Le déclin des communes de grands ensembles: effets de la ...

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Le deacuteclin des communes de grands ensembles effets dela forme urbaine ou de la seacutegreacutegation sociale

Jean - Bernard Chebroux

To cite this versionJean - Bernard Chebroux Le deacuteclin des communes de grands ensembles effets de la forme urbaine oude la seacutegreacutegation sociale Sociologie Universiteacute de Lorraine 2012 Franccedilais NNT 2012LORR0330tel-01749326

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(2L2S)

Le deacuteclin des communes de grands ensembles effet de la forme urbaine ou

de la seacutegreacutegation sociale

Jean-Bernard CHEBROUX

Thegravese de doctorat de Sociologie

Sous la direction de Jean-Marc STEacuteBEacute Professeur des Universiteacutes

Jury

2012

1

2

SOMMAIRE

Introduction 7 PROBLEacuteMATIQUE

DES EXCLUS DANS LES GRANDS ENSEMBLES CAUSE DE LEUR DECLIN OU MODALITE SPATIALE DE LA SEGREGATION SOCIALE 25

CHAPITRE I LrsquoEXCLUSION SOCIO-ECONOMIQUE DEPUIS LES ANNEES 1970 UN PREMIER SIGNE DE LA

SEGREGATION SOCIALE MODERNE 29 A- Le contexte de lrsquoexclusion un reacutegime politique neacuteolibeacuteral 30 B- Analyses sociales politiques et sociologiques de lrsquoexclusion 41 C- Les effets eacuteconomiques et sociaux de lrsquoexclusion 55

CHAPITRE II LE DECLIN DES GRANDS ENSEMBLES EFFET ET MODALITE SPATIALE DE LA SEGREGATION

SOCIALE PERSISTANTE DES MOINS QUALIFIES 67 A- Exclusion releacutegation spatiale et laquo ghettoiumlsation raquo dans les grands ensembles 68 B- Des politiques de la ville et sociales territorialiseacutees inefficaces 79 C- Lacunes institutionnelles ghettoiumlsation et deacuteclin social urbain 92 D- Le deacuteclin social des communes de grands ensembles un effet drsquoune modaliteacute spatiale de la

seacutegreacutegation sociale 109 PREMIEgraveRE PARTIE

LES ULIS AU TOURNANT DES ANNEES 2000 LES SIGNES DU DECLIN SOCIAL AU SEIN DrsquoUN ESPACE DE CLASSES MOYENNES 115

CHAPITRE III LES ULIS DU GRAND ENSEMBLE POUR UNE laquo VILLE NOUVELLE raquo AU PEUPLEMENT EN

DIFFICULTES 118 A- Preacutesentation geacuteneacuterale de la commune 118 B- Lrsquoobservatoire local un dispositif strateacutegique de recueil de donneacutees multiples 130 C- La structure sociodeacutemographique et eacuteconomique deacuteclinante de la population 138

1 La dynamique de deacutecroissance deacutemographique plus de deacuteparts faibles deacutecegraves et naissances et vieillissement 139

2 La sous-moyennisation de la population 144

CHAPITRE IV DES SIGNES IMPORTANTS DE PRECARITE DrsquoEXCLUSION ET DE TENSIONS SOCIALES 154

A- La demande de logement social indicateur de releacutegation socio-spatiale locale 154 B- Preacutesence importante de la preacutecariteacute socio-eacuteconomique 164

1 Un chocircmage laquo officiel raquo faible et fluctuant selon les sources 165

2 Une estimation de lensemble des sans emploi et sous-employeacutes de la ville 170 C- Une importante population issue de lrsquoimmigration 184

1 De lrsquoimmigration agrave la population ethnique 185

2 La laquo population ethnique raquo aux Ulis une population preacutecaire de lrsquoimmigration surtout dans lrsquohabitat social 190

3

D- Inseacutecuriteacute eacuteleveacutee de voisinage et dans lrsquoespace public violence preacutedation et drogue 204 1 La violence et les preacutedations constateacutees par la police et drsquoautres acteurs locaux 204

2 Violences et deacutesordres nombreux dans la plupart des espaces de la ville 215

3 Lrsquousage et la vente de drogue tregraves reacutepandus 221

DEUXIEgraveME PARTIE

DES VILLES DE GRANDS ENSEMBLES EN MILIEU RURAL ET PERIURBAIN DES SITUATIONS SOCIALES NEGATIVES 229

CHAPITRE V DES GRANDS ENSEMBLES DIFFERENTS DANS DES CONTEXTES SPATIAUX VARIES 231

A- Un grand quartier drsquoune petite ville en croissance continue Pierrelatte (Gard) 233 B- Une grande Citeacute agrave lrsquoeacutecart des villes et du village communal Fareacutebersviller (Moselle) 239 C- Une grande Citeacute en peacuteripheacuterie drsquoune petite ville et agrave lrsquoeacutecart du village communale Behren-

legraves-Forbach (Moselle) 246 D- Une petite laquo Ville nouvelle raquo agrave distance des villes et du village communale Mourenx

(Pyreacuteneacutees-Atlantiques) 252 E- Plusieurs quartiers drsquoune petite ville Bagnols-sur-Cegraveze (Gard) 264 F- Une grande laquo Ville nouvelle raquo entre deux villages proche drsquoune grande ville Rillieux-la-Pape

(Rhocircne) 271

CHAPITRE VI 282 LA SIMILITUDE DES SITUATIONS ET DES DYNAMIQUES SOCIALES NEGATIVES SOUS DES FORMES

VARIEES 282 A- Des univers sociaux et urbains contrasteacutes mais modestes 283 B- La deacutecroissance deacutemographique post-construction des grands ensembles 295 C- Lrsquoamplification de la deacute-densification et du vieillissement des meacutenages 307 D- Une population plus ouvriegravere et deacuteconnecteacutee du travail 320 E- Violence et inseacutecuriteacute dans les relations sociales 326

TROISIEgraveME PARTIE

DES MILIEUX SOUMIS A LA SEGREGATION SOCIALE ET URBAINE 333

CHAPITRE VII LES COMMUNES DE GRANDS ENSEMBLES ETUDIEES DES MILIEUX TENDUS COMPLIQUANT

LrsquoINTEGRATION SOCIALE 336 A- Pauvreteacute culturelle preacutecariteacute eacuteconomique et violence dans les grands ensembles 337

1 Pauvreteacute eacuteconomique et culturelle dans des contextes urbains diffeacuterents 338

2 Une ambiance laquo lourde raquo drsquohabitation 352

3 Des institutions laquo deacutepasseacutees raquo par les difficulteacutes et la violence 364 B- laquo Ghettoiumlsation raquo des espaces et des conduites sociales un processus affectant les zones de

grands ensembles 370 1 Un processus structurel la laquo ghettoiumlsation des ghettos raquo traditionnels et des espaces marginaliseacutes 371

1 Une redeacutefinition du ghetto adapteacutee monde contemporain 386

2 Du ghetto au deacuteclin social urbain des communes de grands ensembles 404

CHAPITRE VIII LES DETERMINANTS PRODUCTIFS ET SOCIAUX DU DECLIN DES GRANDS ENSEMBLES 419

A- Constructions deacutefectueuses urbanisme inadapteacute et deacuteveloppement urbain deacutefavorable aux grands ensembles 420

1 Historique sociale et politique de la construction des grands ensembles 421

2 Des deacutefauts multiples de production urbaine et drsquohabitat 442

3 Eacutevolution des espaces reacutesidentiels et de la fonction des grands ensembles 462

4

B- Deacuteclin des grands ensembles et logiques politiques et sociales seacutegreacutegatives 470 1 La deacutetermination politique et eacutetatique de la laquo crise raquo des grands ensembles 471

2 La logique seacutegreacutegative des rapports sociaux aux grands ensembles 479

3 La spirale des seacutegreacutegations sociales et urbaines 500

4 Reacutenovation des grands ensembles de lrsquoobjectif de mixiteacute aux effets de la seacutegreacutegation urbaine 507

CONCLUSION

COMMUNES EN DECLIN ET SEGREGATION EN HAUSSE LA LOGIQUE SOCIALE DrsquoUNE FORME DrsquoINEGALITE SPATIALE 533

Liste des Sigles 547

Annexe

Les onze minima sociaux en France en 2011 550 BIBLIOGRAPHIE 551

Reacutesumeacute 574

5

6

Introduction

Dans les pays deacutemocratiques drsquoeacuteconomie avanceacutee du monde et en France depuis le

deacutemarrage de la crise-mutation de lrsquoeacuteconomie industrielle agrave partir du milieu des anneacutees 1970

deux types de pheacutenomegravenes sociaux et urbains ont eacutemergeacute et se sont deacuteveloppeacutes sous des

formes diverses dans le temps et lrsquoespace la paupeacuterisation croissante de ceux subissant

lrsquoexclusion et la preacutecariteacute eacuteconomique et sociale et leur releacutegation urbaine dans les espaces

urbains reacutesidentiels deacutevaloriseacutes socialement Ce double mouvement de diffeacuterenciation de la

structure sociale suscite des tensions vives notamment dans les villes qui en constituent le

principal theacuteacirctre de manifestation

Parmi les reacuteactions de la part de ceux qui subissent la mise agrave lrsquoeacutecart urbaine les eacutemeutes des

adolescents et jeunes adultes illustrent le plus nettement ce manque drsquointeacutegration de familles

les plus fragiles du fait de lrsquoabsence de structures et de mesures eacuteducatives drsquoappui et

drsquoinsertion sociale suffisantes Elles surgissent geacuteneacuteralement agrave la suite drsquoune intervention

policiegravere brutale en tous cas jugeacutee telle pouvant se solder par la mort drsquoune ou de plusieurs

personnes Cet eacuteteacute 2012 par exemple agrave Amiens dans son quartier Nord dans lequel des

voitures brucirclent reacuteguliegraverement depuis plusieurs mois le taux de chocircmage la population

drsquoorigine immigreacutee le trafic de drogue et un climat de violence des jeunes srsquoy sont fortement

deacuteveloppeacutes faisant se deacutetourner certains organismes drsquointervention meacutedicale deux nuits

drsquoeacutemeutes ont eacuteclateacute du dimanche 12 au mardi 14 aoucirct faisant dix-sept policiers blesseacutes et

plusieurs millions drsquoeuros de deacutegacircts en voitures et bacirctiments publics incendieacutes (trois

eacutetablissements dont une eacutecole primaire et un centre sportif) Lrsquoorigine eacutetant imputeacutee agrave une

intervention policiegravere pour arrecircter et controcircler un automobiliste srsquoamusant agrave rouler vite et agrave

contresens dans les rues pregraves drsquoune ceacutereacutemonie drsquohommage agrave un jeune homme mort en moto

trois jours avant1 En Grande-Bretagne un an auparavant pendant lrsquoeacuteteacute 2011 la mort le jeudi

1 laquo Eacutemeutes drsquoAmiens lrsquointervention policiegravere eacutetait ldquojustifeacuteerdquo raquo Lepointfr 23082012 laquo Eacutemeutes les habitants drsquoAmiens sous le choc raquo Lepointfr 14082012

7

04 aoucirct drsquoun homme noir de 29 ans agrave Tottenham quartier pauvre multiethnique du nord de

Londres a deacuteclencheacute des flambeacutees de violence collective et drsquoaffrontements avec la police

eacutetendues agrave Londres puis dans drsquoautres agglomeacuterations Birmingham Manchester Bristol ou

Leicester2 Selon un scheacutema identique agrave celui des soulegravevements de nombreux groupes de

jeunes de quartiers sociaux en France en octobre-novembre 20053 ces violences britanniques

font suite agrave une longue seacuterie drsquoeacuteveacutenements de ce type depuis 1958 agrave Notting Hill (Ouest

londonien) date des premiers soulegravevements de pauvres urbains apregraves la derniegravere guerre en

Europe de lrsquoOuest (Esteves 2011)

En France les premiegraveres laquo eacutemotions populaires raquo modernes de ce type sont apparues degraves la

fin des anneacutees 1970 dans lrsquoagglomeacuteration lyonnaise dans des quartiers de grands ensembles

drsquohabitat ougrave les conseacutequences de la deacutesindustrialisation se sont le plus manifesteacutees avec la

hausse du chocircmage aupregraves des ouvriers et des employeacutes composeacutes en majoriteacute drsquoimmigreacutes et

de leurs descendants peu qualifieacutes (Mucchielli 2011) Les eacutemeutes fortement meacutediatiseacutees de

1981 aux Minguettes agrave Veacutenissieux dans cette mecircme agglomeacuteration ont marqueacute le deacutebut du

caractegravere socialement probleacutematique de ce contexte drsquoineacutegaliteacutes sociales dont le deacutefaut

drsquointeacutegration des jeunes des cateacutegories populaires constitue un trait majeur Leurs laquo fureurs

banlieusardes raquo eacuteclatent sous la domination de deux sentiments susciteacutes par cette expeacuterience

drsquoexclusion (Bachmann Le Guennec 1997) la sensation de lrsquoimpasse et la conscience du

meacutepris des groupes dominants et de lrsquoEacutetat

Depuis le deacutebut des anneacutees 1990 avec des eacuteveacutenements de ce type ayant eu lieu agrave Vaulx-en-

Velin (banlieue lyonnaise) puis dans lrsquoouest de lrsquoagglomeacuteration parisienne (Argenteuil

Mantes-la-Jolie et Sartrouville) la violence eacutemeutiegravere en France srsquoest installeacutee de maniegravere

quasi continue et durable sur tout le territoire avec ses manifestations chaque anneacutee presque

chaque semaine pour 2011 Alain Bertho relegraveve sur son site laquo Anthropologie du preacutesent raquo4

34 eacutemeutes en France hors eacutechauffoureacutees lieacutees aux fecirctes du 14 juillet et de la Saint-Sylvestre

(sauf les affrontements jeunes-polices de lrsquoEst parisien) et pour 2012 il en deacutenombre 13

jusqursquoau 23 juin avec deux articles retraccedilant les eacutemeutes des nuits du 21-22 janvier et du 3-4

mars agrave Forbach (lieacute au quartier de Wiesberg) Cette derniegravere ville fait partie drsquoune

communauteacute de communes agrave laquelle appartient une un des terrains de notre recherche

2 Le Monde laquo Londres connaicirct sa pire nuit drsquoeacutemeutes depuis des anneacutees raquo Lemondefr 07082011 3 Suite agrave une eacutemeute agrave Clichy-sous-Bois (93) pregraves de 300 communes ont eacuteteacute atteintes par des incidents de graviteacute diverse pendant trois semaines totalisant pregraves de 10 000 incendies de veacutehicules de particuliers et plusieurs centaines drsquoincendies de bacirctiments publics notamment drsquoeacutetablissements scolaires 4 httpberthoalaincom consulteacute le 22 juillet 2012

8

Behren-legraves-Forbach en Moselle dont sa Citeacute un des grands ensembles construits pour le

bassin houiller de Lorraine a eacuteteacute gagneacutee par ce mouvement contestataire

Ainsi une nette eacuteleacutevation du niveau de violence entre jeunes et police srsquoest deacuteveloppeacutee par

rapport aux anneacutees 1980 en France avec une hausse du nombre de jeunes concerneacutes et la

diversification des actes entre voitures poubelles magasins et autres eacutetablissements brucircleacutes

pillages de commerces et autres deacutegradations drsquoeacutequipements publics sociaux et priveacutes

(Mucchielli 2011) Lrsquoincompreacutehension et lrsquoimpuissance politiques restent fortes puisque des

politiques sociales et urbaines se sont accumuleacutees et renforceacutees dans ces lieux depuis cette

peacuteriode sans reacutesultats tangibles Drsquoune part la politique intituleacutee laquo Deacuteveloppement social des

quartiers raquo puis laquo Deacuteveloppement social urbain raquo dans les anneacutees 1980 srsquoest transformeacutee en

laquo Politique de la ville raquo structureacutee par un ministegravere une administration centrale particuliegravere et

une loi drsquoorientation pour la ville (1991) Drsquoautre part le controcircle policier des territoires

urbains concerneacutes srsquoest accru avec la creacuteation drsquoun service speacutecifique au sein des

Renseignements geacuteneacuteraux et drsquoune uniteacute drsquointervention dans la police urbaine la Brigade

anti-criminaliteacute (BAC)

Cependant le versant drsquoanimation sociale des habitants preacutecaires et exclus de la politique de

deacuteveloppement social (participation agrave des projets divers) et qui tend agrave se restreindre par ses

principaux promoteurs et opeacuterateurs (Tissot 2007) a globalement eacutechoueacute le niveau de

participation des populations marginaliseacutees reste faible en raison tant du manque de moyens

institutionnels que du deacuteficit de meacutediation entre habitants et deacutecideurs par des organisations

politiques ou associatives Celles-ci sont en deacuteclin depuis trente ans ou parfois

instrumentaliseacutees pour acheter la laquo paix sociale raquo Sans autre intervention exteacuterieure et

institutionnelle de deacuteveloppement eacuteconomique de maniegravere globale tous les problegravemes

viseacutes persistent depuis pregraves de 20 ans ce que relegraveve la Cour des Comptes dans son quatriegraveme

rapport (2012) sur la politique de la ville (Epstein 2012) ineacutegaliteacutes sociales de territoires

difficulteacutes de mobilisation des politiques publiques et de reacutepartition des moyens sur les sites

ainsi que mauvaise articulation entre le Plan national de reacutenovation urbaine (PNRU) mis en

place en 2003 aux effets sociaux faibles5 et les politiques sociales proprement dites

En effet lrsquoeacuteloignement par rapport au systegraveme de repreacutesentation politique est patent faible

inteacuterecirct (accentueacute par lrsquointerdit du vote) pour les eacutelections des cateacutegories eacutetrangegraveres non-

communautaires tendance agrave la stigmatisation et au repli communautaire des groupes arabo-

5 Ce que les rapports parlementaires de 2007 (Seacutenat) et de 2010 (Comiteacute drsquoeacutevaluation et de controcircle de lrsquoAssembleacutee nationale) ont deacutejagrave indiqueacute

9

musulmans et noir-africains non ou faiblement inseacutereacutes faible inteacutegration globale des

habitants en difficulteacutes socio-eacuteconomiques dans les sections locales des partis et dans les

eacutequipes municipales et sur le plan national insuffisante prise en compte des attentes

drsquointeacutegration par les grands partis politiques de gauche traditionnellement relais des

revendications ouvriegraveres et des populations drsquoorigine eacutetrangegravere Plus globalement cette crise

drsquointeacutegration relegraveve selon certains (Donzelot 2006) drsquoune laquo question urbaine raquo qui ne

recouvre pas seulement le constat de lrsquoexistence de la misegravere etou de la violence en zone

urbaine mais exprime plutocirct lrsquoideacutee que les solutions reacutegulatrices deacutependent des instances et

des acteurs politiques eacuteconomiques et sociaux des niveaux locaux et national ayant un

pouvoir de reacutegulation en milieu urbain Cependant lrsquoaction locale drsquoordre spatial etou

social ne suffit pas pour produire le changement des situations sociales des habitants elle

omet lrsquoaction au niveau des structures sociales et des rapports sociaux drsquoordre global agrave

inteacutegrer dans la sphegravere politique (Garnier 2010)

Sur le plan analytique drsquoailleurs divers travaux inclinent agrave distinguer entre drsquoun cocircteacute les

deacuteterminants sociaux de ces problegravemes urbains comme lrsquoeacutevolution des rapports sociaux de

production de la socieacuteteacute et de lrsquoautre cocircteacute leur cadre spatial dans lequel ils se

manifestent ou encore les effets spatiaux qursquoils produisent Ces deux aspects sociaux et

spatiaux ne sont pas sans lien comme lrsquoattestent lrsquoapproche drsquoanalyse des effets de lrsquoespace

associeacutes agrave ceux des rapports sociaux sur les conduites sociales (Remy 1998) Par exemple

en reacutegion parisienne les politiques drsquoameacutenagement drsquourbanisme de logement voire

drsquoeacutequipement ont des effets seacutegreacutegatifs non souhaiteacutes qui renforcent les ineacutegaliteacutes sociales

drsquointeacutegration urbaine (Preacuteteceille 2004) ce que lrsquoEacutetat et les collectiviteacutes locales ne prennent

pas suffisamment en compte Et la speacutecialisation sociale des territoires srsquoaccentue avec les

tendances agrave lrsquoentre-soi seacutelectif des plus riches et des plus qualifieacutes souvent agrave proximiteacute des

eacutequipements scolaires les mieux laquo freacutequenteacutes raquo (Maurin 2002)

Agrave partir de ce contexte notre probleacutematique srsquoest deacuteveloppeacutee autour de questions relevant

drsquoune sociologie des espaces qui connaissent une transformation sociale ayant des effets sur

les rapports sociaux locaux sur les dynamiques des pratiques et des repreacutesentations sociales

Le sujet porte plus preacuteciseacutement sur le type drsquoespace qui sous lrsquoeffet de plusieurs mouvements

de mobiliteacute spatiale et sociale des habitants et de politiques spatiales particuliegraveres des

pouvoirs publics srsquoest meacutetamorphoseacute au point drsquoecirctre devenu un objet-enjeu central de

cristallisation sociopolitique pour le devenir de la socieacuteteacute urbaine moderne les localiteacutes

10

urbaines de grands ensembles drsquohabitation devenues pour lrsquoessentiel des lieux de releacutegation

des plus preacutecaires fragiles et discrimineacutes des agglomeacuterations ou des bassins drsquohabitat

Ces environnements reacutesidentiels sont devenus assez rapidement depuis leur creacuteation des

lieux de tensions et de difficulteacutes sociales multiples et intenses que les instances et les

politiques sociales peinent chroniquement agrave reacutesoudre depuis pregraves de cinquante ans Car degraves la

livraison des premiers grands ensembles par lrsquoEacutetat dans les anneacutees 1950 les critiques par des

observateurs et leur rejet par certains occupants pour de multiples deacutefauts conceptuels et

pratiques se sont rapidement exprimeacutes Deacutefauts mateacuteriels et physiques drsquoabord qursquoune partie

des acteurs politiques a reconnu tregraves tocirct mais sans pouvoir les corriger totalement avec la

rapiditeacute de la dynamique de production (Peillon 2001 Fourcaut 2002 Voldman 2002)

Deacutefauts drsquoordre social ensuite concernant lrsquoennui et le stress reacutesidentiel que procurent la

plupart des environnements construits en raison drsquoune part de lrsquoabsence drsquoactiviteacutes et

drsquoanimation relieacutees agrave des traditions festives et locales (Lefebvre 160) drsquoautre part de la

promiscuiteacute forte lieacutee agrave la sonoriteacute des cloisons et au vide des espaces inteacuterieurs et exteacuterieurs

sans oublier les deacutefauts drsquoeacutequipements de toute sorte la monotonie des formes architecturales

et urbaines et la distance physique culturelle symbolique et sociale avec les environnements

Avec la crise-mutation de lrsquoeacuteconomie agrave partir des anneacutees 1970 ce sont ajouteacutes les problegravemes

sociaux (paupeacuterisation tensions violence deacutelinquance) lieacutes agrave la preacutecarisation de certaines

cateacutegories modestes et moyennes dans ces peuplements et agrave lrsquoarriveacutee des meacutenages en

difficulteacutes sociales en remplacement des cateacutegories moyennes et supeacuterieures parfois en

recherche de conditions drsquohabitat plus confortables sur les plan physique et social

Puisque les modes de reacutegulation de cette question depuis plus de trente anneacutees apparaissent

inefficaces est-ce lieacute agrave une incapaciteacute ou agrave un refus conscient de la part des responsables

politiques agrave mettre en œuvre des mesures adapteacutees Car selon le paradigme simmelien de la

pauvreteacute (Simmel 2005) les acteurs dominants sont deacuteterminants pour caracteacuteriser son eacutetat

Depuis la fin du XIXe siegravecle en Europe ce sont agrave travers les rapports sociaux que les plus

aiseacutes selon leurs inteacuterecircts et leurs points de vue apportent des moyens divers aux domineacutes

pour eacuteviter le risque de colegravere reacutevolutionnaire En fait leur investissent dans les conditions

drsquoexistence des plus pauvres et des moins utiles au travail deacutepend du caractegravere du lien social

entre eux Ainsi dans un premier temps pendant une grande partie du XXe siegravecle la question

sociale eacutetait fortement indexeacutee aux problegravemes de production dans le domaine industriel dont

les conflits manifestaient des liens somme toute eacutetroits baseacutes sur lrsquoutiliteacute fonctionnelle Loin

de complegravetement disparaicirctre ce type de liens se voit rejoint et par endroit menaceacute par un

11

autre type de lien drsquointerdeacutependance plus relacirccheacute La raison en est lrsquoexposition agrave une

nouvelle division internationale du travail qui fournit agrave lrsquoeacutetranger des quantiteacutes de main

drsquoœuvre bon marcheacute que ne peuvent pas concurrencer les ouvriers des socieacuteteacutes riches

Ce type de lien beaucoup plus relacirccheacute existait deacutejagrave pendant les Trente glorieuses (1945-1975)

au deacutetriment des groupes drsquo laquo inadapteacutes raquo alors mecircme que cette peacuteriode offre une image de

laquo collaboration raquo fonctionnelle ideacuteale avec une laquo eacuteconomie du plein emploi raquohellip sauf pour

ceux qui en eacutetaient exclus (Klanfer 1965 Labbens 1969 Donzelot 1994 Clavel 1998)

Par la suite la mutation de lrsquoeacuteconomie depuis les anneacutees 1970 a engendreacute des quantiteacutes

croissantes de pertes drsquoemploi et de situations de chocircmage Les niveaux sont tels qursquoils ont

pris le sens agrave la fin des anneacutees 1990 et au deacutebut des anneacutees 2000 drsquoune deacutecomposition du lien

de domination eacuteconomique anteacuterieur le salariat srsquoest mueacute en laquo preacutecariat raquo (Castel 1995

Clavel 1998 Donzelot 2004)

Face agrave la croissance du nombre des laquo valides inutiles raquo mais aussi agrave lrsquoanxieacuteteacute de groupes

modestes et moyens inteacutegreacutes avec la geacuteneacuteralisation du risque de deacuteclassement de preacutecariteacute et

drsquoexclusion sociale dans les anneacutees 1980 et 1990 (Maurin 2002 2004 Bertho 1997) les

dominants usent alors de comportements seacutegreacutegatifs plus ou moins appuyeacutes notamment dans

le domaine reacutesidentiel qui varient dans le temps et dans lrsquoespace (Grafmeyer 1994) Selon le

paradigme de la pauvreteacute appliqueacute agrave la territorialisation urbaine le relacircchement partiel ou la

faiblesse chronique de lrsquointerdeacutependance entre certaines cateacutegories supeacuterieures et les couches

les plus basses de lrsquoeacutechelle sociale entraicircnent une moindre neacutecessiteacute de leur cohabitation

proche dans lrsquoespace urbain (Donzelot 2003)

Ce qui explique la tendance agrave la seacutegreacutegation reacutesidentielle agrave tous les niveaux de la hieacuterarchie

sociale Il reste donc aux autoriteacutes publiques dans la sphegravere de la reproduction sociale

(Dubet Martucelli 1998) de porter une attention aux conditions de vie et de participation

sociale (Schnapper 2001) notamment en milieu urbain des plus exclus preacutecaires et fragiles

socialement Leur bien-ecirctre dans les villes constitue drsquoailleurs une condition du

deacuteveloppement qualitatif de celles-ci en leur donnant les moyens drsquoune inteacutegration urbaine

dans le but de favoriser la coheacutesion sociale drsquoensemble de la socieacuteteacute (Bourdin 2006

Donzelot 2006)

Ainsi la persistance lrsquoampleur et la multipliciteacute des situations de crise de gestion politique

des problegravemes et des tensions lieacutes agrave la concentration territoriale des plus pauvres et exclus a

engendreacute depuis le deacutebut des anneacutees 1990 une large preacuteoccupation sociale vis-agrave-vis des

pheacutenomegravenes de deacutegradation sociale et mateacuterielle de certains secteurs drsquohabitat urbain

12

Lrsquoeacutemergence de zones marginaliseacutees souvent identifieacutees aux seules laquo banlieues raquo deacutedaigneacutees

ainsi qursquoagrave des ghettos contemporains dans lrsquoimaginaire du sens commun (Steacutebeacute Marchal

2009) srsquoest drsquoailleurs geacuteneacuteraliseacutee depuis plus longtemps une quarantaine drsquoanneacutees au moins

au point qursquoelles constituent un objet drsquoune speacutecialisation tant sociologique que drsquoautres

disciplines des sciences sociales (eg Vieillard-Baron 1990 Donzelot 1991 Dubet

Lapeyronnie 1992 Wacquant 1993 Paugam 1995 Deacutesigaux 1996 Cuillier 1999

Avenel 2007 Baudin Genestier 2002 Damon 2004 Steacutebeacute 2007 Jaillet Perrin Meacutenard

2008) Ce sujet recouvre un nœud de probleacutematiques scientifiques sociales et politiques

eacutetant donneacute qursquoil est laquo sous influence raquo de lectures sociales et savantes multiples oscillant

entre ambivalence et simplisme et entre instrumentalisation ideacuteologique et politique

(Chevalier 2005) mais aussi theacuteorique (Kokoreff 2007)

Effectivement lrsquoanalyse de pheacutenomegravenes sociaux se reproduisant dans toute une seacuterie

drsquoespaces urbains reacutesidentiels partageant des caracteacuteristiques proches ne peut se contenter de

recherches se limitant agrave des processus sociaux trop particuliers comme la releacutegation et

lrsquoimmobiliteacute dans les quartiers laquo sensibles raquo les mouvements de peacuteriurbanisation des classes

moyennes ou encore le retour aux centres-villes des classes supeacuterieures si lrsquoon se reacutefegravere en

partie agrave la typologie de laquo la ville agrave trois vitesses raquo de Jacques Donzelot (2004) Examineacutes

isoleacutement ces processus ne rendent compte que partiellement de lrsquoeacutevolution des structures

sociales et des usages particuliers des espaces qursquoils traversent Par ailleurs les analyses en

termes de polarisation ou de mixiteacute sociale des espaces reacutesidentiels se cantonnent souvent agrave

des constats quantitatifs sur les parts de cateacutegories sociales diffeacuterentes en copreacutesence Elles ne

visent pas souvent de maniegravere simultaneacutee les pheacutenomegravenes lieacutes aux problegravemes publics qui se

manifestent dans ces espaces et qui traduisent les formes et le sens des rapports sociaux et des

pratiques locales qui srsquoy deacuteveloppent

Notre recherche srsquoest alors centreacutee sur les espaces significatifs sur le plan sociopolitique telle

une commune qui connaissent de multiples processus divergents mais coexistants en leur

endroit Car si les eacutetudes se sont accumuleacutees sur la description des conduites de multiples

groupes sociaux dans les laquo citeacutes raquo ou sur les modes de vie et les attitudes de certaines

cateacutegories de citadins tels les pavillonnaires sur les laquo questions sociales raquo que sait-on sur les

eacutevolutions drsquoensemble drsquoun espace de taille plus importante ougrave se manifestent des

dynamiques sociales multiples aux interactions variables et aux deacuteterminants endogegravenes et

exogegravenes speacutecifiques selon des dimensions et des contenus divers

13

En eacutelargissant lrsquoanalyse agrave des pheacutenomegravenes observables agrave une eacutechelle spatiale elle-mecircme

eacutelargie ie des villes-communes plutocirct que les seuls espaces drsquohabitat deacutegradeacutes aussi grands

soient-ils le questionnement sur les deacuteterminants des situations de crise socio-urbaine et leur

sens par rapport agrave lrsquoensemble de la socieacuteteacute reste pertinent Sur un plan theacuteorique lrsquoeacutevolution

de la structure et de la dynamique sociales des espaces locaux ne deacutepend-elle pas des

modifications des structures socio-spatiales qui ont des effets sociaux divers sur lrsquointeacutegration

urbaine et la coheacutesion sociale selon lrsquointeraction avec drsquoautres facteurs Par exemple

lrsquoeacutevolution des positions sociales des habitants dans les espaces urbains a neacutecessairement des

effets sur la dynamique des rapports sociaux et des pratiques sociales internes et externes de

ces espaces en relation avec les caracteacuteristiques urbaines des zones fonctions qursquoelles

remplissent varieacuteteacute des immeubles configuration des rues preacutesence drsquoactiviteacutes ou encore

densiteacute deacutemographique

Mais comment aborder cette analyse des eacutevolutions sociales des espaces urbains Les

premiegraveres recherches ont montreacute que les analyses peuvent couvrir plusieurs thegravemes qui

traitent de cette question et notamment des espaces dans lesquels lrsquointeacutegration sociale est en

panne Ce dysfonctionnement est expliqueacute en grande partie par les eacutevolutions majeures des

villes en raison de leur morphologie de la taille croissante et de leurs fonctions de plus en

plus complexes ce qui entraicircne un affaiblissement des capaciteacutes urbaines inteacutegratives

Dans ce sens les secteurs urbains laquo sensibles raquo seraient des cas empiriques significatifs de la

notion de ville laquo fragmenteacutee raquo (Dorier-Apprill Gervais-Lambony 2007) reacutesultant drsquoune

diffeacuterenciation territoriale interne lieacutee aux dynamiques sociales de ses composantes

populationnelles Henri Lefebvre (1968 1970 1973 1974) a le premier deacutecrit un effet

drsquoeacuteclatement des villes lieacute agrave leur forte croissance depuis les anneacutees 1950 Lrsquoeacuteclatement

correspond selon lui drsquoune part agrave une laquo implosion raquo des centres urbains avec la concentration

excessive des personnes et des objets et drsquoautre part agrave lrsquo laquo explosion raquo des limites des villes

ie une extension deacutesordonneacutee soutenue par des programmes drsquourbanisation drsquoinspiration

fonctionnaliste mis en place par lrsquoEacutetat pour la construction de logements

Ce double pheacutenomegravene notamment lrsquoeacutetalement urbain se diffuse de maniegravere sans preacuteceacutedente

dans lrsquohistoire urbaine franccedilaise ainsi que dans celle du monde entier Une partie importante

de cateacutegories ouvriegraveres et employeacutees deacuteplaceacutee dans ces nouveaux espaces en a mesureacute les

conseacutequences en termes de deacutestructuration de communauteacutes reacutesidentielles anteacuterieures agrave

lrsquoidentiteacute dite laquo populaire raquo elles se sont retrouveacutees dans des milieux drsquohabitat atomiseacutes

composeacutes drsquoun meacutelange de cateacutegories sociales de profil tregraves varieacute tout en eacutetant placeacute dans un

14

eacutetat de laquo nomadisme raquo imposeacute pour rejoindre les lieux de travail ou de consommation du fait

de lrsquoeacuteloignement des centres de toutes sortes Cette situation reacutesidentielle est devenue

cruellement probleacutematique agrave mesure que se reacuteveacutelait le manque de moyens pour lrsquoassumer

notamment lorsque le chocircmage et la preacutecariteacute socio-eacuteconomique se sont diffuseacutes agrave partir des

anneacutees 1970

En effet les effets nuisibles agrave lrsquointeacutegration sociale de la dispersion des villes ont eacuteteacute perccedilus

assez largement par les sociologues urbains de lrsquoapregraves Seconde Guerre mondiale agrave lrsquoinstar de

Raymond Ledrut (1968) qui dans son ouvrage Lrsquoespace social de la ville eacutevoque la

laquo diminution de lrsquoindividualiteacute collective de la ville et de la personnalisation des quartiers raquo

ou encore pour le dire autrement laquo [la reacutegression] de la vie et de la conscience collectives

alors que la vie sociale et son reacuteseau ont tendance agrave augmenter raquo (citeacute par Steacutebeacute Marchal

2010 p 115) Dans leur ouvrage Sociologie urbaine Jean-Marc Steacutebeacute et Herveacute Marchal

(2010) rappellent que les fondateurs de la sociologie franccedilaise ont identifieacute degraves la fin du XIXe

siegravecle la distension des liens sociaux dans le processus de deacuteveloppement urbain pousseacute par

lrsquoindustrialisation ayant des effets sur les plans affectifs et identitaires

Des travaux sur des pheacutenomegravenes divers ont abordeacute cette question le suicide lrsquoorganisation

du travail les conditions de vie eacuteconomique la vie sociale ou religieusehellip La cause des

tensions et des conduites de perte de sens est souvent imputeacutee agrave lrsquoeacutevolution du champ de la

production et de lrsquoorganisation du travail geacuteneacutereacutee par le deacuteveloppement industriel Drsquoun type

de lien social laquo meacutecanique raquo fondeacute sur une conscience collective et des liens affectifs forts

drsquoappartenance aux mecircmes communauteacutes reacutealisant une gamme drsquoactiviteacutes peu varieacutee des

laquo alveacuteoles raquo assez autonomes selon Eacutemile Durkheim (2007) la socieacuteteacute est passeacutee agrave un type

laquo organique raquo de liens avec la complexification de la division du travail preacutesentant des

fonctions speacutecialiseacutees du fait de la multiplication et de la diversification des activiteacutes de

production imposant une individualisation des consciences et une plus forte distance entre

individus (Toumlnnies 1977)

La transformation du lien social dans le temps est donc lieacutee autant agrave la mutation des structures

sociales qursquoagrave celle des structures spatiales de la socieacuteteacute drsquoune part une plus grande

possibiliteacute de mobiliteacute sociale et spatiale srsquooffre aux individus avec lrsquoextension et la

diversification des reacuteseaux sociaux et des espaces geacuteographiques de mobiliteacute et drsquoautre part

les agglomeacuterations urbaines srsquoaccroissent et se diffeacuterencient agrave mesure qursquoaugmentent et se

diversifient les activiteacutes sociales qui srsquoy produisent Cette eacutevolution preacutesente une double

dynamique drsquoabord la croissance deacutemographique puis le deacuteveloppement quantitatif et

15

qualitatif des activiteacutes avec leur diversification et leur adaptation Ce dernier point nrsquoest

cependant pas toujours garanti selon Lefebvre par exemple la croissance de la main-

drsquoœuvre qui ne va pas sans ineacutegaliteacutes et tensions neacutecessite de la formation pour lrsquoadaptation

agrave la speacutecialisation des fonctions mais aussi des logements ou encore un accegraves agrave la

consommation et aux loisirs

Dans lrsquoanalyse de ces eacutevolutions le statut eacutepisteacutemologique de lrsquoespace geacuteographique du

social prend de la valeur il apparaicirct autant comme deacutependant de la dynamique des modes

globaux drsquoorganisation du travail social que comme deacuteterminant des eacutevolutions sociales et

culturelles des rapports sociaux de production Crsquoest pourquoi il constitue un enjeu drsquoordre

politique pour sa maicirctrise sa production est motiveacutee par la recherche drsquoadaptation aux

usages et aux valeurs des individus et des groupes (Halbwachs 1970) ce qui rend sa

production et sa consommation centrales dans les rapports sociaux au-delagrave de la seule

production drsquoobjets mateacuteriels (Lefebvre 1970)

La ville doit ainsi ecirctre perccedilue moins comme le lieu de la reproduction des moyens de

production agrave des fins eacuteconomiques (vision marxiste traditionnelle) que comme le cadre tout agrave

la fois produit et support-enjeu des rapports sociaux de la socieacuteteacute (Lefebvre 1968) lrsquoespace

se compose ainsi de maniegravere diffeacuterentielle avec des parties centrales et peacuteripheacuteriques agrave

appreacutehender selon une laquo lecture symptocircmale raquo (Lefebvre 2000 p 79) en ce que leur eacutetat

plus ou moins pratiqueacute entretenu ou abandonneacute reacutevegravele les rapports sociaux dans la ville

La ville repreacutesente ainsi un territoire de lieux constituant une matrice drsquoorganisation

drsquointeractions et drsquointerdeacutependances sociales ayant deux implications theacuteoriques (Voyeacute

2002) le deacuteveloppement de pheacutenomegravenes cineacutetiques (flux et temporaliteacutes multiples entre

lieux) qui produisent eux-mecircmes de la ville et la production drsquoeffets de milieu Cette

approche de la dynamique urbaine est sensible aux ineacutegaliteacutes socio-spatiales du fait de la

seacutelectiviteacute sociale des lieux qui structurent le deacuteveloppement de la vie urbaine (Plouchard

1999) Les programmes drsquohabitat et drsquourbanisation fonctionnaliste des anneacutees 1950 agrave 1975

srsquoinscrivent dans cette orientation seacutegreacutegative agrave lrsquoinverse des objectifs de mixiteacute parfois

afficheacutes leurs multiples deacutefauts ont rendu les grands ensembles repoussant aux yeux des

classes moyennes aspirant aux pavillons ou rejoignant le collectif priveacute neuf ou ancien de

meilleure qualiteacute mieux inseacutereacute dans les villes ou plus proche de leur travail

Cette phase marque le deacutebut de la formation de laquo ghettos raquo contemporains en France

Lefebvre (1960) utilise dans son article sur laquo Les nouveaux ensembles urbains raquo le terme de

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laquo citeacutes-ghettos raquo agrave cocircteacute de celui de laquo citeacutes-dortoirs raquo mais aussi le mot laquo ghetto raquo seul pour

deacutesigner la manifestation possible dans des nouvelles uniteacutes urbaines des laquo deacuteficiences raquo des

agglomeacuterations historiques ou laquo spontaneacutees raquo par effet de laquo captation raquo voire de

laquo condensation raquo Le terme ghetto est aussi citeacute en 1968 dans la publication de son livre Le

droit agrave la ville premier de sa seacuterie drsquoouvrages sur lrsquoeacutevolution urbaine Il srsquoagit cependant agrave

cette eacutepoque moins de deacutesigner des espaces de violence et de criminaliteacute comme y est

davantage enclin lrsquoimaginaire urbain depuis les anneacutees 1980 en raison de lrsquoanalogie avec la

deacutesagreacutegation sociale et la criminaliteacute puissante des ghettos noirs eacutetatsuniens (Wacquant

2007) que de deacutenoncer lrsquoennui le manque drsquoactiviteacutes et de pratiques collectives lieacutees tant au

travail productif (deacuteveloppement des machines) que par le manque drsquoeacutequipements de loisirs

Toutefois la signification du ghetto est alors convergente dans les deux cas des fragments

de ville de taille suffisamment grande pour que les habitants qui sont contraints drsquoy vivre en

raison de leur exclusion sociale (agrave caractegravere ethno-racial ou pas) y produisent un mode de vie

diffeacuterent des autres espaces urbains avec lesquels les frontiegraveres socio-spatiales sont

deacutelimiteacutees En effet progressivement le peuplement des espaces des cateacutegories sociales de

plus en plus deacuteproleacutetariseacutees (deacuteconnecteacutees du travail industriel) peu qualifieacutees est

potentiellement exposeacute agrave des manifestations multiples de toutes formes drsquoanomie dans les

vies priveacutees et publiques Les conduites de deacutesespoir de contestation et de survie qui se

deacuteveloppent dans les grands ensembles relegravevent alors drsquoune gestion nouvelle des rapports

sociaux (Duprez 1982) au niveau du travail social de la socialisation ou encore de

lrsquoameacutenagement territorial et de la politique du logement Cependant la poursuite vers des

formes extrecircmes de ces conduites de rupture (eacutemeutes organisation criminelle

communautarisme deacutesordre geacuteneacuteraliseacute) ne montre-t-elle pas le sous traitement permanent de

cette question en France sur le plan politique jusqursquoagrave nos jours

Le recueil et lrsquoeacutetude de donneacutees reacutealiseacutes aupregraves de diffeacuterentes villes-communes de grand

ensemble reacutevegravelent une dynamique de deacutegradation des situations et des conduites sociales vers

une situation qui peut ecirctre qualifieacutee de ghetto ou proche de celle-ci Lrsquoobjectif de notre

recherche est de mettre en valeur les principaux deacuteterminants de celle-ci Quels en sont les

facteurs preacutedominants parmi les caracteacuteristiques morphologiques de lrsquohabitat ou encore

parmi les proprieacuteteacutes eacuteconomiques sociales politiques voire institutionnelles des communes et

de leurs agglomeacuterations et plus largement du systegraveme eacuteconomique et social actuel de la

socieacuteteacute La tacircche nrsquoest pas simple puisque ces caractegraveres alimentent tout en en deacutecoulant agrave

la fois le plus souvent la stigmatisation et la seacutegreacutegation des territoires et de leurs habitants

17

concentration de chocircmeurs et de populations issues de lrsquoimmigration deacutelinquance et

violence interpersonnelle paupeacuterisation et seacuteparation familiales Dans ce sens lrsquohypothegravese

premiegravere de notre thegravese a eacuteteacute que ce sont des variables agrave la fois macro sociales et locales qui

deacuteterminent dans le contexte socieacutetal actuel lrsquoeacutevolution des communes de grands ensembles

les pratiques tant sociales que spatiales des populations qui habitent agrave lrsquointeacuterieur ou agrave

proximiteacute des grands ensembles sont subordonneacutees ou au moins en interdeacutependance avec les

caracteacuteristiques et les dynamiques sociales et spatiales de ceux-ci en partie produits par la

socieacuteteacute

Cette hypothegravese se base sur le cadre paradigmatique des relations drsquoinfluence entre lrsquoespace et

le social que Lefebvre (1974) a poseacute lrsquoespace social et notamment urbain est produit par

des groupes dominants il geacutenegravere lui-mecircme en retour des effets sociaux divers en termes de

dynamique des relations sociales locales voire des rapports sociaux plus globaux entre

grandes cateacutegories sociales de la socieacuteteacute La sociologie urbaine est ainsi marqueacutee par ce

modegravele de lrsquoimbrication de la dynamique urbaine (les interactions et les activiteacutes sociales les

mobiliteacutes sociales et spatiales les constructions et lrsquoameacutenagement) dans celle de la socieacuteteacute

(rapports sociaux et mobiliteacute sociale) (Bassand Kaufman Joye 2002) La deacutegradation de

certaines parties de la ville est donc indissociablement lieacutee agrave la deacutegradation de la coheacutesion des

rapports sociaux de production et notamment de production mecircme de lrsquoespace physique et

social (Joye Schuler 2002) Ce qui au passage institue un cadre agrave la reacutesolution des laquo crises

urbaines raquo Bourdin (2006) ie des problegravemes aigus deacutestabilisant les villes (chocircmage

marginaliteacute de certains groupes tensions relationnelles deacutelinquance criminaliteacute violence

peacutenurie de logementshellip) crsquoest aux groupes qui ont la gestion agrave tous les niveaux de

responsabiliteacute politique des problegravemes sociaux des citadins et de leurs difficulteacutes urbaines de

deacuteterminer la coheacutesion de leur rapport avec les groupes domineacutes En assurant une place

drsquoutiliteacute sociale agrave chacun agrave chaque groupe (Castel 2000) lrsquoEacutetat peut faciliter la gestion

sociale locale des dysfonctionnements urbains crsquoest-agrave-dire la gouvernance moderne des

villes

La recherche deacuteveloppeacutee srsquoinscrit ainsi dans ce champ drsquoanalyse des relations de deacutependance

reacuteciproque entre production de lrsquoespace et dynamiques micro et macro-sociales qui deacutepassent

tant sur le plan spatial que social et symbolique le cadre geacuteographique de leur territoire

(Lapeyronnie 2008 Maurin 2004 Marchal Steacutebeacute 2009 2010) De ce fait puisque

lrsquointerdeacutependance socio-spatiale des territoires et la transversaliteacute spatiale des processus

sociaux qui geacutenegraverent des rapports de concurrence entre espaces proches mais distincts un des

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effets potentiels est la deacutevalorisation sociale de certains territoires et de leur population agrave des

degreacutes variables selon les contextes et les acteurs Ce risque nrsquoest-il pas inheacuterent au

deacuteveloppement drsquoun espace socieacutetal et geacuteographique constitueacute de multiples cateacutegories

sociales et spatiales de taille diverse theacuteoriquement ouvertes agrave la mobiliteacute et en

interdeacutependance plus ou moins conflictuelle pour les positions privileacutegieacutees et dominantes

dans les rapports de production de socialisation et drsquointeacutegration Crsquoest pourquoi pour

lrsquoanalyse des eacutevolutions des zones de marginaliteacute que sont devenus les lieux drsquoimplantation

des grands ensembles nous avons deacuteveloppeacutee une notion le deacuteclin social urbain

Cette notion srsquoinscrit dans une approche conceptuelle qui prend en compte la complexiteacute des

relations drsquointerdeacutependance qui dominent les espaces mais aussi les effets de fragmentation

socio-spatiale des villes Le processus qursquoelle deacutesigne est celui de la deacutegradation mateacuterielle

sociale et symbolique drsquoune zone urbaine assez large et autonome sur le plan fonctionnel

comme les communes en raison de lrsquoexistence simultaneacutee de plusieurs pheacutenomegravenes 1 la

paupeacuterisation et la fragilisation sociale et sanitaire drsquoune grande partie de la population

reacutesidente (sous lrsquoeffet de lrsquoexclusion et de la preacutecariteacute socio-eacuteconomique eacuteleveacutee et persistante

des couches peu qualifieacutees) 2 la deacutegradation et le manque institutionnel drsquoentretien et de

maintenance des immeubles et de lrsquoensemble mateacuteriel et infrastructurel des zones drsquohabitat

3 la faiblesse voire la reacuteduction des eacutequipements et des activiteacutes institutionnelles

eacuteconomiques et sociales en interne et dans lrsquoenvironnement et 4 la multiplication des

expeacuteriences drsquoexclusion de discrimination et de marginalisation sociale parmi les habitants

geacuteneacuterant des conduites de protestation et de transgression multiple agrave lrsquoaide de la violence le

plus souvent

Les caracteacuteristiques de cette notion srsquoinscrivent en reacutesonance avec les analyses sur les ghettos

contemporains Elle srsquoinspire du terme de ghettoiumlsation utiliseacutee davantage pour les zones

drsquohabitat cette derniegravere notion met en eacutevidence les effets extrecircmes de la concentration

territoriale de la pauvreteacute agrave partir de ses diverses dimensions sociales et spatiales (Marchal

Steacutebeacute 2010) Toutefois la notion de deacuteclin social urbain srsquoen deacutemarque pour deux raisons

drsquoune part lrsquoeacutechelle urbaine concerneacutee la ville-commune est souvent plus large que les

zones drsquohabitat sur lesquelles srsquoapplique le terme de ghettoiumlsation le plus souvent pour des

quartiers-ghettos marqueacutes par la concentration de la pauvreteacute et la releacutegation ethnique et

drsquoautre part la preacutesence drsquoadministrations territoriales et de quelques services publics et

priveacutes de proximiteacute qui empecircche de penser ces espaces comme en marge de la socieacuteteacute au

19

contraire de la figure archeacutetypale du grand ghetto noir-ameacutericain de Chicago (Kokoreff

2009)

La notion de deacuteclin social a alors constitueacute un point drsquoappui conceptuel pour la recherche que

nous avons meneacutee Elle se conforme tout agrave fait au paradigme de lrsquoeacutevolution diffeacuterentielle des

espaces urbains de Lefebvre en en reacuteveacutelant une forme de manifestation empirique Pour un

espace social et local deacutetermineacute les eacutevolutions macro-sociales se reflegravetent donc agrave travers

lrsquoeacutetat et les modifications de ses traits drsquoordre eacuteconomique social institutionnel et mateacuteriel

Ces aspects sont certainement lieacutes de diverses maniegraveres non sans lrsquoinfluence des politiques

centrales et locales Il convient drsquoajouter que ce type drsquoeffets sociaux localiseacutes comme le

deacuteclin social urbain est puisque socialement produit en interaction avec lrsquoeacutevolution des

autres parties de lrsquoespace geacuteographique global de la socieacuteteacute le regroupement de populations

pauvres dans certaines localiteacutes urbaines constitue un pendant drsquoune configuration geacuteneacuterale

de peuplement ougrave par ailleurs les cateacutegories moyennes et supeacuterieures stables srsquoagregravegent dans

drsquoautres espaces plus valoriseacutes preacuteserveacutes des groupes exclus et fragiles souvent agrave des

niveaux tregraves fins de voisinages de petite taille ce que reacutevegravelent les eacutetudes sur la seacutegreacutegation

sociale (Maurin 2002 2004)

Au sein des espaces ghettoiumlseacutes ou en deacuteclin comme les territoires internes et alentours des

grands ensembles les milieux sociaux constitueacutes repreacutesentent pour les divers habitants des

lieux de faible possibiliteacute de reacutealisation de soi drsquoinvestissement personnel et identitaire

(Giraud 2000) mais aussi par conseacutequent de transaction sociale en raison de la difficulteacute

drsquoinstaurer le plus souvent des compromis pratiques convenant aux habitants se cocirctoyant

(Gibout et al 2009) Les conduites de repli social dans les appartements souvent releveacutees

dans les enquecirctes sur la sociabiliteacute traduisent cette ambiance frustrante sur le plan social

Lrsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute des profils des meacutenages la preacutedominance et la multipliciteacute des difficulteacutes

drsquoexistence et des conduites drsquoopposition agrave lrsquoordre social seacutegreacutegatif produisent en effet de

nombreux signes mateacuteriels sociaux et institutionnels de diffeacuterence aux attentes aux

pratiques aux inteacuterecircts et aux valeurs de chacun Les relations et les pratiques sociales sont

empruntes de meacutefiance qui renforce qui srsquoajoute aux difficulteacutes drsquoaccegraves aux eacutequipements et

aux services urbains depuis les grands ensembles (Preacuteteceille 1995-a 1995-b 2000 2002

2004 2006 2008)

Lrsquoanalyse des rapports sociaux contemporains montre une geacuteneacuteralisation de la seacutegreacutegation

dans les pratiques sociales des cadres du priveacute et au niveau des politiques conduites par les

responsables de la gestion de lrsquoEacutetat et de ses missions depuis les anneacutees 1970 sous les formes

20

de lrsquoimposition du libeacuteralisme eacuteconomique dans les domaines sociaux Cette caracteacuteristique

est agrave la base de la production sociale des ghettos modernes en France qui se dessine sans que

les politiques sociales de la ville drsquoordre curatif fondeacutees sur lrsquoanimation et la protection

sociale minimale nrsquoarrivent agrave juguler le pheacutenomegravene

Notre question de recherche initiale qui partait donc de cette volonteacute de connaicirctre les

deacuteterminants sociaux etou spatiaux des situations sociales probleacutematiques des communes de

grands ensembles srsquoest alors formuleacutee agrave partir de la formalisation de la notion de deacuteclin

social et de lrsquoidentification du pheacutenomegravene causal de seacutegreacutegation en termes de preacutecision sur

les modaliteacutes deacuteterminantes le deacuteclin des grands ensembles constitue-t-il une modaliteacute

spatiale de la seacutegreacutegation sociale et pour quelles raisons Si des signes tendent agrave reacutepondre agrave

la premiegravere partie de la question par lrsquoaffirmative nous avons pu aussi constater que les effets

de ce pheacutenomegravene renforcent les conduites seacutegreacutegatives en milieu urbain au niveau micro

social (pratiques sociales et notamment reacutesidentielles des citadins) et local (petits espaces

drsquoenvironnements drsquohabitation) Ce qui accentue le sens originel de la notion de seacutegreacutegation

urbaine relative aux ineacutegaliteacutes sociales drsquoaccegraves aux eacutequipements des villes

Notre premiegravere hypothegravese au regard des observations cumuleacutees relatives aux critiques sur la

forme urbaine et ses effets sociaux depuis les anneacutees 1960 jusqursquoagrave la fin des anneacutees 1990 a

eacuteteacute que les pheacutenomegravenes de deacutegradation sociale ont comme principale source lrsquourbanisme et

lrsquoarchitecture fonctionnalisme preacutedominante geacuteneacuterant par leurs proprieacuteteacutes intrinsegraveques les

conflits de cohabitation lrsquoennui voire lrsquoanomie des cateacutegories les moins inseacutereacutees Cependant

recueil de donneacutees et confrontation aux travaux et aux analyses multiples agrave ce sujet ont

imposeacute lrsquoideacutee drsquoun effet preacutedominant de cette variable sous-jacente qursquoest la seacutegreacutegation

sociale et dont il faut comprendre les raisons et les formes de son existence dans des

domaines varieacutes (de lrsquoeacuteconomie au spatial) agrave des niveaux sociaux distincts (des relations

locales aux rapports sociaux plus globaux) selon des modaliteacutes diverses Pour le destin des

grands ensembles qui constituent de maniegravere assez systeacutematique des milieux socio-spatiaux

drsquoeacutevolution neacutegative de vie sociale locale il se manifeste bien un double effet de gestion

politico-institutionnelle sur le plan mateacuteriel et du peuplement et de rapport social de la part

des populations locales et de la socieacuteteacute dans son ensemble agrave ce type drsquoespace reacutesidentiel et

aux cateacutegories auxquelles qursquoil abrite

La production sociopolitique des grands ensembles et leur gestion convergent avec les

meacutecanismes ou les attitudes drsquoexclusion totale ou partielle dans les champs eacuteconomiques et

sociaux notamment en milieu urbain puisque lrsquoespace est devenu un enjeu important dans la

21

mobiliteacute des cateacutegories sociales les plus anxieuses dans lrsquoeacuteconomie mondialiseacutee Cet aspect se

manifeste autant dans des politiques urbaines et sociales deacutefavorables (eacutequipements et

services publics et priveacutes drsquointeacutegration sociale insuffisants ou peu accessibles) qursquoau niveau

des usages sociaux avec des pheacutenomegravenes de mise agrave lrsquoeacutecart et de seacuteparation dans les pratiques

sociales et reacutesidentielles de cateacutegories sociales supeacuterieures et moyennes Celles-ci cherchent agrave

se proteacuteger des contacts sociaux indeacutesirables comme des meacutefaits et des atteintes divers et agrave

maximiser les situations drsquoentre-soi pour beacuteneacuteficier de ressources sociales neacutecessaires face

aux menaces de deacutecheacuteance ou drsquoeacutechec eacuteconomique social et symbolique

Notre recherche srsquoest organiseacutee autour de deux phases la premiegravere est une double deacutemarche

drsquoeacutetudes empiriques compleacutementaires associant monographie intensive drsquoun site (Les Ulis

dans lrsquoEssonne) et comparaison extensive de plusieurs espaces similaires en France (six

communes de grands ensembles dans des espaces peu ou pas urbaniseacutes auparavant de taille

petite ou moyenne et situeacutees en marge de plus grandes agglomeacuterations) la seconde a eacuteteacute un

deacuteveloppement analytique exploitant les principaux reacutesultats en les confrontant agrave drsquoautres

travaux dans ce domaine pour en formaliser les notions et les variables qui ont eacuteteacute preacutesenteacutees

Crsquoest lors de ces phases empiriques que le deacuteclin social urbain a eacuteteacute appreacutehendeacute drsquoabord par

la deacutemarche monographique meneacutee gracircce agrave la conduite pendant quatre anneacutees de

lrsquoobservatoire local de la commune concerneacutee (2000-2004) Ce type drsquoapproche srsquoappuie sur

lrsquoexpeacuterience et les repreacutesentations des acteurs pour recueillir des informations les traiter et

les interpreacuteter Lefebvre (1968 p 118-119) lrsquoencourage pour des champs sociaux complexes

comme celui de la ville laquo Le mouvement dialectique se preacutesente ici comme un rapport entre

la science et la force politique comme un dialogue ce qui actualise les rapports laquo lsquotheacuteorie-

pratiquersquo et lsquopositiviteacute-neacutegativiteacute critiquersquo raquo

Dans lrsquoensemble la thegravese comporte quatre parties La premiegravere est la probleacutematique faisant se

croiser deux ordres de pheacutenomegravenes drsquoune part lrsquoexclusion et la preacutecariteacute sociale avec ses

effets de paupeacuterisation et de fragilisation sociale et drsquoautre part les pratiques de releacutegation

dans lrsquoespace notamment en milieu urbain et dans les grands ensembles des plus pauvres

preacutecaires et fragiles socialement Il est perccedilu que ces deux ordres de pheacutenomegravenes sont lieacutes par

la mecircme cause sociale deacuteterminante une mecircme attitude seacutegreacutegative de la part des groupes

dominants lrsquoeacuteconomie et la socieacuteteacute vis-agrave-vis des cateacutegories sociales les moins qualifieacutees

Les trois parties suivantes de la thegravese preacutesentent les principaux temps drsquoanalyse Tout

drsquoabord la premiegravere partie lrsquoobservation monographique de la ville des Ulis qui rassemble

22

des donneacutees locales multiples au-delagrave de premiers indicateurs standards drsquoeacutevolution de la

ville La deuxiegraveme partie analyse un eacutechantillon de six communes seacutelectionneacutees pour leur

proximiteacute morphologique avec la premiegravere eacutetudieacutee Celle-ci est associeacutee agrave lrsquoeacutechantillon pour

une analyse selon des critegraveres homogegravenes et moins nombreux en eacutetudiant des donneacutees de

mecircme peacuteriode historique plus reacutecente Agrave des fins de comparaison lrsquoanalyse est moins

multifocale pour assurer lrsquoobtention et la mise en forme de donneacutees identifieacutees comme

pertinentes depuis lrsquoeacutetude monographique Des eacuteleacutements drsquohistoire et de profil social et

urbain des six communes ont eacuteteacute rassembleacutes ainsi que les projets en cours de reacutenovation

urbaine en raison des probleacutematiques urbaines qursquoils soulegravevent sur les sites Des cartes et des

photos des situations urbaines accompagnent les textes

Enfin la troisiegraveme partie analyse ces donneacutees en identifiant et interpreacutetant les relations les

plus nettes entre les variables en preacutesence afin de comprendre la speacutecificiteacute du destin des

villes-communes marqueacutees par les effets de ghettoiumlsation de leur grand parc drsquohabitat sur la

situation sociale des habitants Il srsquoagit drsquoabord de preacuteciser les caracteacuteristiques physiques et

sociales qui constituent des freins agrave leur habitation pour une vie sociale satisfaisante des

cateacutegories initiales de leur destination (les cateacutegories ouvriegraveres et moyennes en ascension)

Ensuite ce sont ces facteurs premiers de deacutegradation qui sont eacutetudieacutes pour en comprendre et

expliquer leur manifestation Ce qui renvoie au modegravele libeacuteral drsquoorganisation sociale depuis

les anneacutees 1970 qui a geacuteneacutereacute ce type drsquoespace reacutesidentiel et sa gestion en mecircme temps que

lrsquoattitude anxieuse des individus pour leurs situations eacuteconomique et sociale dans un contexte

de deacuteveloppement des ineacutegaliteacutes sociales de la preacutecariteacute professionnelle de lrsquoexclusion

socio-eacuteconomique de la paupeacuterisation des meacutenages en difficulteacutes sociales et de la faiblesse

de lrsquoEacutetat agrave trouver des mesures protectrices adapteacutees

23

24

Des exclus dans les grands ensembles cause de leur deacuteclin

ou modaliteacute spatiale de la seacutegreacutegation sociale

Agrave lrsquoorigine du deacuteveloppement de la probleacutematique de la thegravese deux seacuteries de pheacutenomegravenes se

trouvent reacuteunies dans un type drsquoespace reacuteputeacute pour son eacutevolution sociale critique reacuteveacutelatrice

de difficulteacutes et de tensions drsquointeacutegration sociale drsquoune part lrsquoexclusion et la preacutecariteacute socio-

eacuteconomiques et drsquoautre part la releacutegation et la seacutegreacutegation urbaines qui se produisent

particuliegraverement agrave lrsquoendroit des grands ensembles drsquohabitation Ce type drsquohabitat a eacuteteacute

construit dans les anneacutees 1950 agrave 1970 sous lrsquoimpulsion de lrsquoEacutetat et selon les principes de

lrsquoarchitecture et de lrsquourbanisme moderne formuleacutes dans les anneacutees 1920 et 1930 en reacuteaction

aux nuisances produites par les villes industrielles en croissance depuis la fin du XIXe siegravecle

Les grands ensembles apportaient lrsquoespace lrsquoair et la lumiegravere aux occupants des

appartements en seacuteparant les bacirctiments entre eux de vides laquo naturels raquo deacutegageacutes de petites

rues encombreacutees agrave leur pied Il est vrai que marcher aux Ulis dans lrsquoEssonne laquo ville nouvelle

avant lrsquoheure raquo sur les dalles et sur les passerelles reliant une grande partie des diffeacuterents

quartiers au-dessus de son reacuteseau viaire nrsquoest pas sans susciter un certain plaisir

lrsquoameacutenagement est original et le gain est tangible en termes de seacutecuriteacute et de tranquilliteacute vis-

agrave-vis du trafic routier Cependant un sentiment drsquoeacutetrangeteacute voire drsquoisolement se deacutegage dans

la pratique de cette forme urbaine pouvant confiner agrave lrsquoinquieacutetude agrave certaines heures et par

endroit lieacute au nombre peu eacuteleveacute de citadins dans les laquo rues raquo pendant la journeacutee et agrave

lrsquoapparence de ceux-ci alors que la ville preacutesente sur le plan statistique un profil de classes

moyennes et modestes ce sont surtout des passants de faibles conditions et drsquoorigine

immigreacutee qui occupent lrsquoespace public central

Cette caracteacuteristique est typique des espaces urbains de petite ou moyenne taille priveacutes autant

drsquoun centre-ville diversifieacute et animeacute que drsquoactiviteacutes eacuteconomiques multiples et meacutelangeacutees dans

les espaces reacutesidentiels et les bacirctiments publics et culturels Toutes centraliteacutes commerciales

et eacuteconomiques drsquoimportance sont situeacutees hors de la ville dans drsquoautres zones ameacutenageacutees de

maniegravere volontairement seacutepareacutee La faiblesse drsquoanimation des espaces exteacuterieurs aux

bacirctiments administratifs centraux des communes et des quelques commerces plus ou moins

regroupeacutes autour est une conseacutequence de cet urbanisme de zonage des fonctions En outre la

faiblesse eacuteconomique et sociale apparente des lieux et des habitants constitue bien souvent un

autre eacuteleacutement drsquoambiance caracteacuteristique de ce type drsquoespace

Des signes mateacuteriels et physiques multiples lrsquoattestent drsquoabord des espaces exteacuterieurs aux

mateacuteriaux de faible qualiteacute useacutes ou vandaliseacutes et non remplaceacutes par endroits ainsi que des

commerces aux produits bon marcheacute et parfois de tendance ethnique pour srsquoadapter aux

besoins des meacutenages drsquoorigine eacutetrangegravere mais souvent limiteacutes sur les plans de la diversiteacute de

la qualiteacute et de la preacutesentation des articles ensuite sur le plan des personnes visibles en

pleine journeacutee de travail en semaine toute une gamme preacutedominante drsquohommes et de femmes

affichent des signes de preacutecariteacute eacuteconomique et de fragiliteacute sociale voire de distance

culturelle avec les normes dominantes de la socieacuteteacute franccedilaise des jeunes ou des adultes non-

occupeacutes souvent des femmes ou des retraiteacutes des deux sexes drsquoorigine immigreacutee aux

vecirctements europeacuteens parfois useacutes ou aux tenues des cultures drsquoorigine (nord ou noir-africaine

etou musulmane mais aussi indo-pakistanais et asiatique sans oublier sud-ameacutericaine)

La plupart du temps en peacuteriode de travail les lieux de sociabiliteacute locale deacutecouvrent ainsi

toute une frange sociale populaire deacuteproleacutetariseacutee en grande partie (ouvriers peu qualifieacutes au

chocircmage agrave la preacuteretraite ou en interim) principalement drsquoorigine immigreacutee Pour certains

notamment les hommes en parallegravele au quotidien des courses de proximiteacute le plus souvent

reacutealiseacutees par les femmes les laquo cafeacutes-tabac-PMU6 raquo sont les espaces de rencontre pour

partager un verre ou un cafeacute ainsi que les frissons des jeux de hasards (loto et autres jeux de

la Franccedilaise des jeux) et des paris aux courses de chevaux retransmis sur les eacutecrans teacuteleacuteviseacutes

Dans les espaces publics locaux on rencontre en outre des fonctionnaires des administrations

locales en deacuteplacement entre les services situeacutes dans diffeacuterents quartiers de la ville ou pour le

deacutejeuner aupregraves des commerccedilants et restaurants de proximiteacute Aux Ulis ils arpentent les

diffeacuterentes parties de la dalle du centre-ville de la commune et les passerelles reliant les

diffeacuterentes reacutesidences situeacutees agrave cocircteacute en croisant la population locale Ils peuvent drsquoailleurs

partager avec celle-ci une certaine interconnaissance voire une familiariteacute dans lrsquoespace local

probante dans certains lieux que montrent par exemple des salutations nombreuses ouvertes

et parfois deacutemonstratives avec les diffeacuterents usagers preacutesents

En revanche les cateacutegories moyennes voire supeacuterieures mais aussi plus modestes et inseacutereacutees

de maniegravere reacuteguliegravere dans lrsquoeacuteconomie qui habitent dans les immeubles collectifs priveacutes et

6 Le Pari Mutuel Urbain est le systegraveme drsquoenregistrement des paris sur les courses de chevaux hors des hippodromes situeacute dans les cafeacutes-tabac Il est organiseacute par le Pari Mutuel organisme habiliteacute sous la tutelle du ministegravere de lrsquoAgriculture et drsquoun controcircleur drsquoEacutetat (Centre national de ressources textuelles et lexicographiques - CNRTL httpwwwcnrtlfrdefinitionpmu)

26

sociaux voire dans certains lotissements pavillonnaires que comportent ces communes (au

sud-est de la commune pour les Ulis) freacutequentent moins ces espaces aussi bien en journeacutee de

travail que le soir et les fins de semaine Elles pratiquent davantage les eacutequipements

commerciaux et les zones drsquoactiviteacutes agrave vocation reacutegionale et agrave destination des classes

moyennes comme le centre commercial Ulis II qui borde le sud de la ville

Ce tableau drsquoambiance sociale en jour de travail est celui que connaissent les communes

peacuteripheacuteriques de cateacutegories moyennes et modestes comme Les Ulis au deacutebut des anneacutees

2000 La traverseacutee de leur laquo centre-ville raquo peu animeacute et peu meacutelangeacute sur le plan des

fonctions des activiteacutes et des cateacutegories sociales illustre lrsquointeacuterecirct drsquoanalyser cette forme

urbaine en croisant les deux ordres de pheacutenomegravenes eacutevoqueacute plus haut drsquoune part la

marginalisation socio-eacuteconomique drsquoune frange modeste de la population de lrsquoensemble de

lrsquoagglomeacuteration drsquoappartenance et drsquoautre part la releacutegation spatiale drsquoune partie de celle-ci

dans des espaces drsquohabitat de faible valeur eacuteconomique et urbaine comme le grand ensemble

drsquohabitation des Ulis

La ville se distingue drsquoailleurs dans lrsquoespace drsquoensemble de lrsquoagglomeacuteration parisienne par

une connotation symbolique plutocirct neacutegative en raison de la preacutedominance de son habitat

original mais en partie deacutevaloriseacute par les classes moyennes mais aussi du fait de la

deacutelinquance et de violence qui srsquoy manifestent ainsi que des discours et des actions politiques

et sociales qui focalisent les consciences locales sur son destin et son devenir Comme abordeacute

dans lrsquointroduction le deacuteveloppement de la probleacutematique drsquoanalyse lieacute agrave lrsquoobjectif de

chercher agrave comprendre agrave qualifier et agrave expliquer lrsquoeacutetat social global de ce type de commune

conduit agrave examiner les causes de leur deacutegradation puisque ces communes apparaissent

toutes marqueacutees par ce mecircme pheacutenomegravene de laquo crise urbaine raquo Il srsquoagit ici pour la

progression de la question de recherche drsquoapprofondir lrsquoanalyse de deux aspects de celle-ci

correspondant aux deux seacuteries de pheacutenomegravenes indiqueacutes plus haut (exclusion et preacutecariteacute

socio-eacuteconomique seacutegreacutegation urbaine) qui paraissent ecirctre agrave lrsquoorigine de la production

sociale des espaces urbains de releacutegation sociale

Ces deux ordres de pheacutenomegravenes ne reacutevegravelent-ils pas une signification commune le deacutefaut

drsquointeacutegration sociale des personnes les plus fragiles socialement et culturellement Dans les

deux dimensions des pheacutenomegravenes eacutetudieacutes social et spatial cette caracteacuteristique qui relegraveve

drsquoattitudes sociales et politiques seacutegreacutegatives se manifeste selon des modaliteacutes particuliegraveres

tout en finissant par endroit par se croiser ce sont dans des espaces de faible valeur

eacuteconomique et sociale et de faible investissement institutionnel que des meacutenages et des

27

personnes en difficulteacutes sociales peuvent se retrouver pour habiter Pour le deacuteveloppement de

la probleacutematique nous nous orientons vers la recherche de qualification des processus

observables et des situations produites permettant drsquoen reconstituer les modaliteacutes

explicatives

Un point-cleacute drsquoanalyse est que les espaces sociaux des grands ensembles manifestent le plus

nettement les signes des deacutefauts drsquointeacutegration sociale et institutionnelle les pheacutenomegravenes de

ghettoiumlsation et de ghettos tendent agrave ecirctre de plus en plus rapporteacutes et reconnus Ils confirment

alors lrsquoinstallation durable des pheacutenomegravenes drsquoexclusion socio-eacuteconomique drsquoune partie de la

population et de sa releacutegation spatiale soit une forme de seacutegreacutegation urbaine dans les

agglomeacuterations drsquoappartenance de ces territoires Ainsi la probleacutematique de notre thegravese agrave

partir de questions portant sur le sens des situations de crise urbaine des espaces de grands

ensembles nrsquoen eacutecarte pas moins les exigences drsquoune sociologie explicative puisqursquoelle vise agrave

questionner les pheacutenomegravenes qui les deacuteterminent Et en quelque sorte ce questionnement sur

les causes contribue agrave reacuteveacuteler plus en avant la signification des processus concerneacutes

Plus preacuteciseacutement la probleacutematique suit deux principaux temps premiegraverement poser la

question de lrsquoexistence du sens des modaliteacutes et des effets de lrsquoexclusion sociale et

eacuteconomique deuxiegravemement deacutevelopper les mecircmes questions concernant les situations de

deacutegradation physique et sociale des territoires des grands ensembles (zones drsquohabitat et

territoires plus larges drsquoappartenance) non sans lien avec lrsquoexclusion sociale de certains de

ces habitants mais aussi en raison de la manifestation de la mecircme cause sociale deacuteterminante

qursquoest lrsquoattitude seacutegreacutegative ou excluante des groupes dominants ici exerceacutee dans les

politiques urbaines et sociales celles-ci eacutetant censeacutees garantir lrsquointeacutegration sociale des

cateacutegories peu qualifieacutees et en difficulteacutes sociales ainsi que la qualiteacute fonctionnelle des

espaces de grands ensembles pour les citadins en reacutealisant des interventions et une gestion

institutionnelles agrave la hauteur des enjeux Ces derniers pouvant se reacutesumer par lrsquoameacutelioration

des caracteacuteristiques physiques et de leur gestion notamment par le biais de reacutehabilitation des

immeubles et des espaces communs et aussi par leur transformation spatiale et fonctionnelle

pour leur revalorisation

28

Chapitre I

Lrsquoexclusion socio-eacuteconomique depuis les anneacutees 1970 un premier signe de la

seacutegreacutegation sociale moderne

La premiegravere question qui ouvre la reacuteflexion sur ce thegraveme est de comprendre et drsquoexpliquer

lrsquoeacutemergence de ce thegraveme de lrsquoexclusion eacuteconomique et sociale en lien avec les

manifestations deacutesigneacutees sous cette appellation La fin de laquo lrsquointeacutegration eacuteconomique de

tous raquo mythe de la socieacuteteacute industrielle des Trente glorieuses sans chocircmage apparent est-elle

imputable aux seules deacuteterminations de lrsquoeacutevolution eacuteconomique srsquoorientant vers la

mondialisation de son organisation et de son fonctionnement La vision de lrsquoeacuteconomie

comprise dans cette question est bien abstraite et deacuteconnecteacutee des reacutealiteacutes sociales qui

deacuteterminent lrsquoeacutevolution eacuteconomique en tant que champ social de la production des biens et

des services marchands et non-marchands

Lrsquoexclusion eacuteconomique et sociale relegraveve de processus sociaux constitutifs drsquoun modegravele de

deacuteveloppement eacuteconomique porteacute par un systegraveme social et une ideacuteologie qui beacuteneacuteficient agrave

certains et deacutesavantagent drsquoautres Lrsquoexclusion est bien une cateacutegorie drsquoaction et de situation

favoriseacutee par une repreacutesentation du monde social et eacuteconomique et des rapports entre groupes

sociaux de la socieacuteteacute le libeacuteralisme constitutif des ideacutees politiques deacuteveloppeacutees au XIXe

eacutemerge sous une forme nouvelle dans les anneacutees 1970 en srsquoappuyant sur lrsquoessoufflement du

modegravele keyneacutesien face agrave la crise des deacutepenses sociales En fait lrsquoexistence pendant les Trente

glorieuses de probleacutematiques sociales diverses (sous-proleacutetariat urbain pauvreteacute des

retraiteacuteshellip) deacuteconnecteacutees de la croissance eacuteconomique et de la redistribution

institutionnaliseacutee deacutenonceacutees par des organisations militantes et progressivement prises en

compte par des analystes diffeacuterents montrait que la logique de lrsquointeacutegration et du bien-ecirctre

social par tous eacutetait deacutejagrave deacutefaillante

La penseacutee libeacuterale justifie cependant la mise agrave lrsquoeacutecart des moins performants en raison de

leur faible qualification souvent par heacuteritage familial La logique de performance et de

compeacutetition autorise des attitudes seacutegreacutegatives agrave des niveaux plus ou moins eacuteleveacutes

drsquoinstitutionnalisation avec des effets plus ou moins reacuteversibles de fermeture des chances

drsquoaccegraves aux positions et aux activiteacutes favoriseacutees pour les moins qualifieacutees en raison de leur

non appartenance aux groupes sociaux privileacutegieacutes Cette ideacuteologie se manifeste aussi bien au

niveau du cadre politique geacuteneacuterale de la gestion des activiteacutes eacuteconomiques devenues

mondialiseacutees qursquoau niveau des rapports sociaux dans la sphegravere productive et de reproduction

29

sociale (attribution des statuts et des positions sociales meacutethodes de deacutecision et de

concertation sociale destination des transferts sociauxhellip) et dans les pratiques sociales

diverses dont les choix et modaliteacutes reacutesidentiels en milieu urbain

Cette partie aborde tant cet aspect contextuel que les diffeacuterentes appreacutehensions militantes

politiques et sociologiques de lrsquoexclusion pour cerner les pheacutenomegravenes concerneacutes les enjeux

sociaux qursquoils reacutevegravelent et leurs effets eacuteconomiques et sociaux La formation du processus de

deacutegradation physique et sociale des grands ensembles en fait partie abordeacutee avec les notions

de ghettoiumlsation et de deacuteclin social urbain des territoires drsquoappartenance Il srsquoagit drsquoidentifier

et de qualifier ce processus afin de permettre drsquoen retracer les causes sociales deacuteterminantes

(deuxiegraveme partie de ce chapitre)

A- Le contexte de lrsquoexclusion un reacutegime politique neacuteolibeacuteral

Cette premiegravere partie de chapitre aborde le contexte social et politique du deacuteveloppement de

la perception de la cateacutegorie drsquoaction de lrsquoexclusion eacuteconomique et social Mecircme si les

premiegraveres expressions de ce terme apparaissent un peu plus tocirct dans les anneacutees 1950 il srsquoagit

drsquoabord de consideacuterer la crise eacuteconomique et sociale qui srsquoaccroicirct au cours des anneacutees 1970

ainsi que le cadre ideacuteologique et politique geacuteneacuteral du deacuteveloppement de multiples processus

aux mecircmes effets drsquoexclusion eacuteconomique et sociale Ce sont drsquoailleurs souvent des causes

strictement eacuteconomiques qui sont reacuteguliegraverement mises en avant depuis une quarantaine

drsquoanneacutees pour expliquer la crise eacuteconomique et sociale avec son chocircmage de masse la

mondialisation et la financiarisation des eacutechanges et de la production mais aussi la

modernisation de ceux-ci par les nouvelles technologies de lrsquoinformation et de la

communication (Maurin 2002)

En fait depuis les anneacutees 1970 indeacutependamment des sous-peacuteriodes de croissance ou de

deacuteclin eacuteconomique tous les segments hieacuterarchiques de la socieacuteteacute ont eacuteteacute concerneacutes par la

fragilisation de lrsquoemploi (Maurin 2002) surtout les ouvriers et les employeacutes notamment les

moins qualifieacutes pour les emplois de production et drsquoexeacutecution mais aussi les professions

intermeacutediaires et surtout les cadres aux emplois qualifieacutes les plus reacutecents (moins drsquoun an

drsquoancienneteacute) comme les plus anciens (plus drsquoun an drsquoancienneteacute) Il nrsquoy a drsquoailleurs pas en

France de dualisation rigide du marcheacute du travail entre deux classes eacutetanches les preacutecaires

et les proteacutegeacutes qui serait lieacutee agrave la geacuteneacuteralisation des contrats agrave dureacutee deacutetermineacutee (CDD) Agrave

30

la fin des anneacutees 1990 les CDD concernent 70 des recrutements des eacutetablissements de plus

de 10 salarieacutes en 2009 cette part est passeacutee agrave 80 (Arnold 2010) Cependant les CDD ne

sont pas irreacuteversibles Agrave la fin des anneacutees 1990 pregraves de 70 de ces contrats (hors contrats

saisonniers de tregraves courte dureacutee) sont transformeacutes en contrats permanents en partie gracircce agrave la

clause de non-renouvellement la creacuteation drsquoemplois permanents fait autant suite agrave une

transformation de contrat temporaire qursquoagrave une embauche directe sous contrat agrave dureacutee

indeacutetermineacutee

Comment se manifestent alors les pheacutenomegravenes de preacutecarisation eacuteconomique et de

paupeacuterisation qui drsquoune part ont inspireacute un sentiment de laquo chute sociale raquo aupregraves de

nombreuses cateacutegories sociales (Bachmann Le Guennec 1996) et drsquoautre part ont favoriseacute

le deacuteveloppement drsquoineacutegaliteacutes sociales entre une partie des couches moyennes et modestes en

voie de deacuteclassement et de paupeacuterisation et la partie des plus aiseacutes devenant encore plus

riche Dans la sphegravere de la production la seacutelectiviteacute accrue des recrutements srsquoest

geacuteneacuteraliseacutee au deacutetriment de cateacutegories jusque lagrave inseacutereacutees dans le travail ayant comme point

commun une faible qualification ou expeacuterience certains jeunes des femmes des eacutetrangers

ou des immigreacutes et drsquoautres actifs encore peu performants Progressivement la figure des

laquo pauvres laborieux raquo ou laquo travailleurs pauvres raquo crsquoest-agrave-dire des travailleurs appartenant agrave

des meacutenages pauvres srsquoest imposeacutee dans toutes les socieacuteteacutes modernes7

Sous lrsquoeffet du deacuteveloppement du non-emploi du sous-emploi et de la limitation deacutelibeacutereacutee

des revenus salariaux la paupeacuterisation de certains meacutenages srsquoest eacutetendue bien que la baisse

geacuteneacuterale des revenus soit limiteacutee et qursquoil soit constateacute que le niveau de vie moyen de

lrsquoensemble des meacutenages continue agrave croicirctre Crsquoest cependant une frange de la socieacuteteacute qui se

trouve vulneacuterabiliseacute par le changement de type du lien social entre les classes dominantes et

les autres groupes sociaux notamment les cateacutegories ouvriegraveres et employeacutees les plus

exposeacutees agrave la mise agrave lrsquoeacutecart productive (Dubet Martucelli 1998 Castel 1995) En masse les

chiffres ne sont pas minces Lrsquoancien Commissariat geacuteneacuteral du Plan avait montreacute qursquoen 1996

lrsquoensemble des laquo sans emploi et sous-employeacutes raquo (comprenant les chocircmeurs laquo officiels raquo les

actifs preacutecaires et les laquo exclus extrecircmes du travail raquo) formaient 714 millions drsquoactifs soit

entre un quart et un tiers des actifs (291 ) 308 millions eacutetaient des chocircmeurs de la

7 Les working poors repeacutereacutes degraves les anneacutees 1970 aux Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique apparaissent en Europe dans les anneacutees 1980

31

cateacutegorie 1 de lrsquoancien Pocircle emploi8 (ANPE Agence nationale pour lrsquoemploi) qui regroupe

des demandeurs drsquoemploi disponibles immeacutediatement pour un travail agrave temps complet et

406 millions eacutetaient des laquo preacutecaires raquo et laquo exclus extrecircmes raquo du travail Ce deacutecompte

regroupe drsquoabord les diffeacuterentes cateacutegories de chocircmeurs au sens officiel que trois sources

diffusent le Bureau international du Travail (BIT) Pocircle emploi et lrsquoInstitut national de la

statistique et des eacutetudes eacuteconomiques (INSEE) avec le recensement de la population Bien

que ces trois indicateurs restent encore partiels pour reacuteveacuteler tout le non-emploi en les

associant ils permettent de fournir une ideacutee du pheacutenomegravene

Tout drsquoabord le chocircmage au sens du BIT est un indicateur fourni par les enquecirctes annuelles

sur lrsquoemploi de lrsquoINSEE dans une acception assez restrictive puisque les chocircmeurs y sont les

personnes strictement sans emploi nrsquoayant pas travailleacute durant la peacuteriode de reacutefeacuterence (la

semaine preacuteceacutedente) et se deacuteclarant disponibles pour travailler et pouvant attester de

recherches effectives drsquoemploi (en 1999 2 840 000 personnes en France) La seconde source

est Pocircle emploi avec ses demandeurs drsquoemploi inscrits en fin de mois (DEFM) qui sont

compteacutes seule une des cateacutegories de demandeurs est utiliseacutee pour les statistiques officielles

(2 628 600 chocircmeurs officiels en 1999) ceux sans emploi au cours du mois agrave la recherche

drsquoun emploi agrave dureacutee indeacutetermineacutee agrave temps plein ou partiel ou agrave dureacutee deacutetermineacutee temporaire

ou saisonnier (cateacutegorie A regroupant les anciennes cateacutegories 1 2 et 3 de lrsquoANPE pour les

demandeurs hors activiteacute reacuteduite)9

Enfin la troisiegraveme source de recensement de chocircmeurs est lrsquoINSEE qui lors des

recensements de population enregistre toutes les personnes se deacuteclarant spontaneacutement

chocircmeuses (ou plutocirct en recherche drsquoun travail) Avec cette approche plus subjective des

megraveres de famille inactives ou des preacuteretraiteacutes peuvent srsquoexprimer plus librement en 1999

3 401 600 se sont deacuteclareacutes chocircmeurs Ainsi les eacutecarts sont importants entre ces mesures

pregraves de 560 000 entre le deacutecompte du recensement et celui de lrsquoEnquecircte emploi selon la

reacutefeacuterence du BIT ou encore un peu plus de 770 000 entre le deacutecompte du recensement et

celui de Pocircle emploi avec sa cateacutegorie officielle de chocircmeurs

8 Pocircle emploi est lrsquoadministration neacutee de la fusion en 2008 entre lrsquoAgence nationale pour lrsquoemploi (lrsquoANPE) et les Associations pour lrsquoemploi dans lrsquoindustrie et le commerce les ASSEDICS en charge de lrsquoassurance chocircmage 9 Les quatre autres cateacutegories sont les demandeurs ayant exerceacute une activiteacute reacuteduite courte au cours du mois (moins de 78 h cateacutegorie B anciennes cateacutegories 1 2 et 3 de lrsquoANPE avec activiteacute reacuteduite) les demandeurs ayant exerceacute une activiteacute reacuteduite longue (plus de 78 heures cateacutegorie C anciennes cateacutegories 6 7 et 8 de lrsquoANPE) les demandeurs drsquoemploi sans emploi mais en stage formation ou maladie (cateacutegorie D ancienne cateacutegorie 4 de lrsquoANPE) et les demandeurs drsquoemploi en emploi (cateacutegorie E ancienne cateacutegorie 5 de lrsquoANPE)

32

Ces eacutecarts constituent des formes de repreacutesentation du laquo halo raquo du chocircmage cet espace social

indeacutefini de personnes exclues de la deacutefinition des laquo chocircmeurs raquo officiels En portant une plus

nette attention aux cateacutegories non laquo officielles raquo du chocircmage les volumes de demandeurs

drsquoemploi ou de personnes sous ou non employeacutees doublent quasiment en ordre de grandeur

En 2001 par exemple lrsquoenquecircte Emploi de lrsquoINSEE reacutevegravele 22 millions de chocircmeurs mais

aussi 42 millions en tout en ajoutant le laquo chocircmage de lrsquoombre raquo ensemble qui comprend des

chocircmeurs laquo deacutecourageacutes raquo (ne cherchant plus) et drsquoautres indisponibles par exemple drsquoune

activiteacute plus ou moins reacuteduite Pour lrsquoancienne ANPE lrsquoeacutecart eacutetait du mecircme ordre la mecircme

anneacutee 2001 (mars) 2 millions de chocircmeurs laquo officiels raquo (cateacutegorie 1) contre 365 millions de

demandeurs drsquoemploi totaux (reacutepartis parmi les autres cateacutegories) En outre ces volumes ne

comptent pas ici tout ceux et surtout toutes celles qui sont en inactiviteacute forceacutee (Maruani

2002) Crsquoest donc en fait un vaste ensemble composeacute du chocircmage de lrsquoactiviteacute preacutecaire du

sous-emploi et de lrsquoinactiviteacute qui forme le non-emploi Il mine toute la socieacuteteacute y compris les

salarieacutes occupeacutes puisque le rationnement de lrsquoemploi tire vers le bas les niveaux de salaire

dont celui des actifs les plus vulneacuterables dont les femmes en premier chef

En outre ces chiffres reacutevegravelent que le sous-emploi lrsquoinstabiliteacute professionnelle lrsquoinscription

provisoire dans des dispositifs de formation ou la cessation anticipeacutee drsquoactiviteacute constituent

des situations plus nombreuses (55 environ) que le chocircmage officiel (45 environ) Par

exemple les auteurs drsquoun rapport au Premier ministre (Guaino Barale Molcinikar 1997)

ajoutent aux 3 millions de chocircmeurs officiels 250 000 chocircmeurs laquo deacutecourageacutes raquo 300 000

chocircmeurs laquo dans lrsquoincapaciteacute de retrouver un travail raquo 460 000 personnes laquo retireacutees de la

population active par les dispositifs de cessation anticipeacutee drsquoactiviteacute raquo 1 000 000 personnes

qui laquo subissent lrsquoinseacutecuriteacute de lrsquoemploi raquo 1 500 000 laquo personnes travaillant involontairement

agrave temps partiel raquo 200 000 chocircmeurs laquo partiels raquo (temps complet reacuteduit) et 350 000 personnes

laquo sans emploi beacuteneacuteficiant drsquoun dispositif de formation raquo (total 406 millions) bien que

certaines cateacutegories se recouvrent et que drsquoautres preacutecaires ou sans emploi eacutechappent agrave cette

recension cet ordre de grandeur de plus de 7 millions drsquoactifs sans emploi et sous-employeacutes

forment en tout pregraves de 30 des actifs en 1997 que lrsquoon peut seacutepareacute en 129 de chocircmeurs

et 17 de preacutecaires

Il faut bien consideacuterer que la preacutecariteacute professionnelle commence aussi en situation de travail

Serge Paugam (2002) a deacutefini la preacutecariteacute drsquoactifs occupeacutes selon de mauvaises conditions ou

une insatisfaction de travail agrave lrsquoorigine de la volonteacute de changement drsquoemploi un travail

temporaire ou indeacutetermineacute mais exposeacutes fortement au licenciement un travail stable mais

33

soumis agrave des conditions de peacutenibiliteacute et de stress importantes ou enfin un poste disqualifieacute

crsquoest-agrave-dire instable peu reacutemuneacutereacute peu inteacuteressant et recevant peu de reconnaissance sociale

et professionnelle Lrsquoauteur eacutevoque drsquoailleurs trois laquo deacuteviances raquo drsquointeacutegration eacuteconomique

par rapport agrave lrsquoideacuteal type drsquointeacutegration professionnelle (emploi stable et satisfaisant)

linteacutegration incertaine (fortes chances de perte demploi et de bonnes conditions de travail)

linteacutegration laborieuse (stabiliteacute demploi mais fortes peacutenibiliteacute et tensions au travail)

linteacutegration disqualifiante la plus importante et dommageable socialement en geacuteneacuterant une

crise dinteacutegration (absence de travail stable et de sens confeacutereacute par celui-ci reconnaissance

digniteacute inteacuterecirct)

Ainsi depuis les anneacutees 1970 la fragilisation de lrsquoemploi constitue une conseacutequence de la

tendance eacuteconomique et politique neacuteolibeacuterale qui avec la financiarisation de lrsquoeacuteconomie

mondialiseacutee exige la flexibilisation du marcheacute du travail et la recherche de reacuteduction

systeacutematique des emplois Tous les domaines sont toucheacutes par cette orientation politique sans

ecirctre assortie de dispositions sociales suffisamment protectrices et inteacutegrantes Nous pouvons

rapporter plus preacuteciseacutement quatre diffeacuterents processus techniques eacuteconomiques et politiques

qui ont contribueacute agrave la preacutecariteacute des trajectoires socio-eacuteconomiques

Le premier est la diffusion des nouvelles technologies de lrsquoinformation et de la

communication (NTIC) Celles-ci rendent moins utile ndash voire inutile ou mecircme gecircnant par

endroit lrsquoaccumulation drsquoexpeacuterience professionnelle speacutecifique au sein des entreprises ce

qui modifie les organisations et les techniques de production Lrsquoaccroissement du risque de

perdre son emploi y est correacuteleacute fortement dans les anneacutees 1980 et 1990 selon les travaux

drsquoEacuteric Maurin (2002) Dans les secteurs ougrave les nouvelles technologies se reacutepandent le plus

rapidement drsquoailleurs le risque de perdre son emploi est le plus eacuteleveacute La raison est qursquoelles

incorporent des savoirs traditionnellement deacutetenus par les plus expeacuterimenteacutes Cela se veacuterifie

aussi par la reacuteduction de la diffeacuterence de salaires entre les anciens et les nouveaux salarieacutes

Dans ce contexte les nouveaux savoirs exteacuterieurs aux entreprises prennent de la valeur Et

dans ce cas il nrsquoy a toujours pas de reacuteforme du dispositif de formation permanente agrave la

hauteur de cet enjeu drsquoadaptation tant pour les salarieacutes souhaitant acqueacuterir la maicirctrise des

nouveaux outils que pour ceux souhaitant se reconvertir ce qui neacutecessite que le dispositif se

deacuteconnecte de la tutelle des entreprises pour le choix des formations et que celles-ci puissent

ecirctre longues et approprieacutees aux enjeux seacutepareacutes des besoins immeacutediats des entreprises

34

Le deuxiegraveme processus qui fragilise lrsquoemploi en France est celui de lrsquoindividualisation et de la

personnalisation des conduites qui dominent la vie sociale et qui se diffusent dans le monde

du travail (Maurin 2002) Cela apparaicirct particuliegraverement net dans les secteurs en

deacuteveloppement comme ceux des services aux personnes les reacutefeacuterences cateacutegorielles reacutegulant

les rapports de travail se sont affaiblies agrave la faveur des reacutefeacuterences personnelles Moins de

syndicalisme moins de solidariteacute professionnelle moins de conscience drsquoappartenance

professionnelle collectivehellip La tertiarisation de lrsquoeacuteconomie y a une part de responsabiliteacute

avec la preacutedominance de rapports plus directs avec le client ndash multiplication des services agrave la

personne et personnalisation des rapports sociaux et des produits et avec lrsquoaffaiblissement

des contacts interprofessionnels ainsi que lrsquoideacuteologie de lrsquoautonomie et de la responsabiliteacute

dans les organisations de travail Cette eacutevolution impacte drsquoailleurs les professionnels

deacutepression et manque de confiance personnelles meacutecontentements et sentiment de pouvoir

perdre son travail tensions conjugales et familiales divorces et violences familiales Dans

ce nouveau cadre social de travail les responsabiliteacutes collectives des employeurs ainsi que de

lrsquoEacutetat reacutegulateur est drsquoailleurs deacutefectueuse

Troisiegraveme pheacutenomegravene favorisant la preacutecariteacute de lrsquoemploi les dynamiques eacuteconomiques des

territoires Lrsquoimplantation et la nature des activiteacutes (exeacutecution-production conception-

direction-recherche) des entreprises et des administrations publiques (services centraux drsquoEacutetat

ou services deacuteconcentreacutes et deacutecentraliseacutes) orientent les besoins en main drsquoœuvre De mecircme

une composante importante et souvent neacutegligeacutee de ce processus concerne les flux migratoires

qui produisent des effets nets sur les structures sociales des territoires (Freyssinet 2002

Observatoire national de la pauvreteacute et de lrsquoexclusion sociale - ONPES 2002) ils

interagissent avec leur dynamisme eacuteconomique et renforcent contredisent ou reacuteduisent les

processus drsquoappauvrissement ou drsquoenrichissement Lrsquoaction de lrsquoEacutetat sur les plans tant de

lrsquoameacutenagement et du deacuteveloppement des territoires que de la reacuteglementation des aspects

internationaux de lrsquoeacuteconomie (eacutechanges localisation des productions consommation) paraicirct

impuissante face aux dynamiques de la mondialisation qui deacutelaissent des villes des espaces et

des types de production devenant inutiles aux systegravemes productifs et de consommation

mondialiseacutes

Enfin quatriegraveme deacuteterminant de la crise de lrsquoemploi les deacutecisions politiques explicites en

matiegravere eacuteconomique et drsquoemploi ayant comme effet la discrimination de certaines cateacutegories

sociales de la sphegravere productive (Dubet Martucelli 1998) En la matiegravere la France a assureacute

son deacuteveloppement laquo gracircce raquo au choix du chocircmage de masse indemniseacute et garanti pour

35

maintenir la paix sociale (Olivennes 1996) Ce sont les groupes privileacutegieacutes aux commandes

de lrsquoEacutetat et des grandes entreprises publiques et priveacutees qui ont preacutefeacutereacute face agrave la seacutelectiviteacute

accrue de lrsquoeacuteconomie favoriser un chocircmage de masse par le biais notamment du choix de la

productiviteacute maximale Lrsquoobjectif eacutetait de maintenir ou drsquoaugmenter les revenus des

laquo insiders raquo sans substitution de main drsquoœuvre afin drsquoeacuteviter les frais drsquoembauche et de

licenciement De ce fait toutes les tacircches neacutecessitant une faible qualification sont deacutepreacutecieacutees

car deacutelaisseacutees les activiteacutes et le personnel qui en relegravevent manquent de consideacuteration sociales

et statutaires Crsquoest pourquoi au risque eacuteleveacute de perte drsquoemploi agrave lrsquoanxieacuteteacute et aux tensions

dans les activiteacutes il faut inclure dans le champ drsquoanalyse de la preacutecariteacute le critegravere de lrsquoemploi

peu valorisant ou peu satisfaisant (Paugam 2002 Burchell 2002)

Ainsi la preacutecariteacute lieacutee agrave la diffusion des NTIC agrave lrsquoindividualisation des processus de travail

agrave la pression pour la compeacutetitiviteacute internationale ou encore aux choix politiques explicites de

restriction de la main drsquoœuvre se reacutepercute tout autant au niveau des tacircches qualifieacutees que des

tacircches non qualifieacutees Ce pheacutenomegravene nrsquoest pas sans effet sur le plan des identiteacutes sociales La

fonction quasi-exclusive de socialisation et drsquoidentification sociale qursquoa le travail est

fortement mise agrave mal avec ces meacutecanismes drsquoexclusion et de preacutecarisation seacutevissant sur

marcheacute de lrsquoemploi La perte ou lrsquoabsence de sociabiliteacute professionnelle laquo endommage raquo le

lien organique des individus avec la socieacuteteacute du point de vue de leur place dans lrsquoorganisation

globale et dans les repreacutesentations collectives

Les situations de frustration et drsquoanomie collective et individuelle conseacutequentes (perte de sens

dans les conduites) peuvent entraicircner des comportements parfois deacutestructurants et

destructeurs (repli deacutesocialisation non participation sociale deacutelinquance criminaliteacute

violencehellip) mais aussi et plus rarement des reacuteactions constructives (opposition et militance

politiques et sociales pour le changement social) Cette eacutevolution est drsquoautant plus critique

qursquoil nrsquoy a pas drsquoautres voies valables drsquoidentification et de positionnement sociaux (Dubet

Martucelli 1998) les finaliteacutes morales et lrsquoautonomie des traditions communautaires ont

globalement deacuteclineacute de mecircme que les mouvements reacutevolutionnaires ou modernisateurs

portant des valeurs politiques universelles lieacutees agrave diverses repreacutesentations du progregraves collectif

(grandes ideacuteologies et utopies politiques jusque dans les anneacutees 1970)

Dubet et Martuccelli (1998) montrent plus fondamentalement que cette eacutevolution eacuteconomique

et sociale est lieacutee aux rapports sociaux de production-reproduction et drsquoorganisation de

lrsquoeacuteconomie et de lrsquoEacutetat ces rapports privileacutegient certaines cateacutegories sociales (meacutedecins

36

agriculteurs cadres supeacuterieurs et professions intellectuelles hauts-fonctionnaireshellip) qui de

par leur position dominante dans leur champ protegravegent celle-ci au deacutetriment de ceux ne

pouvant se faire valoir Depuis les anneacutees 1970 la logique de clivage lieacutee au risque

drsquoexclusion de la sphegravere du travail srsquoest instaureacutee tout autant dans la sphegravere de la reproduction

sociale et institutionnelle les meacutecanismes institutionnels (eacutecole subventions aides) qui

distribuent les places dans lrsquoeacuteconomie et la socieacuteteacute ainsi que les transferts sociaux selon les

places dans le systegraveme institutionnel et lrsquoinfluence politique des cateacutegories sociales exercent

davantage des opeacuterations de seacutelection et drsquoexclusion sociale envers ceux exclus de la sphegravere

eacuteconomique qursquoune action plus large drsquointeacutegration sociale de ceux-ci

Cette situation explique que les reacuteactions actuelles amegraveres des domineacutes soient tourneacutees non

plus vers les dirigeants eacuteconomiques mais plutocirct vis-agrave-vis des appareils de reproduction de

controcircle social et drsquoadministration puisque les preacutecaires sont le plus souvent deacutefinis comme

des assisteacutes et plutocirct comme des objets de politiques speacutecifiques Drsquoougrave le sentiment parfois

drsquoune attitude de domination de la part des fonctionnaires des enseignants ou encore aussi

des travailleurs sociaux Dubet et Martucelli (1998) eacutevoquent mecircme une forme parfois

manifeste de laquo colonialisme interne raquo contemporain

Comment comprendre ces situations sociales nouvelles et les attitudes deacutecrites Crsquoest agrave

lrsquoapplication drsquoune philosophie politique inspireacutee de lrsquoeacuteconomie libeacuterale dans lrsquoorganisation

sociale drsquoensemble de la socieacuteteacute qursquoil faut se reacutefeacuterer Les groupes sociaux dominants geacuterant

lrsquoEacutetat ont en majoriteacute adopteacute depuis le milieu des 1980 des normes tregraves libeacuterales drsquoaction

deacutepassant les principes du droit administratif classique (leacutegitimiteacute de pouvoir leacutegaliteacute

reacutegulariteacute coheacuterence formelle) Le laquo tournant neacuteo-libeacuteral de lrsquoEacutetat raquo (Muller 2006) est

drsquoabord lieacute agrave une volonteacute drsquo laquo eacuteconomisation raquo du social (Martin 1998-d) avec la hausse

exponentielle de ses deacutepenses depuis les anneacutees 1950 et les difficulteacutes de son financement agrave

partir des anneacutees 1970 ces deacutepenses passent de 97 du produit inteacuterieur brut (PIB) en 1959

agrave pregraves de 30 (284 ) au milieu des anneacutees 1990 (Martinez 2000) Pour geacuterer cette crise

financiegravere une orientation plus eacuteconomique de la gestion publique a eacuteteacute engageacutee et mise en

œuvre par les eacutelus sous lrsquoinfluence de certains eacuteconomistes drsquoEacutetat et universitaires (Barbier

2010)

De maniegravere convergente une orientation gestionnaire plus pragmatique ie tourneacutee vers la

reacuteussite de lrsquoaction srsquoest imposeacutee dans la sphegravere politico-administrative avec la volonteacute de

traiter des problegravemes publics (notamment les questions sociales) (Duran 2010) Le critegravere de

37

performance (efficaciteacute et efficience) des modaliteacutes et des instruments drsquoaction est devenu

preacutedominant (le laquo nouveau management public raquo inspireacute par les normes et outils du secteur

priveacute) bien que reacuteducteurs de lrsquoappreacutehension des politiques publiques Mais la crise de

gestion de lrsquoEacutetat-social (deacuteficits de la protection sociale) deacutenonceacutee par les groupes libeacuteraux et

conservateurs exigeait des mesures nouvelles Les solutions neacuteo-libeacuterales nrsquoont pourtant pas

apporteacute de reacutesultats tangibles puisque les reacutegimes sociaux depuis les anneacutees 1970 ont

poursuivi leur pente deacuteficitaire et les aides de solidariteacute eacutetatiques bien que ne repreacutesentant

que 4 du PIB en 1998 apparaissent toujours difficiles agrave justifier aux yeux des couches

moyennes principales utilisatrices pourtant des dispositifs assurantiels et donc les plus

responsables des tendances drsquoeacutevolution du systegraveme global

Cette situation ramegravene quasiment au XIXe siegravecle lors des luttes politiques et sociales sous-

tendues par lrsquoopposition ideacuteologique entre les libeacuteraux et les partisans de lrsquoapplication du

principe de solidariteacute crsquoest-agrave-dire entre les opposants aux deacutepenses sociales de lrsquoEacutetat et les

promoteurs de lrsquo laquo Eacutetat-providence raquo (Donzelot Roman 1991 Donzelot 1994) Les

politiques sociales constituent une meacutethode politico-institutionnelle de reacutegulation du hiatus

entre eacutegaliteacute politique effective et ineacutegaliteacute socio-eacuteconomique surtout lorsque cette derniegravere

srsquoaccroicirct Ainsi depuis la deacuteconnexion continue entre croissance eacuteconomique et inteacutegration

sociale agrave partir des anneacutees 1970 (niveau eacuteleveacute de chocircmage) la neacutecessiteacute de revenir sur le

manque de prise en compte du social hors champ des conflits du travail paraicirct de plus en

plus ineacutevitable dans lrsquoaction eacutetatique alors que le camp libeacuteral nrsquoest jamais convaincu Au

cours de la premiegravere moitieacute du XXe siegravecle la theacuteorie durkheimienne de la solidariteacute organique

(Durkheim 2007) servit de base conceptuelle agrave la leacutegitimation et lrsquoimposition du social

srsquoappliquant prioritairement il est vrai aux cateacutegories sociales parties prenantes de

lrsquoindustrialisation croissante en raison de leur interdeacutependance fonctionnelle objective les

individus se protegravegent des aleacuteas agrave lrsquoaide des regravegles de droit de la socieacuteteacute ndash droit du travail et

droit social ndash drsquoabord pour des problegravemes se reacutefeacuterant au travail dont lrsquoorigine est imputeacutee agrave la

socieacuteteacute

Que faire alors face agrave la multiplication de problegravemes sociaux multiples (retraite-vieillesse

situation des personnes handicapeacutees familles nombreuses et seacutepareacutees non-emploi

seacutegreacutegation dans lrsquohabitathellip) auxquels la croissance eacuteconomique ne peut en elle-mecircme toute

seule apporter des reacuteponses (Delors 1971) Dans ce sens lrsquoexclusion eacuteconomique et sociale

des cateacutegories moins utiles et influentes semble alors moins provenir de la laquo crise

eacuteconomique raquo et de la laquo crise de lrsquoEacutetat-social raquo que de lrsquoeacutevolution des modaliteacutes des rapports

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sociaux face aux mutations de lrsquoeacuteconomie Diverses conduites sociales des deacutecideurs et

responsables sociaux ont bien eacuteteacute drsquoailleurs produites pour eacutecarter ou marginaliser les

cateacutegories les moins qualifieacutees et utiles Par exemple la suppression massive des postes non

ou peu qualifieacutes dans lrsquoindustrie nrsquoa pas eacuteteacute reacutesorbeacutee par les secteurs tertiaire et quaternaire

