2007) que de deacutenoncer lrsquoennui le manque drsquoactiviteacutes et de pratiques collectives lieacutees tant au
travail productif (deacuteveloppement des machines) que par le manque drsquoeacutequipements de loisirs
Toutefois la signification du ghetto est alors convergente dans les deux cas des fragments
de ville de taille suffisamment grande pour que les habitants qui sont contraints drsquoy vivre en
raison de leur exclusion sociale (agrave caractegravere ethno-racial ou pas) y produisent un mode de vie
diffeacuterent des autres espaces urbains avec lesquels les frontiegraveres socio-spatiales sont
deacutelimiteacutees En effet progressivement le peuplement des espaces des cateacutegories sociales de
plus en plus deacuteproleacutetariseacutees (deacuteconnecteacutees du travail industriel) peu qualifieacutees est
potentiellement exposeacute agrave des manifestations multiples de toutes formes drsquoanomie dans les
vies priveacutees et publiques Les conduites de deacutesespoir de contestation et de survie qui se
deacuteveloppent dans les grands ensembles relegravevent alors drsquoune gestion nouvelle des rapports
sociaux (Duprez 1982) au niveau du travail social de la socialisation ou encore de
lrsquoameacutenagement territorial et de la politique du logement Cependant la poursuite vers des
formes extrecircmes de ces conduites de rupture (eacutemeutes organisation criminelle
communautarisme deacutesordre geacuteneacuteraliseacute) ne montre-t-elle pas le sous traitement permanent de
cette question en France sur le plan politique jusqursquoagrave nos jours
Le recueil et lrsquoeacutetude de donneacutees reacutealiseacutes aupregraves de diffeacuterentes villes-communes de grand
ensemble reacutevegravelent une dynamique de deacutegradation des situations et des conduites sociales vers
une situation qui peut ecirctre qualifieacutee de ghetto ou proche de celle-ci Lrsquoobjectif de notre
recherche est de mettre en valeur les principaux deacuteterminants de celle-ci Quels en sont les
facteurs preacutedominants parmi les caracteacuteristiques morphologiques de lrsquohabitat ou encore
parmi les proprieacuteteacutes eacuteconomiques sociales politiques voire institutionnelles des communes et
de leurs agglomeacuterations et plus largement du systegraveme eacuteconomique et social actuel de la
socieacuteteacute La tacircche nrsquoest pas simple puisque ces caractegraveres alimentent tout en en deacutecoulant agrave
la fois le plus souvent la stigmatisation et la seacutegreacutegation des territoires et de leurs habitants
17
concentration de chocircmeurs et de populations issues de lrsquoimmigration deacutelinquance et
violence interpersonnelle paupeacuterisation et seacuteparation familiales Dans ce sens lrsquohypothegravese
premiegravere de notre thegravese a eacuteteacute que ce sont des variables agrave la fois macro sociales et locales qui
deacuteterminent dans le contexte socieacutetal actuel lrsquoeacutevolution des communes de grands ensembles
les pratiques tant sociales que spatiales des populations qui habitent agrave lrsquointeacuterieur ou agrave
proximiteacute des grands ensembles sont subordonneacutees ou au moins en interdeacutependance avec les
caracteacuteristiques et les dynamiques sociales et spatiales de ceux-ci en partie produits par la
socieacuteteacute
Cette hypothegravese se base sur le cadre paradigmatique des relations drsquoinfluence entre lrsquoespace et
le social que Lefebvre (1974) a poseacute lrsquoespace social et notamment urbain est produit par
des groupes dominants il geacutenegravere lui-mecircme en retour des effets sociaux divers en termes de
dynamique des relations sociales locales voire des rapports sociaux plus globaux entre
grandes cateacutegories sociales de la socieacuteteacute La sociologie urbaine est ainsi marqueacutee par ce
modegravele de lrsquoimbrication de la dynamique urbaine (les interactions et les activiteacutes sociales les
mobiliteacutes sociales et spatiales les constructions et lrsquoameacutenagement) dans celle de la socieacuteteacute
(rapports sociaux et mobiliteacute sociale) (Bassand Kaufman Joye 2002) La deacutegradation de
certaines parties de la ville est donc indissociablement lieacutee agrave la deacutegradation de la coheacutesion des
rapports sociaux de production et notamment de production mecircme de lrsquoespace physique et
social (Joye Schuler 2002) Ce qui au passage institue un cadre agrave la reacutesolution des laquo crises
urbaines raquo Bourdin (2006) ie des problegravemes aigus deacutestabilisant les villes (chocircmage
marginaliteacute de certains groupes tensions relationnelles deacutelinquance criminaliteacute violence
peacutenurie de logementshellip) crsquoest aux groupes qui ont la gestion agrave tous les niveaux de
responsabiliteacute politique des problegravemes sociaux des citadins et de leurs difficulteacutes urbaines de
deacuteterminer la coheacutesion de leur rapport avec les groupes domineacutes En assurant une place
drsquoutiliteacute sociale agrave chacun agrave chaque groupe (Castel 2000) lrsquoEacutetat peut faciliter la gestion
sociale locale des dysfonctionnements urbains crsquoest-agrave-dire la gouvernance moderne des
villes
La recherche deacuteveloppeacutee srsquoinscrit ainsi dans ce champ drsquoanalyse des relations de deacutependance
reacuteciproque entre production de lrsquoespace et dynamiques micro et macro-sociales qui deacutepassent
tant sur le plan spatial que social et symbolique le cadre geacuteographique de leur territoire
(Lapeyronnie 2008 Maurin 2004 Marchal Steacutebeacute 2009 2010) De ce fait puisque
lrsquointerdeacutependance socio-spatiale des territoires et la transversaliteacute spatiale des processus
sociaux qui geacutenegraverent des rapports de concurrence entre espaces proches mais distincts un des
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effets potentiels est la deacutevalorisation sociale de certains territoires et de leur population agrave des
degreacutes variables selon les contextes et les acteurs Ce risque nrsquoest-il pas inheacuterent au
deacuteveloppement drsquoun espace socieacutetal et geacuteographique constitueacute de multiples cateacutegories
sociales et spatiales de taille diverse theacuteoriquement ouvertes agrave la mobiliteacute et en
interdeacutependance plus ou moins conflictuelle pour les positions privileacutegieacutees et dominantes
dans les rapports de production de socialisation et drsquointeacutegration Crsquoest pourquoi pour
lrsquoanalyse des eacutevolutions des zones de marginaliteacute que sont devenus les lieux drsquoimplantation
des grands ensembles nous avons deacuteveloppeacutee une notion le deacuteclin social urbain
Cette notion srsquoinscrit dans une approche conceptuelle qui prend en compte la complexiteacute des
relations drsquointerdeacutependance qui dominent les espaces mais aussi les effets de fragmentation
socio-spatiale des villes Le processus qursquoelle deacutesigne est celui de la deacutegradation mateacuterielle
sociale et symbolique drsquoune zone urbaine assez large et autonome sur le plan fonctionnel
comme les communes en raison de lrsquoexistence simultaneacutee de plusieurs pheacutenomegravenes 1 la
paupeacuterisation et la fragilisation sociale et sanitaire drsquoune grande partie de la population
reacutesidente (sous lrsquoeffet de lrsquoexclusion et de la preacutecariteacute socio-eacuteconomique eacuteleveacutee et persistante
des couches peu qualifieacutees) 2 la deacutegradation et le manque institutionnel drsquoentretien et de
maintenance des immeubles et de lrsquoensemble mateacuteriel et infrastructurel des zones drsquohabitat
3 la faiblesse voire la reacuteduction des eacutequipements et des activiteacutes institutionnelles
eacuteconomiques et sociales en interne et dans lrsquoenvironnement et 4 la multiplication des
expeacuteriences drsquoexclusion de discrimination et de marginalisation sociale parmi les habitants
geacuteneacuterant des conduites de protestation et de transgression multiple agrave lrsquoaide de la violence le
plus souvent
Les caracteacuteristiques de cette notion srsquoinscrivent en reacutesonance avec les analyses sur les ghettos
contemporains Elle srsquoinspire du terme de ghettoiumlsation utiliseacutee davantage pour les zones
drsquohabitat cette derniegravere notion met en eacutevidence les effets extrecircmes de la concentration
territoriale de la pauvreteacute agrave partir de ses diverses dimensions sociales et spatiales (Marchal
Steacutebeacute 2010) Toutefois la notion de deacuteclin social urbain srsquoen deacutemarque pour deux raisons
drsquoune part lrsquoeacutechelle urbaine concerneacutee la ville-commune est souvent plus large que les
zones drsquohabitat sur lesquelles srsquoapplique le terme de ghettoiumlsation le plus souvent pour des
quartiers-ghettos marqueacutes par la concentration de la pauvreteacute et la releacutegation ethnique et
drsquoautre part la preacutesence drsquoadministrations territoriales et de quelques services publics et
priveacutes de proximiteacute qui empecircche de penser ces espaces comme en marge de la socieacuteteacute au
19
contraire de la figure archeacutetypale du grand ghetto noir-ameacutericain de Chicago (Kokoreff
2009)
La notion de deacuteclin social a alors constitueacute un point drsquoappui conceptuel pour la recherche que
nous avons meneacutee Elle se conforme tout agrave fait au paradigme de lrsquoeacutevolution diffeacuterentielle des
espaces urbains de Lefebvre en en reacuteveacutelant une forme de manifestation empirique Pour un
espace social et local deacutetermineacute les eacutevolutions macro-sociales se reflegravetent donc agrave travers
lrsquoeacutetat et les modifications de ses traits drsquoordre eacuteconomique social institutionnel et mateacuteriel
Ces aspects sont certainement lieacutes de diverses maniegraveres non sans lrsquoinfluence des politiques
centrales et locales Il convient drsquoajouter que ce type drsquoeffets sociaux localiseacutes comme le
deacuteclin social urbain est puisque socialement produit en interaction avec lrsquoeacutevolution des
autres parties de lrsquoespace geacuteographique global de la socieacuteteacute le regroupement de populations
pauvres dans certaines localiteacutes urbaines constitue un pendant drsquoune configuration geacuteneacuterale
de peuplement ougrave par ailleurs les cateacutegories moyennes et supeacuterieures stables srsquoagregravegent dans
drsquoautres espaces plus valoriseacutes preacuteserveacutes des groupes exclus et fragiles souvent agrave des
niveaux tregraves fins de voisinages de petite taille ce que reacutevegravelent les eacutetudes sur la seacutegreacutegation
sociale (Maurin 2002 2004)
Au sein des espaces ghettoiumlseacutes ou en deacuteclin comme les territoires internes et alentours des
grands ensembles les milieux sociaux constitueacutes repreacutesentent pour les divers habitants des
lieux de faible possibiliteacute de reacutealisation de soi drsquoinvestissement personnel et identitaire
(Giraud 2000) mais aussi par conseacutequent de transaction sociale en raison de la difficulteacute
drsquoinstaurer le plus souvent des compromis pratiques convenant aux habitants se cocirctoyant
(Gibout et al 2009) Les conduites de repli social dans les appartements souvent releveacutees
dans les enquecirctes sur la sociabiliteacute traduisent cette ambiance frustrante sur le plan social
Lrsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute des profils des meacutenages la preacutedominance et la multipliciteacute des difficulteacutes
drsquoexistence et des conduites drsquoopposition agrave lrsquoordre social seacutegreacutegatif produisent en effet de
nombreux signes mateacuteriels sociaux et institutionnels de diffeacuterence aux attentes aux
pratiques aux inteacuterecircts et aux valeurs de chacun Les relations et les pratiques sociales sont
empruntes de meacutefiance qui renforce qui srsquoajoute aux difficulteacutes drsquoaccegraves aux eacutequipements et
aux services urbains depuis les grands ensembles (Preacuteteceille 1995-a 1995-b 2000 2002
2004 2006 2008)
Lrsquoanalyse des rapports sociaux contemporains montre une geacuteneacuteralisation de la seacutegreacutegation
dans les pratiques sociales des cadres du priveacute et au niveau des politiques conduites par les
responsables de la gestion de lrsquoEacutetat et de ses missions depuis les anneacutees 1970 sous les formes
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de lrsquoimposition du libeacuteralisme eacuteconomique dans les domaines sociaux Cette caracteacuteristique
est agrave la base de la production sociale des ghettos modernes en France qui se dessine sans que
les politiques sociales de la ville drsquoordre curatif fondeacutees sur lrsquoanimation et la protection
sociale minimale nrsquoarrivent agrave juguler le pheacutenomegravene
Notre question de recherche initiale qui partait donc de cette volonteacute de connaicirctre les
deacuteterminants sociaux etou spatiaux des situations sociales probleacutematiques des communes de
grands ensembles srsquoest alors formuleacutee agrave partir de la formalisation de la notion de deacuteclin
social et de lrsquoidentification du pheacutenomegravene causal de seacutegreacutegation en termes de preacutecision sur
les modaliteacutes deacuteterminantes le deacuteclin des grands ensembles constitue-t-il une modaliteacute
spatiale de la seacutegreacutegation sociale et pour quelles raisons Si des signes tendent agrave reacutepondre agrave
la premiegravere partie de la question par lrsquoaffirmative nous avons pu aussi constater que les effets
de ce pheacutenomegravene renforcent les conduites seacutegreacutegatives en milieu urbain au niveau micro
social (pratiques sociales et notamment reacutesidentielles des citadins) et local (petits espaces
drsquoenvironnements drsquohabitation) Ce qui accentue le sens originel de la notion de seacutegreacutegation
urbaine relative aux ineacutegaliteacutes sociales drsquoaccegraves aux eacutequipements des villes
Notre premiegravere hypothegravese au regard des observations cumuleacutees relatives aux critiques sur la
forme urbaine et ses effets sociaux depuis les anneacutees 1960 jusqursquoagrave la fin des anneacutees 1990 a
eacuteteacute que les pheacutenomegravenes de deacutegradation sociale ont comme principale source lrsquourbanisme et
lrsquoarchitecture fonctionnalisme preacutedominante geacuteneacuterant par leurs proprieacuteteacutes intrinsegraveques les
conflits de cohabitation lrsquoennui voire lrsquoanomie des cateacutegories les moins inseacutereacutees Cependant
recueil de donneacutees et confrontation aux travaux et aux analyses multiples agrave ce sujet ont
imposeacute lrsquoideacutee drsquoun effet preacutedominant de cette variable sous-jacente qursquoest la seacutegreacutegation
sociale et dont il faut comprendre les raisons et les formes de son existence dans des
domaines varieacutes (de lrsquoeacuteconomie au spatial) agrave des niveaux sociaux distincts (des relations
locales aux rapports sociaux plus globaux) selon des modaliteacutes diverses Pour le destin des
grands ensembles qui constituent de maniegravere assez systeacutematique des milieux socio-spatiaux
drsquoeacutevolution neacutegative de vie sociale locale il se manifeste bien un double effet de gestion
politico-institutionnelle sur le plan mateacuteriel et du peuplement et de rapport social de la part
des populations locales et de la socieacuteteacute dans son ensemble agrave ce type drsquoespace reacutesidentiel et
aux cateacutegories auxquelles qursquoil abrite
La production sociopolitique des grands ensembles et leur gestion convergent avec les
meacutecanismes ou les attitudes drsquoexclusion totale ou partielle dans les champs eacuteconomiques et
sociaux notamment en milieu urbain puisque lrsquoespace est devenu un enjeu important dans la
21
mobiliteacute des cateacutegories sociales les plus anxieuses dans lrsquoeacuteconomie mondialiseacutee Cet aspect se
manifeste autant dans des politiques urbaines et sociales deacutefavorables (eacutequipements et
services publics et priveacutes drsquointeacutegration sociale insuffisants ou peu accessibles) qursquoau niveau
des usages sociaux avec des pheacutenomegravenes de mise agrave lrsquoeacutecart et de seacuteparation dans les pratiques
sociales et reacutesidentielles de cateacutegories sociales supeacuterieures et moyennes Celles-ci cherchent agrave
se proteacuteger des contacts sociaux indeacutesirables comme des meacutefaits et des atteintes divers et agrave
maximiser les situations drsquoentre-soi pour beacuteneacuteficier de ressources sociales neacutecessaires face
aux menaces de deacutecheacuteance ou drsquoeacutechec eacuteconomique social et symbolique
Notre recherche srsquoest organiseacutee autour de deux phases la premiegravere est une double deacutemarche
drsquoeacutetudes empiriques compleacutementaires associant monographie intensive drsquoun site (Les Ulis
dans lrsquoEssonne) et comparaison extensive de plusieurs espaces similaires en France (six
communes de grands ensembles dans des espaces peu ou pas urbaniseacutes auparavant de taille
petite ou moyenne et situeacutees en marge de plus grandes agglomeacuterations) la seconde a eacuteteacute un
deacuteveloppement analytique exploitant les principaux reacutesultats en les confrontant agrave drsquoautres
travaux dans ce domaine pour en formaliser les notions et les variables qui ont eacuteteacute preacutesenteacutees
Crsquoest lors de ces phases empiriques que le deacuteclin social urbain a eacuteteacute appreacutehendeacute drsquoabord par
la deacutemarche monographique meneacutee gracircce agrave la conduite pendant quatre anneacutees de
lrsquoobservatoire local de la commune concerneacutee (2000-2004) Ce type drsquoapproche srsquoappuie sur
lrsquoexpeacuterience et les repreacutesentations des acteurs pour recueillir des informations les traiter et
les interpreacuteter Lefebvre (1968 p 118-119) lrsquoencourage pour des champs sociaux complexes
comme celui de la ville laquo Le mouvement dialectique se preacutesente ici comme un rapport entre
la science et la force politique comme un dialogue ce qui actualise les rapports laquo lsquotheacuteorie-
pratiquersquo et lsquopositiviteacute-neacutegativiteacute critiquersquo raquo
Dans lrsquoensemble la thegravese comporte quatre parties La premiegravere est la probleacutematique faisant se
croiser deux ordres de pheacutenomegravenes drsquoune part lrsquoexclusion et la preacutecariteacute sociale avec ses
effets de paupeacuterisation et de fragilisation sociale et drsquoautre part les pratiques de releacutegation
dans lrsquoespace notamment en milieu urbain et dans les grands ensembles des plus pauvres
preacutecaires et fragiles socialement Il est perccedilu que ces deux ordres de pheacutenomegravenes sont lieacutes par
la mecircme cause sociale deacuteterminante une mecircme attitude seacutegreacutegative de la part des groupes
dominants lrsquoeacuteconomie et la socieacuteteacute vis-agrave-vis des cateacutegories sociales les moins qualifieacutees
Les trois parties suivantes de la thegravese preacutesentent les principaux temps drsquoanalyse Tout
drsquoabord la premiegravere partie lrsquoobservation monographique de la ville des Ulis qui rassemble
22
des donneacutees locales multiples au-delagrave de premiers indicateurs standards drsquoeacutevolution de la
ville La deuxiegraveme partie analyse un eacutechantillon de six communes seacutelectionneacutees pour leur
proximiteacute morphologique avec la premiegravere eacutetudieacutee Celle-ci est associeacutee agrave lrsquoeacutechantillon pour
une analyse selon des critegraveres homogegravenes et moins nombreux en eacutetudiant des donneacutees de
mecircme peacuteriode historique plus reacutecente Agrave des fins de comparaison lrsquoanalyse est moins
multifocale pour assurer lrsquoobtention et la mise en forme de donneacutees identifieacutees comme
pertinentes depuis lrsquoeacutetude monographique Des eacuteleacutements drsquohistoire et de profil social et
urbain des six communes ont eacuteteacute rassembleacutes ainsi que les projets en cours de reacutenovation
urbaine en raison des probleacutematiques urbaines qursquoils soulegravevent sur les sites Des cartes et des
photos des situations urbaines accompagnent les textes
Enfin la troisiegraveme partie analyse ces donneacutees en identifiant et interpreacutetant les relations les
plus nettes entre les variables en preacutesence afin de comprendre la speacutecificiteacute du destin des
villes-communes marqueacutees par les effets de ghettoiumlsation de leur grand parc drsquohabitat sur la
situation sociale des habitants Il srsquoagit drsquoabord de preacuteciser les caracteacuteristiques physiques et
sociales qui constituent des freins agrave leur habitation pour une vie sociale satisfaisante des
cateacutegories initiales de leur destination (les cateacutegories ouvriegraveres et moyennes en ascension)
Ensuite ce sont ces facteurs premiers de deacutegradation qui sont eacutetudieacutes pour en comprendre et
expliquer leur manifestation Ce qui renvoie au modegravele libeacuteral drsquoorganisation sociale depuis
les anneacutees 1970 qui a geacuteneacutereacute ce type drsquoespace reacutesidentiel et sa gestion en mecircme temps que
lrsquoattitude anxieuse des individus pour leurs situations eacuteconomique et sociale dans un contexte
de deacuteveloppement des ineacutegaliteacutes sociales de la preacutecariteacute professionnelle de lrsquoexclusion
socio-eacuteconomique de la paupeacuterisation des meacutenages en difficulteacutes sociales et de la faiblesse
de lrsquoEacutetat agrave trouver des mesures protectrices adapteacutees
23
24
Des exclus dans les grands ensembles cause de leur deacuteclin
ou modaliteacute spatiale de la seacutegreacutegation sociale
Agrave lrsquoorigine du deacuteveloppement de la probleacutematique de la thegravese deux seacuteries de pheacutenomegravenes se
trouvent reacuteunies dans un type drsquoespace reacuteputeacute pour son eacutevolution sociale critique reacuteveacutelatrice
de difficulteacutes et de tensions drsquointeacutegration sociale drsquoune part lrsquoexclusion et la preacutecariteacute socio-
eacuteconomiques et drsquoautre part la releacutegation et la seacutegreacutegation urbaines qui se produisent
particuliegraverement agrave lrsquoendroit des grands ensembles drsquohabitation Ce type drsquohabitat a eacuteteacute
construit dans les anneacutees 1950 agrave 1970 sous lrsquoimpulsion de lrsquoEacutetat et selon les principes de
lrsquoarchitecture et de lrsquourbanisme moderne formuleacutes dans les anneacutees 1920 et 1930 en reacuteaction
aux nuisances produites par les villes industrielles en croissance depuis la fin du XIXe siegravecle
Les grands ensembles apportaient lrsquoespace lrsquoair et la lumiegravere aux occupants des
appartements en seacuteparant les bacirctiments entre eux de vides laquo naturels raquo deacutegageacutes de petites
rues encombreacutees agrave leur pied Il est vrai que marcher aux Ulis dans lrsquoEssonne laquo ville nouvelle
avant lrsquoheure raquo sur les dalles et sur les passerelles reliant une grande partie des diffeacuterents
quartiers au-dessus de son reacuteseau viaire nrsquoest pas sans susciter un certain plaisir
lrsquoameacutenagement est original et le gain est tangible en termes de seacutecuriteacute et de tranquilliteacute vis-
agrave-vis du trafic routier Cependant un sentiment drsquoeacutetrangeteacute voire drsquoisolement se deacutegage dans
la pratique de cette forme urbaine pouvant confiner agrave lrsquoinquieacutetude agrave certaines heures et par
endroit lieacute au nombre peu eacuteleveacute de citadins dans les laquo rues raquo pendant la journeacutee et agrave
lrsquoapparence de ceux-ci alors que la ville preacutesente sur le plan statistique un profil de classes
moyennes et modestes ce sont surtout des passants de faibles conditions et drsquoorigine
immigreacutee qui occupent lrsquoespace public central
Cette caracteacuteristique est typique des espaces urbains de petite ou moyenne taille priveacutes autant
drsquoun centre-ville diversifieacute et animeacute que drsquoactiviteacutes eacuteconomiques multiples et meacutelangeacutees dans
les espaces reacutesidentiels et les bacirctiments publics et culturels Toutes centraliteacutes commerciales
et eacuteconomiques drsquoimportance sont situeacutees hors de la ville dans drsquoautres zones ameacutenageacutees de
maniegravere volontairement seacutepareacutee La faiblesse drsquoanimation des espaces exteacuterieurs aux
bacirctiments administratifs centraux des communes et des quelques commerces plus ou moins
regroupeacutes autour est une conseacutequence de cet urbanisme de zonage des fonctions En outre la
faiblesse eacuteconomique et sociale apparente des lieux et des habitants constitue bien souvent un
autre eacuteleacutement drsquoambiance caracteacuteristique de ce type drsquoespace
Des signes mateacuteriels et physiques multiples lrsquoattestent drsquoabord des espaces exteacuterieurs aux
mateacuteriaux de faible qualiteacute useacutes ou vandaliseacutes et non remplaceacutes par endroits ainsi que des
commerces aux produits bon marcheacute et parfois de tendance ethnique pour srsquoadapter aux
besoins des meacutenages drsquoorigine eacutetrangegravere mais souvent limiteacutes sur les plans de la diversiteacute de
la qualiteacute et de la preacutesentation des articles ensuite sur le plan des personnes visibles en
pleine journeacutee de travail en semaine toute une gamme preacutedominante drsquohommes et de femmes
affichent des signes de preacutecariteacute eacuteconomique et de fragiliteacute sociale voire de distance
culturelle avec les normes dominantes de la socieacuteteacute franccedilaise des jeunes ou des adultes non-
occupeacutes souvent des femmes ou des retraiteacutes des deux sexes drsquoorigine immigreacutee aux
vecirctements europeacuteens parfois useacutes ou aux tenues des cultures drsquoorigine (nord ou noir-africaine
etou musulmane mais aussi indo-pakistanais et asiatique sans oublier sud-ameacutericaine)
La plupart du temps en peacuteriode de travail les lieux de sociabiliteacute locale deacutecouvrent ainsi
toute une frange sociale populaire deacuteproleacutetariseacutee en grande partie (ouvriers peu qualifieacutes au
chocircmage agrave la preacuteretraite ou en interim) principalement drsquoorigine immigreacutee Pour certains
notamment les hommes en parallegravele au quotidien des courses de proximiteacute le plus souvent
reacutealiseacutees par les femmes les laquo cafeacutes-tabac-PMU6 raquo sont les espaces de rencontre pour
partager un verre ou un cafeacute ainsi que les frissons des jeux de hasards (loto et autres jeux de
la Franccedilaise des jeux) et des paris aux courses de chevaux retransmis sur les eacutecrans teacuteleacuteviseacutes
Dans les espaces publics locaux on rencontre en outre des fonctionnaires des administrations
locales en deacuteplacement entre les services situeacutes dans diffeacuterents quartiers de la ville ou pour le
deacutejeuner aupregraves des commerccedilants et restaurants de proximiteacute Aux Ulis ils arpentent les
diffeacuterentes parties de la dalle du centre-ville de la commune et les passerelles reliant les
diffeacuterentes reacutesidences situeacutees agrave cocircteacute en croisant la population locale Ils peuvent drsquoailleurs
partager avec celle-ci une certaine interconnaissance voire une familiariteacute dans lrsquoespace local
probante dans certains lieux que montrent par exemple des salutations nombreuses ouvertes
et parfois deacutemonstratives avec les diffeacuterents usagers preacutesents
En revanche les cateacutegories moyennes voire supeacuterieures mais aussi plus modestes et inseacutereacutees
de maniegravere reacuteguliegravere dans lrsquoeacuteconomie qui habitent dans les immeubles collectifs priveacutes et
6 Le Pari Mutuel Urbain est le systegraveme drsquoenregistrement des paris sur les courses de chevaux hors des hippodromes situeacute dans les cafeacutes-tabac Il est organiseacute par le Pari Mutuel organisme habiliteacute sous la tutelle du ministegravere de lrsquoAgriculture et drsquoun controcircleur drsquoEacutetat (Centre national de ressources textuelles et lexicographiques - CNRTL httpwwwcnrtlfrdefinitionpmu)
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sociaux voire dans certains lotissements pavillonnaires que comportent ces communes (au
sud-est de la commune pour les Ulis) freacutequentent moins ces espaces aussi bien en journeacutee de
travail que le soir et les fins de semaine Elles pratiquent davantage les eacutequipements
commerciaux et les zones drsquoactiviteacutes agrave vocation reacutegionale et agrave destination des classes
moyennes comme le centre commercial Ulis II qui borde le sud de la ville
Ce tableau drsquoambiance sociale en jour de travail est celui que connaissent les communes
peacuteripheacuteriques de cateacutegories moyennes et modestes comme Les Ulis au deacutebut des anneacutees
2000 La traverseacutee de leur laquo centre-ville raquo peu animeacute et peu meacutelangeacute sur le plan des
fonctions des activiteacutes et des cateacutegories sociales illustre lrsquointeacuterecirct drsquoanalyser cette forme
urbaine en croisant les deux ordres de pheacutenomegravenes eacutevoqueacute plus haut drsquoune part la
marginalisation socio-eacuteconomique drsquoune frange modeste de la population de lrsquoensemble de
lrsquoagglomeacuteration drsquoappartenance et drsquoautre part la releacutegation spatiale drsquoune partie de celle-ci
dans des espaces drsquohabitat de faible valeur eacuteconomique et urbaine comme le grand ensemble
drsquohabitation des Ulis
La ville se distingue drsquoailleurs dans lrsquoespace drsquoensemble de lrsquoagglomeacuteration parisienne par
une connotation symbolique plutocirct neacutegative en raison de la preacutedominance de son habitat
original mais en partie deacutevaloriseacute par les classes moyennes mais aussi du fait de la
deacutelinquance et de violence qui srsquoy manifestent ainsi que des discours et des actions politiques
et sociales qui focalisent les consciences locales sur son destin et son devenir Comme abordeacute
dans lrsquointroduction le deacuteveloppement de la probleacutematique drsquoanalyse lieacute agrave lrsquoobjectif de
chercher agrave comprendre agrave qualifier et agrave expliquer lrsquoeacutetat social global de ce type de commune
conduit agrave examiner les causes de leur deacutegradation puisque ces communes apparaissent
toutes marqueacutees par ce mecircme pheacutenomegravene de laquo crise urbaine raquo Il srsquoagit ici pour la
progression de la question de recherche drsquoapprofondir lrsquoanalyse de deux aspects de celle-ci
correspondant aux deux seacuteries de pheacutenomegravenes indiqueacutes plus haut (exclusion et preacutecariteacute
socio-eacuteconomique seacutegreacutegation urbaine) qui paraissent ecirctre agrave lrsquoorigine de la production
sociale des espaces urbains de releacutegation sociale
Ces deux ordres de pheacutenomegravenes ne reacutevegravelent-ils pas une signification commune le deacutefaut
drsquointeacutegration sociale des personnes les plus fragiles socialement et culturellement Dans les
deux dimensions des pheacutenomegravenes eacutetudieacutes social et spatial cette caracteacuteristique qui relegraveve
drsquoattitudes sociales et politiques seacutegreacutegatives se manifeste selon des modaliteacutes particuliegraveres
tout en finissant par endroit par se croiser ce sont dans des espaces de faible valeur
eacuteconomique et sociale et de faible investissement institutionnel que des meacutenages et des
27
personnes en difficulteacutes sociales peuvent se retrouver pour habiter Pour le deacuteveloppement de
la probleacutematique nous nous orientons vers la recherche de qualification des processus
observables et des situations produites permettant drsquoen reconstituer les modaliteacutes
explicatives
Un point-cleacute drsquoanalyse est que les espaces sociaux des grands ensembles manifestent le plus
nettement les signes des deacutefauts drsquointeacutegration sociale et institutionnelle les pheacutenomegravenes de
ghettoiumlsation et de ghettos tendent agrave ecirctre de plus en plus rapporteacutes et reconnus Ils confirment
alors lrsquoinstallation durable des pheacutenomegravenes drsquoexclusion socio-eacuteconomique drsquoune partie de la
population et de sa releacutegation spatiale soit une forme de seacutegreacutegation urbaine dans les
agglomeacuterations drsquoappartenance de ces territoires Ainsi la probleacutematique de notre thegravese agrave
partir de questions portant sur le sens des situations de crise urbaine des espaces de grands
ensembles nrsquoen eacutecarte pas moins les exigences drsquoune sociologie explicative puisqursquoelle vise agrave
questionner les pheacutenomegravenes qui les deacuteterminent Et en quelque sorte ce questionnement sur
les causes contribue agrave reacuteveacuteler plus en avant la signification des processus concerneacutes
Plus preacuteciseacutement la probleacutematique suit deux principaux temps premiegraverement poser la
question de lrsquoexistence du sens des modaliteacutes et des effets de lrsquoexclusion sociale et
eacuteconomique deuxiegravemement deacutevelopper les mecircmes questions concernant les situations de
deacutegradation physique et sociale des territoires des grands ensembles (zones drsquohabitat et
territoires plus larges drsquoappartenance) non sans lien avec lrsquoexclusion sociale de certains de
ces habitants mais aussi en raison de la manifestation de la mecircme cause sociale deacuteterminante
qursquoest lrsquoattitude seacutegreacutegative ou excluante des groupes dominants ici exerceacutee dans les
politiques urbaines et sociales celles-ci eacutetant censeacutees garantir lrsquointeacutegration sociale des
cateacutegories peu qualifieacutees et en difficulteacutes sociales ainsi que la qualiteacute fonctionnelle des
espaces de grands ensembles pour les citadins en reacutealisant des interventions et une gestion
institutionnelles agrave la hauteur des enjeux Ces derniers pouvant se reacutesumer par lrsquoameacutelioration
des caracteacuteristiques physiques et de leur gestion notamment par le biais de reacutehabilitation des
immeubles et des espaces communs et aussi par leur transformation spatiale et fonctionnelle
pour leur revalorisation
28
Chapitre I
Lrsquoexclusion socio-eacuteconomique depuis les anneacutees 1970 un premier signe de la
seacutegreacutegation sociale moderne
La premiegravere question qui ouvre la reacuteflexion sur ce thegraveme est de comprendre et drsquoexpliquer
lrsquoeacutemergence de ce thegraveme de lrsquoexclusion eacuteconomique et sociale en lien avec les
manifestations deacutesigneacutees sous cette appellation La fin de laquo lrsquointeacutegration eacuteconomique de
tous raquo mythe de la socieacuteteacute industrielle des Trente glorieuses sans chocircmage apparent est-elle
imputable aux seules deacuteterminations de lrsquoeacutevolution eacuteconomique srsquoorientant vers la
mondialisation de son organisation et de son fonctionnement La vision de lrsquoeacuteconomie
comprise dans cette question est bien abstraite et deacuteconnecteacutee des reacutealiteacutes sociales qui
deacuteterminent lrsquoeacutevolution eacuteconomique en tant que champ social de la production des biens et
des services marchands et non-marchands
Lrsquoexclusion eacuteconomique et sociale relegraveve de processus sociaux constitutifs drsquoun modegravele de
deacuteveloppement eacuteconomique porteacute par un systegraveme social et une ideacuteologie qui beacuteneacuteficient agrave
certains et deacutesavantagent drsquoautres Lrsquoexclusion est bien une cateacutegorie drsquoaction et de situation
favoriseacutee par une repreacutesentation du monde social et eacuteconomique et des rapports entre groupes
sociaux de la socieacuteteacute le libeacuteralisme constitutif des ideacutees politiques deacuteveloppeacutees au XIXe
eacutemerge sous une forme nouvelle dans les anneacutees 1970 en srsquoappuyant sur lrsquoessoufflement du
modegravele keyneacutesien face agrave la crise des deacutepenses sociales En fait lrsquoexistence pendant les Trente
glorieuses de probleacutematiques sociales diverses (sous-proleacutetariat urbain pauvreteacute des
retraiteacuteshellip) deacuteconnecteacutees de la croissance eacuteconomique et de la redistribution
institutionnaliseacutee deacutenonceacutees par des organisations militantes et progressivement prises en
compte par des analystes diffeacuterents montrait que la logique de lrsquointeacutegration et du bien-ecirctre
social par tous eacutetait deacutejagrave deacutefaillante
La penseacutee libeacuterale justifie cependant la mise agrave lrsquoeacutecart des moins performants en raison de
leur faible qualification souvent par heacuteritage familial La logique de performance et de
compeacutetition autorise des attitudes seacutegreacutegatives agrave des niveaux plus ou moins eacuteleveacutes
drsquoinstitutionnalisation avec des effets plus ou moins reacuteversibles de fermeture des chances
drsquoaccegraves aux positions et aux activiteacutes favoriseacutees pour les moins qualifieacutees en raison de leur
non appartenance aux groupes sociaux privileacutegieacutes Cette ideacuteologie se manifeste aussi bien au
niveau du cadre politique geacuteneacuterale de la gestion des activiteacutes eacuteconomiques devenues
mondialiseacutees qursquoau niveau des rapports sociaux dans la sphegravere productive et de reproduction
29
sociale (attribution des statuts et des positions sociales meacutethodes de deacutecision et de
concertation sociale destination des transferts sociauxhellip) et dans les pratiques sociales
diverses dont les choix et modaliteacutes reacutesidentiels en milieu urbain
Cette partie aborde tant cet aspect contextuel que les diffeacuterentes appreacutehensions militantes
politiques et sociologiques de lrsquoexclusion pour cerner les pheacutenomegravenes concerneacutes les enjeux
sociaux qursquoils reacutevegravelent et leurs effets eacuteconomiques et sociaux La formation du processus de
deacutegradation physique et sociale des grands ensembles en fait partie abordeacutee avec les notions
de ghettoiumlsation et de deacuteclin social urbain des territoires drsquoappartenance Il srsquoagit drsquoidentifier
et de qualifier ce processus afin de permettre drsquoen retracer les causes sociales deacuteterminantes
(deuxiegraveme partie de ce chapitre)
A- Le contexte de lrsquoexclusion un reacutegime politique neacuteolibeacuteral
Cette premiegravere partie de chapitre aborde le contexte social et politique du deacuteveloppement de
la perception de la cateacutegorie drsquoaction de lrsquoexclusion eacuteconomique et social Mecircme si les
premiegraveres expressions de ce terme apparaissent un peu plus tocirct dans les anneacutees 1950 il srsquoagit
drsquoabord de consideacuterer la crise eacuteconomique et sociale qui srsquoaccroicirct au cours des anneacutees 1970
ainsi que le cadre ideacuteologique et politique geacuteneacuteral du deacuteveloppement de multiples processus
aux mecircmes effets drsquoexclusion eacuteconomique et sociale Ce sont drsquoailleurs souvent des causes
strictement eacuteconomiques qui sont reacuteguliegraverement mises en avant depuis une quarantaine
drsquoanneacutees pour expliquer la crise eacuteconomique et sociale avec son chocircmage de masse la
mondialisation et la financiarisation des eacutechanges et de la production mais aussi la
modernisation de ceux-ci par les nouvelles technologies de lrsquoinformation et de la
communication (Maurin 2002)
En fait depuis les anneacutees 1970 indeacutependamment des sous-peacuteriodes de croissance ou de
deacuteclin eacuteconomique tous les segments hieacuterarchiques de la socieacuteteacute ont eacuteteacute concerneacutes par la
fragilisation de lrsquoemploi (Maurin 2002) surtout les ouvriers et les employeacutes notamment les
moins qualifieacutes pour les emplois de production et drsquoexeacutecution mais aussi les professions
intermeacutediaires et surtout les cadres aux emplois qualifieacutes les plus reacutecents (moins drsquoun an
drsquoancienneteacute) comme les plus anciens (plus drsquoun an drsquoancienneteacute) Il nrsquoy a drsquoailleurs pas en
France de dualisation rigide du marcheacute du travail entre deux classes eacutetanches les preacutecaires
et les proteacutegeacutes qui serait lieacutee agrave la geacuteneacuteralisation des contrats agrave dureacutee deacutetermineacutee (CDD) Agrave
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la fin des anneacutees 1990 les CDD concernent 70 des recrutements des eacutetablissements de plus
de 10 salarieacutes en 2009 cette part est passeacutee agrave 80 (Arnold 2010) Cependant les CDD ne
sont pas irreacuteversibles Agrave la fin des anneacutees 1990 pregraves de 70 de ces contrats (hors contrats
saisonniers de tregraves courte dureacutee) sont transformeacutes en contrats permanents en partie gracircce agrave la
clause de non-renouvellement la creacuteation drsquoemplois permanents fait autant suite agrave une
transformation de contrat temporaire qursquoagrave une embauche directe sous contrat agrave dureacutee
indeacutetermineacutee
Comment se manifestent alors les pheacutenomegravenes de preacutecarisation eacuteconomique et de
paupeacuterisation qui drsquoune part ont inspireacute un sentiment de laquo chute sociale raquo aupregraves de
nombreuses cateacutegories sociales (Bachmann Le Guennec 1996) et drsquoautre part ont favoriseacute
le deacuteveloppement drsquoineacutegaliteacutes sociales entre une partie des couches moyennes et modestes en
voie de deacuteclassement et de paupeacuterisation et la partie des plus aiseacutes devenant encore plus
riche Dans la sphegravere de la production la seacutelectiviteacute accrue des recrutements srsquoest
geacuteneacuteraliseacutee au deacutetriment de cateacutegories jusque lagrave inseacutereacutees dans le travail ayant comme point
commun une faible qualification ou expeacuterience certains jeunes des femmes des eacutetrangers
ou des immigreacutes et drsquoautres actifs encore peu performants Progressivement la figure des
laquo pauvres laborieux raquo ou laquo travailleurs pauvres raquo crsquoest-agrave-dire des travailleurs appartenant agrave
des meacutenages pauvres srsquoest imposeacutee dans toutes les socieacuteteacutes modernes7
Sous lrsquoeffet du deacuteveloppement du non-emploi du sous-emploi et de la limitation deacutelibeacutereacutee
des revenus salariaux la paupeacuterisation de certains meacutenages srsquoest eacutetendue bien que la baisse
geacuteneacuterale des revenus soit limiteacutee et qursquoil soit constateacute que le niveau de vie moyen de
lrsquoensemble des meacutenages continue agrave croicirctre Crsquoest cependant une frange de la socieacuteteacute qui se
trouve vulneacuterabiliseacute par le changement de type du lien social entre les classes dominantes et
les autres groupes sociaux notamment les cateacutegories ouvriegraveres et employeacutees les plus
exposeacutees agrave la mise agrave lrsquoeacutecart productive (Dubet Martucelli 1998 Castel 1995) En masse les
chiffres ne sont pas minces Lrsquoancien Commissariat geacuteneacuteral du Plan avait montreacute qursquoen 1996
lrsquoensemble des laquo sans emploi et sous-employeacutes raquo (comprenant les chocircmeurs laquo officiels raquo les
actifs preacutecaires et les laquo exclus extrecircmes du travail raquo) formaient 714 millions drsquoactifs soit
entre un quart et un tiers des actifs (291 ) 308 millions eacutetaient des chocircmeurs de la
7 Les working poors repeacutereacutes degraves les anneacutees 1970 aux Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique apparaissent en Europe dans les anneacutees 1980
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cateacutegorie 1 de lrsquoancien Pocircle emploi8 (ANPE Agence nationale pour lrsquoemploi) qui regroupe
des demandeurs drsquoemploi disponibles immeacutediatement pour un travail agrave temps complet et
406 millions eacutetaient des laquo preacutecaires raquo et laquo exclus extrecircmes raquo du travail Ce deacutecompte
regroupe drsquoabord les diffeacuterentes cateacutegories de chocircmeurs au sens officiel que trois sources
diffusent le Bureau international du Travail (BIT) Pocircle emploi et lrsquoInstitut national de la
statistique et des eacutetudes eacuteconomiques (INSEE) avec le recensement de la population Bien
que ces trois indicateurs restent encore partiels pour reacuteveacuteler tout le non-emploi en les
associant ils permettent de fournir une ideacutee du pheacutenomegravene
Tout drsquoabord le chocircmage au sens du BIT est un indicateur fourni par les enquecirctes annuelles
sur lrsquoemploi de lrsquoINSEE dans une acception assez restrictive puisque les chocircmeurs y sont les
personnes strictement sans emploi nrsquoayant pas travailleacute durant la peacuteriode de reacutefeacuterence (la
semaine preacuteceacutedente) et se deacuteclarant disponibles pour travailler et pouvant attester de
recherches effectives drsquoemploi (en 1999 2 840 000 personnes en France) La seconde source
est Pocircle emploi avec ses demandeurs drsquoemploi inscrits en fin de mois (DEFM) qui sont
compteacutes seule une des cateacutegories de demandeurs est utiliseacutee pour les statistiques officielles
(2 628 600 chocircmeurs officiels en 1999) ceux sans emploi au cours du mois agrave la recherche
drsquoun emploi agrave dureacutee indeacutetermineacutee agrave temps plein ou partiel ou agrave dureacutee deacutetermineacutee temporaire
ou saisonnier (cateacutegorie A regroupant les anciennes cateacutegories 1 2 et 3 de lrsquoANPE pour les
demandeurs hors activiteacute reacuteduite)9
Enfin la troisiegraveme source de recensement de chocircmeurs est lrsquoINSEE qui lors des
recensements de population enregistre toutes les personnes se deacuteclarant spontaneacutement
chocircmeuses (ou plutocirct en recherche drsquoun travail) Avec cette approche plus subjective des
megraveres de famille inactives ou des preacuteretraiteacutes peuvent srsquoexprimer plus librement en 1999
3 401 600 se sont deacuteclareacutes chocircmeurs Ainsi les eacutecarts sont importants entre ces mesures
pregraves de 560 000 entre le deacutecompte du recensement et celui de lrsquoEnquecircte emploi selon la
reacutefeacuterence du BIT ou encore un peu plus de 770 000 entre le deacutecompte du recensement et
celui de Pocircle emploi avec sa cateacutegorie officielle de chocircmeurs
8 Pocircle emploi est lrsquoadministration neacutee de la fusion en 2008 entre lrsquoAgence nationale pour lrsquoemploi (lrsquoANPE) et les Associations pour lrsquoemploi dans lrsquoindustrie et le commerce les ASSEDICS en charge de lrsquoassurance chocircmage 9 Les quatre autres cateacutegories sont les demandeurs ayant exerceacute une activiteacute reacuteduite courte au cours du mois (moins de 78 h cateacutegorie B anciennes cateacutegories 1 2 et 3 de lrsquoANPE avec activiteacute reacuteduite) les demandeurs ayant exerceacute une activiteacute reacuteduite longue (plus de 78 heures cateacutegorie C anciennes cateacutegories 6 7 et 8 de lrsquoANPE) les demandeurs drsquoemploi sans emploi mais en stage formation ou maladie (cateacutegorie D ancienne cateacutegorie 4 de lrsquoANPE) et les demandeurs drsquoemploi en emploi (cateacutegorie E ancienne cateacutegorie 5 de lrsquoANPE)
32
Ces eacutecarts constituent des formes de repreacutesentation du laquo halo raquo du chocircmage cet espace social
indeacutefini de personnes exclues de la deacutefinition des laquo chocircmeurs raquo officiels En portant une plus
nette attention aux cateacutegories non laquo officielles raquo du chocircmage les volumes de demandeurs
drsquoemploi ou de personnes sous ou non employeacutees doublent quasiment en ordre de grandeur
En 2001 par exemple lrsquoenquecircte Emploi de lrsquoINSEE reacutevegravele 22 millions de chocircmeurs mais
aussi 42 millions en tout en ajoutant le laquo chocircmage de lrsquoombre raquo ensemble qui comprend des
chocircmeurs laquo deacutecourageacutes raquo (ne cherchant plus) et drsquoautres indisponibles par exemple drsquoune
activiteacute plus ou moins reacuteduite Pour lrsquoancienne ANPE lrsquoeacutecart eacutetait du mecircme ordre la mecircme
anneacutee 2001 (mars) 2 millions de chocircmeurs laquo officiels raquo (cateacutegorie 1) contre 365 millions de
demandeurs drsquoemploi totaux (reacutepartis parmi les autres cateacutegories) En outre ces volumes ne
comptent pas ici tout ceux et surtout toutes celles qui sont en inactiviteacute forceacutee (Maruani
2002) Crsquoest donc en fait un vaste ensemble composeacute du chocircmage de lrsquoactiviteacute preacutecaire du
sous-emploi et de lrsquoinactiviteacute qui forme le non-emploi Il mine toute la socieacuteteacute y compris les
salarieacutes occupeacutes puisque le rationnement de lrsquoemploi tire vers le bas les niveaux de salaire
dont celui des actifs les plus vulneacuterables dont les femmes en premier chef
En outre ces chiffres reacutevegravelent que le sous-emploi lrsquoinstabiliteacute professionnelle lrsquoinscription
provisoire dans des dispositifs de formation ou la cessation anticipeacutee drsquoactiviteacute constituent
des situations plus nombreuses (55 environ) que le chocircmage officiel (45 environ) Par
exemple les auteurs drsquoun rapport au Premier ministre (Guaino Barale Molcinikar 1997)
ajoutent aux 3 millions de chocircmeurs officiels 250 000 chocircmeurs laquo deacutecourageacutes raquo 300 000
chocircmeurs laquo dans lrsquoincapaciteacute de retrouver un travail raquo 460 000 personnes laquo retireacutees de la
population active par les dispositifs de cessation anticipeacutee drsquoactiviteacute raquo 1 000 000 personnes
qui laquo subissent lrsquoinseacutecuriteacute de lrsquoemploi raquo 1 500 000 laquo personnes travaillant involontairement
agrave temps partiel raquo 200 000 chocircmeurs laquo partiels raquo (temps complet reacuteduit) et 350 000 personnes
laquo sans emploi beacuteneacuteficiant drsquoun dispositif de formation raquo (total 406 millions) bien que
certaines cateacutegories se recouvrent et que drsquoautres preacutecaires ou sans emploi eacutechappent agrave cette
recension cet ordre de grandeur de plus de 7 millions drsquoactifs sans emploi et sous-employeacutes
forment en tout pregraves de 30 des actifs en 1997 que lrsquoon peut seacutepareacute en 129 de chocircmeurs
et 17 de preacutecaires
Il faut bien consideacuterer que la preacutecariteacute professionnelle commence aussi en situation de travail
Serge Paugam (2002) a deacutefini la preacutecariteacute drsquoactifs occupeacutes selon de mauvaises conditions ou
une insatisfaction de travail agrave lrsquoorigine de la volonteacute de changement drsquoemploi un travail
temporaire ou indeacutetermineacute mais exposeacutes fortement au licenciement un travail stable mais
33
soumis agrave des conditions de peacutenibiliteacute et de stress importantes ou enfin un poste disqualifieacute
crsquoest-agrave-dire instable peu reacutemuneacutereacute peu inteacuteressant et recevant peu de reconnaissance sociale
et professionnelle Lrsquoauteur eacutevoque drsquoailleurs trois laquo deacuteviances raquo drsquointeacutegration eacuteconomique
par rapport agrave lrsquoideacuteal type drsquointeacutegration professionnelle (emploi stable et satisfaisant)
linteacutegration incertaine (fortes chances de perte demploi et de bonnes conditions de travail)
linteacutegration laborieuse (stabiliteacute demploi mais fortes peacutenibiliteacute et tensions au travail)
linteacutegration disqualifiante la plus importante et dommageable socialement en geacuteneacuterant une
crise dinteacutegration (absence de travail stable et de sens confeacutereacute par celui-ci reconnaissance
digniteacute inteacuterecirct)
Ainsi depuis les anneacutees 1970 la fragilisation de lrsquoemploi constitue une conseacutequence de la
tendance eacuteconomique et politique neacuteolibeacuterale qui avec la financiarisation de lrsquoeacuteconomie
mondialiseacutee exige la flexibilisation du marcheacute du travail et la recherche de reacuteduction
systeacutematique des emplois Tous les domaines sont toucheacutes par cette orientation politique sans
ecirctre assortie de dispositions sociales suffisamment protectrices et inteacutegrantes Nous pouvons
rapporter plus preacuteciseacutement quatre diffeacuterents processus techniques eacuteconomiques et politiques
qui ont contribueacute agrave la preacutecariteacute des trajectoires socio-eacuteconomiques
Le premier est la diffusion des nouvelles technologies de lrsquoinformation et de la
communication (NTIC) Celles-ci rendent moins utile ndash voire inutile ou mecircme gecircnant par
endroit lrsquoaccumulation drsquoexpeacuterience professionnelle speacutecifique au sein des entreprises ce
qui modifie les organisations et les techniques de production Lrsquoaccroissement du risque de
perdre son emploi y est correacuteleacute fortement dans les anneacutees 1980 et 1990 selon les travaux
drsquoEacuteric Maurin (2002) Dans les secteurs ougrave les nouvelles technologies se reacutepandent le plus
rapidement drsquoailleurs le risque de perdre son emploi est le plus eacuteleveacute La raison est qursquoelles
incorporent des savoirs traditionnellement deacutetenus par les plus expeacuterimenteacutes Cela se veacuterifie
aussi par la reacuteduction de la diffeacuterence de salaires entre les anciens et les nouveaux salarieacutes
Dans ce contexte les nouveaux savoirs exteacuterieurs aux entreprises prennent de la valeur Et
dans ce cas il nrsquoy a toujours pas de reacuteforme du dispositif de formation permanente agrave la
hauteur de cet enjeu drsquoadaptation tant pour les salarieacutes souhaitant acqueacuterir la maicirctrise des
nouveaux outils que pour ceux souhaitant se reconvertir ce qui neacutecessite que le dispositif se
deacuteconnecte de la tutelle des entreprises pour le choix des formations et que celles-ci puissent
ecirctre longues et approprieacutees aux enjeux seacutepareacutes des besoins immeacutediats des entreprises
34
Le deuxiegraveme processus qui fragilise lrsquoemploi en France est celui de lrsquoindividualisation et de la
personnalisation des conduites qui dominent la vie sociale et qui se diffusent dans le monde
du travail (Maurin 2002) Cela apparaicirct particuliegraverement net dans les secteurs en
deacuteveloppement comme ceux des services aux personnes les reacutefeacuterences cateacutegorielles reacutegulant
les rapports de travail se sont affaiblies agrave la faveur des reacutefeacuterences personnelles Moins de
syndicalisme moins de solidariteacute professionnelle moins de conscience drsquoappartenance
professionnelle collectivehellip La tertiarisation de lrsquoeacuteconomie y a une part de responsabiliteacute
avec la preacutedominance de rapports plus directs avec le client ndash multiplication des services agrave la
personne et personnalisation des rapports sociaux et des produits et avec lrsquoaffaiblissement
des contacts interprofessionnels ainsi que lrsquoideacuteologie de lrsquoautonomie et de la responsabiliteacute
dans les organisations de travail Cette eacutevolution impacte drsquoailleurs les professionnels
deacutepression et manque de confiance personnelles meacutecontentements et sentiment de pouvoir
perdre son travail tensions conjugales et familiales divorces et violences familiales Dans
ce nouveau cadre social de travail les responsabiliteacutes collectives des employeurs ainsi que de
lrsquoEacutetat reacutegulateur est drsquoailleurs deacutefectueuse
Troisiegraveme pheacutenomegravene favorisant la preacutecariteacute de lrsquoemploi les dynamiques eacuteconomiques des
territoires Lrsquoimplantation et la nature des activiteacutes (exeacutecution-production conception-
direction-recherche) des entreprises et des administrations publiques (services centraux drsquoEacutetat
ou services deacuteconcentreacutes et deacutecentraliseacutes) orientent les besoins en main drsquoœuvre De mecircme
une composante importante et souvent neacutegligeacutee de ce processus concerne les flux migratoires
qui produisent des effets nets sur les structures sociales des territoires (Freyssinet 2002
Observatoire national de la pauvreteacute et de lrsquoexclusion sociale - ONPES 2002) ils
interagissent avec leur dynamisme eacuteconomique et renforcent contredisent ou reacuteduisent les
processus drsquoappauvrissement ou drsquoenrichissement Lrsquoaction de lrsquoEacutetat sur les plans tant de
lrsquoameacutenagement et du deacuteveloppement des territoires que de la reacuteglementation des aspects
internationaux de lrsquoeacuteconomie (eacutechanges localisation des productions consommation) paraicirct
impuissante face aux dynamiques de la mondialisation qui deacutelaissent des villes des espaces et
des types de production devenant inutiles aux systegravemes productifs et de consommation
mondialiseacutes
Enfin quatriegraveme deacuteterminant de la crise de lrsquoemploi les deacutecisions politiques explicites en
matiegravere eacuteconomique et drsquoemploi ayant comme effet la discrimination de certaines cateacutegories
sociales de la sphegravere productive (Dubet Martucelli 1998) En la matiegravere la France a assureacute
son deacuteveloppement laquo gracircce raquo au choix du chocircmage de masse indemniseacute et garanti pour
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maintenir la paix sociale (Olivennes 1996) Ce sont les groupes privileacutegieacutes aux commandes
de lrsquoEacutetat et des grandes entreprises publiques et priveacutees qui ont preacutefeacutereacute face agrave la seacutelectiviteacute
accrue de lrsquoeacuteconomie favoriser un chocircmage de masse par le biais notamment du choix de la
productiviteacute maximale Lrsquoobjectif eacutetait de maintenir ou drsquoaugmenter les revenus des
laquo insiders raquo sans substitution de main drsquoœuvre afin drsquoeacuteviter les frais drsquoembauche et de
licenciement De ce fait toutes les tacircches neacutecessitant une faible qualification sont deacutepreacutecieacutees
car deacutelaisseacutees les activiteacutes et le personnel qui en relegravevent manquent de consideacuteration sociales
et statutaires Crsquoest pourquoi au risque eacuteleveacute de perte drsquoemploi agrave lrsquoanxieacuteteacute et aux tensions
dans les activiteacutes il faut inclure dans le champ drsquoanalyse de la preacutecariteacute le critegravere de lrsquoemploi
peu valorisant ou peu satisfaisant (Paugam 2002 Burchell 2002)
Ainsi la preacutecariteacute lieacutee agrave la diffusion des NTIC agrave lrsquoindividualisation des processus de travail
agrave la pression pour la compeacutetitiviteacute internationale ou encore aux choix politiques explicites de
restriction de la main drsquoœuvre se reacutepercute tout autant au niveau des tacircches qualifieacutees que des
tacircches non qualifieacutees Ce pheacutenomegravene nrsquoest pas sans effet sur le plan des identiteacutes sociales La
fonction quasi-exclusive de socialisation et drsquoidentification sociale qursquoa le travail est
fortement mise agrave mal avec ces meacutecanismes drsquoexclusion et de preacutecarisation seacutevissant sur
marcheacute de lrsquoemploi La perte ou lrsquoabsence de sociabiliteacute professionnelle laquo endommage raquo le
lien organique des individus avec la socieacuteteacute du point de vue de leur place dans lrsquoorganisation
globale et dans les repreacutesentations collectives
Les situations de frustration et drsquoanomie collective et individuelle conseacutequentes (perte de sens
dans les conduites) peuvent entraicircner des comportements parfois deacutestructurants et
destructeurs (repli deacutesocialisation non participation sociale deacutelinquance criminaliteacute
violencehellip) mais aussi et plus rarement des reacuteactions constructives (opposition et militance
politiques et sociales pour le changement social) Cette eacutevolution est drsquoautant plus critique
qursquoil nrsquoy a pas drsquoautres voies valables drsquoidentification et de positionnement sociaux (Dubet
Martucelli 1998) les finaliteacutes morales et lrsquoautonomie des traditions communautaires ont
globalement deacuteclineacute de mecircme que les mouvements reacutevolutionnaires ou modernisateurs
portant des valeurs politiques universelles lieacutees agrave diverses repreacutesentations du progregraves collectif
(grandes ideacuteologies et utopies politiques jusque dans les anneacutees 1970)
Dubet et Martuccelli (1998) montrent plus fondamentalement que cette eacutevolution eacuteconomique
et sociale est lieacutee aux rapports sociaux de production-reproduction et drsquoorganisation de
lrsquoeacuteconomie et de lrsquoEacutetat ces rapports privileacutegient certaines cateacutegories sociales (meacutedecins
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agriculteurs cadres supeacuterieurs et professions intellectuelles hauts-fonctionnaireshellip) qui de
par leur position dominante dans leur champ protegravegent celle-ci au deacutetriment de ceux ne
pouvant se faire valoir Depuis les anneacutees 1970 la logique de clivage lieacutee au risque
drsquoexclusion de la sphegravere du travail srsquoest instaureacutee tout autant dans la sphegravere de la reproduction
sociale et institutionnelle les meacutecanismes institutionnels (eacutecole subventions aides) qui
distribuent les places dans lrsquoeacuteconomie et la socieacuteteacute ainsi que les transferts sociaux selon les
places dans le systegraveme institutionnel et lrsquoinfluence politique des cateacutegories sociales exercent
davantage des opeacuterations de seacutelection et drsquoexclusion sociale envers ceux exclus de la sphegravere
eacuteconomique qursquoune action plus large drsquointeacutegration sociale de ceux-ci
Cette situation explique que les reacuteactions actuelles amegraveres des domineacutes soient tourneacutees non
plus vers les dirigeants eacuteconomiques mais plutocirct vis-agrave-vis des appareils de reproduction de
controcircle social et drsquoadministration puisque les preacutecaires sont le plus souvent deacutefinis comme
des assisteacutes et plutocirct comme des objets de politiques speacutecifiques Drsquoougrave le sentiment parfois
drsquoune attitude de domination de la part des fonctionnaires des enseignants ou encore aussi
des travailleurs sociaux Dubet et Martucelli (1998) eacutevoquent mecircme une forme parfois
manifeste de laquo colonialisme interne raquo contemporain
Comment comprendre ces situations sociales nouvelles et les attitudes deacutecrites Crsquoest agrave
lrsquoapplication drsquoune philosophie politique inspireacutee de lrsquoeacuteconomie libeacuterale dans lrsquoorganisation
sociale drsquoensemble de la socieacuteteacute qursquoil faut se reacutefeacuterer Les groupes sociaux dominants geacuterant
lrsquoEacutetat ont en majoriteacute adopteacute depuis le milieu des 1980 des normes tregraves libeacuterales drsquoaction
deacutepassant les principes du droit administratif classique (leacutegitimiteacute de pouvoir leacutegaliteacute
reacutegulariteacute coheacuterence formelle) Le laquo tournant neacuteo-libeacuteral de lrsquoEacutetat raquo (Muller 2006) est
drsquoabord lieacute agrave une volonteacute drsquo laquo eacuteconomisation raquo du social (Martin 1998-d) avec la hausse
exponentielle de ses deacutepenses depuis les anneacutees 1950 et les difficulteacutes de son financement agrave
partir des anneacutees 1970 ces deacutepenses passent de 97 du produit inteacuterieur brut (PIB) en 1959
agrave pregraves de 30 (284 ) au milieu des anneacutees 1990 (Martinez 2000) Pour geacuterer cette crise
financiegravere une orientation plus eacuteconomique de la gestion publique a eacuteteacute engageacutee et mise en
œuvre par les eacutelus sous lrsquoinfluence de certains eacuteconomistes drsquoEacutetat et universitaires (Barbier
2010)
De maniegravere convergente une orientation gestionnaire plus pragmatique ie tourneacutee vers la
reacuteussite de lrsquoaction srsquoest imposeacutee dans la sphegravere politico-administrative avec la volonteacute de
traiter des problegravemes publics (notamment les questions sociales) (Duran 2010) Le critegravere de
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performance (efficaciteacute et efficience) des modaliteacutes et des instruments drsquoaction est devenu
preacutedominant (le laquo nouveau management public raquo inspireacute par les normes et outils du secteur
priveacute) bien que reacuteducteurs de lrsquoappreacutehension des politiques publiques Mais la crise de
gestion de lrsquoEacutetat-social (deacuteficits de la protection sociale) deacutenonceacutee par les groupes libeacuteraux et
conservateurs exigeait des mesures nouvelles Les solutions neacuteo-libeacuterales nrsquoont pourtant pas
apporteacute de reacutesultats tangibles puisque les reacutegimes sociaux depuis les anneacutees 1970 ont
poursuivi leur pente deacuteficitaire et les aides de solidariteacute eacutetatiques bien que ne repreacutesentant
que 4 du PIB en 1998 apparaissent toujours difficiles agrave justifier aux yeux des couches
moyennes principales utilisatrices pourtant des dispositifs assurantiels et donc les plus
responsables des tendances drsquoeacutevolution du systegraveme global
Cette situation ramegravene quasiment au XIXe siegravecle lors des luttes politiques et sociales sous-
tendues par lrsquoopposition ideacuteologique entre les libeacuteraux et les partisans de lrsquoapplication du
principe de solidariteacute crsquoest-agrave-dire entre les opposants aux deacutepenses sociales de lrsquoEacutetat et les
promoteurs de lrsquo laquo Eacutetat-providence raquo (Donzelot Roman 1991 Donzelot 1994) Les
politiques sociales constituent une meacutethode politico-institutionnelle de reacutegulation du hiatus
entre eacutegaliteacute politique effective et ineacutegaliteacute socio-eacuteconomique surtout lorsque cette derniegravere
srsquoaccroicirct Ainsi depuis la deacuteconnexion continue entre croissance eacuteconomique et inteacutegration
sociale agrave partir des anneacutees 1970 (niveau eacuteleveacute de chocircmage) la neacutecessiteacute de revenir sur le
manque de prise en compte du social hors champ des conflits du travail paraicirct de plus en
plus ineacutevitable dans lrsquoaction eacutetatique alors que le camp libeacuteral nrsquoest jamais convaincu Au
cours de la premiegravere moitieacute du XXe siegravecle la theacuteorie durkheimienne de la solidariteacute organique
(Durkheim 2007) servit de base conceptuelle agrave la leacutegitimation et lrsquoimposition du social
srsquoappliquant prioritairement il est vrai aux cateacutegories sociales parties prenantes de
lrsquoindustrialisation croissante en raison de leur interdeacutependance fonctionnelle objective les
individus se protegravegent des aleacuteas agrave lrsquoaide des regravegles de droit de la socieacuteteacute ndash droit du travail et
droit social ndash drsquoabord pour des problegravemes se reacutefeacuterant au travail dont lrsquoorigine est imputeacutee agrave la
socieacuteteacute
Que faire alors face agrave la multiplication de problegravemes sociaux multiples (retraite-vieillesse
situation des personnes handicapeacutees familles nombreuses et seacutepareacutees non-emploi
seacutegreacutegation dans lrsquohabitathellip) auxquels la croissance eacuteconomique ne peut en elle-mecircme toute
seule apporter des reacuteponses (Delors 1971) Dans ce sens lrsquoexclusion eacuteconomique et sociale
des cateacutegories moins utiles et influentes semble alors moins provenir de la laquo crise
eacuteconomique raquo et de la laquo crise de lrsquoEacutetat-social raquo que de lrsquoeacutevolution des modaliteacutes des rapports
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sociaux face aux mutations de lrsquoeacuteconomie Diverses conduites sociales des deacutecideurs et
responsables sociaux ont bien eacuteteacute drsquoailleurs produites pour eacutecarter ou marginaliser les
cateacutegories les moins qualifieacutees et utiles Par exemple la suppression massive des postes non
ou peu qualifieacutes dans lrsquoindustrie nrsquoa pas eacuteteacute reacutesorbeacutee par les secteurs tertiaire et quaternaire
(services aux entreprises et aux personnes) et par les activiteacutes lieacutees aux nouvelles
technologies de lrsquoinformation et de la communication Il nrsquoy a plus de recherche drsquoeacutequilibre
entre les qualifications les revenus et lrsquoemploi qui constituait une preacuteoccupation politique
pendant la peacuteriode industrielle La preacutecarisation autoriseacutee voire encourageacutee laquo canceacuterise raquo
toute la reacutegulation salariale heacuteriteacutee de cette eacutepoque (Bachman Le Guennec 1996)
Srsquoils sont au premier front pour faire face aux incertitudes de lrsquoeacuteconomie mondialiseacutee les
eacutelites nrsquoen sont pas moins responsables du modegravele drsquoorganisation eacuteconomique et des rapports
sociaux qui srsquoest institueacute sur le plan inteacuterieur en reportant ou non ces incertitudes aux
niveaux des employeacutes (Bertho 1997 Garnier 2010) elles pourraient ecirctre tout autrement
absorbeacutees agrave leur niveau en preacuteservant les cateacutegories ouvriegraveres et employeacutees de celles-ci Les
responsables eacuteconomiques et politiques ont favoriseacute un modegravele eacuteconomique nouveau face agrave la
mondialisation qui integravegre les incertitudes en instaurant un systegraveme fortement ineacutegalitaire au
deacutetriment des cateacutegorises moyennes et modestes
Ce modegravele le laquo keyneacutesianisme ineacutegalitaire raquo provient drsquoun mode de deacuteveloppement mis en
œuvre agrave partir de la fin des anneacutees 1970 aux Eacutetats-Unis puis de maniegravere moins accentueacutee en
Europe et en France agrave partir des anneacutees 1980 (Pech 2010) Il srsquoagit dans un contexte de
protections sociales fortes heacuteriteacutees du keyneacutesianisme drsquoapregraves-guerre de restreindre voire de
reacuteduire les salaires et mecircme le salaire minimum ainsi que de toutes formes drsquoaides sociales
dans une logique de reacuteduction des coucircts du travail de deacutereacuteglementation du marcheacute du travail
et de soutien agrave la compeacutetitiviteacute des entreprises afin de faire face agrave la concurrence mondiale
des eacuteconomies agrave bas coucirct de main drsquoœuvre Cette orientation repose sur la prospeacuteriteacute drsquoune
cateacutegorie sociale particuliegravere les entrepreneurs mondialiseacutes lesquels sont censeacutes apporter aux
eacuteconomies nationales lrsquoinvestissement dans lrsquoactiviteacute lrsquoemploi et la consommation qursquoelles
neacutecessitent Drsquoougrave les cadeaux fiscaux de plus en plus larges et eacuteleveacutes agrave ceux-ci meneacutes des
anneacutees 1980 aux Eacutetats-Unis jusqursquoen 2007 en France avec le laquo paquet fiscal raquo10
10 Loi en faveur du travail de lrsquoemploi et du pouvoir drsquoachat (TEPA) ayant aussi lanceacute lrsquoexpeacuterimentation du RSA dans 34 deacutepartements adopteacutee en urgence le 1er aoucirct puis apregraves recours de lrsquoopposition devant le Conseil constitutionnel le 21 aoucirct par le parlement degraves lrsquoeacutelection de Nicolas Sarkozy agrave la Preacutesidence de la Reacutepublique Elle comporte toutes les mesures embleacutematiques drsquoun gouvernement libeacuteral visant agrave augmenter la croissance eacuteconomique et lrsquoinvestissement eacuteconomique en tentant officiellement de freiner le deacutepart agrave lrsquoeacutetranger des
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Le problegraveme est que les reacutesultats ne sont pas agrave la hauteur des objectifs au moins sur deux
plans (Pech 2010) drsquoune part lrsquoinvestissement productif la creacuteation drsquoemplois et la
compeacutetitiviteacute des entreprises nrsquoont pas augmenteacute en proportion de la suppression de la part de
redistribution aux plus modestes via les salaires et cela en raison des exigences de rendement
deacuteraisonnable du systegraveme financier laquo pompant raquo une part croissante de la valeur ajouteacutee
drsquoautre part lrsquoenrichissement attendu est contrarieacute par les niveaux drsquoendettement individuels
et eacutetatiques croissants car faute drsquoaugmentation geacuteneacuterale des revenus reacuteels des meacutenages (agrave
lrsquoinverse ils baissent pour certains dont une grande partie des classes moyennes) une
pratique de recours outrancier au creacutedit a eacuteteacute faciliteacutee pour maintenir un haut niveau de leur
consommation pour un haut niveau de production
Ces eacuteleacutements expliquent les dysfonctionnements agrave lrsquoorigine de la crise du systegraveme financier
de 2008 aux reacutepercussions mondiales En outre quand bien mecircme la croissance eacuteconomique
serait au rendez-vous elle nrsquoaurait pas mieux assureacutee un deacuteveloppement qualitatif du systegraveme
eacuteconomique et social puisque avec ces caracteacuteristiques ce modegravele neacuteolibeacuteral accentue au
contraire deacutelibeacutereacutement les deacuteficits les failles et les insuffisances des systegravemes de protections
sociales pensant que ces derniers sont agrave lrsquoorigine des incertitudes de lrsquoeacuteconomie mondiale
dont le deacutefaut drsquoinvestissement des capitaux mondiaux dans le pays Il est ici totalement
eacutevacueacute qursquoagrave lrsquoinverse un systegraveme social stable et protecteur eacutevite les tensions sociopolitiques
qui ont pour le coup un effet direct sur le dynamisme eacuteconomique drsquoun pays Agrave la place il est
constateacute lrsquoeffritement du systegraveme assurantiel par deacutecomposition des assurances en fonction
des risques encourus par chaque cateacutegorie de population (Dubet Martuccelli 1998) et un tregraves
faible usage du potentiel redistributif de lrsquoimpocirct pour tenter de reacuteduire les ineacutegaliteacutes sociales
Comparativement aux 34 autres pays de lrsquoOrganisation pour la coopeacuteration et le
deacuteveloppement eacuteconomique (OCDE) notre systegraveme reacuteduit les ineacutegaliteacutes de 18 alors que
les systegravemes sueacutedois et belges sont plus eacutegalitaires avec 52 et 45 de reacuteduction des
ineacutegaliteacutes (Martinez 2000) Lrsquoimpocirct sur le revenu est tregraves faiblement exploiteacute en 1996 son
poids sur le PIB est le plus faible avec 79 contre 96 pour la moyenne de lrsquoEurope des
Quinze et 106 pour celle des Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique (Allemagne 82 Pays-Bas 84
Italie 95 Royaume- uni 106 Belgique 146 Suegravede 192 Danemark
244 ) Dans ce sens les moyens pour reacuteorganiser la socialisation et lrsquointeacutegration sociale
capitaux et des grandes fortunes suppression de lrsquoimpocirct et alleacutegement des cotisations sociales sur les heures suppleacutementaires octroi drsquoun creacutedit drsquoimpocirct sur les inteacuterecircts drsquoemprunt immobilier pour les meacutenages acqueacutereurs alleacutegement des droits agrave succession reacuteduction de lrsquoimpocirct de solidariteacute sur la fortune et abaissement du plafond drsquoimposition globale du contribuable ou laquo bouclier fiscal raquo (de 60 agrave 50 )
40
manquent ineacutevitablement Les processus de preacutecarisation professionnelle et de fragilisation
sociale produisent une couche assez importante de victimes dans un systegraveme social orienteacute
vers la forte seacutelectiviteacute et lrsquoabandon des moins qualifieacutes Le deacuteploiement rapide de cette
logique drsquoexclusion eacuteconomique et sociale a eacuteteacute diversement perccedilu par les acteurs sociaux et
les chercheurs
B- Analyses sociales politiques et sociologiques de lrsquoexclusion
Agrave partir des anneacutees 1970 le terme laquo exclusion raquo a connu un fort deacuteveloppement pratique
dans les diffeacuterentes sphegraveres du langage commun et politique ainsi que savant Les registres
politico-administratifs et militants de son usage les plus anciens ont drsquoabord reacuteveacuteleacute un sens
tregraves radical selon une fonction de deacutenonciation politique la rupture des relations avec la
socieacuteteacute (de ses institutions de ses structures et de ses activiteacutes) et donc la mise agrave lrsquoeacutecart
complet de celle-ci sous-entendant une exclusion sociale totale avec des modaliteacutes spatiales
et formelles tregraves visibles Lrsquoexpression a eacuteteacute notamment utiliseacutee dans les milieux associatifs
de lutte contre la pauvreteacute degraves lrsquoapregraves Seconde Guerre mondiale
Crsquoest un premier ouvrage scientifique et militant du Mouvement Aide agrave Toute Deacutetresse (ATD
Quart-Monde) qui utilise le terme pour son titre (Klanfer 1965)11 La notion sert en fait agrave
lrsquoanalyse de la situation du sous-proleacutetariat industriel des bidonvilles pauvre et sous-qualifieacute
(le laquo Quart-Monde raquo) ni repreacutesenteacute ni pris en compte dans les institutions sociales et
politiques Cette eacutetape ouvre la voie aux usages et politiques et savants de la notion pour
lrsquoanalyse des effets sociaux des choix politiques de deacuteveloppement du chocircmage de masse et
de la preacutecariteacute eacuteconomique drsquoune part et des politiques sociales en charge de ceux-ci drsquoautre
part
La notion laquo exclusion raquo nrsquoa pas encore agrave lrsquoeacutepoque de reacuteelle speacutecificiteacute seacutemantique Les
reacuteformateurs sociaux lieacutes agrave ATD-Quart-Monde la confondent avec drsquoautres termes et
notamment celui de Quart-monde qui est formeacute drsquoexclus sous des formes diverses La
deacutefinition par Joseph Wreacutesinski du laquo Quart-Monde raquo dans la preacuteface du livre de Jean Labbens
(1969) lrsquoatteste laquo population la moins instruite non ou agrave peine qualifieacutee au travail celle qui
11 Klanfer J (1965) Lrsquoexclusion sociale eacutetude de la marginaliteacute dans les socieacuteteacutes occidentales Paris Bureau de recherches sociales coll Cahiers Science et Service Selon Clavel (1998 p 19) le terme existait deacutejagrave dans les discours de cette association en 1957 Le deacuteveloppement de cette partie probleacutematique emprunte pour lrsquoessentiel agrave cet auteur
41
est souvent sous-employeacutee en chocircmage ou malade a les revenus les plus bas celle qui
accegravede le plus difficilement agrave un logement deacutecent et moderne et dont les retards scolaires des
enfants sont inquieacutetants degraves les premiegraveres anneacutees de lrsquoeacutecole primaire [hellip] population la
moins repreacutesenteacutee dans nos institutions parce que les syndicats ne lrsquoatteignent pas que les
organisations familiales la connaissent tout au plus pour la prendre en tutelle et que ses
inteacuterecircts pegravesent moins lourds que ceux des autres dans les programmes des partis politiques raquo
(citeacute par Clavel 1998 p 19-20)
Dans les anneacutees 1970 les reacuteactions politiques et administratives aux analyses drsquoATD-Quart
Monde sur lrsquoexclusion sociale furent celles drsquoabord des libeacuteraux comme celle de Lenoir
(1974) mais aussi des socialistes tous mus par une eacutethique de solidariteacute Dans ce camp la
notion est traduite en termes drsquo laquo inadaptation sociale raquo par transposition de leur
repreacutesentation du champ eacuteconomique au champ social pour deacutesigner des profils sociaux non
speacutecifiquement deacutetermineacutes par leur condition socio-eacuteconomique La perception est structureacutee
par une ideacuteologie socialement porteacutee par deux composantes de la bourgeoisie drsquoaffaires la
petite et la grande bourgeoisie aux inteacuterecircts pourtant divergents
La premiegravere est celle des dirigeants des petites et moyennes entreprises traditionnelles dont
les conceptions posent lrsquoindividu agrave lrsquoorigine de la socieacuteteacute et naturalisent les ineacutegaliteacutes sociales
selon les dons et les meacuterites individuels omettant ou occultant ainsi les conditions sociales
objectives des positions sociales et des parcours individuels Ils ont une vision biologique de
la socieacuteteacute dans laquelle les individus compareacutes agrave des cellules sont en libre compeacutetition et
doivent srsquoautoreacuteguler naturellement sans intervention de lrsquoEacutetat Cette conception nrsquoest
drsquoailleurs pas sans proximiteacute ideacuteologique avec le deacuteveloppement de la meacutedecine libeacuterale
drsquoApregraves-Guerre (Hatzfeld 1963) elle comporte une peur de la contamination pathologique
des individus laquo sains raquo par des laquo noyau(x) drsquoinadaptation raquo (Lenoir 1974)
Cette repreacutesentation deacuteduit alors une neacutecessiteacute de reacutealiser un laquo changement theacuterapeutique raquo
des exclus en les conduisant agrave lrsquo laquo adaptation raquo de leurs comportements selon des mesures
meacutedico-juridiques et theacuterapeutiques eacutedicteacutees par les professions meacutedicales et les services
sociaux de lrsquoEacutetat Ce dernier doit par ailleurs inciter les citoyens et les associations agrave faire
preuve de solidariteacute envers les exclus-inadapteacutes et agrave les accompagner dans leur changement
Lrsquoillusion drsquoagir sur la socieacuteteacute est ainsi complegravete et eacutevite drsquoorienter les institutions vers un
objectif drsquoouverture aux laquo exclus raquo en leur fournissant les conditions et les moyens reacuteels
drsquoutilisation de celles-ci sur les plans eacuteconomique statutaire mateacuteriel et de la formation-
qualification
42
La deuxiegraveme composante de la bourgeoisie qui a diffuseacute dans les anneacutees 1970 la
repreacutesentation de lrsquoexclusion comme inadaptation sociale est celle de la classe dirigeante et
technocratique drsquoEacutetat associeacutee agrave la grande bourgeoisie des dirigeants des grandes entreprises
priveacutees nationales voire internationales Cet ensemble aux interrelations nombreuses preacutesente
une diffeacuterence par rapport agrave la petite et moyenne bourgeoisie traditionnelle quant au rocircle de
lrsquoEacutetat dans le jeu eacuteconomique et social puisque la pauvreteacute persiste en temps de forte
croissance eacuteconomique celui-ci doit remplir un rocircle de reacutegulation sociale et de reacuteduction de
celle-ci Ce parti pris apparaicirct dans lrsquoouvrage de Lionel Stoleacuteru Vaincre la pauvreteacute dans les
pays riches (1974) publieacute la mecircme anneacutee que celui de R Lenoir La vision libeacuterale est ici
assortie drsquoune option interventionniste keyneacutesienne planificatrice La rationaliteacute scientifique
et technique est instrumentaliseacutee pour reacutesoudre les problegravemes sociaux perccedilus comme des
problegravemes techniques en deacuteveloppant une approche technocratique et quantitative
Les documents officiels orientant la planification en matiegravere sociale dans les anneacutees 1970 ndash
rapports des commissions Action sociale et habitat du VIe Plan (1971-1975) et Ineacutegaliteacutes
sociales du VIIe Plan (1976-1980) relegravevent de cette ideacuteologie qui exige une intervention
correctrice planifieacutee de la part de lrsquoEacutetat En fait les deux conceptions libeacuterales de lrsquoexclusion
sociale comme inadaptation porteacutees par les deux composantes de la bourgeoisie drsquoaffaires
relegravevent drsquoune sensibiliteacute deacutemocrate-chreacutetienne autour drsquoune approche humaniste Celle-ci a
preacutevalu dans des courants tant libeacuteraux que socialistes de hauts-fonctionnaires et de
responsables politiques nationaux en convergence avec des radicaux de gauche En teacutemoigne
le consensus dans le deacutebat entre responsables des diffeacuterentes grandes organisations et
institutions sociales et syndicales administratives et politiques organiseacute par la revue Droit
social en 197412
La rheacutetorique neacuteanmoins libeacuterale de lrsquoexclusion comme inadaptation remplit drsquoabord une
fonction politique de leacutegitimer la neacutecessiteacute de changement eacuteconomique et social impliquant
la laquo liquidation du passeacute raquo crsquoest-agrave-dire des modes drsquoorganisation et drsquoaction passeacutes La
pauvreteacute et lrsquo laquo inadaptation raquo font alors partie des conseacutequences neacutegatives de ces modes
drsquoorganisation passeacutes qui justifient leur modification Lrsquousage du terme laquo inadaptation raquo est
alors appliqueacutee de maniegravere extensive tant sur les plans social et sanitaire qursquoeacuteconomique
puisque la grande entreprise est appeleacutee agrave remplacer la petite jugeacutee trop rigide et
conservatrice
12 Revue Droit social (1974) laquo Lrsquoexclusion sociale raquo ndeg speacutecial sous la direction de J-M Belorgey et J-J Dupeyroux novembre Cependant les repreacutesentants du Parti communiste sont absents
43
Dans le domaine de lrsquohabitat eacutegalement le discours de lrsquoinadaptation a pu justifier une
pratique de seacutegreacutegation spatiale des groupes fragiles qui pouvaient beacuteneacuteficier auparavant de
dispositifs de protection avec des logements proposeacutes dans leur accompagnement social Il
srsquoagissait des citeacutes drsquourgence ou autres types drsquohabitat speacutecial preacutevues pour les familles et les
personnes pauvres de bidonvilles de taudis ou encore sans logement Dans lrsquoeacutelan des
politiques drsquourbanisation (grands ensembles pour les classes moyennes et ouvriegraveres) et de
reacutesorption de lrsquohabitat insalubre dans les anneacutees 1960 et deacutebut 1970 le regroupement
transitoire des plus pauvres dans ce type drsquohabitat srsquoinstitutionnalisa et les politiques ne
manquegraverent pas de consideacuterer les chocircmeurs et preacutecaires de la reacutecession des anneacutees 1970
comme autant drsquoinadapteacutes agrave la vie moderne et de les ranger avec les sous-proleacutetaires des
anneacutees 1950 et 1960 immigreacutes illettreacutes familles nombreuses ou seacutepareacutees handicapeacutes
accidenteacutes du travailhellip De citeacutes de transit ces zones drsquohabitat speacutecial situeacutees agrave lrsquoeacutecart des
villes se sont transformeacutees en habitat drsquoexception et de seacutegreacutegation sociale de cateacutegories en
difficulteacutes drsquoinsertion eacuteconomique
Des mesures drsquoaccompagnement socio-eacuteducatif poursuivant un objectif theacuterapeutique
devaient favoriser leur laquo adaptation raquo pour acceacuteder agrave la vie ordinaire et agrave lrsquohabitat de droit
commun Au cours des anneacutees 1980 les gouvernements socialistes ne portant pas ce regard
meacutedicalisant et seacutegreacutegatif sur les victimes du systegraveme eacuteconomique et social ont supprimeacute les