(services aux entreprises et aux personnes) et par les activiteacutes lieacutees aux nouvelles

technologies de lrsquoinformation et de la communication Il nrsquoy a plus de recherche drsquoeacutequilibre

entre les qualifications les revenus et lrsquoemploi qui constituait une preacuteoccupation politique

pendant la peacuteriode industrielle La preacutecarisation autoriseacutee voire encourageacutee laquo canceacuterise raquo

toute la reacutegulation salariale heacuteriteacutee de cette eacutepoque (Bachman Le Guennec 1996)

Srsquoils sont au premier front pour faire face aux incertitudes de lrsquoeacuteconomie mondialiseacutee les

eacutelites nrsquoen sont pas moins responsables du modegravele drsquoorganisation eacuteconomique et des rapports

sociaux qui srsquoest institueacute sur le plan inteacuterieur en reportant ou non ces incertitudes aux

niveaux des employeacutes (Bertho 1997 Garnier 2010) elles pourraient ecirctre tout autrement

absorbeacutees agrave leur niveau en preacuteservant les cateacutegories ouvriegraveres et employeacutees de celles-ci Les

responsables eacuteconomiques et politiques ont favoriseacute un modegravele eacuteconomique nouveau face agrave la

mondialisation qui integravegre les incertitudes en instaurant un systegraveme fortement ineacutegalitaire au

deacutetriment des cateacutegorises moyennes et modestes

Ce modegravele le laquo keyneacutesianisme ineacutegalitaire raquo provient drsquoun mode de deacuteveloppement mis en

œuvre agrave partir de la fin des anneacutees 1970 aux Eacutetats-Unis puis de maniegravere moins accentueacutee en

Europe et en France agrave partir des anneacutees 1980 (Pech 2010) Il srsquoagit dans un contexte de

protections sociales fortes heacuteriteacutees du keyneacutesianisme drsquoapregraves-guerre de restreindre voire de

reacuteduire les salaires et mecircme le salaire minimum ainsi que de toutes formes drsquoaides sociales

dans une logique de reacuteduction des coucircts du travail de deacutereacuteglementation du marcheacute du travail

et de soutien agrave la compeacutetitiviteacute des entreprises afin de faire face agrave la concurrence mondiale

des eacuteconomies agrave bas coucirct de main drsquoœuvre Cette orientation repose sur la prospeacuteriteacute drsquoune

cateacutegorie sociale particuliegravere les entrepreneurs mondialiseacutes lesquels sont censeacutes apporter aux

eacuteconomies nationales lrsquoinvestissement dans lrsquoactiviteacute lrsquoemploi et la consommation qursquoelles

neacutecessitent Drsquoougrave les cadeaux fiscaux de plus en plus larges et eacuteleveacutes agrave ceux-ci meneacutes des

anneacutees 1980 aux Eacutetats-Unis jusqursquoen 2007 en France avec le laquo paquet fiscal raquo10

10 Loi en faveur du travail de lrsquoemploi et du pouvoir drsquoachat (TEPA) ayant aussi lanceacute lrsquoexpeacuterimentation du RSA dans 34 deacutepartements adopteacutee en urgence le 1er aoucirct puis apregraves recours de lrsquoopposition devant le Conseil constitutionnel le 21 aoucirct par le parlement degraves lrsquoeacutelection de Nicolas Sarkozy agrave la Preacutesidence de la Reacutepublique Elle comporte toutes les mesures embleacutematiques drsquoun gouvernement libeacuteral visant agrave augmenter la croissance eacuteconomique et lrsquoinvestissement eacuteconomique en tentant officiellement de freiner le deacutepart agrave lrsquoeacutetranger des

39

Le problegraveme est que les reacutesultats ne sont pas agrave la hauteur des objectifs au moins sur deux

plans (Pech 2010) drsquoune part lrsquoinvestissement productif la creacuteation drsquoemplois et la

compeacutetitiviteacute des entreprises nrsquoont pas augmenteacute en proportion de la suppression de la part de

redistribution aux plus modestes via les salaires et cela en raison des exigences de rendement

deacuteraisonnable du systegraveme financier laquo pompant raquo une part croissante de la valeur ajouteacutee

drsquoautre part lrsquoenrichissement attendu est contrarieacute par les niveaux drsquoendettement individuels

et eacutetatiques croissants car faute drsquoaugmentation geacuteneacuterale des revenus reacuteels des meacutenages (agrave

lrsquoinverse ils baissent pour certains dont une grande partie des classes moyennes) une

pratique de recours outrancier au creacutedit a eacuteteacute faciliteacutee pour maintenir un haut niveau de leur

consommation pour un haut niveau de production

Ces eacuteleacutements expliquent les dysfonctionnements agrave lrsquoorigine de la crise du systegraveme financier

de 2008 aux reacutepercussions mondiales En outre quand bien mecircme la croissance eacuteconomique

serait au rendez-vous elle nrsquoaurait pas mieux assureacutee un deacuteveloppement qualitatif du systegraveme

eacuteconomique et social puisque avec ces caracteacuteristiques ce modegravele neacuteolibeacuteral accentue au

contraire deacutelibeacutereacutement les deacuteficits les failles et les insuffisances des systegravemes de protections

sociales pensant que ces derniers sont agrave lrsquoorigine des incertitudes de lrsquoeacuteconomie mondiale

dont le deacutefaut drsquoinvestissement des capitaux mondiaux dans le pays Il est ici totalement

eacutevacueacute qursquoagrave lrsquoinverse un systegraveme social stable et protecteur eacutevite les tensions sociopolitiques

qui ont pour le coup un effet direct sur le dynamisme eacuteconomique drsquoun pays Agrave la place il est

constateacute lrsquoeffritement du systegraveme assurantiel par deacutecomposition des assurances en fonction

des risques encourus par chaque cateacutegorie de population (Dubet Martuccelli 1998) et un tregraves

faible usage du potentiel redistributif de lrsquoimpocirct pour tenter de reacuteduire les ineacutegaliteacutes sociales

Comparativement aux 34 autres pays de lrsquoOrganisation pour la coopeacuteration et le

deacuteveloppement eacuteconomique (OCDE) notre systegraveme reacuteduit les ineacutegaliteacutes de 18 alors que

les systegravemes sueacutedois et belges sont plus eacutegalitaires avec 52 et 45 de reacuteduction des

ineacutegaliteacutes (Martinez 2000) Lrsquoimpocirct sur le revenu est tregraves faiblement exploiteacute en 1996 son

poids sur le PIB est le plus faible avec 79 contre 96 pour la moyenne de lrsquoEurope des

Quinze et 106 pour celle des Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique (Allemagne 82 Pays-Bas 84

Italie 95 Royaume- uni 106 Belgique 146 Suegravede 192 Danemark

244 ) Dans ce sens les moyens pour reacuteorganiser la socialisation et lrsquointeacutegration sociale

capitaux et des grandes fortunes suppression de lrsquoimpocirct et alleacutegement des cotisations sociales sur les heures suppleacutementaires octroi drsquoun creacutedit drsquoimpocirct sur les inteacuterecircts drsquoemprunt immobilier pour les meacutenages acqueacutereurs alleacutegement des droits agrave succession reacuteduction de lrsquoimpocirct de solidariteacute sur la fortune et abaissement du plafond drsquoimposition globale du contribuable ou laquo bouclier fiscal raquo (de 60 agrave 50 )

40

manquent ineacutevitablement Les processus de preacutecarisation professionnelle et de fragilisation

sociale produisent une couche assez importante de victimes dans un systegraveme social orienteacute

vers la forte seacutelectiviteacute et lrsquoabandon des moins qualifieacutes Le deacuteploiement rapide de cette

logique drsquoexclusion eacuteconomique et sociale a eacuteteacute diversement perccedilu par les acteurs sociaux et

les chercheurs

B- Analyses sociales politiques et sociologiques de lrsquoexclusion

Agrave partir des anneacutees 1970 le terme laquo exclusion raquo a connu un fort deacuteveloppement pratique

dans les diffeacuterentes sphegraveres du langage commun et politique ainsi que savant Les registres

politico-administratifs et militants de son usage les plus anciens ont drsquoabord reacuteveacuteleacute un sens

tregraves radical selon une fonction de deacutenonciation politique la rupture des relations avec la

socieacuteteacute (de ses institutions de ses structures et de ses activiteacutes) et donc la mise agrave lrsquoeacutecart

complet de celle-ci sous-entendant une exclusion sociale totale avec des modaliteacutes spatiales

et formelles tregraves visibles Lrsquoexpression a eacuteteacute notamment utiliseacutee dans les milieux associatifs

de lutte contre la pauvreteacute degraves lrsquoapregraves Seconde Guerre mondiale

Crsquoest un premier ouvrage scientifique et militant du Mouvement Aide agrave Toute Deacutetresse (ATD

Quart-Monde) qui utilise le terme pour son titre (Klanfer 1965)11 La notion sert en fait agrave

lrsquoanalyse de la situation du sous-proleacutetariat industriel des bidonvilles pauvre et sous-qualifieacute

(le laquo Quart-Monde raquo) ni repreacutesenteacute ni pris en compte dans les institutions sociales et

politiques Cette eacutetape ouvre la voie aux usages et politiques et savants de la notion pour

lrsquoanalyse des effets sociaux des choix politiques de deacuteveloppement du chocircmage de masse et

de la preacutecariteacute eacuteconomique drsquoune part et des politiques sociales en charge de ceux-ci drsquoautre

part

La notion laquo exclusion raquo nrsquoa pas encore agrave lrsquoeacutepoque de reacuteelle speacutecificiteacute seacutemantique Les

reacuteformateurs sociaux lieacutes agrave ATD-Quart-Monde la confondent avec drsquoautres termes et

notamment celui de Quart-monde qui est formeacute drsquoexclus sous des formes diverses La

deacutefinition par Joseph Wreacutesinski du laquo Quart-Monde raquo dans la preacuteface du livre de Jean Labbens

(1969) lrsquoatteste laquo population la moins instruite non ou agrave peine qualifieacutee au travail celle qui

11 Klanfer J (1965) Lrsquoexclusion sociale eacutetude de la marginaliteacute dans les socieacuteteacutes occidentales Paris Bureau de recherches sociales coll Cahiers Science et Service Selon Clavel (1998 p 19) le terme existait deacutejagrave dans les discours de cette association en 1957 Le deacuteveloppement de cette partie probleacutematique emprunte pour lrsquoessentiel agrave cet auteur

41

est souvent sous-employeacutee en chocircmage ou malade a les revenus les plus bas celle qui

accegravede le plus difficilement agrave un logement deacutecent et moderne et dont les retards scolaires des

enfants sont inquieacutetants degraves les premiegraveres anneacutees de lrsquoeacutecole primaire [hellip] population la

moins repreacutesenteacutee dans nos institutions parce que les syndicats ne lrsquoatteignent pas que les

organisations familiales la connaissent tout au plus pour la prendre en tutelle et que ses

inteacuterecircts pegravesent moins lourds que ceux des autres dans les programmes des partis politiques raquo

(citeacute par Clavel 1998 p 19-20)

Dans les anneacutees 1970 les reacuteactions politiques et administratives aux analyses drsquoATD-Quart

Monde sur lrsquoexclusion sociale furent celles drsquoabord des libeacuteraux comme celle de Lenoir

(1974) mais aussi des socialistes tous mus par une eacutethique de solidariteacute Dans ce camp la

notion est traduite en termes drsquo laquo inadaptation sociale raquo par transposition de leur

repreacutesentation du champ eacuteconomique au champ social pour deacutesigner des profils sociaux non

speacutecifiquement deacutetermineacutes par leur condition socio-eacuteconomique La perception est structureacutee

par une ideacuteologie socialement porteacutee par deux composantes de la bourgeoisie drsquoaffaires la

petite et la grande bourgeoisie aux inteacuterecircts pourtant divergents

La premiegravere est celle des dirigeants des petites et moyennes entreprises traditionnelles dont

les conceptions posent lrsquoindividu agrave lrsquoorigine de la socieacuteteacute et naturalisent les ineacutegaliteacutes sociales

selon les dons et les meacuterites individuels omettant ou occultant ainsi les conditions sociales

objectives des positions sociales et des parcours individuels Ils ont une vision biologique de

la socieacuteteacute dans laquelle les individus compareacutes agrave des cellules sont en libre compeacutetition et

doivent srsquoautoreacuteguler naturellement sans intervention de lrsquoEacutetat Cette conception nrsquoest

drsquoailleurs pas sans proximiteacute ideacuteologique avec le deacuteveloppement de la meacutedecine libeacuterale

drsquoApregraves-Guerre (Hatzfeld 1963) elle comporte une peur de la contamination pathologique

des individus laquo sains raquo par des laquo noyau(x) drsquoinadaptation raquo (Lenoir 1974)

Cette repreacutesentation deacuteduit alors une neacutecessiteacute de reacutealiser un laquo changement theacuterapeutique raquo

des exclus en les conduisant agrave lrsquo laquo adaptation raquo de leurs comportements selon des mesures

meacutedico-juridiques et theacuterapeutiques eacutedicteacutees par les professions meacutedicales et les services

sociaux de lrsquoEacutetat Ce dernier doit par ailleurs inciter les citoyens et les associations agrave faire

preuve de solidariteacute envers les exclus-inadapteacutes et agrave les accompagner dans leur changement

Lrsquoillusion drsquoagir sur la socieacuteteacute est ainsi complegravete et eacutevite drsquoorienter les institutions vers un

objectif drsquoouverture aux laquo exclus raquo en leur fournissant les conditions et les moyens reacuteels

drsquoutilisation de celles-ci sur les plans eacuteconomique statutaire mateacuteriel et de la formation-

qualification

42

La deuxiegraveme composante de la bourgeoisie qui a diffuseacute dans les anneacutees 1970 la

repreacutesentation de lrsquoexclusion comme inadaptation sociale est celle de la classe dirigeante et

technocratique drsquoEacutetat associeacutee agrave la grande bourgeoisie des dirigeants des grandes entreprises

priveacutees nationales voire internationales Cet ensemble aux interrelations nombreuses preacutesente

une diffeacuterence par rapport agrave la petite et moyenne bourgeoisie traditionnelle quant au rocircle de

lrsquoEacutetat dans le jeu eacuteconomique et social puisque la pauvreteacute persiste en temps de forte

croissance eacuteconomique celui-ci doit remplir un rocircle de reacutegulation sociale et de reacuteduction de

celle-ci Ce parti pris apparaicirct dans lrsquoouvrage de Lionel Stoleacuteru Vaincre la pauvreteacute dans les

pays riches (1974) publieacute la mecircme anneacutee que celui de R Lenoir La vision libeacuterale est ici

assortie drsquoune option interventionniste keyneacutesienne planificatrice La rationaliteacute scientifique

et technique est instrumentaliseacutee pour reacutesoudre les problegravemes sociaux perccedilus comme des

problegravemes techniques en deacuteveloppant une approche technocratique et quantitative

Les documents officiels orientant la planification en matiegravere sociale dans les anneacutees 1970 ndash

rapports des commissions Action sociale et habitat du VIe Plan (1971-1975) et Ineacutegaliteacutes

sociales du VIIe Plan (1976-1980) relegravevent de cette ideacuteologie qui exige une intervention

correctrice planifieacutee de la part de lrsquoEacutetat En fait les deux conceptions libeacuterales de lrsquoexclusion

sociale comme inadaptation porteacutees par les deux composantes de la bourgeoisie drsquoaffaires

relegravevent drsquoune sensibiliteacute deacutemocrate-chreacutetienne autour drsquoune approche humaniste Celle-ci a

preacutevalu dans des courants tant libeacuteraux que socialistes de hauts-fonctionnaires et de

responsables politiques nationaux en convergence avec des radicaux de gauche En teacutemoigne

le consensus dans le deacutebat entre responsables des diffeacuterentes grandes organisations et

institutions sociales et syndicales administratives et politiques organiseacute par la revue Droit

social en 197412

La rheacutetorique neacuteanmoins libeacuterale de lrsquoexclusion comme inadaptation remplit drsquoabord une

fonction politique de leacutegitimer la neacutecessiteacute de changement eacuteconomique et social impliquant

la laquo liquidation du passeacute raquo crsquoest-agrave-dire des modes drsquoorganisation et drsquoaction passeacutes La

pauvreteacute et lrsquo laquo inadaptation raquo font alors partie des conseacutequences neacutegatives de ces modes

drsquoorganisation passeacutes qui justifient leur modification Lrsquousage du terme laquo inadaptation raquo est

alors appliqueacutee de maniegravere extensive tant sur les plans social et sanitaire qursquoeacuteconomique

puisque la grande entreprise est appeleacutee agrave remplacer la petite jugeacutee trop rigide et

conservatrice

12 Revue Droit social (1974) laquo Lrsquoexclusion sociale raquo ndeg speacutecial sous la direction de J-M Belorgey et J-J Dupeyroux novembre Cependant les repreacutesentants du Parti communiste sont absents

43

Dans le domaine de lrsquohabitat eacutegalement le discours de lrsquoinadaptation a pu justifier une

pratique de seacutegreacutegation spatiale des groupes fragiles qui pouvaient beacuteneacuteficier auparavant de

dispositifs de protection avec des logements proposeacutes dans leur accompagnement social Il

srsquoagissait des citeacutes drsquourgence ou autres types drsquohabitat speacutecial preacutevues pour les familles et les

personnes pauvres de bidonvilles de taudis ou encore sans logement Dans lrsquoeacutelan des

politiques drsquourbanisation (grands ensembles pour les classes moyennes et ouvriegraveres) et de

reacutesorption de lrsquohabitat insalubre dans les anneacutees 1960 et deacutebut 1970 le regroupement

transitoire des plus pauvres dans ce type drsquohabitat srsquoinstitutionnalisa et les politiques ne

manquegraverent pas de consideacuterer les chocircmeurs et preacutecaires de la reacutecession des anneacutees 1970

comme autant drsquoinadapteacutes agrave la vie moderne et de les ranger avec les sous-proleacutetaires des

anneacutees 1950 et 1960 immigreacutes illettreacutes familles nombreuses ou seacutepareacutees handicapeacutes

accidenteacutes du travailhellip De citeacutes de transit ces zones drsquohabitat speacutecial situeacutees agrave lrsquoeacutecart des

villes se sont transformeacutees en habitat drsquoexception et de seacutegreacutegation sociale de cateacutegories en

difficulteacutes drsquoinsertion eacuteconomique

Des mesures drsquoaccompagnement socio-eacuteducatif poursuivant un objectif theacuterapeutique

devaient favoriser leur laquo adaptation raquo pour acceacuteder agrave la vie ordinaire et agrave lrsquohabitat de droit

commun Au cours des anneacutees 1980 les gouvernements socialistes ne portant pas ce regard

meacutedicalisant et seacutegreacutegatif sur les victimes du systegraveme eacuteconomique et social ont supprimeacute les

citeacutes de transit les plus veacutetustes et ont engageacute une reacutenovation et un changement de statut des

citeacutes les plus reacutecentes (inscription dans le droit commun du logement) Cependant lrsquoimage

sociale neacutegative des populations stigmatiseacutees et des espaces de releacutegation ont rendu difficile

drsquoune part pour certains leur inteacutegration dans des dispositifs ordinaires (relogement dans des

zones drsquohabitat ordinaire) et drsquoautre part pour la majoriteacute une reconnaissance sociale

positive deacuteterminant leurs conditions drsquoexistence (image valorisante) et ce drsquoautant plus que

la crise-mutation eacuteconomique et sociale a persisteacute dans les anneacutees 1980

Une deuxiegraveme fonction politique et sociale des discours sur lrsquoexclusion comme inadaptation

explique son adoption par les grands dirigeants eacuteconomiques et les hauts-responsables

politico-administratifs la perpeacutetuation de lrsquoordre eacutetabli des positions dominantes Ce

discours sert agrave promouvoir et justifier le changement afin de conserver les preacuterogatives dans

la dynamique des rapports sociaux dans les champs mouvants qursquoils occupent Face agrave des

problegravemes agrave reacutegler il srsquoaccompagne drsquoune deacutemonstration de capaciteacute de volonteacute et de

deacutecision drsquoadaptation aux eacutevolutions de situation Et drsquoailleurs puisque lrsquoadaptation au

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laquo progregraves raquo et agrave la laquo rationaliteacute raquo nrsquoest jamais partageacutee et collective simultaneacutement elle

engendre des inadapteacutes nouveaux ou futurs

Agrave partir des anneacutees 1980 cette repreacutesentation sociale et politique de lrsquoexclusion se modifie et

se complexifie La notion retrouve un sens plus eacuteconomique et social comme lui avait attribueacute

originellement le mouvement ATDQuart-Monde degraves les anneacutees 1950 En effet depuis les

anneacutees 1970 la hausse quantitative et la diversification des profils de meacutenages et de

personnes en difficulteacutes eacuteconomiques et sociales (jeunes et actifs acircgeacutes au chocircmage croissants

familles seacutepareacuteeshellip) deacutemontrent de plus en plus nettement lrsquoinvaliditeacute de la vision

meacutedicalisante de lrsquoinadaptation et eacutelargissent les profils drsquoexclus par rapport aux sous-

proleacutetaires urbains de lrsquoeacuteconomie des Trente glorieuses Lrsquoexclusion renvoie agrave un pheacutenomegravene

non reacuteductible agrave la laquo pauvreteacute volontaire raquo mise en avant par lrsquoeacuteconomie libeacuterale (Paugam

1996) Elle constitue un pheacutenomegravene dont les multiples causes sont lieacutees au fonctionnement

mecircme de la socieacuteteacute moderne (modification du marcheacute du travail urbanisation rapide et

seacutegreacutegative seacuteparation entre les geacuteneacuterations inadaptation du systegraveme scolaire deacuteracinement

lieacute agrave la mobiliteacute geacuteographique ineacutegaliteacutes de revenus et drsquoaccegraves aux soins et agrave

lrsquoenseignementhellip) Ce processus affecte de plus en plus de personnes et se propage dans tous

les milieux Serge Paugam (1996) eacutevoque les enfants drogueacutes etou reacutevolteacutes dans les familles

bourgeoises

Avec la crise-mutation qui se poursuit lrsquoexclusion sociale comme processus inheacuterent au

deacuteveloppement de lrsquoeacuteconomie capitaliste devient patente lrsquoarriveacutee de la gauche au pouvoir

sans complegravetement se distinguer du capitalisme libeacuteral comme principe de deacuteveloppement de

la socieacuteteacute favorise cette perception Les diffeacuterents manques handicaps problegravemes et

difficulteacutes tregraves heacuteteacuterogegravenes que vivent un nombre croissant de groupes sociaux ne traduisent-

ils pas les effets et les signes varieacutes de ce mouvement Agrave la fin du XXe siegravecle plusieurs

pheacutenomegravenes justifient lrsquoeacuterection de la notion en statut de paradigme drsquoanalyse et drsquoaction

drsquoabord les pertes annuelles croissantes et ininterrompues drsquoemplois industriels depuis les

anneacutees 1970 non compenseacutees par les creacuteations drsquoemploi des secteurs tertiaires et quaternaires

(services aux entreprises aux personnes information et communicationhellip) ensuite le

deacuteveloppement foisonnant de mesures et de dispositifs drsquoinsertion de toute nature comme le

revenu minimum drsquoinsertion (ex-revenu de solidariteacute active) les contrats aideacutes les entreprises

et associations drsquoinsertionhellip

45

Le passage des analyses sociales et politiques de la notion agrave celles dans le champ scientifique

nrsquoest pas aiseacute Le terme est drsquoabord utiliseacute dans les anneacutees 1970 pour tenter de

laquo sociologiser raquo les mesures des ineacutegaliteacutes et de la pauvreteacute qui eacutetaient jusqursquoici plutocirct

eacuteconomiques et statistiques (Thomas 1999) Il srsquoagit de passer agrave une analyse en termes de

conditions de vie pour distinguer les anciens des nouveaux pauvres ou encore dans les

anneacutees 1980 la laquo grande pauvreteacute raquo ou la laquo grande exclusion raquo par rapport agrave la preacutecariteacute Ces

termes derniegraveres figures dans lrsquohistoire des repreacutesentations sociales des objets du

social (Karsz 2000) se deacutepartissent difficilement de leur connotation sociale deacutevaloriseacutee

(apregraves les laquo cas sociaux raquo et les laquo inadapteacutes raquo des anneacutees 1950 puis les laquo handicapeacutes

sociaux raquo des anneacutees 1960) et lrsquoapproche explicative a du mal agrave se deacutevelopper

Ainsi face agrave lrsquoeacutecueil agrave eacuteviter drsquoanalyser de multiples situations individuelles drsquoexclusion qui

mettent agrave mal lrsquoeffort de formalisation drsquoune uniteacute conceptuelle de la notion (Paugam 1996)

les recherches vont porter davantage sur les meacutecanismes drsquoexclusion sociale ou encore sur

les processus conduisant agrave des situations sociales laquo extrecircmes raquo Pour certains il nrsquoest pas sucircr

que la notion contribue agrave la compreacutehension du deacuteveloppement durant les anneacutees 1970 et 1980

drsquoune couche sociale de personnes et de groupes aux profils socio-deacutemographiques diversifieacutes

et aux situations administratives multiples victime de la seacutelectiviteacute du systegraveme eacuteconomique et

composeacutee Le terme laquo exclusion raquo ne preacutecise pas suffisamment srsquoil srsquoagit des dysfonctions

conjoncturelles lieacutees aux mutations eacuteconomiques et sociales ou si ce sont les effets de la

simple reproduction des meacutecanismes seacutegreacutegatifs au sein de la socieacuteteacute (Verdegraves-Leroux 1978)

La notion deacuterange chez les chercheurs militants et surtout chez les responsables politiques de

gauche opposeacutes agrave lrsquoeacuteconomie de marcheacute car il est perccedilu une manœuvre de la classe dirigeante

pour faire croire au plus grand nombre en sa volonteacute de reacuteforme sociale eacutevitant ainsi de

srsquoattaquer aux vrais ineacutegaliteacutes sociale (Paugam 1996) lrsquoeacutecart agrave la vision dialectique de lutte

des classes geacutenegravere un refoulement dans ces milieux tout en favorisant les eacutetudes disperseacutees

sur des formes multiples de seacutegreacutegation sociale sous des termes nombreux comme la

marginalisation les identiteacutes neacutegatives la deacutelinquancehellip

Cependant avec les effets prolongeacutes de la crise eacuteconomique mecircme pour les plus sceptiques

sur la validiteacute scientifique de la notion que lrsquoon retrouve encore maintenant (Karsz 2000

Messu 2003) les contenus probleacutematiques qursquoelle est censeacutee eacutevoquer sont inteacuteressants De

quels problegravemes parle-t-on et qui est concerneacute par ceux-ci Agrave la fin des anneacutees 1970 et au

deacutebut des anneacutees 1980 les eacutetudes drsquoorganismes sociaux (Commissariat geacuteneacuteral au Plan)

drsquoinstitutions (Communauteacute eacuteconomique europeacuteenne) ou de hauts-fonctionnaires (rapport

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Oheix en 198113) mettent lrsquoaccent sur la preacutecariteacute conduisant agrave la pauvreteacute geacuteneacuterant plusieurs

plans de traitement de populations heacuteteacuterogegravenes traditionnellement agrave lrsquoabri de la pauvreteacute

traditionnelle mais srsquoy engageant de maniegravere nouvelle les publics de la laquo nouvelle

pauvreteacute raquo du milieu des anneacutees 1980 ne sont pas des inadapteacutes mais plutocirct des victimes

malgreacute elle de la conjoncture eacuteconomique et de la crise de lrsquoemploi

Au deacutebut des anneacutees 1990 la notion drsquoexclusion revient avec la permanence et lrsquoextension

des situations de preacutecariteacute aggravant les conditions de la pauvreteacute Le pheacutenomegravene de

reacutegulation discriminatoire et seacutegreacutegative des inutiles eacuteconomiques apparaicirct suffisamment

geacuteneacuteraliseacute durable tangible et surtout non compenseacute par des actions drsquointeacutegration comme le

retour agrave lrsquoemploi pour ecirctre perccedilu scientifiquement comme eacutetant passeacute du domaine du travail agrave

celui de la socieacuteteacute globalement leacutegitimant lrsquousage de lrsquoexpression laquo exclusion sociale raquo

(Touraine 1992) Cet effet a notamment eacuteteacute identifieacute comme tel lorsque sa combinaison avec

la fragilisation des liens sociaux et familiaux est devenue patente notamment lors des

opeacuterations drsquoeacutevaluation du Revenu minimum drsquoinsertion (RMI) dans les anneacutees 1990-1994

par le biais drsquoeacutetudes longitudinales (Dubar 1996) 75 des allocataires vivant seuls (avec

ou sans enfants) montrant ainsi lrsquoimportance croissante des bouleversements des structures

familiales (avec les seacuteparations conjugales) et des pratiques relationnelles deacutependant de plus

en plus de lrsquoinsertion eacuteconomique Et cette eacutevolution srsquoest inscrite dans les processus de

socialisation les plus fondamentaux agrave chaque eacutetape du cycle de vie comme le passage de

lrsquoeacutecole agrave la vie professionnelle et la mobiliteacute professionnelle au cours de la vie active

(organisation du marcheacute du travail et de la gestion de lrsquoemploi par les entreprises) et surtout

comme dans les parcours scolaires champ essentiel de la mobiliteacute et de la reproduction

sociale Depuis les anneacutees 1970 lrsquoinstitution scolaire y a accentueacute avec la massification et

lrsquoobjectif du collegravege unique et pour tous un systegraveme drsquoexclusion sournois des classes

populaires pour lrsquoaccegraves aux profits scolaires et sociaux (Bourdieu Champagne 1992)

La question du caractegravere explicite conscient et socialement organiseacutee de ce processus pose

toujours question et son existence reste poseacutee par certains (Messu 2003) Cependant un

premier pas drsquoanalyse sociologique est franchie en preacutecisant lrsquoobjet agrave retenir des conduites ou

des situations examineacutees celui de la fermeture des chances sociales afin drsquoexclure ou de

limiter la participation aux activiteacutes valoriseacutees ou lrsquoaccegraves aux positions dominantes ou

privileacutegieacutees pour reprendre la terminologie de Max Weber (1995) Ce processus de fermeture

se manifeste speacutecifiquement dans les institutions (eacutecole entreprises villes droithellip) qui dans 13 Oheix G (1981) Contre la pauvreteacute et la preacutecariteacute soixante propositions Rapport au premier ministre Paris

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le processus de socialisation devant aboutir agrave la formation des identiteacutes sociales des individus

nrsquoassurent pas lrsquoaccegraves et le maintien voire le retour agrave lrsquoemploi et par conseacutequent ne peuvent

compenser la perte des relations sociales conduisant agrave lrsquoisolement (Dubar 1996) Les

conduites et les dispositifs drsquoexclusion pour lrsquoaccegraves aux postes valoriseacutes ne conduisent pas

hors de la socieacuteteacute mais vers des positions domineacutees ou les plus deacutevaloriseacutees de celle-ci

Il nrsquoy a pas comme le rappelle Robert Castel (2000) retranchement complet de la socieacuteteacute

comme la deacuteportation et le geacutenocide de juifs pendant la Seconde Guerre mondiale le

bannissement de condamneacutes (avec expulsion territoriale) voire la mise agrave mort de criminels et

drsquoheacutereacutetiques Les exclus du travail qui peuvent connaicirctre des difficulteacutes drsquoisolement social ne

sont pas eacutegalement enfermeacute dans des espaces clos dans la socieacuteteacute comme des asiles des

prisons des laquo maladreries raquo (pour les leacutepreux) voire des ghettos traditionnels deacutefinis

leacutegalement Il nrsquoexiste pas non plus de statut speacutecifique drsquoexclus attribueacutes agrave des fins de

privation de droits et de participation agrave activiteacutes sociales (comme les statuts indigegravenes de la

politique coloniale) La situation drsquoexclusion moderne correspond agrave une autre logique celle

de vulneacuterabiliteacute sociale lieacutee agrave la deacutegradation des conditions de travail en ce qursquoelle reacuteduit les

relations et les protections sociales fournies par lrsquoemploi reacutegulier On srsquoeacuteloigne ici de la seule

sphegravere eacuteconomique les conseacutequences sociales du processus drsquoexclusion agrave lrsquoencontre des

moins qualifieacutes geacuteneacutereacute par la mutation de la production en a rendu visible et tangible

lrsquoexistence

Clavel (1998 p 239) formule ainsi une deacutefinition sociologique de lrsquoexclusion qui prend en

compte le sens des effets des actes multiples drsquoexclusion laquo processus de lsquodeacutesagreacutegationrsquo14

[du groupe social de la sphegravere du travail de la famillehellip] se traduisant par un mouvement

centrifuge de diffeacuterenciations sociales [eacuteviction et mise agrave distance drsquoun ou de plusieurs

individus] marqueacutees par lrsquoabsence de liaisons positives et structurantes raquo [entre le groupe et

les exclus] Lrsquoeacutemergence et lrsquoenvahissement mecircme du thegraveme de lrsquoexclusion relegravevent bien de

la transformation fondamentale de la socialisation organiseacutee par les institutions pour

lrsquoacquisition des statuts dans la sphegravere productive et des identiteacutes sociales favorisant

lrsquointeacutegration sociale

Ainsi les exclus se repegraverent selon trois cateacutegories drsquoindicateurs celui des niveaux (parmi les

plus faibles) de ressources et de situation socio-eacuteconomique celui du deacuteficit du lien social

(isolement deacutesocialisation perte des relations professionnelles amicales et familialeshellip)

mais aussi celui des indicateurs symboliques de repreacutesentation (stigmatisation images et 14 Le terme est emprunteacute agrave P Rosanvallon (1995) La nouvelle question sociale Paris Seuil

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reacuteputation neacutegatives auto-exclusionhellip) Lrsquoexclusion sociale moderne se reacutevegravele par la

preacutesence drsquoau moins un indicateur dans chacun de ces faisceaux drsquoanalyse Deacutepassant

lrsquoimpasse meacutethodologique et conceptuelle des travaux sur la mesure de la pauvreteacute et se

deacutemarquant de la seule probleacutematique des ineacutegaliteacutes sociales le succegraves de la notion

srsquoexplique en raison de sa prise en compte des aspects de liens sociaux et de crise identitaire

que geacutenegraverent la non participation agrave la sphegravere productive et reproductive de la socieacuteteacute

Cependant les situations drsquoexclusion ne sont pas neacutecessairement deacutefinitives et irreacuteversibles

et des dispositifs de protection voire drsquointeacutegration sociale existent La question est de savoir

srsquoils assurent de reacuteelles chances nouvelles drsquointeacutegration (Donzelot 1991) crsquoest-agrave-dire drsquoaccegraves

agrave des positions non deacutevaloriseacutees notamment dans la sphegravere productive et de participation aux

activiteacutes sociales dominantes Par ailleurs par les caracteacuteristiques de ses manifestations par

sa signification mais aussi par sa deacutetermination causale lrsquoexclusion est tregraves proche de la

notion de seacutegreacutegation sociale en tant conduite ou dispositif de diffeacuterenciation agrave fin de

traitement deacutefavorable les deux types de processus sont inheacuterents aux rapports de

domination et de compeacutetition entre individus et groupes sociaux de la socieacuteteacute libeacuterale

notamment entre ceux qui ont des positions assez proches entre eux dans la stratification

sociale que ce soit aux niveaux global intermeacutediaire ou local de son organisation et dans les

diffeacuterents champs drsquoactiviteacute de celle-ci (Clavel 1998)15

Le rapport social drsquoexclusion est effectivement structurel et contradictoire car drsquoune part il

srsquoinscrit neacutecessairement dans une histoire des relations entre groupes sociaux et drsquoautre part

lrsquointensiteacute des jeux drsquoopposition symbolique est en deacutecalage avec la reacutealiteacute des diffeacuterences de

position dans les rapports de production (qui deacuteterminent les conditions de classe) Lorsqursquoils

preacutesentent des diffeacuterences de degreacute internes aux mecircmes classes les groupes socialement

proches en interaction tendent agrave transmuer leurs diffeacuterences de situation en signes-supports de

symbolisation de diffeacuterences de position dans les hieacuterarchies sociales perccedilues En situation de

proximiteacute sociale et spatiale alors que les conditions et les positions sociales objectives

convergent lrsquoactiviteacute symbolique de distinction voire drsquoopposition sociales peut ecirctre intense

Si la compeacutetition dans les rapports sociaux est la condition sociale de production de cette

logique de lrsquoexclusion sociale comme celle de la seacutegreacutegation sociale on peut rappeler que le

fonds culturel la leacutegitimant relegraveve du projet libeacuteral des classes bourgeoises de la socieacuteteacute leur

15 Lrsquoauteur deacutefinit le rapport social par les relations que les acteurs ou groupes sociaux entretiennent entre eux en fonction de leur place au travail de leurs conditions mateacuterielles de vie (logement par exemple) et de leur position dans la hieacuterarchie sociale (Clavel 1998 p 15) Les rapports sociaux eacutevoluent en fonction de divers pheacutenomegravenes comme la rareacutefaction du travail dans une socieacuteteacute drsquoabondance

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valeur et leur volonteacute drsquoindividualisme agrave partir du XVIe siegravecle sont les moteurs du mode de

production capitaliste En reacuteaction agrave lrsquoorganisation feacuteodale et aux statuts collectifs fixes des

socieacuteteacutes drsquoAncien-reacutegime les bourgeois ont instaureacute un nouveau reacutegime de repreacutesentation des

individus et de son rapport avec la socieacuteteacute la notion de liberteacute individuelle dans le cadre du

deacuteveloppement de la penseacutee libeacuterale eacuteconomique qui se deacutegage de la morale religieuse

traditionnelle qui organisait la socieacuteteacute et ses principes de solidariteacute (Dupuy 1996) y

supplante les contraintes du collectif et ses grandes divisions statutaires fixes et la

conseacutequence de la mise en valeur des individus et des groupes sociaux est la compeacutetition

entre eux pour lrsquoaccumulation des biens et des pouvoirs produisant une morale drsquoindiffeacuterence

aux malheurs des autres qui nrsquoempecircche pas selon une approche utilitariste le deacuteveloppement

du laquo bien universel raquo crsquoest-agrave-dire les plaisirs et les biens pour le plus grand nombre

Ainsi puisque la mobiliteacute sociale est au principe de la formation et de la deacuteformation de la

socieacuteteacute les individus et les groupes de chaque cateacutegorie sociale qui partagent un ensemble de

positions semblables dans les rapports de production tendent agrave chercher agrave se valoriser par une

domination symbolique sur les membres des autres cateacutegories sociales infeacuterieures mais aussi

sur ceux de la mecircme cateacutegorie aux positions sociales proches et agrave qui il peut ecirctre reacutecuseacute

lrsquoappartenance au mecircme statut voire agrave tout statut

Avec le deacuteveloppement industriel massif agrave partir de la fin du XIXe siegravecle la majeure partie de

la population impliqueacutee dans ce changement drsquoorganisation eacuteconomique et sociale a adopteacute

cet individualisme notamment les couches ouvriegraveres et employeacutees une fois qursquoa eacuteteacute reacuteduit le

paupeacuterisme des proleacutetaires par un systegraveme de protection et de droits sociaux Cette reacutegulation

collective des rapports drsquointerdeacutependance fonctionnelle avec des organisations et des

associations professionnelles a favoriseacute lrsquoessor drsquoun laquo individualisme socialiseacute raquo (Clavel

1998) Apregraves la Seconde Guerre mondiale avec lrsquoaugmentation du niveau de vie et de la

formation des personnes lrsquoindividualisme a plus servi agrave la recherche drsquoautonomie de chacun

vis-agrave-vis de lrsquoenvironnement social dans la conduite de son destin (laquo individualisme

drsquoautonomie raquo) Mais depuis le milieu des anneacutees 1970 lrsquoeffritement de la socieacuteteacute salariale a

transformeacute cet effet de jouissance de lrsquoautonomie en potentielle souffrance de lrsquoisolement

pour ceux qui subissent la preacutecariteacute la pauvreteacute voire lrsquoexclusion sociale

Dans ce contexte axiologique et normatif drsquoun laquo individualisme drsquoautonomie raquo (Clavel

1998) en temps de crise les luttes pour la leacutegitimation des positions et la reconnaissance de

statuts positifs sont plus vives Lrsquoexclusion preacutesente une forme extrecircme de deacuteni de position

sociale positive agrave autrui mecircme srsquoil possegravede une place dans le travail Crsquoest le dernier terme

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drsquoun permanent processus de deacutevalorisation sociale Il comporte une forte charge symbolique

reacuteveacutelant une exaspeacuteration imaginaire des antagonismes sociaux agrave la diffeacuterence des

meacutecanismes de paupeacuterisation et de simple preacutecarisation En effet il y a bien des pauvres qui

ne sont pas des exclus sociaux comme les retraiteacutes deacutetenteurs du minimum vieillesse ou des

personnes en situation de handicap beacuteneacuteficiaires drsquoallocations stables et de droits speacutecifiques

leur permettant drsquoorganiser leur quotidien selon ces ressources (bien qursquoelles soient maigres

ce qui peut se rapprocher drsquoun processus drsquoexclusion ressentie comme tel par les inteacuteresseacutes

drsquoailleurs)

En revanche des familles nombreuses et drsquoorigine eacutetrangegravere avec des parents parfois

preacutecaires mais non pauvres pourront resteacutees captives de citeacutes de transit de quartiers mal

reacuteputeacutes de logements insalubres ou de centres drsquoheacutebergement parce que non suffisamment

aideacutes sur le plan financier pour lrsquoaccegraves au logement normal mais surtout parce que subissant

de multiples discriminations dans les proceacutedures drsquoattribution des logements ou encore dans

lrsquoaccegraves agrave lrsquoemploi et la promotion dans le travail Ce type de situation faute drsquoune politique

sociale adeacutequate de production drsquoaccompagnement et drsquoaccegraves au logement peut entraicircner un

cumul de nouvelles situations particuliegraveres et deacutefavorables non accegraves aux droits sociaux

absence de confort problegravemes de santeacute difficulteacutes eacuteducativeshellip

Cette pente nrsquoest-elle pas le signe des effets drsquoactes multiples de laquo fermeture excluante raquo dans

les rapports sociaux que subissent ceux qui en sont victimes dans leur vie sociale dans leur

rapport aux institutions sociales (dirigeacutees par les groupes dominants) et mecircme dans leurs

relations avec des groupes avec lesquels ils sont en compeacutetition pour lrsquoaccegraves aux ressources

aux activiteacutes et aux positions favorables Souvent les relations de voisinage sont teinteacutees de

meacutefiance voire drsquoeacutevitement ou mecircme drsquohostiliteacute derriegravere un civisme de faccedilade16 Car la

volonteacute de disqualification sociale dans les rapports de force entre groupes srsquoappuie sur ces

particulariteacutes de situation Celles-ci sont lrsquoobjet drsquoun jeu conflictuel drsquointerpreacutetations

concernant le sens du statut occupeacute ou des pratiques sociales meneacutees ou encore le pouvoir

politique ou institutionnel agrave disposition

Lrsquoenjeu de cette lutte symbolique est bien la distinction statutaire entre groupes pour se

positionner au mieux dans la structure sociale (Clavel 1998 p 235) laquo hellipla transmutation

16 Ralf Dahrendorf (1972) avait reacutealiseacute une telle analyse agrave propos des luttes sociales internes aux classes moyennes ascendantes pendant le deacuteveloppement industriel elles investissaient de multiples champs de la vie sociale (logement loisirs culture politiquehellip) en srsquoopposant entre groupes internes pour y deacutetenir les positions dominantes

51

imaginaire [hellip] des diffeacuterences de deacuteterminations objectives en rapports de positions

statutaires [hellip] prend lrsquoallure drsquoune lutte pour la leacutegitimation drsquoun statut raquo Cette lutte de

domination comporte une dimension de lutte de sens crsquoest-agrave-dire drsquoimposition des visions et

des divisions du monde inteacutegrant les positions tenues par chacun Cette lutte de sens engendre

donc des rapports de forces crsquoest-agrave-dire laquo des rapports ineacutegaux drsquoautoriteacute leacutegitimeacutee raquo

Lrsquoobjectif du rapport drsquoexclusion est drsquoenfermer symboliquement les domineacutes dans une

position deacutefavoriseacutee en leur attribuant des significations aux effets de stigmatisation (agissant

comme un marqueur social) et drsquointeacuteriorisation du stigmate par les exclus pouvant conduire

agrave un comportement drsquoauto-exclusion par ceux-ci

Ce pheacutenomegravene est ainsi agrave la base du renouvellement de la probleacutematique de lrsquointeacutegration

sociale puisque les meacutecanismes drsquointeacutegration par le travail industriel se sont eacuterodeacutes

protections et droits lieacutes au statut de travailleur affaiblissement des reacuteseaux de sociabiliteacute

deacuteficit des repegraveres identitaires et deacuteclassement social avec une dimension de deacuteconsideacuteration

sociale Parmi les diverses analyses reacutealiseacutees dans ce domaine trois notions principales ont

eacuteteacute produites agrave propos des conseacutequences sociales de ce pheacutenomegravene le processus de

deacutesaffiliation sociale eacutenonceacute par Castel (1995) qui deacutesigne lrsquoindividualisation neacutegative lieacutee au

chocircmage prolongeacute en rompant avec les solidariteacutes organiques du travail et qui conduit agrave la

vulneacuterabiliteacute sociale du deacutesaffilieacute social (Castel 1991 1995 2004) la disqualification

sociale analyseacutee par Serge Paugam (1991) qui prend en compte les effets neacutegatifs de la

deacutependance vis-agrave-vis des dispositifs drsquoaide et drsquoaction sociales sur la perception de

lrsquoemployabiliteacute sur le marcheacute du travail autant par les autres que par les individus concerneacutes

enfin la deacutesinsertion sociale eacutevoqueacutee par Vincent de Gaulejac et Isabel Taboada-Leacuteonetti

(1994) qui fait reacutefeacuterence agrave lrsquoeffet de la deacutevalorisation lieacutee aux ruptures eacuteconomiques et

relationnelles en termes de place neacutegative ou deacutenieacutee dans lrsquoordre symbolique de

lrsquoappartenance agrave la socieacuteteacute

Lrsquoexclusion sociale deacutefinie par Clavel (1998 p 224) recouvre ces notions puisqursquoelle

engendre un laquo processus de disqualification progressive qui conduit les individus de la

fragiliteacute agrave la deacutependance jusqursquoagrave la rupture du lien social dont lrsquoinemployabiliteacute subjective

et objective ndash apparaicirct comme le terme fondamental et probleacutematique raquo La double logique de

distinction statutaire et drsquoexclusion sociale speacutecifique aux rapports sociaux contemporains est

agrave lrsquoorigine de ces diverses conseacutequences de fragilisation des liens sociaux et de la seacutecuriteacute

sociale des individus Elle se manifeste selon des processus multiformes et incessants qui

prennent le dessus dans les rapports sociaux Ceux-ci sont agrave la fois dynamiques (lieacutes aux

52

effets de mobiliteacute individuelle et collective et au deacutesir de distinction) et multidimensionnels

(traversant plusieurs domaines de la vie sociale et les cumulant) Ils produisent des effets

sociaux et spatiaux dans tous les domaines de la vie sociale travail logement eacuteducation

consommation

Ainsi les rapports de domination qui sont des enjeux des luttes de classes et des luttes de

groupes sociaux plus reacuteduits agrave lrsquointeacuterieur drsquoune mecircme classe se sont deacuteplaceacutes et deacutemultiplieacutes

dans ces nouveaux espaces sociaux en dehors de la sphegravere de la production eacuteconomique Et la

compeacutetition pour le pouvoir implique une autoriteacute leacutegitimeacutee par des attributs deacuteterminants

dans chaque champ et que chaque groupe cherche agrave srsquoapproprier et agrave deacuteposseacuteder ou agrave deacutenier

aux autres les moyens de production dans la sphegravere productive mais aussi le savoir et

lrsquoinformation ou encore la fonction ou la position sociale deacutefinie socialement

Par ailleurs drsquoautres approches paradigmatiques rejoignent le constat de lrsquoinheacuterence de

lrsquoexclusion sociale dans les rapports sociaux de socieacuteteacutes aux statuts et positions assez

hieacuterarchiseacutes et agrave conqueacuterir selon des filiegraveres et voies speacutecialiseacutees seacutelectives Crsquoest le cas de

lrsquoapproche socio-anthropologique deacuteveloppeacutee sur le terrain de la rencontre des alteacuteriteacutes et

notamment de la diffeacuterence par rapport aux groupes dominants ou majoritaires dans la

socieacuteteacute Ici aussi les caracteacuteristiques individuelles ou collectives deviennent des supports de

symbolisation des rapports sociaux par leur transmutation en symboles de positions sociales

diffeacuterence et origine geacuteographique ethnoculturelle etou sociale sexe handicap ou disgracircce

physiquehellip Cette orientation est lieacutee agrave lrsquoaccroissement de lrsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteisation sociale et

culturelle des socieacuteteacutes engendreacutee par la hausse de la diffeacuterenciation interne des espaces et des

milieux sociaux

Dans ce contexte Erving Goffman (1996) a conceptualiseacute la notion de stigmate social qui se

reacutefegravere agrave un meacutecanisme de traitement social deacutefavorable ndash ou encore de discrimination sociale

neacutegative de certains individus par drsquoautres Certaines diffeacuterences drsquoattributs physiques

culturels ou comportementaux ne reacutepondant pas aux critegraveres et aux attentes sociaux agrave priori

se voient alors neacutegativement perccedilues par les groupes majoritaires et dominants et deviennent

des raisons de mise agrave lrsquoeacutecart de leurs porteurs ces attributs deviennent alors des stigmates

sociaux Ce pheacutenomegravene srsquoinscrit dans lrsquoanalyse des processus divers drsquoexclusion sociale au

sein du tissu social hors sphegravere exclusive du travail du fait de la lutte pour les positions

positives dans la hieacuterarchisation sociale lrsquoexclusion sociale est lieacutee aux opeacuterations de

53

classification des individus en fonction de leur appartenance ou non agrave des cateacutegories sociales

sur la base de la comparaison de critegraveres objectifs et subjectifs perccedilus

Martine Xiberras (1994) deacutecrit un double mouvement dans ces meacutecanismes drsquoune part la

fermeture du groupe dominant aux exteacuterieurs et drsquoautre part en reacuteaction une auto-exclusion

de la part des individus laquo refuseacutes raquo qui cherchent agrave srsquoorganiser parfois pour mieux se faire

accepter ensuite (retrait ou reacuteaction conflictuelle agrave lrsquoencontre du groupe dominant) Les

exclus apregraves avoir subi lrsquoexclusion des dominants tendent apregraves une eacutetape drsquoopposition agrave

inteacuterioriser par reacutesignation puis agrave adopter leur identiteacute sociale drsquoexclu attribueacutee de

lrsquoexteacuterieur et mettent agrave leur tour agrave distance les dominants en reacuteaction agrave leur stigmatisation et

en conformiteacute avec une culture deacuteviante pour certains Parfois des communauteacutes

drsquo laquo exclus raquo de preacutecaires et de marginaux se constituent dans des rapports chaleureux

drsquoentraide et de coopeacuteration voire de deacutefense face agrave la socieacuteteacute pour mieux se faire accepter

(Dubet Martuccelli 1998 Goffman 1975 Xiberras 1994)

Caracteacuteriseacutes par une laquo parenteacute de conditions et des pratiques communes raquo les exclus sont

laquo assigneacutes agrave [leur] place par le jeu des deacuteterminations eacuteconomiques [et ils] occupe(nt) une

position affecteacutee de neacutegativiteacute sociale au sein drsquoun ensemble de positions raquo (Clavel 1998

p 239) Ils sont des laquo exclus de lrsquointeacuterieur raquo comme le formulent Bourdieu et

Champagne (1992) agrave propos des parcours reacuteserveacutes par lrsquoEacuteducation nationale aux enfants

drsquoouvriers et drsquoemployeacutes subalternes Crsquoest-agrave-dire qursquoils laquo ne sont pas hors de la socieacuteteacute mais

[hellip] impliqueacutes dans un rapport social dont la maicirctrise leur eacutechappe raquo (Clavel 1998 p 238)

La ligne de partage peut drsquoailleurs tant dans lrsquohabitat qursquoagrave lrsquoeacutecole traverser les couches

ouvriegraveres entre drsquoun cocircteacute les familles drsquoactifs plus qualifieacutes et consideacutereacutes et de lrsquoautre cocircteacute

celles drsquoactifs moins qualifieacutes et deacutevaloriseacutes par les classes dominantes bien que les deux

cateacutegories puissent ecirctre employeacutees de la mecircme maniegravere reacuteguliegravere et stable

Les exclus forment-ils alors une classe sociale isoleacutee dans la socieacuteteacute libeacuterale Srsquoils ont des

profils socio-deacutemographiques et administratifs extrecircmement varieacutes ils partagent neacuteanmoins

une identiteacute commune lieacutee agrave un destin et des positions sociales semblables dans les rapports

sociaux de production Ils forment une communauteacute de classe agie (Clavel p 230) subissant

les contradictions de la socieacuteteacute en mouvement Cependant ils ne sont pas doteacutes de la

conscience collective favorisant les actions de luttes sociales ils forment plutocirct selon Clavel

une couche sociale sans laquo argent pouvoir et savoir raquo (attributs des dominants) ni places et

positions reacuteguliegraveres dans la sphegravere eacuteconomique et dans les repreacutesentations sociales qui

permettent de srsquoeacuteriger en classe ou groupe politique

54

Bien que partiellement repreacutesenteacutes dans le discours politico-meacutediatique soutenus par des

associations caritatives diverses et beacuteneacuteficiant de ressources minimales par le systegraveme de

protection sociale leurs comportements se caracteacuterisent principalement par la logique de

survie voire au maximum par des deacutemarches individuelles partiellement socialiseacutees de sortie

de situation Ils restent deacutependant de lrsquoimmeacutediateteacute drsquoexistence composeacutee drsquoune activiteacute

preacutedominante de consommation de biens mateacuteriels et symboliques par rapport agrave la

production drsquoune sous-valorisation de la dimension politique et drsquoune survalorisation de la

dimension priveacutee limitant la conscience collective aux relations personnelles sur un mode

deacutefensif ou identitaire Crsquoest pourquoi toute potentialiteacute drsquoopposition agrave leur condition est

deacutetourneacutee en agressiviteacute laquo a-reacutevolutionnaire raquo eacutemeutes sporadiques violences deacutelinquance

manipulations politiques ou mafieuseshellip

C- Les effets eacuteconomiques et sociaux de lrsquoexclusion

Sur le plan de la structure sociale drsquoensemble les destins individuels concerneacutes par

lrsquoexclusion et la preacutecarisation eacuteconomique et sociale ont un impact collectif au sein des

couches moyennes mais surtout des cateacutegories modestes Ce qui produit un eacutetirement vers le

bas de la structure sociale alors que certaines cateacutegories supeacuterieures ont des revenus toujours

croissants Lrsquoexamen de la structure sociale pour comprendre les problegravemes sociaux en cours

est essentiel car des indicateurs tregraves geacuteneacuteraux peuvent laisser des impressions trompeuses

dans ce domaine En effet il peut ecirctre constateacute par exemple que le niveau de vie moyen de

lrsquoensemble des meacutenages a bien augmenteacute drsquoenviron 15 entre 1983 et 1997

Lrsquoeacutelargissement de lrsquoeacuteventail des salaires ainsi que la geacuteneacuteralisation de lrsquoemploi feacuteminin

double potentiellement la source de revenu drsquoactiviteacute des meacutenages nrsquoy sont pas pour rien

(Bordone 1999)17 Il en est de mecircme des revenus des retraiteacutes comme le rappelle Steacutefan

Lollivier (1999) leur niveau de vie a augmenteacute deux fois plus vite que celui des actifs des

anneacutees 1970 aux anneacutees 1990 avec lrsquoenrichissement des droits agrave la retraite et lrsquoaccumulation

des revenus du patrimoine Avec les retraiteacutes indique-t-il la tendance globale est celle de la

hausse du niveau de vie moyen (2 agrave 3 par an) engendrant apregraves une stagnation de 1984 agrave

1990 une forte baisse des ineacutegaliteacutes de niveau de vie mesureacutee par le rapport inter-deacutecile

17 Jacques Bordone srsquoappuie sur les travaux du Centre drsquoeacutetudes sur les revenus et les coucircts (CERC)

55

entre les revenus disponibles moyens des meacutenages les plus riches et ceux des meacutenages les

plus pauvres (de 5 en 1970 agrave 35 en 1996)

Depuis 1997 les apparences de stabiliteacute voire de reacuteduction des ineacutegaliteacutes se sont prolongeacutees

(Pech 2010) de 1997 agrave 2007 par exemple sur le plan des seuls revenus salarieacutes des actifs

occupeacutes la moyenne de ceux des 10 les plus pauvres a augmenteacute plus vite (+ 157 ) que

celle des 5 les plus riches (+ 128 ) Cependant les indicateurs drsquoeacutecart de niveaux de vie

atteints par les meacutenages selon les revenus salariaux et de patrimoine se sont

accentueacutes (INSEE 2010) pour nrsquoen rester qursquoagrave la peacuteriode eacutetudieacutee la plus reacutecente de 1997 agrave

2003 le rapport entre le patrimoine moyen du dernier deacutecile des meacutenages (patrimoines les

plus eacuteleveacutes) et celui du premier deacutecile (patrimoines les plus faibles) est passeacute de 1 6316 agrave

2 1345 soit une hausse de 308 en sept ans18 plus reacutecemment encore de 2003 agrave 2008 le

rapport entre la moyenne des revenus du dernier deacutecile des meacutenages (et non le patrimoine) et

celle des revenus du premier deacutecile est passeacute de 607 agrave 667 soit une hausse de pregraves de 10

(99 )19

En outre derriegravere ces moyennes les eacutevolutions cateacutegorielles sont nettement diffeacuterencieacutees Par

exemple au niveau des revenus primaires des seuls salarieacutes (avant impocircts et transferts

sociaux) les ineacutegaliteacutes se creusent depuis le deacutebut des anneacutees 1990 au deacutetriment notamment

des jeunes actifs du fait de leur accession plus difficile au marcheacute du travail (chocircmage et

eacutetudes plus longues de plus en plus freacutequents) leurs revenus ont stagneacute voire se sont reacuteduits

notamment avec le risque de perte drsquoemploi qui srsquoest accru et les transferts sociaux

(allocations familiales prestations logements RMI avant le RSA) au rocircle plus redistributif

que les impocircts depuis les anneacutees 1980 nrsquoont que leacutegegraverement contrarieacute cette tendance

(Lollivier 1999) Durant les anneacutees 2000 cette eacutevolution neacutegative srsquoest accentueacutee

En 2009 le taux de chocircmage des 15-24 ans est de 237 (niveau historique depuis 1975)

contre 82 pour les 25-49 ans et 61 pour les plus de 50 ans Ce taux tregraves eacuteleveacute

certainement lieacutee agrave la crise financiegravere de 2008 confirme neacuteanmoins une tendance haussiegravere

commenceacutee avant la crise observeacutee par exemple deacutejagrave entre 2004 (205 ) et 2006 (223

soit + 18 point) avant le cycle de renversement de tendance de 2006-2008 preacuteceacutedant la crise

(191 en 2008) De son cocircteacute le taux de chocircmage des adultes de 25 agrave 49 ans baissait

18 Cependant selon les auteurs de cette eacutedition du portrait social statistique compte tenu de la forte concentration du patrimoine cet indicateur qui est bien agrave lire comme un chiffre absolu produit du rapport entre deux valeurs ici les patrimoines estimeacutes en euros est tregraves volatil (cf tableau laquo Patrimoine raquo p 283 du rapport dans la partie laquo Annexes raquo) 19 Cet indicateur centreacute sur la moyenne des revenus pour chaque deacutecile est plus pertinent que le seul rapport inter-deacutecile entre les valeurs limites puisque les valeurs les plus fortes sont prises en compte

56

leacutegegraverement de 82 en 2004 agrave 8 en 2006 (soit -02 point) Ainsi la baisse conseacutequente des

revenus salarieacutes des jeunes a pu orienter globalement les revenus des couches moyennes vers

la pauvreteacute celle-ci eacutetant deacutefinie conventionnellement par le seuil des tregraves bas salaires ie le

seuil de pauvreteacute soit moins de 50 ou de 60 du revenu meacutedian selon les conventions

statistiques

Cette eacutevolution salariale correspond agrave une laquo sous-moyennisation raquo geacuteneacuterale des classes

moyennes observable des anneacutees 1980 agrave 1990 (Chauvel 1999) leurs revenus se situeraient

autour de 80 du revenu meacutedian alors qursquoelles se trouvaient regroupeacutees autour des revenus

meacutedians de 1956 agrave 1984 Pour les franges infeacuterieures des couches moyennes leur reacutegression

srsquoest arrecircteacutee au niveau juste au-dessus du seuil de pauvreteacute moneacutetaire en se concentrant en

fait au-dessous du seuil des bas salaires qui correspond agrave moins de deux-tiers du revenu

meacutedian Ce point est attesteacute par le fait que entre les anneacutees 1970 et la moitieacute des anneacutees 1990

le taux de pauvreteacute moneacutetaire des salarieacutes (part de la population salarieacutee sous le seuil de

pauvreteacute ndash ici de 50 du revenu meacutedian parmi lrsquoensemble des actifs salarieacutes) est resteacute

stable pendant pregraves de vingt ans (Freyssinet 2002)

Cependant de leur cocircteacute les revenus les plus eacuteleveacutes srsquoaccroissent dans les secteurs de la haute

technologie du tertiaire supeacuterieur (service aux entreprises) et des directions des grandes

entreprises mondialiseacutees ainsi que les revenus du patrimoine eacuteconomique et financier Ces

fortes hausses nrsquoont cependant pas influeacute sur la partie moyenne de la structure sociale mis agrave

part lrsquoimpact symbolique important dans les repreacutesentations sociales de la hausse des

ineacutegaliteacutes sociales Les plus riches ont des revenus grandissants notamment patrimoniaux

pendant que les autres groupes sociaux srsquoenlisent dans la stagnation voire la reacutegression avec

le temps

Crsquoest en ce sens que les ineacutegaliteacutes sociales se sont accrues En France depuis 2004 il est vrai

que celles-ci sont devenues plus sensibles que dans les anneacutees 1980 et 1990 (Lombardo

2011)20 alors que le niveau de vie21 des personnes les plus modestes (20 des personnes

situeacutees au bas de lrsquoeacutechelle des revenus) a cesseacute drsquoaugmenter plus rapidement que les meacutenages

20 Plus globalement les donneacutees ci-dessous recoupent diverses publications de lrsquoINSEE rapporteacutees dans ses collections nationales contenues et accessibles sur son site internet Ici ce sont notamment les publications drsquoINSEE-Reacutefeacuterences qui ont eacuteteacute utiliseacutees Emploi et salaires (eacutedition 2011) Les revenus et les patrimoines des meacutenages (eacutedition 2011) Tableau de lrsquoeacuteconomie franccedilaise (eacutedition 2011) France Portrait social (eacutedition 2010) 21 La deacutefinition de lrsquoINSEE du niveau de vie drsquoune personne ndash enfant ou adulte ndash correspond au revenu disponible de son meacutenage diviseacute par le nombre de personnes qui le composent chaque personne eacutetant compteacutee comme une uniteacute de consommation (uc) selon leacutechelle deacutequivalence de l Organisation pour la coopeacuteration et le deacuteveloppement eacuteconomique (OCDE) qui attribue 1 uc au premier adulte du meacutenage 05 uc aux autres personnes de 14 ans ou plus et 03 uc aux enfants de moins de 14 ans

57

intermeacutediaires ce sont surtout les meacutenages les plus aiseacutes qui ont vu leur niveau de vie

fortement augmenter gracircce agrave une plus forte croissance des revenus du patrimoine Selon un

nouvel indicateur de lrsquoINSEE la masse des revenus deacutetenue par les 20 des personnes les

plus riches diviseacutee par celle deacutetenue par les 20 les plus modestes le rapport drsquoineacutegaliteacute

srsquoest accru entre les peacuteriodes 1996-2004 et 2004-2008 la premiegravere peacuteriode preacutesentait mecircme

une leacutegegravere baisse de 41 en 1996 agrave 4 en 2004

Lrsquoeacutecart srsquoest accru ensuite pour arriver agrave 43 en 2008 soit une progression de 02 point en

seulement quatre ans En termes proportionnels les masses de niveaux de vie sont reacutepartis de

la maniegravere suivante les 20 les plus pauvres en deacutetiennent pregraves de 9 et les 20 les plus

riches pregraves de 383 Les 10 les plus riches en deacutetiennent 243 soit les 23 de la masse

deacutetenue par les 20 les plus riches ce qui signifie que ce sont les plus riches (les 10 ) qui

deacutetiennent le double que les 10 les plus riches suivants Lrsquoeacutecart est donc fort entre ces deux

cateacutegories de riches ce qui illustre lrsquoeacutecart de lrsquoextreacutemiteacute par rapport au reste de la socieacuteteacute

Leur richesse srsquoest accrue entre 2003 (234 de la masse des niveaux de vie) et 2008

(243 ) de 09 point soit une hausse de 38 contre une hausse de 02 pour 90 de la

population

Lrsquoaccroissement speacutecifique du niveau de vie des plus riches est essentiellement lieacute agrave la hausse

de 11 par an en moyenne de leurs revenus de patrimoine pendant cette peacuteriode Par

ailleurs la part des pauvres dans la population ie des personnes vivant sous le seuil de

pauvreteacute est en stagnation depuis les anneacutees 2000 (13 en 2008) alors qursquoelle baissait

depuis les anneacutees 1970 (145 encore en 1997 et 131 en 2001) Ils repreacutesentent aujourdrsquohui

pregraves de 78 millions de personnes22 De plus la mauvaise situation eacuteconomique des pauvres

srsquoest intensifieacutee au cours des anneacutees 2000 (Lombardo 2011) leur niveau de vie meacutedian srsquoest

leacutegegraverement eacutecarteacute du seuil de pauvreteacute depuis 2002 date de reprise du chocircmage et du nombre

drsquoallocataires du RMI jusqursquoen 2008 cet eacutecart passe de 165 en 2002 agrave 188 en 2005 et

redescend leacutegegraverement en 2008 agrave 185 Cette pauvreteacute moneacutetaire qui srsquoeacuteloigne du revenu

meacutedian affecte drsquoailleurs fortement les familles monoparentales puisque en France 30

drsquoentre elles sont pauvres

22 Le taux de pauvreteacute franccedilais de 2008 (13 ) se situe en-dessous du taux de 17 de lrsquoEurope des 27 (eacutevolution stagnante aussi dans la mecircme peacuteriode) avec des eacutecarts importants entre pays 11 et 12 aux Pays-Bas et en Suegravede contre 19 agrave 20 au Royaume-Uni en Italie ou en Espagne Ces donneacutees sont agrave prendre avec preacutecaution avec des marges drsquoerreur et des fluctuations selon les auteurs et les publications mecircme de la part de lrsquoINSEE Agrave la fin des anneacutees 1990 lrsquoalignement de lrsquoINSEE agrave lrsquoappareil statistique europeacuteen EUROSTAT pour la mesure de la pauvreteacute de 50 agrave 60 du seuil meacutedian a pu eacutegalement compliquer la tenue de longues seacuteries temporelles

58

Un autre indicateur de lrsquointensification de la pauvreteacute parmi les meacutenages pauvres est

lrsquoeacutevolution du nombre des deacutetenteurs des minima sociaux et de leur pouvoir drsquoachat23 En

2001 lrsquoINSEE deacutecompte 328 millions de personnes beacuteneacuteficient drsquoun des neuf minima

sociaux ils sont 35 millions en 2009 soit une hausse de 67 Leurs montants mensuels

maximaux sont faibles (Mathern 2010) entre le tiers et pregraves de la moitieacute du seuil de

pauvreteacute (seuil agrave 949 euro en 2009) pour les trois minima attribueacutes agrave des personnes en acircge et en

capaciteacute supposeacutes de travailler ndash lrsquoAllocation temporaire drsquoattente (ATA) (32455 euro en

201024) le RSA-socle (46009 euro) et lrsquoAllocation de solidariteacute speacutecifique (ASS) (46051 euro)

entre 500 et 600 euro pour les allocations agrave dureacutee limiteacutee visant agrave compenser les difficulteacutes

temporaires engendreacutees par une rupture de situation familiale lrsquoAllocation de parent isoleacute

(API 59081 euro) et lrsquoAllocation de veuvage (56513 euro) et enfin les montants drsquoallocation

les plus eacuteleveacutes concernent les personnes en incapaciteacute ou en capaciteacute tregraves reacuteduite de travailler

en raison de leur acircge ou de leur situation de handicap Minimum invaliditeacute (63974 euro)

Minimum vieillesse (67713 euro) lrsquoallocation adulte handicapeacute (AAH 68163 euro) et

lrsquoAllocation eacutequivalent retraite (AER) (99432 euro)

Le versement de ces allocations deacutepend des ressources des personnes ou de leur foyer dans

une limite maximale parfois eacutequivalente au montant maximal drsquoallocation (RSA API et

AAH) parfois leacutegegraverement supeacuterieure de 15 euro (Minimum vieillesse et Minimum invaliditeacute)

mais aussi selon un eacutecart positif de pregraves de 140 euro (ATA et Allocation de veuvage) voire de

pregraves de 600 euro (ASS et AER-R) Par ailleurs ce qui constitue en derniegravere instance un signe

suppleacutementaire de cette intensification de la pauvreteacute le pouvoir drsquoachat des minima sociaux

a geacuteneacuteralement peu eacutevolueacute depuis vingt ans suivant de pregraves le rythme de lrsquoinflation

stagnation pour lrsquoAPI et lrsquoAllocation de veuvage petite hausse (4 ) pour le RMIRSA-

socle lrsquoASS le minimum vieillesse et le minimum invaliditeacute et croissance pour lrsquoATA

(144 ) et pour lrsquoAAH (7 ) suite agrave une valorisation exceptionnelle agrave une certaine date

Cette eacutevolution confirme les forts contrastes drsquoeacutevolution des niveaux de vie des individus

dans la peacuteriode toute reacutecente entre 2003 et 2008 en moyenne les niveaux de vie ont crucirc de

74 pour lrsquoensemble de la population (de 20 590 euro agrave 22 110 euro) de 17 pour les personnes

23 Cf annexe de la liste des minima sociaux leur sigle et signification 24 Montants indiqueacutes pour une personne adulte seule Le fait drsquoecirctre en couple joue sur les baregravemes de tous les minima sociaux sauf ceux concernant explicitement des personnes sans conjoint (lrsquoAllocation de parent isoleacute API et lrsquoAllocation de veuvage AV) Quant au nombre drsquoenfants il modifie uniquement les montants du RSA et de lrsquoAPI qui sont les seules prestations reacuteellement laquo familialiseacutees raquo crsquoest-agrave-dire visant agrave assurer un minimum de ressources pour un foyer et non pour une personne en particulier

59

les plus pauvres (deacutecile le plus faible de 7 930 euro agrave 8 070 euro) et de 1185 pour les 10 les

plus riches (de 48 100 euro agrave 53 800 euro) Au regard de lrsquoinflation des prix (+ 1025 entre

lrsquoindice des prix agrave la consommation de 2003 et celui de 200825) le deacutecile le plus faible

connaicirct une nette deacutepression de son pouvoir drsquoachat ce qui deacutemontre lrsquoaccentuation des

ineacutegaliteacutes sociales sur le plan eacuteconomique

Agrave ce sujet avant la fin mecircme des Trente Glorieuses de nouvelles formes drsquoineacutegaliteacutes eacutetaient

apparues par rapport agrave des ineacutegaliteacutes plus classiques en deacuteclin Drsquoune part les barriegraveres

sociales ont eacuteteacute atteacutenueacutees et remplaceacutees par des niveaux sociaux plus ouverts avec la hausse

de la mobiliteacute sociale la reacuteduction et le fractionnement des classes et communauteacutes ouvriegraveres

dans lrsquounivers des classes moyennes Mais drsquoautre part les rapports de domination se sont

transformeacutes complexifieacutes et deacutemultiplieacutes dans drsquoautres situations sociales et pour des

cateacutegories sociales speacutecifiques agrave mesure que le salariat industriel srsquoest deacutecomposeacute (Dubet

2001) Trois formes drsquoineacutegaliteacute apparaissent plus importantes parce que plus globales et

transversales ou encore parce qursquoissues directement des ineacutegaliteacutes anciennes en se preacutesentant

sous une forme nouvelle

Drsquoabord le travail feacuteminin laquo sous tutelle raquo masculine doublant les ineacutegaliteacutes subies par les

femmes dans les tacircches meacutenagegraveres Margaret Maruani (2002) confirme en indiquant qursquoune

ideacuteologie sexiste et dominante heacuteriteacutee en partie du temps de lrsquoemploi industrialo-masculin des

Trente glorieuses conccediloit les femmes comme population active drsquoappoint devant compleacuteter le

revenu et lrsquoemploi stable de lrsquo laquo homme de la famille raquo alors mecircme que surtout chez les

femmes agrave bas salaires celles-ci apportent en majoriteacute plus de la moitieacute des revenus des

couples en meacutenage il ne srsquoagit pas drsquoun salaire drsquoappoint et pourtant en 2001 en France

80 (77 en Europe) des salaires infeacuterieurs au Salaire minimum interprofessionnel de

croissance (SMIC 34 millions de salarieacutes soit 166 des salarieacutes) sont ceux de femmes

plus drsquoune femme salarieacutee sur quatre travaille pour moins de 838 euro par mois contre 6 des

hommes Ensuite la preacutecariteacute et le sous-emploi drsquoune masse importante drsquoimmigreacutes non

qualifieacutes et de leur descendants est la deuxiegraveme forme drsquoineacutegaliteacutes importantes vivant en

partie dans des quartiers de releacutegation agrave la base de la formation de minoriteacutes ethniques La

troisiegraveme forme le frein de lrsquoinsertion professionnelle des jeunes actifs surtout des moins

25 Site internet inseefr rubrique laquo Base de donneacutees raquo tableau laquo Indice des prix agrave la consommation (Annuel Ensemble des meacutenages Meacutetropole Base 1998) ndash Ensemble raquo Si lrsquoon ne regarde que lrsquoindice pour les meacutenages urbains dont le chef est ouvrier ou employeacute en meacutetropole et dans les DOM la hausse est plus importante encore de 123

60

qualifieacutes et issus de lrsquoimmigration Pour ces trois formes preacutedominantes drsquoineacutegaliteacutes agrave chaque

fois un ensemble complexe de facteurs interviennent dans la production de ces ineacutegaliteacutes

tout comme des processus sociaux et politiques ayant parfois comme objectifs contraires de

les limiter

Cette diversiteacute des figures victimes des ineacutegaliteacutes sociales modernes montre la neacutecessiteacute

drsquoune approche prudente sur leurs diffeacuterentes causes conjoncturelles et les manifestations de

ces derniegraveres Car les eacuteveacutenements qui y conduisent sont dans les trajectoires individuelles

multiples eacutechec scolaire tensions voire seacuteparation familiales maladies diverses voire

handicap reacutecession eacuteconomique geacuteneacuterale ou reacuteduction et deacutelocalisation drsquoactiviteacute

discrimination sexuelle ethnique ou drsquoacircge agrave lrsquoembauche ou agrave la mobiliteacute interne Les figures

preacutedominantes des ineacutegaliteacutes subies risquent ainsi drsquoecirctre les principales en matiegravere de

pauvreteacute Au deacutebut des anneacutees 1990 le risque de tomber dans la pauvreteacute moneacutetaire (ie sous

le seuil des 50 du revenu meacutedian) au vu de la freacutequence des eacuteveacutenements qui y amegravene

concerne une grande partie de la population (CERC 1993) 13 de la population inteacutegreacutee

socialement et eacuteconomiquement 50 pour la population fragiliseacutee sur le marcheacute du travail

et surtout frac34 des chocircmeurs Bien sucircr il nrsquoy a pas de scheacutema simple de passage ni de

continuum unilineacuteaire entre des laquo in raquo et des laquo out raquo des proteacutegeacutes ou des inteacutegreacutes et des

laquo exclus raquo ou des pauvres Les frontiegraveres sont poreuses entre drsquoune part lrsquointeacutegration et le

bien-ecirctre mateacuterielle et drsquoautre part les divers eacutetats et meacutecanismes de fragilisation et de

paupeacuterisation individuelles

En fait reacutealiser des descriptions concourantes et fines de la ou des pauvreteacutes voire en reacutealiser

une typologie simple au niveau national comme sur plusieurs sites locaux srsquoavegravere toujours

complexe et inacheveacute Les critegraveres sont multiples faiblesse des revenus beacuteneacuteficiaires de

minima sociaux statut drsquoemploi composition des meacutenages ou niveau des diplocircmes Le

problegraveme est agrave lrsquoimage de lrsquoanalyse de lrsquoexclusion sociale qursquoen modeacutelisant des processus

drsquoentreacutee et de maintien dans la pauvreteacute toujours plus particuliers et individuels les

descriptions et les explications brouillent toute approche conceptuelle simple puisque les

attributs communs devenant moins nombreux La tentative drsquoobjectivation absolue

notamment statistique de la pauvreteacute de populations particuliegraveres est en fait impossible

La plupart du temps les informations brutes et non correacuteleacutees induisent de les compleacuteter et de

les expliquer par des recueils drsquoinformations suppleacutementaires par exemple dans les eacutetudes

rapporteacutees dans Les travaux de lrsquoONPES (2002) il apparaicirct que dans le bassin parisien les

zones drsquohabitat les plus eacuteloigneacutees de Paris concentrent le plus de familles monoparentales Ce

61

meacutecanisme reacuteveacutelant indirectement les situations eacuteconomiquement deacutefavoriseacutees drsquoune grande

partie de ces familles posent des questions sur les effets sur les territoires concerneacutes en

termes varieacutes destin des familles et de leurs membres et notamment des enfants ou encore

eacutevolution des besoins et des dispositifs sociaux sur les territoires

Ainsi les apports cognitifs de ces analyses empiriques outre leurs effets pervers en termes de

reacuteification potentielle de cateacutegories sociales agrave des fins politico-administratives (les

beacuteneacuteficiaires du RSA les familles monoparentales les illettreacuteshellip) eacutevacuent ou minorent les

causes sociales de la modification des trajectoires et des expeacuteriences individuelles (eacutevolution

des rapports sociaux des institutions de lrsquoorganisation des relations et des mobiliteacutes

sociales) les analyses favorisent plutocirct la formalisation drsquoeacuteveacutenements typiques de

basculement individuel dans la pauvreteacute sur la base de cumul de laquo manques raquo de

laquo handicaps raquo ou drsquoaleacuteas dans plusieurs secteurs de la vie sociale et eacuteconomique En

revanche les approches microsociales permettent drsquoaborder des pheacutenomegravenes sociaux majeurs

dans le domaine de la pauvreteacute en leur donnant une place pas toujours habituelle dans les

analyses socio-eacuteconomiques

Un exemple significatif est la question de la seacuteparation conjugale qui constitue le premier

facteur drsquoentreacutee dans la pauvreteacute moneacutetaire des meacutenages depuis le deacutebut des anneacutees 1980 La

perte ou le deacutefaut drsquoemploi stable nrsquoest en fait qursquoun facteur secondaire du niveau de vie des

personnes (Maurin 2002 p 50) laquo Une tregraves large majoriteacute de meacutenages tombant dans la

pauvreteacute ou nrsquoarrivant pas agrave sortir de la pauvreteacute drsquoune anneacutee sur lrsquoautre sont en fait des

meacutenages dont la situation vis-agrave-vis du marcheacute du travail est resteacutee stable voire srsquoest

ameacutelioreacutee En moyenne sur la peacuteriode analyseacutee (1987-1994) les trois-quarts des meacutenages

persistant dans la pauvreteacute sont ainsi des meacutenages dont le nombre de chocircmeurs dans la

famille est resteacute stable ou mecircme a diminueacute En France la preacutecariteacute des situations

professionnelles semblent nrsquoecirctre en tant que telle qursquoun facteur secondaire de reacutecurrence et de

persistance des situations de pauvreteacute La preacutecariteacute des situations familiales semble un facteur

bien plus deacutecisif raquo

Ce pheacutenomegravene doit ecirctre rapporteacute agrave celui de la divortialiteacute croissante et de la monteacutee du ceacutelibat

(Villeneuve-Gokelp 1996) Il y a plus de divorces de nos jours dans les reacutecentes comme les

anciennes promotions de mariage en 1996 on compte 39 divorces prononceacutes pour 100

mariages reacutealiseacutes dans le passeacute toutes dureacutees de mariage prises en compte (cet indicateur

conjoncturel ne signifie pas que 39 des mariages finissent en divorce mais il repreacutesente

62

neacuteanmoins une mesure du risque de divortialiteacute selon lrsquoINSEE26) en 2004 date la plus

reacutecente drsquoestimation de lrsquoINSEE on passe agrave 45 divorces pour 100 mariages passeacutes Si lrsquounion

libre augmente le nombre de ceacutelibataires eacutegalement (1970 265 1999 333 2009

376 ) ainsi que le nombre de meacutenages de personnes seules (1970 22 1999 31

dont 50 de meacutenages seuls agrave Paris en 2005 325 et 333 en 2008)

Les familles monoparentales passent de 125 des familles en 1990 agrave 148 en 1999 et agrave

176 en 200827 elles repreacutesentent 68 des meacutenages en 1990 et 81 en 2008 Les

couples sans enfants augmentent de 234 en 1990 agrave 259 en 2008 et les familles

(couples avec enfants) sont les seules agrave baisser de 364 des meacutenages en 1990 agrave 275 en

2008 Ainsi la structure des meacutenages en France peut se deacutecomposer scheacutematiquement de la

maniegravere suivante agrave la fin des anneacutees 2000 une majoriteacute un tiers de personnes seules

reacuteparties entre pregraves de 58 de femmes (195 ) et pregraves de 42 drsquohommes (138 ) un

grand quart de couples avec enfants un petit quart de couples sans enfant et presque un

dixiegraveme de familles monoparentales

Les deacuteterminants sociaux de ces pheacutenomegravenes et notamment des divorces entraicircnant la

pauvreteacute des familles sont multiples Dans un premier temps lrsquoaffaiblissement des relations

sociales primaires (familiales et de voisinage) engendreacute par la monteacutee de laquo lrsquoindividualisme

drsquoautonomie raquo eacutevoqueacute plus haut et produit de la geacuteneacuteralisation du travail salarieacute et de ses

effets en termes drsquoaccroissement des niveaux de vie et drsquoindeacutependance financiegravere et sociale

des personnes dont les femmes surtout vis-agrave-vis des communauteacutes drsquoappartenance Il faut

aussi consideacuterer le mode eacutelectif et reacuteticulaire de sociabiliteacute qui sest imposeacute

Il est donc significatif de constater que crsquoest plus speacutecialement agrave partir de la fin des anneacutees

1980 jusqursquoau deacutebut des anneacutees 1990 que srsquoest durcie la frontiegravere entre pauvreteacute et non

pauvreteacute ie la probabiliteacute plus forte que les pauvres restent pauvres et que les aiseacutes restent

aiseacutes (Maurin 2002) encore une fois au deacutetriment des familles monoparentales avec

plusieurs enfants du fait de leurs faibles revenus que leurs membres aient ou non un emploi

et que celui-ci ou ceux-ci soit stable(s) ou non On comprend ainsi que la pauvreteacute moneacutetaire

des individus deacutepend de la dimension collective de leur vie individuelle ie la composition

du meacutenage drsquoappartenance sachant que le taux de pauvreteacute moneacutetaire augmente avec la

26 Cf document laquo Sources et meacutethodes ndash Les indicateurs deacutemographiques raquo du site internet de lrsquoINSEE wwwinseefr 27 Donneacutees INSEE

63

hausse du nombre drsquoenfants et que ce dernier est encore plus eacuteleveacute au sein des familles

monoparentales

Autrement dit la conjugaison des seacuteparations conjugales et de lrsquoaffaiblissement de la

solidariteacute meacutecanique ndash en langage durkheimien pour deacutesigner la solidariteacute de la communauteacute

drsquoappartenance ndash deacutetermine un risque eacuteleveacute drsquoentreacutee dans la pauvreteacute et certainement aussi un

sentiment drsquoabandon voire de rejet En outre le milieu urbain contemporain ne renforce-t-il

pas cet eacutetat de faiblesse des liens de solidariteacute En effet le lien social de type citadin se

caracteacuterise surtout par une multipliciteacute des liens faibles en mecircme temps qursquoune faiblesse des

liens forts (Joseph 1994) Dans ce contexte la perte de liens familiaux pouvant srsquoajouter agrave

celle de liens professionnels est durement ressentie lorsque des besoins de solidariteacute se

manifestent

Par ailleurs il reste que en dehors de la reacutefeacuterence agrave des seuils conventionnels de revenus

permettant de distinguer des cateacutegories socio-deacutemographiques assez nettes qui relegravevent de la

pauvreteacute moneacutetaire (jeunes meacutenages urbains femmes seules avec un nombre eacuteleveacute

drsquoenfantshellip) la difficulteacute de cerner les pauvres exhaustivement est en reacutealiteacute une situation

normale drsquoun point de vue sociologique les diffeacuterents attributs de lrsquoeacutetat de pauvreteacute mis en

avant deacutependent de la perception qursquoen ont les laquo riches raquo et les institutions de reacutegulation Elle

reacutevegravele en creux leurs ideacuteaux normatifs Ceux-ci srsquoexpriment tout autant que pour lrsquoexclusion

dans les rapports sociaux sur le plan de la symbolique de la valeur des modes de vie lieacutes aux

statuts sociaux les pauvres sont moins bien logeacutes ne partent pas en vacances ne mangent

pas agrave leur faim sont concentreacutes dans les mecircmes secteurshellip Les deacutefinitions les plus officielles

de la pauvreteacute qursquoen donnent les chercheurs souvent eacuteconomistes et des hauts-fonctionnaires

inscrits dans lrsquoaction politique et sociale voire les institutions sociales publiques ou les

institutions politiques officielles attestent de cette approche relative

Le Conseil europeacuteen de deacutecembre 1984 considegravere comme pauvres laquo les personnes dont les

ressources (mateacuterielles culturelles et sociales) sont si faibles qursquoelles sont exclues des modes

de vie minimaux acceptables dans lrsquoEacutetat (membre) ougrave elles vivent raquo (Glaude 1998) De

mecircme une deacutefinition de la preacutecariteacute sociale du rapport du Conseil eacuteconomique et social

Grande pauvreteacute et preacutecariteacute eacuteconomique et sociale (Wreacutesinsky 1987) srsquoinscrit dans cette

approche laquo La preacutecariteacute est lrsquoabsence drsquoune ou plusieurs seacutecuriteacutes notamment celle de

lrsquoemploi permettant aux personnes et aux familles drsquoassumer leurs obligations

professionnelles familiales et sociales et de jouir de leurs droits fondamentaux raquo

64

Pour en rester agrave la pauvreteacute eacutetat qui peut se confondre agrave celui drsquoexclu trois approches

sociales et eacuteconomiques existent (Glaude 1998) qui se reacutefegraverent toujours agrave lrsquoappreacuteciation de

niveaux relatifs de critegraveres de conditions drsquoexistence drsquoabord la pauvreteacute laquo moneacutetaire raquo

caracteacuteriseacutee par une insuffisance de revenus estimeacutee par rapport agrave un laquo seuil de pauvreteacute raquo

moneacutetaire qui se calcule en valeur laquo absolue raquo28 ou relative (50 ou 60 du revenu29

meacutedian) ensuite la pauvreteacute laquo drsquoexistence raquo deacutefinie par lrsquoabsence de biens drsquousage et de

consommation de base enfin la pauvreteacute laquo subjective raquo qui repose sur la perception par les

individus ou les meacutenages de leur manque drsquoaisance ou lrsquoeacutecart entre leur revenu et le minimum

qursquoils jugent neacutecessaire Ainsi agrave la fin des anneacutees 1990 lrsquoattribution du qualificatif de

laquo pauvres raquo agrave des cateacutegories drsquoactifs occupeacutes les travailleurs pauvres et les salarieacutes pauvres

deacutesigne ceux qui vivent en-dessous des standards sociaux de conditions drsquoexistence30

Lrsquoanalyse de la pauvreteacute srsquoopegravere alors principalement via lrsquoexclusion et la preacutecariteacute dans la

sphegravere du travail et de ses revenus comme cause mais aussi via lrsquoexclusion comme

conseacutequence puisque la pauvreteacute prive de participation et drsquousage de biens et de services

dans tous les domaines de la vie sociale (santeacute formation relations sociales logementhellip) de

maniegravere cumulative comme lrsquoindique le rapport De Gaulle-Anthonioz (1995) pour le Conseil

eacuteconomique et social la pauvreteacute expose davantage les personnes concerneacutees agrave de

lrsquoexclusion sociale dans les relations sociales qursquoils rencontrent dans leur vie quotidienne

comme analyseacute plus haut

Ainsi lrsquoanalyse sociologique de la pauvreteacute doit agrave lrsquoinstar de lrsquoapproche de lrsquoexclusion

sociale se distinguer des eacutetudes sociales et eacuteconomiques en se rapportant aux rapports

sociaux et notamment aux ineacutegaliteacutes sociales avec les repreacutesentations reacuteciproques des

diffeacuterentes cateacutegories sociales des plus dominantes aux plus domineacutees et celles des

institutions de reacutegulation et de protection sociales de la socieacuteteacute qui objectivent ces ineacutegaliteacutes

Agrave la diffeacuterence des approches eacuteconomiques et administratives de la pauvreteacute centreacutees sur les

conditions drsquoexistence lrsquoapproche sociologique se preacuteoccupe de la forme et du caractegravere du

28 Aux Eacutetats-Unis le seuil officiel est laquo absolu raquo deacutefini agrave partir des laquo besoins alimentaires raquo eux-mecircmes deacutefinis immanquablement par rapport agrave des normes sociales de consommation 29 Les revenus sont dans ce cas lrsquoensemble des salaires (et autres revenus non salarieacutes) et des prestations sociales moins les impocircts directs 30 Les travailleurs pauvres sont les laquo personnes ayant eacuteteacute sur le marcheacute du travail au moins la moitieacute de lrsquoanneacutee soit en travaillant soit en recherchant un emploi tout en demeurant dans des familles vivant au-dessous du seuil de pauvreteacute raquo et les salarieacutes pauvres sont laquo tout ceux qui de leur travail perccediloivent une reacutemuneacuteration mensuelle infeacuterieure au SMIC raquo (Maruani 2002 p 101-123) Agrave titre illustratif les 34 millions de salarieacutes pauvres en France en 2001 sont agrave 80 des femmes alors que les travailleurs pauvres sont essentiellement des hommes Des donneacutees plus reacutecentes nrsquoont pas eacuteteacute trouveacutees dans les publications de lrsquoINSEE

65

lien social avec sa dimension imaginaire entre les pauvres et le reste de la socieacuteteacute (Messu

2003 Simmel 2005)

Lrsquoanalyse ne peut eacutecarter les ineacutegaliteacutes sociales qursquoil reacutevegravele dans le cadre du rapport de

deacutependance structureacute entre les groupes sociaux qui deacutetermine leurs situations sociales et

eacuteconomiques Roland Pfefferkorn (1999) apporte une deacutefinition de lrsquoineacutegaliteacute sociale elle

reacutesulte laquo drsquoune distribution ineacutegale au sens matheacutematique de lrsquoexpression entre les membres

drsquoune socieacuteteacute des ressources [de celle-ci] due aux structures mecircmes [de celle-ci] et faisant

naicirctre un sentiment drsquoinjustice au sein de ses membres raquo Lrsquoeacutetude des ineacutegaliteacutes sociales

impliquent alors lrsquoidentification au sein drsquoune structure sociale drsquoune ou de plusieurs

distributions ineacutegales des ressources perccedilues comme injustes par certains entre individus des

diffeacuterentes cateacutegories de cette structure

Agrave lrsquoorigine de ces distributions ineacutegales socialement perccedilues comme injustes il peut y avoir

des intentions deacutelibeacutereacutees des failles incontrocircleacutes drsquoun systegraveme drsquoallocation des dispositifs ou

des processus de distribution sous des formes diverses geacuteneacuterant de maniegravere involontaire des

ineacutegaliteacutes entre beacuteneacuteficiaires Eacutevidemment ces perceptions deacutependent des repreacutesentations que

chaque cateacutegorie a drsquoelle-mecircme des autres cateacutegories et reacuteciproquement ainsi que des

repreacutesentations qursquoelles ont toutes de lrsquoeacutetat et de lrsquoeacutevolution de la socieacuteteacute de ses valeurs et

normes preacutedominantes ainsi que de son organisation Dans ce cadre la pauvreteacute apparaicirct aux

plus aiseacutes comme un problegraveme social seulement lorsqursquoils ont inteacuterecirct face aux risques de

scandale voire de reacuteaction reacutevolutionnaire agrave reacutealiser une forme quelconque de justice

redistributive La pauvreteacute devient ainsi un problegraveme pour eux afin de lrsquoorganiser (la justice)

sans alteacuterer les regravegles de lrsquoaccumulation et de la conservation des richesses ou encore en

preacuteservant la regravegle geacuteneacuterale de la coheacutesion sociale Il leur revient et aux institutions

politiques et sociales qursquoils conduisent de probleacutematiser drsquoeacutenoncer et de rendre visible selon

des traits et des qualificatifs choisis lrsquoeacutetat de pauvreteacute qursquoil convient drsquoeacuteradiquer pour

maintenir la paix sociale Ils doivent ainsi disposer drsquoune grille de lecture de la distribution

des positions sociales possibles et des regravegles de geacuteneacuteration de celles-ci afin de deacutesigner

celles relevant de la pauvreteacute

Ces eacuteleacutements lieacutes aux aspects sociaux du pheacutenomegravene drsquoexclusion ont des traductions dans les

politiques publiques non speacutecifiquement eacuteconomiques et sociales comme les politiques

urbaines et de logement et ils induisent des pheacutenomegravenes particuliers dans le peuplement des

diffeacuterents espaces des villes ainsi que dans les relations et les pratiques sociales en leur sein

un processus de laquo ghettoiumlsation raquo de zones reacutesidentielles de faible qualiteacute srsquoest engageacutee Les

66

politiques sociales de la ville censeacutees le contrecarrer nrsquoy parvient pas ce qui engendre une

formation durable de quartiers-ghettos et drsquoespaces plus larges les comprenant en deacuteclin

social Le chapitre suivant tend agrave montrer que lrsquoexclusion eacuteconomique et sociale prend alors

dans le champ urbain des formes de seacutegreacutegation diverses aux niveaux tant politique que des

relations et pratiques sociales quotidiennes ce qui explique la production de plus ne plus

avanceacutee des zones de marginaliteacute urbaine

Chapitre II

Le deacuteclin des grands ensembles effet et modaliteacute spatiale de la seacutegreacutegation sociale

persistante des moins qualifieacutes

Cette approche sociologique de lrsquoexclusion et de la pauvreteacute ndash centreacutee sur les ineacutegaliteacutes

sociales lieacutees aux rapports sociaux avec leurs deacuteterminations symboliques peut-elle servir

de paradigme dans lrsquoanalyse de la laquo crise urbaine raquo En effet certains indiquent que la

laquo question sociale raquo qui fait reacutefeacuterence agrave la condensation de divers problegravemes sociaux (Soulet

1996) nrsquoest plus comme ce fut le cas pendant une grande partie du XXe siegravecle

essentiellement axeacutee sur les problegravemes de production dans la sphegravere du travail Depuis les

anneacutees 1980 elle a eacutevolueacute (Donzelot Roman 1991) de lrsquoentreprise (employeurs contre

salarieacutes) le lieu du social semble ecirctre passeacute agrave la ville (inteacutegreacutes et qualifieacutes agrave cocircteacute des exclus

du travail des sous-employeacutes des sous-qualifieacutes des sous-proteacutegeacuteshellip) La domination et

lrsquoexploitation eacuteconomiques ainsi que les risques sociaux empecircchant de travailler seraient

devenus moins probleacutematiques que la rareteacute du travail pour les pauvres voire pour les

couches moyennes

Cette repreacutesentation postule que coupeacutes du monde du travail les exclus ne geacutenegraverent plus que

des problegravemes qui relegravevent de leur condition de vie dans leur habitat au niveau de leurs

activiteacutes et pratiques diverses (relations sociales pratiques sociales et culturelles) surtout

dans lrsquoespace urbain Avec Sylvie Tissot (2007) nous conviendrons que cette orientation qui

si elle peut avoir le meacuterite de se centrer sur une cateacutegorie drsquoaction probleacutematiseacutee socialement

(lrsquoexclusion) tend agrave occulter ce qui reste un problegraveme certainement plus central des rapports

sociaux celui de la mise agrave lrsquoeacutecart de la sphegravere de production des moins qualifieacutes par la classe

dirigeante Et puisque lrsquoespace physique et la socieacuteteacute entretiennent des rapports fonctionnels

67

la diffeacuterenciation de lrsquoespace social a des effets de diffeacuterenciation de lrsquoespace physique et vice

et versa (Magri 1996)

Lrsquoexclusion eacuteconomique et sociale se trouve avoir eacuteteacute une occasion nouvelle agrave partir des

anneacutees 1980 drsquoeacutetudier la seacutegreacutegation socio-spatiale Car celle-ci recouvre des modaliteacutes

extrecircmement varieacutees dispersion entretenue par des autoriteacutes et approprieacutee parfois par des

groupes sociaux la subissant organisation drsquoune instabiliteacute reacutesidentielle des cateacutegories

ouvriegraveres et employeacutees autour des zones drsquohabitation bourgeoise ou encore immobilisation

dans des enclaves territoriales confinant agrave la formation de ghettoshellip La question drsquoordre

sociologique est de savoir si ces situations reacutevegravelent et geacutenegraverent pour les cateacutegories domineacutees

des processus drsquointeacutegration sociale voire des ouvertures agrave des mobiliteacutes sociales ou si la

seacutegreacutegation spatiale contribue agrave une seacutegreacutegation sociale stricte dans ses intentions crsquoest-agrave-

dire drsquoempecircchement drsquoacceacuteder aux positions et aux activiteacutes sociales valoriseacutees

Apregraves les politiques industrielles et drsquohabitat agrave partir des anneacutees 1950 geacuteneacuterant une extension

de la ville et de ses formes avec une modification des eacutetats de division sociale anteacuterieure des

espaces urbains des politiques diverses ont agrave partir des anneacutees 1970 geacuteneacutereacute de nouvelles

modaliteacutes seacutegreacutegatives La politique du logement instaurant lrsquoaide agrave la personne (1977) drsquoune

part pour fluidifier les trajectoires reacutesidentielles individuelles entre segments du parc de

logements et drsquoautre part le mode de deacuteveloppement ineacutegalitaire face agrave la crise eacuteconomique

suscitant de lrsquoexclusion socio-eacuteconomique ont produits un effet pervers de releacutegation spatiale

des preacutecaires et exclus dans les espaces les plus deacutevaloriseacutes aux yeux des citadins geacuteneacuterant

des concentrations de populations en difficulteacutes sociales probleacutematiques socialement

Et puisqursquoun eacutetat de seacutegreacutegation est toujours difficile agrave cerner (Magri 1996) nous nous

demandons dans ce chapitre si le processus de deacuteclin social qui srsquoest deacuteveloppeacute dans les

territoires de grands ensembles nrsquoest pas reacuteveacutelateur voire un instrument deacuteterminant drsquoune

forme moderne de seacutegreacutegation spatiale des exclus socio-eacuteconomiques expliquant ainsi

lrsquoeacutemergence des thegravemes de la ghettoiumlsation et du ghetto dans les villes contemporaines

A- Exclusion releacutegation spatiale et laquo ghettoiumlsation raquo dans les grands ensembles

Lrsquoexclusion socio-eacuteconomique produit-elle des effets tangibles speacutecifiquement urbains et

notamment sur le plan des espaces reacutesidentiels et des pratiques sociales non lieacutees au travail

Un important point de deacutebat est celui de lrsquoeacutevolution de la reacutepartition spatiale des cateacutegories

68

sociales qui serait imputable au pheacutenomegravene eacutetudieacute La preacutecarisation professionnelle des

moins qualifieacutes des jeunes de certains immigreacutes des femmes ainsi que des laquo seniors raquo leur

exclusion durable parfois de la sphegravere productive et les effets eacuteconomiques sociaux

familiaux et psychologiques de cette situation ainsi que la hausse des ineacutegaliteacutes sociales qui

srsquoensuit en interaction avec lrsquoenvoleacutee des revenus des cateacutegories supeacuterieures du priveacute

constituent une seacuterie de pheacutenomegravene coiumlncidant avec la bipolarisation aux deux extreacutemiteacutes des

espaces sociaux (Preacuteteceille 2006) drsquoune part les quartiers accueillant davantage de

cateacutegories supeacuterieures sont plus nombreux et ces cateacutegories y sont proportionnellement en

croissance et drsquoautre part il y a accentuation de lrsquohomogeacuteneacuteisation sociale drsquoune laquo minoriteacute

significative raquo de quartiers populaires srsquoeacutecartant plus fortement du profil des espaces moyens

meacutelangeacutes et eacutevidemment du profil des quartiers supeacuterieurs Un renforcement des polarisations

sociales de lrsquoespace srsquoest produit de chaque cocircteacute des espaces mixtes ou plutocirct des espaces

sans polarisation ceux-ci restent neacuteanmoins preacutedominants et stables depuis la fin du XXe

siegravecle selon la part de la population active totale (45 )

En fait les espaces deacutejagrave polariseacutes se renforcent dans leur caractegravere par lrsquoaugmentation de la

preacutesence des cateacutegories sociales dominantes dans les mecircmes secteurs spatiaux Ce qui ne

signifie pas qursquoun secteur soit occupeacute totalement par une seule grande cateacutegorie sociale

Cependant les quartiers les plus meacutelangeacutes (ougrave aucune grande cateacutegorie sociale nrsquoest

surrepreacutesenteacutee) se rapprochent leacutegegraverement dans leur composition des espaces ougrave preacutedominent

les classes populaires et les meacutenages immigreacutes Il faut aussi indiquer que tout lrsquoespace des

cateacutegories et des espaces geacuteographiques des classes moyennes est lui-mecircme en cours de

polarisation des nouvelles cateacutegories intermeacutediaires plus dynamiques deacutemographiquement

lieacutees aux technologies reacutecentes remplacent les classes moyennes traditionnelles mais sans

qursquoil y ait forceacutement seacutegreacutegation dans lrsquoensemble (Preacuteteceille 1995-a)

Ces constats drsquoeacutevolution des espaces sociaux convergent avec ceux drsquoordre socio-

eacuteconomique sur lrsquoappauvrissement depuis les anneacutees 1980 des cateacutegories modestes et

moyennes du fait de la preacutecarisation de lrsquoemploi des seacuteparations familiales des processus

drsquoexclusion sociale et de la fragiliteacute des liens primaires drsquoentraide Avec le deacutepart degraves les

anneacutees 1960 (Peillon 2001) de meacutenages de cateacutegories supeacuterieures puis moyennes surtout de

meacutenages jeunes hors des quartiers de grand ensemble notamment drsquohabitat social les

identiteacutes socio-urbaines des grands ensembles drsquohabitat se sont modifieacutees en termes de

paupeacuterisation et drsquoaffaiblissement des statuts socio-eacuteconomiques des habitants Mais ce

deacuteclassement concerne bien plutocirct des cateacutegories modestes degraves le deacutepart le mythe urbain des

69

grands ensembles comme habitat des classes moyennes salarieacutees fondues avec les anciennes

classes populaires drsquoindustries ne doit pas ecirctre pris comme une reacutealiteacute historique ces espaces

ont eacuteteacute en tregraves large majoriteacute peupleacutes degraves leur livraison par des meacutenages modestes ouvriers et

employeacutes drsquoexeacutecution

Les meacutenages moyens nrsquoeacutetaient bien souvent que de jeunes meacutenages au deacutebut de leur

ascension ils se sont tregraves rapidement trouveacutes incommodeacutes par la promiscuiteacute spatiale avec

les normes majoritaires des cateacutegories populaires Si les structures sociales initiales pouvaient

paraicirctre globalement moyennes crsquoeacutetait du fait de la stabiliteacute drsquoemploi et de la bi-activiteacute

eacuteventuelle des meacutenages ouvriers et employeacutes La crise eacuteconomique des anneacutees 1970 a briseacute

cette image drsquoabord une diversification progressive puis avec lrsquoaccroissement du

pheacutenomegravene de deacuteclassement des meacutenages une homogeacuteneacuteisation des situations sociales laquo vers

le bas raquo

Cette eacutevolution nrsquoa pas eacuteteacute sans rapidement geacuteneacuterer des tensions notamment parce que les

politiques eacuteconomiques et sociales nrsquoont pas deacuteveloppeacute de dispositifs suffisamment efficaces

drsquoaccompagnement de formation et de protection des cateacutegories preacutecariseacutees ni de dispositifs

eacuteconomiques assurant un plus important partage du travail et une creacuteation plus forte de

nouvelles activiteacutes publiques et priveacutees demandeuses de main drsquoœuvre Pour certains

srsquoinscrivant dans la logique de lrsquoexclusion aboutissant agrave la laquo territorialisation du social raquo ce

sont eacutegalement les collectiviteacutes territoriales dont les communes qui nrsquoont pas deacuteveloppeacute

assez tocirct des politiques drsquointeacutegration notamment des immigreacutes adapteacutees agrave leurs situations

nouvelles (Lapeyronnie 1991)

Ces premiegraveres observations montrent que au niveau drsquoun type drsquoespace social particulier

drsquoeacutechelle non neacutegligeable mecircme si du niveau infra-agglomeacuteration les repreacutesentations

meacutetaphoriques en termes de laquo dualisation raquo ou drsquolaquo eacuteclatement raquo de la ville sont concernant

les formations sociales certainement caricaturales Le premier net mouvement de polarisation

ndash celui de lrsquoisolement reacutesidentiel rechercheacute est circonscrit agrave une tranche limiteacutee des couches

supeacuterieures Cette seacutelectiviteacute reacutesidentielle est le plus souvent lieacutee agrave la cartographie des

eacutetablissements scolaires les plus prestigieux ou promoteurs (Maurin 2004) puisque la

formation scolaire constitue le premier maillon drsquoune chaicircne de (re)production des eacutelites

sociales et des carriegraveres supeacuterieures

Le second mouvement de polarisation socio-spatiale relegraveve drsquoun pheacutenomegravene

drsquoassignationreleacutegation et de regroupement des cateacutegories marginaliseacutees pauvres etou

70

exclues dans les mecircmes espaces urbains deacutegradeacutes et deacutevaloriseacutes Dans les zones drsquohabitat

social deacutevaloriseacute notamment la releacutegation spatiale des plus pauvres est aussi devenue

synonyme drsquoune immobiliteacute reacutesidentielle forceacutee Depuis pregraves de trente ans crsquoest le sentiment

de ne pouvoir eacutechapper agrave une zone drsquohabitation voueacutee agrave une deacutegradation lente et continue qui

creacutee le malaise et lrsquoinseacutecuriteacute deacuteficit de mobiliteacute mauvaise insertion dans le marcheacute de

lrsquoemploi faible consommation de biens et de services entraicircnant la deacutesaffection des

eacutequipements commerciaux administratifs et culturels vie quotidienne dans une aire limiteacutee

et enclaveacutee et aussi faible deacuteveloppement du marcheacute du logement Des situations de conflits

et de tensions lieacutees agrave une cohabitation non deacutesireacutee se deacuteveloppent et favorisent des attitudes

seacutegreacutegatives et le sentiment drsquoinseacutecuriteacute Ainsi globalement lrsquoaccentuation des polarisations

traduit la vigueur des tendances agrave la seacutegreacutegation et agrave lrsquoexclusion dans les rapports sociaux de

cohabitation urbaine (Brun 1998 Clavel 1998)

Depuis les anneacutees 1990 la reconnaissance de la fragmentation de lrsquouniteacute urbaine est lieacutee aux

processus de meacutetropolisation de la socieacuteteacute qui eacutevoque la production de tregraves grandes villes

dans lesquelles vivent de plus en plus de personnes et imprime un mode de vie dominant agrave

lrsquoensemble de la socieacuteteacute y compris ces parties situeacutees dans un cadre non urbain Ce cadre

favorise des meacutecanismes multiples de diffeacuterenciations sociales et spatiales susceptibles de

fragiliser les liens sociaux (Bassand Kaufmann Joye 2002 Paquot Lussault Body-

Gendrot 2000 Steacutebeacute Marchal 2010) redeacuteploiement de seacutegreacutegations anciennes et

accentuation de la speacutecialisation fonctionnelle de lrsquoespace dans les agglomeacuterations urbaines

combinant centre historique compact et dense et zones sub- et peacuteriurbaines plus ou moins

diffuses avec de nouvelles centraliteacutes autonomisation des diffeacuterents niveaux drsquointeacutegration

sociale (famille voisinage quartier communeshellip) accentuation des ineacutegaliteacutes sociales entre

quartiers plus ou moins homogegravenes permise par le marcheacute du logement et les affiniteacutes

socioculturelles et deacuteconnexion systeacutematique de lrsquoespace et du temps dans la vie quotidienne

(plusieurs lieux pour des activiteacutes diffeacuterentes courses relations sociales travail et loisirs

ayant des temporaliteacutes diverses)

Dans les meacutegalopoles (plus de 10 millions drsquohabitants) aux limites de plus en plus incertaines

qui recouvrent un espace reacutegional couvrant plusieurs agglomeacuterations comme la reacutegion

parisienne ou dans les grandes villes reacutegionales les activiteacutes sont de plus en plus lieacutees agrave

lrsquoeacuteconomie mondiale le laquo tertiaire global raquo baseacutee sur des entreprises internationales et leurs

services financiers et informationnels avec un poids eacuteleveacute de la haute technologie

71

industrielle Elle srsquoimplante dans quelques laquo villes globales raquo internes aux grandes reacutegions

urbaines en reacuteseau dans le monde comme lrsquoa conceptualiseacute Saskia Sassen (1996 2004) et

dans lesquelles augmentent les cateacutegories supeacuterieures diplocircmeacutees et les cateacutegories moyennes

avec un recul des classes populaires les moins qualifieacutees (proleacutetariat tertiaire remplaccedilant le

proleacutetariat industriel)

Les effets de cette orientation se combinent avec les fonctions et les activiteacutes de toute

sorte qui preacuteexistaient dans les villes concerneacutees politiques industrielles et services lieacutes aux

Eacutetats et agrave lrsquoimportance des marcheacutes de consommation (Preacuteteceille 1995-b) Une deacuteformation

progressive conseacutequente des structures sociales comme en reacutegion parisienne srsquoest manifesteacutee

avec une progression des cateacutegories supeacuterieures lieacutees aux entreprises une reacutegression des

cateacutegories moyennes et ouvriegraveres drsquoindustrie traditionnelle une augmentation des cateacutegories

moyennes tertiaires et enfin un recul du proleacutetariat tertiaire qui srsquoest en grande partie

substitueacute au proleacutetariat ouvrier Lrsquoaccentuation des hieacuterarchies et des ineacutegaliteacutes sociales a

favoriseacute les effets de polarisations sociales de lrsquoespace Pour Paris et sa reacutegion pilier du

deacuteveloppement du secteur tertiaire pour tout le territoire national cette eacutevolution srsquoest traduite

par lrsquoaccentuation de la surrepreacutesentation nationale des chefs drsquoentreprise des professions

libeacuterales de lrsquoinformation des arts et du spectacle

La complexiteacute des espaces reacutesidentiels de par leur meacutelange majoritaire et la logique sous-

jacente de leurs dynamiques interdisent cependant drsquoeacutevoquer abruptement des images

simples comme la laquo ville duale raquo ou laquo eacuteclateacutee raquo pour deacutecrire ses reacutealiteacutes Ces notions ont

mecircme des usages scientifiques plus particuliers pour aborder soit lrsquoeacutetalement de la ville avec

lrsquoaffaiblissement de son uniteacute et de sa fonction politique et institutionnelle (Lefebvre 1968

1970 Beauchard 1993) soit des effets de diffeacuterenciations sociales de lrsquoespace duales ou

tripartites selon les theacuteories Dans les deux cas ces notions ne srsquoadaptent pas vraiment agrave

lrsquoanalyse drsquoun espace telle une commune drsquoune grande agglomeacuteration Par exemple le terme

de dualisation appliqueacute aux vifs contrastes reacuteels entre les extrecircmes des situations

reacutesidentielles (les laquo beaux-quartiers raquo et les quartiers deacutefavoriseacutes) nrsquoaboutit-il agrave ne retenir que

celles-ci drsquoautant plus si elles srsquoaccentuent dans le temps

La laquo gentrification raquo est drsquoailleurs statistiquement bien visible ainsi que agrave lrsquoautre bout de

lrsquoeacutechelle sociale la concentration des groupes marginaliseacutes chocircmeurs et immigreacutes peu

qualifieacutes dans les ensembles de logement social et les quartiers anciens deacutegradeacutes Les eacutetudes

socio-deacutemographiques extensives (sur lrsquoensemble du territoire national) mettent drsquoailleurs agrave

jour la preacutesence importante de nombreux chocircmeurs et preacutecaires dans presque tout type

72

drsquoespace sociogeacuteographique deacutelimiteacute selon le critegravere drsquohomogeacuteneacuteiteacute sociale relative

(commune ou secteur urbain) sauf celui des actifs les plus riches et diplocircmeacutes (Martin-

Houssard Tabard 2003)31 Cependant si le facteur laquo chocircmage raquo est devenu un critegravere

incontournable de la structuration sociale des espaces tant est systeacutematique laquo lrsquoexclusion

territoriale des chocircmeurs raquo la dualisation des statuts sociaux des habitants de lrsquoensemble des

espaces geacuteographiques nrsquoimplique pas du tout une bipartition spatiale geacuteneacuteraliseacutee dans

lrsquoensemble de ceux-ci

Lrsquoartefact statistique produit cette image qui est drsquoailleurs plus forte dans les parties urbaines

les plus modestes Sans oublier que lrsquoanalyse de la concentration spatiale deacutepend largement

de lrsquoeacutechelle spatiale prise en compte car mecircme dans les espaces ougrave elle apparaicirct la plus forte

elle ne se reacutevegravele que partielle avec une reacutealiteacute plus diffuse comme dans le cas des quartiers

deacutegradeacutes drsquohabitat social (Avenel 2001 Dubet 1999) Concentration spatiale ne signifie

donc pas la dualisation spatiale expression utiliseacutee de faccedilon reacuteductrice agrave des fins drsquoanalyse

parfois De mecircme les laquo quartiers de chocircmeurs raquo se distinguent statistiquement dans la plupart

des secteurs aux cateacutegories les plus modestes et preacutecaires mais ce sont des quartiers ougrave srsquoils

se trouvent en majoriteacute des chocircmeurs il y vit drsquoautres actifs occupeacutes La bipartition ne peut

donc ecirctre eacutevoqueacutee objectivement

La ville est donc moins globalement eacuteclateacutee ou dualiseacutee qursquoelle ne connaicirct des deacuteseacutequilibres

ou des polarisations plus ou moins accentueacutes par le deacuteveloppement eacuteconomique et les

eacutevolutions politiques et sociales ainsi que par les mouvements divergents de mobiliteacute

reacutesidentielle selon les grandes cateacutegories sociales Comment dans ce cadre deacutecrire les

quartiers laquo sensibles raquo qui ne peuvent ecirctre reacuteduits agrave des zones de concentration socio-urbaine

de familles pauvres puisque drsquoune part ce caractegravere est relatif agrave lrsquoeacutechelle drsquoobservation

choisie et drsquoautre part tous les espaces comprenant des personnes pauvres ne sont pas des

laquo quartiers sensibles raquo deacutefinis en partie par drsquoautres caracteacuteristiques comme des violences et

une deacutelinquance des jeunes et de mecircme tous les individus ou meacutenages pauvres ou en

difficulteacutes sociales ne sont pas concentreacutes dans les seuls espaces reacutesidentiels laquo ghettoiumlseacutes raquo en

majoriteacute

31 Cette publication srsquoinscrit dans la ligneacutee des travaux de lrsquoINSEE depuis 1975 concernant la partition du territoire selon les critegraveres socio-eacuteconomiques La classification des communes selon la composition des positions drsquoemploi des habitants (cateacutegories professionnelles et branches drsquoactiviteacute eacuteconomique de lrsquoentreprise) est reacutealiseacutee sur la base des actifs hommes seulement des meacutenages Depuis 1999 lrsquoanalyse est entreprise agrave lrsquoeacutechelle infra-communale pour les communes de + de 10 000 habitants avec lrsquouniteacute Triris crsquoest-agrave-dire trois icirclots Iris de 2 000 habitants au minimum soit pour le Triris 5 000 habitants au minimum Les IRIS eacutetant deacutejagrave des plus petits Icirclots regroupeacutes pour lrsquoinformation statistique

73

Cependant si tous les lieux drsquohabitation des pauvres ne subissent pas de fortes tensions

sociales il reste que les territoires de fortes tensions sociales comportent une part importante

de personnes et de meacutenages en difficulteacutes sociales Comment analyser alors la speacutecificiteacute de

lrsquoentiteacute sociale composeacutee des diverses cateacutegories de personnes et de meacutenages vivant dans ces

zones de regroupement Les espaces ouvriers ou drsquohabitat social ne sont pas des espaces

structureacutes par quelques principes centraux (conflits du travail) par des normes sociales

partageacutees par la majoriteacute ou mecircme par un code de langage ou des valeurs stables et accepteacutees

par la plupart Ce ne sont pas non plus des zones complegravetes de pauvreteacute

Il nrsquoy a pas de profil-type de ces espaces puisque les combinaisons entre cateacutegories sociales

en preacutesence sont multiples Neacuteanmoins au tournant des anneacutees 2000 une tendance geacuteneacuterale

srsquoest deacutegageacutee agrave partir des eacutetudes statistiques disponibles (Avenel 2002) la moitieacute de la

population des quartiers prioritaires de la politique de la ville y serait stable avec des revenus

moyens et lrsquoautre moitieacute y serait preacutecaire avec une grande minoriteacute drsquoinstables eacuteconomiques

(30 ) et de deacutependants aux dispositifs sociaux (10 ) La premiegravere moitieacute de population

laquo stable raquo regroupe drsquoune part des cateacutegories aux revenus fixes comme les retraiteacutes de

tranches moyennes de revenus (environ 15 dans le calcul de lrsquoeacutepoque rapporteacute par Avenel)

et drsquoautre part des meacutenages aux revenus plus confortables drsquoouvriers et drsquoemployeacutes souvent

qualifieacutes en tant que cateacutegories supeacuterieures des classes populaires (environ 35 )

En ce qui concerne la deuxiegraveme moitieacute de la population de ces espaces la partie preacutecaire

quatre cateacutegories la composent 1 les inactifs aux faibles ressources comme certaines

femmes seules et certains eacutetudiants (env 15 ) 2 une frange preacutecariseacutee drsquoemployeacutes et

drsquoouvriers les laquo travailleurs pauvres raquo aux emplois stables mais avec de faibles revenus

pour leurs meacutenages qui se trouvent sous le seuil de pauvreteacute (env 10 ) 3 des individus

aux emplois instables et preacutecaires au seuil de la deacutependance (env 15 ) dont les ⅔ ont moins

de 35 ans et vivent avec moins de 40460 euro (2 650 F) mois (agrave la fin des anneacutees 1990) et 4

un groupe sous le seuil de la deacutependance dont les revenus proviennent exclusivement des

prestations sociales (environ 11 ) avec des revenus leacutegegraverement plus faibles que les

instables

Ces grandes cateacutegories sont fortement heacuteteacuterogegravenes relatives et mouvantes selon les quartiers

et les peacuteriodes temporelles Serge Paugam (1995) avait bien rappeleacute au milieu des anneacutees

1990 lrsquoeffet principal de cette proximiteacute spatiale de meacutenages pauvres de situations sociales

complegravetement diffeacuterentes lrsquoempecircchement de toute organisation drsquoune entiteacute collective de

74

soutien et drsquoentraide Il srsquoagit bien drsquoun effet social de lrsquohabitat social ou du moins de

certaines de ces composantes sur la deacutegradation des liens sociaux locaux Les eacutevolutions des

profils sociaux des communes sont drsquoailleurs tregraves nuanceacutees et diffeacuterencieacutees par quartier et

reacutesidence diminution ou maintien des cateacutegories populaires augmentation des cateacutegories

aiseacutees ou intermeacutediaireshellip Pour Marco Oberti (1995) de multiples eacutevolutions disparates et

micro-localiseacutees accentuent lrsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute sociale primaire due agrave la diversiteacute de la structure

du parc de logements des eacutequipements et des services disponibles ainsi qursquoagrave lrsquoimage sociale

des sous-quartiers

Dubet (1999) a deacutenommeacute les populations des quartiers de releacutegation des laquo classes moyennes

proleacutetariseacutees raquo soulignant ainsi le pheacutenomegravene de paupeacuterisation de classes moyennes qui a eu

lieu Peut-ecirctre y voit-il aussi la releacutegation des pauvres dans des espaces preacutevus pour les

nouvelles classes moyennes urbaines de la moderniteacute Les rapports sociaux y sont marqueacutes

de maniegravere assez geacuteneacuterale par une laquo humeur seacutegreacutegative raquo permettant de se deacutemarquer des

problegravemes des voisins et drsquoavoir agrave ne reacutegler que les siens individuellement (Avenel 2001) Ce

reacutegime relationnel nrsquoempecircche pas que chaque quartier selon les compositions sociales des

parcs drsquohabitat deacuteveloppe au fil du temps une identiteacute collective propre des repreacutesentations

multiples et variables dans le temps et selon les individus et les groupes sociaux dont les sens

deacutependent des contextes territoriaux dans lesquels ils se trouvent (Plouchard 1999)

Ainsi la singulariteacute du peuplement des grands ensembles deacutetermineacute le plus souvent par les

politiques de mixiteacute sociale des bailleurs sociaux est que lrsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute de ces composantes

empecircche toute creacuteation durable de liens sociaux (Dubet 1999) Lrsquoimage homogegravene et

neacutegative des quartiers pauvres notamment drsquohabitat social malgreacute leur forte diversiteacute reacuteelle

provient de la manifestation des tensions et des micro-seacutegreacutegations sociales entre groupes et

individus fragiles vulneacuterables preacutecaires et drsquoorigine immigreacutee (Plouchard 1999 Delarue

1991) Elles sont lieacutees agrave la dispersion dans lrsquoespace des diffeacuterentes cateacutegories de personnes et

de familles agrave problegravemes qui pegravese sur la sociabiliteacute les pratiques et les conduites locales drsquoougrave

lrsquoattitude de meacutefiance dans un contexte de diversiteacute des trajectoires et des situations de

faiblesses des revenus et des effets drsquoun processus global de deacuteclassement social et

symbolique

Donzelot (2004) le rapporte aussi cette contrainte drsquoun entre soi le caractegravere subi du

voisinage heacuteteacuterogegravene et pauvre souvent se rajoute de maniegravere pesante avec le confinement

reacutesidentiel qui affecte les plus deacutefavoriseacutes La situation nrsquoest en fait ni entiegraverement neacutegative

ni geacuteneacuteralisable en tous lieux des reacuteseaux de solidariteacute et drsquoentraide des reacuteseaux

75

communautaires et de jeunes existent bien (Dubet 1995) avec la dureacutee de reacutesidence des

liens peuvent srsquoeacutetablir entre des personnes et diffeacuterents groupes drsquoune citeacute Mais ces liens se

font encore trop souvent selon des affiliations subjectives entretenues par des attitudes de

retenue et de mise agrave distance et non sur une base de sentiment drsquoappartenance agrave une

communauteacute de vie objective Comment donc formaliser les principes du quotidien des

habitants les plus preacutecaires des quartiers subissant la releacutegation sociale Pour ce mecircme

auteur il y en a quatre drsquoun cocircteacute la deacutesorganisation sociale et laquo lrsquoexclusion relative raquo (du

travail et du systegraveme social) et de lrsquoautre cocircteacute la participation deacutependante de lrsquoaction sociale

et lrsquointeacutegration communautaire des populations issues de lrsquoimmigration

Ainsi les deacuteseacutequilibres sociaux de peuplement de la ville geacuteneacutereacutes par la crise-mutation de

lrsquoeacuteconomie et du systegraveme politique et social ont-ils accru une forme de mixiteacute sociale et

culturelle non pas entre grandes cateacutegories sociales (moyennes et modestes par exemple)

mais plutocirct au sein des cateacutegories modestes selon une stratification fine sur le plan social

mais drsquoimportance pour les rapports sociaux de distinction sociale internes aux espaces

locaux Cette mixiteacute contrainte est agrave lrsquoorigine des tensions et des conflits entre groupes

sociaux en preacutesence sur fond de processus sociaux englobants de deacutevalorisation spatiale de

deacutelaissement institutionnel et de stigmatisation collective

Les laquo eacuteclats raquo sociaux dans les villes ne concernent-ils pas alors plutocirct les manifestations

diverses de conflits interpersonnels et parfois collectifs de laquo basse ou de haute intensiteacute raquo

(Mohammed Mucchielli 2003) agrave lrsquooccasion des interactions multiples entre habitants au

sein des mecircmes meacutenages parfois entre voisins plus ou moins proches ou encore entre

habitants et agents drsquoinstitutions diverses agissant sur place La cohabitation et le cocirctoiement

posent les conditions de lrsquointensification des difficulteacutes sociales de chacun comme le

rappellent plusieurs observations de lrsquoeacutequipe de Pierre Bourdieu (1993) dans lrsquoouvrage La

misegravere du monde Ces difficulteacutes se mateacuterialisent dans lrsquoensemble de lrsquoespace physique des

habitants essentiellement selon trois traits drsquoabord le deacutesordre urbain dans ses deux aspects

physique et social avec des pratiques deacutelinquantes et un ensemble lieacute de comportements

sociaux et de proprieacuteteacutes eacutecologiques de lrsquoespace synonymes drsquoanomie par ailleurs une

morphologie architecturale et urbaine brute et surtout inseacutecure des espaces sous lrsquoeffet de

comportements troublants ou menaccedilants de certains habitants subissant et exprimant

individuellement une partie de lrsquoanomie collective parfois dominante et enfin lrsquoethnicisation

des relations sociales crsquoest-agrave-dire la mise en avant des critegraveres ethniques dans les relations

76

Ces traits constateacutes par drsquoautres (Lepoutre 1997 Paugam 1995) favorisent dans des

contextes de voisinage tendus les conduites attentoires entre habitants et dans leurs rapports

avec le reste de la ville La violence srsquoest deacuteveloppeacutee comme mode drsquoexpression et a eacuteteacute

instrumentaliseacutee agrave des fins preacutedatrices Par exemple selon Hugues Lagrange (1995) ce qui

diffeacuterencie au deacutebut des anneacutees 1990 les secteurs drsquohabitation pauvres des espaces riches

crsquoest bien la preacutegnance de la violence dans les premiers (8 agrave 9 fois plus de violence que dans

les seconds) et celle des viols et de la drogue (2 fois plus dans les communes pauvres

qursquoaiseacutees) Globalement les quartiers sensibles sont quatre agrave cinq fois plus toucheacutes par la

deacutelinquance que les autres quartiers Lrsquoimpact de ces monteacutees de violence et de criminaliteacute se

ressent globalement au niveau national la criminaliteacute globale depuis le deacutebut des anneacutees

1950 jusqursquoagrave la fin des anneacutees 1990 croicirct de faccedilon spectaculaire (de 05 agrave 2 millions de deacutelits

et crimes soit quatre fois plus) porteacutee drsquoabord par une forte pousseacutee des preacutedations (vols et

cambriolages x 11) puis deacutetermineacutee aussi agrave partir des anneacutees 1980 par une hausse de la

violence (coups et blessures eacutemeutes deacutegradations mais aussi outrages agrave la police et agrave des

repreacutesentants de lrsquoEacutetat)

Cette violence se deacuteveloppe drsquoabord de maniegravere progressive puis brutale agrave partir des anneacutees

1990 selon les sources policiegraveres32 (Lagrange 1995) En revanche selon Philippe Robert

(2002) si au deacutebut des anneacutees 2000 vols et violences ont globalement sur le plan des

cateacutegories statistiques directes leacutegegraverement deacuteclineacute avec des variations locales il reste que

lrsquoon ne peut conclure agrave la tendance agrave la baisse de la violence celle-ci semble plutocirct se

deacuteplacer du champ conflictuel et expressif agrave celui de lrsquoinstrumentalisation pour les vols

puisque ce sont pregraves de 70 des violences subies par les individus qui le sont pour des vols

ces violences ne sont pas classeacutees dans les agressions ce qui diminuent leur visibiliteacute

statistique Au cours des anneacutees 2000 cette tendance srsquoest accentueacutee33 si le taux de

criminaliteacute (ensemble des crimes et deacutelits rapporteacute agrave 1 000 habitants) a baisseacute de 6408 permil en

2000 agrave 53 permil en 2011 de maniegravere continue (avec une stagnation entre 2001 et 2002) en raison

de la baisse continue des atteintes aux biens (1 804 600 vols plus 341 900 destructions et 32 Les statistiques policiegraveres ne repreacutesentent qursquoune mesure des activiteacutes de signalement aux parquets drsquoune partie de la deacutelinquance connue par les services de police et de gendarmerie (beaucoup de faits restent consigneacutes en main-courante ou classeacutes par les policiers sans trace pour les parquets) Pour ce qui est des vols et des atteintes aux personnes lrsquoappareil de collecte qui est ici policier et eacutegalement administration drsquoaction est jugeacute par les speacutecialistes pour beaucoup des infractions comme suffisamment stable dans le temps pour permettre des examens drsquoeacutevolution des faits (Aubusson de Cavarlay 1997 Robert 2002 Mucchielli 2001 Lagrange 1995 Rocheacute 1993) Ces statistiques sont compleacuteteacutees par des enquecirctes systeacutematiques de victimation pour deacutegager les grandes tendances drsquoeacutevolution de la deacutelinquance 33 Cf les dossiers theacutematiques laquo Conditions de vie ndash Socieacuteteacute raquo du site internet de lrsquoINSEE les tableaux laquo Taux de criminaliteacute raquo laquo Faits constateacutes en 2011 raquo et laquo Part des mineurs dans la criminaliteacute et la deacutelinquance en 2011 raquo et le dossier laquo Criminaliteacute ndash deacutelinquance raquo (INSEE - Reacutefeacuterences feacutevrier 2012)

77

deacutegradations en 2011) sauf pour les vols avec violence qui progresse toujours (leur nombre

en 2009 112 800 augmente de 73 en 2010 et ne baisse que tregraves leacutegegraverement de 01

entre 2010 et 2011) en revanche en 2011 le taux drsquoatteintes volontaires agrave lrsquointeacutegriteacute

physique 74 permil plafonne agrave sa plus haute valeur depuis 1996 (avec hausse de 138 entre

2003 et 2010 comprenant pour la premiegravere fois cette valeur de 74 permil) sous lrsquoeffet de la

croissance continue des violences crapuleuses surtout (121 200 en 2010 + 73 depuis

2009 mais leacutegegravere baisse de 01 entre 2010 et 2011) et un peu moins des violences non

crapuleuses (deux fois plus importantes que les preacuteceacutedentes) les violences sexuelles (de

lrsquoordre de 23 000 par an) et des menaces et chantages (80 000 par an)

Un des facteurs de cette croissance est la violence des mineurs reacuteveacutelant ainsi les difficulteacutes

de socialisation qursquoils rencontrent (eacutechec scolaire tensions familiales difficulteacutes drsquoinsertion

professionnelle chocircmage de longue dureacutee) Leur part dans lrsquoensemble des mis en cause est

passeacutee de 13 en 1990 agrave 21 en 2000 puis varie depuis 2005 autour des 18 (189 en

2010 et 177 en 2011) Cette hausse provient en grande partie du doublement de leur part

dans les crimes et deacutelits contre les personnes (coups et blessures volontaires menaces ou

chantages viols) entre 1990 (72 ) et 2000 (159 les trois sous-cateacutegories composantes

augmentent de maniegravere importante) Depuis ce niveau de violence se maintient avec de

leacutegegraveres fluctuations entre 2005 (144 ) et 2011 (158) En 2001 pregraves drsquoun vol avec

violence sans arme agrave feu sur deux (505 ) est causeacute par un mineur contre moins drsquoun tiers

(314 ) en 1990 (464 en 2000) En 2005 pregraves drsquoun cinquiegraveme (199 ) des faits de port

et deacutetention drsquoarmes prohibeacutes relegravevent drsquoun mineur contre 112 en 1990 (165 en 2011)

Et depuis 2000 pregraves drsquoun incendie volontaire sur deux relegravevent de ceux-ci 471 en 2000

484 en 2005 514 en 2008 et 472 en 2011 (contre 275 en 1990) Cette aggravation

de la violence notamment sous lrsquoeffet de la jeunesse en difficulteacutes place la France au niveau

europeacuteen le plus eacuteleveacute des taux drsquohomicides De toute lrsquoUnion europeacuteenne (dont les pays plus

pauvres drsquoEurope centrale et de lrsquoEst) avec le deuxiegraveme niveau le plus eacuteleveacute de crimes et

deacutelits violents en 2008 (331 800 faits constateacutes loin derriegravere la Grande Bretagne (1 035 000)

mais devant lrsquoAllemagne (210 900) lrsquoItalie (146 600) lrsquoAutriche (129 600) et lrsquoEspagne

(116 600)) la France a le taux moyen 2006-2008 drsquohomicides (pour 100 000 habitants) le

plus important de tous les grands pays Ouest-europeacuteens 137 (839 homicides en 2008)

contre 084 pour lrsquoAllemagne (656 homicides en 2008) 102 pour lrsquoEspagne (408) 113 pour

lrsquoItalie (654) et 135 pour le Royaume-Uni (Angleterre et Pays de Galles uniquement 662

homicides en 2008)

78

B- Des politiques de la ville et sociales territorialiseacutees inefficaces

Avec ces premiegraveres donneacutees issues de divers travaux il apparaicirct que lrsquoenjeu cognitif

concernant les zones laquo sensibles raquo ne se limite pas agrave la seule question de lrsquoeacuteventuelle

concentration territoriale des pauvres dans certains quartiers ou espaces plus larges puisqursquoil

y a laquo bien plus drsquoallocataires de minima sociaux de pauvres de logements deacutegradeacutes en

dehors de ces quartiers raquo rappelle Julien Damon (2004-a) mais lrsquoenjeu laquo crsquoest bien (plutocirct)

la concentration de problegravemes issue de dynamiques de seacutegreacutegation socio-spatiales qui srsquoauto-

alimentent raquo (p 7) qui est au cœur de la probleacutematique sociologique Ces tensions sont lieacutees

aux mouvements de territorialisation urbaine eux-mecircmes lieacutes aux eacutevolutions et aux

modifications de structure sociale qursquoont geacuteneacutereacutes les processus eacuteconomiques et

sociopolitiques lieacutes agrave la globalisation eacuteconomique Lrsquoobjet de cette sociologie est alors selon

Damon (2004-a) laquo (lrsquo)intensiteacute localiseacutee et (lrsquo)ineacutegaliteacute de la distribution spatiale des

problegravemes sociaux qui posent problegraveme en termes de coheacutesion sociale raquo Lrsquoexemple des

eacutemeutes de la part de jeunes deacutestructureacutes de certains quartiers seacutegreacutegeacutes en lien le plus

souvent avec la mort de jeunes en relations diverses avec une intervention policiegravere illustre

cette ideacutee de territoires en souffrance dont les eacutemeutes drsquooctobre et de novembre 2005 ont

constitueacute un point paroxystique par lrsquoeacutetendue des sites concerneacutes sur le territoire national et la

longueur de la dureacutee de leur manifestation (Mucchielli Le Goaziou 2007)

En effet les eacutemeutes apparues deacutejagrave sous des formes peu spectaculaires et meacutediatiseacutees dans

les anneacutees 1970 sont officiellement identifieacutees une premiegravere fois en juillet 1981 agrave Veacutenissieux

(quartier des Minguettes) dans la banlieue lyonnaise On les retrouve en 1990 agrave Vaulx-en-

Velin (banlieue lyonnaise) puis agrave Sartrouville et agrave Mantes-la-Jolie dans le deacutepartement des

Yvelines en Icircle-de-France Entre 1990 et 2005 les eacutemeutes sont devenues chroniques

(Mucchielli Aiumlt-Omar 2007) citeacute des Fontenelles agrave Nanterre (septembre 1995) Saint-Jean agrave

Chacircteauroux (mai 1996) Dammarie-les-Lys en Seine-et-Marne (deacutecembre 1997) le quartier

du Mirail agrave Toulouse (deacutecembre 1998) Vauvert dans le Gard (mai 1999) la Grande Borne agrave

Grigny et les Tarterecircts agrave Corbeil-Essonnes (septembre 2000) Les Mureaux dans les Yvelines

(janvier 2002) Hautepierre agrave Strasbourg (octobre 2002) Valdegour agrave Nicircmes (mars 2003) et

Monclar agrave Avignon (deacutecembre 2003) En 2005 il y eut deux eacutemeutes agrave Aubervilliers (1er et 2

avril) et au Mas du Taureau agrave Vaulx-en-Velin (16-19 octobre) avant les grandes eacutemeutes de

lrsquoautomne 2005 Le mouvement ne srsquoarrecircte ainsi pas lagrave puisque degraves le 1er semestre 2006

drsquoautres se sont manifesteacutees en commenccedilant par Montpellier et Montfermeil Depuis lors on

79

a vu dans lrsquointroduction plus haut que les eacutemeutes en France eacutetaient passeacutees agrave une freacutequence

de plus drsquoune tous les quinze jours en 2011 comme le relegraveve le site internet drsquoAlain Bertho34

Les eacutemeutes ne sont cependant qursquoun aspect des effets sociaux de la copreacutesence de familles et

des personnes pauvres et preacutecaires dans des espaces urbains deacutevaloriseacutes et de leur relation

avec les institutions socieacutetales La fragilisation psychologique des personnes exclues les

conduites drsquoeacutevitement les tensions familiales et lrsquoeacutechec scolaire et eacuteducatif la multiplication

de reacuteseaux drsquoeacuteconomie souterraine et illicites la diffusion des conduites drsquoivresse et de

lrsquousage des drogueshellipsont autant de pheacutenomegravenes divers qui eacutemergent et srsquoaccentuent parfois

avec la persistance de la marginalisation sociale et la paupeacuterisation des meacutenages et sur

lesquels les diverses actions des institutions de reacutegulation et drsquointeacutegration sociales semblent

avoir un faible impact Ainsi agrave lrsquoinstar du champ de lrsquourbanisme le champ eacuteconomique et

social est influenceacute voire structureacute par les politiques de lrsquoEacutetat

Politiques urbaines et politiques sociales peuvent drsquoailleurs se croiser etou srsquoassocier plus ou

moins volontairement pour servir des objectifs urbains et sociaux interdeacutependants et

compleacutementaires Par exemple simultaneacutement aux processus de mobiliteacute sociale reacutesidentielle

qui influencent le deacuteveloppement urbain des politiques sociales et urbaines ont dans le cadre

de la politique de la ville comme objectif commun drsquointervenir sur les effets de

deacutesorganisation et de deacutesordres sociaux lieacutes agrave la releacutegation des plus pauvres et des preacutecaires

dans les mecircmes espaces La perpeacutetuation ou plutocirct la persistance voire lrsquoaccentuation par

endroit des problegravemes sociaux des laquo quartiers en crise raquo srsquoexpliquerait ainsi tant par

lrsquoinfluence conjointe de pheacutenomegravenes eacuteconomiques sociaux et urbains drsquoun cocircteacute que par des

modaliteacutes de politiques publiques dans les champs eacuteconomiques sociaux et urbains de

lrsquoautre cocircteacute

En effet les mouvements de territorialisation sociale ne deacutependent pas des seules aspirations

ou des seules conditions sociales et eacuteconomiques drsquoexistence des diffeacuterentes cateacutegories

sociales dans lrsquoespace urbain LrsquoEacutetat et ses services ainsi que les collectiviteacutes locales pour et

avec drsquoautres opeacuterateurs priveacutes (promoteurs immobiliers entreprises de travaux publics

gestionnaires et bailleurs sociaux organismes divershellip) ont un rocircle dans le devenir des

cateacutegories sociales et des espaces De mecircme que les politiques sociales constituent lrsquoobjet

principal drsquoanalyse sociologique de la pauvreteacute (Simmel 2005 Autegraves 2006) il y a alors bien

lieu drsquoanalyser lrsquoaction politique et sociale qui vise les effets socio-urbains probleacutematiques de

la crise-mutation de lrsquoeacuteconomie agrave des fins drsquointeacutegration sociale et urbaine (Bachman Le 34 httpberthoalaincom

80

Guennec 1996) Dans ce domaine le constat principal est que les quartiers deacutegradeacutes de

grands ensembles drsquohabitat social relegravevent drsquoun veacuteritable deacutelaissement institutionnel et

politique (Peillon 2001 Wacquant 2007) tant par manque de volonteacute que par incapaciteacute agrave

trouver des solutions adapteacutees aux attentes des populations marginaliseacutees par effet de

deacuteconnexion avec celles-ci

Nrsquoest-il pas en effet exact que lrsquoEacutetat garant de la coheacutesion sociale a depuis les anneacutees 1970

fait montre drsquoune faible capaciteacute drsquoaction sociale efficace notamment en milieu urbain

Jacques Donzelot et Philippe Estegravebe (1994 p 220) eacutecrivent dans lrsquoEacutetat animateur que laquo les

meacutecanismes geacuteneacuteraux de solidariteacute laissent passer une part croissante de la populationhellip Par

lrsquoeffet de leur conception sectorielle et abstraite des problegravemes les institutions drsquointeacutegration

ne saisissent pas les reacutealiteacutes locales territoriales avec lrsquoefficaciteacute qui conviendrait pour notre

eacutepoque Il en reacutesulte pour lrsquoEacutetat une perte de creacutedibiliteacute et pour la vie politique une

ldquodeacutesaffection deacutemocratiquerdquo raquo

La connaissance des reacutealiteacutes sociales locales apparaicirct donc insuffisante le plus souvent pour

les programmes et projets sociaux Du cocircteacute des eacutelus locaux alors que la deacutecentralisation a

donneacute des moyens politiques de gestion locale autonome une attitude trop souvent

manageacuteriale de gestion eacuteconomique du territoire entrave leur fonction de repreacutesentation de la

totaliteacute de la population y compris les plus pauvres et les fragiles qursquoils refusent parfois sur

leur territoire Geacuterard Martin constate que la rupture entre lrsquoEacutetat et la socieacuteteacute est geacuteneacuterale elle

relegraveve des laquo dysfonctions des meacutecanismes institutionnels [hellip] assurant la transaction (sous

formes de regravegles activiteacutes prestations services) entre la population ses conditions de vie et

de travail et son inclusion ou insertion dans la socieacuteteacute globale raquo (1998-c p 45)

Quelles sont alors les politiques sociales deacuteveloppeacutees agrave partir des anneacutees 1970 pour intervenir

sur ce problegraveme malgreacute lrsquoimpression de laquo vide social raquo (Martin 1998-c) existant entre lrsquoEacutetat

et la socieacuteteacute Des mesures et des dispositifs se sont deacuteveloppeacutes mis en place au croisement de

mobilisations sociales et drsquoinnovations politico-administratives pour transformer les milieux

urbains deacutegradeacutes (Chevalier 2002) projets drsquo laquo action sociale globale raquo au milieu des anneacutees

1970 territorialiseacutes et communautaires mouvements de luttes urbaines lieacutes aux programmes

de reacutehabilitation (institutionnaliseacutes sous la forme des proceacutedures Habitat et vie sociale degraves

1977) ou encore mobilisation des organismes HLM apregraves la loi Barre de 1977 portant reacuteforme

de lrsquoaide au logement en orientant une partie de la subvention publique agrave la construction vers

les meacutenages (creacuteation de lrsquoAide personnaliseacutee au logement APL et de divers precircts)

81

Par la suite dans les anneacutees 1980 drsquoautres dispositifs hors cadre du droit commun sont

apparus de maniegravere connexe agrave ces politiques les Missions locales pour lrsquoinsertion des

jeunes les Zones drsquoeacuteducation prioritaire (ZEP) de lrsquoEacuteducation nationale le Conseil national

de preacutevention de la deacutelinquance (CNDP) les Conseils communaux et deacutepartementaux de

preacutevention de la deacutelinquance (CDPD CCPD) ainsi que les Contrats drsquoaction de preacutevention

et de seacutecuriteacute (CAPS) pour tenter de rapprocher les diffeacuterents acteurs de la seacutecuriteacute de la

preacutevention et de lrsquoeacuteducation la mission laquo Banlieues 89 raquo dans le champ urbain et

architecturalhellip Dans les anneacutees 1990 ce sont de nouveaux droits qui ont eacuteteacute formuleacutes dans

plusieurs domaines droit agrave lrsquoinsertion (loi instituant le RMI en 1988) droit au logement (loi

Besson en 1990) droit agrave la ville (Loi drsquoorientation pour la ville la LOV en 1991) droit agrave la

santeacute (Couverture meacutedicale universelle CMU issue de la loi de lutte contre les exclusions en

1998)hellip

En parallegravele des dispositifs de deacuteveloppement social et urbain (DSU) se sont accrus en

nombre et en moyens devenant la laquo politique de la ville raquo en cours drsquoinstitutionnalisation au

tournant des anneacutees 1990 la LOV instituant la possibiliteacute drsquoexoneacuteration de taxe

professionnelle pendant cinq ans pour les entreprises srsquoinstallant ou srsquoeacutetendant dans les

laquo grands ensembles et quartiers drsquohabitat deacutegradeacutes raquo les Grands projets urbains

(GPU) deacutecideacutes par le Conseil interministeacuteriel des Villes degraves 1991 les contrats de ville en

1993 devenus contrats urbains de coheacutesion sociale en 2006 (CUCS) entre lrsquoEacutetat et les

collectiviteacutes locales la loi drsquoorientation pour lrsquoameacutenagement et de le deacuteveloppement durable

du territoire (LOADT) en 1995 instituant les ZUS et les Zones de revitalisation urbaine

(ZRU) renforccedilant les dispositifs drsquoexoneacuteration fiscale et sociale le Pacte de relance pour la

ville en 1996 rajoutant une troisiegraveme zone les Zones franches urbaines (ZFU) aux problegravemes

plus intenses selon les critegraveres retenus35 puis les Grands projets de ville (GPV) et les

Opeacuterations de reacutenovation urbaine (ORU) de 1999 la loi solidariteacute et renouvellement urbains

(SRU) de 2000 instituant lrsquoobligation de 20 de logements sociaux dans les communes

urbaines le Programme national de reacutenovation urbaine (PNRU) de 2003 concernant la

deacutemolition et la construction de logements sociaux la loi de programmation pour la coheacutesion

sociale de 2005 ou encore le plan laquo Espoir Banlieue raquo de 2008hellip

35 Agrave ce sujet le rapport Sueur (1998 p108) sur la politique de la ville indique que les ZUS ont eacuteteacute formeacutees agrave cette occasion dans une neacutegociation entre la Deacuteleacutegation interministeacuterielle agrave la Ville (DIV) les preacutefectures et les eacutelus sur la base de contrats de ville laquo jugeacutes prioritaires raquo et de laquo grands ensembles et quartiers drsquohabitat deacutegradeacutes raquo de la LOV Les diffeacuterentes zones preacuteexistaient donc au travail statistique de construction des indicateurs Cf plus de preacutecisions plus bas

82

Les programmes drsquoaction sont souvent pluri-theacutematiques eacutequipements habitat-logement

preacutevention de la deacutelinquance eacuteducation transport santeacute eacuteconomie et emploihellip Arrivent-ils

pour autant agrave contrecarrer les effets de ce relacircchement sensible du lien entre drsquoun cocircteacute les

dominants et les gagnants de la socieacuteteacute moderne et de lrsquoautre cocircteacute les modestes et moins

utiles dans la production Les mesures sont-elles suffisantes adapteacutees efficientes etou

efficaces En premier lieu il convient de rappeler qursquoen France la satisfaction dans les

revendications politiques srsquoacquiert avec acircpreteacute LrsquoEacutetat surtout dans le social agit souvent ndash

crsquoest devenu presque laquo traditionnel raquo avec retard sous lrsquoeffet drsquoagrave-coups brutaux

drsquoexpression des problegravemes sociaux par la population sous forme de massives et violentes

manifestations (Join-Lambert 1997) Crsquoest bien le cas dans le champ de lrsquointeacutegration sociale

en milieu urbain comme lrsquoattestent la creacuteation de la Deacuteleacutegation interministeacuterielle agrave la Ville

(DIV) en 1988 puis celle drsquoun ministegravere de la Ville en 1990 survenues agrave la suite drsquoeacutemeutes

successives afin de regrouper et de coordonner les actions des diffeacuterents services de lrsquoEacutetat et

des collectiviteacutes locales dans ce domaine (Mucchielli Le Goaziou 2007)

Le laquo malaise social urbain raquo pour reprendre la formule de Claude Chaline (1998) avait deacutejagrave

eacuteteacute politiquement et socialement ressenti degraves la fin des anneacutees 1950 avec la mise en place de

la commission laquo Vie dans les grands ensembles drsquohabitation raquo au Commissariat au Plan en

1957 par le ministre de la Reconstruction et de lrsquoUrbanisme agrave la demande du Parlement

(Piron 2004) Les premiegraveres tentatives drsquoaction sociale communautaire et de reacutehabilitation

des icirclots concerneacutes initieacutees par des militants associatifs ou administratifs apparurent au deacutebut

des anneacutees 1970 Les espaces toucheacutes eacutetaient deacutejagrave divers communes ouvriegraveres des anciens

bassins de grandes industries traditionnelles centres des grandes villes ou encore espaces

drsquohabitat social drsquoapregraves la Seconde Guerre mondiale lieacutes agrave la production des grands

ensembles En ce qui concerne le logement des pauvres et des eacutetrangers pauvres la place du

mouvement des organismes de HLM a eacuteteacute grandissante ce qui lui a valu un poids important

dans la genegravese de la politique de la ville degraves la fin des anneacutees 1970 et au deacutebut des anneacutees

1980 Les Assises de lrsquohabitat social drsquooctobre 1981 teacutemoignent de cette orientation (Estegravebe

2005)

Les actions de laquo deacuteveloppement social urbain raquo ndash crsquoest-agrave-dire de deacuteveloppement du tissu

social et du cadre mateacuteriel des territoires en tensions ndash sont le fruit de lrsquoaction conjointe de

lrsquoEacutetat et des collectiviteacutes locales afin drsquoagir laquo en compleacutement et non en substitution des

interventions communes agrave tous les territoires raquo (Damon 2004-a) Les grands ensembles avec

de nombreuses zones HLM drsquohabitat ouvrier ont eacuteteacute les quartiers historiques de la politique

83

de la ville Pour quelles raisons principales Dans un premier temps degraves la fin des anneacutees

1960 le pheacutenomegravene de laquo paupeacuterisation du peuplement de lrsquohabitat social raquo srsquoest deacuteveloppeacute

sans jamais tarir jusque dans les anneacutees 1990 (Steacutebeacute 1995) en 1973 41 des meacutenages

entrants avaient des revenus infeacuterieurs au revenu meacutedian des meacutenages en 1978 ils sont 48

en 1984 59 et en 1988 63 La preacutesence croissante dans le logement social de

cateacutegories sociales infeacuterieures aux classes moyennes relegraveve donc drsquoune tendance historique de

plus de trente ans drsquoancienneteacute

Cependant en 1999 sur les 38 millions de logements HLM seuls 19 sont habiteacutes par des

meacutenages pauvres selon le critegravere de 50 du revenu meacutedian (Davezies 2004) Ces pauvres

en HLM ne repreacutesentent drsquoailleurs aussi que 31 de lrsquoensemble des meacutenages pauvres soit

23 millions de meacutenages Les populations pauvres et les territoires pauvres ne se recouvrent

donc pas il y a mecircme plus de pauvres dans les territoires non pauvres Ces eacuteleacutements

expliquent en partie le deacuteseacutequilibre financier entre action sociale et action territoriale en

faveur de politiques sociales laquo aveugles territorialement raquo par exemple au deacutebut des anneacutees

2000 les deacutepenses de services publics et de seacutecuriteacute sociale qui jouent implicitement comme

meacutecanisme redistributif en faveur des pauvres repreacutesentent pregraves de 500 milliards drsquoeuros de

leur cocircteacute les politiques explicites en faveur des pauvres les minima sociaux ne repreacutesentent

que 11 milliards drsquoeuros et enfin les actions speacutecifiques de deacuteveloppement des territoires

pauvres ne sont financeacutees qursquoagrave hauteur de 15 milliard drsquoeuros (Davezies 2004)

Dans ce champ drsquoactions sociales et urbaines territorialiseacutees mecircme si les quartiers prioritaires

relegravevent drsquohabitats populaires extrecircmement diversifieacutes (habitat ouvrier traditionnel du Nord et

de lrsquoEst de la France habitat auto-construit du Sud-ouest centres anciens veacutetustes ou

deacutegradeacutes des grandes villes de la reacutegion Provence-Alpes-Cocircte drsquoAzurhellip) lrsquohabitat social est

le critegravere speacutecifique de la laquo geacuteographie prioritaire raquo rappelle Philippe Estegravebe (2005)

Pourquoi Il est vrai que tous ces types drsquoespaces urbains preacutesentent des indicateurs proches

de problegravemes laquo handicapants raquo ou laquo aggravants raquo taux de chocircmage multiplieacute par deux en

moyenne par rapport au reste de la France plus de chocircmeurs parmi les jeunes de 16-25 ans

parmi les femmes ou encore au sein des immigreacuteseacutetrangers plus drsquoemployeacutes preacutecaires

Cependant ce sont surtout dans les anciennes zones agrave urbaniser en prioriteacute (ZUP) ougrave ont eacuteteacute

construit la majoriteacute des grands ensembles qursquoapparaissent les difficulteacutes les plus nombreuses

et aigueumls avec la taille de la population et des sites le plus grand nombre de familles

nombreuses de familles monoparentales et aussi de personnes drsquoorigine eacutetrangegravere ce qui

84

confegravere agrave cet habitat une forme sociale speacutecifique Louise Plouchard (1999) eacutevoque mecircme le

rocircle social de fait des grands ensembles dans leurs agglomeacuterations

Jusqursquoau Xe Plan (1989-1993) les quartiers viseacutes par la politique de la ville furent deacutesigneacutes

conjointement par les collectiviteacutes territoriales (maires) et les services de lrsquoEacutetat (preacutefets) sur

la base des connaissances sensibles et de leur sensibiliteacute et volonteacute politiques qursquoils en

avaient avec leur reacuteputation et les problegravemes qursquoils posaient En parallegravele et jusqursquoagrave nos

jours lrsquoEacutetat entreprend indeacutependamment des contrats avec les collectiviteacutes locales sa propre

politique de laquo discrimination territoriale positive raquo dans ses domaines de compeacutetence propres

comme lrsquoameacutenagement ou le deacuteveloppement eacuteconomique avec les deux Plans de relance

pour la ville de 1993 et de 1996

Cette ideacutee de discrimination territoriale positive en milieu urbain avait deacutejagrave eacuteteacute avanceacutee au

deacutebut des anneacutees 1980 par Bertrand Schwartz en charge de la commission sur lrsquoinsertion

professionnelle des jeunes36 (Donzelot Meacuteval et Wyvekens 2003 Estegravebe 2005) De mecircme

dans un autre secteur drsquointervention agrave la mecircme peacuteriode de maniegravere compleacutementaire et

convergente dans les motifs et les objectifs la politique des ZEP relevait de cette logique de

laquo discrimination positive raquo Elle a eacuteteacute initieacutee en juillet 1981 et vise agrave laquo contribuer agrave corriger

lrsquoineacutegaliteacute sociale par le renforcement seacutelectif de lrsquoaction eacuteducative dans les zones et les

milieux sociaux ougrave le taux drsquoeacutechec scolaire est le plus eacuteleveacute raquo (extrait du texte reacuteglementaire

in Oeuvrard Rondeau 2004)

Pour aller plus loin cette logique de zonage discriminatoire preacuteexistait aux gouvernements

socialistes des anneacutees 1980 le droit administratif lieacute agrave la planification du deacuteveloppement

eacuteconomique de la France lrsquoappliquait agrave travers la politique drsquolaquo ameacutenagement du territoire raquo

expression forgeacutee en 1950 pour deacutesigner la politique drsquoeacutequipement dans une optique de

laquo pariteacute sociale globale raquo pour reacuteduire les ineacutegaliteacutes de situation entre diffeacuterentes parties du

territoire dans un but de sauvegarde ou de renforcement de la coheacutesion sociale (Calvegraves

2004) Lrsquoobjectif est la reacutepartition geacuteographique eacutequilibreacutee sur lrsquoensemble du territoire

national tant de la croissance eacuteconomique et deacutemographique que de la reacutecession et de la

preacutecariteacute Cette politique est notamment toujours appliqueacutee dans les deacutepartements et

territoires drsquoOutre-mer avantages divers aux fonctionnaires venant de meacutetropole

36 B Schwartz est lrsquoauteur drsquoun des trois rapports laquo fondateurs raquo du Deacuteveloppement social urbain (DSU) en France juste apregraves les eacutemeutes des Minguettes agrave Veacutenissieux (1981) Son rapport concerne lrsquoinsertion des jeunes (Schwartz 1981) Le second porte sur la preacutevention de la deacutelinquance (Bonnemaison 1982) et le troisiegraveme sur lrsquoensemble des volets politiques eacuteconomiques sociaux et institutionnels favorisant la politique de deacuteveloppement social des quartiers (Dubedout 1983)

85

deacutefiscalisation et primes aux entreprises laquo preacutefeacuterence locale raquo en matiegravere drsquoaccegraves agrave

lrsquoemploihellip Ces dispositions laquo discriminatoires raquo ont inspireacute celles appliqueacutees par simple

transposition parfois aux zones prioritaires de la politique de la ville

Pour mettre cette politique en œuvre le zonage est lrsquooutil de deacutefinition de la geacuteographie

drsquointervention prioritaire de lrsquoEacutetat il aide agrave laquo territorialiser raquo lrsquoaction crsquoest-agrave-dire agrave produire

une action adapteacutee au contexte et aux besoins drsquoun territoire deacutelimiteacute comportant des

speacutecificiteacutes Lrsquoapplication de cette meacutethode de maniegravere plus preacutecise laquo objective raquo et officielle

par lrsquoEacutetat par rapport aux deacutesignations de territoires sans critegraveres homogegravenes et sans limites

fixes qui preacutevalaient dans les anneacutees 1980 a eacuteteacute deacutecideacutee par le preacutesident Franccedilois Mitterrand

en deacutecembre 1990 lors des Assises de Bron dans la banlieue lyonnaise apregraves les eacutemeutes

apparues la mecircme anneacutee agrave Vaulx-en-Velin et agrave Mantes-la-Jolie dans la reacutegion parisienne

La Deacuteleacutegation interministeacuterielle agrave la Ville (DIV) et lrsquoINSEE ont en 1991 deacutefini une

geacuteographie de la crise urbaine agrave partir des caracteacuteristiques des populations en fonction

quelques variables consideacutereacutees par la direction de la DIV comme significatives de

lrsquo laquo exclusion raquo (Estegravebe 2005) comme les jeunes de moins de 25 ans les chocircmeurs de longue

dureacutee et les eacutetrangers Les moyennes de reacutefeacuterence ont servi aux comparaisons neacutecessaires Ce

zonage a pu servir le Pacte de relance pour la ville deacutecideacute en 1993 par le Comiteacute

interministeacuteriel des villes pour lrsquoengagement des GPU lors du XIe Plan de 1994-1999 Plus

preacuteciseacutement crsquoest Jean-Marie Delarue auteur du rapport Banlieues en difficulteacute la releacutegation

en 1990 devenu en 1991 deacuteleacutegueacute interministeacuteriel agrave la Ville qui impulsa lrsquoeacutelaboration

drsquoindicateurs nationaux drsquoeacutevaluation des laquo quartiers sensibles raquo vice-preacutesident du Conseil

national de lrsquoinformation statistique (CNIS) de lrsquoINSEE il en formula la demande aupregraves de

la direction de lrsquoinstitut dans une perspective de rationalisation de la politique de la ville

(Tissot 2007) La cateacutegorisation statistique des laquo quartiers sensibles raquo fut eacutechafaudeacutee en

srsquoinspirant de deux deacutemarches des chercheurs et statisticiens de lrsquoINSEE La premiegravere est

celle de statisticiens de trois directions reacutegionales de lrsquoINSEE inscrits dans les travaux

drsquoanalyse de la pauvreteacute depuis la deuxiegraveme moitieacute des anneacutees 1980 consistant agrave rassembler

des donneacutees du recensement sur les conditions de vie des mecircmes individus habitant les

mecircmes quartiers en convention (consideacutereacutes comme pauvres)

Ils ont progressivement standardiseacute la mesure constituant ainsi une cateacutegorie territoriale de

laquo quartiers sensibles raquo afin de les comparer entre eux et avec les entiteacutes territoriales

drsquoappartenance (ces connaissances devant servir agrave lrsquoeacutevaluation des politiques meneacutees) La

Mission laquo Villes raquo de la direction geacuteneacuterale de lrsquoINSEE srsquoinspira de cette cateacutegorisation en

86

1992 et de sa fonction eacutevaluative Elle diffusa un guide drsquoaide agrave lrsquoeacutelaboration de laquo tableaux

de bord sociodeacutemographiques des quartiers raquo publieacute en 1996 preacuteconisant lrsquousage des mecircmes

sources et des mecircmes indicateurs notamment pour deacutefinir laquo objectivement raquo les deacutecisions et

modaliteacutes drsquoaction sociale globale Cependant cette meacutethodologie souffrira de problegravemes

drsquoapplication en raison de la concurrence avec des organismes nationaux et locaux (Caisses

drsquoallocations familiales Agence drsquourbanismehellip) ainsi que de la preacutedominance des modaliteacutes

politiques de choix des laquo territoires prioritaires raquo

La deuxiegraveme deacutemarche inspirant la cateacutegorisation nationale des quartiers agrave des fins

eacutevaluatives fut la grande enquecircte nationale de 1991 de la Mission laquo Villes raquo demandeacutee par la

DIV et portant sur lrsquoensemble des quartiers de la politique de la ville Elle consista apregraves

deacutecompte et deacutelimitation geacuteographique agrave deacuteterminer dans des tableaux de moyennes les

eacutecarts de donneacutees entre chaque quartier et lrsquoagglomeacuteration drsquoappartenance (voire la France)

le deacuteleacutegueacute interministeacuteriel agrave la Ville srsquoen inspira pour ne retenir que quatre indicateurs

principaux correspondant agrave la vision qursquoont les reacuteformateurs des composantes de la

probleacutematique des banlieues en difficulteacute (reacutesidence HLM taux de chocircmage taux drsquoeacutetrangers

et part des jeunes plus tard le taux de non-diplocircmeacutes remplaccedila le taux drsquoeacutetrangers) Cela

servi tant agrave justifier leur vision drsquoune socieacuteteacute duale qursquoagrave convaincre les eacutelus et fonctionnaires

de la neacutecessiteacute drsquoaction urgente et importante

La loi drsquoorientation pour lrsquoameacutenagement et le deacuteveloppement du territoire (LOADT) du 4

feacutevrier 1995 a repris cette meacutethode (tableau des moyennes) en se centrant sur la dimension

eacuteconomique il srsquoagissait drsquoagir sur les zones urbaines laquo caracteacuteriseacutees par la preacutesence de

grands ensembles ou de quartiers drsquohabitat deacutegradeacute et par un deacuteseacutequilibre accentueacute entre

lrsquohabitat et lrsquoemploi raquo (extrait du texte de loi Damon 2004-b) Cette loi a drsquoailleurs servi de

cadre agrave la mise en œuvre du Plan de relance pour la ville qui devait ecirctre un laquo Plan Marshall

pour les banlieues raquo deacutejagrave reacuteclameacute au deacutebut des anneacutees 1990 par certains deacuteputeacutes et deacutecideacute

par le Gouvernement Juppeacute apregraves lrsquoeacutelection de Jacques Chirac en 1995 dont la laquo fracture

sociale raquo eacutetait un de ses principaux thegravemes de campagne Il srsquoagissait drsquoencourager

lrsquoimplantation ou le maintien drsquoentreprises dans les zones deacutefinies en leur octroyant des aides

fiscales et des exoneacuterations de charges sociales

Les zones furent hieacuterarchiseacutees en trois groupes par ordre croissant de la faiblesse des moyens

financiers de la commune drsquoappartenance les ZUS puis les ZRU et enfin les ZFU Ce

classement a eacuteteacute opeacutereacute par lrsquointermeacutediaire de lrsquolaquo indice syntheacutetique drsquoexclusion raquo calculeacute en

multipliant drsquoabord les taux de jeunes de moins de 25 ans de chocircmeurs de longue dureacutee et

87

drsquoactifs laquo sans diplocircme raquo avec la population totale de la zone puis en divisant le reacutesultat par

le potentiel fiscal de la commune Depuis la loi de 1979 portant creacuteation de la dotation

globale de fonctionnement (DGF) dans le cadre de la peacutereacutequation intercommunale des

ressources publiques le potentiel fiscal est un indicateur de richesse fiscale drsquoune collectiviteacute

territoriale qui permet de mesurer sa capaciteacute fiscale theacuteorique crsquoest-agrave-dire la masse des

recettes mobilisables si elle appliquait des deacutecisions laquo moyennes raquo (deacutefinies sur le plan

national) en termes de fiscaliteacute

Le potentiel fiscal est donc un ratio eacutegal agrave la somme que produiraient les quatre taxes directes

locales (taxe fonciegravere sur les proprieacuteteacutes bacircties taxe fonciegravere sur les proprieacuteteacutes non bacircties taxe

dhabitation et contribution eacuteconomique territoriale ndash nouvelle taxe drsquohabitation) si on

appliquait agrave leurs bases brutes les taux moyens nationaux pour la cateacutegorie de collectiviteacutes

concerneacutee (selon la strate de taille de population) majoreacutee drsquoune part du montant de la DGF

perccedilu lanneacutee preacuteceacutedente hors dotation de solidariteacute urbaine ou rurale (DSU-DSR) Cet

indicateur diffegravere ainsi du produit des taxes effectivement leveacutees sur la commune degraves lors

que les taux drsquoimposition locaux diffegraverent de la moyenne des taux observeacutes dans les

communes de taille comparable Plus le potentiel est eacuteleveacute plus une commune peut ecirctre

consideacutereacutee comme riche Ainsi lrsquoindice syntheacutetique drsquoexclusion est certes sensible agrave la taille

de la population concerneacutee par les difficulteacutes (ou agrave la taille du ou des quartiers) selon Estegravebe

(2005) mais il deacutepend davantage des capaciteacutes financiegraveres de la ville-commune Cette

approche sous-entend que lrsquoEacutetat intervient en substitution aux administrations communales

qui ne peuvent peser sur le sort eacuteconomique et social de leur territoire et notamment celui des

quartiers en crise

Cette logique de discrimination territoriale deacuteveloppeacutee par les institutions a-t-elle eacuteteacute

eacutevalueacutee Pour Jacques Donzelot (1991) crsquoest une politique du laquo troisiegraveme type raquo qui srsquoest

mise en place apregraves le droit du travail et les droits sociaux eacutetendus agrave drsquoautres risques sociaux

Contre les effets de deacutesaffiliation sociale lieacutes agrave la perte de travail elle attribue des droits agrave

ceux qui ne sont plus ou pas concerneacutes par les formes classiques de protection sociale

apporteacutees par le travail Cependant au regard de la situation des laquo publics raquo habitants les

quartiers de la politique de la ville ils ne sont laquo ni inseacutereacutes ni inteacutegreacutes ni au travail raquo

(Donzelot 1991) cette politique paraicirct insuffisante ou inadapteacutee

Lrsquoimpact quasi nul des ZUS sur les emplois locaux le confirme elles ont connu

majoritairement une situation drsquoemploi qui srsquoest aggraveacutee plus que celle de leurs

agglomeacuterations drsquoappartenance En dix ans entre 1990 et 1999 une hausse de 25 des

88

effectifs de chocircmeurs a eacuteteacute constateacutee (de 400 000 agrave 500 000) faisant passer le taux de

chocircmage de 189 agrave 254 soit 65 points suppleacutementaires ou encore une hausse de

345 de ce taux (Fitoussi Laurent Maurice 2004 Le Toqueux Moreau 2004) De leur

cocircteacute leurs agglomeacuterations drsquoappartenance dont le taux de chocircmage en 1990 (115 ) se

situait globalement agrave un niveau plus bas de plus drsquoun tiers par rapport agrave celui des ZUS ont

connu une hausse plus faible que les ZUS avec 28 points suppleacutementaires pour un taux agrave

143 en 1999 soit une hausse de 243 du taux Dans lrsquoensemble ce sont les trois quarts

des ZUS qui ont laquo deacutecrocheacute raquo par rapport agrave lrsquoeacutevolution de lrsquoemploi de leur bassin

drsquoappartenance alors qursquoun quart seulement ont rattrapeacute leur deacuteficit

Du point de vue deacutemographique Jean-Louis Le Toqueux (2002) a bien releveacute qursquoentre 1990

et 1999 les ZUS du territoire meacutetropolitain (446 millions drsquohabitants en 1999) ont perdu 6

de leur population alors que le reste des agglomeacuterations (5852 millions) en gagnait 325

Cette reacuteduction signifie-t-elle que les deacuteparts de ces zones sont preacutedominants ou bien que la

population globalement y vieillit plus fortement que dans le reste des territoires Pour ceux

qui partent srsquoagit-il drsquoun effet de leur mobiliteacute sociale ascendante ou drsquoune volonteacute de fuir

les deacutesagreacutements de tensions veacutecues (rapports de voisinage deacutesordres publics inciviliteacutes

quotidiennes meacutefiances reacuteciproques) Nous pourrions dire sans crainte de trop se tromper

que certainement lrsquoensemble de ces causes peut se combiner Drsquoautre part la geacuteographie de

la pauvreteacute deacutefinie par lrsquoINSEE en 1996 a certainement eacutevolueacute Drsquoautres territoires

avoisinants sans ecirctre des ZUS pourraient peut-ecirctre mecircme davantage justifier de beacuteneacuteficier de

telles actions publiques Sans compter que certaines ZUS se sont peut-ecirctre certainement

laquo ameacutelioreacutees raquo des habitants ont pu trouver des satisfactions dans des situations

professionnelles et familiales

Plus preacuteciseacutement les limites de lrsquoaction se retrouvent au niveau des modaliteacutes de mise en

œuvre de la politique de deacuteveloppement social urbain (Jaillet 2004) incapaciteacute de

changement drsquoeacutechelle drsquointervention de la part des eacutelus (en relais des reacuteticences des majoriteacutes

drsquohabitants) manque de lisibiliteacute de cette politique conflits et concurrences entre

administrations convergentes dans leurs objectifs faiblesse globale des moyens financiers

engageacutes par lrsquoEacutetat eacutechec de la meacutethode drsquoincitation de la pour orienter les politiques laquo de

droit commun raquo vers ces territoires (les eacutelus attendent plutocirct des moyens suppleacutementaires

substantiels et non des subventions agrave des fins drsquoexpeacuterimentation et drsquoinnovation des actions

drsquoaccompagnement social en tout genre sans garantie de peacuterennisation)

89

Le rapport Sueur (1998) sur cette politique voit pour sa part en premier lieu un problegraveme de

reacutepartition et drsquoorientation des budgets sociaux geacutereacutes par les collectiviteacutes compeacutetentes

puisqursquoil est constateacute le manque drsquoinvestissement des deacutepenses sociales des conseils geacuteneacuteraux

dans les zones urbaines au profit des zones rurales Certains dont le territoire urbain est

concerneacute par cette politique ne sont toujours pas signataires des contrats de ville des anneacutees

1990 Par exemple en 1995 la masse de leurs creacutedits drsquoaide sociale srsquoeacutelevait agrave 78 milliards

de francs (119 milliards drsquoeuros) contre 250 millions de francs (3815 millions drsquoeuros) de

contribution aux programmes de deacuteveloppement social urbain

Srsquoil y a globalement insuffisance inefficience et manque drsquoadaptation des politiques sociales

territorialiseacutees on peut mecircme se demander plus en amont quelles sont les causes

institutionnelles premiegraveres du maintien et de lrsquoapparition des espaces de tensions agrave des

eacutechelons communaux ou infra-communaux Srsquoagit-il deacutejagrave depuis les premiers effets de

lrsquoexclusion eacuteconomique et sociale et de la releacutegation dans les espaces deacutepreacutecieacutes drsquoun manque

drsquoadaptation des institutions agrave ces situations urbaines Les meacutecanismes redistributifs aupregraves

des meacutenages ou des territoires ainsi que les politiques habituelles drsquointeacutegration et de

solidariteacute sont-ils en cause dans la formation drsquoineacutegaliteacutes situationnelles de ces secteurs avec

les espaces voisins Si des creacutedits de deacutepenses sociales existent selon des masses non

neacutegligeables comme cela a eacuteteacute indiqueacute plus haut quelles sont les facteurs organisationnels

des deacutefauts constateacutes agrave lrsquoeacutechelle infranationale

Il est vrai dans un premier temps que les ineacutegaliteacutes socio-spatiales eacutevoluent selon des

dynamiques diffeacuterentes agrave chaque eacutechelle geacuteographique preacutecise Laurent Davezies (2004)

dans les deacutecennies passeacutees si les ineacutegaliteacutes de revenus se sont effectivement reacuteduites entre les

reacutegions entre elles entre les deacutepartements entre eux et entre les agglomeacuterations entre elles la

situation est en revanche inverse entre les quartiers voire agrave lrsquoeacutechelle intercommunale Deux

explications sont apporteacutees (Davezies 2004 Jaillet 2004) le niveau principalement local

(quartiers des communes et des groupes de communes formant les bassins drsquoemploi et de

vie) des logiques distinction spatiale entre cateacutegories sociales et lrsquoincapaciteacute de lrsquoEacutetat et de

ses services locaux de cadrer et de controcircler les flux de redistribution sociale au niveau infra-

agglomeacuteration ce qui va de pair avec lrsquoimpuissance agrave limiter les meacutecanismes de releacutegation

reacutesidentielle et la constitution drsquoespaces de concentration des plus pauvres

En outre lrsquoeacutevolution culturelle du modegravele juridique drsquoaction sociale joue en deacutefaveur des

habitants les plus pauvres eacutetrangers et deacutemunis ce qui renforce davantage cet effet de

deacuteconnection entre le systegraveme institutionnel et la structure sociale aide sociale (lrsquoassistance

90

la solidariteacute) et seacutecuriteacute sociale (les assurances sociales) sont devenus davantage

discreacutetionnaire lrsquousager doit de plus en plus faire la preuve de son droit et la deacutemarche

drsquoaccegraves agrave celui-ci Crsquoest pourquoi un certain nombre de droits ne sont pas utiliseacutes par certains

pour de multiples causes illettrisme et meacuteconnaissance culturelle refus de demande par

digniteacute dans la douleur ou la pauvreteacute complexiteacute des meacutecanismes de deacutetermination et

drsquoattribution des prestations Cette probleacutematique de la citoyenneteacute sociale disparue avec la

reacutegulation eacuteconomique keyneacutesienne et les institutions de laquo lrsquoEacutetat-providence raquo est de retour

depuis la fin des Trente glorieuses Davezies (2004) avance mecircme lrsquoideacutee que lrsquoEacutetat a

indirectement participeacute agrave la spirale du sous-deacuteveloppement et de la pauvreteacute rencontreacutee par

certains quartiers urbains en renforccedilant avec lrsquoaccroissement des services publics les

emplois feacuteminins beacuteneacuteficiant aux classes moyennes agrave leurs femmes actives qualifieacutees Ce qui

a accentueacute lrsquoeacutecart de niveau de vie avec les classes populaires fragiliseacutees par la

deacutesindustrialisation (hommes et femmes peu qualifieacutes) Ce pheacutenomegravene a favoriseacute les

segmentations territoriales de lrsquoeacuteconomie industrielle des Trente glorieuses

Si lrsquoon tient compte de ces difficulteacutes la question sociale contemporaine pourrait ecirctre

davantage formuleacutee comme une question laquo socio-spatiale locale raquo alors que sous lrsquoeffet des

logiques libeacuterales de gestion politique de lrsquoeacuteconomique et du social les meacutecanismes

redistributifs et drsquointeacutegration nationaux preacutesentent des lacunes vis-agrave-vis de segments sociaux

et territoriaux larges quelle(s) modaliteacute(s) de politiques structurelles etou territorialiseacutees

faut-il deacuteployer La deacutecentralisation mise en œuvre agrave partir des anneacutees 1980 nrsquoa pas montreacute

ni une capaciteacute ni des reacutesultats nets pour enrayer lrsquoappauvrissement de certaines couches

sociales et leur concentration dans certaines zones territoriales

Cette probleacutematisation confirme le questionnement de notre recherche le manque

drsquoadaptation et de performance des politiques publiques au caractegravere libeacuteral depuis les anneacutees

1980 (Muller 2006) expliquant la persistance des manifestations intenses des problegravemes

sociaux et urbains par endroit impriment agrave leur tour la vie sociale des villes-communes

drsquoappartenance des secteurs laquo sensibles raquo Comment se repreacutesente agrave ce niveau territorial

cette probleacutematique du manque de volonteacute politique de solidariteacute et donc de moyens et

drsquoefficaciteacute drsquointeacutegration sociale

91

C- Lacunes institutionnelles ghettoiumlsation et deacuteclin social urbain

Que la persistance des laquo quartiers en crise raquo provienne des failles des politiques locales de

redistribution de la richesse nationale ou de deacuteveloppement des territoires ou encore que le

manque drsquoinnovation pour lrsquoextension des protections sociales hors du champ du travail

contribue agrave cette situation il reste qursquoil ne paraicirct pas chez les acteurs ou chez les analystes

de repreacutesentation fine et stable de la situation des laquo quartiers sensibles raquo en difficulteacutes ou

encore en crise en alternative aux images politiques et sociales steacutereacuteotypeacutees Il est vrai dans

un premier temps que les analyses empiriques font valoir des reacutealiteacutes heacuteteacuterogegravenes des grands

secteurs reacutesidentiels drsquoHLM et de logements priveacutes Comme Plouchard (1999) le rappelle

lrsquo laquo effet contexte raquo qui les distingue combine trois types de variables 1 la structure des

parcs de logements comprenant ou non des segments plus ou moins grands et deacutefavoriseacutes 2

le type de population drsquooccupation avec lrsquoaccueil et le maintien ou non de population plus ou

moins pauvres et 3 la position geacuteographique des secteurs drsquohabitation dans lrsquoagglomeacuteration

drsquoappartenance deacuteterminant tant la distance aux eacutequipements activiteacutes et services urbains

que la valeur fonciegravere et immobiliegravere des logements et des autres constructions On peut

rajouter la qualiteacute des ameacutenagements des infrastructures et des eacutequipements dans les zones

concerneacutees et aux alentours sans oublier le poids des attentions sociopolitiques et

institutionnelles aux niveaux local et supra par les acteurs vis-agrave-vis de ces parcs de

logements (projets drsquoinvestissement de travauxhellip)

Cette varieacuteteacute de structure de gestion de positions socio-institutionnelles de localisation

spatiale et de caracteacuteristiques physiques et sociales des icirclots drsquoimmeubles conduit de fait agrave

une tregraves grande varieacuteteacute des images et du sens de ce type drsquohabitat dans lrsquoespace urbain Ce

sont surtout les variables qualitatives de pratiques et de perceptions qui permettent de

diffeacuterencier les espaces (Plouchard 1999) les seuls critegraveres socio-deacutemographiques et

eacuteconomiques traditionnellement utiliseacutes pour deacutecrire les quartiers (comme la deacutemarche de

Tableaux de bord sociodeacutemographiques deacutecrits plus haut) ne suffisent donc pas

Quelles sont ces indicateurs qualitatifs Les relations sociales de voisinage et les interactions

dans les espaces exteacuterieurs les usages des espaces et des eacutequipements la participation

associative et donc lrsquoensemble des perceptions et des repreacutesentations sociales de ces

pratiques Ils permettent de mesurer la vie collective et individuelle qursquoy megravenent les habitants

avec les difficulteacutes de cohabitation qursquoils rencontrent (bruits tensions de voisinage

deacutelinquance deacutegradationhellip) mais aussi les rapports drsquoattachement de satisfaction

92

drsquoidentification ou drsquoappropriation qursquoils entretiennent avec le quartier Par exemple le

quartier veacutecu comme positif est celui ougrave la vie sociale y est perccedilue comme positive et

dynamique pour soi (association activiteacutes eacutechangeshellip) et dont la perception drsquoensemble est

positive du fait de lrsquoattachement et de lrsquoadeacutequation avec les attentes de relations drsquoimage et

des ressources Ainsi si chaque grand ensemble comme chaque quartier a une identiteacute

territoriale originale (formes mateacuterielles et spatiales et contenus deacutemographiques et

institutionnelles) crsquoest bien cette dimension sociale de la vie de quartier (pratiques et

repreacutesentations sociales) qui deacutetermine la diffeacuterenciation socio-spatiale plus que les seuls

profils socio-deacutemographiques

Crsquoest bien pourquoi la repreacutesentation des difficulteacutes intenses des quartiers en crise doit se

deacutefinir sur ce plan de la vie sociale et des relations qursquoy entretiennent les individus en ce que

celles-ci conditionnent en partie leur inteacutegration sociale urbaine Ces aspects peuvent ecirctre

analyseacutes en termes drsquoune part de ghettoiumlsation pour les espaces drsquohabitat cumulant

paupeacuterisation et exclusion socio-urbaine drsquoune population comportant de nombreuses

personnes marginaliseacutees et drsquoautre part de deacuteclin social urbain pour lrsquoensemble de lrsquoespace

urbain environnant les quartiers-ghettos ou en voie de ghettoiumlsation Ces deux notions

permettent drsquoaborder lrsquoanalyse de faits sociaux en milieu urbain en lien avec les

investissements politico-institutionnels drsquointeacutegration sociale et territoriale En sociologie

urbaine la dynamique urbaine (les interactions et les activiteacutes sociales les mobiliteacutes sociales

et spatiales les constructions et lrsquoameacutenagement) est imbriqueacutee dans celle de la socieacuteteacute

(rapports sociaux et mobiliteacute sociale) (Bassand Kaufman Joye 2002) La deacutegradation de la

ville est donc indissociablement lieacutee agrave la deacutegradation du social ie aux rapports sociaux de

production et notamment de production mecircme de lrsquoespace physique et social (Joye Schuler

2002) ce que nous avons vu ecirctre imputable agrave lrsquoadoption de lrsquoideacuteologie neacuteolibeacuterale par les

eacutelites politique mecircme socialiste en France dans les anneacutees 1980 ayant pour effet la

deacuteconnexion des classes populaires et modestes du systegraveme eacuteconomique et social

Ce qui au passage institue un cadre pour la reacutesolution de laquo crises urbaines raquo diverses

appreacutehendeacutees selon Alain Bourdin (2006) en tant que difficulteacutes de gestion de problegravemes

aigus qui se reacutevegravelent surtout au moment des reacutecessions eacuteconomiques etou de fortes

immigrations deacutestabilisant les villes en geacuteneacuterant des pheacutenomegravenes speacutecifiques comme le

chocircmage la marginaliteacute de certains groupes les tensions relationnelles la deacutelinquance la

criminaliteacute et la violence la peacutenurie de logements adapteacutes ou encore une mortaliteacute massive et

subitehellip Lrsquoaction (la laquo reacuteaction sociale raquo selon Simmel) doit alors viser lrsquointensification du

93

travail drsquointeacutegration locale pour assurer la continuiteacute de la coheacutesion sociale globale de la

socieacuteteacute Cependant il nrsquoy a pas de modegravele et de voie uniques dans ce domaine

Dans le cas franccedilais qui globalement ne connaicirct qursquoeacutechecs et frustrations depuis pregraves de

quarante ans agrave ce sujet Ali Sedjari (2006) suggegravere deux principes agrave respecter drsquoabord viser

le changement du social pour enclencher des laquo mouvements drsquourbaniteacute raquo ce qui rejoint les

appels agrave se concentrer sur les meacutecanismes structurels de reconnexion des classes populaires

au travail (Tissot 2007) ensuite rompre avec le modegravele inefficace drsquoaction brutale qui a eacuteteacute

trop souvent appliqueacutee encore dans les opeacuterations actuelles de reacutenovation urbaine Quatre

conditions doivent aussi ecirctre mises en œuvre pour des reacutesultats durables 1 des interventions

agrave lrsquoeacutechelle des agglomeacuterations et de maniegravere globale 2 une viseacutee exclusive du bien-ecirctre des

habitants notamment les plus fragiliseacutes en les impliquant dans lrsquoeacutelaboration et la mise en

œuvre des projets 3 lrsquoattention agrave la mixiteacute sociale reacutesidentielle pour limiter les risques de

rupture sociale lieacutee agrave la concentration trop exclusive des pauvres et enfin 3 lrsquoorganisation

drsquoadministrations autonomes y compris financiegraverement au service de la gestion des

politiques drsquointeacutegration urbaine (contre le manque de structuration suffisante des villes pour

leur capaciteacute inteacutegrative)

Ces propositions de gestion des crises urbaines permettent drsquoappreacutehender la notion de deacuteclin

social urbain en termes de deacuteveloppement dans une zone donneacutee de pheacutenomegravenes socio-

politiquement probleacutematiques ils concernent et sont reacutealiseacutes par des populations qui

subissent lrsquoexclusion eacuteconomique en raison de leurs faibles qualification et ressources

sociales et qui sont regroupeacutees dans lrsquoespace urbain dans des lieux geacutereacutes et ameacutenageacutes de

maniegravere inadapteacutee par les institutions Pour affiner cette approche deacutefinitionnelle il faut la

distinguer drsquoun champ connexe de recherche et drsquointervention qui traite drsquoun aspect de la

question geacuteneacuterale et plus ancienne du deacuteveloppement des villes et des agglomeacuterations crsquoest

le champ du deacuteclin urbain ou de la deacutecroissance urbaine (Fol Cunningham-Sabot 2010) Ce

thegraveme existe au moins depuis lrsquoEacutecole de Chicago aux Eacutetats-Unis sous lrsquointituleacute encore tregraves

actuel de urban decline ou plus reacutecemment de shrinking cities cette derniegravere expression se

focalise sur le reacutetreacutecissement ou la reacutetractation des villes du point de vue majoritairement

deacutemographique Le deacutetour par ce courant de recherches permet de prendre du recul par

rapport agrave celui tregraves speacutecialiseacute des problegravemes sociaux dans des fragments de ville ou lieacutes agrave la

fragmentation des villes Il est une source drsquoalimentation conceptuelle importante pour le type

drsquoanalyse de cette recherche

94

Cherchant agrave comprendre la croissance des villes les sociologues nord-ameacutericains ont agrave partir

des anneacutees 1920 deacuteveloppeacute des theacuteories en termes de cycle de vie avec des eacutetapes de

croissance et de deacuteclin moins au niveau de lrsquoensemble des aires urbaines qursquoagrave celui de leurs

territoires internes constitueacutes drsquoaires reacutesidentielles laquo morales raquo ou laquo naturelles raquo plus petites

Pour Homer Hoyt (1939) par exemple le deacuteclin de certains quartiers reacutesidentiels est

ineacuteluctable en raison de la deacutevalorisation immobiliegravere lieacutee agrave lrsquoarriveacutee de populations moins

aiseacutees et drsquoorigine ethnique Par la suite la recherche sur ce type de processus srsquoest davantage

centreacutee sur les villes dans leur totaliteacute en mettant en relation leurs composantes pour des

analyses speacutecifiques comme la deacutecroissance deacutemographique des centres-villes et le deacuteclin de

leurs activiteacutes eacuteconomiques et des emplois Ces pheacutenomegravenes sont alors deacutecrits comme lieacutes

aux mouvements de peacuteri- et de suburbanisation des meacutenages aiseacutes et des activiteacutes soutenus

par les institutions politico-administratives agrave travers des mesures drsquoameacutenagement et

drsquourbanisme ainsi que des aides financiegraveres et eacuteconomiques

Cette approche plutocirct deacutemographique srsquoest deacuteveloppeacutee pour la comparaison internationale de

lrsquoeacutevolution des villes dans le monde entier Des modegraveles de laquo contraction raquo urbaine sont

eacutechafaudeacutes comprenant parfois des eacutetapes de laquo reacutesurgence raquo ou de laquo reacute-urbanisation raquo des

villes (Fol Cunningham-Sabot 2007) De 2000 agrave 2005 par exemple il est montreacute que parmi

les 414 plus grandes agglomeacuterations mondiales de plus drsquoun million drsquohabitants 30 ont perdu

des habitants notamment dans le Nord des pays du monde Lrsquoanalyse de ce pheacutenomegravene nrsquoest

cependant pas sans complexiteacute voire contradictions certaines villes peuvent connaicirctre un

deacuteclin deacutemographique alors que les autres avec lesquelles elles forment une agglomeacuteration

sont en croissance tout comme lrsquoagglomeacuteration globalement peut lrsquoecirctre ou au contraire ne

pas lrsquoecirctre En fait rien que sur le plan deacutemographique les modes drsquoeacutevolution des villes sont

drsquoune grande varieacuteteacute sans compter drsquoautres dimensions eacuteconomique sociale

morphologique et encore politique dans lesquelles les variables sont multiples

En deacutemographie par exemple les uniteacutes peuvent ecirctre soit des meacutenages et des individus (taille

des meacutenages niveau de vie migrationhellip) soit des logements soit des emplois et des

eacutetablissements et les eacutetudes peuvent srsquoarticuler diversement avec une ou plusieurs autres

dimensions Neacuteanmoins Sylvie Fol et Emmanuegravele Cunningham-Sabot (2010) constatent que

malgreacute la flexibiliteacute conceptuelle potentielle du deacuteclin urbain les analyses mettent

principalement lrsquoaccent sur deux dimensions deacutemographiques et eacuteconomiques et mobilisent

deux modegraveles explicatifs lrsquoun plus lineacuteaire qui limite le nombre de variables pour valoriser

un enchaicircnement causal au risque drsquoeacutecarter drsquoautres pheacutenomegravenes essentiels lrsquoautre deacutejagrave

95

eacutevoqueacute est celui du cycle de vie calqueacute sur celui des produits en eacuteconomie (mouvement de

destruction creacuteatrice de lrsquoinnovation dans une eacuteconomie capitaliste libre)

Ces deux modegraveles restent reacuteducteurs de la multipliciteacute et de la reacutealiteacute nouvelle des

pheacutenomegravenes actuels En effet si la dimension eacuteconomique dans le deacuteveloppement urbain joue

un rocircle deacuteterminant crsquoest de maniegravere diffeacuterente agrave ses effets traditionnels puisque ses

manifestations se sont transformeacutees les pheacutenomegravenes de deacutecroissance deacutemographique et de

marginalisation spatiale et fonctionnelle des villes deacutependent drsquoune eacuteconomie mondialiseacutee et

technologique Ce mode de deacuteveloppement tend agrave disjoindre les systegravemes de production

eacutelargis dans le cadre de la division internationale du travail de leur ancrage territorial de base

ou initial Les villes deacutependent de plus en plus nettement de ce mode de production

eacuteconomique soutenu par les politiques nationales dans la relation qursquoelles entretiennent avec

celui-ci

Ce nrsquoest alors que plus secondairement que des pheacutenomegravenes speacutecifiques exercent une

influence sur les diffeacuterentes dimensions du deacuteveloppement urbain qursquoils soient drsquoordre

deacutemographique (vieillissement baisse de feacuteconditeacute hausse du nombre de meacutenageshellip) de

strateacutegie de localisation et drsquohabitat des meacutenages (centres drsquoagglomeacuteration ou peacuteripheacuteriehellip)

voire mecircme urbanistique (deacuteconcentration du bacirctihellip) Lrsquoorganisation spatiale de lrsquoeacuteconomie

mondiale polarise la croissance deacutemographique et eacuteconomique de certaines villes au

deacutetriment drsquoautres en raison de leur position par rapport aux thegravemes aux espaces aux

mouvements et aux infrastructures rechercheacutees et neacutecessaires agrave son deacuteploiement Les

territoires deacutelaisseacutes deacutependent alors de politiques publiques diverses en matiegraveres eacuteconomique

urbaine et sociale pour leur deacuteveloppement (Fol Cunningham-Sabot 2010)

Cette analyse confirme lrsquoenjeu crucial mis en exergue par Lefebvre qursquoest devenu lrsquoespace

dans les rapports sociaux de production la seacutelectiviteacute et la seacutegreacutegation socio-spatiales sont

mises en œuvre comme moyen et comme effet de lrsquoeacuteconomie devenue mondiale Ce qui

induit drsquoune part la mise agrave lrsquoeacutecart de centres urbains trop eacuteloigneacutes de son champ et drsquoautre

part dans les agglomeacuterations qui se globalisent (par lrsquoorientation de leurs activiteacutes dans

lrsquoeacuteconomie mondiale) la fragmentation socio-spatiale qui se durcit agrave mesure qursquoaugmentent

les eacutecarts drsquoineacutegaliteacutes socio-eacuteconomiques entre les inclus et les exclus de cette eacuteconomie

De ce courant de recherches consideacuterant lrsquoeacutevolution des villes de par leur relation avec

lrsquoeacuteconomie et par lagrave de sa gestion politique selon un cadre ideacuteologique il est possible de

rendre plus leacutegitime lrsquoutilisation du terme deacuteclin dans les villes concernant leur vie sociale et

96

leurs situations reacutesidentielles Il constitue un point drsquoarticulation entre les deux approches

celle se preacuteoccupant des eacutevolutions drsquoordre plus quantitatif (deacutemographique) des villes et

celle reacuteveacutelant les problegravemes drsquoexclusion socio-eacuteconomique et de fragmentation urbaine des

villes Des situations peuvent drsquoailleurs se croiser entre lrsquoeacutevolution deacutemographique des villes

et lrsquoeacutevolution sociale et morphologique dans celle-ci ce que montre lrsquoexistence de fortes

tensions sociales (eg des eacutemeutes) lieacutees agrave lrsquoexclusion socio-urbaine dans des agglomeacuterations

par ailleurs en croissance deacutemographique et eacuteconomique La possibiliteacute de cette articulation

des approches autorise en quelque sorte un emprunt conceptuel inheacuterent

Au passage le terme deacuteclin dans une approche scientifique doit srsquoexempter drsquoenchevecirctrement

possible avec des jugements de valeurs implicites Selon le Larousse 2005 le deacuteclin deacutesigne

la diminution de grandeur ou de valeur La preacutevention du risque drsquoeacutecart agrave lrsquoeacutethique

scientifique exige de preacuteciser ou drsquoobjectiver les critegraveres utiliseacutes pour produire une

appreacuteciation qui soit non seulement factuelle mais surtout indexeacutee agrave une theacuteorisation du

pheacutenomegravene qui impose drsquoexaminer si les faits rapporteacutes sont conformes ou non aux notions

eacutetudieacutees Cela neacutecessite de formuler des deacutefinitions opeacuterationnelles de celles-ci ie qui

permettent de les mesurer (Ghiglione Matalon 1999) Dans cette perspective le terme deacuteclin

peut revecirctir un caractegravere plus qualitatif que la simple acception deacutemographique pour lrsquoanalyse

du deacuteveloppement des villes voie privileacutegieacutee par Lefebvre (1968 1973 1970) pour deacutesigner

les relations sociales le statut et le bien-ecirctre des diffeacuterentes cateacutegories drsquohabitants dans les

diffeacuterentes parties des agglomeacuterations Cet accent sur la dimension qualitative du

deacuteveloppement urbain nrsquoest pas sans lien avec lrsquoappellation laquo deacuteveloppement social urbain raquo

utiliseacutee dans les anneacutees 1980 par les acteurs politiques et administratifs dans ce domaine

(Chevalier 2005) Le champ seacutemantique que reacutevegravele cette notion de deacuteclin social urbain eacutetant

ainsi circonscrit il est possible drsquoen parachever la formalisation qui reacutesulte des analyses

produites dans ce domaine et que la preacutesente recherche a pu conforter

En effet les premiers eacuteleacutements recueillis et analyseacutes lors de cette recherche notamment degraves le

deacutemarrage de lrsquoeacutetude monographique de la premiegravere ville-commune abordeacutee (les Ulis dans

lrsquoEssonne) ont concerneacute les structures et les eacutevolutions socio-deacutemographiques et urbaines

(dont les caracteacuteristiques des logements et de leur occupation) lrsquoemploi et le niveau de vie

mais aussi certaines pratiques et attentes sociales Cette premiegravere approche a deacutegageacute deux

premiers principaux traits qui ont tendance agrave ecirctre en commun avec drsquoautres travaux sur les

quartiers-ghettos 1 la sous-moyennisation de la structure sociale avec des meacutenages plus

fragiles croissants lieacutee agrave une paupeacuterisation correacutelative drsquoune partie de la population et le

97

deacuteveloppement systeacutematique de la deacutelinquance des jeunes et de la violence 2 une

communauteacute reacutesidentielle segmenteacutee en groupes plus ou moins inteacutegreacutes et plus ou moins

preacutecaires et assisteacutes avec un ordre social en rupture avec celui du reste des villes et celui des

premiers temps de peuplement de ces zones drsquohabitat

En fait une dynamique de problegravemes sociaux srsquoenclenche dans un espace ougrave sont croissantes

les victimes de lrsquoexclusion sociale accentuant ainsi le processus de transformation de la

composition sociale des relations sociales et des modes de vie des quartiers Le deacuteclin social

selon ces traits trouve un eacutecho particulier dans lrsquoanalyse des processus drsquoeacutevolution socio-

territoriale des villes que Donzelot (2004) a syntheacutetiseacute en trois termes qui pourtant ne

deacutesignent pas le mecircme ordre de pheacutenomegravenes la releacutegation des plus pauvres et fragiles

socialement dans les ZUS dans certains autres quartiers drsquohabitat social ou mecircme dans

certains quartiers anciens deacutegradeacutes la peacuteri-urbanisation des classes moyennes dans des

zones drsquohabitat pavillonnaire essentiellement et la gentrification des centres-villes crsquoest-agrave-

dire lrsquoembourgeoisement de quartiers centraux anciens plutocirct populaires (ouvriers et artisans)

par lrsquoinstallation de couches moyennes et supeacuterieures agrave la recherche de centraliteacute et de

proximiteacute drsquoeacutequipements nombreux et diversifieacutes

De ces trois notions une seule srsquoapplique comme le deacuteclin agrave lrsquoeacutevolution des proprieacuteteacutes

sociales et mateacuterielles de lrsquoespace la gentrification conseacutequence de lrsquoagreacutegation des plus

aiseacutes et inteacutegreacutes dans lrsquoeacuteconomie mondialiseacutee Les autres mouvements du deacuteveloppement des

villes ne deacutesignent que les mouvements drsquoinstallation des cateacutegories sociales dans lrsquoespace

sans eacuteleacutements explicites sur les relations sociales et lrsquoeacutetat des structures institutionnelles et

des eacutequipements et services publics et priveacutes qui srsquoy trouvent La gentrification ne deacutesigne-t-

elle pas le pheacutenomegravene inverse drsquoeacutevolution drsquoun espace physique et social agrave celui que le terme

de deacuteclin pourrait recouvrir Il ne srsquoagit pas drsquoeacutetudier la meacutetamorphose des espaces qui

srsquoembourgeoisent ou qui srsquoameacutenagent pour et par les couches moyennes et supeacuterieures mais

celle des zones urbaines en cours de deacutevalorisation mateacuterielle et symbolique par et pour les

populations preacutecaires exclues et releacutegueacutees La bipolarisation socio-spatiale que traduisent ces

deux mouvements provient bien du deacuteveloppement des pheacutenomegravenes eacuteconomiques et sociaux

de creusement des ineacutegaliteacutes sociales drsquoexclusion des moins qualifieacutes et drsquoaccroissement des

revenus des cadres du priveacute dans un contexte de leur preacutecarisation potentielle imposeacutees par

regravegles libeacuterales de lrsquoeacuteconomie mondialiseacutee Lrsquoagreacutegation spatiale rechercheacutee par ces derniers

(parfois dans des reacutesidences closes en milieu mixte) se reacutealise le plus souvent par volonteacute de

seacuteparation physique nette des espaces de cateacutegories ouvriegraveres preacutecariseacutees

98

Dans cet effort de deacutefinition il est drsquoabord constateacute que lrsquoexpression laquo deacuteclin social urbain raquo

comporte deux adjectifs juxtaposeacutes sans eacuteleacutement de liaison ce qui produit un effet

drsquoimpreacutecision srsquoagit-il de laquo deacuteclin social dans ou de lrsquourbain raquo ou plutocirct de laquo deacuteclin social et

urbain raquo En effet les eacuteleacutements fonctionnels et physiques drsquoun espace peuvent ne pas

eacutevoluer alors mecircme que des changements sociaux lrsquoaffectent structure des meacutenages type de

relations sociales culture et mode de vie mode drsquousage et de perception des eacuteleacutements et des

fonctions de lrsquoespacehellip Cependant lrsquointerdeacutependance et le recouvrement partiel des deux

domaines le social et lrsquourbain portent agrave consideacuterer que le deacuteclin de lrsquoun ne va pas sans celui

de lrsquoautre et vice et versa

Par exemple le pheacutenomegravene inverse de gentrification eacutevoqueacute plus haut se rapporte

effectivement agrave ces deux aspects drsquoune part la transformation de la composition sociale des

reacutesidants drsquoun quartier (ouvriers remplaceacutes par couches moyennes et supeacuterieures) et drsquoautre

part lrsquoeacutevolution des attributs de qualiteacute des logements et des eacutequipements de lrsquohabitat dans le

sens parallegravele (ameacutelioration par reacutehabilitation et investissements) en tant que produit social

drsquoun jeu entre acteurs et institutions sociales (Steacutebeacute Marchal 2010 p 138-139) Dans ce

sens le terme gentrification srsquoil peut ecirctre encore agrave preacuteciser quant aux pheacutenomegravenes qursquoil

deacutesigne et agrave ses deacuteterminants semble aiseacutement se deacutegager de tout jugement de valeur au

contraire de ce que peut veacutehiculer agrave premiegravere vue la notion de deacuteclin social urbain (hors

courant de recherches dans la sphegravere anglophone eacutevoqueacute plus haut du deacuteclin urbain agrave

caractegravere deacutemographique et eacuteconomique) Une premiegravere preacutecision de la notion est drsquoindiquer

que son champ concerne les pheacutenomegravenes de diminution en termes de grandeur ou de valeur

des relations sociales des statuts et du bien-ecirctre des habitants drsquoune zone urbaine

En outre existe-t-il une theacuteorie du deacuteclin social urbain ou encore les explications concernant

la marginalisation voire la ghettoiumlsation urbaines peuvent-elles srsquoappliquer agrave son endroit Agrave

ce niveau il faut drsquoabord revenir aux constats historiques et sociologiques concernant la

tendance agrave la disparition des entiteacutes communautaires agrave base spatiale et la reacuteduction

correacutelative de la conscience collective des individus en raison drsquoun eacutelargissement des espaces

geacuteographiques et sociaux de mobiliteacute des individus Lrsquointensiteacute des relations sociales et de

leurs dimensions affectives et identitaires dans les mecircmes zones drsquohabitat a diminueacute en

premier chef dans les quartiers des villes mecircme si ce pheacutenomegravene ne srsquoest pas diffuseacute de

maniegravere homogegravene et simultaneacutee agrave tous les milieux sociaux de lrsquoespace national

Les quartiers ouvriers par exemple caracteacuteriseacutes par un mode de vie collective ougrave la seacuteparation

entre la vie priveacutee et la vie publique nrsquoest pas nette ont certainement conserveacute ce

99

fonctionnement tant que les industries les employaient En outre la deacutestructuration des

communauteacutes traditionnelles villageoises voire urbaines nrsquoengendre certainement pas dans

tous les quartiers des pheacutenomegravenes de concentration des plus pauvres et des plus fragiles drsquoune

agglomeacuteration ainsi qursquoune forte deacutelinquance voire une violence preacutedominante entre les

personnes Drsquoautres explications doivent ecirctre avanceacutees Jacques Beauchard (1993) par

exemple met speacutecifiquement en avant la reacuteduction de la capaciteacute des villes agrave constituer des

uniteacutes politiques drsquointeacutegration sociale en raison de lrsquoeacutevolution des paramegravetres politico-

institutionnels eacuteconomiques et urbains ayant agi dans ce sens Selon lui la dispersion des

eacuteleacutements fonctionnels et sociaux des villes avec le deacutepart de populations et drsquoentreprises vers

les zones peacuteripheacuteriques produit ce mecircme effet drsquolaquo eacuteclatement raquo de la ville eacutevoqueacutee par

Lefebvre bien que ce terme et drsquoautres proches seacutemantiquement aient pu ecirctre useacutes non sans

une certaine inflation rheacutetorique

En effet Jacques Brun (2008) a qualifieacute drsquolaquo hysteacuterisation potentielle raquo le discours analytique

dans les anneacutees 1980 sur les transformations urbaines exigeant drsquoexaminer plus preacuteciseacutement

les notions meacutetaphoriques utiliseacutees eacuteclatement desserrement division fragmentationhellip

Jusqursquoagrave la fin des anneacutees 1990 ce type de production ne fait qursquoenteacuteriner lrsquoanalyse

lefebvrienne de lrsquoeacutevolution des villes Celle-ci nrsquoest pas sans lien avec les travaux preacuteceacutedents

des sociologues de lrsquoEacutecole de Chicago sur le fractionnement divers des espaces urbains des

changements eacuteconomiques sociaux mais aussi urbains sont deacutesigneacutes comme deacuteterminants de

la laquo disparition raquo de la ville au profit de lrsquourbain (Haumont Levy 1998) Ces termes

meacutetaphoriques marquent les imaginaires et suscitent des eacutemotions au deacutetriment de la

preacutecision drsquoanalyse des pheacutenomegravenes deacutecrits tout en reacuteveacutelant en creux une vision ideacutealiste de

la ville moyenne sans seacutegreacutegation (ou faible) En reacutealiteacute les problegravemes drsquointeacutegration et

drsquoexclusion y existent tout autant que dans les grandes villes Cependant ces pheacutenomegravenes nrsquoy

atteignent pas lrsquoampleur drsquoune reacuteelle crise de la ville au sens de rupture qualitative forte

difficile agrave geacuterer par les institutions urbaines et politico-administratives

Ainsi agrave la fin des anneacutees 1990 les reacuteflexions portent moins sur la reacutealiteacute que sur la porteacutee

sociale de la transformation fragmentaire des villes Jean-Pierre Leacutevy (1998) qui postface le

mecircme ouvrage collectif appelait par exemple agrave la reconnaissance des pheacutenomegravenes de

laquo pathologie sociale raquo comme la releacutegation de populations deacutefavoriseacutees et la compeacutetitiviteacute

accrue de groupes sociaux pour lrsquooccupation de bons quartiers dont la gentrification des

zones drsquoaccessibiliteacute maximale est une forme Leacutevy preacutecise que ce ne sont pas les formes

urbaines qui expliquent en majoriteacute les problegravemes sociaux et politiques voire la perte

100

drsquoidentiteacute et drsquouniteacute de la ville ce sont plutocirct les comportements et les rapports sociaux qui

ont des effets urbains Par exemple ce sont bien les conduites des cateacutegories sociales

moyennes aiseacutees et modestes qui deacuteterminent des processus de valorisationdeacutevalorisation

des zones urbaines selon des dureacutees jamais deacutefinitives (il eacutevoque lui aussi la notion de

laquo cycles raquo) Les pratiques reacutesidentielles deacutependent elles-mecircmes drsquoune part des activiteacutes

socio-eacuteconomiques qui agissent conjointement et de maniegravere complexe sur le marcheacute du

travail et sur celui du logement et drsquoautre part des politiques sociales et eacuteconomiques en

cours Crsquoest pourquoi il eacutevoque la forte flexibiliteacute sociale de lrsquoespace crsquoest-agrave-dire lrsquoextrecircme

souplesse drsquousage des lieux mecircme si demeure leur laquo esprit raquo pour la meacutemoire collective

Par ailleurs une variable suppleacutementaire peut ecirctre abordeacutee dans la recherche de preacutecision de

la chaicircne de causaliteacute ou plutocirct du contexte des deacuteterminations liant eacutevolution socio-

eacuteconomique et eacutevolution socio-spatiale par le biais des pratiques reacutesidentielles des citadins et

des politiques sociales et eacuteconomiques les eacutequipements et les services publics neacutecessaires agrave

la population dont la politique de gestion ne se distingue pas du cadre ideacuteologique de mise en

œuvre des autres politiques eacuteconomiques sociales et urbaines Lrsquoinsuffisance des structures

institutionnelles de services dans certaines zones urbaines a un effet direct sur lrsquointeacutegration

sociale Et Beauchard (1993) deacutenonccedilait deacutejagrave vigoureusement la reacuteduction des moyens

institutionnels drsquointeacutegration sociale que sont les services publics depuis la crise eacuteconomique

des anneacutees 1970 Il ne srsquoagit plus simplement drsquoaffaiblissement de la fonction inteacutegratrice des

villes dans le champ de la production eacuteconomique (du fait de lrsquoexternalisation des cateacutegories

supeacuterieures et de la deacutelocalisation des activiteacutes productives) mais plutocirct de production de

lrsquoexclusion et de la marginalisation sociales pour les cateacutegories resteacutees sur place par deacutefaut

drsquoeacutequipements et de services publics

En ce sens les trois principaux rapports politico-institutionnels sur la politique agissant sur la

crise lieacutee agrave la seacutegreacutegation sociale et urbaine dans les vingt derniegraveres anneacutees du XXe siegravecle

confirment ces deacutefauts drsquoadaptation qualitative et drsquoinsuffisance quantitative des services

publics et des eacutequipements (Dubedout 1983 Delarue 1991 Sueur 1998) Un autre rapport

dans la deacutecennie 2000 du Conseil drsquoanalyse eacuteconomique Seacutegreacutegation urbaine et inteacutegration

sociale (Fitoussi Maurent Maurice 2003) eacutevoque ce fait agrave partir des analyses de Preacuteteceille

(2000 2002) sur le niveau drsquoeacutequipement de la reacutegion parisienne entre les anneacutees 1970 et la

fin des anneacutees 1990 dans les domaines de la petite enfance (cregraveches) de la culture (salles de

spectacle de cineacutemas et de concerts bibliothegraveques publiques eacutecoles ateliers drsquoarts

plastiques Maisons des jeunes) de la santeacute (eacutetablissements hospitaliers et professionnels de

101

soins) et des bureaux de poste Il constate que lrsquoameacutelioration au cours de la fin du XXe siegravecle

est beaucoup plus faible dans les zones peacuteripheacuteriques sous-doteacutees que dans les zones centrales

de lrsquoagglomeacuteration avec des diffeacuterences internes privileacutegiant les quartiers riches de Paris

Un eacutecart se creuse donc en raison du lien entre le niveau drsquoeacutequipement et la centraliteacute urbaine

ou lrsquoancienneteacute drsquourbanisation mais aussi selon la composition sociale des localisations

reacutesidentielles Quoiqursquoil en soit ce lien contraste avec les laquo besoins sociaux raquo potentiels que

font apparaicirctre les eacutevolutions socio-deacutemographiques qui sont drsquoune part la baisse de la

population dans la partie centrale de la reacutegion urbaine (Paris et premiegravere couronne) et sa

croissance dans la deuxiegraveme couronne et drsquoautre part la reacutepartition spatiale des cateacutegories

sociales Les eacutequipements les plus importants et leur accroissement dans les espaces centraux

profitent donc agrave une population plus speacutecifique et en diminution avec la speacutecialisation en

cadres supeacuterieurs et intermeacutediaires du priveacute alors que les zones peacuteripheacuteriques sous-eacutequipeacutees

(mais aussi les quartiers parisiens populaires du Nord et de lrsquoEst) plus peupleacutees par des

cateacutegories moyennes et ouvriegraveres connaissent une progression plus faible du niveau

drsquoeacutequipements

Les politiques drsquoeacutequipement public suivent donc une logique spatiale deacutefavorable aux

cateacutegories populaires contrairement aux justifications theacuteoriques des politiques

drsquoameacutenagement et drsquourbanisation agrave lrsquoorigine de la redistribution sociale constateacutee au tournant

des anneacutees 2000 Cette derniegravere comporte bien un caractegravere seacutegreacutegatif En fait la reacuteduction de

la capaciteacute des villes agrave fournir des services au public est en partie une conseacutequence fiscale de

lrsquoexternalisation de la deacutelocalisation etou de lrsquoinsuffisance des cateacutegories supeacuterieures et des

activiteacutes eacuteconomiques non compenseacutees par les dotations eacutetatiques de fonctionnement et les

meacutecanismes de solidariteacute intercommunale Par voie de conseacutequence le deacuteclin social et

eacuteconomique des villes srsquoaccompagne drsquoun risque eacuteleveacute de marginalisation institutionnelle de

leur population

Lrsquoeffet de seacutegreacutegation issu de la territorialisation concregravete des politiques drsquoeacutequipement et de

services publics est drsquoailleurs renforceacute par trois autres formes drsquoineacutegaliteacutes sociales lieacutees aux

localisations reacutesidentielles des personnes (Preacuteteceille 2004) drsquoabord lrsquoineacutegal accegraves aux

emplois pour les habitants de banlieues peacuteripheacuteriques du fait de la faiblesse des

infrastructures de transports et de la deacutependance agrave lrsquousage de lrsquoautomobile ensuite la

seacutelectiviteacute de la mobiliteacute reacutesidentielle pour se rapprocher des emplois etou des eacutequipements

(difficile et plus rare pour les classes populaires contraintes par le logement social

102

reacuteglementeacute ou deacutependantes drsquoun marcheacute locatif de basse qualiteacute se reacuteduisant ou encore drsquoun

marcheacute drsquoaccegraves agrave la proprieacuteteacute dans les segments eacuteloigneacutes et deacutegradeacutes du parc immobilier) et

enfin les ineacutegaliteacutes de la pression fiscale locale puisque celle-ci deacutepend de la structure des

bases fiscales des territoires elle-mecircme lieacutee au niveau de preacutesence drsquoentreprises et aux

valeurs fonciegraveres et immobiliegraveres

Ainsi les diffeacuterences de qualiteacute des espaces reacutesidentiels produisent des effets cumulatifs

drsquoineacutegaliteacutes sociales renforccedilant la seacutegreacutegation urbaine des dispositifs drsquoeacutequipement et

implantation de services publics La laquo solution-miracle raquo de la mobiliteacute quotidienne

(deacuteplacements spatiaux) promue pour reacuteduire la seacutegreacutegation reste de ce fait insuffisante en

raison des contraintes de coucircts drsquoinfrastructure de moments et de temps de transports ainsi

que des coucircts drsquoaccegraves eacuteconomique (tarifs) et social (codes sociaux et culturels) aux

eacutequipements une fois atteints dans leurs aires drsquoimplantation (Preacuteteceille 2004) Les moyens

mateacuteriels temporels et sociaux de mobiliteacute pour lrsquoaccegraves aux ressources structurelles drsquoun

environnement sont hieacuterarchiseacutes selon les revenus et les ressources des meacutenages Les

ineacutegaliteacutes sociales srsquoexpriment alors en termes de laquo sous-mobiliteacute raquo spatiale mais aussi de

laquo sur-mobiliteacute raquo contrainte parfois (Gibout 2004) ie de surconsommation non deacutesireacutee de

temps et drsquoespace pour des deacuteplacements en raison tant de dispositions et de caracteacuteristiques

urbaines objectives des localisations reacutesidentielles (offre de transport et drsquoeacutequipements forme

urbaine rythme des activiteacuteshellip) que des raisons personnelles drsquoordre eacuteconomique sanitaire

ou social (faibles ressources eacuteconomiques chocircmage handicap meacuteconnaissance de la villehellip)

agrave ne pouvoir reacutealiser ou beacuteneacuteficier des activiteacutes et services proches ecirctre domicilieacute agrave proximiteacute

de ceux souhaiteacutes ou disposer drsquoune voiture pour se rendre rapidement sur des lieux

concerneacutes Ces situations engendrent de la marginalisation voire de lrsquoexclusion quant agrave

lrsquousage de la ville notamment pour les femmes en raison de leur plus grande freacutequence

drsquooccupation de positions et de fonctions sociales domineacutees dans les sphegraveres familiales et

domestiques (garde encadrement et accompagnement des enfants aux activiteacutes pratiques de

chalandises faibles qualifications monoparentaliteacute ou megraveres au foyerhellip)