citeacutes de transit les plus veacutetustes et ont engageacute une reacutenovation et un changement de statut des
citeacutes les plus reacutecentes (inscription dans le droit commun du logement) Cependant lrsquoimage
sociale neacutegative des populations stigmatiseacutees et des espaces de releacutegation ont rendu difficile
drsquoune part pour certains leur inteacutegration dans des dispositifs ordinaires (relogement dans des
zones drsquohabitat ordinaire) et drsquoautre part pour la majoriteacute une reconnaissance sociale
positive deacuteterminant leurs conditions drsquoexistence (image valorisante) et ce drsquoautant plus que
la crise-mutation eacuteconomique et sociale a persisteacute dans les anneacutees 1980
Une deuxiegraveme fonction politique et sociale des discours sur lrsquoexclusion comme inadaptation
explique son adoption par les grands dirigeants eacuteconomiques et les hauts-responsables
politico-administratifs la perpeacutetuation de lrsquoordre eacutetabli des positions dominantes Ce
discours sert agrave promouvoir et justifier le changement afin de conserver les preacuterogatives dans
la dynamique des rapports sociaux dans les champs mouvants qursquoils occupent Face agrave des
problegravemes agrave reacutegler il srsquoaccompagne drsquoune deacutemonstration de capaciteacute de volonteacute et de
deacutecision drsquoadaptation aux eacutevolutions de situation Et drsquoailleurs puisque lrsquoadaptation au
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laquo progregraves raquo et agrave la laquo rationaliteacute raquo nrsquoest jamais partageacutee et collective simultaneacutement elle
engendre des inadapteacutes nouveaux ou futurs
Agrave partir des anneacutees 1980 cette repreacutesentation sociale et politique de lrsquoexclusion se modifie et
se complexifie La notion retrouve un sens plus eacuteconomique et social comme lui avait attribueacute
originellement le mouvement ATDQuart-Monde degraves les anneacutees 1950 En effet depuis les
anneacutees 1970 la hausse quantitative et la diversification des profils de meacutenages et de
personnes en difficulteacutes eacuteconomiques et sociales (jeunes et actifs acircgeacutes au chocircmage croissants
familles seacutepareacuteeshellip) deacutemontrent de plus en plus nettement lrsquoinvaliditeacute de la vision
meacutedicalisante de lrsquoinadaptation et eacutelargissent les profils drsquoexclus par rapport aux sous-
proleacutetaires urbains de lrsquoeacuteconomie des Trente glorieuses Lrsquoexclusion renvoie agrave un pheacutenomegravene
non reacuteductible agrave la laquo pauvreteacute volontaire raquo mise en avant par lrsquoeacuteconomie libeacuterale (Paugam
1996) Elle constitue un pheacutenomegravene dont les multiples causes sont lieacutees au fonctionnement
mecircme de la socieacuteteacute moderne (modification du marcheacute du travail urbanisation rapide et
seacutegreacutegative seacuteparation entre les geacuteneacuterations inadaptation du systegraveme scolaire deacuteracinement
lieacute agrave la mobiliteacute geacuteographique ineacutegaliteacutes de revenus et drsquoaccegraves aux soins et agrave
lrsquoenseignementhellip) Ce processus affecte de plus en plus de personnes et se propage dans tous
les milieux Serge Paugam (1996) eacutevoque les enfants drogueacutes etou reacutevolteacutes dans les familles
bourgeoises
Avec la crise-mutation qui se poursuit lrsquoexclusion sociale comme processus inheacuterent au
deacuteveloppement de lrsquoeacuteconomie capitaliste devient patente lrsquoarriveacutee de la gauche au pouvoir
sans complegravetement se distinguer du capitalisme libeacuteral comme principe de deacuteveloppement de
la socieacuteteacute favorise cette perception Les diffeacuterents manques handicaps problegravemes et
difficulteacutes tregraves heacuteteacuterogegravenes que vivent un nombre croissant de groupes sociaux ne traduisent-
ils pas les effets et les signes varieacutes de ce mouvement Agrave la fin du XXe siegravecle plusieurs
pheacutenomegravenes justifient lrsquoeacuterection de la notion en statut de paradigme drsquoanalyse et drsquoaction
drsquoabord les pertes annuelles croissantes et ininterrompues drsquoemplois industriels depuis les
anneacutees 1970 non compenseacutees par les creacuteations drsquoemploi des secteurs tertiaires et quaternaires
(services aux entreprises aux personnes information et communicationhellip) ensuite le
deacuteveloppement foisonnant de mesures et de dispositifs drsquoinsertion de toute nature comme le
revenu minimum drsquoinsertion (ex-revenu de solidariteacute active) les contrats aideacutes les entreprises
et associations drsquoinsertionhellip
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Le passage des analyses sociales et politiques de la notion agrave celles dans le champ scientifique
nrsquoest pas aiseacute Le terme est drsquoabord utiliseacute dans les anneacutees 1970 pour tenter de
laquo sociologiser raquo les mesures des ineacutegaliteacutes et de la pauvreteacute qui eacutetaient jusqursquoici plutocirct
eacuteconomiques et statistiques (Thomas 1999) Il srsquoagit de passer agrave une analyse en termes de
conditions de vie pour distinguer les anciens des nouveaux pauvres ou encore dans les
anneacutees 1980 la laquo grande pauvreteacute raquo ou la laquo grande exclusion raquo par rapport agrave la preacutecariteacute Ces
termes derniegraveres figures dans lrsquohistoire des repreacutesentations sociales des objets du
social (Karsz 2000) se deacutepartissent difficilement de leur connotation sociale deacutevaloriseacutee
(apregraves les laquo cas sociaux raquo et les laquo inadapteacutes raquo des anneacutees 1950 puis les laquo handicapeacutes
sociaux raquo des anneacutees 1960) et lrsquoapproche explicative a du mal agrave se deacutevelopper
Ainsi face agrave lrsquoeacutecueil agrave eacuteviter drsquoanalyser de multiples situations individuelles drsquoexclusion qui
mettent agrave mal lrsquoeffort de formalisation drsquoune uniteacute conceptuelle de la notion (Paugam 1996)
les recherches vont porter davantage sur les meacutecanismes drsquoexclusion sociale ou encore sur
les processus conduisant agrave des situations sociales laquo extrecircmes raquo Pour certains il nrsquoest pas sucircr
que la notion contribue agrave la compreacutehension du deacuteveloppement durant les anneacutees 1970 et 1980
drsquoune couche sociale de personnes et de groupes aux profils socio-deacutemographiques diversifieacutes
et aux situations administratives multiples victime de la seacutelectiviteacute du systegraveme eacuteconomique et
composeacutee Le terme laquo exclusion raquo ne preacutecise pas suffisamment srsquoil srsquoagit des dysfonctions
conjoncturelles lieacutees aux mutations eacuteconomiques et sociales ou si ce sont les effets de la
simple reproduction des meacutecanismes seacutegreacutegatifs au sein de la socieacuteteacute (Verdegraves-Leroux 1978)
La notion deacuterange chez les chercheurs militants et surtout chez les responsables politiques de
gauche opposeacutes agrave lrsquoeacuteconomie de marcheacute car il est perccedilu une manœuvre de la classe dirigeante
pour faire croire au plus grand nombre en sa volonteacute de reacuteforme sociale eacutevitant ainsi de
srsquoattaquer aux vrais ineacutegaliteacutes sociale (Paugam 1996) lrsquoeacutecart agrave la vision dialectique de lutte
des classes geacutenegravere un refoulement dans ces milieux tout en favorisant les eacutetudes disperseacutees
sur des formes multiples de seacutegreacutegation sociale sous des termes nombreux comme la
marginalisation les identiteacutes neacutegatives la deacutelinquancehellip
Cependant avec les effets prolongeacutes de la crise eacuteconomique mecircme pour les plus sceptiques
sur la validiteacute scientifique de la notion que lrsquoon retrouve encore maintenant (Karsz 2000
Messu 2003) les contenus probleacutematiques qursquoelle est censeacutee eacutevoquer sont inteacuteressants De
quels problegravemes parle-t-on et qui est concerneacute par ceux-ci Agrave la fin des anneacutees 1970 et au
deacutebut des anneacutees 1980 les eacutetudes drsquoorganismes sociaux (Commissariat geacuteneacuteral au Plan)
drsquoinstitutions (Communauteacute eacuteconomique europeacuteenne) ou de hauts-fonctionnaires (rapport
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Oheix en 198113) mettent lrsquoaccent sur la preacutecariteacute conduisant agrave la pauvreteacute geacuteneacuterant plusieurs
plans de traitement de populations heacuteteacuterogegravenes traditionnellement agrave lrsquoabri de la pauvreteacute
traditionnelle mais srsquoy engageant de maniegravere nouvelle les publics de la laquo nouvelle
pauvreteacute raquo du milieu des anneacutees 1980 ne sont pas des inadapteacutes mais plutocirct des victimes
malgreacute elle de la conjoncture eacuteconomique et de la crise de lrsquoemploi
Au deacutebut des anneacutees 1990 la notion drsquoexclusion revient avec la permanence et lrsquoextension
des situations de preacutecariteacute aggravant les conditions de la pauvreteacute Le pheacutenomegravene de
reacutegulation discriminatoire et seacutegreacutegative des inutiles eacuteconomiques apparaicirct suffisamment
geacuteneacuteraliseacute durable tangible et surtout non compenseacute par des actions drsquointeacutegration comme le
retour agrave lrsquoemploi pour ecirctre perccedilu scientifiquement comme eacutetant passeacute du domaine du travail agrave
celui de la socieacuteteacute globalement leacutegitimant lrsquousage de lrsquoexpression laquo exclusion sociale raquo
(Touraine 1992) Cet effet a notamment eacuteteacute identifieacute comme tel lorsque sa combinaison avec
la fragilisation des liens sociaux et familiaux est devenue patente notamment lors des
opeacuterations drsquoeacutevaluation du Revenu minimum drsquoinsertion (RMI) dans les anneacutees 1990-1994
par le biais drsquoeacutetudes longitudinales (Dubar 1996) 75 des allocataires vivant seuls (avec
ou sans enfants) montrant ainsi lrsquoimportance croissante des bouleversements des structures
familiales (avec les seacuteparations conjugales) et des pratiques relationnelles deacutependant de plus
en plus de lrsquoinsertion eacuteconomique Et cette eacutevolution srsquoest inscrite dans les processus de
socialisation les plus fondamentaux agrave chaque eacutetape du cycle de vie comme le passage de
lrsquoeacutecole agrave la vie professionnelle et la mobiliteacute professionnelle au cours de la vie active
(organisation du marcheacute du travail et de la gestion de lrsquoemploi par les entreprises) et surtout
comme dans les parcours scolaires champ essentiel de la mobiliteacute et de la reproduction
sociale Depuis les anneacutees 1970 lrsquoinstitution scolaire y a accentueacute avec la massification et
lrsquoobjectif du collegravege unique et pour tous un systegraveme drsquoexclusion sournois des classes
populaires pour lrsquoaccegraves aux profits scolaires et sociaux (Bourdieu Champagne 1992)
La question du caractegravere explicite conscient et socialement organiseacutee de ce processus pose
toujours question et son existence reste poseacutee par certains (Messu 2003) Cependant un
premier pas drsquoanalyse sociologique est franchie en preacutecisant lrsquoobjet agrave retenir des conduites ou
des situations examineacutees celui de la fermeture des chances sociales afin drsquoexclure ou de
limiter la participation aux activiteacutes valoriseacutees ou lrsquoaccegraves aux positions dominantes ou
privileacutegieacutees pour reprendre la terminologie de Max Weber (1995) Ce processus de fermeture
se manifeste speacutecifiquement dans les institutions (eacutecole entreprises villes droithellip) qui dans 13 Oheix G (1981) Contre la pauvreteacute et la preacutecariteacute soixante propositions Rapport au premier ministre Paris
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le processus de socialisation devant aboutir agrave la formation des identiteacutes sociales des individus
nrsquoassurent pas lrsquoaccegraves et le maintien voire le retour agrave lrsquoemploi et par conseacutequent ne peuvent
compenser la perte des relations sociales conduisant agrave lrsquoisolement (Dubar 1996) Les
conduites et les dispositifs drsquoexclusion pour lrsquoaccegraves aux postes valoriseacutes ne conduisent pas
hors de la socieacuteteacute mais vers des positions domineacutees ou les plus deacutevaloriseacutees de celle-ci
Il nrsquoy a pas comme le rappelle Robert Castel (2000) retranchement complet de la socieacuteteacute
comme la deacuteportation et le geacutenocide de juifs pendant la Seconde Guerre mondiale le
bannissement de condamneacutes (avec expulsion territoriale) voire la mise agrave mort de criminels et
drsquoheacutereacutetiques Les exclus du travail qui peuvent connaicirctre des difficulteacutes drsquoisolement social ne
sont pas eacutegalement enfermeacute dans des espaces clos dans la socieacuteteacute comme des asiles des
prisons des laquo maladreries raquo (pour les leacutepreux) voire des ghettos traditionnels deacutefinis
leacutegalement Il nrsquoexiste pas non plus de statut speacutecifique drsquoexclus attribueacutes agrave des fins de
privation de droits et de participation agrave activiteacutes sociales (comme les statuts indigegravenes de la
politique coloniale) La situation drsquoexclusion moderne correspond agrave une autre logique celle
de vulneacuterabiliteacute sociale lieacutee agrave la deacutegradation des conditions de travail en ce qursquoelle reacuteduit les
relations et les protections sociales fournies par lrsquoemploi reacutegulier On srsquoeacuteloigne ici de la seule
sphegravere eacuteconomique les conseacutequences sociales du processus drsquoexclusion agrave lrsquoencontre des
moins qualifieacutes geacuteneacutereacute par la mutation de la production en a rendu visible et tangible
lrsquoexistence
Clavel (1998 p 239) formule ainsi une deacutefinition sociologique de lrsquoexclusion qui prend en
compte le sens des effets des actes multiples drsquoexclusion laquo processus de lsquodeacutesagreacutegationrsquo14
[du groupe social de la sphegravere du travail de la famillehellip] se traduisant par un mouvement
centrifuge de diffeacuterenciations sociales [eacuteviction et mise agrave distance drsquoun ou de plusieurs
individus] marqueacutees par lrsquoabsence de liaisons positives et structurantes raquo [entre le groupe et
les exclus] Lrsquoeacutemergence et lrsquoenvahissement mecircme du thegraveme de lrsquoexclusion relegravevent bien de
la transformation fondamentale de la socialisation organiseacutee par les institutions pour
lrsquoacquisition des statuts dans la sphegravere productive et des identiteacutes sociales favorisant
lrsquointeacutegration sociale
Ainsi les exclus se repegraverent selon trois cateacutegories drsquoindicateurs celui des niveaux (parmi les
plus faibles) de ressources et de situation socio-eacuteconomique celui du deacuteficit du lien social
(isolement deacutesocialisation perte des relations professionnelles amicales et familialeshellip)
mais aussi celui des indicateurs symboliques de repreacutesentation (stigmatisation images et 14 Le terme est emprunteacute agrave P Rosanvallon (1995) La nouvelle question sociale Paris Seuil
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reacuteputation neacutegatives auto-exclusionhellip) Lrsquoexclusion sociale moderne se reacutevegravele par la
preacutesence drsquoau moins un indicateur dans chacun de ces faisceaux drsquoanalyse Deacutepassant
lrsquoimpasse meacutethodologique et conceptuelle des travaux sur la mesure de la pauvreteacute et se
deacutemarquant de la seule probleacutematique des ineacutegaliteacutes sociales le succegraves de la notion
srsquoexplique en raison de sa prise en compte des aspects de liens sociaux et de crise identitaire
que geacutenegraverent la non participation agrave la sphegravere productive et reproductive de la socieacuteteacute
Cependant les situations drsquoexclusion ne sont pas neacutecessairement deacutefinitives et irreacuteversibles
et des dispositifs de protection voire drsquointeacutegration sociale existent La question est de savoir
srsquoils assurent de reacuteelles chances nouvelles drsquointeacutegration (Donzelot 1991) crsquoest-agrave-dire drsquoaccegraves
agrave des positions non deacutevaloriseacutees notamment dans la sphegravere productive et de participation aux
activiteacutes sociales dominantes Par ailleurs par les caracteacuteristiques de ses manifestations par
sa signification mais aussi par sa deacutetermination causale lrsquoexclusion est tregraves proche de la
notion de seacutegreacutegation sociale en tant conduite ou dispositif de diffeacuterenciation agrave fin de
traitement deacutefavorable les deux types de processus sont inheacuterents aux rapports de
domination et de compeacutetition entre individus et groupes sociaux de la socieacuteteacute libeacuterale
notamment entre ceux qui ont des positions assez proches entre eux dans la stratification
sociale que ce soit aux niveaux global intermeacutediaire ou local de son organisation et dans les
diffeacuterents champs drsquoactiviteacute de celle-ci (Clavel 1998)15
Le rapport social drsquoexclusion est effectivement structurel et contradictoire car drsquoune part il
srsquoinscrit neacutecessairement dans une histoire des relations entre groupes sociaux et drsquoautre part
lrsquointensiteacute des jeux drsquoopposition symbolique est en deacutecalage avec la reacutealiteacute des diffeacuterences de
position dans les rapports de production (qui deacuteterminent les conditions de classe) Lorsqursquoils
preacutesentent des diffeacuterences de degreacute internes aux mecircmes classes les groupes socialement
proches en interaction tendent agrave transmuer leurs diffeacuterences de situation en signes-supports de
symbolisation de diffeacuterences de position dans les hieacuterarchies sociales perccedilues En situation de
proximiteacute sociale et spatiale alors que les conditions et les positions sociales objectives
convergent lrsquoactiviteacute symbolique de distinction voire drsquoopposition sociales peut ecirctre intense
Si la compeacutetition dans les rapports sociaux est la condition sociale de production de cette
logique de lrsquoexclusion sociale comme celle de la seacutegreacutegation sociale on peut rappeler que le
fonds culturel la leacutegitimant relegraveve du projet libeacuteral des classes bourgeoises de la socieacuteteacute leur
15 Lrsquoauteur deacutefinit le rapport social par les relations que les acteurs ou groupes sociaux entretiennent entre eux en fonction de leur place au travail de leurs conditions mateacuterielles de vie (logement par exemple) et de leur position dans la hieacuterarchie sociale (Clavel 1998 p 15) Les rapports sociaux eacutevoluent en fonction de divers pheacutenomegravenes comme la rareacutefaction du travail dans une socieacuteteacute drsquoabondance
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valeur et leur volonteacute drsquoindividualisme agrave partir du XVIe siegravecle sont les moteurs du mode de
production capitaliste En reacuteaction agrave lrsquoorganisation feacuteodale et aux statuts collectifs fixes des
socieacuteteacutes drsquoAncien-reacutegime les bourgeois ont instaureacute un nouveau reacutegime de repreacutesentation des
individus et de son rapport avec la socieacuteteacute la notion de liberteacute individuelle dans le cadre du
deacuteveloppement de la penseacutee libeacuterale eacuteconomique qui se deacutegage de la morale religieuse
traditionnelle qui organisait la socieacuteteacute et ses principes de solidariteacute (Dupuy 1996) y
supplante les contraintes du collectif et ses grandes divisions statutaires fixes et la
conseacutequence de la mise en valeur des individus et des groupes sociaux est la compeacutetition
entre eux pour lrsquoaccumulation des biens et des pouvoirs produisant une morale drsquoindiffeacuterence
aux malheurs des autres qui nrsquoempecircche pas selon une approche utilitariste le deacuteveloppement
du laquo bien universel raquo crsquoest-agrave-dire les plaisirs et les biens pour le plus grand nombre
Ainsi puisque la mobiliteacute sociale est au principe de la formation et de la deacuteformation de la
socieacuteteacute les individus et les groupes de chaque cateacutegorie sociale qui partagent un ensemble de
positions semblables dans les rapports de production tendent agrave chercher agrave se valoriser par une
domination symbolique sur les membres des autres cateacutegories sociales infeacuterieures mais aussi
sur ceux de la mecircme cateacutegorie aux positions sociales proches et agrave qui il peut ecirctre reacutecuseacute
lrsquoappartenance au mecircme statut voire agrave tout statut
Avec le deacuteveloppement industriel massif agrave partir de la fin du XIXe siegravecle la majeure partie de
la population impliqueacutee dans ce changement drsquoorganisation eacuteconomique et sociale a adopteacute
cet individualisme notamment les couches ouvriegraveres et employeacutees une fois qursquoa eacuteteacute reacuteduit le
paupeacuterisme des proleacutetaires par un systegraveme de protection et de droits sociaux Cette reacutegulation
collective des rapports drsquointerdeacutependance fonctionnelle avec des organisations et des
associations professionnelles a favoriseacute lrsquoessor drsquoun laquo individualisme socialiseacute raquo (Clavel
1998) Apregraves la Seconde Guerre mondiale avec lrsquoaugmentation du niveau de vie et de la
formation des personnes lrsquoindividualisme a plus servi agrave la recherche drsquoautonomie de chacun
vis-agrave-vis de lrsquoenvironnement social dans la conduite de son destin (laquo individualisme
drsquoautonomie raquo) Mais depuis le milieu des anneacutees 1970 lrsquoeffritement de la socieacuteteacute salariale a
transformeacute cet effet de jouissance de lrsquoautonomie en potentielle souffrance de lrsquoisolement
pour ceux qui subissent la preacutecariteacute la pauvreteacute voire lrsquoexclusion sociale
Dans ce contexte axiologique et normatif drsquoun laquo individualisme drsquoautonomie raquo (Clavel
1998) en temps de crise les luttes pour la leacutegitimation des positions et la reconnaissance de
statuts positifs sont plus vives Lrsquoexclusion preacutesente une forme extrecircme de deacuteni de position
sociale positive agrave autrui mecircme srsquoil possegravede une place dans le travail Crsquoest le dernier terme
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drsquoun permanent processus de deacutevalorisation sociale Il comporte une forte charge symbolique
reacuteveacutelant une exaspeacuteration imaginaire des antagonismes sociaux agrave la diffeacuterence des
meacutecanismes de paupeacuterisation et de simple preacutecarisation En effet il y a bien des pauvres qui
ne sont pas des exclus sociaux comme les retraiteacutes deacutetenteurs du minimum vieillesse ou des
personnes en situation de handicap beacuteneacuteficiaires drsquoallocations stables et de droits speacutecifiques
leur permettant drsquoorganiser leur quotidien selon ces ressources (bien qursquoelles soient maigres
ce qui peut se rapprocher drsquoun processus drsquoexclusion ressentie comme tel par les inteacuteresseacutes
drsquoailleurs)
En revanche des familles nombreuses et drsquoorigine eacutetrangegravere avec des parents parfois
preacutecaires mais non pauvres pourront resteacutees captives de citeacutes de transit de quartiers mal
reacuteputeacutes de logements insalubres ou de centres drsquoheacutebergement parce que non suffisamment
aideacutes sur le plan financier pour lrsquoaccegraves au logement normal mais surtout parce que subissant
de multiples discriminations dans les proceacutedures drsquoattribution des logements ou encore dans
lrsquoaccegraves agrave lrsquoemploi et la promotion dans le travail Ce type de situation faute drsquoune politique
sociale adeacutequate de production drsquoaccompagnement et drsquoaccegraves au logement peut entraicircner un
cumul de nouvelles situations particuliegraveres et deacutefavorables non accegraves aux droits sociaux
absence de confort problegravemes de santeacute difficulteacutes eacuteducativeshellip
Cette pente nrsquoest-elle pas le signe des effets drsquoactes multiples de laquo fermeture excluante raquo dans
les rapports sociaux que subissent ceux qui en sont victimes dans leur vie sociale dans leur
rapport aux institutions sociales (dirigeacutees par les groupes dominants) et mecircme dans leurs
relations avec des groupes avec lesquels ils sont en compeacutetition pour lrsquoaccegraves aux ressources
aux activiteacutes et aux positions favorables Souvent les relations de voisinage sont teinteacutees de
meacutefiance voire drsquoeacutevitement ou mecircme drsquohostiliteacute derriegravere un civisme de faccedilade16 Car la
volonteacute de disqualification sociale dans les rapports de force entre groupes srsquoappuie sur ces
particulariteacutes de situation Celles-ci sont lrsquoobjet drsquoun jeu conflictuel drsquointerpreacutetations
concernant le sens du statut occupeacute ou des pratiques sociales meneacutees ou encore le pouvoir
politique ou institutionnel agrave disposition
Lrsquoenjeu de cette lutte symbolique est bien la distinction statutaire entre groupes pour se
positionner au mieux dans la structure sociale (Clavel 1998 p 235) laquo hellipla transmutation
16 Ralf Dahrendorf (1972) avait reacutealiseacute une telle analyse agrave propos des luttes sociales internes aux classes moyennes ascendantes pendant le deacuteveloppement industriel elles investissaient de multiples champs de la vie sociale (logement loisirs culture politiquehellip) en srsquoopposant entre groupes internes pour y deacutetenir les positions dominantes
51
imaginaire [hellip] des diffeacuterences de deacuteterminations objectives en rapports de positions
statutaires [hellip] prend lrsquoallure drsquoune lutte pour la leacutegitimation drsquoun statut raquo Cette lutte de
domination comporte une dimension de lutte de sens crsquoest-agrave-dire drsquoimposition des visions et
des divisions du monde inteacutegrant les positions tenues par chacun Cette lutte de sens engendre
donc des rapports de forces crsquoest-agrave-dire laquo des rapports ineacutegaux drsquoautoriteacute leacutegitimeacutee raquo
Lrsquoobjectif du rapport drsquoexclusion est drsquoenfermer symboliquement les domineacutes dans une
position deacutefavoriseacutee en leur attribuant des significations aux effets de stigmatisation (agissant
comme un marqueur social) et drsquointeacuteriorisation du stigmate par les exclus pouvant conduire
agrave un comportement drsquoauto-exclusion par ceux-ci
Ce pheacutenomegravene est ainsi agrave la base du renouvellement de la probleacutematique de lrsquointeacutegration
sociale puisque les meacutecanismes drsquointeacutegration par le travail industriel se sont eacuterodeacutes
protections et droits lieacutes au statut de travailleur affaiblissement des reacuteseaux de sociabiliteacute
deacuteficit des repegraveres identitaires et deacuteclassement social avec une dimension de deacuteconsideacuteration
sociale Parmi les diverses analyses reacutealiseacutees dans ce domaine trois notions principales ont
eacuteteacute produites agrave propos des conseacutequences sociales de ce pheacutenomegravene le processus de
deacutesaffiliation sociale eacutenonceacute par Castel (1995) qui deacutesigne lrsquoindividualisation neacutegative lieacutee au
chocircmage prolongeacute en rompant avec les solidariteacutes organiques du travail et qui conduit agrave la
vulneacuterabiliteacute sociale du deacutesaffilieacute social (Castel 1991 1995 2004) la disqualification
sociale analyseacutee par Serge Paugam (1991) qui prend en compte les effets neacutegatifs de la
deacutependance vis-agrave-vis des dispositifs drsquoaide et drsquoaction sociales sur la perception de
lrsquoemployabiliteacute sur le marcheacute du travail autant par les autres que par les individus concerneacutes
enfin la deacutesinsertion sociale eacutevoqueacutee par Vincent de Gaulejac et Isabel Taboada-Leacuteonetti
(1994) qui fait reacutefeacuterence agrave lrsquoeffet de la deacutevalorisation lieacutee aux ruptures eacuteconomiques et
relationnelles en termes de place neacutegative ou deacutenieacutee dans lrsquoordre symbolique de
lrsquoappartenance agrave la socieacuteteacute
Lrsquoexclusion sociale deacutefinie par Clavel (1998 p 224) recouvre ces notions puisqursquoelle
engendre un laquo processus de disqualification progressive qui conduit les individus de la
fragiliteacute agrave la deacutependance jusqursquoagrave la rupture du lien social dont lrsquoinemployabiliteacute subjective
et objective ndash apparaicirct comme le terme fondamental et probleacutematique raquo La double logique de
distinction statutaire et drsquoexclusion sociale speacutecifique aux rapports sociaux contemporains est
agrave lrsquoorigine de ces diverses conseacutequences de fragilisation des liens sociaux et de la seacutecuriteacute
sociale des individus Elle se manifeste selon des processus multiformes et incessants qui
prennent le dessus dans les rapports sociaux Ceux-ci sont agrave la fois dynamiques (lieacutes aux
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effets de mobiliteacute individuelle et collective et au deacutesir de distinction) et multidimensionnels
(traversant plusieurs domaines de la vie sociale et les cumulant) Ils produisent des effets
sociaux et spatiaux dans tous les domaines de la vie sociale travail logement eacuteducation
consommation
Ainsi les rapports de domination qui sont des enjeux des luttes de classes et des luttes de
groupes sociaux plus reacuteduits agrave lrsquointeacuterieur drsquoune mecircme classe se sont deacuteplaceacutes et deacutemultiplieacutes
dans ces nouveaux espaces sociaux en dehors de la sphegravere de la production eacuteconomique Et la
compeacutetition pour le pouvoir implique une autoriteacute leacutegitimeacutee par des attributs deacuteterminants
dans chaque champ et que chaque groupe cherche agrave srsquoapproprier et agrave deacuteposseacuteder ou agrave deacutenier
aux autres les moyens de production dans la sphegravere productive mais aussi le savoir et
lrsquoinformation ou encore la fonction ou la position sociale deacutefinie socialement
Par ailleurs drsquoautres approches paradigmatiques rejoignent le constat de lrsquoinheacuterence de
lrsquoexclusion sociale dans les rapports sociaux de socieacuteteacutes aux statuts et positions assez
hieacuterarchiseacutes et agrave conqueacuterir selon des filiegraveres et voies speacutecialiseacutees seacutelectives Crsquoest le cas de
lrsquoapproche socio-anthropologique deacuteveloppeacutee sur le terrain de la rencontre des alteacuteriteacutes et
notamment de la diffeacuterence par rapport aux groupes dominants ou majoritaires dans la
socieacuteteacute Ici aussi les caracteacuteristiques individuelles ou collectives deviennent des supports de
symbolisation des rapports sociaux par leur transmutation en symboles de positions sociales
diffeacuterence et origine geacuteographique ethnoculturelle etou sociale sexe handicap ou disgracircce
physiquehellip Cette orientation est lieacutee agrave lrsquoaccroissement de lrsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteisation sociale et
culturelle des socieacuteteacutes engendreacutee par la hausse de la diffeacuterenciation interne des espaces et des
milieux sociaux
Dans ce contexte Erving Goffman (1996) a conceptualiseacute la notion de stigmate social qui se
reacutefegravere agrave un meacutecanisme de traitement social deacutefavorable ndash ou encore de discrimination sociale
neacutegative de certains individus par drsquoautres Certaines diffeacuterences drsquoattributs physiques
culturels ou comportementaux ne reacutepondant pas aux critegraveres et aux attentes sociaux agrave priori
se voient alors neacutegativement perccedilues par les groupes majoritaires et dominants et deviennent
des raisons de mise agrave lrsquoeacutecart de leurs porteurs ces attributs deviennent alors des stigmates
sociaux Ce pheacutenomegravene srsquoinscrit dans lrsquoanalyse des processus divers drsquoexclusion sociale au
sein du tissu social hors sphegravere exclusive du travail du fait de la lutte pour les positions
positives dans la hieacuterarchisation sociale lrsquoexclusion sociale est lieacutee aux opeacuterations de
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classification des individus en fonction de leur appartenance ou non agrave des cateacutegories sociales
sur la base de la comparaison de critegraveres objectifs et subjectifs perccedilus
Martine Xiberras (1994) deacutecrit un double mouvement dans ces meacutecanismes drsquoune part la
fermeture du groupe dominant aux exteacuterieurs et drsquoautre part en reacuteaction une auto-exclusion
de la part des individus laquo refuseacutes raquo qui cherchent agrave srsquoorganiser parfois pour mieux se faire
accepter ensuite (retrait ou reacuteaction conflictuelle agrave lrsquoencontre du groupe dominant) Les
exclus apregraves avoir subi lrsquoexclusion des dominants tendent apregraves une eacutetape drsquoopposition agrave
inteacuterioriser par reacutesignation puis agrave adopter leur identiteacute sociale drsquoexclu attribueacutee de
lrsquoexteacuterieur et mettent agrave leur tour agrave distance les dominants en reacuteaction agrave leur stigmatisation et
en conformiteacute avec une culture deacuteviante pour certains Parfois des communauteacutes
drsquo laquo exclus raquo de preacutecaires et de marginaux se constituent dans des rapports chaleureux
drsquoentraide et de coopeacuteration voire de deacutefense face agrave la socieacuteteacute pour mieux se faire accepter
(Dubet Martuccelli 1998 Goffman 1975 Xiberras 1994)
Caracteacuteriseacutes par une laquo parenteacute de conditions et des pratiques communes raquo les exclus sont
laquo assigneacutes agrave [leur] place par le jeu des deacuteterminations eacuteconomiques [et ils] occupe(nt) une
position affecteacutee de neacutegativiteacute sociale au sein drsquoun ensemble de positions raquo (Clavel 1998
p 239) Ils sont des laquo exclus de lrsquointeacuterieur raquo comme le formulent Bourdieu et
Champagne (1992) agrave propos des parcours reacuteserveacutes par lrsquoEacuteducation nationale aux enfants
drsquoouvriers et drsquoemployeacutes subalternes Crsquoest-agrave-dire qursquoils laquo ne sont pas hors de la socieacuteteacute mais
[hellip] impliqueacutes dans un rapport social dont la maicirctrise leur eacutechappe raquo (Clavel 1998 p 238)
La ligne de partage peut drsquoailleurs tant dans lrsquohabitat qursquoagrave lrsquoeacutecole traverser les couches
ouvriegraveres entre drsquoun cocircteacute les familles drsquoactifs plus qualifieacutes et consideacutereacutes et de lrsquoautre cocircteacute
celles drsquoactifs moins qualifieacutes et deacutevaloriseacutes par les classes dominantes bien que les deux
cateacutegories puissent ecirctre employeacutees de la mecircme maniegravere reacuteguliegravere et stable
Les exclus forment-ils alors une classe sociale isoleacutee dans la socieacuteteacute libeacuterale Srsquoils ont des
profils socio-deacutemographiques et administratifs extrecircmement varieacutes ils partagent neacuteanmoins
une identiteacute commune lieacutee agrave un destin et des positions sociales semblables dans les rapports
sociaux de production Ils forment une communauteacute de classe agie (Clavel p 230) subissant
les contradictions de la socieacuteteacute en mouvement Cependant ils ne sont pas doteacutes de la
conscience collective favorisant les actions de luttes sociales ils forment plutocirct selon Clavel
une couche sociale sans laquo argent pouvoir et savoir raquo (attributs des dominants) ni places et
positions reacuteguliegraveres dans la sphegravere eacuteconomique et dans les repreacutesentations sociales qui
permettent de srsquoeacuteriger en classe ou groupe politique
54
Bien que partiellement repreacutesenteacutes dans le discours politico-meacutediatique soutenus par des
associations caritatives diverses et beacuteneacuteficiant de ressources minimales par le systegraveme de
protection sociale leurs comportements se caracteacuterisent principalement par la logique de
survie voire au maximum par des deacutemarches individuelles partiellement socialiseacutees de sortie
de situation Ils restent deacutependant de lrsquoimmeacutediateteacute drsquoexistence composeacutee drsquoune activiteacute
preacutedominante de consommation de biens mateacuteriels et symboliques par rapport agrave la
production drsquoune sous-valorisation de la dimension politique et drsquoune survalorisation de la
dimension priveacutee limitant la conscience collective aux relations personnelles sur un mode
deacutefensif ou identitaire Crsquoest pourquoi toute potentialiteacute drsquoopposition agrave leur condition est
deacutetourneacutee en agressiviteacute laquo a-reacutevolutionnaire raquo eacutemeutes sporadiques violences deacutelinquance
manipulations politiques ou mafieuseshellip
C- Les effets eacuteconomiques et sociaux de lrsquoexclusion
Sur le plan de la structure sociale drsquoensemble les destins individuels concerneacutes par
lrsquoexclusion et la preacutecarisation eacuteconomique et sociale ont un impact collectif au sein des
couches moyennes mais surtout des cateacutegories modestes Ce qui produit un eacutetirement vers le
bas de la structure sociale alors que certaines cateacutegories supeacuterieures ont des revenus toujours
croissants Lrsquoexamen de la structure sociale pour comprendre les problegravemes sociaux en cours
est essentiel car des indicateurs tregraves geacuteneacuteraux peuvent laisser des impressions trompeuses
dans ce domaine En effet il peut ecirctre constateacute par exemple que le niveau de vie moyen de
lrsquoensemble des meacutenages a bien augmenteacute drsquoenviron 15 entre 1983 et 1997
Lrsquoeacutelargissement de lrsquoeacuteventail des salaires ainsi que la geacuteneacuteralisation de lrsquoemploi feacuteminin
double potentiellement la source de revenu drsquoactiviteacute des meacutenages nrsquoy sont pas pour rien
(Bordone 1999)17 Il en est de mecircme des revenus des retraiteacutes comme le rappelle Steacutefan
Lollivier (1999) leur niveau de vie a augmenteacute deux fois plus vite que celui des actifs des
anneacutees 1970 aux anneacutees 1990 avec lrsquoenrichissement des droits agrave la retraite et lrsquoaccumulation
des revenus du patrimoine Avec les retraiteacutes indique-t-il la tendance globale est celle de la
hausse du niveau de vie moyen (2 agrave 3 par an) engendrant apregraves une stagnation de 1984 agrave
1990 une forte baisse des ineacutegaliteacutes de niveau de vie mesureacutee par le rapport inter-deacutecile
17 Jacques Bordone srsquoappuie sur les travaux du Centre drsquoeacutetudes sur les revenus et les coucircts (CERC)
55
entre les revenus disponibles moyens des meacutenages les plus riches et ceux des meacutenages les
plus pauvres (de 5 en 1970 agrave 35 en 1996)
Depuis 1997 les apparences de stabiliteacute voire de reacuteduction des ineacutegaliteacutes se sont prolongeacutees
(Pech 2010) de 1997 agrave 2007 par exemple sur le plan des seuls revenus salarieacutes des actifs
occupeacutes la moyenne de ceux des 10 les plus pauvres a augmenteacute plus vite (+ 157 ) que
celle des 5 les plus riches (+ 128 ) Cependant les indicateurs drsquoeacutecart de niveaux de vie
atteints par les meacutenages selon les revenus salariaux et de patrimoine se sont
accentueacutes (INSEE 2010) pour nrsquoen rester qursquoagrave la peacuteriode eacutetudieacutee la plus reacutecente de 1997 agrave
2003 le rapport entre le patrimoine moyen du dernier deacutecile des meacutenages (patrimoines les
plus eacuteleveacutes) et celui du premier deacutecile (patrimoines les plus faibles) est passeacute de 1 6316 agrave
2 1345 soit une hausse de 308 en sept ans18 plus reacutecemment encore de 2003 agrave 2008 le
rapport entre la moyenne des revenus du dernier deacutecile des meacutenages (et non le patrimoine) et
celle des revenus du premier deacutecile est passeacute de 607 agrave 667 soit une hausse de pregraves de 10
(99 )19
En outre derriegravere ces moyennes les eacutevolutions cateacutegorielles sont nettement diffeacuterencieacutees Par
exemple au niveau des revenus primaires des seuls salarieacutes (avant impocircts et transferts
sociaux) les ineacutegaliteacutes se creusent depuis le deacutebut des anneacutees 1990 au deacutetriment notamment
des jeunes actifs du fait de leur accession plus difficile au marcheacute du travail (chocircmage et
eacutetudes plus longues de plus en plus freacutequents) leurs revenus ont stagneacute voire se sont reacuteduits
notamment avec le risque de perte drsquoemploi qui srsquoest accru et les transferts sociaux
(allocations familiales prestations logements RMI avant le RSA) au rocircle plus redistributif
que les impocircts depuis les anneacutees 1980 nrsquoont que leacutegegraverement contrarieacute cette tendance
(Lollivier 1999) Durant les anneacutees 2000 cette eacutevolution neacutegative srsquoest accentueacutee
En 2009 le taux de chocircmage des 15-24 ans est de 237 (niveau historique depuis 1975)
contre 82 pour les 25-49 ans et 61 pour les plus de 50 ans Ce taux tregraves eacuteleveacute
certainement lieacutee agrave la crise financiegravere de 2008 confirme neacuteanmoins une tendance haussiegravere
commenceacutee avant la crise observeacutee par exemple deacutejagrave entre 2004 (205 ) et 2006 (223
soit + 18 point) avant le cycle de renversement de tendance de 2006-2008 preacuteceacutedant la crise
(191 en 2008) De son cocircteacute le taux de chocircmage des adultes de 25 agrave 49 ans baissait
18 Cependant selon les auteurs de cette eacutedition du portrait social statistique compte tenu de la forte concentration du patrimoine cet indicateur qui est bien agrave lire comme un chiffre absolu produit du rapport entre deux valeurs ici les patrimoines estimeacutes en euros est tregraves volatil (cf tableau laquo Patrimoine raquo p 283 du rapport dans la partie laquo Annexes raquo) 19 Cet indicateur centreacute sur la moyenne des revenus pour chaque deacutecile est plus pertinent que le seul rapport inter-deacutecile entre les valeurs limites puisque les valeurs les plus fortes sont prises en compte
56
leacutegegraverement de 82 en 2004 agrave 8 en 2006 (soit -02 point) Ainsi la baisse conseacutequente des
revenus salarieacutes des jeunes a pu orienter globalement les revenus des couches moyennes vers
la pauvreteacute celle-ci eacutetant deacutefinie conventionnellement par le seuil des tregraves bas salaires ie le
seuil de pauvreteacute soit moins de 50 ou de 60 du revenu meacutedian selon les conventions
statistiques
Cette eacutevolution salariale correspond agrave une laquo sous-moyennisation raquo geacuteneacuterale des classes
moyennes observable des anneacutees 1980 agrave 1990 (Chauvel 1999) leurs revenus se situeraient
autour de 80 du revenu meacutedian alors qursquoelles se trouvaient regroupeacutees autour des revenus
meacutedians de 1956 agrave 1984 Pour les franges infeacuterieures des couches moyennes leur reacutegression
srsquoest arrecircteacutee au niveau juste au-dessus du seuil de pauvreteacute moneacutetaire en se concentrant en
fait au-dessous du seuil des bas salaires qui correspond agrave moins de deux-tiers du revenu
meacutedian Ce point est attesteacute par le fait que entre les anneacutees 1970 et la moitieacute des anneacutees 1990
le taux de pauvreteacute moneacutetaire des salarieacutes (part de la population salarieacutee sous le seuil de
pauvreteacute ndash ici de 50 du revenu meacutedian parmi lrsquoensemble des actifs salarieacutes) est resteacute
stable pendant pregraves de vingt ans (Freyssinet 2002)
Cependant de leur cocircteacute les revenus les plus eacuteleveacutes srsquoaccroissent dans les secteurs de la haute
technologie du tertiaire supeacuterieur (service aux entreprises) et des directions des grandes
entreprises mondialiseacutees ainsi que les revenus du patrimoine eacuteconomique et financier Ces
fortes hausses nrsquoont cependant pas influeacute sur la partie moyenne de la structure sociale mis agrave
part lrsquoimpact symbolique important dans les repreacutesentations sociales de la hausse des
ineacutegaliteacutes sociales Les plus riches ont des revenus grandissants notamment patrimoniaux
pendant que les autres groupes sociaux srsquoenlisent dans la stagnation voire la reacutegression avec
le temps
Crsquoest en ce sens que les ineacutegaliteacutes sociales se sont accrues En France depuis 2004 il est vrai
que celles-ci sont devenues plus sensibles que dans les anneacutees 1980 et 1990 (Lombardo
2011)20 alors que le niveau de vie21 des personnes les plus modestes (20 des personnes
situeacutees au bas de lrsquoeacutechelle des revenus) a cesseacute drsquoaugmenter plus rapidement que les meacutenages
20 Plus globalement les donneacutees ci-dessous recoupent diverses publications de lrsquoINSEE rapporteacutees dans ses collections nationales contenues et accessibles sur son site internet Ici ce sont notamment les publications drsquoINSEE-Reacutefeacuterences qui ont eacuteteacute utiliseacutees Emploi et salaires (eacutedition 2011) Les revenus et les patrimoines des meacutenages (eacutedition 2011) Tableau de lrsquoeacuteconomie franccedilaise (eacutedition 2011) France Portrait social (eacutedition 2010) 21 La deacutefinition de lrsquoINSEE du niveau de vie drsquoune personne ndash enfant ou adulte ndash correspond au revenu disponible de son meacutenage diviseacute par le nombre de personnes qui le composent chaque personne eacutetant compteacutee comme une uniteacute de consommation (uc) selon leacutechelle deacutequivalence de l Organisation pour la coopeacuteration et le deacuteveloppement eacuteconomique (OCDE) qui attribue 1 uc au premier adulte du meacutenage 05 uc aux autres personnes de 14 ans ou plus et 03 uc aux enfants de moins de 14 ans
57
intermeacutediaires ce sont surtout les meacutenages les plus aiseacutes qui ont vu leur niveau de vie
fortement augmenter gracircce agrave une plus forte croissance des revenus du patrimoine Selon un
nouvel indicateur de lrsquoINSEE la masse des revenus deacutetenue par les 20 des personnes les
plus riches diviseacutee par celle deacutetenue par les 20 les plus modestes le rapport drsquoineacutegaliteacute
srsquoest accru entre les peacuteriodes 1996-2004 et 2004-2008 la premiegravere peacuteriode preacutesentait mecircme
une leacutegegravere baisse de 41 en 1996 agrave 4 en 2004
Lrsquoeacutecart srsquoest accru ensuite pour arriver agrave 43 en 2008 soit une progression de 02 point en
seulement quatre ans En termes proportionnels les masses de niveaux de vie sont reacutepartis de
la maniegravere suivante les 20 les plus pauvres en deacutetiennent pregraves de 9 et les 20 les plus
riches pregraves de 383 Les 10 les plus riches en deacutetiennent 243 soit les 23 de la masse
deacutetenue par les 20 les plus riches ce qui signifie que ce sont les plus riches (les 10 ) qui
deacutetiennent le double que les 10 les plus riches suivants Lrsquoeacutecart est donc fort entre ces deux
cateacutegories de riches ce qui illustre lrsquoeacutecart de lrsquoextreacutemiteacute par rapport au reste de la socieacuteteacute
Leur richesse srsquoest accrue entre 2003 (234 de la masse des niveaux de vie) et 2008
(243 ) de 09 point soit une hausse de 38 contre une hausse de 02 pour 90 de la
population
Lrsquoaccroissement speacutecifique du niveau de vie des plus riches est essentiellement lieacute agrave la hausse
de 11 par an en moyenne de leurs revenus de patrimoine pendant cette peacuteriode Par
ailleurs la part des pauvres dans la population ie des personnes vivant sous le seuil de
pauvreteacute est en stagnation depuis les anneacutees 2000 (13 en 2008) alors qursquoelle baissait
depuis les anneacutees 1970 (145 encore en 1997 et 131 en 2001) Ils repreacutesentent aujourdrsquohui
pregraves de 78 millions de personnes22 De plus la mauvaise situation eacuteconomique des pauvres
srsquoest intensifieacutee au cours des anneacutees 2000 (Lombardo 2011) leur niveau de vie meacutedian srsquoest
leacutegegraverement eacutecarteacute du seuil de pauvreteacute depuis 2002 date de reprise du chocircmage et du nombre
drsquoallocataires du RMI jusqursquoen 2008 cet eacutecart passe de 165 en 2002 agrave 188 en 2005 et
redescend leacutegegraverement en 2008 agrave 185 Cette pauvreteacute moneacutetaire qui srsquoeacuteloigne du revenu
meacutedian affecte drsquoailleurs fortement les familles monoparentales puisque en France 30
drsquoentre elles sont pauvres
22 Le taux de pauvreteacute franccedilais de 2008 (13 ) se situe en-dessous du taux de 17 de lrsquoEurope des 27 (eacutevolution stagnante aussi dans la mecircme peacuteriode) avec des eacutecarts importants entre pays 11 et 12 aux Pays-Bas et en Suegravede contre 19 agrave 20 au Royaume-Uni en Italie ou en Espagne Ces donneacutees sont agrave prendre avec preacutecaution avec des marges drsquoerreur et des fluctuations selon les auteurs et les publications mecircme de la part de lrsquoINSEE Agrave la fin des anneacutees 1990 lrsquoalignement de lrsquoINSEE agrave lrsquoappareil statistique europeacuteen EUROSTAT pour la mesure de la pauvreteacute de 50 agrave 60 du seuil meacutedian a pu eacutegalement compliquer la tenue de longues seacuteries temporelles
58
Un autre indicateur de lrsquointensification de la pauvreteacute parmi les meacutenages pauvres est
lrsquoeacutevolution du nombre des deacutetenteurs des minima sociaux et de leur pouvoir drsquoachat23 En
2001 lrsquoINSEE deacutecompte 328 millions de personnes beacuteneacuteficient drsquoun des neuf minima
sociaux ils sont 35 millions en 2009 soit une hausse de 67 Leurs montants mensuels
maximaux sont faibles (Mathern 2010) entre le tiers et pregraves de la moitieacute du seuil de
pauvreteacute (seuil agrave 949 euro en 2009) pour les trois minima attribueacutes agrave des personnes en acircge et en
capaciteacute supposeacutes de travailler ndash lrsquoAllocation temporaire drsquoattente (ATA) (32455 euro en
201024) le RSA-socle (46009 euro) et lrsquoAllocation de solidariteacute speacutecifique (ASS) (46051 euro)
entre 500 et 600 euro pour les allocations agrave dureacutee limiteacutee visant agrave compenser les difficulteacutes
temporaires engendreacutees par une rupture de situation familiale lrsquoAllocation de parent isoleacute
(API 59081 euro) et lrsquoAllocation de veuvage (56513 euro) et enfin les montants drsquoallocation
les plus eacuteleveacutes concernent les personnes en incapaciteacute ou en capaciteacute tregraves reacuteduite de travailler
en raison de leur acircge ou de leur situation de handicap Minimum invaliditeacute (63974 euro)
Minimum vieillesse (67713 euro) lrsquoallocation adulte handicapeacute (AAH 68163 euro) et
lrsquoAllocation eacutequivalent retraite (AER) (99432 euro)
Le versement de ces allocations deacutepend des ressources des personnes ou de leur foyer dans
une limite maximale parfois eacutequivalente au montant maximal drsquoallocation (RSA API et
AAH) parfois leacutegegraverement supeacuterieure de 15 euro (Minimum vieillesse et Minimum invaliditeacute)
mais aussi selon un eacutecart positif de pregraves de 140 euro (ATA et Allocation de veuvage) voire de
pregraves de 600 euro (ASS et AER-R) Par ailleurs ce qui constitue en derniegravere instance un signe
suppleacutementaire de cette intensification de la pauvreteacute le pouvoir drsquoachat des minima sociaux
a geacuteneacuteralement peu eacutevolueacute depuis vingt ans suivant de pregraves le rythme de lrsquoinflation
stagnation pour lrsquoAPI et lrsquoAllocation de veuvage petite hausse (4 ) pour le RMIRSA-
socle lrsquoASS le minimum vieillesse et le minimum invaliditeacute et croissance pour lrsquoATA
(144 ) et pour lrsquoAAH (7 ) suite agrave une valorisation exceptionnelle agrave une certaine date
Cette eacutevolution confirme les forts contrastes drsquoeacutevolution des niveaux de vie des individus
dans la peacuteriode toute reacutecente entre 2003 et 2008 en moyenne les niveaux de vie ont crucirc de
74 pour lrsquoensemble de la population (de 20 590 euro agrave 22 110 euro) de 17 pour les personnes
23 Cf annexe de la liste des minima sociaux leur sigle et signification 24 Montants indiqueacutes pour une personne adulte seule Le fait drsquoecirctre en couple joue sur les baregravemes de tous les minima sociaux sauf ceux concernant explicitement des personnes sans conjoint (lrsquoAllocation de parent isoleacute API et lrsquoAllocation de veuvage AV) Quant au nombre drsquoenfants il modifie uniquement les montants du RSA et de lrsquoAPI qui sont les seules prestations reacuteellement laquo familialiseacutees raquo crsquoest-agrave-dire visant agrave assurer un minimum de ressources pour un foyer et non pour une personne en particulier
59
les plus pauvres (deacutecile le plus faible de 7 930 euro agrave 8 070 euro) et de 1185 pour les 10 les
plus riches (de 48 100 euro agrave 53 800 euro) Au regard de lrsquoinflation des prix (+ 1025 entre
lrsquoindice des prix agrave la consommation de 2003 et celui de 200825) le deacutecile le plus faible
connaicirct une nette deacutepression de son pouvoir drsquoachat ce qui deacutemontre lrsquoaccentuation des
ineacutegaliteacutes sociales sur le plan eacuteconomique
Agrave ce sujet avant la fin mecircme des Trente Glorieuses de nouvelles formes drsquoineacutegaliteacutes eacutetaient
apparues par rapport agrave des ineacutegaliteacutes plus classiques en deacuteclin Drsquoune part les barriegraveres
sociales ont eacuteteacute atteacutenueacutees et remplaceacutees par des niveaux sociaux plus ouverts avec la hausse
de la mobiliteacute sociale la reacuteduction et le fractionnement des classes et communauteacutes ouvriegraveres
dans lrsquounivers des classes moyennes Mais drsquoautre part les rapports de domination se sont
transformeacutes complexifieacutes et deacutemultiplieacutes dans drsquoautres situations sociales et pour des
cateacutegories sociales speacutecifiques agrave mesure que le salariat industriel srsquoest deacutecomposeacute (Dubet
2001) Trois formes drsquoineacutegaliteacute apparaissent plus importantes parce que plus globales et
transversales ou encore parce qursquoissues directement des ineacutegaliteacutes anciennes en se preacutesentant
sous une forme nouvelle
Drsquoabord le travail feacuteminin laquo sous tutelle raquo masculine doublant les ineacutegaliteacutes subies par les
femmes dans les tacircches meacutenagegraveres Margaret Maruani (2002) confirme en indiquant qursquoune
ideacuteologie sexiste et dominante heacuteriteacutee en partie du temps de lrsquoemploi industrialo-masculin des
Trente glorieuses conccediloit les femmes comme population active drsquoappoint devant compleacuteter le
revenu et lrsquoemploi stable de lrsquo laquo homme de la famille raquo alors mecircme que surtout chez les
femmes agrave bas salaires celles-ci apportent en majoriteacute plus de la moitieacute des revenus des
couples en meacutenage il ne srsquoagit pas drsquoun salaire drsquoappoint et pourtant en 2001 en France
80 (77 en Europe) des salaires infeacuterieurs au Salaire minimum interprofessionnel de
croissance (SMIC 34 millions de salarieacutes soit 166 des salarieacutes) sont ceux de femmes
plus drsquoune femme salarieacutee sur quatre travaille pour moins de 838 euro par mois contre 6 des
hommes Ensuite la preacutecariteacute et le sous-emploi drsquoune masse importante drsquoimmigreacutes non
qualifieacutes et de leur descendants est la deuxiegraveme forme drsquoineacutegaliteacutes importantes vivant en
partie dans des quartiers de releacutegation agrave la base de la formation de minoriteacutes ethniques La
troisiegraveme forme le frein de lrsquoinsertion professionnelle des jeunes actifs surtout des moins
25 Site internet inseefr rubrique laquo Base de donneacutees raquo tableau laquo Indice des prix agrave la consommation (Annuel Ensemble des meacutenages Meacutetropole Base 1998) ndash Ensemble raquo Si lrsquoon ne regarde que lrsquoindice pour les meacutenages urbains dont le chef est ouvrier ou employeacute en meacutetropole et dans les DOM la hausse est plus importante encore de 123
60
qualifieacutes et issus de lrsquoimmigration Pour ces trois formes preacutedominantes drsquoineacutegaliteacutes agrave chaque
fois un ensemble complexe de facteurs interviennent dans la production de ces ineacutegaliteacutes
tout comme des processus sociaux et politiques ayant parfois comme objectifs contraires de
les limiter
Cette diversiteacute des figures victimes des ineacutegaliteacutes sociales modernes montre la neacutecessiteacute
drsquoune approche prudente sur leurs diffeacuterentes causes conjoncturelles et les manifestations de
ces derniegraveres Car les eacuteveacutenements qui y conduisent sont dans les trajectoires individuelles
multiples eacutechec scolaire tensions voire seacuteparation familiales maladies diverses voire
handicap reacutecession eacuteconomique geacuteneacuterale ou reacuteduction et deacutelocalisation drsquoactiviteacute
discrimination sexuelle ethnique ou drsquoacircge agrave lrsquoembauche ou agrave la mobiliteacute interne Les figures
preacutedominantes des ineacutegaliteacutes subies risquent ainsi drsquoecirctre les principales en matiegravere de
pauvreteacute Au deacutebut des anneacutees 1990 le risque de tomber dans la pauvreteacute moneacutetaire (ie sous
le seuil des 50 du revenu meacutedian) au vu de la freacutequence des eacuteveacutenements qui y amegravene
concerne une grande partie de la population (CERC 1993) 13 de la population inteacutegreacutee
socialement et eacuteconomiquement 50 pour la population fragiliseacutee sur le marcheacute du travail
et surtout frac34 des chocircmeurs Bien sucircr il nrsquoy a pas de scheacutema simple de passage ni de
continuum unilineacuteaire entre des laquo in raquo et des laquo out raquo des proteacutegeacutes ou des inteacutegreacutes et des
laquo exclus raquo ou des pauvres Les frontiegraveres sont poreuses entre drsquoune part lrsquointeacutegration et le
bien-ecirctre mateacuterielle et drsquoautre part les divers eacutetats et meacutecanismes de fragilisation et de
paupeacuterisation individuelles
En fait reacutealiser des descriptions concourantes et fines de la ou des pauvreteacutes voire en reacutealiser
une typologie simple au niveau national comme sur plusieurs sites locaux srsquoavegravere toujours
complexe et inacheveacute Les critegraveres sont multiples faiblesse des revenus beacuteneacuteficiaires de
minima sociaux statut drsquoemploi composition des meacutenages ou niveau des diplocircmes Le
problegraveme est agrave lrsquoimage de lrsquoanalyse de lrsquoexclusion sociale qursquoen modeacutelisant des processus
drsquoentreacutee et de maintien dans la pauvreteacute toujours plus particuliers et individuels les
descriptions et les explications brouillent toute approche conceptuelle simple puisque les
attributs communs devenant moins nombreux La tentative drsquoobjectivation absolue
notamment statistique de la pauvreteacute de populations particuliegraveres est en fait impossible
La plupart du temps les informations brutes et non correacuteleacutees induisent de les compleacuteter et de
les expliquer par des recueils drsquoinformations suppleacutementaires par exemple dans les eacutetudes
rapporteacutees dans Les travaux de lrsquoONPES (2002) il apparaicirct que dans le bassin parisien les
zones drsquohabitat les plus eacuteloigneacutees de Paris concentrent le plus de familles monoparentales Ce
61
meacutecanisme reacuteveacutelant indirectement les situations eacuteconomiquement deacutefavoriseacutees drsquoune grande
partie de ces familles posent des questions sur les effets sur les territoires concerneacutes en
termes varieacutes destin des familles et de leurs membres et notamment des enfants ou encore
eacutevolution des besoins et des dispositifs sociaux sur les territoires
Ainsi les apports cognitifs de ces analyses empiriques outre leurs effets pervers en termes de
reacuteification potentielle de cateacutegories sociales agrave des fins politico-administratives (les
beacuteneacuteficiaires du RSA les familles monoparentales les illettreacuteshellip) eacutevacuent ou minorent les
causes sociales de la modification des trajectoires et des expeacuteriences individuelles (eacutevolution
des rapports sociaux des institutions de lrsquoorganisation des relations et des mobiliteacutes
sociales) les analyses favorisent plutocirct la formalisation drsquoeacuteveacutenements typiques de
basculement individuel dans la pauvreteacute sur la base de cumul de laquo manques raquo de
laquo handicaps raquo ou drsquoaleacuteas dans plusieurs secteurs de la vie sociale et eacuteconomique En
revanche les approches microsociales permettent drsquoaborder des pheacutenomegravenes sociaux majeurs
dans le domaine de la pauvreteacute en leur donnant une place pas toujours habituelle dans les
analyses socio-eacuteconomiques
Un exemple significatif est la question de la seacuteparation conjugale qui constitue le premier
facteur drsquoentreacutee dans la pauvreteacute moneacutetaire des meacutenages depuis le deacutebut des anneacutees 1980 La
perte ou le deacutefaut drsquoemploi stable nrsquoest en fait qursquoun facteur secondaire du niveau de vie des
personnes (Maurin 2002 p 50) laquo Une tregraves large majoriteacute de meacutenages tombant dans la
pauvreteacute ou nrsquoarrivant pas agrave sortir de la pauvreteacute drsquoune anneacutee sur lrsquoautre sont en fait des
meacutenages dont la situation vis-agrave-vis du marcheacute du travail est resteacutee stable voire srsquoest
ameacutelioreacutee En moyenne sur la peacuteriode analyseacutee (1987-1994) les trois-quarts des meacutenages
persistant dans la pauvreteacute sont ainsi des meacutenages dont le nombre de chocircmeurs dans la
famille est resteacute stable ou mecircme a diminueacute En France la preacutecariteacute des situations
professionnelles semblent nrsquoecirctre en tant que telle qursquoun facteur secondaire de reacutecurrence et de
persistance des situations de pauvreteacute La preacutecariteacute des situations familiales semble un facteur
bien plus deacutecisif raquo
Ce pheacutenomegravene doit ecirctre rapporteacute agrave celui de la divortialiteacute croissante et de la monteacutee du ceacutelibat
(Villeneuve-Gokelp 1996) Il y a plus de divorces de nos jours dans les reacutecentes comme les
anciennes promotions de mariage en 1996 on compte 39 divorces prononceacutes pour 100
mariages reacutealiseacutes dans le passeacute toutes dureacutees de mariage prises en compte (cet indicateur
conjoncturel ne signifie pas que 39 des mariages finissent en divorce mais il repreacutesente
62
neacuteanmoins une mesure du risque de divortialiteacute selon lrsquoINSEE26) en 2004 date la plus
reacutecente drsquoestimation de lrsquoINSEE on passe agrave 45 divorces pour 100 mariages passeacutes Si lrsquounion
libre augmente le nombre de ceacutelibataires eacutegalement (1970 265 1999 333 2009
376 ) ainsi que le nombre de meacutenages de personnes seules (1970 22 1999 31
dont 50 de meacutenages seuls agrave Paris en 2005 325 et 333 en 2008)
Les familles monoparentales passent de 125 des familles en 1990 agrave 148 en 1999 et agrave
176 en 200827 elles repreacutesentent 68 des meacutenages en 1990 et 81 en 2008 Les
couples sans enfants augmentent de 234 en 1990 agrave 259 en 2008 et les familles
(couples avec enfants) sont les seules agrave baisser de 364 des meacutenages en 1990 agrave 275 en
2008 Ainsi la structure des meacutenages en France peut se deacutecomposer scheacutematiquement de la
maniegravere suivante agrave la fin des anneacutees 2000 une majoriteacute un tiers de personnes seules
reacuteparties entre pregraves de 58 de femmes (195 ) et pregraves de 42 drsquohommes (138 ) un
grand quart de couples avec enfants un petit quart de couples sans enfant et presque un
dixiegraveme de familles monoparentales
Les deacuteterminants sociaux de ces pheacutenomegravenes et notamment des divorces entraicircnant la
pauvreteacute des familles sont multiples Dans un premier temps lrsquoaffaiblissement des relations
sociales primaires (familiales et de voisinage) engendreacute par la monteacutee de laquo lrsquoindividualisme
drsquoautonomie raquo eacutevoqueacute plus haut et produit de la geacuteneacuteralisation du travail salarieacute et de ses
effets en termes drsquoaccroissement des niveaux de vie et drsquoindeacutependance financiegravere et sociale
des personnes dont les femmes surtout vis-agrave-vis des communauteacutes drsquoappartenance Il faut
aussi consideacuterer le mode eacutelectif et reacuteticulaire de sociabiliteacute qui sest imposeacute
Il est donc significatif de constater que crsquoest plus speacutecialement agrave partir de la fin des anneacutees
1980 jusqursquoau deacutebut des anneacutees 1990 que srsquoest durcie la frontiegravere entre pauvreteacute et non
pauvreteacute ie la probabiliteacute plus forte que les pauvres restent pauvres et que les aiseacutes restent
aiseacutes (Maurin 2002) encore une fois au deacutetriment des familles monoparentales avec
plusieurs enfants du fait de leurs faibles revenus que leurs membres aient ou non un emploi
et que celui-ci ou ceux-ci soit stable(s) ou non On comprend ainsi que la pauvreteacute moneacutetaire
des individus deacutepend de la dimension collective de leur vie individuelle ie la composition
du meacutenage drsquoappartenance sachant que le taux de pauvreteacute moneacutetaire augmente avec la
26 Cf document laquo Sources et meacutethodes ndash Les indicateurs deacutemographiques raquo du site internet de lrsquoINSEE wwwinseefr 27 Donneacutees INSEE
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hausse du nombre drsquoenfants et que ce dernier est encore plus eacuteleveacute au sein des familles
monoparentales
Autrement dit la conjugaison des seacuteparations conjugales et de lrsquoaffaiblissement de la
solidariteacute meacutecanique ndash en langage durkheimien pour deacutesigner la solidariteacute de la communauteacute
drsquoappartenance ndash deacutetermine un risque eacuteleveacute drsquoentreacutee dans la pauvreteacute et certainement aussi un
sentiment drsquoabandon voire de rejet En outre le milieu urbain contemporain ne renforce-t-il
pas cet eacutetat de faiblesse des liens de solidariteacute En effet le lien social de type citadin se
caracteacuterise surtout par une multipliciteacute des liens faibles en mecircme temps qursquoune faiblesse des
liens forts (Joseph 1994) Dans ce contexte la perte de liens familiaux pouvant srsquoajouter agrave
celle de liens professionnels est durement ressentie lorsque des besoins de solidariteacute se
manifestent
Par ailleurs il reste que en dehors de la reacutefeacuterence agrave des seuils conventionnels de revenus
permettant de distinguer des cateacutegories socio-deacutemographiques assez nettes qui relegravevent de la
pauvreteacute moneacutetaire (jeunes meacutenages urbains femmes seules avec un nombre eacuteleveacute
drsquoenfantshellip) la difficulteacute de cerner les pauvres exhaustivement est en reacutealiteacute une situation
normale drsquoun point de vue sociologique les diffeacuterents attributs de lrsquoeacutetat de pauvreteacute mis en
avant deacutependent de la perception qursquoen ont les laquo riches raquo et les institutions de reacutegulation Elle
reacutevegravele en creux leurs ideacuteaux normatifs Ceux-ci srsquoexpriment tout autant que pour lrsquoexclusion
dans les rapports sociaux sur le plan de la symbolique de la valeur des modes de vie lieacutes aux
statuts sociaux les pauvres sont moins bien logeacutes ne partent pas en vacances ne mangent
pas agrave leur faim sont concentreacutes dans les mecircmes secteurshellip Les deacutefinitions les plus officielles
de la pauvreteacute qursquoen donnent les chercheurs souvent eacuteconomistes et des hauts-fonctionnaires
inscrits dans lrsquoaction politique et sociale voire les institutions sociales publiques ou les
institutions politiques officielles attestent de cette approche relative
Le Conseil europeacuteen de deacutecembre 1984 considegravere comme pauvres laquo les personnes dont les
ressources (mateacuterielles culturelles et sociales) sont si faibles qursquoelles sont exclues des modes
de vie minimaux acceptables dans lrsquoEacutetat (membre) ougrave elles vivent raquo (Glaude 1998) De
mecircme une deacutefinition de la preacutecariteacute sociale du rapport du Conseil eacuteconomique et social
Grande pauvreteacute et preacutecariteacute eacuteconomique et sociale (Wreacutesinsky 1987) srsquoinscrit dans cette
approche laquo La preacutecariteacute est lrsquoabsence drsquoune ou plusieurs seacutecuriteacutes notamment celle de
lrsquoemploi permettant aux personnes et aux familles drsquoassumer leurs obligations
professionnelles familiales et sociales et de jouir de leurs droits fondamentaux raquo
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Pour en rester agrave la pauvreteacute eacutetat qui peut se confondre agrave celui drsquoexclu trois approches
sociales et eacuteconomiques existent (Glaude 1998) qui se reacutefegraverent toujours agrave lrsquoappreacuteciation de
niveaux relatifs de critegraveres de conditions drsquoexistence drsquoabord la pauvreteacute laquo moneacutetaire raquo
caracteacuteriseacutee par une insuffisance de revenus estimeacutee par rapport agrave un laquo seuil de pauvreteacute raquo
moneacutetaire qui se calcule en valeur laquo absolue raquo28 ou relative (50 ou 60 du revenu29
meacutedian) ensuite la pauvreteacute laquo drsquoexistence raquo deacutefinie par lrsquoabsence de biens drsquousage et de
consommation de base enfin la pauvreteacute laquo subjective raquo qui repose sur la perception par les
individus ou les meacutenages de leur manque drsquoaisance ou lrsquoeacutecart entre leur revenu et le minimum
qursquoils jugent neacutecessaire Ainsi agrave la fin des anneacutees 1990 lrsquoattribution du qualificatif de
laquo pauvres raquo agrave des cateacutegories drsquoactifs occupeacutes les travailleurs pauvres et les salarieacutes pauvres
deacutesigne ceux qui vivent en-dessous des standards sociaux de conditions drsquoexistence30
Lrsquoanalyse de la pauvreteacute srsquoopegravere alors principalement via lrsquoexclusion et la preacutecariteacute dans la
sphegravere du travail et de ses revenus comme cause mais aussi via lrsquoexclusion comme
conseacutequence puisque la pauvreteacute prive de participation et drsquousage de biens et de services
dans tous les domaines de la vie sociale (santeacute formation relations sociales logementhellip) de
maniegravere cumulative comme lrsquoindique le rapport De Gaulle-Anthonioz (1995) pour le Conseil
eacuteconomique et social la pauvreteacute expose davantage les personnes concerneacutees agrave de
lrsquoexclusion sociale dans les relations sociales qursquoils rencontrent dans leur vie quotidienne
comme analyseacute plus haut
Ainsi lrsquoanalyse sociologique de la pauvreteacute doit agrave lrsquoinstar de lrsquoapproche de lrsquoexclusion
sociale se distinguer des eacutetudes sociales et eacuteconomiques en se rapportant aux rapports
sociaux et notamment aux ineacutegaliteacutes sociales avec les repreacutesentations reacuteciproques des
diffeacuterentes cateacutegories sociales des plus dominantes aux plus domineacutees et celles des
institutions de reacutegulation et de protection sociales de la socieacuteteacute qui objectivent ces ineacutegaliteacutes
Agrave la diffeacuterence des approches eacuteconomiques et administratives de la pauvreteacute centreacutees sur les
conditions drsquoexistence lrsquoapproche sociologique se preacuteoccupe de la forme et du caractegravere du
28 Aux Eacutetats-Unis le seuil officiel est laquo absolu raquo deacutefini agrave partir des laquo besoins alimentaires raquo eux-mecircmes deacutefinis immanquablement par rapport agrave des normes sociales de consommation 29 Les revenus sont dans ce cas lrsquoensemble des salaires (et autres revenus non salarieacutes) et des prestations sociales moins les impocircts directs 30 Les travailleurs pauvres sont les laquo personnes ayant eacuteteacute sur le marcheacute du travail au moins la moitieacute de lrsquoanneacutee soit en travaillant soit en recherchant un emploi tout en demeurant dans des familles vivant au-dessous du seuil de pauvreteacute raquo et les salarieacutes pauvres sont laquo tout ceux qui de leur travail perccediloivent une reacutemuneacuteration mensuelle infeacuterieure au SMIC raquo (Maruani 2002 p 101-123) Agrave titre illustratif les 34 millions de salarieacutes pauvres en France en 2001 sont agrave 80 des femmes alors que les travailleurs pauvres sont essentiellement des hommes Des donneacutees plus reacutecentes nrsquoont pas eacuteteacute trouveacutees dans les publications de lrsquoINSEE
65
lien social avec sa dimension imaginaire entre les pauvres et le reste de la socieacuteteacute (Messu
2003 Simmel 2005)
Lrsquoanalyse ne peut eacutecarter les ineacutegaliteacutes sociales qursquoil reacutevegravele dans le cadre du rapport de
deacutependance structureacute entre les groupes sociaux qui deacutetermine leurs situations sociales et
eacuteconomiques Roland Pfefferkorn (1999) apporte une deacutefinition de lrsquoineacutegaliteacute sociale elle
reacutesulte laquo drsquoune distribution ineacutegale au sens matheacutematique de lrsquoexpression entre les membres
drsquoune socieacuteteacute des ressources [de celle-ci] due aux structures mecircmes [de celle-ci] et faisant
naicirctre un sentiment drsquoinjustice au sein de ses membres raquo Lrsquoeacutetude des ineacutegaliteacutes sociales
impliquent alors lrsquoidentification au sein drsquoune structure sociale drsquoune ou de plusieurs
distributions ineacutegales des ressources perccedilues comme injustes par certains entre individus des
diffeacuterentes cateacutegories de cette structure
Agrave lrsquoorigine de ces distributions ineacutegales socialement perccedilues comme injustes il peut y avoir
des intentions deacutelibeacutereacutees des failles incontrocircleacutes drsquoun systegraveme drsquoallocation des dispositifs ou
des processus de distribution sous des formes diverses geacuteneacuterant de maniegravere involontaire des
ineacutegaliteacutes entre beacuteneacuteficiaires Eacutevidemment ces perceptions deacutependent des repreacutesentations que
chaque cateacutegorie a drsquoelle-mecircme des autres cateacutegories et reacuteciproquement ainsi que des
repreacutesentations qursquoelles ont toutes de lrsquoeacutetat et de lrsquoeacutevolution de la socieacuteteacute de ses valeurs et
normes preacutedominantes ainsi que de son organisation Dans ce cadre la pauvreteacute apparaicirct aux
plus aiseacutes comme un problegraveme social seulement lorsqursquoils ont inteacuterecirct face aux risques de
scandale voire de reacuteaction reacutevolutionnaire agrave reacutealiser une forme quelconque de justice
redistributive La pauvreteacute devient ainsi un problegraveme pour eux afin de lrsquoorganiser (la justice)
sans alteacuterer les regravegles de lrsquoaccumulation et de la conservation des richesses ou encore en
preacuteservant la regravegle geacuteneacuterale de la coheacutesion sociale Il leur revient et aux institutions
politiques et sociales qursquoils conduisent de probleacutematiser drsquoeacutenoncer et de rendre visible selon
des traits et des qualificatifs choisis lrsquoeacutetat de pauvreteacute qursquoil convient drsquoeacuteradiquer pour
maintenir la paix sociale Ils doivent ainsi disposer drsquoune grille de lecture de la distribution
des positions sociales possibles et des regravegles de geacuteneacuteration de celles-ci afin de deacutesigner
celles relevant de la pauvreteacute
Ces eacuteleacutements lieacutes aux aspects sociaux du pheacutenomegravene drsquoexclusion ont des traductions dans les
politiques publiques non speacutecifiquement eacuteconomiques et sociales comme les politiques
urbaines et de logement et ils induisent des pheacutenomegravenes particuliers dans le peuplement des
diffeacuterents espaces des villes ainsi que dans les relations et les pratiques sociales en leur sein
un processus de laquo ghettoiumlsation raquo de zones reacutesidentielles de faible qualiteacute srsquoest engageacutee Les
66
politiques sociales de la ville censeacutees le contrecarrer nrsquoy parvient pas ce qui engendre une
formation durable de quartiers-ghettos et drsquoespaces plus larges les comprenant en deacuteclin
social Le chapitre suivant tend agrave montrer que lrsquoexclusion eacuteconomique et sociale prend alors
dans le champ urbain des formes de seacutegreacutegation diverses aux niveaux tant politique que des
relations et pratiques sociales quotidiennes ce qui explique la production de plus ne plus
avanceacutee des zones de marginaliteacute urbaine
Chapitre II
Le deacuteclin des grands ensembles effet et modaliteacute spatiale de la seacutegreacutegation sociale
persistante des moins qualifieacutes
Cette approche sociologique de lrsquoexclusion et de la pauvreteacute ndash centreacutee sur les ineacutegaliteacutes
sociales lieacutees aux rapports sociaux avec leurs deacuteterminations symboliques peut-elle servir
de paradigme dans lrsquoanalyse de la laquo crise urbaine raquo En effet certains indiquent que la
laquo question sociale raquo qui fait reacutefeacuterence agrave la condensation de divers problegravemes sociaux (Soulet
1996) nrsquoest plus comme ce fut le cas pendant une grande partie du XXe siegravecle
essentiellement axeacutee sur les problegravemes de production dans la sphegravere du travail Depuis les
anneacutees 1980 elle a eacutevolueacute (Donzelot Roman 1991) de lrsquoentreprise (employeurs contre
salarieacutes) le lieu du social semble ecirctre passeacute agrave la ville (inteacutegreacutes et qualifieacutes agrave cocircteacute des exclus
du travail des sous-employeacutes des sous-qualifieacutes des sous-proteacutegeacuteshellip) La domination et
lrsquoexploitation eacuteconomiques ainsi que les risques sociaux empecircchant de travailler seraient
devenus moins probleacutematiques que la rareteacute du travail pour les pauvres voire pour les
couches moyennes
Cette repreacutesentation postule que coupeacutes du monde du travail les exclus ne geacutenegraverent plus que
des problegravemes qui relegravevent de leur condition de vie dans leur habitat au niveau de leurs
activiteacutes et pratiques diverses (relations sociales pratiques sociales et culturelles) surtout
dans lrsquoespace urbain Avec Sylvie Tissot (2007) nous conviendrons que cette orientation qui
si elle peut avoir le meacuterite de se centrer sur une cateacutegorie drsquoaction probleacutematiseacutee socialement
(lrsquoexclusion) tend agrave occulter ce qui reste un problegraveme certainement plus central des rapports
sociaux celui de la mise agrave lrsquoeacutecart de la sphegravere de production des moins qualifieacutes par la classe
dirigeante Et puisque lrsquoespace physique et la socieacuteteacute entretiennent des rapports fonctionnels
67
la diffeacuterenciation de lrsquoespace social a des effets de diffeacuterenciation de lrsquoespace physique et vice
et versa (Magri 1996)
Lrsquoexclusion eacuteconomique et sociale se trouve avoir eacuteteacute une occasion nouvelle agrave partir des
anneacutees 1980 drsquoeacutetudier la seacutegreacutegation socio-spatiale Car celle-ci recouvre des modaliteacutes
extrecircmement varieacutees dispersion entretenue par des autoriteacutes et approprieacutee parfois par des
groupes sociaux la subissant organisation drsquoune instabiliteacute reacutesidentielle des cateacutegories
ouvriegraveres et employeacutees autour des zones drsquohabitation bourgeoise ou encore immobilisation
dans des enclaves territoriales confinant agrave la formation de ghettoshellip La question drsquoordre
sociologique est de savoir si ces situations reacutevegravelent et geacutenegraverent pour les cateacutegories domineacutees
des processus drsquointeacutegration sociale voire des ouvertures agrave des mobiliteacutes sociales ou si la
seacutegreacutegation spatiale contribue agrave une seacutegreacutegation sociale stricte dans ses intentions crsquoest-agrave-
dire drsquoempecircchement drsquoacceacuteder aux positions et aux activiteacutes sociales valoriseacutees
Apregraves les politiques industrielles et drsquohabitat agrave partir des anneacutees 1950 geacuteneacuterant une extension
de la ville et de ses formes avec une modification des eacutetats de division sociale anteacuterieure des
espaces urbains des politiques diverses ont agrave partir des anneacutees 1970 geacuteneacutereacute de nouvelles
modaliteacutes seacutegreacutegatives La politique du logement instaurant lrsquoaide agrave la personne (1977) drsquoune
part pour fluidifier les trajectoires reacutesidentielles individuelles entre segments du parc de
logements et drsquoautre part le mode de deacuteveloppement ineacutegalitaire face agrave la crise eacuteconomique
suscitant de lrsquoexclusion socio-eacuteconomique ont produits un effet pervers de releacutegation spatiale
des preacutecaires et exclus dans les espaces les plus deacutevaloriseacutes aux yeux des citadins geacuteneacuterant
des concentrations de populations en difficulteacutes sociales probleacutematiques socialement
Et puisqursquoun eacutetat de seacutegreacutegation est toujours difficile agrave cerner (Magri 1996) nous nous
demandons dans ce chapitre si le processus de deacuteclin social qui srsquoest deacuteveloppeacute dans les
territoires de grands ensembles nrsquoest pas reacuteveacutelateur voire un instrument deacuteterminant drsquoune
forme moderne de seacutegreacutegation spatiale des exclus socio-eacuteconomiques expliquant ainsi
lrsquoeacutemergence des thegravemes de la ghettoiumlsation et du ghetto dans les villes contemporaines
A- Exclusion releacutegation spatiale et laquo ghettoiumlsation raquo dans les grands ensembles
Lrsquoexclusion socio-eacuteconomique produit-elle des effets tangibles speacutecifiquement urbains et
notamment sur le plan des espaces reacutesidentiels et des pratiques sociales non lieacutees au travail
Un important point de deacutebat est celui de lrsquoeacutevolution de la reacutepartition spatiale des cateacutegories
68
sociales qui serait imputable au pheacutenomegravene eacutetudieacute La preacutecarisation professionnelle des
moins qualifieacutes des jeunes de certains immigreacutes des femmes ainsi que des laquo seniors raquo leur
exclusion durable parfois de la sphegravere productive et les effets eacuteconomiques sociaux
familiaux et psychologiques de cette situation ainsi que la hausse des ineacutegaliteacutes sociales qui
srsquoensuit en interaction avec lrsquoenvoleacutee des revenus des cateacutegories supeacuterieures du priveacute
constituent une seacuterie de pheacutenomegravene coiumlncidant avec la bipolarisation aux deux extreacutemiteacutes des
espaces sociaux (Preacuteteceille 2006) drsquoune part les quartiers accueillant davantage de
cateacutegories supeacuterieures sont plus nombreux et ces cateacutegories y sont proportionnellement en
croissance et drsquoautre part il y a accentuation de lrsquohomogeacuteneacuteisation sociale drsquoune laquo minoriteacute
significative raquo de quartiers populaires srsquoeacutecartant plus fortement du profil des espaces moyens
meacutelangeacutes et eacutevidemment du profil des quartiers supeacuterieurs Un renforcement des polarisations
sociales de lrsquoespace srsquoest produit de chaque cocircteacute des espaces mixtes ou plutocirct des espaces
sans polarisation ceux-ci restent neacuteanmoins preacutedominants et stables depuis la fin du XXe
siegravecle selon la part de la population active totale (45 )
En fait les espaces deacutejagrave polariseacutes se renforcent dans leur caractegravere par lrsquoaugmentation de la
preacutesence des cateacutegories sociales dominantes dans les mecircmes secteurs spatiaux Ce qui ne
signifie pas qursquoun secteur soit occupeacute totalement par une seule grande cateacutegorie sociale
Cependant les quartiers les plus meacutelangeacutes (ougrave aucune grande cateacutegorie sociale nrsquoest
surrepreacutesenteacutee) se rapprochent leacutegegraverement dans leur composition des espaces ougrave preacutedominent
les classes populaires et les meacutenages immigreacutes Il faut aussi indiquer que tout lrsquoespace des
cateacutegories et des espaces geacuteographiques des classes moyennes est lui-mecircme en cours de
polarisation des nouvelles cateacutegories intermeacutediaires plus dynamiques deacutemographiquement
lieacutees aux technologies reacutecentes remplacent les classes moyennes traditionnelles mais sans
qursquoil y ait forceacutement seacutegreacutegation dans lrsquoensemble (Preacuteteceille 1995-a)
Ces constats drsquoeacutevolution des espaces sociaux convergent avec ceux drsquoordre socio-
eacuteconomique sur lrsquoappauvrissement depuis les anneacutees 1980 des cateacutegories modestes et
moyennes du fait de la preacutecarisation de lrsquoemploi des seacuteparations familiales des processus
drsquoexclusion sociale et de la fragiliteacute des liens primaires drsquoentraide Avec le deacutepart degraves les
anneacutees 1960 (Peillon 2001) de meacutenages de cateacutegories supeacuterieures puis moyennes surtout de
meacutenages jeunes hors des quartiers de grand ensemble notamment drsquohabitat social les
identiteacutes socio-urbaines des grands ensembles drsquohabitat se sont modifieacutees en termes de
paupeacuterisation et drsquoaffaiblissement des statuts socio-eacuteconomiques des habitants Mais ce
deacuteclassement concerne bien plutocirct des cateacutegories modestes degraves le deacutepart le mythe urbain des
69
grands ensembles comme habitat des classes moyennes salarieacutees fondues avec les anciennes
classes populaires drsquoindustries ne doit pas ecirctre pris comme une reacutealiteacute historique ces espaces
ont eacuteteacute en tregraves large majoriteacute peupleacutes degraves leur livraison par des meacutenages modestes ouvriers et
employeacutes drsquoexeacutecution
Les meacutenages moyens nrsquoeacutetaient bien souvent que de jeunes meacutenages au deacutebut de leur
ascension ils se sont tregraves rapidement trouveacutes incommodeacutes par la promiscuiteacute spatiale avec
les normes majoritaires des cateacutegories populaires Si les structures sociales initiales pouvaient
paraicirctre globalement moyennes crsquoeacutetait du fait de la stabiliteacute drsquoemploi et de la bi-activiteacute
eacuteventuelle des meacutenages ouvriers et employeacutes La crise eacuteconomique des anneacutees 1970 a briseacute
cette image drsquoabord une diversification progressive puis avec lrsquoaccroissement du
pheacutenomegravene de deacuteclassement des meacutenages une homogeacuteneacuteisation des situations sociales laquo vers
le bas raquo