Ces eacuteleacutements lieacutes aux politiques et aux difficulteacutes drsquousage des eacutequipements et des services

srsquoajoutent agrave la thegravese de la reacuteduction de lrsquouniteacute des villes et de leur deacuteclin par les mouvements

drsquoexternalisation et de deacutelocalisation sociale et eacuteconomique Avec la reacuteduction de leur

capaciteacute drsquointeacutegration fonction politique pourtant majeure lrsquourbaniteacute des villes est en fait

affaiblie ce qui constitue une eacutetape nouvelle de deacutetachement de la ville par la citeacute politique

depuis la fin des citeacutes-Eacutetats grecs (Beauchard 1993) Le vide produit par cette deacutefection

103

geacutenegravere outre une sur-appropriation de lrsquoespace public par le champ eacuteconomique (agrave travers la

publiciteacute et la privatisation de lrsquoespace) des replis communautaires potentiels en reacuteaction agrave la

multipliciteacute jugeacutee menaccedilante des grandes citeacutes ouvertes Lrsquoespace public ne devient-il pas un

espace socioculturel menaceacute de divisions et de conflits territoriaux de toute sorte entre

groupes sociaux et ethniques rassembleacutes (Semprini 1997) Lrsquoeacuteclatement social mais aussi

politique de la ville signifie ainsi une (deacute)composition sociale territoriale exalteacutee par les

risques de conflits et poussant agrave la recherche de leur eacutevitement

Marie-Christine Jaillet-Roman (2006) preacutecise que cet effet de deacuteclin politico-institutionnel

accompagnant lrsquoextension urbaine srsquoobserve geacuteographiquement aux deux points des

mouvements drsquoexternalisation dans lrsquoespace au niveau des villes-centres de deacutepart laissant

certains secteurs abandonneacutes et deacutegradeacutes que ne peuvent ou ne veulent investir les champs

eacuteconomique et institutionnel et drsquoautre part au niveau des communes peacuteripheacuteriques

drsquoinstallation des couches moyennes et supeacuterieures ougrave des regroupements intercommunaux

socialement homogegravenes fragmentent lrsquoespace peacuteriurbain en refusant la participation aux

communes ayant un profil social majoritaire infeacuterieur Les espaces peacuteripheacuteriques se

recomposent selon des modaliteacutes seacutelectives et compeacutetitives de collaboration intercommunale

traduisant la tendance accrue agrave la quecircte drsquoentre-soi territorial des classes moyennes et

supeacuterieures qui se reacutepercute dans la freacutequentation des eacutequipements notamment scolaires

(Maurin 2004)

Ainsi le transfert de centraliteacute geacuteneacutereacutee par lrsquoextension urbaine dans certaines banlieues et

dans certains espaces peacuteriurbains anciens ne beacuteneacuteficient pas agrave toutes les cateacutegories sociales et

spatiales (Jaillet-Roman 2006) Entre les centres valoriseacutes faisant laquo archipel raquo dans

lrsquoensemble de lrsquoespace urbain les espaces les plus deacutegradeacutes et deacutevaloriseacutes constituent des

supports territoriaux drsquoorientation des seacutegreacutegations socio-urbaines Les espaces marginaliseacutes

comportent les espaces drsquohabitat les moins valoriseacutes grands ensembles drsquohabitation et

lotissements pavillonnaires deacutegradeacutes ou encore quartiers centraux veacutetustes Ce mode de

deacuteveloppement urbain accentue les risques drsquoineacutegaliteacutes territoriales et geacutenegravere pour les espaces

deacutevaloriseacutes de faibles capaciteacutes eacuteconomiques drsquointeacutegration et drsquooffre de services publics ce

qui contribue au sein des populations reacutesidentes au malaise au deacutenuement et agrave la frustration

Selon Jaillet-Roman (2006) la hausse des votes protestataires (notamment en direction du

Front national) ou de la violence individuelle et collective en sont des signes

Ces deux approches sociopolitique (Beauchard) et geacuteographique (Preacuteteceille Jaillet-Roman)

de lrsquourbain consacrent en partie le lien entre cadre urbain et cadre politique et social

104

drsquointeacutegration sociale par lrsquointermeacutediaire des rapports sociaux locaux et de lrsquoaction politico-

institutionnelle locale Le problegraveme pour lrsquoaction politique urbaine est que les eacutechelons

communaux et intercommunaux ne recouvrent que partiellement les espaces de vie

quotidienne des individus les laquo bassins de vie raquo selon lrsquoINSEE repreacutesentent des territoires

multi-communaux comportant les eacutequipements de proximiteacute reacuteguliegraverement freacutequenteacutes par la

majoriteacute des habitants Il est difficile drsquoy exercer un pouvoir et un controcircle deacutemocratiques

pouvant reacutesister aux meacutecanismes seacutegreacutegatifs des agglomeacuterations ou des espaces urbains

drsquoappartenance plus larges La difficulteacute est encore plus forte en ce qui concerne lrsquoeacutechelle

meacutetropolitaine de manifestation des grandes divisions sociales de lrsquoespace urbain puisque

jusqursquoagrave la loi de reacuteforme des collectiviteacutes territoriales du 16 deacutecembre 2010 elle ne

comportait pas drsquoassembleacutee eacutelue pour la maicirctrise complegravete du deacuteveloppement eacuteconomique et

social et donc de son identiteacute

Les effets de cette nouvelle loi sont donc attendus avec inteacuterecirct puisqursquoelle met en œuvre une

nouvelle organisation des structures de politique territoriale en creacuteant entre autres

modifications deux nouveaux eacutetablissements publics de coopeacuteration intercommunale (EPCI)

agrave fiscaliteacute propre drsquoune part la meacutetropole agglomeacuteration drsquoau moins 500 000 habitants en

substitution au Deacutepartement et agrave la Reacutegion sur lrsquoameacutenagement et le deacuteveloppement

eacuteconomique eacutecologique eacuteducatif culturel et social et drsquoautre part le pocircle meacutetropolitain

espace de laquo meacutetropoles multipolaires raquo drsquoau moins 300 000 habitants autour drsquoun EPCI centre

drsquoau moins 150 000 habitants pour le deacuteveloppement eacuteconomique la promotion de

lrsquoinnovation de la recherche de lrsquoenseignement supeacuterieur et de la culture lrsquoameacutenagement de

lrsquoespace et le deacuteveloppement des infrastructures et des services de transport Preacutesenteacutees

comme plus adapteacutees aux entiteacutes urbaines ces structures sont censeacutees ameacuteliorer la

laquo compeacutetitiviteacute et la coheacutesion raquo de leurs territoires37

Enfin une derniegravere seacuterie de travaux parachegraveve la formulation des composantes

deacutefinitionnelles de la notion de deacuteclin social urbain Loiumlc Wacquant (2007) dans son analyse

des ghettos eacutetatsuniens et franccedilais utilise lrsquoexpression laquo deacuteclin urbain raquo non pas au sens des

eacutetudes sur le urban decline des villes mais bien dans le sens de la diffeacuterenciation interne des

37 Cependant la notion de compeacutetitiviteacute est certainement utiliseacutee de maniegravere incertaine par les auteurs de la loi En effet la deacutefinition consensuelle qui preacutevaut au sein des eacuteconomistes et des institutions internationales comporte en elle-mecircme deacutejagrave la notion de coheacutesion sociale Selon le Conseil europeacuteen de Lisbonne de mars 2000 la compeacutetitiviteacute est deacutefinie comme la laquo capaciteacute agrave ameacuteliorer durablement le niveau de vie de ses habitants et agrave leur procurer un haut niveau drsquoemploi et de coheacutesion sociale raquo (Gaulier 2003) Le risque est que le terme soit employeacute et compris comme celui de la compeacutetition entre entreprises par analogie agrave son sens premier dans le champ eacuteconomique Eacutevidemment les territoires nrsquoont pas de parts de marcheacute agrave se disputer ils poursuivent des inteacuterecircts propres lieacutes agrave leur speacutecificiteacute diffeacuterentielle

105

espaces sociaux des villes Il identifie quatre domaines de sa manifestation dans lrsquoanalyse du

passage des ghettos agrave des laquo hyper-ghettos raquo ie des ghettos en deacutecomposition sociale et en

deacuteclin eacuteconomique il mecircle drsquoune part deux dimensions plus strictement urbaines la

configuration spatiale et la position structurale et fonctionnelle dans la socieacuteteacute urbaine et

drsquoautre part deux aspects plus sociaux la composition institutionnelle et deacutemographique et

le veacutecu des habitants ie leurs expeacuteriences et relations sociales quotidiennes (Wacquant

2007 p 57) Les causes deacutegageacutees y sont essentiellement externes par la transformation du

systegraveme de forces eacuteconomiques sociales et politiques modelant les territoires sociaux et

symboliques des habitants

Les effets internes de ces changements concernent lrsquoordre social de la communauteacute

concerneacutee avec une organisation sociale diffeacuterente du fait de lrsquoinseacutecuriteacute eacuteconomique et

sociale de la forte hostiliteacute raciale et de la constante stigmatisation publique subie par les

habitants Il eacutetablit ainsi une liste de pheacutenomegravenes caracteacuteristiques du deacuteclin des

ghettos reacuteveacutelant sa laquo transformation du tissu eacuteconomique et social raquo (Wacquant 2007

p 64) agrave deux niveaux et selon plusieurs aspects drsquoune part une deacutegradation physique

(deacutelabrement) et commerciale des espaces et drsquoautre part des difficulteacutes sociales des

meacutenages (seacuteparation eacutechec scolaire isolementhellip) favorisant la violence de rue et lrsquoinseacutecuriteacute

multiforme des habitants

En incise dans le deacutebat sur la leacutegitimiteacute du terme ghetto pour deacutecrire la situation de certains

quartiers drsquohabitat deacutegradeacutes franccedilais ce que Wacquant (2007) nrsquoaccepte pas du point de vue

de ces enquecirctes reacutealiseacutees dans les anneacutees 1990 il peut ecirctre rapporteacute agrave titre drsquoexemple ayant

force de deacutemonstration empirique le teacutemoignage eacutecrit du maire de Clichy-sous-Bois (Dilain

2007) en Seine-Saint-Denis ougrave se trouve le grand ensemble de Clichy-Montfermeil

(commune voisine) il eacutevoque par exemple la laquo peur panique raquo des Clichois envers les trois

collegraveges de la ville qui ont des nombres drsquoeacutelegraveves en difficulteacutes sociales croissants avec

jusqursquoagrave 24 drsquoeacutelegraveves en classe de 3egraveme redoublants contre 12 en Seine-Saint-Denis en

plus les difficulteacutes de dialogue entre les eacutecoles et les parents eacutetrangers sont nombreuses avec

les traducteurs qui manquent ainsi que le temps aux enseignants souvent jeunes et

inexpeacuterimenteacutes un autre point est la fermeture du seul Centre meacutedico-psychologique (CMP)

pour enfant et jeunes de la ville qui demandait deacutejagrave trois agrave six mois de deacutelai pour un rendez-

vous pour des raisons laquo mysteacuterieuses raquo alors que trois CMP sur la ville seraient neacutecessaires

selon lui autre souci la faiblesse du reacuteseau de transports freinant le deacuteveloppement

eacuteconomique et social du territoirehellip

106

Ainsi lrsquointerdeacutependance dans la spirale du deacuteclin entre les composantes sociales

eacuteconomiques et institutionnelles des territoires est donc reacuteelle en France de maniegravere analogue

aux ghettos eacutetatsuniens mecircme si des diffeacuterences de degreacute et de modaliteacutes peuvent exister

entre les sites en France comme aux Eacutetats-Unis Le deacuteclin social urbain aboutit en grande

partie agrave la speacutecialisation sociale par le bas du peuplement de lrsquoespace Crsquoest pourquoi le

niveau de vie de la population concerneacutee se reacuteduit en moyenne et enfin de nettes

conseacutequences sanitaires se manifestent la faiblesse des moyens drsquoaccegraves aux soins avec la

reacuteduction des services de preacutevention et de protection sont correacuteleacutees avec des taux de

morbiditeacute et de deacutereacuteliction sociale en hausse (mortaliteacute violente incidence du sans-abrisme et

diffusion du sida lieacutee agrave lrsquousage des drogues) Globalement ce que Wacquant (2007) deacutecrit

pour les ghettos noirs eacutetatsuniens se veacuterifie aussi en France mecircme si cela peut-ecirctre avec un

temps et dans des proportions moindres parfois

Cependant les signes de ghettoiumlsation de certains territoires ne manquaient en France degraves la

fin des anneacutees 1980 et le deacutebut des anneacutees 1990 Par exemple le rapport Delarue (1991)

confirmait la deacutegradation de la vie des habitants dans les quartiers laquo sensibles raquo selon cinq

paramegravetres 1 les deacutefauts physiques et mateacuterielles de lrsquohabitat et de son urbanisme proche

qui aggravent les difficulteacutes sociales et eacuteconomiques de chacun 2 lrsquourbanisme plus large agrave

lrsquoeffet drsquoisolement dans le sens drsquoenclavement et de rupture urbanistique et relationnelle des

habitants par rapport au reste des villes 3 la fragiliteacute eacuteconomique de lrsquoespace et des

habitants avec la baisse des emplois industriels et la faiblesse des commerces 4 les

nombreux jeunes dont une partie subit des crises familiales et drsquoinsertion importantes et se

tournent vers la violence et 5 la paupeacuterisation des meacutenages et le processus de deacutepart des

plus fortuneacutes et drsquoarriveacutee des plus pauvres avec lrsquoaggravation de la situation sociale globale agrave

mesure que se prolonge la crise eacuteconomique

Plus preacuteciseacutement cette reacuteflexion agrave partir des diverses approches analytiques des pheacutenomegravenes

de deacutegradation et de deacutevalorisation de certains espaces urbains permet drsquoarrecircter quelques

traits preacutedominants composant cette notion de deacuteclin social urbain Elle deacutesigne un processus

de perte de valeur symbolique drsquoune localiteacute urbaine en deux principaux points 1 la

deacutegradation physique par le manque drsquoentretien et de maintenance des immeubles et de

lrsquoensemble mateacuteriel et infrastructurel de lrsquohabitat faute de moyens propres des habitants et

drsquoinvestissements de solidariteacute suffisants par les gestionnaires et les pouvoirs publics et 2

une deacutegradation sociale selon plusieurs aspects a) la paupeacuterisation et la fragilisation

sociale et sanitaire de la population reacutesidante lieacutees au deacutepart des cateacutegories supeacuterieures vers

107

drsquoautres localiteacutes (pour se rapprocher du travail des eacutequipements et des services publics etou

rechercher une meilleure qualiteacute drsquohabitat) agrave la preacutecarisation eacuteconomique voire agrave lrsquoexclusion

plus ou moins nette de lrsquoactiviteacute eacuteconomique des cateacutegories moyennes et modestes restantes

(en raison du deacuteclin du bassin local drsquoactiviteacute(s) principale(s) drsquoune qualification insuffisante

etou du racisme ou de la discrimination ethnique et sociale) etou agrave la faiblesse des transferts

et revenus de solidariteacute ainsi que des politiques drsquointeacutegration socio-eacuteconomique b) la

reacuteduction en son sein et aux alentours des activiteacutes institutionnelles (socialisation eacuteducation

santeacute police bailleurs autres services publics) eacuteconomiques (commerces services priveacutes et

banques) culturelles et sociales (associations diverses drsquoactiviteacutes culturelles de sport et de

loisirs et sociabiliteacute de voisinage dans les espaces exteacuterieurs) et c) le deacuteveloppement

drsquoactiviteacutes transgressives et subversives avec des tensions et des violences croissantes dans

les interactions sociales internes et dans les relations sociales avec lrsquoexteacuterieur deacutepassant la

capaciteacute des structures drsquointeacutegration restantes agrave y remeacutedier (eacutecole police poste associations

de quartierhellip) Ce processus constitue la manifestation des effets sociaux et spatiaux de la

fragmentation urbaine entraicircnant la stigmatisation et la seacutegreacutegation du territoire et de ses

habitants dans le reste de la socieacuteteacute urbaine

Cette deacutefinition fait eacutecho aux analyses sur les ghettos contemporains mettant en eacutevidence les

tendances extrecircmes de la concentration territoriale de la pauvreteacute agrave partir de ses diverses

dimensions sociales et spatiales (Marchal Steacutebeacute 2010) Aux traits structurels et objectifs

principaux du deacuteclin social urbain deacutecrits il est possible drsquointeacutegrer des pheacutenomegravenes subjectifs

existant de maniegravere plus intense dans les zones assimilables agrave des ghettos (Giraud 2000

Lapeyronnie 2008 Marchal Steacutebeacute 2010) le repli sur soi lrsquoanomie individuelle et

collective et la deacutevalorisation identitaire dans des espaces ougrave les supports spatiaux mais

surtout sociaux de sens agrave lrsquoaction et agrave la deacutefinition positive de soi sont en diminution voire

rares ou inexistants Toutefois cette notion se deacutemarque de celle de ghetto pour deux raisons

la premiegravere est que lrsquoeacutechelle urbaine drsquoobservation concerneacutee la ville-commune ou des

espaces contigus de communes voisines est souvent plus large que les seules zones drsquohabitat

auxquelles srsquoapplique le terme de ghettoiumlsation la seconde est qursquoavec la preacutesence de services

publics et administratifs divers notamment communaux voire intercommunaux les

situations ne peuvent se reacuteduire agrave un eacutetat homogegravene sur lrsquoensemble des territoires des signes

de deacutegradation sociale et spatiale eacutevoqueacutes plus hauts

Le deacuteclin social urbain peut donc affecter divers localiteacutes reacutesidentielles en fonction de la

conjoncture eacuteconomique sociale urbaine politique et institutionnelle qui se manifeste

108

particuliegraverement dans une agglomeacuteration ou un espace urbain Parmi ces espaces se comptent

en majoriteacute les grands ensembles drsquohabitation qui ont degraves leur creacuteation reacuteveacuteleacutes une

probleacutematique speacutecifique concernant leur dynamisme social et urbain Contrairement agrave une

ideacutee reccedilue si leurs habitants ont pu souffrir parfois du deacuteclin drsquoindustries dont deacutependait le

choix de construction de leurs habitations leur deacutesaffection assez geacuteneacuterale vis-agrave-vis de cet

habitat a eacuteteacute manifeste degraves les premiers peuplements indeacutependamment du dynamisme

eacuteconomique de lrsquoenvironnement (Peillon 2001) Dans ce sens dans les six communes de

grand ensemble eacutetudieacutees la faiblesse des parts relatives des cateacutegories moyennes et

supeacuterieures et des meacutenages agrave faibles voire tregraves faibles revenus est patente En plus de

proprieacuteteacutes peu satisfaisantes pour les classes moyennes ce type drsquoespace reacutesidentiel se trouve

en concurrence avec drsquoautres formes drsquohabitat plus valoriseacutees (pavillons collectif priveacute)

creacuteeacutees dans le systegraveme reacutesidentiel (Leacutevy 1998) de leurs agglomeacuterations ou bassins drsquohabitat

D- Le deacuteclin social des communes de grands ensembles un effet drsquoune modaliteacute spatiale

de la seacutegreacutegation sociale

Notre recherche doctorale se propose donc de mener une analyse comparative de diffeacuterentes

villes-communes de grands ensembles drsquohabitation (Les Ulis Mourenx Behren-legraves-Forbach

Fareacutebersviller Rillieux-la-Pape Pierrelatte et Bagnols-sur-Cegraveze) qui constituent une base

empirique agrave la conceptualisation preacutesenteacutee de la notion de deacuteclin social urbain Ce sont les

effets sociaux en milieu urbain de la crise eacuteconomique et sociale amenant agrave la formation de

zones marginaliseacutees qui fragmentent lrsquoespace urbain qui sont eacutetudieacutes les comportements

de deacutelinquance les problegravemes de logement et drsquoaccegraves au travail les tensions de voisinage ou

encore les cloisonnements culturels des manifestations locales de festiviteacutehellip Lrsquoanalyse de

ces pheacutenomegravenes amegravene agrave reacutefleacutechir aux limites spatiales des fragmentations et de leurs effets

qui se manifestent agrave lrsquoinsu des couches urbaines les plus exclues

Ainsi lrsquoeacutetude de cas de villes-communes de grand ensemble se distingue de celle des

quartiers-ghettos Le deacuteclin social concerne non seulement les quartiers sociaux des villes-

communes mais aussi lrsquoensemble de celles-ci avec des quartiers mixtes voire des espaces

drsquohabitat priveacute si lrsquoon considegravere qursquoune seacuterie de problegravemes relevant des pheacutenomegravenes du

deacuteclin srsquoy deacuteroulent Lrsquoanalyse des eacutevolutions sociales agrave une eacutechelle communale permet de

deacute-focaliser le regard sur des probleacutematiques ou des pheacutenomegravenes se manifestant dans les

109

espaces restreints des quartiers-ghettos (chocircmage des habitants deacutelinquance de bas

drsquoimmeuble tensions de voisinage deacutegradation drsquoespaces inteacuterieurs et exteacuterieurs

enclavement drsquoun quartierhellip) Ce qui produit une vision plus large et ouvre lrsquoanalyse agrave divers

questions ou thegravemes nouveaux lieacutes agrave la prise en compte drsquoeacuteleacutements diffeacuterents de lrsquoespace

(action municipale autres quartiers reacutesidentiels espaces fonctionnels commerciaux ou de

loisirshellip) et de dimensions plus nombreuses de la vie urbaine (politique culture et loisirs

rapports sociaux travailhellip)

Les questions abordeacutees sur un ou des thegravemes habituels de lrsquoanalyse des quartiers de releacutegation

socio-urbaine peuvent ecirctre eacutetendues agrave lrsquoespace communal global voire agrave celui de

lrsquoagglomeacuteration ou du bassin drsquohabitat par exemple la mobiliteacute reacutesidentielle ou encore les

deacutefaillances des politiques sociales et urbaines locales se manifestent-ils ou se font-ils

ressentir pour lrsquoensemble du territoire Si crsquoest le cas peut-on avancer que les frontiegraveres de

diffeacuterenciation socio-spatiale qui se durcissent dans les agglomeacuterations comportent une

certaine zone drsquoeacutepaisseur avec une limite tourneacutee vers les quartiers de concentration des plus

fragiles et lrsquoautre limite se fixant agrave celle des communes qui les contiennent voire au-delagrave si

les communes voisines sont en forte interaction urbaine avec celles-ci

Cet espace frontalier entre les limites des villes de quartiers-ghettos et les quartiers-ghettos

eux-mecircmes aux frontiegraveres deacutejagrave mouvantes selon lrsquoeacutevolution des peuplements constituerait

alors un espace transitoire entre les deux mondes urbains mais qui pour chaque cocircteacute

appartient deacutejagrave agrave lrsquoautre monde opposeacute Dans cet espace transitoire ou limite se manifestent

diversement certaines probleacutematiques issues des quartiers sociaux qursquoil environne

Agrave cette eacutechelle les repreacutesentations de la ville laquo eacuteclateacutee raquo ou laquo duale raquo ne sont donc pas

reacuteellement pertinentes voire envisageables On nrsquoy trouve pas de simple partition plus ou

moins radicale entre des espaces drsquohabitat qui les composent avec des problegravemes de crise

drsquointeacutegration urbaine circonscrits nettement dans lrsquoespace Au contraire des effets plus

eacutetendus spatialement agrave travers les pratiques sociales locales affectent plusieurs aspects de la

vie sociale de la commune La question qui guide alors le recueil et lrsquoanalyse de donneacutees agrave

cette eacutechelle est de savoir si ces effets sont bien constitutifs de la manifestation du deacuteclin

social urbain agrave lrsquoeacutechelle communale notion deacutefinie plus haut indeacutependamment de la reacutefeacuterence

agrave la taille du territoire concerneacute

Agrave ce niveau ougrave les municipaliteacutes et lrsquoadministration interagissent avec les besoins

drsquointeacutegration et de protection des plus faibles (Dubet 1995 Schnapper 2001) qui ont

110

drsquoailleurs une plus faible mobiliteacute quotidienne que les couches moyennes (Preacuteteceille 2004)

quelles eacutevolutions les formations sociales observeacutees suivent-elles Celles-ci sont-elles

attribuables aux effets de lrsquoexclusion eacuteconomique et sociale et de la seacutegreacutegation urbaine en

termes drsquoaccegraves aux eacutequipements et services publics preacutesenteacutes plus haut en raison du contexte

politique national marqueacute par la preacutegnance de lrsquoideacuteologie neacuteolibeacuterale

Quels aspects et quelles dynamiques sociales les populations des communes des grands

ensembles preacutesentent-elles Y-a-t-il laquo eacuteclatement raquo deacutechirure dualisation ou encore

polarisation sociale par le bas des tissus sociaux de chaque commune Sur le plan des

dynamiques relationnelles quelles sont aussi les grandes caracteacuteristiques avec des

diffeacuterences probables selon les lieux de rencontres et drsquointeraction Quelles sont alors les

causes ou les deacuteterminants eacuteventuels de ces eacutevolutions

Ces questions ne sont pas sans importance pour comprendre la vie urbaine drsquoune large partie

de nos concitoyens si lrsquoon considegravere que le total des territoires et des populations concerneacutes

par cette probleacutematique est consideacuterable pour la peacuteriode 2000-2006 247 contrats de ville

(dispositifs drsquoengagement drsquoactions drsquointeacutegration et de deacuteveloppement social et urbain

regroupant lrsquoEacutetat les collectiviteacutes locales et drsquoautres acteurs concerneacutes) recouvraient pregraves de

1 500 quartiers prioritaires soit 713 ZUS sur les 751 existantes et un plus grand nombre

encore de quartiers non ZUS ce qui repreacutesentait pregraves de 2 200 communes et 27 millions de

personnes (Cour des comptes 2002)

Depuis 2006 et jusqursquoen 2014 ce sont 497 contrats urbains de coheacutesion sociale (CUCS) qui

remplacent les contrats de ville en France meacutetropolitaine (467) et dans les deacutepartements

dOutre-mer (30) Si lrsquoon considegravere que les 247 contrats de ville de la peacuteriode 2000-2006 ont

eacuteteacute transformeacutes en 355 CUCS il y a 142 nouveaux CUCS soit 40 de nouveaux contrats en

hausse selon le site internet du systegraveme drsquoinformation geacuteographique du Comiteacute

interministeacuteriel des villes38 organisme chargeacute aupregraves du Premier ministre drsquoeacutetablir et de

suivre lrsquoaction de lrsquoEacutetat en matiegravere de politique de la ville Eacutevidemment les CUCS ne

recouvrent pas que les territoires drsquoimplantation des grands ensembles mais lrsquoanalyse des

pheacutenomegravenes sociaux et urbains qui srsquoy manifestent avec une recherche drsquoadaptation drsquooutils

conceptuels et drsquointerpreacutetation theacuteorique peut constituer une ressource intellectuelle pour

lrsquoensemble des espaces qui font face agrave une crise drsquointeacutegration urbaine du mecircme ordre

38 httpsigvillegouvfr

111

Ainsi la question centrale de notre recherche est de savoir ce qui dans le cas de pheacutenomegravenes

significatifs de deacuteclin social dans les villes-communes de grand ensemble est deacuteterminant

dans cette eacutevolution est-ce la variable morphologique ie lrsquohabitat sous forme de grand

ensemble qui domine lrsquoensemble urbain communal ou sont-ce drsquoautres caracteacuteristiques

eacuteconomiques sociales ou politiques internes ou externes qui expliquent le deacuteveloppement

drsquoun processus seacutegreacutegatif agrave lrsquoencontre des communes et de leur eacutevolution sociale Ou encore

est-ce une combinaison de celles-ci Pour le dire autrement en quoi les grands ensembles

sont-ils lieacutes au deacuteclin social qui srsquoobserve non seulement dans leur peacuterimegravetre mais aussi dans

les espaces avoisinants voire leur commune drsquoappartenance

Cette question peut se deacutecliner en trois interrogations compleacutementaires drsquoabord comment se

manifestent empiriquement sur lrsquoensemble des territoires des villes-communes les

eacutevolutions de leur structure et de leur dynamique sociales ainsi que les pheacutenomegravenes

probleacutematiques habituellement deacutecrits pour les seuls quartiers sociaux (preacutecariteacute souffrances

psychologiques et tensions relationnelles deacutelinquance et inseacutecuriteacute dans lrsquoespace exteacuterieur)

Ensuite peut-on deacutevelopper une repreacutesentation drsquoensemble de ces manifestations telle le

deacuteclin social urbain qursquoelles apparaissent similaires ou diffeacuterencieacutees selon plusieurs cas

empiriques Enfin quel est le principal ou quels sont les principaux deacuteterminants de ces

eacutevolutions observeacutees aux eacutechelons communaux

Lrsquohypothegravese principale est que le deacuteclin social de lrsquoensemble drsquoune ville-commune de

grand(s) ensemble(s) a comme source cette forme urbaine preacutedominante dans un contexte

socieacutetal global commun agrave toutes les situations urbaines du territoire national Les

manifestations probleacutematiques de la ghettoiumlsation des quartiers de grand ensemble marquent

drsquoune mecircme empreinte les socieacuteteacutes locales drsquoun deacuteclin selon des formes variables lieacutees aux

caracteacuteristiques de celles-ci En drsquoautres termes le deacuteclin social est lieacutee la morphologie socio-

urbaine preacutedominante du territoire ce qui signifie que les grands ensembles constituent en

eux-mecircmes un deacuteterminant drsquoeacutevolution de la vie sociale locale

Et cet effet constitue une caracteacuteristique secondaire influenceacutee par les diffeacuterentes politiques

contribuant agrave la formation de ce type drsquoespace et agrave son eacutevolution sur le plan urbain et social

en raison des tendances agrave la seacutegreacutegation sociale de la part des pouvoirs institutionnels vis-agrave-

vis des groupes sociaux les moins qualifieacutes et en difficulteacutes sociales Les pratiques sociales

dans les espaces communaux et les pratiques spatiales de leurs populations prennent des

formes des directions et des modaliteacutes soumises agrave des degreacutes divers aux dynamiques sociales

preacutedominantes dans les espaces de grand ensemble

112

Ce constat renvoie au thegraveme des relations drsquoinfluence reacuteciproque entre la socieacuteteacute et son

espace si lrsquoespace du social relegraveve drsquoune production sociale suivant le preacutecepte de Lefebvre

(1974) alors il produit lui aussi en retour des effets structuraux sur les dynamiques sociales

qui srsquoinscrivent principalement dans cet espace Ce qui revient agrave reconnaicirctre tant lrsquoinfluence

des configurations mateacuterielles des villes sur leur vitaliteacute sociale ie sur la nature et lrsquointensiteacute

des eacutechanges et des rapports sociaux qursquoelles induisent (Jacobs 1961 Remy 1998 Voyeacute

2002) que le ressort des modaliteacutes de production sociale de ces configurations en termes de

pratiques drsquoobjectifs afficheacutes implicites ou impenseacutes de moyens mis en œuvre drsquoacteurs en

preacutesence et de leur relation Dans ce cas si les grands ensembles constituent un type

drsquoespace social qui geacutenegravere dans son environnement le mecircme type drsquoeffets de deacutegradation

socio-spatiale crsquoest certainement en raison des deacuteterminations socio-institutionnelles de leur

production ie de la politique drsquourbanisme de leur mise en œuvre et les politiques urbaines et

sociales actuelles qui les maintiennent et les reacutenovent

Et si Alain Bourdin et Marie-Pierre Lefeuvre (2002) ont pointeacute le caractegravere laquo eacutedifiant raquo des

grands ensembles ie leur grande taille et correacutelativement leur poids deacutemographique

preacutedominant dans les espaces sociaux locaux leur relation avec le deacuteclin social urbain est

alors coheacuterente avec la conception moderne des espaces urbains en termes de continuum

complexes de situations reacutesidentielles ouvertes et imbriqueacutees malgreacute des ruptures

morphologiques certaines par endroit Les donneacutees empiriques recueillies dans le cadre de

notre thegravese montrent tout un ensemble de relations de continuiteacute et de proximiteacute

qursquoentretiennent ces espaces avec leur environnement partage de lieux drsquousage communs

mobiliteacute spatiale et pratiques sociales quotidiennes croiseacutees et partageacutees des habitants de

diverses parties de la commune pheacutenomegravenes meacutediatiques et repreacutesentations sociales

englobant les espaces action et discours politiques chroniques sur lrsquoespace local son

identiteacute ses problegravemes et les projets qui le concernehellip Les territoires avoisinants (centres-

villes ou autres quartiers peacuteripheacuteriques) partagent de pregraves ou de loin le destin des habitants

des quartiers ghettos (Duprez Hedli 1992) indeacutependamment mecircme de la similitude des

caracteacuteristiques sociales et urbaines entre eux et des eacutevolutions eacuteconomiques et politiques

effectives des territoires

La partie suivante lrsquoeacutetude monographique concernant la ville des Ulis dans lrsquoEssonne au sud

de la reacutegion parisienne constitue le premier volet de lrsquoanalyse empirique de la thegravese le

second volet se composant de lrsquoeacutetude comparative reacutealiseacute avec les six villes-communes de

113

grand(s) ensemble(s)39 situeacutees en France et citeacutees plus haut (troisiegraveme partie) Dans les deux

cas les analyses font ressortir agrave quel point les diverses politiques drsquointeacutegration locales et

supra-locales ne conjurent pas les pheacutenomegravenes de deacuteclin qui srsquoy deacuteveloppe sous une forme

ou sous une autre Crsquoest en ce sens que le type drsquohabitat en grand ensemble apparaicirct comme

une variable socio-spatiale incontournable de la probleacutematique des crises urbaines

drsquointeacutegration Elle reacutevegravele le rapport seacutegreacutegatif que la socieacuteteacute des classes moyennes et

supeacuterieures entretient avec les grands ensembles et par-delagrave avec les cateacutegories ouvriegraveres les

moins qualifieacutees

39 Lrsquoexpression laquo grand ensemble raquo est au singulier lorsque lrsquoensemble immobilier concerneacute a eacuteteacute construit selon un mecircme plan-masse Il est cependant le plus souvent utiliseacute au pluriel mecircme lorsque lrsquourbanisation provient drsquoune seule programmation quand lrsquoensemble preacutesente un tregraves large parc avec diffeacuterentes sous-parties distinctes

114

Premiegravere partie

Les Ulis au tournant des anneacutees 2000 les signes du deacuteclin

social au sein drsquoun espace de classes moyennes

Les Ulis est une ville de taille laquo petite-moyenne raquo (25 000 habitants) du sud-ouest de la reacutegion

parisienne qui preacutesentait encore agrave la fin des anneacutees 1990 un profil statistique de commune de

laquo classes moyennes techniciennes raquo selon une qualification de chercheuses de lrsquoINSEE

(Martin-Houssard Tabard 2003) Que recouvre cette deacutenomination assez large alors que par

ailleurs la ville supporte une mauvaise reacuteputation dans son environnement reacutegional lieacutee agrave des

pheacutenomegravenes de deacutevalorisation spatiale de paupeacuterisation drsquoune partie de sa population de

tension et de deacutegradation des relations sociales locales40

Plusieurs pheacutenomegravenes semblent contribuer agrave un processus lieacute au laquo malaise social urbain raquo

(Chaline 1996) Des donneacutees sur lrsquoeacutetat et lrsquoeacutevolution passeacutee des structures sociales et

deacutemographiques de la ville et sur les difficulteacutes eacuteconomiques et drsquointeacutegration de diverses

cateacutegories drsquohabitants sont rassembleacutees afin drsquoapprofondir lrsquoanalyse des pheacutenomegravenes de

preacutecariteacute de pauvreteacute et drsquoexclusion sociales Lrsquoessentiel des observations concerne le deacutebut

des anneacutees 2000 peacuteriode de conduite du dispositif de recueil des principales donneacutees

utiliseacutees lrsquoobservatoire local de la Ville Cette approche monographique et multifocale a

permis de donner forme agrave la notion de deacuteclin social urbain dont la tendance est confirmeacutee par

des donneacutees rapporteacutees de la fin de la deacutecennie 2000 Cette peacuteriode est drsquoailleurs davantage

eacutetudieacutee dans la troisiegraveme partie de la thegravese la comparaison de la ville avec les situations des

six communes de grands ensembles eacutechantillonneacutees Les deux chapitres de cette partie

abordent drsquoune part une description geacuteneacuterale de lrsquohistoire de la ville et de son eacutetat social

vingt-cinq ans apregraves sa creacuteation officielle et drsquoautre part les pheacutenomegravenes particuliers qui

signent le processus de deacuteclin qursquoelle subit

Ci-apregraves photo aeacuterienne (non dateacutee) du grand ensemble des Ulis (Viala Beugras 1993) certainement fin des anneacutees 1970 deacutebut des anneacutees 1980 (construction et ameacutenagement acheveacutes)

40 Agrave titre drsquoillustration reacutecente lors des grandes manifestations nationales drsquoopposition au projet sur les retraites de lrsquoautomne 2010 les Ulis offre le spectacle drsquoeacutemeutes dont le nombre de jeunes participants est le plus eacuteleveacute de tout le deacutepartement (cf laquo Des casseurs dans les manifestations raquo Le Reacutepublicain de lrsquoEssonne en ligne 21102010) le mardi 19 octobre au matin devant le lyceacutee de la ville lrsquoEssouriau 200 laquo casseurs raquo non lyceacuteens selon des teacutemoins caillassent et incendient un bus de voyageurs et envoient un cocktail Molotov laquo agrave deux pas de la maire de la commune (PS) Maud Olivier raquo (elle nrsquoa pas eacuteteacute blesseacutee)

115

116

117

Chapitre III

Les Ulis du grand ensemble pour une laquo ville nouvelle raquo au peuplement en difficulteacutes

Ce chapitre preacutesente plusieurs eacuteleacutements caracteacuteristiques de la situation de la commune

constituant le premier terrain de la recherche celui qui a eacuteteacute le plus approfondi Il srsquoagit en

premier lieu de reconstituer le contexte du site avec sa localisation et lrsquohistoire de sa

construction de son peuplement et de son organisation Un point est particuliegraverement abordeacute

au sujet de son eacutevolution deacutemographique et sociale un pheacutenomegravene de deacutecroissance que lrsquoon

retrouvera dans la quasi-totaliteacute des autres sites de grands ensembles eacutetudieacutes (cf chapitre VI)

Associeacutes au constat drsquoune situation eacuteconomique et sociale laquo sous-moyenne raquo par rapport agrave

son environnement urbain et territorial ces eacuteleacutements sont les premiers agrave susciter une reacuteflexion

sur le sens et la forme de lrsquoeacutevolution sociale de ce type de ville fonctionnaliste en milieu rural

ou peacuteriurbaine cette eacutevolution est plus loin qualifieacutee de deacuteclin social urbain agrave lrsquoissue drsquoune

analyse plus approfondie et eacutetendue agrave la fois (cf chapitre VIII)

Le recueil de ces premiegraveres donneacutees et leur premiegravere exploitation ont eacuteteacute produits dans un

cadre institutionnel un observatoire social communal La conduite de ce dispositif pour un

usage scientifique profitable a eacuteteacute rapidement traiteacutee dans la probleacutematique mais il reste agrave

preacuteciser certains aspects techniques et eacutepisteacutemologiques traitant de sa validiteacute scientifique Ce

point est preacutesenteacute apregraves avoir caracteacuteriseacute lrsquoespace de la ville des Ulis drsquoun point de vue

geacuteneacuteral

A- Preacutesentation geacuteneacuterale de la commune

La commune des Ulis situeacutee agrave vingt-trois kilomegravetres au sud-ouest de Paris Notre-Dame

comprend 24 590 habitants en 2008 (enquecirctes annuelles de recensement INSEE) Cette

population municipale41 est leacutegegraverement croissante depuis lrsquoanneacutee preacuteceacutedente (24 528

habitants au recensement de 2007) mais a surtout baisseacute de 46 depuis le recensement

geacuteneacuteral de la population de 1999 (25 781 habitants) Agrave lrsquoorigine de la commune se trouve la

41 La population municipale pour les analyses comprend les habitants des reacutesidences principales les sans-abri et les personnes en habitation mobile et les personnes des communauteacutes (de locaux drsquohabitation drsquoun mecircme gestionnaire (foyer maison de retraitehellip) dont les eacutetudiants en internat dans la commune les eacutetudiants mineurs en internat hors commune mais de reacutesidence familiale dans la commune et les deacutetenus drsquoeacutetablissement compteacutes avant 1999 dans la population compteacutee agrave part) Pour faire la population totale il faut rajouter la population compteacutee agrave part qui comprend les reacutesidants de maniegravere non habituelle dans la commune (eacutetudiants personnes drsquoune communauteacute drsquoune autre commune personnes SDF rattacheacutees agrave la commune mais non recenseacutees dans celle-ci)

118

Zone agrave urbaniser en prioriteacute (ZUP) de Bures-Orsay du nom des deux communes de la

valleacutee de lrsquoYvette dans la corne nord-ouest de lrsquoEssonne creacuteeacutee en 1960 et reacutealiseacutee agrave partir de

196642

Afin de reacutepondre aux besoins en logement de la reacutegion capitale dans les anneacutees 1960 et

notamment de canaliser lrsquourbanisation plus ou moins organiseacutee de la Valleacutee de Chevreuse

lrsquoEacutetat chercha degraves 1955 agrave creacuteer un territoire nouveau dans cet espace constitueacute drsquoun large

plateau agricole En 1956 les deux communes Bures-sur-Yvette et Orsay avec drsquoautres

communes voisines furent ameneacutees agrave prendre un certain nombre drsquooption dans le cadre du

projet drsquoameacutenagement de la Reacutegion parisienne (Plan drsquourbanisme intercommunal PDUI ndeg

17) Alors que les eacutelus locaux souhaitaient davantage un mode lent et progressif

drsquourbanisation dans le prolongement des fonctions reacutesidentielles et touristiques des deux

communes des projets drsquoinstallation dans le secteur drsquoOrsay de lrsquoannexe de la faculteacute des

Sciences de Paris de grandes eacutecoles parisiennes et drsquoorganismes de recherche vinrent

modifier cette orientation

La preacutesence depuis 1952 du Centre drsquoeacutetudes nucleacuteaires agrave Saclay petite commune (bourg) agrave

quelques kilomegravetres au nord-ouest des deux communes explique ces choix Celle-ci eacutetait

42 Parmi drsquoautres sources institutionnelles recueillies plusieurs eacuteleacutements de preacutesentation concernant les Ulis sont extraits de trois documents CREPA (1991) Viala Beugras (1993) et Acadie (1999)

119

consideacutereacutee comme un pocircle en deacuteveloppement par le Plan drsquoAmeacutenagement et drsquoOrganisation

Geacuteneacuterale de la Reacutegion parisienne (PADOG) de 1960 plan reacutedigeacute par le Service

drsquoAmeacutenagement de la Reacutegion parisienne (SARP) du district de la Reacutegion parisienne (ex-

conseil reacutegional) Crsquoest dans ce type de localisation non loin de Paris et agrave proximiteacute de

grands domaines agricoles que des grands ensembles dont celui de Bures-Orsay43 ont eacuteteacute

preacutevus comme des laquo noyaux urbains secondaires raquo pour laquo colmater les derniers vides de

lagglomeacuteration raquo entre drsquoune part Paris et drsquoautre part les noyaux urbains anciens agrave

reacutenover de la banlieue ainsi que les quatre noyaux urbains nouveaux creacuteeacutes pour la densifier

(La Deacutefense-Montesson agrave lOuest Veacutelizy-Villacoublay au Sud Le Bourget-Sarcelles au

Nord-est et agrave lEst un espace impreacutecis entre lrsquoautoroute et Creacuteteil) (Cottour 2008)

Entre 1959 et 1960 les filiales de la Caisse des Deacutepocircts et Consignations en charge de

lrsquoeacutedification drsquoun grand ensemble et le commissaire agrave la construction encouragegraverent les

municipaliteacutes de Bures et drsquoOrsay agrave creacuteer une ZUP Elle fut geacutereacutee par une socieacuteteacute

drsquoeacuteconomie mixte creacutee en 1962 la SAMBO (Socieacuteteacute drsquoameacutenagement Bures-Orsay) en

charge de lrsquoacquisition des terrains de lrsquoassainissement de la viabilisation et de la preacutevision

des eacutequipements Le conseil drsquoadministration de cette socieacuteteacute comprenait les deux

collectiviteacutes locales et les organismes publics et priveacutes en charge de lrsquourbanisation

En 1964 un district urbain le DUBO (District urbain Bures-Orsay) structure politique

locale composeacutee de membres des conseils municipaux des deux communes a eacuteteacute creacuteeacute pour

la validation lrsquoorientation et le controcircle des travaux de la socieacuteteacute drsquoeacuteconomie mixte Par

ailleurs trois architectes associeacutes aux architectes de chaque commune furent engageacutes dans la

construction des Ulis Robert Camelot architecte de la Socieacuteteacute immobiliegravere de la Caisse des

Deacutepocircts (SCIC) ayant conccedilu lrsquoameacutenagement de La Deacutefense Franccedilois Prieur ayant eacutelaboreacute le

plan drsquourbanisme de la Valleacutee de Chevreuse et un peu plus tard Georges-Henri Pingusson

pour un ensemble reacutesidentiel HLM

Tout en srsquoinspirant des principes de lrsquourbanisme moderne de seacuteparation des rues et des voies

pieacutetonnes de deacuteveloppement des espaces verts ils avaient un projet plus laquo humain raquo drsquoune

part creacuteer des voies publiques multi-usages privileacutegiant neacuteanmoins les pieacutetons et drsquoautre

part des groupes de bacirctiments de hauteur modeacutereacutee bien que rehausseacutes sur dalles mais aussi

plus individualiseacutes Viala et Beugras (1993) rapportent mecircme que face au paralleacutelisme et au

43 Les autres grands ensembles preacutevus du PADOG sont Massy-Antony Creacuteteil Alfortville-Maisons-Alfort Vitry Stains-Saint-Denis-Pierrefitte Argenteuil Fontenay-sous-Bois Aulnay-Sevran Tremblay-legraves-Gonesse Sarcelles-Garges-legraves-Gonesse Eacutepinay-sur-Seine et La Courneuve

120

monolithisme des laquo caisses agrave savon raquo qui tendaient agrave ecirctre construits un peu partout Franccedilois

Prieur visait des laquo rues tregraves animeacutees avec des commerces indispensables agrave cette animation raquo

Il est eacutetonnant alors de constater que crsquoest la Socieacuteteacute Centrale drsquoEacutequipement du Territoire

(SCET) filiale technique de la Caisse des deacutepocircts qui reacuteussicirct aupregraves des acteurs techniques

(socieacuteteacute drsquoeacuteconomie mixte) et politique (district urbain et ministegravere de la construction) agrave faire

preacutevaloir son avis de reacutealiser des petits centres commerciaux de quartier

De mecircme le projet de grand axe drsquoanimation nord-sud au long duquel eacutetaient preacutevus

commerces artisanats et eacutequipements a eacuteteacute dissipeacute drsquoune part par la creacuteation au sud de la

ville drsquoun centre commercial Ulis II seacutepareacute des rues et du centre politico-administratif en

raison de lrsquoobtention de creacutedits en fin de chantier pour viabiliser et promouvoir les quartiers

sud de la ville et drsquoautre part par lrsquoabandon du projet de teacuteleacutepheacuterique joignant les gares de

Bures et drsquoOrsay au plateau des Ulis et au pied duquel une grande place eacutetait preacutevue avec un

cafeacute une dalle une reacutesidence universitaire un bacirctiment de la seacutecuriteacute sociale Par ailleurs en

fin de chantier certains programmes de reacutesidences ont pu ecirctre plus densifieacutes et eacutequipeacutes

renforccedilant la disseacutemination des eacutequipements et des activiteacutes de la ville en creacuteant des petits

centres commerciaux par quartier

Dans ce sens une autre seacuteparation de fonction eacutetait programmeacutee degraves la conception du projet

la grande zone drsquoactiviteacutes Courtabœuf agrave lrsquoest de la commune de surface similaire agrave la zone

drsquohabitation agrave lrsquoouest de la commune eacutetait coupeacutee de celle-ci par un vaste espace

pavillonnaire dont une grande partie est sur le territoire de la commune voisine Orsay Cette

configuration forme un territoire en laquo U raquo avec entre les deux extreacutemiteacutes une distance

geacuteographique et un obstacle morphologique entre le grand ensemble et la zone drsquoactiviteacutes

Celle-ci qui recouvre aussi certains territoires de communes voisines nrsquoa drsquoailleurs eacuteteacute

conccedilue qursquoapregraves les eacutetudes preacutealables de lrsquoameacutenagement et de lrsquourbanisation de la ville entre

1962 et 1965

Au final la partie habitat de la ville se retrouve pour ses reacutesidents caracteacuteriseacutee

principalement par une mono-fonctionnaliteacute reacutesidentielle dominante Un maire M

Hugonnet de la commune voisine Limours deacuteclare qursquoil a alors rapidement perccedilue cette

ville nouvelle comme laquo deacutecentreacutee deacutesaxeacutee raquo (Viala Beugras 1993) Avec lrsquoobstination des

architectes agrave vouloir seacuteparer les rues des voies pieacutetonnes notamment dans la partie centrale

de la ville celle-ci apparue comme laquo une plateforme raquo pour y vivre quelques temps heureux

du point de vue dominant sur la nature environnante qursquooffre lrsquooccupation des plus hauts

121

appartements des tours les plus grandes (dix-sept eacutetages pour certaines alors qursquoil eacutetait

programmeacute un maximum de quinze agrave seize)

Cependant lrsquooriginaliteacute du panorama a pu rapidement ceacutedeacute agrave la laquo lassitude raquo selon ce maire

sentiment autrement exprimeacute en termes drsquoennui en raison de lrsquoabsence drsquourbaniteacute agrave

proximiteacute Situation qui avec les autres deacutesagreacutements pratiques de stationnement et de

circulation imposeacutes par la seacuteparation des rues et des voies pieacutetonnes contribue au deacutesir de

quitter la ville

Ainsi depuis sa creacuteation administrative en 1977 la municipaliteacute des Ulis cultive certes un

centre-ville composeacute drsquoune mairie devant laquelle la plateforme constituant une esplanade

pieacutetonniegravere de jonction de toutes les dalles et passerelles issues des reacutesidences les plus

proches accueille non seulement quelques services et commerces (une poste un

supermarcheacute et des cafeacutes etou restaurants) mais aussi des eacutequipements culturels meacutelangeacutes agrave

quelques services administratifs un foyer socio-eacuteducatif avec vocation audiovisuelle

devenue salle de cineacutema Art et essai de 227 places occupeacute aussi par le service culturel de la

Ville ainsi qursquoune salle des fecirctes et de spectacle de 800 places et un service drsquoinformations

et de gestion des associations de la ville

La mairie se situe au sud de cet espace sur dalle en prolongement de celle-ci par une

passerelle en beacuteton asse large qui enjambe une route et aboutie sur une esplanade au fond de

laquelle se cocirctoie la mairie et la meacutediathegraveque de mecircme forme cubique et de taille agrave peu pregraves

similaire (au-dessous de cette esplanade se situe le parking couvert du centre-ville) De

lrsquoexteacuterieur sur les routes adjacentes agrave la dalle ce centre-ville percheacute qui devait en partie

servir aux visiteurs des communes reacutesidentielles voisines (au moins des deux communes-

megraveres Orsay et Gif-sur-Yvette) est peu ouvert lisible et mecircme accessible Il nrsquoa pas su creacuteer

un espace drsquointeacutegration locale par des activiteacutes suffisamment denses et varieacutees pour y attirer

la majoriteacute des cateacutegories sociales de lrsquoespace urbain intercommunal local leur permettant drsquoy

eacutechanger dans la convivialiteacute (Deacuteleacutegation interministeacuterielle agrave la Ville Ville des Ulis

2002)44 peu feacutedeacuterateur et peu animeacute il attire surtout les jours de marcheacute qui a lieu justement

au niveau de la route adosseacute au mur portant la dalle

Agrave cette conception urbaine deacutefectueuse sur le plan fonctionnel et meacutediocre sur le plan

estheacutetique srsquoajoute un manque drsquoattractiviteacute de ces commerces Le vieillissement du bacircti a eacuteteacute

44 Cette convention a eacuteteacute inteacutegreacutee au contrat de ville 2000-2006 de la ville et a eacuteteacute remplaceacutee par le projet de reacutenovation urbaine de la peacuteriode 2006-2014

122

en outre rapide et mal compenseacute en raison notamment de la situation fonciegravere et juridique

complexe qui rend difficile toute intervention Enfin un dernier aspect de planification

urbaine a contribueacute agrave la faiblesse de la centraliteacute ulissienne la concurrence du centre reacutegional

Ulis 2 (complexe de galeries commerciales et drsquohypermarcheacute) situeacute pourtant agrave moins drsquoun

kilomegravetre au sud de ce centre-ville mais seacutepareacute par un parc urbain qui les dissocie

immanquablement

Dans lrsquoensemble la morphologie urbaine laquo fonctionnaliste raquo de la ville composeacutee drsquoune

part de blocs et de tours regroupeacutes avec des espaces souvent naturels entre les icirclots de

bacirctiments et drsquoautre part de fonctions urbaines en grande partie seacutepareacutees contraste avec les

communes voisines plus anciennes rurales et pavillonnaires La ville apparaicirct donc

relativement atomiseacutee son organisation spatiale est constitueacutee de citeacutes-reacutesidences

juxtaposeacutees cloisonneacutees et tourneacutees sur elles-mecircmes geacuteneacuterant des handicaps de

fonctionnement urbain et social les voies et les espaces sont confus les entiteacutes sociales de

reacutesidence sont peu animeacutees Cette configuration apparaicirct dans un cadre urbain dense par

rapport agrave lenvironnement la ville constitue agrave la fin des anneacutees 1990 la cinquiegraveme densiteacute

deacutemographique du deacutepartement lhabitat collectif y est quasi-exclusif avec 910egraveme du parc

de logements tendance toujours favoriseacutee dans les projets de renouvellement et de

reacutenovation urbaine de la municipaliteacute dans les anneacutees 2000

En fait une vocation dominante drsquohabitat social homogegravene semble aussi simposer dans

lrsquoimage mecircme de la ville en 1990 4 758 logements soit 49 de lensemble du parc de

logements sont des logements HLM en 1999 ils repreacutesentent 522 en 2007 lrsquoINSEE

en indique 471 Lessentiel des reacutesidences HLM (91 ) a eacuteteacute construit entre 1968 et 1974

Leur reacutepartition spatiale est concentreacutee autour du centre de la ville cocircteacute zone drsquohabitation de

la commune le grand secteur Ouest de ce territoire comporte en 1999 pregraves de 70 du

logement social (3 123 logements sur 4 519 logements sociaux des principales reacutesidences

occupeacutees avant travaux de renouvellement urbain deacutebuteacutes en 2002) et le secteur EstNord-

est pregraves dun quart (1 142 logements sur 4 519)

Le tableau suivant donne un aperccedilu de cette reacutepartition deacuteseacutequilibreacutee de logements sociaux

dans la ville sur ses deux secteurs principaux Il rapporte la structure de reacutepartition datant de

1999 compleacuteteacutee du nombre de logements deacutemolis (282) dans le cadre de la reacutenovation

urbaine depuis 2007 (le volet construction est en cours sans logements livreacutes encore) Ce

faible volume de deacutemolition fait que sans compter les eacutevolutions de logements vacants et de

construction de petites uniteacutes de logements depuis 1999 la structure actuelle du parc de

123

logements nrsquoest globalement pas modifieacutee 67 de logements sociaux dans le secteur Ouest

(2 841 logements) et 27 dans le secteur EstNord-est (1 142)

Tableau 1- Reacutepartition sectorielle des principales reacutesidences de logements sociaux aux Ulis ndash Base RGP 1999 compleacuteteacutee des logements deacutemolis de la reacutenovation urbaine 2007-

2010

Principales reacutesidences et nombre de logements sociaux par secteurs de la ville (Total= 4 519 en 1999 ndash 282 lgts deacutemolis = 4 237 lgts)

Bailleurs

Grand Ouest 3 123 ndash 282 = 2 841 lgts

EstNord-est 1 142 lgts

Sud Sud-ouest 21 lgts

Sud-est 122 lgts

Centre 111 lgts

OPIEVOY Chanteraine (366)

Toit et Joie Barceleau (583)

Logis-Transports

Chataigneraie (193)

3 F Htes Bergegraveres

(597) Pendant de

Villeziers (86)

Bosquet (621)

Dauniegravere (524-75 = 444)

SCIC Fraisiers (70) Vaucouleur (21)

Amonts (538-104 = 434)

Avelines (443)

LOGIREP Htes Plaines

(400-102 = 298)

EFIDIS Arlequin (36)

OPAC Mt-Ventoux (111)

Sources RGP 1999 ndashService Habitat de la Ville des Ulis ndash Site internet consulteacutee en aoucirct 2010 et en aoucirct 2011

Par ailleurs sur le plan de lrsquoenvironnement territorial celui-ci est marqueacute par le caractegravere

technologique et tertiaire de pointe de deux pocircles drsquoactiviteacute proches qui se confirment

jusqursquoagrave nos jours le technopocircle du plateau de Saclay regroupant des eacutetablissements

drsquoenseignement supeacuterieur et de recherche scientifique et inteacutegreacute plus largement agrave un

124

ensemble de zones drsquoactiviteacutes industrielles et tertiaires de pointe agrave laquelle participe la zone

drsquoactiviteacutes de Courtabœuf des Ulis45 et le pocircle tertiaire de Massy avec des industries de

pointe et un reacuteseau de transport tregraves efficace et ancreacute sur les connexions nationales et

internationales avec les lignes B et C du Reacuteseau express reacutegional (RER) et une ligne du

Train agrave Grande Vitesse (TGV) agrave proximiteacute et en lien avec lrsquoaeacuteroport drsquoOrly En 1999 ces

infrastructures de transport servent en ce qui concerne les deacuteplacements domicile-travail au

pregraves des deux-tiers des actifs ulissiens (635 ) qui travaillent en tregraves grande majoriteacute agrave Paris

ou dans les autres deacutepartements de lagglomeacuteration hors Essonne (5 travaillent dans

lEssonne) le tiers restant travaille dans ladministration sur la ville ou dans la zone

dactiviteacutes de Courtabœuf

La ville appartient au bassin drsquohabitat Massy-Les Ulis cateacutegorie spatiale eacutevolutive non

deacutemographique mais lieacutee agrave la politique de lutte contre lrsquoexclusion sociale et urbaine deacutefinie

par les preacutefectures et les directions de lrsquoEacutequipement pour programmer les aides de lrsquoEacutetat en

matiegravere de logement46 En 2006 elle est composeacutee de 24 communes Ballainvilliers

Biegravevres Bures-sur-Yvette Champlan Chilly-Mazarin Eacutepinay-sur-Orge Gif-sur-Yvette

Gometz-le-Chacirctel Igny Les Ulis Longjumeau Massy Morangis Orsay Palaiseau Saclay

Saint-Aubin Saulx-les Charteux Vauhallan Verriegraveres-le-Buisson Villebon-sur-Yvette

Villejust Villiers-le-Bacirccle Wissous

En mars 2009 la ville a reccedilu lrsquoapprobation de sa demande drsquoadheacutesion agrave la Communauteacute

drsquoagglomeacuteration du Plateau de Saclay (CLAPS) regroupant dix communes (96 800

habitants) du nord-ouest du deacutepartement autour de Saclay Bures-sur-Yvette Gif-sur-Yvette

Gometz-le-Chacirctel Igny Orsay Palaiseau Saclay Saint-Aubin Vauhallan Villiers-le-Bacirccle

Enfin Les Ulis appartient au plus peacuterimegravetre de lrsquoOpeacuteration drsquointeacuterecirct national (OIN) Massy-

Palaiseau-Saclay-Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines mise en place par le Comiteacute

interministeacuteriel drsquoameacutenagement et de compeacutetitiviteacute des territoires (CIACT) le 6 mars 2006

cette OIN regroupe 28 communes associeacutee agrave un projet plus vaste de regroupement de 49

communes (regroupant six EPCI dont la CLAPS agrave laquelle appartient Les Ulis) dans un

45 Les autres communes de cet espace comprenant plusieurs zones drsquoactiviteacutes de pointe sont Massy Palaiseau Chacirctenay-Malabry Veacutelizy Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines Trappes Villebon et Villejust 46 Cette cateacutegorie territoriale dans le champ politique est instaureacutee par la loi drsquoorientation relative agrave la lutte contre les exclusions du 29 juillet 1998 Elle sert donc agrave deacutesigner des territoires concerneacutes par lrsquoexclusion urbaine Elle est deacutelimiteacutee selon des critegraveres tenant compte des structures et de proceacutedures preacuteexistantes sur les territoires former un territoire de plusieurs communes contigueumls dont lrsquoune au moins compte plus de 5 000 habitants avec un parc de logements sociaux drsquoau moins 20 comporter une ou plusieurs ZUS ecirctre reacutealiseacute agrave la demande de la majoriteacute des maires du territoire des communes agglomeacutereacutees ougrave existent drsquoimportants deacuteseacutequilibre de peuplement

125

mecircme eacutetablissement public drsquoameacutenagement afin drsquoorienter le deacuteveloppement eacuteconomique

en relation avec les activiteacutes scientifiques de pointe du territoire

Du point de vue sociodeacutemographique en 1982 selon lrsquoINSEE (Bessy 1990) les Ulis fait

partie des espaces des classes techniciennes et qualifieacutees caracteacuteriseacutes par la surrepreacutesentation

des ingeacutenieurs et des techniciens des cadres administratifs supeacuterieurs des contremaicirctres des

ouvriers qualifieacutes des professeurs des personnels de services meacutedicaux et sociaux et des

employeacutes de bureau et de commerce Ce poids des cateacutegories supeacuterieures eacutetait lieacute aux

entreprises tertiaires et de haute technologie de lrsquoenvironnement (Plateau de Saclay Orsay

zone drsquoactiviteacutes de Courtabœuf) Mais au tournant des anneacutees 2000 ce profil social moyen-

supeacuterieur a eacutevolueacute dans le sens drsquoune laquo sous-moyennisation sociale raquo le caractegravere

laquo moyen et supeacuterieur raquo de sa structure sociale qui a accompagneacute sa creacuteation et son

deacuteveloppement comme dans le mouvement drsquoensemble de peacuteriurbanisation de lrsquoespace

parisien (Donzelot 2004 Jaillet 2004) sest atteacutenueacute En outre depuis une vingtaine

drsquoanneacutees le revenu moyen sur la commune tend agrave baisser notamment du fait dune

diminution quantitative tant absolue que relative des cateacutegories supeacuterieures une relative

paupeacuterisation sociale srsquoest mecircme engageacutee (cf infra)

Sur le plan socio-urbain lrsquoappropriation de la ville par ses premiers habitants arriveacutes en 1968

est loin drsquoavoir eacuteteacute limiteacutee ou marqueacutee par le manque drsquoinvestissement personnel et

collectif de ceux-ci La premiegravere Association des familles ulissiennes et de ses environs

(creacuteeacutee en 1968) issue des diverses deacutemarches drsquoenquecircte et de peacutetitions pour deacutevelopper les

premiers eacutequipements de la premiegravere reacutesidence fut rapidement suivie dans les anneacutees 1969-

1970 de la creacuteation drsquoun organe drsquoinvestissement plus important encore lrsquoOffice de gestion

des eacutequipements socio-eacuteducatifs (OGESE) Ce dernier servi drsquoabord de porte-parole des

habitants aupregraves du district (DUBO) pour lrsquoeacutelaboration des eacutequipements avant drsquoen prendre

la gestion de certains En parallegravele fut mis en place en 1971 les Chardons un club de

preacutevention non sans lien avec des problegravemes de deacutelinquance deacutejagrave manifeste des tensions

racistes et des incidents lors des premiegraveres fecirctes communales

LrsquoOGESE centra aussi ses premiegraveres actions en direction des enfants et des jeunes par dans

Une premiegravere Maison pour Tous fut par exemple creacutee en 1972 dans un quartier acheveacute De

leur cocircteacute les organismes constructeurs et bientocirct gestionnaires de logements sociaux creacuteegraverent

eacutegalement des services du mecircme type Maison de quartier avec un animateur suscitant la

creacuteation drsquoune association de locataire ouverture drsquoune antenne drsquoanimation ALFA

(Antenne pour le Logement Familial et lrsquoAnimation des grands ensembles) Sur lrsquoensemble

126

de la ville de 1970 agrave 1973 trois autres associations se sont deacuteveloppeacutees (lrsquoAssociation pour

le Temps Libre lrsquoUnion sportive de Bures-Orsay et le Mille-Club) et des groupes informels

divers se sont multiplieacutes en mecircme temps que des antennes locales de grandes associations

qui se sont installeacutees (associations caritatives et sportives)

Ce mouvement associatif continua de se deacutevelopper tout au long des anneacutees 1970 pour

reacutepondre aux besoins drsquoanimation drsquoactiviteacutes et de services sociaux multiples drsquoune

population atteignant plus de 20 000 habitants en sept ans (20 283 habitants au recensement

de 1975) La plupart des organismes promoteurs installegraverent des services sociaux et

facilitegraverent la creacuteation des associations de locataires des nouvelles reacutesidences qui se

peuplaient De ce mouvement apparurent des feacutedeacuterations drsquoassociations sociales et

culturelles Certains eacutelus du premier mandat (1977-1983) eacutetaient drsquoailleurs issus de ces

organisations Services municipaux et services associatifs eacutetaient pour le moins enchevecirctreacutes

tant le dynamisme associatif poussait au deacuteveloppement et agrave la structuration des services

municipaux

Cependant depuis les anneacutees 1980 un changement de composition sociale de la population

sa paupeacuterisation ainsi qursquoune fonction de releacutegation urbaine de son parc de logements dans la

reacutegion parisienne deviennent assez perceptibles Agrave titre dexemple le service Habitat de la

Ville des Ulis indique en 2003 une part importante de familles monoparentales ayant fait

une demande de logement et qui ont drsquoailleurs toutes eacuteteacute logeacutees selon le service47 22 des

959 demandeurs de logement en 2002 (cf infra) Cette proportion a deacutepasseacute les plus forts

niveaux des anneacutees 1997 1999 et 2000 (entre 19 et 20 ) malgreacute des baisses ponctuelles en

1998 et 2001 agrave 14

Il apparaicirct ainsi que la commune au titre de son appartenance agrave lrsquoenvironnement francilien

subit les aspects neacutegatif de la laquo globalisation tertiaire raquo (Preacuteteceille 1995-b) qui assigne une

fonction daccueil et de logement des plus pauvres de la meacutetropole aux espaces drsquohabitat

social deacutevaloriseacutes comme aux quartiers et aux immeubles anciens deacutegradeacutes des centres villes

Ces espaces se polarisent avec des cateacutegories sociales encore plus pauvres tandis que les

espaces les plus riches se polarisent en sens inverse en voyant notamment une grande partie

de leurs anciens et nouveaux habitants devenir encore plus riche Les caracteacuteristiques

anteacuterieures de la structure sociale se sont accentueacutees ainsi que les hieacuterarchies socio-urbaines

et les ineacutegaliteacutes de conditions drsquoexistence par conseacutequent la lisibiliteacute des effets de la

47 Service Habitat de la mairie des Ulis (2003) Bilan dactiviteacutes 2002 Mairie des Ulis

127

releacutegation dans les zones drsquohabitat social et les quartiers anciens deacutegradeacutes srsquoest accrue

(Madoreacute 2004) En ce sens lrsquoimage des Ulis agrave lrsquoinstar des autres quartiers de ce type surtout

en reacutegion parisienne se ternit

Cette eacutevolution apparaicirct agrave bien des eacutegards comme lrsquohistoire drsquoune anticipation mal appliqueacutee

En effet dans un environnement reacutegional plutocirct favoriseacute lrsquoenjeu de deacuteveloppement de la ville

des Ulis avait eacuteteacute avant mecircme sa creacuteation comme commune en 1977 drsquoeacuteviter la

laquo deacutequalification raquo par la dispariteacute socio-urbaine avec les communes voisines (CREPA

1991) Cependant les limitations de volume sur les bacirctis et les efforts drsquoameacutenagement

paysager nrsquoont pas reacuteussi agrave enrayer avec la crise eacuteconomique et sociale persistante les

manifestations croissantes de multiples laquo deacutesordre urbain raquo (Wacquant 1993) au sein de son

grand parc drsquohabitat avec les deux principaux secteurs drsquohabitation HLM de la ville qui sont

seacutepareacutes drsquoune courte distance par le petit centre-ville qui ne joue pas son rocircle fonctionnel Les

donneacutees recueillies et preacutesenteacutees infra montrent que des tensions sociales et civiles se sont

accumuleacutees avec lrsquoaugmentation du nombre de meacutenages pauvres preacutecaires ou en difficulteacutes

sociales le deacuteveloppement de la deacutelinquance de certains jeunes et les deacutegradations

continuelles de certaines parties du bacircti et de lespace public La mauvaise reacuteputation de la

ville srsquoest de ce fait parallegravelement deacuteveloppeacutee

Les villes voisines du deacutepartement ayant les mecircmes caracteacuteristiques sociales et urbaines

(classes moyennes techniciennes et intermeacutediaires de grandes industries et drsquoautres

cateacutegories moyennes salarieacutees du secteur public logeacutees dans des grands ensembles

drsquohabitation) ont preacutesenteacute une destineacutee semblable Par exemple Isa Adeghi et Nicole Tabard

(1990) avaient deacutejagrave constateacute dans une eacutetude concernant Corbeil-Essonnes que des populations

pauvres du deacutepartement sont concentreacutees dans certains de ces espaces urbains comme Eacutevry

Massy Grignyhellip produit par la politique de densification urbaine de la banlieue avec des

grands ensembles Ce type de communes urbaines du deacutepartement apregraves des anneacutees de crise

eacuteconomique et sociale de modifications des profils des meacutenages reacutesidents et de releacutegation

urbaine semblent se transformer en espaces de laquo classes moyennes et modestes raquo pour imiter

en partie la cateacutegorisation statistique de lrsquoINSEE que les actifs soient salarieacutes ou au chocircmage

Mecircme plus ils pourraient ecirctre baptiseacutes espaces de classes moyennes et modestes preacutecariseacutees

voire exclues pour reprendre cette fois-ci Franccedilois Dubet (1999) qui eacutevoque les laquo classes

moyennes proleacutetariseacutees raquo agrave propos des habitants des quartiers populaires

Cette tendance srsquoest confirmeacutee dans le temps ce qursquoa montreacute lrsquoeacutetude de lrsquoINSEE eacutevoqueacutee

dans la partie probleacutematique plus haut (Martin-Housard Tabard 2003) dans la quasi-totaliteacute

128

des espaces urbains la preacutesence de laquo quartiers de chocircmeurs raquo est nette sur le plan statistique

La cateacutegorie drsquoespace social de la ville des Ulis est concerneacutee par cette eacutevolution (Martin-

Houssard Tabard 2003) elle relegraveve de ces espaces de laquo classes moyennes techniques et de

commerce de gros raquo localiseacutes surtout en Icircle-de-France agrave 50 comme Les Ulis Massy

Savigny-sur-Orge Eacutevry Chelles ou Gagny ndash et dans beaucoup de banlieues des grandes

agglomeacuterations de province (agrave 22 )48 Les espaces de releacutegation des quartiers sociaux se

situent donc agrave proximiteacute des couches moyennes restantes dans ces espaces et issues du

premier mouvement de peacuteriurbanisation de lrsquoespace francilien pendant le dernier quart du

XXe siegravecle Elles peuvent drsquoailleurs elles aussi srsquoecirctre trouveacutees paupeacuteriseacutees si elles ont subies

des problegravemes drsquoemploi et des seacuteparations conjugales Ce qui a neacutecessairement infleacutechi la

dynamique de structuration socioculturelle de leur espace lieacutee agrave la peacuteriode drsquoavant la crise

eacuteconomique et sociale

Drsquoautres auteurs rapportent que se constituent des entiteacutes diversifieacutees dans les grands

ensembles de par la preacutesence de groupes de preacutecaires aux situations sociales et des

comportements culturels divers (Baudin Lefeuvre 2002) Ainsi et crsquoest ce qui apparaicirct le

plus important sur le plan urbain les processus de preacutecarisation et drsquoexclusion sociales de

releacutegation socio-urbaine suivi de lrsquoimmobilisation reacutesidentielle des plus pauvres observeacutes

depuis une vingtaine drsquoanneacutees dans plusieurs zones ou secteurs a abouti agrave des formations

sociales suffisamment stables pour ecirctre rendues visibles par les statistiques sociales

nationales

Aux Ulis donc theacuteoriquement ou plutocirct statistiquement comme dans drsquoautres communes

comprises dans cette cateacutegorie moyenne et supeacuterieure drsquoespaces socio-urbains trois types de

quartiers et de groupes sociaux peuvent coexister des cateacutegories supeacuterieures du tertiaire

(cadres et professions libeacuterales) des cateacutegories hautes moyennes et modestes des activiteacutes

techniques (ingeacutenieurs professions intermeacutediaires et employeacutes administratifs) et des

chocircmeurs nombreux des activiteacutes administratives et commerciales et de services aux

particuliers avec des personnels en activiteacute dans les domaines des services directs aux

particuliers (restauration-cafeacute services aux personnes)

48 Trois types drsquoespace diffeacuterents sont ainsi identifieacutes agrave lrsquointeacuterieur de cette grande cateacutegorie drsquoespace (agrave partir de 50 de cateacutegories sociales et professionnelles speacutecifiques) 1 les laquo espaces tertiaires raquo avec des professions libeacuterales et des cadres tertiaires et drsquoentreprise 2 les espaces drsquo laquo activiteacutes techniques raquo avec des ingeacutenieurs en chimie travaux publics des professions intermeacutediaires drsquoentreprises et 3 les espaces du laquo chocircmage tertiaire raquo regroupant des chocircmeurs intermeacutediaires et des employeacutes administratifs et commerciaux drsquoentreprise des personnels de services directs aux particuliers et enfin des actifs non chocircmeurs des services directs aux particuliers (cafeacutes-restaurants services aux personnes) Ces espaces de classes moyennes sont donc assez heacuteteacuterogegravenes

129

Cette description est donc fortement composite puisqursquoil reacuteside autant de pauvres que de

riches dans ces espaces et elle renseigne insuffisamment sur la speacutecificiteacute locale du profil

social de la commune par rapport agrave drsquoautres communes appartenant agrave cette mecircme cateacutegorie

drsquoespace socio-eacuteconomique Cependant de toute eacutevidence aux Ulis comme dans les

communes de ce type drsquoespace une correacutelation avec lrsquoaccroissement de la population pauvre

dans la population communale apparaicirct sans toutefois qursquoil soit question drsquoune concentration

spatiale exclusive de celle-ci

Dans ce sens depuis 1996 et cela soutient lrsquohypothegravese de la paupeacuterisation une ZUS a eacuteteacute

deacutefinie la Ville nrsquoeacutetant pas pauvre en raison des recettes lieacutees agrave sa zone drsquoactiviteacutes ce sont

bien les difficulteacutes sociales de la population qui sont ici concerneacutees par cette mesure

drsquoinscription dans la politique de la ville de lrsquoEacutetat Pour les repreacutesentants de lrsquoEacutetat selon les

documents diagnostiques et programmatiques du deacutebut des anneacutees 1990 cette eacutevolution avait

bien fait apparaitre lrsquoenjeu de gestion de ce grand parc social sous deux principaux aspects

1 au niveau interne agrave la commune drsquoabord avec le maintien de la coheacutesion malgreacute

lrsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute sociale croissante de la population et la deacutegradation des rapports sociaux

cette eacutevolution faisant suite aux difficulteacutes sociales des habitants et agrave lrsquoarriveacutee de populations

plus fragiles que les preacuteceacutedentes 2 au niveau supra-local ensuite avec le deacuteveloppement des

deacutemarches intercommunales pouvant œuvrer pour une reacutepartition reacutegionale plus eacutequilibreacutee

des diffeacuterentes fonctions urbaines notamment lhabitat social dans lrsquoespace agglomeacutereacute afin

de favoriser le deacuteveloppement inteacuterieur plus laquo eacutequilibreacutee raquo de la commune

Les eacuteleacutements concrets informant sur la deacutegradation des situations sociales des habitants et des

rapports sociaux dans la ville sont rapporteacutes et traiteacutes apregraves la deuxiegraveme section ci-dessous

consacreacutee agrave lrsquooutil de recueil et drsquoanalyse de ces eacuteleacutements

B- Lrsquoobservatoire local un dispositif strateacutegique de recueil de donneacutees multiples

Cette premiegravere eacutetude a eacuteteacute meneacutee agrave partir drsquoune pratique drsquoanalyse particuliegravere que constitue

la conduite drsquoun observatoire local de 2000 agrave 2004 aux Ulis dans le sud de la reacutegion

parisienne Lrsquoideacutee de creacuteation de ce dispositif eacutemanait du chargeacute de mission de coordination

du conseil communal de preacutevention de la deacutelinquance (assembleacutee de divers professionnels et

intervenants dans ce domaine chargeacutee de deacutefinir une politique commune) mission rattacheacutee

administrativement agrave la direction geacuteneacuterale de la Ville financeacutee par des creacutedits partageacutes entre

130

lrsquoEacutetat le Conseil geacuteneacuteral et la Ville Sur le plan professionnel cette deacutemarche originale plus

socialiseacutee que drsquoautres pratiques habituelles drsquoenquecircte requiert une adaptation des critegraveres de

scientificiteacute Dispositif-outil drsquoanalyse continue drsquoun territoire local par le biais de lrsquoeacutechange

et du partage drsquoinformations multiples et varieacutees entre diffeacuterents acteurs sa creacuteation est

motiveacutee en geacuteneacuteral par le sentiment drsquoinsuffisance et drsquoinadaptation des donneacutees disponibles

issues souvent de sources nationales Lrsquoorientation des travaux de ce dispositif axeacutee sur la

repreacutesentation de plusieurs dimensions de la preacutecariteacute sociale veacutecue par les habitants de la

ville est agrave la base de la conception du choix du thegraveme drsquoensemble de cette recherche les

formes contemporaines des ineacutegaliteacutes sociales et leurs manifestations socio-spatiales eacutetudieacutees

au niveau de villes-communes de grand ensemble drsquohabitat

La meacutethodologie est orienteacutee de maniegravere agrave srsquoappuyer sur lrsquoexpeacuterience et les repreacutesentations

des acteurs pour recueillir des informations les traiter et les interpreacuteter les probleacutematiques

drsquoinformation et de connaissance doivent ecirctre communes agrave une partie principale drsquoentre eux

les donneacutees sont reacutecolteacutes selon un meacutecanisme de demande-fourniture drsquoinformations aupregraves

des acteurs compeacutetents et croiseacutees agrave drsquoautres sources extra-locales et expertes les analyses

sont reacutealiseacutees en fonction des objectifs et des besoins de connaissances et les reacutesultats sont

preacutesenteacutes en reacuteunions theacutematiques agrave des fins de validation drsquoassimilation drsquointerpreacutetation et

de reacuteflexion pour leurs actions (avec le deacuteveloppement drsquointerrogations nouvelles pour

orienter de nouvelles demandes drsquoinformations)

Les observatoires ont une histoire qui consacre lrsquoengagement de travaux scientifiques sur des

territoires locaux en relation avec les preacuteoccupations de connaissance des acteurs concerneacutes

Rappelons en effet que les professionnels recruteacutes pour ce type de dispositif le sont moins en

raison drsquoune expertise ou drsquoune fonction drsquolaquo intellectuel organique raquo qursquoils pourraient tenir

mais plutocirct dans le but de participer scientifiquement aux deacutebats concernant des questions

locales (Soulet 1996) en laquo inscrivant des faits dans un cadre intelligible en vue de

transformer peu ou prou la reacutealiteacute sociale raquo (Castel 1996 p 53) Il srsquoagit ainsi de savoir

combiner validiteacute et efficience de la production et de la diffusion de connaissance au service

de politiques locales Une reacuteflexion drsquoordre historique et eacutepisteacutemologique centreacutee sur ce type

de deacutemarche scientifique proche de lrsquoaction politique mais aussi technique pour divers

professionnels de champs drsquointervention speacutecialiseacutes (eacuteconomie action sociale eacutecologie

habitat-logementhellip) a permis de formaliser les modaliteacutes de cette adaptation des principes

scientifiques (Chebroux 2007)

131

Sur le plan eacutepisteacutemologique cette deacutemarche suit une eacutethique scientifique pragmatique telle

que preacuteconiseacutee et analyseacutee par Castel et Soulet il y a plus de vingt-cinq ans (Castel Soulet

1985) Ils en distinguent cinq caracteacuteristiques 1 le deacuteplacement partiel du champ de

leacutegitimation scientifique en prenant en compte le point de vue des acteurs 2 lrsquoexistence

drsquoune demande sociale comme base de travail 3 une relative socialisation dans lrsquoexercice de

la recherche entraicircnant une diminution de la temporaliteacute du circuit drsquoinscription des

connaissances dans le social 4 la production de connaissances sur la base de la

confrontation de logiques sociales heacuteteacuterogegravenes 5 un deacutepassement du cloisonnement des

tacircches entre praticiens et professionnels des sciences sociales Un critegravere de validation sociale

neacutecessaire agrave la validiteacute des meacutethodes de recherche qualitative (Pailleacute 2004) peut srsquoappliquer

de deux maniegraveres drsquoune part la soumission systeacutematique des interpreacutetations au deacutebat et agrave la

reacutevision aupregraves des publics non scientifiques et drsquoautre part la recherche de convergence des

reacutesultats avec les perceptions sociales des faits Les connaissances ordinaires et savantes se

recouvrent ici partiellement et srsquoarticulent laquo par un processus continuel de reacutealimentation

reacuteciproque et drsquoamalgame raquo (Corcuff 1991 p 532)

La proximiteacute sociale assumeacutee avec les acteurs pour lrsquoobservation ne doit cependant pas

rompre avec la distance neacutecessaire pour garantir lrsquoindeacutependance du travail scientifique La

neutraliteacute axiologique dans lrsquoanalyse des donneacutees neacutecessite une certaine autonomie

fonctionnelle Aux Ulis la structure drsquoanimation de lrsquoobservatoire eacutetait composeacutee drsquoune part

du responsable de la mission de coordination de la preacutevention de la deacutelinquance qui en eacutetait

lrsquoinstigateur (directement rattacheacute agrave la direction geacuteneacuterale des services) et drsquoautre part du

sociologue recruteacute agrave cet effet Il nrsquoy avait aucune subordination agrave une quelconque mission

opeacuterationnelle particuliegravere qursquoil fallait accompagner Lrsquoautonomie fonctionnelle autorise de

ce fait plusieurs attitudes formelles agrave lrsquoeacutegard des acteurs drsquoun cocircteacute une indeacutependance par

rapport aux influences politiques et ideacuteologiques notamment de la hieacuterarchie institutionnelle

et de lrsquoautre cocircteacute le deacuteploiement drsquoune rigueur scientifique et technique mais aussi drsquoun

esprit drsquoouverture lieacute agrave une exteacuterioriteacute du regard sur le territoire

En revanche lrsquoexploitation des laquo donneacutees locales raquo sur le plan scientifique entraicircne une

collaboration explicite et structureacutee avec les acteurs du fait de la conscience de

lrsquointerdeacutependance et de la circulariteacute fortes des eacutechanges entre les logiques socio-

administratives de ceux-ci et les logiques drsquoanalyse scientifique (Corcuff 1991) Les objectifs

ou les deacutesirs communs de connaissances entraicircnent une sorte de pacte fondeacute sur des

perspectives de travail croiseacute qui conditionne la reacuteussite des collaborations par lrsquoobtention

132

drsquoune richesse drsquoinformations (Beaud 1996) La prise en compte de la diversiteacute des points de

vue eacutelegraveve de ce fait le niveau geacuteneacuteral de connaissance de maniegravere preacutecieuse (Castel 1996)

Cette collaboration dialectique entre acteurs et scientifiques est drsquoailleurs pour les premiers

une condition drsquoeacuteviter toute deacutemarche technocratique ideacuteologique et sans critique aussi

recommandeacutee par Lefebvre (1968 p 118-119) pour lrsquointervention dans des champs sociaux

complexes comme celui de la ville laquo Le mouvement dialectique se preacutesente ici comme un

rapport entre la science et la force politique comme un dialogue ce qui actualise les rapports

laquo lsquotheacuteorie-pratiquersquo et lsquopositiviteacute-neacutegativiteacute critiquersquo raquo La condition de ce dialogue

souhaitable est drsquoeacutetablir une orientation drsquoanalyse commune aux acteurs ouverte agrave leurs

preacuteoccupations cognitives en structurant les questionnements dans ces axes theacutematiques

En facilitant la circulation drsquoinformations heacuteteacuterogegravenes de maniegravere innovante (Mouton 2002)

en dehors des seuls aleacuteas deacutecisionnels lieacutes aux cycles politiques eacutelectoraux (Guillotreau

1998) cette activiteacute est reacutegulatrice voire meacutediatrice en creacuteant un support de relations

sociales et en favorisant lrsquoaccompagnement des acteurs dans leur reacuteflexion alors que les

tensions lieacutees agrave la concurrence et agrave la meacuteconnaissance mutuelle sont toujours vives (Boure

1989 Debordeaux 1996 Donzelot 1996 Nardin 1993) Seule une production collective

par eacutetapes valideacutees deacutemocratiquement et inteacutegrant les points de vue jusque dans les

interpreacutetations heacuteteacuterogegravenes des faits rapporteacutes et de leurs analyses (Mahey 2002) favorisent

la participation libre et peacuterenne des acteurs concerneacutes

Outre des capaciteacutes drsquoanalyse scientifique qui assurent la creacutedibiliteacute du seacuterieux de la

deacutemarche aupregraves des acteurs (reformulation et traduction des preacuteoccupations de savoir des

acteurs en objets plus) le fonctionnement drsquoun tel dispositif repose avant tout sur lrsquoanimation

du processus drsquoobservation collective par des proceacutedures participatives et interactives

constituant un systegraveme interactif de collaboration entre acteurs (Savoye 1996) reacuteunion de

travail eacutechange drsquoinformation discussions et deacutebats collectifs Lrsquoobjectif est de faciliter

lrsquoaccegraves ou de faire circuler lrsquoinformation rechercheacutee en disposant des donneacutees de gestion et en

recueillant et croisant les repreacutesentations des acteurs ce qui est souvent plus fructueux et

parfois plus preacutecis que le recueil aupregraves des personnes concerneacutees En effet en plus des coucircts

souvent reacutedhibitoires des deacutemarches drsquoenquecircte directe celles-ci preacutesentent de nombreux biais

et des deacuteconvenues dommageables (Plouchard 1999 Simonin 1993) en raison du deacutesir de

bien paraicirctre etou de lrsquoinstrumentalisation possible des enquecirctes par les enquecircteacutes (Ghiglione

Matalon 1999)

133

Plus globalement cette approche ne peut se comprendre sans connaicirctre le mouvement

historique drsquoinstitutionnalisation heacuteteacuterogegravene non coordonneacutee et plutocirct libeacuteral des

observatoires locaux Ils srsquoapparentent aux deacutemarches drsquoanalyse des problegravemes sociaux agrave des

fins drsquointervention sur eux enquecirctes deacutemographiques drsquoabord depuis la fin du XVIIIe siegravecle

puis depuis la fin du XIXe siegravecle extension aux questions relatives au laquo social raquo (Donzelot

1994 Martin 1992 Soulet 1996) Dans ces deacutemarches enquecirctes empiriques et questions

theacuteoriques sont articuleacutees agrave lrsquoaction politique et sociale que ce soit sous forme drsquoexpertise

sociale (eacuteclairage sans intervention) de theacuteorie instrumentale (prescription sans agir) ou

drsquoingeacutenierie sociale (analyse pour innover dans le champ social) (Savoye 1996)

Les statistiques sont venues renforcer le creacutedit de ces enquecirctes en se distinguant du

pragmatisme et des laquo agrave peu pregraves raquo du qualitatif (Desrosiegraveres 1993 Martin 1998-a)

Cependant lrsquoinstitutionnalisation lrsquoobservation quantitative au deacutebut du XXe siegravecle a eacutecorneacute

les approches dites laquo globales raquo qui integravegrent le social et lrsquoeacuteconomique en donnant suivant la

theacuteorie keyneacutesienne du deacuteveloppement la primauteacute aux politiques macro-eacuteconomiques Les

politiques sociales eacutetant alors conccedilues via quelques meacutecanismes de redistribution (systegravemes

de protection sociale et de fiscaliteacute) comme une conseacutequence laquo naturelle raquo de la croissance

eacuteconomique Cependant agrave la fin des anneacutees 1960 avec la complexification des socieacuteteacutes en

deacuteveloppement un retour agrave la prise en compte du social et du local srsquoest opeacutereacute en pleine

peacuteriode des Trente Glorieuses avec le laquo mouvement des indicateurs sociaux raquo (Andreacuteani

1979 Delors 1971)

Agrave lrsquoinstar de la planification eacuteconomique de lrsquoapregraves Seconde Guerre mondiale une

planification sociale est mise en œuvre pour divers problegravemes lieacutes peu ou prou au

deacuteveloppement eacuteconomique conditions de vie de certains meacutenages et de certaines cateacutegories

sociales (personnes acircgeacutees jeuneshellip) encombrement urbain exclusion eacuteconomique et

pauvreteacute inseacutecuriteacute pollutionhellip Cependant les outils drsquoanalyse les services et les

organismes drsquoeacutetudes et de recherche ont longtemps manqueacute drsquoutiliteacute directe pour les acteurs

(Boure 1989 Fouquet 1993) Lrsquoenjeu reacuteside dans la capaciteacute agrave pouvoir repreacutesenter une

laquo localiteacute raquo dans la diversiteacute de ses dimensions inteacuteressant des acteurs (vie sociale

eacuteconomique politique et culturellehellip) au deacutetriment drsquoune production perccedilue comme partielle

eacutelaboreacutee pour des politiques nationales agrave des fins de comparaison et drsquoagreacutegation de diffeacuterents

laquo territoires locaux raquo (Desrosiegraveres 1994) Lrsquohistoire de lrsquoeacutemergence des observatoires locaux

est donc lieacutee agrave lrsquohistoire des diffeacuterentes actions des institutions pour srsquoadapter agrave cette

neacutecessiteacute Deux principaux mouvements se sont dessineacutes drsquoun cocircteacute les initiatives multiples

134

et successives de lrsquoINSEE pour diffuser des informations adapteacutees aux acteurs reacutegionaux

sans en perdre pour autant la preacuterogative drsquoeacutelaboration de celles-ci et de lrsquoautre cocircteacute un

mouvement parallegravele diffus et non coordonneacute par la statistique publique de creacuteation

drsquoobservatoires de nature varieacutee et porteacutes par des acteurs locaux

Les premiegraveres deacutemarches srsquoinscrivent dans lrsquohistoire de la deacuteconcentration de lrsquoINSEE agrave

partir de la fin des anneacutees 1960 sous lrsquoimpulsion drsquoacteurs et drsquoorganismes divers inteacuteresseacutes

par le deacuteveloppement territorial et social (Martin 1998-b 1998-c 1998-d) Lrsquoideacutee

drsquolaquo observatoire raquo affleure au tournant des anneacutees 1960 dans les reacuteseaux politico-

administratifs et intellectuels deacutecentralisateurs (Bardet 1998) Avec la Deacuteleacutegation agrave

lrsquoAmeacutenagement du Territoire et agrave lrsquoAction Reacutegionale (DATAR)49 des Observatoires

eacuteconomiques reacutegionaux (OER) sont creacuteeacutes dans chaque laquo meacutetropole drsquoeacutequilibre raquo pour

organiser des rencontres avec les utilisateurs de lrsquoinformation sous administration drsquoun

Comiteacute reacutegional drsquoobservation composeacute de producteurs et drsquoutilisateurs drsquoinformation

Cependant le surcoucirct par rapport aux donneacutees nationales la mauvaise toleacuterance agrave lrsquoerreur

voire lrsquoimpossibiliteacute drsquoapplication drsquoune analyse macro-eacuteconomique au niveau local se sont

opposeacutes agrave cette expeacuterience avec drsquoautres freins exogegravenes tels le manque de projets communs

drsquoobservation aux acteurs locaux et les reacuteticences drsquointellectuels et de professionnels du

secteur social concernant lrsquoinformatisation des donneacutees individuelles ou geacuteographiques

(Willm 1989 Delaporte 1996) Au cours de la deacutecennie 1970 certains OER essaieront le

systegraveme des laquo correspondants locaux raquo (1976-1978) pour se rapprocher des besoins des

utilisateurs mais cela nrsquoa pas suffit agrave ameacuteliorer la creacutedibiliteacute et lrsquoadaptation de lrsquoinformation

des grands services de lrsquoEacutetat (Willm 1989) De mecircme les systegravemes locaux drsquoinformation

rassemblant des eacutequipes locales inter-administratives nrsquoarrivegraverent agrave produire lrsquoinformation

strateacutegique agrave partir drsquointeractions reacuteguliegraveres (Willm 1989 Simonin 1993) Et les eacutetudes

locales de lrsquoINSEE se limitaient encore agrave appliquer les cateacutegories du recensement et des

eacutetudes nationales aux espaces locaux (Willm 1989)

La deacutecentralisation entraicircna lrsquoINSEE dans une autre seacuterie drsquoexpeacuteriences de statistiques locales

et sociales agrave diffeacuterents niveaux administratifs sous lrsquoeffet de deux deacuteterminations de

49 Creacuteeacutee en 1963 la DATAR a eacuteteacute remplaceacutee le 1er janvier 2006 par la Deacuteleacutegation interministeacuterielle agrave lrsquoameacutenagement et agrave la compeacutetitiviteacute des territoires (DIACT) en inteacutegrant les fonctions de la Mission interministeacuterielle sur les mutations eacuteconomiques (MIME) En 2009 elle est redevenue la DATAR avec un changement de termes Deacuteleacutegation interministeacuterielle agrave lAmeacutenagement du Territoire et agrave lAttractiviteacute Reacutegionale en ajoutant aux missions preacuteceacutedentes celle de reacuteflexion prospective et strateacutegique sur les meacutetropoles

135

lrsquoobligation (loi du 7 janvier 1983) drsquoeacutetablissement des statistiques lieacutees agrave lrsquoexercice des

compeacutetences transfeacutereacutees (formation professionnelle et apprentissage urbanismehellip) et des

premiegraveres deacutemarches drsquoeacutevaluation impulseacutees par les corps drsquoinspection de lrsquoEacutetat La

dynamique drsquoadaptation de lrsquoINSEE se poursuit jusqursquoagrave nos jours notamment suite agrave la

deuxiegraveme eacutetape de la deacutecentralisation (2002-2004) accroissant la place de lrsquoinformation dans

les systegravemes drsquoaction publique

Agrave cocircteacute de lrsquoinstitut de statistiques publiques drsquoautres deacutemarches ont favoriseacute la mise en

œuvre de systegravemes drsquoinformation locale poursuivant des objectifs drsquoanalyse localement

eacutelaboreacutes Elles ont eacuteteacute encourageacutees par les premiegraveres lois de deacutecentralisation (Rouchet 1999)

et rendues possibles par les moyens techniques et financiers accrus des collectiviteacutes la baisse

du coucirct de lrsquoinformatique et de la bureautique la hausse de la puissance informatique de

traitement des donneacutees et la diffusion tregraves rapide de la maicirctrise de ses techniques Les

dispositifs sont nombreux heacuteteacuterogegravenes et instables dans le temps (Debordeaux 1996

Delaporte 1996) en raison du changement des situations sociales et des difficulteacutes

relationnelles entre partenaires locaux qui limitent les eacutevolutions drsquoanalyse aux seules limites

des compromis fragiles localement deacutetermineacutes (Donzelot 1996 Delaporte 1996)

Les activiteacutes meneacutees sont geacuteneacuteralement de trois types (Legros 1993) qui se combinent le plus

souvent lrsquoanimation interactive (forums seacuteminaires journeacutees drsquoeacutetudes rencontres-

deacutebathellip) la prescription drsquoeacutetudes et de recherches (programmes et seacutelection des

chercheurs ou consultants) et la collecte de donneacutees aupregraves des acteurs agrave des fins drsquoanalyse

et de diffusion de lrsquoinformation Lrsquooutillage meacutethodologique qui est mis en œuvre deacutepend du

choix des activiteacutes reacutealiseacutees Pour lrsquoobservatoire des Ulis ce sont essentiellement le recueil et

lrsquoanalyse de donneacutees ainsi que lrsquoanimation interactive qui ont eacuteteacute reacutealiseacutees la seconde

activiteacute servant davantage de moyen au service de la premiegravere mais pas seulement puisque la

dimension relationnelle et socialisante est deacuteterminante dans la reacuteussite de ce type de

deacutemarche

Apregraves mon recrutement sur dossier et proposition de modaliteacutes de conduite de lrsquoobservatoire

dans la collectiviteacute territoriale (orientation theacutematique technique et organisationnelle) le

travail a suivi deux principes Drsquoabord la deacutefinition drsquoun cadre conceptuel drsquoobservation ici

celui de la laquo preacutecariteacute-exclusion-pauvreteacute raquo50 selon plusieurs composantes theacutematiques afin

50 Cette orientation srsquoinspire des consideacuterations en cours dans les approches scientifiques et speacutecialiseacutees de ces pheacutenomegravenes (cf supra partie Probleacutematique) Pour le professionnel de la collectiviteacute agrave lrsquoinitiative de la creacuteation de lrsquoobservatoire cette orientation srsquoinscrit dans une conception large de la preacutevention la deacutelinquance la

136

de constituer une structure de recherche drsquoinformations susceptibles de fournir des indicateurs

dans chaque thegraveme difficulteacutes drsquoinsertion professionnelle (sans et sous-emploi) pauvreteacute

des meacutenages difficulteacutes de logement (accegraves jouissance maintien) difficulteacutes drsquointeacutegration

des immigreacutes inseacutecuriteacute civile et difficulteacutes diverses de la vie quotidienne (scolaires

alimentaires sanitaireshellip) cette large approche a eacuteteacute soumise agrave avis contribution deacutebat et

validation aux acteurs pour leur participation agrave lrsquoobservatoire

Le deuxiegraveme principe de travail a eacuteteacute la deacuteclinaison territoriale des indicateurs tant sur la

commune globalement quau niveau duniteacutes dobservation plus petites que sont les reacutesidences

(icirclots reacutesidentiels) ou secteurs dhabitation51 parfois des eacutechelles spatiales plus larges que la

commune (secteurs infra-deacutepartementaux communauteacutes de communes et autres territoires

comme les deacutepartements et les reacutegions) sont utiliseacutees agrave des fins de comparaison de

confrontation et drsquoinformation sur lrsquoeacutevolution des pheacutenomegravenes agrave lrsquoexteacuterieur de la commune

Ainsi lrsquoidentification drsquoindicateurs de difficulteacutes et de preacutecariteacutes sociales srsquoest reacutealiseacutee de

maniegravere interactive agrave partir drsquoobjectifs de connaissance ou drsquoinformation divers dans chaque

thegraveme concerneacute formuleacutes avec les acteurs agrave partir drsquoun niveau de connaissance le plus avanceacute

possible des questions abordeacutees Agrave des fins drsquooptimisation des opeacuterations drsquoanalyse et

drsquointerpreacutetation des donneacutees fournies tous les acteurs eacutetaient inviteacutes agrave accompagner celles-ci

de laquo commentaires drsquoanalyse raquo crsquoest-agrave-dire drsquoeacuteleacutements sur leur signification et leur

contextualisation de leur point de vue voire des analyses plus pousseacutees permettant de les

comprendre et de les expliquer Lrsquoobjectif eacutetant drsquoaccumuler des faits et des points de vue

multiples sur les diffeacuterents objets eacutetudieacutes pour deacutevelopper des analyses exposeacutees de maniegravere

accrue agrave la complexiteacute voire au deacutebat et agrave la critique

Ensuite rapport et synthegravese annuels eacutetaient reacutedigeacutes preacutesentant les connaissances accumuleacutees

dans chaque domaine et constatant leurs eacutevolutions dans le temps produisant ainsi une vision

si ce nrsquoest globale au moins large et syntheacutetique des diffeacuterentes difficulteacutes sociales qui

affectent les habitants sur la commune Les reacutesultats preacutesenteacutes agrave la reacuteunion annuelle pleacuteniegravere

de lrsquoobservatoire ainsi qursquoen groupes theacutematiques plus restreints permettaient de deacutevelopper

de nouvelles probleacutematiques de connaissance pour le cycle suivant de recueil et drsquoanalyse de

preacutevention sociale qui vise lrsquoaction sur les aspects sociaux agrave lrsquoorigine des actes de deacutelinquance et de criminaliteacute (pauvreteacute moneacutetaire et preacutecariteacute eacuteconomique injustice sociale eacuteconomique et juridique releacutegation urbaine manque de protection sociale problegravemes familiaux et eacuteducatifshellip) 51 La structure morphologique de la partie grand ensemble agrave lrsquoorigine de la creacuteation de la ville a eacuteteacute conccedilue selon une composition drsquoicirclots reacutesidentiels juxtaposeacutes et tourneacutes vers eux-mecircmes peu ouverts sur le reste de la ville Ces icirclots forment un deacutecoupage urbain assez net de pregraves de 34 uniteacutes largement utiliseacutees par les services municipaux et les autres acteurs pour deacutecrire le territoire et ses habitants Ce qui constitue un atout dans le processus drsquoobservation code commun aux acteurs sur le local il favorise lrsquoeacutechange agrave ce sujet

137

donneacutees (cycle annuel calqueacute sur le rythme drsquoexercice annuel des actions des acteurs afin que

les donneacutees recueillies eacutemanent des bilans drsquoactiviteacutes les plus reacutecents de ceux-ci

C- La structure sociodeacutemographique et eacuteconomique deacuteclinante de la population

Cette section aborde les principaux traits socio-deacutemographiques et eacuteconomiques de la

population communale Depuis 1982 crsquoest pregraves de 20 de la population qui agrave chaque

peacuteriode intercensitaire quitte la ville et un peu moins qui srsquoy installe Cette tendance est mal

compenseacutee par le solde naturel des deacutecegraves et des naissances puisque ces derniegraveres ont baisseacute

alors que les premiers augmentent avec le vieillissement de la population il y a drsquoailleurs

une hausse spectaculaire du nombre de retraiteacutes Les autres changements de la structure

sociale sont la reacuteduction des cateacutegories supeacuterieures (cadres et professions intellectuelles) et

des cateacutegories infeacuterieures (employeacutes et ouvriers) alors que drsquoautres voient leurs effectifs

srsquoaccroicirctre (professions intermeacutediaires) et parfois tregraves fortement (retraiteacutes familles

monoparentales croissante et meacutenages da faibles niveaux de revenus des meacutenages)

Globalement la sous-moyennisation sociale eacutevoqueacutee par Louis Chauvel (1999) srsquoinstalle

Degraves le milieu des anneacutees 1990 plusieurs eacuteleacutements montrent cette tendance hausse de la part

des familles monoparentales notamment dans le parc social de logement hausse des

meacutenages dont la personne de reacutefeacuterence est au chocircmage et hausse de la part des revenus

faibles et moyens et baisse de la part des revenus supeacuterieurs De ces eacutevolutions eacuteconomiques

et deacutemographiques drsquoensemble la structure sociale de la population locale a subi une

modification Un processus de changement social par rapport agrave une situation anteacuterieure a eacuteteacute

opeacutereacute Il peut ecirctre interpreacuteteacute en termes de deacuteclassement social Les interventions urbaines et

sociales depuis les anneacutees 1980 peinent agrave le juguler

Plusieurs pheacutenomegravenes traduisent ainsi cette eacutevolution en termes de deacutegradation des conditions

sociales drsquoexistence individuelle et collective la hausse de besoins multiples de solidariteacute

eacuteconomique dans la population (avec la croissance de prestations sociales et drsquoactes drsquoaide

sociale sous des formes multiples) la hausse et lrsquointensiteacute des manifestations de deacutesordre

civil ie de deacutelinquance de comportements de violence et dune criminaliteacute au sens large

deacuteveloppant le sentiment dinseacutecuriteacute dans la ville la baisse de la participation associative et

le repli communautariste de certains groupes issus de lrsquoimmigration eacutetrangegravere ou ultra-

marinehellip Ces problegravemes se manifestent en partie ou dans lensemble selon les cas des

138

espaces de la ville contredisant limage positive et dynamique initiale de la ville originelle et

agreacuteable des classes moyennes et ascendantes Des eacuteleacutements significatifs de ce processus de

deacutegradation sociale sont preacutesenteacutes ci-dessous

1 La dynamique de deacutecroissance deacutemographique plus de deacuteparts faibles deacutecegraves

et naissances et vieillissement

Lrsquoeacutevolution deacutemographique de la ville suit une tendance baissiegravere depuis pregraves de trente ans (-

123 de 1982 agrave 2007) ce qui est ineacutedit pour le deacutepartement (+ 217 agrave la mecircme peacuteriode)

et la reacutegion (+ 151 ) Elle paraicirct pourtant dans un premier temps coheacuterente avec leacutevolution

densemble des zones urbaines sensibles (ZUS) sur le territoire national comme la baisse de

6 entre 1990 et 1999 le montre (Le Toqueux 2002) et celle de 23 entre 1999 et 2006

(Chevalier Lebeaupin 2010)

Cependant pour cette derniegravere peacuteriode cinq reacutegions ont leur ZUS en leacutegegravere croissance dont

lrsquoIcircle-de-France (+ 02 ) alors que la ZUS des Ulis continue agrave deacutecroicirctre entre 1999 et 2006

de 43 La situation locale est donc bien singuliegravere Lrsquoexpression de laquo deacutecroissance

deacutemographique post-construction raquo deacutesigne le fait qursquoagrave lrsquoissue de lrsquoachegravevement de leur

construction et de leur premier peuplement complet un pheacutenomegravene de deacutecroissance

deacutemographique srsquoobserve dans les grands ensembles Aux Ulis comme dans les autres grands

ensembles observeacutes

Pendant les trois derniegraveres peacuteriodes intercensitaires agrave partir de 1982 la deacutecroissance pour

lrsquoensemble de la commune est continue et forte drsquoabord de 375 entre 1982 et 1990

ensuite de 52 entre 1990 et 1999 puis de 48 entre 1999 et 2007 (voir graphique et

tableaux pages suivantes) Plus preacuteciseacutement si lrsquoon prend les variations annuelles de la

population la tendance agrave la baisse est en fait la mecircme pendant 17 ans de 1990 agrave 2007 soit -

06 par an

Tableau 1 - Les Ulis ndash Eacutevolution de la population municipale 1968-2007

1968 1975 1982 1990 1999 2007 2008

Population municipale

0 20 316 28 256 27 197 25 781 24 528 24 590

139

Eacutevolution

+ 20 316

+ 7 940+ 39

- 1 059- 37

- 1 416-52

- 1 253- 48

+ 62 + 0

Source INSEE

Les Ulis - Evolution deacutemographique 1968-2007

0

5 000

10 000

15 000

20 000

25 000

30 000

1968 1975 1982 1990 1999 2007

Crsquoest le haut niveau du solde migratoire reacutesidentiel neacutegatif qui en est la principale cause

avec des variations annuelles de ndash 25 entre 1982 et 1990 de ndash 23 entre 1990 et 1999

et de ndash 22 entre 1999 et 2007 De son cocircteacute le solde naturel (naissances-deacutecegraves) avec

lequel le mouvement migratoire interagit pour deacuteterminer lrsquoeacutevolution de la population totale

ne parvient pas agrave le compenser au contraire il a fortement baisseacute apregraves la premiegravere peacuteriode

intercensitaire (1982-1990) pour passer de + 22 par an agrave seulement + 17 par an entre

1990 et 1999 Entre 1999 et 2007 il srsquoest mecircme encore un peu reacuteduit avec + 16 par an

Ces eacutevolutions reacutesultent de mouvements importants de population comme lrsquoindiquent les

donneacutees pour la peacuteriode 1968-1999 dans le tableau 3 infra (les donneacutees absolues pour 1999-

2007 ne sont pas connues) Crsquoest la baisse du nombre de naissances au niveau du solde

naturel qui est la principale cause de lrsquoaccentuation de la baisse de la population totale entre

les deux peacuteriodes 1982-1990 et 1990-1999 En effet la variation du seul solde migratoire est

devenue fortement neacutegative agrave partir de 1982 - 5 502 personnes de 1982 agrave 1999 et - 5 424

personnes de 1990 agrave 1999 alors que le solde eacutetait positif de 1975 agrave 1982 (+ 4 545

personnes) et que entre 1968 et 1975 la ville a eacuteteacute peupleacutee agrave sa creacuteation par 20 316

personnes srsquoy installant

Tableau 2 - Structure de lrsquoeacutevolution deacutemographique 1968-2007 (en chiffres relatifs)

140

1975 agrave 1982 1982 agrave 1990 1990 agrave 1999 1999 agrave 2007

Variation annuelle moyenne de la population en +48 -05 -06 -06

due au solde naturel en +21 +20 +17 +16

due au solde apparent des entreacutees sorties en +27 -25 -23 -22

Taux de nataliteacute en permil 229 223 194 187

Taux de mortaliteacute en permil 23 23 26 30 Source INSEE

Et crsquoest surtout avec le solde naturel plus faible de 1990 agrave 1999 (4 012) que de 1982 agrave

1990 (4 443) que la baisse de la population totale srsquoest accrue drsquoune peacuteriode agrave lrsquoautre En

effet malgreacute lrsquoatteacutenuation du solde migratoire neacutegatif de grande ampleur entre les peacuteriodes

1982-1990 et 1990-1999 (78 individus de moins - 145 ) crsquoest surtout le deacuteficit de

naissances entre ces deux peacuteriodes (- 318 naissances) accentueacute par la hausse du nombre de

deacutecegraves (113) qui explique la baisse plus forte de la population communale agrave cette derniegravere

peacuteriode (1990-1999) par rapport agrave la baisse de la peacuteriode preacuteceacutedente (1982-1990)

Tableau 3 ndash Structure de lrsquoeacutevolution deacutemographique 1968-1999 (en chiffres absolus)

1962-1968 1968-1975 1975-1982 1982-1990 1990-1999

Naissances 0 0 3 783 4 964 4 646

Deacutecegraves 0 0 388 521 634

Solde naturel 0 0 3 395 4 443 4 012

Solde migratoire 0 20 316 4 545 -5 502 -5 424

Variation totale 0 20 316 7 940 -1 059 -1 412 Source INSEE

Ce deacutepeuplement contraste avec les tendances croissantes tregraves importantes des communes sur

le bassin environnant dougrave le caractegravere neacutecessairement laquo symptomatique raquo de cette

deacutesaffection locale (Acadie 1999) quatre communes proches de la Valleacutee de lrsquoYvette

gagnent 8 de 1982 agrave 1990 et 52 de 1990 agrave 1999 (Palaiseau Villebon-sur-Yvette Orsay

et Gif-sur-Yvette) celles du Plateau connaissent des hausses spectaculaires de 24 entre

1982 et 1990 et de 225 entre 1990 et 1999 (Bris-sous-Forges Forges-legraves-Bains Gometz-

la-Ville Gometz-le-Chacirctel Janvry Limours Marcoussis Nozay Saint-Jean-de-Beauregard

Villejust) enfin lrsquoarrondissement total de Palaiseau et mecircme le deacutepartement de lrsquoEssonne

141

connurent eacutegalement une croissance globale respectivement de 5 et de 4 de 1990 agrave

1999 Seule la ville de Grigny construite pour lrsquoessentiel de 1967 et 1971 avec deux vastes

grands ensembles La Grande Borne (3 981 logements) et la deuxiegraveme plus grande

coproprieacuteteacute drsquoEurope Grigny 2 (pregraves de 5 000 logements) partage avec Les Ulis ce mecircme

abaissement de sa population entre 1982 et 1999 - 64 pour Grigny et -87 pour Les

Ulis

En revanche alors que Grigny connaicirct un retournement de tendance dans les anneacutees 2000

avec une hausse de 11 de sa population de 1999 agrave 2008 qui ne fait que srsquoesquisser aux

Ulis agrave la fin de cette peacuteriode avec une stagnation Cependant les situations sociales globales

de la population ne sont pas comparables puisque en 2008 le revenu net deacuteclareacute moyen de

Grigny est de 14 736 euro et des Ulis de 20 786 euro soit un niveau aux Ulis supeacuterieur de 41 agrave

celui de Grigny Avec un tel profil social modeste Grigny connaicirct certainement des

dynamiques sociales et de peuplement tregraves diffeacuterentes par rapport agrave celles des Ulis dont celle

de lrsquoentassement des plus pauvres dans les logements et lrsquohabitat deacutevaloriseacutes (les

pheacutenomegravenes de lrsquoheacutebergement et des marchands de sommeil en sont alors des symptocircmes52)

Par ailleurs agrave cocircteacute de mouvements migratoires et naturels deacuteficitaires que paraissent partager

les secteurs et communes examineacutes et caracteacuteriseacutes par un urbanisme de grands ensembles

trois autres effets sur la dynamique deacutemographique de ces espaces ont eacuteteacute repeacutereacutes Dabord

un vieillissement du profil geacuteneacuteral de la population qui reacuteeacutequilibre le rapport des geacuteneacuterations

La part des jeunes de moins de 20 ans rien qursquoentre 1990 et 1999 a diminueacute de 10 tout en

restant encore importante 309 de la population en 1999 (idem en 2008) contre 271

pour le deacutepartement (275 en 2008)

Dans ce sens un eacutequilibrage geacuteneacuterationnel du rapport entre les moins de 40 ans et les plus de

40 ans srsquoest opeacutereacute dans cette deacutecennie de trois quarts de moins de 40 ans et drsquoun quart de

plus de 40 ans le rapport est passeacute agrave deux tiers un tiers Un deuxiegraveme fait notoire est le

passage dans cette deacutecennie agrave une leacutegegravere preacutedominance de la population feacuteminine et agrave une

faible majoriteacute de petits meacutenages De 1990 agrave 1999 les femmes deviennent leacutegegraverement

majoritaires atteignant 503 (tendance se confirmant dans la deacutecennie 2000 avec en 2008

509 de femmes) provenant surtout drsquoun sur-accroissement des femmes de 40 ans agrave 59

ans

52 Cf les articles du journal Le Parisien agrave ce sujet in wwwleparisienfr articles du 02 mars 2004 du 19 mai 2005 et du 20 janvier 2009

142

Concomitamment la taille des meacutenages et des familles qui srsquoobserve sur la commune se

reacutetreacutecit degraves la peacuteriode 1990-1999 du fait drsquoune majoriteacute nouvelle de petits meacutenages de 1 et 2

personnes (503 des meacutenages) La peacuteriode reacutecente preacutesente un prolongement de cette

eacutevolution les meacutenages drsquoune personne seule passent de 248 en 1999 agrave 263 en 2008

(soit une hausse de 6 ) et les meacutenages de famille monoparentale passent de 124 agrave 153

soit une hausse spectaculaire de 234 Ainsi en mecircme temps que la paupeacuterisation et la

reacuteduction quantitative de la population ulissienne se manifestent le vieillissement la

feacuteminisation de la population et le reacutetreacutecissement des meacutenages Les secteurs drsquohabitat social

aux structures de logement le plus souvent conccedilues pour des profils de meacutenages familiaux

(Peillon 2001) restent ainsi permeacuteables aux tendances deacutemographiques socieacutetales Ces

caracteacuteristiques se retrouvent dans les publics des acteurs locaux mecircme dans le champ

social Par exemple en 2001 lrsquoEacutepicerie sociale53 de la ville constate agrave lrsquooccasion de la

distribution de colis alimentaires un eacutelargissement aux meacutenages laquo moyens raquo dans les aides

alimentaires et une preacutepondeacuterance des personnes de plus de 50 ans seuls ou en couple Autre

exemple dans le parc social en 2002 les personnes seules ont repreacutesenteacute plus drsquoun quart des

attributions de logement et presque toutes les familles monoparentales demandeuses (22 )

ont eacuteteacute logeacutees celles-ci eacutetant majoritairement des femmes seules Cependant depuis 1999

le manque de petits logements est manifeste selon le service Habitat qui eacutevoque

explicitement ce problegraveme dans son rapport 2002 Les structures de logement des immeubles

locaux ne sont plus adapteacutees agrave la tendance deacutemographique

Ces eacutevolutions contribuent au changement de profil social de la ville Pour rappel lINSEE

indiquait degraves le deacutebut des anneacutees 2000 que le laquo chocircmage raquo eacutetait un critegravere devenu

incontournable de structuration de lrsquoespace de plusieurs communes urbaines dont fait partie

Les Ulis (Martin-Houssard Tabard 2003) Les chocircmeurs tellement nombreux et concentreacutes

dans certains secteurs constituent des laquo quartiers de chocircmeurs raquo i e y reacutesident en preacutesence

majoritaire Cette diversification sociale entraicircne un changement de stratification socio-

spatiale et drsquoimage locale deacuteveloppement de la preacutesence de cateacutegories pauvres dans certains

quartiers reacutesidentiels et dans les espaces les eacutequipements et les services de la ville

53 Les Eacutepiceries sociales relegravevent des municipaliteacutes ou de leur groupement et sont essentiellement financeacutees par un CCAS ou CIAS avec le concours de lrsquoEacutetat (Action sociale et sanitaire emploi et formation professionnelle) des collectiviteacutes deacutepartementales et reacutegionales drsquoorganismes sociaux (Assurance maladie Caisse drsquoAllocation familiale) drsquoentreprises agroalimentaires et de distribution Il existe aussi des Eacutepiceries solidaires creacuteeacutees par des individus et des associations faisant appel agrave des concours financiers divers

143

Cette analyse peut ecirctre confirmeacutee aux Ulis en appreacutehendant les difficulteacutes drsquoemploi de la

population active Lrsquoutilisation des donneacutees du chocircmage drsquoailleurs est pour ce faire

largement compleacuteteacutee par une analyse des actifs preacutecaires non chocircmeurs Ce qui donne une

image drsquoensemble plus significative des effets de preacutecarisation des actifs ulissiens par la

crise-mutation de la socieacuteteacute

2 La sous-moyennisation de la population

Les caracteacuteristiques des dynamiques de peuplement de la commune modifient la structure

sociale de la population dans le sens drsquoune sous-moyennisation de deux principales

maniegraveres drsquoune part par le biais de la reacuteduction des cateacutegories supeacuterieures et du maintien

voire de la leacutegegravere croissance des professions intermeacutediaires ce qui a pour effet de situer les

revenus moyens de lrsquoensemble des foyers et des foyers imposables sous les revenus des

ensembles sociaux globaux de reacutefeacuterence (France Icircle-de-France et deacutepartement) et drsquoautre

part sous lrsquoeffet du vieillissement de la population qursquoatteste la croissance forte de la part

des retraiteacutes sur la ville

Depuis une trentaine drsquoanneacutees Les Ulis preacutesente un visage diffeacuterent de celui de la fin des

anneacutees 1970 Lrsquoespace ulissien eacutetait deacutefini en 1982 (Bessy 1990) par une surrepreacutesentation

des cateacutegories techniciennes et qualifieacutees (ouvriers qualifieacutes ingeacutenieurs) et des classes

moyennes et supeacuterieures du tertiaire De nos jours les cateacutegories sociales en preacutesence ne

correspondent plus agrave celles de la creacuteation de la ville agrave la fin des anneacutees 1970 Sa cateacutegorie

statistique de profil de commune srsquoest ainsi transformeacutee Pourrait-elle encore faire partie des

laquo Communes en forte expansion de salarieacutes du secteur public et de techniciens raquo comme

Eacutevry et Villiers-sur-Orge selon la classification du deacutebut des anneacutees 1980

Agrave cette eacutepoque ce type drsquoespace repreacutesentait un sous-espace appartenant lui-mecircme agrave la

cateacutegorie plus geacuteneacuterale des laquo Espaces des classes techniciennes et qualifieacutees raquo comprenant

deux autres types de communes agrave part celui des Ulis les laquo Communes drsquoartisans de

contremaicirctres et de salarieacutes de lrsquoindustrie raquo comme Marcoussis et les laquo Communes

drsquoingeacutenieurs et de techniciens raquo comme Orsay et Villebon La cateacutegorie geacuteneacuterale drsquoespace

avec ces trois types de sous-espaces de communes eacutetait marqueacutee selon lrsquoINSEE par une

compeacutetence technique importante les ouvriers par exemple eacutetant souvent plus qualifieacutes

qursquoailleurs

144

Cependant le processus de preacutecarisation professionnelle a engendreacute un changement de la

morphologie sociale de beaucoup de ces espaces dont les Ulis malgreacute une partie encore non

neacutegligeable de classes moyennes voire supeacuterieures dans le parc priveacute Pour rappel lINSEE

indique en 2002 que le laquo chocircmage raquo est devenu un critegravere incontournable de structuration

des espaces (Martin-Houssard Tabard 2003) Une forte preacutesence de chocircmeurs est tellement

concentreacutee dans certains secteurs que ces derniers constituent maintenant des laquo quartiers de

chocircmeurs raquo (preacutesence majoritaire de ceux-ci en leur sein) Lrsquoespace social local a perdu de

son homogeacuteneacuteiteacute il a subi une heacuteteacuterogeacuteneacuteisation du point de vue du statut socio-eacuteconomique

entraicircnant un changement de stratification socio-spatiale locale et de son image

Ce changement est certainement plus localiseacute sur certaines parties de sa structure sociale et

de son espace moins de cateacutegories aiseacutees et reacuteellement moyennes crsquoest-agrave-dire situeacutees

autour des revenus meacutedians plus de retraiteacutes qui remplacent les cateacutegories actives de la

population et encore plus de cateacutegories preacutecaires voire pauvres regroupeacutees dans certains

quartiers ou icirclots de seacutegreacutegation Ce qui entraicircne des effets dans les interactions et les

activiteacutes sociales locales ainsi que dans lrsquousage de lrsquoespace local de ses eacutequipements et de

ses services

Le tableau 4 ci-apregraves concernant lrsquoeacutevolution entre 1990 et 2009 de la structure sociale de la

population des Ulis et de son agglomeacuteration (uniteacute urbaine de Paris) informe que la forme de

la sous-moyennisation locale repose bien sur la nette reacuteduction des cateacutegories supeacuterieures

(inverse agrave la hausse dans lrsquoagglomeacuteration) et sur la preacutepondeacuterance des cateacutegories exeacutecutives

et techniciennes de lrsquoeacuteconomie tertiaire avec une transformation des cateacutegories populaires

rejoignant le profil de lrsquoagglomeacuteration niveau eacuteleveacute et stable pour les professions

intermeacutediaires et leacutegegraverement en baisse pour les employeacutes (alors qursquoen reacutegion parisienne les

professions intermeacutediaire srsquoaccroissent davantage et les employeacutes plus faiblement)

reacuteduction importante des ouvriers et forte hausse des retraiteacutes pour se rapprocher des niveaux

parisiens

Les cateacutegories supeacuterieures ont diminueacute nettement de 1990 agrave 1999 (-98 ) et un peu moins

de 1999 agrave 2009 (-38 de leur part dans la population) Cette perte drsquoeffectifs les eacuteloigne

davantage de leur part dans la structure drsquoagglomeacuteration totale en 2009 ils ne repreacutesentent

plus que 105 de la population contre 175 en reacutegion parisienne soit 60 de cette

proportion Cette baisse entraicircne avec les ouvriers (-128 et -214 ) et aussi avec les

laquo Autres sans activiteacute professionnelle raquo (-186 et -143 ) lrsquoessentiel de la baisse globale

de la population des Professions et cateacutegories sociales (-37 et -25 ) alors qursquoelle

145

progresse pour lrsquoagglomeacuteration parisienne (+73 ) Cela rejoint le constat de la baisse

deacutemographique continue dans un environnement en croissance

Tableau 4 ndash Eacutevolution 1990-2009 de la population des Ulis et de lrsquoUniteacute urbaine de Paris de 15 ans et plus selon les Professions et cateacutegories socioprofessionnelles

(nomenclature INSEE)

Les Ulis Agglomeacuteration

parisienne Professions et Cateacutegories socioprofessionnelles 1999

Eacutevolution 1990-1999 des valeurs

absolues

2009

Eacutevolution 1999-2009 des valeurs

absolues

1999 2009

Ensemble 19 336 100 - 37 18 844 100 -25 7 827 233

100 8 394 997

100

Agriculteurs exploitants 4 0 1 0 2 218 0 2 755 0

Artisans commerccedilants Chefs dentreprises

340 17 + 269 332 18 -23 248 850

32 235 067

28

Cadres et professions intellectuelles sup

2 064 107 - 98 1986 105 -38 1 074 739

137 1 464 133

174

Professions intermeacutediaires

3 320 171 - 02 3 364 179 + 13 1 199574

153 1 369 797

163

Employeacutes 4 700 243 - 01 4 364 232 -71 1 462374

187 1 467 827

175

Ouvriers 3 064 158 - 128 2 407 128 -214 850 271

109 774 563

92

Retraiteacutes 1 752 9 + 964 2 883 153 + 646 1 369 179

175 1 581 080

188

Autres sans activiteacute professionnelle

4 092 (4 392)

212 (-186 ) 3 506 186 -143

1 620 028

207 1 499 774

179

Source INSEE RGP 1999 donneacutees de 1999 avant changement de deacutefinition des populations municipales et compteacutees agrave part Autres sans activiteacute professionnelle cateacutegorie regroupant les chocircmeurs de plus de 15 ans nrsquoayant jamais travailleacute et les inactifs divers autres que retraiteacutes militaires du contingent eacutetudiant et eacutelegraveves de plus de 15 ans les femmes au foyer de moins ou de plus de 60 ans les retraiteacutes de moins de 53 ans les personnes ne geacuterant que leur patrimoine les deacutetenus les personnes vivant drsquoune activiteacute illeacutegale ou de la prostitution

Les professions intermeacutediaires sont resteacutees stables entre 1990 et 1999 et leacutegegraverement

croissantes (+ 13 ) de 1999 agrave 2009 avec une part de pregraves de 18 (179 ) en 2009

encore supeacuterieure au cadre drsquoagglomeacuteration (163 ) De leur cocircteacute les cateacutegories subalternes

continuent entre 1999 et 2009 leur baisse observeacutee de 1990 agrave 1999 de maniegravere plus forte que

dans lrsquoagglomeacuteration globale alors que les ouvriers perdaient pregraves de 13 de leurs effectifs

(- 128 ) entre 1990 et 1999 et qursquoils continuent agrave deacutecroicirctre de faccedilon plus importante entre

1999 et 2009 (- 214 ) les employeacutes perdent un peu plus de 9 pendant cette derniegravere

peacuteriode (- 91 ) alors qursquoils avaient quasiment stagneacute agrave la peacuteriode preacuteceacutedente (- 01 ) En

146

tout la part totale des cateacutegories populaires actives (non retraiteacutees) est passeacute de 401 en

1990 agrave 36 en 2009 (soit une baisse de pregraves de 102 ) se rapprochant leacutegegraverement de leur

part plus faible et diminuant encore dans lrsquoagglomeacuteration (de 296 agrave 267 soit une

baisse de 98 )

Aussi et surtout dans ce tableau deux cateacutegories ont preacutesenteacute une forte hausse drsquoune part

les laquo Artisans commerccedilants et chefs dentreprises raquo avec 340 individus en 1999 et 332 en

2009 rejoignant un peu la part presque deux fois plus importante de cette cateacutegorie dans la

population parisienne (28 en 2009 contre 18 aux Ulis) Cette hausse srsquoest

essentiellement manifesteacutee dans la deacutecennie 1990 (+ 27 ) Un autre rattrapage tregraves visible

est celui des retraiteacutes qui voient leur effectif quasiment doubler (+ 96 ) de 1990 agrave 1999

puis continuer agrave augmenter des deux tiers entre 1999 et 2009 Leur part nrsquoest plus

qursquoinfeacuterieure de 289 de celle de lrsquoagglomeacuteration en 2009 (153 contre 188 ) alors

qursquoelle lrsquoeacutetait de 485 en 1999 (9 contre 175 ) soit pregraves de la moitieacute moins

nombreuse Hausse des artisans commerccedilants chefs drsquoentreprises et surtout des retraiteacutes

compensent ici surtout la baisse des ouvriers et dans une moindre mesure celle des cateacutegories

sociales sans activiteacutes

Lrsquoaugmentation plus vigoureuse des retraiteacutes confirme le constat de vieillissement de la

population locale indiqueacute en introduction (ils sont pregraves de 1 130 individus en plus en 2009

par rapport agrave 1999) Ce pheacutenomegravene est certainement plus visible dans le parc HLM

puisqursquoon verra plus bas que au deacutebut des anneacutees 2000 le nombre drsquoinactifs parmi les

adultes du parc social drsquohabitat eacutetait supeacuterieur agrave celui du parc priveacute la diffeacuterence tient

certainement agrave une plus forte preacutesence de retraiteacutes dans le parc HLM que dans le priveacute En

2009 ils forment une cateacutegorie numeacuteriquement supeacuterieure agrave celle des ouvriers (153

contre 127 ) et agrave celle des cadres et professions intellectuelles (105 ) ce qui nrsquoeacutetait pas

le cas en 1999 contrairement agrave lrsquoagglomeacuteration parisienne (175 pour les retraiteacutes 109

pour les ouvriers et 137 pour les cadres agrave cette date)

Ainsi mecircme si la cateacutegorie des retraiteacutes est forceacutement heacuteteacuterogegravenes en termes de professions

de niveau hieacuterarchique occupeacute et de statut anteacuterieurs leur hausse numeacuterique nrsquoen demeure

pas moins significative avec la baisse importante des cadres dans la commune drsquoune

diminution des revenus des meacutenages concerneacutes et donc des revenus moyens En outre sur le

plan socio-eacuteconomique Chauvel (1999) a indiqueacute que la sous-moyennisation de la

population signifiait aussi et surtout que les meacutenages de cateacutegories moyennes ont des revenus

qui se situent en-dessous des revenus meacutedians Aux Ulis deux indicateurs eacuteconomiques

147

confirment en 2008 la sous-moyennisation sociale et eacuteconomique des groupes sociaux en

preacutesence par rapport aux territoires globaux de comparaison la meacutediane des revenus par

uniteacute de consommation des meacutenages et les revenus moyens des foyers fiscaux En fait les

revenus des cateacutegories moyennes des Ulis apparaissent bien infeacuterieurs aux zones de

comparaison supra-locales (tableau 5 ci-apregraves)

Tableau 5 ndash Revenus deacuteclareacutes nets moyens des foyers fiscaux et meacutediane par uniteacute de consommation aux Ulis et dans les zones de comparaison en 2008 et 2009

Les Ulis Essonne Agglomeacutera-

tion parisienne

Icircle-de-France

France meacutetropolitaine

2008 Donneacutees

2009

Ensemble des foyers 20 786 euro

(20 781 euro en 2009)

28 044 euro 29 916 euro 30 198 euro 23 450 euro

Foyers imposables 28 978 euro

(29 349 euro en 2009)

37 178 euro 42 036 euro 42 144 euro 33 863 euro

Foyers non-imposables 9 883 euro

(9 581 euro en 2009)

10 014 euro 9 311 euro 9 422 euro 9 784 euro

2000 Ensemble des foyers

20 106 euro 25 306 euro ND 28 448 euro ND

Meacutediane des revenus par uniteacute de consommation des meacutenages - 2008

16 433 euro

(16 362 euro en 2009)

22 023 euro 21 292 euro 21 234 euro 18 129 euro

Source INSEE ND information Non disponible

Drsquoabord selon les donneacutees de lrsquoINSEE la meacutediane des revenus des meacutenages des Ulis en

2008 (16 433 euro par uniteacute de consommation) a une position infeacuterieure de plus de 9

(- 93 ) agrave celle de la France meacutetropolitaine (18 129 euro) mais surtout de pregraves de 23

(- 226 ) agrave celle de lrsquoIcircle-de-France (21 234 euro) et de plus de 25 (- 254 ) agrave celle de

lrsquoEssonne (22 023 euro) En 2009 la meacutediane ulissienne qui a leacutegegraverement baisseacute en un an

(16 362 euro) est infeacuterieure de 2315 agrave celle de lrsquoagglomeacuteration parisienne (21 292 euro)

Ensuite les revenus nets deacuteclareacutes moyens de lrsquoensemble des foyers fiscaux (personnes

actives remplissant une deacuteclaration de revenus seules ou avec un conjoint marieacute) reprennent

148

cette structure drsquoeacutecarts relatifs des Ulis (20 786 euro en 2008) par rapport aux zones de

comparaison et de maniegravere plus exacerbeacutee pour les zones plus globales que sont la France

lrsquoIcircle-de-France et lrsquoagglomeacuteration en 2008 lrsquoeacutecart est plus de 11 (114 ) de moins que

la France (23 450 euro) il est leacutegegraverement plus de 31 (311 ) de moins que lrsquoIcircle-de-France

(30 198 euro) et pregraves de 26 (259 ) de moins que lrsquoEssonne (28 044 euro) en 2009 les

revenus nets deacuteclareacutes moyens (20 781 euro qui ont baisseacute en un an) sont de 305 infeacuterieurs agrave

ceux de lrsquoagglomeacuteration (29 916 euro)

Cette structure drsquoeacutecart srsquoest fortement accentueacutee depuis 2000 vis-agrave-vis du deacutepartement

(25 306 euro contre 20 106 euro pour Les Ulis) puisque lrsquoeacutecart infeacuterieur eacutetait de 205 agrave cette

date cela signifie que la hausse de lrsquoeacutecart de 2000 agrave 2008 est de plus du quart (26 ) la

marginalisation deacutepartementale des Ulis est donc croissante et mecircme inquieacutetante agrave ce stade

Vis-agrave-vis de la reacutegion (28 448 euro pour 2008) lrsquoeacutecart infeacuterieur important de 2008 constateacute pour

Les Ulis (31 ) srsquoest en fait leacutegegraverement eacuteleveacute par rapport agrave 2000 (293 ) ougrave il eacutetait deacutejagrave

important Comme lrsquoa montreacute Davezies (2004) crsquoest effectivement au niveau infra-

deacutepartemental que les dispariteacutes territoriales de revenus se deacuteveloppent

En outre avec une part de foyers non-imposables aux Ulis assez nettement supeacuterieure

(429 en 2008) agrave lrsquoIcircle-de-France (365 ) et agrave lrsquoEssonne (336 ) mais infeacuterieure agrave celle

de la France meacutetropolitaine (458 ) les eacutecarts de revenus entre les foyers imposables et

entre les foyers non-imposables de ces entiteacutes soulignent les deux pheacutenomegravenes aux Ulis de

diminution des cateacutegories supeacuterieures et subalternes et de croissance des retraiteacutes aux

revenus plus faibles En effet en ce qui concerne les revenus des seuls foyers imposables les

eacutecarts des Ulis avec la France lrsquoIcircle-de-France et lrsquoEssonne sont respectivement infeacuterieurs

de pregraves de 14 (144 ) drsquoun peu plus de 31 (312 ) et de pregraves de 22 (2205 )

Lrsquoeacutecart ici moins grand avec lrsquoEssonne que pour la meacutediane et les revenus nets moyens de

lrsquoensemble des foyers fiscaux semble indiquer que la faiblesse des revenus des cateacutegories

supeacuterieures et moyennes comme effet partiel de la sous-moyennisation eacutevoqueacutee concerne

aussi le deacutepartement drsquoappartenance des Ulis En ce qui concerne les eacutecarts des revenus des

seuls foyers non-imposables ils sont faibles voire agrave lrsquoavantage des Ulis ce qui illustre la

reacuteduction observeacutee de la part des ouvriers et des employeacutes ainsi que la hausse des retraiteacutes

aux revenus reacuteduits eacutecart quasi nul avec la France (1 de plus) pregraves de 5 de plus que

lrsquoIcircle-de-France (+ 49 ) et un peu plus de - 1 que lrsquoEssonne (- 13 ) Aux Ulis crsquoest

donc bien au niveau de la partie supeacuterieure des revenus qursquoun deacuteficit existe la ville reflegravete

149

davantage la fraction moins fortuneacutee de lrsquoeacutechelle des positions des meacutenages de la structure

globale en eacutetant priveacutee de la partie supeacuterieure de celle-ci

Cette situation de faiblesse geacuteneacuterale de la richesse de la population srsquoobservait deacutejagrave au milieu

des anneacutees 1990 (ACADIE 1999) La moyenne des revenus des meacutenages imposeacutes eacutetait de

pregraves drsquoun tiers de moins que dans les communes avoisinantes (agrave lrsquoeacutepoque le bassin drsquohabitat

drsquoOrsay) 128 000 F (soit 19 512 euro) contre une fourchette de 163 900 F (24 985 euro) agrave 221

400 F (33 750 euro) La mecircme relation avec le deacuteficit des revenus dans les tranches supeacuterieures

eacutetait avanceacutee 21 des meacutenages ulissiens avaient des revenus supeacuterieurs agrave 160 000 F

(24 390 euro) contre 30 dans le deacutepartement de lrsquoEssonne La structure des revenus montrait

bien une polarisation dans les tranches intermeacutediaires 59 des meacutenages avaient des

revenus compris entre 60 et 160 000 F (9 146 agrave 24 390 euro) par an De plus la part des

meacutenages non-imposables eacutetait deacutejagrave bien qursquoinfeacuterieure agrave celle de 2008 (426 ) largement

plus importante aux Ulis (39 ) que pour les autres communes du plateau (29 au

maximum) soit au minimum un eacutecart de plus de 10 points

En 2000 cinq ans apregraves le taux de foyers fiscaux non-imposables srsquoeacutetait leacutegegraverement eacuteleveacute54

40 Il est leacutegegraverement infeacuterieur agrave celui drsquoEacutevry (45 ) mais supeacuterieur agrave Morsang-sur-Orge

(31 ) qui a une structure sociale ouvriegravere plus marqueacutee au deacutepartement (32 ) et agrave

lrsquoIcircle-de-France (35 ) En 2004 le mouvement drsquoextension de la part des foyers non-

imposables aux Ulis gagnait encore quatre points par rapport agrave 2000 pour atteindre 44 des

foyers ce qui repreacutesente une hausse plus forte que celles du deacutepartement (34 ) et de lrsquoIcircle-

de-France (37 ) qui ne sont que 2 points La ville semble rejoindre le niveau national de 48

En 2009 le niveau est leacutegegraverement infeacuterieur de 43 (il semble qursquoil ait leacutegegraverement

fluctueacute agrave la baisse puis agrave la hausse puisqursquoen 2008 il eacutetait de 429 )

Cette logique drsquoextension plus forte que dans les communes voisines de la part des meacutenages

plus modestes traduit lrsquoaccentuation de la paupeacuterisation et du regroupement spatial des plus

modestes dans le mecircme type de commune comme eacutevoqueacute dans la probleacutematique plus haut

(Preacuteteceille 1995-b) Pour prendre un autre exemple que Les Ulis la ville drsquoEacutevry chef-lieu

du deacutepartement de lrsquoEssonne passe de 45 agrave 51 de foyers non imposeacutes entre 2000 et

2004 (505 en 2009) ce qui eacutequivaut agrave une hausse de six points soit deux points de plus

par rapport agrave la hausse constateacutee aux Ulis et quatre de plus par rapport aux hausses

deacutepartementale et reacutegionale Cet accroissement des foyers modestes se veacuterifie drsquoapregraves les 54 Site du gouvernement wwwimpotsgouvfr rubriques laquo Plan du site raquo laquo Documentation raquo et laquo Impocircts des particuliers raquo (puis choix du niveau drsquoaccegraves Deacutepartemental et communal)

150

niveaux de revenus nets moyens de lrsquoensemble des foyers En 2000 la moyenne des revenus

nets des foyers aux Ulis (20 106 euro) eacutetait leacutegegraverement supeacuterieure agrave celle drsquoEacutevry (19 949 euro) et

les deux eacutetaient infeacuterieures de pregraves de 30 agrave la moyenne reacutegionale (28 448 euro) et de pregraves de

20 agrave celle du deacutepartement (25 306 euro)

En 2008 lrsquoeacutecart entre Les Ulis (20 786 euro) et Eacutevry (18 656 euro) srsquoest nettement creuseacute au

deacutetriment drsquoEacutevry passant en 8 ans de 157 euro drsquoeacutecart agrave 2 130 euro soit un eacutecart multiplieacute par 13

Pour rappel Eacutevry est lieacutee comme Les Ulis agrave lrsquourbanisation par la densification de la banlieue

parisienne mais un peu diffeacuteremment sur le type drsquoopeacuteration puisque son deacuteveloppement

srsquoinscrit dans le cadre plus tardif que celui des Ulis de la creacuteation des cinq villes nouvelles

du Scheacutema directeur drsquoameacutenagement et drsquourbanisme de la reacutegion parisienne de 1965

Cependant la forme urbaine produite ne se distingue pas nettement des villes construites

auparavant puisqursquoelle comporte des grands ensembles drsquohabitation aux quartiers disparates

seacutepareacutes les uns des autres et des espaces de production et de services ainsi qursquoun faible

centre-ville comme aux Ulis Le reacutesultat se rapproche de celui de Grigny la paupeacuterisation

et la hausse de la population traduisent un pheacutenomegravene de regroupement des plus pauvres

dans des espaces urbains deacutefectueux et non attractifs

La faiblesse de richesse relative de la population explique ainsi les manifestations multiples

de difficulteacutes eacuteconomiques et sociales des habitants qui peuvent srsquoobserver sur la ville Par

exemple agrave partir de la moitieacute des anneacutees 1990 le service Habitat de la ville constate (rapport

drsquoactiviteacute 2003) des problegravemes croissants pour le maintien dans le logement de certains

habitants drsquoune part les demandes et les beacuteneacuteficiaires drsquoaide au logement ont fortement

augmenteacute jusqursquoau deacutebut des anneacutees 2000 drsquoautre part le nombre de dossiers drsquoexpulsion

suivis en Sous-preacutefecture a eacuteteacute en croissance continue pendant pregraves de dix ans entre 1993 et

2002 (tableau 6 ci-dessous) de 131 en 1993 agrave 223 en 2001 (soit une hausse de 70 ) avec

une leacutegegravere baisse en 2002 (204 soit une baisse de 85 ) Et les expulsions signeacutees ont varieacute

de 14 en 1993 agrave 22 en 2002 (pic de 24 en 1999 preacuteceacutedeacute drsquoun creux un an auparavant de 6)

soit une hausse de plus de 50 (57 ) en dix ans

Tableau 6 ndash Donneacutees relatives aux expulsions aux Ulis de 1993 agrave 2002

151

1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002

Expulsions signeacutees 14 14 15 15 19 6 24 14 21 22

Expulsions reporteacutees selon accords

2 2 3 6 4 1 1 1 2 4

Expulsions reacutealiseacutees avec Concours Force

publique 1 6 9 1 6 0 13 10 15 0

Deacuteparts volontaires 8 6 3 8 9 5 9 3 4 0

Non reacutealiseacutees 3 0 0 0 0 0 1 0 0 2

Nbre de dossiers suivis en

SPreacutefecture pour Les Ulis

131 151 (+153)

189 (+252 )

155 (- 18 )

163 (+ 52 )

179 (+ 98 )

183 (+ 22 )

210 (+ 147 )

223 (+ 6 )

204 (- 9 )

Source service Habitat de la Ville des Ulis

Drsquoautres donneacutees illustrent la deacutegradation de la situation sociale des habitants de la ville agrave la

fin des anneacutees 1990 et au deacutebut des anneacutees 2000 Par exemple toujours du service Habitat il

est indiqueacute que le taux de meacutenages endetteacutes lourds (plus de 1 500 euro agrave une date donneacutee dans

lrsquoanneacutee) dans le parc social de logement est tregraves important dans certains segments de parc

26 dans le programme drsquoun bailleur en 2001 ou encore 29 en 2002 dans celui drsquoun

autre

Par ailleurs si la paupeacuterisation de certains meacutenages relegraveve avant tout des changements de

leur configuration familiale avec les seacuteparations familiales croissantes (Maurin 2002) il est

inteacuteressant de connaicirctre la part des meacutenages de familles monoparentales et leur eacutevolution

qui tirent vers le bas les moyennes des revenus des meacutenages Le tableau 7 ci-dessous indique

que les familles monoparentales ulissiennes repreacutesentent en 2007 des parts tregraves

eacuteleveacutees parmi lrsquoensemble des familles et des meacutenages par rapport aux eacutechelles territoriales

supeacuterieures de reacutefeacuterence Avec lrsquoEssonne lrsquoeacutecart oscille entre + 46 parmi les familles et +

44 parmi les meacutenages Vis-agrave-vis de lrsquoIcircle-de-France lrsquoeacutecart est plus faible parmi les familles

(+ 28 ) mais fort parmi les meacutenages (+ 45 ) Et par rapport agrave la France meacutetropolitaine

lrsquoeacutecart est franchement plus net marquant une speacutecificiteacute spatiale remarquable + 55

parmi les familles et + 68 parmi les meacutenages

152

Tableau 7 - Familles monoparentales aux Ulis en 1999 et 2007 et zones de comparaison

en 2007

Familles

monoparentales Les Ulis

1999

Les Ulis

2007

Essonne

2007

Icircle-de-

France 2007

France

Meacutetropolitaine

2007

Parmi les meacutenages 124 141 98 97 84

Parmi les familles 174 206 141 161 133

Source INSEE

Les diffeacuterentes analyses reacutealiseacutees et lrsquoexamen drsquoexemples sur les revenus et les difficulteacutes

des meacutenages illustrent la convergence des deux repreacutesentations de la structure sociale drsquoune

part celle qui preacutesente les cateacutegories socioprofessionnelles et leur poids relatif en mettant en

avant la stabiliteacute voire la leacutegegravere hausse des professions intermeacutediaires pendant que les

cateacutegories supeacuterieures et subalternes perdent de lrsquoimportance et drsquoautre part celle qui tient

compte des niveaux de richesse et de la configuration des meacutenages qui composent les

cateacutegories de la structure sociale mettant en avant le caractegravere structurel de la faiblesse

relative des revenus des meacutenages notamment parmi ceux des actifs imposeacutes et lrsquoattention agrave

porter sur les meacutenages de familles monoparentales ou de personnes seules en croissance

Le chapitre suivant preacutesente des analyses montrant que dans plusieurs domaines les

difficulteacutes eacuteconomiques et sociales des habitants srsquoaccentuent au tournant et au deacutebut des

anneacutees 2000 Elles deacutecoulent sans aucun doute drsquoune deacutegradation des conditions drsquoexistence

depuis les anneacutees 1980 avec lrsquoextension et lrsquoapprofondissement des pheacutenomegravenes de

preacutecariteacute drsquoexclusion et de releacutegation spatiale

153

Chapitre IV

Des signes importants de preacutecariteacute drsquoexclusion et de tensions sociales

Ce chapitre preacutesente des aspects socio-eacuteconomiques devenus typiques de la question urbaine

contemporaine Il srsquoagit de pheacutenomegravenes ayant pris de lrsquoimportance quantitative dans lrsquoespace

local drsquoabord la preacutesence importante de meacutenages et de personnes preacutecaires

eacuteconomiquement etou fragiles socialement ensuite celle drsquoun ensemble populationnel

heacuteteacuterogegravene issu de limmigration dans les quartiers sociaux et enfin le deacuteveloppement dun

niveau eacuteleveacute de deacutelinquance juveacutenile Dans la plupart des cas les donneacutees se limitent agrave la

peacuteriode 1999-2004 lieacutee agrave la conduite de lrsquoobservatoire local de la Ville Cependant il

apparaicirct que les situations preacutesenteacutees ne constituent qursquoune eacutetape de la tendance agrave

lrsquoaccentuation de la deacutegradation sociale jusqursquoagrave la fin des anneacutees 2000 si lrsquoon tient compte

des grands indicateurs socio-eacuteconomiques deacutejagrave rapporteacutes plus haut ou qui le sont plus loin

dans le cadre de la comparaison entre les communes de grands ensembles (chapitre VI)

revenus structure sociale en cateacutegories socioprofessionnelles chocircmage et preacutecariteacute niveau

de deacutelinquancehellip

En guise drsquointroduction il est preacutesenteacute agrave titre illustratif des donneacutees deacutecrivant la demande de

logement social sur la ville entre 1997 et 2002 (date maximale de donneacutees obtenues du

service Habitat de la Ville avant la fin drsquoexercice de lrsquoobservatoire) lrsquoimportance voire la

croissance des pheacutenomegravenes reacuteveacutelateurs de la preacutecariteacute-exclusion des meacutenages qui cherchent

un logement social aux Ulis sont patents Ils expriment drsquoune autre maniegravere la sous-

moyennisation en cours dans la ville agrave cette peacuteriode

A- La demande de logement social indicateur de releacutegation socio-spatiale locale

Les eacutevolutions du peuplement de la ville et de ses flux drsquoimmigration reacutesidentielle peuvent

ecirctre deacutecrites agrave partir des caracteacuteristiques des demandeurs de logement dans le parc social

notamment des demandeurs reacutesidents agrave lrsquoexteacuterieur de la ville En y ajoutant la description des

demandeurs ulissiens et des entrants finaux dans le parc social de logement il en ressort des

cateacutegories socio-administratives qui esquissent les profils sociaux des personnes concerneacutees

par le pheacutenomegravene dont elles sont le signe la concentration par releacutegation quasi-exclusive

dans le parc social de la ville des habitants modestes et disqualifieacutes de cette partie sud de

154

155

lrsquoagglomeacuteration parisienne Ce que Hugues Lagrange (1995) avait remarqueacute degraves le milieu

des anneacutees 1990 agrave propos de lrsquo laquo assignation agrave reacutesidence raquo des pauvres dans les mecircmes

quartiers en tout cas pour les secteurs qui disposent de structures drsquohabitat favorables agrave

lrsquoaccueil des meacutenages socio-eacuteconomiquement fragiles ou preacutecaires

Selon le Tableau 7 infra concernant la demande de logement social au service Habitat de la

Ville entre 2000 et 2002 les parts de demandeurs exteacuterieurs parmi lrsquoensemble des

demandeurs qui varient entre 900 et 1 000 par an sont plutocirct mineures et en leacutegegravere

deacutecroissance 307 en 2000 265 en 2001 et 24 en 2002 Ces chiffres indiquent que

la seacutegreacutegation ou la releacutegation urbaine correspondent au deacutebut des anneacutees 2000 dans cet

espace drsquohabitat moins agrave un processus de deacuteplacement des plus pauvres et modestes drsquoune

grande zone urbaine (reacutegion parisienne) vers un petit territoire de moindre valeur qursquoagrave un

pheacutenomegravene de mobiliteacute reacutesidentielle interne agrave la commune entre diffeacuterents secteurs

geacuteographiques et diffeacuterents segments et types drsquohabitat de la commune

Ainsi les trajectoires sociales de stagnation voire de deacuteclin ou de deacuteclassement de statut

socio-eacuteconomique srsquoaccomplissent en grande partie dans la commune mecircme si sa reacutegion

urbaine est pourvoyeuse de nombreux demandeurs agrave son endroit Dans ce sens le profil des

demandeurs exteacuterieurs mecircme srsquoils partagent une certaine faiblesse de niveau de vie change

en partie par rapport agrave celui des demandeurs internes sur les plans socio-deacutemographiques

(acircge statut familial et origine ethnique) et de lrsquoactiviteacute professionnelle (lieu de travail) Les

demandeurs exteacuterieurs nrsquoapparaissent pas comme une source de diffeacuterenciation sociale

neacutegative par rapport agrave la demande interne et semble mecircme plutocirct par certains aspects

apporter des caracteacuteristiques positives pour la coheacutesion sociale locale comme la motivation

du rapprochement par rapport au travail tend agrave le montrer

Dans le deacutetail les points de comparaison entre les deux cateacutegories de demandeurs apportent

les reacutesultats suivants Drsquoabord ils sont leacutegegraverement plus acircgeacutes et davantage parents drsquoenfants

avec un travail aux Ulis mecircme ou aux alentours Moins marqueacutes par une origine ethnique

speacutecifique ils recherchent davantage des appartements de grande taille (F5) ou de petite

taille (F1) En effet pour 2001 le service Habitat indique dans ce sens que les exteacuterieurs sont

plus acircgeacutes (entre 30 et 50 ans) agrave 58 contre 37 pour les ulissiens et ont un peu plus des

enfants que les Ulissiens agrave 49 contre 44 Les Ulissiens eux ont agrave 40 moins de 30

ans contre seulement 30 pour les exteacuterieurs Les premiers sont donc plus dans une

dynamique de deacutecohabitation

Tableau 7 - La demande de logement social au service Habitat de la Ville entre 1997 et 2002

1997 1998 1999 2000 2001 2002 Nombre de demandes (fin drsquoanneacutee) Demandes ulissiennes Demandes externes

622 534

771 625

937 649 288

929 683 246

959 729 230

Part des heacutebergeacutes 202 216 266 294 19 155

Part des deacutecohabitants 184 189 175 187 22 155

Part des locataires HLM 435 47 397 353 24

Part du secteur priveacute 10 102 103 13 9 125

Part des meacutenages lt 60 Pla 755 en 1995 776 835 85 88

Part des sans domicile fixe 02

Par des Foyers hocirctels 85

Part des chocircmeurs et inactifs (retraiteacutes pensionneacutes eacutetudiants chocircmeurs)

195 222 203 17 13 20

Part des employeacutes et ouvriers 644 659 69 71 70 67

Part des faibles ressources (lt1144 E) 448 486 399 467 37 ou

51 35

Part des cadres et professions intermeacutediaires 117 119 87 87 13 10

Part des tensions familiales 336 357

Part des personnes seules 309 293 328 407 35 40

Part des familles monoparentales 201 138 206 198 14 22

Part des nationaliteacutes eacutetrangegraveres 30 304 288 295 23 235 Travailleurs locaux (Ulis Courtabœuf BH) 474 479 493 608 60 495 Source service Habitat de la Ville des Ulis Les sont calculeacutes au 31032001 (anneacutee 2000 + 1er trimestre 2001) drsquoougrave la modeacuteration dans lrsquointerpreacutetation de leur eacutevolution depuis 1999 laquo raquo signifie qursquoil y a un problegraveme de fiabiliteacute et de validiteacute des donneacutees selon le service Habitat (systegraveme drsquoenregistrement) Problegravemes de validiteacute et de fiabiliteacute des donneacutees BH bassin drsquohabitat

Deacutefinition des types de demandeurs

Demandes enregistreacutees en mairie demandes des meacutenages habitant et travaillant aux Ulis et au parc drsquoactiviteacutes de Courtabœuf Les demandes enregistreacutees sont tant internes (reacutesidents) qursquoexternes (non reacutesidents aux Ulis)

La demande ulissienne demandeurs reacutesidant aux Ulis

La demande externe demandeurs reacutesidants sur une autre commune que Les Ulis demande enregistreacutee en mairie de meacutenages travaillant aux Ulis transmission par la Preacutefecture car demande eacutemanant drsquoun autre deacutepartement transmission par une autre commune ayant enregistreacutee la demande

Cependant les demandeurs exteacuterieurs sont en plus grande laquo coheacuterence territoriale raquo avec leur

lieu de travail que les Ulissiens puisque celui-ci est plus que pour ces derniers situeacute

davantage aux Ulis mecircme ou dans une commune proche Cet aspect nrsquoest pas neacutegligeable

concernant lrsquoeacuteducation des enfants compte-tenu de lrsquoimportance de lrsquoimpact du temps de

deacuteplacement domicile-travail dans le temps pour les relations intrafamiliales Par ailleurs les

demandeurs exteacuterieurs ne font que limiter une tendance agrave la croissance de la population

ethnique de la ville avec une part leacutegegraverement moins eacuteleveacutee de personnes eacutetrangegravere (19 ) que

pour lrsquoensemble des demandeurs (23 )

Du point de vue des ressources les demandeurs exteacuterieurs ont presque la mecircme proportion

de revenus mensuels infeacuterieurs agrave 1 144 euro que les demandeurs ulissiens (36 contre 37 )

bien qursquoici le service Habitat signale pour lrsquoanneacutee 2001 une incertitude lieacutee agrave un problegraveme

de fiabiliteacute de la donneacutee pour lrsquoensemble des demandeurs Globalement les non-Ulissiens

proviennent plus souvent de lrsquohabitat priveacute (21 contre 11 pour les Ulissiens) mecircme si

cet aspect est moins net puisque beaucoup de demandes deacuteposeacutees ne renseignent pas agrave ce

sujet Le plus souvent ils orientent leur demande davantage pour des logements soit de

petite taille (F1) agrave 195 (contre 75 pour les Ulissiens) soit agrave lrsquoopposeacute de grande taille

(F5) agrave 13 (contre 8 ) bien qursquoici aussi les renseignements sur dossier manquent Les

Ulissiens paraissent rechercher davantage les logements intermeacutediaires (F2 F3 et F4)

Dans un second temps drsquoautres grandes caracteacuteristiques de lrsquoensemble des demandeurs de

logement social ont eacuteteacute eacutetudieacutees pour ce deacutebut drsquoanneacutees 2000 Rapporteacutees en fait agrave la

composition de leur meacutenage lrsquoensemble des demandeurs preacutesentent des ressources tregraves

faibles en grande majoriteacute pregraves de 910egrave des demandeurs (en 2001) en ont drsquoun niveau

infeacuterieur agrave 60 du plafond de ressources deacutefini pour les Precircts locatifs aideacutes (PLA) soit

745 euro par mois agrave cette peacuteriode pour une personne seule (niveau deacutetermineacute pour lrsquoaccegraves aux

logements sociaux et qui est le seuil le plus bas de ressources drsquoentreacutee dans le parc HLM55)

Entre deux tiers et 70 drsquoentre eux sont des ouvriers ou employeacutes entre 1997 et 2002 Les

inactifs ndash retraiteacutes pensionneacutes chocircmeurs et eacutetudiants ndash repreacutesentent 20 en 2002 Seuls 13

sont soit des cadres soit des professions intermeacutediaires 225 sont des familles

55 En 2002 (deacutecret du 28 deacutecembre 2001) le plafond de ressources annuelles pour lrsquoaccegraves en HLM en Icircle-de-France hors Paris eacutetait de 14 891 euro pour une personne seule (21 802 euro en 2009) 22 254 euro pour deux personnes sans autre personne agrave charge (sauf jeunes couples dont la somme des acircges est infeacuterieure agrave 55 ans) (32 584 euro en 2009) 26 751 euro pour 3 personnes ou 1 personne avec une personne agrave charge (ou 1 jeune couple sans personne agrave charge) (39 170 euro en 2009) 32 044 euro pour 4 personnes ou 1 personne seule avec 2 personnes agrave charge (46 917 euro en 2009) 37 934 euro pour 5 personnes ou 1 personnes avec 3 personnes agrave charge (55 541 euro en 2009)

157

monoparentales en 2002 (valeur la plus haute drsquoune fourchette comprise entre 14 et 225

depuis 1997) Pour la premiegravere fois aussi cette anneacutee lagrave des demandes sont enregistreacutees

par des personnes en foyers et en hocirctel (85 ) ou encore sans domicile fixe (1 famille agrave la

rue 02 )

Ainsi le niveau social de la demande est en partie modeste Et pregraves drsquoune fois sur deux elle

est lieacutee agrave des difficulteacutes familiales seacuteparation (pour les familles monoparentales) mais aussi

laquo tensions familiales raquo agrave 35 en 2000 par exemple Drsquoautre part un fait est aussi significatif

du deacuteclassement social croissant qui deacutetermine la demande de logement social Alors que la

demande est en hausse on constate au deacutebut des anneacutees 2000 une forte baisse de la part des

demandeurs reacutesidant en HLM au moment du deacutepocirct de la demande 47 en 1998 alors agrave son

plus haut niveau contre 24 en 2002 soit pregraves de 50 en moins en quatre ans

Il y a donc une hausse de la demande de reacutesidents du parc priveacute ulissien ce qui constitue un

signe de la paupeacuterisation des cateacutegories moyennes Lrsquoaccegraves au parc priveacute pour les plus

jeunes et le maintien dedans pour les plus acircgeacutes en mobiliteacute sociale (gracircce au travail ou aux

relations familiales) ne sont pas aiseacutes Ce constat drsquoeacutevolution est fortement instructif en ce

qursquoil srsquooppose agrave lrsquoa priori que la reprise eacuteconomique de 1997-2001 si elle nrsquoa pu profiter aux

plus en difficulteacutes drsquoemploi situeacutes notamment dans le logement social aurait permis aux

cateacutegories drsquohabitants du parc priveacute de srsquoy maintenir tregraves facilement

Dans ce sens un autre aspect drsquoanalyse concernant les demandeurs de logement social aupregraves

de la Ville confirme la manifestation de difficulteacutes socio-eacuteconomiques importantes de

certains Ulissiens au deacutebut des anneacutees 2000 la diffeacuterence parmi les demandeurs entre les

heacutebergeacutes et les deacutecohabitants Cette analyse permet eacutegalement drsquoappreacutehender les conditions

de vie des Ulissiens car par exemple une forte proportion drsquoheacutebergeacutes parmi les demandeurs

illustre la contradiction entre un parc de logements sociaux doteacute drsquoune image plus ou moins

deacutegradeacutee et la tension sur ce marcheacute qui pousse neacuteanmoins agrave deacuteposer une demande de

logements aux Ulis Les heacutebergeacutes repreacutesentent 294 des demandeurs en 2000 et 155 en

2002 Pour rappel agrave cette derniegravere date la tension sur le marcheacute local se manifeste par la

hausse en un an de la demande (+ 6 ) et une baisse notable des attributions (- 14 ) Le

ratio de marcheacute constateacute y est alors plutocirct faible (113 logements agrave pourvoir pour 100

demandes de logement)

En 2002 heacutebergeacutes et deacutecohabitants repreacutesentent chacun 155 des demandeurs de logement

avec une preacutedominance pour les heacutebergeacutes les quatre anneacutees preacuteceacutedentes de plus de

158

50 environ par rapport aux deacutecohabitants (cf tableau 7 plus haut) Cependant ces deux

cateacutegories de demandeurs de logement doivent pouvoir ecirctre distingueacutees Srsquoil apparaicirct aux Ulis

que les deux partagent pour lrsquoessentiel la mecircme caracteacuteristique de faibles ressources

eacuteconomiques (plus de 90 de leurs effectifs preacutesentent des ressources infeacuterieures agrave 60 du

plafond PLA en 2001) ils diffegraverent sur les plans deacutemographique social et en termes de choix

lieacute au logement

Ces diffeacuterences srsquoexpliquent pour beaucoup par le plus jeune acircge des deacutecohabitants (72 ont

moins de 30 ans contre 28 pour les heacutebergeacutes) mecircme si les heacutebergeacutes sont aussi de jeunes

actifs en majoriteacute ils ont moins de 40 ans agrave 68 Drsquoautre part la part des eacutetrangers est chez

les deacutecohabitants moitieacute moins importante que chez les heacutebergeacutes (21 par rapport agrave 40 )

ils sont moins seuls ou plus en couple mecircme si plus ceacutelibataires et ont moins drsquoenfants La

diversiteacute sociale se situe aussi au niveau de la provenance reacutesidentielle celle-ci est plus

varieacutee pour les deacutecohabitants avec une part du logement priveacute (30 ) plus importante que les

heacutebergeacutes (pregraves de 22 )

Les cateacutegories sociales et professionnelles des deacutecohabitants sont plus diversifieacutees Drsquoabord

la proportion des cateacutegories modestes bien que majoritaire est moins importante chez eux

que chez les heacutebergeacutes avec notamment moins drsquoouvriers 40 drsquoemployeacutes et 38

drsquoouvriers chez les heacutebergeacutes contre 45 drsquoemployeacutes et 21 drsquoouvriers chez les

deacutecohabitants Ces derniers comportent ainsi plus de cateacutegories intermeacutediaires (9 contre 4

pour les heacutebergeacutes) de cateacutegories supeacuterieures (11 de cadres contre 2 ) et drsquoinactifs

retraiteacutes et eacutetudiants (10 contre 4 ) Effet du plus jeune acircge aussi sans doute les

deacutecohabitants apparaissent moins stables professionnellement 51 ont un contrat agrave dureacutee

indeacutetermineacutee (CDI) agrave temps plein contre 62 pour les heacutebergeacutes

Sur le plan du logement rechercheacute les heacutebergeacutes plus acircgeacutes plus seuls mais ayant aussi plus

drsquoenfants (certainement dans un autre logement agrave lrsquoeacutetranger ou dans une autre reacutegion dans le

cas de migrants) recherchent plus fortement des grands appartements (F3 et F4) tandis que

les deacutecohabitants manifestent un peu plus drsquointeacuterecirct pour les petits logements tout en

preacutesentant une demande importante de grands logements (55 recherchent un F1 ou un F2

contre 45 un F3 ou F4 les heacutebergeacutes recherchent agrave 78 un F3 ou F4 et agrave 24 un F1 ou

F2)

Enfin il est inteacuteressant de noter que les deacutecohabitants en forte majoriteacute expriment des

preacutefeacuterences preacutecises de localisation (87 ) et de bailleurs de logement (89 ) alors que les

159

heacutebergeacutes ne sont qursquoune minoriteacute agrave exprimer une preacutefeacuterence de quartier (15 ) par exemple

de maniegravere apparemment contradictoire les deacutecohabitants indiquent rechercher des logements

vers lrsquoest de la ville (43 et 21 pour le nord 15 pour le sud et seulement 8 pour

lrsquoouest qui repreacutesente la ZUS) mais ils marquent une forte preacutefeacuterence agrave pregraves de 50 des

choix pour le bailleur social Groupe 3F implanteacute dans ce secteur Ouest sensible

(certainement du fait des loyers)

De leur cocircteacute les heacutebergeacutes forment une population plutocirct homogegravene deacutemographiquement

socialement et du point de vue de leurs attentes ils sont essentiellement de jeunes actifs de

moins de 40 ans pour une large part drsquoorigine eacutetrangegravere (40 drsquoeacutetrangers) Mecircme srsquoils

travaillent le plus souvent de maniegravere stable (62 ) avec une bonne partie de preacutecaires tout

de mecircme (25 dont 8 de chocircmeurs) ils ont pour la plupart des ressources tregraves faibles

(90 infeacuterieurs au seuil de 60 du PLA) Il est drsquoailleurs inteacuteressant de noter que les

heacutebergeurs sont souvent de condition similaire agrave eux puisqursquoils habitent agrave pregraves de 78 dans

les programmes sociaux de la ville

Neacuteanmoins en tant que population active en grande partie au travail ils sont une cateacutegorie

cible pour le logement social Ils relegravevent ainsi certainement pour une majoriteacute drsquoentre eux

de la cateacutegorie de travailleurs pauvres ou aux bas revenus dont les revenus nrsquoapportent pas agrave

eux-mecircmes et agrave leur meacutenage un niveau de vie suffisant surtout en reacutegion parisienne Ces

situations reacutevegravelent aussi souvent des flux drsquoimmigration par des reacuteseaux migratoires

familiaux etou de diasporas parfois ougrave les liens de connaissance de parentegravele ou

drsquoappartenance ethnique (selon les groupes de migrants) peuvent constituer un facteur

important pour la solidariteacute interpersonnelle

Pour terminer cette partie drsquoillustration de la sous-moyennisation de la structure sociale

ulissienne un dernier aspect a eacuteteacute analyseacute il srsquoagit des flux drsquoentreacutee dans le logement social

Ils ont eacuteteacute 85 en moyenne annuelle en 2001 agrave avoir passeacute le cap des proceacutedures

drsquoattributions chiffre variant entre 5 et 13 par reacutesidence ou bailleurs (regroupant

plusieurs reacutesidences) sans prendre en compte une petite reacutesidence (lrsquoArlequin) repreacutesentant

05 du parc soit 36 logements Dans le cadre de lrsquoobservatoire social il a eacuteteacute engageacute une

analyse cherchant agrave eacutevaluer lrsquoimpact a priori de leur profil dans le peuplement et au niveau de

la vie sociale des reacutesidences des quartiers et de la ville elle-mecircme Une premiegravere remarque

provient de lrsquoobservation des attributions des bailleurs en 2002 reacutealiseacutee par le service Habitat

160

de la Ville Il retient dans son bilan drsquoactiviteacute 2002 trois principaux constats concernant les

profils des entrants dans le parc social

- chez tous les bailleurs preacutesence drsquoune forte proportion de familles monoparentales

laquo relogeacutees raquo (agrave ne pas confondre avec le relogement des opeacuterations de reacutenovation

urbaine)

- importance des meacutenages pauvres malgreacute des contrats agrave dureacutee indeacutetermineacutes (CDI)

souvent preacutesenteacutes

- logement drsquoun tregraves grand nombre de laquo deacutecohabitants raquo

Si la tendance agrave la preacutesence croissante de familles monoparentales etou pauvres semble se

manifester (22 de meacutenages de familles monoparentales et pregraves de 90 drsquoentre elles aux

ressources infeacuterieures agrave 60 du plafond du PLA) allant dans le sens de lrsquoideacutee drsquoun flux de

releacutegation sociale aux Ulis il reste que le grand nombre de deacutecohabitants constitue un point

potentiellement positif en termes drsquointeacutegration sociale locale mecircme si cette entreacutee peut

signifier lrsquoeacutechec drsquoun itineacuteraire reacutesidentiel hors commune et hors segment social ces

personnes beacuteneacuteficient sur place drsquoun potentiel de relations familiales et amicales passeacutees

support de sociabiliteacute large notamment pour les jeunes scolariseacutes dans la commune ce qui

se peut se traduire par des ressources de solidariteacute non neacutegligeables dans la vie quotidienne

Enfin cette situation offre lrsquoavantage drsquoune certaine connaissance acquise concernant les

institutions locales

Les principaux reacutesultats drsquoanalyse des profils des entrants dans le parc social de la ville

corroborent les indicateurs de preacutecarisation eacuteconomique et sociale des meacutenages moyens et

modestes Le tableau 8 reacutesulte drsquoune tentative drsquoeacutevaluation de cet laquo apport social raquo des

entrants dans les reacutesidences sociales de la ville eacutetablie gracircce agrave lrsquoaccegraves aux nombreuses

donneacutees concernant ceux-ci Il montre par exemple que en 2001 les parts de meacutenages

preacutecaires varient de 0 agrave 33 selon les reacutesidences Pour chaque reacutesidence ou chaque

ensemble de reacutesidences par bailleurs une description des entrants a eacuteteacute reacutealiseacutee selon deux

types drsquoindicateurs rassemblant des informations sur leur situation eacuteconomique et sociale

Cette analyse peut ecirctre appliqueacutee chaque anneacutee afin drsquoeacutevaluer lrsquolaquo apport social raquo agrave la

commune ie leurs effets eacuteventuels dans chaque reacutesidence selon les profils eacuteconomiques et

les caracteacuteristiques socio-deacutemographiques reacuteveacutelant une forme de laquo disposition au lien social

local raquo cela en tenant compte aussi des tailles des groupes drsquoentrants proportionnellement agrave

celles des reacutesidences drsquoinstallation et de lrsquoeacutetat geacuteneacuteral des profils des reacutesidents preacutesents

161

162

Lrsquoobjectif eacutetait drsquoappreacutecier les effets a priori des arriveacutees en termes de capaciteacute agrave apporter de

la stabiliteacute socio-eacuteconomique agrave eacutetablir du lien social avec pour les parents lrsquoeacuteducation des

enfants

Ces eacutevaluations constituent une forme drsquoindice syntheacutetique drsquoun laquo apport en coheacutesion

sociale raquo des entrants dans les reacutesidences les quartiers et la ville globalement sachant que la

dimension relationnelle est importante dans les quartiers sociaux sensibles aux questions de

deacutesorganisation et drsquoindiffeacuterence sociales ou encore de deacutereacutegulation des conduites

collectives et individuelles (Paugam 1995) Le tableau 8 infra nrsquoest rapporteacute qursquoagrave titre

illustratif de la meacutethode reacutealiseacutee de regroupement ordonneacute des donneacutees (et de maniegravere

abreacutegeacutee) Car drsquoune anneacutee sur lrsquoautre les profils changent en termes de niveaux de vie et

drsquointeacutegration sociale locale plutocirct positifs une anneacutee il peut ecirctre plus neacutegatifs lrsquoanneacutee

suivante par exemple Le tableau ne preacutesente qursquoune anneacutee de cet exercice drsquoanalyse (2001)

pour illustrer lrsquoeacutetat socio-eacuteconomique au deacutebut des anneacutees 2000 des demandeurs de

logement social aux Ulis

Tout drsquoabord les laquo apports raquo sont assez varieacutes drsquoune reacutesidence agrave lrsquoautre agrave la reacutesidence de la

Chacirctaigneraie par exemple (du bailleur Logis-Transport Nord-estEst de la zone drsquohabitat de

la ville) les actifs demandeurs des cinq meacutenages entrants travaillent tous aux Ulis mais ont

de tregraves faibles revenus (100 sont infeacuterieurs agrave 60 du plafond PLA) alors qursquoagrave celle de

Chanteraine (OPIEVOY mecircme secteur geacuteographique) ils travaillent tous dans les

deacutepartements limitrophes (temps de transport plus long) et 87 ont des revenus infeacuterieurs au

60 du plafond PLA Sur le plan social les dispariteacutes sont aussi nombreuses par exemple

40 des arrivants sont seuls aux Bosquets ou aux Hautes-Bergegraveres contre 15 aux Hautes-

Plaines les familles monoparentales peuvent aussi varier du simple au double avec 175

aux Hautes-Plaines contre un tiers agrave Chanteraine et 31 aux Avelines

Cette analyse multicritegravere permet drsquoeacuteviter des interpreacutetations deacutecaleacutees comme par exemple les

revenus mensuels qui ne sont pas rapporteacutes agrave la taille du meacutenage agrave la diffeacuterence de

lrsquoestimation des ressources par rapport au plafond PLA Cette eacutetude confirme le caractegravere

preacutedominant des difficulteacutes eacuteconomiques et sociales des meacutenages qui srsquoinstallent dans le

logement social au tournant des anneacutees 2000 aux Ulis Trois cateacutegories ressortent plus

nettement 1 les familles monoparentales 2 les meacutenages drsquoactifs occupeacutes mais pauvres

avec un contrat de travail en CDI dans la plupart des cas mais des ressources familiales

infeacuterieures au 60 du plafond PLA 3 une part importante des eacutetrangers avec 30 agrave 35 de

part des entrants dans les trois cas ougrave ils sont mentionneacutes (pour 6 reacutesidences)

Tableau 8 - Eacutevaluation de lrsquo laquo apport social raquo des meacutenages entrants dans les reacutesidences sociales de la ville - 2001

Bailleurs Reacutesidences Total Lgts

Meacutenages entrants

Nbre Profil eacuteconomique Profil social

Nord-estEst de la ville

- Efidis Arlequin 36 2 05 Pas de donneacutees fournis

- OPAC Ventoux 111 15 135 ⅓ ont des revenuslt60 Pla 80 sont en CDI Pas de revenus lt 1144 euromois

Moins de 30 ans plus de deacutecohabitants dont 13 de la reacutesidence ⅓ sont seuls 40 travail aux Ulis

- Opievoy Chanteraine 366 22 6 87 sont lt60 Pla 14 sont lt1144

eurom 82 CDI 33 de familles monoparentales 20 issus de la

reacutesidence travail deacutepartements limitrophes surtout

- Logis- Transport

Chacirctaigneraie 196 10 5 100lt60 Pla 20lt1144 euro m

100 CDI

30 familles monoparentales 18 issus de la reacutesidence 30 eacutetrangers 40-50 a en majo

travail Ulis pour tous

- Toit et Joie Barceleau 583 47 8 77lt60 Pla 17lt1144 euro m 6

chocircm 85 CDI 28 familles monoparentales 15 perso seules travail Ulis majoriteacute 17 issus de la reacutesidence

Ouest de la ville

- Logirep Hautes-Plaines

400 40 10 80lt60 Pla 25lt1144 euro m

75 CDI 125 chocircm 40 de 18-30a 175 familles monoparentales

15 seuls travail Ulis principalement

Amonts 538Avelines 444Fraisiers 70- SCIC

Vaucouleur 21

75 7 Ressources faibles Amonts 57lt1144 euro m Avelines 25lt1144 euro m + 3

de chocircmeurs 80 en CDI

Amonts ⅓ perso seules 12 issus de la reacutesidence Avelines 31 familles monoparentales 6 issus

de la reacutesidence Pour toutes les reacutesidences ⅓ eacutetrangers travail UIis + deacutepartements limitrophes

Source service Habita Ville (Bilan drsquoactiviteacute 2002) pour information les reacutesidences sociales ne se situent qursquoau Nord-estEst de la zone drsquohabitat de la ville ainsi qursquoagrave lrsquoOuest de celle-ci

t de la

Dauniegravere 522Bosquet 621Hautes- Bergegraveres

596 - Groupe 3F

Pendant de Villeziers

86

176 95 Ressources laquo moyennes raquo en majoriteacute

en CDI Bosquet 13 drsquoinactifs Pendant de Villeziers 15 inactifs

Bosquet et Htes-Bergegraveres env 40 personnes seules beaucoup de 18-30 a Dauniegravere + Bosquet

20 familles monoparentales Bosquet 35 eacutetrangers

Nota Lecture du tableau

Pour chaque reacutesidence les profils des entrants sont indiqueacutes selon deux dimensions eacuteconomique (niveau de vie des meacutenages selon seuil meacutedian des revenus rapport au plafond de ressources du Precirct locatif aideacute (PLA) et nature du contrat de travail (CDI ou non si activiteacute salarieacutee)) et sociale conccedilue comme drsquoune part la capaciteacute agrave eacutetablir du lien social (acircge en comptant sur le dynamisme de la jeunesse lieu de travail (aux Ulis ou proche) preacutesence de parents ou pas dans la ville et ancienneteacute de la vie dans celle-ci) et drsquoautre part la capaciteacute drsquoeacuteducation des enfants sans freins familiaux et professionnels (configuration parentale agrave la maison et travail aux Ulis ou agrave lrsquoexteacuterieur selon des donneacutees sur la tranche drsquoacircge drsquoappartenance la composition familiale (couple personne seule ou famille monoparentale) le motif de changement de logement (deacutecohabitant ou non) la reacutesidence de provenance et le lieu de travail) Dans le tableau il est agrave chaque fois rapporteacute les caracteacuteristiques principales (majoritaires) des entrants

163

Par exemple pour la reacutesidence du Ventoux de lrsquoOPAC (secteur Nord-estEst de la ville) en sigle et abreacuteviation parfois pour gagner de lrsquoespace drsquoeacutecriture un tiers des entrants ont un revenu infeacuterieur agrave 60 du plafond du PLA (⅓lt60 PLA) 80 sont en CDI et aucun nrsquoa un revenu infeacuterieur agrave 1 144 euro mois ce sont surtout des jeunes de moins de 30 ans en majoriteacute des deacutecohabitants dont le tiers est une personne seule et 40 travaillent dans la ville

Globalement aussi sur le plan des effets sociaux en termes de coheacutesion sociale cet apport annuel

nrsquoapparaicirct pas neacutecessairement positif Les indications de provenance reacutesidentielle anteacuterieure ndash de

12 agrave 18 de la mecircme reacutesidence ndash ne sont pas assez significatives pour conclure agrave une eacuteventuelle

compensation des deacuteficits eacuteconomiques et sociaux apparents par lrsquoexistence de nombreux liens

drsquointerconnaissance ou par une dureacutee drsquoancienneteacute de reacutesidence locale plus ancienne permettant

des conditions eacuteconomiques et sociales drsquoexistence satisfaisantes

Si cette approche permet aussi de suivre la politique drsquoattribution des bailleurs et des autoriteacutes

dans ce domaine elle reste eacutevidemment partielle pour lrsquoanalyse des structures sociales preacutesentes

dans les reacutesidences en ne srsquointeacuteressant qursquoagrave pregraves de 8 en moyenne de meacutenages dans chaque

reacutesidence Pour ce faire il faut plus preacuteciseacutement relever dans la dureacutee de maniegravere reacuteguliegravere

lrsquoeacutevolution de lrsquoensemble des profils eacuteconomiques et socio-deacutemographiques des meacutenages

occupants Cette approche est possible avec les enquecirctes drsquooccupation sociale que reacutealisent les

bailleurs sociaux tous les deux ans Cette source drsquoinformations a justement eacuteteacute exploiteacutee infra

pour affiner la sociographie de la population reacutesidente aux Ulis

B- Preacutesence importante de la preacutecariteacute socio-eacuteconomique

Une analyse des informations locales disponibles montre que la structure des actifs aux Ulis agrave

lrsquoinstar de ce qui est observeacute au niveau national est constitueacutee drsquoun ensemble large drsquo laquo actifs

preacutecaires raquo Il a eacuteteacute rapporteacute dans la probleacutematique qursquoagrave la fin des anneacutees 1990 cet ensemble

comprend au niveau national drsquoune part les chocircmeurs laquo officiels raquo pour un peu moins de la

moitieacute drsquoentre eux (pregraves de 45 ) et drsquoautre part drsquoautres sans emploi et sous-employeacutes crsquoest-

agrave-dire des actifs preacutecaires peu deacutevoileacutes dans les statistiques officielles du chocircmage et qui

forment la partie majoritaire de lrsquoensemble des preacutecaires et des sans emploi (pregraves de 55 de cet

ensemble) Plus preacuteciseacutement au niveau des Ulis cette structure des actifs preacutecaires en deux

cateacutegories internes reacuteparties en 45 55 sur le plan national semble prendre une forme

particuliegravere lieacutee agrave son parc social il srsquoobserve un rapport de pregraves drsquoun tiers pour les premiers

(chocircmeurs laquo officiels raquo) et de pregraves de deux-tiers pour les seconds (autres sans emploi et sous-

employeacutes)

164

Ce constat deacutecoule dun exercice drsquoestimation reacutealiseacute agrave partir drsquoune premiegravere eacutevaluation

theacuteorique de base suivie drsquoun recueil de donneacutees aupregraves de structures et drsquoinstitutions sociales

locales Les actifs preacutecaires apparaissent nettement plus importants que ce qursquoamegravenent agrave penser

les statistiques officielles du seul chocircmage Ce qui donne matiegravere agrave justifier la plupart des

constats empiriques et des repreacutesentations subjectives sur la preacutecariteacute dans la ville de la part

drsquoacteurs reacutealisant de lrsquoaccompagnement social pour qui le taux de chocircmage laquo officiel raquo ne

traduit pas la reacutealiteacute du pheacutenomegravene qursquoils cocirctoient Lrsquoestimation reacutealiseacutee aboutit agrave un coefficient

multiplicateur remarquable entre eux agrave peu pregraves le double des premiers par rapport aux seconds

sur toute la commune et pas loin de plus du triple dans le parc social

Deux eacutetapes ont eacuteteacute reacutealiseacutees pour la construction de cette population drsquoactifs preacutecaires

drsquoabord la comparaison entre les donneacutees officielles du chocircmage celles de Pocircle emploi

(ANPE agrave lrsquoeacutepoque de lrsquoeacutetude) et celles du recensement de la population de lrsquoINSEE avec les

perceptions subjectives des acteurs de lrsquoemploi concernant les personnes en preacutecariteacute

professionnelle ensuite la prise en compte plus large de diffeacuterentes cateacutegories drsquoactifs

preacutecaires non chocircmeurs au sens strict (selon les deacutefinitions de lrsquoINSEE et de Pocircle emploi) et

reacuteveacuteleacutees par diffeacuterents gestionnaires de populations preacutecaires sur la ville Cette construction

eacutetablie au deacutebut des anneacutees 2000 vaut pour sa fonction conceptuelle davantage que pour la mise

en valeur drsquoun eacutetat des lieux reacutecent Ce dernier point est neacuteanmoins eacutevoqueacute en fin drsquoanalyse en

interpreacutetant les donneacutees officielles les plus actuelles agrave la lumiegravere de la construction conceptuelle

reacutealiseacutee auparavant

1 Un chocircmage laquo officiel raquo faible et fluctuant selon les sources

Il y a encore peu de temps lrsquoindicateur le plus souvent mis en avant concernant le chocircmage au

moins sur le plan meacutediatique eacutetait celui du nombre des demandeurs drsquoemploi inscrits agrave Pocircle

emploi crsquoest-agrave-dire lrsquoANPE agrave lrsquoeacutepoque du recueil des donneacutees entre 2000 et 2004 Parmi les

diffeacuterentes cateacutegories de demandeurs drsquoemploi crsquoest la cateacutegorie A (cateacutegorie 1 avant la reacuteforme

de 200856) qui est preacutesenteacutee comme la plus repreacutesentative du chocircmage bien que de plus en plus

celle-ci soit accompagneacutee des donneacutees cumulant les autres cateacutegories (B C D ou E) La 56 Cette reacuteforme de lrsquoANPE a reacuteduit les huit cateacutegories existantes de demandeurs drsquoemploi en cinq en les qualifiant par des lettres au lieu de chiffres Crsquoest au cours de cette reacuteforme que la deacutenomination du service public de lrsquoemploi srsquoest changeacutee en Pocircle emploi

165

premiegravere cateacutegorie regroupait agrave lrsquoeacutepoque du recueil de donneacutees laquo les personnes sans emploi

immeacutediatement disponibles et agrave la recherche dun emploi agrave dureacutee indeacutetermineacutee et agrave temps plein raquo

La nouvelle cateacutegorie A des chocircmeurs depuis la reacuteforme de 2008 est eacutelargie agrave ceux cherchant un

emploi agrave laquo temps partiel ou agrave dureacutee deacutetermineacutee temporaire ou saisonnier raquo (anciennes

cateacutegories 2 et 3 de lrsquoANPE)57 Cette nouvelle cateacutegorisation est centreacutee sur la mise en valeur

des demandeurs nrsquoayant eu aucune activiteacute le mois preacuteceacutedent lrsquoenregistrement de leur

inscription tout en incluant toutes les formes drsquoemploi rechercheacutees contrat agrave dureacutee

indeacutetermineacutee ou agrave dureacutee deacutetermineacutee agrave plein temps ou agrave temps partiel

Le problegraveme est qursquoen lrsquoabsence drsquoune connaissance reacuteguliegraverement mise agrave jour de la population

active totale qui nrsquoeacutetait releveacutee que tous les huit agrave neuf ans selon la meacutethode de recensement

geacuteneacuteral de la population de lrsquoINSEE avant sa meacutethode par sondage partielle annuelle (le dernier

recensement geacuteneacuteral eacutetant en 1999) il est difficile de produire un taux de chocircmage suffisamment

laquo valide raquo agrave tout moment avec les seuls nombres de demandeurs drsquoemploi inscrits agrave Pocircle emploi

Le rapport entre ceux-ci et la population active nrsquoa de sens que lorsque le recensement de cette

derniegravere a eacuteteacute reacutecente La validiteacute drsquoun tel calcul se deacutegrade au fil des anneacutees qui passent en

utilisant une base de population active de plus en plus ancienne Crsquoest pourquoi les eacutevolutions du

chocircmage selon Pocircle emploi sont dans les statistiques administratives davantage preacutesenteacutees en

chiffres absolus (en termes de nombre de demandeurs drsquoemploi de cateacutegorie A ou de ceux des

cateacutegories A B et C cumuleacutees couvrant les demandeurs en activiteacute reacuteduite courte ou longue)

Cependant parfois agrave des fins comparatives dans le temps des taux de chocircmage drsquoanneacutees

successives sur la mecircme base de population active agrave une date passeacutee donneacutee sont calculeacutes et

compareacutes pour appreacutecier en valeur relative lrsquoeacutevolution de la quantiteacute de chocircmeurs Pour notre

analyse il est rapporteacute dans le tableau 9 infra une premiegravere appreacuteciation du chocircmage officiel aux

Ulis par rapport agrave son environnement selon les taux officiels de lrsquoANPE en 2001 date peu

eacuteloigneacutee du recensement de 1999 A cette eacutepoque lrsquoanneacutee 2001 est celle de la fin drsquoun petit

cycle de croissance de lrsquoeacuteconomie commenceacute en 1997-1998 (Maurin 2002) qui se traduit tant

sur le plan national que reacutegional par une baisse du nombre de chocircmeurs et du taux de chocircmage

Les donneacutees concernant Les Ulis en 2001 sont plutocirct favorables agrave premiegravere vue

57 Ces cateacutegories 2 et 3 drsquoavant la reacuteforme eacutetaient publieacutees depuis mars 1983 mais nrsquoeacutetaient geacuteneacuteralement pas associeacutees au deacutecompte et agrave lanalyse du chocircmage

166

Tableau 9 - Taux de chocircmage global et des jeunes et part des demandeurs de longue dureacutee aux Ulis selon lrsquoANPE pour le deacutepartement la reacutegion et la France meacutetropolitaine en 2001

Donneacutees 2001 (mi-anneacutee)

Les Ulis Essonne Icircle-de-France France

meacutetropolitaine

Taux de chocircmage 58 53 76 88

- 25 ans 101 107 93 156

DELD gt 1an 244 281 312 316

Sources Agence locale de lrsquoemploi (ex-Pocircle emploi) des Ulis et donneacutees Insee DELD= demandeur drsquoemploi de longue dureacutee

Tout drsquoabord la ville se distingue du deacutepartement par un eacutecart leacutegegraverement supeacuterieur pour le taux

de chocircmeur global (58 contre 53 pour le deacutepartement) mais les taux cateacutegoriels de

jeunes et de chocircmeurs de longue dureacutee sont plus faibles pour la ville (respectivement 101 et

244 ) que pour le deacutepartement (107 et 281 ) Par rapport agrave la reacutegion (76 ) et agrave la

nation (88 ) le taux ulissien de chocircmage global selon lrsquoANPE est en revanche tregraves infeacuterieur

Crsquoest seulement pour les jeunes de moins de 25 ans que la reacutegion (93 ) preacutesente un taux

infeacuterieur agrave ceux des Ulis (101 ) et du deacutepartement (107 ) Pour le chocircmage de longue

dureacutee par rapport aux niveaux national reacutegional et deacutepartemental la situation aux Ulis est

meilleure

En reacutesumeacute le chocircmage des Ulis apparaicirct globalement plus faible que sur les territoires national

et reacutegional en phase avec son deacutepartement Cependant la ville srsquoen deacutemarque drsquoune part par un

chocircmage drsquoadultes de courte dureacutee plus important puisque le chocircmage de longue dureacutee est plus

faible que pour les autres territoires Si dans une moindre mesure le chocircmage des jeunes de

moins de 25 ans est leacutegegraverement plus eacuteleveacute que dans la reacutegion et que le chocircmage global deacutepasse

leacutegegraverement le deacutepartement on peut supposer que ce soit la cateacutegorie des chocircmeurs adultes de

plus de 25 ans inscrits pour des laquo courtes raquo dureacutees au chocircmage (moins drsquoun an) qui est

proportionnellement la plus importante aux Ulis par rapport aux autres territoires

Cette interpreacutetation implique que le chocircmage des Ulissiens serait adapteacute agrave la compeacutetitiviteacute accrue

de lrsquoactiviteacute eacuteconomique du moins en partie pour la part des plus agrave mecircme agrave occuper des postes

(les chocircmeurs qualifieacutes qui sont au chocircmage pour une courte dureacutee) degraves que les reprises

eacuteconomiques ou les opportuniteacutes se font sentir Dans les anneacutees 1990 nrsquoest-ce pas drsquoailleurs la

fragilisation de lrsquoemploi par la technologie qui a produit la croissance de chocircmeurs (Maurin

167

2002) mecircme dans des contextes parfois de hausse du niveau global drsquoemploi renforceacutee par la

hausse plus forte de la population active (Clerc 2006) Est-ce agrave dire que la population

ulissienne vit dans lrsquoensemble mieux lrsquoeacutevolution eacuteconomique geacuteneacuterale que lrsquoensemble de la

population reacutegionale ou nationale Le deacutecalage de perception parmi les acteurs locaux entre

drsquoun cocircteacute les chiffres des chocircmeurs officiels et de lrsquoautre cocircteacute les impressions drsquoune plus

grande quantiteacute de population vivant dans la pauvreteacute ou la preacutecariteacute interroge les

repreacutesentations qui circulent en la matiegravere

En effet un ensemble drsquoeacuteveacutenements locaux de faits et de pheacutenomegravenes observeacutes concernant les

habitants traduit plutocirct une autre reacutealiteacute difficulteacutes de paiement des loyers et des cantines

scolaires renonciation aux soins de santeacute demandes drsquoaides financiegraveres multiplication des

vols et des actes de violence pour preacutedation difficulteacutes drsquoemploi et de logement pour les jeunes

les eacutetrangers et les immigreacutes faiblement qualifieacuteshellip Ces repreacutesentations des diffeacuterents acteurs

peuvent-elle ecirctre appreacutecieacutees et objectiveacutees de maniegravere plus proche de la reacutealiteacute perccedilue par les

acteurs locaux de lrsquoemploi

En fait il y aurait une sorte de laquo chiffre noir raquo de la preacutecariteacute non reacuteveacuteleacute par les instruments

laquo officiels raquo et qui repreacutesenterait une population concerneacutee de maniegravere floue et incertaine sujette

agrave des distorsions et des formalisations hasardeuses Pour une estimation se rapprochant de la

reacutealiteacute des donneacutees dacteurs ont pu ecirctre croiseacutees en fonction de leur pertinence (leur sens) de

leur accessibiliteacute pour leur recueil et surtout de leur correspondance avec les proprieacuteteacutes du

binocircme conceptuel laquo preacutecariteacute professionnelle - exclusion du travail raquo pour pouvoir en constituer

une mesure (Ghiglione Matalon 1999) Avant de rechercher aupregraves des acteurs des donneacutees qui

renseignent sur le nombre drsquoactifs en situation de preacutecariteacute professionnelle le taux de chocircmage

selon lINSEE mesureacute lors de lapplication de lenquecircte Emploi dans le recensement geacuteneacuteral de

la population de 1999 (puis dans les enquecirctes de recensement par sondage depuis cette date) a

eacuteteacute examineacute Cet indicateur apporte une premiegravere mesure de la population drsquoensemble concerneacutee

par le chocircmage au-delagrave de ceux qui font la deacutemarche de srsquoinscrire agrave Pocircle emploi

En effet lINSEE relaie au plan national le mode drsquoappreacutehension du chocircmage du Bureau

International du Travail (B I T) quapplique loffice de statistiques europeacuteen (Eurostat) pour se

conformer aux conventions statistiques internationales Pour lInstitut franccedilais de statistiques

(INSEE) le chocircmage deacutesigne alors la situation de tout individu de plus de 15 ans laquo sans emploi

[sans] avoir travailleacute une seule heure au cours de la semaine de reacutefeacuterence ne pas ecirctre au

168

chocircmage partiel ecirctre disponible pour travailler dans un deacutelai infeacuterieur agrave 15 jours ndash voire 30 en

cas de maladie beacutenigne et ecirctre en quecircte effective drsquoun travail raquo Le recensement de la

population de 1999 pendant lequel lrsquoenquecircte Emploi est appliqueacutee agrave tout le territoire constitue

une mesure tregraves opportune pour notre approche analytique En plus de prendre en compte tous

les diffeacuterents objectifs drsquoemploi des personnes le taux de lrsquoINSEE est inteacuteressant en ce qursquoil

reacutesulte drsquoun mode deacuteclaratif de la part des individus indeacutependamment de leurs relations agrave

ladministration de lemploi une partie plus large drsquoactifs est alors concerneacutee puisqursquoil ny a ni

obligation ni veacuterification drsquoecirctre inscrit agrave Pocircle emploi agrave part pour ceux souhaitant obtenir une

allocation chocircmage ou des prestations de formation ou de stage dispenseacutees par le service de

lrsquoemploi

Quen est-il aux Ulis Comme au plan national lenquecircte Emploi appliqueacutee localement reacutevegravele

une population active au chocircmage plus nombreuse que celle de lANPE indiquant ainsi un

premier eacutecart important entre les situations sociales reacuteelles et la connaissance quen a le service

public local de lemploi En 1999 le taux INSEE de chocircmeurs aux Ulis est de 109 (voir

graphique au-dessous) Il est de 12 en 2006 de 11 en 2007 et de 114 en 2008 Pour

1999 le taux est donc supeacuterieur de 26 points par rapport taux ANPE 1999 (83 ) soit un eacutecart

de pregraves de 30 (313 ) Cet eacutecart repreacutesente un ensemble non neacutegligeable drsquoactifs preacutecaires

non reacuteveacuteleacutes comme tels par lrsquoANPE Ce taux est drsquoailleurs le plus eacuteleveacute du bassin drsquohabitat de 24

communes des Ulis comme le montre le graphique infra Cette reacuteveacutelation drsquoun premier eacutecart qui

laisse agrave penser que des chocircmeurs de la ville ne sont pas preacutesenteacutes comme tels par

lrsquoadministration de lrsquoemploi ouvre la reacuteflexion sur la reacutealiteacute de la prise en compte des diverses

situations de preacutecariteacute professionnelle de ses habitants

Une question est par exemple de chercher agrave connaicirctre ce que repreacutesentent en quantiteacute les autres

cateacutegories de demandeurs drsquoemploi du service public de lrsquoemploi (7 autres cateacutegories au moment

de lrsquoenquecircte 4 autres apregraves 2008) ne couvrent-elles pas plus ou moins complegravetement la

preacutecariteacute eacuteconomique des actifs partiellement voire deacutejagrave occupeacutes en ce qursquoils cherchent un autre

poste selon divers motifs Aupregraves de plusieurs sources plusieurs eacuteleacutements ont aideacute agrave estimer de

maniegravere empirique cette cateacutegorie drsquo laquo actifs preacutecaires raquo Il srsquoagit davantage drsquoune deacutetermination

dun ordre de grandeur vraisemblable que dune mesure exacte issue dune enquecircte extensive agrave la

maniegravere dun recensement car les sources ont un caractegravere administratif impliquant des donneacutees

certainement partielles en partie et doteacutees drsquoune faible garantie sur leur fiabiliteacute

169

Graphique 1 - Taux de chocircmage INSEE dans le bassin dhabitat - RP 1999

9788

75 70 68 64 59 5743

56 52

109

00

20

40

60

80

100

120

Les Ulis

Massy

Longjumeau

Morangis

Champlan

Chilly-Mazarin

Palaiseau

Wissous

Saulx-les-Chartreux

Ballainvilliers

Igny

Eacutepinay-sur-Orge

Verriegraveres-le-Buisso

Orsay

Vauhallan

Gometz-le-Chacirctel

Bures-sur-Yvette

Villebon-sur-Yvette

Gif-sur-Yvette

Biegravevres

Villejust

Saint-Aubin

Saclay

Villiers-le-Bacirccle

Source Secreacutetariat de la Ville des Ulis

Ce qui nrsquoest somme toute pas le plus important puisque lobjectif est drsquoabord de fournir une

premiegravere validation empirique agrave une cateacutegorie danalyse par un recueil de plusieurs donneacutees

diffeacuterentes Cette cateacutegorie drsquoanalyse servant agrave aborder le pheacutenomegravene de diffusion de la preacutecariteacute

professionnelle dans lensemble de la population active

2 Une estimation de lensemble des sans emploi et sous-employeacutes de la ville

Trois types de donneacutees sociales locales et disponibles informent concregravetement sur la population

active preacutecaire la cateacutegorie des laquo Personnes majeures (actives) sans emploi et preacutecaires raquo dans

les enquecirctes drsquooccupation dans lrsquohabitat social le deacutenombrement et la reacutepartition spatiale dans

la commune des demandeurs demploi de cateacutegories 1 et 6 de lancienne ANPE les usagers de

moins de 25 ans de la Mission locale qui viennent y chercher des solutions agrave leurs difficulteacutes

demploi et dinsertion Ces trois types drsquoinformation compleacuteteacutes de quelques autres donneacutees

drsquoautres sources annexes couvrent tant les chocircmeurs que les autres actifs occupeacutes partiellement

ou temporairement malades indisponibles ou encore deacutemotiveacutes mais qui souhaitent tous

170

occuper un travail satisfaisant le plus souvent agrave temps plein et agrave dureacutee indeacutetermineacutee et qui sont

ou pas inscrits agrave Pocircle emploi

Ainsi dans un premier temps lanalyse des Enquecirctes drsquooccupation sociale des bailleurs sociaux

de la ville des Ulis montre que dans lrsquoensemble 43 des adultes actifs dans le parc social

drsquohabitat nrsquoont pas drsquoemploi stable en 2000 (tableau 10)58

Tableau 10 - Situation drsquoactiviteacute et drsquoemploi des personnes majeures parmi les reacutesidants des bailleurs sociaux des Ulissup1 - 2000

Personnes majeures

OPAC

OPIE-VOY

Toit et Joie

Logirep

SCIC

RUF- 3F

Logis-Transport

Ensem-ble

Total 167 675 992 628 1 746 1 561 383 6 386

Total Actifs 167 100

551 100

924 100

534 100

1 605 100

1 290 100

202 100

5 273 100

Emploi stable 126 328 621 330 803 684 129 3 021

Total Sans emploi et preacutecaires

41 25

223 40

303 33

204 38

802 50

606 47

73 36

2 252 43

Emploi preacutecaire seul

10 46 72 39 100 131 11 409

Sans emploi inscrits agrave lrsquoANPE

8 35 42 49 148 145 16 443 (7 )

Sans emploi hors inscrits ANPE

23 14

142 26

189 20

116 22

554 35

330 26

46 23

1400 26

Source Service Habitat et Cadre de vie de la Ville des Ulis- Preacute-Bilan 2001 (La ligne Total actifs a eacuteteacute rajouteacutee par lrsquoauteur)

sup1 82 agrave 100 des laquo personnes majeures raquo des bailleurs ont reacutepondu excepteacute pour Logis-Transports (383) dont moins de la moitieacute nrsquoa pas reacutepondu (47 ) soit 53 ont reacutepondu (202) Ce deacutefaut a une incidence certainement limiteacutee pour lrsquoanalyse des tendances majeures des proportions de lrsquoensemble des reacuteponses dans les enquecirctes des bailleurs Le Tableau drsquoorigine est ici modifieacute en ce qursquoil est compleacuteteacute par la ligne laquo Total Actifs raquo (2egraveme ligne) en additionnant les lignes laquo Emploi stables raquo et laquo Total Sans emploi et preacutecaires raquo Les pourcentages en-dessous des chiffres sont ainsi calculeacutes par rapport au Total des actifs et non au total des laquo Personnes majeures raquo cateacutegorie qui comprend les inactifs puisqursquoil y a un eacutecart entre le Total des laquo Personnes majeures raquo et le total des Actifs

58 Ces donneacutees sont extraites du Preacute-Bilan 2001 du service Habitat et Cadre de vie de la Ville des Ulis

171

Ces enquecirctes eacutetant biannuelles il a eacuteteacute constateacute que les donneacutees de 2002 ont preacutesenteacute des

tendances similaires il est vrai que le temps court entre ces deux dates drsquoobservation peut

expliquer cette stabiliteacute relative Celle-ci concorde drsquoailleurs bien avec la stabiliteacute du taux de

chocircmage officiel agrave ces deux dates (69 et 68 du taux de demandeurs de cateacutegorie 1 sur la

ville) Crsquoest pourquoi nous ne preacutesentons qursquoun tableau drsquoune seule anneacutee celle de 2000 Le but

eacutetant drsquoabord de saisir un eacutetat des lieux ponctuel agrave la fin de la deacutecennie 1990 qui a vu une tregraves

forte preacutecariteacute se diffuser sur le plan national

Pour certains bailleurs sociaux les adultes se deacuteclarant laquo sans emploi raquo ou laquo preacutecaires raquo sont pregraves

de la moitieacute des actifs notamment pour les deux plus importants drsquoentre eux en nombre de

logements Groupe 3F (47 ) SCIC (50 ) Des chiffres assez eacutetonnants dans ce tableau 2

eacutetant ceux de la rubrique des adultes laquo Sans emploi lsquohors inscrits ANPErsquo raquo 27 le sont chez

lrsquoensemble des bailleurs avec un pic de 35 pour la SCIC et de 26 pour OPIEVOY et le

Groupe 3F La cateacutegorie laquo Sans emploi inscrits agrave lrsquoANPE raquo (avant derniegravere ligne du tableau)

repreacutesente en moyenne pregraves de 7 des actifs interrogeacutes soit 443 personnes compteacutees (derniegravere

colonne du tableau) Cependant le laquo Total des sans emploi et preacutecaires raquo repreacutesente 43 des

actifs soit 2 252 individus (4egraveme ligne et derniegravere colonne)

Entre ces deux cateacutegories ce qui peut se deacutenommer un laquo coefficient multiplicateur de preacutecariteacute raquo

de valeur six (au minimum) sest donc constitueacute

6 x 7 de sans emploi ANPE = 42

soit presque les 43 de sans emploi et preacutecaires Cette diffeacuterence importante entre les laquo Sans

emploi inscrits agrave lANPE raquo et lrsquoensemble des preacutecaires correspond agrave la cateacutegorie des laquo Sans

emploi hors inscrits ANPE raquo (derniegravere ligne du tableau) qui en moyenne pour tous les bailleurs

(derniegravere colonne) repreacutesente 26 des actifs soit 1 400 individus Il srsquoagit bien agrave ce stade avec

ces donneacutees des bailleurs sociaux drsquoune preuve de la forte diffeacuterence entre les chocircmeurs inscrits

agrave lANPE et ceux qui ny sont pas inscrits et qui nont donc pas de visibiliteacute officielle pour

lensemble des acteurs de la ville

Le deuxiegraveme type de donneacutees destimation locale des actifs preacutecaires apregraves celui des Enquecirctes

doccupation des bailleurs est la reacutepartition reacutesidentielle des demandeurs demploi (DE) de

cateacutegories 1 et 6 (DE 1 et DE 6) fournie par lANPE locale et mise en forme par le secreacutetariat de

la mairie des Ulis Ce qui constitue une prise en compte simultaneacutee des chocircmeurs laquo officiels raquo

172

(cateacutegorie 1 des demandeurs drsquoemploi avant la reacuteforme) et des autres actifs occupeacutes au moins agrave

mi-temps mais preacutecaires crsquoest-agrave-dire en recherche drsquoun emploi agrave dureacutee indeacutetermineacutee et agrave plein

temps (demandeurs drsquoemploi de cateacutegorie 6 ayant travailleacute au moins 78 h dans le mois et en

recherche aussi dun CDI agrave temps plein)

Cet indicateur est produit bimestriellement par la mairie sous forme de tableau des demandeurs

demploi par reacutesidence Ceux analyseacutes sont de janvier mars juin septembre et deacutecembre 2002

Si ces informations ne repreacutesentent que partiellement lensemble des actifs preacutecaires car les DE

6 ne recouvrent que ceux qui ont travailleacute au moins 78 h dans le mois et cherchent un CDI agrave

temps plein (il manque ceux qui cherchent un temps partiel un CDD ou qui sont en stage en

formation ou en emploi preacutecaire de type emploi aideacute) ils apportent une dimension geacuteographique

agrave lanalyse en indiquant les preacutesences de preacutecaires dans chaque reacutesidence et leur reacutepartition

entre le parc social et le parc priveacute

Le principal reacutesultat de traitement de ces informations est que sur un an pregraves de 70 de ces

deux types de demandeurs demploi (DE 1 et DE 6) logent dans lrsquohabitat social et 30 sont dans

le parc priveacute des logements Si lrsquoon croise cet indicateur avec les informations des Enquecirctes

doccupation sociale des bailleurs sociaux de la ville il est possible dextrapoler agrave leacutechelle

communale la part globale approximative dactifs preacutecaires totaux sur la ville Deux critegraveres de

reacutepartition sont agrave prendre en compte la part des logements sociaux dans le parc total de

logements de la ville (522 en 1999 471 en 2007) et celle des habitants de ce parc parmi

lrsquoensemble des habitants ulissiens (60 59) En revanche la part plus preacutecise dactifs dans le

logement social de la ville na pu ecirctre questimeacutee faute de donneacutees disponibles preacutecises en la

matiegravere60

Selon le tableau des Enquecirctes drsquooccupation sociale des bailleurs il y a en 2000 5 273 actifs

recenseacutes (cf tableau 2 supra) qui repreacutesentent 385 des 13 663 actifs de lrsquoensemble de la ville

en 1999 (selon recensement INSEE) Ces chiffres des bailleurs sur les actifs dans leur patrimoine

peuvent ecirctre leacutegegraverement majoreacutes puisque le service Habitat avait indiqueacute que les taux de

reacuteponses aux enquecirctes eacutetaient de 82 agrave 100 des laquo personnes majeures raquo et qursquoun bailleur

59 Ce chiffre a eacuteteacute formeacute agrave partir des donneacutees du recensement INSEE 1999 du nombre drsquohabitants dans chaque reacutesidence Les nombres drsquohabitants par reacutesidence se trouvent drsquoailleurs dans les documents des demandeurs drsquoemploi de cateacutegories 1 et 6 que produit le Secreacutetariat geacuteneacuteral de la Ville pour connaicirctre la part de chocircmeurs parmi les habitants de chaque reacutesidence 60 Un deacutecompte deacutetailleacute serait sans doute souhaitable mais le principe de fonctionnement du dispositif dobservation ndash utilisation de donneacutees disponibles ndash nrsquoen a pas donneacute loccasion

173

Logis-Transport nrsquoavait pu rapporter que 53 de taux de reacuteponse Ce qui signifie que dans les

immeubles de ce bailleur parmi les 181 laquo personnes majeures raquo restantes entre lrsquoensemble des

personnes majeurs (383) et les actifs totaux (202 employeacutes stables et actifs sans emploi et

preacutecaires) il y en a certainement drsquoautres qui sont actives et pas seulement inactives (retraiteacutees

handicapeacuteeshellip) Ainsi avec ces petites deacutefaillances connues dans les donneacutees releveacutees il nrsquoest

pas disproportionneacute drsquoaugmenter leacutegegraverement la part des actifs du logement social parmi

lrsquoensemble des actifs de la ville de 385 agrave 40 au minimum

Pour rappel ce tableau 2 sur les occupants du parc social montre que la part des actifs preacutecaires

(2 252 laquo Total des Sans emploi et preacutecaires raquo) parmi les actifs du logement social (5 273) est de

pregraves de 43 Sur cette base une opeacuteration destimation theacuteorique de la population preacutecaire dans

lrsquoensemble de la ville a pu ecirctre reacutealiseacutee Si lrsquoon utilise lindicateur de reacutepartition reacutesidentielle des

demandeurs demploi 1 et 6 de lANPE (mis en forme par le secreacutetariat geacuteneacuteral de la Ville) en le

transposant aux donneacutees empiriques drsquoenquecirctes drsquooccupation sociale des bailleurs sociaux les

actifs preacutecaires du parc social (2 252 au moins) repreacutesentent alors 70 de lrsquoensemble des actifs

de la ville Ainsi en 2000 le nombre total de preacutecaires sur la ville et par conseacutequent celui dans

le seul parc priveacute sont facilement estimables

Dans lrsquoensemble de la ville le nombre drsquoactifs preacutecaires est drsquoenviron

(2 252 70) x 100 = 3 217

Ces 3 217 individus repreacutesentent alors 235 environ des actifs de lrsquoensemble de la ville Vu les

deacutefauts eacutevoqueacutes des enquecirctes par les bailleurs cette proportion peut ecirctre arrondie agrave 25 pour

former un ordre de grandeur approximatif mais vraisemblable et facile agrave retenir

Les actifs preacutecaires du seul parc priveacute sont donc environ

3 217 ndash 2 252 = 965

Si lrsquoon considegravere que 60 des actifs sont dans le parc priveacute (puisqursquoil a eacuteteacute estimeacute plus haut que

pregraves de 40 drsquoactifs sont dans le parc social) les actifs preacutecaires du parc priveacute repreacutesenteraient

ainsi pregraves de 12 des actifs de ce parc

60 des actifs dans le parc priveacute correspondent agrave

13 663 x 060 = 8 1978 soit 8 198 actifs en arrondis

les 965 actifs preacutecaires de ces 8 198 actifs correspondent agrave

174

(965 8 198) x 100 = 12 environ

Un profil des actifs preacutecaires ulissiens peut ecirctre esquisseacute gracircce agrave certaines donneacutees de lagence

locale de lemploi Si lrsquoon reprend les caracteacuteristiques des demandeurs demploi de cateacutegories 1

et 6 (tableau 11 ci-dessous) ils sont essentiellement ndash agrave 75 des cateacutegories

socioprofessionnelles infeacuterieures dans le secteur tertiaire employeacutes et ouvriers non qualifieacutes et

qualifieacutes du transport de la logistique des services administratifs et commerciaux ainsi que des

services aux personnes et aux collectiviteacutes La preacutesence de cadres agrave 14 et de cateacutegories

intermeacutediaires techniciennes agrave 11 confirme la diffusion de la preacutecariteacute agrave tous les niveaux de

qualification

Tableau 11 - Profil des demandeurs demploi de cateacutegories 1 et 6 aux Ulis par qualification (fin juin 2002)

Source ALE des Ulis

Ouvriers non qualifieacutes 5

Ouvriers qualifieacutes 12

Employeacutes 58

Agent de maicirctrise techniciens 11

Cadres 14

En outre le tableau 12 infra des domaines drsquoactiviteacute viseacutes par les demandeurs demploi

confirment cette caracteacuterisation Ils se tournent majoritairement vers les activiteacutes tertiaires

transport-logistique administration ou services aux personnes ou aux collectiviteacutes Ce qui est

une caracteacuteristique centrale de lrsquoespace parisien pour les emplois de faible niveau de

qualification pour lrsquoessentiel en dehors de la sphegravere de production de haute technologie et des

services de haut niveau aux entreprises

175

Tableau 12 - Aspirations professionnelles des demandeurs drsquoemploi des Ulis (juin 2002)

Personnel du transport et de la logistique 18

Personnel des services administratifs et commerciaux 16

Personnel des services aux personnes et aux collectiviteacutes 13

Cadre administratif professionnel de lrsquoinformation et de la communication 8

Personnel de la distribution et de la vente 8

Source ALE des Ulis

Un point mis en exergue par les travaux de lrsquoobservatoire meacuterite drsquoecirctre eacutevoqueacute au mecircme titre

que le taux de chocircmage officiel le taux dallocataires du RMI par rapport agrave la population active

masque complegravetement le niveau de la preacutecariteacute professionnelle des actifs Entre 1995 et 2002

aux Ulis ce taux stagne autour des 22 en se trouvant quasiment coupeacute du cycle de croissance

eacuteconomique En fait les effectifs ont mecircme un peu baisseacute de 322 en 1995 agrave 295 en 2002 soit

une baisse de 8 deacutepassant mecircme en cela la tendance leacutegegraverement baissiegravere du nombre drsquoactifs

sur la ville (- 525 entre 1990 et 1999) tout en restant moins forte que la forte baisse du

chocircmage officiel (demandeurs drsquoemploi de cateacutegorie 1) qui a eacuteteacute de 38 Ce constat confirme

que lrsquoentreacutee dans la pauvreteacute connaicirct donc des mouvements de fond qui suivent faiblement

crsquoest-agrave-dire sans influence immeacutediate et complegravete les eacutevolutions quantitatives du chocircmage

Lrsquoeacutetude de lrsquoeacutevolution du profil des beacuteneacuteficiaires61 montre drsquoailleurs que en ce deacutebut des anneacutees

2000 ils sont de moins en moins concerneacutes par une probleacutematique directe drsquoaccegraves agrave lrsquoemploi

que par des problegravemes de santeacute mentale et physique Les donneacutees du CCAS (Centre communal

drsquoaction sociale) et de la Maison des solidariteacutes situeacutee dans la ville des Ulis (ex-Centre

deacutepartemental drsquoaction sociale et Protection Maternelle et Infantile du Conseil geacuteneacuteral) montrent

cette eacutevolution entre la fin des anneacutees 1980 et la fin des anneacutees 1990 de plus en plus drsquohomes

en mauvaise santeacute mentale et physique

61 La cateacutegorie des laquo beacuteneacuteficiaires raquo regroupe tant les allocataires que les beacuteneacuteficiaires sans allocation financiegravere daction daccompagnement meacutedico-social et dinsertion

176

En 1989 les femmes (agrave 57 avec ou sans enfant contre 52 au niveau national) et les

problegravemes drsquoaccegraves agrave lrsquoemploi eacutetaient preacutedominants (CREPA 1991) puisqursquoagrave 89 les

beacuteneacuteficiaires eacutetaient demandeurs drsquoemploi (contre 59 au niveau national) ils eacutetaient drsquoailleurs

aussi plus acircgeacutes (57 ) plus fortement eacutetrangers (48 ) et plus nettement parents drsquoenfants (32