Cette eacutevolution nrsquoa pas eacuteteacute sans rapidement geacuteneacuterer des tensions notamment parce que les
politiques eacuteconomiques et sociales nrsquoont pas deacuteveloppeacute de dispositifs suffisamment efficaces
drsquoaccompagnement de formation et de protection des cateacutegories preacutecariseacutees ni de dispositifs
eacuteconomiques assurant un plus important partage du travail et une creacuteation plus forte de
nouvelles activiteacutes publiques et priveacutees demandeuses de main drsquoœuvre Pour certains
srsquoinscrivant dans la logique de lrsquoexclusion aboutissant agrave la laquo territorialisation du social raquo ce
sont eacutegalement les collectiviteacutes territoriales dont les communes qui nrsquoont pas deacuteveloppeacute
assez tocirct des politiques drsquointeacutegration notamment des immigreacutes adapteacutees agrave leurs situations
nouvelles (Lapeyronnie 1991)
Ces premiegraveres observations montrent que au niveau drsquoun type drsquoespace social particulier
drsquoeacutechelle non neacutegligeable mecircme si du niveau infra-agglomeacuteration les repreacutesentations
meacutetaphoriques en termes de laquo dualisation raquo ou drsquolaquo eacuteclatement raquo de la ville sont concernant
les formations sociales certainement caricaturales Le premier net mouvement de polarisation
ndash celui de lrsquoisolement reacutesidentiel rechercheacute est circonscrit agrave une tranche limiteacutee des couches
supeacuterieures Cette seacutelectiviteacute reacutesidentielle est le plus souvent lieacutee agrave la cartographie des
eacutetablissements scolaires les plus prestigieux ou promoteurs (Maurin 2004) puisque la
formation scolaire constitue le premier maillon drsquoune chaicircne de (re)production des eacutelites
sociales et des carriegraveres supeacuterieures
Le second mouvement de polarisation socio-spatiale relegraveve drsquoun pheacutenomegravene
drsquoassignationreleacutegation et de regroupement des cateacutegories marginaliseacutees pauvres etou
70
exclues dans les mecircmes espaces urbains deacutegradeacutes et deacutevaloriseacutes Dans les zones drsquohabitat
social deacutevaloriseacute notamment la releacutegation spatiale des plus pauvres est aussi devenue
synonyme drsquoune immobiliteacute reacutesidentielle forceacutee Depuis pregraves de trente ans crsquoest le sentiment
de ne pouvoir eacutechapper agrave une zone drsquohabitation voueacutee agrave une deacutegradation lente et continue qui
creacutee le malaise et lrsquoinseacutecuriteacute deacuteficit de mobiliteacute mauvaise insertion dans le marcheacute de
lrsquoemploi faible consommation de biens et de services entraicircnant la deacutesaffection des
eacutequipements commerciaux administratifs et culturels vie quotidienne dans une aire limiteacutee
et enclaveacutee et aussi faible deacuteveloppement du marcheacute du logement Des situations de conflits
et de tensions lieacutees agrave une cohabitation non deacutesireacutee se deacuteveloppent et favorisent des attitudes
seacutegreacutegatives et le sentiment drsquoinseacutecuriteacute Ainsi globalement lrsquoaccentuation des polarisations
traduit la vigueur des tendances agrave la seacutegreacutegation et agrave lrsquoexclusion dans les rapports sociaux de
cohabitation urbaine (Brun 1998 Clavel 1998)
Depuis les anneacutees 1990 la reconnaissance de la fragmentation de lrsquouniteacute urbaine est lieacutee aux
processus de meacutetropolisation de la socieacuteteacute qui eacutevoque la production de tregraves grandes villes
dans lesquelles vivent de plus en plus de personnes et imprime un mode de vie dominant agrave
lrsquoensemble de la socieacuteteacute y compris ces parties situeacutees dans un cadre non urbain Ce cadre
favorise des meacutecanismes multiples de diffeacuterenciations sociales et spatiales susceptibles de
fragiliser les liens sociaux (Bassand Kaufmann Joye 2002 Paquot Lussault Body-
Gendrot 2000 Steacutebeacute Marchal 2010) redeacuteploiement de seacutegreacutegations anciennes et
accentuation de la speacutecialisation fonctionnelle de lrsquoespace dans les agglomeacuterations urbaines
combinant centre historique compact et dense et zones sub- et peacuteriurbaines plus ou moins
diffuses avec de nouvelles centraliteacutes autonomisation des diffeacuterents niveaux drsquointeacutegration
sociale (famille voisinage quartier communeshellip) accentuation des ineacutegaliteacutes sociales entre
quartiers plus ou moins homogegravenes permise par le marcheacute du logement et les affiniteacutes
socioculturelles et deacuteconnexion systeacutematique de lrsquoespace et du temps dans la vie quotidienne
(plusieurs lieux pour des activiteacutes diffeacuterentes courses relations sociales travail et loisirs
ayant des temporaliteacutes diverses)
Dans les meacutegalopoles (plus de 10 millions drsquohabitants) aux limites de plus en plus incertaines
qui recouvrent un espace reacutegional couvrant plusieurs agglomeacuterations comme la reacutegion
parisienne ou dans les grandes villes reacutegionales les activiteacutes sont de plus en plus lieacutees agrave
lrsquoeacuteconomie mondiale le laquo tertiaire global raquo baseacutee sur des entreprises internationales et leurs
services financiers et informationnels avec un poids eacuteleveacute de la haute technologie
71
industrielle Elle srsquoimplante dans quelques laquo villes globales raquo internes aux grandes reacutegions
urbaines en reacuteseau dans le monde comme lrsquoa conceptualiseacute Saskia Sassen (1996 2004) et
dans lesquelles augmentent les cateacutegories supeacuterieures diplocircmeacutees et les cateacutegories moyennes
avec un recul des classes populaires les moins qualifieacutees (proleacutetariat tertiaire remplaccedilant le
proleacutetariat industriel)
Les effets de cette orientation se combinent avec les fonctions et les activiteacutes de toute
sorte qui preacuteexistaient dans les villes concerneacutees politiques industrielles et services lieacutes aux
Eacutetats et agrave lrsquoimportance des marcheacutes de consommation (Preacuteteceille 1995-b) Une deacuteformation
progressive conseacutequente des structures sociales comme en reacutegion parisienne srsquoest manifesteacutee
avec une progression des cateacutegories supeacuterieures lieacutees aux entreprises une reacutegression des
cateacutegories moyennes et ouvriegraveres drsquoindustrie traditionnelle une augmentation des cateacutegories
moyennes tertiaires et enfin un recul du proleacutetariat tertiaire qui srsquoest en grande partie
substitueacute au proleacutetariat ouvrier Lrsquoaccentuation des hieacuterarchies et des ineacutegaliteacutes sociales a
favoriseacute les effets de polarisations sociales de lrsquoespace Pour Paris et sa reacutegion pilier du
deacuteveloppement du secteur tertiaire pour tout le territoire national cette eacutevolution srsquoest traduite
par lrsquoaccentuation de la surrepreacutesentation nationale des chefs drsquoentreprise des professions
libeacuterales de lrsquoinformation des arts et du spectacle
La complexiteacute des espaces reacutesidentiels de par leur meacutelange majoritaire et la logique sous-
jacente de leurs dynamiques interdisent cependant drsquoeacutevoquer abruptement des images
simples comme la laquo ville duale raquo ou laquo eacuteclateacutee raquo pour deacutecrire ses reacutealiteacutes Ces notions ont
mecircme des usages scientifiques plus particuliers pour aborder soit lrsquoeacutetalement de la ville avec
lrsquoaffaiblissement de son uniteacute et de sa fonction politique et institutionnelle (Lefebvre 1968
1970 Beauchard 1993) soit des effets de diffeacuterenciations sociales de lrsquoespace duales ou
tripartites selon les theacuteories Dans les deux cas ces notions ne srsquoadaptent pas vraiment agrave
lrsquoanalyse drsquoun espace telle une commune drsquoune grande agglomeacuteration Par exemple le terme
de dualisation appliqueacute aux vifs contrastes reacuteels entre les extrecircmes des situations
reacutesidentielles (les laquo beaux-quartiers raquo et les quartiers deacutefavoriseacutes) nrsquoaboutit-il agrave ne retenir que
celles-ci drsquoautant plus si elles srsquoaccentuent dans le temps
La laquo gentrification raquo est drsquoailleurs statistiquement bien visible ainsi que agrave lrsquoautre bout de
lrsquoeacutechelle sociale la concentration des groupes marginaliseacutes chocircmeurs et immigreacutes peu
qualifieacutes dans les ensembles de logement social et les quartiers anciens deacutegradeacutes Les eacutetudes
socio-deacutemographiques extensives (sur lrsquoensemble du territoire national) mettent drsquoailleurs agrave
jour la preacutesence importante de nombreux chocircmeurs et preacutecaires dans presque tout type
72
drsquoespace sociogeacuteographique deacutelimiteacute selon le critegravere drsquohomogeacuteneacuteiteacute sociale relative
(commune ou secteur urbain) sauf celui des actifs les plus riches et diplocircmeacutes (Martin-
Houssard Tabard 2003)31 Cependant si le facteur laquo chocircmage raquo est devenu un critegravere
incontournable de la structuration sociale des espaces tant est systeacutematique laquo lrsquoexclusion
territoriale des chocircmeurs raquo la dualisation des statuts sociaux des habitants de lrsquoensemble des
espaces geacuteographiques nrsquoimplique pas du tout une bipartition spatiale geacuteneacuteraliseacutee dans
lrsquoensemble de ceux-ci
Lrsquoartefact statistique produit cette image qui est drsquoailleurs plus forte dans les parties urbaines
les plus modestes Sans oublier que lrsquoanalyse de la concentration spatiale deacutepend largement
de lrsquoeacutechelle spatiale prise en compte car mecircme dans les espaces ougrave elle apparaicirct la plus forte
elle ne se reacutevegravele que partielle avec une reacutealiteacute plus diffuse comme dans le cas des quartiers
deacutegradeacutes drsquohabitat social (Avenel 2001 Dubet 1999) Concentration spatiale ne signifie
donc pas la dualisation spatiale expression utiliseacutee de faccedilon reacuteductrice agrave des fins drsquoanalyse
parfois De mecircme les laquo quartiers de chocircmeurs raquo se distinguent statistiquement dans la plupart
des secteurs aux cateacutegories les plus modestes et preacutecaires mais ce sont des quartiers ougrave srsquoils
se trouvent en majoriteacute des chocircmeurs il y vit drsquoautres actifs occupeacutes La bipartition ne peut
donc ecirctre eacutevoqueacutee objectivement
La ville est donc moins globalement eacuteclateacutee ou dualiseacutee qursquoelle ne connaicirct des deacuteseacutequilibres
ou des polarisations plus ou moins accentueacutes par le deacuteveloppement eacuteconomique et les
eacutevolutions politiques et sociales ainsi que par les mouvements divergents de mobiliteacute
reacutesidentielle selon les grandes cateacutegories sociales Comment dans ce cadre deacutecrire les
quartiers laquo sensibles raquo qui ne peuvent ecirctre reacuteduits agrave des zones de concentration socio-urbaine
de familles pauvres puisque drsquoune part ce caractegravere est relatif agrave lrsquoeacutechelle drsquoobservation
choisie et drsquoautre part tous les espaces comprenant des personnes pauvres ne sont pas des
laquo quartiers sensibles raquo deacutefinis en partie par drsquoautres caracteacuteristiques comme des violences et
une deacutelinquance des jeunes et de mecircme tous les individus ou meacutenages pauvres ou en
difficulteacutes sociales ne sont pas concentreacutes dans les seuls espaces reacutesidentiels laquo ghettoiumlseacutes raquo en
majoriteacute
31 Cette publication srsquoinscrit dans la ligneacutee des travaux de lrsquoINSEE depuis 1975 concernant la partition du territoire selon les critegraveres socio-eacuteconomiques La classification des communes selon la composition des positions drsquoemploi des habitants (cateacutegories professionnelles et branches drsquoactiviteacute eacuteconomique de lrsquoentreprise) est reacutealiseacutee sur la base des actifs hommes seulement des meacutenages Depuis 1999 lrsquoanalyse est entreprise agrave lrsquoeacutechelle infra-communale pour les communes de + de 10 000 habitants avec lrsquouniteacute Triris crsquoest-agrave-dire trois icirclots Iris de 2 000 habitants au minimum soit pour le Triris 5 000 habitants au minimum Les IRIS eacutetant deacutejagrave des plus petits Icirclots regroupeacutes pour lrsquoinformation statistique
73
Cependant si tous les lieux drsquohabitation des pauvres ne subissent pas de fortes tensions
sociales il reste que les territoires de fortes tensions sociales comportent une part importante
de personnes et de meacutenages en difficulteacutes sociales Comment analyser alors la speacutecificiteacute de
lrsquoentiteacute sociale composeacutee des diverses cateacutegories de personnes et de meacutenages vivant dans ces
zones de regroupement Les espaces ouvriers ou drsquohabitat social ne sont pas des espaces
structureacutes par quelques principes centraux (conflits du travail) par des normes sociales
partageacutees par la majoriteacute ou mecircme par un code de langage ou des valeurs stables et accepteacutees
par la plupart Ce ne sont pas non plus des zones complegravetes de pauvreteacute
Il nrsquoy a pas de profil-type de ces espaces puisque les combinaisons entre cateacutegories sociales
en preacutesence sont multiples Neacuteanmoins au tournant des anneacutees 2000 une tendance geacuteneacuterale
srsquoest deacutegageacutee agrave partir des eacutetudes statistiques disponibles (Avenel 2002) la moitieacute de la
population des quartiers prioritaires de la politique de la ville y serait stable avec des revenus
moyens et lrsquoautre moitieacute y serait preacutecaire avec une grande minoriteacute drsquoinstables eacuteconomiques
(30 ) et de deacutependants aux dispositifs sociaux (10 ) La premiegravere moitieacute de population
laquo stable raquo regroupe drsquoune part des cateacutegories aux revenus fixes comme les retraiteacutes de
tranches moyennes de revenus (environ 15 dans le calcul de lrsquoeacutepoque rapporteacute par Avenel)
et drsquoautre part des meacutenages aux revenus plus confortables drsquoouvriers et drsquoemployeacutes souvent
qualifieacutes en tant que cateacutegories supeacuterieures des classes populaires (environ 35 )
En ce qui concerne la deuxiegraveme moitieacute de la population de ces espaces la partie preacutecaire
quatre cateacutegories la composent 1 les inactifs aux faibles ressources comme certaines
femmes seules et certains eacutetudiants (env 15 ) 2 une frange preacutecariseacutee drsquoemployeacutes et
drsquoouvriers les laquo travailleurs pauvres raquo aux emplois stables mais avec de faibles revenus
pour leurs meacutenages qui se trouvent sous le seuil de pauvreteacute (env 10 ) 3 des individus
aux emplois instables et preacutecaires au seuil de la deacutependance (env 15 ) dont les ⅔ ont moins
de 35 ans et vivent avec moins de 40460 euro (2 650 F) mois (agrave la fin des anneacutees 1990) et 4
un groupe sous le seuil de la deacutependance dont les revenus proviennent exclusivement des
prestations sociales (environ 11 ) avec des revenus leacutegegraverement plus faibles que les
instables
Ces grandes cateacutegories sont fortement heacuteteacuterogegravenes relatives et mouvantes selon les quartiers
et les peacuteriodes temporelles Serge Paugam (1995) avait bien rappeleacute au milieu des anneacutees
1990 lrsquoeffet principal de cette proximiteacute spatiale de meacutenages pauvres de situations sociales
complegravetement diffeacuterentes lrsquoempecircchement de toute organisation drsquoune entiteacute collective de
74
soutien et drsquoentraide Il srsquoagit bien drsquoun effet social de lrsquohabitat social ou du moins de
certaines de ces composantes sur la deacutegradation des liens sociaux locaux Les eacutevolutions des
profils sociaux des communes sont drsquoailleurs tregraves nuanceacutees et diffeacuterencieacutees par quartier et
reacutesidence diminution ou maintien des cateacutegories populaires augmentation des cateacutegories
aiseacutees ou intermeacutediaireshellip Pour Marco Oberti (1995) de multiples eacutevolutions disparates et
micro-localiseacutees accentuent lrsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute sociale primaire due agrave la diversiteacute de la structure
du parc de logements des eacutequipements et des services disponibles ainsi qursquoagrave lrsquoimage sociale
des sous-quartiers
Dubet (1999) a deacutenommeacute les populations des quartiers de releacutegation des laquo classes moyennes
proleacutetariseacutees raquo soulignant ainsi le pheacutenomegravene de paupeacuterisation de classes moyennes qui a eu
lieu Peut-ecirctre y voit-il aussi la releacutegation des pauvres dans des espaces preacutevus pour les
nouvelles classes moyennes urbaines de la moderniteacute Les rapports sociaux y sont marqueacutes
de maniegravere assez geacuteneacuterale par une laquo humeur seacutegreacutegative raquo permettant de se deacutemarquer des
problegravemes des voisins et drsquoavoir agrave ne reacutegler que les siens individuellement (Avenel 2001) Ce
reacutegime relationnel nrsquoempecircche pas que chaque quartier selon les compositions sociales des
parcs drsquohabitat deacuteveloppe au fil du temps une identiteacute collective propre des repreacutesentations
multiples et variables dans le temps et selon les individus et les groupes sociaux dont les sens
deacutependent des contextes territoriaux dans lesquels ils se trouvent (Plouchard 1999)
Ainsi la singulariteacute du peuplement des grands ensembles deacutetermineacute le plus souvent par les
politiques de mixiteacute sociale des bailleurs sociaux est que lrsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute de ces composantes
empecircche toute creacuteation durable de liens sociaux (Dubet 1999) Lrsquoimage homogegravene et
neacutegative des quartiers pauvres notamment drsquohabitat social malgreacute leur forte diversiteacute reacuteelle
provient de la manifestation des tensions et des micro-seacutegreacutegations sociales entre groupes et
individus fragiles vulneacuterables preacutecaires et drsquoorigine immigreacutee (Plouchard 1999 Delarue
1991) Elles sont lieacutees agrave la dispersion dans lrsquoespace des diffeacuterentes cateacutegories de personnes et
de familles agrave problegravemes qui pegravese sur la sociabiliteacute les pratiques et les conduites locales drsquoougrave
lrsquoattitude de meacutefiance dans un contexte de diversiteacute des trajectoires et des situations de
faiblesses des revenus et des effets drsquoun processus global de deacuteclassement social et
symbolique
Donzelot (2004) le rapporte aussi cette contrainte drsquoun entre soi le caractegravere subi du
voisinage heacuteteacuterogegravene et pauvre souvent se rajoute de maniegravere pesante avec le confinement
reacutesidentiel qui affecte les plus deacutefavoriseacutes La situation nrsquoest en fait ni entiegraverement neacutegative
ni geacuteneacuteralisable en tous lieux des reacuteseaux de solidariteacute et drsquoentraide des reacuteseaux
75
communautaires et de jeunes existent bien (Dubet 1995) avec la dureacutee de reacutesidence des
liens peuvent srsquoeacutetablir entre des personnes et diffeacuterents groupes drsquoune citeacute Mais ces liens se
font encore trop souvent selon des affiliations subjectives entretenues par des attitudes de
retenue et de mise agrave distance et non sur une base de sentiment drsquoappartenance agrave une
communauteacute de vie objective Comment donc formaliser les principes du quotidien des
habitants les plus preacutecaires des quartiers subissant la releacutegation sociale Pour ce mecircme
auteur il y en a quatre drsquoun cocircteacute la deacutesorganisation sociale et laquo lrsquoexclusion relative raquo (du
travail et du systegraveme social) et de lrsquoautre cocircteacute la participation deacutependante de lrsquoaction sociale
et lrsquointeacutegration communautaire des populations issues de lrsquoimmigration
Ainsi les deacuteseacutequilibres sociaux de peuplement de la ville geacuteneacutereacutes par la crise-mutation de
lrsquoeacuteconomie et du systegraveme politique et social ont-ils accru une forme de mixiteacute sociale et
culturelle non pas entre grandes cateacutegories sociales (moyennes et modestes par exemple)
mais plutocirct au sein des cateacutegories modestes selon une stratification fine sur le plan social
mais drsquoimportance pour les rapports sociaux de distinction sociale internes aux espaces
locaux Cette mixiteacute contrainte est agrave lrsquoorigine des tensions et des conflits entre groupes
sociaux en preacutesence sur fond de processus sociaux englobants de deacutevalorisation spatiale de
deacutelaissement institutionnel et de stigmatisation collective
Les laquo eacuteclats raquo sociaux dans les villes ne concernent-ils pas alors plutocirct les manifestations
diverses de conflits interpersonnels et parfois collectifs de laquo basse ou de haute intensiteacute raquo
(Mohammed Mucchielli 2003) agrave lrsquooccasion des interactions multiples entre habitants au
sein des mecircmes meacutenages parfois entre voisins plus ou moins proches ou encore entre
habitants et agents drsquoinstitutions diverses agissant sur place La cohabitation et le cocirctoiement
posent les conditions de lrsquointensification des difficulteacutes sociales de chacun comme le
rappellent plusieurs observations de lrsquoeacutequipe de Pierre Bourdieu (1993) dans lrsquoouvrage La
misegravere du monde Ces difficulteacutes se mateacuterialisent dans lrsquoensemble de lrsquoespace physique des
habitants essentiellement selon trois traits drsquoabord le deacutesordre urbain dans ses deux aspects
physique et social avec des pratiques deacutelinquantes et un ensemble lieacute de comportements
sociaux et de proprieacuteteacutes eacutecologiques de lrsquoespace synonymes drsquoanomie par ailleurs une
morphologie architecturale et urbaine brute et surtout inseacutecure des espaces sous lrsquoeffet de
comportements troublants ou menaccedilants de certains habitants subissant et exprimant
individuellement une partie de lrsquoanomie collective parfois dominante et enfin lrsquoethnicisation
des relations sociales crsquoest-agrave-dire la mise en avant des critegraveres ethniques dans les relations
76
Ces traits constateacutes par drsquoautres (Lepoutre 1997 Paugam 1995) favorisent dans des
contextes de voisinage tendus les conduites attentoires entre habitants et dans leurs rapports
avec le reste de la ville La violence srsquoest deacuteveloppeacutee comme mode drsquoexpression et a eacuteteacute
instrumentaliseacutee agrave des fins preacutedatrices Par exemple selon Hugues Lagrange (1995) ce qui
diffeacuterencie au deacutebut des anneacutees 1990 les secteurs drsquohabitation pauvres des espaces riches
crsquoest bien la preacutegnance de la violence dans les premiers (8 agrave 9 fois plus de violence que dans
les seconds) et celle des viols et de la drogue (2 fois plus dans les communes pauvres
qursquoaiseacutees) Globalement les quartiers sensibles sont quatre agrave cinq fois plus toucheacutes par la
deacutelinquance que les autres quartiers Lrsquoimpact de ces monteacutees de violence et de criminaliteacute se
ressent globalement au niveau national la criminaliteacute globale depuis le deacutebut des anneacutees
1950 jusqursquoagrave la fin des anneacutees 1990 croicirct de faccedilon spectaculaire (de 05 agrave 2 millions de deacutelits
et crimes soit quatre fois plus) porteacutee drsquoabord par une forte pousseacutee des preacutedations (vols et
cambriolages x 11) puis deacutetermineacutee aussi agrave partir des anneacutees 1980 par une hausse de la
violence (coups et blessures eacutemeutes deacutegradations mais aussi outrages agrave la police et agrave des
repreacutesentants de lrsquoEacutetat)
Cette violence se deacuteveloppe drsquoabord de maniegravere progressive puis brutale agrave partir des anneacutees
1990 selon les sources policiegraveres32 (Lagrange 1995) En revanche selon Philippe Robert
(2002) si au deacutebut des anneacutees 2000 vols et violences ont globalement sur le plan des
cateacutegories statistiques directes leacutegegraverement deacuteclineacute avec des variations locales il reste que
lrsquoon ne peut conclure agrave la tendance agrave la baisse de la violence celle-ci semble plutocirct se
deacuteplacer du champ conflictuel et expressif agrave celui de lrsquoinstrumentalisation pour les vols
puisque ce sont pregraves de 70 des violences subies par les individus qui le sont pour des vols
ces violences ne sont pas classeacutees dans les agressions ce qui diminuent leur visibiliteacute
statistique Au cours des anneacutees 2000 cette tendance srsquoest accentueacutee33 si le taux de
criminaliteacute (ensemble des crimes et deacutelits rapporteacute agrave 1 000 habitants) a baisseacute de 6408 permil en
2000 agrave 53 permil en 2011 de maniegravere continue (avec une stagnation entre 2001 et 2002) en raison
de la baisse continue des atteintes aux biens (1 804 600 vols plus 341 900 destructions et 32 Les statistiques policiegraveres ne repreacutesentent qursquoune mesure des activiteacutes de signalement aux parquets drsquoune partie de la deacutelinquance connue par les services de police et de gendarmerie (beaucoup de faits restent consigneacutes en main-courante ou classeacutes par les policiers sans trace pour les parquets) Pour ce qui est des vols et des atteintes aux personnes lrsquoappareil de collecte qui est ici policier et eacutegalement administration drsquoaction est jugeacute par les speacutecialistes pour beaucoup des infractions comme suffisamment stable dans le temps pour permettre des examens drsquoeacutevolution des faits (Aubusson de Cavarlay 1997 Robert 2002 Mucchielli 2001 Lagrange 1995 Rocheacute 1993) Ces statistiques sont compleacuteteacutees par des enquecirctes systeacutematiques de victimation pour deacutegager les grandes tendances drsquoeacutevolution de la deacutelinquance 33 Cf les dossiers theacutematiques laquo Conditions de vie ndash Socieacuteteacute raquo du site internet de lrsquoINSEE les tableaux laquo Taux de criminaliteacute raquo laquo Faits constateacutes en 2011 raquo et laquo Part des mineurs dans la criminaliteacute et la deacutelinquance en 2011 raquo et le dossier laquo Criminaliteacute ndash deacutelinquance raquo (INSEE - Reacutefeacuterences feacutevrier 2012)
77
deacutegradations en 2011) sauf pour les vols avec violence qui progresse toujours (leur nombre
en 2009 112 800 augmente de 73 en 2010 et ne baisse que tregraves leacutegegraverement de 01
entre 2010 et 2011) en revanche en 2011 le taux drsquoatteintes volontaires agrave lrsquointeacutegriteacute
physique 74 permil plafonne agrave sa plus haute valeur depuis 1996 (avec hausse de 138 entre
2003 et 2010 comprenant pour la premiegravere fois cette valeur de 74 permil) sous lrsquoeffet de la
croissance continue des violences crapuleuses surtout (121 200 en 2010 + 73 depuis
2009 mais leacutegegravere baisse de 01 entre 2010 et 2011) et un peu moins des violences non
crapuleuses (deux fois plus importantes que les preacuteceacutedentes) les violences sexuelles (de
lrsquoordre de 23 000 par an) et des menaces et chantages (80 000 par an)
Un des facteurs de cette croissance est la violence des mineurs reacuteveacutelant ainsi les difficulteacutes
de socialisation qursquoils rencontrent (eacutechec scolaire tensions familiales difficulteacutes drsquoinsertion
professionnelle chocircmage de longue dureacutee) Leur part dans lrsquoensemble des mis en cause est
passeacutee de 13 en 1990 agrave 21 en 2000 puis varie depuis 2005 autour des 18 (189 en
2010 et 177 en 2011) Cette hausse provient en grande partie du doublement de leur part
dans les crimes et deacutelits contre les personnes (coups et blessures volontaires menaces ou
chantages viols) entre 1990 (72 ) et 2000 (159 les trois sous-cateacutegories composantes
augmentent de maniegravere importante) Depuis ce niveau de violence se maintient avec de
leacutegegraveres fluctuations entre 2005 (144 ) et 2011 (158) En 2001 pregraves drsquoun vol avec
violence sans arme agrave feu sur deux (505 ) est causeacute par un mineur contre moins drsquoun tiers
(314 ) en 1990 (464 en 2000) En 2005 pregraves drsquoun cinquiegraveme (199 ) des faits de port
et deacutetention drsquoarmes prohibeacutes relegravevent drsquoun mineur contre 112 en 1990 (165 en 2011)
Et depuis 2000 pregraves drsquoun incendie volontaire sur deux relegravevent de ceux-ci 471 en 2000
484 en 2005 514 en 2008 et 472 en 2011 (contre 275 en 1990) Cette aggravation
de la violence notamment sous lrsquoeffet de la jeunesse en difficulteacutes place la France au niveau
europeacuteen le plus eacuteleveacute des taux drsquohomicides De toute lrsquoUnion europeacuteenne (dont les pays plus
pauvres drsquoEurope centrale et de lrsquoEst) avec le deuxiegraveme niveau le plus eacuteleveacute de crimes et
deacutelits violents en 2008 (331 800 faits constateacutes loin derriegravere la Grande Bretagne (1 035 000)
mais devant lrsquoAllemagne (210 900) lrsquoItalie (146 600) lrsquoAutriche (129 600) et lrsquoEspagne
(116 600)) la France a le taux moyen 2006-2008 drsquohomicides (pour 100 000 habitants) le
plus important de tous les grands pays Ouest-europeacuteens 137 (839 homicides en 2008)
contre 084 pour lrsquoAllemagne (656 homicides en 2008) 102 pour lrsquoEspagne (408) 113 pour
lrsquoItalie (654) et 135 pour le Royaume-Uni (Angleterre et Pays de Galles uniquement 662
homicides en 2008)
78
B- Des politiques de la ville et sociales territorialiseacutees inefficaces
Avec ces premiegraveres donneacutees issues de divers travaux il apparaicirct que lrsquoenjeu cognitif
concernant les zones laquo sensibles raquo ne se limite pas agrave la seule question de lrsquoeacuteventuelle
concentration territoriale des pauvres dans certains quartiers ou espaces plus larges puisqursquoil
y a laquo bien plus drsquoallocataires de minima sociaux de pauvres de logements deacutegradeacutes en
dehors de ces quartiers raquo rappelle Julien Damon (2004-a) mais lrsquoenjeu laquo crsquoest bien (plutocirct)
la concentration de problegravemes issue de dynamiques de seacutegreacutegation socio-spatiales qui srsquoauto-
alimentent raquo (p 7) qui est au cœur de la probleacutematique sociologique Ces tensions sont lieacutees
aux mouvements de territorialisation urbaine eux-mecircmes lieacutes aux eacutevolutions et aux
modifications de structure sociale qursquoont geacuteneacutereacutes les processus eacuteconomiques et
sociopolitiques lieacutes agrave la globalisation eacuteconomique Lrsquoobjet de cette sociologie est alors selon
Damon (2004-a) laquo (lrsquo)intensiteacute localiseacutee et (lrsquo)ineacutegaliteacute de la distribution spatiale des
problegravemes sociaux qui posent problegraveme en termes de coheacutesion sociale raquo Lrsquoexemple des
eacutemeutes de la part de jeunes deacutestructureacutes de certains quartiers seacutegreacutegeacutes en lien le plus
souvent avec la mort de jeunes en relations diverses avec une intervention policiegravere illustre
cette ideacutee de territoires en souffrance dont les eacutemeutes drsquooctobre et de novembre 2005 ont
constitueacute un point paroxystique par lrsquoeacutetendue des sites concerneacutes sur le territoire national et la
longueur de la dureacutee de leur manifestation (Mucchielli Le Goaziou 2007)
En effet les eacutemeutes apparues deacutejagrave sous des formes peu spectaculaires et meacutediatiseacutees dans
les anneacutees 1970 sont officiellement identifieacutees une premiegravere fois en juillet 1981 agrave Veacutenissieux
(quartier des Minguettes) dans la banlieue lyonnaise On les retrouve en 1990 agrave Vaulx-en-
Velin (banlieue lyonnaise) puis agrave Sartrouville et agrave Mantes-la-Jolie dans le deacutepartement des
Yvelines en Icircle-de-France Entre 1990 et 2005 les eacutemeutes sont devenues chroniques
(Mucchielli Aiumlt-Omar 2007) citeacute des Fontenelles agrave Nanterre (septembre 1995) Saint-Jean agrave
Chacircteauroux (mai 1996) Dammarie-les-Lys en Seine-et-Marne (deacutecembre 1997) le quartier
du Mirail agrave Toulouse (deacutecembre 1998) Vauvert dans le Gard (mai 1999) la Grande Borne agrave
Grigny et les Tarterecircts agrave Corbeil-Essonnes (septembre 2000) Les Mureaux dans les Yvelines
(janvier 2002) Hautepierre agrave Strasbourg (octobre 2002) Valdegour agrave Nicircmes (mars 2003) et
Monclar agrave Avignon (deacutecembre 2003) En 2005 il y eut deux eacutemeutes agrave Aubervilliers (1er et 2
avril) et au Mas du Taureau agrave Vaulx-en-Velin (16-19 octobre) avant les grandes eacutemeutes de
lrsquoautomne 2005 Le mouvement ne srsquoarrecircte ainsi pas lagrave puisque degraves le 1er semestre 2006
drsquoautres se sont manifesteacutees en commenccedilant par Montpellier et Montfermeil Depuis lors on
79
a vu dans lrsquointroduction plus haut que les eacutemeutes en France eacutetaient passeacutees agrave une freacutequence
de plus drsquoune tous les quinze jours en 2011 comme le relegraveve le site internet drsquoAlain Bertho34
Les eacutemeutes ne sont cependant qursquoun aspect des effets sociaux de la copreacutesence de familles et
des personnes pauvres et preacutecaires dans des espaces urbains deacutevaloriseacutes et de leur relation
avec les institutions socieacutetales La fragilisation psychologique des personnes exclues les
conduites drsquoeacutevitement les tensions familiales et lrsquoeacutechec scolaire et eacuteducatif la multiplication
de reacuteseaux drsquoeacuteconomie souterraine et illicites la diffusion des conduites drsquoivresse et de
lrsquousage des drogueshellipsont autant de pheacutenomegravenes divers qui eacutemergent et srsquoaccentuent parfois
avec la persistance de la marginalisation sociale et la paupeacuterisation des meacutenages et sur
lesquels les diverses actions des institutions de reacutegulation et drsquointeacutegration sociales semblent
avoir un faible impact Ainsi agrave lrsquoinstar du champ de lrsquourbanisme le champ eacuteconomique et
social est influenceacute voire structureacute par les politiques de lrsquoEacutetat
Politiques urbaines et politiques sociales peuvent drsquoailleurs se croiser etou srsquoassocier plus ou
moins volontairement pour servir des objectifs urbains et sociaux interdeacutependants et
compleacutementaires Par exemple simultaneacutement aux processus de mobiliteacute sociale reacutesidentielle
qui influencent le deacuteveloppement urbain des politiques sociales et urbaines ont dans le cadre
de la politique de la ville comme objectif commun drsquointervenir sur les effets de
deacutesorganisation et de deacutesordres sociaux lieacutes agrave la releacutegation des plus pauvres et des preacutecaires
dans les mecircmes espaces La perpeacutetuation ou plutocirct la persistance voire lrsquoaccentuation par
endroit des problegravemes sociaux des laquo quartiers en crise raquo srsquoexpliquerait ainsi tant par
lrsquoinfluence conjointe de pheacutenomegravenes eacuteconomiques sociaux et urbains drsquoun cocircteacute que par des
modaliteacutes de politiques publiques dans les champs eacuteconomiques sociaux et urbains de
lrsquoautre cocircteacute
En effet les mouvements de territorialisation sociale ne deacutependent pas des seules aspirations
ou des seules conditions sociales et eacuteconomiques drsquoexistence des diffeacuterentes cateacutegories
sociales dans lrsquoespace urbain LrsquoEacutetat et ses services ainsi que les collectiviteacutes locales pour et
avec drsquoautres opeacuterateurs priveacutes (promoteurs immobiliers entreprises de travaux publics
gestionnaires et bailleurs sociaux organismes divershellip) ont un rocircle dans le devenir des
cateacutegories sociales et des espaces De mecircme que les politiques sociales constituent lrsquoobjet
principal drsquoanalyse sociologique de la pauvreteacute (Simmel 2005 Autegraves 2006) il y a alors bien
lieu drsquoanalyser lrsquoaction politique et sociale qui vise les effets socio-urbains probleacutematiques de
la crise-mutation de lrsquoeacuteconomie agrave des fins drsquointeacutegration sociale et urbaine (Bachman Le 34 httpberthoalaincom
80
Guennec 1996) Dans ce domaine le constat principal est que les quartiers deacutegradeacutes de
grands ensembles drsquohabitat social relegravevent drsquoun veacuteritable deacutelaissement institutionnel et
politique (Peillon 2001 Wacquant 2007) tant par manque de volonteacute que par incapaciteacute agrave
trouver des solutions adapteacutees aux attentes des populations marginaliseacutees par effet de
deacuteconnexion avec celles-ci
Nrsquoest-il pas en effet exact que lrsquoEacutetat garant de la coheacutesion sociale a depuis les anneacutees 1970
fait montre drsquoune faible capaciteacute drsquoaction sociale efficace notamment en milieu urbain
Jacques Donzelot et Philippe Estegravebe (1994 p 220) eacutecrivent dans lrsquoEacutetat animateur que laquo les
meacutecanismes geacuteneacuteraux de solidariteacute laissent passer une part croissante de la populationhellip Par
lrsquoeffet de leur conception sectorielle et abstraite des problegravemes les institutions drsquointeacutegration
ne saisissent pas les reacutealiteacutes locales territoriales avec lrsquoefficaciteacute qui conviendrait pour notre
eacutepoque Il en reacutesulte pour lrsquoEacutetat une perte de creacutedibiliteacute et pour la vie politique une
ldquodeacutesaffection deacutemocratiquerdquo raquo
La connaissance des reacutealiteacutes sociales locales apparaicirct donc insuffisante le plus souvent pour
les programmes et projets sociaux Du cocircteacute des eacutelus locaux alors que la deacutecentralisation a
donneacute des moyens politiques de gestion locale autonome une attitude trop souvent
manageacuteriale de gestion eacuteconomique du territoire entrave leur fonction de repreacutesentation de la
totaliteacute de la population y compris les plus pauvres et les fragiles qursquoils refusent parfois sur
leur territoire Geacuterard Martin constate que la rupture entre lrsquoEacutetat et la socieacuteteacute est geacuteneacuterale elle
relegraveve des laquo dysfonctions des meacutecanismes institutionnels [hellip] assurant la transaction (sous
formes de regravegles activiteacutes prestations services) entre la population ses conditions de vie et
de travail et son inclusion ou insertion dans la socieacuteteacute globale raquo (1998-c p 45)
Quelles sont alors les politiques sociales deacuteveloppeacutees agrave partir des anneacutees 1970 pour intervenir
sur ce problegraveme malgreacute lrsquoimpression de laquo vide social raquo (Martin 1998-c) existant entre lrsquoEacutetat
et la socieacuteteacute Des mesures et des dispositifs se sont deacuteveloppeacutes mis en place au croisement de
mobilisations sociales et drsquoinnovations politico-administratives pour transformer les milieux
urbains deacutegradeacutes (Chevalier 2002) projets drsquo laquo action sociale globale raquo au milieu des anneacutees
1970 territorialiseacutes et communautaires mouvements de luttes urbaines lieacutes aux programmes
de reacutehabilitation (institutionnaliseacutes sous la forme des proceacutedures Habitat et vie sociale degraves
1977) ou encore mobilisation des organismes HLM apregraves la loi Barre de 1977 portant reacuteforme
de lrsquoaide au logement en orientant une partie de la subvention publique agrave la construction vers
les meacutenages (creacuteation de lrsquoAide personnaliseacutee au logement APL et de divers precircts)
81
Par la suite dans les anneacutees 1980 drsquoautres dispositifs hors cadre du droit commun sont
apparus de maniegravere connexe agrave ces politiques les Missions locales pour lrsquoinsertion des
jeunes les Zones drsquoeacuteducation prioritaire (ZEP) de lrsquoEacuteducation nationale le Conseil national
de preacutevention de la deacutelinquance (CNDP) les Conseils communaux et deacutepartementaux de
preacutevention de la deacutelinquance (CDPD CCPD) ainsi que les Contrats drsquoaction de preacutevention
et de seacutecuriteacute (CAPS) pour tenter de rapprocher les diffeacuterents acteurs de la seacutecuriteacute de la
preacutevention et de lrsquoeacuteducation la mission laquo Banlieues 89 raquo dans le champ urbain et
architecturalhellip Dans les anneacutees 1990 ce sont de nouveaux droits qui ont eacuteteacute formuleacutes dans
plusieurs domaines droit agrave lrsquoinsertion (loi instituant le RMI en 1988) droit au logement (loi
Besson en 1990) droit agrave la ville (Loi drsquoorientation pour la ville la LOV en 1991) droit agrave la
santeacute (Couverture meacutedicale universelle CMU issue de la loi de lutte contre les exclusions en
1998)hellip
En parallegravele des dispositifs de deacuteveloppement social et urbain (DSU) se sont accrus en
nombre et en moyens devenant la laquo politique de la ville raquo en cours drsquoinstitutionnalisation au
tournant des anneacutees 1990 la LOV instituant la possibiliteacute drsquoexoneacuteration de taxe
professionnelle pendant cinq ans pour les entreprises srsquoinstallant ou srsquoeacutetendant dans les
laquo grands ensembles et quartiers drsquohabitat deacutegradeacutes raquo les Grands projets urbains
(GPU) deacutecideacutes par le Conseil interministeacuteriel des Villes degraves 1991 les contrats de ville en
1993 devenus contrats urbains de coheacutesion sociale en 2006 (CUCS) entre lrsquoEacutetat et les
collectiviteacutes locales la loi drsquoorientation pour lrsquoameacutenagement et de le deacuteveloppement durable
du territoire (LOADT) en 1995 instituant les ZUS et les Zones de revitalisation urbaine
(ZRU) renforccedilant les dispositifs drsquoexoneacuteration fiscale et sociale le Pacte de relance pour la
ville en 1996 rajoutant une troisiegraveme zone les Zones franches urbaines (ZFU) aux problegravemes
plus intenses selon les critegraveres retenus35 puis les Grands projets de ville (GPV) et les
Opeacuterations de reacutenovation urbaine (ORU) de 1999 la loi solidariteacute et renouvellement urbains
(SRU) de 2000 instituant lrsquoobligation de 20 de logements sociaux dans les communes
urbaines le Programme national de reacutenovation urbaine (PNRU) de 2003 concernant la
deacutemolition et la construction de logements sociaux la loi de programmation pour la coheacutesion
sociale de 2005 ou encore le plan laquo Espoir Banlieue raquo de 2008hellip
35 Agrave ce sujet le rapport Sueur (1998 p108) sur la politique de la ville indique que les ZUS ont eacuteteacute formeacutees agrave cette occasion dans une neacutegociation entre la Deacuteleacutegation interministeacuterielle agrave la Ville (DIV) les preacutefectures et les eacutelus sur la base de contrats de ville laquo jugeacutes prioritaires raquo et de laquo grands ensembles et quartiers drsquohabitat deacutegradeacutes raquo de la LOV Les diffeacuterentes zones preacuteexistaient donc au travail statistique de construction des indicateurs Cf plus de preacutecisions plus bas
82
Les programmes drsquoaction sont souvent pluri-theacutematiques eacutequipements habitat-logement
preacutevention de la deacutelinquance eacuteducation transport santeacute eacuteconomie et emploihellip Arrivent-ils
pour autant agrave contrecarrer les effets de ce relacircchement sensible du lien entre drsquoun cocircteacute les
dominants et les gagnants de la socieacuteteacute moderne et de lrsquoautre cocircteacute les modestes et moins
utiles dans la production Les mesures sont-elles suffisantes adapteacutees efficientes etou
efficaces En premier lieu il convient de rappeler qursquoen France la satisfaction dans les
revendications politiques srsquoacquiert avec acircpreteacute LrsquoEacutetat surtout dans le social agit souvent ndash
crsquoest devenu presque laquo traditionnel raquo avec retard sous lrsquoeffet drsquoagrave-coups brutaux
drsquoexpression des problegravemes sociaux par la population sous forme de massives et violentes
manifestations (Join-Lambert 1997) Crsquoest bien le cas dans le champ de lrsquointeacutegration sociale
en milieu urbain comme lrsquoattestent la creacuteation de la Deacuteleacutegation interministeacuterielle agrave la Ville
(DIV) en 1988 puis celle drsquoun ministegravere de la Ville en 1990 survenues agrave la suite drsquoeacutemeutes
successives afin de regrouper et de coordonner les actions des diffeacuterents services de lrsquoEacutetat et
des collectiviteacutes locales dans ce domaine (Mucchielli Le Goaziou 2007)
Le laquo malaise social urbain raquo pour reprendre la formule de Claude Chaline (1998) avait deacutejagrave
eacuteteacute politiquement et socialement ressenti degraves la fin des anneacutees 1950 avec la mise en place de
la commission laquo Vie dans les grands ensembles drsquohabitation raquo au Commissariat au Plan en
1957 par le ministre de la Reconstruction et de lrsquoUrbanisme agrave la demande du Parlement
(Piron 2004) Les premiegraveres tentatives drsquoaction sociale communautaire et de reacutehabilitation
des icirclots concerneacutes initieacutees par des militants associatifs ou administratifs apparurent au deacutebut
des anneacutees 1970 Les espaces toucheacutes eacutetaient deacutejagrave divers communes ouvriegraveres des anciens
bassins de grandes industries traditionnelles centres des grandes villes ou encore espaces
drsquohabitat social drsquoapregraves la Seconde Guerre mondiale lieacutes agrave la production des grands
ensembles En ce qui concerne le logement des pauvres et des eacutetrangers pauvres la place du
mouvement des organismes de HLM a eacuteteacute grandissante ce qui lui a valu un poids important
dans la genegravese de la politique de la ville degraves la fin des anneacutees 1970 et au deacutebut des anneacutees
1980 Les Assises de lrsquohabitat social drsquooctobre 1981 teacutemoignent de cette orientation (Estegravebe
2005)
Les actions de laquo deacuteveloppement social urbain raquo ndash crsquoest-agrave-dire de deacuteveloppement du tissu
social et du cadre mateacuteriel des territoires en tensions ndash sont le fruit de lrsquoaction conjointe de
lrsquoEacutetat et des collectiviteacutes locales afin drsquoagir laquo en compleacutement et non en substitution des
interventions communes agrave tous les territoires raquo (Damon 2004-a) Les grands ensembles avec
de nombreuses zones HLM drsquohabitat ouvrier ont eacuteteacute les quartiers historiques de la politique
83
de la ville Pour quelles raisons principales Dans un premier temps degraves la fin des anneacutees
1960 le pheacutenomegravene de laquo paupeacuterisation du peuplement de lrsquohabitat social raquo srsquoest deacuteveloppeacute
sans jamais tarir jusque dans les anneacutees 1990 (Steacutebeacute 1995) en 1973 41 des meacutenages
entrants avaient des revenus infeacuterieurs au revenu meacutedian des meacutenages en 1978 ils sont 48
en 1984 59 et en 1988 63 La preacutesence croissante dans le logement social de
cateacutegories sociales infeacuterieures aux classes moyennes relegraveve donc drsquoune tendance historique de
plus de trente ans drsquoancienneteacute
Cependant en 1999 sur les 38 millions de logements HLM seuls 19 sont habiteacutes par des
meacutenages pauvres selon le critegravere de 50 du revenu meacutedian (Davezies 2004) Ces pauvres
en HLM ne repreacutesentent drsquoailleurs aussi que 31 de lrsquoensemble des meacutenages pauvres soit
23 millions de meacutenages Les populations pauvres et les territoires pauvres ne se recouvrent
donc pas il y a mecircme plus de pauvres dans les territoires non pauvres Ces eacuteleacutements
expliquent en partie le deacuteseacutequilibre financier entre action sociale et action territoriale en
faveur de politiques sociales laquo aveugles territorialement raquo par exemple au deacutebut des anneacutees
2000 les deacutepenses de services publics et de seacutecuriteacute sociale qui jouent implicitement comme
meacutecanisme redistributif en faveur des pauvres repreacutesentent pregraves de 500 milliards drsquoeuros de
leur cocircteacute les politiques explicites en faveur des pauvres les minima sociaux ne repreacutesentent
que 11 milliards drsquoeuros et enfin les actions speacutecifiques de deacuteveloppement des territoires
pauvres ne sont financeacutees qursquoagrave hauteur de 15 milliard drsquoeuros (Davezies 2004)
Dans ce champ drsquoactions sociales et urbaines territorialiseacutees mecircme si les quartiers prioritaires
relegravevent drsquohabitats populaires extrecircmement diversifieacutes (habitat ouvrier traditionnel du Nord et
de lrsquoEst de la France habitat auto-construit du Sud-ouest centres anciens veacutetustes ou
deacutegradeacutes des grandes villes de la reacutegion Provence-Alpes-Cocircte drsquoAzurhellip) lrsquohabitat social est
le critegravere speacutecifique de la laquo geacuteographie prioritaire raquo rappelle Philippe Estegravebe (2005)
Pourquoi Il est vrai que tous ces types drsquoespaces urbains preacutesentent des indicateurs proches
de problegravemes laquo handicapants raquo ou laquo aggravants raquo taux de chocircmage multiplieacute par deux en
moyenne par rapport au reste de la France plus de chocircmeurs parmi les jeunes de 16-25 ans
parmi les femmes ou encore au sein des immigreacuteseacutetrangers plus drsquoemployeacutes preacutecaires
Cependant ce sont surtout dans les anciennes zones agrave urbaniser en prioriteacute (ZUP) ougrave ont eacuteteacute
construit la majoriteacute des grands ensembles qursquoapparaissent les difficulteacutes les plus nombreuses
et aigueumls avec la taille de la population et des sites le plus grand nombre de familles
nombreuses de familles monoparentales et aussi de personnes drsquoorigine eacutetrangegravere ce qui
84
confegravere agrave cet habitat une forme sociale speacutecifique Louise Plouchard (1999) eacutevoque mecircme le
rocircle social de fait des grands ensembles dans leurs agglomeacuterations
Jusqursquoau Xe Plan (1989-1993) les quartiers viseacutes par la politique de la ville furent deacutesigneacutes
conjointement par les collectiviteacutes territoriales (maires) et les services de lrsquoEacutetat (preacutefets) sur
la base des connaissances sensibles et de leur sensibiliteacute et volonteacute politiques qursquoils en
avaient avec leur reacuteputation et les problegravemes qursquoils posaient En parallegravele et jusqursquoagrave nos
jours lrsquoEacutetat entreprend indeacutependamment des contrats avec les collectiviteacutes locales sa propre
politique de laquo discrimination territoriale positive raquo dans ses domaines de compeacutetence propres
comme lrsquoameacutenagement ou le deacuteveloppement eacuteconomique avec les deux Plans de relance
pour la ville de 1993 et de 1996
Cette ideacutee de discrimination territoriale positive en milieu urbain avait deacutejagrave eacuteteacute avanceacutee au
deacutebut des anneacutees 1980 par Bertrand Schwartz en charge de la commission sur lrsquoinsertion
professionnelle des jeunes36 (Donzelot Meacuteval et Wyvekens 2003 Estegravebe 2005) De mecircme
dans un autre secteur drsquointervention agrave la mecircme peacuteriode de maniegravere compleacutementaire et
convergente dans les motifs et les objectifs la politique des ZEP relevait de cette logique de
laquo discrimination positive raquo Elle a eacuteteacute initieacutee en juillet 1981 et vise agrave laquo contribuer agrave corriger
lrsquoineacutegaliteacute sociale par le renforcement seacutelectif de lrsquoaction eacuteducative dans les zones et les
milieux sociaux ougrave le taux drsquoeacutechec scolaire est le plus eacuteleveacute raquo (extrait du texte reacuteglementaire
in Oeuvrard Rondeau 2004)
Pour aller plus loin cette logique de zonage discriminatoire preacuteexistait aux gouvernements
socialistes des anneacutees 1980 le droit administratif lieacute agrave la planification du deacuteveloppement
eacuteconomique de la France lrsquoappliquait agrave travers la politique drsquolaquo ameacutenagement du territoire raquo
expression forgeacutee en 1950 pour deacutesigner la politique drsquoeacutequipement dans une optique de
laquo pariteacute sociale globale raquo pour reacuteduire les ineacutegaliteacutes de situation entre diffeacuterentes parties du
territoire dans un but de sauvegarde ou de renforcement de la coheacutesion sociale (Calvegraves
2004) Lrsquoobjectif est la reacutepartition geacuteographique eacutequilibreacutee sur lrsquoensemble du territoire
national tant de la croissance eacuteconomique et deacutemographique que de la reacutecession et de la
preacutecariteacute Cette politique est notamment toujours appliqueacutee dans les deacutepartements et
territoires drsquoOutre-mer avantages divers aux fonctionnaires venant de meacutetropole
36 B Schwartz est lrsquoauteur drsquoun des trois rapports laquo fondateurs raquo du Deacuteveloppement social urbain (DSU) en France juste apregraves les eacutemeutes des Minguettes agrave Veacutenissieux (1981) Son rapport concerne lrsquoinsertion des jeunes (Schwartz 1981) Le second porte sur la preacutevention de la deacutelinquance (Bonnemaison 1982) et le troisiegraveme sur lrsquoensemble des volets politiques eacuteconomiques sociaux et institutionnels favorisant la politique de deacuteveloppement social des quartiers (Dubedout 1983)
85
deacutefiscalisation et primes aux entreprises laquo preacutefeacuterence locale raquo en matiegravere drsquoaccegraves agrave
lrsquoemploihellip Ces dispositions laquo discriminatoires raquo ont inspireacute celles appliqueacutees par simple
transposition parfois aux zones prioritaires de la politique de la ville
Pour mettre cette politique en œuvre le zonage est lrsquooutil de deacutefinition de la geacuteographie
drsquointervention prioritaire de lrsquoEacutetat il aide agrave laquo territorialiser raquo lrsquoaction crsquoest-agrave-dire agrave produire
une action adapteacutee au contexte et aux besoins drsquoun territoire deacutelimiteacute comportant des
speacutecificiteacutes Lrsquoapplication de cette meacutethode de maniegravere plus preacutecise laquo objective raquo et officielle
par lrsquoEacutetat par rapport aux deacutesignations de territoires sans critegraveres homogegravenes et sans limites
fixes qui preacutevalaient dans les anneacutees 1980 a eacuteteacute deacutecideacutee par le preacutesident Franccedilois Mitterrand
en deacutecembre 1990 lors des Assises de Bron dans la banlieue lyonnaise apregraves les eacutemeutes
apparues la mecircme anneacutee agrave Vaulx-en-Velin et agrave Mantes-la-Jolie dans la reacutegion parisienne
La Deacuteleacutegation interministeacuterielle agrave la Ville (DIV) et lrsquoINSEE ont en 1991 deacutefini une
geacuteographie de la crise urbaine agrave partir des caracteacuteristiques des populations en fonction
quelques variables consideacutereacutees par la direction de la DIV comme significatives de
lrsquo laquo exclusion raquo (Estegravebe 2005) comme les jeunes de moins de 25 ans les chocircmeurs de longue
dureacutee et les eacutetrangers Les moyennes de reacutefeacuterence ont servi aux comparaisons neacutecessaires Ce
zonage a pu servir le Pacte de relance pour la ville deacutecideacute en 1993 par le Comiteacute
interministeacuteriel des villes pour lrsquoengagement des GPU lors du XIe Plan de 1994-1999 Plus
preacuteciseacutement crsquoest Jean-Marie Delarue auteur du rapport Banlieues en difficulteacute la releacutegation
en 1990 devenu en 1991 deacuteleacutegueacute interministeacuteriel agrave la Ville qui impulsa lrsquoeacutelaboration
drsquoindicateurs nationaux drsquoeacutevaluation des laquo quartiers sensibles raquo vice-preacutesident du Conseil
national de lrsquoinformation statistique (CNIS) de lrsquoINSEE il en formula la demande aupregraves de
la direction de lrsquoinstitut dans une perspective de rationalisation de la politique de la ville
(Tissot 2007) La cateacutegorisation statistique des laquo quartiers sensibles raquo fut eacutechafaudeacutee en
srsquoinspirant de deux deacutemarches des chercheurs et statisticiens de lrsquoINSEE La premiegravere est
celle de statisticiens de trois directions reacutegionales de lrsquoINSEE inscrits dans les travaux
drsquoanalyse de la pauvreteacute depuis la deuxiegraveme moitieacute des anneacutees 1980 consistant agrave rassembler
des donneacutees du recensement sur les conditions de vie des mecircmes individus habitant les
mecircmes quartiers en convention (consideacutereacutes comme pauvres)
Ils ont progressivement standardiseacute la mesure constituant ainsi une cateacutegorie territoriale de
laquo quartiers sensibles raquo afin de les comparer entre eux et avec les entiteacutes territoriales
drsquoappartenance (ces connaissances devant servir agrave lrsquoeacutevaluation des politiques meneacutees) La
Mission laquo Villes raquo de la direction geacuteneacuterale de lrsquoINSEE srsquoinspira de cette cateacutegorisation en
86
1992 et de sa fonction eacutevaluative Elle diffusa un guide drsquoaide agrave lrsquoeacutelaboration de laquo tableaux
de bord sociodeacutemographiques des quartiers raquo publieacute en 1996 preacuteconisant lrsquousage des mecircmes
sources et des mecircmes indicateurs notamment pour deacutefinir laquo objectivement raquo les deacutecisions et
modaliteacutes drsquoaction sociale globale Cependant cette meacutethodologie souffrira de problegravemes
drsquoapplication en raison de la concurrence avec des organismes nationaux et locaux (Caisses
drsquoallocations familiales Agence drsquourbanismehellip) ainsi que de la preacutedominance des modaliteacutes
politiques de choix des laquo territoires prioritaires raquo
La deuxiegraveme deacutemarche inspirant la cateacutegorisation nationale des quartiers agrave des fins
eacutevaluatives fut la grande enquecircte nationale de 1991 de la Mission laquo Villes raquo demandeacutee par la
DIV et portant sur lrsquoensemble des quartiers de la politique de la ville Elle consista apregraves
deacutecompte et deacutelimitation geacuteographique agrave deacuteterminer dans des tableaux de moyennes les
eacutecarts de donneacutees entre chaque quartier et lrsquoagglomeacuteration drsquoappartenance (voire la France)
le deacuteleacutegueacute interministeacuteriel agrave la Ville srsquoen inspira pour ne retenir que quatre indicateurs
principaux correspondant agrave la vision qursquoont les reacuteformateurs des composantes de la
probleacutematique des banlieues en difficulteacute (reacutesidence HLM taux de chocircmage taux drsquoeacutetrangers
et part des jeunes plus tard le taux de non-diplocircmeacutes remplaccedila le taux drsquoeacutetrangers) Cela
servi tant agrave justifier leur vision drsquoune socieacuteteacute duale qursquoagrave convaincre les eacutelus et fonctionnaires
de la neacutecessiteacute drsquoaction urgente et importante
La loi drsquoorientation pour lrsquoameacutenagement et le deacuteveloppement du territoire (LOADT) du 4
feacutevrier 1995 a repris cette meacutethode (tableau des moyennes) en se centrant sur la dimension
eacuteconomique il srsquoagissait drsquoagir sur les zones urbaines laquo caracteacuteriseacutees par la preacutesence de
grands ensembles ou de quartiers drsquohabitat deacutegradeacute et par un deacuteseacutequilibre accentueacute entre
lrsquohabitat et lrsquoemploi raquo (extrait du texte de loi Damon 2004-b) Cette loi a drsquoailleurs servi de
cadre agrave la mise en œuvre du Plan de relance pour la ville qui devait ecirctre un laquo Plan Marshall
pour les banlieues raquo deacutejagrave reacuteclameacute au deacutebut des anneacutees 1990 par certains deacuteputeacutes et deacutecideacute
par le Gouvernement Juppeacute apregraves lrsquoeacutelection de Jacques Chirac en 1995 dont la laquo fracture
sociale raquo eacutetait un de ses principaux thegravemes de campagne Il srsquoagissait drsquoencourager
lrsquoimplantation ou le maintien drsquoentreprises dans les zones deacutefinies en leur octroyant des aides
fiscales et des exoneacuterations de charges sociales
Les zones furent hieacuterarchiseacutees en trois groupes par ordre croissant de la faiblesse des moyens
financiers de la commune drsquoappartenance les ZUS puis les ZRU et enfin les ZFU Ce
classement a eacuteteacute opeacutereacute par lrsquointermeacutediaire de lrsquolaquo indice syntheacutetique drsquoexclusion raquo calculeacute en
multipliant drsquoabord les taux de jeunes de moins de 25 ans de chocircmeurs de longue dureacutee et
87
drsquoactifs laquo sans diplocircme raquo avec la population totale de la zone puis en divisant le reacutesultat par
le potentiel fiscal de la commune Depuis la loi de 1979 portant creacuteation de la dotation
globale de fonctionnement (DGF) dans le cadre de la peacutereacutequation intercommunale des
ressources publiques le potentiel fiscal est un indicateur de richesse fiscale drsquoune collectiviteacute
territoriale qui permet de mesurer sa capaciteacute fiscale theacuteorique crsquoest-agrave-dire la masse des
recettes mobilisables si elle appliquait des deacutecisions laquo moyennes raquo (deacutefinies sur le plan
national) en termes de fiscaliteacute
Le potentiel fiscal est donc un ratio eacutegal agrave la somme que produiraient les quatre taxes directes
locales (taxe fonciegravere sur les proprieacuteteacutes bacircties taxe fonciegravere sur les proprieacuteteacutes non bacircties taxe
dhabitation et contribution eacuteconomique territoriale ndash nouvelle taxe drsquohabitation) si on
appliquait agrave leurs bases brutes les taux moyens nationaux pour la cateacutegorie de collectiviteacutes
concerneacutee (selon la strate de taille de population) majoreacutee drsquoune part du montant de la DGF
perccedilu lanneacutee preacuteceacutedente hors dotation de solidariteacute urbaine ou rurale (DSU-DSR) Cet
indicateur diffegravere ainsi du produit des taxes effectivement leveacutees sur la commune degraves lors
que les taux drsquoimposition locaux diffegraverent de la moyenne des taux observeacutes dans les
communes de taille comparable Plus le potentiel est eacuteleveacute plus une commune peut ecirctre
consideacutereacutee comme riche Ainsi lrsquoindice syntheacutetique drsquoexclusion est certes sensible agrave la taille
de la population concerneacutee par les difficulteacutes (ou agrave la taille du ou des quartiers) selon Estegravebe
(2005) mais il deacutepend davantage des capaciteacutes financiegraveres de la ville-commune Cette
approche sous-entend que lrsquoEacutetat intervient en substitution aux administrations communales
qui ne peuvent peser sur le sort eacuteconomique et social de leur territoire et notamment celui des
quartiers en crise
Cette logique de discrimination territoriale deacuteveloppeacutee par les institutions a-t-elle eacuteteacute
eacutevalueacutee Pour Jacques Donzelot (1991) crsquoest une politique du laquo troisiegraveme type raquo qui srsquoest
mise en place apregraves le droit du travail et les droits sociaux eacutetendus agrave drsquoautres risques sociaux
Contre les effets de deacutesaffiliation sociale lieacutes agrave la perte de travail elle attribue des droits agrave
ceux qui ne sont plus ou pas concerneacutes par les formes classiques de protection sociale
apporteacutees par le travail Cependant au regard de la situation des laquo publics raquo habitants les
quartiers de la politique de la ville ils ne sont laquo ni inseacutereacutes ni inteacutegreacutes ni au travail raquo
(Donzelot 1991) cette politique paraicirct insuffisante ou inadapteacutee
Lrsquoimpact quasi nul des ZUS sur les emplois locaux le confirme elles ont connu
majoritairement une situation drsquoemploi qui srsquoest aggraveacutee plus que celle de leurs
agglomeacuterations drsquoappartenance En dix ans entre 1990 et 1999 une hausse de 25 des
88
effectifs de chocircmeurs a eacuteteacute constateacutee (de 400 000 agrave 500 000) faisant passer le taux de
chocircmage de 189 agrave 254 soit 65 points suppleacutementaires ou encore une hausse de
345 de ce taux (Fitoussi Laurent Maurice 2004 Le Toqueux Moreau 2004) De leur
cocircteacute leurs agglomeacuterations drsquoappartenance dont le taux de chocircmage en 1990 (115 ) se
situait globalement agrave un niveau plus bas de plus drsquoun tiers par rapport agrave celui des ZUS ont
connu une hausse plus faible que les ZUS avec 28 points suppleacutementaires pour un taux agrave
143 en 1999 soit une hausse de 243 du taux Dans lrsquoensemble ce sont les trois quarts
des ZUS qui ont laquo deacutecrocheacute raquo par rapport agrave lrsquoeacutevolution de lrsquoemploi de leur bassin
drsquoappartenance alors qursquoun quart seulement ont rattrapeacute leur deacuteficit
Du point de vue deacutemographique Jean-Louis Le Toqueux (2002) a bien releveacute qursquoentre 1990
et 1999 les ZUS du territoire meacutetropolitain (446 millions drsquohabitants en 1999) ont perdu 6
de leur population alors que le reste des agglomeacuterations (5852 millions) en gagnait 325
Cette reacuteduction signifie-t-elle que les deacuteparts de ces zones sont preacutedominants ou bien que la
population globalement y vieillit plus fortement que dans le reste des territoires Pour ceux
qui partent srsquoagit-il drsquoun effet de leur mobiliteacute sociale ascendante ou drsquoune volonteacute de fuir
les deacutesagreacutements de tensions veacutecues (rapports de voisinage deacutesordres publics inciviliteacutes
quotidiennes meacutefiances reacuteciproques) Nous pourrions dire sans crainte de trop se tromper
que certainement lrsquoensemble de ces causes peut se combiner Drsquoautre part la geacuteographie de
la pauvreteacute deacutefinie par lrsquoINSEE en 1996 a certainement eacutevolueacute Drsquoautres territoires
avoisinants sans ecirctre des ZUS pourraient peut-ecirctre mecircme davantage justifier de beacuteneacuteficier de
telles actions publiques Sans compter que certaines ZUS se sont peut-ecirctre certainement
laquo ameacutelioreacutees raquo des habitants ont pu trouver des satisfactions dans des situations
professionnelles et familiales
Plus preacuteciseacutement les limites de lrsquoaction se retrouvent au niveau des modaliteacutes de mise en
œuvre de la politique de deacuteveloppement social urbain (Jaillet 2004) incapaciteacute de
changement drsquoeacutechelle drsquointervention de la part des eacutelus (en relais des reacuteticences des majoriteacutes
drsquohabitants) manque de lisibiliteacute de cette politique conflits et concurrences entre
administrations convergentes dans leurs objectifs faiblesse globale des moyens financiers
engageacutes par lrsquoEacutetat eacutechec de la meacutethode drsquoincitation de la pour orienter les politiques laquo de
droit commun raquo vers ces territoires (les eacutelus attendent plutocirct des moyens suppleacutementaires
substantiels et non des subventions agrave des fins drsquoexpeacuterimentation et drsquoinnovation des actions
drsquoaccompagnement social en tout genre sans garantie de peacuterennisation)
89
Le rapport Sueur (1998) sur cette politique voit pour sa part en premier lieu un problegraveme de
reacutepartition et drsquoorientation des budgets sociaux geacutereacutes par les collectiviteacutes compeacutetentes
puisqursquoil est constateacute le manque drsquoinvestissement des deacutepenses sociales des conseils geacuteneacuteraux
dans les zones urbaines au profit des zones rurales Certains dont le territoire urbain est
concerneacute par cette politique ne sont toujours pas signataires des contrats de ville des anneacutees
1990 Par exemple en 1995 la masse de leurs creacutedits drsquoaide sociale srsquoeacutelevait agrave 78 milliards
de francs (119 milliards drsquoeuros) contre 250 millions de francs (3815 millions drsquoeuros) de
contribution aux programmes de deacuteveloppement social urbain
Srsquoil y a globalement insuffisance inefficience et manque drsquoadaptation des politiques sociales
territorialiseacutees on peut mecircme se demander plus en amont quelles sont les causes
institutionnelles premiegraveres du maintien et de lrsquoapparition des espaces de tensions agrave des
eacutechelons communaux ou infra-communaux Srsquoagit-il deacutejagrave depuis les premiers effets de
lrsquoexclusion eacuteconomique et sociale et de la releacutegation dans les espaces deacutepreacutecieacutes drsquoun manque
drsquoadaptation des institutions agrave ces situations urbaines Les meacutecanismes redistributifs aupregraves
des meacutenages ou des territoires ainsi que les politiques habituelles drsquointeacutegration et de
solidariteacute sont-ils en cause dans la formation drsquoineacutegaliteacutes situationnelles de ces secteurs avec
les espaces voisins Si des creacutedits de deacutepenses sociales existent selon des masses non
neacutegligeables comme cela a eacuteteacute indiqueacute plus haut quelles sont les facteurs organisationnels
des deacutefauts constateacutes agrave lrsquoeacutechelle infranationale
Il est vrai dans un premier temps que les ineacutegaliteacutes socio-spatiales eacutevoluent selon des
dynamiques diffeacuterentes agrave chaque eacutechelle geacuteographique preacutecise Laurent Davezies (2004)
dans les deacutecennies passeacutees si les ineacutegaliteacutes de revenus se sont effectivement reacuteduites entre les
reacutegions entre elles entre les deacutepartements entre eux et entre les agglomeacuterations entre elles la
situation est en revanche inverse entre les quartiers voire agrave lrsquoeacutechelle intercommunale Deux
explications sont apporteacutees (Davezies 2004 Jaillet 2004) le niveau principalement local
(quartiers des communes et des groupes de communes formant les bassins drsquoemploi et de
vie) des logiques distinction spatiale entre cateacutegories sociales et lrsquoincapaciteacute de lrsquoEacutetat et de
ses services locaux de cadrer et de controcircler les flux de redistribution sociale au niveau infra-
agglomeacuteration ce qui va de pair avec lrsquoimpuissance agrave limiter les meacutecanismes de releacutegation
reacutesidentielle et la constitution drsquoespaces de concentration des plus pauvres
En outre lrsquoeacutevolution culturelle du modegravele juridique drsquoaction sociale joue en deacutefaveur des
habitants les plus pauvres eacutetrangers et deacutemunis ce qui renforce davantage cet effet de
deacuteconnection entre le systegraveme institutionnel et la structure sociale aide sociale (lrsquoassistance
90
la solidariteacute) et seacutecuriteacute sociale (les assurances sociales) sont devenus davantage
discreacutetionnaire lrsquousager doit de plus en plus faire la preuve de son droit et la deacutemarche
drsquoaccegraves agrave celui-ci Crsquoest pourquoi un certain nombre de droits ne sont pas utiliseacutes par certains
pour de multiples causes illettrisme et meacuteconnaissance culturelle refus de demande par
digniteacute dans la douleur ou la pauvreteacute complexiteacute des meacutecanismes de deacutetermination et
drsquoattribution des prestations Cette probleacutematique de la citoyenneteacute sociale disparue avec la
reacutegulation eacuteconomique keyneacutesienne et les institutions de laquo lrsquoEacutetat-providence raquo est de retour
depuis la fin des Trente glorieuses Davezies (2004) avance mecircme lrsquoideacutee que lrsquoEacutetat a
indirectement participeacute agrave la spirale du sous-deacuteveloppement et de la pauvreteacute rencontreacutee par
certains quartiers urbains en renforccedilant avec lrsquoaccroissement des services publics les
emplois feacuteminins beacuteneacuteficiant aux classes moyennes agrave leurs femmes actives qualifieacutees Ce qui
a accentueacute lrsquoeacutecart de niveau de vie avec les classes populaires fragiliseacutees par la
deacutesindustrialisation (hommes et femmes peu qualifieacutes) Ce pheacutenomegravene a favoriseacute les
segmentations territoriales de lrsquoeacuteconomie industrielle des Trente glorieuses
Si lrsquoon tient compte de ces difficulteacutes la question sociale contemporaine pourrait ecirctre
davantage formuleacutee comme une question laquo socio-spatiale locale raquo alors que sous lrsquoeffet des
logiques libeacuterales de gestion politique de lrsquoeacuteconomique et du social les meacutecanismes
redistributifs et drsquointeacutegration nationaux preacutesentent des lacunes vis-agrave-vis de segments sociaux
et territoriaux larges quelle(s) modaliteacute(s) de politiques structurelles etou territorialiseacutees
faut-il deacuteployer La deacutecentralisation mise en œuvre agrave partir des anneacutees 1980 nrsquoa pas montreacute
ni une capaciteacute ni des reacutesultats nets pour enrayer lrsquoappauvrissement de certaines couches
sociales et leur concentration dans certaines zones territoriales
Cette probleacutematisation confirme le questionnement de notre recherche le manque
drsquoadaptation et de performance des politiques publiques au caractegravere libeacuteral depuis les anneacutees
1980 (Muller 2006) expliquant la persistance des manifestations intenses des problegravemes
sociaux et urbains par endroit impriment agrave leur tour la vie sociale des villes-communes
drsquoappartenance des secteurs laquo sensibles raquo Comment se repreacutesente agrave ce niveau territorial
cette probleacutematique du manque de volonteacute politique de solidariteacute et donc de moyens et
drsquoefficaciteacute drsquointeacutegration sociale
91
C- Lacunes institutionnelles ghettoiumlsation et deacuteclin social urbain
Que la persistance des laquo quartiers en crise raquo provienne des failles des politiques locales de
redistribution de la richesse nationale ou de deacuteveloppement des territoires ou encore que le
manque drsquoinnovation pour lrsquoextension des protections sociales hors du champ du travail
contribue agrave cette situation il reste qursquoil ne paraicirct pas chez les acteurs ou chez les analystes
de repreacutesentation fine et stable de la situation des laquo quartiers sensibles raquo en difficulteacutes ou
encore en crise en alternative aux images politiques et sociales steacutereacuteotypeacutees Il est vrai dans
un premier temps que les analyses empiriques font valoir des reacutealiteacutes heacuteteacuterogegravenes des grands
secteurs reacutesidentiels drsquoHLM et de logements priveacutes Comme Plouchard (1999) le rappelle
lrsquo laquo effet contexte raquo qui les distingue combine trois types de variables 1 la structure des
parcs de logements comprenant ou non des segments plus ou moins grands et deacutefavoriseacutes 2
le type de population drsquooccupation avec lrsquoaccueil et le maintien ou non de population plus ou
moins pauvres et 3 la position geacuteographique des secteurs drsquohabitation dans lrsquoagglomeacuteration
drsquoappartenance deacuteterminant tant la distance aux eacutequipements activiteacutes et services urbains
que la valeur fonciegravere et immobiliegravere des logements et des autres constructions On peut
rajouter la qualiteacute des ameacutenagements des infrastructures et des eacutequipements dans les zones
concerneacutees et aux alentours sans oublier le poids des attentions sociopolitiques et
institutionnelles aux niveaux local et supra par les acteurs vis-agrave-vis de ces parcs de
logements (projets drsquoinvestissement de travauxhellip)
Cette varieacuteteacute de structure de gestion de positions socio-institutionnelles de localisation
spatiale et de caracteacuteristiques physiques et sociales des icirclots drsquoimmeubles conduit de fait agrave
une tregraves grande varieacuteteacute des images et du sens de ce type drsquohabitat dans lrsquoespace urbain Ce
sont surtout les variables qualitatives de pratiques et de perceptions qui permettent de
diffeacuterencier les espaces (Plouchard 1999) les seuls critegraveres socio-deacutemographiques et
eacuteconomiques traditionnellement utiliseacutes pour deacutecrire les quartiers (comme la deacutemarche de
Tableaux de bord sociodeacutemographiques deacutecrits plus haut) ne suffisent donc pas
Quelles sont ces indicateurs qualitatifs Les relations sociales de voisinage et les interactions
dans les espaces exteacuterieurs les usages des espaces et des eacutequipements la participation
associative et donc lrsquoensemble des perceptions et des repreacutesentations sociales de ces
pratiques Ils permettent de mesurer la vie collective et individuelle qursquoy megravenent les habitants
avec les difficulteacutes de cohabitation qursquoils rencontrent (bruits tensions de voisinage
deacutelinquance deacutegradationhellip) mais aussi les rapports drsquoattachement de satisfaction
92
drsquoidentification ou drsquoappropriation qursquoils entretiennent avec le quartier Par exemple le
quartier veacutecu comme positif est celui ougrave la vie sociale y est perccedilue comme positive et
dynamique pour soi (association activiteacutes eacutechangeshellip) et dont la perception drsquoensemble est
positive du fait de lrsquoattachement et de lrsquoadeacutequation avec les attentes de relations drsquoimage et
des ressources Ainsi si chaque grand ensemble comme chaque quartier a une identiteacute
territoriale originale (formes mateacuterielles et spatiales et contenus deacutemographiques et
institutionnelles) crsquoest bien cette dimension sociale de la vie de quartier (pratiques et
repreacutesentations sociales) qui deacutetermine la diffeacuterenciation socio-spatiale plus que les seuls
profils socio-deacutemographiques
Crsquoest bien pourquoi la repreacutesentation des difficulteacutes intenses des quartiers en crise doit se
deacutefinir sur ce plan de la vie sociale et des relations qursquoy entretiennent les individus en ce que
celles-ci conditionnent en partie leur inteacutegration sociale urbaine Ces aspects peuvent ecirctre
analyseacutes en termes drsquoune part de ghettoiumlsation pour les espaces drsquohabitat cumulant
paupeacuterisation et exclusion socio-urbaine drsquoune population comportant de nombreuses
personnes marginaliseacutees et drsquoautre part de deacuteclin social urbain pour lrsquoensemble de lrsquoespace
urbain environnant les quartiers-ghettos ou en voie de ghettoiumlsation Ces deux notions
permettent drsquoaborder lrsquoanalyse de faits sociaux en milieu urbain en lien avec les
investissements politico-institutionnels drsquointeacutegration sociale et territoriale En sociologie
urbaine la dynamique urbaine (les interactions et les activiteacutes sociales les mobiliteacutes sociales
et spatiales les constructions et lrsquoameacutenagement) est imbriqueacutee dans celle de la socieacuteteacute
(rapports sociaux et mobiliteacute sociale) (Bassand Kaufman Joye 2002) La deacutegradation de la
ville est donc indissociablement lieacutee agrave la deacutegradation du social ie aux rapports sociaux de
production et notamment de production mecircme de lrsquoespace physique et social (Joye Schuler
2002) ce que nous avons vu ecirctre imputable agrave lrsquoadoption de lrsquoideacuteologie neacuteolibeacuterale par les
eacutelites politique mecircme socialiste en France dans les anneacutees 1980 ayant pour effet la
deacuteconnexion des classes populaires et modestes du systegraveme eacuteconomique et social
Ce qui au passage institue un cadre pour la reacutesolution de laquo crises urbaines raquo diverses
appreacutehendeacutees selon Alain Bourdin (2006) en tant que difficulteacutes de gestion de problegravemes
aigus qui se reacutevegravelent surtout au moment des reacutecessions eacuteconomiques etou de fortes
immigrations deacutestabilisant les villes en geacuteneacuterant des pheacutenomegravenes speacutecifiques comme le
chocircmage la marginaliteacute de certains groupes les tensions relationnelles la deacutelinquance la
criminaliteacute et la violence la peacutenurie de logements adapteacutes ou encore une mortaliteacute massive et
subitehellip Lrsquoaction (la laquo reacuteaction sociale raquo selon Simmel) doit alors viser lrsquointensification du
93
travail drsquointeacutegration locale pour assurer la continuiteacute de la coheacutesion sociale globale de la
socieacuteteacute Cependant il nrsquoy a pas de modegravele et de voie uniques dans ce domaine
Dans le cas franccedilais qui globalement ne connaicirct qursquoeacutechecs et frustrations depuis pregraves de
quarante ans agrave ce sujet Ali Sedjari (2006) suggegravere deux principes agrave respecter drsquoabord viser
le changement du social pour enclencher des laquo mouvements drsquourbaniteacute raquo ce qui rejoint les
appels agrave se concentrer sur les meacutecanismes structurels de reconnexion des classes populaires
au travail (Tissot 2007) ensuite rompre avec le modegravele inefficace drsquoaction brutale qui a eacuteteacute
trop souvent appliqueacutee encore dans les opeacuterations actuelles de reacutenovation urbaine Quatre
conditions doivent aussi ecirctre mises en œuvre pour des reacutesultats durables 1 des interventions
agrave lrsquoeacutechelle des agglomeacuterations et de maniegravere globale 2 une viseacutee exclusive du bien-ecirctre des
habitants notamment les plus fragiliseacutes en les impliquant dans lrsquoeacutelaboration et la mise en
œuvre des projets 3 lrsquoattention agrave la mixiteacute sociale reacutesidentielle pour limiter les risques de
rupture sociale lieacutee agrave la concentration trop exclusive des pauvres et enfin 3 lrsquoorganisation
drsquoadministrations autonomes y compris financiegraverement au service de la gestion des
politiques drsquointeacutegration urbaine (contre le manque de structuration suffisante des villes pour
leur capaciteacute inteacutegrative)
Ces propositions de gestion des crises urbaines permettent drsquoappreacutehender la notion de deacuteclin
social urbain en termes de deacuteveloppement dans une zone donneacutee de pheacutenomegravenes socio-
politiquement probleacutematiques ils concernent et sont reacutealiseacutes par des populations qui
subissent lrsquoexclusion eacuteconomique en raison de leurs faibles qualification et ressources
sociales et qui sont regroupeacutees dans lrsquoespace urbain dans des lieux geacutereacutes et ameacutenageacutes de
maniegravere inadapteacutee par les institutions Pour affiner cette approche deacutefinitionnelle il faut la
distinguer drsquoun champ connexe de recherche et drsquointervention qui traite drsquoun aspect de la
question geacuteneacuterale et plus ancienne du deacuteveloppement des villes et des agglomeacuterations crsquoest
le champ du deacuteclin urbain ou de la deacutecroissance urbaine (Fol Cunningham-Sabot 2010) Ce
thegraveme existe au moins depuis lrsquoEacutecole de Chicago aux Eacutetats-Unis sous lrsquointituleacute encore tregraves
actuel de urban decline ou plus reacutecemment de shrinking cities cette derniegravere expression se
focalise sur le reacutetreacutecissement ou la reacutetractation des villes du point de vue majoritairement
deacutemographique Le deacutetour par ce courant de recherches permet de prendre du recul par
rapport agrave celui tregraves speacutecialiseacute des problegravemes sociaux dans des fragments de ville ou lieacutes agrave la
fragmentation des villes Il est une source drsquoalimentation conceptuelle importante pour le type
drsquoanalyse de cette recherche
94
Cherchant agrave comprendre la croissance des villes les sociologues nord-ameacutericains ont agrave partir
des anneacutees 1920 deacuteveloppeacute des theacuteories en termes de cycle de vie avec des eacutetapes de
croissance et de deacuteclin moins au niveau de lrsquoensemble des aires urbaines qursquoagrave celui de leurs
territoires internes constitueacutes drsquoaires reacutesidentielles laquo morales raquo ou laquo naturelles raquo plus petites
Pour Homer Hoyt (1939) par exemple le deacuteclin de certains quartiers reacutesidentiels est
ineacuteluctable en raison de la deacutevalorisation immobiliegravere lieacutee agrave lrsquoarriveacutee de populations moins
aiseacutees et drsquoorigine ethnique Par la suite la recherche sur ce type de processus srsquoest davantage
centreacutee sur les villes dans leur totaliteacute en mettant en relation leurs composantes pour des
analyses speacutecifiques comme la deacutecroissance deacutemographique des centres-villes et le deacuteclin de
leurs activiteacutes eacuteconomiques et des emplois Ces pheacutenomegravenes sont alors deacutecrits comme lieacutes
aux mouvements de peacuteri- et de suburbanisation des meacutenages aiseacutes et des activiteacutes soutenus
par les institutions politico-administratives agrave travers des mesures drsquoameacutenagement et
drsquourbanisme ainsi que des aides financiegraveres et eacuteconomiques
Cette approche plutocirct deacutemographique srsquoest deacuteveloppeacutee pour la comparaison internationale de
lrsquoeacutevolution des villes dans le monde entier Des modegraveles de laquo contraction raquo urbaine sont
eacutechafaudeacutes comprenant parfois des eacutetapes de laquo reacutesurgence raquo ou de laquo reacute-urbanisation raquo des
villes (Fol Cunningham-Sabot 2007) De 2000 agrave 2005 par exemple il est montreacute que parmi
les 414 plus grandes agglomeacuterations mondiales de plus drsquoun million drsquohabitants 30 ont perdu
des habitants notamment dans le Nord des pays du monde Lrsquoanalyse de ce pheacutenomegravene nrsquoest
cependant pas sans complexiteacute voire contradictions certaines villes peuvent connaicirctre un
deacuteclin deacutemographique alors que les autres avec lesquelles elles forment une agglomeacuteration
sont en croissance tout comme lrsquoagglomeacuteration globalement peut lrsquoecirctre ou au contraire ne
pas lrsquoecirctre En fait rien que sur le plan deacutemographique les modes drsquoeacutevolution des villes sont
drsquoune grande varieacuteteacute sans compter drsquoautres dimensions eacuteconomique sociale
morphologique et encore politique dans lesquelles les variables sont multiples
En deacutemographie par exemple les uniteacutes peuvent ecirctre soit des meacutenages et des individus (taille
des meacutenages niveau de vie migrationhellip) soit des logements soit des emplois et des
eacutetablissements et les eacutetudes peuvent srsquoarticuler diversement avec une ou plusieurs autres
dimensions Neacuteanmoins Sylvie Fol et Emmanuegravele Cunningham-Sabot (2010) constatent que
malgreacute la flexibiliteacute conceptuelle potentielle du deacuteclin urbain les analyses mettent
principalement lrsquoaccent sur deux dimensions deacutemographiques et eacuteconomiques et mobilisent
deux modegraveles explicatifs lrsquoun plus lineacuteaire qui limite le nombre de variables pour valoriser
un enchaicircnement causal au risque drsquoeacutecarter drsquoautres pheacutenomegravenes essentiels lrsquoautre deacutejagrave
95
eacutevoqueacute est celui du cycle de vie calqueacute sur celui des produits en eacuteconomie (mouvement de
destruction creacuteatrice de lrsquoinnovation dans une eacuteconomie capitaliste libre)
Ces deux modegraveles restent reacuteducteurs de la multipliciteacute et de la reacutealiteacute nouvelle des
pheacutenomegravenes actuels En effet si la dimension eacuteconomique dans le deacuteveloppement urbain joue
un rocircle deacuteterminant crsquoest de maniegravere diffeacuterente agrave ses effets traditionnels puisque ses
manifestations se sont transformeacutees les pheacutenomegravenes de deacutecroissance deacutemographique et de
marginalisation spatiale et fonctionnelle des villes deacutependent drsquoune eacuteconomie mondialiseacutee et
technologique Ce mode de deacuteveloppement tend agrave disjoindre les systegravemes de production
eacutelargis dans le cadre de la division internationale du travail de leur ancrage territorial de base
ou initial Les villes deacutependent de plus en plus nettement de ce mode de production
eacuteconomique soutenu par les politiques nationales dans la relation qursquoelles entretiennent avec
celui-ci
Ce nrsquoest alors que plus secondairement que des pheacutenomegravenes speacutecifiques exercent une
influence sur les diffeacuterentes dimensions du deacuteveloppement urbain qursquoils soient drsquoordre
deacutemographique (vieillissement baisse de feacuteconditeacute hausse du nombre de meacutenageshellip) de
strateacutegie de localisation et drsquohabitat des meacutenages (centres drsquoagglomeacuteration ou peacuteripheacuteriehellip)
voire mecircme urbanistique (deacuteconcentration du bacirctihellip) Lrsquoorganisation spatiale de lrsquoeacuteconomie
mondiale polarise la croissance deacutemographique et eacuteconomique de certaines villes au
deacutetriment drsquoautres en raison de leur position par rapport aux thegravemes aux espaces aux
mouvements et aux infrastructures rechercheacutees et neacutecessaires agrave son deacuteploiement Les
territoires deacutelaisseacutes deacutependent alors de politiques publiques diverses en matiegraveres eacuteconomique
urbaine et sociale pour leur deacuteveloppement (Fol Cunningham-Sabot 2010)
Cette analyse confirme lrsquoenjeu crucial mis en exergue par Lefebvre qursquoest devenu lrsquoespace
dans les rapports sociaux de production la seacutelectiviteacute et la seacutegreacutegation socio-spatiales sont
mises en œuvre comme moyen et comme effet de lrsquoeacuteconomie devenue mondiale Ce qui
induit drsquoune part la mise agrave lrsquoeacutecart de centres urbains trop eacuteloigneacutes de son champ et drsquoautre
part dans les agglomeacuterations qui se globalisent (par lrsquoorientation de leurs activiteacutes dans
lrsquoeacuteconomie mondiale) la fragmentation socio-spatiale qui se durcit agrave mesure qursquoaugmentent
les eacutecarts drsquoineacutegaliteacutes socio-eacuteconomiques entre les inclus et les exclus de cette eacuteconomie
De ce courant de recherches consideacuterant lrsquoeacutevolution des villes de par leur relation avec
lrsquoeacuteconomie et par lagrave de sa gestion politique selon un cadre ideacuteologique il est possible de
rendre plus leacutegitime lrsquoutilisation du terme deacuteclin dans les villes concernant leur vie sociale et
96
leurs situations reacutesidentielles Il constitue un point drsquoarticulation entre les deux approches
celle se preacuteoccupant des eacutevolutions drsquoordre plus quantitatif (deacutemographique) des villes et
celle reacuteveacutelant les problegravemes drsquoexclusion socio-eacuteconomique et de fragmentation urbaine des
villes Des situations peuvent drsquoailleurs se croiser entre lrsquoeacutevolution deacutemographique des villes
et lrsquoeacutevolution sociale et morphologique dans celle-ci ce que montre lrsquoexistence de fortes
tensions sociales (eg des eacutemeutes) lieacutees agrave lrsquoexclusion socio-urbaine dans des agglomeacuterations
par ailleurs en croissance deacutemographique et eacuteconomique La possibiliteacute de cette articulation
des approches autorise en quelque sorte un emprunt conceptuel inheacuterent
Au passage le terme deacuteclin dans une approche scientifique doit srsquoexempter drsquoenchevecirctrement
possible avec des jugements de valeurs implicites Selon le Larousse 2005 le deacuteclin deacutesigne
la diminution de grandeur ou de valeur La preacutevention du risque drsquoeacutecart agrave lrsquoeacutethique
scientifique exige de preacuteciser ou drsquoobjectiver les critegraveres utiliseacutes pour produire une
appreacuteciation qui soit non seulement factuelle mais surtout indexeacutee agrave une theacuteorisation du
pheacutenomegravene qui impose drsquoexaminer si les faits rapporteacutes sont conformes ou non aux notions
eacutetudieacutees Cela neacutecessite de formuler des deacutefinitions opeacuterationnelles de celles-ci ie qui
permettent de les mesurer (Ghiglione Matalon 1999) Dans cette perspective le terme deacuteclin
peut revecirctir un caractegravere plus qualitatif que la simple acception deacutemographique pour lrsquoanalyse
du deacuteveloppement des villes voie privileacutegieacutee par Lefebvre (1968 1973 1970) pour deacutesigner
les relations sociales le statut et le bien-ecirctre des diffeacuterentes cateacutegories drsquohabitants dans les
diffeacuterentes parties des agglomeacuterations Cet accent sur la dimension qualitative du
deacuteveloppement urbain nrsquoest pas sans lien avec lrsquoappellation laquo deacuteveloppement social urbain raquo
utiliseacutee dans les anneacutees 1980 par les acteurs politiques et administratifs dans ce domaine
(Chevalier 2005) Le champ seacutemantique que reacutevegravele cette notion de deacuteclin social urbain eacutetant
ainsi circonscrit il est possible drsquoen parachever la formalisation qui reacutesulte des analyses
produites dans ce domaine et que la preacutesente recherche a pu conforter
En effet les premiers eacuteleacutements recueillis et analyseacutes lors de cette recherche notamment degraves le
deacutemarrage de lrsquoeacutetude monographique de la premiegravere ville-commune abordeacutee (les Ulis dans
lrsquoEssonne) ont concerneacute les structures et les eacutevolutions socio-deacutemographiques et urbaines
(dont les caracteacuteristiques des logements et de leur occupation) lrsquoemploi et le niveau de vie
mais aussi certaines pratiques et attentes sociales Cette premiegravere approche a deacutegageacute deux
premiers principaux traits qui ont tendance agrave ecirctre en commun avec drsquoautres travaux sur les
quartiers-ghettos 1 la sous-moyennisation de la structure sociale avec des meacutenages plus
fragiles croissants lieacutee agrave une paupeacuterisation correacutelative drsquoune partie de la population et le
97
deacuteveloppement systeacutematique de la deacutelinquance des jeunes et de la violence 2 une
communauteacute reacutesidentielle segmenteacutee en groupes plus ou moins inteacutegreacutes et plus ou moins
preacutecaires et assisteacutes avec un ordre social en rupture avec celui du reste des villes et celui des
premiers temps de peuplement de ces zones drsquohabitat
En fait une dynamique de problegravemes sociaux srsquoenclenche dans un espace ougrave sont croissantes
les victimes de lrsquoexclusion sociale accentuant ainsi le processus de transformation de la
composition sociale des relations sociales et des modes de vie des quartiers Le deacuteclin social
selon ces traits trouve un eacutecho particulier dans lrsquoanalyse des processus drsquoeacutevolution socio-
territoriale des villes que Donzelot (2004) a syntheacutetiseacute en trois termes qui pourtant ne
deacutesignent pas le mecircme ordre de pheacutenomegravenes la releacutegation des plus pauvres et fragiles
socialement dans les ZUS dans certains autres quartiers drsquohabitat social ou mecircme dans
certains quartiers anciens deacutegradeacutes la peacuteri-urbanisation des classes moyennes dans des
zones drsquohabitat pavillonnaire essentiellement et la gentrification des centres-villes crsquoest-agrave-
dire lrsquoembourgeoisement de quartiers centraux anciens plutocirct populaires (ouvriers et artisans)
par lrsquoinstallation de couches moyennes et supeacuterieures agrave la recherche de centraliteacute et de
proximiteacute drsquoeacutequipements nombreux et diversifieacutes
De ces trois notions une seule srsquoapplique comme le deacuteclin agrave lrsquoeacutevolution des proprieacuteteacutes
sociales et mateacuterielles de lrsquoespace la gentrification conseacutequence de lrsquoagreacutegation des plus
aiseacutes et inteacutegreacutes dans lrsquoeacuteconomie mondialiseacutee Les autres mouvements du deacuteveloppement des
villes ne deacutesignent que les mouvements drsquoinstallation des cateacutegories sociales dans lrsquoespace
sans eacuteleacutements explicites sur les relations sociales et lrsquoeacutetat des structures institutionnelles et
des eacutequipements et services publics et priveacutes qui srsquoy trouvent La gentrification ne deacutesigne-t-
elle pas le pheacutenomegravene inverse drsquoeacutevolution drsquoun espace physique et social agrave celui que le terme
de deacuteclin pourrait recouvrir Il ne srsquoagit pas drsquoeacutetudier la meacutetamorphose des espaces qui
srsquoembourgeoisent ou qui srsquoameacutenagent pour et par les couches moyennes et supeacuterieures mais
celle des zones urbaines en cours de deacutevalorisation mateacuterielle et symbolique par et pour les
populations preacutecaires exclues et releacutegueacutees La bipolarisation socio-spatiale que traduisent ces
deux mouvements provient bien du deacuteveloppement des pheacutenomegravenes eacuteconomiques et sociaux
de creusement des ineacutegaliteacutes sociales drsquoexclusion des moins qualifieacutes et drsquoaccroissement des
revenus des cadres du priveacute dans un contexte de leur preacutecarisation potentielle imposeacutees par
regravegles libeacuterales de lrsquoeacuteconomie mondialiseacutee Lrsquoagreacutegation spatiale rechercheacutee par ces derniers
(parfois dans des reacutesidences closes en milieu mixte) se reacutealise le plus souvent par volonteacute de
seacuteparation physique nette des espaces de cateacutegories ouvriegraveres preacutecariseacutees
98
Dans cet effort de deacutefinition il est drsquoabord constateacute que lrsquoexpression laquo deacuteclin social urbain raquo
comporte deux adjectifs juxtaposeacutes sans eacuteleacutement de liaison ce qui produit un effet
drsquoimpreacutecision srsquoagit-il de laquo deacuteclin social dans ou de lrsquourbain raquo ou plutocirct de laquo deacuteclin social et
urbain raquo En effet les eacuteleacutements fonctionnels et physiques drsquoun espace peuvent ne pas
eacutevoluer alors mecircme que des changements sociaux lrsquoaffectent structure des meacutenages type de
relations sociales culture et mode de vie mode drsquousage et de perception des eacuteleacutements et des
fonctions de lrsquoespacehellip Cependant lrsquointerdeacutependance et le recouvrement partiel des deux
domaines le social et lrsquourbain portent agrave consideacuterer que le deacuteclin de lrsquoun ne va pas sans celui
de lrsquoautre et vice et versa
Par exemple le pheacutenomegravene inverse de gentrification eacutevoqueacute plus haut se rapporte
effectivement agrave ces deux aspects drsquoune part la transformation de la composition sociale des
reacutesidants drsquoun quartier (ouvriers remplaceacutes par couches moyennes et supeacuterieures) et drsquoautre
part lrsquoeacutevolution des attributs de qualiteacute des logements et des eacutequipements de lrsquohabitat dans le
sens parallegravele (ameacutelioration par reacutehabilitation et investissements) en tant que produit social
drsquoun jeu entre acteurs et institutions sociales (Steacutebeacute Marchal 2010 p 138-139) Dans ce
sens le terme gentrification srsquoil peut ecirctre encore agrave preacuteciser quant aux pheacutenomegravenes qursquoil
deacutesigne et agrave ses deacuteterminants semble aiseacutement se deacutegager de tout jugement de valeur au
contraire de ce que peut veacutehiculer agrave premiegravere vue la notion de deacuteclin social urbain (hors
courant de recherches dans la sphegravere anglophone eacutevoqueacute plus haut du deacuteclin urbain agrave
caractegravere deacutemographique et eacuteconomique) Une premiegravere preacutecision de la notion est drsquoindiquer
que son champ concerne les pheacutenomegravenes de diminution en termes de grandeur ou de valeur
des relations sociales des statuts et du bien-ecirctre des habitants drsquoune zone urbaine
En outre existe-t-il une theacuteorie du deacuteclin social urbain ou encore les explications concernant
la marginalisation voire la ghettoiumlsation urbaines peuvent-elles srsquoappliquer agrave son endroit Agrave
ce niveau il faut drsquoabord revenir aux constats historiques et sociologiques concernant la
tendance agrave la disparition des entiteacutes communautaires agrave base spatiale et la reacuteduction
correacutelative de la conscience collective des individus en raison drsquoun eacutelargissement des espaces
geacuteographiques et sociaux de mobiliteacute des individus Lrsquointensiteacute des relations sociales et de
leurs dimensions affectives et identitaires dans les mecircmes zones drsquohabitat a diminueacute en
premier chef dans les quartiers des villes mecircme si ce pheacutenomegravene ne srsquoest pas diffuseacute de
maniegravere homogegravene et simultaneacutee agrave tous les milieux sociaux de lrsquoespace national
Les quartiers ouvriers par exemple caracteacuteriseacutes par un mode de vie collective ougrave la seacuteparation
entre la vie priveacutee et la vie publique nrsquoest pas nette ont certainement conserveacute ce
99
fonctionnement tant que les industries les employaient En outre la deacutestructuration des
communauteacutes traditionnelles villageoises voire urbaines nrsquoengendre certainement pas dans
tous les quartiers des pheacutenomegravenes de concentration des plus pauvres et des plus fragiles drsquoune
agglomeacuteration ainsi qursquoune forte deacutelinquance voire une violence preacutedominante entre les
personnes Drsquoautres explications doivent ecirctre avanceacutees Jacques Beauchard (1993) par
exemple met speacutecifiquement en avant la reacuteduction de la capaciteacute des villes agrave constituer des
uniteacutes politiques drsquointeacutegration sociale en raison de lrsquoeacutevolution des paramegravetres politico-
institutionnels eacuteconomiques et urbains ayant agi dans ce sens Selon lui la dispersion des
eacuteleacutements fonctionnels et sociaux des villes avec le deacutepart de populations et drsquoentreprises vers
les zones peacuteripheacuteriques produit ce mecircme effet drsquolaquo eacuteclatement raquo de la ville eacutevoqueacutee par
Lefebvre bien que ce terme et drsquoautres proches seacutemantiquement aient pu ecirctre useacutes non sans
une certaine inflation rheacutetorique
En effet Jacques Brun (2008) a qualifieacute drsquolaquo hysteacuterisation potentielle raquo le discours analytique
dans les anneacutees 1980 sur les transformations urbaines exigeant drsquoexaminer plus preacuteciseacutement
les notions meacutetaphoriques utiliseacutees eacuteclatement desserrement division fragmentationhellip
Jusqursquoagrave la fin des anneacutees 1990 ce type de production ne fait qursquoenteacuteriner lrsquoanalyse
lefebvrienne de lrsquoeacutevolution des villes Celle-ci nrsquoest pas sans lien avec les travaux preacuteceacutedents
des sociologues de lrsquoEacutecole de Chicago sur le fractionnement divers des espaces urbains des
changements eacuteconomiques sociaux mais aussi urbains sont deacutesigneacutes comme deacuteterminants de
la laquo disparition raquo de la ville au profit de lrsquourbain (Haumont Levy 1998) Ces termes
meacutetaphoriques marquent les imaginaires et suscitent des eacutemotions au deacutetriment de la
preacutecision drsquoanalyse des pheacutenomegravenes deacutecrits tout en reacuteveacutelant en creux une vision ideacutealiste de
la ville moyenne sans seacutegreacutegation (ou faible) En reacutealiteacute les problegravemes drsquointeacutegration et
drsquoexclusion y existent tout autant que dans les grandes villes Cependant ces pheacutenomegravenes nrsquoy
atteignent pas lrsquoampleur drsquoune reacuteelle crise de la ville au sens de rupture qualitative forte
difficile agrave geacuterer par les institutions urbaines et politico-administratives
Ainsi agrave la fin des anneacutees 1990 les reacuteflexions portent moins sur la reacutealiteacute que sur la porteacutee
sociale de la transformation fragmentaire des villes Jean-Pierre Leacutevy (1998) qui postface le
mecircme ouvrage collectif appelait par exemple agrave la reconnaissance des pheacutenomegravenes de
laquo pathologie sociale raquo comme la releacutegation de populations deacutefavoriseacutees et la compeacutetitiviteacute
accrue de groupes sociaux pour lrsquooccupation de bons quartiers dont la gentrification des
zones drsquoaccessibiliteacute maximale est une forme Leacutevy preacutecise que ce ne sont pas les formes
urbaines qui expliquent en majoriteacute les problegravemes sociaux et politiques voire la perte
100
drsquoidentiteacute et drsquouniteacute de la ville ce sont plutocirct les comportements et les rapports sociaux qui
ont des effets urbains Par exemple ce sont bien les conduites des cateacutegories sociales
moyennes aiseacutees et modestes qui deacuteterminent des processus de valorisationdeacutevalorisation
des zones urbaines selon des dureacutees jamais deacutefinitives (il eacutevoque lui aussi la notion de
laquo cycles raquo) Les pratiques reacutesidentielles deacutependent elles-mecircmes drsquoune part des activiteacutes
socio-eacuteconomiques qui agissent conjointement et de maniegravere complexe sur le marcheacute du
travail et sur celui du logement et drsquoautre part des politiques sociales et eacuteconomiques en
cours Crsquoest pourquoi il eacutevoque la forte flexibiliteacute sociale de lrsquoespace crsquoest-agrave-dire lrsquoextrecircme
souplesse drsquousage des lieux mecircme si demeure leur laquo esprit raquo pour la meacutemoire collective
Par ailleurs une variable suppleacutementaire peut ecirctre abordeacutee dans la recherche de preacutecision de
la chaicircne de causaliteacute ou plutocirct du contexte des deacuteterminations liant eacutevolution socio-
eacuteconomique et eacutevolution socio-spatiale par le biais des pratiques reacutesidentielles des citadins et
des politiques sociales et eacuteconomiques les eacutequipements et les services publics neacutecessaires agrave
la population dont la politique de gestion ne se distingue pas du cadre ideacuteologique de mise en
œuvre des autres politiques eacuteconomiques sociales et urbaines Lrsquoinsuffisance des structures
institutionnelles de services dans certaines zones urbaines a un effet direct sur lrsquointeacutegration
sociale Et Beauchard (1993) deacutenonccedilait deacutejagrave vigoureusement la reacuteduction des moyens
institutionnels drsquointeacutegration sociale que sont les services publics depuis la crise eacuteconomique
des anneacutees 1970 Il ne srsquoagit plus simplement drsquoaffaiblissement de la fonction inteacutegratrice des
villes dans le champ de la production eacuteconomique (du fait de lrsquoexternalisation des cateacutegories
supeacuterieures et de la deacutelocalisation des activiteacutes productives) mais plutocirct de production de
lrsquoexclusion et de la marginalisation sociales pour les cateacutegories resteacutees sur place par deacutefaut
drsquoeacutequipements et de services publics
En ce sens les trois principaux rapports politico-institutionnels sur la politique agissant sur la
crise lieacutee agrave la seacutegreacutegation sociale et urbaine dans les vingt derniegraveres anneacutees du XXe siegravecle
confirment ces deacutefauts drsquoadaptation qualitative et drsquoinsuffisance quantitative des services
publics et des eacutequipements (Dubedout 1983 Delarue 1991 Sueur 1998) Un autre rapport
dans la deacutecennie 2000 du Conseil drsquoanalyse eacuteconomique Seacutegreacutegation urbaine et inteacutegration
sociale (Fitoussi Maurent Maurice 2003) eacutevoque ce fait agrave partir des analyses de Preacuteteceille
(2000 2002) sur le niveau drsquoeacutequipement de la reacutegion parisienne entre les anneacutees 1970 et la
fin des anneacutees 1990 dans les domaines de la petite enfance (cregraveches) de la culture (salles de
spectacle de cineacutemas et de concerts bibliothegraveques publiques eacutecoles ateliers drsquoarts
plastiques Maisons des jeunes) de la santeacute (eacutetablissements hospitaliers et professionnels de
101
soins) et des bureaux de poste Il constate que lrsquoameacutelioration au cours de la fin du XXe siegravecle
est beaucoup plus faible dans les zones peacuteripheacuteriques sous-doteacutees que dans les zones centrales
de lrsquoagglomeacuteration avec des diffeacuterences internes privileacutegiant les quartiers riches de Paris
Un eacutecart se creuse donc en raison du lien entre le niveau drsquoeacutequipement et la centraliteacute urbaine
ou lrsquoancienneteacute drsquourbanisation mais aussi selon la composition sociale des localisations
reacutesidentielles Quoiqursquoil en soit ce lien contraste avec les laquo besoins sociaux raquo potentiels que
font apparaicirctre les eacutevolutions socio-deacutemographiques qui sont drsquoune part la baisse de la
population dans la partie centrale de la reacutegion urbaine (Paris et premiegravere couronne) et sa
croissance dans la deuxiegraveme couronne et drsquoautre part la reacutepartition spatiale des cateacutegories
sociales Les eacutequipements les plus importants et leur accroissement dans les espaces centraux
profitent donc agrave une population plus speacutecifique et en diminution avec la speacutecialisation en
cadres supeacuterieurs et intermeacutediaires du priveacute alors que les zones peacuteripheacuteriques sous-eacutequipeacutees
(mais aussi les quartiers parisiens populaires du Nord et de lrsquoEst) plus peupleacutees par des
cateacutegories moyennes et ouvriegraveres connaissent une progression plus faible du niveau
drsquoeacutequipements
Les politiques drsquoeacutequipement public suivent donc une logique spatiale deacutefavorable aux
cateacutegories populaires contrairement aux justifications theacuteoriques des politiques
drsquoameacutenagement et drsquourbanisation agrave lrsquoorigine de la redistribution sociale constateacutee au tournant
des anneacutees 2000 Cette derniegravere comporte bien un caractegravere seacutegreacutegatif En fait la reacuteduction de
la capaciteacute des villes agrave fournir des services au public est en partie une conseacutequence fiscale de
lrsquoexternalisation de la deacutelocalisation etou de lrsquoinsuffisance des cateacutegories supeacuterieures et des
activiteacutes eacuteconomiques non compenseacutees par les dotations eacutetatiques de fonctionnement et les
meacutecanismes de solidariteacute intercommunale Par voie de conseacutequence le deacuteclin social et
eacuteconomique des villes srsquoaccompagne drsquoun risque eacuteleveacute de marginalisation institutionnelle de
leur population
Lrsquoeffet de seacutegreacutegation issu de la territorialisation concregravete des politiques drsquoeacutequipement et de
services publics est drsquoailleurs renforceacute par trois autres formes drsquoineacutegaliteacutes sociales lieacutees aux
localisations reacutesidentielles des personnes (Preacuteteceille 2004) drsquoabord lrsquoineacutegal accegraves aux
emplois pour les habitants de banlieues peacuteripheacuteriques du fait de la faiblesse des
infrastructures de transports et de la deacutependance agrave lrsquousage de lrsquoautomobile ensuite la
seacutelectiviteacute de la mobiliteacute reacutesidentielle pour se rapprocher des emplois etou des eacutequipements
(difficile et plus rare pour les classes populaires contraintes par le logement social
102
reacuteglementeacute ou deacutependantes drsquoun marcheacute locatif de basse qualiteacute se reacuteduisant ou encore drsquoun
marcheacute drsquoaccegraves agrave la proprieacuteteacute dans les segments eacuteloigneacutes et deacutegradeacutes du parc immobilier) et
enfin les ineacutegaliteacutes de la pression fiscale locale puisque celle-ci deacutepend de la structure des
bases fiscales des territoires elle-mecircme lieacutee au niveau de preacutesence drsquoentreprises et aux
valeurs fonciegraveres et immobiliegraveres
Ainsi les diffeacuterences de qualiteacute des espaces reacutesidentiels produisent des effets cumulatifs
drsquoineacutegaliteacutes sociales renforccedilant la seacutegreacutegation urbaine des dispositifs drsquoeacutequipement et
implantation de services publics La laquo solution-miracle raquo de la mobiliteacute quotidienne
(deacuteplacements spatiaux) promue pour reacuteduire la seacutegreacutegation reste de ce fait insuffisante en
raison des contraintes de coucircts drsquoinfrastructure de moments et de temps de transports ainsi
que des coucircts drsquoaccegraves eacuteconomique (tarifs) et social (codes sociaux et culturels) aux
eacutequipements une fois atteints dans leurs aires drsquoimplantation (Preacuteteceille 2004) Les moyens
mateacuteriels temporels et sociaux de mobiliteacute pour lrsquoaccegraves aux ressources structurelles drsquoun
environnement sont hieacuterarchiseacutes selon les revenus et les ressources des meacutenages Les
ineacutegaliteacutes sociales srsquoexpriment alors en termes de laquo sous-mobiliteacute raquo spatiale mais aussi de
laquo sur-mobiliteacute raquo contrainte parfois (Gibout 2004) ie de surconsommation non deacutesireacutee de
temps et drsquoespace pour des deacuteplacements en raison tant de dispositions et de caracteacuteristiques
urbaines objectives des localisations reacutesidentielles (offre de transport et drsquoeacutequipements forme
urbaine rythme des activiteacuteshellip) que des raisons personnelles drsquoordre eacuteconomique sanitaire
ou social (faibles ressources eacuteconomiques chocircmage handicap meacuteconnaissance de la villehellip)
agrave ne pouvoir reacutealiser ou beacuteneacuteficier des activiteacutes et services proches ecirctre domicilieacute agrave proximiteacute
de ceux souhaiteacutes ou disposer drsquoune voiture pour se rendre rapidement sur des lieux
concerneacutes Ces situations engendrent de la marginalisation voire de lrsquoexclusion quant agrave
lrsquousage de la ville notamment pour les femmes en raison de leur plus grande freacutequence
drsquooccupation de positions et de fonctions sociales domineacutees dans les sphegraveres familiales et
domestiques (garde encadrement et accompagnement des enfants aux activiteacutes pratiques de
chalandises faibles qualifications monoparentaliteacute ou megraveres au foyerhellip)
Ces eacuteleacutements lieacutes aux politiques et aux difficulteacutes drsquousage des eacutequipements et des services
srsquoajoutent agrave la thegravese de la reacuteduction de lrsquouniteacute des villes et de leur deacuteclin par les mouvements
drsquoexternalisation et de deacutelocalisation sociale et eacuteconomique Avec la reacuteduction de leur
capaciteacute drsquointeacutegration fonction politique pourtant majeure lrsquourbaniteacute des villes est en fait
affaiblie ce qui constitue une eacutetape nouvelle de deacutetachement de la ville par la citeacute politique
depuis la fin des citeacutes-Eacutetats grecs (Beauchard 1993) Le vide produit par cette deacutefection
103
geacutenegravere outre une sur-appropriation de lrsquoespace public par le champ eacuteconomique (agrave travers la
publiciteacute et la privatisation de lrsquoespace) des replis communautaires potentiels en reacuteaction agrave la
multipliciteacute jugeacutee menaccedilante des grandes citeacutes ouvertes Lrsquoespace public ne devient-il pas un
espace socioculturel menaceacute de divisions et de conflits territoriaux de toute sorte entre
groupes sociaux et ethniques rassembleacutes (Semprini 1997) Lrsquoeacuteclatement social mais aussi
politique de la ville signifie ainsi une (deacute)composition sociale territoriale exalteacutee par les
risques de conflits et poussant agrave la recherche de leur eacutevitement
Marie-Christine Jaillet-Roman (2006) preacutecise que cet effet de deacuteclin politico-institutionnel
accompagnant lrsquoextension urbaine srsquoobserve geacuteographiquement aux deux points des
mouvements drsquoexternalisation dans lrsquoespace au niveau des villes-centres de deacutepart laissant
certains secteurs abandonneacutes et deacutegradeacutes que ne peuvent ou ne veulent investir les champs
eacuteconomique et institutionnel et drsquoautre part au niveau des communes peacuteripheacuteriques
drsquoinstallation des couches moyennes et supeacuterieures ougrave des regroupements intercommunaux
socialement homogegravenes fragmentent lrsquoespace peacuteriurbain en refusant la participation aux
communes ayant un profil social majoritaire infeacuterieur Les espaces peacuteripheacuteriques se
recomposent selon des modaliteacutes seacutelectives et compeacutetitives de collaboration intercommunale
traduisant la tendance accrue agrave la quecircte drsquoentre-soi territorial des classes moyennes et
supeacuterieures qui se reacutepercute dans la freacutequentation des eacutequipements notamment scolaires
(Maurin 2004)
Ainsi le transfert de centraliteacute geacuteneacutereacutee par lrsquoextension urbaine dans certaines banlieues et
dans certains espaces peacuteriurbains anciens ne beacuteneacuteficient pas agrave toutes les cateacutegories sociales et
spatiales (Jaillet-Roman 2006) Entre les centres valoriseacutes faisant laquo archipel raquo dans
lrsquoensemble de lrsquoespace urbain les espaces les plus deacutegradeacutes et deacutevaloriseacutes constituent des
supports territoriaux drsquoorientation des seacutegreacutegations socio-urbaines Les espaces marginaliseacutes
comportent les espaces drsquohabitat les moins valoriseacutes grands ensembles drsquohabitation et
lotissements pavillonnaires deacutegradeacutes ou encore quartiers centraux veacutetustes Ce mode de
deacuteveloppement urbain accentue les risques drsquoineacutegaliteacutes territoriales et geacutenegravere pour les espaces
deacutevaloriseacutes de faibles capaciteacutes eacuteconomiques drsquointeacutegration et drsquooffre de services publics ce
qui contribue au sein des populations reacutesidentes au malaise au deacutenuement et agrave la frustration
Selon Jaillet-Roman (2006) la hausse des votes protestataires (notamment en direction du
Front national) ou de la violence individuelle et collective en sont des signes
Ces deux approches sociopolitique (Beauchard) et geacuteographique (Preacuteteceille Jaillet-Roman)
de lrsquourbain consacrent en partie le lien entre cadre urbain et cadre politique et social
104
drsquointeacutegration sociale par lrsquointermeacutediaire des rapports sociaux locaux et de lrsquoaction politico-
institutionnelle locale Le problegraveme pour lrsquoaction politique urbaine est que les eacutechelons
communaux et intercommunaux ne recouvrent que partiellement les espaces de vie
quotidienne des individus les laquo bassins de vie raquo selon lrsquoINSEE repreacutesentent des territoires
multi-communaux comportant les eacutequipements de proximiteacute reacuteguliegraverement freacutequenteacutes par la
majoriteacute des habitants Il est difficile drsquoy exercer un pouvoir et un controcircle deacutemocratiques
pouvant reacutesister aux meacutecanismes seacutegreacutegatifs des agglomeacuterations ou des espaces urbains
drsquoappartenance plus larges La difficulteacute est encore plus forte en ce qui concerne lrsquoeacutechelle
meacutetropolitaine de manifestation des grandes divisions sociales de lrsquoespace urbain puisque
jusqursquoagrave la loi de reacuteforme des collectiviteacutes territoriales du 16 deacutecembre 2010 elle ne
comportait pas drsquoassembleacutee eacutelue pour la maicirctrise complegravete du deacuteveloppement eacuteconomique et
social et donc de son identiteacute
Les effets de cette nouvelle loi sont donc attendus avec inteacuterecirct puisqursquoelle met en œuvre une
nouvelle organisation des structures de politique territoriale en creacuteant entre autres
modifications deux nouveaux eacutetablissements publics de coopeacuteration intercommunale (EPCI)
agrave fiscaliteacute propre drsquoune part la meacutetropole agglomeacuteration drsquoau moins 500 000 habitants en
substitution au Deacutepartement et agrave la Reacutegion sur lrsquoameacutenagement et le deacuteveloppement
eacuteconomique eacutecologique eacuteducatif culturel et social et drsquoautre part le pocircle meacutetropolitain
espace de laquo meacutetropoles multipolaires raquo drsquoau moins 300 000 habitants autour drsquoun EPCI centre
drsquoau moins 150 000 habitants pour le deacuteveloppement eacuteconomique la promotion de
lrsquoinnovation de la recherche de lrsquoenseignement supeacuterieur et de la culture lrsquoameacutenagement de
lrsquoespace et le deacuteveloppement des infrastructures et des services de transport Preacutesenteacutees
comme plus adapteacutees aux entiteacutes urbaines ces structures sont censeacutees ameacuteliorer la
laquo compeacutetitiviteacute et la coheacutesion raquo de leurs territoires37
Enfin une derniegravere seacuterie de travaux parachegraveve la formulation des composantes
deacutefinitionnelles de la notion de deacuteclin social urbain Loiumlc Wacquant (2007) dans son analyse
des ghettos eacutetatsuniens et franccedilais utilise lrsquoexpression laquo deacuteclin urbain raquo non pas au sens des
eacutetudes sur le urban decline des villes mais bien dans le sens de la diffeacuterenciation interne des
37 Cependant la notion de compeacutetitiviteacute est certainement utiliseacutee de maniegravere incertaine par les auteurs de la loi En effet la deacutefinition consensuelle qui preacutevaut au sein des eacuteconomistes et des institutions internationales comporte en elle-mecircme deacutejagrave la notion de coheacutesion sociale Selon le Conseil europeacuteen de Lisbonne de mars 2000 la compeacutetitiviteacute est deacutefinie comme la laquo capaciteacute agrave ameacuteliorer durablement le niveau de vie de ses habitants et agrave leur procurer un haut niveau drsquoemploi et de coheacutesion sociale raquo (Gaulier 2003) Le risque est que le terme soit employeacute et compris comme celui de la compeacutetition entre entreprises par analogie agrave son sens premier dans le champ eacuteconomique Eacutevidemment les territoires nrsquoont pas de parts de marcheacute agrave se disputer ils poursuivent des inteacuterecircts propres lieacutes agrave leur speacutecificiteacute diffeacuterentielle
105
espaces sociaux des villes Il identifie quatre domaines de sa manifestation dans lrsquoanalyse du
passage des ghettos agrave des laquo hyper-ghettos raquo ie des ghettos en deacutecomposition sociale et en
deacuteclin eacuteconomique il mecircle drsquoune part deux dimensions plus strictement urbaines la
configuration spatiale et la position structurale et fonctionnelle dans la socieacuteteacute urbaine et
drsquoautre part deux aspects plus sociaux la composition institutionnelle et deacutemographique et
le veacutecu des habitants ie leurs expeacuteriences et relations sociales quotidiennes (Wacquant
2007 p 57) Les causes deacutegageacutees y sont essentiellement externes par la transformation du
systegraveme de forces eacuteconomiques sociales et politiques modelant les territoires sociaux et
symboliques des habitants
Les effets internes de ces changements concernent lrsquoordre social de la communauteacute
concerneacutee avec une organisation sociale diffeacuterente du fait de lrsquoinseacutecuriteacute eacuteconomique et
sociale de la forte hostiliteacute raciale et de la constante stigmatisation publique subie par les
habitants Il eacutetablit ainsi une liste de pheacutenomegravenes caracteacuteristiques du deacuteclin des
ghettos reacuteveacutelant sa laquo transformation du tissu eacuteconomique et social raquo (Wacquant 2007
p 64) agrave deux niveaux et selon plusieurs aspects drsquoune part une deacutegradation physique
(deacutelabrement) et commerciale des espaces et drsquoautre part des difficulteacutes sociales des
meacutenages (seacuteparation eacutechec scolaire isolementhellip) favorisant la violence de rue et lrsquoinseacutecuriteacute
multiforme des habitants
En incise dans le deacutebat sur la leacutegitimiteacute du terme ghetto pour deacutecrire la situation de certains
quartiers drsquohabitat deacutegradeacutes franccedilais ce que Wacquant (2007) nrsquoaccepte pas du point de vue
de ces enquecirctes reacutealiseacutees dans les anneacutees 1990 il peut ecirctre rapporteacute agrave titre drsquoexemple ayant
force de deacutemonstration empirique le teacutemoignage eacutecrit du maire de Clichy-sous-Bois (Dilain
2007) en Seine-Saint-Denis ougrave se trouve le grand ensemble de Clichy-Montfermeil
(commune voisine) il eacutevoque par exemple la laquo peur panique raquo des Clichois envers les trois
collegraveges de la ville qui ont des nombres drsquoeacutelegraveves en difficulteacutes sociales croissants avec
jusqursquoagrave 24 drsquoeacutelegraveves en classe de 3egraveme redoublants contre 12 en Seine-Saint-Denis en
plus les difficulteacutes de dialogue entre les eacutecoles et les parents eacutetrangers sont nombreuses avec
les traducteurs qui manquent ainsi que le temps aux enseignants souvent jeunes et
inexpeacuterimenteacutes un autre point est la fermeture du seul Centre meacutedico-psychologique (CMP)
pour enfant et jeunes de la ville qui demandait deacutejagrave trois agrave six mois de deacutelai pour un rendez-
vous pour des raisons laquo mysteacuterieuses raquo alors que trois CMP sur la ville seraient neacutecessaires
selon lui autre souci la faiblesse du reacuteseau de transports freinant le deacuteveloppement
eacuteconomique et social du territoirehellip
106
Ainsi lrsquointerdeacutependance dans la spirale du deacuteclin entre les composantes sociales
eacuteconomiques et institutionnelles des territoires est donc reacuteelle en France de maniegravere analogue
aux ghettos eacutetatsuniens mecircme si des diffeacuterences de degreacute et de modaliteacutes peuvent exister
entre les sites en France comme aux Eacutetats-Unis Le deacuteclin social urbain aboutit en grande
partie agrave la speacutecialisation sociale par le bas du peuplement de lrsquoespace Crsquoest pourquoi le
niveau de vie de la population concerneacutee se reacuteduit en moyenne et enfin de nettes
conseacutequences sanitaires se manifestent la faiblesse des moyens drsquoaccegraves aux soins avec la
reacuteduction des services de preacutevention et de protection sont correacuteleacutees avec des taux de
morbiditeacute et de deacutereacuteliction sociale en hausse (mortaliteacute violente incidence du sans-abrisme et
diffusion du sida lieacutee agrave lrsquousage des drogues) Globalement ce que Wacquant (2007) deacutecrit
pour les ghettos noirs eacutetatsuniens se veacuterifie aussi en France mecircme si cela peut-ecirctre avec un
temps et dans des proportions moindres parfois
Cependant les signes de ghettoiumlsation de certains territoires ne manquaient en France degraves la
fin des anneacutees 1980 et le deacutebut des anneacutees 1990 Par exemple le rapport Delarue (1991)
confirmait la deacutegradation de la vie des habitants dans les quartiers laquo sensibles raquo selon cinq
paramegravetres 1 les deacutefauts physiques et mateacuterielles de lrsquohabitat et de son urbanisme proche
qui aggravent les difficulteacutes sociales et eacuteconomiques de chacun 2 lrsquourbanisme plus large agrave
lrsquoeffet drsquoisolement dans le sens drsquoenclavement et de rupture urbanistique et relationnelle des
habitants par rapport au reste des villes 3 la fragiliteacute eacuteconomique de lrsquoespace et des
habitants avec la baisse des emplois industriels et la faiblesse des commerces 4 les
nombreux jeunes dont une partie subit des crises familiales et drsquoinsertion importantes et se
tournent vers la violence et 5 la paupeacuterisation des meacutenages et le processus de deacutepart des
plus fortuneacutes et drsquoarriveacutee des plus pauvres avec lrsquoaggravation de la situation sociale globale agrave
mesure que se prolonge la crise eacuteconomique
Plus preacuteciseacutement cette reacuteflexion agrave partir des diverses approches analytiques des pheacutenomegravenes
de deacutegradation et de deacutevalorisation de certains espaces urbains permet drsquoarrecircter quelques
traits preacutedominants composant cette notion de deacuteclin social urbain Elle deacutesigne un processus
de perte de valeur symbolique drsquoune localiteacute urbaine en deux principaux points 1 la
deacutegradation physique par le manque drsquoentretien et de maintenance des immeubles et de
lrsquoensemble mateacuteriel et infrastructurel de lrsquohabitat faute de moyens propres des habitants et
drsquoinvestissements de solidariteacute suffisants par les gestionnaires et les pouvoirs publics et 2
une deacutegradation sociale selon plusieurs aspects a) la paupeacuterisation et la fragilisation
sociale et sanitaire de la population reacutesidante lieacutees au deacutepart des cateacutegories supeacuterieures vers
107
drsquoautres localiteacutes (pour se rapprocher du travail des eacutequipements et des services publics etou
rechercher une meilleure qualiteacute drsquohabitat) agrave la preacutecarisation eacuteconomique voire agrave lrsquoexclusion
plus ou moins nette de lrsquoactiviteacute eacuteconomique des cateacutegories moyennes et modestes restantes
(en raison du deacuteclin du bassin local drsquoactiviteacute(s) principale(s) drsquoune qualification insuffisante
etou du racisme ou de la discrimination ethnique et sociale) etou agrave la faiblesse des transferts
et revenus de solidariteacute ainsi que des politiques drsquointeacutegration socio-eacuteconomique b) la
reacuteduction en son sein et aux alentours des activiteacutes institutionnelles (socialisation eacuteducation
santeacute police bailleurs autres services publics) eacuteconomiques (commerces services priveacutes et
banques) culturelles et sociales (associations diverses drsquoactiviteacutes culturelles de sport et de
loisirs et sociabiliteacute de voisinage dans les espaces exteacuterieurs) et c) le deacuteveloppement
drsquoactiviteacutes transgressives et subversives avec des tensions et des violences croissantes dans
les interactions sociales internes et dans les relations sociales avec lrsquoexteacuterieur deacutepassant la
capaciteacute des structures drsquointeacutegration restantes agrave y remeacutedier (eacutecole police poste associations
de quartierhellip) Ce processus constitue la manifestation des effets sociaux et spatiaux de la
fragmentation urbaine entraicircnant la stigmatisation et la seacutegreacutegation du territoire et de ses
habitants dans le reste de la socieacuteteacute urbaine
Cette deacutefinition fait eacutecho aux analyses sur les ghettos contemporains mettant en eacutevidence les
tendances extrecircmes de la concentration territoriale de la pauvreteacute agrave partir de ses diverses
dimensions sociales et spatiales (Marchal Steacutebeacute 2010) Aux traits structurels et objectifs
principaux du deacuteclin social urbain deacutecrits il est possible drsquointeacutegrer des pheacutenomegravenes subjectifs
existant de maniegravere plus intense dans les zones assimilables agrave des ghettos (Giraud 2000
Lapeyronnie 2008 Marchal Steacutebeacute 2010) le repli sur soi lrsquoanomie individuelle et
collective et la deacutevalorisation identitaire dans des espaces ougrave les supports spatiaux mais
surtout sociaux de sens agrave lrsquoaction et agrave la deacutefinition positive de soi sont en diminution voire
rares ou inexistants Toutefois cette notion se deacutemarque de celle de ghetto pour deux raisons
la premiegravere est que lrsquoeacutechelle urbaine drsquoobservation concerneacutee la ville-commune ou des
espaces contigus de communes voisines est souvent plus large que les seules zones drsquohabitat
auxquelles srsquoapplique le terme de ghettoiumlsation la seconde est qursquoavec la preacutesence de services
publics et administratifs divers notamment communaux voire intercommunaux les
situations ne peuvent se reacuteduire agrave un eacutetat homogegravene sur lrsquoensemble des territoires des signes
de deacutegradation sociale et spatiale eacutevoqueacutes plus hauts
Le deacuteclin social urbain peut donc affecter divers localiteacutes reacutesidentielles en fonction de la
conjoncture eacuteconomique sociale urbaine politique et institutionnelle qui se manifeste
108
particuliegraverement dans une agglomeacuteration ou un espace urbain Parmi ces espaces se comptent
en majoriteacute les grands ensembles drsquohabitation qui ont degraves leur creacuteation reacuteveacuteleacutes une
probleacutematique speacutecifique concernant leur dynamisme social et urbain Contrairement agrave une
ideacutee reccedilue si leurs habitants ont pu souffrir parfois du deacuteclin drsquoindustries dont deacutependait le
choix de construction de leurs habitations leur deacutesaffection assez geacuteneacuterale vis-agrave-vis de cet
habitat a eacuteteacute manifeste degraves les premiers peuplements indeacutependamment du dynamisme
eacuteconomique de lrsquoenvironnement (Peillon 2001) Dans ce sens dans les six communes de
grand ensemble eacutetudieacutees la faiblesse des parts relatives des cateacutegories moyennes et
supeacuterieures et des meacutenages agrave faibles voire tregraves faibles revenus est patente En plus de
proprieacuteteacutes peu satisfaisantes pour les classes moyennes ce type drsquoespace reacutesidentiel se trouve
en concurrence avec drsquoautres formes drsquohabitat plus valoriseacutees (pavillons collectif priveacute)
creacuteeacutees dans le systegraveme reacutesidentiel (Leacutevy 1998) de leurs agglomeacuterations ou bassins drsquohabitat
D- Le deacuteclin social des communes de grands ensembles un effet drsquoune modaliteacute spatiale
de la seacutegreacutegation sociale
Notre recherche doctorale se propose donc de mener une analyse comparative de diffeacuterentes
villes-communes de grands ensembles drsquohabitation (Les Ulis Mourenx Behren-legraves-Forbach
Fareacutebersviller Rillieux-la-Pape Pierrelatte et Bagnols-sur-Cegraveze) qui constituent une base
empirique agrave la conceptualisation preacutesenteacutee de la notion de deacuteclin social urbain Ce sont les
effets sociaux en milieu urbain de la crise eacuteconomique et sociale amenant agrave la formation de
zones marginaliseacutees qui fragmentent lrsquoespace urbain qui sont eacutetudieacutes les comportements
de deacutelinquance les problegravemes de logement et drsquoaccegraves au travail les tensions de voisinage ou
encore les cloisonnements culturels des manifestations locales de festiviteacutehellip Lrsquoanalyse de
ces pheacutenomegravenes amegravene agrave reacutefleacutechir aux limites spatiales des fragmentations et de leurs effets
qui se manifestent agrave lrsquoinsu des couches urbaines les plus exclues
Ainsi lrsquoeacutetude de cas de villes-communes de grand ensemble se distingue de celle des
quartiers-ghettos Le deacuteclin social concerne non seulement les quartiers sociaux des villes-
communes mais aussi lrsquoensemble de celles-ci avec des quartiers mixtes voire des espaces
drsquohabitat priveacute si lrsquoon considegravere qursquoune seacuterie de problegravemes relevant des pheacutenomegravenes du
deacuteclin srsquoy deacuteroulent Lrsquoanalyse des eacutevolutions sociales agrave une eacutechelle communale permet de
deacute-focaliser le regard sur des probleacutematiques ou des pheacutenomegravenes se manifestant dans les
109
espaces restreints des quartiers-ghettos (chocircmage des habitants deacutelinquance de bas
drsquoimmeuble tensions de voisinage deacutegradation drsquoespaces inteacuterieurs et exteacuterieurs
enclavement drsquoun quartierhellip) Ce qui produit une vision plus large et ouvre lrsquoanalyse agrave divers
questions ou thegravemes nouveaux lieacutes agrave la prise en compte drsquoeacuteleacutements diffeacuterents de lrsquoespace
(action municipale autres quartiers reacutesidentiels espaces fonctionnels commerciaux ou de
loisirshellip) et de dimensions plus nombreuses de la vie urbaine (politique culture et loisirs
rapports sociaux travailhellip)
Les questions abordeacutees sur un ou des thegravemes habituels de lrsquoanalyse des quartiers de releacutegation
socio-urbaine peuvent ecirctre eacutetendues agrave lrsquoespace communal global voire agrave celui de
lrsquoagglomeacuteration ou du bassin drsquohabitat par exemple la mobiliteacute reacutesidentielle ou encore les
deacutefaillances des politiques sociales et urbaines locales se manifestent-ils ou se font-ils
ressentir pour lrsquoensemble du territoire Si crsquoest le cas peut-on avancer que les frontiegraveres de
diffeacuterenciation socio-spatiale qui se durcissent dans les agglomeacuterations comportent une
certaine zone drsquoeacutepaisseur avec une limite tourneacutee vers les quartiers de concentration des plus
fragiles et lrsquoautre limite se fixant agrave celle des communes qui les contiennent voire au-delagrave si
les communes voisines sont en forte interaction urbaine avec celles-ci
Cet espace frontalier entre les limites des villes de quartiers-ghettos et les quartiers-ghettos
eux-mecircmes aux frontiegraveres deacutejagrave mouvantes selon lrsquoeacutevolution des peuplements constituerait
alors un espace transitoire entre les deux mondes urbains mais qui pour chaque cocircteacute
appartient deacutejagrave agrave lrsquoautre monde opposeacute Dans cet espace transitoire ou limite se manifestent
diversement certaines probleacutematiques issues des quartiers sociaux qursquoil environne
Agrave cette eacutechelle les repreacutesentations de la ville laquo eacuteclateacutee raquo ou laquo duale raquo ne sont donc pas
reacuteellement pertinentes voire envisageables On nrsquoy trouve pas de simple partition plus ou
moins radicale entre des espaces drsquohabitat qui les composent avec des problegravemes de crise
drsquointeacutegration urbaine circonscrits nettement dans lrsquoespace Au contraire des effets plus
eacutetendus spatialement agrave travers les pratiques sociales locales affectent plusieurs aspects de la
vie sociale de la commune La question qui guide alors le recueil et lrsquoanalyse de donneacutees agrave
cette eacutechelle est de savoir si ces effets sont bien constitutifs de la manifestation du deacuteclin
social urbain agrave lrsquoeacutechelle communale notion deacutefinie plus haut indeacutependamment de la reacutefeacuterence
agrave la taille du territoire concerneacute
Agrave ce niveau ougrave les municipaliteacutes et lrsquoadministration interagissent avec les besoins
drsquointeacutegration et de protection des plus faibles (Dubet 1995 Schnapper 2001) qui ont
110
drsquoailleurs une plus faible mobiliteacute quotidienne que les couches moyennes (Preacuteteceille 2004)
quelles eacutevolutions les formations sociales observeacutees suivent-elles Celles-ci sont-elles
attribuables aux effets de lrsquoexclusion eacuteconomique et sociale et de la seacutegreacutegation urbaine en
termes drsquoaccegraves aux eacutequipements et services publics preacutesenteacutes plus haut en raison du contexte
politique national marqueacute par la preacutegnance de lrsquoideacuteologie neacuteolibeacuterale
Quels aspects et quelles dynamiques sociales les populations des communes des grands
ensembles preacutesentent-elles Y-a-t-il laquo eacuteclatement raquo deacutechirure dualisation ou encore
polarisation sociale par le bas des tissus sociaux de chaque commune Sur le plan des
dynamiques relationnelles quelles sont aussi les grandes caracteacuteristiques avec des
diffeacuterences probables selon les lieux de rencontres et drsquointeraction Quelles sont alors les
causes ou les deacuteterminants eacuteventuels de ces eacutevolutions
Ces questions ne sont pas sans importance pour comprendre la vie urbaine drsquoune large partie
de nos concitoyens si lrsquoon considegravere que le total des territoires et des populations concerneacutes
par cette probleacutematique est consideacuterable pour la peacuteriode 2000-2006 247 contrats de ville
(dispositifs drsquoengagement drsquoactions drsquointeacutegration et de deacuteveloppement social et urbain
regroupant lrsquoEacutetat les collectiviteacutes locales et drsquoautres acteurs concerneacutes) recouvraient pregraves de
1 500 quartiers prioritaires soit 713 ZUS sur les 751 existantes et un plus grand nombre
encore de quartiers non ZUS ce qui repreacutesentait pregraves de 2 200 communes et 27 millions de
personnes (Cour des comptes 2002)
Depuis 2006 et jusqursquoen 2014 ce sont 497 contrats urbains de coheacutesion sociale (CUCS) qui
remplacent les contrats de ville en France meacutetropolitaine (467) et dans les deacutepartements
dOutre-mer (30) Si lrsquoon considegravere que les 247 contrats de ville de la peacuteriode 2000-2006 ont
eacuteteacute transformeacutes en 355 CUCS il y a 142 nouveaux CUCS soit 40 de nouveaux contrats en
hausse selon le site internet du systegraveme drsquoinformation geacuteographique du Comiteacute
interministeacuteriel des villes38 organisme chargeacute aupregraves du Premier ministre drsquoeacutetablir et de
suivre lrsquoaction de lrsquoEacutetat en matiegravere de politique de la ville Eacutevidemment les CUCS ne
recouvrent pas que les territoires drsquoimplantation des grands ensembles mais lrsquoanalyse des
pheacutenomegravenes sociaux et urbains qui srsquoy manifestent avec une recherche drsquoadaptation drsquooutils
conceptuels et drsquointerpreacutetation theacuteorique peut constituer une ressource intellectuelle pour
lrsquoensemble des espaces qui font face agrave une crise drsquointeacutegration urbaine du mecircme ordre
38 httpsigvillegouvfr
111
Ainsi la question centrale de notre recherche est de savoir ce qui dans le cas de pheacutenomegravenes
significatifs de deacuteclin social dans les villes-communes de grand ensemble est deacuteterminant
dans cette eacutevolution est-ce la variable morphologique ie lrsquohabitat sous forme de grand
ensemble qui domine lrsquoensemble urbain communal ou sont-ce drsquoautres caracteacuteristiques
eacuteconomiques sociales ou politiques internes ou externes qui expliquent le deacuteveloppement
drsquoun processus seacutegreacutegatif agrave lrsquoencontre des communes et de leur eacutevolution sociale Ou encore
est-ce une combinaison de celles-ci Pour le dire autrement en quoi les grands ensembles
sont-ils lieacutes au deacuteclin social qui srsquoobserve non seulement dans leur peacuterimegravetre mais aussi dans
les espaces avoisinants voire leur commune drsquoappartenance
Cette question peut se deacutecliner en trois interrogations compleacutementaires drsquoabord comment se
manifestent empiriquement sur lrsquoensemble des territoires des villes-communes les
eacutevolutions de leur structure et de leur dynamique sociales ainsi que les pheacutenomegravenes
probleacutematiques habituellement deacutecrits pour les seuls quartiers sociaux (preacutecariteacute souffrances
psychologiques et tensions relationnelles deacutelinquance et inseacutecuriteacute dans lrsquoespace exteacuterieur)
Ensuite peut-on deacutevelopper une repreacutesentation drsquoensemble de ces manifestations telle le
deacuteclin social urbain qursquoelles apparaissent similaires ou diffeacuterencieacutees selon plusieurs cas
empiriques Enfin quel est le principal ou quels sont les principaux deacuteterminants de ces
eacutevolutions observeacutees aux eacutechelons communaux
Lrsquohypothegravese principale est que le deacuteclin social de lrsquoensemble drsquoune ville-commune de
grand(s) ensemble(s) a comme source cette forme urbaine preacutedominante dans un contexte
socieacutetal global commun agrave toutes les situations urbaines du territoire national Les
manifestations probleacutematiques de la ghettoiumlsation des quartiers de grand ensemble marquent
drsquoune mecircme empreinte les socieacuteteacutes locales drsquoun deacuteclin selon des formes variables lieacutees aux
caracteacuteristiques de celles-ci En drsquoautres termes le deacuteclin social est lieacutee la morphologie socio-
urbaine preacutedominante du territoire ce qui signifie que les grands ensembles constituent en
eux-mecircmes un deacuteterminant drsquoeacutevolution de la vie sociale locale
Et cet effet constitue une caracteacuteristique secondaire influenceacutee par les diffeacuterentes politiques
contribuant agrave la formation de ce type drsquoespace et agrave son eacutevolution sur le plan urbain et social
en raison des tendances agrave la seacutegreacutegation sociale de la part des pouvoirs institutionnels vis-agrave-
vis des groupes sociaux les moins qualifieacutes et en difficulteacutes sociales Les pratiques sociales
dans les espaces communaux et les pratiques spatiales de leurs populations prennent des
formes des directions et des modaliteacutes soumises agrave des degreacutes divers aux dynamiques sociales
preacutedominantes dans les espaces de grand ensemble
112
Ce constat renvoie au thegraveme des relations drsquoinfluence reacuteciproque entre la socieacuteteacute et son
espace si lrsquoespace du social relegraveve drsquoune production sociale suivant le preacutecepte de Lefebvre
(1974) alors il produit lui aussi en retour des effets structuraux sur les dynamiques sociales
qui srsquoinscrivent principalement dans cet espace Ce qui revient agrave reconnaicirctre tant lrsquoinfluence
des configurations mateacuterielles des villes sur leur vitaliteacute sociale ie sur la nature et lrsquointensiteacute
des eacutechanges et des rapports sociaux qursquoelles induisent (Jacobs 1961 Remy 1998 Voyeacute
2002) que le ressort des modaliteacutes de production sociale de ces configurations en termes de
pratiques drsquoobjectifs afficheacutes implicites ou impenseacutes de moyens mis en œuvre drsquoacteurs en
preacutesence et de leur relation Dans ce cas si les grands ensembles constituent un type
drsquoespace social qui geacutenegravere dans son environnement le mecircme type drsquoeffets de deacutegradation
socio-spatiale crsquoest certainement en raison des deacuteterminations socio-institutionnelles de leur
production ie de la politique drsquourbanisme de leur mise en œuvre et les politiques urbaines et
sociales actuelles qui les maintiennent et les reacutenovent
Et si Alain Bourdin et Marie-Pierre Lefeuvre (2002) ont pointeacute le caractegravere laquo eacutedifiant raquo des
grands ensembles ie leur grande taille et correacutelativement leur poids deacutemographique
preacutedominant dans les espaces sociaux locaux leur relation avec le deacuteclin social urbain est
alors coheacuterente avec la conception moderne des espaces urbains en termes de continuum
complexes de situations reacutesidentielles ouvertes et imbriqueacutees malgreacute des ruptures
morphologiques certaines par endroit Les donneacutees empiriques recueillies dans le cadre de
notre thegravese montrent tout un ensemble de relations de continuiteacute et de proximiteacute
qursquoentretiennent ces espaces avec leur environnement partage de lieux drsquousage communs
mobiliteacute spatiale et pratiques sociales quotidiennes croiseacutees et partageacutees des habitants de
diverses parties de la commune pheacutenomegravenes meacutediatiques et repreacutesentations sociales
englobant les espaces action et discours politiques chroniques sur lrsquoespace local son
identiteacute ses problegravemes et les projets qui le concernehellip Les territoires avoisinants (centres-
villes ou autres quartiers peacuteripheacuteriques) partagent de pregraves ou de loin le destin des habitants
des quartiers ghettos (Duprez Hedli 1992) indeacutependamment mecircme de la similitude des
caracteacuteristiques sociales et urbaines entre eux et des eacutevolutions eacuteconomiques et politiques
effectives des territoires
La partie suivante lrsquoeacutetude monographique concernant la ville des Ulis dans lrsquoEssonne au sud
de la reacutegion parisienne constitue le premier volet de lrsquoanalyse empirique de la thegravese le
second volet se composant de lrsquoeacutetude comparative reacutealiseacute avec les six villes-communes de
113
grand(s) ensemble(s)39 situeacutees en France et citeacutees plus haut (troisiegraveme partie) Dans les deux
cas les analyses font ressortir agrave quel point les diverses politiques drsquointeacutegration locales et
supra-locales ne conjurent pas les pheacutenomegravenes de deacuteclin qui srsquoy deacuteveloppe sous une forme
ou sous une autre Crsquoest en ce sens que le type drsquohabitat en grand ensemble apparaicirct comme
une variable socio-spatiale incontournable de la probleacutematique des crises urbaines
drsquointeacutegration Elle reacutevegravele le rapport seacutegreacutegatif que la socieacuteteacute des classes moyennes et
supeacuterieures entretient avec les grands ensembles et par-delagrave avec les cateacutegories ouvriegraveres les
moins qualifieacutees
39 Lrsquoexpression laquo grand ensemble raquo est au singulier lorsque lrsquoensemble immobilier concerneacute a eacuteteacute construit selon un mecircme plan-masse Il est cependant le plus souvent utiliseacute au pluriel mecircme lorsque lrsquourbanisation provient drsquoune seule programmation quand lrsquoensemble preacutesente un tregraves large parc avec diffeacuterentes sous-parties distinctes
114
Premiegravere partie
Les Ulis au tournant des anneacutees 2000 les signes du deacuteclin
social au sein drsquoun espace de classes moyennes
Les Ulis est une ville de taille laquo petite-moyenne raquo (25 000 habitants) du sud-ouest de la reacutegion
parisienne qui preacutesentait encore agrave la fin des anneacutees 1990 un profil statistique de commune de
laquo classes moyennes techniciennes raquo selon une qualification de chercheuses de lrsquoINSEE
(Martin-Houssard Tabard 2003) Que recouvre cette deacutenomination assez large alors que par
ailleurs la ville supporte une mauvaise reacuteputation dans son environnement reacutegional lieacutee agrave des
pheacutenomegravenes de deacutevalorisation spatiale de paupeacuterisation drsquoune partie de sa population de
tension et de deacutegradation des relations sociales locales40
Plusieurs pheacutenomegravenes semblent contribuer agrave un processus lieacute au laquo malaise social urbain raquo
(Chaline 1996) Des donneacutees sur lrsquoeacutetat et lrsquoeacutevolution passeacutee des structures sociales et
deacutemographiques de la ville et sur les difficulteacutes eacuteconomiques et drsquointeacutegration de diverses
cateacutegories drsquohabitants sont rassembleacutees afin drsquoapprofondir lrsquoanalyse des pheacutenomegravenes de
preacutecariteacute de pauvreteacute et drsquoexclusion sociales Lrsquoessentiel des observations concerne le deacutebut
des anneacutees 2000 peacuteriode de conduite du dispositif de recueil des principales donneacutees
utiliseacutees lrsquoobservatoire local de la Ville Cette approche monographique et multifocale a
permis de donner forme agrave la notion de deacuteclin social urbain dont la tendance est confirmeacutee par
des donneacutees rapporteacutees de la fin de la deacutecennie 2000 Cette peacuteriode est drsquoailleurs davantage
eacutetudieacutee dans la troisiegraveme partie de la thegravese la comparaison de la ville avec les situations des
six communes de grands ensembles eacutechantillonneacutees Les deux chapitres de cette partie
abordent drsquoune part une description geacuteneacuterale de lrsquohistoire de la ville et de son eacutetat social
vingt-cinq ans apregraves sa creacuteation officielle et drsquoautre part les pheacutenomegravenes particuliers qui
signent le processus de deacuteclin qursquoelle subit
Ci-apregraves photo aeacuterienne (non dateacutee) du grand ensemble des Ulis (Viala Beugras 1993) certainement fin des anneacutees 1970 deacutebut des anneacutees 1980 (construction et ameacutenagement acheveacutes)
40 Agrave titre drsquoillustration reacutecente lors des grandes manifestations nationales drsquoopposition au projet sur les retraites de lrsquoautomne 2010 les Ulis offre le spectacle drsquoeacutemeutes dont le nombre de jeunes participants est le plus eacuteleveacute de tout le deacutepartement (cf laquo Des casseurs dans les manifestations raquo Le Reacutepublicain de lrsquoEssonne en ligne 21102010) le mardi 19 octobre au matin devant le lyceacutee de la ville lrsquoEssouriau 200 laquo casseurs raquo non lyceacuteens selon des teacutemoins caillassent et incendient un bus de voyageurs et envoient un cocktail Molotov laquo agrave deux pas de la maire de la commune (PS) Maud Olivier raquo (elle nrsquoa pas eacuteteacute blesseacutee)
115
116
117
Chapitre III
Les Ulis du grand ensemble pour une laquo ville nouvelle raquo au peuplement en difficulteacutes
Ce chapitre preacutesente plusieurs eacuteleacutements caracteacuteristiques de la situation de la commune
constituant le premier terrain de la recherche celui qui a eacuteteacute le plus approfondi Il srsquoagit en
premier lieu de reconstituer le contexte du site avec sa localisation et lrsquohistoire de sa
construction de son peuplement et de son organisation Un point est particuliegraverement abordeacute
au sujet de son eacutevolution deacutemographique et sociale un pheacutenomegravene de deacutecroissance que lrsquoon
retrouvera dans la quasi-totaliteacute des autres sites de grands ensembles eacutetudieacutes (cf chapitre VI)
Associeacutes au constat drsquoune situation eacuteconomique et sociale laquo sous-moyenne raquo par rapport agrave
son environnement urbain et territorial ces eacuteleacutements sont les premiers agrave susciter une reacuteflexion
sur le sens et la forme de lrsquoeacutevolution sociale de ce type de ville fonctionnaliste en milieu rural
ou peacuteriurbaine cette eacutevolution est plus loin qualifieacutee de deacuteclin social urbain agrave lrsquoissue drsquoune
analyse plus approfondie et eacutetendue agrave la fois (cf chapitre VIII)
Le recueil de ces premiegraveres donneacutees et leur premiegravere exploitation ont eacuteteacute produits dans un
cadre institutionnel un observatoire social communal La conduite de ce dispositif pour un
usage scientifique profitable a eacuteteacute rapidement traiteacutee dans la probleacutematique mais il reste agrave
preacuteciser certains aspects techniques et eacutepisteacutemologiques traitant de sa validiteacute scientifique Ce
point est preacutesenteacute apregraves avoir caracteacuteriseacute lrsquoespace de la ville des Ulis drsquoun point de vue
geacuteneacuteral
A- Preacutesentation geacuteneacuterale de la commune
La commune des Ulis situeacutee agrave vingt-trois kilomegravetres au sud-ouest de Paris Notre-Dame
comprend 24 590 habitants en 2008 (enquecirctes annuelles de recensement INSEE) Cette
population municipale41 est leacutegegraverement croissante depuis lrsquoanneacutee preacuteceacutedente (24 528
habitants au recensement de 2007) mais a surtout baisseacute de 46 depuis le recensement
geacuteneacuteral de la population de 1999 (25 781 habitants) Agrave lrsquoorigine de la commune se trouve la
41 La population municipale pour les analyses comprend les habitants des reacutesidences principales les sans-abri et les personnes en habitation mobile et les personnes des communauteacutes (de locaux drsquohabitation drsquoun mecircme gestionnaire (foyer maison de retraitehellip) dont les eacutetudiants en internat dans la commune les eacutetudiants mineurs en internat hors commune mais de reacutesidence familiale dans la commune et les deacutetenus drsquoeacutetablissement compteacutes avant 1999 dans la population compteacutee agrave part) Pour faire la population totale il faut rajouter la population compteacutee agrave part qui comprend les reacutesidants de maniegravere non habituelle dans la commune (eacutetudiants personnes drsquoune communauteacute drsquoune autre commune personnes SDF rattacheacutees agrave la commune mais non recenseacutees dans celle-ci)
118
Zone agrave urbaniser en prioriteacute (ZUP) de Bures-Orsay du nom des deux communes de la
valleacutee de lrsquoYvette dans la corne nord-ouest de lrsquoEssonne creacuteeacutee en 1960 et reacutealiseacutee agrave partir de
196642
Afin de reacutepondre aux besoins en logement de la reacutegion capitale dans les anneacutees 1960 et
notamment de canaliser lrsquourbanisation plus ou moins organiseacutee de la Valleacutee de Chevreuse
lrsquoEacutetat chercha degraves 1955 agrave creacuteer un territoire nouveau dans cet espace constitueacute drsquoun large
plateau agricole En 1956 les deux communes Bures-sur-Yvette et Orsay avec drsquoautres
communes voisines furent ameneacutees agrave prendre un certain nombre drsquooption dans le cadre du
projet drsquoameacutenagement de la Reacutegion parisienne (Plan drsquourbanisme intercommunal PDUI ndeg
17) Alors que les eacutelus locaux souhaitaient davantage un mode lent et progressif
drsquourbanisation dans le prolongement des fonctions reacutesidentielles et touristiques des deux
communes des projets drsquoinstallation dans le secteur drsquoOrsay de lrsquoannexe de la faculteacute des
Sciences de Paris de grandes eacutecoles parisiennes et drsquoorganismes de recherche vinrent
modifier cette orientation
La preacutesence depuis 1952 du Centre drsquoeacutetudes nucleacuteaires agrave Saclay petite commune (bourg) agrave
quelques kilomegravetres au nord-ouest des deux communes explique ces choix Celle-ci eacutetait
42 Parmi drsquoautres sources institutionnelles recueillies plusieurs eacuteleacutements de preacutesentation concernant les Ulis sont extraits de trois documents CREPA (1991) Viala Beugras (1993) et Acadie (1999)
119
consideacutereacutee comme un pocircle en deacuteveloppement par le Plan drsquoAmeacutenagement et drsquoOrganisation
Geacuteneacuterale de la Reacutegion parisienne (PADOG) de 1960 plan reacutedigeacute par le Service
drsquoAmeacutenagement de la Reacutegion parisienne (SARP) du district de la Reacutegion parisienne (ex-
conseil reacutegional) Crsquoest dans ce type de localisation non loin de Paris et agrave proximiteacute de
grands domaines agricoles que des grands ensembles dont celui de Bures-Orsay43 ont eacuteteacute
preacutevus comme des laquo noyaux urbains secondaires raquo pour laquo colmater les derniers vides de
lagglomeacuteration raquo entre drsquoune part Paris et drsquoautre part les noyaux urbains anciens agrave
reacutenover de la banlieue ainsi que les quatre noyaux urbains nouveaux creacuteeacutes pour la densifier
(La Deacutefense-Montesson agrave lOuest Veacutelizy-Villacoublay au Sud Le Bourget-Sarcelles au
Nord-est et agrave lEst un espace impreacutecis entre lrsquoautoroute et Creacuteteil) (Cottour 2008)
Entre 1959 et 1960 les filiales de la Caisse des Deacutepocircts et Consignations en charge de
lrsquoeacutedification drsquoun grand ensemble et le commissaire agrave la construction encouragegraverent les
municipaliteacutes de Bures et drsquoOrsay agrave creacuteer une ZUP Elle fut geacutereacutee par une socieacuteteacute
drsquoeacuteconomie mixte creacutee en 1962 la SAMBO (Socieacuteteacute drsquoameacutenagement Bures-Orsay) en
charge de lrsquoacquisition des terrains de lrsquoassainissement de la viabilisation et de la preacutevision
des eacutequipements Le conseil drsquoadministration de cette socieacuteteacute comprenait les deux
collectiviteacutes locales et les organismes publics et priveacutes en charge de lrsquourbanisation
En 1964 un district urbain le DUBO (District urbain Bures-Orsay) structure politique
locale composeacutee de membres des conseils municipaux des deux communes a eacuteteacute creacuteeacute pour
la validation lrsquoorientation et le controcircle des travaux de la socieacuteteacute drsquoeacuteconomie mixte Par
ailleurs trois architectes associeacutes aux architectes de chaque commune furent engageacutes dans la
construction des Ulis Robert Camelot architecte de la Socieacuteteacute immobiliegravere de la Caisse des
Deacutepocircts (SCIC) ayant conccedilu lrsquoameacutenagement de La Deacutefense Franccedilois Prieur ayant eacutelaboreacute le
plan drsquourbanisme de la Valleacutee de Chevreuse et un peu plus tard Georges-Henri Pingusson
pour un ensemble reacutesidentiel HLM
Tout en srsquoinspirant des principes de lrsquourbanisme moderne de seacuteparation des rues et des voies
pieacutetonnes de deacuteveloppement des espaces verts ils avaient un projet plus laquo humain raquo drsquoune
part creacuteer des voies publiques multi-usages privileacutegiant neacuteanmoins les pieacutetons et drsquoautre
part des groupes de bacirctiments de hauteur modeacutereacutee bien que rehausseacutes sur dalles mais aussi
plus individualiseacutes Viala et Beugras (1993) rapportent mecircme que face au paralleacutelisme et au
43 Les autres grands ensembles preacutevus du PADOG sont Massy-Antony Creacuteteil Alfortville-Maisons-Alfort Vitry Stains-Saint-Denis-Pierrefitte Argenteuil Fontenay-sous-Bois Aulnay-Sevran Tremblay-legraves-Gonesse Sarcelles-Garges-legraves-Gonesse Eacutepinay-sur-Seine et La Courneuve
120
monolithisme des laquo caisses agrave savon raquo qui tendaient agrave ecirctre construits un peu partout Franccedilois
Prieur visait des laquo rues tregraves animeacutees avec des commerces indispensables agrave cette animation raquo
Il est eacutetonnant alors de constater que crsquoest la Socieacuteteacute Centrale drsquoEacutequipement du Territoire
(SCET) filiale technique de la Caisse des deacutepocircts qui reacuteussicirct aupregraves des acteurs techniques
(socieacuteteacute drsquoeacuteconomie mixte) et politique (district urbain et ministegravere de la construction) agrave faire
preacutevaloir son avis de reacutealiser des petits centres commerciaux de quartier
De mecircme le projet de grand axe drsquoanimation nord-sud au long duquel eacutetaient preacutevus
commerces artisanats et eacutequipements a eacuteteacute dissipeacute drsquoune part par la creacuteation au sud de la
ville drsquoun centre commercial Ulis II seacutepareacute des rues et du centre politico-administratif en
raison de lrsquoobtention de creacutedits en fin de chantier pour viabiliser et promouvoir les quartiers
sud de la ville et drsquoautre part par lrsquoabandon du projet de teacuteleacutepheacuterique joignant les gares de
Bures et drsquoOrsay au plateau des Ulis et au pied duquel une grande place eacutetait preacutevue avec un
cafeacute une dalle une reacutesidence universitaire un bacirctiment de la seacutecuriteacute sociale Par ailleurs en
fin de chantier certains programmes de reacutesidences ont pu ecirctre plus densifieacutes et eacutequipeacutes
renforccedilant la disseacutemination des eacutequipements et des activiteacutes de la ville en creacuteant des petits
centres commerciaux par quartier
Dans ce sens une autre seacuteparation de fonction eacutetait programmeacutee degraves la conception du projet
la grande zone drsquoactiviteacutes Courtabœuf agrave lrsquoest de la commune de surface similaire agrave la zone
drsquohabitation agrave lrsquoouest de la commune eacutetait coupeacutee de celle-ci par un vaste espace
pavillonnaire dont une grande partie est sur le territoire de la commune voisine Orsay Cette
configuration forme un territoire en laquo U raquo avec entre les deux extreacutemiteacutes une distance
geacuteographique et un obstacle morphologique entre le grand ensemble et la zone drsquoactiviteacutes
Celle-ci qui recouvre aussi certains territoires de communes voisines nrsquoa drsquoailleurs eacuteteacute
conccedilue qursquoapregraves les eacutetudes preacutealables de lrsquoameacutenagement et de lrsquourbanisation de la ville entre
1962 et 1965
Au final la partie habitat de la ville se retrouve pour ses reacutesidents caracteacuteriseacutee
principalement par une mono-fonctionnaliteacute reacutesidentielle dominante Un maire M
Hugonnet de la commune voisine Limours deacuteclare qursquoil a alors rapidement perccedilue cette
ville nouvelle comme laquo deacutecentreacutee deacutesaxeacutee raquo (Viala Beugras 1993) Avec lrsquoobstination des
architectes agrave vouloir seacuteparer les rues des voies pieacutetonnes notamment dans la partie centrale
de la ville celle-ci apparue comme laquo une plateforme raquo pour y vivre quelques temps heureux
du point de vue dominant sur la nature environnante qursquooffre lrsquooccupation des plus hauts
121
appartements des tours les plus grandes (dix-sept eacutetages pour certaines alors qursquoil eacutetait
programmeacute un maximum de quinze agrave seize)
Cependant lrsquooriginaliteacute du panorama a pu rapidement ceacutedeacute agrave la laquo lassitude raquo selon ce maire
sentiment autrement exprimeacute en termes drsquoennui en raison de lrsquoabsence drsquourbaniteacute agrave
proximiteacute Situation qui avec les autres deacutesagreacutements pratiques de stationnement et de
circulation imposeacutes par la seacuteparation des rues et des voies pieacutetonnes contribue au deacutesir de
quitter la ville
Ainsi depuis sa creacuteation administrative en 1977 la municipaliteacute des Ulis cultive certes un
centre-ville composeacute drsquoune mairie devant laquelle la plateforme constituant une esplanade
pieacutetonniegravere de jonction de toutes les dalles et passerelles issues des reacutesidences les plus
proches accueille non seulement quelques services et commerces (une poste un
supermarcheacute et des cafeacutes etou restaurants) mais aussi des eacutequipements culturels meacutelangeacutes agrave
quelques services administratifs un foyer socio-eacuteducatif avec vocation audiovisuelle
devenue salle de cineacutema Art et essai de 227 places occupeacute aussi par le service culturel de la
Ville ainsi qursquoune salle des fecirctes et de spectacle de 800 places et un service drsquoinformations
et de gestion des associations de la ville
La mairie se situe au sud de cet espace sur dalle en prolongement de celle-ci par une
passerelle en beacuteton asse large qui enjambe une route et aboutie sur une esplanade au fond de
laquelle se cocirctoie la mairie et la meacutediathegraveque de mecircme forme cubique et de taille agrave peu pregraves
similaire (au-dessous de cette esplanade se situe le parking couvert du centre-ville) De
lrsquoexteacuterieur sur les routes adjacentes agrave la dalle ce centre-ville percheacute qui devait en partie
servir aux visiteurs des communes reacutesidentielles voisines (au moins des deux communes-
megraveres Orsay et Gif-sur-Yvette) est peu ouvert lisible et mecircme accessible Il nrsquoa pas su creacuteer
un espace drsquointeacutegration locale par des activiteacutes suffisamment denses et varieacutees pour y attirer
la majoriteacute des cateacutegories sociales de lrsquoespace urbain intercommunal local leur permettant drsquoy
eacutechanger dans la convivialiteacute (Deacuteleacutegation interministeacuterielle agrave la Ville Ville des Ulis
2002)44 peu feacutedeacuterateur et peu animeacute il attire surtout les jours de marcheacute qui a lieu justement
au niveau de la route adosseacute au mur portant la dalle
Agrave cette conception urbaine deacutefectueuse sur le plan fonctionnel et meacutediocre sur le plan
estheacutetique srsquoajoute un manque drsquoattractiviteacute de ces commerces Le vieillissement du bacircti a eacuteteacute
44 Cette convention a eacuteteacute inteacutegreacutee au contrat de ville 2000-2006 de la ville et a eacuteteacute remplaceacutee par le projet de reacutenovation urbaine de la peacuteriode 2006-2014
122
en outre rapide et mal compenseacute en raison notamment de la situation fonciegravere et juridique
complexe qui rend difficile toute intervention Enfin un dernier aspect de planification
urbaine a contribueacute agrave la faiblesse de la centraliteacute ulissienne la concurrence du centre reacutegional
Ulis 2 (complexe de galeries commerciales et drsquohypermarcheacute) situeacute pourtant agrave moins drsquoun
kilomegravetre au sud de ce centre-ville mais seacutepareacute par un parc urbain qui les dissocie
immanquablement
Dans lrsquoensemble la morphologie urbaine laquo fonctionnaliste raquo de la ville composeacutee drsquoune
part de blocs et de tours regroupeacutes avec des espaces souvent naturels entre les icirclots de
bacirctiments et drsquoautre part de fonctions urbaines en grande partie seacutepareacutees contraste avec les
communes voisines plus anciennes rurales et pavillonnaires La ville apparaicirct donc
relativement atomiseacutee son organisation spatiale est constitueacutee de citeacutes-reacutesidences
juxtaposeacutees cloisonneacutees et tourneacutees sur elles-mecircmes geacuteneacuterant des handicaps de
fonctionnement urbain et social les voies et les espaces sont confus les entiteacutes sociales de
reacutesidence sont peu animeacutees Cette configuration apparaicirct dans un cadre urbain dense par
rapport agrave lenvironnement la ville constitue agrave la fin des anneacutees 1990 la cinquiegraveme densiteacute
deacutemographique du deacutepartement lhabitat collectif y est quasi-exclusif avec 910egraveme du parc
de logements tendance toujours favoriseacutee dans les projets de renouvellement et de
reacutenovation urbaine de la municipaliteacute dans les anneacutees 2000
En fait une vocation dominante drsquohabitat social homogegravene semble aussi simposer dans
lrsquoimage mecircme de la ville en 1990 4 758 logements soit 49 de lensemble du parc de
logements sont des logements HLM en 1999 ils repreacutesentent 522 en 2007 lrsquoINSEE
en indique 471 Lessentiel des reacutesidences HLM (91 ) a eacuteteacute construit entre 1968 et 1974
Leur reacutepartition spatiale est concentreacutee autour du centre de la ville cocircteacute zone drsquohabitation de
la commune le grand secteur Ouest de ce territoire comporte en 1999 pregraves de 70 du
logement social (3 123 logements sur 4 519 logements sociaux des principales reacutesidences
occupeacutees avant travaux de renouvellement urbain deacutebuteacutes en 2002) et le secteur EstNord-
est pregraves dun quart (1 142 logements sur 4 519)
Le tableau suivant donne un aperccedilu de cette reacutepartition deacuteseacutequilibreacutee de logements sociaux
dans la ville sur ses deux secteurs principaux Il rapporte la structure de reacutepartition datant de
1999 compleacuteteacutee du nombre de logements deacutemolis (282) dans le cadre de la reacutenovation
urbaine depuis 2007 (le volet construction est en cours sans logements livreacutes encore) Ce
faible volume de deacutemolition fait que sans compter les eacutevolutions de logements vacants et de
construction de petites uniteacutes de logements depuis 1999 la structure actuelle du parc de
123
logements nrsquoest globalement pas modifieacutee 67 de logements sociaux dans le secteur Ouest
(2 841 logements) et 27 dans le secteur EstNord-est (1 142)
Tableau 1- Reacutepartition sectorielle des principales reacutesidences de logements sociaux aux Ulis ndash Base RGP 1999 compleacuteteacutee des logements deacutemolis de la reacutenovation urbaine 2007-
2010
Principales reacutesidences et nombre de logements sociaux par secteurs de la ville (Total= 4 519 en 1999 ndash 282 lgts deacutemolis = 4 237 lgts)
Bailleurs
Grand Ouest 3 123 ndash 282 = 2 841 lgts
EstNord-est 1 142 lgts
Sud Sud-ouest 21 lgts
Sud-est 122 lgts
Centre 111 lgts
OPIEVOY Chanteraine (366)
Toit et Joie Barceleau (583)
Logis-Transports
Chataigneraie (193)
3 F Htes Bergegraveres
(597) Pendant de
Villeziers (86)
Bosquet (621)
Dauniegravere (524-75 = 444)
SCIC Fraisiers (70) Vaucouleur (21)
Amonts (538-104 = 434)
Avelines (443)
LOGIREP Htes Plaines
(400-102 = 298)
EFIDIS Arlequin (36)
OPAC Mt-Ventoux (111)
Sources RGP 1999 ndashService Habitat de la Ville des Ulis ndash Site internet consulteacutee en aoucirct 2010 et en aoucirct 2011
Par ailleurs sur le plan de lrsquoenvironnement territorial celui-ci est marqueacute par le caractegravere
technologique et tertiaire de pointe de deux pocircles drsquoactiviteacute proches qui se confirment
jusqursquoagrave nos jours le technopocircle du plateau de Saclay regroupant des eacutetablissements
drsquoenseignement supeacuterieur et de recherche scientifique et inteacutegreacute plus largement agrave un
124
ensemble de zones drsquoactiviteacutes industrielles et tertiaires de pointe agrave laquelle participe la zone
drsquoactiviteacutes de Courtabœuf des Ulis45 et le pocircle tertiaire de Massy avec des industries de
pointe et un reacuteseau de transport tregraves efficace et ancreacute sur les connexions nationales et
internationales avec les lignes B et C du Reacuteseau express reacutegional (RER) et une ligne du
Train agrave Grande Vitesse (TGV) agrave proximiteacute et en lien avec lrsquoaeacuteroport drsquoOrly En 1999 ces
infrastructures de transport servent en ce qui concerne les deacuteplacements domicile-travail au
pregraves des deux-tiers des actifs ulissiens (635 ) qui travaillent en tregraves grande majoriteacute agrave Paris
ou dans les autres deacutepartements de lagglomeacuteration hors Essonne (5 travaillent dans
lEssonne) le tiers restant travaille dans ladministration sur la ville ou dans la zone
dactiviteacutes de Courtabœuf
La ville appartient au bassin drsquohabitat Massy-Les Ulis cateacutegorie spatiale eacutevolutive non
deacutemographique mais lieacutee agrave la politique de lutte contre lrsquoexclusion sociale et urbaine deacutefinie
par les preacutefectures et les directions de lrsquoEacutequipement pour programmer les aides de lrsquoEacutetat en
matiegravere de logement46 En 2006 elle est composeacutee de 24 communes Ballainvilliers
Biegravevres Bures-sur-Yvette Champlan Chilly-Mazarin Eacutepinay-sur-Orge Gif-sur-Yvette
Gometz-le-Chacirctel Igny Les Ulis Longjumeau Massy Morangis Orsay Palaiseau Saclay
Saint-Aubin Saulx-les Charteux Vauhallan Verriegraveres-le-Buisson Villebon-sur-Yvette
Villejust Villiers-le-Bacirccle Wissous
En mars 2009 la ville a reccedilu lrsquoapprobation de sa demande drsquoadheacutesion agrave la Communauteacute
drsquoagglomeacuteration du Plateau de Saclay (CLAPS) regroupant dix communes (96 800
habitants) du nord-ouest du deacutepartement autour de Saclay Bures-sur-Yvette Gif-sur-Yvette
Gometz-le-Chacirctel Igny Orsay Palaiseau Saclay Saint-Aubin Vauhallan Villiers-le-Bacirccle
Enfin Les Ulis appartient au plus peacuterimegravetre de lrsquoOpeacuteration drsquointeacuterecirct national (OIN) Massy-
Palaiseau-Saclay-Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines mise en place par le Comiteacute
interministeacuteriel drsquoameacutenagement et de compeacutetitiviteacute des territoires (CIACT) le 6 mars 2006
cette OIN regroupe 28 communes associeacutee agrave un projet plus vaste de regroupement de 49
communes (regroupant six EPCI dont la CLAPS agrave laquelle appartient Les Ulis) dans un
45 Les autres communes de cet espace comprenant plusieurs zones drsquoactiviteacutes de pointe sont Massy Palaiseau Chacirctenay-Malabry Veacutelizy Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines Trappes Villebon et Villejust 46 Cette cateacutegorie territoriale dans le champ politique est instaureacutee par la loi drsquoorientation relative agrave la lutte contre les exclusions du 29 juillet 1998 Elle sert donc agrave deacutesigner des territoires concerneacutes par lrsquoexclusion urbaine Elle est deacutelimiteacutee selon des critegraveres tenant compte des structures et de proceacutedures preacuteexistantes sur les territoires former un territoire de plusieurs communes contigueumls dont lrsquoune au moins compte plus de 5 000 habitants avec un parc de logements sociaux drsquoau moins 20 comporter une ou plusieurs ZUS ecirctre reacutealiseacute agrave la demande de la majoriteacute des maires du territoire des communes agglomeacutereacutees ougrave existent drsquoimportants deacuteseacutequilibre de peuplement