) qursquoau niveau national (respectivement 36 14 et 18 ) Ce profil est plutocirct celui drsquoune

population en difficulteacute drsquointeacutegration eacuteconomique et sociale dont les fortes difficulteacutes pour les

eacutetrangers mais pas vraiment condamneacutee agrave lrsquoexclusion eacuteconomique puisque la recherche

drsquoemploi preacutedomine) ni en situation de marginalisation sociale totale puisque le profil de

parents en couples avec enfants preacutedisposent agrave plus de liens que les personnes seules aux faibles

ressources

Dix ans plus tard en 1999-2000 la marginalisation sociale est plus apparente les profils

recouvrent plus drsquohommes seuls et plus de problegravemes de santeacute mentale et physique (Chebroux

2001) ils sont moins de la moitieacute (46 ) inscrits au service public de lrsquoemploi (contre 89 dix

ans plus tocirct) les hommes sont majoritaires (515 ) et 38 sont des hommes seuls (auxquels il

faut ajouter 24 de femmes seules) leurs problegravemes principaux relegravevent de la santeacute mentale et

physique (44 ) drsquoabord puis des problegravemes de surendettement et drsquoautres difficulteacutes

budgeacutetaires (25 ) Aussi des dureacutees drsquoinscription dans le dispositif deacutepassant les deux ans

(avant 1998) pour 45 drsquoentre eux montrent une situation de marginalisation sociale de plus en

plus nette

Sur le plan spatial ils reacutesident principalement agrave trois quarts drsquoentre eux dans les deux secteurs

de quartiers sensibles de la ville (Grand Ouest et EstSud-est) dont le foyer Sonacotra drsquoabord

qui comporte agrave lui seul 16 des beacuteneacuteficiaires du RMI Dans ce sens pregraves de 80 des

beacuteneacuteficiaires sont drsquoorigine immigreacutee Ce profil est beaucoup plus inquieacutetant en ce qursquoil deacutecrit

une population situeacutee plus dans un processus drsquoexclusion sociale drsquoune population devenue

inutile dans le systegraveme eacuteconomique et social et en difficulteacutes de santeacute et de lien social ainsi que

financier Le retour agrave lrsquoemploi ne paraicirct pas pour les plus affecteacutes de difficulteacutes tregraves proche

Pour lrsquoanneacutee 2002 le Centre communal drsquoaction sociale (CCAS) qui suit environ 50 des

beacuteneacuteficiaires du RMI agrave lrsquoeacutepoque (152) confirme la tendance agrave la surrepreacutesentation masculine (sup23

drsquohommes) mais signale une forte part agrave nouveau de problegravemes drsquoaccegraves agrave lrsquoemploi et de

formation Ce qui signifie que se tenir au seul taux de beacuteneacuteficiaires qui semble osciller entre 23

et 2 depuis presque son instauration ne permet pas de saisir lrsquoeacutevolution qualitative des

177

profils il informe sur les situations de marginalisation avanceacutee avec les probleacutematiques de

deacutesocialisation et de problegravemes sanitaires et financiers et celles de difficulteacutes drsquoaccegraves agrave lrsquoemploi

malgreacute des qualifications acquises (415 ont des niveaux supeacuterieurs au bac) ou par deacutefaut de

formation adapteacutee au marcheacute local de lrsquoemploi

Il faut plutocirct prendre en compte drsquoautres dispositifs administratifs pour appreacutehender la

population pauvre ou en difficulteacutes eacuteconomiques et sociales des Ulis Car par exemple toujours

selon le bilan du CCAS pour cette anneacutee 2002 les deacutetenteurs du RMI ne repreacutesentent qursquoune

petite partie des adultes preacutecaires de la commune 295 allocataires du RMI sont deacutenombreacutes

alors que par ailleurs plus de six fois plus de personnes soit 1 851 en 2002 sont laquo beacuteneacuteficiaires raquo

soit de la CMU (couverture meacutedicale universelle accordeacutee agrave toute personne en situation

reacuteguliegravere dont le revenu fiscal annuel est infeacuterieur agrave 6 402 euro agrave cette date) soit de lrsquoAME Aide

meacutedicale drsquoEacutetat destineacutee agrave assurer lrsquoaccegraves aux soins des eacutetrangers qui ne remplissent pas les

conditions de reacutegulariteacute du seacutejour en France (Tableau 13 ci-dessous)

Le nombre de laquo beacuteneacuteficiaires raquo de lrsquoAME a drsquoailleurs fortement augmenteacute en un an de 37 ce

qui reacutevegravele un peu plus la preacutesence de la population eacutetrangegravere en situation irreacuteguliegravere et pauvre

Ainsi le nombre de beacuteneacuteficiaires de la CMU semble recouvrir plus fidegravelement que le RMI la

population adulte susceptible de vivre dans un meacutenage pauvre si lrsquoon se reacutefegravere au nombre

drsquoactifs preacutecaires estimeacutes plus haut (3 217)

Tableau 13 - Beacuteneacuteficiaires de la CMU et de lrsquoAME aux Ulis

Prestations

2001 2002 Eacutevolution 2001-02

CMU (de base + compleacutementaire)

1 717

AME 105 144 37 Total des beacuteneacuteficiaires 1 851

Sources CCAS (2003) Bilan drsquoactiviteacute 2002 CCAS de la ville des Ulis

Agrave ce sujet la preacutevision de Louis Chauvel (1999) eacutevoqueacutee dans la probleacutematique de la recherche

de voir apparaicirctre des groupes familiaux nombreux paupeacuteriseacutes agrave la suite de trajectoires

professionnelles preacutecaires subies pendant la crise-mutation eacuteconomique semble trouver une

178

reacutealisation aux Ulis En effet pour le Centre communal daction sociale des Ulis les acteurs

locaux doivent se mobiliser laquo compte tenu du nombre eacuteleveacute de personnes demandant agrave beacuteneacuteficier

du RMI raquo62

Enfin le troisiegraveme principal indicateur exploiteacute pour mesurer la preacutecariteacute socioprofessionnelle

aux Ulis est le nombre de jeunes suivis par la Mission locale de la ville Les jeunes ont en effet

une place particuliegravere dans cette approche tant le problegraveme de leur insertion professionnelle est

devenu aigu au cours des anneacutees 1990 (Lagrange 2001) et que les difficulteacutes dans ce domaine

ne sont pas sans lien avec les parcours deacuteviants des jeunes trouvant des horizons professionnels

totalement brouilleacutes En tant que principal dispositif qui se charge de ceux-ci la Mission locale

dispositif instaureacute au deacutebut des anneacutees 1980 en France renseigne sur leur nombre et leur

eacutevolution depuis sa creacuteation en 1992 sur la ville Elle constitue une structure drsquoaccueil et

drsquoaccompagnement social des jeunes vers lrsquoinsertion socioprofessionnelle

La lecture du tableau 14 ci-dessous sur le nombre de jeunes suivis par celle-ci montre une nette

concordance avec le pheacutenomegravene analyseacute nationalement en dix ans (1992-2002) la hausse de la

part des jeunes suivis parmi lensemble des jeunes de 15-24 ans actifs de la commune a eacuteteacute tregraves

forte de plus de 65 environ (en tenant compte de la diminution de cette classe dacircge drsquoactifs

entre 1990 et 1999 de 22 soit de 4 914 agrave 3 828 individus ce qui correspond agrave 1 089 individus

de moins) Les autres lignes du tableau (ligne 1 et 3) preacutesentent les eacutevolutions drsquoeffectifs pour

Les Ulis et pour lrsquoensemble du territoire drsquointervention de la Mission locale (24 communes) la

monteacutee en charge est croissante pendant cette peacuteriode de 28 pour la commune agrave pregraves du

double (99 ) pour tout le territoire de la Mission locale La preacutecarisation professionnelle des

jeunes actifs ulissiens srsquoaccroicirct fortement dans la zone drsquohabitat de la ville

En outre avec un bond principal entre 2000 et 2001 de plus dun tiers des jeunes suivis et une

stagnation de 2001 agrave 2002 il est possible dindiquer que mecircme en fin dun sous-cycle de

croissance eacuteconomique (1997-2001) malgreacute une politique demploi importante agrave destination des

jeunes (emplois-jeunes) les effets drsquoinsertion de la jeunesse active sont faibles et tardifs Sur le

plan socio-eacuteconomique de lemploi ce point est reacuteveacutelateur dun chocircmage dactifs peu qualifieacutes la

croissance ne beacuteneacuteficiant quaux plus compeacutetents et qualifieacutes (Freyssinet 2004)

62 CCAS (2003) Bilan drsquoactiviteacutes 2002 mairie des Ulis p 19

179

Tableau 14 - Nombre de jeunes suivis par la Mission locale des Ulis de 1992 agrave 2002

Sources Mission locale des Ulis Bilan drsquoactiviteacute 2002 Mission locale des Ulis INSEE RGP 1990 et 1999

1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002

Eacutevolution 1992-2002

Jeunes des Ulis

847 763 766 709 696 752 791 786 810 1088 1084 28

parmi les 15-24 ans actifs 4914 en 1990 3828 en 1999

17 28

65

Jeunes des 24 communes drsquointervention de la Mission locale

1155 1248 1302 1353 1401 1544 1613 1534 1588 2185 2300 99

Ainsi dans une commune acheveacutee drsquoecirctre construite il y a pregraves de trente-cinq ans composeacutee

initialement de cateacutegories moyennes tertiaires et techniciennes inteacutegreacutee la croissance de jeunes

actifs peu qualifieacutes en difficulteacutes dinsertion est le signe drsquoun renouvellement de population qui

a eacuteteacute reacutealiseacutee depuis les anneacutees 1980 notamment par le meacutecanisme de deacutepart des cateacutegories

moyennes et de leur remplacement par des populations plus modestes Cette jeunesse fragile est

mecircme deacuteterminante dans lrsquoensemble de la population preacutecaire de la ville En rapportant les

chiffres de la Mission locale agrave ceux de lrsquoensemble des actifs preacutecaires de la ville toutes

cateacutegories drsquoacircge confondues les jeunes preacutecaires ulissiens de 15 agrave 24 ans (1 084) repreacutesentent en

2002 pregraves drsquoun tiers de lrsquoensemble des actifs preacutecaires de la ville (pregraves de 3 217 estimeacutes plus

haut) ce qui est extrecircmement eacuteleveacute si lrsquoon tient compte de lrsquoordre de grandeur de la part de

lrsquoensemble des jeunes actifs parmi lrsquoensemble des actifs de la ville soit pas plus de 10

(exactement 88 avec 1 166 jeunes de 15 agrave 24 ans)

Le tableau 15 infra reconstitue pour lrsquoanneacutee 1999 les populations actives par tranches drsquoacircge aux

Ulis avec le taux drsquoactiviteacute et la situation drsquoemploi des individus Avec un taux drsquoactiviteacute (528

180

) nettement plus important que les 15-19 ans (87 ) et un taux de chocircmage leacutegegraverement moins

eacuteleveacute (209 contre 241 ) mais drsquoun niveau tregraves important encore les 20-24 ans apparaissent

comme la tranche drsquoacircge charniegravere dans cette probleacutematique

Tableau 15 - Taux drsquoactiviteacute et situation drsquoemploi par tranches drsquoacircge de la population active des Ulis en 1999

Source INSEE

population active acircge quinquennal population active taux drsquoactiviteacute ayant un emploi chocircmeurs taux de chocircmage

15 agrave 19 ans 162 87 123 39 241 20 agrave 24 ans 1 044 528 802 218 209 25 agrave 29 ans 2 109 857 1 844 259 123 30 agrave 34 ans 2 122 905 1 927 195 92 35 agrave 39 ans 1 924 908 1 745 179 93 40 agrave 44 ans 1 763 910 1 593 170 96 45 agrave 49 ans 1 687 907 1 535 152 90 50 agrave 54 ans 1 720 885 1 566 154 90 55 agrave 59 ans 878 743 772 106 121 60 agrave 64 ans 222 292 204 18 81 65 ans ou plus 31 25 31 0 00 Total 13 662 695 12 142 1 490 109

En conclusion de cette eacutetude sur la taille de la population preacutecaire locale le principal reacutesultat est

que les 69 de chocircmeurs officiels de la commune en 2000 (68 en 2002) selon

lrsquoadministration de lrsquoemploi appartiennent agrave un ensemble de pregraves de 25 dactifs de la

commune qui connaissent la preacutecariteacute professionnelle (sous emploi et sans emploi) Avec 927

chocircmeurs officiels parmi pregraves de 3 215 actifs preacutecaires la population drsquoactifs preacutecaires dans la

ville chocircmeurs laquo officiels raquo compris est agrave peu pregraves 35 fois plus nombreuse que les chocircmeurs

officiels connus (cateacutegorie 1 de lrsquoancienne ANPE agrave cette eacutepoque) Dans le parc drsquohabitat social

qui rassemble 60 de la population et pregraves de 50 des logements de la ville il y a pregraves de 43

des actifs qui sont preacutecaires (les actifs du parc social repreacutesentant pregraves de 40 de lrsquoensemble

des actifs de la commune)

181

Ce constat de leacutetendue de la preacutecariteacute professionnelle se veacuterifie surtout aupregraves des jeunes

eacutegalement qui sont fortement surrepreacutesenteacutes parmi les actifs preacutecaires la part des jeunes actifs

preacutecaires est pregraves de trois fois plus grande que celle des jeunes actifs parmi tous les actifs de la

ville Crsquoest ici une situation sociale explicative des manifestations de la deacuteviance et de la

violence juveacutenile des Ulis surtout de la part de ceux sortis sans qualification du systegraveme

eacuteducatif

Dans les faits plus qursquoun simple constat de laquo meacutecompte du chocircmage raquo pour reprendre les

termes du titre de lrsquoouvrage de Margaret Maruani (2002) sur lrsquoinvaliditeacute des donneacutees officielles

du chocircmage le silence officiel sur de tels eacutecarts agrave certains endroits comme aux Ulis apparaicirct

comme un deacuteni intellectuel et politique Il est en outre preacutejudiciable lorsque dans de tels

contextes le taux de chocircmage officiel devient en quelque sorte trompeur sur la situation

eacuteconomique dune population donneacutee si au niveau national par exemple agrave la fin des anneacutees

1990 le rapport entre les demandeurs demploi de cateacutegorie 1 de lANPE (les DE 1) et les autres

actifs preacutecaires eacutetait de 45 55 selon le Commissariat geacuteneacuteral du Plan aux Ulis les

estimations reacutealiseacutees ci-dessus montrent au deacutebut des anneacutees 2000 que ce rapport est plus

ineacutegal de 28 72 il signifie qursquoen 2000 le taux de chocircmage officiel de 69 induit un

taux de pregraves de 18 dautres actifs preacutecaires hors chocircmeurs officiels Si ce nest pas clairement

mis en valeur et connu par les acteurs locaux comment deacutevelopper des politiques publiques

adapteacutees

En outre comment deacutevelopper des analyses plus avanceacutees sur certains comportements ou

certaines relations sociales si ce pheacutenomegravene est meacuteconnu Le voile de meacuteconnaissance relegraveve

aussi certainement pour une bonne part dune incapaciteacute technique agrave fixer conventionnellement

des termes des expressions voire des cateacutegories empiriques descriptives mais aussi analytiques

permettant deacutevoquer lampleur de la diffusion de la preacutecariteacute professionnelle au sein de la

population active La cateacutegorie des laquo actifs preacutecaires raquo comprenant les chocircmeurs et les autres

preacutecaires dans des situations variantes constitue une premiegravere reacuteponse agrave cette neacutecessiteacute La

recherche de critegraveres communs de sources et de meacutethodes de recueil de donneacutees pour les eacutetudes

nationales et locales doit encore ecirctre poursuivie

Un second point attire lattention et meacuterite den eacutevoquer toutes les significations possibles Avec

le poids deacutemographique du parc social dans la population communale (60 de la population

communale) drsquoune part et au sein du premier la forte surrepreacutesentation de la part des actifs

182

preacutecaires parmi les actifs y reacutesident drsquoautre part (pregraves de 43 contre 12 des actifs dans le

parc priveacute) celui-ci paraicirct deacuteterminant dans le processus global de modification de la structure

sociale de la ville vers une sous-moyennisation et une preacutecarisation de la population dont

plusieurs facettes sont abordeacutes depuis plus haut

Au deacutebut des anneacutees 2000 donc aux Ulis le taux drsquoactifs preacutecaires parmi les actifs est donc pregraves

de quatre fois supeacuterieur dans le parc social agrave celui dans le parc priveacute et en valeur absolue les

effectifs drsquoactifs preacutecaires du parc social sont 23 fois plus nombreux (presque 25 fois plus) que

dans le parc priveacute alors que crsquoest dans ce dernier segment de parc que le nombre drsquoactif est le

plus important (60 ) bien que la population drsquoensemble soit plus importante dans le parc

social Pour rappel parmi les pregraves de 3 400 actifs preacutecaires estimeacutes sur lrsquoensemble de la ville

(25 des 13 663 actifs de 1999) pregraves de 2 252 logent dans le parc social et on a deacuteduit que pregraves

de 965 sont dans le parc priveacute de logements63

Avec la dimension spatiale et deacutemographique du parc de logements sociaux dans la ville ce sont

la preacutecariteacute professionnelle des adultes des meacutenages et leur logement majoritaire dans ce parc qui

le rendent deacuteterminant dans le processus global de sous-moyennisation sociale de la commune

Le poids du parc social dans le parc total de logements (50 de lensemble des logements 60

de la population) de par lrsquoaccueil de meacutenages agrave bas revenus ou agrave situations familiales ou sociales

difficiles (monoparentaliteacute familles nombreuses faibles qualifications des parents situation

drsquoimmigrationhellip) a induit une forte composante drsquoactifs preacutecaires dans lrsquoespace social local

Cette eacutetude reacutevegravele le deacuteseacutequilibre socio-reacutesidentiel interne agrave la commune urbaine se superposant

en partie agrave la diffeacuterence entre ses deux types de parc priveacute et social de logements Elle conforte

le diagnostic de la fonction sociale de lrsquohabitat au sens drsquoaccueil des plus pauvres qui devient

de moins en moins partielle mais de plus en plus exclusive comme la rappeleacute Jean-Marc Steacutebeacute

(2002) au deacutebut des anneacutees 2000 et qui doit devenir un critegravere reacutefeacuterentiel preacutedominant dans

lrsquoaction aupregraves des plus en difficulteacute

La section suivante preacutesente un aspect socialement et scientifiquement deacutebattu qui a vu jour aux

Ulis ndash le deacuteveloppement drsquoune nombreuse population issue de limmigration ndash en ce qursquoil

63 Les 183 individus drsquoeacutecart restant par rapport aux 3 400 actifs preacutecaires estimeacutes dans lrsquoensemble de la ville devraient vraisemblablement se partager dans les mecircmes proportions entre parc priveacute et parc social de logement puisqursquoil manquait des donneacutees de certains bailleurs notamment un agrave qui la moitieacute des questionnaires drsquoenquecircte drsquooccupation sociale manquait (voir plus haut)

183

exprime une dimension de marginalisation en raison de la discrimination ethno-raciale qui se

manifeste en France Ce pheacutenomegravene est analyseacute tout comme celui de la violence et de la

deacutelinquance traiteacute plus loin du fait de la place importante qursquoil occupe dans les questions

sociales et les deacutebats sur les plans local et national

C- Une importante population issue de lrsquoimmigration

Drsquoun point de vue geacuteneacuteral dans certains nouveaux espaces urbains peacuteripheacuteriques peu valoriseacutes

comme dans une grande partie des immeubles des grands ensembles des meacutenages drsquoorigine

immigreacutee ont eacuteteacute logeacutes dans les mecircmes reacutesidences et quartiers ce qui a entraicircneacute la formation drsquo

ensembles de grande taille de populations drsquoorigine immigreacutee Ce pheacutenomegravene a prolongeacute dans

le parc social peacuteripheacuterique des agglomeacuterations celui de la concentration et de la visibilisation

des minoriteacutes ethniques observeacute dans lrsquohabitat priveacute ancien et deacutegradeacute des centres des grandes

villes dans les anneacutees 1980 et 1990 (Blanc Le Bars 1993) Selon les recensements de la

population de lINSEE la population eacutetrangegravere des Ulis repreacutesente 148 de la population

municipale totale en 1999 (ou encore 144 des meacutenages) et 13 en 2007 Pour ce qui est des

immigreacutes selon leur deacutefinition officielle appliqueacutee par la statistique publique (individus neacutes

eacutetrangers agrave leacutetranger venus reacutesider en France plus de trois mois pouvant ecirctre ou ayant eacuteteacute

naturaliseacutes) 21 des Ulissiens sont neacutes agrave leacutetranger en 1999 soit 5 405 personnes et 20 en

2007 soit 4 916 personnes

Cependant aux Ulis comme ailleurs la visibiliteacute des regroupements de migrants et de leurs

descendants apparaicirct en deacutecalage par rapport agrave ces donneacutees Perccedilus comme intrigants pour

certains et sources de tensions sociales locales comme les clivages sociaux selon les identiteacutes

ethniques la hausse de la deacutelinquance chez les jeunes de certaines cateacutegories de groupes

ethniques ou encore lrsquoeacutemergence du racisme et des reacutefeacuterences ethno-raciales dans les relations

sociales cette preacutesence nrsquoest pas sans effet sur la deacutegradation de lrsquoimage de la ville dans son

environnement Car une bonne partie des proprieacuteteacutes et des repreacutesentations de lrsquoespace social

local deacutepend de la situation et des conduites des diffeacuterents groupes et meacutenages appartenant agrave sa

population diverse Comment alors mesurer et appreacutehender la formation communale drsquoune

population drsquoorigines immigreacutees multiples et de grande taille qui deacutepasse les repreacutesentations

qursquoen fournisse la statistique officielle Ce choix drsquoanalyse est lieacute drsquoune part au signe de risque

184

de preacutecariteacute et drsquoexclusion sociale que traduit et geacutenegravere en mecircme temps un tel pheacutenomegravene de

forte preacutesence et drsquoautre part agrave son effet potentiel connexe sur la marginalisation urbaine de la

commune dans son environnement spatial

1 De lrsquoimmigration agrave la population ethnique

Le logement dans les espaces peacuteripheacuteriques peu chers par rapport aux centres-villes

embourgoiseacutes ou plus disponibles par rapport aux vieux immeubles ou quartiers centraux deacutejagrave

occupeacutes est une des modaliteacutes de lrsquointeacutegration socio-spatiale de lrsquoimmigration (Barou 2006)

Les regroupements reacutesidentiels agrave des fins identitaires et de protection sociale face agrave lrsquoeacutetrangeteacute

de la socieacuteteacute drsquoaccueil est un pheacutenomegravene bien connu Il est cependant non exempt de

laquo problegravemes sociaux raquo multiples (tensions interethniques deacutelinquance inadaptation dans

lrsquohabitathellip) qui peuvent apparaicirctre difficilement solubles et surmontables agrave des acteurs locaux au

regard des moyens conceptuels et mateacuteriels de reacuteflexion et drsquoaction dont ils disposent (Soulet

1996) Une des premiegraveres questions pour une ville qui nrsquoavait pas dans son projet initial de

vocation particuliegravere drsquoaccueil important des populations immigreacutees de la reacutegion parisienne est

de savoir quelle est la taille de la population concerneacutee par ces pheacutenomegravenes Quel volume

numeacuterique occupe-t-elle dans lrsquoespace local pour appreacutehender les pheacutenomegravenes et les problegravemes

qui inteacuteressent les acteurs locaux

Par exemple au deacutebut de lrsquoexercice de lrsquoobservatoire social en 2001 cette question est apparue

avec une certaine acuiteacute aupregraves de nombreux responsables et techniciens municipaux qui se sont

trouveacutes perplexes et peu avanceacutes sur le thegraveme abordeacute sur le seul plan conceptuel par une agence

parapublique destineacutee agrave former sur ce champ les agents des collectiviteacutes locales et du public

(ADRI Agence pour le deacuteveloppement des relations interculturelles) Alors que lrsquointervenante

centrait son propos sur les notions drsquointeacutegration et de relation interculturelle de maniegravere un peu

abstraite selon eux le sentiment majoritaire des participants eacutetait que les outils pour circonscrire

et agir sur le pheacutenomegravene au niveau local nrsquoeacutetaient pas fournis La question de lrsquoappreacutehension de

la dimension quantitative et qualitative de ce pheacutenomegravene nrsquoeacutetait en rien abordeacutee au cours de

lrsquointervention speacutecialiseacutee de cette agence Cette situation de deacutenuement quasi moral eacutetant

accentueacutee par labsence de donneacutees de lINSEE en la matiegravere pour cause dinterdit officiel des

statistiques sur les identiteacutes ethniques et culturelles Ce qui converge souvent avec les valeurs

185

politiques parmi les deacutecideurs et les responsables de politiques publiques qui se repreacutesentent une

inteacutegration reacutepublicaine universelle fondeacutee sur linsertion individuelle et lhomogeacuteneacuteisation

culturelle La reconnaissance didentiteacutes culturelles extranationales pouvant se confondre avec la

promotion de communauteacutes ethniques aux droits distinctifs de la communauteacute nationale

constitue un objet de tabou ou de deacuteni assumeacute

Cependant dans les anneacutees 1990 des chercheurs commencent agrave exprimer un autre point de vue

La deacutemographe Michegravele Tribalat (1998) a pu avancer que dans la peacuteriode actuelle le

deacuteveloppement deacutemographique ducirc agrave une partie des descendants dimmigreacutes justifie de qualifier

dinsuffisantes ou dinadapteacutees les donneacutees sur la nationaliteacute pour une analyse plus fine de

limmigration en France En utilisant et en croisant des donneacutees de nationaliteacute et de lieu de

naissance des parents ndash que lrsquoINSEE ne publie pas systeacutematiquement sur des supports publics

mais qui peuvent srsquoobtenir pour des motifs de recherche ou sur demande particuliegravere des

institutions publiques64 la deacutemographe indique lrsquointeacuterecirct de deacuteterminer la nature la taille et

lrsquoeacutevolution des cateacutegories des populations issues de limmigration agrave diffeacuterentes phases

historiques pour des eacutetudes diverses Par exemple en France selon elle plus de 50 des

franccedilais vivent dans un deacutepartement comprenant une commune de plus de 30 000 habitants ougrave la

concentration des jeunes dorigine eacutetrangegravere repreacutesente plus de 30 de la jeunesse locale les

Franccedilais dascendance perccediloivent plus ou moins nettement cette reacutealiteacute sociale Ils ne

comprennent pas les discours relativistes statistiques et savants masquant ou reacuteduisant la reacutealiteacute

quantitative de la preacutesence immigreacutee avec sa concentration par endroit et ses effets de

transformation des modes de vie et des identiteacutes locales

Le plus souvent les questions et deacutebats drsquoacteurs ne portent pas sur les raisons des pheacutenomegravenes

de regroupements reacutesidentiels ethniques dans lrsquoespace urbain le fait qursquoils offrent un espace de

laquo sas raquo drsquoaccompagnement drsquoentraide utile aux parcours individuels de chaque membre comme

cela a eacuteteacute montreacute depuis les eacutetudes de lrsquoeacutecologie sociale et urbaine de Chicago au deacutebut du XXe

(Alpheacuteis 1993) est souvent intuitivement perccedilu mecircme si les formes prises ne sont pas toujours

accepteacutees Ce sont davantage les effets neacutegatifs potentiels et parfois en cours de ces

regroupements qui inquiegravetent comme la propension agrave adopter des conduites deacuteviantes et de

trouble agrave lrsquoordre public ou encore les difficulteacutes drsquoadaptation ou de se conformer agrave la sociabiliteacute

urbaine dans la vie quotidienne demandant autonomie et respect des normes drsquooccupation drsquoun 64 La direction administrative de la mairie des Ulis par exemple posseacutedait des graphiques de la reacutepartition des Ulissiens selon le lieu de naissance des parents

186

logement de pratique de son environnement drsquoeacuteducation des enfants et de relations de voisinage

(Barou 2006)

Face agrave la rheacutetorique du laquo seuil de toleacuterance raquo de la taille de la population immigreacutee brandit dans

les deacutebats publics selon une vision rigide et ideacuteologique de linfluence du nombre drsquoimmigreacutes sur

leur inteacutegration et leurs relations avec les autochtones les recherches montrent que cette

influence intervient lorsque les immigreacutes et leurs descendants sont concentreacutes spatialement et

dans des zones pauvres et deacutelabreacutees ougrave se manifestent les difficulteacutes dexistence et les conduites

deacutelinquantes (Martuccelli Wieviorka 1990) Les attitudes de rejet apparaissent dans des

conditions deacutegradeacutees de vie eacuteconomique et sociale et de cohabitation entre les groupes (Dubet

1989 De Rudder 2002) Crsquoest pourquoi puisque le risque de marginalisation et de tensions

sociales preacutejudiciable pour tous (immigreacutes et leurs descendants voisinage commune et socieacuteteacute

drsquoaccueil) est tangible et que crsquoest agrave ce niveau local que se construisent le mieux les politiques

drsquointeacutegration (Lapeyronnie 1992) il est inteacuteressant drsquoeacutevaluer la quantiteacute de personnes

concerneacutees par les difficulteacutes drsquointeacutegration ce volume populationnel reacuteveacutelant ainsi non

seulement la faible valeur sociale relative de lrsquoespace local mais aussi les risques de

renforcement de sa marginalisation avec une population exposeacutee aux risques de preacutecariteacute et

drsquoexclusion sociale sur critegraveres social et ethno-racial

Aux Ulis nous avons pu estimer qursquoentre un tiers et 45 de la population est

laquodrsquoorigine ethnique raquo ou encore potentiellement laquo ethnicisable raquo cest-agrave-dire agrave qui lrsquoattribution

de caractegraveres ethniques est possible traits les rapprochant de lrsquoeacutetranger et que ne partagent pas la

majoriteacute des autochtones sur les plans physique comportemental culturel ou encore symbolique

et moral (Simmel 1994 Lepoutre 1997 Elias Scotson 1997) Les personnes concerneacutees

constituent de ce fait une population discriminable sur les diffeacuterents marcheacutes eacuteconomiques et

sociaux Comment a-t-on reacutealiseacute cette estimation Agrave lrsquoinstar de lrsquoanalyse sur les actifs preacutecaires

de la ville nous avons eacutelargi la repreacutesentation de la population concerneacutee par ce pheacutenomegravene En

1999 par exemple il y a 1 021 franccedilais neacutes dans les DOM-TOM soit 4 de la population ce

qui fait avec les 21 drsquoimmigreacutes indiqueacutes plus haut 25 dUlissiens neacutes agrave leacutetranger et dans

les DOM-TOM Ce rapprochement nrsquoest pas anodin si lrsquoon srsquointeacuteresse aux rapports entre

groupes sociaux et les perceptions mutuelles qursquoils peuvent entretenir

En effet les socieacuteteacutes modernes sont de plus en plus multiethniques des identiteacutes ethniques et

culturelles se manifestent davantage dans les espaces urbains agrave des fins de valorisation sociale

187

parfois (Germain Blanc 1998) surtout parmi les classes moyennes et supeacuterieures (Martiniello

1995) mais le plus souvent selon une logique de diffeacuterenciation sociale agrave finaliteacute excluante

(Poutignat Streiff-Feacutenart 1995) et selon un processus pas toujours conscient comme se reacutealise

lrsquointeacutegration (Sayad 1994) Lindustrialisation de leacuteconomie la construction des Eacutetats-nations et

la citoyenneteacute deacutemocratique aux effets drsquoatomisation inteacutegratrice des communauteacutes locales et

issues de lrsquoimmigration nempecircchent la constitution dentiteacutes ethniques heacuteteacutero-imputeacutees ou auto-

organiseacutees (Martiniello 1995) Sur le plan scientifique drsquoailleurs la notion dethniciteacute est

drsquoabord apparue dans la sociologie nord-ameacutericaine et anglo-saxonne selon une acception se

voulant en rupture avec les connotations raciales ndash ou plutocirct racistes ndash potentielles de son usage

dans le langage commun

Il convient ainsi de se montrer prudent quant agrave la production et agrave lrsquousage de statistiques ethniques

ou sur les apparences afin de ne pas contribuer agrave attribuer de lrsquoexteacuterieur et agrave durcir des identiteacutes

selon des cateacutegorisations ethniques non adapteacutees pouvant participer au risque drsquoinstitutionnaliser

une organisation et une vision sociale agrave base ethnique et communautaire Ce qui exigerait de

passer agrave une gestion eacutetatique de la co-existence pluriethnique contre le risque de deacuteveloppement

de tensions pouvant deacutegeacuteneacuterer agrave lrsquoextrecircme agrave des massacres intercommunautaires (Habsbown

1993) Contre cet eacutecueil et celui de naturaliser des diffeacuterences en fonction drsquoorigines

indeacutepassables (Le Bras 1998) une condition de la repreacutesentation ethnique est de proposer un

contenu deacutefinitionnel reposant sur les perceptions sociales des apparences de lrsquoorigine ethnique

ou de lrsquoappartenance culturelle qui sont lieacutees aux pheacutenomegravenes identitaires qui se deacuteveloppent

dans chaque pays Car la diffeacuterenciation culturelle de la population et des pratiques sociales est

bien une reacutealiteacute aux multiples facettes (cultures reacutegionales sociales ou cultuelles issues de

limmigration ancienne ou reacutecentehellip) face agrave la majoriteacute des membres des socieacuteteacutes et de leur

mode de vie

En outre lrsquoethniciteacute peut apparaicirctre aussi dans un sens politique comme groupe dinteacuterecirct sur la

scegravene publique (notamment aux Eacutetats-Unis) La mise en valeur de caractegraveres ethniques dans les

deacutefinitions socio-identitaires srsquoinscrit dans des rapports sociaux et des interactions sociales

concregravetes reacuteveacutelateurs souvent drsquoune ineacutegaliteacute sociale structurelle au deacutetriment du groupe

laquo ethniciseacute raquo ou laquo srsquoethnicisant raquo En France lethniciteacute a pris de limportance dans la vie sociale

politique et culturelle contemporaine (Martiniello 1995) lrsquoespace public devenant de plus en

plus un espace socioculturel en reacuteaction aux discriminations ethno-raciales subies et avec

188

lrsquoappui drsquoinstances communautaires parfois (Semprini 1997) Elle a parfois une signification

sociale et politique entre choix individuels et contraintes sociales deacuteterminantes division et

stratification ethniques du marcheacute du travail politiques eacutetatiques sur des groupes cibles ou

encore effet de la recherche sociale et sociologique

Pour faciliter les politiques drsquointeacutegration un volet de reconnaissance de la diffeacuterence culturelle

est parfois activeacute La production de connaissances suivant le modegravele anglo-saxon sur le sort des

populations ethniques pour favoriser la reconnaissance de leurs droits sociaux multiples (emploi

eacuteducation logementhellip) crsquoest-agrave-dire pour favoriser leur eacutegaliteacute sociale apparaicirct alors preacutefeacuterable

agrave la mode franccedilaise passeacutee du silence qui precircte le flanc aux repreacutesentations fantasmagoriques de

la preacutesence eacutetrangegravere Eacutevoquer les repreacutesentations ethniques ou drsquoapparence au sein drsquoune

population crsquoest rendre compte des difficulteacutes drsquointeacutegration des populations issues de

lrsquoimmigration aupregraves des populations autochtones comme des eacutelus et des professionnels du

social (Sartre 1985 Blanc 1993 Bouzar 2001 Tenoudji 2001 Wieviorka 2001) Il srsquoagit

de susciter et drsquoalimenter le deacutebat public et de sortir de la confidentialiteacute de la recherche

deacutefendue par certains chercheurs (Simon 1999 Tripier 1999)

La visibiliteacute rationnelle des regroupements immigreacutes ou plutocirct de leur repreacutesentation sociale en

tant que population ethnique ou drsquoapparence eacutetrangegravere dans des espaces locaux est donc

inteacuteressante et souhaitable Lepoutre (1997) a reacutealiseacute des quantifications ethniques en produisant

lui-mecircme les informations agrave partir de ses outils denquecircte questionnaire dinterconnaissance

trombinoscope et listes de fichiers de publics dinstitutions Il eacutetablit un coefficient multiplicateur

de 3 entre le taux drsquoeacutetrangers (au sens juridique) dans le grand ensemble eacutetudieacute (La Courneuve)

et le taux drsquo laquo ethniques raquo (recouverts par les quatre grandes cateacutegories de Franccedilais issus de

lrsquoimmigration) les taux passent effectivement de 28 de la population du grand ensemble pour

les eacutetrangers agrave 85 laquo drsquoethniques raquo deacutenombreacutes en examinant les fichiers scolaires des enfants

du grand ensemble (692 inscrits au collegravege) et agrave 90 environ estimeacutes par le questionnaire

drsquointerconnaissance soumis agrave un adolescent dorigine immigreacutee portant sur 945 habitants du

grand ensemble (demande sur la nationaliteacute lrsquoethniciteacute ndash Arabe Noir Asiatiquehellip ou la

culture drsquoorigine des habitants)

Les populations potentiellement laquo ethnicisables raquo renvoient ainsi agrave des groupes sociaux exposeacutes

aux rapports drsquoexclusion selon les variables ethniques Lepoutre (1997) eacutenumegravere cinq grandes

cateacutegories de population qui sont exposeacutees agrave une ethnicisation excluante Drsquoune part les

189

eacutetrangers au sens juridico-administratif de la nationaliteacute puis drsquoautre part quatre cateacutegories de

Franccedilais les originaires des deacutepartements et territoires drsquoOutre-mer (DOM-TOM) les rapatrieacutes

drsquoAfrique du Nord les eacutetrangers naturaliseacutes Franccedilais et les Franccedilais de parents immigreacutes de

lrsquoeacutetranger On aperccediloit ainsi lrsquoeacutecart quantitatif important entre la seule population eacutetrangegravere et

cette population issue de limmigration franccedilaise (dOutre-mer et drsquoAfrique du nord) et eacutetrangegravere

ayant acquis la nationaliteacute franccedilaise

Ces grandes cateacutegories sociales lieacutees agrave des processus drsquoimmigration sont inteacuteressantes et

recouvrent de multiples deacutenominations ethniques en raison de certains attributs visibles qui

associent les populations agrave une origine lointaine Ce qui les expose de fait agrave la possibiliteacute de

discrimination neacutegative selon la modaliteacute la plus contraignante de lethniciteacute celle de lheacuteteacutero-

imputation sociale qui leur eacutechappe et qui les deacutefinit en partie Elles peuvent ecirctre soumises agrave un

processus symbolique dethnicisation dans les rapports sociaux dans les relations sociales locales

ou mecircme par lEacutetat en ayant des conseacutequences deacutefavorables dans leur vie sociale Cest pourquoi

les analystes doivent pouvoir proposer des cateacutegories drsquoanalyse pertinentes pour un usage adapteacute

aux politiques dinteacutegration

Pour tenter une estimation de la taille de la population ethnique aux Ulis la meacutethode suivie a eacuteteacute

de reacutealiser empiriquement par eacutetape une agreacutegation drsquoinformations eacuteparses dont disposent des

structures locales danimation drsquoaccompagnement et daction sociale au service des habitants

Une tentative drsquoopeacuterationnalisation a ainsi eacuteteacute reacutealiseacutee aupregraves de divers acteurs sociaux

concernant les pays les espaces etou les cultures dorigine de leurs publics

2 La laquo population ethnique raquo aux Ulis une population preacutecaire de lrsquoimmigration

surtout dans lrsquohabitat social

Quelle situation de regroupement de populations issues de limmigration trouve-t-on aux Ulis et

quelles en sont les repreacutesentations sociales Les donneacutees rassembleacutees indiquent quil est possible

deacutetablir une hypothegravese valable entre un tiers et 45 de la population communale qui relegraveve

dune appartenance ethnique Il y aurait une preacutedominance de Noirs couvrant pregraves de la moitieacute de

cette cateacutegorie de la population (eux-mecircmes partageacutes entre Noir-africains pour 80 et Ultra-

marins notamment Antillais pour 20 dentre eux) Ensuite les Maghreacutebins constituent le

190

deuxiegraveme groupe ethnique avec entre un quart et un tiers de cet ensemble de populations issues

de limmigration Par ailleurs aussi comme sur le plan national agrave cocircteacute de ces deux grandes

cateacutegories dimmigreacutes il existe une tregraves large diversiteacute de petites cateacutegories ethniques (une

cinquantaine a eacuteteacute deacutecompteacutee aux Ulis) qui se retrouve dans diverses structures sociales

Des opeacuterations destimation permettent davancer ces reacutesultats dont la confirmation finale

pourrait se reacutealiser par le biais dune laquo enquecircte dethniciteacute raquo dans chaque quartier de la ville par

le biais drsquoun questionnaire dinterconnaissance ou dauto-deacuteclaration Cette description ethnique

semble correspondre avec les flux migratoires aux Ulis les Noirs-africains sont plus

massivement arriveacutes dans les anneacutees 1980 alors que les flux de Maghreacutebins y sont plus anciens

(avec drsquoautres cateacutegories drsquoimmigreacutes comme les Portugais notamment) Cette distinction se

retrouve dans la reacutepartition des publics selon les dispositifs sociaux sur la ville on retrouve plus

de Noirs-africains dans ceux reacuteveacutelant une plus grande fragiliteacute sociale comme les Femmes-relais

pour les relations entre populations immigreacutees et institutions ou encore lrsquoAME pour les

immigreacutes laquo sans-papiers raquo comme nous le verrons plus loin

Selon le mecircme eacutecart estimeacute par Lepoutre (1997) agrave La Courneuve entre la population eacutetrangegravere

juridiquement et la population ethnique dans le grand ensemble la population communale des

Ulis comporterait avec pregraves de 15 de population eacutetrangegravere aux Ulis en 1999 pregraves de 45 de

population ethnique par transposition du coefficient de 3 traduisant cet eacutecart Mais cette

transposition ne peut pas srsquoappliquer exactement de cette maniegravere puisque lrsquoanalyse agrave La

Courneuve porte sur le grand ensemble alors qursquoaux Ulis on aborde le sujet pour lrsquoensemble de

la ville qui est certes formeacutee par un grand ensemble fondateur mais qui a eacuteteacute penseacute avec une

part importante de logements priveacutes agrave destination des classes moyennes (pregraves de 50 ) La

proportion de population ethnique est donc neacutecessairement reacutepartie de maniegravere ineacutegale dans

lespace reacutesidentiel communal Tout comme la reacutepartition des actifs preacutecaires analyseacutee supra ougrave

il a eacuteteacute estimeacute que pregraves de 70 de la population active preacutecaire reacutesident dans le parc dhabitat

social et pregraves de 30 dans le parc priveacute Pour tester ces approximations les structures de soutien

scolaire de la ville dinsertion et daccompagnement socio-eacuteconomique ont eacuteteacute enquecircteacutees La

confrontation de leur connaissance des publics agrave cette estimation ne la contredit pas Elle en

apporte plutocirct des mises en forme consonantes

Les premiegraveres structures qui deacutetiennent pour leur compte des donneacutees laquo ethniques raquo sont celles

qui peuvent connaicirctre agrave condition de leur demander le pays de naissance ou dorigine de leur

191

publics cest-agrave-dire les parents des enfants pour le soutien scolaire ou encore les adultes

cherchant des activiteacutes culturelles agrave reacutealiser ou auxquelles assister Ces structurent adaptent et

preacuteparent mecircme souvent leurs offres en fonction des demandes et des caracteacuteristiques culturelles

dorigine des publics

Par exemple dans les commentaires accompagnant les informations fournies en 2003 agrave

lrsquoObservatoire social le Club Leacuteo Lagrange relegraveve le paradoxe de penser accueillir laquo les enfants

de tout horizon social culturel et geacuteographique [hellip] tout en recevant rarement les publics

drsquoAfrique noire raquo dans leur action daccompagnement scolaire Ils sont pourtant nombreux

comme cela apparaicirct dans les effectifs des publics drsquoune autre structure drsquoaccompagnement

scolaire de la ville lEntraide scolaire municipale de la Maison pour Tous (MPT) de

Courdimanche (nom dune reacutesidence priveacutee situeacutee agrave cocircteacute de la plus petite des concentrations de

logements sociaux de la ville dans le secteur Est Nord-est de celle-ci)

Le Club Leacuteo Lagrange est lui situeacute plus au sud de la commune que cette structure dans le centre-

ville pregraves de la mairie Cette localisation un peu plus eacuteloigneacutee des logements sociaux (secteurs

Ouest et Nord-est) et surtout son fonctionnement indeacutependant par rapport agrave la mairie et agrave ses

diffeacuterents services qui couvrent la ville expliqueraient labsence denfants noirs-africains chez

eux qui ne sont pas conduits par les services institutionnels chez eux La visibiliteacute ethnique a

permis de montrer agrave la surprise de plusieurs acteurs locaux quun certain type de population

immigreacutee nest pas pris en charge par cet organisme deacuteducation populaire Lrsquohypothegravese a eacuteteacute que

les familles noir-africaines constituent aux Ulis une vague dimmigration reacutecente et pour

beaucoup elles sen remettent en premier lieu aux services municipaux pour leurs besoins daide

et de soutien sociaux Le Club Leacuteo Lagrange recevrait des publics ayant deacutejagrave une certaine

familiariteacute avec lenvironnement local du fait dune preacutesence plus ancienne dans la commune et

en France Quoiquil en soit le tableau 16 infra preacutesente les donneacutees de ces deux structures pour

lrsquoanneacutee scolaire 2002-2003

Dautres structures de soutien scolaire existent notamment celle de la Maison pour Tous (MPT)

des Amonts centre social situeacute dans le secteur Grand Ouest la plus grande concentration de

logements sociaux de la ville (3 123 logements soit pregraves de 70 des logements du parc social

de la ville) Malheureusement cette MPT ne sest pas associeacutee agrave cette investigation ce qui na pas

permis que la structure de soutien scolaire qui y agit puisse apporter des informations de ce

caractegravere sur son public

192

Tableau 16 - Effectifs des publics des deux structures de soutien scolaire de la ville des Ulis selon les cateacutegories ethniques (anneacutee 2002-2003)

Entraide scolaire municipale de la

MPT de Courdimanche

Club Leacuteo Lagrange Total Cateacutegories dorigine ethnique

effectifs effectifs effectifs

Franccedilais meacutetropolitains 5 8 21 41 26 23

Autres origines ethniques 56 92 30 59 86 77

Noirs-africains 22 36 0 0 22 20

Maghreacutebins 16 26 13 255 29 26

Antillais 8 13 8 155 16 14

Portugais 4 65 8 155 12 105

Pakistanais 3 5 - - 3 25

Indiens - - 1 2 1 1

Espagnol 1 175 - - 1 1

Italien 1 175 - - 1 1

Turque 1 175 - - 1 1

Total eacutelegraveves reccedilus 61 100 51 100 112 100

Sources Maison pour Tous de Courdimanche Les Ulis Club Leacuteo Lagrange Les Ulis Chebroux J-B (2003) Observatoire social de la Ville des Ulis Donneacutees 2002 Mairie des Ulis Le deacutecompte des Antillais agrave lentraide scolaire de la MPT de Courdimanche sest effectueacute oralement selon la responsable entretenue par teacuteleacutephone en novembre 2003

Pour rentrer dans le deacutetail des informations fournies en 2002 sur les 112 eacutelegraveves freacutequentant les

deux premiegraveres structures de soutien scolaire pregraves de 80 (77 ) sont dorigine non

meacutetropolitaine (tableau 16) Bien sucircr lhomogeacuteneacuteiteacute ethnique des laquo Franccedilais meacutetropolitains raquo

nrsquoest jamais eacutevidente il se peut tout agrave fait que certains dentre eux aient une ascendance dorigine

eacutetrangegravere au niveau des grands-parents Ces eacuteleacutements nrsquoont pas eacuteteacute veacuterifieacutes ni controcircleacutes pour un

recensement ethnique homogegravene sur la ville car ce qui importe justement agrave ce stade cest le

processus social autonome de recensement des origines ethniques effectueacute par des structures

daction sociale elles-mecircmes en relevant le pays dorigine des parents issus de limmigration

193

On pourrait regretter un manque dune certaine preacutecision dans les cateacutegorisations notamment

dans le cas de parents laquo mixtes raquo Quoiquil en soit ce processus manifeste la volonteacute de certaines

structures de disposer de telles connaissances pour connaicirctre les diffeacuterents publics quelles

servent En comparant les deux structures on constate que la place preacutepondeacuterante occupeacutee par les

enfants noir-africains agrave la MPT de Courdimanche se trouve prise au Club Leacuteo Lagrange par les

enfants maghreacutebins qui y deviennent majoritaires avec les Antillais Le Club Leacuteo Lagrange a

introduit cette distinction ethnique plus fine avec lrsquoorigine antillaise que lrsquoon ne retrouve pas agrave

lrsquoEntraide scolaire de Courdimanche Cest la responsable de cette derniegravere structure qui a

indiqueacute que les enfants antillais sont compteacutes parmi la cateacutegorie des Franccedilais (ce qui relegraveve du

domaine juridique plus que social) ils eacutetaient 8 lrsquoanneacutee derniegravere comme ils le sont cette

anneacutee65

e 36 le sont drsquoAfrique du nord et 10 du Pakistan du Chili de

la moitieacute des populations ethniques puis

Maghreacutebins ensuite pour un peu moins dun tiers

Une autre information sur la composition interne de la population ethnique aux Ulis peut

apparaicirctre par le biais des donneacutees de lrsquoAME fournies par le CCAS dans son bilan drsquoactiviteacutes

200366 Le nombre de demandeurs de lAME a augmenteacute de 37 de 91 en 2001 agrave 121 en 2002

apregraves une hausse de 63 entre 2000 et 2001 ce qui montre que les flux migratoires se

poursuivent en partie La structure ethnique des demandeurs en 2002 est la suivante 54 sont

originaires drsquoAfrique noir

Bulgarie et des Comores

Cette structure de public est proche de celle de lrsquoEntraide scolaire ougrave preacutedominent les Noirs-

africains pour pregraves de 40 des enfants non meacutetropolitains (22 sur 56) puis les maghreacutebins pour

plus drsquoun quart (16 sur 56 enfants soit 285 ) Les autres origines ethniques (portugaise

pakistanaise espagnole turque) viennent plus loin derriegravere avec des effectifs plus faibles

Lordre des deux premiegraveres cateacutegories de groupes ethniques est convergent entre les structures

Noir-africains dabord pour une part proche de

Par ailleurs la lecture des deux bilans drsquoactiviteacutes de 2003 des deux Maisons pour Tous de la

Ville (la MPT de Courdimanche dans le secteur Est Nord-est de la ville et la MPT des Amonts

dans le secteur Grand Ouest) fait apparaicirctre une programmation et une freacutequentation

65 Entretien reacutealiseacute en novembre 2003 66 CCAS (2003) Bilan dactiviteacutes 2002 Mairie des Ulis p 19

194

ethnoculturelles des animations et des services un peu plus marqueacutees en faveur des populations

maghreacutebines On retrouve ce caractegravere dans deux types dactiviteacutes dune part les services et les

activiteacutes non speacutecifiquement ethniques (eacutecrivain public de Courdimanche alphabeacutetisation

sorties de visite des museacutees parisiens atelier theacuteacirctre ou encore apregraves-midi Santeacute) dautre part ce

qui est plus attendu les services et les activiteacutes plus ethniquement connoteacutes comme les cours

drsquoarabe les soireacutees maghreacutebines les ateliers de percussions maghreacutebines les sorties hammamhellip

Est-ce agrave dire que les Noirs-africains et les Antillais (mecircme sil y a peu de visibiliteacute chiffreacutee des

Antillais concernant les freacutequentations des centres) sont avec les groupes ethniques beaucoup

plus minoritaires moins repreacutesenteacutes en programmation et freacutequentation dans ces structures

Rien nest moins sucircr Il semble plutocirct en eacutecoutant les propos des responsables des MPT et en

examinant leurs activiteacutes que les sensibiliteacutes ethniques srsquoexpriment davantage agrave travers des

activiteacutes exclusivement centreacutees sur elles-mecircmes au deacutetriment des projets inter ou

multiculturels outils de mise en œuvre de linteacutegration des acteurs locaux Et ces manifestations

laquo mono-ethniques raquo pleacutebisciteacutees par les publics des structures drsquoanimation urbaine intriguent les

directions des MPT et les responsables administratifs et politiques de la mairie

Cependant nrsquoest-ce pas lagrave une reacuteaction de courte vue de leur part Ces manifestations

nrsquoexpriment-elles pas leur vigueur sur le champ du repli des mouvements associatifs anteacuterieurs

ceux des classes moyennes et plus modestes des Franccedilais meacutetropolitains qui eacutetaient les premiers

habitants de la ville mais qui ont maintenant investi la sphegravere politique locale ou alors quitteacute la

commune ou encore abandonneacute leurs actions au deacutetriment dune sociabiliteacute deacutepassant leacutetroit

territoire communal Par exemple la MPT des Amonts (secteur Grand Ouest le plus grand site

dhabitat social de la ville) a preacutesenteacute pour lanneacutee 2000 des statistiques de soireacutees theacutematiques

(repas danses contes etou chansons) ougrave le nombre de participants laquo ethniques raquo correspondants

agrave la culture ethnique de la soireacutee theacutematique (maghreacutebine ou noir-africaine) est cinq fois plus

importante que le nombre de participants de la soireacutee laquo chansons franccedilaises raquo il y a eu pregraves de

120 et pregraves de 130 participants pour les soireacutees laquo tunisienne raquo et laquo africaine raquo soit environ 250

participants en tout contre pregraves de 50 pour la soireacutee laquo franccedilaise raquo67 Si le directeur de cette MPT

ne preacutesente pas directement les publics des trois soireacutees comme des publics laquo ethniquement raquo

homogegravenes il preacutecise neacuteanmoins dans son rapport drsquoactiviteacutes 2001 qu laquo il est apparu que ces

manifestations ont permis lrsquoappropriation importante de tel ou tel public en fonction des origines

67 Maison Pour Tous des Amonts (2001) Rapport drsquoactiviteacute Anneacutee 2000 Mairie des Ulis

195

ethniques raquo (p14) Cette homogeacuteneacuteiteacute ethnique lui semble suffisamment marqueacutee pour laisser

entendre qursquoil souhaite la changer laquo Une meilleure information une inteacutegration de ce type de

soireacutee dans une programmation coheacuterente assureront certainement la mixiteacute des publicshellip raquo

prentissage de lrsquoarabe des groupes de femmes maghreacutebines en

et drsquointeacutegration au

(p14)

En theacuteorie linteacutegration des immigreacutes passe par des eacutetapes de communalisation (de

regroupement communautaire) aux effets identitaires reacuteconfortants souhaiteacutes par les individus

concerneacutes Les responsables locaux le constatent et souhaitent pourtant eacuteviter les tendances agrave la

communautarisation exclusive des divers groupes ethniques Nrsquoest-ce pas contradictoire ou juste

un reflet inconscient de lrsquoambivalence du pheacutenomegravene drsquointeacutegration Agrave ces deux bilans drsquoactiviteacute

des deux Maisons Pour Tous sest ajouteacute un entretien en deacutebut drsquoanneacutee avec la secreacutetaire

drsquoaccueil du Donjon structure de gestion du secteur associatif de la ville et lrsquoeacutelue de la Ville en

charge de ce secteur Leurs propos convergent avec les observations des MPT Lrsquoessoufflement

de la vie associative apparaicirct agrave travers une diminution du nombre et des activiteacutes des

associations le caractegravere ethnique ou laquo mono-culturel raquo des activiteacutes se confirme avec les

soireacutees theacutematiques lap

accompagnement social

De lrsquoautre cocircteacute eacutechoue la mise en place drsquoactiviteacutes visant lrsquointerculturel comme la Fecircte de la

musique avec des artistes heacuteteacuterogegravenes ou dautres programmes preacutesentant des reacutefeacuterences

culturelles franccedilaises et internationales en chansons et en peinture Cependant un facteur semble

concurrencer cette tendance au centrisme socioculturel des populations issues de limmigration

lrsquoappartenance communale qui transcende les appartenances drsquoorigine Le succegraves des

manifestations avec des artistes amateurs de la ville le deacutemontre Cela confirme les reacuteflexions

deacuteveloppeacutees plus haut sur lrsquointeacuterecirct drsquoune analyse des questions sociales

niveau communal plutocirct qursquoau seul niveau des quartiers infra- communaux

Degraves lors les responsables locaux ne srsquoinquiegravetent-ils pas trop rapidement sur les risques

communautaristes Le laquo centrisme socioculturel raquo apparent des populations immigreacutees ne

soppose en reacutealiteacute pas agrave la dynamique drsquointeacutegration dans la socieacuteteacute drsquoensemble ce qursquoune

certaine indiffeacuterence de leur part aux autres cultures franccedilaises et immigreacutees ne doit pas laisser

penser Leur conduite correspond agrave un stade anteacuterieur de louverture complegravete agrave la culture du

pays daccueil ils ne peuvent se comporter spontaneacutement en laquo Franccedilais meacutetropolitains raquo

196

pouvant reconnaicirctre et srsquoapproprier rapidement les œuvres savantes ou populaires de ceux-ci et

en laissant derriegravere eux les reacutefeacuterences culturelles de leur vie dans leur pays drsquoorigine

Le stade actuel de leur inteacutegration est plutocirct en lien avec la dureacutee de preacutesence en France celui

de la deacutecouverte de lenvironnement geacuteographique et physique du pays et du partage des

conditions de vie mateacuterielle et sociale du mode de vie global et normal Le succegraves des activiteacutes

de vacances en station balneacuteaire et en montagne ou encore celui des visites et des freacutequentations

de la capitale latteste Il exprime une preacutefeacuterence agrave la familiarisation progressive avec le cadre

culiegravere des menaces

trent le type de tensions provenant de la gestion de locaux utiles aux besoins

Ukrainiens et Bulgares pour les Europeacuteens de lEst Turques

environnemental de la socieacuteteacute drsquoaccueil Ainsi lattachement agrave leurs activiteacutes identitaires reacutevegravele

leur besoin de maintenir et dentretenir leur culture drsquoorigine

Par ailleurs linteacutegration est un processus non deacutenueacute de tensions pouvant eacuteclater en conflits avec

lenvironnement des populations immigreacutees Dans ce sens la Ville a rapporteacute des comportements

agressifs de la part de certains membres de groupes antillais et noir-africains Le service des

associations a subi de maniegravere marginale mais marqueacutee lrsquoagressiviteacute de trois associations au

deacutebut de lrsquoanneacutee 2001 Ces associations auraient eacutemis pour leur activiteacute parti

et des violences verbales agrave lrsquooccasion de demandes de locaux pour se regrouper

indeacutependamment des regravegles habituelles dattribution des salles municipales

Drsquoautre part certains groupes de jeunes issus de lrsquoimmigration pour lrsquoessentiel laquo rappers raquo ou

non auraient aussi manifesteacute des comportements agressifs envers les institutions locales afin

drsquoutiliser sans consideacuteration des regravegles institutionnelles les moyens mateacuteriels de la mairie

Assureacutement ces constats rapporteacutes par un agent drsquoaccueil son chef du service associatif et une

eacutelue du secteur mon

leacutegitimes de regroupement communautaire et drsquoactiviteacutes culturelles de certains immigreacutes et de

leurs descendants

Au passage recenser exhaustivement les diffeacuterentes identiteacutes ethniques qui coexistent sur un

territoire neacutecessiterait une enquecircte aupregraves des diffeacuterents acteurs dinteacutegration et danimation sur la

ville Car aucun dentre eux ne semble connaicirctre lensemble de celles-ci En effet de multiples

cateacutegories ethniques apparaissent dans divers publics Elles sont issues des diverses zones de la

planegravete ce qui accentue le caractegravere cosmopolite de la ville Vietnamiens Laosiens

Cambodgiens Coreacuteens Chinois Taiumlwanais Japonais pour les Asiatiques Allemands et

Eacutecossais pour les ouest-europeacuteens

197

et Syriens pour le Proche-Orient et le Moyen-Orient Indiens pour le sud de lAsie Breacutesiliens et

Chiliens pour lAmeacuterique du sud

De ces diverses informations sur les populations ethniques comment a-t-on estimeacute un volume

global approximatif dans lensemble de la population communale Les populations ethniques

qui freacutequentent les soireacutees festives des MPT sont pregraves de cinq fois plus nombreuses que les

Franccedilais meacutetropolitains (250 contre 50) Les enfants qui suivent le soutien scolaire de deux

structures importantes de la ville (MPT Courdimanche et Club Leacuteo Lagrange) sont agrave 23 des

Franccedilais meacutetropolitains (26 sur 112) soit pregraves de 80 sont dorigine immigreacutee crsquoest-agrave dire pregraves

de quatre fois plus que les Franccedilais meacutetropolitains Lrsquoestimation approximative de la population

ethnique globale a pu seacutetablir par transposition de ces proportions releveacutees que lrsquoon retrouve

nationaliteacute CEE ou Hors CEE Cependant ces structures peuvent commenter des

la valeur de lrsquoestimation de Didier Lepoutre (1997) agrave la

Courneuve il srsquoagissait drsquoobtenir aupregraves des responsables de structures dinsertion une

ailleurs dans drsquoautres structures drsquoaccueil de populations locales comme celles de linsertion et

de lemploi

En effet les structures drsquoinsertion sociale et professionnelle (le Plan local dinsertion par

leacuteconomique PLIE le Reacuteseau local dappui aux beacuteneacuteficiaires du RMI du Conseil geacuteneacuteral

lrsquoAgence locale pour lemploi ALE) deacutecrivent neacutecessairement leurs publics tregraves

sommairement en fonction de la nationaliteacute et de lrsquoappartenance agrave lespace europeacuteen Franccedilais68

approximations de donneacutees ethniques en estimant parmi les Franccedilais la part de ceux qui sont

drsquoorigine eacutetrangegravere ou immigreacutee (eacutevaluation par connaissance du caractegravere ethnique du public)

Le dispositif PLIE des Ulis pour commencer comptait 640 beacuteneacuteficiaires daction dinsertion

190 soit pregraves de 30 eacutetait eacutetrangers hors CEE Pour lrsquoestimation de la part de cateacutegorie

ethnique qui pouvait en faire partie lrsquoapplication du coefficient multiplicateur laquo ethnique raquo de

25 produit un taux de pregraves 75 de beacuteneacuteficiaires de ces actions Ce coefficient a eacuteteacute fixeacute agrave cette

valeur (25) un peu au-dessous de

appreacuteciation spontaneacutee de ces estimations en eacutevitant des valeurs extrecircmes quils ne

constateraient pas dans leur activiteacute

68 CEE Communauteacute eacuteconomique europeacuteenne Ce sigle provient drsquoune deacutenomination drsquoune ancienne composante de lrsquoUnion europeacuteenne remplaceacutee par la Communauteacute europeacuteenne la CE en 1993

198

Le directeur du PLIE na pas pu par exemple contredire ce taux approximatif sans pour autant

pouvoir ecirctre preacutecis agrave ce sujet Il deacuteclara lors dun entretien teacuteleacutephonique laquo Nous disposons

les 401 dentre

sa connaissance du public

Lopeacuteration a eacuteteacute la mecircme pour les chocircmeurs de longue dureacutee enregistreacutes par lrsquoALE et pris en

que pregraves de 80 des 25 dactifs preacutecaires sont

ous les cas de liens avec une origine ethnique

simplement de 3 cateacutegories (de nationaliteacute) France CEE Autres (hellip) Cependant les personnes

de nationaliteacute franccedilaise sont pour une certaine part issues de lrsquoimmigration sans qursquoon puisse

lrsquoeacutevaluer plus preacuteciseacutement raquo En effet le PLIE nest pas doteacute doutils permettant de mesurer ce

type dindice

Ensuite le Reacuteseau local dappui (RLA) du Conseil geacuteneacuteral de lEssonne concernant la politique

aupregraves des beacuteneacuteficiaires du RMI Ils eacutetaient en 2000 pregraves de 33 (329 ) sur

eux agrave ecirctre de nationaliteacute autre que franccedilaise et de la communauteacute europeacuteenne Lapplication du

coefficient laquo ethnique raquo de 25 apporte un taux de 82 soit pregraves de 45egraveme des beacuteneacuteficiaires du

RMI qui seraient dorigine ethnique Le RLA en relation avec lobservatoire social na pas

contesteacute cette eacutevaluation approximative sur la base de

charge par le PLIE 104 eacutetrangers hors CEE sur 283 en 2000 soit une part de 367

permettent destimer une part de 92 agrave peu pregraves parmi eux de personnes dorigine immigreacutee de

leacutetranger ou doutre-mer (en multipliant 367 x 25)

Globalement en appliquant aux trois types de publics drsquoactifs preacutecaires ce coefficient de 25 les

laquo actifs ethniques raquo sont estimeacutes agrave environ 80 des actifs preacutecaires de la ville Dans la partie

preacuteceacutedente sur leacutevaluation des actifs preacutecaires de la ville leur part eacutetait de 25 agrave peu pregraves Par

deacuteduction il est alors possible deacutetablir

dorigine immigreacutee Ce qui repreacutesenterait une population active ethnique de pregraves de 20 Pour

la population globale actifs et non actifs compris le recensement de lrsquoensemble de la population

en 1999 indique que 148 des Ulissiens sont eacutetrangers et que 25 sont neacutes soit agrave leacutetranger

(21 ) soit dans les DOM-TOM (4 )

Si lrsquoon applique au taux drsquoeacutetrangers le coefficient de 3 ressortant de lrsquoenquecircte de Didier Lepoutre

(1997) cela donnerait pregraves 45 de population ethnique parmi lensemble de la population totale

Cette valeur approximative peut ecirctre leacutegegraverement excessive puisque le parc total de logements de

la commune nrsquoest pas uniquement composeacute de logements sociaux ougrave reacutesident (50 ) ougrave reacutesident

les plus preacutecaires (la population totale des logements sociaux ne repreacutesente drsquoailleurs que 60

de la population communale) Cependant les 25 de personnes neacutees agrave lrsquoeacutetranger ou dans les

DOM-TOM ne couvrent certainement pas t

199

apparente il faut aussi prendre en compte ceux neacutes en France drsquoun ou de deux parents neacutes agrave

lrsquoeacutetranger Ainsi sans pouvoir reacutealiser plus en avant des investigations agrave ce sujet lhypothegravese de

reacutesultat la plus valable se tiendrait entre un tiers et 45 de la population communale qui serait

dorigine ethnique et peut-ecirctre pregraves de 40

Ce reacutesultat hypotheacutetique souffre dune veacuterification empirique plus avanceacutee Toutefois il apporte

par les diffeacuterentes donneacutees utiliseacutees une connaissance suffisante qui confirme lideacutee de leffet

dethnicisation de lespace local produit par la releacutegation des plus pauvres drsquoorigine immigreacutee

dans lhabitat social de la ville Au sujet de la deacutegradation des rapports entre autochtones et

e (quelques rares cas concernent 3 eacutepouses ou plus) car la

dictions avec les principes juridiques geacuteneacuteraux

dans lrsquoespace domestique et les relations entre elles et avec leur mari difficulteacute drsquoappropriation

immigreacutes nous avons vu que les conditions drsquohabitat et drsquoexistence sont deacuteterminantes dans les

relations de voisinage Parmi ces conditions il y a le niveau de vie des immigreacutes regroupeacutes qui

sil est pauvre risque dinfluer sur la gestion de leur habitat qui constitue une partie de

lenvironnement de la ville Ce point est agrave lorigine des tensions interethniques et de la

deacutepreacuteciation de la qualiteacute de lespace concerneacute (Wieviorka Martucelli 1990)

Parmi les comportements qui influent sur les rapports de voisinage et les repreacutesentations

sociales se trouvent les pratiques polygamiques qui concernent quelques familles immigreacutees

une quinzaine aux Ulis au deacutebut des anneacutees 2000 selon le service Politique de la ville de la

mairie Cette situation familiale pegravese en plus sur les conditions de vie des familles avec leurs

enfants ce qui ne favorise pas leur inteacutegration (Fainzang Journet 1989) Dans son

fonctionnement la polygamie est couramment une double (dans trois quarts des cas) voire une

triple (pour le quart restant) monogami

vie quotidienne est cloisonneacutee entre les couples formeacutes par le mari et chacune des

coeacutepouses pour couper tout moyen pour une femme de srsquoimmiscer dans les affaires des autres

couples Les hommes cumulent donc deux ou trois relations de couples alors que les femmes

vivent des monogamies seacutequentielles en se partageant un mari dans le temps et en consideacuterant

leur relation conjugale comme agrave part

Le droit a rappeleacute lrsquointerdiction de cette pratique en France notamment pour les ressortissants

eacutetrangers en 1993 avec obligation de deacutemembrement (progressif) pour les personnes concerneacutees

(Bourdelois 1993) En dehors des contra

concernant les droits et liberteacutes individuelles notamment des femmes des aspects sociaux et

culturels justifient cette interdiction Drsquoabord les coeacutepouses concerneacutees vivent une tension forte

200

de lrsquoespace inteacuterieur promiscuiteacute et aussi isolement et deacutependance financiegravere agrave leur mari ce

qui exacerbe leurs rapports de concurrence

Beaucoup de femmes concerneacutees ont deacutenonceacute leur situation qui leur est faite imposition drsquoune

seconde eacutepouse empecircchement de lrsquoaccegraves libre agrave lrsquoinformation sur le controcircle des naissances ou

aux moyens contraceptifs Elles se retrouvent dans un systegraveme qui ne favorise ni leur

participation agrave la socieacuteteacute exteacuterieure ni leur autonomie En outre ce mode de vie favorise la

nataliteacute au sein de la famille mais aussi engendre souvent une deacutegradation des relations entre

tilisation trop intensive problegravemes de

ictions de la polygamie et lrsquoobligation de sa sortie pour les familles

enfants et conjointes Les enfants nombreux sont trop souvent livreacutes agrave eux-mecircmes car peu

suivis par le seul mari et ont des difficulteacutes agrave suivre une scolariteacute normale du fait du

surpeuplement des logements et du manque de suivi scolaire par les parents ignorant ou

meacuteconnaissant les valeurs les normes et les codes du systegraveme eacuteducatif familial

Dans le domaine du logement les meacutenages polygames se heurtent agrave des problegravemes graves lieacutes

essentiellement agrave lrsquoinsuffisance de logements sociaux assez grands pour reacutepondre agrave la taille hors

norme des familles Les problegravemes de la sur-occupation des logements se cumulent avec drsquoautres

problegravemes sociaux ce qui les renforce promiscuiteacute peu favorable agrave lrsquoeacutepanouissement des

enfants notamment scolaire et aussi psychologique deacutegradation geacuteneacuterale et rapide des

eacutequipements et des eacuteleacutements de confort agrave cause drsquoune u

voisinage susciteacutes par lrsquoutilisation tout aussi intensive des parties communes de logements

collectifs En conseacutequence face agrave la forte reacuteticence de nombreux bailleurs un grand nombre de

ces familles est compartimenteacute dans la fraction la plus deacutegradeacutee du parc ce qui accentue leurs

risques drsquoexposition agrave lrsquoinsalubriteacute pour leurs membres

De plus dans le contexte leacutegal drsquointerdiction de la polygamie depuis 199369 il nrsquoest pas rare que

soient substitueacutes les papiers drsquoune eacutepouse agrave lrsquoautre ce qui peut conduire agrave des difficulteacutes de

prise en charge meacutedicale et donc agrave des problegravemes de santeacute et drsquoidentiteacute Enfin il convient de

rappeler que les interd

polygames accompagneacutee de mesures sociales drsquoaccompagnement drsquoaide et de soutien agrave ce

processus apportent un appui certainement salutaire agrave un processus qui se serait produit sans

lrsquoaide publique dans des conditions beaucoup plus douloureuses pour les inteacuteresseacutes et leur

environnement

69 Loi du 24 aoucirct 1993 qui modifie lrsquoordonnance du 2 novembre 1945 concernant les conditions drsquoentreacutee et de seacutejour des eacutetrangers en France en interdisant la deacutelivrance drsquoun titre de reacutesident agrave un ressortissant eacutetranger vivant en situation de polygamie

201

En outre plusieurs caracteacuteristiques sociales et culturelles de notre socieacuteteacute actuelle fragilisent les

conditions de maintien de la polygamie dans celle-ci Dabord le contexte social et sanitaire en

eacutecarte la justification sexuelle de ses partisans la frustration masculine et lrsquoempecircchement de

reproduction pendant le deacutebut de materniteacute du fait des croyances en limpossibiliteacute de relations

s financiegraveres et

e marieacute decirctre

ayant droit de celui-ci Pour les pensions de veuvage elles eacutetaient fractionneacutees entre coeacutepouses

s sur le marcheacute du travail (Baudemont 2002)

sexuelles chez les femmes pendant lallaitement Aussi la polygamie ne beacuteneacuteficie pas dun

contexte culturel favorable concernant les unions leacutecart drsquoacircge au premier mariage (femmes tregraves

jeunes hommes assez voire tregraves acircgeacutes) et le remariage systeacutematique des veuves et divorceacutees ne

sont pas les modegraveles dominants en ce domaine

En outre les possibiliteacutes multiples de divergence et dautonomisation des femmes concerneacutees

dans les espaces urbains modernes impliquent des potentialiteacutes de changement de comportement

pour elles Par ailleurs la pratique polygamique comporte de seacuterieuses limitation

mateacuterielles pour les hommes qui la souhaitent car dans les pays dorigine deacutejagrave elle symbolise

la reacuteussite sociale et la deacutetention dun capital eacuteconomique pour lentretenir Toucheacutes par la

preacutecariteacute professionnelle et la paupeacuterisation le maintien traditionnel de la pratique polygamique

engendre pour les hommes un risque daccroissement des difficulteacutes financiegraveres

Agrave ce sujet en France la seacutecuriteacute sociale navait pas pour des raisons budgeacutetaires accepteacute la

prise en charge de la maladie et de la materniteacute pour les coeacutepouses bien quen 1978 une

circulaire autorisait une deuxiegraveme femme vivant maritalement avec un homm

Enfin dernier point qui aurait plaideacute en faveur dune lente disparition probable de cette pratique

sans loi dinterdiction et deacutecret dapplication de deacutemembrement des familles polygamiques

lrsquoabsence de lobbying des institutions musulmanes franccedilaises pour cette pratique

En conclusion sur cette section concernant la population ethnique aux Ulis sa quantification

empirique a pu montrer le lien entre les personnes drsquoorigine eacutetrangegravere et leur fragiliteacute socio-

eacuteconomique Une large partie de la population preacutecaire est drsquoorigine immigreacutee et vice et versa

une large partie des populations issues de lrsquoimmigration est preacutecaire Ce qui rejoint le constat

deacutemontreacute des discriminations ethnique

indeacutependamment mecircme des qualifications des personnes surtout en peacuteriode de rareacutefaction du

travail Cela ne veut eacutevidemment pas dire que les actifs ethniques sont tous des preacutecaires

202

Certains peuvent avoir une activiteacute stable et reacuteguliegravere et relever des cateacutegories moyennes voire

supeacuterieures de la population communale

Quel sens alors attribuer agrave lrsquoaccroissement dans certaines villes de populations modestes issues

de limmigration reacutecente et exposeacutees au risque des tensions racistes et de la discrimination

ethnique neacutegative Ne rendent-elles pas manifestes la paupeacuterisation drsquoune partie plus ou moins

commune

meacutediat au pied des tours et des barres dans la deacuteviance et la

deacutelinquance Ce point est tout autant symptomatique du deacuteclassement social de la commune que

les pheacutenomegravenes de sous-moyennisation de la structure sociale de peuplement devenant

riteacute

professionnelle de paupeacuterisation drsquoune partie de sa population et drsquoimportance de la population

grande de certains de leurs espaces socio-reacutesidentiels ainsi qursquoun processus de releacutegation sociale

en cours dans ceux-ci La preacutesence drsquoune population ethnique assez importante dans la

commune est bien le reacutesultat drsquoune seacutegreacutegation socio-spatiale dans les segments dhabitat social

de la ville des actifs preacutecaires issus en grande partie de lrsquoimmigration reacutecente ultra-marine ou

eacutetrangegravere

Ainsi puisque lrsquoon connaicirct les effets potentiels de la deacutegradation des relations de voisinage lieacutee

agrave la paupeacuterisation drsquoun groupe drsquohabitants drsquoorigine immigreacutee on peut estimer que ce

pheacutenomegravene de formation drsquoun ensemble populationnel ethnique important dans la

(entre un tiers et 45 des habitants) traduit non seulement la paupeacuterisation sociale dans

lrsquoespace reacutesidentiel et communal mais contribue aussi au pheacutenomegravene de deacuteclassement ou mecircme

de deacuteclin social de la ville avec des effets probables de tensions interethniques qui srsquoy

manifestent Les pheacutenomegravenes de violence et de deacutelinquance des membres des meacutenages pauvres

dans la ville et notamment des jeunes constituent une confirmation de cette situation

La section suivante constitue le dernier axe drsquoanalyse de lrsquoespace social de la commune des

Ulis les questions drsquoinciviliteacutes de deacutelinquance et de violence voire de criminaliteacute de la part des

jeunes hommes en grande partie Ce pheacutenomegravene est lieacute au regroupement spatial de nombreuses

familles socialement fragiles aux enfants en difficulteacutes eacuteducatives et drsquoinsertion entraicircnant la

formation de bandes de jeunes en laquo galegravere raquo (Dubet Lapeyronnie 1992) srsquoinfluenccedilant dans

lrsquoespace de leur habitat im

majoritaire de son parc drsquohabitat social par des meacutenages preacutecaires drsquoeacutetendue de la preacuteca

ethnique eacutetudieacutes plus haut

203

D- Inseacutecuriteacute eacuteleveacutee de voisinage et dans lrsquoespace public violence preacutedation et drogue

En ce deacutebut des anneacutees 2000 pendant quatre anneacutees dobservation des chiffres et des

connaissances des acteurs locaux dans ce domaine les principaux constats ont eacuteteacute les suivants agrave

partir dun niveau eacuteleveacute agrave la fin des anneacutees 1990 il y a eu une baisse statistique des violences et

des atteintes les plus graves (coups et blessures volontaire homicides) mais une hausse tant

des vols divers au profit desquels la violence sest reporteacutee en partie (les vols avec violence) que

a socieacuteteacute de transport en commun Les Cars dOrsay certains eacutetablissements scolaires

un mouvement citoyen-associatif local (agrave travers son journal associatif Le Phare) les cellules de

tranquilliteacute publique de la Mission de coordination de preacutevention de la deacutelinquance de la mairie

la socieacuteteacute de m es

municipaux ainsi que deux organismes deacutetudes ayant produit un diagnostic social et une

des atteintes agrave la paix publique geacuteneacuteratrices du sentiment drsquoinseacutecuriteacute (les inciviliteacutes multiples

parfois violentes et les usages et trafics de hasch dans beaucoup despaces de la ville) En grande

partie des jeunes sont impliqueacutes formant une grande partie des mis en cause policiers ainsi que

des auteurs de troubles et de deacutesordres plus ou moins violents dans les espaces publics et

collectifs de la ville

Plusieurs donneacutees ont eacuteteacute rassembleacutees et croiseacutees celles des appareils officiels de seacutecuriteacute de

lEacutetat (laquo Eacutetat 4001 raquo de la direction deacutepartementale de la seacutecuriteacute publique et donneacutees dappels agrave

laquo Police secours-17 raquo) avec des informations issues de sources et dacteurs locaux ayant une

connaissance par leur activiteacute des tensions et des problegravemes de deacutelinquance et de seacutecuriteacute dans

la ville l

aintenance de leacuteclairage public un bailleur social des responsables de servic

enquecircte

1 La violence et les preacutedations constateacutees par la police et drsquoautres acteurs locaux

Entre 1996 et 1998 en moyenne sur les trois anneacutees le niveau de deacutelinquance de voie publique

aux Ulis est le troisiegraveme plus eacuteleveacute des villes de lEssonne selon leacutetude Villes-Avenir du Conseil

geacuteneacuteral de 1999 baseacutee sur les statistiques policiegraveres du deacutepartement70 6639 faits reacutepertorieacutes

pour 1 000 habitants derriegravere Corbeil-Essonnes (7768) et Eacutevry (7610) Depuis cette date

lobservatoire social na pu constater quune hausse continue de la deacutelinquance et de linseacutecuriteacute

70 Conseil geacuteneacuteral de lEssonne (1999) Eacutetude Villes-Avenir Mairie des Ulis

204

sur la ville par rapport agrave 1998 le nombre de faits criminels constateacutes en 2002 par la police

nationale (donneacutees de llaquo Eacutetat 4001 raquo de la direction deacutepartementale de la seacutecuriteacute publique) a

augmenteacute de 9 (2 233 faits en 2002 contre 2 052 en 1998)

En 2001 un pic de 2 355 faits est mecircme apparu soit une hausse de pregraves de 20 par rapport agrave

lanneacutee preacuteceacutedente (1 982 faits en 2000) apportant un caractegravere net agrave cette tendance croissante de

la criminaliteacute locale (suivie dune leacutegegravere baisse de 5 de 2001 agrave 2002) On peut y voir une

correacutelation avec la hausse continue de la preacutecariteacute des jeunes adultes ulissiens durant les anneacutees

1990 deacutecennie qui a particuliegraverement toucheacutee les jeunes en matiegravere demploi (Lagrange 2001)

Les manifestations de deacutelinquance et de violence concernent en fait une majeure partie des

eacutequipements et des espaces publics et priveacutes de lensemble de la ville Les preacutedations de biens

priveacutes importantes (voiture biens dans les logements) les trafics de drogues ou les actes de

violence se manifestent variablement en divers lieux de la ville mais en couvrant globalement

aux personnes (de 131 agrave 259

qui est spectaculaire si lon tient compte que les agressions ont un impact direct sur le sentiment

celle-ci complegravetement Depuis 1998 on constate que (cf tableau 17 infra) apregraves une relative

stagnation des faits constateacutes de 1998 agrave 2000 (de 2 052 agrave 1 982 faits) il y a une nette hausse de

2000 agrave 2001 (2 355 soit + 19 ) avec une leacutegegravere baisse de 2001 agrave 2002 (2 233 soit ndash 5 )

Limpression est que la situation seacutecuritaire de la ville deacutejagrave mauvaise sest donc aggraveacutee

globalement dun palier au tournant des anneacutees 2000

Dans le deacutetail le tableau 17 ci-dessous utilisant les donneacutees de la Direction deacutepartementale de la

seacutecuriteacute publique (DDSP) permet de saisir les eacutevolutions des faits de deacutelinquance et de

criminaliteacute constateacutes entre 1998 et 2002 distingueacutes par type drsquoatteintes (aux biens aux

personnes et agrave la paix publique) Les trois cateacutegories datteintes augmentent assez nettement

avec une tregraves forte hausse de pregraves du double pour les atteintes

faits + 98 ) La hausse des atteintes aux biens les plus nombreuses est de pregraves de 11 (de

1 250 agrave 1 384 faits) et celle des atteints agrave la paix publique est un peu plus importante de pregraves de

15 en passant de 498 agrave 572 faits Lrsquoaugmentation totale de ces trois cateacutegories drsquoatteintes est

de pregraves de 18 (alors que celle de tous les faits de la DDSP ie comprenant drsquoautres faits hors

de ces atteintes est moitieacute moins importante soit de pregraves de 9 )

Les eacutevolutions annuelles des faits drsquoinseacutecuriteacute ne sont pas lineacuteaires ce qui relativise la critique

de pur artefact sans inteacuterecirct des chiffres policiers de la deacutelinquance Par exemple de 2000 agrave

2001 il est constateacute une eacuteleacutevation de 335 des atteintes aux personnes (de 218 agrave 291 faits) ce

205

dinseacutecuriteacute des personnes Elles alimentent les peurs directes pour lrsquointeacutegriteacute physique des

personnes peurs qui constituent une des deux composantes du sentiment dinseacutecuriteacute la seconde

tant lensemble des preacuteoccupations sociales pour le crime et leacutevolution de la socieacuteteacute et de sa

coheacutesion qui deacutepend davantage du profil des individus de leur acircge de leur condition socio-

eacuteconom

ombre de f de lin c(de 1998 agrave 2002)

eacute

ique et de leur insertion sociale que de leur exposition reacuteelle au risque drsquoagression

(Rocheacute 1993)

Tableau 17 - N aits deacute quan e et de criminaliteacute aux Ulis selon les cateacutegories drsquoatteintes

Atteintes

1998

1999

2000

2001

2002 Evolution 1 998- 2002

Aux personnes 131 7 199 105 218 125 291 14 259 12 + 978

Aux biens 1 250 66 6 65 6 62 + 108 5 1 299 9 1 152 1 280 15 1 384

A la paix publique 498 265 391 205 396 225 515 25 572 26 + 148

Total 1 879 100 1 889 100 1 766 100 2 086 100 2 215 100 + 178

Ensemble des faits DDSP 2052 2 043 1 982 2 355 2 233 + 88

Les poids relatifs des cateacutegories drsquoatteintes sont modifieacutes en 2002 par lrsquointeacutegration de nouvelles rubriques dans celles-ci les deacutegradations et incendies de biens priveacutes et les deacutelits agrave la police des eacutetrangers pour la paix publique et les violences contre enfant et famille pour les personnes (voir deacutetail page suivante) Cet ensemble de faits comprend drsquoautres faits non inclus dans les trois grandes cateacutegories drsquoatteintes

Drsquoautre part cette mecircme anneacutee 2001 aux Ulis les atteintes agrave la paix publique montent selon un

ordre de grandeur similaire 30 (de 396 agrave 515) Alors que les atteintes aux biens nrsquoaugmentent

que de 11 Ces eacutevolutions ont une incidence sur la structure des parts relatives de chacune des

trois cateacutegories drsquoatteintes malgreacute un retrait de 11 du nombre de faits de 2001 agrave 2002 la part

relative des atteintes aux personnes parmi les autres atteintes a presque doubleacute en quatre ans (+

78 ) elle a mecircme drsquoabord doubleacute en trois ans puis a leacutegegraverement diminueacute lrsquoanneacutee suivante

(12 en 2002) Cette hausse srsquoest essentiellement faite au deacutetriment des atteintes aux biens

les atteintes agrave la paix publique ayant conserveacute leur

iveau de 26

9

dont la part est passeacutee de 665 agrave 62

n

206

Tableau 18 de deacutelinquan et de cr inaliteacute aux Ulis par cateacutegories drsquoatteintes et par rubriques (de 1998 agrave 2002)

ndash Nombre de faits ce im

Catgories drsquoatteintes 1998 1999 2000 2001 2002

Aux personnes

Homicides 2 3 0 1 3

Coups et blessures volontaires 104 44 77 81 62

Menaces 4 13 20 13

Extorsions (racket) 9 13 8 7 34

Vols avec violence 31 50 55 102 114

Mœurs (agressions atteintes) 13 18 3 9 9

Mœurs (viols) 2 3 0 5 2

Violences conjugales 17 36 31 41 50

Infractions contre la famille et lrsquoenfant 9

Aux biens

Cambriolages 121 85 143 156 146

Vols divers 295 253 255 317

Recels 10 22 9 22 410

Vols V A 217 245 157 216 155

Vols de 2 roues 50 40 34 27 25

Vols roulotte et accessoires 557 611 464 447 414

Escroquerie et abus de confiance 31 43 95 95 234

Agrave la paix publique

Trafic 1 1 1 4 0

Usage et revente 74 13 44 44 67

Deacutegradations de biens publics 22 25 24 26 20

Incendies biens publics 5 1 1 6 2

Outrages 1 14 27 41 8 44

Rebellions 2 12 21 31 1 -

Deacutegradations volontaires V A 408 294 274 336 280

Chiens soumis agrave reacuteglementation - - 4 4 -

Destructions ndashdeacutegradations de biens 132

207

priveacutes autres que V A

Incendies de biens priveacutes 11

Deacutelits agrave la police des eacutetrangers 9

Le tableau 18 supra deacutetaille ces cateacutegories drsquoatteintes par rubriques Par exemple pour les

atteintes aux personnes limpression est que la violence physique croissante entre 2000 et 2001

srsquoest reacuteduite drsquointensiteacute apregraves une forte hausse crsquoest le cas pour les laquo coups et blessures

ci selon un mode de relation particulier (Mucchielli 2007) Ces deux rubriques ont

998 des

its de violence des statistiques policiegraveres (coups et blessures volontaires vols avec violence et

s atteintes aux mœurs) Dans les transports en commun par car dailleurs la violence physique

volontaires raquo (1999-2000 +52 2000-2001 +285 2001-02 -40 ) ainsi que les

laquo viols raquo (1999-2000 de 3 agrave 0 2000-2001 de 0 agrave 5 2001-2002 5 agrave 2) Lrsquoimportante baisse

des laquo violences conjugales raquo de 2001 agrave 2002 (de 50 agrave 17 faits soit - 66 ) confirme cette

tendance

En revanche les violences verbales ou gestuelles continuent globalement drsquoaugmenter assez

fortement comme les laquo menaces raquo et laquo extorsions raquo (de 20 en tout en 2001 agrave 34 en 2002 soit +

70 ) ainsi que les atteintes aux laquo mœurs raquo autres que viols (de 9 agrave 18 +100 ) De mecircme une

hausse notable des deacutejagrave nombreux laquo vols avec violence raquo (de 102 agrave 114 faits soit + 12 )

confirme que la violence reste un moyen de plus en plus utiliseacute pour voler En outre limpression

de violence est aussi alimenteacutee par les rubriques des laquo rebellions raquo et des laquo outrages raquo dans les

atteintes agrave la paix publique empecircchant de conclure agrave une baisse de la violence aux Ulis agrave cette

peacuteriode Cette violence contre les deacutepositaires et les repreacutesentants de lordre public est en partie

lieacutee agrave ceux-

dailleurs fortement augmenteacute de 1998 agrave 2001 plus du double pour les laquo outrages raquo (+ 127 ) et

de moins de la moitieacute pour les laquo rebellions raquo (+ 476 ) De 2001 agrave 2002 alors que les

laquo outrages raquo augmentent leacutegegraverement (de 41 agrave 44 faits) le nombre de laquo rebellions raquo nest pas

renseigneacute

Ces eacutevolutions des violences physiques et verbales de 1998 agrave 2002 se trouvent confirmeacutees par

des observations dautres acteurs locaux Par exemple le tableau 19 suivant montre que

conducteurs et controcircleurs des bus de la socieacuteteacute des Cars dOrsay ndash principale socieacuteteacute du reacuteseau

local de bus agrave lrsquoeacutepoque ndash ont eacuteteacute fortement toucheacutes par les agressions physiques en 1999 et 2000

avec 13 et 11 rapports dincidents chaque anneacutee ce qui correspond agrave la remonteacutee apregraves 1

fa

le

208

agrave lencontre des personnels a bien baisseacute en 2001 (3 incidents signaleacutes) et leacutegegraverement remonteacutee

en 2002 (6 faits rapporteacutes) ce qui montre que la tension na pas connu de baisse durable

Tableau sions et deacutegrada ns touc t les bus des Cars dOrsay aux Ulis (de 1998 agrave 2002)

19 - Agres tio han

Agressions ndash deacutegradation

1998 1999 2000 2001 2002 s

Contre le personnel

13 11

8 Verbales

Physiques

- 4

6

3 7

3 6

Entre voyageurs

kets NC NC

NC Verbales

s Physique Vols - rac

NC

- - 4

0 5 -

-

Ensemble des

Lacrymogegravene

Bris de glace

Jet de projectiles

Pitt Bull

2 12 - -

1 13 - -

7 12 2 3

1 5 6 -

1 10 11

occupants du car

TOTAL 4 37 38 22 25

Source Service Interurbain des Cars drsquoOrsay

Les violences verbales contre le personnel se sont dailleurs maintenues et ont mecircme augmenteacute

6 et 3 faits signaleacutes en 1999 et 2000 contre 7 et 8 faits en 2001 et 2002 Drsquoautres chiffres de

violence ont eacuteteacute plus eacuteleveacutes encore pendant ces deux anneacutees 2000 et 2001 entre voyageurs (4

vols-rackets en 1999 5 violences physiques en 2000) et surtout agrave travers des actes laquo aveugles raquo

visant les bus globalement et leur laquo cargaison raquo 13 bris de glace et une utilisation de

lacrymogegravene en 1999 (au mecircme niveau dailleurs que 1998) et le mecircme niveau en 2000 pour les

bris de glace (12 incidents rapporteacutes agrave ce sujet) avec une forte hausse de la lacrymogegravene (7)

209

accompagneacutes de lapparition des caillassages de bus avec 2 laquo jets de projectiles raquo qui ont

augmenteacute en 2001 (6) ces derniers ont atteint un niveau tregraves eacuteleveacute en 2002 avec 11 faits

rapporteacutes

Une premiegravere prudence de lecture du tableau est de savoir si les faits dinseacutecuriteacute ci-dessus

preacutesenteacutes par la socieacuteteacute Les Cars dOrsay sont bien imputables aux Ulissiens puisque les bus

suivent des lignes interurbaines de Massy-Palaiseau aux Ulis en passant par Orsay et Gif-sur-

Yvette par exemple Il se pourrait que des auteurs drsquoinseacutecuriteacute dune commune traverseacutee par cette

ifeste des laquo actes de rebellions sont en hausse lors des controcircles de titres de

source principale des tensions avec le

ligne viennent creacuteer des troubles aux Ulis Cependant pour le responsable de la fourniture des

donneacutees de 2002 entretenu en 2003 les fraudes et les problegravemes rencontreacutes par sa socieacuteteacute de

transport se concentrent bien aux Ulis ou sont le fait dUlissiens sans aucun doute

Il indique que mecircme si les agressions contre le personnel (15 en 2002 contre 13 en 2001 avec un

pic de 19 en 1999) et contre les bus en geacuteneacuteral et les voyageurs en particulier (22 en 2002 contre

12 en 2001 et un pic de 29 en 2000) nrsquoont pas toujours eacuteteacute laquo perpeacutetreacutees sur la commune elles

concernaient malgreacute tout des Ulissiens raquo Par ailleurs une confirmation de la tendance agrave outrage

des autoriteacutes est man

transports obligeant les conducteurs agrave effectuer des deacutetournements de lignes vers le

commissariat des Ulis afin de proceacuteder agrave des veacuterifications drsquoidentiteacute ou faire face agrave des outrages

ou des violences raquo

Entre 1998 et 2002 les taux de fraude constateacutes agrave chaque opeacuteration de controcircle restent les

mecircmes aux Ulis oscillant majoritairement entre 15 et 20 avec parfois une chute agrave 5 et des

pics en soireacutee Lors de ces opeacuterations les tensions avec les publics jeunes de 12-25 ans sont les

plus vives et les reacutesistances sont particuliegraverement fortes Cette reacuteaction face aux controcircles

montre lrsquoampleur et la teacutenaciteacute de la fraude comme

personnel des Cars drsquoOrsay et des forces de lrsquoordre Car par ailleurs la socieacuteteacute ne constate pas

laquo sur le reacuteseau de tensions particuliegraveres et durables pouvant expliquer ces augmentations

drsquoagressions ou de deacutegradations de faccedilon rationnelle raquo

Ces tensions lieacutees agrave la fraude mais aussi les actes de caillassage des bus revecirctent un symbolisme

de la relation conflictuelle entre les jeunes de milieux populaires et la socieacuteteacute Azouz Begag a

deacutecrit cette logique dans un entretien paru dans Le Monde du 29 novembre 1997

laquo Symboliquement les transports collectifs urbains repreacutesentent une des ultimes liaisons de

service public qui relie sans discrimination le quartier sensible au reste de la ville Degraves lors le

210

caillassage et les violences que subissent les bus expriment un deacutesir de couper les ponts avec la

socieacuteteacute drsquoexclusion une revendication du ghetto en tant que territoire de survie Ce sont toujours

des bandes de jeunes acircgeacutes de 12 agrave 14 ans qui sont agrave lrsquoorigine des agressions Leur deacutemarche est

baseacutee sur la provocation de tous les repreacutesentants de lrsquoordre eacutetabli Pour eux agresser un bus

ce symbolique inteacuterioriseacutee par les

jeunes et instrumentaliseacutee dans leurs rapports sociaux avec le reste de la socieacuteteacute (groupes

ormale raquo car chaque anneacutee elle sinverse par rapport agrave lanneacutee

voie de la

preacutedatrice ou eacuteconomique est en forte dynamique aux Ulis en ce deacutebut de milleacutenaire

crsquoest agresser lrsquoEacutetat raquo Begag montre avec Rossini (1999) que crsquoest la distance symbolique et

non la distance physique qui seacutepare de maniegravere deacuteterminante les modes de vie des habitants des

laquo quartiers drsquoexclusion raquo de ceux du reste des villes

Cette distance symbolique est le produit de l laquo exclusion sociale et territoriale raquo qui sanctionne

le plus fortement les moins qualifieacutes dont les immigreacutes et leurs enfants peu ou pas formeacutes Ainsi

un laquo enclavement socioculturel progressif raquo sest manifesteacute dans certains quartiers par le

deacuteveloppement drsquoune culture speacutecifique Elle traduit une distan

institutions meacutedias) soit ils revendiquent le stigmate du quartier dans leur affirmation

identitaire soit ils srsquoen distancient pour leur insertion sociale

Revenons agrave lanalyse du tableau 18 concernant les statistiques de la criminaliteacute selon les

cateacutegories datteintes Pour les atteintes aux biens apregraves une hausse geacuteneacuteraliseacutee de 1998 agrave 2001

on constate de 2001 agrave 2002 un ralentissement des atteintes aux biens priveacutes importants mais les

intentions preacutedatrices restent eacuteleveacutees Il y a eu un arrecirct de la croissance des cambriolages (146

faits soit -6 de 2001 agrave 2002) qui avaient entre 1998 et 2001 augmenteacute de 29 (de 121 agrave

156) Une baisse importante des vols de voiture est aussi notable (155 faits soit - 28 ) celle-ci

sinscrit dans une eacutevolution laquo n

suivante Elle est en 2002 revenue agrave une valeur proche de 2000 (157 faits) Enfin cette derniegravere

anneacutee encore la diminution des vols de deux roues (- 2 faits) et des vols agrave la roulotte et

accessoires (-7 ) se poursuit

Comment expliquer ces baisses concomitantes Cela provient-il dune baisse de la pression

preacutedatrice ou plutocirct dun reacuteel deacuteveloppement de la seacutecuriteacute proteacutegeant les objets volables Crsquoest

plutocirct la deuxiegraveme solution puisque lrsquoon constate par ailleurs que lrsquointention preacutedatrice reste

vive avec la hausse des vols divers et des recels (+ 21 de 2001 agrave 2002) En outre la

ruse est fortement investie cette mecircme anneacutee une hausse de 146 se constate pour les faits

drsquo laquo escroquerie et dabus de confiance raquo (de 95 en 2001 agrave 243 en 2002) La deacutelinquance

211

Pour ce qui est des atteintes agrave la paix publique les croissances du deacutefi aux autoriteacutes et de la

consommation de drogue se sont poursuivies de 2001 agrave 2002 Mais une baisse du vandalisme de

biens publics et de voitures sest eacutegalement observeacutee Avec une leacutegegravere hausse de trois uniteacutes (de

41 agrave 44) les laquo outrages raquo poursuivent tout de mecircme la hausse spectaculaire des deux preacuteceacutedentes

anneacutees (+ 92 de 1999 agrave 2000 et + 52 de 2000 agrave 2001) Cest dans le domaine de la

deacutegradation de biens publics et de veacutehicules que le relacircchement est le plus net de 26 agrave 20

deacutegradations de biens publics ce qui fait passer le niveau au-dessous de celui de 1998 de mecircme

pour la baisse de 30 de deacutegradations de veacutehicules (280 faits) qui atteint le niveau de faits

rejoignant le plus bas de la peacuteriode qui eacutetait en 2000 (274 contre 408 en 1998) Enfin si aucun

fait de trafic de drogue nrsquoest releveacute en 2002 (de 4 faits en 2001 agrave 0 fait en 2002) les faits drsquousage

et de revente de drogue poursuivent leur hausse (de 67 en 2001 agrave 74 en 2002 soit + 10 ) apregraves

le bond de 52 de 2000 (44 uniteacutes) agrave 2001 (67) Ce pheacutenomegravene confirme ainsi les constats

empiriques des acteurs sur la croissance de la consommation de hasch aux Ulis qui seront

s

sociatif communal et des

reacuteunions de conseil de quartier les expressions dattente dune plus grande preacutesence action et

preacutesenteacutes plus loin

En deacutefinitive le niveau de criminaliteacute constateacute aux Ulis parmi les plus hauts des communes du

deacutepartement agrave la fin de lanneacutee 1998 a augmenteacute encore jusquen 2001 notamment dans ses

composantes de violence et de vols touchant les personnes les biens et la paix publique De

2001 agrave 2002 un fleacutechissement notable sest cependant manifesteacute sur les formes physiques de la

violence sauf pour certains vols avec violence les preacutedations de biens priveacutes important

(voitures logements) et le vandalisme mais la violence verbale et gestuelle la consommation

de drogue et les intentions preacutedatrices diverses sont resteacutees aigueumls et ont poursuivi leur hausse

La violence seacuterieuse des jeunes entre eux et envers les institutions la hausse des preacutedations ainsi

que la consommation et le trafic de drogues constituent des grandes tendances de la deacutelinquance

locale Pour les jeunes de milieux populaires et des classes moyennes preacutecariseacutees ces actes

marquent lrsquoeacutechec de leur inteacutegration dans la socieacuteteacute dougrave les comportements agressifs et de mise

agrave distance des symboles de la socieacuteteacute dans des quartiers pauvres En reacuteaction linsatisfaction de

la population locale se montre alors forte agrave travers le journal as

coordination des polices nationale et municipale ont eacuteteacute nombreuses

Par ailleurs la reacuteduction de la violence physique aux Ulis est certainement lieacutee agrave la mise en

œuvre du dispositif de police de proximiteacute agrave partir de 1999 dont la ville fut choisie site pilote

212

national tout en expliquant aussi la hausse des violences contre les laquo agents deacutepositaires de

lrsquoautoriteacute raquo indiqueacutes plus haut (eg hausse des outrages de 92 de 1999 agrave 2000 et de 52 de

2000 agrave 2001 les laquo rebellions ont augmenteacute de pregraves de 50 en trois ans de 1998 agrave 2001)

Laugmentation du nombre de laquo mis en cause raquo71 traduit cet effort de reacutepression et deacutelucidation

des infractions bien que le ratio reste encore faible de 13 mis en cause pour 100 faits en 1998

on passe agrave 22 en 2001 et 23 en 2002 Le tableau 20 suivant repreacutesente les effectifs en valeur

bsolue que repreacutesentent ces ratios annuels ainsi que les effectifs de mineurs puisque le sujet est

Mis en cause dont les mineurs aux Ulis et en France meacutetropolitaine de 1998 agrave 2002

a

souvent source de deacutebats scientifiques et sociopolitiques

Tableau 20 -

Mis en cause (MEC)

1998 1999 2000 2001 2002

Ensemble MEC 265 408 411 524 512 Mineurs 58 126 90 136 133 Mineurs ensem-ble MEC Ulis

22 31 22 26 26

Mineurs ensem-ble MEC en France meacutetropolitaine

28 27 265 27 25

Part des -18 a pop tot Ulis

28

Part des -18 a pop tot France meacutetro

22

Source DDSP Essonne Source INHES OND (2007) Rapport 2007 de lrsquoObservatoire national de la deacutelinquance Fiche theacutematique ndeg

0 laquo Les mineurs mis en cause en 2006 raquo httpwwwinhesinterieurgouvfrLe-rapport-2006-69html

1

Le tableau montre bien la forte hausse de pregraves du double des effectifs de mis en cause entre

1998 et 2001 (+ 259 soit + 97 ) suivi drsquoune stagnation leacuteger infleacutechissement lrsquoanneacutee suivante

(- 12 personnes) Pour les mineurs mis en cause (MEC) la tendance croissante est plus forte que

71 Selon le lexique de lrsquoObservatoire national de la deacutelinquance (OND) les laquo mis en cause raquo dans la statistique institutionnelle de la direction centrale de la police judiciaire (appeleacutee Eacutetat 4001) sont des personnes concerneacutees par une proceacutedure drsquoaudition par procegraves-verbal lieacutee agrave des indices attestant qursquoelle a commis ou tenteacute de commettre une ou plusieurs infractions dans le champ de la criminaliteacute cest-agrave-dire un deacutelit ou un crime Il est preacuteciseacute que lrsquoidentification ne suffit pas pour qursquoune personne soit mise en cause que les aveux ne sont pas neacutecessaires et qursquoune personne entendue comme teacutemoin mecircme gardeacutee agrave vue nrsquoentre pas dans la statistique des personnes mises en cause (httpwwwinhesinterieurgouvfrfichiersOND_Lexique_031208pdf)

213

celle de lrsquoensemble des MEC (+ 134 entre 1998 et 2001) avec un pic en 1999 (31 ) suivi en

2000 drsquoun retour au niveau de 1998 (22 ) drsquoune remonteacutee en 2001 (26 ) et drsquoune stagnation

en 2002 Cette eacutevolution est plus fluctuante que celle observeacutee au plan national qui tend plutocirct agrave

suivre une pente en leacutegegravere baisse pour aboutir en 2001 et 2002 agrave des valeurs similaires (27 et

26 ) Ainsi si lrsquoeacutevolution croissante des mineurs mis en cause est plus forte que celle de

lrsquoensemble des mis en cause leur part parmi lrsquoensemble des MEC ne paraicirct pas deacutemesureacutee par

rapport agrave celle du niveau national elle lrsquoa deacutepasseacutee en 1999 et lrsquoa rejointe en 2001-2002 Si lrsquoon

srsquoen tient agrave lrsquoaction policiegravere aux Ulis la deacutelinquance des mineurs nrsquoest pas surdeacuteveloppeacutee par

line les journeacutees dexclusion et les

ine ont plus que doubleacute (8 agrave 17) les nombres de demi-journeacutees ont

ugmenteacute tregraves fortement en mode laquo interneacute raquo (+238 ) et plus faiblement en mode hors

eacutetablissem

Tab esures disciplinair legrave U 7

rapport au niveau national

Toutefois sans disposer des chiffres ulissiens plus reacutecents on peut conclure que ce tournant des

anneacutees 2000 a bien eacuteteacute pour les mineurs des Ulis et la population drsquoensemble une peacuteriode

difficile Dans ce sens une autre source dillustration locale de la monteacutee de la violence juveacutenile

populaire pendant ces anneacutees aux Ulis apparaicirct avec les mesures agrave caractegravere disciplinaire fournies

par le collegravege des Amonts (tableau 21 ci-dessous) Cest le collegravege de la grande ZUS de la ville

Ces trois indicateurs que sont le nombre de conseil de discip

avertissements ont tous augmenteacute plutocirct fortement de lanneacutee 2000-2001 agrave lanneacutee 2001-2002 Ils

reacutevegravelent une hausse des tensions en un an au sein du collegravege

Les conseils de discipl

a

ent (+16 )

leau 21 ndash M es au col ge des Amonts des lis de 199 agrave 2002

Nombre de 1997-98 1998-99 1999-00 2000-01 2001-02

Conseils de disciplines 8 3 6 8 17

Demi-journeacutees drsquoexclusion

662 770

13 44 Interneacutee Non interneacutee

Avertissements 63 70

Source Coordination REP

214

Enfin les avertissements ont aussi augmenteacute plus faiblement de 11 Encore une fois des

chiffres traduisent au moins autant si ce nrsquoest plus lactiviteacute de la direction et des eacutequipes

peacutedagogiques et administratives du collegravege que leacutevolution propre des actes violents des

colleacutegiens Il nen reste pas moins quils montrent des difficulteacutes auxquelles sont confronteacutees ces

eacutequipes et qui les gegraverent de maniegravere disciplinaire Mais cest lexistence preacutealable de difficulteacutes

et de tensions que nous retenons comme eacuteleacutement significatif sans preacutejuger de la pertinence de la

reacuteaction scolaire qui se manifeste

Au lyceacutee des Ulis LEssouriau ce type de donneacutees na eacuteteacute rapporteacute que pour lanneacutee 2002-2003

Une telle analyse diachronique na donc pas pu ecirctre possible En revanche linformation sur

lrsquousage du cannabis a eacuteteacute fournie en terme comparatif car relevant dune perception non

consigneacutee de la part du coordonnateur du Reacuteseau deacuteducation prioritaire (REP) par rapport agrave

une peacuteriode passeacutee reacutecente la consommation a selon lui augmenteacute aux abords de leacutetablissement

elle sest stabiliseacutee agrave lrsquointeacuterieur de lrsquoeacutetablissement Cette remarque sera agrave relier avec une analyse

plus globale de la consommation de hasch aux Ulis qui est reacutealiseacutee plus bas