125
mecircme eacutetablissement public drsquoameacutenagement afin drsquoorienter le deacuteveloppement eacuteconomique
en relation avec les activiteacutes scientifiques de pointe du territoire
Du point de vue sociodeacutemographique en 1982 selon lrsquoINSEE (Bessy 1990) les Ulis fait
partie des espaces des classes techniciennes et qualifieacutees caracteacuteriseacutes par la surrepreacutesentation
des ingeacutenieurs et des techniciens des cadres administratifs supeacuterieurs des contremaicirctres des
ouvriers qualifieacutes des professeurs des personnels de services meacutedicaux et sociaux et des
employeacutes de bureau et de commerce Ce poids des cateacutegories supeacuterieures eacutetait lieacute aux
entreprises tertiaires et de haute technologie de lrsquoenvironnement (Plateau de Saclay Orsay
zone drsquoactiviteacutes de Courtabœuf) Mais au tournant des anneacutees 2000 ce profil social moyen-
supeacuterieur a eacutevolueacute dans le sens drsquoune laquo sous-moyennisation sociale raquo le caractegravere
laquo moyen et supeacuterieur raquo de sa structure sociale qui a accompagneacute sa creacuteation et son
deacuteveloppement comme dans le mouvement drsquoensemble de peacuteriurbanisation de lrsquoespace
parisien (Donzelot 2004 Jaillet 2004) sest atteacutenueacute En outre depuis une vingtaine
drsquoanneacutees le revenu moyen sur la commune tend agrave baisser notamment du fait dune
diminution quantitative tant absolue que relative des cateacutegories supeacuterieures une relative
paupeacuterisation sociale srsquoest mecircme engageacutee (cf infra)
Sur le plan socio-urbain lrsquoappropriation de la ville par ses premiers habitants arriveacutes en 1968
est loin drsquoavoir eacuteteacute limiteacutee ou marqueacutee par le manque drsquoinvestissement personnel et
collectif de ceux-ci La premiegravere Association des familles ulissiennes et de ses environs
(creacuteeacutee en 1968) issue des diverses deacutemarches drsquoenquecircte et de peacutetitions pour deacutevelopper les
premiers eacutequipements de la premiegravere reacutesidence fut rapidement suivie dans les anneacutees 1969-
1970 de la creacuteation drsquoun organe drsquoinvestissement plus important encore lrsquoOffice de gestion
des eacutequipements socio-eacuteducatifs (OGESE) Ce dernier servi drsquoabord de porte-parole des
habitants aupregraves du district (DUBO) pour lrsquoeacutelaboration des eacutequipements avant drsquoen prendre
la gestion de certains En parallegravele fut mis en place en 1971 les Chardons un club de
preacutevention non sans lien avec des problegravemes de deacutelinquance deacutejagrave manifeste des tensions
racistes et des incidents lors des premiegraveres fecirctes communales
LrsquoOGESE centra aussi ses premiegraveres actions en direction des enfants et des jeunes par dans
Une premiegravere Maison pour Tous fut par exemple creacutee en 1972 dans un quartier acheveacute De
leur cocircteacute les organismes constructeurs et bientocirct gestionnaires de logements sociaux creacuteegraverent
eacutegalement des services du mecircme type Maison de quartier avec un animateur suscitant la
creacuteation drsquoune association de locataire ouverture drsquoune antenne drsquoanimation ALFA
(Antenne pour le Logement Familial et lrsquoAnimation des grands ensembles) Sur lrsquoensemble
126
de la ville de 1970 agrave 1973 trois autres associations se sont deacuteveloppeacutees (lrsquoAssociation pour
le Temps Libre lrsquoUnion sportive de Bures-Orsay et le Mille-Club) et des groupes informels
divers se sont multiplieacutes en mecircme temps que des antennes locales de grandes associations
qui se sont installeacutees (associations caritatives et sportives)
Ce mouvement associatif continua de se deacutevelopper tout au long des anneacutees 1970 pour
reacutepondre aux besoins drsquoanimation drsquoactiviteacutes et de services sociaux multiples drsquoune
population atteignant plus de 20 000 habitants en sept ans (20 283 habitants au recensement
de 1975) La plupart des organismes promoteurs installegraverent des services sociaux et
facilitegraverent la creacuteation des associations de locataires des nouvelles reacutesidences qui se
peuplaient De ce mouvement apparurent des feacutedeacuterations drsquoassociations sociales et
culturelles Certains eacutelus du premier mandat (1977-1983) eacutetaient drsquoailleurs issus de ces
organisations Services municipaux et services associatifs eacutetaient pour le moins enchevecirctreacutes
tant le dynamisme associatif poussait au deacuteveloppement et agrave la structuration des services
municipaux
Cependant depuis les anneacutees 1980 un changement de composition sociale de la population
sa paupeacuterisation ainsi qursquoune fonction de releacutegation urbaine de son parc de logements dans la
reacutegion parisienne deviennent assez perceptibles Agrave titre dexemple le service Habitat de la
Ville des Ulis indique en 2003 une part importante de familles monoparentales ayant fait
une demande de logement et qui ont drsquoailleurs toutes eacuteteacute logeacutees selon le service47 22 des
959 demandeurs de logement en 2002 (cf infra) Cette proportion a deacutepasseacute les plus forts
niveaux des anneacutees 1997 1999 et 2000 (entre 19 et 20 ) malgreacute des baisses ponctuelles en
1998 et 2001 agrave 14
Il apparaicirct ainsi que la commune au titre de son appartenance agrave lrsquoenvironnement francilien
subit les aspects neacutegatif de la laquo globalisation tertiaire raquo (Preacuteteceille 1995-b) qui assigne une
fonction daccueil et de logement des plus pauvres de la meacutetropole aux espaces drsquohabitat
social deacutevaloriseacutes comme aux quartiers et aux immeubles anciens deacutegradeacutes des centres villes
Ces espaces se polarisent avec des cateacutegories sociales encore plus pauvres tandis que les
espaces les plus riches se polarisent en sens inverse en voyant notamment une grande partie
de leurs anciens et nouveaux habitants devenir encore plus riche Les caracteacuteristiques
anteacuterieures de la structure sociale se sont accentueacutees ainsi que les hieacuterarchies socio-urbaines
et les ineacutegaliteacutes de conditions drsquoexistence par conseacutequent la lisibiliteacute des effets de la
47 Service Habitat de la mairie des Ulis (2003) Bilan dactiviteacutes 2002 Mairie des Ulis
127
releacutegation dans les zones drsquohabitat social et les quartiers anciens deacutegradeacutes srsquoest accrue
(Madoreacute 2004) En ce sens lrsquoimage des Ulis agrave lrsquoinstar des autres quartiers de ce type surtout
en reacutegion parisienne se ternit
Cette eacutevolution apparaicirct agrave bien des eacutegards comme lrsquohistoire drsquoune anticipation mal appliqueacutee
En effet dans un environnement reacutegional plutocirct favoriseacute lrsquoenjeu de deacuteveloppement de la ville
des Ulis avait eacuteteacute avant mecircme sa creacuteation comme commune en 1977 drsquoeacuteviter la
laquo deacutequalification raquo par la dispariteacute socio-urbaine avec les communes voisines (CREPA
1991) Cependant les limitations de volume sur les bacirctis et les efforts drsquoameacutenagement
paysager nrsquoont pas reacuteussi agrave enrayer avec la crise eacuteconomique et sociale persistante les
manifestations croissantes de multiples laquo deacutesordre urbain raquo (Wacquant 1993) au sein de son
grand parc drsquohabitat avec les deux principaux secteurs drsquohabitation HLM de la ville qui sont
seacutepareacutes drsquoune courte distance par le petit centre-ville qui ne joue pas son rocircle fonctionnel Les
donneacutees recueillies et preacutesenteacutees infra montrent que des tensions sociales et civiles se sont
accumuleacutees avec lrsquoaugmentation du nombre de meacutenages pauvres preacutecaires ou en difficulteacutes
sociales le deacuteveloppement de la deacutelinquance de certains jeunes et les deacutegradations
continuelles de certaines parties du bacircti et de lespace public La mauvaise reacuteputation de la
ville srsquoest de ce fait parallegravelement deacuteveloppeacutee
Les villes voisines du deacutepartement ayant les mecircmes caracteacuteristiques sociales et urbaines
(classes moyennes techniciennes et intermeacutediaires de grandes industries et drsquoautres
cateacutegories moyennes salarieacutees du secteur public logeacutees dans des grands ensembles
drsquohabitation) ont preacutesenteacute une destineacutee semblable Par exemple Isa Adeghi et Nicole Tabard
(1990) avaient deacutejagrave constateacute dans une eacutetude concernant Corbeil-Essonnes que des populations
pauvres du deacutepartement sont concentreacutees dans certains de ces espaces urbains comme Eacutevry
Massy Grignyhellip produit par la politique de densification urbaine de la banlieue avec des
grands ensembles Ce type de communes urbaines du deacutepartement apregraves des anneacutees de crise
eacuteconomique et sociale de modifications des profils des meacutenages reacutesidents et de releacutegation
urbaine semblent se transformer en espaces de laquo classes moyennes et modestes raquo pour imiter
en partie la cateacutegorisation statistique de lrsquoINSEE que les actifs soient salarieacutes ou au chocircmage
Mecircme plus ils pourraient ecirctre baptiseacutes espaces de classes moyennes et modestes preacutecariseacutees
voire exclues pour reprendre cette fois-ci Franccedilois Dubet (1999) qui eacutevoque les laquo classes
moyennes proleacutetariseacutees raquo agrave propos des habitants des quartiers populaires
Cette tendance srsquoest confirmeacutee dans le temps ce qursquoa montreacute lrsquoeacutetude de lrsquoINSEE eacutevoqueacutee
dans la partie probleacutematique plus haut (Martin-Housard Tabard 2003) dans la quasi-totaliteacute
128
des espaces urbains la preacutesence de laquo quartiers de chocircmeurs raquo est nette sur le plan statistique
La cateacutegorie drsquoespace social de la ville des Ulis est concerneacutee par cette eacutevolution (Martin-
Houssard Tabard 2003) elle relegraveve de ces espaces de laquo classes moyennes techniques et de
commerce de gros raquo localiseacutes surtout en Icircle-de-France agrave 50 comme Les Ulis Massy
Savigny-sur-Orge Eacutevry Chelles ou Gagny ndash et dans beaucoup de banlieues des grandes
agglomeacuterations de province (agrave 22 )48 Les espaces de releacutegation des quartiers sociaux se
situent donc agrave proximiteacute des couches moyennes restantes dans ces espaces et issues du
premier mouvement de peacuteriurbanisation de lrsquoespace francilien pendant le dernier quart du
XXe siegravecle Elles peuvent drsquoailleurs elles aussi srsquoecirctre trouveacutees paupeacuteriseacutees si elles ont subies
des problegravemes drsquoemploi et des seacuteparations conjugales Ce qui a neacutecessairement infleacutechi la
dynamique de structuration socioculturelle de leur espace lieacutee agrave la peacuteriode drsquoavant la crise
eacuteconomique et sociale
Drsquoautres auteurs rapportent que se constituent des entiteacutes diversifieacutees dans les grands
ensembles de par la preacutesence de groupes de preacutecaires aux situations sociales et des
comportements culturels divers (Baudin Lefeuvre 2002) Ainsi et crsquoest ce qui apparaicirct le
plus important sur le plan urbain les processus de preacutecarisation et drsquoexclusion sociales de
releacutegation socio-urbaine suivi de lrsquoimmobilisation reacutesidentielle des plus pauvres observeacutes
depuis une vingtaine drsquoanneacutees dans plusieurs zones ou secteurs a abouti agrave des formations
sociales suffisamment stables pour ecirctre rendues visibles par les statistiques sociales
nationales
Aux Ulis donc theacuteoriquement ou plutocirct statistiquement comme dans drsquoautres communes
comprises dans cette cateacutegorie moyenne et supeacuterieure drsquoespaces socio-urbains trois types de
quartiers et de groupes sociaux peuvent coexister des cateacutegories supeacuterieures du tertiaire
(cadres et professions libeacuterales) des cateacutegories hautes moyennes et modestes des activiteacutes
techniques (ingeacutenieurs professions intermeacutediaires et employeacutes administratifs) et des
chocircmeurs nombreux des activiteacutes administratives et commerciales et de services aux
particuliers avec des personnels en activiteacute dans les domaines des services directs aux
particuliers (restauration-cafeacute services aux personnes)
48 Trois types drsquoespace diffeacuterents sont ainsi identifieacutes agrave lrsquointeacuterieur de cette grande cateacutegorie drsquoespace (agrave partir de 50 de cateacutegories sociales et professionnelles speacutecifiques) 1 les laquo espaces tertiaires raquo avec des professions libeacuterales et des cadres tertiaires et drsquoentreprise 2 les espaces drsquo laquo activiteacutes techniques raquo avec des ingeacutenieurs en chimie travaux publics des professions intermeacutediaires drsquoentreprises et 3 les espaces du laquo chocircmage tertiaire raquo regroupant des chocircmeurs intermeacutediaires et des employeacutes administratifs et commerciaux drsquoentreprise des personnels de services directs aux particuliers et enfin des actifs non chocircmeurs des services directs aux particuliers (cafeacutes-restaurants services aux personnes) Ces espaces de classes moyennes sont donc assez heacuteteacuterogegravenes
129
Cette description est donc fortement composite puisqursquoil reacuteside autant de pauvres que de
riches dans ces espaces et elle renseigne insuffisamment sur la speacutecificiteacute locale du profil
social de la commune par rapport agrave drsquoautres communes appartenant agrave cette mecircme cateacutegorie
drsquoespace socio-eacuteconomique Cependant de toute eacutevidence aux Ulis comme dans les
communes de ce type drsquoespace une correacutelation avec lrsquoaccroissement de la population pauvre
dans la population communale apparaicirct sans toutefois qursquoil soit question drsquoune concentration
spatiale exclusive de celle-ci
Dans ce sens depuis 1996 et cela soutient lrsquohypothegravese de la paupeacuterisation une ZUS a eacuteteacute
deacutefinie la Ville nrsquoeacutetant pas pauvre en raison des recettes lieacutees agrave sa zone drsquoactiviteacutes ce sont
bien les difficulteacutes sociales de la population qui sont ici concerneacutees par cette mesure
drsquoinscription dans la politique de la ville de lrsquoEacutetat Pour les repreacutesentants de lrsquoEacutetat selon les
documents diagnostiques et programmatiques du deacutebut des anneacutees 1990 cette eacutevolution avait
bien fait apparaitre lrsquoenjeu de gestion de ce grand parc social sous deux principaux aspects
1 au niveau interne agrave la commune drsquoabord avec le maintien de la coheacutesion malgreacute
lrsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute sociale croissante de la population et la deacutegradation des rapports sociaux
cette eacutevolution faisant suite aux difficulteacutes sociales des habitants et agrave lrsquoarriveacutee de populations
plus fragiles que les preacuteceacutedentes 2 au niveau supra-local ensuite avec le deacuteveloppement des
deacutemarches intercommunales pouvant œuvrer pour une reacutepartition reacutegionale plus eacutequilibreacutee
des diffeacuterentes fonctions urbaines notamment lhabitat social dans lrsquoespace agglomeacutereacute afin
de favoriser le deacuteveloppement inteacuterieur plus laquo eacutequilibreacutee raquo de la commune
Les eacuteleacutements concrets informant sur la deacutegradation des situations sociales des habitants et des
rapports sociaux dans la ville sont rapporteacutes et traiteacutes apregraves la deuxiegraveme section ci-dessous
consacreacutee agrave lrsquooutil de recueil et drsquoanalyse de ces eacuteleacutements
B- Lrsquoobservatoire local un dispositif strateacutegique de recueil de donneacutees multiples
Cette premiegravere eacutetude a eacuteteacute meneacutee agrave partir drsquoune pratique drsquoanalyse particuliegravere que constitue
la conduite drsquoun observatoire local de 2000 agrave 2004 aux Ulis dans le sud de la reacutegion
parisienne Lrsquoideacutee de creacuteation de ce dispositif eacutemanait du chargeacute de mission de coordination
du conseil communal de preacutevention de la deacutelinquance (assembleacutee de divers professionnels et
intervenants dans ce domaine chargeacutee de deacutefinir une politique commune) mission rattacheacutee
administrativement agrave la direction geacuteneacuterale de la Ville financeacutee par des creacutedits partageacutes entre
130
lrsquoEacutetat le Conseil geacuteneacuteral et la Ville Sur le plan professionnel cette deacutemarche originale plus
socialiseacutee que drsquoautres pratiques habituelles drsquoenquecircte requiert une adaptation des critegraveres de
scientificiteacute Dispositif-outil drsquoanalyse continue drsquoun territoire local par le biais de lrsquoeacutechange
et du partage drsquoinformations multiples et varieacutees entre diffeacuterents acteurs sa creacuteation est
motiveacutee en geacuteneacuteral par le sentiment drsquoinsuffisance et drsquoinadaptation des donneacutees disponibles
issues souvent de sources nationales Lrsquoorientation des travaux de ce dispositif axeacutee sur la
repreacutesentation de plusieurs dimensions de la preacutecariteacute sociale veacutecue par les habitants de la
ville est agrave la base de la conception du choix du thegraveme drsquoensemble de cette recherche les
formes contemporaines des ineacutegaliteacutes sociales et leurs manifestations socio-spatiales eacutetudieacutees
au niveau de villes-communes de grand ensemble drsquohabitat
La meacutethodologie est orienteacutee de maniegravere agrave srsquoappuyer sur lrsquoexpeacuterience et les repreacutesentations
des acteurs pour recueillir des informations les traiter et les interpreacuteter les probleacutematiques
drsquoinformation et de connaissance doivent ecirctre communes agrave une partie principale drsquoentre eux
les donneacutees sont reacutecolteacutes selon un meacutecanisme de demande-fourniture drsquoinformations aupregraves
des acteurs compeacutetents et croiseacutees agrave drsquoautres sources extra-locales et expertes les analyses
sont reacutealiseacutees en fonction des objectifs et des besoins de connaissances et les reacutesultats sont
preacutesenteacutes en reacuteunions theacutematiques agrave des fins de validation drsquoassimilation drsquointerpreacutetation et
de reacuteflexion pour leurs actions (avec le deacuteveloppement drsquointerrogations nouvelles pour
orienter de nouvelles demandes drsquoinformations)
Les observatoires ont une histoire qui consacre lrsquoengagement de travaux scientifiques sur des
territoires locaux en relation avec les preacuteoccupations de connaissance des acteurs concerneacutes
Rappelons en effet que les professionnels recruteacutes pour ce type de dispositif le sont moins en
raison drsquoune expertise ou drsquoune fonction drsquolaquo intellectuel organique raquo qursquoils pourraient tenir
mais plutocirct dans le but de participer scientifiquement aux deacutebats concernant des questions
locales (Soulet 1996) en laquo inscrivant des faits dans un cadre intelligible en vue de
transformer peu ou prou la reacutealiteacute sociale raquo (Castel 1996 p 53) Il srsquoagit ainsi de savoir
combiner validiteacute et efficience de la production et de la diffusion de connaissance au service
de politiques locales Une reacuteflexion drsquoordre historique et eacutepisteacutemologique centreacutee sur ce type
de deacutemarche scientifique proche de lrsquoaction politique mais aussi technique pour divers
professionnels de champs drsquointervention speacutecialiseacutes (eacuteconomie action sociale eacutecologie
habitat-logementhellip) a permis de formaliser les modaliteacutes de cette adaptation des principes
scientifiques (Chebroux 2007)
131
Sur le plan eacutepisteacutemologique cette deacutemarche suit une eacutethique scientifique pragmatique telle
que preacuteconiseacutee et analyseacutee par Castel et Soulet il y a plus de vingt-cinq ans (Castel Soulet
1985) Ils en distinguent cinq caracteacuteristiques 1 le deacuteplacement partiel du champ de
leacutegitimation scientifique en prenant en compte le point de vue des acteurs 2 lrsquoexistence
drsquoune demande sociale comme base de travail 3 une relative socialisation dans lrsquoexercice de
la recherche entraicircnant une diminution de la temporaliteacute du circuit drsquoinscription des
connaissances dans le social 4 la production de connaissances sur la base de la
confrontation de logiques sociales heacuteteacuterogegravenes 5 un deacutepassement du cloisonnement des
tacircches entre praticiens et professionnels des sciences sociales Un critegravere de validation sociale
neacutecessaire agrave la validiteacute des meacutethodes de recherche qualitative (Pailleacute 2004) peut srsquoappliquer
de deux maniegraveres drsquoune part la soumission systeacutematique des interpreacutetations au deacutebat et agrave la
reacutevision aupregraves des publics non scientifiques et drsquoautre part la recherche de convergence des
reacutesultats avec les perceptions sociales des faits Les connaissances ordinaires et savantes se
recouvrent ici partiellement et srsquoarticulent laquo par un processus continuel de reacutealimentation
reacuteciproque et drsquoamalgame raquo (Corcuff 1991 p 532)
La proximiteacute sociale assumeacutee avec les acteurs pour lrsquoobservation ne doit cependant pas
rompre avec la distance neacutecessaire pour garantir lrsquoindeacutependance du travail scientifique La
neutraliteacute axiologique dans lrsquoanalyse des donneacutees neacutecessite une certaine autonomie
fonctionnelle Aux Ulis la structure drsquoanimation de lrsquoobservatoire eacutetait composeacutee drsquoune part
du responsable de la mission de coordination de la preacutevention de la deacutelinquance qui en eacutetait
lrsquoinstigateur (directement rattacheacute agrave la direction geacuteneacuterale des services) et drsquoautre part du
sociologue recruteacute agrave cet effet Il nrsquoy avait aucune subordination agrave une quelconque mission
opeacuterationnelle particuliegravere qursquoil fallait accompagner Lrsquoautonomie fonctionnelle autorise de
ce fait plusieurs attitudes formelles agrave lrsquoeacutegard des acteurs drsquoun cocircteacute une indeacutependance par
rapport aux influences politiques et ideacuteologiques notamment de la hieacuterarchie institutionnelle
et de lrsquoautre cocircteacute le deacuteploiement drsquoune rigueur scientifique et technique mais aussi drsquoun
esprit drsquoouverture lieacute agrave une exteacuterioriteacute du regard sur le territoire
En revanche lrsquoexploitation des laquo donneacutees locales raquo sur le plan scientifique entraicircne une
collaboration explicite et structureacutee avec les acteurs du fait de la conscience de
lrsquointerdeacutependance et de la circulariteacute fortes des eacutechanges entre les logiques socio-
administratives de ceux-ci et les logiques drsquoanalyse scientifique (Corcuff 1991) Les objectifs
ou les deacutesirs communs de connaissances entraicircnent une sorte de pacte fondeacute sur des
perspectives de travail croiseacute qui conditionne la reacuteussite des collaborations par lrsquoobtention
132
drsquoune richesse drsquoinformations (Beaud 1996) La prise en compte de la diversiteacute des points de
vue eacutelegraveve de ce fait le niveau geacuteneacuteral de connaissance de maniegravere preacutecieuse (Castel 1996)
Cette collaboration dialectique entre acteurs et scientifiques est drsquoailleurs pour les premiers
une condition drsquoeacuteviter toute deacutemarche technocratique ideacuteologique et sans critique aussi
recommandeacutee par Lefebvre (1968 p 118-119) pour lrsquointervention dans des champs sociaux
complexes comme celui de la ville laquo Le mouvement dialectique se preacutesente ici comme un
rapport entre la science et la force politique comme un dialogue ce qui actualise les rapports
laquo lsquotheacuteorie-pratiquersquo et lsquopositiviteacute-neacutegativiteacute critiquersquo raquo La condition de ce dialogue
souhaitable est drsquoeacutetablir une orientation drsquoanalyse commune aux acteurs ouverte agrave leurs
preacuteoccupations cognitives en structurant les questionnements dans ces axes theacutematiques
En facilitant la circulation drsquoinformations heacuteteacuterogegravenes de maniegravere innovante (Mouton 2002)
en dehors des seuls aleacuteas deacutecisionnels lieacutes aux cycles politiques eacutelectoraux (Guillotreau
1998) cette activiteacute est reacutegulatrice voire meacutediatrice en creacuteant un support de relations
sociales et en favorisant lrsquoaccompagnement des acteurs dans leur reacuteflexion alors que les
tensions lieacutees agrave la concurrence et agrave la meacuteconnaissance mutuelle sont toujours vives (Boure
1989 Debordeaux 1996 Donzelot 1996 Nardin 1993) Seule une production collective
par eacutetapes valideacutees deacutemocratiquement et inteacutegrant les points de vue jusque dans les
interpreacutetations heacuteteacuterogegravenes des faits rapporteacutes et de leurs analyses (Mahey 2002) favorisent
la participation libre et peacuterenne des acteurs concerneacutes
Outre des capaciteacutes drsquoanalyse scientifique qui assurent la creacutedibiliteacute du seacuterieux de la
deacutemarche aupregraves des acteurs (reformulation et traduction des preacuteoccupations de savoir des
acteurs en objets plus) le fonctionnement drsquoun tel dispositif repose avant tout sur lrsquoanimation
du processus drsquoobservation collective par des proceacutedures participatives et interactives
constituant un systegraveme interactif de collaboration entre acteurs (Savoye 1996) reacuteunion de
travail eacutechange drsquoinformation discussions et deacutebats collectifs Lrsquoobjectif est de faciliter
lrsquoaccegraves ou de faire circuler lrsquoinformation rechercheacutee en disposant des donneacutees de gestion et en
recueillant et croisant les repreacutesentations des acteurs ce qui est souvent plus fructueux et
parfois plus preacutecis que le recueil aupregraves des personnes concerneacutees En effet en plus des coucircts
souvent reacutedhibitoires des deacutemarches drsquoenquecircte directe celles-ci preacutesentent de nombreux biais
et des deacuteconvenues dommageables (Plouchard 1999 Simonin 1993) en raison du deacutesir de
bien paraicirctre etou de lrsquoinstrumentalisation possible des enquecirctes par les enquecircteacutes (Ghiglione
Matalon 1999)
133
Plus globalement cette approche ne peut se comprendre sans connaicirctre le mouvement
historique drsquoinstitutionnalisation heacuteteacuterogegravene non coordonneacutee et plutocirct libeacuteral des
observatoires locaux Ils srsquoapparentent aux deacutemarches drsquoanalyse des problegravemes sociaux agrave des
fins drsquointervention sur eux enquecirctes deacutemographiques drsquoabord depuis la fin du XVIIIe siegravecle
puis depuis la fin du XIXe siegravecle extension aux questions relatives au laquo social raquo (Donzelot
1994 Martin 1992 Soulet 1996) Dans ces deacutemarches enquecirctes empiriques et questions
theacuteoriques sont articuleacutees agrave lrsquoaction politique et sociale que ce soit sous forme drsquoexpertise
sociale (eacuteclairage sans intervention) de theacuteorie instrumentale (prescription sans agir) ou
drsquoingeacutenierie sociale (analyse pour innover dans le champ social) (Savoye 1996)
Les statistiques sont venues renforcer le creacutedit de ces enquecirctes en se distinguant du
pragmatisme et des laquo agrave peu pregraves raquo du qualitatif (Desrosiegraveres 1993 Martin 1998-a)
Cependant lrsquoinstitutionnalisation lrsquoobservation quantitative au deacutebut du XXe siegravecle a eacutecorneacute
les approches dites laquo globales raquo qui integravegrent le social et lrsquoeacuteconomique en donnant suivant la
theacuteorie keyneacutesienne du deacuteveloppement la primauteacute aux politiques macro-eacuteconomiques Les
politiques sociales eacutetant alors conccedilues via quelques meacutecanismes de redistribution (systegravemes
de protection sociale et de fiscaliteacute) comme une conseacutequence laquo naturelle raquo de la croissance
eacuteconomique Cependant agrave la fin des anneacutees 1960 avec la complexification des socieacuteteacutes en
deacuteveloppement un retour agrave la prise en compte du social et du local srsquoest opeacutereacute en pleine
peacuteriode des Trente Glorieuses avec le laquo mouvement des indicateurs sociaux raquo (Andreacuteani
1979 Delors 1971)
Agrave lrsquoinstar de la planification eacuteconomique de lrsquoapregraves Seconde Guerre mondiale une
planification sociale est mise en œuvre pour divers problegravemes lieacutes peu ou prou au
deacuteveloppement eacuteconomique conditions de vie de certains meacutenages et de certaines cateacutegories
sociales (personnes acircgeacutees jeuneshellip) encombrement urbain exclusion eacuteconomique et
pauvreteacute inseacutecuriteacute pollutionhellip Cependant les outils drsquoanalyse les services et les
organismes drsquoeacutetudes et de recherche ont longtemps manqueacute drsquoutiliteacute directe pour les acteurs
(Boure 1989 Fouquet 1993) Lrsquoenjeu reacuteside dans la capaciteacute agrave pouvoir repreacutesenter une
laquo localiteacute raquo dans la diversiteacute de ses dimensions inteacuteressant des acteurs (vie sociale
eacuteconomique politique et culturellehellip) au deacutetriment drsquoune production perccedilue comme partielle
eacutelaboreacutee pour des politiques nationales agrave des fins de comparaison et drsquoagreacutegation de diffeacuterents
laquo territoires locaux raquo (Desrosiegraveres 1994) Lrsquohistoire de lrsquoeacutemergence des observatoires locaux
est donc lieacutee agrave lrsquohistoire des diffeacuterentes actions des institutions pour srsquoadapter agrave cette
neacutecessiteacute Deux principaux mouvements se sont dessineacutes drsquoun cocircteacute les initiatives multiples
134
et successives de lrsquoINSEE pour diffuser des informations adapteacutees aux acteurs reacutegionaux
sans en perdre pour autant la preacuterogative drsquoeacutelaboration de celles-ci et de lrsquoautre cocircteacute un
mouvement parallegravele diffus et non coordonneacute par la statistique publique de creacuteation
drsquoobservatoires de nature varieacutee et porteacutes par des acteurs locaux
Les premiegraveres deacutemarches srsquoinscrivent dans lrsquohistoire de la deacuteconcentration de lrsquoINSEE agrave
partir de la fin des anneacutees 1960 sous lrsquoimpulsion drsquoacteurs et drsquoorganismes divers inteacuteresseacutes
par le deacuteveloppement territorial et social (Martin 1998-b 1998-c 1998-d) Lrsquoideacutee
drsquolaquo observatoire raquo affleure au tournant des anneacutees 1960 dans les reacuteseaux politico-
administratifs et intellectuels deacutecentralisateurs (Bardet 1998) Avec la Deacuteleacutegation agrave
lrsquoAmeacutenagement du Territoire et agrave lrsquoAction Reacutegionale (DATAR)49 des Observatoires
eacuteconomiques reacutegionaux (OER) sont creacuteeacutes dans chaque laquo meacutetropole drsquoeacutequilibre raquo pour
organiser des rencontres avec les utilisateurs de lrsquoinformation sous administration drsquoun
Comiteacute reacutegional drsquoobservation composeacute de producteurs et drsquoutilisateurs drsquoinformation
Cependant le surcoucirct par rapport aux donneacutees nationales la mauvaise toleacuterance agrave lrsquoerreur
voire lrsquoimpossibiliteacute drsquoapplication drsquoune analyse macro-eacuteconomique au niveau local se sont
opposeacutes agrave cette expeacuterience avec drsquoautres freins exogegravenes tels le manque de projets communs
drsquoobservation aux acteurs locaux et les reacuteticences drsquointellectuels et de professionnels du
secteur social concernant lrsquoinformatisation des donneacutees individuelles ou geacuteographiques
(Willm 1989 Delaporte 1996) Au cours de la deacutecennie 1970 certains OER essaieront le
systegraveme des laquo correspondants locaux raquo (1976-1978) pour se rapprocher des besoins des
utilisateurs mais cela nrsquoa pas suffit agrave ameacuteliorer la creacutedibiliteacute et lrsquoadaptation de lrsquoinformation
des grands services de lrsquoEacutetat (Willm 1989) De mecircme les systegravemes locaux drsquoinformation
rassemblant des eacutequipes locales inter-administratives nrsquoarrivegraverent agrave produire lrsquoinformation
strateacutegique agrave partir drsquointeractions reacuteguliegraveres (Willm 1989 Simonin 1993) Et les eacutetudes
locales de lrsquoINSEE se limitaient encore agrave appliquer les cateacutegories du recensement et des
eacutetudes nationales aux espaces locaux (Willm 1989)
La deacutecentralisation entraicircna lrsquoINSEE dans une autre seacuterie drsquoexpeacuteriences de statistiques locales
et sociales agrave diffeacuterents niveaux administratifs sous lrsquoeffet de deux deacuteterminations de
49 Creacuteeacutee en 1963 la DATAR a eacuteteacute remplaceacutee le 1er janvier 2006 par la Deacuteleacutegation interministeacuterielle agrave lrsquoameacutenagement et agrave la compeacutetitiviteacute des territoires (DIACT) en inteacutegrant les fonctions de la Mission interministeacuterielle sur les mutations eacuteconomiques (MIME) En 2009 elle est redevenue la DATAR avec un changement de termes Deacuteleacutegation interministeacuterielle agrave lAmeacutenagement du Territoire et agrave lAttractiviteacute Reacutegionale en ajoutant aux missions preacuteceacutedentes celle de reacuteflexion prospective et strateacutegique sur les meacutetropoles
135
lrsquoobligation (loi du 7 janvier 1983) drsquoeacutetablissement des statistiques lieacutees agrave lrsquoexercice des
compeacutetences transfeacutereacutees (formation professionnelle et apprentissage urbanismehellip) et des
premiegraveres deacutemarches drsquoeacutevaluation impulseacutees par les corps drsquoinspection de lrsquoEacutetat La
dynamique drsquoadaptation de lrsquoINSEE se poursuit jusqursquoagrave nos jours notamment suite agrave la
deuxiegraveme eacutetape de la deacutecentralisation (2002-2004) accroissant la place de lrsquoinformation dans
les systegravemes drsquoaction publique
Agrave cocircteacute de lrsquoinstitut de statistiques publiques drsquoautres deacutemarches ont favoriseacute la mise en
œuvre de systegravemes drsquoinformation locale poursuivant des objectifs drsquoanalyse localement
eacutelaboreacutes Elles ont eacuteteacute encourageacutees par les premiegraveres lois de deacutecentralisation (Rouchet 1999)
et rendues possibles par les moyens techniques et financiers accrus des collectiviteacutes la baisse
du coucirct de lrsquoinformatique et de la bureautique la hausse de la puissance informatique de
traitement des donneacutees et la diffusion tregraves rapide de la maicirctrise de ses techniques Les
dispositifs sont nombreux heacuteteacuterogegravenes et instables dans le temps (Debordeaux 1996
Delaporte 1996) en raison du changement des situations sociales et des difficulteacutes
relationnelles entre partenaires locaux qui limitent les eacutevolutions drsquoanalyse aux seules limites
des compromis fragiles localement deacutetermineacutes (Donzelot 1996 Delaporte 1996)
Les activiteacutes meneacutees sont geacuteneacuteralement de trois types (Legros 1993) qui se combinent le plus
souvent lrsquoanimation interactive (forums seacuteminaires journeacutees drsquoeacutetudes rencontres-
deacutebathellip) la prescription drsquoeacutetudes et de recherches (programmes et seacutelection des
chercheurs ou consultants) et la collecte de donneacutees aupregraves des acteurs agrave des fins drsquoanalyse
et de diffusion de lrsquoinformation Lrsquooutillage meacutethodologique qui est mis en œuvre deacutepend du
choix des activiteacutes reacutealiseacutees Pour lrsquoobservatoire des Ulis ce sont essentiellement le recueil et
lrsquoanalyse de donneacutees ainsi que lrsquoanimation interactive qui ont eacuteteacute reacutealiseacutees la seconde
activiteacute servant davantage de moyen au service de la premiegravere mais pas seulement puisque la
dimension relationnelle et socialisante est deacuteterminante dans la reacuteussite de ce type de
deacutemarche
Apregraves mon recrutement sur dossier et proposition de modaliteacutes de conduite de lrsquoobservatoire
dans la collectiviteacute territoriale (orientation theacutematique technique et organisationnelle) le
travail a suivi deux principes Drsquoabord la deacutefinition drsquoun cadre conceptuel drsquoobservation ici
celui de la laquo preacutecariteacute-exclusion-pauvreteacute raquo50 selon plusieurs composantes theacutematiques afin
50 Cette orientation srsquoinspire des consideacuterations en cours dans les approches scientifiques et speacutecialiseacutees de ces pheacutenomegravenes (cf supra partie Probleacutematique) Pour le professionnel de la collectiviteacute agrave lrsquoinitiative de la creacuteation de lrsquoobservatoire cette orientation srsquoinscrit dans une conception large de la preacutevention la deacutelinquance la
136
de constituer une structure de recherche drsquoinformations susceptibles de fournir des indicateurs
dans chaque thegraveme difficulteacutes drsquoinsertion professionnelle (sans et sous-emploi) pauvreteacute
des meacutenages difficulteacutes de logement (accegraves jouissance maintien) difficulteacutes drsquointeacutegration
des immigreacutes inseacutecuriteacute civile et difficulteacutes diverses de la vie quotidienne (scolaires
alimentaires sanitaireshellip) cette large approche a eacuteteacute soumise agrave avis contribution deacutebat et
validation aux acteurs pour leur participation agrave lrsquoobservatoire
Le deuxiegraveme principe de travail a eacuteteacute la deacuteclinaison territoriale des indicateurs tant sur la
commune globalement quau niveau duniteacutes dobservation plus petites que sont les reacutesidences
(icirclots reacutesidentiels) ou secteurs dhabitation51 parfois des eacutechelles spatiales plus larges que la
commune (secteurs infra-deacutepartementaux communauteacutes de communes et autres territoires
comme les deacutepartements et les reacutegions) sont utiliseacutees agrave des fins de comparaison de
confrontation et drsquoinformation sur lrsquoeacutevolution des pheacutenomegravenes agrave lrsquoexteacuterieur de la commune
Ainsi lrsquoidentification drsquoindicateurs de difficulteacutes et de preacutecariteacutes sociales srsquoest reacutealiseacutee de
maniegravere interactive agrave partir drsquoobjectifs de connaissance ou drsquoinformation divers dans chaque
thegraveme concerneacute formuleacutes avec les acteurs agrave partir drsquoun niveau de connaissance le plus avanceacute
possible des questions abordeacutees Agrave des fins drsquooptimisation des opeacuterations drsquoanalyse et
drsquointerpreacutetation des donneacutees fournies tous les acteurs eacutetaient inviteacutes agrave accompagner celles-ci
de laquo commentaires drsquoanalyse raquo crsquoest-agrave-dire drsquoeacuteleacutements sur leur signification et leur
contextualisation de leur point de vue voire des analyses plus pousseacutees permettant de les
comprendre et de les expliquer Lrsquoobjectif eacutetant drsquoaccumuler des faits et des points de vue
multiples sur les diffeacuterents objets eacutetudieacutes pour deacutevelopper des analyses exposeacutees de maniegravere
accrue agrave la complexiteacute voire au deacutebat et agrave la critique
Ensuite rapport et synthegravese annuels eacutetaient reacutedigeacutes preacutesentant les connaissances accumuleacutees
dans chaque domaine et constatant leurs eacutevolutions dans le temps produisant ainsi une vision
si ce nrsquoest globale au moins large et syntheacutetique des diffeacuterentes difficulteacutes sociales qui
affectent les habitants sur la commune Les reacutesultats preacutesenteacutes agrave la reacuteunion annuelle pleacuteniegravere
de lrsquoobservatoire ainsi qursquoen groupes theacutematiques plus restreints permettaient de deacutevelopper
de nouvelles probleacutematiques de connaissance pour le cycle suivant de recueil et drsquoanalyse de
preacutevention sociale qui vise lrsquoaction sur les aspects sociaux agrave lrsquoorigine des actes de deacutelinquance et de criminaliteacute (pauvreteacute moneacutetaire et preacutecariteacute eacuteconomique injustice sociale eacuteconomique et juridique releacutegation urbaine manque de protection sociale problegravemes familiaux et eacuteducatifshellip) 51 La structure morphologique de la partie grand ensemble agrave lrsquoorigine de la creacuteation de la ville a eacuteteacute conccedilue selon une composition drsquoicirclots reacutesidentiels juxtaposeacutes et tourneacutes vers eux-mecircmes peu ouverts sur le reste de la ville Ces icirclots forment un deacutecoupage urbain assez net de pregraves de 34 uniteacutes largement utiliseacutees par les services municipaux et les autres acteurs pour deacutecrire le territoire et ses habitants Ce qui constitue un atout dans le processus drsquoobservation code commun aux acteurs sur le local il favorise lrsquoeacutechange agrave ce sujet
137
donneacutees (cycle annuel calqueacute sur le rythme drsquoexercice annuel des actions des acteurs afin que
les donneacutees recueillies eacutemanent des bilans drsquoactiviteacutes les plus reacutecents de ceux-ci
C- La structure sociodeacutemographique et eacuteconomique deacuteclinante de la population
Cette section aborde les principaux traits socio-deacutemographiques et eacuteconomiques de la
population communale Depuis 1982 crsquoest pregraves de 20 de la population qui agrave chaque
peacuteriode intercensitaire quitte la ville et un peu moins qui srsquoy installe Cette tendance est mal
compenseacutee par le solde naturel des deacutecegraves et des naissances puisque ces derniegraveres ont baisseacute
alors que les premiers augmentent avec le vieillissement de la population il y a drsquoailleurs
une hausse spectaculaire du nombre de retraiteacutes Les autres changements de la structure
sociale sont la reacuteduction des cateacutegories supeacuterieures (cadres et professions intellectuelles) et
des cateacutegories infeacuterieures (employeacutes et ouvriers) alors que drsquoautres voient leurs effectifs
srsquoaccroicirctre (professions intermeacutediaires) et parfois tregraves fortement (retraiteacutes familles
monoparentales croissante et meacutenages da faibles niveaux de revenus des meacutenages)
Globalement la sous-moyennisation sociale eacutevoqueacutee par Louis Chauvel (1999) srsquoinstalle
Degraves le milieu des anneacutees 1990 plusieurs eacuteleacutements montrent cette tendance hausse de la part
des familles monoparentales notamment dans le parc social de logement hausse des
meacutenages dont la personne de reacutefeacuterence est au chocircmage et hausse de la part des revenus
faibles et moyens et baisse de la part des revenus supeacuterieurs De ces eacutevolutions eacuteconomiques
et deacutemographiques drsquoensemble la structure sociale de la population locale a subi une
modification Un processus de changement social par rapport agrave une situation anteacuterieure a eacuteteacute
opeacutereacute Il peut ecirctre interpreacuteteacute en termes de deacuteclassement social Les interventions urbaines et
sociales depuis les anneacutees 1980 peinent agrave le juguler
Plusieurs pheacutenomegravenes traduisent ainsi cette eacutevolution en termes de deacutegradation des conditions
sociales drsquoexistence individuelle et collective la hausse de besoins multiples de solidariteacute
eacuteconomique dans la population (avec la croissance de prestations sociales et drsquoactes drsquoaide
sociale sous des formes multiples) la hausse et lrsquointensiteacute des manifestations de deacutesordre
civil ie de deacutelinquance de comportements de violence et dune criminaliteacute au sens large
deacuteveloppant le sentiment dinseacutecuriteacute dans la ville la baisse de la participation associative et
le repli communautariste de certains groupes issus de lrsquoimmigration eacutetrangegravere ou ultra-
marinehellip Ces problegravemes se manifestent en partie ou dans lensemble selon les cas des
138
espaces de la ville contredisant limage positive et dynamique initiale de la ville originelle et
agreacuteable des classes moyennes et ascendantes Des eacuteleacutements significatifs de ce processus de
deacutegradation sociale sont preacutesenteacutes ci-dessous
1 La dynamique de deacutecroissance deacutemographique plus de deacuteparts faibles deacutecegraves
et naissances et vieillissement
Lrsquoeacutevolution deacutemographique de la ville suit une tendance baissiegravere depuis pregraves de trente ans (-
123 de 1982 agrave 2007) ce qui est ineacutedit pour le deacutepartement (+ 217 agrave la mecircme peacuteriode)
et la reacutegion (+ 151 ) Elle paraicirct pourtant dans un premier temps coheacuterente avec leacutevolution
densemble des zones urbaines sensibles (ZUS) sur le territoire national comme la baisse de
6 entre 1990 et 1999 le montre (Le Toqueux 2002) et celle de 23 entre 1999 et 2006
(Chevalier Lebeaupin 2010)
Cependant pour cette derniegravere peacuteriode cinq reacutegions ont leur ZUS en leacutegegravere croissance dont
lrsquoIcircle-de-France (+ 02 ) alors que la ZUS des Ulis continue agrave deacutecroicirctre entre 1999 et 2006
de 43 La situation locale est donc bien singuliegravere Lrsquoexpression de laquo deacutecroissance
deacutemographique post-construction raquo deacutesigne le fait qursquoagrave lrsquoissue de lrsquoachegravevement de leur
construction et de leur premier peuplement complet un pheacutenomegravene de deacutecroissance
deacutemographique srsquoobserve dans les grands ensembles Aux Ulis comme dans les autres grands
ensembles observeacutes
Pendant les trois derniegraveres peacuteriodes intercensitaires agrave partir de 1982 la deacutecroissance pour
lrsquoensemble de la commune est continue et forte drsquoabord de 375 entre 1982 et 1990
ensuite de 52 entre 1990 et 1999 puis de 48 entre 1999 et 2007 (voir graphique et
tableaux pages suivantes) Plus preacuteciseacutement si lrsquoon prend les variations annuelles de la
population la tendance agrave la baisse est en fait la mecircme pendant 17 ans de 1990 agrave 2007 soit -
06 par an
Tableau 1 - Les Ulis ndash Eacutevolution de la population municipale 1968-2007
1968 1975 1982 1990 1999 2007 2008
Population municipale
0 20 316 28 256 27 197 25 781 24 528 24 590
139
Eacutevolution
+ 20 316
+ 7 940+ 39
- 1 059- 37
- 1 416-52
- 1 253- 48
+ 62 + 0
Source INSEE
Les Ulis - Evolution deacutemographique 1968-2007
0
5 000
10 000
15 000
20 000
25 000
30 000
1968 1975 1982 1990 1999 2007
Crsquoest le haut niveau du solde migratoire reacutesidentiel neacutegatif qui en est la principale cause
avec des variations annuelles de ndash 25 entre 1982 et 1990 de ndash 23 entre 1990 et 1999
et de ndash 22 entre 1999 et 2007 De son cocircteacute le solde naturel (naissances-deacutecegraves) avec
lequel le mouvement migratoire interagit pour deacuteterminer lrsquoeacutevolution de la population totale
ne parvient pas agrave le compenser au contraire il a fortement baisseacute apregraves la premiegravere peacuteriode
intercensitaire (1982-1990) pour passer de + 22 par an agrave seulement + 17 par an entre
1990 et 1999 Entre 1999 et 2007 il srsquoest mecircme encore un peu reacuteduit avec + 16 par an
Ces eacutevolutions reacutesultent de mouvements importants de population comme lrsquoindiquent les
donneacutees pour la peacuteriode 1968-1999 dans le tableau 3 infra (les donneacutees absolues pour 1999-
2007 ne sont pas connues) Crsquoest la baisse du nombre de naissances au niveau du solde
naturel qui est la principale cause de lrsquoaccentuation de la baisse de la population totale entre
les deux peacuteriodes 1982-1990 et 1990-1999 En effet la variation du seul solde migratoire est
devenue fortement neacutegative agrave partir de 1982 - 5 502 personnes de 1982 agrave 1999 et - 5 424
personnes de 1990 agrave 1999 alors que le solde eacutetait positif de 1975 agrave 1982 (+ 4 545
personnes) et que entre 1968 et 1975 la ville a eacuteteacute peupleacutee agrave sa creacuteation par 20 316
personnes srsquoy installant
Tableau 2 - Structure de lrsquoeacutevolution deacutemographique 1968-2007 (en chiffres relatifs)
140
1975 agrave 1982 1982 agrave 1990 1990 agrave 1999 1999 agrave 2007
Variation annuelle moyenne de la population en +48 -05 -06 -06
due au solde naturel en +21 +20 +17 +16
due au solde apparent des entreacutees sorties en +27 -25 -23 -22
Taux de nataliteacute en permil 229 223 194 187
Taux de mortaliteacute en permil 23 23 26 30 Source INSEE
Et crsquoest surtout avec le solde naturel plus faible de 1990 agrave 1999 (4 012) que de 1982 agrave
1990 (4 443) que la baisse de la population totale srsquoest accrue drsquoune peacuteriode agrave lrsquoautre En
effet malgreacute lrsquoatteacutenuation du solde migratoire neacutegatif de grande ampleur entre les peacuteriodes
1982-1990 et 1990-1999 (78 individus de moins - 145 ) crsquoest surtout le deacuteficit de
naissances entre ces deux peacuteriodes (- 318 naissances) accentueacute par la hausse du nombre de
deacutecegraves (113) qui explique la baisse plus forte de la population communale agrave cette derniegravere
peacuteriode (1990-1999) par rapport agrave la baisse de la peacuteriode preacuteceacutedente (1982-1990)
Tableau 3 ndash Structure de lrsquoeacutevolution deacutemographique 1968-1999 (en chiffres absolus)
1962-1968 1968-1975 1975-1982 1982-1990 1990-1999
Naissances 0 0 3 783 4 964 4 646
Deacutecegraves 0 0 388 521 634
Solde naturel 0 0 3 395 4 443 4 012
Solde migratoire 0 20 316 4 545 -5 502 -5 424
Variation totale 0 20 316 7 940 -1 059 -1 412 Source INSEE
Ce deacutepeuplement contraste avec les tendances croissantes tregraves importantes des communes sur
le bassin environnant dougrave le caractegravere neacutecessairement laquo symptomatique raquo de cette
deacutesaffection locale (Acadie 1999) quatre communes proches de la Valleacutee de lrsquoYvette
gagnent 8 de 1982 agrave 1990 et 52 de 1990 agrave 1999 (Palaiseau Villebon-sur-Yvette Orsay
et Gif-sur-Yvette) celles du Plateau connaissent des hausses spectaculaires de 24 entre
1982 et 1990 et de 225 entre 1990 et 1999 (Bris-sous-Forges Forges-legraves-Bains Gometz-
la-Ville Gometz-le-Chacirctel Janvry Limours Marcoussis Nozay Saint-Jean-de-Beauregard
Villejust) enfin lrsquoarrondissement total de Palaiseau et mecircme le deacutepartement de lrsquoEssonne
141
connurent eacutegalement une croissance globale respectivement de 5 et de 4 de 1990 agrave
1999 Seule la ville de Grigny construite pour lrsquoessentiel de 1967 et 1971 avec deux vastes
grands ensembles La Grande Borne (3 981 logements) et la deuxiegraveme plus grande
coproprieacuteteacute drsquoEurope Grigny 2 (pregraves de 5 000 logements) partage avec Les Ulis ce mecircme
abaissement de sa population entre 1982 et 1999 - 64 pour Grigny et -87 pour Les
Ulis
En revanche alors que Grigny connaicirct un retournement de tendance dans les anneacutees 2000
avec une hausse de 11 de sa population de 1999 agrave 2008 qui ne fait que srsquoesquisser aux
Ulis agrave la fin de cette peacuteriode avec une stagnation Cependant les situations sociales globales
de la population ne sont pas comparables puisque en 2008 le revenu net deacuteclareacute moyen de
Grigny est de 14 736 euro et des Ulis de 20 786 euro soit un niveau aux Ulis supeacuterieur de 41 agrave
celui de Grigny Avec un tel profil social modeste Grigny connaicirct certainement des
dynamiques sociales et de peuplement tregraves diffeacuterentes par rapport agrave celles des Ulis dont celle
de lrsquoentassement des plus pauvres dans les logements et lrsquohabitat deacutevaloriseacutes (les
pheacutenomegravenes de lrsquoheacutebergement et des marchands de sommeil en sont alors des symptocircmes52)
Par ailleurs agrave cocircteacute de mouvements migratoires et naturels deacuteficitaires que paraissent partager
les secteurs et communes examineacutes et caracteacuteriseacutes par un urbanisme de grands ensembles
trois autres effets sur la dynamique deacutemographique de ces espaces ont eacuteteacute repeacutereacutes Dabord
un vieillissement du profil geacuteneacuteral de la population qui reacuteeacutequilibre le rapport des geacuteneacuterations
La part des jeunes de moins de 20 ans rien qursquoentre 1990 et 1999 a diminueacute de 10 tout en
restant encore importante 309 de la population en 1999 (idem en 2008) contre 271
pour le deacutepartement (275 en 2008)
Dans ce sens un eacutequilibrage geacuteneacuterationnel du rapport entre les moins de 40 ans et les plus de
40 ans srsquoest opeacutereacute dans cette deacutecennie de trois quarts de moins de 40 ans et drsquoun quart de
plus de 40 ans le rapport est passeacute agrave deux tiers un tiers Un deuxiegraveme fait notoire est le
passage dans cette deacutecennie agrave une leacutegegravere preacutedominance de la population feacuteminine et agrave une
faible majoriteacute de petits meacutenages De 1990 agrave 1999 les femmes deviennent leacutegegraverement
majoritaires atteignant 503 (tendance se confirmant dans la deacutecennie 2000 avec en 2008
509 de femmes) provenant surtout drsquoun sur-accroissement des femmes de 40 ans agrave 59
ans
52 Cf les articles du journal Le Parisien agrave ce sujet in wwwleparisienfr articles du 02 mars 2004 du 19 mai 2005 et du 20 janvier 2009
142
Concomitamment la taille des meacutenages et des familles qui srsquoobserve sur la commune se
reacutetreacutecit degraves la peacuteriode 1990-1999 du fait drsquoune majoriteacute nouvelle de petits meacutenages de 1 et 2
personnes (503 des meacutenages) La peacuteriode reacutecente preacutesente un prolongement de cette
eacutevolution les meacutenages drsquoune personne seule passent de 248 en 1999 agrave 263 en 2008
(soit une hausse de 6 ) et les meacutenages de famille monoparentale passent de 124 agrave 153
soit une hausse spectaculaire de 234 Ainsi en mecircme temps que la paupeacuterisation et la
reacuteduction quantitative de la population ulissienne se manifestent le vieillissement la
feacuteminisation de la population et le reacutetreacutecissement des meacutenages Les secteurs drsquohabitat social
aux structures de logement le plus souvent conccedilues pour des profils de meacutenages familiaux
(Peillon 2001) restent ainsi permeacuteables aux tendances deacutemographiques socieacutetales Ces
caracteacuteristiques se retrouvent dans les publics des acteurs locaux mecircme dans le champ
social Par exemple en 2001 lrsquoEacutepicerie sociale53 de la ville constate agrave lrsquooccasion de la
distribution de colis alimentaires un eacutelargissement aux meacutenages laquo moyens raquo dans les aides
alimentaires et une preacutepondeacuterance des personnes de plus de 50 ans seuls ou en couple Autre
exemple dans le parc social en 2002 les personnes seules ont repreacutesenteacute plus drsquoun quart des
attributions de logement et presque toutes les familles monoparentales demandeuses (22 )
ont eacuteteacute logeacutees celles-ci eacutetant majoritairement des femmes seules Cependant depuis 1999
le manque de petits logements est manifeste selon le service Habitat qui eacutevoque
explicitement ce problegraveme dans son rapport 2002 Les structures de logement des immeubles
locaux ne sont plus adapteacutees agrave la tendance deacutemographique
Ces eacutevolutions contribuent au changement de profil social de la ville Pour rappel lINSEE
indiquait degraves le deacutebut des anneacutees 2000 que le laquo chocircmage raquo eacutetait un critegravere devenu
incontournable de structuration de lrsquoespace de plusieurs communes urbaines dont fait partie
Les Ulis (Martin-Houssard Tabard 2003) Les chocircmeurs tellement nombreux et concentreacutes
dans certains secteurs constituent des laquo quartiers de chocircmeurs raquo i e y reacutesident en preacutesence
majoritaire Cette diversification sociale entraicircne un changement de stratification socio-
spatiale et drsquoimage locale deacuteveloppement de la preacutesence de cateacutegories pauvres dans certains
quartiers reacutesidentiels et dans les espaces les eacutequipements et les services de la ville
53 Les Eacutepiceries sociales relegravevent des municipaliteacutes ou de leur groupement et sont essentiellement financeacutees par un CCAS ou CIAS avec le concours de lrsquoEacutetat (Action sociale et sanitaire emploi et formation professionnelle) des collectiviteacutes deacutepartementales et reacutegionales drsquoorganismes sociaux (Assurance maladie Caisse drsquoAllocation familiale) drsquoentreprises agroalimentaires et de distribution Il existe aussi des Eacutepiceries solidaires creacuteeacutees par des individus et des associations faisant appel agrave des concours financiers divers
143
Cette analyse peut ecirctre confirmeacutee aux Ulis en appreacutehendant les difficulteacutes drsquoemploi de la
population active Lrsquoutilisation des donneacutees du chocircmage drsquoailleurs est pour ce faire
largement compleacuteteacutee par une analyse des actifs preacutecaires non chocircmeurs Ce qui donne une
image drsquoensemble plus significative des effets de preacutecarisation des actifs ulissiens par la
crise-mutation de la socieacuteteacute
2 La sous-moyennisation de la population
Les caracteacuteristiques des dynamiques de peuplement de la commune modifient la structure
sociale de la population dans le sens drsquoune sous-moyennisation de deux principales
maniegraveres drsquoune part par le biais de la reacuteduction des cateacutegories supeacuterieures et du maintien
voire de la leacutegegravere croissance des professions intermeacutediaires ce qui a pour effet de situer les
revenus moyens de lrsquoensemble des foyers et des foyers imposables sous les revenus des
ensembles sociaux globaux de reacutefeacuterence (France Icircle-de-France et deacutepartement) et drsquoautre
part sous lrsquoeffet du vieillissement de la population qursquoatteste la croissance forte de la part
des retraiteacutes sur la ville
Depuis une trentaine drsquoanneacutees Les Ulis preacutesente un visage diffeacuterent de celui de la fin des
anneacutees 1970 Lrsquoespace ulissien eacutetait deacutefini en 1982 (Bessy 1990) par une surrepreacutesentation
des cateacutegories techniciennes et qualifieacutees (ouvriers qualifieacutes ingeacutenieurs) et des classes
moyennes et supeacuterieures du tertiaire De nos jours les cateacutegories sociales en preacutesence ne
correspondent plus agrave celles de la creacuteation de la ville agrave la fin des anneacutees 1970 Sa cateacutegorie
statistique de profil de commune srsquoest ainsi transformeacutee Pourrait-elle encore faire partie des
laquo Communes en forte expansion de salarieacutes du secteur public et de techniciens raquo comme
Eacutevry et Villiers-sur-Orge selon la classification du deacutebut des anneacutees 1980
Agrave cette eacutepoque ce type drsquoespace repreacutesentait un sous-espace appartenant lui-mecircme agrave la
cateacutegorie plus geacuteneacuterale des laquo Espaces des classes techniciennes et qualifieacutees raquo comprenant
deux autres types de communes agrave part celui des Ulis les laquo Communes drsquoartisans de
contremaicirctres et de salarieacutes de lrsquoindustrie raquo comme Marcoussis et les laquo Communes
drsquoingeacutenieurs et de techniciens raquo comme Orsay et Villebon La cateacutegorie geacuteneacuterale drsquoespace
avec ces trois types de sous-espaces de communes eacutetait marqueacutee selon lrsquoINSEE par une
compeacutetence technique importante les ouvriers par exemple eacutetant souvent plus qualifieacutes
qursquoailleurs
144
Cependant le processus de preacutecarisation professionnelle a engendreacute un changement de la
morphologie sociale de beaucoup de ces espaces dont les Ulis malgreacute une partie encore non
neacutegligeable de classes moyennes voire supeacuterieures dans le parc priveacute Pour rappel lINSEE
indique en 2002 que le laquo chocircmage raquo est devenu un critegravere incontournable de structuration
des espaces (Martin-Houssard Tabard 2003) Une forte preacutesence de chocircmeurs est tellement
concentreacutee dans certains secteurs que ces derniers constituent maintenant des laquo quartiers de
chocircmeurs raquo (preacutesence majoritaire de ceux-ci en leur sein) Lrsquoespace social local a perdu de
son homogeacuteneacuteiteacute il a subi une heacuteteacuterogeacuteneacuteisation du point de vue du statut socio-eacuteconomique
entraicircnant un changement de stratification socio-spatiale locale et de son image
Ce changement est certainement plus localiseacute sur certaines parties de sa structure sociale et
de son espace moins de cateacutegories aiseacutees et reacuteellement moyennes crsquoest-agrave-dire situeacutees
autour des revenus meacutedians plus de retraiteacutes qui remplacent les cateacutegories actives de la
population et encore plus de cateacutegories preacutecaires voire pauvres regroupeacutees dans certains
quartiers ou icirclots de seacutegreacutegation Ce qui entraicircne des effets dans les interactions et les
activiteacutes sociales locales ainsi que dans lrsquousage de lrsquoespace local de ses eacutequipements et de
ses services
Le tableau 4 ci-apregraves concernant lrsquoeacutevolution entre 1990 et 2009 de la structure sociale de la
population des Ulis et de son agglomeacuteration (uniteacute urbaine de Paris) informe que la forme de
la sous-moyennisation locale repose bien sur la nette reacuteduction des cateacutegories supeacuterieures
(inverse agrave la hausse dans lrsquoagglomeacuteration) et sur la preacutepondeacuterance des cateacutegories exeacutecutives
et techniciennes de lrsquoeacuteconomie tertiaire avec une transformation des cateacutegories populaires
rejoignant le profil de lrsquoagglomeacuteration niveau eacuteleveacute et stable pour les professions
intermeacutediaires et leacutegegraverement en baisse pour les employeacutes (alors qursquoen reacutegion parisienne les
professions intermeacutediaire srsquoaccroissent davantage et les employeacutes plus faiblement)
reacuteduction importante des ouvriers et forte hausse des retraiteacutes pour se rapprocher des niveaux
parisiens
Les cateacutegories supeacuterieures ont diminueacute nettement de 1990 agrave 1999 (-98 ) et un peu moins
de 1999 agrave 2009 (-38 de leur part dans la population) Cette perte drsquoeffectifs les eacuteloigne
davantage de leur part dans la structure drsquoagglomeacuteration totale en 2009 ils ne repreacutesentent
plus que 105 de la population contre 175 en reacutegion parisienne soit 60 de cette
proportion Cette baisse entraicircne avec les ouvriers (-128 et -214 ) et aussi avec les
laquo Autres sans activiteacute professionnelle raquo (-186 et -143 ) lrsquoessentiel de la baisse globale
de la population des Professions et cateacutegories sociales (-37 et -25 ) alors qursquoelle
145
progresse pour lrsquoagglomeacuteration parisienne (+73 ) Cela rejoint le constat de la baisse
deacutemographique continue dans un environnement en croissance
Tableau 4 ndash Eacutevolution 1990-2009 de la population des Ulis et de lrsquoUniteacute urbaine de Paris de 15 ans et plus selon les Professions et cateacutegories socioprofessionnelles
(nomenclature INSEE)
Les Ulis Agglomeacuteration
parisienne Professions et Cateacutegories socioprofessionnelles 1999
Eacutevolution 1990-1999 des valeurs
absolues
2009
Eacutevolution 1999-2009 des valeurs
absolues
1999 2009
Ensemble 19 336 100 - 37 18 844 100 -25 7 827 233
100 8 394 997
100
Agriculteurs exploitants 4 0 1 0 2 218 0 2 755 0
Artisans commerccedilants Chefs dentreprises
340 17 + 269 332 18 -23 248 850
32 235 067
28
Cadres et professions intellectuelles sup
2 064 107 - 98 1986 105 -38 1 074 739
137 1 464 133
174
Professions intermeacutediaires
3 320 171 - 02 3 364 179 + 13 1 199574
153 1 369 797
163
Employeacutes 4 700 243 - 01 4 364 232 -71 1 462374
187 1 467 827
175
Ouvriers 3 064 158 - 128 2 407 128 -214 850 271
109 774 563
92
Retraiteacutes 1 752 9 + 964 2 883 153 + 646 1 369 179
175 1 581 080
188
Autres sans activiteacute professionnelle
4 092 (4 392)
212 (-186 ) 3 506 186 -143
1 620 028
207 1 499 774
179
Source INSEE RGP 1999 donneacutees de 1999 avant changement de deacutefinition des populations municipales et compteacutees agrave part Autres sans activiteacute professionnelle cateacutegorie regroupant les chocircmeurs de plus de 15 ans nrsquoayant jamais travailleacute et les inactifs divers autres que retraiteacutes militaires du contingent eacutetudiant et eacutelegraveves de plus de 15 ans les femmes au foyer de moins ou de plus de 60 ans les retraiteacutes de moins de 53 ans les personnes ne geacuterant que leur patrimoine les deacutetenus les personnes vivant drsquoune activiteacute illeacutegale ou de la prostitution
Les professions intermeacutediaires sont resteacutees stables entre 1990 et 1999 et leacutegegraverement
croissantes (+ 13 ) de 1999 agrave 2009 avec une part de pregraves de 18 (179 ) en 2009
encore supeacuterieure au cadre drsquoagglomeacuteration (163 ) De leur cocircteacute les cateacutegories subalternes
continuent entre 1999 et 2009 leur baisse observeacutee de 1990 agrave 1999 de maniegravere plus forte que
dans lrsquoagglomeacuteration globale alors que les ouvriers perdaient pregraves de 13 de leurs effectifs
(- 128 ) entre 1990 et 1999 et qursquoils continuent agrave deacutecroicirctre de faccedilon plus importante entre
1999 et 2009 (- 214 ) les employeacutes perdent un peu plus de 9 pendant cette derniegravere
peacuteriode (- 91 ) alors qursquoils avaient quasiment stagneacute agrave la peacuteriode preacuteceacutedente (- 01 ) En
146
tout la part totale des cateacutegories populaires actives (non retraiteacutees) est passeacute de 401 en
1990 agrave 36 en 2009 (soit une baisse de pregraves de 102 ) se rapprochant leacutegegraverement de leur
part plus faible et diminuant encore dans lrsquoagglomeacuteration (de 296 agrave 267 soit une
baisse de 98 )
Aussi et surtout dans ce tableau deux cateacutegories ont preacutesenteacute une forte hausse drsquoune part
les laquo Artisans commerccedilants et chefs dentreprises raquo avec 340 individus en 1999 et 332 en
2009 rejoignant un peu la part presque deux fois plus importante de cette cateacutegorie dans la
population parisienne (28 en 2009 contre 18 aux Ulis) Cette hausse srsquoest
essentiellement manifesteacutee dans la deacutecennie 1990 (+ 27 ) Un autre rattrapage tregraves visible
est celui des retraiteacutes qui voient leur effectif quasiment doubler (+ 96 ) de 1990 agrave 1999
puis continuer agrave augmenter des deux tiers entre 1999 et 2009 Leur part nrsquoest plus
qursquoinfeacuterieure de 289 de celle de lrsquoagglomeacuteration en 2009 (153 contre 188 ) alors
qursquoelle lrsquoeacutetait de 485 en 1999 (9 contre 175 ) soit pregraves de la moitieacute moins
nombreuse Hausse des artisans commerccedilants chefs drsquoentreprises et surtout des retraiteacutes
compensent ici surtout la baisse des ouvriers et dans une moindre mesure celle des cateacutegories
sociales sans activiteacutes
Lrsquoaugmentation plus vigoureuse des retraiteacutes confirme le constat de vieillissement de la
population locale indiqueacute en introduction (ils sont pregraves de 1 130 individus en plus en 2009
par rapport agrave 1999) Ce pheacutenomegravene est certainement plus visible dans le parc HLM
puisqursquoon verra plus bas que au deacutebut des anneacutees 2000 le nombre drsquoinactifs parmi les
adultes du parc social drsquohabitat eacutetait supeacuterieur agrave celui du parc priveacute la diffeacuterence tient
certainement agrave une plus forte preacutesence de retraiteacutes dans le parc HLM que dans le priveacute En
2009 ils forment une cateacutegorie numeacuteriquement supeacuterieure agrave celle des ouvriers (153
contre 127 ) et agrave celle des cadres et professions intellectuelles (105 ) ce qui nrsquoeacutetait pas
le cas en 1999 contrairement agrave lrsquoagglomeacuteration parisienne (175 pour les retraiteacutes 109
pour les ouvriers et 137 pour les cadres agrave cette date)
Ainsi mecircme si la cateacutegorie des retraiteacutes est forceacutement heacuteteacuterogegravenes en termes de professions
de niveau hieacuterarchique occupeacute et de statut anteacuterieurs leur hausse numeacuterique nrsquoen demeure
pas moins significative avec la baisse importante des cadres dans la commune drsquoune
diminution des revenus des meacutenages concerneacutes et donc des revenus moyens En outre sur le
plan socio-eacuteconomique Chauvel (1999) a indiqueacute que la sous-moyennisation de la
population signifiait aussi et surtout que les meacutenages de cateacutegories moyennes ont des revenus
qui se situent en-dessous des revenus meacutedians Aux Ulis deux indicateurs eacuteconomiques
147
confirment en 2008 la sous-moyennisation sociale et eacuteconomique des groupes sociaux en
preacutesence par rapport aux territoires globaux de comparaison la meacutediane des revenus par
uniteacute de consommation des meacutenages et les revenus moyens des foyers fiscaux En fait les
revenus des cateacutegories moyennes des Ulis apparaissent bien infeacuterieurs aux zones de
comparaison supra-locales (tableau 5 ci-apregraves)
Tableau 5 ndash Revenus deacuteclareacutes nets moyens des foyers fiscaux et meacutediane par uniteacute de consommation aux Ulis et dans les zones de comparaison en 2008 et 2009
Les Ulis Essonne Agglomeacutera-
tion parisienne
Icircle-de-France
France meacutetropolitaine
2008 Donneacutees
2009
Ensemble des foyers 20 786 euro
(20 781 euro en 2009)
28 044 euro 29 916 euro 30 198 euro 23 450 euro
Foyers imposables 28 978 euro
(29 349 euro en 2009)
37 178 euro 42 036 euro 42 144 euro 33 863 euro
Foyers non-imposables 9 883 euro
(9 581 euro en 2009)
10 014 euro 9 311 euro 9 422 euro 9 784 euro
2000 Ensemble des foyers
20 106 euro 25 306 euro ND 28 448 euro ND
Meacutediane des revenus par uniteacute de consommation des meacutenages - 2008
16 433 euro
(16 362 euro en 2009)
22 023 euro 21 292 euro 21 234 euro 18 129 euro
Source INSEE ND information Non disponible
Drsquoabord selon les donneacutees de lrsquoINSEE la meacutediane des revenus des meacutenages des Ulis en
2008 (16 433 euro par uniteacute de consommation) a une position infeacuterieure de plus de 9
(- 93 ) agrave celle de la France meacutetropolitaine (18 129 euro) mais surtout de pregraves de 23
(- 226 ) agrave celle de lrsquoIcircle-de-France (21 234 euro) et de plus de 25 (- 254 ) agrave celle de
lrsquoEssonne (22 023 euro) En 2009 la meacutediane ulissienne qui a leacutegegraverement baisseacute en un an
(16 362 euro) est infeacuterieure de 2315 agrave celle de lrsquoagglomeacuteration parisienne (21 292 euro)
Ensuite les revenus nets deacuteclareacutes moyens de lrsquoensemble des foyers fiscaux (personnes
actives remplissant une deacuteclaration de revenus seules ou avec un conjoint marieacute) reprennent
148
cette structure drsquoeacutecarts relatifs des Ulis (20 786 euro en 2008) par rapport aux zones de
comparaison et de maniegravere plus exacerbeacutee pour les zones plus globales que sont la France
lrsquoIcircle-de-France et lrsquoagglomeacuteration en 2008 lrsquoeacutecart est plus de 11 (114 ) de moins que
la France (23 450 euro) il est leacutegegraverement plus de 31 (311 ) de moins que lrsquoIcircle-de-France
(30 198 euro) et pregraves de 26 (259 ) de moins que lrsquoEssonne (28 044 euro) en 2009 les
revenus nets deacuteclareacutes moyens (20 781 euro qui ont baisseacute en un an) sont de 305 infeacuterieurs agrave
ceux de lrsquoagglomeacuteration (29 916 euro)
Cette structure drsquoeacutecart srsquoest fortement accentueacutee depuis 2000 vis-agrave-vis du deacutepartement
(25 306 euro contre 20 106 euro pour Les Ulis) puisque lrsquoeacutecart infeacuterieur eacutetait de 205 agrave cette
date cela signifie que la hausse de lrsquoeacutecart de 2000 agrave 2008 est de plus du quart (26 ) la
marginalisation deacutepartementale des Ulis est donc croissante et mecircme inquieacutetante agrave ce stade
Vis-agrave-vis de la reacutegion (28 448 euro pour 2008) lrsquoeacutecart infeacuterieur important de 2008 constateacute pour
Les Ulis (31 ) srsquoest en fait leacutegegraverement eacuteleveacute par rapport agrave 2000 (293 ) ougrave il eacutetait deacutejagrave
important Comme lrsquoa montreacute Davezies (2004) crsquoest effectivement au niveau infra-
deacutepartemental que les dispariteacutes territoriales de revenus se deacuteveloppent
En outre avec une part de foyers non-imposables aux Ulis assez nettement supeacuterieure
(429 en 2008) agrave lrsquoIcircle-de-France (365 ) et agrave lrsquoEssonne (336 ) mais infeacuterieure agrave celle
de la France meacutetropolitaine (458 ) les eacutecarts de revenus entre les foyers imposables et
entre les foyers non-imposables de ces entiteacutes soulignent les deux pheacutenomegravenes aux Ulis de
diminution des cateacutegories supeacuterieures et subalternes et de croissance des retraiteacutes aux
revenus plus faibles En effet en ce qui concerne les revenus des seuls foyers imposables les
eacutecarts des Ulis avec la France lrsquoIcircle-de-France et lrsquoEssonne sont respectivement infeacuterieurs
de pregraves de 14 (144 ) drsquoun peu plus de 31 (312 ) et de pregraves de 22 (2205 )
Lrsquoeacutecart ici moins grand avec lrsquoEssonne que pour la meacutediane et les revenus nets moyens de
lrsquoensemble des foyers fiscaux semble indiquer que la faiblesse des revenus des cateacutegories
supeacuterieures et moyennes comme effet partiel de la sous-moyennisation eacutevoqueacutee concerne
aussi le deacutepartement drsquoappartenance des Ulis En ce qui concerne les eacutecarts des revenus des
seuls foyers non-imposables ils sont faibles voire agrave lrsquoavantage des Ulis ce qui illustre la
reacuteduction observeacutee de la part des ouvriers et des employeacutes ainsi que la hausse des retraiteacutes
aux revenus reacuteduits eacutecart quasi nul avec la France (1 de plus) pregraves de 5 de plus que
lrsquoIcircle-de-France (+ 49 ) et un peu plus de - 1 que lrsquoEssonne (- 13 ) Aux Ulis crsquoest
donc bien au niveau de la partie supeacuterieure des revenus qursquoun deacuteficit existe la ville reflegravete
149
davantage la fraction moins fortuneacutee de lrsquoeacutechelle des positions des meacutenages de la structure
globale en eacutetant priveacutee de la partie supeacuterieure de celle-ci
Cette situation de faiblesse geacuteneacuterale de la richesse de la population srsquoobservait deacutejagrave au milieu
des anneacutees 1990 (ACADIE 1999) La moyenne des revenus des meacutenages imposeacutes eacutetait de
pregraves drsquoun tiers de moins que dans les communes avoisinantes (agrave lrsquoeacutepoque le bassin drsquohabitat
drsquoOrsay) 128 000 F (soit 19 512 euro) contre une fourchette de 163 900 F (24 985 euro) agrave 221
400 F (33 750 euro) La mecircme relation avec le deacuteficit des revenus dans les tranches supeacuterieures
eacutetait avanceacutee 21 des meacutenages ulissiens avaient des revenus supeacuterieurs agrave 160 000 F
(24 390 euro) contre 30 dans le deacutepartement de lrsquoEssonne La structure des revenus montrait
bien une polarisation dans les tranches intermeacutediaires 59 des meacutenages avaient des
revenus compris entre 60 et 160 000 F (9 146 agrave 24 390 euro) par an De plus la part des
meacutenages non-imposables eacutetait deacutejagrave bien qursquoinfeacuterieure agrave celle de 2008 (426 ) largement
plus importante aux Ulis (39 ) que pour les autres communes du plateau (29 au
maximum) soit au minimum un eacutecart de plus de 10 points
En 2000 cinq ans apregraves le taux de foyers fiscaux non-imposables srsquoeacutetait leacutegegraverement eacuteleveacute54
40 Il est leacutegegraverement infeacuterieur agrave celui drsquoEacutevry (45 ) mais supeacuterieur agrave Morsang-sur-Orge
(31 ) qui a une structure sociale ouvriegravere plus marqueacutee au deacutepartement (32 ) et agrave
lrsquoIcircle-de-France (35 ) En 2004 le mouvement drsquoextension de la part des foyers non-
imposables aux Ulis gagnait encore quatre points par rapport agrave 2000 pour atteindre 44 des
foyers ce qui repreacutesente une hausse plus forte que celles du deacutepartement (34 ) et de lrsquoIcircle-
de-France (37 ) qui ne sont que 2 points La ville semble rejoindre le niveau national de 48
En 2009 le niveau est leacutegegraverement infeacuterieur de 43 (il semble qursquoil ait leacutegegraverement
fluctueacute agrave la baisse puis agrave la hausse puisqursquoen 2008 il eacutetait de 429 )
Cette logique drsquoextension plus forte que dans les communes voisines de la part des meacutenages
plus modestes traduit lrsquoaccentuation de la paupeacuterisation et du regroupement spatial des plus
modestes dans le mecircme type de commune comme eacutevoqueacute dans la probleacutematique plus haut
(Preacuteteceille 1995-b) Pour prendre un autre exemple que Les Ulis la ville drsquoEacutevry chef-lieu
du deacutepartement de lrsquoEssonne passe de 45 agrave 51 de foyers non imposeacutes entre 2000 et
2004 (505 en 2009) ce qui eacutequivaut agrave une hausse de six points soit deux points de plus
par rapport agrave la hausse constateacutee aux Ulis et quatre de plus par rapport aux hausses
deacutepartementale et reacutegionale Cet accroissement des foyers modestes se veacuterifie drsquoapregraves les 54 Site du gouvernement wwwimpotsgouvfr rubriques laquo Plan du site raquo laquo Documentation raquo et laquo Impocircts des particuliers raquo (puis choix du niveau drsquoaccegraves Deacutepartemental et communal)
150
niveaux de revenus nets moyens de lrsquoensemble des foyers En 2000 la moyenne des revenus
nets des foyers aux Ulis (20 106 euro) eacutetait leacutegegraverement supeacuterieure agrave celle drsquoEacutevry (19 949 euro) et
les deux eacutetaient infeacuterieures de pregraves de 30 agrave la moyenne reacutegionale (28 448 euro) et de pregraves de
20 agrave celle du deacutepartement (25 306 euro)
En 2008 lrsquoeacutecart entre Les Ulis (20 786 euro) et Eacutevry (18 656 euro) srsquoest nettement creuseacute au
deacutetriment drsquoEacutevry passant en 8 ans de 157 euro drsquoeacutecart agrave 2 130 euro soit un eacutecart multiplieacute par 13
Pour rappel Eacutevry est lieacutee comme Les Ulis agrave lrsquourbanisation par la densification de la banlieue
parisienne mais un peu diffeacuteremment sur le type drsquoopeacuteration puisque son deacuteveloppement
srsquoinscrit dans le cadre plus tardif que celui des Ulis de la creacuteation des cinq villes nouvelles
du Scheacutema directeur drsquoameacutenagement et drsquourbanisme de la reacutegion parisienne de 1965
Cependant la forme urbaine produite ne se distingue pas nettement des villes construites
auparavant puisqursquoelle comporte des grands ensembles drsquohabitation aux quartiers disparates
seacutepareacutes les uns des autres et des espaces de production et de services ainsi qursquoun faible
centre-ville comme aux Ulis Le reacutesultat se rapproche de celui de Grigny la paupeacuterisation
et la hausse de la population traduisent un pheacutenomegravene de regroupement des plus pauvres
dans des espaces urbains deacutefectueux et non attractifs
La faiblesse de richesse relative de la population explique ainsi les manifestations multiples
de difficulteacutes eacuteconomiques et sociales des habitants qui peuvent srsquoobserver sur la ville Par
exemple agrave partir de la moitieacute des anneacutees 1990 le service Habitat de la ville constate (rapport
drsquoactiviteacute 2003) des problegravemes croissants pour le maintien dans le logement de certains
habitants drsquoune part les demandes et les beacuteneacuteficiaires drsquoaide au logement ont fortement
augmenteacute jusqursquoau deacutebut des anneacutees 2000 drsquoautre part le nombre de dossiers drsquoexpulsion
suivis en Sous-preacutefecture a eacuteteacute en croissance continue pendant pregraves de dix ans entre 1993 et
2002 (tableau 6 ci-dessous) de 131 en 1993 agrave 223 en 2001 (soit une hausse de 70 ) avec
une leacutegegravere baisse en 2002 (204 soit une baisse de 85 ) Et les expulsions signeacutees ont varieacute
de 14 en 1993 agrave 22 en 2002 (pic de 24 en 1999 preacuteceacutedeacute drsquoun creux un an auparavant de 6)
soit une hausse de plus de 50 (57 ) en dix ans
Tableau 6 ndash Donneacutees relatives aux expulsions aux Ulis de 1993 agrave 2002
151
1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002
Expulsions signeacutees 14 14 15 15 19 6 24 14 21 22
Expulsions reporteacutees selon accords
2 2 3 6 4 1 1 1 2 4
Expulsions reacutealiseacutees avec Concours Force
publique 1 6 9 1 6 0 13 10 15 0
Deacuteparts volontaires 8 6 3 8 9 5 9 3 4 0
Non reacutealiseacutees 3 0 0 0 0 0 1 0 0 2
Nbre de dossiers suivis en
SPreacutefecture pour Les Ulis
131 151 (+153)
189 (+252 )
155 (- 18 )
163 (+ 52 )
179 (+ 98 )
183 (+ 22 )
210 (+ 147 )
223 (+ 6 )
204 (- 9 )
Source service Habitat de la Ville des Ulis
Drsquoautres donneacutees illustrent la deacutegradation de la situation sociale des habitants de la ville agrave la
fin des anneacutees 1990 et au deacutebut des anneacutees 2000 Par exemple toujours du service Habitat il
est indiqueacute que le taux de meacutenages endetteacutes lourds (plus de 1 500 euro agrave une date donneacutee dans
lrsquoanneacutee) dans le parc social de logement est tregraves important dans certains segments de parc
26 dans le programme drsquoun bailleur en 2001 ou encore 29 en 2002 dans celui drsquoun
autre
Par ailleurs si la paupeacuterisation de certains meacutenages relegraveve avant tout des changements de
leur configuration familiale avec les seacuteparations familiales croissantes (Maurin 2002) il est
inteacuteressant de connaicirctre la part des meacutenages de familles monoparentales et leur eacutevolution
qui tirent vers le bas les moyennes des revenus des meacutenages Le tableau 7 ci-dessous indique
que les familles monoparentales ulissiennes repreacutesentent en 2007 des parts tregraves
eacuteleveacutees parmi lrsquoensemble des familles et des meacutenages par rapport aux eacutechelles territoriales
supeacuterieures de reacutefeacuterence Avec lrsquoEssonne lrsquoeacutecart oscille entre + 46 parmi les familles et +
44 parmi les meacutenages Vis-agrave-vis de lrsquoIcircle-de-France lrsquoeacutecart est plus faible parmi les familles
(+ 28 ) mais fort parmi les meacutenages (+ 45 ) Et par rapport agrave la France meacutetropolitaine
lrsquoeacutecart est franchement plus net marquant une speacutecificiteacute spatiale remarquable + 55
parmi les familles et + 68 parmi les meacutenages
152
Tableau 7 - Familles monoparentales aux Ulis en 1999 et 2007 et zones de comparaison
en 2007
Familles
monoparentales Les Ulis
1999
Les Ulis
2007
Essonne
2007
Icircle-de-
France 2007
France
Meacutetropolitaine
2007
Parmi les meacutenages 124 141 98 97 84
Parmi les familles 174 206 141 161 133
Source INSEE
Les diffeacuterentes analyses reacutealiseacutees et lrsquoexamen drsquoexemples sur les revenus et les difficulteacutes
des meacutenages illustrent la convergence des deux repreacutesentations de la structure sociale drsquoune
part celle qui preacutesente les cateacutegories socioprofessionnelles et leur poids relatif en mettant en
avant la stabiliteacute voire la leacutegegravere hausse des professions intermeacutediaires pendant que les
cateacutegories supeacuterieures et subalternes perdent de lrsquoimportance et drsquoautre part celle qui tient
compte des niveaux de richesse et de la configuration des meacutenages qui composent les
cateacutegories de la structure sociale mettant en avant le caractegravere structurel de la faiblesse
relative des revenus des meacutenages notamment parmi ceux des actifs imposeacutes et lrsquoattention agrave
porter sur les meacutenages de familles monoparentales ou de personnes seules en croissance
Le chapitre suivant preacutesente des analyses montrant que dans plusieurs domaines les
difficulteacutes eacuteconomiques et sociales des habitants srsquoaccentuent au tournant et au deacutebut des
anneacutees 2000 Elles deacutecoulent sans aucun doute drsquoune deacutegradation des conditions drsquoexistence
depuis les anneacutees 1980 avec lrsquoextension et lrsquoapprofondissement des pheacutenomegravenes de
preacutecariteacute drsquoexclusion et de releacutegation spatiale
153
Chapitre IV
Des signes importants de preacutecariteacute drsquoexclusion et de tensions sociales
Ce chapitre preacutesente des aspects socio-eacuteconomiques devenus typiques de la question urbaine
contemporaine Il srsquoagit de pheacutenomegravenes ayant pris de lrsquoimportance quantitative dans lrsquoespace
local drsquoabord la preacutesence importante de meacutenages et de personnes preacutecaires
eacuteconomiquement etou fragiles socialement ensuite celle drsquoun ensemble populationnel
heacuteteacuterogegravene issu de limmigration dans les quartiers sociaux et enfin le deacuteveloppement dun
niveau eacuteleveacute de deacutelinquance juveacutenile Dans la plupart des cas les donneacutees se limitent agrave la
peacuteriode 1999-2004 lieacutee agrave la conduite de lrsquoobservatoire local de la Ville Cependant il
apparaicirct que les situations preacutesenteacutees ne constituent qursquoune eacutetape de la tendance agrave
lrsquoaccentuation de la deacutegradation sociale jusqursquoagrave la fin des anneacutees 2000 si lrsquoon tient compte
des grands indicateurs socio-eacuteconomiques deacutejagrave rapporteacutes plus haut ou qui le sont plus loin
dans le cadre de la comparaison entre les communes de grands ensembles (chapitre VI)
revenus structure sociale en cateacutegories socioprofessionnelles chocircmage et preacutecariteacute niveau
de deacutelinquancehellip
En guise drsquointroduction il est preacutesenteacute agrave titre illustratif des donneacutees deacutecrivant la demande de
logement social sur la ville entre 1997 et 2002 (date maximale de donneacutees obtenues du
service Habitat de la Ville avant la fin drsquoexercice de lrsquoobservatoire) lrsquoimportance voire la
croissance des pheacutenomegravenes reacuteveacutelateurs de la preacutecariteacute-exclusion des meacutenages qui cherchent
un logement social aux Ulis sont patents Ils expriment drsquoune autre maniegravere la sous-
moyennisation en cours dans la ville agrave cette peacuteriode
A- La demande de logement social indicateur de releacutegation socio-spatiale locale
Les eacutevolutions du peuplement de la ville et de ses flux drsquoimmigration reacutesidentielle peuvent
ecirctre deacutecrites agrave partir des caracteacuteristiques des demandeurs de logement dans le parc social