2 Violences et deacutesordres nombreux dans la plupart des espaces de la ville

Pour toute une seacuterie de raisons qui tiennent aux habitants et aux agents de police les donneacutees

statistiques policiegraveres reproduites plus haut ne repreacutesentent pas tous les faits drsquoinseacutecuriteacute et de

tensions veacutecus par les Ulissiens Les atteintes agrave la paix publique avec les inciviliteacutes tensions et

conflits de voisinage et les atteintes aux personnes avec les violences interpersonnelles sont en

reacutealiteacute beaucoup plus nombreuses que ce que rapportent les agents au parquet Une source

dapproche de cette reacutealiteacute peu reconnue se manifeste dans les appels au 17 de Police-secours

que peuvent diffuser sur demande les directions deacutepartementales de seacutecuriteacute publique En effet

par jour plus de six appels sur sept en moyenne sont lieacutes agrave la criminaliteacute et concernent des

atteintes aux personnes et agrave la paix publique ce que les services policiers ne relaient pas dans

une proceacutedure peacutenale

En 2001 le service drsquoappel teacuteleacutephonique de secours de la police nationale (le 17) a enregistreacute 2

916 appels parmi lesquels 2 544 soit 87 ont plus directement trait agrave la criminaliteacute (un doute

subsiste cependant sur la signification de la rubrique laquo Blesseacutes voie publique raquo preacutesenteacutee par la

215

direction de la seacutecuriteacute publique mais le relatif faible effectif de celle-ci 144 ne remet pas

fortement en cause lrsquoanalyse suivante) Les 372 appels restants sont des faits lieacutes aux accidents

de la route (soit 13 des appels) Cela fait en tout pregraves de huit appels par jour dont sept pour la

deacutelinquancecriminaliteacute et un pour les accidents

Ce volume de faits indiqueacutes par teacuteleacutephone agrave la police par les Ulissiens correspond agrave pregraves de 125

fois au volume des faits dans les statistiques officielles de la police en 2001 (2 085) On ne peut

cependant pas conclure hacirctivement que les statistiques officielles ne repreacutesentent que trois quarts

de la criminaliteacute reacuteelle puisque des meacuteconnaissances de fonctionnement du 17 subsistent

concernant le mode drsquoenregistrement le statut par rapport aux faits enregistreacutes et surtout lrsquouniteacute

ou les uniteacutes de ces chiffres srsquoagit-il toujours du nombre drsquoappels ou parfois du nombre de faits

deacutesigneacutes par plusieurs appels Quels sont les modes de deacutecompte pour les faits faisant lrsquoobjet de

plusieurs appels ou plusieurs faits deacutecrits par un appel

Ici tout comme les statistiques officielles des difficulteacutes de signification se preacutesentent avec en

plus la question du statut de ces chiffres par rapport aux donneacutees officielles un fait peut ecirctre

certainement doublement compteacute tant en appel au 17 que enregistreacute officiellement srsquoil est traiteacute

par la police et adresseacute agrave la justice Lrsquointeacuterecirct de ces chiffres reacuteside donc plutocirct dans les grandeurs

ou les tendances qursquoils preacutesentent plutocirct que dans une exactitude controcircleacutee En outre les appels

au 17 ont de ce point de vue une part de validiteacute plus nette que les statistiques officielles

puisquils ne subissent pas la deacuteformation des processus de traitement par lrsquoappareil peacutenal

(produisant une importante part de laquo classement sans suite raquo) Les statistiques du 17 sont par

conseacutequent plus repreacutesentatives du veacutecu des habitants bien qursquoil subsiste certainement encore

toute une partie de faits criminels et drsquoinseacutecuriteacute qui nrsquoest pas par lassitude ignorance ou choix

deacutelibeacutereacute drsquoanonymat indiqueacutee par les habitants aux dispositifs de seacutecuriteacute publique

Dans le tableau 22 suivant preacutesentant le nombre dappels au 17 en 2001 et les cateacutegories

datteintes dans lesquelles on peut les ranger par analogie avec les rubriques des statistiques

policiegraveres officielles il apparaicirct clairement que les atteintes aux personnes et agrave la paix publique

sont lrsquoobjet des plus nombreuses atteintes ou peurs datteintes des Ulissiens Ces donneacutees sont

tregraves reacuteveacutelatrices si lrsquoon reconnaicirct lrsquoimpact psychologique et affectif des agressions sur les

individus (Rocheacute 1993) Comparativement au tableau plus haut des faits constateacutes par la police

selon les mecircmes cateacutegories on voit que cette structure des appels au 17 est inverse agrave celle des

faits officiellement constateacutes par la DDSP

216

Ce tableau montre un eacutetat des preacuteoccupations seacutecuritaires des Ulissiens totalement inverse agrave celui

qui pourrait sembler se deacutegager des donneacutees dactiviteacute de la seacutecuriteacute publique locale La paix

publique dans les quartiers et les problegravemes de seacutecuriteacute des personnes vis-agrave-vis des agressions

physiques constituent des objets de plainte bien plus importants que les vols et les cambriolages

Dans ce sens les donneacutees des appels au 17 montrent que les statistiques officielles de la

criminaliteacute sont parcellaires et ne renseignent pas suffisamment sur les objets principaux de

crainte des citoyens

Tableau 22 - Appels au 17 et faits constateacutes par la police selon les cateacutegories datteintes aux Ulis en 2001

Cateacutegorie de faits criminels rapporteacutes au 17 Appels

en 2001

Faits constateacutes par la police en 2001 (Tableau 20)

Atteintes aux personnes (agressions rixes VAMA jets de pierre violences blesseacutes voie publique)

295 14

Atteintes aux biens (vols cambriolages) 10 615

Atteintes agrave la paix publique (perturbateurs diffeacuterends de voisinage tapages deacutegradations nuisances sonores)

605 25

TOTAL 100 100 Source DDSP VAMA Vol agrave main armeacutee

60 des faits signaleacutes du 17 concernent des troubles agrave la paix publique contre seulement un

quart des faits laquo constateacutes raquo par la police cest-agrave-dire faisant lobjet dune transmission agrave la justice

pour traitement peacutenal (tous les autres faits restant dans les mains courantes ne sont pas publieacutes)

Ce plus grand eacutecart entre donneacutees du 17 et donneacutees de faits constateacutes transforme la signification

de cette rubrique des donneacutees officielles Il reacutevegravele la faiblesse des statistiques policiegraveres de

gestion qui sont souvent un peu trop rapidement prises comme des indicateurs complets et

valides des faits criminels sur un territoire

Aux Ulis les faits de perturbation de la paix publique que reacutevegravelent plus largement les appels au

17 suivent lordre drsquoimportance suivant ils proviennent de laction d laquo individus perturbateurs raquo

en majoriteacute (agrave 43 ) puis de laquo diffeacuterends raquo (225 ) de laquo tapages raquo (175 ) de

217

laquo deacutegradations raquo (14 ) et plus faiblement de laquo bruits domestiques raquo (35 ) Ces faits

constituent des troubles de voisinage qui sont autant de difficulteacutes pour les individus agrave vivre en

harmonie avec leur environnement

Agrave titre dexemple certains bailleurs ont fourni des observations sur linseacutecuriteacute qui concordent

avec ces eacuteleacutements Logis-Transport ndash qui gegravere la reacutesidence La Chacirctaigneraie dans le secteur Est

de la ville explique en 2003 que si cette reacutesidence connaicirct une ameacutelioration laquo globale raquo de la

situation car celle-ci eacutetant jugeacutee laquo stable raquo des inciviliteacutes persistent avec les attroupements de

jeunes devant les halls et sur le perron de la loge des gardiens De mecircme pour les deacutegradations de

lrsquoeacuteclairage public aux Ulis Dans un premier temps entre 1995 et 2002 le nombre

drsquointerventions de la socieacuteteacute STPEE en charge de lrsquoentretien a baisseacute continucircment passant de 405

agrave 227 interventions par an ce qui fait une baisse de pregraves de 50 (48 ) en sept ans

Drsquoautre part avec 135 euro par intervention en 2002 contre 111 euro en 1995 la hausse du coucirct de

reacuteparation par armoire a montreacute que la graviteacute des deacutegradations srsquoest accrue (avec une forte

augmentation en 2000 plus de deux tiers en un an de 87 euro agrave 145 euro par intervention) La hausse

du prix du mateacuteriel deacutegradeacute et changeacute y est certainement en partie responsable Cependant la

pression des actes malveillants y ressort donc toujours preacutesente malgreacute une meilleure qualiteacute et

soliditeacute du mateacuteriel urbain (selon le responsable du service Technique de la ville)

Pregraves drsquoun tiers (295 ) des appels au 17 concerne des atteintes aux personnes Dans les

statistiques officielles cette rubrique preacutesente une proportion de moitieacute plus faible (14 ) Le

manque de correspondance entre dun cocircteacute lactiviteacute policiegravere et ses reacutesultats et de lautre les

attentes de protection des individus peut encore se faire questionner par cet eacutecart Les appels

pour cette cateacutegorie datteintes se reacutepartissent de la maniegravere suivante dabord des laquo violences raquo

(255 ) et des laquo agressions raquo (235 ) sans deacutetail de la diffeacuterence entre ces cateacutegories ensuite

des laquo blesseacutes de voie publique raquo (185 ) puis des laquo jets de pierre raquo (15 ) des laquo rixes raquo (10 )

et une derniegravere cateacutegorie intituleacutee laquo VAMA raquo pour Vols agrave main armeacutee (7 )

Les signalements agrave la force publique des actes de violence physique sont donc bien eacuteleveacutes

contrairement agrave lrsquooccurrence qui en faite dans les statistiques officielles Sans analyser plus en

avant les causes et raisons de cet eacutecart certainement multiples celui-ci invite ainsi agrave relativiser la

faible part de ces violences aux personnes rapporteacutee par les statistiques officielles Il sagit en tout

cas de prendre tregraves au seacuterieux ces deacuteclarations de violence vu la diminution de leur repreacutesentation

218

quantitative officielle que produit la proceacutedure statistique policiegravere alors que leur impact

psychologique sur les victimes teacutemoins ou personnes informeacutees de ceux-ci sont fortes

Enfin les atteintes aux biens ne concernent quun dixiegraveme des appels partageacutes pour moitieacute entre

laquo cambriolages raquo et laquo vols raquo Ils reacutevegravelent un eacutecart encore plus important avec les donneacutees de la

seacutecuriteacute publique que celui des atteintes agrave la paix publique mais dans un sens inverse il ne sagit

plus dun poids relatif plus eacuteleveacute que dans la structure des statistiques policiegraveres mais plutocirct

dune quasi-disparition de la victimation signaleacutee pour vols et cambriolages par rapport aux

statistiques policiegraveres dans lesquelles elle apparaicirct comme le problegraveme majeur agrave geacuterer (65 des

atteintes constateacutees) Il y a certainement ici leffet dun meacutecanisme institutionnel dans lequel la

deacuteclaration aux services de police (17 ou commissariat) de ces victimations trouve agrave sinscrire

dans une proceacutedure de deacuteclaration et de prise en charge plus structureacutee et suivie par les services

judiciaires (rapport aux assurances notamment)

Par conseacutequent sur sept appels par jour au 17 lieacutes agrave la criminaliteacute il y a environ

- quatre agrave cinq appels pour des problegravemes lieacutes agrave la paix publique dont 2 pour des

laquo individus perturbateurs raquo 1 agrave 2 pour des laquo diffeacuterends raquo 1 pour du laquo tapage raquo 1 en

alternance entre les laquo deacutegradations raquo et les laquo bruits domestiques raquo avec une occurrence

plus importante pour les laquo deacutegradations raquo

- un agrave deux appels pour des atteintes aux personnes pour laquo violences raquo ou laquo agressions raquo

en alternance reacuteguliegravere et quotidienne puis 1 pour laquo blesseacute de voie publique raquo laquo jets de

pierre raquo laquo rixes raquo ou laquo VAMA raquo en alternance plus espaceacutee

- un appel un peu moins de tous les 2 jours pour des atteintes aux biens laquo cambriolages raquo

ou laquo vols raquo en alternance reacuteguliegravere

Ces donneacutees dappel au 17 apportent une bonne information concernant leacutecart entre les besoins

de seacutecuriteacute et les activiteacutes policiegraveres que reacutevegravelent les statistiques de lEacutetat 4001 fournies par les

directions deacutepartementales de seacutecuriteacute publique Sen servir pour se deacutetourner dun usage exclusif

des donneacutees policiegraveres officielles pour linterpreacutetation des problegravemes criminels locaux est donc

neacutecessaire et permet de comprendre une des causes de la mauvaise image de la ville pouvant

aiseacutement ecirctre perccedilue comme inseacutecure pour certains habitants connaissant ces actes

219

Cela explique par conseacutequence dans un contexte de recherche de seacutecuriteacute et de tranquilliteacute de

lhabitat par les habitants des villes la mauvaise position sociale de la ville dans les

repreacutesentations sociales locales et notamment sa mauvaise reacuteputation voire sa stigmatisation Ce

critegravere de seacutecuriteacute des personnes et de tranquilliteacute dhabitat qui se trouvent ici peu assureacute

contribue au deacuteclassement symbolique de la ville vis-agrave-vis de son statut anteacuterieur et de ses

espaces voisins

En juin 2002 le journal associatif de la ville Le Phare a publieacute un numeacutero eacutevoquant les

problegravemes concernant les habitants Cet article provient du comiteacute de quartier Centre-ouest celui

de la ZUS des Ulis qui comporte le plus grand nombre de logements sociaux de la ville (70

des 4 500 logements sociaux) Les problegravemes du moment auxquels les habitants de cet espace

sont confronteacutes y sont eacutenumeacutereacutes les caddies abandonneacutes les paraboles sur les faccedilades le

stationnement sauvage des voitures et les inciviliteacutes des jeunes envers les adultes

Ces problegravemes qui ne relegravevent pas du grand banditisme illustrent deux tendances des

preacuteoccupations chez les habitants et notamment les plus vulneacuterables et sensibles au deacutesordre

urbain dabord des problegravemes relevant de lordre physique mateacuteriel et estheacutetique mecircme qui

sexpriment avec les remarques sur les caddies et les stationnements sauvages de voitures ainsi

que les paraboles fixeacutees sur les faccedilades ensuite une question dinseacutecuriteacute personnelle avec les

tensions relationnelles entre certains adultes et certains jeunes que traduit le reproche

dinciviliteacutes au quotidien de la part de certains jeunes (attroupements reacutepeacuteteacutes autour de lieux

fonctionnant comme des marcheacutes de drogues appropriation de lespace sans eacutegard agrave

lenvironnement deacutegradation et nuisances sonores)

Drsquoapregraves une femme membre du comiteacute de quartier auteure de cet article dans Le Phare intituleacute

laquo Expression de la deacutemocratie locale le comiteacute de quartier de Centre-ouest raquo cela laquo creacuteeacute un

sentiment drsquoinseacutecuriteacute drsquoautant plus difficile quand on est seul raquo Ce sentiment dimpuissance et

de vulneacuterabiliteacute de lindividu dans les grands sites dhabitat social face au trop grand nombre

dactes et de faits de deacutesordre est une nouvelle manifestation du postulat simmelien sur le lien

entre le nombre des uniteacutes sociales et lintensiteacute et la probabiliteacute des pheacutenomegravenes sociaux qui sen

deacutegagent

Ce climat drsquoinseacutecuriteacute dans la ville concerne lensemble du territoire communal avec des tensions

vives majoritairement dans les relations entre des jeunes et des adultes lieacutees agrave des deacutegradations

220

des nuisances sonores des squats des stationnements gecircnants et des eacutepaves de veacutehicules ainsi

que des trafics de drogue La Mission de coordination de la preacutevention de la deacutelinquance de la

Ville par le biais de lrsquoanimation de reacuteunions drsquohabitants et de professionnels couvrant tout le

territoire (4 Cellules de tranquilliteacute publique) indique que le sujet de la seacutecuriteacute et de la

tranquilliteacute publique (inciviliteacutes deacutegradations nuisances sonores squats deacutelinquance et trafics

divers) sont preacutedominants dans chaque zone ce qui traduit un souci de qualiteacute pour lrsquoespace

urbain son ameacutenagement et ses usages

3 Lrsquousage et la vente de drogue tregraves reacutepandus

Pour terminer sur lanalyse des problegravemes aux Ulis il reste lrsquousage de la drogue et notamment le

haschisch parmi les jeunes Tous les milieux sociaux sont concerneacutes et la proximiteacute avec les

quartiers sociaux ny est pas innocente puisque lintroduction massive du hasch en France

correspond agrave la rencontre dans les quartiers populaires et les villes dune fraction de la jeunesse

des couches moyennes vivant la laquo bohecircme raquo degraves les anneacutees 1970 et des immigreacutes du Maghreb

et notamment du Maroc qui ont deacuteveloppeacute un marcheacute dimportation pour satisfaire les envies de

consommation (Mauger Fosseacute 1977 Mauger 1994)

Aux Ulis lobservatoire social a rencontreacute un accord drsquoacteurs sur la perception de la hausse de

la consommation et le rajeunissement des consommateurs de joints en mecircme temps que se

deacuteveloppe le trafic de cette substance En revanche ils sont aussi unanimes sur la faible prise en

charge socio-sanitaire eacuteducative policiegravere et judiciaire de cette affaire Pour rappel en 2002 les

statistiques de la Seacutecuriteacute publique vues plus haut preacutesentent les donneacutees suivantes relatives agrave la

drogue en 2002 0 fait de trafic de drogue (contre 4 faits en 2001) mais les faits d laquo usage et

revente de drogue raquo poursuivent leacutegegraverement leur augmentation (+ 10 ) qui avait eacuteteacute importante

de 2000 agrave 2001 (+525 ) Cela confirme ainsi les constats empiriques de certains acteurs sur la

croissance du pheacutenomegravene de consommation aux Ulis

Le coordonnateur REP de lrsquoEacuteducation nationale dabord qui comparativement agrave une peacuteriode

passeacutee reacutecente a vu apparaicirctre cette hausse de la consommation aux abords du lyceacutee au tournant

des anneacutees 2000 (agrave lrsquointeacuterieur de lrsquoeacutetablissement la consommation existe et serait laquo stable raquo) Par

ailleurs les animateurs du service municipal de la Jeunesse ont rapporteacute les mecircmes constats et

notamment dans les quartiers Ouest et Est agrave lendroit des quartiers sociaux

221

Ces derniers ont perccedilu une augmentation importante de la consommation entre 1998 et 2002 et

le mecircme rajeunissement des consommateurs avec des colleacutegiens de plus en plus concerneacutes les

filles encore moins que les garccedilons Si les trafics ne srsquoeacutetendent pas agrave tous les quartiers de la

commune ils restent bien visibles et font les ressources de certains jeunes deacutelinquants Ces

trafics concernent plus les lyceacuteens et les jeunes sortis du systegraveme scolaire mais aussi quelques

colleacutegiens utiliseacutes comme intermeacutediaires par les plus grands En revanche ils ne constatent pas

de deacuterapage des drogues laquo douces raquo aux drogues laquo dures raquo En outre les lieux de

consommation de la ville sont connus lrsquointeacuterieur de plusieurs bacirctiments une laquo colline raquo en face

dune reacutesidence les abords deacutetablissements scolaires

Plusieurs eacutechanges informels avec deux autres acteurs de la ville confirment cet eacutetat de

geacuteneacuteralisation et de rajeunissement de la pratique ainsi qursquoune absence de mobilisation drsquoacteurs

eacuteducatifs socio-sanitaires policiers et judiciaires sur le pheacutenomegravene Drsquoabord la responsable du

centre de santeacute des Ulis elle a confirmeacute en 2002 cette augmentation et le rajeunissement des

consommateurs surtout aux abords des eacutetablissements scolaires alors que ce pheacutenomegravene est

plutocirct deacutenieacute selon elle par les eacutequipes peacutedagogiques de ces eacutetablissements Ensuite les

associations speacutecialiseacutees sur la toxicomanie en lien avec le coordonnateur de la Mission du

Conseil communal de preacutevention de la deacutelinquance de la Ville elles sont bien informeacutees de ce

pheacutenomegravene de consommation eacutetendue du hasch et ne sen eacutetonnent pas pour ce qui est des Ulis

Cette eacutevolution concerne dailleurs fortement lrsquoEssonne par son appartenance agrave la reacutegion Icircle-de-

France qui devant lrsquoAquitaine et un peu moins la Bretagne et lrsquoEst de la France est la reacutegion ougrave

la consommation du cannabis est la plus eacuteleveacutee selon lrsquoOffice franccedilais des drogues et des

toxicomanies (OFDT 2002)

En deacutefinitive cette augmentation de la consommation et de sa visibiliteacute accompagneacutee de la

hausse des trafics neacutecessaires aux approvisionnements et de la hausse du nombre des jeunes

trafiquants (jeunes scolariseacutes ou non vivants du trafic) conduisent agrave une banalisation

deacuterangeante de la drogue aux Ulis Le deacuteveloppement de son usage reacutecreacuteatif ou addictif

multiplie les opportuniteacutes pour les jeunes de le rencontrer Non seulement il favorise les

comportements de regroupement de bandes autour de consommations collectives visibles et

reacutepeacuteteacutees sur la voie publique ce qui ne facilite dailleurs pas linsertion sociale individuelle de

leurs membres mais en plus il maximise les possibiliteacutes pour les plus engageacutes dans des

trajectoires deacutelinquantes de se trouver agrave terme dans des usages pathologiques de ceux-ci

222

La conjoncture de forte preacutecariteacute professionnelle pour les jeunes en insertion qui sest deacuteveloppeacutee

dans les anneacutees 1990 en a entraicircneacute beaucoup dans une situation dindeacutetermination sociale

combinant lrsquoabsence de valorisation sociale et celle de ressources moneacutetaires neacutecessaires pour

une relative autonomie ce qui a favoriseacute une consommation intensive de cannabis (Aquatias

1999) En outre si des situations de deacutesœuvrement moral ndash lieacute agrave des situations familiales

deacuteleacutetegraveres ndash peut expliquer lintensification des pratiques de consommation de hasch des plus

jeunes pour les plus acircgeacutes en activiteacute ce sont des situations de preacutecariteacute professionnelle et des

problegravemes relationnels familiaux ou judiciaires parfois aigus qui expliquent une consommation

intense

Enfin le passage eacuteventuel de la consommation de hasch suivie de drogues dures et de la

toxicomanie srsquoinscrit davantage dans une trajectoire deacutelinquante (Cagliero Lagrange Moyses

1999) que dans les usages reacutecreacuteatifs des trajectoires dinsertion normale (eacutetudes travail) Dans

tous les cas lrsquoeffet de deacutesordre social lieacute aux attroupements reacutepeacuteteacutes et continus nombreux et

nuisibles dans plusieurs espaces de la ville ne peut quen ecirctre renforceacute ainsi que les effets

symboliques sur limage sociale de la ville plus neacutegative et repoussante deacutegradations du bacircti

du mobilier des infrastructures et de certains eacutequipements nuisances sonores inciviliteacutes et

tensions avec dautres usagers de lespace qui sen eacutecartent pour cause de menaces ou

dagressions reacuteelles

On remarquera agrave ce stade que la police nationale en charge de la reacutepression de cette eacutevolution a

bien ducirc constater laugmentation de ces pratiques autour de la drogue les faits pour usage-

revente de drogue passant de 13 agrave 74 en quatre ans de 1998 agrave 2002 Toutefois son action sur les

trafics est encore trop faible de 1 agrave 4 affaires releveacutees entre 1998 et 2001 et 0 en 2002 Au vu

des constats preacuteceacutedents sur lusage et la consommation de hasch il paraicirct pourtant plus que

vraisemblable que des sources dapprovisionnement et des circuits et marcheacutes de revente existent

aux Ulis car ils sont agrave lorigine de lopportuniteacute du deacuteveloppement de ces pratiques Par ailleurs

la limitation de la demande de hasch pour usage reacutecreacuteatif ou des autres drogues est une affaire

socio-eacuteducative que les acteurs locaux nont pas encore suffisamment prise en charge dans la

ville

223

En conclusion cette section relegraveve clairement que pendant cinq ans de 1998 agrave 2003 un

ensemble multiple de vols et dactes dinciviliteacutes pouvant user de violence verbale ou aussi se

manifester lors de tensions face aux repreacutesentants de seacutecuriteacute et de controcircle est en hausse La

baisse de la violence physique interpersonnelle (coups et blessures volontaires viols violences

conjugales) agrave partir de 2000 survient apregraves une eacutevolution croissante dans les anneacutees 1990

atteignant un niveau des plus eacuteleveacutes du deacutepartement Et la continuation de la hausse des

laquo rebellions raquo et des laquo outrages raquo reacuteveacuteleacutees par la police nationale ainsi que des violences visant

les bus globalement et leurs utilisateurs montrent aussi le deacutetournement des violences

interpersonnelles les plus graves vers les symboles de la socieacuteteacute

Des habitants reacutepartis sur lrsquoensemble de la ville expriment leur preacuteoccupation face aux

conseacutequences multiples des comportements individuels et collectifs de deacutegradations et

datteintes aux biens aux personnes et agrave la tranquilliteacute publique provenant dune partie de la

jeunesse locale La lassitude et linquieacutetude sont dautant plus vives que cette hausse de

linseacutecuriteacute locale fait suite agrave une preacuteceacutedente peacuteriode passeacutee ougrave se sont deacutejagrave deacuteveloppeacutes ces

pheacutenomegravenes de deacuteviance de violences de deacutesordre et de troubles de lespace public local (cf

eacutetude Ville-Avenir du Conseil geacuteneacuteral de 1998 sur la peacuteriode du milieu des anneacutees 1990) Il

apparaicirct en outre que le risque de remonteacutee en graviteacute des atteintes sur la ville soit reacuteelle surtout

dans les quartiers Grand Ouest et Nord-est la pression de la violence verbale et des tensions

avec les repreacutesentants de lordre reste manifeste et la demande claire de renforcement de la

coordination des actions des deux polices nationale et municipale traduit cette perception locale

de la deacutegradation potentielle

Depuis les anneacutees 1990 avec la preacutecariteacute croissante drsquoinsertion professionnelle des jeunes les

pratiques deacuteviantes et deacutelinquantes orienteacutees aussi agrave des fins eacuteconomiques se sont deacuteveloppeacutees

dans des parties de lrsquoespace communale si nombreuses et disperseacutees que le sentiment

drsquoinseacutecuriteacute semble preacutedominer non seulement dans les quartiers sociaux mais aussi dans les

autres parties de la ville ougrave figurent des eacutequipements et des espaces publics objets de pratiques

de regroupement voire drsquoappropriation ou de deacutelinquance de la part de certains jeunes Crsquoest en

ce sens que la commune dans son ensemble preacutesente une deacutegradation des relations sociales dont

la source se situe principalement dans les quartiers sociaux de la ville De par lrsquoimportance de

leur composition socio-spatiale srsquoils eacutevoluent difficilement la vie sociale dans lrsquoensemble de la

ville en est indissociablement concerneacutee

224

Il est alors constateacute lrsquoinsuffisante intervention sociale et seacutecuritaire des pouvoirs publics qui ont

minoreacute les effets sociaux en termes drsquoanomie et de tensions sociales du chocircmage de masse et

continuel ainsi que ceux de la deacutevalorisation sociale des grands ensembles ce que traduit en

partie le refus de lrsquoinstitution policiegravere en France de se deacutecentrer de ses grands axes de

criminaliteacute et drsquoordre public (Mohammed Mucchielli 2007) Dispositions qui dans lrsquoensemble

aggravent la seacutegreacutegation territoriale de ceux subissant le deacuteveloppement de la violence de la part

de ceux souvent des voisins qui sont les plus exclus de la socieacuteteacute

Lrsquoaccompagnement social des parents des jeunes (Mohammed 2007) et de ceux-ci dans la vie

sociale et eacuteconomique des agglomeacuterations (Pumain 1987) pourrait pourtant avoir des effets

autrement plus beacuteneacutefiques sur les situations sociales des zones de concentration plus eacuteleveacutee de

meacutenages pauvres et fragiles

En conclusion de cette analyse monographique lapplication aux Ulis dun principe de

construction continue de connaissances eacutevolutives et partielles sur des pheacutenomegravenes observeacutes

(Kohn 1998) agrave partir des donneacutees empiriques multiples elles aussi partielles et eacutevolutives se

croisant et senrichissant permet de produire une repreacutesentation multidimensionnelle de lrsquoespace

local En particulier une esquisse de geacuteographie de la preacutecariteacute urbaine a eacuteteacute deacutegageacutee un laquo geacuteo-

diagnostic sociologique raquo srsquoest progressivement constitueacute en constatant les manifestations de

chaque variable eacutetudieacute dans chaque uniteacute spatiale de la commune que sont les reacutesidences

drsquohabitation Pour lrsquoessentiel ce sont les uniteacutes de logements sociaux dans lesquelles srsquoobservent

des difficulteacutes sociales de toute sorte de la part des habitants Plus preacuteciseacutement en 2003 dix

reacutesidences sur un peu plus drsquoune trentaine que compte la ville avec un petit secteur pavillonnaire

au sud-est de celle-ci se retrouvent en tecircte des manifestations de multiples problegravemes

Ces reacutesidences toutes agrave vocation sociale se retrouvent dans deux principaux secteurs

geacuteographiques de la ville de la partie habitation de la commune lrsquoOuest (avec les reacutesidences

Les Hautes Bergegraveres Les Hautes Plaines La Dauniegravere Les Avelines Les Amonts Le Bosquet

et le foyer Sonacotra) et le secteur Nord-est (La Chacirctaigneraie Chanteraine et Le Barceleau)

Ils constituent en partie pour le premier la ZUS de la ville et pour le second le deuxiegraveme

secteur prioritaire de la politique de la ville inscrit dans le Contrat urbain de coheacutesion sociale Il

225

existe donc bien une distribution deacuteseacutequilibreacutee dans lespace des manifestations les plus

nombreuses et aigueumls des difficulteacutes sociales

Sur un moyen terme de pregraves de quatre ans voire plus si lrsquoon considegravere les donneacutees relatives agrave

lrsquoanteacuterioriteacute des situations observeacutees de certaines reacutesidences une certaine stabiliteacute srsquoobserve de

la marginalisation sociale dans certaines reacutesidences parfois indeacutependamment de lrsquoeacutevolution de

certains autres problegravemes et de leur intensiteacute repeacuterable selon les indicateurs identifieacutes (nombre

de beacuteneacuteficiaires du RMI de meacutenages en impayeacutes de loyers tensions de voisinagehellip)

Cependant plusieurs pheacutenomegravenes preacutecis significatifs drsquoune deacutegradation des conditions

drsquoexistence et en partie du malaise des quartiers sociaux se manifestent aussi dans drsquoautres

reacutesidences et secteurs drsquohabitat non seulement social mais aussi priveacute par exemple la

reacutepartition des chocircmeurs et des demandeurs demploi de cateacutegorie 6 (dont 30 drsquoentre eux se

situent dans le parc priveacute de logements) les problegravemes de deacutelinquance ou encore les difficulteacutes

financiegraveres concernant lalimentation (impayeacutes de cantine scolaire eacutepicerie sociale)

Ainsi le processus de sous-moyennisation de la structure sociale de la population et le

deacuteclassement correacutelatif de sa structure urbaine ne se sont pas reacutealiseacutes sans heurts et sans effets

sociaux probleacutematiques la forme dune question sociale locale a eacutemergeacute et constitue un enjeu

pour les politiques publiques et sociales locales Du cocircteacute des groupes sociaux moyens et

supeacuterieurs resteacutes dans la commune tant dans les immeubles sociaux que dans les autres

quartiers dimmeubles priveacutes de la ville crsquoest un enjeu de coexistence de relations sociales

locales voire de cocirctoiement dans lhabitat et les espaces publics (Bordreuil 2000) qui srsquoest

affirmeacute

Ils rencontrent des problegravemes de seacutecuriteacute et de tranquilliteacute publique face aux personnes et aux

groupes paupeacuteriseacutes et deacutesocialiseacutes pour certains victimes heacuteteacuterogegravenes de lrsquoexclusion du travail

et de la preacutecariteacute sociale Car il est un fait que chacun doit laquo se situer par rapport raquo agrave ce que

repreacutesente pour eux socialement les quartiers sociaux de la ville et leurs habitants les plus

fragiles exclus et marginaliseacutes qui circulent et freacutequentent celle-ci (Bourdin Lefeuvre 2002)

Finalement cette analyse monographique rapporte lrsquoobjet de la recherche aux laquo grands

ensembles drsquohabitation raquo qui constituent le cadre principal de manifestation des pheacutenomegravenes

eacutetudieacutes Un tel type spatial dans une commune polarise non seulement lattention sur les

problegravemes sociaux quil recouvre par lrsquoampleur de ceux-ci mais eacutegalement les comportements

226

227

de tous les habitants en son sein et proche de celui-ci et particuliegraverement ceux de la commune

puisquelle est la premiegravere entiteacute collective de responsabiliteacute politique qui la laquo supporte raquo Les

habitants de lrsquoensemble de la ville du grand ensemble de son grand segment social ou encore

ceux en dehors de celui-ci vivent au quotidien dans les espaces publics et collectifs de la

commune avec les eacuteveacutenements et les comportements relatifs aux problegravemes sociaux

qursquoengendre la cohabitation avec des familles en difficulteacutes eacuteconomiques et sociales tensions de

voisinages comportements deacutepressifs violences intrafamiliales deacutelinquance des jeuneshellip

Toutes les dimensions symboliques et sociales des quartiers les plus probleacutematiques de la zone

dhabitat de la ville impriment la majeure partie des eacutevolutions sociales de la commune toute

entiegravere Agrave ce stade la recherche peut donc avancer de maniegravere plus assureacutee vers la

conceptualisation du sens global et des causes principales de la dynamique sociale observeacutee aux

Ulis depuis sa creacuteation jusqursquoau deacutebut des anneacutees 2000 le deacuteclin social urbain deacutecrit dans la

probleacutematique dont les traits peuvent se deacuterouler sous divers aspects relativement aux

caracteacuteristiques des sites sur lesquels il se manifeste

Pour conforter cette analyse visant agrave croiser les reacuteflexions entre lrsquoeacutevolution des laquo quartier-

ghettos raquo et leurs manifestations sociales au niveau des communes drsquoappartenance la partie

suivante preacutesente une comparaison de la situation des Ulis avec six autres communes aux

caracteacuteristiques agrave la fois similaires et varieacutees Elle singularise le rocircle deacuteterminant des grands

ensembles dans le deacuteclin des communes lorsqursquoils sont la partie principale voire exclusive de la

composition du tissu urbain malgreacute des histoires des profils sociaux et des environnements

distincts et ce dans diffeacuterentes reacutegions de France

228

Deuxiegraveme Partie

Des villes de grands ensembles en milieu rural et

peacuteriurbain des situations sociales neacutegatives

Cette partie preacutesente la deacutemarche de caracteacuterisation des situations et des eacutevolutions des

communes partageant la mecircme morphologie immobiliegravere que Les Ulis agrave savoir le caractegravere de

laquo grand ensemble raquo drsquohabitat reacuteunissant logements priveacutes et sociaux lieacute agrave lrsquourbanisme des anneacutees

1950 agrave 1970 Lrsquoeacutetape permet par la suite (cf troisiegraveme partie suivante) drsquoaborder lrsquoanalyse de ces

reacutesultats en termes interpreacutetatifs et explicatifs Il srsquoagit ici drsquoobserver si ces communes

preacutesentent comme les Ulis une eacutevolution marqueacutee par des modifications de structure sociale et le

deacuteveloppement de difficulteacutes et de tensions sociales multiples (preacutecarisation paupeacuterisation

fragilisation sanitaire deacuteveloppement de la violence deacutelinquance) Agrave la diffeacuterence de la

monographie reacutealiseacutee sur Les Ulis lrsquoanalyse sera centreacutee sur un nombre de traits plus restreints

consideacutereacutes comme significatifs vis-agrave-vis de la recherche

Quels ont eacuteteacute les principes drsquoeacutechantillonnage de communes pour cette analyse comparative

Historiquement parmi les productions engendreacutees par lrsquourbanisme fonctionnaliste il y a drsquoabord

eu la creacuteation de quartiers agrave lrsquointeacuterieur et en peacuteripheacuterie des grandes et moyennes villes anciennes

qui agrave lrsquoimage drsquoAix-en-Provence dans les anneacutees 1950 (Lefebvre 1960) a deacutejagrave contribueacute agrave

accentuer la seacutegreacutegation socio-spatiale par lrsquoeffet de la stratification sociale pousseacutee de lrsquoespace

urbain des groupes drsquoimmeubles habitation toujours plus grands ont eacuteteacute installeacutes seacutepareacutes les

uns des autres et fortement diffeacuterencieacutes sur le plan eacuteconomique et de la qualiteacute des

constructions en raison de lrsquointervention de constructeurs varieacutes pour des publics de niveau

social diffeacuterencieacute La dilution de la classe ouvriegravere hors des quartiers populaires socialement

deacutefinis vers des immeubles de cateacutegorie supeacuterieure atteacutenua alors cette organisation urbaine

Dans le mouvement drsquourbanisation du territoire apregraves la Seconde Guerre mondiale il y a eu aussi

lrsquoapparition de laquo villes nouvelles raquo censeacutees ecirctre eacutequipeacutees agrave dessein loin des centres urbains

anciens agrave 20 ou 30 km en moyenne en raison drsquoabord de lrsquoimplantation drsquoindustries diverses qui

229

neacutecessitaient un ameacutenagement du territoire adapteacute (Fourcaut 2002) Ce type drsquourbanisme a eacuteteacute

mis en œuvre par une filiegravere encadreacutee par les organismes eacutetatiques Il est inteacuteressant agrave eacutetudier

puisqursquoil semble plus facile drsquoy mettre en relation des observations ou des donneacutees urbaines et

sociales avec les formes urbaines afin drsquoeacutetudier leurs relations eacuteventuelles tout en nrsquoeacutecartant pas

a priori le rocircle potentiel de la distance aux villes notamment en termes de ressources

eacuteconomiques et sociales pour les habitants et de leurs accegraves aux services urbains Il faut se

garder de penser que la distance eacutequivaut agrave un isolat dans un espace rural preacutedominant Bien au

contraire le territoire portant des voies de circulation meacutelange habitat individuel ou petites

uniteacutes drsquohabitat et drsquoactiviteacutes agricoles bourgs villages voire petites villes En ce sens les

grands ensembles ont le plus souvent servi agrave densifier les peacuteripheacuteries des grandes zones urbaines

en accompagnant lrsquoexternalisation des activiteacutes dans lrsquooptique drsquoapporter des icirclots drsquo laquo urbaniteacute

intermeacutediaire raquo

Les communes eacutechantillonneacutees relegravevent de ce type de production tout en repreacutesentant

eacutevidemment une varieacuteteacute de situations puisqursquoaucun contexte territorial et aucune configuration

de construction ne sont assimilables agrave drsquoautres La seacutelection a eacuteteacute effectueacutee sur la base de listes

de reacutealisation dresseacutees dans les ouvrages ou documents historiques en fonction des critegraveres de

proximiteacute avec le cas ulissien Avec six communes retenues situeacutees en divers points du territoire

national la question est de savoir si leurs diffeacuterences ont eu un effet dans la vie au sein des

grands ensembles ou plutocirct si agrave lrsquoinverse les grands ensembles selon leurs caracteacuteristiques

(taille forme ameacutenagement ou relation avec le tissu preacuteexistant) ont engendreacute des modifications

sociales et urbaines dans les espaces concerneacutes Y-a-t-il des effets partiels ou totaux

observables Drsquoune certaine maniegravere et non sans ironie peut-on constater lrsquoobjectif de laquo table

rase raquo du projet drsquoarchitecture et drsquourbanisme moderne visant agrave eacuteliminer les deacutesagreacutements

supposeacutes de la ville (promiscuiteacute insalubriteacute pollution deacutecadence moralehellip) par la disparition

de ses formes traditionnelles

Les deux chapitres de cette partie abordent dans un premier temps lrsquohistoire de la formation de

ces communes de grands ensembles en milieu rural et peacuteriurbain puis dans un second temps la

comparaison de leurs situations sociales selon des donneacutees les plus reacutecentes de la deuxiegraveme

moitieacute des anneacutees 2000 Elles montrent une similitude avec de fortes diffeacuterences parfois sur

certains aspects tenant agrave leur speacutecificiteacute contextuelle Globalement un mecircme pheacutenomegravene de

deacutegradation des conditions de vie et des rapports sociaux locaux srsquoobserve

230

Chapitre V

Des grands ensembles diffeacuterents dans des contextes spatiaux varieacutes

Comment se preacutesente notre eacutechantillon Il comporte six communes de contexte et de situation

sociale diffeacuterents avant la construction des grands ensembles drsquoun cocircteacute lrsquoabsence quasi totale

drsquoimmeubles drsquohabitation et drsquohabitants comme aux Ulis et de lrsquoautre cocircteacute une petite

agglomeacuteration preacuteexistante Trois communes ont eacuteteacute eacutetablies sur des espaces tregraves faiblement

habiteacutes en 1946 crsquoest-agrave-dire comportant moins de 1 000 habitants et ce depuis au moins 160 ans

selon les donneacutees deacutemographiques exploitant les recensements de population le plus loin dans le

temps passeacute (cf infra) Fareacutebersviller (536 habitants en 1946) et Behren-legraves-Forbach (429) en

Moselle dans lrsquoEst de la France ainsi que Mourenx dans les Pyreacuteneacutees-Atlantiques dans le Sud

(215)

Crsquoest ce village qursquoHenri Lefebvre (19681970 Paquot 2009 Delceux Hess 2009) a vu se

transformer en petite ville construite avec de grands immeubles et agrave partir duquel il a eacutechafaudeacute

la premiegravere critique approfondie sur le caractegravere non urbain de ses formes leur contresens

historique et leurs effets deacutestructurants pour les individus puisque deacutepourvues de potentiel de

sociabiliteacute qui caracteacuterise la ville Les grands ensembles de ces trois communes choisies ont eacuteteacute

construits selon le mecircme mode drsquoameacutenagement que Les Ulis hors des grands centres urbains en

creacuteant une zone urbaine nouvelle ou en faisant passer le territoire drsquoun petit bourg agrave une ville de

taille petite ou moyenne

Deux autres entiteacutes plus volumineuses en 1946 que les preacuteceacutedentes sont incluses dans

lrsquoeacutechantillon Bagnols-sur-Cegraveze dans le Gard et Pierrelatte dans la Drocircme Agrave la date de ce

recensement de population drsquoapregraves-guerre elles sont pregraves de dix fois plus grandes que les

premiegraveres avec lrsquoune deux fois plus importante que lrsquoautre Une premiegravere explication en est que

agrave partir drsquoun bourg rural au Moyen-acircge ces agglomeacuterations se sont deacuteveloppeacutees dans le long

temps de maniegravere leacutegegraverement croissante sur le plan deacutemographique au moins pendant la

derniegravere peacuteriode de 160 ans dont les recensements sont disponibles Bagnols-sur-Cegraveze comptait

deacutejagrave 4 800 habitants en 1793 et 5 216 en 1946 agrave Pierrelatte il en eacutetait deacutenombreacute 2 789 en 1793

et 3 237 en 1946 Cet essor continu est ducirc agrave lrsquoinstallation de premiegraveres industries au XIXe siegravecle

Enfin une troisiegraveme cateacutegorie de territoires drsquoimplantation drsquoun grand ensemble est repreacutesenteacutee

par une sixiegraveme commune situeacutee dans le Rhocircne dans la peacuteripheacuterie lyonnaise Rillieux-la-Pape

231

Sa particulariteacute est que depuis la fin du XVIIIe siegravecle elle eacutetait en deacuteclin deacutemographique

tendanciel jusque dans les anneacutees 1920 passant de 2 789 habitants en 1793 agrave 1 684 en 1921

Cependant lrsquoagglomeacuteration a repris de la croissance dans la deacutecennie 1920 (3 185 habitants en

1931 sans prendre en compte la scission en deux communes intervenue en 1927) Agrave la fin de la

Seconde Guerre mondiale en 1946 lrsquoagglomeacuteration preacutesente 3 716 habitants soit un niveau la

situant entre Pierrelatte et Bagnols-sur-Cegraveze

Ainsi lrsquoeacutechantillon distingue trois cas de situation urbaine avant la construction drsquoun grand

ensemble drsquohabitat lrsquoabsence drsquoagglomeacuteration voire le tregraves faible peuplement (Fareacutebersviller

Behren-legraves-Forbach Mourenx) une petite agglomeacuteration en leacutegegravere croissance tendancielle sur

le long terme ayant donc certainement des traditions culturelles concernant leur vie eacuteconomique

et sociale (Bagnols-sur-Cegraveze Pierrelatte) et un cas de croissance urbaine plus reacutecente (Rillieux-

la-Pape) apregraves un lent deacuteclin sur le long terme preacuteceacutedent laissant entendre que la vie

eacuteconomique et sociale srsquoy est deacuteveloppeacutee de maniegravere plus reacutecente apregraves une lente involution des

activiteacutes pendant pregraves drsquoun siegravecle passeacute Ensuite les eacutevolutions drsquoapregraves-guerre entre 1946 et le

deacutebut de construction des grands ensembles (date variable selon les sites) ont leacutegegraverement

accentueacute ces diffeacuterences de situation preacute-grand ensemble peu de changement pour les trois

communes faiblement peupleacutees (en 1954 Fareacutebersviller compte 600 habitants Behren 524 et

Mourenx 218) et pour Bagnols-sur-Cegraveze (5 546 habitants en 1954) nette progression pour

Pierrelatte (4 252 habitants en 1962 contre 3 237 en 1946 soit une hausse de 31 ) et tregraves forte

pour Rillieux-la-Pape (6 456 habitants en 1962 contre 3 716 en 1946 soit une hausse de 72 )

Pour chaque commune il est preacutesenteacute des caracteacuteristiques deacutemographiques et socio-

eacuteconomiques agrave lrsquoaide drsquoune compilation de textes de cartes et de photos notamment sur les

grands ensembles agrave des moments diffeacuterents juste apregraves leur construction dans leur eacutetat actuel

ou en phase de travaux de reacutenovation (deacutemolition-construction reacutehabilitation) Les sources pour

les eacuteleacutements visuels mais aussi informationnels sont diverses des travaux scientifiques meneacutes

dans ou sur les communes les productions des collectiviteacutes territoriales des organismes ou des

administrations de lrsquoEacutetat aux eacutechelons central et local (Agence nationale de la reacutenovation

urbaine ministegraveres secreacutetariat geacuteneacuteral du Comiteacute interministeacuteriel des villeshellip) dont les fichiers

informatiques sont accessibles le plus souvent par internet lrsquoencyclopeacutedie eacutelectronique libre

Wikipeacutedia sur son site internet ou encore des productions de particuliers ou de groupes sociaux

divers srsquoexprimant par internet ou des publications papiers La diversiteacute des sources expliquent

232

lrsquoineacutegaliteacute du niveau de deacutetail de certaines preacutesentations Les donneacutees statistiques rapporteacutees des

sources non scientifiques ont eacuteteacute veacuterifieacutees avec les productions de lrsquoINSEE

Aussi pour avoir une vision complegravete des territoires de ces communes les grandes eacutetapes et

caracteacuteristiques de leur histoire locale sont rapporteacutees syntheacutetiquement du plus loin point que

les sources consulteacutees le permettent Il srsquoagit de constater lrsquoexistence drsquoidentiteacutes sociales

culturelles politiques et eacuteconomiques extrecircmement varieacutees issues drsquoeacuteveacutenements de traditions et

de pratiques multiples qui semblent toutes avoir eacuteteacute marginaliseacutees avec le deacuteveloppement urbain

par les grands ensembles des anneacutees 1950 agrave 1970 Ces derniers tendant agrave imposer leurs

probleacutematiques lorsque les situations urbaines et sociales concernant leurs communes sont

abordeacutees

Enfin des descriptions relatives aux projets de reacutenovation urbaine des communes lieacutes au

Programme national de reacutenovation urbaine (PNRU) deacutefini par la loi du 1er aoucirct 200372 sont

reacutealiseacutees Lrsquoengagement dans ce programme permet drsquoappreacutecier les probleacutematiques urbaines et

sociales mises en avant ainsi que les solutions proposeacutees en tant qursquoindicateur drsquoune

repreacutesentation drsquoun modegravele de vie urbaine agrave atteindre et du chemin agrave parcourir pour en poser les

conditions de reacutealisation Les eacuteleacutements de diagnostic mis en avant par les maicirctres drsquoouvrage dans

le cadre de ces projets ont eacuteteacute exploiteacutes de mecircme que des cartes du site internet de la DIV et plus

preacuteciseacutement le site internet du systegraveme drsquoinformation geacuteographique (SIG) du Secreacutetariat geacuteneacuteral

du Conseil interministeacuteriel des villes (CIV) qui exploite lui-mecircme les donneacutees de lrsquoINSEE

A- Un grand quartier drsquoune petite ville en croissance continue Pierrelatte (Gard)

Composeacutee de 12 893 habitants en 2008 Pierrelatte commune tregraves eacutetendue de 493 kmsup2 est

situeacutee agrave lextrecircme sud-ouest du deacutepartement de la Drocircme (Drocircme provenccedilale) dans la reacutegion

Rhocircne-Alpes agrave lrsquoouest de la valleacutee du Rhocircne La ville nrsquoappartient agrave aucune intercommunaliteacute

de projet Elle fait partie du bassin drsquohabitat de la Drocircme Sud Adosseacutee agrave un laquo rocher raquo qui la

protegravege du mistral elle se localise agrave respectivement 70 km et 25 km au sud de Valence et de

Monteacutelimar ainsi quagrave 60 km au nord dAvignon Elle est limitrophe des deacutepartements de

lArdegraveche agrave louest et du Vaucluse au sud Entoureacutee de palissades montagneuses recouvertes

72 Le PNRU se deacuteploie depuis 2004 sur environ 400 ZUS parmi les plus peupleacutees ainsi que sur 150 autres quartiers preacutesentant des difficulteacutes socio-eacuteconomiques similaires Cf wwwvillegouvfrterritoires-prioritaires

233

dimmenses forecircts verdoyantes et giboyeuses la plaine tricastine deacutebouche au sud du laquo Robinet raquo

(lieu dit du deacutefileacute du Rhocircne agrave Donzegravere au nord de Pierrelatte) Agrave louest cest une vaste eacutetendue

mareacutecageuse arroseacutee largement par le Rhocircne Pierrelatte dispose dune gare desservie par de

nombreuses lignes reacutegionales dont des trains directs donnant correspondance en gare de

Valence-Ville pour Grenoble avec un accegraves direct aux Universiteacutes pour les eacutetudiants La ville est

traverseacutee par la route nationale 7 (Lyon-Valence Avignon-Aix) et par lautoroute A7 Elle est

eacutegalement desservie par des autocars deacutepartementaux

La ville srsquoest deacuteveloppeacutee agrave partir drsquoun peuplement ancien et drsquoune histoire communale

importante village formeacute vers le IXe siegravecle agrave lrsquoabri du rocher appeleacute Peacutetra-Lata laquo charte

daffranchissement raquo forteresse muraille chacircteau et deacuteveloppement agricole sont soutenus par

les Templiers les seigneurs du Saint Empire romain germanique et les rois de France la

commune sort des guerres de religion laquo racheteacutee raquo par les habitants et offerte en seigneurie au 1er

234

Prince de Conti neveu de Mazarin (principal ministre des rois Louis XIII et Louis XIV de 1643

agrave 1661) Un premier canal de deacuterivation du Rhocircne agrave la fin du XVIIe siegravecle ameacuteliore lrsquoagriculture

par lrsquoirrigation des terres En 1789 les socieacuteteacutes populaires sont creacuteeacutees Les terres sont vendues

aux citoyens La premiegravere mairie est mise en place

La petite ville srsquoindustrialise agrave la fin du XVIIIe siegravecle avec lrsquoapport drsquoeau pour les activiteacutes de

tannerie et de filatures et le deacuteveloppement des communications ce qui entraicircne drsquoune part

lrsquoenrichissement des exploitants (qui construisent des chacircteaux) et drsquoautre part le

deacuteveloppement urbain de la ville (immeubles infrastructures et bacirctiments) En 1814 la

seigneurie est redonneacutee au futur Louis XVIII En 1852 la voie ferreacutee (Avignon-Lyon) marque le

deacutebut de la prospeacuteriteacute eacuteconomique Lrsquoindustrie est renforceacutee et les premiegraveres entreprises

srsquoinstallent en ville au deacutebut du XXe siegravecle

Apregraves la Libeacuteration la renommeacutee de Pierrelatte est eacutetroitement lieacutee agrave la construction du canal du

Rhocircne de Donzegravere-Mondragon et agrave linstallation du site nucleacuteaire du Tricastin Ce sont en effet

de grands chantiers de travaux publics et industriels qui vont en outre marquer lrsquoeacutevolution

urbaine contemporaine de la ville Drsquoabord la construction du canal de Donzegravere-Mondragon

entre 1947 et 1958 deuxiegraveme canal de deacuterivation du Rhocircne (28 km de long) assure en plus des

deacuteboucheacutes drsquoemploi de nouveaux reacuteseaux drsquoassainissement et drsquoeau potable

Centre ville historique (Ville de Pierrelatte 2010) Grand ensemble du Roc jouxtant la ville historique

(Ville de Pierrelatte 2010)

Ensuite agrave partir de 1958 est installeacute le site nucleacuteaire du Tricastin sur le territoire communal et

trois communes limitrophes en raison du beacuteneacutefice apporteacute par les eaux du canal pour les

opeacuterations de refroidissement des reacuteacteurs Les chantiers sont drsquoabord reacutealiseacutes pour Eacutelectriciteacute

235

de France (EDF) et le Commissariat agrave lrsquoEacutenergie Atomique (CEA) Les activiteacutes drsquoexploitation de

lrsquouranium sont croissantes et continues jusqursquoagrave nos jours (fabrication de combustible par

enrichissement drsquouranium drsquoabord puis production eacutenergeacutetique par la centrale nucleacuteaire

construite agrave partir de 1974 et mise en service en 1980)

En 2008 ce site est le premier site franccedilais de concentration des industries nucleacuteaires et le

deuxiegraveme site pour son eacutetendue apregraves celui de la Hague (Le Monde 17 juillet 2008) On y trouve

aussi des entreprises de gestion des deacutechets irradieacutes et des effluents et un centre de recherche du

CEA Cette activiteacute a entraicircneacute une forte croissance urbaine jusqursquoen 1968 La population a tripleacute

entre 1936 et 1968 Le grand ensemble dont la construction deacutebute en 1961 tout comme la

construction de lrsquoautoroute A7 agrave la mecircme peacuteriode srsquoinscrit dans cette dynamique sans toutefois

prendre en charge lrsquoensemble des besoins quantitatifs en logement

La Zone agrave urbaniser en prioriteacute constitue un quartier le Roc avec un centre commercial deux

groupes scolaires et un lyceacutee construit agrave proximiteacute immeacutediate du centre ville (Ville de Pierrelatte

ANRU 2008) Le programme drsquoune eacutetendue faible par rapport agrave la surface tregraves grande de la

commune (031 kmsup2 contre 493 kmsup2 pour la commune) comprenait 1 647 logements dont pregraves

de 70 de logements sociaux construits par Drocircme Ameacutenagement Habitat (Office public de

lrsquohabitat du deacutepartement de la Drocircme) et 30 de coproprieacuteteacutes Cela repreacutesentait plus du double

des logements existants agrave Pierrelatte agrave lrsquoeacutepoque puisqursquoen 1962 la commune comptait 1 263

reacutesidences principales (cf tableau 11 infra)

Plan-masse du quartier du Roc

(1961) ndash Commune de Pierrelatte

De nos jours le secteur du Roc qui constitue la ZUS de la ville deacutecreacuteteacutee en 1996 ne repreacutesente

plus qursquoune part qui srsquoest quasiment reacuteduite de trois-quarts par rapport au reste de la ville

236

puisque de 1968 agrave 2006 apregraves la construction du grand ensemble le nombre de reacutesidences

principales de la ville a presque doubleacute (+ 88 ) ce qui fait que les logements du grand

ensemble ne repreacutesentent plus que 30 des reacutesidences principales et pregraves du quart (248 ) de

la population communale soit 3 058 habitants sur 12 315 y reacutesident (Secreacutetariat geacuteneacuteral du CIV

2010-a) Ce qui montre que la population est drsquoailleurs tregraves ineacutegalement reacutepartie sur le territoire

Le quartier a une image homogegravene et morne de tours et de barres de taille pourtant laquo humaine raquo

contrastant avec lrsquohabitat local (icirclots de taille plus grande que le reste du tissu urbain) avec des

cours qui pourraient ecirctre inteacuteressantes agrave ameacutenager Une spirale de deacutevalorisation a eacuteteacute engageacutee

malgreacute la proximiteacute du centre ville

Le premier point probleacutematique est drsquoordre social puisque les problegravemes sociaux de la ville se

laquo concentrent en majeure partie sur les tours et les barres raquo (Ville de Pierrelatte ANRU 2008

p 5) et notamment dans un bacirctiment Sur le plan urbain les principaux dysfonctionnements

diagnostiqueacutes sont un quartier impeacuteneacutetrable du fait de la coupure par une voie ferreacutee de

lrsquoexistence de voies de contournement et de lrsquoabsence de voie routiegravere distincte relieacutee agrave

lrsquoexteacuterieur un scheacutema viaire labyrinthique et replieacute sur des culs de sac (parking) avec un

cheminement probleacutematique neacutecessitant drsquoemprunter ces parkings priveacutes pour joindre des voies

structurantes du quartier et enfin un centre de quartier avec centre commercial faisant obstacle

aux axes pieacutetons de liaison avec le centre ville et tournant le dos au quartier Crsquoest la partie nord

du quartier qui regroupe les immeubles posant le plus de problegravemes sociaux avec la deacutelinquance

importante et la vacance eacuteleveacutee des logements bien que les espaces publics soient de meilleure

qualiteacute la partie sud comprend la majeure partie des eacutequipements avec une moindre qualiteacute

urbaine mais un meilleur fonctionnement social

Entre la fin des anneacutees 1980 et la fin des anneacutees 1990 la ville srsquoest drsquoailleurs inscrite dans les

dispositifs de la politique de la ville tant dans ses axes sociaux de preacutevention et de seacutecuriteacute

qursquourbain (Ville de Pierrelatte ANRU 2008) la proceacutedure Deacuteveloppement social des quartiers

(DSQ) de 1989 agrave 1994 le contrat de ville de 1994 agrave 1999 le Comiteacute drsquoenvironnement social en

1989 le Conseil communal de preacutevention de la deacutelinquance (CCPD) en 1994 puis le Conseil

local de seacutecuriteacute et de preacutevention de la deacutelinquance (CLSPD) et le Contrat local de seacutecuriteacute

depuis 2003 et enfin la Zone drsquoeacuteducation prioritaire (ZEP) en 1989 et le Reacuteseau drsquoeacuteducation

prioritaire (REP) en 1997 Lrsquoeacutelaboration drsquoun projet de reacutenovation urbaine en 2005 a conduit les

237

eacutelus agrave srsquoengager dans une nouvelle politique de la ville contractualiseacutee avec lrsquoEacutetat par le biais du

CUCS depuis 2007

Le projet de reacutenovation urbaine deacutefendu par la ville est drsquoen faire un laquo quartier comme les

autres raquo pour drsquoune part revaloriser son image aupregraves des habitants et agir sur lrsquoattractiviteacute de la

commune aux niveaux deacutepartemental et reacutegional et drsquoautre part ameacuteliorer la vie quotidienne des

habitants du quartier et les liens entre les diffeacuterents quartiers de la commune Pour cela le projet

preacutevoit deux principaux axes drsquointervention un laquo remodelage et un mixage de la morphologie raquo

du quartier ainsi qursquoune dispersion dans le tissu urbain des logements sociaux pour eacuteviter leur

concentration spatiale et les effets de deacutelinquance des jeunes

Le premier axe est multidimensionnel drsquoabord une deacutemolition de 222 logements (165 de

son parc) drsquoimmeubles stigmatiseacutes et faisant obstacle aux voies de circulation compenseacutee par la

construction de 210 agrave 220 logements en petits immeubles dont au moins la moitieacute de statut social

et mieux disposeacutes par rapport aux frontiegraveres du quartier et agrave ces voies de circulation ensuite la

formation drsquoun maillage viaire interne relieacute et inteacutegreacute dans lrsquoorganisation communale de

circulation et drsquourbanisation (eacutequipements nouvelles voies et alignements urbains) enfin en

lien avec la reacutesidentialisation des icirclots (coupure entre espaces publics et priveacutes fermeture des

parkings reacutesidentiels et creacuteation drsquoaires de jeux pour enfants) le centre et les frontiegraveres avec

certains espaces du quartier sont reacuteameacutenageacutes

Ce reacuteameacutenagement consiste drsquoabord agrave reacutealiser un meacutelange drsquoimmeubles de taille et de statut

divers un eacutetablissement drsquoheacutebergement pour personnes acircgeacutees deacutependantes (EHPAD) de 80 lits

un centre commercial rebacircti renforceacute par une galerie marchande aux abords ameacutenageacutes (parvis

trame verte) et adapteacute agrave la circulation (maillage viaire et trame verte) et un nouveau front bacircti

avec lrsquoEHPAD mixte entre logements et activiteacutes tertiaires (reacutesidence sociale locaux associatifs

services divers) Le tout doit ecirctre inteacutegreacute agrave la ville par une liaison physique avec des

constructions adapteacutees aux normes et pratiques du deacuteveloppement durable concernant lrsquoeacuteclairage

public le chauffage la collecte deacutechets (capteurs photovoltaiumlques normes eacutenergeacutetiqueshellip) Sur

le plan des frontiegraveres internes agrave la ville des espaces verts drsquoouverture entre quartiers sont

programmeacutes

Par ailleurs le deuxiegraveme axe drsquointervention beaucoup plus succinctement preacutesenteacute dans les

programmes afficheacutes est celui de la construction drsquoune centaine de logements sociaux dans le

reste de la ville avec un foyer drsquoheacutebergement de 30 lits

238

Immeubles du quartier du Roc (Ville de Pierrelatte 2010)

B- Une grande Citeacute agrave lrsquoeacutecart des villes et du village communal Fareacutebersviller (Moselle)

Fareacutebersviller comme Behren-legraves-Forbach preacutesenteacute plus bas fait partie du bassin houiller de la

Sarre et de la Lorraine au nord-est du deacutepartement de la Moselle Composeacutee de 5 935 habitants

en 2008 qui occupent 2 232 logements elle appartient agrave la Communauteacute de communes de

Freyming-Merlebach (11 communes et 34 309 habitants en 2008) Agrave partir de 1954-1962 se sont

implanteacutees sur les villages originels de cette reacutegion des grandes citeacutes de logement des Houillegraveres

du Bassin de Lorraine (HBL) pour les ouvriers et leurs familles Sur le plan historique

Fareacutebersviller deacutependait au moyen-acircge de la seigneurie de Hombourg-Saint-Avold avant de

passer aux mains du duc de Lorraine en 1581 puis la commune a eacuteteacute inteacutegreacutee au royaume de

France en 1766 Annexeacutee comme toute la Moselle agrave lrsquoEmpire allemand de 1871-1918 beaucoup

de ses jeunes gens meurent au combat pendant la Premiegravere Guerre mondiale sous lrsquouniforme

allemand sur le Front de lrsquoEst mais aussi agrave lrsquoOuest en France et dans les Flandres Apregraves le

nouveau drame de lrsquoAnnexion de la Moselle pendant la Seconde Guerre et le bombardement

intense de la reacutegion par lrsquoaviation eacutetatsunienne la commune de 600 habitants en 1954 reprend

son essor gracircce agrave lrsquoindustrie du charbon et avec la construction de son grand ensemble

drsquohabitations pour les mineurs

239

Un demi-siegravecle drsquoactiviteacute dans ce domaine plus tard le territoire preacutesente trois aspects socio-

eacuteconomiques et geacuteographiques essentiels la fin de lrsquoactiviteacute drsquoexploitation miniegravere pendant des

deacutecennies de couches de charbon qui a marqueacute de son empreinte les paysages lrsquohabitat la

deacutemographie et les modes de vie (derniegravere fermeture de puits agrave Creutzwald en 2004) le

caractegravere frontalier avec une forte influence sur les dynamiques territoriales puisque le travail

transfrontalier est tregraves important (pregraves de 15 000 Mosellans du Bassin Houiller travaillent en

Sarre en Allemagne) une heacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute paysagegravere comportant deux typologies de communes

les communes urbaines des valleacutees (de La Rosselle du Merle et de la Moselle) et les communes

rurales du plateau

Sur le plan des voies de communication le territoire comporte quatre axes routiers majeurs

deux autoroutes (A4 Metz-Strasbourg et A320 Freyming-Merlebach-Sarrebruck) et deux routes

240

nationales (RN3 Saint-Avold-Forbach et RN56 Saint-Avold vers Strasbourg) Les lignes

ferroviaires principales sont les lignes de la Socieacuteteacute nationale des chemins de fer (SNCF) Paris-

Francfort et Beacutening-Thionville ainsi qursquoune ligne ferroviaire constitueacutee des anciennes voies de

Charbonnage de France (CdF) Les grands axes de communication placent le territoire

intercommunal agrave une demi-heure de lrsquoAgglomeacuteration de Metz agrave un quart drsquoheure de Sarrebruck

et agrave moins drsquoune heure de Strasbourg

Pour faire face au deacuteclin de la mono-industrie du charbon la commune a rejoint en 1989 le

district de Freyming-Merlebach creacuteeacute en 1975 regroupant sept communes pour amorcer la

reconversion et le deacuteveloppement du territoire (Communauteacute de communes de Freyming-

Merlebach 2010) Le Pacte Charbonnier qui a clocirctureacute un siegravecle et demi drsquoexploitation

charbonniegravere a eacuteteacute signeacute en 1994 (Preacutefecture de Moselle 2007-a) Ce district srsquoagrandit en 1990

(Henriville et Beacutening-legraves-Saint-Avold) devient communauteacute de communes en deacutecembre 2001

(se superposant au canton de Freyming-Merlebach) et srsquoagrandit en 2003 avec Hombourg-Haut

Lrsquointercommunaliteacute de 34 309 habitants en 2008 est donc composeacutee drsquoune ville centre

Freyming-Merlebach (13 172 habitants) de deux communes peacuteriurbaines Hombourg-Haut

(7 869 habitants) et Fareacutebersviller et de huit communes rurales qui forment pregraves de 20 de la

population communautaire Barst Beacutening-legraves-Saint-Avold Betting-legraves-Saint-Avold Cappel

Guenviller Henriville Hoste Seinghouse Sur le plan de ses reacutealisations on peut compter en

1975 une zone artisanale et commerciale agrave Betting en 1990 la meacutega zone industrielle de

Moselle Est installeacutee agrave Seinghouse Henriville et Fareacutebersviller ainsi que la mise en œuvre drsquoun

reacuteseau de teacuteleacutedistribution (construction drsquoune station de tecircte drsquoun bacirctiment de videacuteo-

communication et drsquoun pylocircne enfouissement des cacircbles et raccordement des habitations)

Pour le devenir des sites de Charbonnages de France probleacutematiques en raison des effets

environnementaux (affaissements inondationshellip) un projet global drsquoameacutenagement est preacutevu

Enfin le Scheacutema de Coheacuterence Territoriale (SCOT) est porteacute par le Syndicat Mixte de

Coheacuterence du Val de Rosselle creacuteeacute en 2004 avec les trois autres intercommunaliteacutes (Forbach le

Pays Naborien et le Warndt) qui couvrent lrsquoensemble du Bassin Houiller

Comme agrave Fareacutebersviller la population du territoire intercommunal ainsi que celles de deux

autres communes urbaines proches (Freyming-Merlebach et Hombourg-Haut) baissent depuis

1968 (de 17 pour la communauteacute de communes et de 252 et 255 pour les deux villes

proches) Pour rappel Fareacutebersviller a perdu 258 de sa population agrave la mecircme peacuteriode ce qui

241

montre que lrsquoeacutevolution deacutemographique deacutepend davantage du cycle du deacuteveloppement industriel

commun ici agrave plusieurs communes du bassin houiller et notamment de la communauteacute urbaine

que de la forme urbaine drsquohabitation des populations Freyming-Merlebach et Hombourg-Haut

bien que disposant de quartiers ouvriers nrsquoont pas eacuteteacute agrandis par des programmes de grand

ensemble des anneacutees 1950-1970

Avec lrsquoindustrie houillegravere en deacuteclin entraicircnant des pertes drsquoemploi de pregraves de 20 entre le deacutebut

des anneacutees 1990 et celui des anneacutees 2000 dans lrsquoensemble de la communauteacute de communes et

lrsquoabsence drsquoautres activiteacutes suffisamment volumineuses pour la remplacer et offrir des emplois

aux jeunes geacuteneacuterations drsquoactifs la population de la reacutegion suit ainsi un processus de

vieillissement de la population avec lrsquoaccroissement de la part des plus acircgeacutes et de deacute-

densification des logements avec la reacuteduction de la taille des meacutenages lieacutee agrave la deacutecohabitation

des enfants devenus grands et qui quittent la reacutegion En 1999 le taux de chocircmage atteignait deacutejagrave

15 sur lrsquoensemble du territoire communal avec un taux de 27 pour les moins de 25 ans qui

repreacutesentaient 81 des demandeurs drsquoemploi

Si lrsquoafflux de travailleurs migrants avec de nouveaux quartiers et de nouvelles zones drsquohabitat

construits pendant lrsquoapregraves Seconde Guerre mondiale dans la reacutegion a certainement favoriseacute le

maintien drsquoune population active jeune il est perceptible que avec le deacuteclin de lrsquoactiviteacute

eacuteconomique principale la tendance inverse produit un rapprochement voire un deacutepassement de

la situation franccedilaise qui connaicirct un vieillissement global en effet en 2008 la part des plus de

65 ans dans la communauteacute de communes est de 185 contre 17 pour Fareacutebersviller et 167

en France meacutetropolitaine Les populations jeunes en acircge de travailler ont en effet tendance agrave

quitter le territoire qui offre peu drsquoemplois au profit des pays limitrophes et du sillon mosellan

Cette tendance entraicircne des effets en matiegravere drsquoeacutequipement (maisons de retraites foyers

meacutedicaliseacutes soins meacutedicaux et maintien agrave domicile) de services de proximiteacute et drsquohabitat de

petite taille Lrsquohabitat est drsquoailleurs au cœur des enjeux du territoire intercommunal avec des

restructurations urbaines imposant une adaptation du par et le deacuteveloppement drsquouniteacutes pour les

personnes acircgeacutees Le parc locatif des Houillegraveres du Bassin de Lorraine (15 600 logements)

entreprise nationaliseacutee en 1946 pour ecirctre incluse agrave Charbonnages de France (organisme public de

coordination des Houillegraveres de France) et regroupant les compagnies lorraines de Sarre et

Moselle Petite-Rosselle et Faulquemont-Folschviller a drsquoailleurs eacuteteacute ceacutedeacute en 2001 agrave une socieacuteteacute

commerciale la Socieacuteteacute par Actions simplifieacutee (SAS) Sainte Barbe controcircleacute par la Socieacuteteacute

242

Nationale Immobiliegravere (SNI) ancienne Socieacuteteacute de gestion immobiliegravere des Armeacutees (socieacuteteacute

drsquoeacuteconomie mixte agrave but non lucratif) et filiale depuis 2004 de la Caisse des deacutepocircts (eacutetablissement

public drsquoinvestissement dans lrsquoeacuteconomie nationale ayant des activiteacutes de marcheacute)

La Communauteacute de communes de Freyming-Merlebach a engageacute un Programme Local de

lrsquoHabitat (PLH) dont le diagnostic a mis en eacutevidence le fractionnement du territoire en deux

entiteacutes distinctes espaces urbains et espaces ruraux qui fonctionnent et reacuteagissent de maniegravere

ineacutegale et drsquoougrave se deacutegagent des enjeux tregraves diffeacuterents en fonction du type de commune (rurale ou

urbaine) Les trois communes de plus de 5 000 habitants (Fareacutebersviller Freyming-Merlebach et

Hombourg-Haut) srsquoengagent sur lrsquoaccueil des Gens du voyage et sur la reacutenovation urbaine des

trois ZUS La Citeacute de Fareacutebersviller (de prioriteacute 1 deacutecideacutee par les acteurs73) La Citeacute Chapelle agrave

Freyming-MerlebachHombourg-Haut (prioriteacute 2) et La citeacute des Checircnes agrave Hombourg-Haut

(prioriteacute 2) Un quatriegraveme quartier Arc-en-Ciel agrave Freyming-Merlebach est deacutelimiteacute pour y

deacutevelopper des actions sociales et urbaines mais il est de niveau 3 en prioriteacute

La commune est constitueacutee de deux entiteacutes tregraves diffeacuterentes le village lieu originel au sud-

ouest et la Citeacute grand ensemble creacuteeacute agrave partir de 1954 par les HBL pour les mineurs de la valleacutee

de la Moselle toute proche Crsquoest une veacuteritable ville nouvelle eacutetendue sur 85 hectares (ha) et

deux communes Fareacutebersviller pour 74 ha et Theacuteding (2 195 habitants en 2006) pour 11 ha En

2006 5 979 habitants (population municipale) reacutesident dans la ZUS qui deacutelimite la citeacute

(Secreacutetariat geacuteneacuteral du CIV 2010-b) dont 846 agrave Fareacutebersviller (5 057 reacutesidents qui

repreacutesentent 84 des 6 020 habitants de la commune) et 134 agrave Theacuteding (922 qui

repreacutesentent 42 de la population municipale totale)

Sur les 2 313 logements que compte la Citeacute sur les deux communes au deacutebut des anneacutees 2000

(Preacutefecture de Moselle 2007-a) 2 157 sont occupeacutes en 2006 (Secreacutetariat geacuteneacuteral du CIV 2010-

b) soit un taux de vacance de 67 Elle se situe agrave distance des zones urbaniseacutees qui lrsquoont

preacuteceacutedeacutee mais est agrave proximiteacute de la zone dactiviteacutes de la communauteacute de communes de

Freyming-Merlebach La liaison avec la ville mecircme de Freyming-Merlebach se reacutealise par

lrsquoautoroute A4 mais il est agrave peacuteage La Citeacute est seacutepareacutee de lancien village par la voie ferreacutee

73 Une priorisation drsquoaction sur les territoires a eacuteteacute eacutetablie par lrsquoEacutetat pour la reacutepartition des moyens par les acteurs locaux agrave partir drsquoune analyse sur les eacutecarts de revenu meacutedian des meacutenages par IRIS (icirclots regroupeacutes pour lrsquoinformation statistique) et sur propositions des preacutefets Trois niveaux de prioriteacute ont eacuteteacute affecteacutes les deux premiers ont donneacute lieu agrave des listes de sites compleacuteteacutees par les acteurs locaux le troisiegraveme nrsquoa fait lrsquoobjet drsquoaucun recensement national (DIV 2009)

243

Vue globale de la Citeacute et de zones pavillonnaires juxtaposeacutees (Ville de Fareacutebersviller 2010)

Sur le plan de sa conception urbaine son maillage est peu clair de nombreuses voies se

terminant en impasse alors que certains axes sont tregraves emprunteacutes mais peu valoriseacutes Elle est

essentiellement composeacutee dimmeubles collectifs dont les degreacutes de traitement et de

reacutehabilitation sont divers Elle ne donne pas limpression de densiteacute (vastes espaces exteacuterieurs

parc central) sauf agrave proximiteacute de la voie CD 910 La partie nord autour des eacutequipements sportifs

et des eacutecoles paraicirct totalement enclaveacutee du fait de linsuffisance de desserte directe depuis le

centre et de sa localisation en frange du tissu bacircti Malgreacute lrsquoimplantation dimportants nouveaux

eacutequipements structurants (place du marcheacute) la reacutehabilitation agrave lidentique des logements HBL

na pas gommeacute limage neacutegative de la Citeacute

La population est heacuteteacuterogegravene sur le plan culturel et fortement toucheacutee par le chocircmage et la

preacutecariteacute (21 en 2006) surtout parmi les jeunes de moins de 20 ans repreacutesentant 33 de la

population Les diffeacuterentes vagues drsquoimmigration qui ont suivi les besoins de lrsquoindustrie

charbonniegravere ont conduit agrave une composition multiculturelle de la population Les premiers

immigreacutes eacutetaient drsquoorigine italienne ou maghreacutebine suivis de turcs qui repreacutesentent 25 du

total des eacutetrangers selon le diagnostic inscrit dans le CUCS de 2007 de la communauteacute de

communes (Preacutefecture de Moselle 2007-a) sans que lrsquoon sache srsquoil srsquoagit de 1999 ou de 2006

Selon ce mecircme document en 1975 la population eacutetrangegravere repreacutesentait 45 de la population

totale de la Citeacute 365 en 1985 environ 25 laquo aujourdrsquohui raquo Si le quartier est drsquoapparence

calme et bien entretenu les dysfonctionnements rapporteacutes sont les suivants preacutesence de deacutechets

244

et drsquoordures dans certaines rues jeteacutes parfois par les fenecirctres sans compter les piegraveces

meacutecaniques notamment automobiles agrave lrsquoabandon ce qui reacutevegravele un relatif deacutesinteacuterecirct des

habitants pour leur cadre de vie et une inseacutecuriteacute gradueacutee qui srsquoexprime par des deacutegradations

diverses avec une deacutelinquance touchant de plus en plus les preacuteadolescents

Dans ce sens outre le classement en ZEP du collegravege et agrave la mise en place du Reacuteseau laquo Reacuteussite

Scolaire raquo (RRS) de Fareacutebersviller (regroupement dlsquoeacutecoles eacuteleacutementaires et du collegravege pour

favoriser la continuiteacute des parcours drsquoapprentissage) plusieurs dispositifs socio-eacuteducatifs

drsquoinsertion professionnelle et de preacutevention de la deacutelinquance ont eacuteteacute mis en place depuis

plusieurs anneacutees Au centre Franccedilois Rabelais sont recenseacutes un Point emploi des permanences

de la Mission Locale du Bassin Houiller ainsi que lrsquoaction de lrsquoUnion deacutepartementale des

associations familiales (UDAF) concernant le suivi du RSA et lrsquoaccompagnement au quotidien

de ses beacuteneacuteficiaires

Par ailleurs de nombreuses actions drsquoinsertion sont meneacutees comme le chantier drsquoinsertion qui

dispose de douze postes par an De mecircme avec le soutien de lrsquoAssociation Intercommunale de

Preacutevention Speacutecialiseacutee (AIPS) un chantier eacuteducatif a pu ecirctre meneacute en 2006 en partenariat avec le

bailleur Sainte Barbe La ville et le service public de lrsquoemploi sont associeacutes pour des activiteacutes

multiples agrave destination des jeunes comme par exemple en 2006 la Rencontre Emploi et

Diversiteacute un Forum pour lrsquoemploi ou encore un programme drsquoaccompagnement renforceacute dans

la recherche drsquoemploi Cependant lrsquoaction drsquointeacutegration nrsquoest pas suffisante jusqursquoagrave cette fin de

la deacutecennie 2010 En 2007 les pouvoirs publics signataires du CUCS reconnaissent que le centre

social Saint-Exupeacutery qui dispense lrsquoessentiel des interventions sociales ne profite pas beaucoup

agrave de nombreux jeunes

Le document contractuel signale leur hostiliteacute agrave lrsquooccasion de la creacuteation de nombreux emplois

sur la zone eacuteconomique voisine qui ne leur profitent pas ni aux autres habitants de la citeacute Sur ce

point les difficulteacutes drsquointeacutegration nrsquoeacutetaient pas calmeacutees trois ans plus tard puisque le rapport

Bockel (2010 p 63) sur la preacutevention de la deacutelinquance des jeunes rapportait que le 16 feacutevrier

2009 agrave Fareacutebersviller une bande constitueacutee dune vingtaine de jeunes du quartier de La Citeacute a

commis de nombreux deacutelits (deacutegradation de la brigade locale et plusieurs incendies) suite au

diffeacuterend portant sur les horaires douverture du foyer de jeunes qui loppose agrave la gestionnaire

Sur le plan des politiques sociales La Citeacute a connu la proceacutedure DSQ dans les anneacutees 1980 et ses

deux communes supports ont fait partie des deux geacuteneacuterations de contrat de ville drsquoabord

245

seacutepareacutement au sein des communauteacutes de communes (1994-1999) puis au sein du bassin houiller

plus globalement (2000-2006) recouvrant seize communes elles sont depuis chacune inscrite

dans un CUCS intercommunal agrave nouveau distinct celui de la communauteacute de communes de

Freyming-Merlebach pour Fareacutebersviller et celui de la communauteacute de communes Forbach

Porte de France pour Theacuteding

Pour lrsquohabitat lrsquoEacutetat lrsquoAgence nationale drsquoameacutelioration de lrsquohabitat (ANAH) et Sainte Barbe ont

programmeacute une reacutenovationreacutehabilitation drsquoune dureacutee de 15 ans agrave compter de 2001 Pour la

gestion de Proximiteacute Sainte Barbe a embaucheacute une douzaine de gardiens issus de la citeacute Chaque

gardien gegravere entre 15 et 21 entreacutees et une politique de reacutefection systeacutematique des logements

avant relocation a eacuteteacute mise en place depuis 2003 Le bailleur srsquooccupe eacutegalement de

lrsquoenlegravevement des eacutepaves de veacutehicules Les principaux problegravemes restants dans ce domaine

eacutevoqueacutes en 2007 dans le diagnostic du CUCS sont les nuisances sonores et la saleteacute due

essentiellement au non respect du tri seacutelectif et de lrsquoenlegravevement mensuel des encombrants

Concernant le deacuteveloppement eacuteconomique le classement en ZRU en 1996 a eacuteteacute insuffisant pour

creacuteer de nouvelles activiteacutes (non-absorption de la demande drsquoemploi) mais celle-ci favorise la

stabilisation de lrsquoactiviteacute eacuteconomique dans le quartier La preacutesence de la citeacute agrave proximiteacute de la

zone drsquoactiviteacutes mise en place par la communauteacute de communes de Freyming-Merlebach ne

constitue pas non plus une opportuniteacute pour les demandeurs drsquoemploi de la ZUS dans la mesure

ougrave les exigences des entreprises en matiegravere de qualification sont tregraves pointues Cette situation est

veacutecue par les jeunes comme une discrimination et rend les relations entreprisesjeunes encore

plus difficiles sur ce site

C- Une grande Citeacute en peacuteripheacuterie drsquoune petite ville et agrave lrsquoeacutecart du village communale

Behren-legraves-Forbach (Moselle)

Behren-legraves-Forbach (8 514 habitants en 2008) est situeacutee comme Fareacutebersviller agrave quelques

kilomegravetres plus agrave lrsquoest agrave la limite nord-est du deacutepartement de la Moselle dans le bassin houiller

Sarre-Lorraine encore plus proche de la frontiegravere allemande Elle fait partie drsquoune autre

communauteacute intercommunale que Fareacutebersviller la communauteacute drsquoagglomeacuteration de Forbach

246

Porte de France depuis 2003 (21 communes74 dont Theacuteding qui partage le grand ensemble de La

Citeacute avec Fareacutebersviller 80 196 habitants en 2008) issue du district de Forbach creacuteeacute en 1970 et

de la communauteacute de commune de lrsquoAgglomeacuteration de Forbach de 2002

La ville est campeacutee sur le plateau surplombant la ville de Forbach et son habitat est selon le

mecircme scheacutema que Fareacutebersviller caracteacuteriseacute par un village cœur historique et une citeacute

construite agrave lrsquoeacutecart pour les besoins des mines des Houillegraveres du Bassin Lorrain (HBL)

Lrsquoexistence du village est ancienne au deacutebut du XIVe siegravecle elle est mentionneacutee dans un

document sous lrsquoorthographe de laquo Berne raquo et le village appartient entre autres agrave la seigneurie

de Forbach puis agrave la chacirctellenie75 de Sarreguemines Behren fait tour agrave tour partie du ducheacute de

Lorraine ou du comteacute de Nassau-Sarrebruck

Au XVIIe siegravecle la guerre de Trente Ans (1618-1648) nrsquoeacutepargne pas ce qui nrsquoest encore qursquoun

village avec son occupation par lrsquoarmeacutee sueacutedoise (les chacircteaux voisins de Forbach et de

Sarreguemines sont deacutetruits sur lrsquoordre du cardinal de Richelieu) Apregraves la guerre deacutesastreuse de

1870 le village associeacute agrave Kerbach devient allemand Agrave cette mecircme eacutepoque la reacutegion devient un

74 Alsting Behren-legraves-Forbach Bousbach Cocheren Diebling Etzling Farschviller Folkling Forbach Kerbach Metzing Morsbach Nousseviller-Saint-Nabor Œting Petite-Rosselle Rosbruck Schœneck Spicheren Stiring-Wendel Tenteling et Theacuteding 75 Une chacirctellenie (ou mandement) est le plus petit territoire drsquoadministration du Moyen-Acircge sur le quel le maicirctre drsquoun chacircteau le chacirctelain officier comtal ou princier exerce les droits banals lieacutes agrave lrsquoadministration du chacircteau ainsi que par deacuteleacutegation les droits militaire et judiciaire

247

important bassin industriel gracircce notamment agrave ses mines de charbon Durant la Premiegravere Guerre

mondiale les hommes de Behren combattent dans lrsquoarmeacutee allemande la plupart sur le front

russe Apregraves la Libeacuteration en 1927 Behren est deacutefinitivement seacutepareacute de Kerbach et porte le nom

de Behren-legraves-Forbach

Le 1er septembre 1939 tout le village est eacutevacueacute par ordre de lrsquoautoriteacute militaire (zone rouge de

la ligne Maginot) La population prend la route de Gaubiving et agrave Chacircteau-Salins tout le monde

prend le train agrave destination du deacutepartement de la Charente sauf les familles des mineurs qui sont

dirigeacutees sur les diffeacuterents bassins houillers franccedilais (Pas-de-Calais Saocircne-et-Loire) Apregraves son

occupation par les Allemands le 17 feacutevrier 1945 la localiteacute est libeacutereacutee sinistreacutee agrave 80 Elle est

choisie pour ecirctre la deuxiegraveme plus grande citeacute ouvriegravere des HBL avec le grand ensemble Behren-

Citeacute inaugureacute en 1962 qui fait passer le village de 534 habitants en 1954 agrave une ville

champignon de 10 486 habitants en 1962 et 12 512 Behrinois en 1968 Cette Citeacute comporte 2

972 logements (Preacutefecture de Moselle 2007-b) et 7 768 habitants en 2006 (Secreacutetariat geacuteneacuteral

du CIV 2007-b) Ils repreacutesentent 85 des 9 146 habitants de la commune en 2006

Actuellement crsquoest la ville ayant la plus importante part de population habitant en Zone urbaine

sensible hors reacutegion parisienne

Vue globale du grand ensemble de Behren-legraves-Forbach (Communauteacute drsquoutilisateurs et deacuteveloppeurs Piwigo 2010)

248

Commenceacutee en 1957 la Citeacute eacutetait consideacutereacutee comme la banlieue de Forbach (21 801 habitants

en 2007) Son architecture est en morceaux de sucre avec quelques grandes barres construites

en fonction du relief de colline et des forecircts Malgreacute un eacutequilibre reconnu entre bacircti et espaces

exteacuterieurs la reacutehabilitation agrave lidentique des immeubles uniformes nrsquoa pas modifieacute lrsquoimage

neacutegative de lrsquoensemble laquo Citeacute dortoir raquo priveacutee de centre ville dynamique cet espace urbain est

deacuteconnecteacute par rapport au village et au reste de son environnement Il est grossiegraverement composeacute

de quatre secteurs organiseacutes autour drsquoun centre commercial

Les eacutequipements publics existants sont insuffisants et insuffisamment adapteacutes aux besoins des

jeunes notamment Les abords dimmeubles ont eacuteteacute deacutelaisseacutes et les stationnements inorganiseacutes

ce qui rend difficiles les cheminements pieacutetonniers Le bailleur Moselis (nouvelle identiteacute de

lrsquoOffice public drsquoameacutenagement et de construction (OPAC) de la Moselle depuis 2005) signale

une baisse de la demande concernant la tour et une vacance croissante (le bailleur Sainte Barbe

eacutevoqueacute pour Fareacutebersviller est aussi preacutesent agrave Behren avec pregraves de 2 600 logements) Le grand

espace central du quartier nest pas valoriseacute de mecircme que le bacircti implanteacute tout autour Comme

beaucoup dautres citeacutes miniegraveres la Citeacute beacuteneacuteficie de jardins familiaux agrave proximiteacute toutefois ils

sont peu organiseacutes agrave lrsquoexception de ceux du plateau qui ont beacuteneacuteficieacute drsquoune reacutehabilitation agrave la fin

des anneacutees 1990

La Citeacute est aujourdrsquohui marqueacutee par les particulariteacutes suivantes enclavement aggraveacute par de

faibles liaisons routiegraveres vers lrsquoexteacuterieur habitat collectif uniforme effet de remparts lieacute agrave la

disposition de longues barres drsquoimmeubles en peacuteripheacuterie de la Citeacute (lrsquoensemble des bacirctiments a

eacuteteacute disposeacute selon le chemin de grue drsquoune part et en fonction du circuit de ramassage des mineurs

drsquoautre part produisant une morphologie urbaine en forme drsquoescargot) absence de centraliteacute

avec quatre secteurs adosseacutes agrave une limite et organiseacutes autour drsquoun petit centre commercial et

enfin absence de hieacuterarchisation du reacuteseau viaire interne dont les rues sont par ailleurs

implanteacutees agrave trop faible distance des immeubles

Sur le plan sanitaire et social les habitants relevant du reacutegime minier en grande partie ne

connaissent drsquoabord pas de deacuteficit particulier en termes drsquoaccegraves agrave la santeacute Neacuteanmoins comme agrave

Fareacutebersviller le vieillissement de la population et la hausse des personnes deacutependantes nrsquoest pas

ou tregraves peu pris en charge Mais surtout la ville est sinistreacutee socialement avec une population

pauvre peu qualifieacutee et drsquoorigine eacutetrangegravere en grande partie 45 des jeunes (moins de 25 ans)

sont au chocircmage (Preacutefecture de Moselle 2007-b) en 2008 le revenu net moyen de lrsquoensemble

249

des foyers est de 13 073 euro soit presque la moitieacute moins (- 44 ) que la France meacutetropolitaine

(23 450 euro) et en dessous de Fareacutebersviller (13 418 euro) le taux de meacutenages imposeacutes est aussi de

cet ordre de moitieacute moins que celui de la France meacutetropolitaine (273 contre 558 soit un

eacutecart de - 51 ) juste en-dessous aussi du niveau de Fareacutebersviller (287 )

Vues de certaines parties du grand ensemble (Communauteacute drsquoutilisateurs et deacuteveloppeurs Piwigo 2010)

Sur le plan de la composition en immigration la commune compte six fois plus drsquoimmigreacutes de

plus de 55 ans (pregraves de 60 soit 592 ) qursquoen France meacutetropolitaine (93 ) Pour la

geacuteneacuteration descendante le niveau est deux moins haut 193 pour Behren contre 114 en

France et 285 pour Fareacutebersviller Selon le rapport de lObservatoire des ZUS publieacute en 2003

Behren eacutetait la ville la plus pauvre de France parce que disposant de peu de taxes

professionnelles de taxes fonciegraveres (car peu de proprieacutetaires) et un nombre important dexoneacutereacutes

de la taxe dhabitation (Rmistes et faibles revenus) Sur le plan des identiteacutes ethniques le CUCS

2007 eacutevoque trente et une nationaliteacutes drsquoorigine

La Citeacute est drsquoailleurs classeacutee en ZEP avec pregraves de 1 000 enfants eacutetrangers qui connaissent des

difficulteacutes drsquoadaptation dans le milieu scolaire en lien avec la fragiliteacute des parents et la pauvreteacute

des meacutenages La commune est classeacutee en zone drsquoeacuteducation prioritaire (ZEP) et beacuteneacuteficie du

dispositif Reacuteseau Ambition Reacuteussite (RAR) pour son collegravege et les eacutecoles attenantes76 Le

76 Selon le portail internet du gouvernement (wwwgouvernementfr) le Reacuteseau ambition reacuteussite (RAR) est une mesure drsquoeacuteducation prioritaire de lrsquoEacuteducation nationale qui avec le laquo Reacuteseau reacuteussite scolaire raquo (RRS) eacutevoqueacutee pour Fareacutebersviller fait suite aux reacuteseaux drsquoeacuteducation prioritaire (REP) qui avaient en 1999 pris le relais des ZEP Le RAR srsquoapplique aux eacutetablissements concentrant les plus grandes difficulteacutes sur les plans sociaux eacuteconomiques et scolaires (le RRS concerne des eacutetablissements aux publics plus heacuteteacuterogegravenes) Il srsquoagit de deacutefinir des projets collectifs drsquoeacutetablissements drsquoune mecircme zone (collegravege et leurs eacutecoles eacuteleacutementaires associeacutees) et apporter des moyens de reacuteussite scolaire (10 agrave 15 de moyens financiers suppleacutementaires par lrsquoEacutetat pour plus de personnels drsquoactiviteacutes ou de dispositifs de soutien et de suivi individualiseacutes sur le plan scolaire mais aussi sanitaire et social voire financier

250

diagnostic du RAR concernant la Citeacute indique un fort taux de familles deacutefavoriseacutees (plus de 90

) des parents en grande partie inactifs (congeacute charbonnier retraiteacutes beacuteneacuteficiaires du RMI et

chocircmeurs) et drsquoorigine eacutetrangegravere ne maicirctrisant pas la langue ce qui explique les difficulteacutes

scolaires des enfants (en 1999 pregraves de 40 des eacutelegraveves de la ZEP eacutetaient de nationaliteacute

eacutetrangegravere) Les familles sont deacutecrites comme fatalistes et manquant de motivation et drsquoambition

scolaire surtout pour les filles Crsquoest pourquoi les parents concerneacutes auraient des difficulteacutes agrave

poser des exigences aussi bien en termes de regravegles de rythme de vie que de suivi de la scolariteacute

avec agrave la cleacute des problegravemes de comportement de risque de deacutecrochage scolaire et de conduites agrave

risques

10 des eacutelegraveves de 6egraveme ont deux anneacutees de retard Pregraves de 20 des 15-24 ans na aucun

diplocircme De la jeunesse qui eacutechoue agrave la deacuteviance deacutelinquante la distance est parfois courte La

ville engage un CLS pour 2003 avec un diagnostic de seacutecuriteacute eacutetabli par Jean-Yves Treacutepos

sociologue et professeur agrave lrsquouniversiteacute de Nancy II Il a analyseacute 1 que le sentiment drsquoinseacutecuriteacute

eacutetait plus fondeacute sur les inciviliteacutes que sur une veacuteritable deacutelinquance 2 que lrsquoeacuteducation agrave la

citoyenneteacute et lrsquoapprentissage de comportements civils devaient servir agrave la preacutevention en

amont et 3 que de mecircme de nombreux petits litiges pouvaient trouver une reacuteponse autre que

judiciaire ou correctionnelle notamment par lrsquoaccegraves aux droits dont drsquoabord lrsquoinformation sur

les droits quotidiens qui participe activement agrave la preacutevention

Sur le plan de la politique sociale urbaine la commune a participeacute agrave la proceacutedure Deacuteveloppement

social des quartiers du Bassin houiller et a fait partie successivement du Contrat de Ville de

lrsquoAgglomeacuteration de Forbach (8 communes 1994-1999) et de celui du Bassin houiller (16

communes 2000-2006) La Citeacute a eacuteteacute classeacutee en zone de redynamisation urbaine (ZRU) en

1996 et en zone franche urbaine (ZFU) en 2006 Elle neacutecessite un ameacutenagement ambitieux afin

de reacutepondre aux objectifs de deacutesenclavement de centraliteacute et de diversification fonctionnelle

Pour pallier agrave cette carence un projet ANRU est preacutepareacute depuis 2005 pour diverses interventions

urbaines sur lrsquohabitat et les eacutequipements existants comme la reacutehabilitation des deux groupes

scolaires ainsi que la creacuteation drsquoeacutequipements nouveaux tels qursquoune meacutediathegraveque et une maison

pour lrsquoemploi77

comme la bourse au meacuterite de 800 euro suite au brevet des collegraveges) En 2009 on recense 254 RAR qui scolarisent pregraves de 260 000 eacutecoliers et 122 700 colleacutegiens soit 5 environ des eacutelegraveves (15 pour les RRS) 77 Le bulletin municipal de juin 2011 eacutevoque une signature du projet au courant de ce mois-ci

251

Il srsquoagirait de deacutesenclaver la Citeacute par lrsquoameacutelioration des liaisons routiegraveres avec la ville et

lrsquoagglomeacuteration de creacuteer deux pocircles de centraliteacute avec un centre commercial et une nouvelle

mairie une meacutediathegraveque et une maison de lrsquoemploi de laquo reacutesidentialiser raquo diffeacuterents

immeubles comportant 810 logements de diversifier lrsquooffre drsquohabitat avec la reacutehabilitation de

1 440 logements et enfin de deacutemolition 20 de logements sociaux au cœur du quartier (plus de

500 logements dans 8 barres et une tour)

Photo drsquoune partie de la Citeacute apregraves reacutehabilitation (Communauteacute drsquoutilisateurs et deacuteveloppeurs Piwigo 2010)

D- Une petite laquo Ville nouvelle raquo agrave distance des villes et du village communale Mourenx

(Pyreacuteneacutees-Atlantiques)

Mourenx (7 406 habitants en 2008 634 ha ou 634 kmsup2) se situe en Beacutearn au cœur des

Pyreacuteneacutees-Atlantiques dans le Sud-ouest de la France Cette ville qui constitua le premier terrain

drsquoinvestigation des nouvelles formes du deacuteveloppement urbain drsquoHenri Lefebvre se situe au

centre du triangle formeacute par Pau (agrave pregraves de 15 km) Orthez et Oloron-Sainte-Marie Au vieux

bourg formeacute agrave partir du XIIegraveme siegravecle a succeacutedeacute une laquo ville nouvelle raquo commenceacutee en 1957 selon

le modegravele des grands ensembles lieacutee agrave lrsquoexploitation agrave partir de 1949 drsquoun gisement de gaz et de

peacutetrole agrave Lacq situeacutee agrave cinq kilomegravetres de Mourenx

De nos jours la commune fait partie de la plus grande intercommunaliteacute du deacutepartement la

Communauteacute de communes de Lacq qui comprend 47 communes (produit de la fusion le 1er

252

janvier 2011 de quatre communauteacutes de communes preacuteceacutedentes dArthez-de-Beacutearn Lacq

Lagor et Monein) Ce nouvel ensemble de pregraves de 35 400 habitants sur 5342 kmsup2 (ou 53 420 ha)

repreacutesente 25 de la richesse deacutepartementale78 (Communauteacute de communes de Lacq 2011) En

1951 crsquoest la deacutecouverte du gisement de gaz consideacutereacute comme lune des plus importantes poches

du monde qui a deacuteclencheacute la deacutecision drsquoy deacutevelopper un complexe industriel dans un contexte

drsquoeuphorie et drsquoexcitation geacuteneacuterale relayeacutees part les meacutedias79 centrale thermique sur la

commune drsquoArtix et agrave Lacq usine drsquoaluminium uniteacute de production de meacutethanol et de chlorure

de vinyle et usine de fabrication de polyeacutethylegravene puis de polystyregravene par La Socieacuteteacute Nationale

des Peacutetroles dAquitaine (SNPA creacuteeacutee en 1941) est le principal opeacuterateur

78 Abidos Abos Argagnon Arnos Arthez-de-Beacutearn Artix Besingrand Biron Boumourt Cardesse Casteide-Cami Casteide-Candau Castetner Castillon-dArthez Cescau Cuqueron Doazon Hagetaubin Lagravea-Mondrans Labastide-Cezeracq Labastide-Monreacutejeau Labeyrie Lacadeacutee Lacommande Lacq-Audejos Lagor Lahourcade Loubieng Lucq-de-Beacutearn Maslacq Mesplegravede Monein Mont-Arance Gouze-Lendresse Mourenx Noguegraveres Os-Marsillon Ozenx-Montestrucq Parbayse Pardies Saint-Meacutedard Sarpourenx Sauvelade Serres-Sainte-Marie Tarsacq Urdegraves Viellenave-dArthez et Vielleseacutegure 79 Le laquo Bakou pyreacuteneacuteen raquo selon La Reacutepublique des Pyreacuteneacutees ou encore laquo lrsquoegravere du Texas beacutearnais raquo dans drsquoautres supports (Girard 2006)

253

En 1960 7 000 emplois sont creacuteeacutes les travailleurs viennent de toute la France dEspagne du

Portugal et drsquoAfrique du Nord Le grand complexe industriel est construit en cinq ans Lrsquohistoire

urbaine moderne de la commune commence avec la neacutecessiteacute de loger la main drsquoœuvre Cette

ville laquo patronale raquo moderne (Girard 2006) mais aussi drsquoEacutetat dans le cadre de sa politique

industrielle a eacuteteacute creacuteeacutee ex nihilo avant mecircme le deacutecret de 1958 sur les ZUP posant le cadre

administratif opeacuteratoire des grands ensembles Son histoire est originale non seulement parce

que sa construction ne reacutesulte pas drsquoun choix premier et qursquoelle srsquoest trouveacutee comme derniegravere

solution pressante agrave reacutealiser mais aussi en raison de son heacuteteacuterodoxie par rapport au modegravele

classique de ce type drsquoopeacuteration

Tout drsquoabord le choix drsquoune ville pour pregraves de 15 000 ouvriers et cadres agrave loger a eacuteteacute tardif car

impreacutevu initialement Apregraves un premier programme eacutelaboreacute par la SNPA pour ses employeacutes

deux premiegraveres solutions pour loger lrsquoensemble des familles du site ont eacutechoueacute drsquoune part la

solution des nouveaux quartiers dans les deux villes alentours Pau et Orthez a eacuteteacute refuseacutee par

crainte des laquo communistes raquo ou de la laquo racaille raquo (Girard 2006) et drsquoautre part la disseacutemination

dans les villages autour de Lacq que sont Lagor Artix et Abidos (apregraves des premiegraveres

constructions agrave Lagor Arthez et Artix) apparaissait trop coucircteuse en termes drsquoeacutequipement et de

reacuteseaux ainsi que drsquoassainissement sans compter les difficulteacutes de mise en œuvre pour un seul

maicirctre drsquoouvrage

La SNPA et le gouvernement deacutecidegraverent alors drsquoeacutetablir rapidement un ensemble urbain unique

de 3 000 logements pour 12 000 habitants Pour ce faire lrsquoarchitecte Jean-Benjamin Maneval fut

inviteacute agrave proposer un plan-masse Diplocircmeacute de lrsquoEacutecole nationale supeacuterieure des Beaux Arts

membre de lrsquoUrban Land Institut et associeacute agrave Reneacute-Andreacute Coulon et Philippe Douillet il

travaillait agrave ce moment sur le chantier de Sarcelles avec Jacques-Henri Labourdette

Le nouveau projet eacutetait donc de creacuteer une ville nouvelle agrave proximiteacute des industries non

seulement dans un lieu bien exposeacute non inondable de faible valeur agricole et agrave labri des vents

dominants ce qursquooffrent les contreforts de colline de Lagor sur la commune rurale de Mourenx

(Deacuteleacutegation agrave lrsquoArchitecture et agrave la Construction 1980) mais aussi avec toutes les

caracteacuteristiques drsquoune ville autonome sur les plans de lrsquohabitat et de la vie urbaine (Girard

2006) La SNPA et un groupe de grandes entreprises (Pechiney Aquitaine Chimie et EDF) se

sont associeacutes agrave la Caisse des deacutepocircts et consignations (CDC) et agrave sa filiale opeacuterationnelle la SCIC

254

Socieacuteteacute Civile Immobiliegravere de Construction80 pour creacuteer la SCIL Socieacuteteacute civile immobiliegravere de

Lacq Cette derniegravere opeacuteratrice priveacutee agissant avec des capitaux publics (la Caisse des deacutepocircts

deacutetenant 60 du capital sa filiale 20 et les entreprises publiques et priveacutees 20 ) a acquis

directement les terrains aupregraves de trois proprieacutetaires priveacutes

Figure syntheacutetique du traceacute du grand ensemble (C Marti 2010)

Carte postale dune vue aeacuterienne du grand ensemble de Mourenx agrave sa construction (C Marti 2010)

La municipaliteacute et les organismes HLM nrsquoont pas eacuteteacute inclus dans lrsquoopeacuteration et la ville nouvelle

srsquoest implanteacutee agrave lrsquoeacutecart du village de 218 habitants en 1954 Le terrain choisi de 50 hectares sur

la commune domine ainsi les usines de la zone industrielle du Luzoueacute agrave 2 km seacutepareacutee par une

forecirct Apregraves deacutemarrage du chantier en juillet 1957 lrsquoeacutedification et le peuplement des nouveaux

immeubles furent rapides ainsi que lrsquoouverture des services publics un an apregraves les 800

premiers logements eacutetaient occupeacutes en octobre 1958 leacutecole Charles de Bordeu ouvre ses portes

Plus de 3 000 logements ont ainsi eacuteteacute bacirctis entre 1957 et 1961 (270 agrave 280 logements par mois)

En 1962 on deacutenombre 8 660 habitants et lrsquoensemble accueille 10 700 habitants en 1968 Les

80 Celle-ci fut la premiegravere filiale technique de lrsquoEacutetat pour mettre en place les opeacuterations de logement de grande envergure que sont les grands ensembles (Landauer 2008) tout en deacuteposseacutedant les architectes et les collectiviteacutes locales de leurs preacuterogatives elle promouvait un modegravele drsquohabitation centreacute sur la sphegravere individuelle et lrsquoorganisation rationnelle du territoire

255

logements (du F1 au F581) de surfaces un peu en-dessous des normes actuelles (52 msup2 pour un

F3 et 63 msup2 pour un F4) reacutepondent tous agrave un mecircme scheacutema de configuration mecircmes tailles et

emplacements des cuisines salles de bain (toilettes comprises) et salons salles de bain et

cuisines eacutetant regroupeacutes autour des cages drsquoescaliers Un chauffage au sol commun montre la

moderniteacute de la construction Dans les barres chaque cage drsquoescalier dessert deux appartements

par pallier et parmi les tours celle des laquo Ceacutelibataires raquo est atypique avec que des appartements

F1 et un restaurant panoramique en haut

Mecircme si en apparence les architectes ont suivi les principes formels drsquourbanisation abstraite et

fonctionnaliste des grands ensembles ils ont neacuteanmoins introduits une nouveauteacute concernant le

centre civique constitutif de son autonomie politique et urbaine (municipaliteacute services publics)

dimension deacutelibeacutereacutement eacutevacueacutee par les principes de la Charte drsquoAthegravenes qui appelle agrave rompre

avec la tradition urbaine europeacuteenne (Girard 2006) Crsquoest bien drsquoailleurs le laquo tout Eacutetat raquo qui

caracteacuterise ce programme duquel ont eacuteteacute eacutecarteacutes les acteurs locaux

Neacuteanmoins bien que le reacutesultat nrsquoait pas eacuteteacute probant agrave ce niveau Maneval visait explicitement

une densiteacute en vue drsquoassurer une existence urbaine agrave la ville Ainsi paradoxalement avant mecircme

lrsquourbanisation massive en France selon le modegravele des grands ensembles drsquohabitation dans les

ZUP une des premiegraveres reacutealisations pionniegraveres dans ce domaine srsquoest distingueacutee en suivant les

ideacutees de diffeacuterentes productions intellectuelles veacutehiculeacutees agrave lrsquoeacutechelle mondiale la neacutecessiteacute des

civic centers a traverseacute tant les deacutebats des derniers Congregraves internationaux drsquoarchitecture

moderne (CIAM) que ceux de lrsquoeacutevaluation des news towns anglo-saxonnes ou de la peacuteriode de

la Reconstruction drsquoapregraves-guerre en France

Dans cette perspective Mourenx-ville srsquoorganise agrave partir drsquoun centre-ville et avec des quartiers

comportant des places notamment celle de la mairie et celle du marcheacute dont lrsquoespace est

pieacutetonnier (voitures cantonneacutees dans des parkings arriegraveres) ce qui va agrave lrsquoencontre de

lrsquourbanisme fonctionnaliste qui proscrit lrsquoespace public au profit de lrsquoespace de mobiliteacute et celui

de la nature La forme urbaine se compose de cinq icirclots (dont trois autour du centre) constitueacutes

chacun drsquoun ensemble de 300 logements reacutepartis dans une tour et plusieurs barres alentours