notamment des demandeurs reacutesidents agrave lrsquoexteacuterieur de la ville En y ajoutant la description des
demandeurs ulissiens et des entrants finaux dans le parc social de logement il en ressort des
cateacutegories socio-administratives qui esquissent les profils sociaux des personnes concerneacutees
par le pheacutenomegravene dont elles sont le signe la concentration par releacutegation quasi-exclusive
dans le parc social de la ville des habitants modestes et disqualifieacutes de cette partie sud de
154
155
lrsquoagglomeacuteration parisienne Ce que Hugues Lagrange (1995) avait remarqueacute degraves le milieu
des anneacutees 1990 agrave propos de lrsquo laquo assignation agrave reacutesidence raquo des pauvres dans les mecircmes
quartiers en tout cas pour les secteurs qui disposent de structures drsquohabitat favorables agrave
lrsquoaccueil des meacutenages socio-eacuteconomiquement fragiles ou preacutecaires
Selon le Tableau 7 infra concernant la demande de logement social au service Habitat de la
Ville entre 2000 et 2002 les parts de demandeurs exteacuterieurs parmi lrsquoensemble des
demandeurs qui varient entre 900 et 1 000 par an sont plutocirct mineures et en leacutegegravere
deacutecroissance 307 en 2000 265 en 2001 et 24 en 2002 Ces chiffres indiquent que
la seacutegreacutegation ou la releacutegation urbaine correspondent au deacutebut des anneacutees 2000 dans cet
espace drsquohabitat moins agrave un processus de deacuteplacement des plus pauvres et modestes drsquoune
grande zone urbaine (reacutegion parisienne) vers un petit territoire de moindre valeur qursquoagrave un
pheacutenomegravene de mobiliteacute reacutesidentielle interne agrave la commune entre diffeacuterents secteurs
geacuteographiques et diffeacuterents segments et types drsquohabitat de la commune
Ainsi les trajectoires sociales de stagnation voire de deacuteclin ou de deacuteclassement de statut
socio-eacuteconomique srsquoaccomplissent en grande partie dans la commune mecircme si sa reacutegion
urbaine est pourvoyeuse de nombreux demandeurs agrave son endroit Dans ce sens le profil des
demandeurs exteacuterieurs mecircme srsquoils partagent une certaine faiblesse de niveau de vie change
en partie par rapport agrave celui des demandeurs internes sur les plans socio-deacutemographiques
(acircge statut familial et origine ethnique) et de lrsquoactiviteacute professionnelle (lieu de travail) Les
demandeurs exteacuterieurs nrsquoapparaissent pas comme une source de diffeacuterenciation sociale
neacutegative par rapport agrave la demande interne et semble mecircme plutocirct par certains aspects
apporter des caracteacuteristiques positives pour la coheacutesion sociale locale comme la motivation
du rapprochement par rapport au travail tend agrave le montrer
Dans le deacutetail les points de comparaison entre les deux cateacutegories de demandeurs apportent
les reacutesultats suivants Drsquoabord ils sont leacutegegraverement plus acircgeacutes et davantage parents drsquoenfants
avec un travail aux Ulis mecircme ou aux alentours Moins marqueacutes par une origine ethnique
speacutecifique ils recherchent davantage des appartements de grande taille (F5) ou de petite
taille (F1) En effet pour 2001 le service Habitat indique dans ce sens que les exteacuterieurs sont
plus acircgeacutes (entre 30 et 50 ans) agrave 58 contre 37 pour les ulissiens et ont un peu plus des
enfants que les Ulissiens agrave 49 contre 44 Les Ulissiens eux ont agrave 40 moins de 30
ans contre seulement 30 pour les exteacuterieurs Les premiers sont donc plus dans une
dynamique de deacutecohabitation
Tableau 7 - La demande de logement social au service Habitat de la Ville entre 1997 et 2002
1997 1998 1999 2000 2001 2002 Nombre de demandes (fin drsquoanneacutee) Demandes ulissiennes Demandes externes
622 534
771 625
937 649 288
929 683 246
959 729 230
Part des heacutebergeacutes 202 216 266 294 19 155
Part des deacutecohabitants 184 189 175 187 22 155
Part des locataires HLM 435 47 397 353 24
Part du secteur priveacute 10 102 103 13 9 125
Part des meacutenages lt 60 Pla 755 en 1995 776 835 85 88
Part des sans domicile fixe 02
Par des Foyers hocirctels 85
Part des chocircmeurs et inactifs (retraiteacutes pensionneacutes eacutetudiants chocircmeurs)
195 222 203 17 13 20
Part des employeacutes et ouvriers 644 659 69 71 70 67
Part des faibles ressources (lt1144 E) 448 486 399 467 37 ou
51 35
Part des cadres et professions intermeacutediaires 117 119 87 87 13 10
Part des tensions familiales 336 357
Part des personnes seules 309 293 328 407 35 40
Part des familles monoparentales 201 138 206 198 14 22
Part des nationaliteacutes eacutetrangegraveres 30 304 288 295 23 235 Travailleurs locaux (Ulis Courtabœuf BH) 474 479 493 608 60 495 Source service Habitat de la Ville des Ulis Les sont calculeacutes au 31032001 (anneacutee 2000 + 1er trimestre 2001) drsquoougrave la modeacuteration dans lrsquointerpreacutetation de leur eacutevolution depuis 1999 laquo raquo signifie qursquoil y a un problegraveme de fiabiliteacute et de validiteacute des donneacutees selon le service Habitat (systegraveme drsquoenregistrement) Problegravemes de validiteacute et de fiabiliteacute des donneacutees BH bassin drsquohabitat
Deacutefinition des types de demandeurs
Demandes enregistreacutees en mairie demandes des meacutenages habitant et travaillant aux Ulis et au parc drsquoactiviteacutes de Courtabœuf Les demandes enregistreacutees sont tant internes (reacutesidents) qursquoexternes (non reacutesidents aux Ulis)
La demande ulissienne demandeurs reacutesidant aux Ulis
La demande externe demandeurs reacutesidants sur une autre commune que Les Ulis demande enregistreacutee en mairie de meacutenages travaillant aux Ulis transmission par la Preacutefecture car demande eacutemanant drsquoun autre deacutepartement transmission par une autre commune ayant enregistreacutee la demande
Cependant les demandeurs exteacuterieurs sont en plus grande laquo coheacuterence territoriale raquo avec leur
lieu de travail que les Ulissiens puisque celui-ci est plus que pour ces derniers situeacute
davantage aux Ulis mecircme ou dans une commune proche Cet aspect nrsquoest pas neacutegligeable
concernant lrsquoeacuteducation des enfants compte-tenu de lrsquoimportance de lrsquoimpact du temps de
deacuteplacement domicile-travail dans le temps pour les relations intrafamiliales Par ailleurs les
demandeurs exteacuterieurs ne font que limiter une tendance agrave la croissance de la population
ethnique de la ville avec une part leacutegegraverement moins eacuteleveacutee de personnes eacutetrangegravere (19 ) que
pour lrsquoensemble des demandeurs (23 )
Du point de vue des ressources les demandeurs exteacuterieurs ont presque la mecircme proportion
de revenus mensuels infeacuterieurs agrave 1 144 euro que les demandeurs ulissiens (36 contre 37 )
bien qursquoici le service Habitat signale pour lrsquoanneacutee 2001 une incertitude lieacutee agrave un problegraveme
de fiabiliteacute de la donneacutee pour lrsquoensemble des demandeurs Globalement les non-Ulissiens
proviennent plus souvent de lrsquohabitat priveacute (21 contre 11 pour les Ulissiens) mecircme si
cet aspect est moins net puisque beaucoup de demandes deacuteposeacutees ne renseignent pas agrave ce
sujet Le plus souvent ils orientent leur demande davantage pour des logements soit de
petite taille (F1) agrave 195 (contre 75 pour les Ulissiens) soit agrave lrsquoopposeacute de grande taille
(F5) agrave 13 (contre 8 ) bien qursquoici aussi les renseignements sur dossier manquent Les
Ulissiens paraissent rechercher davantage les logements intermeacutediaires (F2 F3 et F4)
Dans un second temps drsquoautres grandes caracteacuteristiques de lrsquoensemble des demandeurs de
logement social ont eacuteteacute eacutetudieacutees pour ce deacutebut drsquoanneacutees 2000 Rapporteacutees en fait agrave la
composition de leur meacutenage lrsquoensemble des demandeurs preacutesentent des ressources tregraves
faibles en grande majoriteacute pregraves de 910egrave des demandeurs (en 2001) en ont drsquoun niveau
infeacuterieur agrave 60 du plafond de ressources deacutefini pour les Precircts locatifs aideacutes (PLA) soit
745 euro par mois agrave cette peacuteriode pour une personne seule (niveau deacutetermineacute pour lrsquoaccegraves aux
logements sociaux et qui est le seuil le plus bas de ressources drsquoentreacutee dans le parc HLM55)
Entre deux tiers et 70 drsquoentre eux sont des ouvriers ou employeacutes entre 1997 et 2002 Les
inactifs ndash retraiteacutes pensionneacutes chocircmeurs et eacutetudiants ndash repreacutesentent 20 en 2002 Seuls 13
sont soit des cadres soit des professions intermeacutediaires 225 sont des familles
55 En 2002 (deacutecret du 28 deacutecembre 2001) le plafond de ressources annuelles pour lrsquoaccegraves en HLM en Icircle-de-France hors Paris eacutetait de 14 891 euro pour une personne seule (21 802 euro en 2009) 22 254 euro pour deux personnes sans autre personne agrave charge (sauf jeunes couples dont la somme des acircges est infeacuterieure agrave 55 ans) (32 584 euro en 2009) 26 751 euro pour 3 personnes ou 1 personne avec une personne agrave charge (ou 1 jeune couple sans personne agrave charge) (39 170 euro en 2009) 32 044 euro pour 4 personnes ou 1 personne seule avec 2 personnes agrave charge (46 917 euro en 2009) 37 934 euro pour 5 personnes ou 1 personnes avec 3 personnes agrave charge (55 541 euro en 2009)
157
monoparentales en 2002 (valeur la plus haute drsquoune fourchette comprise entre 14 et 225
depuis 1997) Pour la premiegravere fois aussi cette anneacutee lagrave des demandes sont enregistreacutees
par des personnes en foyers et en hocirctel (85 ) ou encore sans domicile fixe (1 famille agrave la
rue 02 )
Ainsi le niveau social de la demande est en partie modeste Et pregraves drsquoune fois sur deux elle
est lieacutee agrave des difficulteacutes familiales seacuteparation (pour les familles monoparentales) mais aussi
laquo tensions familiales raquo agrave 35 en 2000 par exemple Drsquoautre part un fait est aussi significatif
du deacuteclassement social croissant qui deacutetermine la demande de logement social Alors que la
demande est en hausse on constate au deacutebut des anneacutees 2000 une forte baisse de la part des
demandeurs reacutesidant en HLM au moment du deacutepocirct de la demande 47 en 1998 alors agrave son
plus haut niveau contre 24 en 2002 soit pregraves de 50 en moins en quatre ans
Il y a donc une hausse de la demande de reacutesidents du parc priveacute ulissien ce qui constitue un
signe de la paupeacuterisation des cateacutegories moyennes Lrsquoaccegraves au parc priveacute pour les plus
jeunes et le maintien dedans pour les plus acircgeacutes en mobiliteacute sociale (gracircce au travail ou aux
relations familiales) ne sont pas aiseacutes Ce constat drsquoeacutevolution est fortement instructif en ce
qursquoil srsquooppose agrave lrsquoa priori que la reprise eacuteconomique de 1997-2001 si elle nrsquoa pu profiter aux
plus en difficulteacutes drsquoemploi situeacutes notamment dans le logement social aurait permis aux
cateacutegories drsquohabitants du parc priveacute de srsquoy maintenir tregraves facilement
Dans ce sens un autre aspect drsquoanalyse concernant les demandeurs de logement social aupregraves
de la Ville confirme la manifestation de difficulteacutes socio-eacuteconomiques importantes de
certains Ulissiens au deacutebut des anneacutees 2000 la diffeacuterence parmi les demandeurs entre les
heacutebergeacutes et les deacutecohabitants Cette analyse permet eacutegalement drsquoappreacutehender les conditions
de vie des Ulissiens car par exemple une forte proportion drsquoheacutebergeacutes parmi les demandeurs
illustre la contradiction entre un parc de logements sociaux doteacute drsquoune image plus ou moins
deacutegradeacutee et la tension sur ce marcheacute qui pousse neacuteanmoins agrave deacuteposer une demande de
logements aux Ulis Les heacutebergeacutes repreacutesentent 294 des demandeurs en 2000 et 155 en
2002 Pour rappel agrave cette derniegravere date la tension sur le marcheacute local se manifeste par la
hausse en un an de la demande (+ 6 ) et une baisse notable des attributions (- 14 ) Le
ratio de marcheacute constateacute y est alors plutocirct faible (113 logements agrave pourvoir pour 100
demandes de logement)
En 2002 heacutebergeacutes et deacutecohabitants repreacutesentent chacun 155 des demandeurs de logement
avec une preacutedominance pour les heacutebergeacutes les quatre anneacutees preacuteceacutedentes de plus de
158
50 environ par rapport aux deacutecohabitants (cf tableau 7 plus haut) Cependant ces deux
cateacutegories de demandeurs de logement doivent pouvoir ecirctre distingueacutees Srsquoil apparaicirct aux Ulis
que les deux partagent pour lrsquoessentiel la mecircme caracteacuteristique de faibles ressources
eacuteconomiques (plus de 90 de leurs effectifs preacutesentent des ressources infeacuterieures agrave 60 du
plafond PLA en 2001) ils diffegraverent sur les plans deacutemographique social et en termes de choix
lieacute au logement
Ces diffeacuterences srsquoexpliquent pour beaucoup par le plus jeune acircge des deacutecohabitants (72 ont
moins de 30 ans contre 28 pour les heacutebergeacutes) mecircme si les heacutebergeacutes sont aussi de jeunes
actifs en majoriteacute ils ont moins de 40 ans agrave 68 Drsquoautre part la part des eacutetrangers est chez
les deacutecohabitants moitieacute moins importante que chez les heacutebergeacutes (21 par rapport agrave 40 )
ils sont moins seuls ou plus en couple mecircme si plus ceacutelibataires et ont moins drsquoenfants La
diversiteacute sociale se situe aussi au niveau de la provenance reacutesidentielle celle-ci est plus
varieacutee pour les deacutecohabitants avec une part du logement priveacute (30 ) plus importante que les
heacutebergeacutes (pregraves de 22 )
Les cateacutegories sociales et professionnelles des deacutecohabitants sont plus diversifieacutees Drsquoabord
la proportion des cateacutegories modestes bien que majoritaire est moins importante chez eux
que chez les heacutebergeacutes avec notamment moins drsquoouvriers 40 drsquoemployeacutes et 38
drsquoouvriers chez les heacutebergeacutes contre 45 drsquoemployeacutes et 21 drsquoouvriers chez les
deacutecohabitants Ces derniers comportent ainsi plus de cateacutegories intermeacutediaires (9 contre 4
pour les heacutebergeacutes) de cateacutegories supeacuterieures (11 de cadres contre 2 ) et drsquoinactifs
retraiteacutes et eacutetudiants (10 contre 4 ) Effet du plus jeune acircge aussi sans doute les
deacutecohabitants apparaissent moins stables professionnellement 51 ont un contrat agrave dureacutee
indeacutetermineacutee (CDI) agrave temps plein contre 62 pour les heacutebergeacutes
Sur le plan du logement rechercheacute les heacutebergeacutes plus acircgeacutes plus seuls mais ayant aussi plus
drsquoenfants (certainement dans un autre logement agrave lrsquoeacutetranger ou dans une autre reacutegion dans le
cas de migrants) recherchent plus fortement des grands appartements (F3 et F4) tandis que
les deacutecohabitants manifestent un peu plus drsquointeacuterecirct pour les petits logements tout en
preacutesentant une demande importante de grands logements (55 recherchent un F1 ou un F2
contre 45 un F3 ou F4 les heacutebergeacutes recherchent agrave 78 un F3 ou F4 et agrave 24 un F1 ou
F2)
Enfin il est inteacuteressant de noter que les deacutecohabitants en forte majoriteacute expriment des
preacutefeacuterences preacutecises de localisation (87 ) et de bailleurs de logement (89 ) alors que les
159
heacutebergeacutes ne sont qursquoune minoriteacute agrave exprimer une preacutefeacuterence de quartier (15 ) par exemple
de maniegravere apparemment contradictoire les deacutecohabitants indiquent rechercher des logements
vers lrsquoest de la ville (43 et 21 pour le nord 15 pour le sud et seulement 8 pour
lrsquoouest qui repreacutesente la ZUS) mais ils marquent une forte preacutefeacuterence agrave pregraves de 50 des
choix pour le bailleur social Groupe 3F implanteacute dans ce secteur Ouest sensible
(certainement du fait des loyers)
De leur cocircteacute les heacutebergeacutes forment une population plutocirct homogegravene deacutemographiquement
socialement et du point de vue de leurs attentes ils sont essentiellement de jeunes actifs de
moins de 40 ans pour une large part drsquoorigine eacutetrangegravere (40 drsquoeacutetrangers) Mecircme srsquoils
travaillent le plus souvent de maniegravere stable (62 ) avec une bonne partie de preacutecaires tout
de mecircme (25 dont 8 de chocircmeurs) ils ont pour la plupart des ressources tregraves faibles
(90 infeacuterieurs au seuil de 60 du PLA) Il est drsquoailleurs inteacuteressant de noter que les
heacutebergeurs sont souvent de condition similaire agrave eux puisqursquoils habitent agrave pregraves de 78 dans
les programmes sociaux de la ville
Neacuteanmoins en tant que population active en grande partie au travail ils sont une cateacutegorie
cible pour le logement social Ils relegravevent ainsi certainement pour une majoriteacute drsquoentre eux
de la cateacutegorie de travailleurs pauvres ou aux bas revenus dont les revenus nrsquoapportent pas agrave
eux-mecircmes et agrave leur meacutenage un niveau de vie suffisant surtout en reacutegion parisienne Ces
situations reacutevegravelent aussi souvent des flux drsquoimmigration par des reacuteseaux migratoires
familiaux etou de diasporas parfois ougrave les liens de connaissance de parentegravele ou
drsquoappartenance ethnique (selon les groupes de migrants) peuvent constituer un facteur
important pour la solidariteacute interpersonnelle
Pour terminer cette partie drsquoillustration de la sous-moyennisation de la structure sociale
ulissienne un dernier aspect a eacuteteacute analyseacute il srsquoagit des flux drsquoentreacutee dans le logement social
Ils ont eacuteteacute 85 en moyenne annuelle en 2001 agrave avoir passeacute le cap des proceacutedures
drsquoattributions chiffre variant entre 5 et 13 par reacutesidence ou bailleurs (regroupant
plusieurs reacutesidences) sans prendre en compte une petite reacutesidence (lrsquoArlequin) repreacutesentant
05 du parc soit 36 logements Dans le cadre de lrsquoobservatoire social il a eacuteteacute engageacute une
analyse cherchant agrave eacutevaluer lrsquoimpact a priori de leur profil dans le peuplement et au niveau de
la vie sociale des reacutesidences des quartiers et de la ville elle-mecircme Une premiegravere remarque
provient de lrsquoobservation des attributions des bailleurs en 2002 reacutealiseacutee par le service Habitat
160
de la Ville Il retient dans son bilan drsquoactiviteacute 2002 trois principaux constats concernant les
profils des entrants dans le parc social
- chez tous les bailleurs preacutesence drsquoune forte proportion de familles monoparentales
laquo relogeacutees raquo (agrave ne pas confondre avec le relogement des opeacuterations de reacutenovation
urbaine)
- importance des meacutenages pauvres malgreacute des contrats agrave dureacutee indeacutetermineacutes (CDI)
souvent preacutesenteacutes
- logement drsquoun tregraves grand nombre de laquo deacutecohabitants raquo
Si la tendance agrave la preacutesence croissante de familles monoparentales etou pauvres semble se
manifester (22 de meacutenages de familles monoparentales et pregraves de 90 drsquoentre elles aux
ressources infeacuterieures agrave 60 du plafond du PLA) allant dans le sens de lrsquoideacutee drsquoun flux de
releacutegation sociale aux Ulis il reste que le grand nombre de deacutecohabitants constitue un point
potentiellement positif en termes drsquointeacutegration sociale locale mecircme si cette entreacutee peut
signifier lrsquoeacutechec drsquoun itineacuteraire reacutesidentiel hors commune et hors segment social ces
personnes beacuteneacuteficient sur place drsquoun potentiel de relations familiales et amicales passeacutees
support de sociabiliteacute large notamment pour les jeunes scolariseacutes dans la commune ce qui
se peut se traduire par des ressources de solidariteacute non neacutegligeables dans la vie quotidienne
Enfin cette situation offre lrsquoavantage drsquoune certaine connaissance acquise concernant les
institutions locales
Les principaux reacutesultats drsquoanalyse des profils des entrants dans le parc social de la ville
corroborent les indicateurs de preacutecarisation eacuteconomique et sociale des meacutenages moyens et
modestes Le tableau 8 reacutesulte drsquoune tentative drsquoeacutevaluation de cet laquo apport social raquo des
entrants dans les reacutesidences sociales de la ville eacutetablie gracircce agrave lrsquoaccegraves aux nombreuses
donneacutees concernant ceux-ci Il montre par exemple que en 2001 les parts de meacutenages
preacutecaires varient de 0 agrave 33 selon les reacutesidences Pour chaque reacutesidence ou chaque
ensemble de reacutesidences par bailleurs une description des entrants a eacuteteacute reacutealiseacutee selon deux
types drsquoindicateurs rassemblant des informations sur leur situation eacuteconomique et sociale
Cette analyse peut ecirctre appliqueacutee chaque anneacutee afin drsquoeacutevaluer lrsquolaquo apport social raquo agrave la
commune ie leurs effets eacuteventuels dans chaque reacutesidence selon les profils eacuteconomiques et
les caracteacuteristiques socio-deacutemographiques reacuteveacutelant une forme de laquo disposition au lien social
local raquo cela en tenant compte aussi des tailles des groupes drsquoentrants proportionnellement agrave
celles des reacutesidences drsquoinstallation et de lrsquoeacutetat geacuteneacuteral des profils des reacutesidents preacutesents
161
162
Lrsquoobjectif eacutetait drsquoappreacutecier les effets a priori des arriveacutees en termes de capaciteacute agrave apporter de
la stabiliteacute socio-eacuteconomique agrave eacutetablir du lien social avec pour les parents lrsquoeacuteducation des
enfants
Ces eacutevaluations constituent une forme drsquoindice syntheacutetique drsquoun laquo apport en coheacutesion
sociale raquo des entrants dans les reacutesidences les quartiers et la ville globalement sachant que la
dimension relationnelle est importante dans les quartiers sociaux sensibles aux questions de
deacutesorganisation et drsquoindiffeacuterence sociales ou encore de deacutereacutegulation des conduites
collectives et individuelles (Paugam 1995) Le tableau 8 infra nrsquoest rapporteacute qursquoagrave titre
illustratif de la meacutethode reacutealiseacutee de regroupement ordonneacute des donneacutees (et de maniegravere
abreacutegeacutee) Car drsquoune anneacutee sur lrsquoautre les profils changent en termes de niveaux de vie et
drsquointeacutegration sociale locale plutocirct positifs une anneacutee il peut ecirctre plus neacutegatifs lrsquoanneacutee
suivante par exemple Le tableau ne preacutesente qursquoune anneacutee de cet exercice drsquoanalyse (2001)
pour illustrer lrsquoeacutetat socio-eacuteconomique au deacutebut des anneacutees 2000 des demandeurs de
logement social aux Ulis
Tout drsquoabord les laquo apports raquo sont assez varieacutes drsquoune reacutesidence agrave lrsquoautre agrave la reacutesidence de la
Chacirctaigneraie par exemple (du bailleur Logis-Transport Nord-estEst de la zone drsquohabitat de
la ville) les actifs demandeurs des cinq meacutenages entrants travaillent tous aux Ulis mais ont
de tregraves faibles revenus (100 sont infeacuterieurs agrave 60 du plafond PLA) alors qursquoagrave celle de
Chanteraine (OPIEVOY mecircme secteur geacuteographique) ils travaillent tous dans les
deacutepartements limitrophes (temps de transport plus long) et 87 ont des revenus infeacuterieurs au
60 du plafond PLA Sur le plan social les dispariteacutes sont aussi nombreuses par exemple
40 des arrivants sont seuls aux Bosquets ou aux Hautes-Bergegraveres contre 15 aux Hautes-
Plaines les familles monoparentales peuvent aussi varier du simple au double avec 175
aux Hautes-Plaines contre un tiers agrave Chanteraine et 31 aux Avelines
Cette analyse multicritegravere permet drsquoeacuteviter des interpreacutetations deacutecaleacutees comme par exemple les
revenus mensuels qui ne sont pas rapporteacutes agrave la taille du meacutenage agrave la diffeacuterence de
lrsquoestimation des ressources par rapport au plafond PLA Cette eacutetude confirme le caractegravere
preacutedominant des difficulteacutes eacuteconomiques et sociales des meacutenages qui srsquoinstallent dans le
logement social au tournant des anneacutees 2000 aux Ulis Trois cateacutegories ressortent plus
nettement 1 les familles monoparentales 2 les meacutenages drsquoactifs occupeacutes mais pauvres
avec un contrat de travail en CDI dans la plupart des cas mais des ressources familiales
infeacuterieures au 60 du plafond PLA 3 une part importante des eacutetrangers avec 30 agrave 35 de
part des entrants dans les trois cas ougrave ils sont mentionneacutes (pour 6 reacutesidences)
Tableau 8 - Eacutevaluation de lrsquo laquo apport social raquo des meacutenages entrants dans les reacutesidences sociales de la ville - 2001
Bailleurs Reacutesidences Total Lgts
Meacutenages entrants
Nbre Profil eacuteconomique Profil social
Nord-estEst de la ville
- Efidis Arlequin 36 2 05 Pas de donneacutees fournis
- OPAC Ventoux 111 15 135 ⅓ ont des revenuslt60 Pla 80 sont en CDI Pas de revenus lt 1144 euromois
Moins de 30 ans plus de deacutecohabitants dont 13 de la reacutesidence ⅓ sont seuls 40 travail aux Ulis
- Opievoy Chanteraine 366 22 6 87 sont lt60 Pla 14 sont lt1144
eurom 82 CDI 33 de familles monoparentales 20 issus de la
reacutesidence travail deacutepartements limitrophes surtout
- Logis- Transport
Chacirctaigneraie 196 10 5 100lt60 Pla 20lt1144 euro m
100 CDI
30 familles monoparentales 18 issus de la reacutesidence 30 eacutetrangers 40-50 a en majo
travail Ulis pour tous
- Toit et Joie Barceleau 583 47 8 77lt60 Pla 17lt1144 euro m 6
chocircm 85 CDI 28 familles monoparentales 15 perso seules travail Ulis majoriteacute 17 issus de la reacutesidence
Ouest de la ville
- Logirep Hautes-Plaines
400 40 10 80lt60 Pla 25lt1144 euro m
75 CDI 125 chocircm 40 de 18-30a 175 familles monoparentales
15 seuls travail Ulis principalement
Amonts 538Avelines 444Fraisiers 70- SCIC
Vaucouleur 21
75 7 Ressources faibles Amonts 57lt1144 euro m Avelines 25lt1144 euro m + 3
de chocircmeurs 80 en CDI
Amonts ⅓ perso seules 12 issus de la reacutesidence Avelines 31 familles monoparentales 6 issus
de la reacutesidence Pour toutes les reacutesidences ⅓ eacutetrangers travail UIis + deacutepartements limitrophes
Source service Habita Ville (Bilan drsquoactiviteacute 2002) pour information les reacutesidences sociales ne se situent qursquoau Nord-estEst de la zone drsquohabitat de la ville ainsi qursquoagrave lrsquoOuest de celle-ci
t de la
Dauniegravere 522Bosquet 621Hautes- Bergegraveres
596 - Groupe 3F
Pendant de Villeziers
86
176 95 Ressources laquo moyennes raquo en majoriteacute
en CDI Bosquet 13 drsquoinactifs Pendant de Villeziers 15 inactifs
Bosquet et Htes-Bergegraveres env 40 personnes seules beaucoup de 18-30 a Dauniegravere + Bosquet
20 familles monoparentales Bosquet 35 eacutetrangers
Nota Lecture du tableau
Pour chaque reacutesidence les profils des entrants sont indiqueacutes selon deux dimensions eacuteconomique (niveau de vie des meacutenages selon seuil meacutedian des revenus rapport au plafond de ressources du Precirct locatif aideacute (PLA) et nature du contrat de travail (CDI ou non si activiteacute salarieacutee)) et sociale conccedilue comme drsquoune part la capaciteacute agrave eacutetablir du lien social (acircge en comptant sur le dynamisme de la jeunesse lieu de travail (aux Ulis ou proche) preacutesence de parents ou pas dans la ville et ancienneteacute de la vie dans celle-ci) et drsquoautre part la capaciteacute drsquoeacuteducation des enfants sans freins familiaux et professionnels (configuration parentale agrave la maison et travail aux Ulis ou agrave lrsquoexteacuterieur selon des donneacutees sur la tranche drsquoacircge drsquoappartenance la composition familiale (couple personne seule ou famille monoparentale) le motif de changement de logement (deacutecohabitant ou non) la reacutesidence de provenance et le lieu de travail) Dans le tableau il est agrave chaque fois rapporteacute les caracteacuteristiques principales (majoritaires) des entrants
163
Par exemple pour la reacutesidence du Ventoux de lrsquoOPAC (secteur Nord-estEst de la ville) en sigle et abreacuteviation parfois pour gagner de lrsquoespace drsquoeacutecriture un tiers des entrants ont un revenu infeacuterieur agrave 60 du plafond du PLA (⅓lt60 PLA) 80 sont en CDI et aucun nrsquoa un revenu infeacuterieur agrave 1 144 euro mois ce sont surtout des jeunes de moins de 30 ans en majoriteacute des deacutecohabitants dont le tiers est une personne seule et 40 travaillent dans la ville
Globalement aussi sur le plan des effets sociaux en termes de coheacutesion sociale cet apport annuel
nrsquoapparaicirct pas neacutecessairement positif Les indications de provenance reacutesidentielle anteacuterieure ndash de
12 agrave 18 de la mecircme reacutesidence ndash ne sont pas assez significatives pour conclure agrave une eacuteventuelle
compensation des deacuteficits eacuteconomiques et sociaux apparents par lrsquoexistence de nombreux liens
drsquointerconnaissance ou par une dureacutee drsquoancienneteacute de reacutesidence locale plus ancienne permettant
des conditions eacuteconomiques et sociales drsquoexistence satisfaisantes
Si cette approche permet aussi de suivre la politique drsquoattribution des bailleurs et des autoriteacutes
dans ce domaine elle reste eacutevidemment partielle pour lrsquoanalyse des structures sociales preacutesentes
dans les reacutesidences en ne srsquointeacuteressant qursquoagrave pregraves de 8 en moyenne de meacutenages dans chaque
reacutesidence Pour ce faire il faut plus preacuteciseacutement relever dans la dureacutee de maniegravere reacuteguliegravere
lrsquoeacutevolution de lrsquoensemble des profils eacuteconomiques et socio-deacutemographiques des meacutenages
occupants Cette approche est possible avec les enquecirctes drsquooccupation sociale que reacutealisent les
bailleurs sociaux tous les deux ans Cette source drsquoinformations a justement eacuteteacute exploiteacutee infra
pour affiner la sociographie de la population reacutesidente aux Ulis
B- Preacutesence importante de la preacutecariteacute socio-eacuteconomique
Une analyse des informations locales disponibles montre que la structure des actifs aux Ulis agrave
lrsquoinstar de ce qui est observeacute au niveau national est constitueacutee drsquoun ensemble large drsquo laquo actifs
preacutecaires raquo Il a eacuteteacute rapporteacute dans la probleacutematique qursquoagrave la fin des anneacutees 1990 cet ensemble
comprend au niveau national drsquoune part les chocircmeurs laquo officiels raquo pour un peu moins de la
moitieacute drsquoentre eux (pregraves de 45 ) et drsquoautre part drsquoautres sans emploi et sous-employeacutes crsquoest-
agrave-dire des actifs preacutecaires peu deacutevoileacutes dans les statistiques officielles du chocircmage et qui
forment la partie majoritaire de lrsquoensemble des preacutecaires et des sans emploi (pregraves de 55 de cet
ensemble) Plus preacuteciseacutement au niveau des Ulis cette structure des actifs preacutecaires en deux
cateacutegories internes reacuteparties en 45 55 sur le plan national semble prendre une forme
particuliegravere lieacutee agrave son parc social il srsquoobserve un rapport de pregraves drsquoun tiers pour les premiers
(chocircmeurs laquo officiels raquo) et de pregraves de deux-tiers pour les seconds (autres sans emploi et sous-
employeacutes)
164
Ce constat deacutecoule dun exercice drsquoestimation reacutealiseacute agrave partir drsquoune premiegravere eacutevaluation
theacuteorique de base suivie drsquoun recueil de donneacutees aupregraves de structures et drsquoinstitutions sociales
locales Les actifs preacutecaires apparaissent nettement plus importants que ce qursquoamegravenent agrave penser
les statistiques officielles du seul chocircmage Ce qui donne matiegravere agrave justifier la plupart des
constats empiriques et des repreacutesentations subjectives sur la preacutecariteacute dans la ville de la part
drsquoacteurs reacutealisant de lrsquoaccompagnement social pour qui le taux de chocircmage laquo officiel raquo ne
traduit pas la reacutealiteacute du pheacutenomegravene qursquoils cocirctoient Lrsquoestimation reacutealiseacutee aboutit agrave un coefficient
multiplicateur remarquable entre eux agrave peu pregraves le double des premiers par rapport aux seconds
sur toute la commune et pas loin de plus du triple dans le parc social
Deux eacutetapes ont eacuteteacute reacutealiseacutees pour la construction de cette population drsquoactifs preacutecaires
drsquoabord la comparaison entre les donneacutees officielles du chocircmage celles de Pocircle emploi
(ANPE agrave lrsquoeacutepoque de lrsquoeacutetude) et celles du recensement de la population de lrsquoINSEE avec les
perceptions subjectives des acteurs de lrsquoemploi concernant les personnes en preacutecariteacute
professionnelle ensuite la prise en compte plus large de diffeacuterentes cateacutegories drsquoactifs
preacutecaires non chocircmeurs au sens strict (selon les deacutefinitions de lrsquoINSEE et de Pocircle emploi) et
reacuteveacuteleacutees par diffeacuterents gestionnaires de populations preacutecaires sur la ville Cette construction
eacutetablie au deacutebut des anneacutees 2000 vaut pour sa fonction conceptuelle davantage que pour la mise
en valeur drsquoun eacutetat des lieux reacutecent Ce dernier point est neacuteanmoins eacutevoqueacute en fin drsquoanalyse en
interpreacutetant les donneacutees officielles les plus actuelles agrave la lumiegravere de la construction conceptuelle
reacutealiseacutee auparavant
1 Un chocircmage laquo officiel raquo faible et fluctuant selon les sources
Il y a encore peu de temps lrsquoindicateur le plus souvent mis en avant concernant le chocircmage au
moins sur le plan meacutediatique eacutetait celui du nombre des demandeurs drsquoemploi inscrits agrave Pocircle
emploi crsquoest-agrave-dire lrsquoANPE agrave lrsquoeacutepoque du recueil des donneacutees entre 2000 et 2004 Parmi les
diffeacuterentes cateacutegories de demandeurs drsquoemploi crsquoest la cateacutegorie A (cateacutegorie 1 avant la reacuteforme
de 200856) qui est preacutesenteacutee comme la plus repreacutesentative du chocircmage bien que de plus en plus
celle-ci soit accompagneacutee des donneacutees cumulant les autres cateacutegories (B C D ou E) La 56 Cette reacuteforme de lrsquoANPE a reacuteduit les huit cateacutegories existantes de demandeurs drsquoemploi en cinq en les qualifiant par des lettres au lieu de chiffres Crsquoest au cours de cette reacuteforme que la deacutenomination du service public de lrsquoemploi srsquoest changeacutee en Pocircle emploi
165
premiegravere cateacutegorie regroupait agrave lrsquoeacutepoque du recueil de donneacutees laquo les personnes sans emploi
immeacutediatement disponibles et agrave la recherche dun emploi agrave dureacutee indeacutetermineacutee et agrave temps plein raquo
La nouvelle cateacutegorie A des chocircmeurs depuis la reacuteforme de 2008 est eacutelargie agrave ceux cherchant un
emploi agrave laquo temps partiel ou agrave dureacutee deacutetermineacutee temporaire ou saisonnier raquo (anciennes
cateacutegories 2 et 3 de lrsquoANPE)57 Cette nouvelle cateacutegorisation est centreacutee sur la mise en valeur
des demandeurs nrsquoayant eu aucune activiteacute le mois preacuteceacutedent lrsquoenregistrement de leur
inscription tout en incluant toutes les formes drsquoemploi rechercheacutees contrat agrave dureacutee
indeacutetermineacutee ou agrave dureacutee deacutetermineacutee agrave plein temps ou agrave temps partiel
Le problegraveme est qursquoen lrsquoabsence drsquoune connaissance reacuteguliegraverement mise agrave jour de la population
active totale qui nrsquoeacutetait releveacutee que tous les huit agrave neuf ans selon la meacutethode de recensement
geacuteneacuteral de la population de lrsquoINSEE avant sa meacutethode par sondage partielle annuelle (le dernier
recensement geacuteneacuteral eacutetant en 1999) il est difficile de produire un taux de chocircmage suffisamment
laquo valide raquo agrave tout moment avec les seuls nombres de demandeurs drsquoemploi inscrits agrave Pocircle emploi
Le rapport entre ceux-ci et la population active nrsquoa de sens que lorsque le recensement de cette
derniegravere a eacuteteacute reacutecente La validiteacute drsquoun tel calcul se deacutegrade au fil des anneacutees qui passent en
utilisant une base de population active de plus en plus ancienne Crsquoest pourquoi les eacutevolutions du
chocircmage selon Pocircle emploi sont dans les statistiques administratives davantage preacutesenteacutees en
chiffres absolus (en termes de nombre de demandeurs drsquoemploi de cateacutegorie A ou de ceux des
cateacutegories A B et C cumuleacutees couvrant les demandeurs en activiteacute reacuteduite courte ou longue)
Cependant parfois agrave des fins comparatives dans le temps des taux de chocircmage drsquoanneacutees
successives sur la mecircme base de population active agrave une date passeacutee donneacutee sont calculeacutes et
compareacutes pour appreacutecier en valeur relative lrsquoeacutevolution de la quantiteacute de chocircmeurs Pour notre
analyse il est rapporteacute dans le tableau 9 infra une premiegravere appreacuteciation du chocircmage officiel aux
Ulis par rapport agrave son environnement selon les taux officiels de lrsquoANPE en 2001 date peu
eacuteloigneacutee du recensement de 1999 A cette eacutepoque lrsquoanneacutee 2001 est celle de la fin drsquoun petit
cycle de croissance de lrsquoeacuteconomie commenceacute en 1997-1998 (Maurin 2002) qui se traduit tant
sur le plan national que reacutegional par une baisse du nombre de chocircmeurs et du taux de chocircmage
Les donneacutees concernant Les Ulis en 2001 sont plutocirct favorables agrave premiegravere vue
57 Ces cateacutegories 2 et 3 drsquoavant la reacuteforme eacutetaient publieacutees depuis mars 1983 mais nrsquoeacutetaient geacuteneacuteralement pas associeacutees au deacutecompte et agrave lanalyse du chocircmage
166
Tableau 9 - Taux de chocircmage global et des jeunes et part des demandeurs de longue dureacutee aux Ulis selon lrsquoANPE pour le deacutepartement la reacutegion et la France meacutetropolitaine en 2001
Donneacutees 2001 (mi-anneacutee)
Les Ulis Essonne Icircle-de-France France
meacutetropolitaine
Taux de chocircmage 58 53 76 88
- 25 ans 101 107 93 156
DELD gt 1an 244 281 312 316
Sources Agence locale de lrsquoemploi (ex-Pocircle emploi) des Ulis et donneacutees Insee DELD= demandeur drsquoemploi de longue dureacutee
Tout drsquoabord la ville se distingue du deacutepartement par un eacutecart leacutegegraverement supeacuterieur pour le taux
de chocircmeur global (58 contre 53 pour le deacutepartement) mais les taux cateacutegoriels de
jeunes et de chocircmeurs de longue dureacutee sont plus faibles pour la ville (respectivement 101 et
244 ) que pour le deacutepartement (107 et 281 ) Par rapport agrave la reacutegion (76 ) et agrave la
nation (88 ) le taux ulissien de chocircmage global selon lrsquoANPE est en revanche tregraves infeacuterieur
Crsquoest seulement pour les jeunes de moins de 25 ans que la reacutegion (93 ) preacutesente un taux
infeacuterieur agrave ceux des Ulis (101 ) et du deacutepartement (107 ) Pour le chocircmage de longue
dureacutee par rapport aux niveaux national reacutegional et deacutepartemental la situation aux Ulis est
meilleure
En reacutesumeacute le chocircmage des Ulis apparaicirct globalement plus faible que sur les territoires national
et reacutegional en phase avec son deacutepartement Cependant la ville srsquoen deacutemarque drsquoune part par un
chocircmage drsquoadultes de courte dureacutee plus important puisque le chocircmage de longue dureacutee est plus
faible que pour les autres territoires Si dans une moindre mesure le chocircmage des jeunes de
moins de 25 ans est leacutegegraverement plus eacuteleveacute que dans la reacutegion et que le chocircmage global deacutepasse
leacutegegraverement le deacutepartement on peut supposer que ce soit la cateacutegorie des chocircmeurs adultes de
plus de 25 ans inscrits pour des laquo courtes raquo dureacutees au chocircmage (moins drsquoun an) qui est
proportionnellement la plus importante aux Ulis par rapport aux autres territoires
Cette interpreacutetation implique que le chocircmage des Ulissiens serait adapteacute agrave la compeacutetitiviteacute accrue
de lrsquoactiviteacute eacuteconomique du moins en partie pour la part des plus agrave mecircme agrave occuper des postes
(les chocircmeurs qualifieacutes qui sont au chocircmage pour une courte dureacutee) degraves que les reprises
eacuteconomiques ou les opportuniteacutes se font sentir Dans les anneacutees 1990 nrsquoest-ce pas drsquoailleurs la
fragilisation de lrsquoemploi par la technologie qui a produit la croissance de chocircmeurs (Maurin
167
2002) mecircme dans des contextes parfois de hausse du niveau global drsquoemploi renforceacutee par la
hausse plus forte de la population active (Clerc 2006) Est-ce agrave dire que la population
ulissienne vit dans lrsquoensemble mieux lrsquoeacutevolution eacuteconomique geacuteneacuterale que lrsquoensemble de la
population reacutegionale ou nationale Le deacutecalage de perception parmi les acteurs locaux entre
drsquoun cocircteacute les chiffres des chocircmeurs officiels et de lrsquoautre cocircteacute les impressions drsquoune plus
grande quantiteacute de population vivant dans la pauvreteacute ou la preacutecariteacute interroge les
repreacutesentations qui circulent en la matiegravere
En effet un ensemble drsquoeacuteveacutenements locaux de faits et de pheacutenomegravenes observeacutes concernant les
habitants traduit plutocirct une autre reacutealiteacute difficulteacutes de paiement des loyers et des cantines
scolaires renonciation aux soins de santeacute demandes drsquoaides financiegraveres multiplication des
vols et des actes de violence pour preacutedation difficulteacutes drsquoemploi et de logement pour les jeunes
les eacutetrangers et les immigreacutes faiblement qualifieacuteshellip Ces repreacutesentations des diffeacuterents acteurs
peuvent-elle ecirctre appreacutecieacutees et objectiveacutees de maniegravere plus proche de la reacutealiteacute perccedilue par les
acteurs locaux de lrsquoemploi
En fait il y aurait une sorte de laquo chiffre noir raquo de la preacutecariteacute non reacuteveacuteleacute par les instruments
laquo officiels raquo et qui repreacutesenterait une population concerneacutee de maniegravere floue et incertaine sujette
agrave des distorsions et des formalisations hasardeuses Pour une estimation se rapprochant de la
reacutealiteacute des donneacutees dacteurs ont pu ecirctre croiseacutees en fonction de leur pertinence (leur sens) de
leur accessibiliteacute pour leur recueil et surtout de leur correspondance avec les proprieacuteteacutes du
binocircme conceptuel laquo preacutecariteacute professionnelle - exclusion du travail raquo pour pouvoir en constituer
une mesure (Ghiglione Matalon 1999) Avant de rechercher aupregraves des acteurs des donneacutees qui
renseignent sur le nombre drsquoactifs en situation de preacutecariteacute professionnelle le taux de chocircmage
selon lINSEE mesureacute lors de lapplication de lenquecircte Emploi dans le recensement geacuteneacuteral de
la population de 1999 (puis dans les enquecirctes de recensement par sondage depuis cette date) a
eacuteteacute examineacute Cet indicateur apporte une premiegravere mesure de la population drsquoensemble concerneacutee
par le chocircmage au-delagrave de ceux qui font la deacutemarche de srsquoinscrire agrave Pocircle emploi
En effet lINSEE relaie au plan national le mode drsquoappreacutehension du chocircmage du Bureau
International du Travail (B I T) quapplique loffice de statistiques europeacuteen (Eurostat) pour se
conformer aux conventions statistiques internationales Pour lInstitut franccedilais de statistiques
(INSEE) le chocircmage deacutesigne alors la situation de tout individu de plus de 15 ans laquo sans emploi
[sans] avoir travailleacute une seule heure au cours de la semaine de reacutefeacuterence ne pas ecirctre au
168
chocircmage partiel ecirctre disponible pour travailler dans un deacutelai infeacuterieur agrave 15 jours ndash voire 30 en
cas de maladie beacutenigne et ecirctre en quecircte effective drsquoun travail raquo Le recensement de la
population de 1999 pendant lequel lrsquoenquecircte Emploi est appliqueacutee agrave tout le territoire constitue
une mesure tregraves opportune pour notre approche analytique En plus de prendre en compte tous
les diffeacuterents objectifs drsquoemploi des personnes le taux de lrsquoINSEE est inteacuteressant en ce qursquoil
reacutesulte drsquoun mode deacuteclaratif de la part des individus indeacutependamment de leurs relations agrave
ladministration de lemploi une partie plus large drsquoactifs est alors concerneacutee puisqursquoil ny a ni
obligation ni veacuterification drsquoecirctre inscrit agrave Pocircle emploi agrave part pour ceux souhaitant obtenir une
allocation chocircmage ou des prestations de formation ou de stage dispenseacutees par le service de
lrsquoemploi
Quen est-il aux Ulis Comme au plan national lenquecircte Emploi appliqueacutee localement reacutevegravele
une population active au chocircmage plus nombreuse que celle de lANPE indiquant ainsi un
premier eacutecart important entre les situations sociales reacuteelles et la connaissance quen a le service
public local de lemploi En 1999 le taux INSEE de chocircmeurs aux Ulis est de 109 (voir
graphique au-dessous) Il est de 12 en 2006 de 11 en 2007 et de 114 en 2008 Pour
1999 le taux est donc supeacuterieur de 26 points par rapport taux ANPE 1999 (83 ) soit un eacutecart
de pregraves de 30 (313 ) Cet eacutecart repreacutesente un ensemble non neacutegligeable drsquoactifs preacutecaires
non reacuteveacuteleacutes comme tels par lrsquoANPE Ce taux est drsquoailleurs le plus eacuteleveacute du bassin drsquohabitat de 24
communes des Ulis comme le montre le graphique infra Cette reacuteveacutelation drsquoun premier eacutecart qui
laisse agrave penser que des chocircmeurs de la ville ne sont pas preacutesenteacutes comme tels par
lrsquoadministration de lrsquoemploi ouvre la reacuteflexion sur la reacutealiteacute de la prise en compte des diverses
situations de preacutecariteacute professionnelle de ses habitants
Une question est par exemple de chercher agrave connaicirctre ce que repreacutesentent en quantiteacute les autres
cateacutegories de demandeurs drsquoemploi du service public de lrsquoemploi (7 autres cateacutegories au moment
de lrsquoenquecircte 4 autres apregraves 2008) ne couvrent-elles pas plus ou moins complegravetement la
preacutecariteacute eacuteconomique des actifs partiellement voire deacutejagrave occupeacutes en ce qursquoils cherchent un autre
poste selon divers motifs Aupregraves de plusieurs sources plusieurs eacuteleacutements ont aideacute agrave estimer de
maniegravere empirique cette cateacutegorie drsquo laquo actifs preacutecaires raquo Il srsquoagit davantage drsquoune deacutetermination
dun ordre de grandeur vraisemblable que dune mesure exacte issue dune enquecircte extensive agrave la
maniegravere dun recensement car les sources ont un caractegravere administratif impliquant des donneacutees
certainement partielles en partie et doteacutees drsquoune faible garantie sur leur fiabiliteacute
169
Graphique 1 - Taux de chocircmage INSEE dans le bassin dhabitat - RP 1999
9788
75 70 68 64 59 5743
56 52
109
00
20
40
60
80
100
120
Les Ulis
Massy
Longjumeau
Morangis
Champlan
Chilly-Mazarin
Palaiseau
Wissous
Saulx-les-Chartreux
Ballainvilliers
Igny
Eacutepinay-sur-Orge
Verriegraveres-le-Buisso
Orsay
Vauhallan
Gometz-le-Chacirctel
Bures-sur-Yvette
Villebon-sur-Yvette
Gif-sur-Yvette
Biegravevres
Villejust
Saint-Aubin
Saclay
Villiers-le-Bacirccle
Source Secreacutetariat de la Ville des Ulis
Ce qui nrsquoest somme toute pas le plus important puisque lobjectif est drsquoabord de fournir une
premiegravere validation empirique agrave une cateacutegorie danalyse par un recueil de plusieurs donneacutees
diffeacuterentes Cette cateacutegorie drsquoanalyse servant agrave aborder le pheacutenomegravene de diffusion de la preacutecariteacute
professionnelle dans lensemble de la population active
2 Une estimation de lensemble des sans emploi et sous-employeacutes de la ville
Trois types de donneacutees sociales locales et disponibles informent concregravetement sur la population
active preacutecaire la cateacutegorie des laquo Personnes majeures (actives) sans emploi et preacutecaires raquo dans
les enquecirctes drsquooccupation dans lrsquohabitat social le deacutenombrement et la reacutepartition spatiale dans
la commune des demandeurs demploi de cateacutegories 1 et 6 de lancienne ANPE les usagers de
moins de 25 ans de la Mission locale qui viennent y chercher des solutions agrave leurs difficulteacutes
demploi et dinsertion Ces trois types drsquoinformation compleacuteteacutes de quelques autres donneacutees
drsquoautres sources annexes couvrent tant les chocircmeurs que les autres actifs occupeacutes partiellement
ou temporairement malades indisponibles ou encore deacutemotiveacutes mais qui souhaitent tous
170
occuper un travail satisfaisant le plus souvent agrave temps plein et agrave dureacutee indeacutetermineacutee et qui sont
ou pas inscrits agrave Pocircle emploi
Ainsi dans un premier temps lanalyse des Enquecirctes drsquooccupation sociale des bailleurs sociaux
de la ville des Ulis montre que dans lrsquoensemble 43 des adultes actifs dans le parc social
drsquohabitat nrsquoont pas drsquoemploi stable en 2000 (tableau 10)58
Tableau 10 - Situation drsquoactiviteacute et drsquoemploi des personnes majeures parmi les reacutesidants des bailleurs sociaux des Ulissup1 - 2000
Personnes majeures
OPAC
OPIE-VOY
Toit et Joie
Logirep
SCIC
RUF- 3F
Logis-Transport
Ensem-ble
Total 167 675 992 628 1 746 1 561 383 6 386
Total Actifs 167 100
551 100
924 100
534 100
1 605 100
1 290 100
202 100
5 273 100
Emploi stable 126 328 621 330 803 684 129 3 021
Total Sans emploi et preacutecaires
41 25
223 40
303 33
204 38
802 50
606 47
73 36
2 252 43
Emploi preacutecaire seul
10 46 72 39 100 131 11 409
Sans emploi inscrits agrave lrsquoANPE
8 35 42 49 148 145 16 443 (7 )
Sans emploi hors inscrits ANPE
23 14
142 26
189 20
116 22
554 35
330 26
46 23
1400 26
Source Service Habitat et Cadre de vie de la Ville des Ulis- Preacute-Bilan 2001 (La ligne Total actifs a eacuteteacute rajouteacutee par lrsquoauteur)
sup1 82 agrave 100 des laquo personnes majeures raquo des bailleurs ont reacutepondu excepteacute pour Logis-Transports (383) dont moins de la moitieacute nrsquoa pas reacutepondu (47 ) soit 53 ont reacutepondu (202) Ce deacutefaut a une incidence certainement limiteacutee pour lrsquoanalyse des tendances majeures des proportions de lrsquoensemble des reacuteponses dans les enquecirctes des bailleurs Le Tableau drsquoorigine est ici modifieacute en ce qursquoil est compleacuteteacute par la ligne laquo Total Actifs raquo (2egraveme ligne) en additionnant les lignes laquo Emploi stables raquo et laquo Total Sans emploi et preacutecaires raquo Les pourcentages en-dessous des chiffres sont ainsi calculeacutes par rapport au Total des actifs et non au total des laquo Personnes majeures raquo cateacutegorie qui comprend les inactifs puisqursquoil y a un eacutecart entre le Total des laquo Personnes majeures raquo et le total des Actifs
58 Ces donneacutees sont extraites du Preacute-Bilan 2001 du service Habitat et Cadre de vie de la Ville des Ulis
171
Ces enquecirctes eacutetant biannuelles il a eacuteteacute constateacute que les donneacutees de 2002 ont preacutesenteacute des
tendances similaires il est vrai que le temps court entre ces deux dates drsquoobservation peut
expliquer cette stabiliteacute relative Celle-ci concorde drsquoailleurs bien avec la stabiliteacute du taux de
chocircmage officiel agrave ces deux dates (69 et 68 du taux de demandeurs de cateacutegorie 1 sur la
ville) Crsquoest pourquoi nous ne preacutesentons qursquoun tableau drsquoune seule anneacutee celle de 2000 Le but
eacutetant drsquoabord de saisir un eacutetat des lieux ponctuel agrave la fin de la deacutecennie 1990 qui a vu une tregraves
forte preacutecariteacute se diffuser sur le plan national
Pour certains bailleurs sociaux les adultes se deacuteclarant laquo sans emploi raquo ou laquo preacutecaires raquo sont pregraves
de la moitieacute des actifs notamment pour les deux plus importants drsquoentre eux en nombre de
logements Groupe 3F (47 ) SCIC (50 ) Des chiffres assez eacutetonnants dans ce tableau 2
eacutetant ceux de la rubrique des adultes laquo Sans emploi lsquohors inscrits ANPErsquo raquo 27 le sont chez
lrsquoensemble des bailleurs avec un pic de 35 pour la SCIC et de 26 pour OPIEVOY et le
Groupe 3F La cateacutegorie laquo Sans emploi inscrits agrave lrsquoANPE raquo (avant derniegravere ligne du tableau)
repreacutesente en moyenne pregraves de 7 des actifs interrogeacutes soit 443 personnes compteacutees (derniegravere
colonne du tableau) Cependant le laquo Total des sans emploi et preacutecaires raquo repreacutesente 43 des
actifs soit 2 252 individus (4egraveme ligne et derniegravere colonne)
Entre ces deux cateacutegories ce qui peut se deacutenommer un laquo coefficient multiplicateur de preacutecariteacute raquo
de valeur six (au minimum) sest donc constitueacute
6 x 7 de sans emploi ANPE = 42
soit presque les 43 de sans emploi et preacutecaires Cette diffeacuterence importante entre les laquo Sans
emploi inscrits agrave lANPE raquo et lrsquoensemble des preacutecaires correspond agrave la cateacutegorie des laquo Sans
emploi hors inscrits ANPE raquo (derniegravere ligne du tableau) qui en moyenne pour tous les bailleurs
(derniegravere colonne) repreacutesente 26 des actifs soit 1 400 individus Il srsquoagit bien agrave ce stade avec
ces donneacutees des bailleurs sociaux drsquoune preuve de la forte diffeacuterence entre les chocircmeurs inscrits
agrave lANPE et ceux qui ny sont pas inscrits et qui nont donc pas de visibiliteacute officielle pour
lensemble des acteurs de la ville
Le deuxiegraveme type de donneacutees destimation locale des actifs preacutecaires apregraves celui des Enquecirctes
doccupation des bailleurs est la reacutepartition reacutesidentielle des demandeurs demploi (DE) de
cateacutegories 1 et 6 (DE 1 et DE 6) fournie par lANPE locale et mise en forme par le secreacutetariat de
la mairie des Ulis Ce qui constitue une prise en compte simultaneacutee des chocircmeurs laquo officiels raquo
172
(cateacutegorie 1 des demandeurs drsquoemploi avant la reacuteforme) et des autres actifs occupeacutes au moins agrave
mi-temps mais preacutecaires crsquoest-agrave-dire en recherche drsquoun emploi agrave dureacutee indeacutetermineacutee et agrave plein
temps (demandeurs drsquoemploi de cateacutegorie 6 ayant travailleacute au moins 78 h dans le mois et en
recherche aussi dun CDI agrave temps plein)
Cet indicateur est produit bimestriellement par la mairie sous forme de tableau des demandeurs
demploi par reacutesidence Ceux analyseacutes sont de janvier mars juin septembre et deacutecembre 2002
Si ces informations ne repreacutesentent que partiellement lensemble des actifs preacutecaires car les DE
6 ne recouvrent que ceux qui ont travailleacute au moins 78 h dans le mois et cherchent un CDI agrave
temps plein (il manque ceux qui cherchent un temps partiel un CDD ou qui sont en stage en
formation ou en emploi preacutecaire de type emploi aideacute) ils apportent une dimension geacuteographique
agrave lanalyse en indiquant les preacutesences de preacutecaires dans chaque reacutesidence et leur reacutepartition
entre le parc social et le parc priveacute
Le principal reacutesultat de traitement de ces informations est que sur un an pregraves de 70 de ces
deux types de demandeurs demploi (DE 1 et DE 6) logent dans lrsquohabitat social et 30 sont dans
le parc priveacute des logements Si lrsquoon croise cet indicateur avec les informations des Enquecirctes
doccupation sociale des bailleurs sociaux de la ville il est possible dextrapoler agrave leacutechelle
communale la part globale approximative dactifs preacutecaires totaux sur la ville Deux critegraveres de
reacutepartition sont agrave prendre en compte la part des logements sociaux dans le parc total de
logements de la ville (522 en 1999 471 en 2007) et celle des habitants de ce parc parmi
lrsquoensemble des habitants ulissiens (60 59) En revanche la part plus preacutecise dactifs dans le
logement social de la ville na pu ecirctre questimeacutee faute de donneacutees disponibles preacutecises en la
matiegravere60
Selon le tableau des Enquecirctes drsquooccupation sociale des bailleurs il y a en 2000 5 273 actifs
recenseacutes (cf tableau 2 supra) qui repreacutesentent 385 des 13 663 actifs de lrsquoensemble de la ville
en 1999 (selon recensement INSEE) Ces chiffres des bailleurs sur les actifs dans leur patrimoine
peuvent ecirctre leacutegegraverement majoreacutes puisque le service Habitat avait indiqueacute que les taux de
reacuteponses aux enquecirctes eacutetaient de 82 agrave 100 des laquo personnes majeures raquo et qursquoun bailleur
59 Ce chiffre a eacuteteacute formeacute agrave partir des donneacutees du recensement INSEE 1999 du nombre drsquohabitants dans chaque reacutesidence Les nombres drsquohabitants par reacutesidence se trouvent drsquoailleurs dans les documents des demandeurs drsquoemploi de cateacutegories 1 et 6 que produit le Secreacutetariat geacuteneacuteral de la Ville pour connaicirctre la part de chocircmeurs parmi les habitants de chaque reacutesidence 60 Un deacutecompte deacutetailleacute serait sans doute souhaitable mais le principe de fonctionnement du dispositif dobservation ndash utilisation de donneacutees disponibles ndash nrsquoen a pas donneacute loccasion
173
Logis-Transport nrsquoavait pu rapporter que 53 de taux de reacuteponse Ce qui signifie que dans les
immeubles de ce bailleur parmi les 181 laquo personnes majeures raquo restantes entre lrsquoensemble des
personnes majeurs (383) et les actifs totaux (202 employeacutes stables et actifs sans emploi et
preacutecaires) il y en a certainement drsquoautres qui sont actives et pas seulement inactives (retraiteacutees
handicapeacuteeshellip) Ainsi avec ces petites deacutefaillances connues dans les donneacutees releveacutees il nrsquoest
pas disproportionneacute drsquoaugmenter leacutegegraverement la part des actifs du logement social parmi
lrsquoensemble des actifs de la ville de 385 agrave 40 au minimum
Pour rappel ce tableau 2 sur les occupants du parc social montre que la part des actifs preacutecaires
(2 252 laquo Total des Sans emploi et preacutecaires raquo) parmi les actifs du logement social (5 273) est de
pregraves de 43 Sur cette base une opeacuteration destimation theacuteorique de la population preacutecaire dans
lrsquoensemble de la ville a pu ecirctre reacutealiseacutee Si lrsquoon utilise lindicateur de reacutepartition reacutesidentielle des
demandeurs demploi 1 et 6 de lANPE (mis en forme par le secreacutetariat geacuteneacuteral de la Ville) en le
transposant aux donneacutees empiriques drsquoenquecirctes drsquooccupation sociale des bailleurs sociaux les
actifs preacutecaires du parc social (2 252 au moins) repreacutesentent alors 70 de lrsquoensemble des actifs
de la ville Ainsi en 2000 le nombre total de preacutecaires sur la ville et par conseacutequent celui dans
le seul parc priveacute sont facilement estimables
Dans lrsquoensemble de la ville le nombre drsquoactifs preacutecaires est drsquoenviron
(2 252 70) x 100 = 3 217
Ces 3 217 individus repreacutesentent alors 235 environ des actifs de lrsquoensemble de la ville Vu les
deacutefauts eacutevoqueacutes des enquecirctes par les bailleurs cette proportion peut ecirctre arrondie agrave 25 pour
former un ordre de grandeur approximatif mais vraisemblable et facile agrave retenir
Les actifs preacutecaires du seul parc priveacute sont donc environ
3 217 ndash 2 252 = 965
Si lrsquoon considegravere que 60 des actifs sont dans le parc priveacute (puisqursquoil a eacuteteacute estimeacute plus haut que
pregraves de 40 drsquoactifs sont dans le parc social) les actifs preacutecaires du parc priveacute repreacutesenteraient
ainsi pregraves de 12 des actifs de ce parc
60 des actifs dans le parc priveacute correspondent agrave
13 663 x 060 = 8 1978 soit 8 198 actifs en arrondis
les 965 actifs preacutecaires de ces 8 198 actifs correspondent agrave
174
(965 8 198) x 100 = 12 environ
Un profil des actifs preacutecaires ulissiens peut ecirctre esquisseacute gracircce agrave certaines donneacutees de lagence
locale de lemploi Si lrsquoon reprend les caracteacuteristiques des demandeurs demploi de cateacutegories 1
et 6 (tableau 11 ci-dessous) ils sont essentiellement ndash agrave 75 des cateacutegories
socioprofessionnelles infeacuterieures dans le secteur tertiaire employeacutes et ouvriers non qualifieacutes et
qualifieacutes du transport de la logistique des services administratifs et commerciaux ainsi que des
services aux personnes et aux collectiviteacutes La preacutesence de cadres agrave 14 et de cateacutegories
intermeacutediaires techniciennes agrave 11 confirme la diffusion de la preacutecariteacute agrave tous les niveaux de
qualification
Tableau 11 - Profil des demandeurs demploi de cateacutegories 1 et 6 aux Ulis par qualification (fin juin 2002)
Source ALE des Ulis
Ouvriers non qualifieacutes 5
Ouvriers qualifieacutes 12
Employeacutes 58
Agent de maicirctrise techniciens 11
Cadres 14
En outre le tableau 12 infra des domaines drsquoactiviteacute viseacutes par les demandeurs demploi
confirment cette caracteacuterisation Ils se tournent majoritairement vers les activiteacutes tertiaires
transport-logistique administration ou services aux personnes ou aux collectiviteacutes Ce qui est
une caracteacuteristique centrale de lrsquoespace parisien pour les emplois de faible niveau de
qualification pour lrsquoessentiel en dehors de la sphegravere de production de haute technologie et des
services de haut niveau aux entreprises
175
Tableau 12 - Aspirations professionnelles des demandeurs drsquoemploi des Ulis (juin 2002)
Personnel du transport et de la logistique 18
Personnel des services administratifs et commerciaux 16
Personnel des services aux personnes et aux collectiviteacutes 13
Cadre administratif professionnel de lrsquoinformation et de la communication 8
Personnel de la distribution et de la vente 8
Source ALE des Ulis
Un point mis en exergue par les travaux de lrsquoobservatoire meacuterite drsquoecirctre eacutevoqueacute au mecircme titre
que le taux de chocircmage officiel le taux dallocataires du RMI par rapport agrave la population active
masque complegravetement le niveau de la preacutecariteacute professionnelle des actifs Entre 1995 et 2002
aux Ulis ce taux stagne autour des 22 en se trouvant quasiment coupeacute du cycle de croissance
eacuteconomique En fait les effectifs ont mecircme un peu baisseacute de 322 en 1995 agrave 295 en 2002 soit
une baisse de 8 deacutepassant mecircme en cela la tendance leacutegegraverement baissiegravere du nombre drsquoactifs
sur la ville (- 525 entre 1990 et 1999) tout en restant moins forte que la forte baisse du
chocircmage officiel (demandeurs drsquoemploi de cateacutegorie 1) qui a eacuteteacute de 38 Ce constat confirme
que lrsquoentreacutee dans la pauvreteacute connaicirct donc des mouvements de fond qui suivent faiblement
crsquoest-agrave-dire sans influence immeacutediate et complegravete les eacutevolutions quantitatives du chocircmage
Lrsquoeacutetude de lrsquoeacutevolution du profil des beacuteneacuteficiaires61 montre drsquoailleurs que en ce deacutebut des anneacutees
2000 ils sont de moins en moins concerneacutes par une probleacutematique directe drsquoaccegraves agrave lrsquoemploi
que par des problegravemes de santeacute mentale et physique Les donneacutees du CCAS (Centre communal
drsquoaction sociale) et de la Maison des solidariteacutes situeacutee dans la ville des Ulis (ex-Centre
deacutepartemental drsquoaction sociale et Protection Maternelle et Infantile du Conseil geacuteneacuteral) montrent
cette eacutevolution entre la fin des anneacutees 1980 et la fin des anneacutees 1990 de plus en plus drsquohomes
en mauvaise santeacute mentale et physique
61 La cateacutegorie des laquo beacuteneacuteficiaires raquo regroupe tant les allocataires que les beacuteneacuteficiaires sans allocation financiegravere daction daccompagnement meacutedico-social et dinsertion
176
En 1989 les femmes (agrave 57 avec ou sans enfant contre 52 au niveau national) et les
problegravemes drsquoaccegraves agrave lrsquoemploi eacutetaient preacutedominants (CREPA 1991) puisqursquoagrave 89 les
beacuteneacuteficiaires eacutetaient demandeurs drsquoemploi (contre 59 au niveau national) ils eacutetaient drsquoailleurs
aussi plus acircgeacutes (57 ) plus fortement eacutetrangers (48 ) et plus nettement parents drsquoenfants (32
) qursquoau niveau national (respectivement 36 14 et 18 ) Ce profil est plutocirct celui drsquoune
population en difficulteacute drsquointeacutegration eacuteconomique et sociale dont les fortes difficulteacutes pour les
eacutetrangers mais pas vraiment condamneacutee agrave lrsquoexclusion eacuteconomique puisque la recherche
drsquoemploi preacutedomine) ni en situation de marginalisation sociale totale puisque le profil de
parents en couples avec enfants preacutedisposent agrave plus de liens que les personnes seules aux faibles
ressources
Dix ans plus tard en 1999-2000 la marginalisation sociale est plus apparente les profils
recouvrent plus drsquohommes seuls et plus de problegravemes de santeacute mentale et physique (Chebroux
2001) ils sont moins de la moitieacute (46 ) inscrits au service public de lrsquoemploi (contre 89 dix
ans plus tocirct) les hommes sont majoritaires (515 ) et 38 sont des hommes seuls (auxquels il
faut ajouter 24 de femmes seules) leurs problegravemes principaux relegravevent de la santeacute mentale et
physique (44 ) drsquoabord puis des problegravemes de surendettement et drsquoautres difficulteacutes
budgeacutetaires (25 ) Aussi des dureacutees drsquoinscription dans le dispositif deacutepassant les deux ans
(avant 1998) pour 45 drsquoentre eux montrent une situation de marginalisation sociale de plus en
plus nette
Sur le plan spatial ils reacutesident principalement agrave trois quarts drsquoentre eux dans les deux secteurs
de quartiers sensibles de la ville (Grand Ouest et EstSud-est) dont le foyer Sonacotra drsquoabord
qui comporte agrave lui seul 16 des beacuteneacuteficiaires du RMI Dans ce sens pregraves de 80 des
beacuteneacuteficiaires sont drsquoorigine immigreacutee Ce profil est beaucoup plus inquieacutetant en ce qursquoil deacutecrit
une population situeacutee plus dans un processus drsquoexclusion sociale drsquoune population devenue
inutile dans le systegraveme eacuteconomique et social et en difficulteacutes de santeacute et de lien social ainsi que
financier Le retour agrave lrsquoemploi ne paraicirct pas pour les plus affecteacutes de difficulteacutes tregraves proche
Pour lrsquoanneacutee 2002 le Centre communal drsquoaction sociale (CCAS) qui suit environ 50 des
beacuteneacuteficiaires du RMI agrave lrsquoeacutepoque (152) confirme la tendance agrave la surrepreacutesentation masculine (sup23
drsquohommes) mais signale une forte part agrave nouveau de problegravemes drsquoaccegraves agrave lrsquoemploi et de
formation Ce qui signifie que se tenir au seul taux de beacuteneacuteficiaires qui semble osciller entre 23
et 2 depuis presque son instauration ne permet pas de saisir lrsquoeacutevolution qualitative des
177
profils il informe sur les situations de marginalisation avanceacutee avec les probleacutematiques de
deacutesocialisation et de problegravemes sanitaires et financiers et celles de difficulteacutes drsquoaccegraves agrave lrsquoemploi
malgreacute des qualifications acquises (415 ont des niveaux supeacuterieurs au bac) ou par deacutefaut de
formation adapteacutee au marcheacute local de lrsquoemploi
Il faut plutocirct prendre en compte drsquoautres dispositifs administratifs pour appreacutehender la
population pauvre ou en difficulteacutes eacuteconomiques et sociales des Ulis Car par exemple toujours
selon le bilan du CCAS pour cette anneacutee 2002 les deacutetenteurs du RMI ne repreacutesentent qursquoune
petite partie des adultes preacutecaires de la commune 295 allocataires du RMI sont deacutenombreacutes
alors que par ailleurs plus de six fois plus de personnes soit 1 851 en 2002 sont laquo beacuteneacuteficiaires raquo
soit de la CMU (couverture meacutedicale universelle accordeacutee agrave toute personne en situation
reacuteguliegravere dont le revenu fiscal annuel est infeacuterieur agrave 6 402 euro agrave cette date) soit de lrsquoAME Aide
meacutedicale drsquoEacutetat destineacutee agrave assurer lrsquoaccegraves aux soins des eacutetrangers qui ne remplissent pas les
conditions de reacutegulariteacute du seacutejour en France (Tableau 13 ci-dessous)
Le nombre de laquo beacuteneacuteficiaires raquo de lrsquoAME a drsquoailleurs fortement augmenteacute en un an de 37 ce
qui reacutevegravele un peu plus la preacutesence de la population eacutetrangegravere en situation irreacuteguliegravere et pauvre
Ainsi le nombre de beacuteneacuteficiaires de la CMU semble recouvrir plus fidegravelement que le RMI la
population adulte susceptible de vivre dans un meacutenage pauvre si lrsquoon se reacutefegravere au nombre
drsquoactifs preacutecaires estimeacutes plus haut (3 217)
Tableau 13 - Beacuteneacuteficiaires de la CMU et de lrsquoAME aux Ulis
Prestations
2001 2002 Eacutevolution 2001-02
CMU (de base + compleacutementaire)
1 717
AME 105 144 37 Total des beacuteneacuteficiaires 1 851
Sources CCAS (2003) Bilan drsquoactiviteacute 2002 CCAS de la ville des Ulis
Agrave ce sujet la preacutevision de Louis Chauvel (1999) eacutevoqueacutee dans la probleacutematique de la recherche
de voir apparaicirctre des groupes familiaux nombreux paupeacuteriseacutes agrave la suite de trajectoires
professionnelles preacutecaires subies pendant la crise-mutation eacuteconomique semble trouver une
178
reacutealisation aux Ulis En effet pour le Centre communal daction sociale des Ulis les acteurs
locaux doivent se mobiliser laquo compte tenu du nombre eacuteleveacute de personnes demandant agrave beacuteneacuteficier
du RMI raquo62
Enfin le troisiegraveme principal indicateur exploiteacute pour mesurer la preacutecariteacute socioprofessionnelle
aux Ulis est le nombre de jeunes suivis par la Mission locale de la ville Les jeunes ont en effet
une place particuliegravere dans cette approche tant le problegraveme de leur insertion professionnelle est
devenu aigu au cours des anneacutees 1990 (Lagrange 2001) et que les difficulteacutes dans ce domaine
ne sont pas sans lien avec les parcours deacuteviants des jeunes trouvant des horizons professionnels
totalement brouilleacutes En tant que principal dispositif qui se charge de ceux-ci la Mission locale
dispositif instaureacute au deacutebut des anneacutees 1980 en France renseigne sur leur nombre et leur
eacutevolution depuis sa creacuteation en 1992 sur la ville Elle constitue une structure drsquoaccueil et
drsquoaccompagnement social des jeunes vers lrsquoinsertion socioprofessionnelle
La lecture du tableau 14 ci-dessous sur le nombre de jeunes suivis par celle-ci montre une nette
concordance avec le pheacutenomegravene analyseacute nationalement en dix ans (1992-2002) la hausse de la
part des jeunes suivis parmi lensemble des jeunes de 15-24 ans actifs de la commune a eacuteteacute tregraves
forte de plus de 65 environ (en tenant compte de la diminution de cette classe dacircge drsquoactifs
entre 1990 et 1999 de 22 soit de 4 914 agrave 3 828 individus ce qui correspond agrave 1 089 individus
de moins) Les autres lignes du tableau (ligne 1 et 3) preacutesentent les eacutevolutions drsquoeffectifs pour
Les Ulis et pour lrsquoensemble du territoire drsquointervention de la Mission locale (24 communes) la
monteacutee en charge est croissante pendant cette peacuteriode de 28 pour la commune agrave pregraves du
double (99 ) pour tout le territoire de la Mission locale La preacutecarisation professionnelle des
jeunes actifs ulissiens srsquoaccroicirct fortement dans la zone drsquohabitat de la ville
En outre avec un bond principal entre 2000 et 2001 de plus dun tiers des jeunes suivis et une
stagnation de 2001 agrave 2002 il est possible dindiquer que mecircme en fin dun sous-cycle de
croissance eacuteconomique (1997-2001) malgreacute une politique demploi importante agrave destination des
jeunes (emplois-jeunes) les effets drsquoinsertion de la jeunesse active sont faibles et tardifs Sur le
plan socio-eacuteconomique de lemploi ce point est reacuteveacutelateur dun chocircmage dactifs peu qualifieacutes la
croissance ne beacuteneacuteficiant quaux plus compeacutetents et qualifieacutes (Freyssinet 2004)
62 CCAS (2003) Bilan drsquoactiviteacutes 2002 mairie des Ulis p 19
179
Tableau 14 - Nombre de jeunes suivis par la Mission locale des Ulis de 1992 agrave 2002
Sources Mission locale des Ulis Bilan drsquoactiviteacute 2002 Mission locale des Ulis INSEE RGP 1990 et 1999
1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002
Eacutevolution 1992-2002
Jeunes des Ulis
847 763 766 709 696 752 791 786 810 1088 1084 28
parmi les 15-24 ans actifs 4914 en 1990 3828 en 1999
17 28
65
Jeunes des 24 communes drsquointervention de la Mission locale
1155 1248 1302 1353 1401 1544 1613 1534 1588 2185 2300 99
Ainsi dans une commune acheveacutee drsquoecirctre construite il y a pregraves de trente-cinq ans composeacutee
initialement de cateacutegories moyennes tertiaires et techniciennes inteacutegreacutee la croissance de jeunes
actifs peu qualifieacutes en difficulteacutes dinsertion est le signe drsquoun renouvellement de population qui
a eacuteteacute reacutealiseacutee depuis les anneacutees 1980 notamment par le meacutecanisme de deacutepart des cateacutegories
moyennes et de leur remplacement par des populations plus modestes Cette jeunesse fragile est
mecircme deacuteterminante dans lrsquoensemble de la population preacutecaire de la ville En rapportant les
chiffres de la Mission locale agrave ceux de lrsquoensemble des actifs preacutecaires de la ville toutes
cateacutegories drsquoacircge confondues les jeunes preacutecaires ulissiens de 15 agrave 24 ans (1 084) repreacutesentent en
2002 pregraves drsquoun tiers de lrsquoensemble des actifs preacutecaires de la ville (pregraves de 3 217 estimeacutes plus
haut) ce qui est extrecircmement eacuteleveacute si lrsquoon tient compte de lrsquoordre de grandeur de la part de
lrsquoensemble des jeunes actifs parmi lrsquoensemble des actifs de la ville soit pas plus de 10
(exactement 88 avec 1 166 jeunes de 15 agrave 24 ans)
Le tableau 15 infra reconstitue pour lrsquoanneacutee 1999 les populations actives par tranches drsquoacircge aux
Ulis avec le taux drsquoactiviteacute et la situation drsquoemploi des individus Avec un taux drsquoactiviteacute (528
180
) nettement plus important que les 15-19 ans (87 ) et un taux de chocircmage leacutegegraverement moins
eacuteleveacute (209 contre 241 ) mais drsquoun niveau tregraves important encore les 20-24 ans apparaissent
comme la tranche drsquoacircge charniegravere dans cette probleacutematique
Tableau 15 - Taux drsquoactiviteacute et situation drsquoemploi par tranches drsquoacircge de la population active des Ulis en 1999
Source INSEE
population active acircge quinquennal population active taux drsquoactiviteacute ayant un emploi chocircmeurs taux de chocircmage
15 agrave 19 ans 162 87 123 39 241 20 agrave 24 ans 1 044 528 802 218 209 25 agrave 29 ans 2 109 857 1 844 259 123 30 agrave 34 ans 2 122 905 1 927 195 92 35 agrave 39 ans 1 924 908 1 745 179 93 40 agrave 44 ans 1 763 910 1 593 170 96 45 agrave 49 ans 1 687 907 1 535 152 90 50 agrave 54 ans 1 720 885 1 566 154 90 55 agrave 59 ans 878 743 772 106 121 60 agrave 64 ans 222 292 204 18 81 65 ans ou plus 31 25 31 0 00 Total 13 662 695 12 142 1 490 109
En conclusion de cette eacutetude sur la taille de la population preacutecaire locale le principal reacutesultat est
que les 69 de chocircmeurs officiels de la commune en 2000 (68 en 2002) selon
lrsquoadministration de lrsquoemploi appartiennent agrave un ensemble de pregraves de 25 dactifs de la
commune qui connaissent la preacutecariteacute professionnelle (sous emploi et sans emploi) Avec 927
chocircmeurs officiels parmi pregraves de 3 215 actifs preacutecaires la population drsquoactifs preacutecaires dans la
ville chocircmeurs laquo officiels raquo compris est agrave peu pregraves 35 fois plus nombreuse que les chocircmeurs
officiels connus (cateacutegorie 1 de lrsquoancienne ANPE agrave cette eacutepoque) Dans le parc drsquohabitat social
qui rassemble 60 de la population et pregraves de 50 des logements de la ville il y a pregraves de 43
des actifs qui sont preacutecaires (les actifs du parc social repreacutesentant pregraves de 40 de lrsquoensemble
des actifs de la commune)
181
Ce constat de leacutetendue de la preacutecariteacute professionnelle se veacuterifie surtout aupregraves des jeunes
eacutegalement qui sont fortement surrepreacutesenteacutes parmi les actifs preacutecaires la part des jeunes actifs
preacutecaires est pregraves de trois fois plus grande que celle des jeunes actifs parmi tous les actifs de la
ville Crsquoest ici une situation sociale explicative des manifestations de la deacuteviance et de la
violence juveacutenile des Ulis surtout de la part de ceux sortis sans qualification du systegraveme
eacuteducatif
Dans les faits plus qursquoun simple constat de laquo meacutecompte du chocircmage raquo pour reprendre les
termes du titre de lrsquoouvrage de Margaret Maruani (2002) sur lrsquoinvaliditeacute des donneacutees officielles
du chocircmage le silence officiel sur de tels eacutecarts agrave certains endroits comme aux Ulis apparaicirct
comme un deacuteni intellectuel et politique Il est en outre preacutejudiciable lorsque dans de tels
contextes le taux de chocircmage officiel devient en quelque sorte trompeur sur la situation
eacuteconomique dune population donneacutee si au niveau national par exemple agrave la fin des anneacutees
1990 le rapport entre les demandeurs demploi de cateacutegorie 1 de lANPE (les DE 1) et les autres
actifs preacutecaires eacutetait de 45 55 selon le Commissariat geacuteneacuteral du Plan aux Ulis les
estimations reacutealiseacutees ci-dessus montrent au deacutebut des anneacutees 2000 que ce rapport est plus
ineacutegal de 28 72 il signifie qursquoen 2000 le taux de chocircmage officiel de 69 induit un
taux de pregraves de 18 dautres actifs preacutecaires hors chocircmeurs officiels Si ce nest pas clairement
mis en valeur et connu par les acteurs locaux comment deacutevelopper des politiques publiques
adapteacutees
En outre comment deacutevelopper des analyses plus avanceacutees sur certains comportements ou
certaines relations sociales si ce pheacutenomegravene est meacuteconnu Le voile de meacuteconnaissance relegraveve
aussi certainement pour une bonne part dune incapaciteacute technique agrave fixer conventionnellement
des termes des expressions voire des cateacutegories empiriques descriptives mais aussi analytiques
permettant deacutevoquer lampleur de la diffusion de la preacutecariteacute professionnelle au sein de la
population active La cateacutegorie des laquo actifs preacutecaires raquo comprenant les chocircmeurs et les autres
preacutecaires dans des situations variantes constitue une premiegravere reacuteponse agrave cette neacutecessiteacute La
recherche de critegraveres communs de sources et de meacutethodes de recueil de donneacutees pour les eacutetudes
nationales et locales doit encore ecirctre poursuivie
Un second point attire lattention et meacuterite den eacutevoquer toutes les significations possibles Avec
le poids deacutemographique du parc social dans la population communale (60 de la population
communale) drsquoune part et au sein du premier la forte surrepreacutesentation de la part des actifs
182
preacutecaires parmi les actifs y reacutesident drsquoautre part (pregraves de 43 contre 12 des actifs dans le
parc priveacute) celui-ci paraicirct deacuteterminant dans le processus global de modification de la structure
sociale de la ville vers une sous-moyennisation et une preacutecarisation de la population dont
plusieurs facettes sont abordeacutes depuis plus haut
Au deacutebut des anneacutees 2000 donc aux Ulis le taux drsquoactifs preacutecaires parmi les actifs est donc pregraves
de quatre fois supeacuterieur dans le parc social agrave celui dans le parc priveacute et en valeur absolue les
effectifs drsquoactifs preacutecaires du parc social sont 23 fois plus nombreux (presque 25 fois plus) que
dans le parc priveacute alors que crsquoest dans ce dernier segment de parc que le nombre drsquoactif est le
plus important (60 ) bien que la population drsquoensemble soit plus importante dans le parc
social Pour rappel parmi les pregraves de 3 400 actifs preacutecaires estimeacutes sur lrsquoensemble de la ville
(25 des 13 663 actifs de 1999) pregraves de 2 252 logent dans le parc social et on a deacuteduit que pregraves
de 965 sont dans le parc priveacute de logements63
Avec la dimension spatiale et deacutemographique du parc de logements sociaux dans la ville ce sont
la preacutecariteacute professionnelle des adultes des meacutenages et leur logement majoritaire dans ce parc qui
le rendent deacuteterminant dans le processus global de sous-moyennisation sociale de la commune
Le poids du parc social dans le parc total de logements (50 de lensemble des logements 60
de la population) de par lrsquoaccueil de meacutenages agrave bas revenus ou agrave situations familiales ou sociales
difficiles (monoparentaliteacute familles nombreuses faibles qualifications des parents situation
drsquoimmigrationhellip) a induit une forte composante drsquoactifs preacutecaires dans lrsquoespace social local
Cette eacutetude reacutevegravele le deacuteseacutequilibre socio-reacutesidentiel interne agrave la commune urbaine se superposant
en partie agrave la diffeacuterence entre ses deux types de parc priveacute et social de logements Elle conforte
le diagnostic de la fonction sociale de lrsquohabitat au sens drsquoaccueil des plus pauvres qui devient
de moins en moins partielle mais de plus en plus exclusive comme la rappeleacute Jean-Marc Steacutebeacute
(2002) au deacutebut des anneacutees 2000 et qui doit devenir un critegravere reacutefeacuterentiel preacutedominant dans
lrsquoaction aupregraves des plus en difficulteacute
La section suivante preacutesente un aspect socialement et scientifiquement deacutebattu qui a vu jour aux
Ulis ndash le deacuteveloppement drsquoune nombreuse population issue de limmigration ndash en ce qursquoil
63 Les 183 individus drsquoeacutecart restant par rapport aux 3 400 actifs preacutecaires estimeacutes dans lrsquoensemble de la ville devraient vraisemblablement se partager dans les mecircmes proportions entre parc priveacute et parc social de logement puisqursquoil manquait des donneacutees de certains bailleurs notamment un agrave qui la moitieacute des questionnaires drsquoenquecircte drsquooccupation sociale manquait (voir plus haut)
183
exprime une dimension de marginalisation en raison de la discrimination ethno-raciale qui se
manifeste en France Ce pheacutenomegravene est analyseacute tout comme celui de la violence et de la
deacutelinquance traiteacute plus loin du fait de la place importante qursquoil occupe dans les questions
sociales et les deacutebats sur les plans local et national
C- Une importante population issue de lrsquoimmigration
Drsquoun point de vue geacuteneacuteral dans certains nouveaux espaces urbains peacuteripheacuteriques peu valoriseacutes
comme dans une grande partie des immeubles des grands ensembles des meacutenages drsquoorigine
immigreacutee ont eacuteteacute logeacutes dans les mecircmes reacutesidences et quartiers ce qui a entraicircneacute la formation drsquo
ensembles de grande taille de populations drsquoorigine immigreacutee Ce pheacutenomegravene a prolongeacute dans
le parc social peacuteripheacuterique des agglomeacuterations celui de la concentration et de la visibilisation
des minoriteacutes ethniques observeacute dans lrsquohabitat priveacute ancien et deacutegradeacute des centres des grandes
villes dans les anneacutees 1980 et 1990 (Blanc Le Bars 1993) Selon les recensements de la
population de lINSEE la population eacutetrangegravere des Ulis repreacutesente 148 de la population
municipale totale en 1999 (ou encore 144 des meacutenages) et 13 en 2007 Pour ce qui est des
immigreacutes selon leur deacutefinition officielle appliqueacutee par la statistique publique (individus neacutes
eacutetrangers agrave leacutetranger venus reacutesider en France plus de trois mois pouvant ecirctre ou ayant eacuteteacute
naturaliseacutes) 21 des Ulissiens sont neacutes agrave leacutetranger en 1999 soit 5 405 personnes et 20 en
2007 soit 4 916 personnes
Cependant aux Ulis comme ailleurs la visibiliteacute des regroupements de migrants et de leurs
descendants apparaicirct en deacutecalage par rapport agrave ces donneacutees Perccedilus comme intrigants pour
certains et sources de tensions sociales locales comme les clivages sociaux selon les identiteacutes
ethniques la hausse de la deacutelinquance chez les jeunes de certaines cateacutegories de groupes
ethniques ou encore lrsquoeacutemergence du racisme et des reacutefeacuterences ethno-raciales dans les relations
sociales cette preacutesence nrsquoest pas sans effet sur la deacutegradation de lrsquoimage de la ville dans son
environnement Car une bonne partie des proprieacuteteacutes et des repreacutesentations de lrsquoespace social
local deacutepend de la situation et des conduites des diffeacuterents groupes et meacutenages appartenant agrave sa
population diverse Comment alors mesurer et appreacutehender la formation communale drsquoune
population drsquoorigines immigreacutees multiples et de grande taille qui deacutepasse les repreacutesentations
qursquoen fournisse la statistique officielle Ce choix drsquoanalyse est lieacute drsquoune part au signe de risque
184
de preacutecariteacute et drsquoexclusion sociale que traduit et geacutenegravere en mecircme temps un tel pheacutenomegravene de
forte preacutesence et drsquoautre part agrave son effet potentiel connexe sur la marginalisation urbaine de la
commune dans son environnement spatial
1 De lrsquoimmigration agrave la population ethnique
Le logement dans les espaces peacuteripheacuteriques peu chers par rapport aux centres-villes
embourgoiseacutes ou plus disponibles par rapport aux vieux immeubles ou quartiers centraux deacutejagrave
occupeacutes est une des modaliteacutes de lrsquointeacutegration socio-spatiale de lrsquoimmigration (Barou 2006)
Les regroupements reacutesidentiels agrave des fins identitaires et de protection sociale face agrave lrsquoeacutetrangeteacute
de la socieacuteteacute drsquoaccueil est un pheacutenomegravene bien connu Il est cependant non exempt de
laquo problegravemes sociaux raquo multiples (tensions interethniques deacutelinquance inadaptation dans
lrsquohabitathellip) qui peuvent apparaicirctre difficilement solubles et surmontables agrave des acteurs locaux au
regard des moyens conceptuels et mateacuteriels de reacuteflexion et drsquoaction dont ils disposent (Soulet
1996) Une des premiegraveres questions pour une ville qui nrsquoavait pas dans son projet initial de
vocation particuliegravere drsquoaccueil important des populations immigreacutees de la reacutegion parisienne est
de savoir quelle est la taille de la population concerneacutee par ces pheacutenomegravenes Quel volume
numeacuterique occupe-t-elle dans lrsquoespace local pour appreacutehender les pheacutenomegravenes et les problegravemes
qui inteacuteressent les acteurs locaux
Par exemple au deacutebut de lrsquoexercice de lrsquoobservatoire social en 2001 cette question est apparue
avec une certaine acuiteacute aupregraves de nombreux responsables et techniciens municipaux qui se sont
trouveacutes perplexes et peu avanceacutes sur le thegraveme abordeacute sur le seul plan conceptuel par une agence
parapublique destineacutee agrave former sur ce champ les agents des collectiviteacutes locales et du public
(ADRI Agence pour le deacuteveloppement des relations interculturelles) Alors que lrsquointervenante
centrait son propos sur les notions drsquointeacutegration et de relation interculturelle de maniegravere un peu
abstraite selon eux le sentiment majoritaire des participants eacutetait que les outils pour circonscrire
et agir sur le pheacutenomegravene au niveau local nrsquoeacutetaient pas fournis La question de lrsquoappreacutehension de
la dimension quantitative et qualitative de ce pheacutenomegravene nrsquoeacutetait en rien abordeacutee au cours de
lrsquointervention speacutecialiseacutee de cette agence Cette situation de deacutenuement quasi moral eacutetant
accentueacutee par labsence de donneacutees de lINSEE en la matiegravere pour cause dinterdit officiel des
statistiques sur les identiteacutes ethniques et culturelles Ce qui converge souvent avec les valeurs
185
politiques parmi les deacutecideurs et les responsables de politiques publiques qui se repreacutesentent une
inteacutegration reacutepublicaine universelle fondeacutee sur linsertion individuelle et lhomogeacuteneacuteisation
culturelle La reconnaissance didentiteacutes culturelles extranationales pouvant se confondre avec la
promotion de communauteacutes ethniques aux droits distinctifs de la communauteacute nationale
constitue un objet de tabou ou de deacuteni assumeacute
Cependant dans les anneacutees 1990 des chercheurs commencent agrave exprimer un autre point de vue
La deacutemographe Michegravele Tribalat (1998) a pu avancer que dans la peacuteriode actuelle le
deacuteveloppement deacutemographique ducirc agrave une partie des descendants dimmigreacutes justifie de qualifier
dinsuffisantes ou dinadapteacutees les donneacutees sur la nationaliteacute pour une analyse plus fine de
limmigration en France En utilisant et en croisant des donneacutees de nationaliteacute et de lieu de
naissance des parents ndash que lrsquoINSEE ne publie pas systeacutematiquement sur des supports publics
mais qui peuvent srsquoobtenir pour des motifs de recherche ou sur demande particuliegravere des
institutions publiques64 la deacutemographe indique lrsquointeacuterecirct de deacuteterminer la nature la taille et
lrsquoeacutevolution des cateacutegories des populations issues de limmigration agrave diffeacuterentes phases
historiques pour des eacutetudes diverses Par exemple en France selon elle plus de 50 des
franccedilais vivent dans un deacutepartement comprenant une commune de plus de 30 000 habitants ougrave la
concentration des jeunes dorigine eacutetrangegravere repreacutesente plus de 30 de la jeunesse locale les
Franccedilais dascendance perccediloivent plus ou moins nettement cette reacutealiteacute sociale Ils ne
comprennent pas les discours relativistes statistiques et savants masquant ou reacuteduisant la reacutealiteacute
quantitative de la preacutesence immigreacutee avec sa concentration par endroit et ses effets de
transformation des modes de vie et des identiteacutes locales
Le plus souvent les questions et deacutebats drsquoacteurs ne portent pas sur les raisons des pheacutenomegravenes
de regroupements reacutesidentiels ethniques dans lrsquoespace urbain le fait qursquoils offrent un espace de
laquo sas raquo drsquoaccompagnement drsquoentraide utile aux parcours individuels de chaque membre comme
cela a eacuteteacute montreacute depuis les eacutetudes de lrsquoeacutecologie sociale et urbaine de Chicago au deacutebut du XXe
(Alpheacuteis 1993) est souvent intuitivement perccedilu mecircme si les formes prises ne sont pas toujours
accepteacutees Ce sont davantage les effets neacutegatifs potentiels et parfois en cours de ces
regroupements qui inquiegravetent comme la propension agrave adopter des conduites deacuteviantes et de
trouble agrave lrsquoordre public ou encore les difficulteacutes drsquoadaptation ou de se conformer agrave la sociabiliteacute
urbaine dans la vie quotidienne demandant autonomie et respect des normes drsquooccupation drsquoun 64 La direction administrative de la mairie des Ulis par exemple posseacutedait des graphiques de la reacutepartition des Ulissiens selon le lieu de naissance des parents
186
logement de pratique de son environnement drsquoeacuteducation des enfants et de relations de voisinage
(Barou 2006)
Face agrave la rheacutetorique du laquo seuil de toleacuterance raquo de la taille de la population immigreacutee brandit dans
les deacutebats publics selon une vision rigide et ideacuteologique de linfluence du nombre drsquoimmigreacutes sur
leur inteacutegration et leurs relations avec les autochtones les recherches montrent que cette
influence intervient lorsque les immigreacutes et leurs descendants sont concentreacutes spatialement et
dans des zones pauvres et deacutelabreacutees ougrave se manifestent les difficulteacutes dexistence et les conduites
deacutelinquantes (Martuccelli Wieviorka 1990) Les attitudes de rejet apparaissent dans des
conditions deacutegradeacutees de vie eacuteconomique et sociale et de cohabitation entre les groupes (Dubet
1989 De Rudder 2002) Crsquoest pourquoi puisque le risque de marginalisation et de tensions
sociales preacutejudiciable pour tous (immigreacutes et leurs descendants voisinage commune et socieacuteteacute
drsquoaccueil) est tangible et que crsquoest agrave ce niveau local que se construisent le mieux les politiques
drsquointeacutegration (Lapeyronnie 1992) il est inteacuteressant drsquoeacutevaluer la quantiteacute de personnes
concerneacutees par les difficulteacutes drsquointeacutegration ce volume populationnel reacuteveacutelant ainsi non
seulement la faible valeur sociale relative de lrsquoespace local mais aussi les risques de
renforcement de sa marginalisation avec une population exposeacutee aux risques de preacutecariteacute et
drsquoexclusion sociale sur critegraveres social et ethno-racial
Aux Ulis nous avons pu estimer qursquoentre un tiers et 45 de la population est
laquodrsquoorigine ethnique raquo ou encore potentiellement laquo ethnicisable raquo cest-agrave-dire agrave qui lrsquoattribution
de caractegraveres ethniques est possible traits les rapprochant de lrsquoeacutetranger et que ne partagent pas la
majoriteacute des autochtones sur les plans physique comportemental culturel ou encore symbolique
et moral (Simmel 1994 Lepoutre 1997 Elias Scotson 1997) Les personnes concerneacutees
constituent de ce fait une population discriminable sur les diffeacuterents marcheacutes eacuteconomiques et
sociaux Comment a-t-on reacutealiseacute cette estimation Agrave lrsquoinstar de lrsquoanalyse sur les actifs preacutecaires
de la ville nous avons eacutelargi la repreacutesentation de la population concerneacutee par ce pheacutenomegravene En
1999 par exemple il y a 1 021 franccedilais neacutes dans les DOM-TOM soit 4 de la population ce
qui fait avec les 21 drsquoimmigreacutes indiqueacutes plus haut 25 dUlissiens neacutes agrave leacutetranger et dans
les DOM-TOM Ce rapprochement nrsquoest pas anodin si lrsquoon srsquointeacuteresse aux rapports entre
groupes sociaux et les perceptions mutuelles qursquoils peuvent entretenir
En effet les socieacuteteacutes modernes sont de plus en plus multiethniques des identiteacutes ethniques et
culturelles se manifestent davantage dans les espaces urbains agrave des fins de valorisation sociale
187
parfois (Germain Blanc 1998) surtout parmi les classes moyennes et supeacuterieures (Martiniello
1995) mais le plus souvent selon une logique de diffeacuterenciation sociale agrave finaliteacute excluante
(Poutignat Streiff-Feacutenart 1995) et selon un processus pas toujours conscient comme se reacutealise
lrsquointeacutegration (Sayad 1994) Lindustrialisation de leacuteconomie la construction des Eacutetats-nations et
la citoyenneteacute deacutemocratique aux effets drsquoatomisation inteacutegratrice des communauteacutes locales et
issues de lrsquoimmigration nempecircchent la constitution dentiteacutes ethniques heacuteteacutero-imputeacutees ou auto-
organiseacutees (Martiniello 1995) Sur le plan scientifique drsquoailleurs la notion dethniciteacute est
drsquoabord apparue dans la sociologie nord-ameacutericaine et anglo-saxonne selon une acception se
voulant en rupture avec les connotations raciales ndash ou plutocirct racistes ndash potentielles de son usage
dans le langage commun
Il convient ainsi de se montrer prudent quant agrave la production et agrave lrsquousage de statistiques ethniques
ou sur les apparences afin de ne pas contribuer agrave attribuer de lrsquoexteacuterieur et agrave durcir des identiteacutes
selon des cateacutegorisations ethniques non adapteacutees pouvant participer au risque drsquoinstitutionnaliser
une organisation et une vision sociale agrave base ethnique et communautaire Ce qui exigerait de
passer agrave une gestion eacutetatique de la co-existence pluriethnique contre le risque de deacuteveloppement
de tensions pouvant deacutegeacuteneacuterer agrave lrsquoextrecircme agrave des massacres intercommunautaires (Habsbown
1993) Contre cet eacutecueil et celui de naturaliser des diffeacuterences en fonction drsquoorigines
indeacutepassables (Le Bras 1998) une condition de la repreacutesentation ethnique est de proposer un
contenu deacutefinitionnel reposant sur les perceptions sociales des apparences de lrsquoorigine ethnique
ou de lrsquoappartenance culturelle qui sont lieacutees aux pheacutenomegravenes identitaires qui se deacuteveloppent
dans chaque pays Car la diffeacuterenciation culturelle de la population et des pratiques sociales est
bien une reacutealiteacute aux multiples facettes (cultures reacutegionales sociales ou cultuelles issues de
limmigration ancienne ou reacutecentehellip) face agrave la majoriteacute des membres des socieacuteteacutes et de leur
mode de vie
En outre lrsquoethniciteacute peut apparaicirctre aussi dans un sens politique comme groupe dinteacuterecirct sur la
scegravene publique (notamment aux Eacutetats-Unis) La mise en valeur de caractegraveres ethniques dans les
deacutefinitions socio-identitaires srsquoinscrit dans des rapports sociaux et des interactions sociales
concregravetes reacuteveacutelateurs souvent drsquoune ineacutegaliteacute sociale structurelle au deacutetriment du groupe
laquo ethniciseacute raquo ou laquo srsquoethnicisant raquo En France lethniciteacute a pris de limportance dans la vie sociale
politique et culturelle contemporaine (Martiniello 1995) lrsquoespace public devenant de plus en
plus un espace socioculturel en reacuteaction aux discriminations ethno-raciales subies et avec
188
lrsquoappui drsquoinstances communautaires parfois (Semprini 1997) Elle a parfois une signification
sociale et politique entre choix individuels et contraintes sociales deacuteterminantes division et
stratification ethniques du marcheacute du travail politiques eacutetatiques sur des groupes cibles ou
encore effet de la recherche sociale et sociologique
Pour faciliter les politiques drsquointeacutegration un volet de reconnaissance de la diffeacuterence culturelle
est parfois activeacute La production de connaissances suivant le modegravele anglo-saxon sur le sort des
populations ethniques pour favoriser la reconnaissance de leurs droits sociaux multiples (emploi
eacuteducation logementhellip) crsquoest-agrave-dire pour favoriser leur eacutegaliteacute sociale apparaicirct alors preacutefeacuterable
agrave la mode franccedilaise passeacutee du silence qui precircte le flanc aux repreacutesentations fantasmagoriques de
la preacutesence eacutetrangegravere Eacutevoquer les repreacutesentations ethniques ou drsquoapparence au sein drsquoune
population crsquoest rendre compte des difficulteacutes drsquointeacutegration des populations issues de
lrsquoimmigration aupregraves des populations autochtones comme des eacutelus et des professionnels du
social (Sartre 1985 Blanc 1993 Bouzar 2001 Tenoudji 2001 Wieviorka 2001) Il srsquoagit
de susciter et drsquoalimenter le deacutebat public et de sortir de la confidentialiteacute de la recherche
deacutefendue par certains chercheurs (Simon 1999 Tripier 1999)
La visibiliteacute rationnelle des regroupements immigreacutes ou plutocirct de leur repreacutesentation sociale en
tant que population ethnique ou drsquoapparence eacutetrangegravere dans des espaces locaux est donc
inteacuteressante et souhaitable Lepoutre (1997) a reacutealiseacute des quantifications ethniques en produisant
lui-mecircme les informations agrave partir de ses outils denquecircte questionnaire dinterconnaissance
trombinoscope et listes de fichiers de publics dinstitutions Il eacutetablit un coefficient multiplicateur
de 3 entre le taux drsquoeacutetrangers (au sens juridique) dans le grand ensemble eacutetudieacute (La Courneuve)
et le taux drsquo laquo ethniques raquo (recouverts par les quatre grandes cateacutegories de Franccedilais issus de
lrsquoimmigration) les taux passent effectivement de 28 de la population du grand ensemble pour
les eacutetrangers agrave 85 laquo drsquoethniques raquo deacutenombreacutes en examinant les fichiers scolaires des enfants
du grand ensemble (692 inscrits au collegravege) et agrave 90 environ estimeacutes par le questionnaire
drsquointerconnaissance soumis agrave un adolescent dorigine immigreacutee portant sur 945 habitants du
grand ensemble (demande sur la nationaliteacute lrsquoethniciteacute ndash Arabe Noir Asiatiquehellip ou la
culture drsquoorigine des habitants)
Les populations potentiellement laquo ethnicisables raquo renvoient ainsi agrave des groupes sociaux exposeacutes
aux rapports drsquoexclusion selon les variables ethniques Lepoutre (1997) eacutenumegravere cinq grandes
cateacutegories de population qui sont exposeacutees agrave une ethnicisation excluante Drsquoune part les
189
eacutetrangers au sens juridico-administratif de la nationaliteacute puis drsquoautre part quatre cateacutegories de
Franccedilais les originaires des deacutepartements et territoires drsquoOutre-mer (DOM-TOM) les rapatrieacutes
drsquoAfrique du Nord les eacutetrangers naturaliseacutes Franccedilais et les Franccedilais de parents immigreacutes de
lrsquoeacutetranger On aperccediloit ainsi lrsquoeacutecart quantitatif important entre la seule population eacutetrangegravere et
cette population issue de limmigration franccedilaise (dOutre-mer et drsquoAfrique du nord) et eacutetrangegravere
ayant acquis la nationaliteacute franccedilaise
Ces grandes cateacutegories sociales lieacutees agrave des processus drsquoimmigration sont inteacuteressantes et
recouvrent de multiples deacutenominations ethniques en raison de certains attributs visibles qui
associent les populations agrave une origine lointaine Ce qui les expose de fait agrave la possibiliteacute de
discrimination neacutegative selon la modaliteacute la plus contraignante de lethniciteacute celle de lheacuteteacutero-
imputation sociale qui leur eacutechappe et qui les deacutefinit en partie Elles peuvent ecirctre soumises agrave un
processus symbolique dethnicisation dans les rapports sociaux dans les relations sociales locales
ou mecircme par lEacutetat en ayant des conseacutequences deacutefavorables dans leur vie sociale Cest pourquoi
les analystes doivent pouvoir proposer des cateacutegories drsquoanalyse pertinentes pour un usage adapteacute
aux politiques dinteacutegration
Pour tenter une estimation de la taille de la population ethnique aux Ulis la meacutethode suivie a eacuteteacute
de reacutealiser empiriquement par eacutetape une agreacutegation drsquoinformations eacuteparses dont disposent des
structures locales danimation drsquoaccompagnement et daction sociale au service des habitants
Une tentative drsquoopeacuterationnalisation a ainsi eacuteteacute reacutealiseacutee aupregraves de divers acteurs sociaux
concernant les pays les espaces etou les cultures dorigine de leurs publics
2 La laquo population ethnique raquo aux Ulis une population preacutecaire de lrsquoimmigration
surtout dans lrsquohabitat social
Quelle situation de regroupement de populations issues de limmigration trouve-t-on aux Ulis et
quelles en sont les repreacutesentations sociales Les donneacutees rassembleacutees indiquent quil est possible
deacutetablir une hypothegravese valable entre un tiers et 45 de la population communale qui relegraveve
dune appartenance ethnique Il y aurait une preacutedominance de Noirs couvrant pregraves de la moitieacute de
cette cateacutegorie de la population (eux-mecircmes partageacutes entre Noir-africains pour 80 et Ultra-
marins notamment Antillais pour 20 dentre eux) Ensuite les Maghreacutebins constituent le
190
deuxiegraveme groupe ethnique avec entre un quart et un tiers de cet ensemble de populations issues
de limmigration Par ailleurs aussi comme sur le plan national agrave cocircteacute de ces deux grandes
cateacutegories dimmigreacutes il existe une tregraves large diversiteacute de petites cateacutegories ethniques (une
cinquantaine a eacuteteacute deacutecompteacutee aux Ulis) qui se retrouve dans diverses structures sociales
Des opeacuterations destimation permettent davancer ces reacutesultats dont la confirmation finale
pourrait se reacutealiser par le biais dune laquo enquecircte dethniciteacute raquo dans chaque quartier de la ville par
le biais drsquoun questionnaire dinterconnaissance ou dauto-deacuteclaration Cette description ethnique
semble correspondre avec les flux migratoires aux Ulis les Noirs-africains sont plus
massivement arriveacutes dans les anneacutees 1980 alors que les flux de Maghreacutebins y sont plus anciens
(avec drsquoautres cateacutegories drsquoimmigreacutes comme les Portugais notamment) Cette distinction se
retrouve dans la reacutepartition des publics selon les dispositifs sociaux sur la ville on retrouve plus
de Noirs-africains dans ceux reacuteveacutelant une plus grande fragiliteacute sociale comme les Femmes-relais
pour les relations entre populations immigreacutees et institutions ou encore lrsquoAME pour les
immigreacutes laquo sans-papiers raquo comme nous le verrons plus loin
Selon le mecircme eacutecart estimeacute par Lepoutre (1997) agrave La Courneuve entre la population eacutetrangegravere
juridiquement et la population ethnique dans le grand ensemble la population communale des
Ulis comporterait avec pregraves de 15 de population eacutetrangegravere aux Ulis en 1999 pregraves de 45 de
population ethnique par transposition du coefficient de 3 traduisant cet eacutecart Mais cette
transposition ne peut pas srsquoappliquer exactement de cette maniegravere puisque lrsquoanalyse agrave La
Courneuve porte sur le grand ensemble alors qursquoaux Ulis on aborde le sujet pour lrsquoensemble de
la ville qui est certes formeacutee par un grand ensemble fondateur mais qui a eacuteteacute penseacute avec une
part importante de logements priveacutes agrave destination des classes moyennes (pregraves de 50 ) La
proportion de population ethnique est donc neacutecessairement reacutepartie de maniegravere ineacutegale dans
lespace reacutesidentiel communal Tout comme la reacutepartition des actifs preacutecaires analyseacutee supra ougrave
il a eacuteteacute estimeacute que pregraves de 70 de la population active preacutecaire reacutesident dans le parc dhabitat
social et pregraves de 30 dans le parc priveacute Pour tester ces approximations les structures de soutien
scolaire de la ville dinsertion et daccompagnement socio-eacuteconomique ont eacuteteacute enquecircteacutees La
confrontation de leur connaissance des publics agrave cette estimation ne la contredit pas Elle en
apporte plutocirct des mises en forme consonantes
Les premiegraveres structures qui deacutetiennent pour leur compte des donneacutees laquo ethniques raquo sont celles
qui peuvent connaicirctre agrave condition de leur demander le pays de naissance ou dorigine de leur
191
publics cest-agrave-dire les parents des enfants pour le soutien scolaire ou encore les adultes
cherchant des activiteacutes culturelles agrave reacutealiser ou auxquelles assister Ces structurent adaptent et
preacuteparent mecircme souvent leurs offres en fonction des demandes et des caracteacuteristiques culturelles
dorigine des publics
Par exemple dans les commentaires accompagnant les informations fournies en 2003 agrave
lrsquoObservatoire social le Club Leacuteo Lagrange relegraveve le paradoxe de penser accueillir laquo les enfants
de tout horizon social culturel et geacuteographique [hellip] tout en recevant rarement les publics
drsquoAfrique noire raquo dans leur action daccompagnement scolaire Ils sont pourtant nombreux
comme cela apparaicirct dans les effectifs des publics drsquoune autre structure drsquoaccompagnement
scolaire de la ville lEntraide scolaire municipale de la Maison pour Tous (MPT) de
Courdimanche (nom dune reacutesidence priveacutee situeacutee agrave cocircteacute de la plus petite des concentrations de
logements sociaux de la ville dans le secteur Est Nord-est de celle-ci)
Le Club Leacuteo Lagrange est lui situeacute plus au sud de la commune que cette structure dans le centre-
ville pregraves de la mairie Cette localisation un peu plus eacuteloigneacutee des logements sociaux (secteurs
Ouest et Nord-est) et surtout son fonctionnement indeacutependant par rapport agrave la mairie et agrave ses
diffeacuterents services qui couvrent la ville expliqueraient labsence denfants noirs-africains chez
eux qui ne sont pas conduits par les services institutionnels chez eux La visibiliteacute ethnique a
permis de montrer agrave la surprise de plusieurs acteurs locaux quun certain type de population
immigreacutee nest pas pris en charge par cet organisme deacuteducation populaire Lrsquohypothegravese a eacuteteacute que
les familles noir-africaines constituent aux Ulis une vague dimmigration reacutecente et pour
beaucoup elles sen remettent en premier lieu aux services municipaux pour leurs besoins daide
et de soutien sociaux Le Club Leacuteo Lagrange recevrait des publics ayant deacutejagrave une certaine
familiariteacute avec lenvironnement local du fait dune preacutesence plus ancienne dans la commune et
en France Quoiquil en soit le tableau 16 infra preacutesente les donneacutees de ces deux structures pour
lrsquoanneacutee scolaire 2002-2003
Dautres structures de soutien scolaire existent notamment celle de la Maison pour Tous (MPT)
des Amonts centre social situeacute dans le secteur Grand Ouest la plus grande concentration de
logements sociaux de la ville (3 123 logements soit pregraves de 70 des logements du parc social
de la ville) Malheureusement cette MPT ne sest pas associeacutee agrave cette investigation ce qui na pas
permis que la structure de soutien scolaire qui y agit puisse apporter des informations de ce
caractegravere sur son public
192
Tableau 16 - Effectifs des publics des deux structures de soutien scolaire de la ville des Ulis selon les cateacutegories ethniques (anneacutee 2002-2003)
Entraide scolaire municipale de la
MPT de Courdimanche
Club Leacuteo Lagrange Total Cateacutegories dorigine ethnique
effectifs effectifs effectifs
Franccedilais meacutetropolitains 5 8 21 41 26 23
Autres origines ethniques 56 92 30 59 86 77
Noirs-africains 22 36 0 0 22 20
Maghreacutebins 16 26 13 255 29 26
Antillais 8 13 8 155 16 14
Portugais 4 65 8 155 12 105
Pakistanais 3 5 - - 3 25
Indiens - - 1 2 1 1
Espagnol 1 175 - - 1 1
Italien 1 175 - - 1 1
Turque 1 175 - - 1 1
Total eacutelegraveves reccedilus 61 100 51 100 112 100
Sources Maison pour Tous de Courdimanche Les Ulis Club Leacuteo Lagrange Les Ulis Chebroux J-B (2003) Observatoire social de la Ville des Ulis Donneacutees 2002 Mairie des Ulis Le deacutecompte des Antillais agrave lentraide scolaire de la MPT de Courdimanche sest effectueacute oralement selon la responsable entretenue par teacuteleacutephone en novembre 2003
Pour rentrer dans le deacutetail des informations fournies en 2002 sur les 112 eacutelegraveves freacutequentant les
deux premiegraveres structures de soutien scolaire pregraves de 80 (77 ) sont dorigine non
meacutetropolitaine (tableau 16) Bien sucircr lhomogeacuteneacuteiteacute ethnique des laquo Franccedilais meacutetropolitains raquo
nrsquoest jamais eacutevidente il se peut tout agrave fait que certains dentre eux aient une ascendance dorigine
eacutetrangegravere au niveau des grands-parents Ces eacuteleacutements nrsquoont pas eacuteteacute veacuterifieacutes ni controcircleacutes pour un
recensement ethnique homogegravene sur la ville car ce qui importe justement agrave ce stade cest le
processus social autonome de recensement des origines ethniques effectueacute par des structures
daction sociale elles-mecircmes en relevant le pays dorigine des parents issus de limmigration
193
On pourrait regretter un manque dune certaine preacutecision dans les cateacutegorisations notamment
dans le cas de parents laquo mixtes raquo Quoiquil en soit ce processus manifeste la volonteacute de certaines
structures de disposer de telles connaissances pour connaicirctre les diffeacuterents publics quelles
servent En comparant les deux structures on constate que la place preacutepondeacuterante occupeacutee par les
enfants noir-africains agrave la MPT de Courdimanche se trouve prise au Club Leacuteo Lagrange par les
enfants maghreacutebins qui y deviennent majoritaires avec les Antillais Le Club Leacuteo Lagrange a
introduit cette distinction ethnique plus fine avec lrsquoorigine antillaise que lrsquoon ne retrouve pas agrave
lrsquoEntraide scolaire de Courdimanche Cest la responsable de cette derniegravere structure qui a
indiqueacute que les enfants antillais sont compteacutes parmi la cateacutegorie des Franccedilais (ce qui relegraveve du
domaine juridique plus que social) ils eacutetaient 8 lrsquoanneacutee derniegravere comme ils le sont cette
anneacutee65
e 36 le sont drsquoAfrique du nord et 10 du Pakistan du Chili de
la moitieacute des populations ethniques puis
Maghreacutebins ensuite pour un peu moins dun tiers
Une autre information sur la composition interne de la population ethnique aux Ulis peut
apparaicirctre par le biais des donneacutees de lrsquoAME fournies par le CCAS dans son bilan drsquoactiviteacutes
200366 Le nombre de demandeurs de lAME a augmenteacute de 37 de 91 en 2001 agrave 121 en 2002
apregraves une hausse de 63 entre 2000 et 2001 ce qui montre que les flux migratoires se
poursuivent en partie La structure ethnique des demandeurs en 2002 est la suivante 54 sont
originaires drsquoAfrique noir
Bulgarie et des Comores
Cette structure de public est proche de celle de lrsquoEntraide scolaire ougrave preacutedominent les Noirs-
africains pour pregraves de 40 des enfants non meacutetropolitains (22 sur 56) puis les maghreacutebins pour
plus drsquoun quart (16 sur 56 enfants soit 285 ) Les autres origines ethniques (portugaise
pakistanaise espagnole turque) viennent plus loin derriegravere avec des effectifs plus faibles
Lordre des deux premiegraveres cateacutegories de groupes ethniques est convergent entre les structures
Noir-africains dabord pour une part proche de
Par ailleurs la lecture des deux bilans drsquoactiviteacutes de 2003 des deux Maisons pour Tous de la
Ville (la MPT de Courdimanche dans le secteur Est Nord-est de la ville et la MPT des Amonts
dans le secteur Grand Ouest) fait apparaicirctre une programmation et une freacutequentation
65 Entretien reacutealiseacute en novembre 2003 66 CCAS (2003) Bilan dactiviteacutes 2002 Mairie des Ulis p 19
194
ethnoculturelles des animations et des services un peu plus marqueacutees en faveur des populations
maghreacutebines On retrouve ce caractegravere dans deux types dactiviteacutes dune part les services et les
activiteacutes non speacutecifiquement ethniques (eacutecrivain public de Courdimanche alphabeacutetisation
sorties de visite des museacutees parisiens atelier theacuteacirctre ou encore apregraves-midi Santeacute) dautre part ce
qui est plus attendu les services et les activiteacutes plus ethniquement connoteacutes comme les cours
drsquoarabe les soireacutees maghreacutebines les ateliers de percussions maghreacutebines les sorties hammamhellip
Est-ce agrave dire que les Noirs-africains et les Antillais (mecircme sil y a peu de visibiliteacute chiffreacutee des
Antillais concernant les freacutequentations des centres) sont avec les groupes ethniques beaucoup
plus minoritaires moins repreacutesenteacutes en programmation et freacutequentation dans ces structures
Rien nest moins sucircr Il semble plutocirct en eacutecoutant les propos des responsables des MPT et en
examinant leurs activiteacutes que les sensibiliteacutes ethniques srsquoexpriment davantage agrave travers des
activiteacutes exclusivement centreacutees sur elles-mecircmes au deacutetriment des projets inter ou
multiculturels outils de mise en œuvre de linteacutegration des acteurs locaux Et ces manifestations
laquo mono-ethniques raquo pleacutebisciteacutees par les publics des structures drsquoanimation urbaine intriguent les
directions des MPT et les responsables administratifs et politiques de la mairie
Cependant nrsquoest-ce pas lagrave une reacuteaction de courte vue de leur part Ces manifestations
nrsquoexpriment-elles pas leur vigueur sur le champ du repli des mouvements associatifs anteacuterieurs
ceux des classes moyennes et plus modestes des Franccedilais meacutetropolitains qui eacutetaient les premiers
habitants de la ville mais qui ont maintenant investi la sphegravere politique locale ou alors quitteacute la
commune ou encore abandonneacute leurs actions au deacutetriment dune sociabiliteacute deacutepassant leacutetroit
territoire communal Par exemple la MPT des Amonts (secteur Grand Ouest le plus grand site
dhabitat social de la ville) a preacutesenteacute pour lanneacutee 2000 des statistiques de soireacutees theacutematiques
(repas danses contes etou chansons) ougrave le nombre de participants laquo ethniques raquo correspondants
agrave la culture ethnique de la soireacutee theacutematique (maghreacutebine ou noir-africaine) est cinq fois plus
importante que le nombre de participants de la soireacutee laquo chansons franccedilaises raquo il y a eu pregraves de
120 et pregraves de 130 participants pour les soireacutees laquo tunisienne raquo et laquo africaine raquo soit environ 250
participants en tout contre pregraves de 50 pour la soireacutee laquo franccedilaise raquo67 Si le directeur de cette MPT
ne preacutesente pas directement les publics des trois soireacutees comme des publics laquo ethniquement raquo
homogegravenes il preacutecise neacuteanmoins dans son rapport drsquoactiviteacutes 2001 qu laquo il est apparu que ces
manifestations ont permis lrsquoappropriation importante de tel ou tel public en fonction des origines
67 Maison Pour Tous des Amonts (2001) Rapport drsquoactiviteacute Anneacutee 2000 Mairie des Ulis
195
ethniques raquo (p14) Cette homogeacuteneacuteiteacute ethnique lui semble suffisamment marqueacutee pour laisser
entendre qursquoil souhaite la changer laquo Une meilleure information une inteacutegration de ce type de
soireacutee dans une programmation coheacuterente assureront certainement la mixiteacute des publicshellip raquo
prentissage de lrsquoarabe des groupes de femmes maghreacutebines en
et drsquointeacutegration au
(p14)
En theacuteorie linteacutegration des immigreacutes passe par des eacutetapes de communalisation (de
regroupement communautaire) aux effets identitaires reacuteconfortants souhaiteacutes par les individus
concerneacutes Les responsables locaux le constatent et souhaitent pourtant eacuteviter les tendances agrave la
communautarisation exclusive des divers groupes ethniques Nrsquoest-ce pas contradictoire ou juste
un reflet inconscient de lrsquoambivalence du pheacutenomegravene drsquointeacutegration Agrave ces deux bilans drsquoactiviteacute
des deux Maisons Pour Tous sest ajouteacute un entretien en deacutebut drsquoanneacutee avec la secreacutetaire
drsquoaccueil du Donjon structure de gestion du secteur associatif de la ville et lrsquoeacutelue de la Ville en
charge de ce secteur Leurs propos convergent avec les observations des MPT Lrsquoessoufflement
de la vie associative apparaicirct agrave travers une diminution du nombre et des activiteacutes des
associations le caractegravere ethnique ou laquo mono-culturel raquo des activiteacutes se confirme avec les
soireacutees theacutematiques lap
accompagnement social
De lrsquoautre cocircteacute eacutechoue la mise en place drsquoactiviteacutes visant lrsquointerculturel comme la Fecircte de la
musique avec des artistes heacuteteacuterogegravenes ou dautres programmes preacutesentant des reacutefeacuterences
culturelles franccedilaises et internationales en chansons et en peinture Cependant un facteur semble
concurrencer cette tendance au centrisme socioculturel des populations issues de limmigration
lrsquoappartenance communale qui transcende les appartenances drsquoorigine Le succegraves des
manifestations avec des artistes amateurs de la ville le deacutemontre Cela confirme les reacuteflexions
deacuteveloppeacutees plus haut sur lrsquointeacuterecirct drsquoune analyse des questions sociales
niveau communal plutocirct qursquoau seul niveau des quartiers infra- communaux
Degraves lors les responsables locaux ne srsquoinquiegravetent-ils pas trop rapidement sur les risques
communautaristes Le laquo centrisme socioculturel raquo apparent des populations immigreacutees ne
soppose en reacutealiteacute pas agrave la dynamique drsquointeacutegration dans la socieacuteteacute drsquoensemble ce qursquoune
certaine indiffeacuterence de leur part aux autres cultures franccedilaises et immigreacutees ne doit pas laisser
penser Leur conduite correspond agrave un stade anteacuterieur de louverture complegravete agrave la culture du
pays daccueil ils ne peuvent se comporter spontaneacutement en laquo Franccedilais meacutetropolitains raquo
196
pouvant reconnaicirctre et srsquoapproprier rapidement les œuvres savantes ou populaires de ceux-ci et
en laissant derriegravere eux les reacutefeacuterences culturelles de leur vie dans leur pays drsquoorigine
Le stade actuel de leur inteacutegration est plutocirct en lien avec la dureacutee de preacutesence en France celui
de la deacutecouverte de lenvironnement geacuteographique et physique du pays et du partage des
conditions de vie mateacuterielle et sociale du mode de vie global et normal Le succegraves des activiteacutes
de vacances en station balneacuteaire et en montagne ou encore celui des visites et des freacutequentations
de la capitale latteste Il exprime une preacutefeacuterence agrave la familiarisation progressive avec le cadre
culiegravere des menaces
trent le type de tensions provenant de la gestion de locaux utiles aux besoins
Ukrainiens et Bulgares pour les Europeacuteens de lEst Turques
environnemental de la socieacuteteacute drsquoaccueil Ainsi lattachement agrave leurs activiteacutes identitaires reacutevegravele
leur besoin de maintenir et dentretenir leur culture drsquoorigine
Par ailleurs linteacutegration est un processus non deacutenueacute de tensions pouvant eacuteclater en conflits avec
lenvironnement des populations immigreacutees Dans ce sens la Ville a rapporteacute des comportements
agressifs de la part de certains membres de groupes antillais et noir-africains Le service des
associations a subi de maniegravere marginale mais marqueacutee lrsquoagressiviteacute de trois associations au
deacutebut de lrsquoanneacutee 2001 Ces associations auraient eacutemis pour leur activiteacute parti
et des violences verbales agrave lrsquooccasion de demandes de locaux pour se regrouper
indeacutependamment des regravegles habituelles dattribution des salles municipales
Drsquoautre part certains groupes de jeunes issus de lrsquoimmigration pour lrsquoessentiel laquo rappers raquo ou
non auraient aussi manifesteacute des comportements agressifs envers les institutions locales afin
drsquoutiliser sans consideacuteration des regravegles institutionnelles les moyens mateacuteriels de la mairie
Assureacutement ces constats rapporteacutes par un agent drsquoaccueil son chef du service associatif et une
eacutelue du secteur mon
leacutegitimes de regroupement communautaire et drsquoactiviteacutes culturelles de certains immigreacutes et de
leurs descendants
Au passage recenser exhaustivement les diffeacuterentes identiteacutes ethniques qui coexistent sur un
territoire neacutecessiterait une enquecircte aupregraves des diffeacuterents acteurs dinteacutegration et danimation sur la
ville Car aucun dentre eux ne semble connaicirctre lensemble de celles-ci En effet de multiples
cateacutegories ethniques apparaissent dans divers publics Elles sont issues des diverses zones de la
planegravete ce qui accentue le caractegravere cosmopolite de la ville Vietnamiens Laosiens
Cambodgiens Coreacuteens Chinois Taiumlwanais Japonais pour les Asiatiques Allemands et
Eacutecossais pour les ouest-europeacuteens
197
et Syriens pour le Proche-Orient et le Moyen-Orient Indiens pour le sud de lAsie Breacutesiliens et
Chiliens pour lAmeacuterique du sud
De ces diverses informations sur les populations ethniques comment a-t-on estimeacute un volume
global approximatif dans lensemble de la population communale Les populations ethniques
qui freacutequentent les soireacutees festives des MPT sont pregraves de cinq fois plus nombreuses que les
Franccedilais meacutetropolitains (250 contre 50) Les enfants qui suivent le soutien scolaire de deux
structures importantes de la ville (MPT Courdimanche et Club Leacuteo Lagrange) sont agrave 23 des
Franccedilais meacutetropolitains (26 sur 112) soit pregraves de 80 sont dorigine immigreacutee crsquoest-agrave dire pregraves
de quatre fois plus que les Franccedilais meacutetropolitains Lrsquoestimation approximative de la population
ethnique globale a pu seacutetablir par transposition de ces proportions releveacutees que lrsquoon retrouve
nationaliteacute CEE ou Hors CEE Cependant ces structures peuvent commenter des
la valeur de lrsquoestimation de Didier Lepoutre (1997) agrave la
Courneuve il srsquoagissait drsquoobtenir aupregraves des responsables de structures dinsertion une
ailleurs dans drsquoautres structures drsquoaccueil de populations locales comme celles de linsertion et
de lemploi
En effet les structures drsquoinsertion sociale et professionnelle (le Plan local dinsertion par
leacuteconomique PLIE le Reacuteseau local dappui aux beacuteneacuteficiaires du RMI du Conseil geacuteneacuteral
lrsquoAgence locale pour lemploi ALE) deacutecrivent neacutecessairement leurs publics tregraves
sommairement en fonction de la nationaliteacute et de lrsquoappartenance agrave lespace europeacuteen Franccedilais68
approximations de donneacutees ethniques en estimant parmi les Franccedilais la part de ceux qui sont
drsquoorigine eacutetrangegravere ou immigreacutee (eacutevaluation par connaissance du caractegravere ethnique du public)
Le dispositif PLIE des Ulis pour commencer comptait 640 beacuteneacuteficiaires daction dinsertion
190 soit pregraves de 30 eacutetait eacutetrangers hors CEE Pour lrsquoestimation de la part de cateacutegorie
ethnique qui pouvait en faire partie lrsquoapplication du coefficient multiplicateur laquo ethnique raquo de
25 produit un taux de pregraves 75 de beacuteneacuteficiaires de ces actions Ce coefficient a eacuteteacute fixeacute agrave cette
valeur (25) un peu au-dessous de
appreacuteciation spontaneacutee de ces estimations en eacutevitant des valeurs extrecircmes quils ne
constateraient pas dans leur activiteacute
68 CEE Communauteacute eacuteconomique europeacuteenne Ce sigle provient drsquoune deacutenomination drsquoune ancienne composante de lrsquoUnion europeacuteenne remplaceacutee par la Communauteacute europeacuteenne la CE en 1993
198
Le directeur du PLIE na pas pu par exemple contredire ce taux approximatif sans pour autant
pouvoir ecirctre preacutecis agrave ce sujet Il deacuteclara lors dun entretien teacuteleacutephonique laquo Nous disposons
les 401 dentre
sa connaissance du public
Lopeacuteration a eacuteteacute la mecircme pour les chocircmeurs de longue dureacutee enregistreacutes par lrsquoALE et pris en
que pregraves de 80 des 25 dactifs preacutecaires sont
ous les cas de liens avec une origine ethnique
simplement de 3 cateacutegories (de nationaliteacute) France CEE Autres (hellip) Cependant les personnes
de nationaliteacute franccedilaise sont pour une certaine part issues de lrsquoimmigration sans qursquoon puisse
lrsquoeacutevaluer plus preacuteciseacutement raquo En effet le PLIE nest pas doteacute doutils permettant de mesurer ce
type dindice
Ensuite le Reacuteseau local dappui (RLA) du Conseil geacuteneacuteral de lEssonne concernant la politique
aupregraves des beacuteneacuteficiaires du RMI Ils eacutetaient en 2000 pregraves de 33 (329 ) sur
eux agrave ecirctre de nationaliteacute autre que franccedilaise et de la communauteacute europeacuteenne Lapplication du
coefficient laquo ethnique raquo de 25 apporte un taux de 82 soit pregraves de 45egraveme des beacuteneacuteficiaires du
RMI qui seraient dorigine ethnique Le RLA en relation avec lobservatoire social na pas
contesteacute cette eacutevaluation approximative sur la base de
charge par le PLIE 104 eacutetrangers hors CEE sur 283 en 2000 soit une part de 367
permettent destimer une part de 92 agrave peu pregraves parmi eux de personnes dorigine immigreacutee de
leacutetranger ou doutre-mer (en multipliant 367 x 25)
Globalement en appliquant aux trois types de publics drsquoactifs preacutecaires ce coefficient de 25 les
laquo actifs ethniques raquo sont estimeacutes agrave environ 80 des actifs preacutecaires de la ville Dans la partie
preacuteceacutedente sur leacutevaluation des actifs preacutecaires de la ville leur part eacutetait de 25 agrave peu pregraves Par
deacuteduction il est alors possible deacutetablir
dorigine immigreacutee Ce qui repreacutesenterait une population active ethnique de pregraves de 20 Pour
la population globale actifs et non actifs compris le recensement de lrsquoensemble de la population
en 1999 indique que 148 des Ulissiens sont eacutetrangers et que 25 sont neacutes soit agrave leacutetranger
(21 ) soit dans les DOM-TOM (4 )
Si lrsquoon applique au taux drsquoeacutetrangers le coefficient de 3 ressortant de lrsquoenquecircte de Didier Lepoutre
(1997) cela donnerait pregraves 45 de population ethnique parmi lensemble de la population totale
Cette valeur approximative peut ecirctre leacutegegraverement excessive puisque le parc total de logements de
la commune nrsquoest pas uniquement composeacute de logements sociaux ougrave reacutesident (50 ) ougrave reacutesident
les plus preacutecaires (la population totale des logements sociaux ne repreacutesente drsquoailleurs que 60
de la population communale) Cependant les 25 de personnes neacutees agrave lrsquoeacutetranger ou dans les
DOM-TOM ne couvrent certainement pas t
199
apparente il faut aussi prendre en compte ceux neacutes en France drsquoun ou de deux parents neacutes agrave
lrsquoeacutetranger Ainsi sans pouvoir reacutealiser plus en avant des investigations agrave ce sujet lhypothegravese de
reacutesultat la plus valable se tiendrait entre un tiers et 45 de la population communale qui serait
dorigine ethnique et peut-ecirctre pregraves de 40
Ce reacutesultat hypotheacutetique souffre dune veacuterification empirique plus avanceacutee Toutefois il apporte
par les diffeacuterentes donneacutees utiliseacutees une connaissance suffisante qui confirme lideacutee de leffet
dethnicisation de lespace local produit par la releacutegation des plus pauvres drsquoorigine immigreacutee
dans lhabitat social de la ville Au sujet de la deacutegradation des rapports entre autochtones et
e (quelques rares cas concernent 3 eacutepouses ou plus) car la
dictions avec les principes juridiques geacuteneacuteraux
dans lrsquoespace domestique et les relations entre elles et avec leur mari difficulteacute drsquoappropriation
immigreacutes nous avons vu que les conditions drsquohabitat et drsquoexistence sont deacuteterminantes dans les
relations de voisinage Parmi ces conditions il y a le niveau de vie des immigreacutes regroupeacutes qui
sil est pauvre risque dinfluer sur la gestion de leur habitat qui constitue une partie de
lenvironnement de la ville Ce point est agrave lorigine des tensions interethniques et de la
deacutepreacuteciation de la qualiteacute de lespace concerneacute (Wieviorka Martucelli 1990)
Parmi les comportements qui influent sur les rapports de voisinage et les repreacutesentations
sociales se trouvent les pratiques polygamiques qui concernent quelques familles immigreacutees
une quinzaine aux Ulis au deacutebut des anneacutees 2000 selon le service Politique de la ville de la
mairie Cette situation familiale pegravese en plus sur les conditions de vie des familles avec leurs
enfants ce qui ne favorise pas leur inteacutegration (Fainzang Journet 1989) Dans son
fonctionnement la polygamie est couramment une double (dans trois quarts des cas) voire une
triple (pour le quart restant) monogami
vie quotidienne est cloisonneacutee entre les couples formeacutes par le mari et chacune des
coeacutepouses pour couper tout moyen pour une femme de srsquoimmiscer dans les affaires des autres
couples Les hommes cumulent donc deux ou trois relations de couples alors que les femmes
vivent des monogamies seacutequentielles en se partageant un mari dans le temps et en consideacuterant
leur relation conjugale comme agrave part
Le droit a rappeleacute lrsquointerdiction de cette pratique en France notamment pour les ressortissants
eacutetrangers en 1993 avec obligation de deacutemembrement (progressif) pour les personnes concerneacutees
(Bourdelois 1993) En dehors des contra
concernant les droits et liberteacutes individuelles notamment des femmes des aspects sociaux et
culturels justifient cette interdiction Drsquoabord les coeacutepouses concerneacutees vivent une tension forte
200
de lrsquoespace inteacuterieur promiscuiteacute et aussi isolement et deacutependance financiegravere agrave leur mari ce
qui exacerbe leurs rapports de concurrence
Beaucoup de femmes concerneacutees ont deacutenonceacute leur situation qui leur est faite imposition drsquoune
seconde eacutepouse empecircchement de lrsquoaccegraves libre agrave lrsquoinformation sur le controcircle des naissances ou
aux moyens contraceptifs Elles se retrouvent dans un systegraveme qui ne favorise ni leur
participation agrave la socieacuteteacute exteacuterieure ni leur autonomie En outre ce mode de vie favorise la
nataliteacute au sein de la famille mais aussi engendre souvent une deacutegradation des relations entre
tilisation trop intensive problegravemes de
ictions de la polygamie et lrsquoobligation de sa sortie pour les familles
enfants et conjointes Les enfants nombreux sont trop souvent livreacutes agrave eux-mecircmes car peu
suivis par le seul mari et ont des difficulteacutes agrave suivre une scolariteacute normale du fait du
surpeuplement des logements et du manque de suivi scolaire par les parents ignorant ou
meacuteconnaissant les valeurs les normes et les codes du systegraveme eacuteducatif familial
Dans le domaine du logement les meacutenages polygames se heurtent agrave des problegravemes graves lieacutes
essentiellement agrave lrsquoinsuffisance de logements sociaux assez grands pour reacutepondre agrave la taille hors
norme des familles Les problegravemes de la sur-occupation des logements se cumulent avec drsquoautres
problegravemes sociaux ce qui les renforce promiscuiteacute peu favorable agrave lrsquoeacutepanouissement des
enfants notamment scolaire et aussi psychologique deacutegradation geacuteneacuterale et rapide des
eacutequipements et des eacuteleacutements de confort agrave cause drsquoune u
voisinage susciteacutes par lrsquoutilisation tout aussi intensive des parties communes de logements
collectifs En conseacutequence face agrave la forte reacuteticence de nombreux bailleurs un grand nombre de
ces familles est compartimenteacute dans la fraction la plus deacutegradeacutee du parc ce qui accentue leurs
risques drsquoexposition agrave lrsquoinsalubriteacute pour leurs membres
De plus dans le contexte leacutegal drsquointerdiction de la polygamie depuis 199369 il nrsquoest pas rare que
soient substitueacutes les papiers drsquoune eacutepouse agrave lrsquoautre ce qui peut conduire agrave des difficulteacutes de
prise en charge meacutedicale et donc agrave des problegravemes de santeacute et drsquoidentiteacute Enfin il convient de
rappeler que les interd
polygames accompagneacutee de mesures sociales drsquoaccompagnement drsquoaide et de soutien agrave ce
processus apportent un appui certainement salutaire agrave un processus qui se serait produit sans
lrsquoaide publique dans des conditions beaucoup plus douloureuses pour les inteacuteresseacutes et leur
environnement
69 Loi du 24 aoucirct 1993 qui modifie lrsquoordonnance du 2 novembre 1945 concernant les conditions drsquoentreacutee et de seacutejour des eacutetrangers en France en interdisant la deacutelivrance drsquoun titre de reacutesident agrave un ressortissant eacutetranger vivant en situation de polygamie
201
En outre plusieurs caracteacuteristiques sociales et culturelles de notre socieacuteteacute actuelle fragilisent les
conditions de maintien de la polygamie dans celle-ci Dabord le contexte social et sanitaire en
eacutecarte la justification sexuelle de ses partisans la frustration masculine et lrsquoempecircchement de
reproduction pendant le deacutebut de materniteacute du fait des croyances en limpossibiliteacute de relations
s financiegraveres et
e marieacute decirctre
ayant droit de celui-ci Pour les pensions de veuvage elles eacutetaient fractionneacutees entre coeacutepouses
s sur le marcheacute du travail (Baudemont 2002)
sexuelles chez les femmes pendant lallaitement Aussi la polygamie ne beacuteneacuteficie pas dun
contexte culturel favorable concernant les unions leacutecart drsquoacircge au premier mariage (femmes tregraves
jeunes hommes assez voire tregraves acircgeacutes) et le remariage systeacutematique des veuves et divorceacutees ne
sont pas les modegraveles dominants en ce domaine
En outre les possibiliteacutes multiples de divergence et dautonomisation des femmes concerneacutees
dans les espaces urbains modernes impliquent des potentialiteacutes de changement de comportement
pour elles Par ailleurs la pratique polygamique comporte de seacuterieuses limitation
mateacuterielles pour les hommes qui la souhaitent car dans les pays dorigine deacutejagrave elle symbolise
la reacuteussite sociale et la deacutetention dun capital eacuteconomique pour lentretenir Toucheacutes par la
preacutecariteacute professionnelle et la paupeacuterisation le maintien traditionnel de la pratique polygamique
engendre pour les hommes un risque daccroissement des difficulteacutes financiegraveres
Agrave ce sujet en France la seacutecuriteacute sociale navait pas pour des raisons budgeacutetaires accepteacute la
prise en charge de la maladie et de la materniteacute pour les coeacutepouses bien quen 1978 une
circulaire autorisait une deuxiegraveme femme vivant maritalement avec un homm
Enfin dernier point qui aurait plaideacute en faveur dune lente disparition probable de cette pratique
sans loi dinterdiction et deacutecret dapplication de deacutemembrement des familles polygamiques
lrsquoabsence de lobbying des institutions musulmanes franccedilaises pour cette pratique
En conclusion sur cette section concernant la population ethnique aux Ulis sa quantification
empirique a pu montrer le lien entre les personnes drsquoorigine eacutetrangegravere et leur fragiliteacute socio-
eacuteconomique Une large partie de la population preacutecaire est drsquoorigine immigreacutee et vice et versa
une large partie des populations issues de lrsquoimmigration est preacutecaire Ce qui rejoint le constat
deacutemontreacute des discriminations ethnique
indeacutependamment mecircme des qualifications des personnes surtout en peacuteriode de rareacutefaction du
travail Cela ne veut eacutevidemment pas dire que les actifs ethniques sont tous des preacutecaires
202
Certains peuvent avoir une activiteacute stable et reacuteguliegravere et relever des cateacutegories moyennes voire
supeacuterieures de la population communale
Quel sens alors attribuer agrave lrsquoaccroissement dans certaines villes de populations modestes issues
de limmigration reacutecente et exposeacutees au risque des tensions racistes et de la discrimination
ethnique neacutegative Ne rendent-elles pas manifestes la paupeacuterisation drsquoune partie plus ou moins
commune
meacutediat au pied des tours et des barres dans la deacuteviance et la
deacutelinquance Ce point est tout autant symptomatique du deacuteclassement social de la commune que
les pheacutenomegravenes de sous-moyennisation de la structure sociale de peuplement devenant
riteacute
professionnelle de paupeacuterisation drsquoune partie de sa population et drsquoimportance de la population
grande de certains de leurs espaces socio-reacutesidentiels ainsi qursquoun processus de releacutegation sociale
en cours dans ceux-ci La preacutesence drsquoune population ethnique assez importante dans la
commune est bien le reacutesultat drsquoune seacutegreacutegation socio-spatiale dans les segments dhabitat social
de la ville des actifs preacutecaires issus en grande partie de lrsquoimmigration reacutecente ultra-marine ou
eacutetrangegravere
Ainsi puisque lrsquoon connaicirct les effets potentiels de la deacutegradation des relations de voisinage lieacutee
agrave la paupeacuterisation drsquoun groupe drsquohabitants drsquoorigine immigreacutee on peut estimer que ce
pheacutenomegravene de formation drsquoun ensemble populationnel ethnique important dans la
(entre un tiers et 45 des habitants) traduit non seulement la paupeacuterisation sociale dans
lrsquoespace reacutesidentiel et communal mais contribue aussi au pheacutenomegravene de deacuteclassement ou mecircme
de deacuteclin social de la ville avec des effets probables de tensions interethniques qui srsquoy
manifestent Les pheacutenomegravenes de violence et de deacutelinquance des membres des meacutenages pauvres
dans la ville et notamment des jeunes constituent une confirmation de cette situation
La section suivante constitue le dernier axe drsquoanalyse de lrsquoespace social de la commune des
Ulis les questions drsquoinciviliteacutes de deacutelinquance et de violence voire de criminaliteacute de la part des
jeunes hommes en grande partie Ce pheacutenomegravene est lieacute au regroupement spatial de nombreuses
familles socialement fragiles aux enfants en difficulteacutes eacuteducatives et drsquoinsertion entraicircnant la
formation de bandes de jeunes en laquo galegravere raquo (Dubet Lapeyronnie 1992) srsquoinfluenccedilant dans
lrsquoespace de leur habitat im
majoritaire de son parc drsquohabitat social par des meacutenages preacutecaires drsquoeacutetendue de la preacuteca
ethnique eacutetudieacutes plus haut
203
D- Inseacutecuriteacute eacuteleveacutee de voisinage et dans lrsquoespace public violence preacutedation et drogue
En ce deacutebut des anneacutees 2000 pendant quatre anneacutees dobservation des chiffres et des
connaissances des acteurs locaux dans ce domaine les principaux constats ont eacuteteacute les suivants agrave
partir dun niveau eacuteleveacute agrave la fin des anneacutees 1990 il y a eu une baisse statistique des violences et
des atteintes les plus graves (coups et blessures volontaire homicides) mais une hausse tant
des vols divers au profit desquels la violence sest reporteacutee en partie (les vols avec violence) que
a socieacuteteacute de transport en commun Les Cars dOrsay certains eacutetablissements scolaires
un mouvement citoyen-associatif local (agrave travers son journal associatif Le Phare) les cellules de
tranquilliteacute publique de la Mission de coordination de preacutevention de la deacutelinquance de la mairie
la socieacuteteacute de m es
municipaux ainsi que deux organismes deacutetudes ayant produit un diagnostic social et une
des atteintes agrave la paix publique geacuteneacuteratrices du sentiment drsquoinseacutecuriteacute (les inciviliteacutes multiples
parfois violentes et les usages et trafics de hasch dans beaucoup despaces de la ville) En grande
partie des jeunes sont impliqueacutes formant une grande partie des mis en cause policiers ainsi que
des auteurs de troubles et de deacutesordres plus ou moins violents dans les espaces publics et
collectifs de la ville
Plusieurs donneacutees ont eacuteteacute rassembleacutees et croiseacutees celles des appareils officiels de seacutecuriteacute de
lEacutetat (laquo Eacutetat 4001 raquo de la direction deacutepartementale de la seacutecuriteacute publique et donneacutees dappels agrave
laquo Police secours-17 raquo) avec des informations issues de sources et dacteurs locaux ayant une
connaissance par leur activiteacute des tensions et des problegravemes de deacutelinquance et de seacutecuriteacute dans
la ville l
aintenance de leacuteclairage public un bailleur social des responsables de servic
enquecircte
1 La violence et les preacutedations constateacutees par la police et drsquoautres acteurs locaux
Entre 1996 et 1998 en moyenne sur les trois anneacutees le niveau de deacutelinquance de voie publique
aux Ulis est le troisiegraveme plus eacuteleveacute des villes de lEssonne selon leacutetude Villes-Avenir du Conseil
geacuteneacuteral de 1999 baseacutee sur les statistiques policiegraveres du deacutepartement70 6639 faits reacutepertorieacutes
pour 1 000 habitants derriegravere Corbeil-Essonnes (7768) et Eacutevry (7610) Depuis cette date
lobservatoire social na pu constater quune hausse continue de la deacutelinquance et de linseacutecuriteacute
70 Conseil geacuteneacuteral de lEssonne (1999) Eacutetude Villes-Avenir Mairie des Ulis
204
sur la ville par rapport agrave 1998 le nombre de faits criminels constateacutes en 2002 par la police
nationale (donneacutees de llaquo Eacutetat 4001 raquo de la direction deacutepartementale de la seacutecuriteacute publique) a
augmenteacute de 9 (2 233 faits en 2002 contre 2 052 en 1998)
En 2001 un pic de 2 355 faits est mecircme apparu soit une hausse de pregraves de 20 par rapport agrave
lanneacutee preacuteceacutedente (1 982 faits en 2000) apportant un caractegravere net agrave cette tendance croissante de
la criminaliteacute locale (suivie dune leacutegegravere baisse de 5 de 2001 agrave 2002) On peut y voir une
correacutelation avec la hausse continue de la preacutecariteacute des jeunes adultes ulissiens durant les anneacutees
1990 deacutecennie qui a particuliegraverement toucheacutee les jeunes en matiegravere demploi (Lagrange 2001)
Les manifestations de deacutelinquance et de violence concernent en fait une majeure partie des
eacutequipements et des espaces publics et priveacutes de lensemble de la ville Les preacutedations de biens
priveacutes importantes (voiture biens dans les logements) les trafics de drogues ou les actes de
violence se manifestent variablement en divers lieux de la ville mais en couvrant globalement
aux personnes (de 131 agrave 259
qui est spectaculaire si lon tient compte que les agressions ont un impact direct sur le sentiment
celle-ci complegravetement Depuis 1998 on constate que (cf tableau 17 infra) apregraves une relative
stagnation des faits constateacutes de 1998 agrave 2000 (de 2 052 agrave 1 982 faits) il y a une nette hausse de
2000 agrave 2001 (2 355 soit + 19 ) avec une leacutegegravere baisse de 2001 agrave 2002 (2 233 soit ndash 5 )
Limpression est que la situation seacutecuritaire de la ville deacutejagrave mauvaise sest donc aggraveacutee
globalement dun palier au tournant des anneacutees 2000
Dans le deacutetail le tableau 17 ci-dessous utilisant les donneacutees de la Direction deacutepartementale de la
seacutecuriteacute publique (DDSP) permet de saisir les eacutevolutions des faits de deacutelinquance et de
criminaliteacute constateacutes entre 1998 et 2002 distingueacutes par type drsquoatteintes (aux biens aux
personnes et agrave la paix publique) Les trois cateacutegories datteintes augmentent assez nettement
avec une tregraves forte hausse de pregraves du double pour les atteintes
faits + 98 ) La hausse des atteintes aux biens les plus nombreuses est de pregraves de 11 (de
1 250 agrave 1 384 faits) et celle des atteints agrave la paix publique est un peu plus importante de pregraves de
15 en passant de 498 agrave 572 faits Lrsquoaugmentation totale de ces trois cateacutegories drsquoatteintes est
de pregraves de 18 (alors que celle de tous les faits de la DDSP ie comprenant drsquoautres faits hors
de ces atteintes est moitieacute moins importante soit de pregraves de 9 )
Les eacutevolutions annuelles des faits drsquoinseacutecuriteacute ne sont pas lineacuteaires ce qui relativise la critique
de pur artefact sans inteacuterecirct des chiffres policiers de la deacutelinquance Par exemple de 2000 agrave
2001 il est constateacute une eacuteleacutevation de 335 des atteintes aux personnes (de 218 agrave 291 faits) ce
205
dinseacutecuriteacute des personnes Elles alimentent les peurs directes pour lrsquointeacutegriteacute physique des
personnes peurs qui constituent une des deux composantes du sentiment dinseacutecuriteacute la seconde
tant lensemble des preacuteoccupations sociales pour le crime et leacutevolution de la socieacuteteacute et de sa
coheacutesion qui deacutepend davantage du profil des individus de leur acircge de leur condition socio-
eacuteconom
ombre de f de lin c(de 1998 agrave 2002)
eacute
ique et de leur insertion sociale que de leur exposition reacuteelle au risque drsquoagression
(Rocheacute 1993)
Tableau 17 - N aits deacute quan e et de criminaliteacute aux Ulis selon les cateacutegories drsquoatteintes
Atteintes
1998
1999
2000
2001
2002 Evolution 1 998- 2002
Aux personnes 131 7 199 105 218 125 291 14 259 12 + 978
Aux biens 1 250 66 6 65 6 62 + 108 5 1 299 9 1 152 1 280 15 1 384
A la paix publique 498 265 391 205 396 225 515 25 572 26 + 148
Total 1 879 100 1 889 100 1 766 100 2 086 100 2 215 100 + 178
Ensemble des faits DDSP 2052 2 043 1 982 2 355 2 233 + 88
Les poids relatifs des cateacutegories drsquoatteintes sont modifieacutes en 2002 par lrsquointeacutegration de nouvelles rubriques dans celles-ci les deacutegradations et incendies de biens priveacutes et les deacutelits agrave la police des eacutetrangers pour la paix publique et les violences contre enfant et famille pour les personnes (voir deacutetail page suivante) Cet ensemble de faits comprend drsquoautres faits non inclus dans les trois grandes cateacutegories drsquoatteintes
Drsquoautre part cette mecircme anneacutee 2001 aux Ulis les atteintes agrave la paix publique montent selon un
ordre de grandeur similaire 30 (de 396 agrave 515) Alors que les atteintes aux biens nrsquoaugmentent
que de 11 Ces eacutevolutions ont une incidence sur la structure des parts relatives de chacune des
trois cateacutegories drsquoatteintes malgreacute un retrait de 11 du nombre de faits de 2001 agrave 2002 la part
relative des atteintes aux personnes parmi les autres atteintes a presque doubleacute en quatre ans (+
78 ) elle a mecircme drsquoabord doubleacute en trois ans puis a leacutegegraverement diminueacute lrsquoanneacutee suivante
(12 en 2002) Cette hausse srsquoest essentiellement faite au deacutetriment des atteintes aux biens
les atteintes agrave la paix publique ayant conserveacute leur
iveau de 26
9
dont la part est passeacutee de 665 agrave 62
n
206
Tableau 18 de deacutelinquan et de cr inaliteacute aux Ulis par cateacutegories drsquoatteintes et par rubriques (de 1998 agrave 2002)
ndash Nombre de faits ce im
Catgories drsquoatteintes 1998 1999 2000 2001 2002
Aux personnes
Homicides 2 3 0 1 3
Coups et blessures volontaires 104 44 77 81 62
Menaces 4 13 20 13
Extorsions (racket) 9 13 8 7 34
Vols avec violence 31 50 55 102 114
Mœurs (agressions atteintes) 13 18 3 9 9
Mœurs (viols) 2 3 0 5 2
Violences conjugales 17 36 31 41 50
Infractions contre la famille et lrsquoenfant 9
Aux biens
Cambriolages 121 85 143 156 146
Vols divers 295 253 255 317
Recels 10 22 9 22 410
Vols V A 217 245 157 216 155
Vols de 2 roues 50 40 34 27 25
Vols roulotte et accessoires 557 611 464 447 414
Escroquerie et abus de confiance 31 43 95 95 234
Agrave la paix publique
Trafic 1 1 1 4 0
Usage et revente 74 13 44 44 67
Deacutegradations de biens publics 22 25 24 26 20
Incendies biens publics 5 1 1 6 2
Outrages 1 14 27 41 8 44
Rebellions 2 12 21 31 1 -
Deacutegradations volontaires V A 408 294 274 336 280
Chiens soumis agrave reacuteglementation - - 4 4 -
Destructions ndashdeacutegradations de biens 132
207
priveacutes autres que V A
Incendies de biens priveacutes 11
Deacutelits agrave la police des eacutetrangers 9
Le tableau 18 supra deacutetaille ces cateacutegories drsquoatteintes par rubriques Par exemple pour les
atteintes aux personnes limpression est que la violence physique croissante entre 2000 et 2001
srsquoest reacuteduite drsquointensiteacute apregraves une forte hausse crsquoest le cas pour les laquo coups et blessures
ci selon un mode de relation particulier (Mucchielli 2007) Ces deux rubriques ont
998 des
its de violence des statistiques policiegraveres (coups et blessures volontaires vols avec violence et
s atteintes aux mœurs) Dans les transports en commun par car dailleurs la violence physique
volontaires raquo (1999-2000 +52 2000-2001 +285 2001-02 -40 ) ainsi que les
laquo viols raquo (1999-2000 de 3 agrave 0 2000-2001 de 0 agrave 5 2001-2002 5 agrave 2) Lrsquoimportante baisse
des laquo violences conjugales raquo de 2001 agrave 2002 (de 50 agrave 17 faits soit - 66 ) confirme cette
tendance
En revanche les violences verbales ou gestuelles continuent globalement drsquoaugmenter assez
fortement comme les laquo menaces raquo et laquo extorsions raquo (de 20 en tout en 2001 agrave 34 en 2002 soit +
70 ) ainsi que les atteintes aux laquo mœurs raquo autres que viols (de 9 agrave 18 +100 ) De mecircme une
hausse notable des deacutejagrave nombreux laquo vols avec violence raquo (de 102 agrave 114 faits soit + 12 )
confirme que la violence reste un moyen de plus en plus utiliseacute pour voler En outre limpression
de violence est aussi alimenteacutee par les rubriques des laquo rebellions raquo et des laquo outrages raquo dans les
atteintes agrave la paix publique empecircchant de conclure agrave une baisse de la violence aux Ulis agrave cette
peacuteriode Cette violence contre les deacutepositaires et les repreacutesentants de lordre public est en partie
lieacutee agrave ceux-
dailleurs fortement augmenteacute de 1998 agrave 2001 plus du double pour les laquo outrages raquo (+ 127 ) et
de moins de la moitieacute pour les laquo rebellions raquo (+ 476 ) De 2001 agrave 2002 alors que les
laquo outrages raquo augmentent leacutegegraverement (de 41 agrave 44 faits) le nombre de laquo rebellions raquo nest pas
renseigneacute
Ces eacutevolutions des violences physiques et verbales de 1998 agrave 2002 se trouvent confirmeacutees par
des observations dautres acteurs locaux Par exemple le tableau 19 suivant montre que
conducteurs et controcircleurs des bus de la socieacuteteacute des Cars dOrsay ndash principale socieacuteteacute du reacuteseau
local de bus agrave lrsquoeacutepoque ndash ont eacuteteacute fortement toucheacutes par les agressions physiques en 1999 et 2000
avec 13 et 11 rapports dincidents chaque anneacutee ce qui correspond agrave la remonteacutee apregraves 1
fa
le
208
agrave lencontre des personnels a bien baisseacute en 2001 (3 incidents signaleacutes) et leacutegegraverement remonteacutee
en 2002 (6 faits rapporteacutes) ce qui montre que la tension na pas connu de baisse durable
Tableau sions et deacutegrada ns touc t les bus des Cars dOrsay aux Ulis (de 1998 agrave 2002)
19 - Agres tio han
Agressions ndash deacutegradation
1998 1999 2000 2001 2002 s
Contre le personnel
13 11
8 Verbales
Physiques
- 4
6
3 7
3 6
Entre voyageurs
kets NC NC
NC Verbales
s Physique Vols - rac
NC
- - 4
0 5 -
-
Ensemble des
Lacrymogegravene
Bris de glace
Jet de projectiles
Pitt Bull
2 12 - -
1 13 - -
7 12 2 3
1 5 6 -
1 10 11
occupants du car
TOTAL 4 37 38 22 25
Source Service Interurbain des Cars drsquoOrsay
Les violences verbales contre le personnel se sont dailleurs maintenues et ont mecircme augmenteacute
6 et 3 faits signaleacutes en 1999 et 2000 contre 7 et 8 faits en 2001 et 2002 Drsquoautres chiffres de
violence ont eacuteteacute plus eacuteleveacutes encore pendant ces deux anneacutees 2000 et 2001 entre voyageurs (4
vols-rackets en 1999 5 violences physiques en 2000) et surtout agrave travers des actes laquo aveugles raquo
visant les bus globalement et leur laquo cargaison raquo 13 bris de glace et une utilisation de
lacrymogegravene en 1999 (au mecircme niveau dailleurs que 1998) et le mecircme niveau en 2000 pour les
bris de glace (12 incidents rapporteacutes agrave ce sujet) avec une forte hausse de la lacrymogegravene (7)
209
accompagneacutes de lapparition des caillassages de bus avec 2 laquo jets de projectiles raquo qui ont
augmenteacute en 2001 (6) ces derniers ont atteint un niveau tregraves eacuteleveacute en 2002 avec 11 faits
rapporteacutes
Une premiegravere prudence de lecture du tableau est de savoir si les faits dinseacutecuriteacute ci-dessus
preacutesenteacutes par la socieacuteteacute Les Cars dOrsay sont bien imputables aux Ulissiens puisque les bus
suivent des lignes interurbaines de Massy-Palaiseau aux Ulis en passant par Orsay et Gif-sur-
Yvette par exemple Il se pourrait que des auteurs drsquoinseacutecuriteacute dune commune traverseacutee par cette
ifeste des laquo actes de rebellions sont en hausse lors des controcircles de titres de
source principale des tensions avec le
ligne viennent creacuteer des troubles aux Ulis Cependant pour le responsable de la fourniture des
donneacutees de 2002 entretenu en 2003 les fraudes et les problegravemes rencontreacutes par sa socieacuteteacute de
transport se concentrent bien aux Ulis ou sont le fait dUlissiens sans aucun doute
Il indique que mecircme si les agressions contre le personnel (15 en 2002 contre 13 en 2001 avec un
pic de 19 en 1999) et contre les bus en geacuteneacuteral et les voyageurs en particulier (22 en 2002 contre
12 en 2001 et un pic de 29 en 2000) nrsquoont pas toujours eacuteteacute laquo perpeacutetreacutees sur la commune elles
concernaient malgreacute tout des Ulissiens raquo Par ailleurs une confirmation de la tendance agrave outrage
des autoriteacutes est man
transports obligeant les conducteurs agrave effectuer des deacutetournements de lignes vers le
commissariat des Ulis afin de proceacuteder agrave des veacuterifications drsquoidentiteacute ou faire face agrave des outrages
ou des violences raquo
Entre 1998 et 2002 les taux de fraude constateacutes agrave chaque opeacuteration de controcircle restent les
mecircmes aux Ulis oscillant majoritairement entre 15 et 20 avec parfois une chute agrave 5 et des
pics en soireacutee Lors de ces opeacuterations les tensions avec les publics jeunes de 12-25 ans sont les
plus vives et les reacutesistances sont particuliegraverement fortes Cette reacuteaction face aux controcircles
montre lrsquoampleur et la teacutenaciteacute de la fraude comme
personnel des Cars drsquoOrsay et des forces de lrsquoordre Car par ailleurs la socieacuteteacute ne constate pas
laquo sur le reacuteseau de tensions particuliegraveres et durables pouvant expliquer ces augmentations
drsquoagressions ou de deacutegradations de faccedilon rationnelle raquo
Ces tensions lieacutees agrave la fraude mais aussi les actes de caillassage des bus revecirctent un symbolisme
de la relation conflictuelle entre les jeunes de milieux populaires et la socieacuteteacute Azouz Begag a
deacutecrit cette logique dans un entretien paru dans Le Monde du 29 novembre 1997
laquo Symboliquement les transports collectifs urbains repreacutesentent une des ultimes liaisons de
service public qui relie sans discrimination le quartier sensible au reste de la ville Degraves lors le
210
caillassage et les violences que subissent les bus expriment un deacutesir de couper les ponts avec la
socieacuteteacute drsquoexclusion une revendication du ghetto en tant que territoire de survie Ce sont toujours
des bandes de jeunes acircgeacutes de 12 agrave 14 ans qui sont agrave lrsquoorigine des agressions Leur deacutemarche est
baseacutee sur la provocation de tous les repreacutesentants de lrsquoordre eacutetabli Pour eux agresser un bus
ce symbolique inteacuterioriseacutee par les
jeunes et instrumentaliseacutee dans leurs rapports sociaux avec le reste de la socieacuteteacute (groupes
ormale raquo car chaque anneacutee elle sinverse par rapport agrave lanneacutee
voie de la
preacutedatrice ou eacuteconomique est en forte dynamique aux Ulis en ce deacutebut de milleacutenaire
crsquoest agresser lrsquoEacutetat raquo Begag montre avec Rossini (1999) que crsquoest la distance symbolique et
non la distance physique qui seacutepare de maniegravere deacuteterminante les modes de vie des habitants des
laquo quartiers drsquoexclusion raquo de ceux du reste des villes
Cette distance symbolique est le produit de l laquo exclusion sociale et territoriale raquo qui sanctionne
le plus fortement les moins qualifieacutes dont les immigreacutes et leurs enfants peu ou pas formeacutes Ainsi
un laquo enclavement socioculturel progressif raquo sest manifesteacute dans certains quartiers par le
deacuteveloppement drsquoune culture speacutecifique Elle traduit une distan
institutions meacutedias) soit ils revendiquent le stigmate du quartier dans leur affirmation
identitaire soit ils srsquoen distancient pour leur insertion sociale
Revenons agrave lanalyse du tableau 18 concernant les statistiques de la criminaliteacute selon les
cateacutegories datteintes Pour les atteintes aux biens apregraves une hausse geacuteneacuteraliseacutee de 1998 agrave 2001
on constate de 2001 agrave 2002 un ralentissement des atteintes aux biens priveacutes importants mais les
intentions preacutedatrices restent eacuteleveacutees Il y a eu un arrecirct de la croissance des cambriolages (146
faits soit -6 de 2001 agrave 2002) qui avaient entre 1998 et 2001 augmenteacute de 29 (de 121 agrave
156) Une baisse importante des vols de voiture est aussi notable (155 faits soit - 28 ) celle-ci
sinscrit dans une eacutevolution laquo n
suivante Elle est en 2002 revenue agrave une valeur proche de 2000 (157 faits) Enfin cette derniegravere
anneacutee encore la diminution des vols de deux roues (- 2 faits) et des vols agrave la roulotte et
accessoires (-7 ) se poursuit
Comment expliquer ces baisses concomitantes Cela provient-il dune baisse de la pression
preacutedatrice ou plutocirct dun reacuteel deacuteveloppement de la seacutecuriteacute proteacutegeant les objets volables Crsquoest
plutocirct la deuxiegraveme solution puisque lrsquoon constate par ailleurs que lrsquointention preacutedatrice reste
vive avec la hausse des vols divers et des recels (+ 21 de 2001 agrave 2002) En outre la
ruse est fortement investie cette mecircme anneacutee une hausse de 146 se constate pour les faits
drsquo laquo escroquerie et dabus de confiance raquo (de 95 en 2001 agrave 243 en 2002) La deacutelinquance
211
Pour ce qui est des atteintes agrave la paix publique les croissances du deacutefi aux autoriteacutes et de la
consommation de drogue se sont poursuivies de 2001 agrave 2002 Mais une baisse du vandalisme de
biens publics et de voitures sest eacutegalement observeacutee Avec une leacutegegravere hausse de trois uniteacutes (de
41 agrave 44) les laquo outrages raquo poursuivent tout de mecircme la hausse spectaculaire des deux preacuteceacutedentes
anneacutees (+ 92 de 1999 agrave 2000 et + 52 de 2000 agrave 2001) Cest dans le domaine de la
deacutegradation de biens publics et de veacutehicules que le relacircchement est le plus net de 26 agrave 20
deacutegradations de biens publics ce qui fait passer le niveau au-dessous de celui de 1998 de mecircme
pour la baisse de 30 de deacutegradations de veacutehicules (280 faits) qui atteint le niveau de faits
rejoignant le plus bas de la peacuteriode qui eacutetait en 2000 (274 contre 408 en 1998) Enfin si aucun
fait de trafic de drogue nrsquoest releveacute en 2002 (de 4 faits en 2001 agrave 0 fait en 2002) les faits drsquousage
et de revente de drogue poursuivent leur hausse (de 67 en 2001 agrave 74 en 2002 soit + 10 ) apregraves
le bond de 52 de 2000 (44 uniteacutes) agrave 2001 (67) Ce pheacutenomegravene confirme ainsi les constats
empiriques des acteurs sur la croissance de la consommation de hasch aux Ulis qui seront
s
sociatif communal et des
reacuteunions de conseil de quartier les expressions dattente dune plus grande preacutesence action et
preacutesenteacutes plus loin
En deacutefinitive le niveau de criminaliteacute constateacute aux Ulis parmi les plus hauts des communes du
deacutepartement agrave la fin de lanneacutee 1998 a augmenteacute encore jusquen 2001 notamment dans ses
composantes de violence et de vols touchant les personnes les biens et la paix publique De
2001 agrave 2002 un fleacutechissement notable sest cependant manifesteacute sur les formes physiques de la
violence sauf pour certains vols avec violence les preacutedations de biens priveacutes important
(voitures logements) et le vandalisme mais la violence verbale et gestuelle la consommation
de drogue et les intentions preacutedatrices diverses sont resteacutees aigueumls et ont poursuivi leur hausse
La violence seacuterieuse des jeunes entre eux et envers les institutions la hausse des preacutedations ainsi
que la consommation et le trafic de drogues constituent des grandes tendances de la deacutelinquance
locale Pour les jeunes de milieux populaires et des classes moyennes preacutecariseacutees ces actes
marquent lrsquoeacutechec de leur inteacutegration dans la socieacuteteacute dougrave les comportements agressifs et de mise
agrave distance des symboles de la socieacuteteacute dans des quartiers pauvres En reacuteaction linsatisfaction de
la population locale se montre alors forte agrave travers le journal as
coordination des polices nationale et municipale ont eacuteteacute nombreuses
Par ailleurs la reacuteduction de la violence physique aux Ulis est certainement lieacutee agrave la mise en
œuvre du dispositif de police de proximiteacute agrave partir de 1999 dont la ville fut choisie site pilote
212
national tout en expliquant aussi la hausse des violences contre les laquo agents deacutepositaires de
lrsquoautoriteacute raquo indiqueacutes plus haut (eg hausse des outrages de 92 de 1999 agrave 2000 et de 52 de
2000 agrave 2001 les laquo rebellions ont augmenteacute de pregraves de 50 en trois ans de 1998 agrave 2001)
Laugmentation du nombre de laquo mis en cause raquo71 traduit cet effort de reacutepression et deacutelucidation
des infractions bien que le ratio reste encore faible de 13 mis en cause pour 100 faits en 1998
on passe agrave 22 en 2001 et 23 en 2002 Le tableau 20 suivant repreacutesente les effectifs en valeur
bsolue que repreacutesentent ces ratios annuels ainsi que les effectifs de mineurs puisque le sujet est
Mis en cause dont les mineurs aux Ulis et en France meacutetropolitaine de 1998 agrave 2002
a
souvent source de deacutebats scientifiques et sociopolitiques
Tableau 20 -
Mis en cause (MEC)
1998 1999 2000 2001 2002
Ensemble MEC 265 408 411 524 512 Mineurs 58 126 90 136 133 Mineurs ensem-ble MEC Ulis
22 31 22 26 26
Mineurs ensem-ble MEC en France meacutetropolitaine
28 27 265 27 25
Part des -18 a pop tot Ulis
28
Part des -18 a pop tot France meacutetro
22
Source DDSP Essonne Source INHES OND (2007) Rapport 2007 de lrsquoObservatoire national de la deacutelinquance Fiche theacutematique ndeg
0 laquo Les mineurs mis en cause en 2006 raquo httpwwwinhesinterieurgouvfrLe-rapport-2006-69html
1
Le tableau montre bien la forte hausse de pregraves du double des effectifs de mis en cause entre
1998 et 2001 (+ 259 soit + 97 ) suivi drsquoune stagnation leacuteger infleacutechissement lrsquoanneacutee suivante
(- 12 personnes) Pour les mineurs mis en cause (MEC) la tendance croissante est plus forte que
71 Selon le lexique de lrsquoObservatoire national de la deacutelinquance (OND) les laquo mis en cause raquo dans la statistique institutionnelle de la direction centrale de la police judiciaire (appeleacutee Eacutetat 4001) sont des personnes concerneacutees par une proceacutedure drsquoaudition par procegraves-verbal lieacutee agrave des indices attestant qursquoelle a commis ou tenteacute de commettre une ou plusieurs infractions dans le champ de la criminaliteacute cest-agrave-dire un deacutelit ou un crime Il est preacuteciseacute que lrsquoidentification ne suffit pas pour qursquoune personne soit mise en cause que les aveux ne sont pas neacutecessaires et qursquoune personne entendue comme teacutemoin mecircme gardeacutee agrave vue nrsquoentre pas dans la statistique des personnes mises en cause (httpwwwinhesinterieurgouvfrfichiersOND_Lexique_031208pdf)
213
celle de lrsquoensemble des MEC (+ 134 entre 1998 et 2001) avec un pic en 1999 (31 ) suivi en
2000 drsquoun retour au niveau de 1998 (22 ) drsquoune remonteacutee en 2001 (26 ) et drsquoune stagnation
en 2002 Cette eacutevolution est plus fluctuante que celle observeacutee au plan national qui tend plutocirct agrave
suivre une pente en leacutegegravere baisse pour aboutir en 2001 et 2002 agrave des valeurs similaires (27 et
26 ) Ainsi si lrsquoeacutevolution croissante des mineurs mis en cause est plus forte que celle de
lrsquoensemble des mis en cause leur part parmi lrsquoensemble des MEC ne paraicirct pas deacutemesureacutee par
rapport agrave celle du niveau national elle lrsquoa deacutepasseacutee en 1999 et lrsquoa rejointe en 2001-2002 Si lrsquoon
srsquoen tient agrave lrsquoaction policiegravere aux Ulis la deacutelinquance des mineurs nrsquoest pas surdeacuteveloppeacutee par
line les journeacutees dexclusion et les
ine ont plus que doubleacute (8 agrave 17) les nombres de demi-journeacutees ont
ugmenteacute tregraves fortement en mode laquo interneacute raquo (+238 ) et plus faiblement en mode hors
eacutetablissem
Tab esures disciplinair legrave U 7
rapport au niveau national
Toutefois sans disposer des chiffres ulissiens plus reacutecents on peut conclure que ce tournant des
anneacutees 2000 a bien eacuteteacute pour les mineurs des Ulis et la population drsquoensemble une peacuteriode
difficile Dans ce sens une autre source dillustration locale de la monteacutee de la violence juveacutenile
populaire pendant ces anneacutees aux Ulis apparaicirct avec les mesures agrave caractegravere disciplinaire fournies
par le collegravege des Amonts (tableau 21 ci-dessous) Cest le collegravege de la grande ZUS de la ville
Ces trois indicateurs que sont le nombre de conseil de discip
avertissements ont tous augmenteacute plutocirct fortement de lanneacutee 2000-2001 agrave lanneacutee 2001-2002 Ils
reacutevegravelent une hausse des tensions en un an au sein du collegravege
Les conseils de discipl
a
ent (+16 )
leau 21 ndash M es au col ge des Amonts des lis de 199 agrave 2002
Nombre de 1997-98 1998-99 1999-00 2000-01 2001-02
Conseils de disciplines 8 3 6 8 17
Demi-journeacutees drsquoexclusion
662 770
13 44 Interneacutee Non interneacutee
Avertissements 63 70
Source Coordination REP
214
Enfin les avertissements ont aussi augmenteacute plus faiblement de 11 Encore une fois des
chiffres traduisent au moins autant si ce nrsquoest plus lactiviteacute de la direction et des eacutequipes
peacutedagogiques et administratives du collegravege que leacutevolution propre des actes violents des
colleacutegiens Il nen reste pas moins quils montrent des difficulteacutes auxquelles sont confronteacutees ces
eacutequipes et qui les gegraverent de maniegravere disciplinaire Mais cest lexistence preacutealable de difficulteacutes
et de tensions que nous retenons comme eacuteleacutement significatif sans preacutejuger de la pertinence de la
reacuteaction scolaire qui se manifeste
Au lyceacutee des Ulis LEssouriau ce type de donneacutees na eacuteteacute rapporteacute que pour lanneacutee 2002-2003
Une telle analyse diachronique na donc pas pu ecirctre possible En revanche linformation sur
lrsquousage du cannabis a eacuteteacute fournie en terme comparatif car relevant dune perception non
consigneacutee de la part du coordonnateur du Reacuteseau deacuteducation prioritaire (REP) par rapport agrave
une peacuteriode passeacutee reacutecente la consommation a selon lui augmenteacute aux abords de leacutetablissement
elle sest stabiliseacutee agrave lrsquointeacuterieur de lrsquoeacutetablissement Cette remarque sera agrave relier avec une analyse
plus globale de la consommation de hasch aux Ulis qui est reacutealiseacutee plus bas
2 Violences et deacutesordres nombreux dans la plupart des espaces de la ville
Pour toute une seacuterie de raisons qui tiennent aux habitants et aux agents de police les donneacutees
statistiques policiegraveres reproduites plus haut ne repreacutesentent pas tous les faits drsquoinseacutecuriteacute et de
tensions veacutecus par les Ulissiens Les atteintes agrave la paix publique avec les inciviliteacutes tensions et
conflits de voisinage et les atteintes aux personnes avec les violences interpersonnelles sont en
reacutealiteacute beaucoup plus nombreuses que ce que rapportent les agents au parquet Une source
dapproche de cette reacutealiteacute peu reconnue se manifeste dans les appels au 17 de Police-secours
que peuvent diffuser sur demande les directions deacutepartementales de seacutecuriteacute publique En effet
par jour plus de six appels sur sept en moyenne sont lieacutes agrave la criminaliteacute et concernent des
atteintes aux personnes et agrave la paix publique ce que les services policiers ne relaient pas dans
une proceacutedure peacutenale
En 2001 le service drsquoappel teacuteleacutephonique de secours de la police nationale (le 17) a enregistreacute 2
916 appels parmi lesquels 2 544 soit 87 ont plus directement trait agrave la criminaliteacute (un doute
subsiste cependant sur la signification de la rubrique laquo Blesseacutes voie publique raquo preacutesenteacutee par la
215
direction de la seacutecuriteacute publique mais le relatif faible effectif de celle-ci 144 ne remet pas
fortement en cause lrsquoanalyse suivante) Les 372 appels restants sont des faits lieacutes aux accidents
de la route (soit 13 des appels) Cela fait en tout pregraves de huit appels par jour dont sept pour la
deacutelinquancecriminaliteacute et un pour les accidents
Ce volume de faits indiqueacutes par teacuteleacutephone agrave la police par les Ulissiens correspond agrave pregraves de 125
fois au volume des faits dans les statistiques officielles de la police en 2001 (2 085) On ne peut
cependant pas conclure hacirctivement que les statistiques officielles ne repreacutesentent que trois quarts
de la criminaliteacute reacuteelle puisque des meacuteconnaissances de fonctionnement du 17 subsistent
concernant le mode drsquoenregistrement le statut par rapport aux faits enregistreacutes et surtout lrsquouniteacute
ou les uniteacutes de ces chiffres srsquoagit-il toujours du nombre drsquoappels ou parfois du nombre de faits
deacutesigneacutes par plusieurs appels Quels sont les modes de deacutecompte pour les faits faisant lrsquoobjet de
plusieurs appels ou plusieurs faits deacutecrits par un appel
Ici tout comme les statistiques officielles des difficulteacutes de signification se preacutesentent avec en
plus la question du statut de ces chiffres par rapport aux donneacutees officielles un fait peut ecirctre
certainement doublement compteacute tant en appel au 17 que enregistreacute officiellement srsquoil est traiteacute
par la police et adresseacute agrave la justice Lrsquointeacuterecirct de ces chiffres reacuteside donc plutocirct dans les grandeurs
ou les tendances qursquoils preacutesentent plutocirct que dans une exactitude controcircleacutee En outre les appels
au 17 ont de ce point de vue une part de validiteacute plus nette que les statistiques officielles
puisquils ne subissent pas la deacuteformation des processus de traitement par lrsquoappareil peacutenal
(produisant une importante part de laquo classement sans suite raquo) Les statistiques du 17 sont par
conseacutequent plus repreacutesentatives du veacutecu des habitants bien qursquoil subsiste certainement encore
toute une partie de faits criminels et drsquoinseacutecuriteacute qui nrsquoest pas par lassitude ignorance ou choix
deacutelibeacutereacute drsquoanonymat indiqueacutee par les habitants aux dispositifs de seacutecuriteacute publique
Dans le tableau 22 suivant preacutesentant le nombre dappels au 17 en 2001 et les cateacutegories
datteintes dans lesquelles on peut les ranger par analogie avec les rubriques des statistiques
policiegraveres officielles il apparaicirct clairement que les atteintes aux personnes et agrave la paix publique
sont lrsquoobjet des plus nombreuses atteintes ou peurs datteintes des Ulissiens Ces donneacutees sont
tregraves reacuteveacutelatrices si lrsquoon reconnaicirct lrsquoimpact psychologique et affectif des agressions sur les
individus (Rocheacute 1993) Comparativement au tableau plus haut des faits constateacutes par la police
selon les mecircmes cateacutegories on voit que cette structure des appels au 17 est inverse agrave celle des
faits officiellement constateacutes par la DDSP
216
Ce tableau montre un eacutetat des preacuteoccupations seacutecuritaires des Ulissiens totalement inverse agrave celui
qui pourrait sembler se deacutegager des donneacutees dactiviteacute de la seacutecuriteacute publique locale La paix
publique dans les quartiers et les problegravemes de seacutecuriteacute des personnes vis-agrave-vis des agressions
physiques constituent des objets de plainte bien plus importants que les vols et les cambriolages
Dans ce sens les donneacutees des appels au 17 montrent que les statistiques officielles de la
criminaliteacute sont parcellaires et ne renseignent pas suffisamment sur les objets principaux de
crainte des citoyens
Tableau 22 - Appels au 17 et faits constateacutes par la police selon les cateacutegories datteintes aux Ulis en 2001
Cateacutegorie de faits criminels rapporteacutes au 17 Appels
en 2001
Faits constateacutes par la police en 2001 (Tableau 20)
Atteintes aux personnes (agressions rixes VAMA jets de pierre violences blesseacutes voie publique)
295 14
Atteintes aux biens (vols cambriolages) 10 615
Atteintes agrave la paix publique (perturbateurs diffeacuterends de voisinage tapages deacutegradations nuisances sonores)
605 25
TOTAL 100 100 Source DDSP VAMA Vol agrave main armeacutee
60 des faits signaleacutes du 17 concernent des troubles agrave la paix publique contre seulement un
quart des faits laquo constateacutes raquo par la police cest-agrave-dire faisant lobjet dune transmission agrave la justice
pour traitement peacutenal (tous les autres faits restant dans les mains courantes ne sont pas publieacutes)
Ce plus grand eacutecart entre donneacutees du 17 et donneacutees de faits constateacutes transforme la signification
de cette rubrique des donneacutees officielles Il reacutevegravele la faiblesse des statistiques policiegraveres de
gestion qui sont souvent un peu trop rapidement prises comme des indicateurs complets et
valides des faits criminels sur un territoire
Aux Ulis les faits de perturbation de la paix publique que reacutevegravelent plus largement les appels au
17 suivent lordre drsquoimportance suivant ils proviennent de laction d laquo individus perturbateurs raquo
en majoriteacute (agrave 43 ) puis de laquo diffeacuterends raquo (225 ) de laquo tapages raquo (175 ) de
217
laquo deacutegradations raquo (14 ) et plus faiblement de laquo bruits domestiques raquo (35 ) Ces faits
constituent des troubles de voisinage qui sont autant de difficulteacutes pour les individus agrave vivre en
harmonie avec leur environnement
Agrave titre dexemple certains bailleurs ont fourni des observations sur linseacutecuriteacute qui concordent
avec ces eacuteleacutements Logis-Transport ndash qui gegravere la reacutesidence La Chacirctaigneraie dans le secteur Est
de la ville explique en 2003 que si cette reacutesidence connaicirct une ameacutelioration laquo globale raquo de la
situation car celle-ci eacutetant jugeacutee laquo stable raquo des inciviliteacutes persistent avec les attroupements de
jeunes devant les halls et sur le perron de la loge des gardiens De mecircme pour les deacutegradations de
lrsquoeacuteclairage public aux Ulis Dans un premier temps entre 1995 et 2002 le nombre
drsquointerventions de la socieacuteteacute STPEE en charge de lrsquoentretien a baisseacute continucircment passant de 405
agrave 227 interventions par an ce qui fait une baisse de pregraves de 50 (48 ) en sept ans
Drsquoautre part avec 135 euro par intervention en 2002 contre 111 euro en 1995 la hausse du coucirct de
reacuteparation par armoire a montreacute que la graviteacute des deacutegradations srsquoest accrue (avec une forte
augmentation en 2000 plus de deux tiers en un an de 87 euro agrave 145 euro par intervention) La hausse
du prix du mateacuteriel deacutegradeacute et changeacute y est certainement en partie responsable Cependant la
pression des actes malveillants y ressort donc toujours preacutesente malgreacute une meilleure qualiteacute et
soliditeacute du mateacuteriel urbain (selon le responsable du service Technique de la ville)
Pregraves drsquoun tiers (295 ) des appels au 17 concerne des atteintes aux personnes Dans les
statistiques officielles cette rubrique preacutesente une proportion de moitieacute plus faible (14 ) Le
manque de correspondance entre dun cocircteacute lactiviteacute policiegravere et ses reacutesultats et de lautre les
attentes de protection des individus peut encore se faire questionner par cet eacutecart Les appels
pour cette cateacutegorie datteintes se reacutepartissent de la maniegravere suivante dabord des laquo violences raquo
(255 ) et des laquo agressions raquo (235 ) sans deacutetail de la diffeacuterence entre ces cateacutegories ensuite
des laquo blesseacutes de voie publique raquo (185 ) puis des laquo jets de pierre raquo (15 ) des laquo rixes raquo (10 )
et une derniegravere cateacutegorie intituleacutee laquo VAMA raquo pour Vols agrave main armeacutee (7 )
Les signalements agrave la force publique des actes de violence physique sont donc bien eacuteleveacutes
contrairement agrave lrsquooccurrence qui en faite dans les statistiques officielles Sans analyser plus en
avant les causes et raisons de cet eacutecart certainement multiples celui-ci invite ainsi agrave relativiser la
faible part de ces violences aux personnes rapporteacutee par les statistiques officielles Il sagit en tout
cas de prendre tregraves au seacuterieux ces deacuteclarations de violence vu la diminution de leur repreacutesentation
218
quantitative officielle que produit la proceacutedure statistique policiegravere alors que leur impact
psychologique sur les victimes teacutemoins ou personnes informeacutees de ceux-ci sont fortes
Enfin les atteintes aux biens ne concernent quun dixiegraveme des appels partageacutes pour moitieacute entre
laquo cambriolages raquo et laquo vols raquo Ils reacutevegravelent un eacutecart encore plus important avec les donneacutees de la
seacutecuriteacute publique que celui des atteintes agrave la paix publique mais dans un sens inverse il ne sagit
plus dun poids relatif plus eacuteleveacute que dans la structure des statistiques policiegraveres mais plutocirct
dune quasi-disparition de la victimation signaleacutee pour vols et cambriolages par rapport aux
statistiques policiegraveres dans lesquelles elle apparaicirct comme le problegraveme majeur agrave geacuterer (65 des
atteintes constateacutees) Il y a certainement ici leffet dun meacutecanisme institutionnel dans lequel la
deacuteclaration aux services de police (17 ou commissariat) de ces victimations trouve agrave sinscrire
dans une proceacutedure de deacuteclaration et de prise en charge plus structureacutee et suivie par les services
judiciaires (rapport aux assurances notamment)
Par conseacutequent sur sept appels par jour au 17 lieacutes agrave la criminaliteacute il y a environ
- quatre agrave cinq appels pour des problegravemes lieacutes agrave la paix publique dont 2 pour des
laquo individus perturbateurs raquo 1 agrave 2 pour des laquo diffeacuterends raquo 1 pour du laquo tapage raquo 1 en
alternance entre les laquo deacutegradations raquo et les laquo bruits domestiques raquo avec une occurrence
plus importante pour les laquo deacutegradations raquo
- un agrave deux appels pour des atteintes aux personnes pour laquo violences raquo ou laquo agressions raquo
en alternance reacuteguliegravere et quotidienne puis 1 pour laquo blesseacute de voie publique raquo laquo jets de
pierre raquo laquo rixes raquo ou laquo VAMA raquo en alternance plus espaceacutee
- un appel un peu moins de tous les 2 jours pour des atteintes aux biens laquo cambriolages raquo
ou laquo vols raquo en alternance reacuteguliegravere
Ces donneacutees dappel au 17 apportent une bonne information concernant leacutecart entre les besoins
de seacutecuriteacute et les activiteacutes policiegraveres que reacutevegravelent les statistiques de lEacutetat 4001 fournies par les
directions deacutepartementales de seacutecuriteacute publique Sen servir pour se deacutetourner dun usage exclusif
des donneacutees policiegraveres officielles pour linterpreacutetation des problegravemes criminels locaux est donc
neacutecessaire et permet de comprendre une des causes de la mauvaise image de la ville pouvant
aiseacutement ecirctre perccedilue comme inseacutecure pour certains habitants connaissant ces actes
219
Cela explique par conseacutequence dans un contexte de recherche de seacutecuriteacute et de tranquilliteacute de
lhabitat par les habitants des villes la mauvaise position sociale de la ville dans les
repreacutesentations sociales locales et notamment sa mauvaise reacuteputation voire sa stigmatisation Ce
critegravere de seacutecuriteacute des personnes et de tranquilliteacute dhabitat qui se trouvent ici peu assureacute
contribue au deacuteclassement symbolique de la ville vis-agrave-vis de son statut anteacuterieur et de ses
espaces voisins
En juin 2002 le journal associatif de la ville Le Phare a publieacute un numeacutero eacutevoquant les
problegravemes concernant les habitants Cet article provient du comiteacute de quartier Centre-ouest celui
de la ZUS des Ulis qui comporte le plus grand nombre de logements sociaux de la ville (70
des 4 500 logements sociaux) Les problegravemes du moment auxquels les habitants de cet espace
sont confronteacutes y sont eacutenumeacutereacutes les caddies abandonneacutes les paraboles sur les faccedilades le
stationnement sauvage des voitures et les inciviliteacutes des jeunes envers les adultes
Ces problegravemes qui ne relegravevent pas du grand banditisme illustrent deux tendances des
preacuteoccupations chez les habitants et notamment les plus vulneacuterables et sensibles au deacutesordre
urbain dabord des problegravemes relevant de lordre physique mateacuteriel et estheacutetique mecircme qui
sexpriment avec les remarques sur les caddies et les stationnements sauvages de voitures ainsi
que les paraboles fixeacutees sur les faccedilades ensuite une question dinseacutecuriteacute personnelle avec les
tensions relationnelles entre certains adultes et certains jeunes que traduit le reproche
dinciviliteacutes au quotidien de la part de certains jeunes (attroupements reacutepeacuteteacutes autour de lieux
fonctionnant comme des marcheacutes de drogues appropriation de lespace sans eacutegard agrave
lenvironnement deacutegradation et nuisances sonores)
Drsquoapregraves une femme membre du comiteacute de quartier auteure de cet article dans Le Phare intituleacute
laquo Expression de la deacutemocratie locale le comiteacute de quartier de Centre-ouest raquo cela laquo creacuteeacute un
sentiment drsquoinseacutecuriteacute drsquoautant plus difficile quand on est seul raquo Ce sentiment dimpuissance et
de vulneacuterabiliteacute de lindividu dans les grands sites dhabitat social face au trop grand nombre
dactes et de faits de deacutesordre est une nouvelle manifestation du postulat simmelien sur le lien
entre le nombre des uniteacutes sociales et lintensiteacute et la probabiliteacute des pheacutenomegravenes sociaux qui sen
deacutegagent
Ce climat drsquoinseacutecuriteacute dans la ville concerne lensemble du territoire communal avec des tensions
vives majoritairement dans les relations entre des jeunes et des adultes lieacutees agrave des deacutegradations
220
des nuisances sonores des squats des stationnements gecircnants et des eacutepaves de veacutehicules ainsi
que des trafics de drogue La Mission de coordination de la preacutevention de la deacutelinquance de la
Ville par le biais de lrsquoanimation de reacuteunions drsquohabitants et de professionnels couvrant tout le
territoire (4 Cellules de tranquilliteacute publique) indique que le sujet de la seacutecuriteacute et de la
tranquilliteacute publique (inciviliteacutes deacutegradations nuisances sonores squats deacutelinquance et trafics
divers) sont preacutedominants dans chaque zone ce qui traduit un souci de qualiteacute pour lrsquoespace
urbain son ameacutenagement et ses usages
3 Lrsquousage et la vente de drogue tregraves reacutepandus
Pour terminer sur lanalyse des problegravemes aux Ulis il reste lrsquousage de la drogue et notamment le
haschisch parmi les jeunes Tous les milieux sociaux sont concerneacutes et la proximiteacute avec les
quartiers sociaux ny est pas innocente puisque lintroduction massive du hasch en France
correspond agrave la rencontre dans les quartiers populaires et les villes dune fraction de la jeunesse
des couches moyennes vivant la laquo bohecircme raquo degraves les anneacutees 1970 et des immigreacutes du Maghreb
et notamment du Maroc qui ont deacuteveloppeacute un marcheacute dimportation pour satisfaire les envies de
consommation (Mauger Fosseacute 1977 Mauger 1994)
Aux Ulis lobservatoire social a rencontreacute un accord drsquoacteurs sur la perception de la hausse de
la consommation et le rajeunissement des consommateurs de joints en mecircme temps que se
deacuteveloppe le trafic de cette substance En revanche ils sont aussi unanimes sur la faible prise en
charge socio-sanitaire eacuteducative policiegravere et judiciaire de cette affaire Pour rappel en 2002 les
statistiques de la Seacutecuriteacute publique vues plus haut preacutesentent les donneacutees suivantes relatives agrave la
drogue en 2002 0 fait de trafic de drogue (contre 4 faits en 2001) mais les faits d laquo usage et
revente de drogue raquo poursuivent leacutegegraverement leur augmentation (+ 10 ) qui avait eacuteteacute importante
de 2000 agrave 2001 (+525 ) Cela confirme ainsi les constats empiriques de certains acteurs sur la
croissance du pheacutenomegravene de consommation aux Ulis
Le coordonnateur REP de lrsquoEacuteducation nationale dabord qui comparativement agrave une peacuteriode
passeacutee reacutecente a vu apparaicirctre cette hausse de la consommation aux abords du lyceacutee au tournant
des anneacutees 2000 (agrave lrsquointeacuterieur de lrsquoeacutetablissement la consommation existe et serait laquo stable raquo) Par
ailleurs les animateurs du service municipal de la Jeunesse ont rapporteacute les mecircmes constats et
notamment dans les quartiers Ouest et Est agrave lendroit des quartiers sociaux
221
Ces derniers ont perccedilu une augmentation importante de la consommation entre 1998 et 2002 et
le mecircme rajeunissement des consommateurs avec des colleacutegiens de plus en plus concerneacutes les
filles encore moins que les garccedilons Si les trafics ne srsquoeacutetendent pas agrave tous les quartiers de la
commune ils restent bien visibles et font les ressources de certains jeunes deacutelinquants Ces
trafics concernent plus les lyceacuteens et les jeunes sortis du systegraveme scolaire mais aussi quelques
colleacutegiens utiliseacutes comme intermeacutediaires par les plus grands En revanche ils ne constatent pas
de deacuterapage des drogues laquo douces raquo aux drogues laquo dures raquo En outre les lieux de
consommation de la ville sont connus lrsquointeacuterieur de plusieurs bacirctiments une laquo colline raquo en face
dune reacutesidence les abords deacutetablissements scolaires
Plusieurs eacutechanges informels avec deux autres acteurs de la ville confirment cet eacutetat de
geacuteneacuteralisation et de rajeunissement de la pratique ainsi qursquoune absence de mobilisation drsquoacteurs
eacuteducatifs socio-sanitaires policiers et judiciaires sur le pheacutenomegravene Drsquoabord la responsable du
centre de santeacute des Ulis elle a confirmeacute en 2002 cette augmentation et le rajeunissement des
consommateurs surtout aux abords des eacutetablissements scolaires alors que ce pheacutenomegravene est
plutocirct deacutenieacute selon elle par les eacutequipes peacutedagogiques de ces eacutetablissements Ensuite les
associations speacutecialiseacutees sur la toxicomanie en lien avec le coordonnateur de la Mission du
Conseil communal de preacutevention de la deacutelinquance de la Ville elles sont bien informeacutees de ce
pheacutenomegravene de consommation eacutetendue du hasch et ne sen eacutetonnent pas pour ce qui est des Ulis
Cette eacutevolution concerne dailleurs fortement lrsquoEssonne par son appartenance agrave la reacutegion Icircle-de-
France qui devant lrsquoAquitaine et un peu moins la Bretagne et lrsquoEst de la France est la reacutegion ougrave
la consommation du cannabis est la plus eacuteleveacutee selon lrsquoOffice franccedilais des drogues et des
toxicomanies (OFDT 2002)
En deacutefinitive cette augmentation de la consommation et de sa visibiliteacute accompagneacutee de la
hausse des trafics neacutecessaires aux approvisionnements et de la hausse du nombre des jeunes
trafiquants (jeunes scolariseacutes ou non vivants du trafic) conduisent agrave une banalisation
deacuterangeante de la drogue aux Ulis Le deacuteveloppement de son usage reacutecreacuteatif ou addictif
multiplie les opportuniteacutes pour les jeunes de le rencontrer Non seulement il favorise les
comportements de regroupement de bandes autour de consommations collectives visibles et
reacutepeacuteteacutees sur la voie publique ce qui ne facilite dailleurs pas linsertion sociale individuelle de
leurs membres mais en plus il maximise les possibiliteacutes pour les plus engageacutes dans des
trajectoires deacutelinquantes de se trouver agrave terme dans des usages pathologiques de ceux-ci
222
La conjoncture de forte preacutecariteacute professionnelle pour les jeunes en insertion qui sest deacuteveloppeacutee
dans les anneacutees 1990 en a entraicircneacute beaucoup dans une situation dindeacutetermination sociale
combinant lrsquoabsence de valorisation sociale et celle de ressources moneacutetaires neacutecessaires pour
une relative autonomie ce qui a favoriseacute une consommation intensive de cannabis (Aquatias
1999) En outre si des situations de deacutesœuvrement moral ndash lieacute agrave des situations familiales
deacuteleacutetegraveres ndash peut expliquer lintensification des pratiques de consommation de hasch des plus
jeunes pour les plus acircgeacutes en activiteacute ce sont des situations de preacutecariteacute professionnelle et des
problegravemes relationnels familiaux ou judiciaires parfois aigus qui expliquent une consommation
intense
Enfin le passage eacuteventuel de la consommation de hasch suivie de drogues dures et de la
toxicomanie srsquoinscrit davantage dans une trajectoire deacutelinquante (Cagliero Lagrange Moyses
1999) que dans les usages reacutecreacuteatifs des trajectoires dinsertion normale (eacutetudes travail) Dans
tous les cas lrsquoeffet de deacutesordre social lieacute aux attroupements reacutepeacuteteacutes et continus nombreux et
nuisibles dans plusieurs espaces de la ville ne peut quen ecirctre renforceacute ainsi que les effets
symboliques sur limage sociale de la ville plus neacutegative et repoussante deacutegradations du bacircti
du mobilier des infrastructures et de certains eacutequipements nuisances sonores inciviliteacutes et
tensions avec dautres usagers de lespace qui sen eacutecartent pour cause de menaces ou
dagressions reacuteelles
On remarquera agrave ce stade que la police nationale en charge de la reacutepression de cette eacutevolution a
bien ducirc constater laugmentation de ces pratiques autour de la drogue les faits pour usage-
revente de drogue passant de 13 agrave 74 en quatre ans de 1998 agrave 2002 Toutefois son action sur les
trafics est encore trop faible de 1 agrave 4 affaires releveacutees entre 1998 et 2001 et 0 en 2002 Au vu
des constats preacuteceacutedents sur lusage et la consommation de hasch il paraicirct pourtant plus que
vraisemblable que des sources dapprovisionnement et des circuits et marcheacutes de revente existent
aux Ulis car ils sont agrave lorigine de lopportuniteacute du deacuteveloppement de ces pratiques Par ailleurs
la limitation de la demande de hasch pour usage reacutecreacuteatif ou des autres drogues est une affaire
socio-eacuteducative que les acteurs locaux nont pas encore suffisamment prise en charge dans la
ville
223
En conclusion cette section relegraveve clairement que pendant cinq ans de 1998 agrave 2003 un
ensemble multiple de vols et dactes dinciviliteacutes pouvant user de violence verbale ou aussi se
manifester lors de tensions face aux repreacutesentants de seacutecuriteacute et de controcircle est en hausse La
baisse de la violence physique interpersonnelle (coups et blessures volontaires viols violences
conjugales) agrave partir de 2000 survient apregraves une eacutevolution croissante dans les anneacutees 1990
atteignant un niveau des plus eacuteleveacutes du deacutepartement Et la continuation de la hausse des
laquo rebellions raquo et des laquo outrages raquo reacuteveacuteleacutees par la police nationale ainsi que des violences visant
les bus globalement et leurs utilisateurs montrent aussi le deacutetournement des violences
interpersonnelles les plus graves vers les symboles de la socieacuteteacute
Des habitants reacutepartis sur lrsquoensemble de la ville expriment leur preacuteoccupation face aux
conseacutequences multiples des comportements individuels et collectifs de deacutegradations et
datteintes aux biens aux personnes et agrave la tranquilliteacute publique provenant dune partie de la
jeunesse locale La lassitude et linquieacutetude sont dautant plus vives que cette hausse de
linseacutecuriteacute locale fait suite agrave une preacuteceacutedente peacuteriode passeacutee ougrave se sont deacutejagrave deacuteveloppeacutes ces
pheacutenomegravenes de deacuteviance de violences de deacutesordre et de troubles de lespace public local (cf
eacutetude Ville-Avenir du Conseil geacuteneacuteral de 1998 sur la peacuteriode du milieu des anneacutees 1990) Il
apparaicirct en outre que le risque de remonteacutee en graviteacute des atteintes sur la ville soit reacuteelle surtout
dans les quartiers Grand Ouest et Nord-est la pression de la violence verbale et des tensions
avec les repreacutesentants de lordre reste manifeste et la demande claire de renforcement de la
coordination des actions des deux polices nationale et municipale traduit cette perception locale
de la deacutegradation potentielle
Depuis les anneacutees 1990 avec la preacutecariteacute croissante drsquoinsertion professionnelle des jeunes les
pratiques deacuteviantes et deacutelinquantes orienteacutees aussi agrave des fins eacuteconomiques se sont deacuteveloppeacutees
dans des parties de lrsquoespace communale si nombreuses et disperseacutees que le sentiment
drsquoinseacutecuriteacute semble preacutedominer non seulement dans les quartiers sociaux mais aussi dans les
autres parties de la ville ougrave figurent des eacutequipements et des espaces publics objets de pratiques
de regroupement voire drsquoappropriation ou de deacutelinquance de la part de certains jeunes Crsquoest en
ce sens que la commune dans son ensemble preacutesente une deacutegradation des relations sociales dont
la source se situe principalement dans les quartiers sociaux de la ville De par lrsquoimportance de
leur composition socio-spatiale srsquoils eacutevoluent difficilement la vie sociale dans lrsquoensemble de la
ville en est indissociablement concerneacutee
224
Il est alors constateacute lrsquoinsuffisante intervention sociale et seacutecuritaire des pouvoirs publics qui ont
minoreacute les effets sociaux en termes drsquoanomie et de tensions sociales du chocircmage de masse et
continuel ainsi que ceux de la deacutevalorisation sociale des grands ensembles ce que traduit en
partie le refus de lrsquoinstitution policiegravere en France de se deacutecentrer de ses grands axes de
criminaliteacute et drsquoordre public (Mohammed Mucchielli 2007) Dispositions qui dans lrsquoensemble
aggravent la seacutegreacutegation territoriale de ceux subissant le deacuteveloppement de la violence de la part
de ceux souvent des voisins qui sont les plus exclus de la socieacuteteacute
Lrsquoaccompagnement social des parents des jeunes (Mohammed 2007) et de ceux-ci dans la vie
sociale et eacuteconomique des agglomeacuterations (Pumain 1987) pourrait pourtant avoir des effets
autrement plus beacuteneacutefiques sur les situations sociales des zones de concentration plus eacuteleveacutee de
meacutenages pauvres et fragiles
En conclusion de cette analyse monographique lapplication aux Ulis dun principe de
construction continue de connaissances eacutevolutives et partielles sur des pheacutenomegravenes observeacutes
(Kohn 1998) agrave partir des donneacutees empiriques multiples elles aussi partielles et eacutevolutives se
croisant et senrichissant permet de produire une repreacutesentation multidimensionnelle de lrsquoespace
local En particulier une esquisse de geacuteographie de la preacutecariteacute urbaine a eacuteteacute deacutegageacutee un laquo geacuteo-
diagnostic sociologique raquo srsquoest progressivement constitueacute en constatant les manifestations de
chaque variable eacutetudieacute dans chaque uniteacute spatiale de la commune que sont les reacutesidences
drsquohabitation Pour lrsquoessentiel ce sont les uniteacutes de logements sociaux dans lesquelles srsquoobservent
des difficulteacutes sociales de toute sorte de la part des habitants Plus preacuteciseacutement en 2003 dix
reacutesidences sur un peu plus drsquoune trentaine que compte la ville avec un petit secteur pavillonnaire
au sud-est de celle-ci se retrouvent en tecircte des manifestations de multiples problegravemes
Ces reacutesidences toutes agrave vocation sociale se retrouvent dans deux principaux secteurs
geacuteographiques de la ville de la partie habitation de la commune lrsquoOuest (avec les reacutesidences
Les Hautes Bergegraveres Les Hautes Plaines La Dauniegravere Les Avelines Les Amonts Le Bosquet
et le foyer Sonacotra) et le secteur Nord-est (La Chacirctaigneraie Chanteraine et Le Barceleau)
Ils constituent en partie pour le premier la ZUS de la ville et pour le second le deuxiegraveme
secteur prioritaire de la politique de la ville inscrit dans le Contrat urbain de coheacutesion sociale Il
225
existe donc bien une distribution deacuteseacutequilibreacutee dans lespace des manifestations les plus
nombreuses et aigueumls des difficulteacutes sociales
Sur un moyen terme de pregraves de quatre ans voire plus si lrsquoon considegravere les donneacutees relatives agrave
lrsquoanteacuterioriteacute des situations observeacutees de certaines reacutesidences une certaine stabiliteacute srsquoobserve de
la marginalisation sociale dans certaines reacutesidences parfois indeacutependamment de lrsquoeacutevolution de
certains autres problegravemes et de leur intensiteacute repeacuterable selon les indicateurs identifieacutes (nombre
de beacuteneacuteficiaires du RMI de meacutenages en impayeacutes de loyers tensions de voisinagehellip)
Cependant plusieurs pheacutenomegravenes preacutecis significatifs drsquoune deacutegradation des conditions
drsquoexistence et en partie du malaise des quartiers sociaux se manifestent aussi dans drsquoautres
reacutesidences et secteurs drsquohabitat non seulement social mais aussi priveacute par exemple la
reacutepartition des chocircmeurs et des demandeurs demploi de cateacutegorie 6 (dont 30 drsquoentre eux se
situent dans le parc priveacute de logements) les problegravemes de deacutelinquance ou encore les difficulteacutes
financiegraveres concernant lalimentation (impayeacutes de cantine scolaire eacutepicerie sociale)
Ainsi le processus de sous-moyennisation de la structure sociale de la population et le
deacuteclassement correacutelatif de sa structure urbaine ne se sont pas reacutealiseacutes sans heurts et sans effets
sociaux probleacutematiques la forme dune question sociale locale a eacutemergeacute et constitue un enjeu
pour les politiques publiques et sociales locales Du cocircteacute des groupes sociaux moyens et
supeacuterieurs resteacutes dans la commune tant dans les immeubles sociaux que dans les autres
quartiers dimmeubles priveacutes de la ville crsquoest un enjeu de coexistence de relations sociales
locales voire de cocirctoiement dans lhabitat et les espaces publics (Bordreuil 2000) qui srsquoest
affirmeacute
Ils rencontrent des problegravemes de seacutecuriteacute et de tranquilliteacute publique face aux personnes et aux
groupes paupeacuteriseacutes et deacutesocialiseacutes pour certains victimes heacuteteacuterogegravenes de lrsquoexclusion du travail
et de la preacutecariteacute sociale Car il est un fait que chacun doit laquo se situer par rapport raquo agrave ce que
repreacutesente pour eux socialement les quartiers sociaux de la ville et leurs habitants les plus
fragiles exclus et marginaliseacutes qui circulent et freacutequentent celle-ci (Bourdin Lefeuvre 2002)
Finalement cette analyse monographique rapporte lrsquoobjet de la recherche aux laquo grands
ensembles drsquohabitation raquo qui constituent le cadre principal de manifestation des pheacutenomegravenes
eacutetudieacutes Un tel type spatial dans une commune polarise non seulement lattention sur les
problegravemes sociaux quil recouvre par lrsquoampleur de ceux-ci mais eacutegalement les comportements
226
227
de tous les habitants en son sein et proche de celui-ci et particuliegraverement ceux de la commune
puisquelle est la premiegravere entiteacute collective de responsabiliteacute politique qui la laquo supporte raquo Les
habitants de lrsquoensemble de la ville du grand ensemble de son grand segment social ou encore
ceux en dehors de celui-ci vivent au quotidien dans les espaces publics et collectifs de la
commune avec les eacuteveacutenements et les comportements relatifs aux problegravemes sociaux
qursquoengendre la cohabitation avec des familles en difficulteacutes eacuteconomiques et sociales tensions de
voisinages comportements deacutepressifs violences intrafamiliales deacutelinquance des jeuneshellip
Toutes les dimensions symboliques et sociales des quartiers les plus probleacutematiques de la zone
dhabitat de la ville impriment la majeure partie des eacutevolutions sociales de la commune toute
entiegravere Agrave ce stade la recherche peut donc avancer de maniegravere plus assureacutee vers la
conceptualisation du sens global et des causes principales de la dynamique sociale observeacutee aux
Ulis depuis sa creacuteation jusqursquoau deacutebut des anneacutees 2000 le deacuteclin social urbain deacutecrit dans la
probleacutematique dont les traits peuvent se deacuterouler sous divers aspects relativement aux
caracteacuteristiques des sites sur lesquels il se manifeste
Pour conforter cette analyse visant agrave croiser les reacuteflexions entre lrsquoeacutevolution des laquo quartier-
ghettos raquo et leurs manifestations sociales au niveau des communes drsquoappartenance la partie
suivante preacutesente une comparaison de la situation des Ulis avec six autres communes aux
caracteacuteristiques agrave la fois similaires et varieacutees Elle singularise le rocircle deacuteterminant des grands
ensembles dans le deacuteclin des communes lorsqursquoils sont la partie principale voire exclusive de la
composition du tissu urbain malgreacute des histoires des profils sociaux et des environnements
distincts et ce dans diffeacuterentes reacutegions de France
228
Deuxiegraveme Partie
Des villes de grands ensembles en milieu rural et
peacuteriurbain des situations sociales neacutegatives
Cette partie preacutesente la deacutemarche de caracteacuterisation des situations et des eacutevolutions des
communes partageant la mecircme morphologie immobiliegravere que Les Ulis agrave savoir le caractegravere de
laquo grand ensemble raquo drsquohabitat reacuteunissant logements priveacutes et sociaux lieacute agrave lrsquourbanisme des anneacutees
1950 agrave 1970 Lrsquoeacutetape permet par la suite (cf troisiegraveme partie suivante) drsquoaborder lrsquoanalyse de ces
reacutesultats en termes interpreacutetatifs et explicatifs Il srsquoagit ici drsquoobserver si ces communes
preacutesentent comme les Ulis une eacutevolution marqueacutee par des modifications de structure sociale et le
deacuteveloppement de difficulteacutes et de tensions sociales multiples (preacutecarisation paupeacuterisation
fragilisation sanitaire deacuteveloppement de la violence deacutelinquance) Agrave la diffeacuterence de la
monographie reacutealiseacutee sur Les Ulis lrsquoanalyse sera centreacutee sur un nombre de traits plus restreints
consideacutereacutes comme significatifs vis-agrave-vis de la recherche
Quels ont eacuteteacute les principes drsquoeacutechantillonnage de communes pour cette analyse comparative
Historiquement parmi les productions engendreacutees par lrsquourbanisme fonctionnaliste il y a drsquoabord
eu la creacuteation de quartiers agrave lrsquointeacuterieur et en peacuteripheacuterie des grandes et moyennes villes anciennes
qui agrave lrsquoimage drsquoAix-en-Provence dans les anneacutees 1950 (Lefebvre 1960) a deacutejagrave contribueacute agrave
accentuer la seacutegreacutegation socio-spatiale par lrsquoeffet de la stratification sociale pousseacutee de lrsquoespace
urbain des groupes drsquoimmeubles habitation toujours plus grands ont eacuteteacute installeacutes seacutepareacutes les
uns des autres et fortement diffeacuterencieacutes sur le plan eacuteconomique et de la qualiteacute des
constructions en raison de lrsquointervention de constructeurs varieacutes pour des publics de niveau
social diffeacuterencieacute La dilution de la classe ouvriegravere hors des quartiers populaires socialement
deacutefinis vers des immeubles de cateacutegorie supeacuterieure atteacutenua alors cette organisation urbaine
Dans le mouvement drsquourbanisation du territoire apregraves la Seconde Guerre mondiale il y a eu aussi
lrsquoapparition de laquo villes nouvelles raquo censeacutees ecirctre eacutequipeacutees agrave dessein loin des centres urbains
anciens agrave 20 ou 30 km en moyenne en raison drsquoabord de lrsquoimplantation drsquoindustries diverses qui
229
neacutecessitaient un ameacutenagement du territoire adapteacute (Fourcaut 2002) Ce type drsquourbanisme a eacuteteacute
mis en œuvre par une filiegravere encadreacutee par les organismes eacutetatiques Il est inteacuteressant agrave eacutetudier
puisqursquoil semble plus facile drsquoy mettre en relation des observations ou des donneacutees urbaines et
sociales avec les formes urbaines afin drsquoeacutetudier leurs relations eacuteventuelles tout en nrsquoeacutecartant pas
a priori le rocircle potentiel de la distance aux villes notamment en termes de ressources
eacuteconomiques et sociales pour les habitants et de leurs accegraves aux services urbains Il faut se
garder de penser que la distance eacutequivaut agrave un isolat dans un espace rural preacutedominant Bien au
contraire le territoire portant des voies de circulation meacutelange habitat individuel ou petites
uniteacutes drsquohabitat et drsquoactiviteacutes agricoles bourgs villages voire petites villes En ce sens les
grands ensembles ont le plus souvent servi agrave densifier les peacuteripheacuteries des grandes zones urbaines
en accompagnant lrsquoexternalisation des activiteacutes dans lrsquooptique drsquoapporter des icirclots drsquo laquo urbaniteacute
intermeacutediaire raquo
Les communes eacutechantillonneacutees relegravevent de ce type de production tout en repreacutesentant
eacutevidemment une varieacuteteacute de situations puisqursquoaucun contexte territorial et aucune configuration
de construction ne sont assimilables agrave drsquoautres La seacutelection a eacuteteacute effectueacutee sur la base de listes
de reacutealisation dresseacutees dans les ouvrages ou documents historiques en fonction des critegraveres de
proximiteacute avec le cas ulissien Avec six communes retenues situeacutees en divers points du territoire
national la question est de savoir si leurs diffeacuterences ont eu un effet dans la vie au sein des
grands ensembles ou plutocirct si agrave lrsquoinverse les grands ensembles selon leurs caracteacuteristiques
(taille forme ameacutenagement ou relation avec le tissu preacuteexistant) ont engendreacute des modifications
sociales et urbaines dans les espaces concerneacutes Y-a-t-il des effets partiels ou totaux
observables Drsquoune certaine maniegravere et non sans ironie peut-on constater lrsquoobjectif de laquo table
rase raquo du projet drsquoarchitecture et drsquourbanisme moderne visant agrave eacuteliminer les deacutesagreacutements
supposeacutes de la ville (promiscuiteacute insalubriteacute pollution deacutecadence moralehellip) par la disparition
de ses formes traditionnelles
Les deux chapitres de cette partie abordent dans un premier temps lrsquohistoire de la formation de
ces communes de grands ensembles en milieu rural et peacuteriurbain puis dans un second temps la
comparaison de leurs situations sociales selon des donneacutees les plus reacutecentes de la deuxiegraveme
moitieacute des anneacutees 2000 Elles montrent une similitude avec de fortes diffeacuterences parfois sur
certains aspects tenant agrave leur speacutecificiteacute contextuelle Globalement un mecircme pheacutenomegravene de
deacutegradation des conditions de vie et des rapports sociaux locaux srsquoobserve
230
Chapitre V
Des grands ensembles diffeacuterents dans des contextes spatiaux varieacutes
Comment se preacutesente notre eacutechantillon Il comporte six communes de contexte et de situation
sociale diffeacuterents avant la construction des grands ensembles drsquoun cocircteacute lrsquoabsence quasi totale
drsquoimmeubles drsquohabitation et drsquohabitants comme aux Ulis et de lrsquoautre cocircteacute une petite
agglomeacuteration preacuteexistante Trois communes ont eacuteteacute eacutetablies sur des espaces tregraves faiblement
habiteacutes en 1946 crsquoest-agrave-dire comportant moins de 1 000 habitants et ce depuis au moins 160 ans
selon les donneacutees deacutemographiques exploitant les recensements de population le plus loin dans le
temps passeacute (cf infra) Fareacutebersviller (536 habitants en 1946) et Behren-legraves-Forbach (429) en
Moselle dans lrsquoEst de la France ainsi que Mourenx dans les Pyreacuteneacutees-Atlantiques dans le Sud
(215)
Crsquoest ce village qursquoHenri Lefebvre (19681970 Paquot 2009 Delceux Hess 2009) a vu se
transformer en petite ville construite avec de grands immeubles et agrave partir duquel il a eacutechafaudeacute
la premiegravere critique approfondie sur le caractegravere non urbain de ses formes leur contresens
historique et leurs effets deacutestructurants pour les individus puisque deacutepourvues de potentiel de
sociabiliteacute qui caracteacuterise la ville Les grands ensembles de ces trois communes choisies ont eacuteteacute
construits selon le mecircme mode drsquoameacutenagement que Les Ulis hors des grands centres urbains en
creacuteant une zone urbaine nouvelle ou en faisant passer le territoire drsquoun petit bourg agrave une ville de
taille petite ou moyenne
Deux autres entiteacutes plus volumineuses en 1946 que les preacuteceacutedentes sont incluses dans
lrsquoeacutechantillon Bagnols-sur-Cegraveze dans le Gard et Pierrelatte dans la Drocircme Agrave la date de ce
recensement de population drsquoapregraves-guerre elles sont pregraves de dix fois plus grandes que les
premiegraveres avec lrsquoune deux fois plus importante que lrsquoautre Une premiegravere explication en est que
agrave partir drsquoun bourg rural au Moyen-acircge ces agglomeacuterations se sont deacuteveloppeacutees dans le long
temps de maniegravere leacutegegraverement croissante sur le plan deacutemographique au moins pendant la
derniegravere peacuteriode de 160 ans dont les recensements sont disponibles Bagnols-sur-Cegraveze comptait
deacutejagrave 4 800 habitants en 1793 et 5 216 en 1946 agrave Pierrelatte il en eacutetait deacutenombreacute 2 789 en 1793
et 3 237 en 1946 Cet essor continu est ducirc agrave lrsquoinstallation de premiegraveres industries au XIXe siegravecle
Enfin une troisiegraveme cateacutegorie de territoires drsquoimplantation drsquoun grand ensemble est repreacutesenteacutee
par une sixiegraveme commune situeacutee dans le Rhocircne dans la peacuteripheacuterie lyonnaise Rillieux-la-Pape
231
Sa particulariteacute est que depuis la fin du XVIIIe siegravecle elle eacutetait en deacuteclin deacutemographique
tendanciel jusque dans les anneacutees 1920 passant de 2 789 habitants en 1793 agrave 1 684 en 1921
Cependant lrsquoagglomeacuteration a repris de la croissance dans la deacutecennie 1920 (3 185 habitants en
1931 sans prendre en compte la scission en deux communes intervenue en 1927) Agrave la fin de la
Seconde Guerre mondiale en 1946 lrsquoagglomeacuteration preacutesente 3 716 habitants soit un niveau la
situant entre Pierrelatte et Bagnols-sur-Cegraveze
Ainsi lrsquoeacutechantillon distingue trois cas de situation urbaine avant la construction drsquoun grand
ensemble drsquohabitat lrsquoabsence drsquoagglomeacuteration voire le tregraves faible peuplement (Fareacutebersviller
Behren-legraves-Forbach Mourenx) une petite agglomeacuteration en leacutegegravere croissance tendancielle sur
le long terme ayant donc certainement des traditions culturelles concernant leur vie eacuteconomique
et sociale (Bagnols-sur-Cegraveze Pierrelatte) et un cas de croissance urbaine plus reacutecente (Rillieux-
la-Pape) apregraves un lent deacuteclin sur le long terme preacuteceacutedent laissant entendre que la vie
eacuteconomique et sociale srsquoy est deacuteveloppeacutee de maniegravere plus reacutecente apregraves une lente involution des
activiteacutes pendant pregraves drsquoun siegravecle passeacute Ensuite les eacutevolutions drsquoapregraves-guerre entre 1946 et le
deacutebut de construction des grands ensembles (date variable selon les sites) ont leacutegegraverement
accentueacute ces diffeacuterences de situation preacute-grand ensemble peu de changement pour les trois
communes faiblement peupleacutees (en 1954 Fareacutebersviller compte 600 habitants Behren 524 et
Mourenx 218) et pour Bagnols-sur-Cegraveze (5 546 habitants en 1954) nette progression pour
Pierrelatte (4 252 habitants en 1962 contre 3 237 en 1946 soit une hausse de 31 ) et tregraves forte
pour Rillieux-la-Pape (6 456 habitants en 1962 contre 3 716 en 1946 soit une hausse de 72 )
Pour chaque commune il est preacutesenteacute des caracteacuteristiques deacutemographiques et socio-
eacuteconomiques agrave lrsquoaide drsquoune compilation de textes de cartes et de photos notamment sur les
grands ensembles agrave des moments diffeacuterents juste apregraves leur construction dans leur eacutetat actuel
ou en phase de travaux de reacutenovation (deacutemolition-construction reacutehabilitation) Les sources pour
les eacuteleacutements visuels mais aussi informationnels sont diverses des travaux scientifiques meneacutes
dans ou sur les communes les productions des collectiviteacutes territoriales des organismes ou des
administrations de lrsquoEacutetat aux eacutechelons central et local (Agence nationale de la reacutenovation
urbaine ministegraveres secreacutetariat geacuteneacuteral du Comiteacute interministeacuteriel des villeshellip) dont les fichiers
informatiques sont accessibles le plus souvent par internet lrsquoencyclopeacutedie eacutelectronique libre
Wikipeacutedia sur son site internet ou encore des productions de particuliers ou de groupes sociaux
divers srsquoexprimant par internet ou des publications papiers La diversiteacute des sources expliquent
232
lrsquoineacutegaliteacute du niveau de deacutetail de certaines preacutesentations Les donneacutees statistiques rapporteacutees des
sources non scientifiques ont eacuteteacute veacuterifieacutees avec les productions de lrsquoINSEE
Aussi pour avoir une vision complegravete des territoires de ces communes les grandes eacutetapes et
caracteacuteristiques de leur histoire locale sont rapporteacutees syntheacutetiquement du plus loin point que
les sources consulteacutees le permettent Il srsquoagit de constater lrsquoexistence drsquoidentiteacutes sociales
culturelles politiques et eacuteconomiques extrecircmement varieacutees issues drsquoeacuteveacutenements de traditions et
de pratiques multiples qui semblent toutes avoir eacuteteacute marginaliseacutees avec le deacuteveloppement urbain
par les grands ensembles des anneacutees 1950 agrave 1970 Ces derniers tendant agrave imposer leurs
probleacutematiques lorsque les situations urbaines et sociales concernant leurs communes sont
abordeacutees
Enfin des descriptions relatives aux projets de reacutenovation urbaine des communes lieacutes au
Programme national de reacutenovation urbaine (PNRU) deacutefini par la loi du 1er aoucirct 200372 sont
reacutealiseacutees Lrsquoengagement dans ce programme permet drsquoappreacutecier les probleacutematiques urbaines et
sociales mises en avant ainsi que les solutions proposeacutees en tant qursquoindicateur drsquoune
repreacutesentation drsquoun modegravele de vie urbaine agrave atteindre et du chemin agrave parcourir pour en poser les
conditions de reacutealisation Les eacuteleacutements de diagnostic mis en avant par les maicirctres drsquoouvrage dans
le cadre de ces projets ont eacuteteacute exploiteacutes de mecircme que des cartes du site internet de la DIV et plus
preacuteciseacutement le site internet du systegraveme drsquoinformation geacuteographique (SIG) du Secreacutetariat geacuteneacuteral
du Conseil interministeacuteriel des villes (CIV) qui exploite lui-mecircme les donneacutees de lrsquoINSEE
A- Un grand quartier drsquoune petite ville en croissance continue Pierrelatte (Gard)
Composeacutee de 12 893 habitants en 2008 Pierrelatte commune tregraves eacutetendue de 493 kmsup2 est
situeacutee agrave lextrecircme sud-ouest du deacutepartement de la Drocircme (Drocircme provenccedilale) dans la reacutegion
Rhocircne-Alpes agrave lrsquoouest de la valleacutee du Rhocircne La ville nrsquoappartient agrave aucune intercommunaliteacute
de projet Elle fait partie du bassin drsquohabitat de la Drocircme Sud Adosseacutee agrave un laquo rocher raquo qui la
protegravege du mistral elle se localise agrave respectivement 70 km et 25 km au sud de Valence et de
Monteacutelimar ainsi quagrave 60 km au nord dAvignon Elle est limitrophe des deacutepartements de
lArdegraveche agrave louest et du Vaucluse au sud Entoureacutee de palissades montagneuses recouvertes
72 Le PNRU se deacuteploie depuis 2004 sur environ 400 ZUS parmi les plus peupleacutees ainsi que sur 150 autres quartiers preacutesentant des difficulteacutes socio-eacuteconomiques similaires Cf wwwvillegouvfrterritoires-prioritaires
233
dimmenses forecircts verdoyantes et giboyeuses la plaine tricastine deacutebouche au sud du laquo Robinet raquo
(lieu dit du deacutefileacute du Rhocircne agrave Donzegravere au nord de Pierrelatte) Agrave louest cest une vaste eacutetendue
mareacutecageuse arroseacutee largement par le Rhocircne Pierrelatte dispose dune gare desservie par de
nombreuses lignes reacutegionales dont des trains directs donnant correspondance en gare de
Valence-Ville pour Grenoble avec un accegraves direct aux Universiteacutes pour les eacutetudiants La ville est
traverseacutee par la route nationale 7 (Lyon-Valence Avignon-Aix) et par lautoroute A7 Elle est
eacutegalement desservie par des autocars deacutepartementaux
La ville srsquoest deacuteveloppeacutee agrave partir drsquoun peuplement ancien et drsquoune histoire communale
importante village formeacute vers le IXe siegravecle agrave lrsquoabri du rocher appeleacute Peacutetra-Lata laquo charte
daffranchissement raquo forteresse muraille chacircteau et deacuteveloppement agricole sont soutenus par
les Templiers les seigneurs du Saint Empire romain germanique et les rois de France la
commune sort des guerres de religion laquo racheteacutee raquo par les habitants et offerte en seigneurie au 1er
234
Prince de Conti neveu de Mazarin (principal ministre des rois Louis XIII et Louis XIV de 1643
agrave 1661) Un premier canal de deacuterivation du Rhocircne agrave la fin du XVIIe siegravecle ameacuteliore lrsquoagriculture
par lrsquoirrigation des terres En 1789 les socieacuteteacutes populaires sont creacuteeacutees Les terres sont vendues
aux citoyens La premiegravere mairie est mise en place
La petite ville srsquoindustrialise agrave la fin du XVIIIe siegravecle avec lrsquoapport drsquoeau pour les activiteacutes de
tannerie et de filatures et le deacuteveloppement des communications ce qui entraicircne drsquoune part
lrsquoenrichissement des exploitants (qui construisent des chacircteaux) et drsquoautre part le
deacuteveloppement urbain de la ville (immeubles infrastructures et bacirctiments) En 1814 la
seigneurie est redonneacutee au futur Louis XVIII En 1852 la voie ferreacutee (Avignon-Lyon) marque le
deacutebut de la prospeacuteriteacute eacuteconomique Lrsquoindustrie est renforceacutee et les premiegraveres entreprises
srsquoinstallent en ville au deacutebut du XXe siegravecle
Apregraves la Libeacuteration la renommeacutee de Pierrelatte est eacutetroitement lieacutee agrave la construction du canal du
Rhocircne de Donzegravere-Mondragon et agrave linstallation du site nucleacuteaire du Tricastin Ce sont en effet
de grands chantiers de travaux publics et industriels qui vont en outre marquer lrsquoeacutevolution
urbaine contemporaine de la ville Drsquoabord la construction du canal de Donzegravere-Mondragon
entre 1947 et 1958 deuxiegraveme canal de deacuterivation du Rhocircne (28 km de long) assure en plus des
deacuteboucheacutes drsquoemploi de nouveaux reacuteseaux drsquoassainissement et drsquoeau potable
Centre ville historique (Ville de Pierrelatte 2010) Grand ensemble du Roc jouxtant la ville historique
(Ville de Pierrelatte 2010)
Ensuite agrave partir de 1958 est installeacute le site nucleacuteaire du Tricastin sur le territoire communal et
trois communes limitrophes en raison du beacuteneacutefice apporteacute par les eaux du canal pour les
opeacuterations de refroidissement des reacuteacteurs Les chantiers sont drsquoabord reacutealiseacutes pour Eacutelectriciteacute
235
de France (EDF) et le Commissariat agrave lrsquoEacutenergie Atomique (CEA) Les activiteacutes drsquoexploitation de
lrsquouranium sont croissantes et continues jusqursquoagrave nos jours (fabrication de combustible par
enrichissement drsquouranium drsquoabord puis production eacutenergeacutetique par la centrale nucleacuteaire
construite agrave partir de 1974 et mise en service en 1980)
En 2008 ce site est le premier site franccedilais de concentration des industries nucleacuteaires et le
deuxiegraveme site pour son eacutetendue apregraves celui de la Hague (Le Monde 17 juillet 2008) On y trouve
aussi des entreprises de gestion des deacutechets irradieacutes et des effluents et un centre de recherche du
CEA Cette activiteacute a entraicircneacute une forte croissance urbaine jusqursquoen 1968 La population a tripleacute
entre 1936 et 1968 Le grand ensemble dont la construction deacutebute en 1961 tout comme la
construction de lrsquoautoroute A7 agrave la mecircme peacuteriode srsquoinscrit dans cette dynamique sans toutefois
prendre en charge lrsquoensemble des besoins quantitatifs en logement
La Zone agrave urbaniser en prioriteacute constitue un quartier le Roc avec un centre commercial deux
groupes scolaires et un lyceacutee construit agrave proximiteacute immeacutediate du centre ville (Ville de Pierrelatte
ANRU 2008) Le programme drsquoune eacutetendue faible par rapport agrave la surface tregraves grande de la
commune (031 kmsup2 contre 493 kmsup2 pour la commune) comprenait 1 647 logements dont pregraves
de 70 de logements sociaux construits par Drocircme Ameacutenagement Habitat (Office public de
lrsquohabitat du deacutepartement de la Drocircme) et 30 de coproprieacuteteacutes Cela repreacutesentait plus du double
des logements existants agrave Pierrelatte agrave lrsquoeacutepoque puisqursquoen 1962 la commune comptait 1 263
reacutesidences principales (cf tableau 11 infra)
Plan-masse du quartier du Roc
(1961) ndash Commune de Pierrelatte
De nos jours le secteur du Roc qui constitue la ZUS de la ville deacutecreacuteteacutee en 1996 ne repreacutesente
plus qursquoune part qui srsquoest quasiment reacuteduite de trois-quarts par rapport au reste de la ville
236
puisque de 1968 agrave 2006 apregraves la construction du grand ensemble le nombre de reacutesidences
principales de la ville a presque doubleacute (+ 88 ) ce qui fait que les logements du grand
ensemble ne repreacutesentent plus que 30 des reacutesidences principales et pregraves du quart (248 ) de
la population communale soit 3 058 habitants sur 12 315 y reacutesident (Secreacutetariat geacuteneacuteral du CIV
2010-a) Ce qui montre que la population est drsquoailleurs tregraves ineacutegalement reacutepartie sur le territoire
Le quartier a une image homogegravene et morne de tours et de barres de taille pourtant laquo humaine raquo
contrastant avec lrsquohabitat local (icirclots de taille plus grande que le reste du tissu urbain) avec des
cours qui pourraient ecirctre inteacuteressantes agrave ameacutenager Une spirale de deacutevalorisation a eacuteteacute engageacutee
malgreacute la proximiteacute du centre ville
Le premier point probleacutematique est drsquoordre social puisque les problegravemes sociaux de la ville se
laquo concentrent en majeure partie sur les tours et les barres raquo (Ville de Pierrelatte ANRU 2008
p 5) et notamment dans un bacirctiment Sur le plan urbain les principaux dysfonctionnements
diagnostiqueacutes sont un quartier impeacuteneacutetrable du fait de la coupure par une voie ferreacutee de
lrsquoexistence de voies de contournement et de lrsquoabsence de voie routiegravere distincte relieacutee agrave
lrsquoexteacuterieur un scheacutema viaire labyrinthique et replieacute sur des culs de sac (parking) avec un
cheminement probleacutematique neacutecessitant drsquoemprunter ces parkings priveacutes pour joindre des voies
structurantes du quartier et enfin un centre de quartier avec centre commercial faisant obstacle
aux axes pieacutetons de liaison avec le centre ville et tournant le dos au quartier Crsquoest la partie nord
du quartier qui regroupe les immeubles posant le plus de problegravemes sociaux avec la deacutelinquance
importante et la vacance eacuteleveacutee des logements bien que les espaces publics soient de meilleure
qualiteacute la partie sud comprend la majeure partie des eacutequipements avec une moindre qualiteacute
urbaine mais un meilleur fonctionnement social
Entre la fin des anneacutees 1980 et la fin des anneacutees 1990 la ville srsquoest drsquoailleurs inscrite dans les
dispositifs de la politique de la ville tant dans ses axes sociaux de preacutevention et de seacutecuriteacute
qursquourbain (Ville de Pierrelatte ANRU 2008) la proceacutedure Deacuteveloppement social des quartiers
(DSQ) de 1989 agrave 1994 le contrat de ville de 1994 agrave 1999 le Comiteacute drsquoenvironnement social en
1989 le Conseil communal de preacutevention de la deacutelinquance (CCPD) en 1994 puis le Conseil
local de seacutecuriteacute et de preacutevention de la deacutelinquance (CLSPD) et le Contrat local de seacutecuriteacute
depuis 2003 et enfin la Zone drsquoeacuteducation prioritaire (ZEP) en 1989 et le Reacuteseau drsquoeacuteducation
prioritaire (REP) en 1997 Lrsquoeacutelaboration drsquoun projet de reacutenovation urbaine en 2005 a conduit les
237
eacutelus agrave srsquoengager dans une nouvelle politique de la ville contractualiseacutee avec lrsquoEacutetat par le biais du
CUCS depuis 2007
Le projet de reacutenovation urbaine deacutefendu par la ville est drsquoen faire un laquo quartier comme les
autres raquo pour drsquoune part revaloriser son image aupregraves des habitants et agir sur lrsquoattractiviteacute de la
commune aux niveaux deacutepartemental et reacutegional et drsquoautre part ameacuteliorer la vie quotidienne des
habitants du quartier et les liens entre les diffeacuterents quartiers de la commune Pour cela le projet
preacutevoit deux principaux axes drsquointervention un laquo remodelage et un mixage de la morphologie raquo
du quartier ainsi qursquoune dispersion dans le tissu urbain des logements sociaux pour eacuteviter leur
concentration spatiale et les effets de deacutelinquance des jeunes
Le premier axe est multidimensionnel drsquoabord une deacutemolition de 222 logements (165 de
son parc) drsquoimmeubles stigmatiseacutes et faisant obstacle aux voies de circulation compenseacutee par la
construction de 210 agrave 220 logements en petits immeubles dont au moins la moitieacute de statut social
et mieux disposeacutes par rapport aux frontiegraveres du quartier et agrave ces voies de circulation ensuite la
formation drsquoun maillage viaire interne relieacute et inteacutegreacute dans lrsquoorganisation communale de
circulation et drsquourbanisation (eacutequipements nouvelles voies et alignements urbains) enfin en
lien avec la reacutesidentialisation des icirclots (coupure entre espaces publics et priveacutes fermeture des
parkings reacutesidentiels et creacuteation drsquoaires de jeux pour enfants) le centre et les frontiegraveres avec
certains espaces du quartier sont reacuteameacutenageacutes
Ce reacuteameacutenagement consiste drsquoabord agrave reacutealiser un meacutelange drsquoimmeubles de taille et de statut
divers un eacutetablissement drsquoheacutebergement pour personnes acircgeacutees deacutependantes (EHPAD) de 80 lits
un centre commercial rebacircti renforceacute par une galerie marchande aux abords ameacutenageacutes (parvis
trame verte) et adapteacute agrave la circulation (maillage viaire et trame verte) et un nouveau front bacircti
avec lrsquoEHPAD mixte entre logements et activiteacutes tertiaires (reacutesidence sociale locaux associatifs
services divers) Le tout doit ecirctre inteacutegreacute agrave la ville par une liaison physique avec des
constructions adapteacutees aux normes et pratiques du deacuteveloppement durable concernant lrsquoeacuteclairage
public le chauffage la collecte deacutechets (capteurs photovoltaiumlques normes eacutenergeacutetiqueshellip) Sur
le plan des frontiegraveres internes agrave la ville des espaces verts drsquoouverture entre quartiers sont
programmeacutes
Par ailleurs le deuxiegraveme axe drsquointervention beaucoup plus succinctement preacutesenteacute dans les
programmes afficheacutes est celui de la construction drsquoune centaine de logements sociaux dans le
reste de la ville avec un foyer drsquoheacutebergement de 30 lits
238
Immeubles du quartier du Roc (Ville de Pierrelatte 2010)
B- Une grande Citeacute agrave lrsquoeacutecart des villes et du village communal Fareacutebersviller (Moselle)
Fareacutebersviller comme Behren-legraves-Forbach preacutesenteacute plus bas fait partie du bassin houiller de la
Sarre et de la Lorraine au nord-est du deacutepartement de la Moselle Composeacutee de 5 935 habitants
en 2008 qui occupent 2 232 logements elle appartient agrave la Communauteacute de communes de
Freyming-Merlebach (11 communes et 34 309 habitants en 2008) Agrave partir de 1954-1962 se sont
implanteacutees sur les villages originels de cette reacutegion des grandes citeacutes de logement des Houillegraveres
du Bassin de Lorraine (HBL) pour les ouvriers et leurs familles Sur le plan historique
Fareacutebersviller deacutependait au moyen-acircge de la seigneurie de Hombourg-Saint-Avold avant de
passer aux mains du duc de Lorraine en 1581 puis la commune a eacuteteacute inteacutegreacutee au royaume de
France en 1766 Annexeacutee comme toute la Moselle agrave lrsquoEmpire allemand de 1871-1918 beaucoup
de ses jeunes gens meurent au combat pendant la Premiegravere Guerre mondiale sous lrsquouniforme
allemand sur le Front de lrsquoEst mais aussi agrave lrsquoOuest en France et dans les Flandres Apregraves le
nouveau drame de lrsquoAnnexion de la Moselle pendant la Seconde Guerre et le bombardement
intense de la reacutegion par lrsquoaviation eacutetatsunienne la commune de 600 habitants en 1954 reprend
son essor gracircce agrave lrsquoindustrie du charbon et avec la construction de son grand ensemble
drsquohabitations pour les mineurs
239
Un demi-siegravecle drsquoactiviteacute dans ce domaine plus tard le territoire preacutesente trois aspects socio-
eacuteconomiques et geacuteographiques essentiels la fin de lrsquoactiviteacute drsquoexploitation miniegravere pendant des
deacutecennies de couches de charbon qui a marqueacute de son empreinte les paysages lrsquohabitat la
deacutemographie et les modes de vie (derniegravere fermeture de puits agrave Creutzwald en 2004) le
caractegravere frontalier avec une forte influence sur les dynamiques territoriales puisque le travail
transfrontalier est tregraves important (pregraves de 15 000 Mosellans du Bassin Houiller travaillent en
Sarre en Allemagne) une heacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute paysagegravere comportant deux typologies de communes
les communes urbaines des valleacutees (de La Rosselle du Merle et de la Moselle) et les communes
rurales du plateau
Sur le plan des voies de communication le territoire comporte quatre axes routiers majeurs
deux autoroutes (A4 Metz-Strasbourg et A320 Freyming-Merlebach-Sarrebruck) et deux routes
240
nationales (RN3 Saint-Avold-Forbach et RN56 Saint-Avold vers Strasbourg) Les lignes
ferroviaires principales sont les lignes de la Socieacuteteacute nationale des chemins de fer (SNCF) Paris-
Francfort et Beacutening-Thionville ainsi qursquoune ligne ferroviaire constitueacutee des anciennes voies de
Charbonnage de France (CdF) Les grands axes de communication placent le territoire
intercommunal agrave une demi-heure de lrsquoAgglomeacuteration de Metz agrave un quart drsquoheure de Sarrebruck
et agrave moins drsquoune heure de Strasbourg
Pour faire face au deacuteclin de la mono-industrie du charbon la commune a rejoint en 1989 le
district de Freyming-Merlebach creacuteeacute en 1975 regroupant sept communes pour amorcer la
reconversion et le deacuteveloppement du territoire (Communauteacute de communes de Freyming-
Merlebach 2010) Le Pacte Charbonnier qui a clocirctureacute un siegravecle et demi drsquoexploitation
charbonniegravere a eacuteteacute signeacute en 1994 (Preacutefecture de Moselle 2007-a) Ce district srsquoagrandit en 1990
(Henriville et Beacutening-legraves-Saint-Avold) devient communauteacute de communes en deacutecembre 2001
(se superposant au canton de Freyming-Merlebach) et srsquoagrandit en 2003 avec Hombourg-Haut
Lrsquointercommunaliteacute de 34 309 habitants en 2008 est donc composeacutee drsquoune ville centre
Freyming-Merlebach (13 172 habitants) de deux communes peacuteriurbaines Hombourg-Haut
(7 869 habitants) et Fareacutebersviller et de huit communes rurales qui forment pregraves de 20 de la
population communautaire Barst Beacutening-legraves-Saint-Avold Betting-legraves-Saint-Avold Cappel
Guenviller Henriville Hoste Seinghouse Sur le plan de ses reacutealisations on peut compter en
1975 une zone artisanale et commerciale agrave Betting en 1990 la meacutega zone industrielle de
Moselle Est installeacutee agrave Seinghouse Henriville et Fareacutebersviller ainsi que la mise en œuvre drsquoun
reacuteseau de teacuteleacutedistribution (construction drsquoune station de tecircte drsquoun bacirctiment de videacuteo-
communication et drsquoun pylocircne enfouissement des cacircbles et raccordement des habitations)
Pour le devenir des sites de Charbonnages de France probleacutematiques en raison des effets
environnementaux (affaissements inondationshellip) un projet global drsquoameacutenagement est preacutevu
Enfin le Scheacutema de Coheacuterence Territoriale (SCOT) est porteacute par le Syndicat Mixte de
Coheacuterence du Val de Rosselle creacuteeacute en 2004 avec les trois autres intercommunaliteacutes (Forbach le
Pays Naborien et le Warndt) qui couvrent lrsquoensemble du Bassin Houiller
Comme agrave Fareacutebersviller la population du territoire intercommunal ainsi que celles de deux
autres communes urbaines proches (Freyming-Merlebach et Hombourg-Haut) baissent depuis
1968 (de 17 pour la communauteacute de communes et de 252 et 255 pour les deux villes
proches) Pour rappel Fareacutebersviller a perdu 258 de sa population agrave la mecircme peacuteriode ce qui
241
montre que lrsquoeacutevolution deacutemographique deacutepend davantage du cycle du deacuteveloppement industriel
commun ici agrave plusieurs communes du bassin houiller et notamment de la communauteacute urbaine
que de la forme urbaine drsquohabitation des populations Freyming-Merlebach et Hombourg-Haut
bien que disposant de quartiers ouvriers nrsquoont pas eacuteteacute agrandis par des programmes de grand
ensemble des anneacutees 1950-1970
Avec lrsquoindustrie houillegravere en deacuteclin entraicircnant des pertes drsquoemploi de pregraves de 20 entre le deacutebut
des anneacutees 1990 et celui des anneacutees 2000 dans lrsquoensemble de la communauteacute de communes et
lrsquoabsence drsquoautres activiteacutes suffisamment volumineuses pour la remplacer et offrir des emplois
aux jeunes geacuteneacuterations drsquoactifs la population de la reacutegion suit ainsi un processus de
vieillissement de la population avec lrsquoaccroissement de la part des plus acircgeacutes et de deacute-
densification des logements avec la reacuteduction de la taille des meacutenages lieacutee agrave la deacutecohabitation
des enfants devenus grands et qui quittent la reacutegion En 1999 le taux de chocircmage atteignait deacutejagrave
15 sur lrsquoensemble du territoire communal avec un taux de 27 pour les moins de 25 ans qui
repreacutesentaient 81 des demandeurs drsquoemploi
Si lrsquoafflux de travailleurs migrants avec de nouveaux quartiers et de nouvelles zones drsquohabitat
construits pendant lrsquoapregraves Seconde Guerre mondiale dans la reacutegion a certainement favoriseacute le
maintien drsquoune population active jeune il est perceptible que avec le deacuteclin de lrsquoactiviteacute
eacuteconomique principale la tendance inverse produit un rapprochement voire un deacutepassement de
la situation franccedilaise qui connaicirct un vieillissement global en effet en 2008 la part des plus de
65 ans dans la communauteacute de communes est de 185 contre 17 pour Fareacutebersviller et 167
en France meacutetropolitaine Les populations jeunes en acircge de travailler ont en effet tendance agrave
quitter le territoire qui offre peu drsquoemplois au profit des pays limitrophes et du sillon mosellan
Cette tendance entraicircne des effets en matiegravere drsquoeacutequipement (maisons de retraites foyers
meacutedicaliseacutes soins meacutedicaux et maintien agrave domicile) de services de proximiteacute et drsquohabitat de
petite taille Lrsquohabitat est drsquoailleurs au cœur des enjeux du territoire intercommunal avec des
restructurations urbaines imposant une adaptation du par et le deacuteveloppement drsquouniteacutes pour les
personnes acircgeacutees Le parc locatif des Houillegraveres du Bassin de Lorraine (15 600 logements)
entreprise nationaliseacutee en 1946 pour ecirctre incluse agrave Charbonnages de France (organisme public de
coordination des Houillegraveres de France) et regroupant les compagnies lorraines de Sarre et
Moselle Petite-Rosselle et Faulquemont-Folschviller a drsquoailleurs eacuteteacute ceacutedeacute en 2001 agrave une socieacuteteacute
commerciale la Socieacuteteacute par Actions simplifieacutee (SAS) Sainte Barbe controcircleacute par la Socieacuteteacute
242
Nationale Immobiliegravere (SNI) ancienne Socieacuteteacute de gestion immobiliegravere des Armeacutees (socieacuteteacute
drsquoeacuteconomie mixte agrave but non lucratif) et filiale depuis 2004 de la Caisse des deacutepocircts (eacutetablissement
public drsquoinvestissement dans lrsquoeacuteconomie nationale ayant des activiteacutes de marcheacute)
La Communauteacute de communes de Freyming-Merlebach a engageacute un Programme Local de
lrsquoHabitat (PLH) dont le diagnostic a mis en eacutevidence le fractionnement du territoire en deux
entiteacutes distinctes espaces urbains et espaces ruraux qui fonctionnent et reacuteagissent de maniegravere
ineacutegale et drsquoougrave se deacutegagent des enjeux tregraves diffeacuterents en fonction du type de commune (rurale ou
urbaine) Les trois communes de plus de 5 000 habitants (Fareacutebersviller Freyming-Merlebach et
Hombourg-Haut) srsquoengagent sur lrsquoaccueil des Gens du voyage et sur la reacutenovation urbaine des
trois ZUS La Citeacute de Fareacutebersviller (de prioriteacute 1 deacutecideacutee par les acteurs73) La Citeacute Chapelle agrave
Freyming-MerlebachHombourg-Haut (prioriteacute 2) et La citeacute des Checircnes agrave Hombourg-Haut
(prioriteacute 2) Un quatriegraveme quartier Arc-en-Ciel agrave Freyming-Merlebach est deacutelimiteacute pour y
deacutevelopper des actions sociales et urbaines mais il est de niveau 3 en prioriteacute
La commune est constitueacutee de deux entiteacutes tregraves diffeacuterentes le village lieu originel au sud-
ouest et la Citeacute grand ensemble creacuteeacute agrave partir de 1954 par les HBL pour les mineurs de la valleacutee
de la Moselle toute proche Crsquoest une veacuteritable ville nouvelle eacutetendue sur 85 hectares (ha) et
deux communes Fareacutebersviller pour 74 ha et Theacuteding (2 195 habitants en 2006) pour 11 ha En
2006 5 979 habitants (population municipale) reacutesident dans la ZUS qui deacutelimite la citeacute
(Secreacutetariat geacuteneacuteral du CIV 2010-b) dont 846 agrave Fareacutebersviller (5 057 reacutesidents qui
repreacutesentent 84 des 6 020 habitants de la commune) et 134 agrave Theacuteding (922 qui
repreacutesentent 42 de la population municipale totale)
Sur les 2 313 logements que compte la Citeacute sur les deux communes au deacutebut des anneacutees 2000
(Preacutefecture de Moselle 2007-a) 2 157 sont occupeacutes en 2006 (Secreacutetariat geacuteneacuteral du CIV 2010-
b) soit un taux de vacance de 67 Elle se situe agrave distance des zones urbaniseacutees qui lrsquoont
preacuteceacutedeacutee mais est agrave proximiteacute de la zone dactiviteacutes de la communauteacute de communes de
Freyming-Merlebach La liaison avec la ville mecircme de Freyming-Merlebach se reacutealise par
lrsquoautoroute A4 mais il est agrave peacuteage La Citeacute est seacutepareacutee de lancien village par la voie ferreacutee
73 Une priorisation drsquoaction sur les territoires a eacuteteacute eacutetablie par lrsquoEacutetat pour la reacutepartition des moyens par les acteurs locaux agrave partir drsquoune analyse sur les eacutecarts de revenu meacutedian des meacutenages par IRIS (icirclots regroupeacutes pour lrsquoinformation statistique) et sur propositions des preacutefets Trois niveaux de prioriteacute ont eacuteteacute affecteacutes les deux premiers ont donneacute lieu agrave des listes de sites compleacuteteacutees par les acteurs locaux le troisiegraveme nrsquoa fait lrsquoobjet drsquoaucun recensement national (DIV 2009)
243
Vue globale de la Citeacute et de zones pavillonnaires juxtaposeacutees (Ville de Fareacutebersviller 2010)
Sur le plan de sa conception urbaine son maillage est peu clair de nombreuses voies se
terminant en impasse alors que certains axes sont tregraves emprunteacutes mais peu valoriseacutes Elle est
essentiellement composeacutee dimmeubles collectifs dont les degreacutes de traitement et de
reacutehabilitation sont divers Elle ne donne pas limpression de densiteacute (vastes espaces exteacuterieurs
parc central) sauf agrave proximiteacute de la voie CD 910 La partie nord autour des eacutequipements sportifs
et des eacutecoles paraicirct totalement enclaveacutee du fait de linsuffisance de desserte directe depuis le
centre et de sa localisation en frange du tissu bacircti Malgreacute lrsquoimplantation dimportants nouveaux
eacutequipements structurants (place du marcheacute) la reacutehabilitation agrave lidentique des logements HBL
na pas gommeacute limage neacutegative de la Citeacute
La population est heacuteteacuterogegravene sur le plan culturel et fortement toucheacutee par le chocircmage et la
preacutecariteacute (21 en 2006) surtout parmi les jeunes de moins de 20 ans repreacutesentant 33 de la
population Les diffeacuterentes vagues drsquoimmigration qui ont suivi les besoins de lrsquoindustrie
charbonniegravere ont conduit agrave une composition multiculturelle de la population Les premiers
immigreacutes eacutetaient drsquoorigine italienne ou maghreacutebine suivis de turcs qui repreacutesentent 25 du
total des eacutetrangers selon le diagnostic inscrit dans le CUCS de 2007 de la communauteacute de
communes (Preacutefecture de Moselle 2007-a) sans que lrsquoon sache srsquoil srsquoagit de 1999 ou de 2006
Selon ce mecircme document en 1975 la population eacutetrangegravere repreacutesentait 45 de la population
totale de la Citeacute 365 en 1985 environ 25 laquo aujourdrsquohui raquo Si le quartier est drsquoapparence
calme et bien entretenu les dysfonctionnements rapporteacutes sont les suivants preacutesence de deacutechets
244
et drsquoordures dans certaines rues jeteacutes parfois par les fenecirctres sans compter les piegraveces
meacutecaniques notamment automobiles agrave lrsquoabandon ce qui reacutevegravele un relatif deacutesinteacuterecirct des
habitants pour leur cadre de vie et une inseacutecuriteacute gradueacutee qui srsquoexprime par des deacutegradations
diverses avec une deacutelinquance touchant de plus en plus les preacuteadolescents
Dans ce sens outre le classement en ZEP du collegravege et agrave la mise en place du Reacuteseau laquo Reacuteussite
Scolaire raquo (RRS) de Fareacutebersviller (regroupement dlsquoeacutecoles eacuteleacutementaires et du collegravege pour
favoriser la continuiteacute des parcours drsquoapprentissage) plusieurs dispositifs socio-eacuteducatifs
drsquoinsertion professionnelle et de preacutevention de la deacutelinquance ont eacuteteacute mis en place depuis
plusieurs anneacutees Au centre Franccedilois Rabelais sont recenseacutes un Point emploi des permanences
de la Mission Locale du Bassin Houiller ainsi que lrsquoaction de lrsquoUnion deacutepartementale des
associations familiales (UDAF) concernant le suivi du RSA et lrsquoaccompagnement au quotidien
de ses beacuteneacuteficiaires
Par ailleurs de nombreuses actions drsquoinsertion sont meneacutees comme le chantier drsquoinsertion qui
dispose de douze postes par an De mecircme avec le soutien de lrsquoAssociation Intercommunale de
Preacutevention Speacutecialiseacutee (AIPS) un chantier eacuteducatif a pu ecirctre meneacute en 2006 en partenariat avec le
bailleur Sainte Barbe La ville et le service public de lrsquoemploi sont associeacutes pour des activiteacutes
multiples agrave destination des jeunes comme par exemple en 2006 la Rencontre Emploi et
Diversiteacute un Forum pour lrsquoemploi ou encore un programme drsquoaccompagnement renforceacute dans
la recherche drsquoemploi Cependant lrsquoaction drsquointeacutegration nrsquoest pas suffisante jusqursquoagrave cette fin de
la deacutecennie 2010 En 2007 les pouvoirs publics signataires du CUCS reconnaissent que le centre
social Saint-Exupeacutery qui dispense lrsquoessentiel des interventions sociales ne profite pas beaucoup
agrave de nombreux jeunes
Le document contractuel signale leur hostiliteacute agrave lrsquooccasion de la creacuteation de nombreux emplois
sur la zone eacuteconomique voisine qui ne leur profitent pas ni aux autres habitants de la citeacute Sur ce
point les difficulteacutes drsquointeacutegration nrsquoeacutetaient pas calmeacutees trois ans plus tard puisque le rapport
Bockel (2010 p 63) sur la preacutevention de la deacutelinquance des jeunes rapportait que le 16 feacutevrier
2009 agrave Fareacutebersviller une bande constitueacutee dune vingtaine de jeunes du quartier de La Citeacute a
commis de nombreux deacutelits (deacutegradation de la brigade locale et plusieurs incendies) suite au
diffeacuterend portant sur les horaires douverture du foyer de jeunes qui loppose agrave la gestionnaire
Sur le plan des politiques sociales La Citeacute a connu la proceacutedure DSQ dans les anneacutees 1980 et ses
deux communes supports ont fait partie des deux geacuteneacuterations de contrat de ville drsquoabord
245
seacutepareacutement au sein des communauteacutes de communes (1994-1999) puis au sein du bassin houiller
plus globalement (2000-2006) recouvrant seize communes elles sont depuis chacune inscrite
dans un CUCS intercommunal agrave nouveau distinct celui de la communauteacute de communes de
Freyming-Merlebach pour Fareacutebersviller et celui de la communauteacute de communes Forbach
Porte de France pour Theacuteding
Pour lrsquohabitat lrsquoEacutetat lrsquoAgence nationale drsquoameacutelioration de lrsquohabitat (ANAH) et Sainte Barbe ont
programmeacute une reacutenovationreacutehabilitation drsquoune dureacutee de 15 ans agrave compter de 2001 Pour la
gestion de Proximiteacute Sainte Barbe a embaucheacute une douzaine de gardiens issus de la citeacute Chaque
gardien gegravere entre 15 et 21 entreacutees et une politique de reacutefection systeacutematique des logements
avant relocation a eacuteteacute mise en place depuis 2003 Le bailleur srsquooccupe eacutegalement de
lrsquoenlegravevement des eacutepaves de veacutehicules Les principaux problegravemes restants dans ce domaine
eacutevoqueacutes en 2007 dans le diagnostic du CUCS sont les nuisances sonores et la saleteacute due
essentiellement au non respect du tri seacutelectif et de lrsquoenlegravevement mensuel des encombrants
Concernant le deacuteveloppement eacuteconomique le classement en ZRU en 1996 a eacuteteacute insuffisant pour
creacuteer de nouvelles activiteacutes (non-absorption de la demande drsquoemploi) mais celle-ci favorise la
stabilisation de lrsquoactiviteacute eacuteconomique dans le quartier La preacutesence de la citeacute agrave proximiteacute de la
zone drsquoactiviteacutes mise en place par la communauteacute de communes de Freyming-Merlebach ne
constitue pas non plus une opportuniteacute pour les demandeurs drsquoemploi de la ZUS dans la mesure
ougrave les exigences des entreprises en matiegravere de qualification sont tregraves pointues Cette situation est
veacutecue par les jeunes comme une discrimination et rend les relations entreprisesjeunes encore
plus difficiles sur ce site
C- Une grande Citeacute en peacuteripheacuterie drsquoune petite ville et agrave lrsquoeacutecart du village communale
Behren-legraves-Forbach (Moselle)
Behren-legraves-Forbach (8 514 habitants en 2008) est situeacutee comme Fareacutebersviller agrave quelques
kilomegravetres plus agrave lrsquoest agrave la limite nord-est du deacutepartement de la Moselle dans le bassin houiller
Sarre-Lorraine encore plus proche de la frontiegravere allemande Elle fait partie drsquoune autre
communauteacute intercommunale que Fareacutebersviller la communauteacute drsquoagglomeacuteration de Forbach
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Porte de France depuis 2003 (21 communes74 dont Theacuteding qui partage le grand ensemble de La
Citeacute avec Fareacutebersviller 80 196 habitants en 2008) issue du district de Forbach creacuteeacute en 1970 et
de la communauteacute de commune de lrsquoAgglomeacuteration de Forbach de 2002
La ville est campeacutee sur le plateau surplombant la ville de Forbach et son habitat est selon le
mecircme scheacutema que Fareacutebersviller caracteacuteriseacute par un village cœur historique et une citeacute
construite agrave lrsquoeacutecart pour les besoins des mines des Houillegraveres du Bassin Lorrain (HBL)
Lrsquoexistence du village est ancienne au deacutebut du XIVe siegravecle elle est mentionneacutee dans un
document sous lrsquoorthographe de laquo Berne raquo et le village appartient entre autres agrave la seigneurie
de Forbach puis agrave la chacirctellenie75 de Sarreguemines Behren fait tour agrave tour partie du ducheacute de
Lorraine ou du comteacute de Nassau-Sarrebruck
Au XVIIe siegravecle la guerre de Trente Ans (1618-1648) nrsquoeacutepargne pas ce qui nrsquoest encore qursquoun
village avec son occupation par lrsquoarmeacutee sueacutedoise (les chacircteaux voisins de Forbach et de
Sarreguemines sont deacutetruits sur lrsquoordre du cardinal de Richelieu) Apregraves la guerre deacutesastreuse de
1870 le village associeacute agrave Kerbach devient allemand Agrave cette mecircme eacutepoque la reacutegion devient un
74 Alsting Behren-legraves-Forbach Bousbach Cocheren Diebling Etzling Farschviller Folkling Forbach Kerbach Metzing Morsbach Nousseviller-Saint-Nabor Œting Petite-Rosselle Rosbruck Schœneck Spicheren Stiring-Wendel Tenteling et Theacuteding 75 Une chacirctellenie (ou mandement) est le plus petit territoire drsquoadministration du Moyen-Acircge sur le quel le maicirctre drsquoun chacircteau le chacirctelain officier comtal ou princier exerce les droits banals lieacutes agrave lrsquoadministration du chacircteau ainsi que par deacuteleacutegation les droits militaire et judiciaire
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important bassin industriel gracircce notamment agrave ses mines de charbon Durant la Premiegravere Guerre
mondiale les hommes de Behren combattent dans lrsquoarmeacutee allemande la plupart sur le front
russe Apregraves la Libeacuteration en 1927 Behren est deacutefinitivement seacutepareacute de Kerbach et porte le nom
de Behren-legraves-Forbach
Le 1er septembre 1939 tout le village est eacutevacueacute par ordre de lrsquoautoriteacute militaire (zone rouge de
la ligne Maginot) La population prend la route de Gaubiving et agrave Chacircteau-Salins tout le monde
prend le train agrave destination du deacutepartement de la Charente sauf les familles des mineurs qui sont
dirigeacutees sur les diffeacuterents bassins houillers franccedilais (Pas-de-Calais Saocircne-et-Loire) Apregraves son
occupation par les Allemands le 17 feacutevrier 1945 la localiteacute est libeacutereacutee sinistreacutee agrave 80 Elle est
choisie pour ecirctre la deuxiegraveme plus grande citeacute ouvriegravere des HBL avec le grand ensemble Behren-
Citeacute inaugureacute en 1962 qui fait passer le village de 534 habitants en 1954 agrave une ville
champignon de 10 486 habitants en 1962 et 12 512 Behrinois en 1968 Cette Citeacute comporte 2
972 logements (Preacutefecture de Moselle 2007-b) et 7 768 habitants en 2006 (Secreacutetariat geacuteneacuteral
du CIV 2007-b) Ils repreacutesentent 85 des 9 146 habitants de la commune en 2006
Actuellement crsquoest la ville ayant la plus importante part de population habitant en Zone urbaine
sensible hors reacutegion parisienne
Vue globale du grand ensemble de Behren-legraves-Forbach (Communauteacute drsquoutilisateurs et deacuteveloppeurs Piwigo 2010)
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