81 Le laquo F raquo signifie Fonction F1 est lrsquoappartement de premiegravere fonction comprenant une piegravece commune avec cuisine (seacutepareacutee ou non) et une salle drsquoeau F2 indique une piegravece suppleacutementaire pour une chambre et F3 une deuxiegraveme chambre etc La deacutenomination actuelle plus usiteacutee en T1 T2 T3hellip signifie Type 1 Type 2 Type 3hellip Elle a succeacutedeacute agrave la terminologie preacuteceacutedente en raison drsquoun changement de norme (dont la reacuteduction des surfaces)

256

Ils disposent drsquoune eacutecole eacuteleacutementaire et sont relieacutes agrave un groupe de logements individuels (Girard

2006) Une ouverture formelle caracteacuterise ces espaces reacutesidentiels en raison de lrsquoapplication de

certaines normes urbaines drsquoordre technique rappelle Henri Lefebvre (1960) leur taille devait

ecirctre reacuteduite (5 000 personnes maximum par icirclot) et la proximiteacute des immeubles drsquohabitation

limiteacutee pour eacuteviter la fermeture spatiale et son eacuteventuel corollaire le repli social cependant une

distance jugeacutee suffisante a eacuteteacute appliqueacutee pour faciliter des possibiliteacutes drsquointerconnaissances entre

habitants drsquoun mecircme icirclot ou drsquoicirclots diffeacuterents

Drsquoautres nuances formelles distinguent le programme local des productions de ce type (Marti

2010) les bacirctiments se ressemblent mais laquo ne sont pas identiques raquo ainsi que les intervalles

entre bacirctiments leurs longueurs et leurs hauteurs Bien que les uniteacutes de voisinage au sens de

lrsquoicirclot soient composeacutees de maniegravere identique ces diffeacuterences font qursquoaucune nrsquoest semblable

aux autres La disposition des constructions homogegravene et non tendue induit neacuteanmoins un

laquo eacutequilibre formel raquo qui participe agrave la production drsquoun tissu par lrsquoeffet drsquoune matiegravere homogegravene

et continue Autres diffeacuterences avec les grands ensembles dans leur majoriteacute selon Girard

(2006) drsquoune part une gamme complegravete drsquoeacutequipements collectifs dans la partie est de la ville

nouvelle (laquo Citeacute scolaire raquo regroupant des eacutetablissements du secondaire et des eacutequipements

sportifs diversifieacutes) et drsquoautre part des jardins privatifs aux pieds des immeubles

Vue de Mourenx et des usines de Lacq au loin

(Communauteacute de communes de Lacq 2011)

257

Cependant le modegravele du grand ensemble ne peut pas ecirctre tout agrave fait eacutecarteacute comme le propose

Girard (2006) puisque au-delagrave des formes architecturales identiques (tours et barres) le reacutesultat

ne forme pas une ville dense et diversifieacutee avec des rues nombreuses et eacutetroites Agrave part quelques

maisons accoleacutees et des grandes maisons en peacuteripheacuterie il nrsquoy a pas de nette hieacuterarchie de

densiteacute contrairement agrave lrsquoobjectif iconoclaste de deacutepart la reacutepartition des masses bacircties est

reacuteguliegravere sur lrsquoensemble du territoire

Lrsquoespace social est dilateacute ce que renforce la modestie deacutemographique de lrsquoensemble urbain

conccedilue agrave dessein (Lefebvre 1960) La configuration spatiale de la voirie et des immeubles isoleacutes

de grande taille (barres allongeacutees de quatre agrave cinq eacutetages et tours agrave chaque icirclot) suit une

orientation purement geacuteomeacutetrique abstraite vis-agrave-vis de la topographie ou drsquoune raison plus

fonctionnelle agrave Mourenx la geacuteneacuteralisation de lrsquoemploi de courbes pour dessiner les voiries

nrsquoest appliqueacutee que pour contrebalancer la rectitude geacuteomeacutetrique des constructions (Girard

2006)

Lrsquoambiance urbaine de laquo citeacute-dortoir raquo monotone srsquoapplique tout agrave fait agrave Mourenx avec ces

quarante quasi-exemplaires de la mecircme barre configureacutes en icirclots comportant chacun une vaste

cour-jardin une tour voire quelques commerces et une eacutecole pour certains De toute eacutevidence

les nuances formelles internes apporteacutees par le concepteur du plan-masse nrsquoimpactent pas

significativement la vie humaine et sociale dans cet ensemble Celle-ci deacutepend drsquoune

organisation spatiale seacutegreacutegative mecircme si la centraliteacute affirmeacutee notamment politique autour de

la municipaliteacute a pu constituer une voie de mobilisation collective de la part notamment des

habitants massivement locataires (aux deux-tiers) contre la SCIC deacutenonceacutee pour sa volonteacute

drsquoeacuteponger les dettes de construction via les charges locatives

Enfin ce type drsquohabitat collectif et seacuteriel malgreacute des jardins privatifs rendent difficiles

lrsquoappropriation et lrsquoindividuation de lrsquoespace ce qui justifie sa deacutevalorisation voire sont rejet

spontaneacute Girard (2006) note mecircme que Lefebvre ressent ce type de reacuteaction psychoaffective

lorsqursquoil eacutecrit dans son livre Introduction agrave la moderniteacute (Lefebvre 1962 p 123) laquo La Ville

Nouvelle ne se preacutesente pas mal Le plan drsquoensemble (le plan-masse) ne manque pas drsquoallurehellip

Pourtant chaque fois je mrsquoeffraie devant ces machines agrave habiter raquo

En fait Mourenx-Ville Nouvelle constitue une eacutetape historique essentielle dans le mouvement de

lrsquoarchitecture et de lrsquourbanisme moderne commenceacutee dans les anneacutees 1920 Son eacutedification drsquoun

258

tenant en tant que totaliteacute homogegravene tant bacirctie que spatiale malgreacute ses autres caracteacuteristiques

eacutevoqueacutees plus haut constitue un modegravele dans lrsquohistoire des villes lrsquoobjectif de sa construction

en une seule opeacuteration est devenu un principe fondateur pour la famille de faits urbains qui

suivront celle des grands ensembles (Marti 2010) Dans la plupart des cas leur localisation et

leur configuration visaient drsquoailleurs agrave juguler une croissance soudaine des agglomeacuterations

geacuteneacuterant une surdensiteacute jugeacutee insupportable en raison de nuisances multiples deacutejagrave difficiles

voire impossibles agrave geacuterer

Agrave quoi alors renvoie ce type de spatialiteacute particulier dont les formes ne sont pas seulement

deacutetermineacutees par les contraintes de construction rapide et massive Car la configuration de la

ville mecircme si elle peut paraicirctre ouverte en interne ne confine-t-elle pas agrave un repli agrave lrsquoeacutechelle de

la ville Pour Lefebvre (1960) une mecircme ideacuteologie sociale est agrave lrsquoœuvre dans cette option

urbanistique la volonteacute de produire des citeacutes de type laquo communautaire raquo82 Cette forme

innovante agrave lrsquoeacutepoque entretient donc un risque de fermeture des relations sociales en facilitant

les possibiliteacutes de controcircle social pesant et en entraicircnant des limitations de mobiliteacute sociale et

donc de deacuteveloppement culturel et intellectuel des personneshellip

Ainsi une reacutegression de la vie sociale et personnelle peut se produire alors mecircme qursquoil est

rechercheacute au contraire la formation drsquouniteacutes socio-spatiales dans lesquelles les liens sont de

type laquo communautaire raquo (solidariteacute meacutecanique de Durkheim) crsquoest-agrave-dire denses intenses et

chaleureux et ougrave le collectif prime sur lrsquoindividu Mais le deacutefaut de faible marge de liberteacute que

celui-ci dispose dans ce cas est agrave lrsquoencontre des aspirations sociales et de lrsquoeacutevolution socieacutetale

Cette illusion de pouvoir produire des formes sociales anciennes agrave partir de formes drsquohabitat est

certainement lieacutee agrave une perception et une interpreacutetation erroneacutees ndash nostalgiques des relations

de proximiteacute spatiale et sociale reacuteguliegraveres seule est prise en compte lrsquointensiteacute affective ou

eacutemotionnelle supposeacutee de ce type de fonctionnement collectif en oubliant lrsquoexistence des

normes et des meacutecanismes de controcircle neacutecessaires pour fonctionner En outre un regroupement

spatial nrsquoengendre en rien meacutecaniquement une intensiteacute de relations satisfaisantes sur le plan du

deacuteveloppement individuel de chacun Les relations sociales de type organique en grande majoriteacute

sont plus individualiseacutes et fonctionnelles et elles engendrent localement dans le cadre des

relations personnelles agrave lrsquoinverse de lrsquoutopie communautaire de la distance sociale entre

82 Lefebvre utilise aussi lrsquoexpression drsquo laquo uniteacute de voisinage raquo pour le cas des nouveaux quartiers construits aux abords (crsquoest-agrave-dire laquo au voisinage raquo) des agglomeacuterations anciennes

259

individus car ceux-ci ne partagent plus les mecircmes activiteacutes et repreacutesentations sociales qui en

deacutecoulent (Toumlnnies 1977)

De son enquecircte agrave Mourenx Lefebvre (1960) tira un enjeu central pour la moderniteacute sortir de

lrsquoennui les habitants malheureux de ce type de ville de la monotonie lieacutee au manque drsquointensiteacute

de la vie urbaine et de lrsquoeacuteloignement des grandes villes de la reacutegion Les effets neacutegatifs sur le

plan psychologique de cette situation eacutetant accentueacutes par les tensions voire les neacutevroses multiples

lieacutees agrave la promiscuiteacute interne aux immeubles que produit la sonoriteacute intra et inter-appartements

Mourenx souffre drsquoavoir eacuteteacute conccedilu comme un village de grande taille peu relieacute aux restes des

agglomeacuterations Crsquoest un espace conccedilu en quelque sorte comme un agrandissement par dilation

et eacutecartement de ces eacuteleacutements physiques et sociaux et non par densification contigueuml

Qursquoen est-il aujourdrsquohui de Mourenx et de sa vie sociale Les industries peacutetroliegraveres ont subi la

crise des anneacutees 1970 et en 1980 lrsquousine Peacutechiney (pregraves de 5 000 emplois) a fermeacute La ville a

perdu correacutelativement 3 000 habitants alors mecircme que les bourgs et des villages environnants

srsquoaccroissent Ceci ne signifie pas obligatoirement un deacutepart des employeacutes mis au chocircmage mais

plutocirct un vieillissement de la population avec le deacutepart hors de la ville des enfants ayant grandit

et la faible arriveacutee de nouveaux meacutenages et actifs dans ces industries et donc une faible

augmentation naturelle au sens deacutemographique (naissance moins deacutecegraves) Sur le plan physique la

tristesse des faccedilades srsquoest accentueacutee par leur vieillissement acceacuteleacutereacute de nombreuses fissures sont

apparues par endroits en moins drsquoune dizaine drsquoanneacutees Comme la plupart des grands ensembles

(Peillon 2001) Mourenx a eacuteteacute construit agrave moindre coucirct et surtout peu entretenu malgreacute des

pathologies constructives seacuterieuses (Girard 2006) manque drsquoeacutetancheacuteiteacute des toitures de terrasse

fissures nombreuses des murs exteacuterieurs et menuiseries bois en mauvais eacutetat

En outre la centraliteacute globale notamment socio-eacuteconomique est resteacutee faible puisque le centre

commercial srsquoest peu deacuteveloppeacute tout comme le deacuteveloppement du petit commerce et de

lrsquoartisanat malgreacute la volonteacute politique initiale drsquoune liste laquo lsquoapolitiquersquo mais de gauche raquo

(Lefebvre 1960) qui marquait lrsquoappropriation deacutemocratique de la ville face aux gestionnaires du

grand ensemble dont la SCIC Ce manque de dynamisme de lrsquoespace public est le reacutesultat drsquoune

faible densiteacute (20 de la surface au sol est occupeacute par le bacircti) qui a du mal a ecirctre reconnu alors

mecircme que les habitants constatent des parkings et des espaces verts trop vastes et trop couteux agrave

entretenir et des eacutequipements collectifs qui continuent encore de manquer

260

Dans les anneacutees 1980 la vacance devient importante et la SCIC va alors mener une campagne de

reacutehabilitation (remplacement des tuyaux de reacuteseaux drsquoeau et de gaz ainsi que des menuiseries)

soutenue par les eacutelus et les habitants suivie dans les anneacutees 1990 de travaux drsquoembellissement

du centre-ville drsquoune nouvelles reacutehabilitation des faccedilades exteacuterieures des bacirctiments (avec

restructuration physique interne et externe de deux immeubles importants du centre-ville83) et de

la construction de trois lotissements hors de lrsquoensemble laquo ville-nouvelle raquo Cela ne modifiera pas

sa deacutevalorisation symbolique et son eacutevolution sociale

Le deacuteclin urbain est pleinement engageacute sous lrsquoeffet du deacuteclin du chocircmage et de la paupeacuterisation

drsquoune majeure partie de ses habitants et en raison de la faiblesse structurelle de la qualiteacute de ses

immeubles drsquohabitation et de son entretien et maintien De la ville industrielle proposant un

habitat moderne aux couches ouvriegraveres la ville devient une laquo banlieue raquo de grand ensemble

stigmatiseacutee de Pau la bourgeoise mais aussi drsquoOrthez qui refusent les cateacutegories populaires

fragiles et exclues (Girard 2006)

Avec le manque drsquoattractiviteacute de la forme urbaine lrsquoaccegraves au logement social est devenu le motif

principal drsquoarriveacutee dans la ville pour une population plus preacutecaire eacuteconomiquement et fragile

socialement mecircme si les logements et les eacutequipements neufs et les immeubles reacutehabiliteacutes

peuvent attirer certains jeunes couples inteacutegreacutes Une dualisation sociale srsquoest amorceacutee puisque

pour les reacutesidents des immeubles sociaux le sentiment drsquoune situation de captiviteacute ne trouvant

pas ailleurs de logements deacutecents preacutedomine Lrsquoaccroissement de la part des personnes acircgeacutees

assez pauvre issues des premiegraveres vagues de peuplement industriel renforce le caractegravere preacutecaire

de la population drsquoensemble

En 1996 la ville nouvelle dans sa partie drsquoimmeubles collectifs (le quartier laquo Neuf Coueyto raquo) a

eacuteteacute classeacutee ZUS En 2006 cette zone compte 3 736 habitants soit la moitieacute de la population

communale (495 ) (Secreacutetariat geacuteneacuteral du Comiteacute interministeacuteriel des villes 2010-d) ce qui

montre que les lotissements pavillonnaires hors de la ville nouvelle et le vieux bourg se sont

davantage accru que la Ville Nouvelle

83 Entre 1990 et 1996 la grande tour des Ceacutelibataires (18 eacutetages drsquoappartements F1) est restructureacutee avec des appartements plus grands une ameacutelioration des eacuteleacutements drsquoeacutetancheacuteiteacute drsquoinsonorisation et drsquoisolation une reacutefection des parties communes avec la seacutecuriteacute incendie et enfin un traitement des faccedilades important (variation des percements et des couleurs adjonctions de balcons) De mecircme la barre S est casseacutee en son milieu (suppression de trois appartements et les pignons sont transformeacutes en balcons

261

Les anneacutees 2000 sont celles de lrsquoaccentuation des interventions physiques de renouvellement

urbain sur cette partie avec drsquoune part la loi de 2000 portant sur la Solidariteacute et le

renouvellement urbain et drsquoautre part celle de 2003 sur le Programme national de reacutenovation

urbaine Sans transformation majeure de la forme urbaine ni mouvement de densification

immobiliegravere et de diversification importante de ses fonctions sociales les effets urbains de ce

type drsquoopeacuteration seront ambigus Par exemple la deacutemolition en 2002 drsquoune tour de douze eacutetages

celle de lrsquoAubisque laquo allegravege raquo le centre-ville selon Girard (2006) alors que celui-ci nrsquoest pas

particuliegraverement dense84

Par ailleurs eacutetonnement alors qursquoelle constate la marginalisation sociale de la population du

parc social de logement Girard (2006) qualifie de laquo centraliteacute urbaine favorable raquo (p 107) la

preacutesence des 2 174 logements sociaux qui permettrait selon elle le laquo redressement raquo

deacutemographique de la ville en oubliant de mentionner les effets sociaux neacutegatifs en termes de

concentration de cateacutegories de meacutenages et de personnes exclues preacutecaires et en difficulteacutes

sociales ce qui constitue une situation propice au deacuteveloppement des pheacutenomegravenes de tensions et

de deacutelinquance sociales dans lrsquoespace local Comme cela a eacuteteacute analyseacute et mis en valeur dans la

partie probleacutematique de la thegravese cette analyse comporte un biais de focalisation sur la dimension

deacutemographique pour lrsquoanalyse de lrsquoeacutevolution urbaine au deacutetriment des caracteacuteristiques sociales

de la population et de la dynamique de ses relations se situant sur le plan plus qualitatif du

deacuteveloppement urbain

Sur le plan qualitatif justement la Ville srsquoest engageacutee dans un contrat urbain de coheacutesion sociale

(CUCS) un contrat eacuteducatif local (CEL) En mecircme temps elle poursuit ses efforts de reacutenovation

urbaine dans une perspective plus intercommunale et eacutegalement qualitative en ayant

contractualiseacute en 2008 un projet de reacutenovation avec lrsquoAgence nationale de reacutenovation urbaine

(ANRU) la Communauteacute de commune de Lacq et le Conseil geacuteneacuteral Il vise agrave 1 deacutemolir des

bacirctiments du centre de la ville nouvelle O (108 logements sociaux) dont la barre de cent megravetres

de long (voir photo ci-dessous) 2 reacuteameacutenager et redimensionner les places centrales et quelques

bacirctiments (dont lrsquohocirctel de ville) 3 implanter de nouveaux eacutequipements (dont un centre culturel- 84 Cette conception de Girard (2006) semble davantage srsquoappliquer agrave la dynamique sociale de la population plutocirct qursquoa sa dimension deacutemographique drsquoune part on a vu que la densiteacute deacutemographique reacuteelle de la ville reste tregraves faible par rapport aux villes anciennes et drsquoautre part Giraud (2000) a bien montreacute que la laquo lourdeur raquo drsquoun environnement social deacutesigne en fait les tensions pesanteurs fermetures et contrarieacuteteacutes multiples de relations sociales qursquoimposent aux individus un environnement social deacutemographiquement dense ou pas mais heacuteteacuterogegravene et dans lequel les individus ne trouvent pas de supports de relations sociales propres agrave leur construction et deacuteveloppement identitaires

262

meacutediathegraveque intercommunal agrave la place de la barre O) et des locaux professionnels 4 restructurer

certains autres quartiers 5 laquo reacutesidentialiser raquo 149 logements et reacutehabiliter 909 logements et 6

reacutealiser des constructions dans le secteur de son parc urbain (116 logements sociaux)

Dans ce sens la Ville projette deacutejagrave de nouvelles interventions de transformations dans un plan

laquo ANRU 2 raquo avec la creacuteation drsquoun deuxiegraveme groupe scolaire (Claveacute 2011) Cependant les

travaux sont trop lents pour des attentes fortes de requalification Les eacutelus de la ville ont compris

que le deacuteveloppement urbain doit ecirctre multidimensionnel il ne peut se satisfaire drsquoune seule

action drsquoattraction deacutemographique par le logement social ce qui est par ailleurs difficile agrave

reacutealiser

laquo Les tendances deacutemographiques sont formelles les gens ne veulent plus vivre agrave Mourenx et

notamment dans lhyper-centre ougrave le bacircti est devenu obsolegravete raquo a deacuteclareacute le deacuteputeacute-maire David

Habib en juillet 2011 lors drsquoune visite sur site du preacutefet qui est aussi deacuteleacutegueacute deacutepartemental de

lrsquoANRU drsquoun conseiller geacuteneacuteral et des membres de la SNI Socieacuteteacute nationale immobiliegravere de la

Caisse des deacutepocircts85 (Claveacute 2011) Pourquoi la SNI Une partie du parc HLM a eacuteteacute vendue agrave la

SBHM de Pau (une tour la laquo Tour Habib raquo a eacuteteacute baptiseacutee du nom du preacutesident de la SBMH de

leacutepoquehellip et maire actuel de Mourenx) Celle-ci a reacutenoveacute et mis en vente les appartements sous

la forme de coproprieacuteteacutes

Preacuteparation de la laquo deacuteconstruction raquo de lrsquoimmeuble O (La Reacutepublique des Pyreacuteneacutees 2010)

85 La SNI premier bailleur franccedilais en 2006 selon le rapport annuel de la Caisse des deacutepocircts de la mecircme anneacutee est lrsquoancienne Socieacuteteacute de gestion immobiliegravere des Armeacutees (devenu SNI en 1976) comme vu avec Fareacutebersviller (deacutetentrice des Houillegraveres du Bassin de Lorraine) Elle est filiale agrave 100 de la Caisse des deacutepocircts depuis 2004 et possegravede agrave cette date les douze entreprises sociales pour lrsquohabitat (ESH) de la SCIC (qui eacutetait majoritaire dans la Socieacuteteacute civile immobiliegravere de Lacq agrave la construction de la Ville Nouvelle) ainsi que de la SA HLM en Icircle-de-France (ex-SCIC Habitat Icircle-de-France) Elle possegravede 100 de la SAGI (Socieacuteteacute Anonyme de Gestion immobiliegravere drsquoactiviteacute fonciegravere) et 97 drsquoEFIDIS (groupe de quatre SA HLM drsquoIcircle-de-France creacuteeacute en 1990) La SNI possegravede en outre cinq eacutetablissements et plusieurs filiales de logements locatifs intermeacutediaires trois entreprises de services aux collectiviteacutes (SCET-Services Conseil Expertise et Territoire CD Habitat et CD Citeacutes) ainsi que les 28 de la Caisse des deacutepocircts dans ADOMA (ex-SONACOTRA)

263

Crsquoest la SNI et sa filiale Coligny (dont elle est majoritaire) baseacutee agrave Pau qui ont racheteacute tout le

parc de la SCIC (La Reacutepublique des Pyreacuteneacutees 2011) Quoiqursquoil en soit les propos sont plus que

pressants puisque les travaux devaient ecirctre termineacutes en deacutecembre 2010 (Faure 2010) Le

bacirctiment de 100 megravetres de long et agrave cinq niveaux est situeacute au bord de la place de la mairie Il

constitue la premiegravere opeacuteration visible du programme de reacutenovation urbaine Agrave la place laisseacutee

vide est preacutevu un pocircle urbain consacreacutee agrave la culture une meacutediathegraveque deux salles de cineacutema

une galerie dart lassociation Lacq-Odysseacutee et la compagnie theacuteacirctrale laquo Les pieds dans leau raquo

(Ville de Mourenx 2010) Les preacutemices drsquoune entreacutee dans lrsquourbaniteacute agrave une eacutechelle reacutegionale se

posent avec une certaine lenteur et progressiviteacute ce qui change dans lrsquohistoire urbaine de la ville

mais renoue avec le caractegravere preacutedominant de lrsquoeacutevolution des villes

E- Plusieurs quartiers drsquoune petite ville Bagnols-sur-Cegraveze (Gard)

Drsquoorigine romaine Bagnols (du latin balneacutearius lieu ougrave lon prend des bains) au nord-est du

deacutepartement est un petit centre urbain rayonnant degraves le Moyen-acircge agrave une trentaine de

kilomegravetres au nord drsquoAvignon sur la valleacutee de la Cegraveze au carrefour de la route de Lyon au Midi

par la rive droite du Rhocircne Crsquoest la troisiegraveme ville la plus peupleacutee du deacutepartement apregraves Nicircmes

(agrave pregraves de 50 km au sud-ouest) et Alegraves (pregraves de 60 km agrave lrsquoouest) Depuis lAntiquiteacute le territoire

de la commune avec les celtes drsquoabord est en relation avec Marseille puis inclus dans la citeacute de

Nicircmes et agrave partir du Ve siegravecle dans celle drsquoUzegraves La construction au IVe siegravecle dun sanctuaire agrave

lemplacement de lactuelle eacuteglise teacutemoigne de cette histoire (Ville de Bagnols-sur-Cegraveze 2011)

Par la suite des mouvements religieux se deacuteveloppent et avec eux la construction de chapelles

mais surtout la commune a connu une histoire eacuteconomique et urbaine prospegravere tout au long des

siegravecles jusqursquoagrave la Reacutevolution et malgreacute les conflits politiques les guerres civiles et les grandes

eacutepideacutemies au XIIe siegravecle Bagnols devient seigneurie dans la mouvance des Comtes de

Toulouse en 1208 la premiegravere charte communale est signeacutee et en 1223 un marcheacute est creacuteeacute sur

deacutecision royale

Jusqursquoen 1789 drsquoailleurs la ville est administreacutee par des consuls (ancecirctres des conseils

municipaux doteacutes du pouvoir drsquoadministration et de deacutefense eacutelus au suffrage laquo universel raquo ie

par des chefs de famille ou de laquo feu raquo des chefs des meacutetiers des femmes veuves ou des

marchandes de services) Depuis le XVIIe siegravecle crsquoest lindustrie de la soie (avec eacutelevage du vers

264

agrave soie et artisanat textile) qui a fait la prospeacuteriteacute de la ville (pregraves de 5 000 habitants agrave cette

peacuteriode) et ce sont les tensions sociales dans ce domaine qui ont conduit agrave une eacutemeute populaire

en avril 1789 avant mecircme que la Reacutevolution ne commence en conseacutequence de la hausse du prix

du pain

La ville srsquoest moderniseacutee au XIXe siegravecle et dans la premiegravere moitieacute du XXe siegravecle alors que la

population se maintient entre 4 000 et 5 000 habitants Les portes et remparts meacutedieacutevaux sont

deacutetruits des boulevards et des espaces verts sont creacuteeacutes hors du traceacute preacuteceacutedent de la ville

(boulevard Lacombe et Jardin du Mont-Cotton avec son theacuteacirctre de verdure)

lapprovisionnement en eau est assainie et ameacutelioreacutee les rues sont paveacutees ou recouvertes et le

cimetiegravere deacuteplaceacute Dans les anneacutees 1870 le chemin de fer dessert la commune avec une gare

qui est inaugureacutee en 1881 Le tournant majeur de lhistoire urbaine bagnolaise a lieu au milieu

des anneacutees 1950

265

En 1954 est creacuteeacute agrave quelques kilomegravetres au sud-est de Bagnols le centre nucleacuteaire de Marcoule sur

les communes de Chusclan et de Codolet qui associe recherches sur la bombe atomique avec

construction de reacuteacteurs nucleacuteaires agrave usage militaire et deacuteveloppement de la filiegravere graphite-gaz

par le Commissariat agrave lrsquoeacutenergie atomique (CEA) initialisant les reacuteacteurs nucleacuteaires pour les

centrales franccedilaises de production eacutelectrique86 Cette industrie a entraicircneacute une transformation

spectaculaire de la ville avec la population qui a tripleacute en une quinzaine danneacutees avec 16 500

habitants agrave la fin des anneacutees 1960 contre seulement 5 500 au milieu des anneacutees 1950 Dans la

hieacuterarchie des domaines drsquoactiviteacute lagriculture cegravede la premiegravere place agrave lindustrie et aux

services et Bagnols devient un temps la ville la plus jeune de France Un lyceacutee classique et un

lyceacutee technique prennent le relais du vieux collegravege tandis quun centre hospitalier moderne sort

de terre agrave proximiteacute de lHocirctel Dieu

En fait les premiegraveres opeacuterations principales ont eu lieu entre 1956 et 1961 pour le compte du

CEA par Georges Candilis un des principaux collaborateurs de Le Corbusier dans la promotion

du mouvement drsquoarchitecture moderne et lors de la creacuteation de la Citeacute Radieuse de Marseille

(1945-1952) Il a reacutealiseacute un des quartiers les Escanaux au sud de la ville Et eacutetaleacute sur vingt ans

lrsquoensemble des opeacuterations a constitueacute un paysage urbain transformeacute de faccedilon spectaculaire bien

que la ville ait preacuteserveacute son centre historique aux hocirctels particuliers aujourdhui en partie

pieacutetonnier Plus tard une politique de construction de lotissements pavillonnaires agrave partir des

anneacutees 1980 a eacuteteacute meneacutee en mecircme temps que des zones commerciales aux entreacutees de la ville et

une zone industrielle qui seacutetend sur la route dAvignon Lrsquoensemble est jugeacute eacutequilibreacute entre

urbanisme ancien celui des grands ensembles et les lotissements reacutecents Depuis les anneacutees

1970 la population communale poursuit sa croissance agrave un rythme plus lent de 16 468 habitants

en 1968 agrave 18 506 en 2008 Deacutesormais troisiegraveme ville du deacutepartement la ville affirme un rocircle de

capitale du Gard rhodanien entre Alegraves Nicircmes Avignon et Monteacutelimar

Les 2 700 logements sociaux repreacutesentent pregraves de 40 du parc total des reacutesidences principales

au deacutebut des anneacutees 2000 Ils se concentrent sur quatre quartiers (Escanaux Citadelle Coronelle

et Vigan Braquet) La ville constitue donc une petite agglomeacuteration diversifieacutee et coupeacutee de toute

86 Le site comporte aujourdhui de tregraves nombreuses activiteacutes nucleacuteaires Pheacutenix (reacuteacteur expeacuterimental de la filiegravere agrave neutrons rapides) production de MOX (Mixed Oxyde meacutelange drsquooxyde drsquouranium et de plutonium permettant le recyclage du combustible nucleacuteaire agrave lrsquousine de traitement de La Hague) entreposage traitement et centre deacutetude sur les deacutechets radioactifs laboratoire de traitement des combustibles irradieacutes installation nucleacuteaire militaire exploiteacutee par AREVA (reacuteacteurs arrecircteacutes en 2009 en attente de deacutemantegravelement)

266

autre grande zone urbaine puisque le caractegravere de son environnement dans et hors la commune

est resteacute nettement agricole et naturel avec des collines de garrigues cernant la ville et un

vignoble et des cultures maraicircchegraveres dans une grande partie du territoire communal

Immeuble du quartier des Escanaux agrave Bagnols-sur-Cegraveze (Contributeurs agrave Wikipeacutedia 2010)

Cependant plusieurs territoires internes agrave la ville eacutevoluent selon des logiques de deacuteclin non sans

lien avec la reacuteduction des activiteacutes du site industriel de Marcoule (fermeture de reacuteacteurs

notamment) et lrsquoobsolescence des espaces urbains construits pour y loger la main drsquoœuvre

concerneacutee Les quartiers drsquohabitat social de cette eacutepoque (citeacutes plus haut) proches du centre

ville concentrent une population marqueacutee par lrsquoinstabiliteacute eacuteconomique et un revenu relativement

faible (Ville de Bagnols-sur-Cegraveze 2007)

Au sein de la ZUS deacutefinie en 1996 (quartiers Escanaux Citadelle et Coronelle pour lrsquoessentiel

eacutevoqueacutes infra 3 773 habitants en 2006 hors quartier Citadelle qui fait partie du nouveau

peacuterimegravetre de 2007) qui eacutetait mecircme une ZRU selon le site internet du systegraveme drsquoinformation

geacuteographique du Comiteacute interministeacuteriel des villes87 moins drsquoun meacutenage sur quatre est

imposable En 2002 un meacutenage sur deux y deacuteclare un revenu fiscal annuel par personne

87 httpsigvillegouvff

267

infeacuterieur agrave 5 201 euro (430 euro par mois) soit un revenu meacutedian pregraves de deux fois et demi infeacuterieur agrave

celui de lrsquoensemble de la commune Alors qursquoagrave lrsquoeacutechelle nationale une famille sur dix en ZUS

vit sous le seuil de pauvreteacute agrave Bagnols agrave cette date entre 100 et 150 meacutenages avec enfants qui

vivent avec de tregraves faibles revenus Face agrave la laquo ghettoiumlsation raquo de ces quartiers sociaux proches

du centre ville expliquant la faible attractiviteacute reacutesidentielle globale de la ville selon le document

conventionnel des institutions (Ville de Bagnols-sur-Cegraveze 2007) et les habitants des quartiers

peacuteriurbains aiseacutes paraissent se laquo retrancher raquo afin de tenter de se laquo preacuteserver raquo

En effet la pauvreteacute architecturale du grand ensemble et la brutaliteacute de sa juxtaposition au tissu

preacuteexistant avec un peuplement de cateacutegories en difficulteacutes sociales et eacuteconomiques croissantes

preacutesentent agrave certains eacutegards une image sociale laquo triste et amegravere raquo (Roques 2004) Ce pheacutenomegravene

srsquoinstalle malgreacute une forme urbaine consideacutereacutee comme douce par son respect de la ville

ancienne en consideacuterant sa structure ainsi que la topographie les traces urbaines du passeacute

antique et le climat (Deacuteleacutegation agrave lrsquoArchitecture et agrave la Construction 1980) Drsquoune part le

nouvel espace fonctionnaliste avait pourtant eacuteteacute eacutequipeacute pour toute la ville drsquoun stade de

commerces drsquoun centre culturel et drsquoune piscine et drsquoautre part les bacirctiments entre des petites

barres de cinq eacutetages et six tours preacutesentent une certaine varieacuteteacute formelle au niveau des faccedilades

et des entreacutees et aussi des espaces intermeacutediaires avec les maisons anciennes

Par ailleurs les appartements sont doteacutes de loggias et les espaces de proximiteacute (jardins chemins

drsquoaccegraves parking) sont soigneacutes et encore une fois consideacutereacutes comme appropriables par les

habitants Lrsquoexpeacuterience bagnolaise montre bien qursquoun processus de deacutegradation symbolique de

quartiers de grands ensembles peut srsquoenclencher en raison notamment de lrsquoaccroissement de la

preacutecariteacute au sein de leur peuplement mecircme si les aspects formels et urbains (mixiteacute

fonctionnelle) ne sont pas agrave lrsquoorigine du rejet social Cependant les qualiteacutes mateacuterielles et

physiques restent de certainement moindre valeur en comparaison avec les autres espaces

reacutesidentiels de la commune qui srsquooffrent aux classes moyennes et supeacuterieures ainsi qursquoaux

cateacutegories plus modestes mais stables qui sont inscrits dans une dynamique urbaine globale

positive sur le plan du travail En effet agrave Bagnols lrsquoindustrie et lrsquoenseignement techniques et

industriels assurent lrsquointeacutegration des jeunes et attirent encore des migrants (Roques 2004) En

fait six secteurs en deacuteclin social urbain ont eacuteteacute identifieacutes par les acteurs locaux de la politique de

la ville (Ville de Bagnols-sur-Cegraveze 2007)

268

Drsquoabord le quartier des Escanaux de Candilis principal secteur de la geacuteographie prioritaire de

la Ville Il est classeacute en ZUS depuis deacutecembre 1996 avec le quartier de la Citadelle puis celui de

Coronelle (cf infra) Les 1 250 logements sociaux (3 174 habitants en 1999) repreacutesentent 47

du parc social bagnolais Le taux de chocircmage atteint au milieu des anneacutees 2000 38 des actifs

et 40 pour les moins de 25 ans les non-diplocircmeacutes y repreacutesentent 47 Par ailleurs 38 des

habitants sont des personnes isoleacutees et 22 des familles sont monoparentales La population

eacutetrangegravere y repreacutesente 24 contre 8 pour lrsquoensemble de la ville Malgreacute les eacutequipements

culturels sportifs scolaires et administratifs et les nombreux commerces de proximiteacute les

laquo probleacutematiques raquo de grand ensemble y sont bien identifieacutees une cohabitation parfois difficile

entre les geacuteneacuterations (tensions et conflits de voisinage) des deacuteseacutequilibres sociaux ou ethniques

qui pegravesent sur la vie sociale en conseacutequence drsquoune politique de peuplement peu concerteacutee des

deacutegradations nombreuses dans les halls drsquoimmeubles une faible participation des habitants aux

reacuteunions de quartiers et un manque drsquoassociations une peacutenurie de locaux collectifs et enfin

signe devenue symptomatique lrsquoinciviliteacute de la part de jeunes qui se rassemblent de jour comme

de nuit agrave certains endroits du quartier

Le second secteur est celui des Cegravedres situeacute agrave lrsquoentreacutee sud de la ville Il preacutesente un mecircme

problegraveme de concentration de meacutenages en difficulteacutes socio-eacuteconomiques avec une certaine

surpopulation reacuteveacutelatrice de la difficulteacute des meacutenages agrave trouver des logements adapteacutes agrave leur

taille et de la situation drsquoenfants non suffisamment inseacutereacutee pour acceacuteder au logement

indeacutependant Bien que le bacircti (logements et parties communes) ait fait lrsquoobjet drsquoune reacutenovation

en 1990 et drsquoune opeacuteration drsquoameacutelioration de la qualiteacute de service en 2003 une eacutetude preacutealable agrave

la deacutemolition partielle de ce groupe drsquoimmeubles a eacuteteacute engageacutee en tant qursquolaquo opeacuteration

drsquoinvestissement ANRU isoleacutee raquo

Le troisiegraveme secteur est le quartier de la Citadelle qui comprend 370 logements sociaux au sud

de la ville et qui fait partie du nouveau peacuterimegravetre de la ZUS depuis 2007 Il est proche de deux

grands centres commerciaux La population y est majoritairement issue de lrsquoimmigration et

vieillissante Lrsquoabsence drsquoassociations de quartier et la faible participation des habitants aux

reacuteunions de quartier reacutevegravelent un fort repli social et un deacutefaut drsquointeacutegration sociale Lrsquointervention

urbaine preacutevue a eacuteteacute la reacutealisation de deux opeacuterations drsquoaccession agrave la proprieacuteteacute pour introduire

de la mixiteacute sociale Au nord de ce quartier de la Citadelle se trouve le quatriegraveme secteur en

deacuteclin le quartier de la Coronelle laquo micro-quartier raquo de 20 logements individuels et drsquoun

269

immeuble collectif de 48 logements soit 290 personnes en 1999 Il a eacuteteacute reacutehabiliteacute en 1989 Il

fait aussi partie depuis 2007 de la ZUS La population est essentiellement issue de

lrsquoimmigration et 45 ont moins de 20 ans Ses laquo probleacutematiques raquo sont la veacutetusteacute des pavillons

les deacutegradations de lrsquoimmeuble collectif et lrsquoabsence drsquoaires de jeux pour les enfants et

drsquoespaces verts Le bailleur Habitat du Gard y preacutevoit la deacutemolition des logements individuels et

la reconstruction de logements individuels et collectifs en tant qursquolaquo opeacuteration ANRU isoleacutee raquo

Le cinquiegraveme secteur est agrave lrsquoouest de la ville le quartier Vigan-Braquet il compte 600

logements sociaux avec des tours et des reacutesidences comprenant pregraves de 2 200 personnes

concentreacutees sur lrsquoavenue du mecircme nom agrave cocircteacute drsquoune zone pavillonnaire Malgreacute la preacutesence de

nombreux eacutequipements sportifs et commerces de proximiteacute et les opeacuterations drsquoameacutelioration de

lrsquohabitat et de la qualiteacute de services il est constateacute une augmentation du nombre de familles

monoparentales et de familles en situation preacutecaire peu de mouvements de population dans les

logements sociaux une augmentation des impayeacutes de loyers et une cohabitation parfois

difficile entre les geacuteneacuterations Ici malgreacute lrsquoabsence drsquoassociation de locataires un centre social

municipal favorise une implication des habitants jugeacutee forte Il est aussi observeacute que la

deacutelinquance sur le secteur est stable (20 de la deacutelinquance de la commune) et les deacutegradations

se concentrent autour de lrsquoeacutecole Ce quartier nrsquoeacutechappe pas aux regroupements reacutepeacuteteacutes de

certains jeunes dans certaines parties de lrsquoespace

Un dernier secteur traiteacute deacutenommeacute laquo centre-ville raquo composeacute de nombreux commerces

eacutequipements et logements individuels et collectifs dont une centaine de logements sociaux

concerne environ 2 200 habitants La population y est consideacutereacutee comme vieillissante La

probleacutematique principale concerne lrsquoinadaptation de lrsquohabitat puisqursquoil y est releveacute une forte

vacance de logements dans le parc priveacute au milieu des anneacutees 2000 (20 ) en raison de

lrsquoinadeacutequation de lrsquooffre par rapport agrave la demande (demande de villas et de grands appartements

contre disponibiliteacute de petits appartements) Par ailleurs la rotation dans les logements sociaux

est faible ce qui obstrue lrsquoaccegraves au logement des populations les plus fragiles

Avec des qualiteacutes physiques et mateacuterielles tregraves diffeacuterentes de ces programmes et parfois jugeacutees

bonnes agrave lrsquoorigine ces constats et les diffeacuterentes mesures socio-urbaines indiquent une

geacuteneacuteralisation pour une grande partie des secteurs de grands ensembles des pheacutenomegravenes de

deacutegradation des situations eacuteconomiques et sociales des habitants des espaces mateacuterielles et des

conduites et des rapports sociaux locaux Une convention de gestion urbaine de proximiteacute (GUP)

270

est engageacutee pour ameacuteliorer les conditions drsquohabitat dans tous ces lieux (Ville de Bagnols-sur-

Cegraveze 2007) elle vise agrave inciter la preacutesence des services municipaux sur ces quartiers et lrsquoaction

des associations locales et des habitants Contre les inciviliteacutes la Ville a en outre mis en place un

service drsquoeacutecoute et de meacutediation (depuis juin 2005) et a preacutevu un projet drsquo laquo insertion par le

sport raquo avec le centre social municipal

Ces mesures reacutevegravelent lrsquoengagement de la Ville dans un processus drsquointervention globale et

qualitative tentant de contrer les divers pheacutenomegravenes et problegravemes sociaux de deacuteclin qui se sont

deacuteveloppeacutes dans son espace Il faut ici noter que cette dynamique de crise apparaicirct avec une

croissance deacutemographique un peu comme le montre Pierrelatte (cf supra) Les donneacutees sur

lrsquoeacutevolution annuelle du nombre de reacutesidences principales indiquent qursquoune politique de

construction de logements progressif et continue est agrave lrsquoœuvre (chapitre VI infra) malgreacute

lrsquoaffirmation des autoriteacutes drsquoune faible attractiviteacute reacutesidentielle Il est alors possible de penser

que le peuplement continu en cours concerne davantage des meacutenages en difficulteacutes selon un

processus drsquoentassement des plus pauvres dans les espaces deacutevaloriseacutes Car sans ameacutelioration de

la situation sociale et drsquoemploi des habitants actuels des grands ensembles de Bagnols il est

difficile de saisir alors comment une politique de hausse du parc de logement et de la population

totale pourrait assurer le deacuteveloppement sociale de la ville

F- Une grande laquo Ville nouvelle raquo entre deux villages proche drsquoune grande ville Rillieux-la-

Pape (Rhocircne)

Rillieux-la-Pape 1448 kmsup2 (1 448 ha) et 29 578 habitants en 2008 est une commune du Rhocircne

situeacutee en bordure du deacutepartement et agrave la peacuteripheacuterie nord-est de la Communauteacute Urbaine de Lyon

(COURLY ou Grand Lyon creacuteeacutee en 1969 avec 58 communes et 1 266 059 habitants en 2008

de 52 715 ha ou 52715 kmsup2) La commune dont la limite sud nrsquoest situeacutee qursquoagrave 6 km de lrsquoHocirctel

de Ville de Lyon (Pelletier Delfante 2004) preacutesente cependant un certain isolement

geacuteographique qui srsquoil peut ecirctre perccedilu comme un atout en termes drsquoenvironnement reacutesidentiel

est aussi consideacutereacute comme un handicap en termes de relation avec le centre de lrsquoagglomeacuteration

(Ville de Rillieux-la-Pape ANRU 2005) La preacutesence de lrsquoautoroute A46 nuance neacuteanmoins

cette caracteacuteristique et fait de la ville une entreacutee drsquoagglomeacuteration

271

Le territoire communal a une histoire qui concerne deux villages Rillieux et Creacutepieux seacutepareacutes

en 1927 avec le deacuteveloppement de Creacutepieux et reacuteunis en 1972 par souci de coheacuterence territoriale

avec le deacuteveloppement de lrsquoagglomeacuteration locale acceacuteleacutereacute par la construction de la Ville nouvelle

entre 1958 et 1974 lieacute agrave lrsquoagglomeacuteration lyonnaise de maniegravere de plus en plus nette88

Commune de Rillieux-la-Pape

88 Jusqursquoen 1967 les deux communes faisaient partie du deacutepartement de lrsquoAin le changement eacutetant lieacute agrave la creacuteation de la communauteacute urbaine de Lyon et de son appartenance agrave lrsquoagglomeacuteration en deacuteveloppement qursquoelle recouvrait

272

Ayant connu les Celtes entre 1 300 et 700 avant notre egravere puis les romains en guerre contre les

Helvegravetes (Rilliacum vient de laquo rilla raquo en bas latin signifiant la piste la voie romaine antique) le

territoire appartient par la suite agrave la premiegravere province lyonnaise (Ville de Rillieux-la-Pape

2011) Au Xe siegravecle suite aux pillages des sarrasins et des Ongres (Hongrois) un prieureacute est

formeacute agrave Rillieu89 A partir du XVe siegravecle le pays rentre dans deux siegravecles de guerres entre les

sires de Beaujeu lrsquoArchevecircque de Lyon le dauphin de Viennois et les comtes de Savoie et de

Genegraveve La citeacute deacutepend toujours de lrsquoIsle Barbe et du Franc Lyonnais au plan eccleacutesiastique mais

devient une seigneurie particuliegravere au XVIIIe siegravecle allant de Saint-Maurice de Beynost agrave Lyon

dans le pays de Bresse

Sous la Reacutevolution la vie quotidienne agrave Rillieu est agrave lrsquoimage de nombreuses autres communes de

France domineacutee par les frictions entre la population et les anciens nobles et membres du clergeacute

(un domaine qui sera confisqueacute Vassieux et qui formera un quartier de la ville appartenait deacutejagrave

aux hospices de Lyon) La deacutelimitation de Rillieu qui se trouve alors dans lrsquoAin avec Caluire est

discuteacutee de 1790 agrave 1795 En 1793 en pleine reacutevolte lyonnaise contre sa municipaliteacute reacuteprimeacutee

par la Terreur reacutepublicaine 74 000 hommes formant les troupes reacutepublicaines affluent dans la

reacutegion dont 9 000 soldats posteacutes aux alentours de Caluire et Rillieux En 1813 et 1814 Rillieux90

fait partie du territoire des batailles napoleacuteoniennes contre les troupes autrichiennes (3 000

hommes posteacutes agrave Miribel communes voisines pour occuper Lyon)

Agrave la fin du XIXe siegravecle sur une grande partie de son territoire actuel (un tiers de sa superficie)

un fort de la ceinture deacutefensive de Lyon fut construit constituant le quartier Vancia rattacheacute agrave la

commune en 1968 Une autre partie de la commune a eacuteteacute agrave la base du deacuteveloppement urbain

moderne de la ville le domaine de la Roue du seigneur du mecircme nom depuis au moins 1700

comprenant des terres agricoles une ferme un grand parc une eacutecurie et des remises (25 ha) En

1900 le domaine est racheteacute par un neacutegociant en soieries qui le reconstruit agrave son goucirct puis apregraves

un temps drsquoinoccupation la proprieacuteteacute est acquise en 1956 par une socieacuteteacute de construction la

maison bourgeoise ou chacircteau (Bouvry 1982) fucirct raseacutee et en raison du choix de ce territoire

pour le deacuteveloppement industriel de Lyon des lotissements drsquoimmeubles collectifs et de maisons

individuelles y furent construits Il comptait pregraves de 430 logements avec un centre commercial

89 Un prieureacute est une ferme dirigeacutee par un ou des religieux avec comme objectif de revivifier les campagnes soumises aux invasions barbares et aux guerres (celles des Hongrois ou Ongres au Xe siegravecle en particulier) sources drsquoeacutepideacutemies et de famines 90 Le laquo x raquo agrave la fin de Rillieu et de Creacutepieu apparaicirct agrave la Reacutevolution

273

et un centre social formant le premier quartier moderne de la commune la citeacute de la Roue Elle

visait agrave loger le personnel de la zone industrielle constitueacutee peu avant sur la commune dans le

cadre du plan drsquoexternalisation des activiteacutes industrielles de Lyon Cette opeacuteration a preacutefigureacute agrave

la constitution de la grande ZUP qui suivra instantaneacutement et qui constitua un saut quantitatif

plus eacuteleveacute encore pour le deacuteveloppement deacutemographique et urbain de la ville

En effet lrsquoeacuteloignement relatif du territoire par rapport agrave lrsquoagglomeacuteration lyonnaise a motiveacute dans

les anneacutees 1950 la creacuteation drsquoune premiegravere zone industrielle sur la commune (Lojkine 1974)

Les terrains eacutetaient bon marcheacute et extensibles pour les entreprises ce qui permettait de desserrer

le centre de lrsquoagglomeacuteration lyonnaise La faible distance avec la ville pouvait servir autant au

deacuteplacement de la main drsquoœuvre qui travaillait en centre-ville qursquoau recrutement local une autre

main drsquoœuvre moins concentreacutee et laquo peu revendicative raquo par son eacuteloignement du centre de

lrsquoagglomeacuteration

Pour accroicirctre la population communale la Ville entrepricirct avec lrsquoOffice public deacutepartemental des

HLM (OPDHLM) la Socieacuteteacute drsquoeacuteconomie mixte de construction du deacutepartement de lrsquoAin

(SEMCODA) et la Coopeacuterative deacutepartementale drsquoHLM de creacuteer en 1957 ce premier nouveau

quartier celui de la Roue agrave la place du domaine et de son chacircteau preacuteexistant en 1958 ces

logements sont construits dans dix bacirctiments collectifs agrave usage locatif (petites barres de 5

eacutetages) et 140 pavillons en accession agrave la proprieacuteteacute avec jardin situeacutes au centre du demi-cercle

formeacute par les barres Un centre commercial et un centre social sont associeacutes agrave lrsquoopeacuteration

La production de ce quartier a eacuteteacute un test positif pour la grande ZUP lanceacutee la mecircme anneacutee Il

marque deacutejagrave une certaine moderniteacute conceptuelle puisque se revendiquant explicitement de la

critique urbaine agrave lrsquoencontre de lrsquourbanisme des laquo citeacutes-casernes raquo dont les masses gigantesques

des eacutedifices tendraient agrave eacutecraser les individus agrave leur faire perdre contact avec la multitude des

co-habitants et au sein de laquelle ils srsquoinstalleraient dans lrsquoennui drsquoune ville sans agreacutement

distraction et verdure (Bouvry 1982 p 228)

Il est en effet surprenant de rencontrer lrsquoaffirmation drsquoune rupture aussi nette dans cette

deuxiegraveme moitieacute des anneacutees 1950 alors que le mouvement drsquoopinion sociale et scientifique de

rejet de ces nouveaux cadres reacutesidentiels ne srsquoest deacuteveloppeacute lors de la premiegravere peacuteriode de leur

construction (1951-1957) que progressivement de maniegravere parallegravele avec le sentiment contraire

de leur attrait (Vadelorge 2006 Kaeumls 1963) Lrsquoaspect totalement anarchique de cette premiegravere

peacuteriode de production sur le plan du pilotage des contenus et des modaliteacutes opeacuterationnels

274

(Peillon 2001) avait drsquoailleurs pu contribuer au manque de netteteacute de leurs effets Crsquoest agrave partir

drsquoune succession de premiers grands programmes dans la deuxiegraveme moitieacute des anneacutees 1950 que

les critiques se sont geacuteneacuteraliseacutees au deacutebut des anneacutees 1960 agrave lrsquoencontre des responsables

eacutetatiques des politiques urbaines (Fourcaut 2006)

Pour lrsquoopeacuteration Rillieux-Creacutepieux la creacuteation de la ZUP de 130 ha en 1958 au sud du bourg de

Rillieux sur un grand plateau naturel proceacutedera de cette logique de construction drsquoune laquo Ville

nouvelle raquo selon lrsquoappellation de ses promoteurs Ce projet drsquoensemble est destineacute agrave lrsquointention

de couches modestes et moyennes de lrsquoagglomeacuteration lyonnaise en extension suivant lrsquoextension

des zones drsquoactiviteacutes de celle-ci La reacutealisation du grand ensemble fut affectivement associeacutee agrave

trois zones drsquoactiviteacutes Merciegraveres Industrie Marronniers apregraves la gare de Sathonay-Rillieux

Seuls deux quartiers Alagniers et Velette eacutetaient agrave vocation unique de logements locatifs

implanteacutees loin du centre drsquoagglomeacuteration et pregraves de nouvelles zones industrielles

Crsquoest le quatriegraveme grand ensemble de lrsquoagglomeacuteration lyonnaise 5 500 agrave 6 000 logements pour

pregraves de 20 000 habitants eacutetaient preacutevus avec un centre administratif et commercial complet

mais aussi un marcheacute public un centre social un centre de seacutecuriteacute sociale un dispensaire

drsquohygiegravene sociale un centre de Protection maternelle et infantile une maison des jeunes et de la

culture (MJC) une eacuteglise principale et un parc des sports (Bouvry 1982 Darniegravere 2002) En

1962 un arrecircteacute preacutefectoral signe la creacuteation drsquoun syndicat intercommunal agrave vocation multiple

(SIVOM) ayant comme objet de reacutealiser et de geacuterer les eacutequipements de la ZUP Ceux-ci sont

creacuteeacutes au fil des constructions piloteacutees par la Socieacuteteacute drsquoeacutequipement du deacutepartement de lrsquoAin

(SEDA) ayant eacuteteacute autoriseacutee par cet arrecircteacute de 1962 agrave acqueacuterir les immeubles bacirctis et non bacirctis

dans cette ZUP sur une superficie de 120 ha Parmi les maicirctres drsquoœuvre figurent aussi la Socieacuteteacute

drsquoeacuteconomie mixte de construction du deacutepartement lrsquoOffice deacutepartemental drsquoHLM la

coopeacuterative de construction et le Creacutedit immobilier

La ZUP devait avoir un caractegravere urbain avec ce centre agrave lrsquoossature plus serreacutee et aux

eacutequipements plus denses Le plan masse organiseacute autour drsquoun axe sinueux nord-sud assez banal

(Pelletier Delfante 2004) se compose de cinq icirclots de pregraves de 1 000 logements formeacutes par des

immeubles sous forme de barre de 300 agrave 900 logements disposeacutes de maniegravere variable en parallegravele

et en perpendiculaire avec parfois une tour agrave lrsquointeacuterieur Les icirclots paraissent assez fermeacutes du fait

de la jonction de certains immeubles agrave leur bout formant des angles et des cours inteacuterieurs

275

Des centres commerciaux inteacutegreacutes dans chacun drsquoeux et les groupes scolaires eacuteleacutementaires

renforcent cet effet de fonctionnement collectif seacutepareacute Surtout selon leur emplacement

geacuteographique une diffeacuterenciation de statut de lrsquohabitat srsquoest eacutetablie en suivant la qualiteacute

environnementale de lrsquoespace aux terrains nord du plateau de moindre inteacuterecirct affecteacutes au

secteur social srsquoopposent les terrains sud sur lesquels ont eacuteteacute bacircties des constructions priveacutees

drsquoaccession agrave la proprieacuteteacute situeacutes sur le balcon dominant la valleacutee du Rhocircne autour du ravin de

Castellane avec des plages Globalement la Ville nouvelle paraicirct aeacutereacutee avec de larges avenues et

des immeubles agrave distance plus longue hors centre ville et un grand nombre drsquoespaces verts et de

zones fleuries La construction totale a dureacute pregraves de vingt ans jusqursquoen 1974

Vues du grand ensemble laquo Ville nouvelle raquo en peacuteriode de construction dans la ZUP au nord de Rillieux-la-Pape (Maurice 2010)

Somme toute comme la plupart des grands ensembles cet ensemble urbain nrsquoa pas eacutechappeacute aux

belles promesses jamais tenues en termes drsquoameacutenagement et drsquoeacutequipement (Pelletier Delfante

2004) les jardins privatifs en pied drsquoimmeubles justifiant les hauts immeubles nrsquoont pas ou

276

prou eacuteteacute reacutealiseacutes et le plan masse produit drsquoeacutetudes drsquourbanisme preacuteceacutedentes limiteacutees traduit

une recherche drsquoeacuteconomie domineacutee par le souci de creacuteer un tissu urbain homogegravene et coheacuterent

vu de haut les eacutequipements imposeacutes par les critegraveres quantitatifs (eacutecole collegraveges centres

sociaux commerceshellip) ont eacuteteacute eux aussi malgreacute les reacutealisations indiqueacutees limiteacutes dans leur

application

La commune est de ce fait composeacutee de trois secteurs drsquoune mecircme agglomeacuteration drsquoune part

les deux villages Rillieux et Creacutepieux relieacutes par la citeacute de La Roue et la Ville nouvelle qui a

paracheveacute la continuiteacute urbaine entre les deux villages anciens Cette derniegravere par son eacutechelle et

sa morphologie continue au deacutebut des anneacutees 2000 agrave constitueacute un laquo monde agrave part raquo (Ville de

Rillieux-la-Pape ANRU 2005) Car la ville a une identiteacute rurale sur laquelle srsquoest deacuteveloppeacutee

les grands immeubles et lrsquohabitat individuel non sans dispariteacutes geacuteographiques architecturales et

culturelles (Deacuteleacutegation agrave lrsquoArchitecture et agrave la Construction 1980)

Au nord entre le quartier de la Roue et la Ville nouvelle les deux secteurs drsquoensemble

drsquoimmeubles collectifs srsquoeacutetendent les zones maraicircchegraveres des Merciegraveres Au sud crsquoest le

royaume de lrsquoeau et la partie nord de la grande icircle de la Pape qui fait partie du territoire

communal (reacuteserve naturelle avec espegraveces proteacutegeacutees inaccessible au public) A lrsquoest un parc

drsquoagreacutement (de Sermenaz) srsquoeacutetale sur cent hectares Enfin les trois quartiers Creacutepieux le

Village et Vancia offrent la physionomie la plus pittoresque de la ville avec des sites anciens

typiques rues eacutetroites vieilles maisons fermes agrave cour fermeacutee

Si la ZUP ne couvre que 9 de la superficie communale 60 de la population communale y

reacuteside en 2006 pour pregraves de 55 du parc total de logements de la ville (Ville de Rillieux-la-

Pape 2007) dont une forte population issue de lrsquoimmigration (75 nationaliteacutes se cocirctoient agrave

Rillieux-la-Pape) Mais crsquoest surtout la concentration de meacutenages en difficulteacutes sociales et

eacuteconomiques qui contribue au deacuteveloppement drsquoune ambiance urbaine de deacuteteacuterioration des

comportements et des relations sociales (Secreacutetariat geacuteneacuteral du Comiteacute interministeacuteriel des

Villes 2010) en 1999 avec un chocircmage plutocirct eacuteleveacute agrave 191 dans un contexte local deacutejagrave

difficile (151 pour la commune globalement ainsi que pour lrsquouniteacute urbaine de Lyon) le taux

de familles monoparentales de 235 est non seulement plus important que les taux de la

commune (185 ) et de lrsquoagglomeacuteration lyonnaise (161 ) mais aussi que la moyenne des

ZUS du deacutepartement (215 ) et de celle des ZUS de la reacutegion (218 )

277

Agrave partir de donneacutees provenant de diverses sources administratives (Ville de Rillieux-la-Pape

2007) si le pouvoir drsquoachat disponible moyen semble bien avoir progresseacute jusqursquoau milieu des

anneacutees 2000 au total lrsquoeacutecart entre le niveau moyen de la commune et celui des autres villes du

deacutepartement srsquoest aggraveacute En 2004 les foyers fiscaux disposant drsquoun revenu infeacuterieur agrave 7 500 euro

repreacutesentent 305 du total communal contre 25 pour la moyenne drsquoensemble des communes

du deacutepartement et 289 pour la moyenne nationale (entre 2000 et 2004 le nombre de foyers

non imposeacutes connaicirct une augmentation de 11 8 )

Du fait drsquoune certaine lenteur de sa construction par rapport aux trois autres grands ensembles de

lrsquoagglomeacuteration lyonnaise les difficulteacutes sociales semblent ecirctre apparues avec un certain

deacutecalage par rapport agrave eux En outre sa situation sur le plateau nord sur les terres agricoles de la

Dombes (lieacutees au deacutepartement de lAin) est bien diffeacuterente de Veacutenissieux et Vaulx-en-Velin

appartenant agrave la plaine de lest Lyonnais agrave tradition industrielle Elle diffegravere eacutegalement de la

construction de La Duchegravere dont la continuiteacute urbaine avec Vaise (Lyon 9egraveme) donne un contexte

tregraves diffeacuterent

Suite aux premiegraveres expeacuteriences de Grand Projet Urbain agrave Veacutenissieux et Vaulx-en-Velin dans les

anneacutees 1990 Rillieux-la-Pape srsquoest donc eacutegalement engageacutee avec Lyon dans un Grand Projet de

Ville deacutebuteacute dans le cadre du Contrat de Ville 2000-2006 poursuivi par la convention 2005-2010

avec lrsquoANRU et le Contrat Urbain de Coheacutesion Sociale 2007-2009 Le quartier de La Roue y est

aussi cibleacute ainsi qursquoune autre petite partie de la Ville nouvelle qui nrsquoeacutetait pas comprise dans le

premier peacuterimeacutetrage de la ZUS en 1996 Avec les trois autres grands ensembles de

lrsquoagglomeacuteration compris dans le Grand projet de Ville91 (Vaulx-en-Velin Veacutenissieux et Lyon-

La Duchegravere) des caracteacuteristiques communes drsquoeacutevolution sociale et urbaine ont eacuteteacute observeacutees

drsquoabord une baisse deacutemographique de 7 agrave 12 entre les recensements de 1999 et 2006

deuxiegravemement des indicateurs sociaux supeacuterieurs de 10 agrave 15 points agrave la moyenne de

lrsquoagglomeacuteration lyonnaise (par exemple 14 agrave 187 de beacuteneacuteficiaires du RMI ex-RSA 27 agrave 40

drsquoallocataires de la CAF agrave bas revenus)

91 Les quatre sites retenus au titre du Grand projet de ville srsquoinscrivent dans les conventions drsquoapplication communales du contrat de ville cadre de lrsquoagglomeacuteration lyonnaise Parmi les objectifs geacuteneacuteraux deacutefinis en termes drsquohabitat et drsquourbanisme de deacuteplacement et de deacuteveloppement eacuteconomique on constate lrsquoabsence de la formation et de la qualification domaine essentiel dans le champ de lrsquointeacutegration sociale Ainsi la porteacutee sociale drsquoun tel dispositif drsquoaction sera tregraves certainement limiteacutee dans ce cas

278

Ensuite si la situation de lrsquoemploi a pu parfois nettement srsquoameacuteliorer dans lrsquoagglomeacuteration (- 20

de chocircmage en un an dans les anneacutees 2000) elle reste difficile dans ces zones pour les

chocircmeurs de longue dureacutee en lien avec la concentration de population moins qualifieacutee Enfin ce

qui a contribueacute au deacuteveloppement de lrsquoaction agrave lrsquoeacutechelle de lrsquoagglomeacuteration les eacutevolutions

sociales et urbaines sont preacuteoccupantes selon le bilan du XIe plan (1994-1999) au chapitre des

interventions urbaines et sociales malgreacute des avanceacutees remarquables (reacutehabilitation de 70 du

parc HLM intervention en coproprieacuteteacutes requalification urbaine par les opeacuterations de Grand

projet urbain comportant des deacutemolitions) la vacance augmente dans les zones sensibles la

production de logements sociaux diminue dans le reste de lrsquoagglomeacuteration ce qui accroicirct les

deacuteseacutequilibres sociaux entre les territoires et lrsquoinseacutecuriteacute persiste

Carte du Grand projet de ville de la Communauteacute urbaine de Lyon

Agglomeacuteration de Lyon avec Rillieux-la-Pape au nord Vaux-en-Velin agrave lrsquoest Veacutenissieux au sud et La Duchegravere agrave lrsquoouest

Source Secreacutetariat geacuteneacuteral du Comiteacute interministeacuteriel des Villes (2010)

La Ville affiche drsquoailleurs comme objectif lrsquoeacutetablissement drsquoun cadre de vie plus adapteacute aux

attentes des habitants et aux eacutevolutions qualitatives des modes de vie (Ville de Rilleux-la-Pape

ANRU 2005 Ville de Rillieux-la-Pape 2007) Elle eacutevoque aussi la diversification de lrsquooffre de

logements entre autres par le renouvellement urbain afin de pouvoir appliquer laquo le concept de

279

parcours reacutesidentiel au sein de la commune raquo Plus globalement la Ville vise agrave mieux inteacutegrer le

grand ensemble de la Ville nouvelle au sein de la commune et du plateau nord de

lrsquoagglomeacuteration lyonnaise dont elle souhaite faire partie du pocircle de deacuteveloppement en relation

avec le regroupement de communes de la Cocirctiegravere situeacute dans le deacutepartement de lrsquoAin voisin

En fait Rillieux-la-Pape a progressivement beacuteneacuteficieacute pour son grand ensemble Ville nouvelle

(mais aussi pour la citeacute de la Roue dans une moindre part) au cours des dix derniegraveres anneacutees et

en geacuteneacuteral agrave sa demande de la plupart des dispositifs creacuteeacutes dans le cadre de la politique de la

ville ou des politiques partenariales voisines Ainsi la Ville nouvelle a eacuteteacute drsquoabord classeacutee en

zone urbaine sensible et en zone franche urbaine non sans lien avec les questions seacutecuritaires

qui ont agiteacute la ville dans les anneacutees 1990 puis en Reacuteseau drsquoeacuteducation prioritaire (RER) par le

ministegravere de lrsquoEacuteducation nationale La commune beacuteneacuteficie drsquoun Contrat eacuteducatif local drsquoun

Programme de reacuteussite eacuteducative (PRE) drsquoun Contrat local de seacutecuriteacute drsquoune convention de

Gestion sociale et urbaine de proximiteacute (GSUP) drsquoun Contrat enfance jeunesse (avec la Caisse

dallocations familiales)

Dans le cadre du projet de reacutenovation urbaine en plus de multiples opeacuterations drsquoameacutenagement

de restructuration et de requalification des espaces et voieries avec la construction

drsquoeacutequipements divers il est preacutevu dans la partie renouvellementreacutenovation urbaine de ces

conventions les eacuteleacutements suivants la deacutemolition de pregraves de 200 logements entre 200 et 250

logements construits et la reacutehabilitation de pregraves de 1 000 logements Par rapport aux autres sites

de lrsquoagglomeacuteration lyonnaise crsquoest le plus petit niveau de volume drsquoopeacuterations en uniteacutes de

logement Agrave terme lrsquoobjectif est de constituer Rillieux-la-Pape et sa Ville nouvelle comme pocircle

de deacuteveloppement du nord-est de lrsquoagglomeacuteration

Ce dynamisme territorial est programmeacute essentiellement par le biais eacuteconomique et de lrsquourbain

au sens de lrsquoameacutenagement spatial qui complegravete lrsquoaction sur lrsquoeacuteducation et la gestion urbaine

eacutevoqueacutee plus haut Il srsquoagit de susciter une meilleure image de la ville et un plus grand deacutesir chez

les cateacutegories moyennes de reacutesider agrave Rillieux drsquoabord il est rechercheacute une centraliteacute forte entre

le principal centre commercial de BottetVerchegraveres et le bourg de Rillieux (reacutefection du centre et

des galeries commerciales et maillage reliant les deux espaces) associeacute agrave une centraliteacute de

quartier agrave la Velette censeacutee favoriser une meilleure inteacutegration de la ville nouvelle dans

lrsquoagglomeacuteration rilliarde ensuite le champ eacuteducatif nrsquoest abordeacute que par lrsquointervention physique

sur un des deux collegraveges (Maria Casaregraves) et la MJC et enfin il est preacutevu la reacutesidentialisation

280

drsquoun quartier celui des Semailles (recomposition de son espace reacutesidentiel entre le groupe

scolaire le square et lrsquoavenue drsquoEurope ainsi qursquoun chemin qui le traverse) avec la densification

urbaine drsquoun autre quartier (Sermenaz) ougrave un parc drsquoactiviteacutes y est implanteacute en creacuteant un deacutebut

de nouveau quartier (les Balcons de Sermenaz) et en ameacutenageant un parc qui en fait part (Les

Balmes)

Ainsi cet eacutechantillon de communes de grands ensembles preacutesente indeacutependamment mecircme des

contextes geacuteographiques sociaux et drsquohabitat voire drsquourbanisme de chaque site une gamme

assez large de caracteacuteristiques de constructions reacutealiseacutees toujours selon les mecircmes objectifs de

loger et drsquooffrir un cadre urbain agrave des contingents de main drsquoœuvre attendus en raison du

deacuteveloppement drsquoune industrie importante dans le secteur concerneacute Les formes produites par ces

caracteacuteristiques particuliegraveres de construction sont sur chaque site particuliegraveres dans leur

interaction avec celui-ci laquo grand quartier raquo ou plusieurs quartiers inseacutereacutes dans une petite ville en

croissance ou encore grande citeacute ou laquo Ville nouvelle raquo grande ou petite agrave distance des villes

ou en peacuteripheacuterie drsquoune grande ville et coupeacutee ou non du village originel

Comme cela a eacuteteacute abordeacute pour chaque commune il apparaicirct que malgreacute cette diversiteacute formelle

et de contexte de construction il se trouve dans chaque cas le deacuteveloppement de pheacutenomegravenes

similaires relatifs agrave des problegravemes sociaux ou publics engendrant par eux-mecircmes des reacuteactions

et des interventions institutionnelles en termes drsquoameacutenagement urbain drsquoaction sur le bacircti et

drsquoaction sociale Elles tentent drsquoenrayer les aspects qui paraissent relever drsquoun mecircme processus

par leur concomitance deacutecrochage eacuteconomique et paupeacuterisation des cateacutegories essentiellement

ouvriegraveres deacutepart des cateacutegories supeacuterieures voire moyennes et modestes stables ainsi que

deacuteveloppement de tensions relationnelles et de conduites transgressives et violentes de la part de

certains jeunes en particulier

Pour ecirctre plus preacutecis encore sur ces aspects sociaux en ce qui concerne tant la structure sociale

des populations actuelles de ces communes que leurs situations eacuteconomiques et les conduites

sociales qui srsquoy deacuteveloppent nous consacrons un chapitre de recherche agrave un examen comparatif

des donneacutees agrave ce sujet Il srsquoagit drsquoanalyser les aspects convergents et divergents de ces

diffeacuterentes situations urbaines rassembleacutees

281

Chapitre VI

La similitude des situations et des dynamiques sociales neacutegatives sous des formes varieacutees

Pour reacutealiser lrsquoanalyse comparative de ces communes y compris Les Ulis et de leurs eacutevolutions

avec des donneacutees restreintes et jusque dans la deuxiegraveme moitieacute des anneacutees 2000 deux

principales sources ont eacuteteacute utiliseacutees drsquoune part les diverses productions de lrsquoINSEE lieacutees aux

recensements reacutecolteacutees soit agrave la bibliothegraveque de lrsquoINSEE agrave Paris (fascicules des recensements de

1946 1954 et 1962) soit sur son site internet agrave la rubrique des statistiques locales et

communales exploitant les recensements jusqursquoen 2007 voire 2009 sur certains indicateurs (ont

eacuteteacute utiliseacutes les rubriques Tableaux deacutetailleacutes croisant localiteacutes et thegravemes et Dossiers theacutematiques

plus complets par localiteacute depuis 1949 ou 1968 jusqursquoen 2006) drsquoautre part le site internet du

Laboratoire de Deacutemographie historique de lrsquoEacutecole des hautes eacutetudes en sciences sociales

(EHESS) et du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) intituleacute laquo Des villages

Cassini aux communes drsquoaujourdrsquohui raquo92 sous la direction de Claude Motte et de Marie-

Christine Vouloir Cette derniegravere source regroupe un fonds de cartes anciennes (dites de Cassini)

et contemporaines ainsi que les donneacutees deacutemographiques des communes de France depuis 1793

issues des sources administratives anciennes et des recensements de lrsquoINSEE

Deux types de variables ont pu ecirctre rassembleacutes Les premiegraveres sont drsquoordre deacutemographique et

mateacuteriel les nombres drsquohabitants et de logements habiteacutes (reacutesidence principale) agrave chaque

recensement le solde annuel drsquoentreacutees et de sorties reacutesidentielles des villes (agrave partir de 1968)

les densiteacutes de population par logement (et par kmsup2) enfin la part de logements HLM dans le

parc total de logements Le second type de variables est drsquoordre social et eacuteconomique le niveau

de chocircmage parmi les actifs (depuis 1968) la part des foyers et des meacutenages imposeacutes (1999 et

2008) ainsi que les niveaux de revenus de lrsquoensemble des foyers en moyenne de ceux qui sont

imposeacutes et de ceux qui ne le sont pas

Que permettent de constater ces premiegraveres indications Cinq principales observations sont

deacuteveloppeacutees dans cette partie drsquoanalyse tout drsquoabord la modestie des revenus malgreacute leur

contraste qui situe les communes au-dessous du niveau moyen enregistreacute en France

92 Cf wwwcassiniehessfr

282

283

meacutetropolitaine lieacutee agrave des proportions importantes de faibles qualifications puis une

deacutecroissance deacutemographique post-construction des populations communales qui se manifeste

notamment lorsque le volume du grand ensemble par rapport agrave lrsquoagglomeacuteration preacuteexistante

deacutepasse un certain seuil par ailleurs en tant que facteurs explicatifs du point preacuteceacutedent un

double pheacutenomegravene de deacute-densification rapide des logements et de vieillissement de la population

qui tend agrave rapprocher la structure deacutemographique des communes de grands ensembles de la

moyenne franccedilaise en outre une population active plus fortement deacuteconnecteacutee du travail en

raison de profils ouvriers non qualifieacutes au chocircmage majoritaires ou drsquoemployeacutes et techniciens

plus qualifieacutes sous-employeacutes enfin une violence importante qui paraicirct deacutejagrave repeacutereacutee dans les

anneacutees 1990 et en croissance dans les anneacutees 2000 allant des inciviliteacutes aux tensions

relationnelles entre groupes sociaux en passant par son instrumentation pour des preacutedations et le

trafic de drogues

A- Des univers sociaux et urbains contrasteacutes mais modestes

Une premiegravere preacutesentation des communes a eacuteteacute eacutetablie sous forme de tableau (tableau 23 infra)

En 2008 les tailles de population varient entre 5 935 habitants pour Fareacutebersviller et 29 578 pour

Rillieux-la-Pape Mourenx (7 406 habitants) Behren-legraves-Forbach (8 514) et Pierrelatte (12 894)

constituent les trois autres petites communes de lrsquoeacutechantillon autour des 10 000 habitants

Bagnols-sur-Cegraveze (18 545) et Les Ulis (24 590) se situent au niveau intermeacutediaire et supeacuterieur

Comparativement agrave lrsquoensemble du territoire national franccedilais le niveau moyen de richesse des

populations (revenu net imposable moyen de lrsquoensemble des foyers) est indiqueacute ainsi que le taux

de chocircmage (selon lrsquoINSEE) de la population active des 15-64 ans et les meacutenages fiscaux

imposeacutes

284

Tableau 23 - Profil socio-deacutemographique des communes en 2008 et effets de la construction de leur grand ensemble (GE)

Les Ulis

(91) Fareacutebers-viller (57)

Behren-legraves-Forbach

(57)

Mourenx (64)

Rillieux-la-Pape (69)

Pierrelatte (26)

Bagnols-sur-Cegraveze (30)

France Meacutetropo-

litaine

Population totale 2008 24 590 5 935 8 514 7 406 29 578 12 893 18 506 62 134 866

Nbre Reacutesidences principales 2008

8 990 2 232 3 219 3 392 11 554 5 511 8 235 26 615 476

Revenu net imposable moyen de lrsquoensemble des foyers - 2008

20 786 euro 13 418 euro 13 073 euro 16 915 euro 21 924 euro 19 187 euro 18 981 euro 23 450 euro

chocircmage actifs 15-64 ans (INSEE)

114 (2008)

109 (1999)

282 (2008)

197 (1999)

256 (2008)

219 (1999)

197 (2008)

205 (1999)

153 (2008)

151 (1999)

168 (2008)

18 (1999)

164 (2008)

194 (1999)

111 (2008)

129 (1999)

Meacutenages fiscaux imposeacutes - 2008

615 287 273 451 518 404 474 558

Peacuteriode RGP de construction des GE

1968 - 1982 1954 - 1962 1954 - 1962 1954 - 1962 1962 - 1975 1962 - 1968 1954 - 1962

Population avant construction GE

0 600 524 218 6 465 4 252 5 546

Population apregraves construction GE

28 256 8 453 10 487 8 659 30 894 9 757 12 905

Evolution deacutemographique entre la population apregraves construction GE et 2008

- 13 - 298 - 188 - 145 - 43 + 321 + 434

HLM les reacutesidences principales en 1982

511 de 8 308 lgts

491 de 1 979 lgts

299 de 3 029 lgts

491 de 2 963 lgts

544 de 9 817 lgts

255 de 4 145 lgts

305 6 296 lgts

pop en ZUS et eacutevent en quartiers CUCS 2006

612 993 837 495 636 248 392

Source INSEE- Recensements et Donneacutees locales site internet inseefr et bibliothegraveque de lrsquoINSEE - Paris ZUS (zone urbaine sensible) et laquo quartiers CUCS raquo (contrat urbain de coheacutesion sociale) territoires drsquointervention publique population des laquo quartiers CUCS raquo population des seuls meacutenages (non compris les communauteacutes eacutetablissements peacutenitentiaires abris de fortune et habitations mobiles) selon les services fiscaux

Ce tableau preacutesente aussi les peacuteriodes intercensitaires de construction des grands ensembles les

niveaux de population en deacutebut et en fin de peacuteriode avec lrsquoeacutevolution deacutemographique constateacutee

depuis cette derniegravere jusqursquoen 2008 La part de logements HLM parmi les reacutesidences principales

en 1982 montre que les programmes ne se reacuteduisaient pas agrave des HLM exclusivement (Peillon

2001) Enfin lrsquoindication dans le tableau de la part de la population dans la geacuteographie prioritaire

des pouvoirs publics (ZUS et quartier des CUCS) en 2006 informe sur la non-concordance

automatique entre zone drsquohabitat deacutelimiteacutee pour les difficulteacutes sociales qui srsquoy manifeste et les

zones de logements HLM

Sur le plan des revenus imposables moyens de lrsquoensemble des foyers fiscaux en 2008 toutes les

communes sont en-dessous de la moyenne de la France meacutetropolitaine (23 450 euro) mais

preacutesentent une large reacutepartition allant de la leacutegegravere sous-moyennisation (Rillieux-la-Pape Les

Ulis Pierrelatte et Bagnols) agrave presque la moitieacute de la moyenne nationale (Fareacutebersviller et

Behren) suggeacuterant une pauvreteacute tregraves eacutetendue En effet pour ces deux derniegraveres communes les

revenus moyens sont de 13 418 euro pour Fareacutebersviller et de 13 073 euro pour Behren soit 57 et

557 du revenu moyen franccedilais En haut de la reacutepartition des revenus moyens Rillieux-la-Pape

ne srsquoeacuteloigne pas trop de la moyenne franccedilaise avec 21 924 euro soit un niveau agrave 935 de celle-ci

Les Ulis avec 20 786 euro se situe agrave 88 de ce niveau global moyen alors que pourtant la ville se

situe en reacutegion parisienne dont le niveau global des habitants est plus eacuteleveacute le revenu net

deacuteclareacute moyen est de 30 198 euro pour lrsquoIcircle-de-France et de 28 044 euro pour son deacutepartement

lrsquoEssonne

Ainsi sur ce seul plan eacuteconomique la population ulissienne si on la compare au territoire

reacutegional ce qui est davantage pertinent vu le niveau et le coucirct de vie globalement supeacuterieurs par

rapport au reste du territoire national se situe plus qursquoen-dessous de la position de sous-

moyenne deacutefinie agrave pregraves de 80 des revenus moyens indiqueacutee par Chauvel (1999) puisque le

revenu moyen ulissien est agrave 69 de celui de la reacutegion et agrave 74 de celui du deacutepartement Un

autre point de reacutefeacuterence atteste de ce niveau relativement bas des revenus de population les deux

communes qui lrsquoenvironnent directement et dont elle est le fruit Orsay et Bures-sur-Yvette

preacutesentent des niveaux tregraves supeacuterieurs agrave elle de pregraves du double respectivement 37 866 euro et

43 642 euro

285

Parmi les communes de lrsquoeacutechantillon deux autres communes non franciliennes srsquoinscrivent dans

cette position sous-moyenne par rapport au revenu moyen franccedilais Pierrelatte (18 945 euro agrave 82

) et Bagnols-sur-Cegraveze (18 580 euro 81 ) Mourenx avec 16 915 euro a une situation vis-agrave-vis de

lrsquoensemble du territoire national deacutejagrave plus basse (72 ) ce qui est proche des Ulis par rapport agrave

sa reacutegion Ces eacuteleacutements de richesse moyenne des populations des communes montrent qursquoelles se

situent toutes dans la partie infeacuterieure voire pour les communes mosellanes parmi les plus

pauvres des communes meacutetropolitaines Lrsquounivers social des communes de grands ensembles est

donc en majoriteacute ndash quasi-exclusivement - un univers modeste avec une certaine varieacuteteacute du bas agrave

la moitieacute de lrsquoeacutechelle socio-eacuteconomique

Un critegravere modifie leacutegegraverement ces eacuteleacutements de positionnement eacuteconomique des populations

communales Le taux des laquo meacutenages fiscaux raquo imposeacutes il srsquoattache non pas aux foyers fiscaux

mais aux laquo meacutenages fiscaux raquo et puisque chaque meacutenage recouvre un ou plusieurs foyers

fiscaux ce critegravere indique plus preacuteciseacutement le niveau de richesse des individus puisque lrsquoon

prend en compte les revenus de lrsquoensemble du meacutenage drsquoappartenance Aux Ulis il est agrave 615

soit particulariteacute dans lrsquoeacutechantillon plus qursquoau niveau national (558 ) Il faut certainement

reconnaicirctre lagrave encore un effet reacutegional que ce soit pour des conjoints non marieacutes ou pour des

cohabitants drsquoactifs de la mecircme famille ou non il y a certainement un effet du genre de vie

parisien qui associe mariage tardif des couples et tension sur le marcheacute du logement qui favorise

des cohabitations involontaires prolongeacutees entre enfants et parents et arrangeacutees entre amis ou

connaissances familiales ou non

En revanche dans les autres communes sauf agrave Rillieux-la-Pape (518 ) le taux est bien plus

faible qursquoau niveau national 474 et 451 pour Bagnols et pour Mourenx soit eacutegal ou

leacutegegraverement supeacuterieur agrave 80 du taux national 404 pour Pierrelatte fidegravele agrave sa position

intermeacutediaire dans lrsquoeacutechantillon (725 du taux national) et surtout les deux communes

mosellanes (287 pour Fareacutebersviller et 273 pour Behren) sont agrave la moitieacute du niveau

franccedilais (respectivement 49 et 515 )

En ce qui concerne les taux de chocircmage mesureacutes par le recensement de lrsquoINSEE pour 1999 et

pour 2008 lrsquoimage drsquounivers sociaux tregraves deacutegradeacutes sur le plan du travail est confirmeacutee Le

premier indicateur en est lrsquoensemble des niveaux de taux dans les communes de lrsquoeacutechantillon

assez largement supeacuterieurs agrave ceux de la France meacutetropolitaine (129 en 1999 et 111 en

286

2008) sauf pour Les Ulis (109 et 114 ) dont lrsquoeacutetude monographique de la premiegravere partie a

toute fois montreacute que ces taux ignoraient un autre ensemble drsquoactifs preacutecaires de pregraves de deux

fois supeacuterieur aux chocircmeurs officiels ce qui est peut-ecirctre une speacutecificiteacute de la reacutegion parisienne

qui serait agrave confirmer Quoiqursquoil en soit en 2008 les taux de chocircmage des communes de

lrsquoeacutechantillon hors Ulis varient entre 15 et 28 ce qui est pregraves du triple par rapport au taux

global franccedilais

Le second indicateur apparaicirct dans le sens de lrsquoeacutevolution des taux entre 1999 et 2008 Seules les

communes ayant une situation urbaine leacutegegraverement deacuteveloppeacutee avant lrsquoinstallation drsquoun grand

ensemble (Bagnols-sur-Cegraveze Pierrelatte) et notamment quand ce dernier ne constitue par un

volume trop disproportionneacute par rapport agrave la taille de lrsquoagglomeacuteration preacuteexistante connaissent

une ameacutelioration Celle-ci est ainsi parallegravele agrave lrsquoeacutevolution de la situation franccedilaise globale En

effet Bagnols-sur-Cegraveze affiche une deacutecrue de 194 agrave 164 et Pierrelatte de 18 agrave 168

Alors que les autres communes connaissent une situation soit stable leacutegegraverement croissante (de

151 agrave 153 pour Rillieux-la-Pape) ou deacutecroissante (de 205 agrave 197 pour Mourenx) soit

qui srsquoaccentue assez fortement comme pour les deux communes mosellanes avec de 219 agrave

256 pour Behren et surtout de 197 agrave 282 pour Fareacutebersviller

Les Ulis fait encore exception puisque les taux croissent mais de maniegravere modeacutereacutee (de 109 agrave

114 ) ce qui signifie certainement que les autres actifs preacutecaires non chocircmeurs officiels sont

aussi en croissance Un fait semble confirmer ce point si les actifs occupeacutes sont

proportionnellement plus nombreux que dans les autres communes (car le taux de chocircmage y est

plus bas) les foyers aux Ulis devraient donc avoir des revenus plus eacuteleveacutes en moyenne

qursquoailleurs Cela apparaicirct exact pour Pierrelatte et Bagnols mais pas pour Rillieux-la-Pape qui

pourtant agrave un taux de chocircmage plus eacuteleveacute que celui des Ulis On peut donc en deacuteduire qursquoaux

Ulis une part drsquoactifs non chocircmeurs officiels enregistre un faible niveau de revenus certainement

du fait de la preacutecariteacute socio-eacuteconomique veacutecue

Ainsi lrsquoeacutevolution croissante du chocircmage aux Ulis mecircme progressive (+ 15 point en une

deacutecennie soit une hausse de 138 ) montre une certaine convergence en cours avec les autres

communes de grand ensemble qui peuvent srsquoameacuteliorer leacutegegraverement ecirctre stable ou mecircme encore

que toutes les autres commues sauf Fareacutebersviller et Behren preacutesentent une baisse Ce qui non

seulement traduit une certaine homogeacuteneacuteiteacute des statuts socio-eacuteconomiques dans les

287

agglomeacuterations drsquoappartenance mais aussi pourrait laisser entrevoir agrave terme une

homogeacuteneacuteisation ou un rapprochement progressif des situations socio-eacuteconomiques des

populations des communes Mecircme si pour les deux communes mosellanes les hauts niveaux du

chocircmage en 1999 et 2006 et la forte hausse entre ces deux dates (+ 43 pour Fareacutebersviller +

169 pour Behren) signent une deacuterive socio-eacuteconomique notamment pour la premiegravere

Cette deacuterive qui paraicirct totale pour Fareacutebersviller est confirmeacutee par la deacutelimitation en 2006 de

lrsquoensemble de sa population en ZUS (993 ) Elle est suivie de pregraves par Berhen (837 ) et drsquoun

peu plus loin par Vaulx-en-Velin (745 ) La surprise vient de Rillieux-la-Pape et des Ulis dont

les populations ont des revenus moyens les plus eacuteleveacutes de lrsquoeacutechantillon mais une zone urbaine

sensible qui couvre des parts importantes de population plus de 60 (612 pour les Ulis et

629 pour Rillieux) Cette proportion est similaire agrave celle de la population en HLM aux Ulis

Ce qui laisse accroire que ces communes preacutesentent une certaine dispariteacute sociale entre des

entiteacutes socio-spatiales en difficulteacute en grande partie celle du parc HLM des grands ensembles

mais pas seulement et drsquoautres ougrave les reacutesidents sont en meilleure situation eacuteconomique et sociale

(parc priveacute du grand ensemble ou HLM construit apregraves le grand ensemble et de meilleure

qualiteacute) La deacutefinition drsquoun territoire drsquoaction publique prioritaire rend visible en quelque sorte

une tendance au fractionnement social interne des communes de classes moyennes

Cette vision converge pour Les Ulis tant avec le critegravere indiqueacute plus haut du taux des meacutenages

imposeacutes assez eacuteleveacute en 2008 (618 ) qursquoavec le taux approximatif de population active

preacutecaire ndash pregraves de 25 estimeacutee au deacutebut des anneacutees 2000 dans lrsquoeacutetude monographique

preacuteceacutedente Rillieux-la-Pape semblerait aussi preacutesenter cette configuration duale sur le plan des

revenus et des situations eacuteconomiques des habitants De leur cocircteacute les faibles taux de population

habitant dans les ZUS de Pierrelatte (248 ) et de Bagnols (32 2 ) ainsi que les faibles parts

de logements HLM en 1982 dans ces communes (255 et 355 ) confirment que leur chantier

construction des grands ensembles ne repreacutesentait qursquoune part certes importante mais pas

disproportionneacutee par rapport agrave leur agglomeacuteration preacuteexistante

Cet examen de donneacutees doit pourtant conduire agrave ecirctre prudent quant agrave lrsquointerpreacutetation des parts des

logements HLM dans les parcs totaux de logements Celles-ci ne sont pas systeacutematiquement

significatives des difficulteacutes socio-eacuteconomiques des populations puisque drsquoune part si les parts

de logements HLM dans les communes sont majoritairement proches de la moitieacute de leur parc

288

total de logements elles ne convergent pas neacutecessairement entre elles dans les difficulteacutes

preacutesenteacutees jusqursquoici (eg la situation eacuteconomique tregraves neacutegative agrave Fareacutebersviller) et que drsquoautre

part des proportions plus faibles de logements sociaux comme agrave Behren avec pregraves de 30 (299

) en 1982 peuvent ecirctre associeacutees agrave des situations extrecircmement fragiles proches de celle

Fareacutebersviller

En fait lrsquounivers social de faible niveau eacuteconomique des communes de grand ensemble avec de

grandes diffeacuterences entre elles dans la moitieacute infeacuterieure de lrsquoeacutechelle des revenus moyen de

population des communes srsquoexplique par la surrepreacutesentation de trois cateacutegories diffeacuterentes de

population dont la caracteacuteristique principale est le faible niveau de vie les familles

monoparentales les personnes actives peu ou pas qualifieacutees et enfin les personnes drsquoorigine

immigreacutee Les situations de pauvreteacute relative des niveaux de vie des individus de cette derniegravere

cateacutegorie srsquoexpliquant principalement par la faiblesse des niveaux de qualification de ceux-ci

Avec drsquoautres caracteacuteristiques eacutevoqueacutees dans lrsquoanalyse de maniegravere parfois compleacutementaire la

reacutepartition ineacutegale de ces trois principales cateacutegories de population contribue agrave rendre

heacuteteacuterogegravenes les populations sur les plans sociaux familiaux et culturels

Si la seacuteparation conjugale est le premier facteur drsquoentreacutee dans la pauvreteacute des familles et donc de

leurs membres (Maurin 2002) la forte proportion de familles monoparentales dans une

commune explique alors le niveau de vie reacuteduit de la partie de la population concerneacutee par cette

configuration familiale face aux charges de logement et de vie quotidienne avec des enfants Et

cela mecircme si le revenu moyen de lrsquoensemble des foyers se situe agrave un niveau pas trop eacuteloigneacute de la

moyenne nationale comme aux Ulis Dans ce sens il a eacuteteacute rajouteacute dans le tableau 24 ci-dessous

la part des couples avec enfants parmi les meacutenages afin de saisir un autre indicateur de la

dimension collective du niveau de vie il srsquoagit de compleacuteter lrsquoinformation sur les niveaux de

revenu deacuteclareacutes par les actifs de la ville

Dans ce tableau Les Ulis est drsquoailleurs la commune dans laquelle les taux de familles

monoparentales parmi les meacutenages et les familles sont les plus eacuteleveacutes de lrsquoeacutechantillon et lrsquoeacutecart

supeacuterieur par rapport agrave la moyenne nationale deacutepasse largement les 50 la part parmi les

meacutenages (152 ) est supeacuterieure de 80 agrave celle de la France meacutetropolitaine (85 ) la part

parmi les familles (221 ) deacutepasse de 637 le niveau national (135 ) soit pregraves de ⅔

suppleacutementaire

289

Tableau 24 ndash Part des familles monoparentales parmi les meacutenages et les familles et part des couples avec enfants parmi les meacutenages des sept communes eacutetudieacutees et de France

meacutetropolitaine en 2008

Les Ulis Fareacutebers-

viller

Behren-legraves-

Forbach

Bagnols-sur-Cegraveze

Rillieux-la-Pape

Pierrelatte MourenxFrance

Meacutetropo-litaine

Part des familles monoparentales

Parmi les meacutenages 153 109 132 105 126 89 106 85 Parmi les familles 221 153 191 168 185 139 174 135

Part des couples avec enfants parmi les meacutenages

362 368 347 236 334 295 245 283

Source INSEE

Pour les autres communes les situations sont assez varieacutees Les deux communes mosellanes sont

diffeacuterentes entre elles rendant inassimilables leurs situations respectives Behren est tregraves proche

des Ulis avec des taux tregraves eacuteleveacutes de familles monoparentales (132 parmi les meacutenages et

191 parmi les familles) alors que Fareacutebersviller est plus proche de la moyenne nationale (109

et 153 ) Bagnols et Mourenx ont des parts parmi les meacutenages plus proches du niveau

national (respectivement 105 et 106 ) alors que leurs parts parmi les familles sont plus

eacuteleveacutees que la moyenne nationale (168 et 174 ) ce qui peut signifier que la pauvreteacute ou les

difficulteacutes drsquoexistence lieacutees agrave ce type de situation familiale sont plus nettement reacutepandues parmi

les familles que parmi lrsquoensemble des meacutenages Enfin Pierrelatte preacutesente la situation la plus

proche de la moyenne franccedilaise (89 de familles monoparentales parmi les meacutenages et 139

parmi les familles)

Les parts de couples avec enfants modifient leacutegegraverement la hieacuterarchie des rangs lieacutee aux taux des

familles monoparentales Crsquoest Fareacutebersviller qui preacutesente ici la part la plus eacuteleveacutee de

lrsquoeacutechantillon 368 contre 283 en France meacutetropolitaine soit un eacutecart positif de 30 par

rapport agrave celle-ci Les Ulis preacutesente un eacutecart de cet ordre avec 362 de couples avec enfants

Arrivent ensuite Behren et Rilleux avec 334 et 295 Pierrelatte se situe encore plutocirct pregraves

de la moyenne nationale (295 ) alors que Bagnols et Mourenx sont en-dessous de celle-ci agrave

236 et 245 Pour ces deux villes ces eacuteleacutements reacutevegravelent lrsquoimportance des autres meacutenages

sans enfants et notamment des personnes plus acircgeacutees comme le confirment les statistiques

indiqueacutees dans la section plus bas concernant le vieillissement des populations des communes de

290

grand ensemble Mourenx drsquoabord puis aussi Bagnols ont les taux de population de plus de 65

ans les plus eacuteleveacutes tant parmi lrsquoeacutechantillon que par rapport agrave la moyenne franccedilaise

Un point sur les niveaux de qualification des populations de plus de 15 ans non scolariseacutees

permet de cerner les parts de sans diplocircme ou drsquoactifs faiblement qualifieacutes des communes

eacutetudieacutees (Tableau 25 ci-dessous) Ces deux indicateurs sont reacuteveacutelateurs des faibles potentiels

drsquoemployabiliteacute des personnes actives sur les marcheacutes du travail et de lrsquoemploi (Maurin 2002

2004) Les niveaux spectaculaires de personnes sans aucun diplocircme agrave Fareacutebersviller (525 ) et agrave

Behren (557 ) soit plus de la moitieacute de leur population et pregraves de 3 fois plus que le niveau de

la France meacutetropolitaine (187 ) expliquent en eux-mecircmes que les parts de chocircmeurs parmi les

actifs preacutesenteacutees dans le tableau 23 plus haut sont les plus importantes de lrsquoeacutechantillon des

communes

Tableau 25 ndash Niveaux de qualification des populations de plus de 15 ans non scolariseacutees des communes eacutetudieacutees et de France meacutetropolitaine en 2008

Les Ulis Fareacutebers-

viller

Behren-legraves-

Forbach

Bagnols-sur-Cegraveze

Rillieux-la-Pape

Pierrelatte MourenxFrance

Meacutetropo-litaine

Aucun diplocircme 23 525 557 21 25 262 239 187

Faible qualification dont 482 423 376 586 562 586 658 575

Certificat drsquoeacutetudes primaires 61 61 25 127 94 111 127 115

BEP Brevet des collegraveges 61 34 33 72 74 56 6 64

CAP ou BEP 199 246 233 232 241 273 336 24

Baccalaureacuteat ou brevet professionnel

161 82 85 155 153 146 135 156

Bac + 2 132 34 47 104 95 99 72 115

Diplocircme gt bac + 2 156 17 2 99 93 52 32 124

Source INSEE

Ils expliquent aussi en grande partie les faibles niveaux drsquoemploi et de reacutemuneacuteration associeacutee

des actifs occupeacutes Le cumul des personnes sans diplocircme et de celles faiblement qualifieacutees de

948 pour Fareacutebersviller et de 933 pour Behren contre 762 pour la France

meacutetropolitaine montre que les populations des deux communes sont tregraves fragiles sur le plan de

lrsquoemploi et plus globalement du deacuteveloppement eacuteconomique Ces faibles niveaux de qualification

291

et drsquoemploi expliquent aussi les faibles niveaux de vie constateacutes plus haut (tableau 1 ligne des

revenus imposeacutes moyens)

Pour les autres communes deux groupes se distinguent le premier avec Bagnols Rillieux et

Pierrelatte dont les niveaux de personnes sans diplocircme sont 3 agrave 8 points plus eacuteleveacutes que les

187 de France meacutetropolitaine (respectivement 21 25 et 262 ) alors que les niveaux

de faible qualification sont proches de la moyenne nationale (575 ) lrsquoautre groupe avec

Mourenx et Les Ulis preacutesente des taux de sans diplocircme similaires au premier groupe plutocirct

proches du niveau national (respectivement 239 et 23 ) mais les taux de personnes

faiblement qualifieacutees et de diplocircmeacutes bac + 2 et supeacuterieurs se distinguent fortement des taux

nationaux En effet pour Mourenx drsquoabord lrsquoessentiel de la population se concentre dans la

classe des faibles qualifications avec pregraves de ⅔ (658 ) ce qui constitue un eacutecart supeacuterieur de

pregraves de 20 (196 ) par rapport au taux national des faibles qualifications Les Ulis en

revanche se singularise de lrsquoensemble de lrsquoeacutechantillon et mecircme du niveau national en

preacutesentant des taux de diplocircmeacutes bac + 2 (132 ) et de diplocircmeacutes de niveau supeacuterieur agrave Bac + 2

(156 ) qui sont supeacuterieurs aux taux nationaux (115 et 124 ) ce qui explique un plus

faible taux de personnes faiblement qualifieacutes (482 )

Le tableau 26 ci-dessous preacutesente la derniegravere cateacutegorie de population en surrepreacutesentation dans

les communes les personnes immigreacutees ou eacutetrangegraveres qui apregraves les familles monoparentales et

lrsquoabsence voire les faibles niveaux de qualification renvoie agrave un eacutetat potentiel de preacutecariteacute sociale

drsquoune partie de la population en termes de qualification pour lrsquoinsertion sociale et professionnelle

dans les activiteacutes de la socieacuteteacute locale En effet les caractegraveres laquo eacutetranger raquo et laquo immigreacute raquo sont des

indicateurs de possibiliteacute de discrimination agrave lrsquoembauche et dans lrsquoeacutevolution des carriegraveres et donc

de faible niveau de vie des personnes concerneacutees

Le tableau rapporte des situations tregraves diffeacuterentes au sein de lrsquoeacutechantillon de communes eacutetudieacutees

et en comparaison avec les parts au niveau national Mis agrave part Pierrelatte et Bagnols qui ont des

taux drsquoeacutetrangers et drsquoimmigreacutes un petit peu plus eacuteleveacutes que la moyenne nationale (66

drsquoeacutetrangers et 103 drsquoimmigreacutes pour Pierrelatte et 69 et 106 pour Bagnols contre 58

et 84 pour la France meacutetropolitaine) les taux commencent agrave monter agrave partir de Mourenx son

taux drsquoeacutetrangers (82 ) est encore proche de la France hors deacutepartements et territoires drsquooutre-

292

mer (DOM-TOM) ainsi que le taux drsquoimmigreacutes qui est de 138 pour la ville et de 114 en

France

Tableau 26 ndash Part des eacutetrangers et des immigreacutes dans la population des sept communes eacutetudieacutees et de France meacutetropolitaine en 2008

Les Ulis Fareacutebers-

viller

Behren-legraves-

Forbach

Bagnols-sur-Cegraveze

Rillieux-la-Pape

Pierrelatte MourenxFrance

Meacutetropo-litaine

Part des eacutetrangers dans la population totale

13 196 211 69 93 66 82 58

parmi les 25-54 ans 165 18 18 81 114 78 75 7

parmi les 55 ans et plus 148 364 411 63 95 68 126 51

Part des immigreacutes dans la population totale

204 285 293 106 164 103 138 84

parmi les 25-54 ans 299 301 282 146 243 14 152 114

parmi les 55 ans et plus 286 545 592 11 193 124 21 93

Source INSEE

Ensuite les taux varient jusqursquoagrave Behren qui en preacutesentent de tregraves importants 211 drsquoeacutetrangers

et 293 drsquoimmigreacutes Le taux drsquoimmigreacutes dans la classe des laquo 55 ans et plus raquo augmente mecircme

fortement tant pour Behren qui est de pregraves de 60 (592 ) que pour Fareacutebersviller qui est agrave

pregraves de 55 (545 ) alors que pour cette mecircme classe drsquoacircge le taux franccedilais est de 93 et

de moins de 30 pour les autres communes avec des taux beaucoup plus faibles pour Bagnols

(11 ) et Pierrelatte (124 ) Lrsquoanalyse des taux dans ces deux classes drsquoacircge drsquoadultes les 25-

54 ans et les 55 ans et plus permet drsquoune part drsquoeacutecarter les classes drsquoacircge des enfants dont les

situations peuvent varier par rapport agrave leurs parents avec lrsquoacquisition de la nationaliteacute franccedilaise

lieacutee agrave la naissance possible en France etou agrave la dureacutee de reacutesidence en France mais aussi drsquoautre

part de saisir des diffeacuterences de mouvements migratoires entre les classes drsquoacircge

Agrave Behren et agrave Fareacutebersviller par exemple les taux drsquoimmigreacutes sont plus faibles chez les jeunes

adultes (25-54 ans) avec respectivement 282 et 301 que chez les plus vieux (55 ans et

plus) avec 592 et 545 Agrave lrsquoinverse Rilleux Bagnols et Pierrelatte ont des taux drsquoimmigreacutes

plus eacuteleveacutes chez les jeunes (respectivement 243 146 et 14 ) que chez les plus vieux

293

(193 11 et 124 ) Uniquement concernant les 55 ans et plus apregraves Fareacutebersviller et

Behren dont les niveaux sont les plus eacuteleveacutes il y a Les Ulis qui suit agrave pregraves de 30 (286 ) et

ensuite Mourenx et Rillieux se situent autour des 20 Rien que ces derniers taux sont un peu

plus du double du taux franccedilais (9 3 )

Ainsi ces profils socio-deacutemographiques agrave lrsquoinstar de Behren et de Fareacutebersviller qui lrsquoillustre de

maniegravere pousseacutee sont en reacutesonance avec les caracteacuteristiques eacuteconomiques de la population

drsquoensemble un faible niveau de vie global pour des populations comportant une part importante

drsquoimmigreacutes et de leurs descendants franccedilais avec une part parfois majeure de non diplocircmeacutes

(etou le reste en grande partie de faible niveau de qualification) sans oublier les parts de familles

monoparentales parfois tregraves supeacuterieures aux taux nationaux Les Ulis par exemple comme

identifieacute dans la partie monographique preacuteceacutedente se distingue avec un niveau non neacutegligeable

de population immigreacutee (204 ) et eacutetrangegravere (13 ) Les taux sont les plus eacuteleveacutes apregraves Behren

et Fareacutebersviller largement devant Rillieux dans la peacuteripheacuterie lyonnaise (93 drsquoeacutetrangers et

164 drsquoimmigreacutes) et ensuite Mourenx (82 et 138 ) Bagnols (69 et 106 ) et

Pierrelatte (66 et 103 )

Lrsquoeacutechantillon preacutesente donc des communes de grand ensemble extrecircmement diverses sur ce plan

de lrsquoimmigration Des speacutecificiteacutes peuvent ecirctre noteacutees comme aux Ulis ougrave par rapport agrave Behren

et Fareacutebersviller le taux proche des 30 drsquoimmigreacutes concerne lrsquoensemble de la population

adulte de plus de 25 ans (couvrant les deux classes drsquoacircge 25-54 ans et 55 ans et plus) ce qui

signifie que lrsquoimmigration concerne dans cette ville soit tous les acircges des migrants (des plus

jeunes aux plus acircgeacutes) soit toute la dureacutee de son histoire Une combinaison des deux peut ecirctre

envisageacutee pour lrsquoanalyse preacutecise de son immigration dans le temps

Par ailleurs si les travaux drsquoobservation monographique de la partie preacuteceacutedente ont permis de

montrer que les figures de lrsquoimmigration aux Ulis ont comme caracteacuteristique principale une

origine non-europeacuteenne mettant en valeur une division ethno-raciale de la population qui

concerne une grande partie de la population communale il faut alors reconnaicirctre que dans

drsquoautres communes de grand ensemble comme certaines de lrsquoeacutechantillon (Pierrelatte Mourenx et

Bagnols) une telle division concerne une population beaucoup plus faible Ainsi si celles-ci

deacutepassent les taux nationaux moyens crsquoest davantage lrsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute des parts de composantes

ethno-raciales qui preacutedominent entre les communes

294

Cette situation semble srsquoinstaller dans la dureacutee au moins en reacutegion parisienne reacutegion de forte

immigration en France puisque pour rappel de la partie monographique preacuteceacutedente aux Ulis au

recensement de 1999 20 de la population eacutetait immigreacutee et lrsquoestimation reacutealiseacutee concernant la

population drsquoorigine ethnique ie avec les enfants de parents immigreacutes tant de lrsquoeacutetranger des

anciennes colonies que des DOM-TOM eacutetait pregraves de 40 (entre un tiers et 45 ) au deacutebut des

anneacutees 2000

Avec un taux drsquoimmigreacutes similaire observeacute neuf ans plus tard en 2008 et des taux statistiques

drsquoadultes de plus de 25 ans qui frocirclent les 30 il est possible drsquoenvisager que lrsquoensemble

populationnel grossi des enfants devenant franccedilais agrave leur majoriteacute du fait de la naissance et de

la vie en France avec la naturalisation eacuteventuelle de leur parent ou encore avec une union de

ceux-ci avec un Franccedilais puisse deacutepasser la taille estimeacutee des populations drsquoorigine ethnique

(personnes dont les comportements et lrsquoaspect exteacuterieurs renvoient agrave une perception primaire

drsquoeacutetat proche de lrsquoeacutetranger) au deacutebut des anneacutees 2000 (cf chapitre IV section C) une part de

population proche de 50 de la population totale serait imaginable

B- La deacutecroissance deacutemographique post-construction des grands ensembles

Globalement les eacutevolutions deacutemographiques des communes depuis 1793 hormis Les Ulis

preacutesentent une nette similitude de seacutequences en trois temps (cf seacuterie de graphiques et de tableaux

ci-dessous) drsquoabord pendant pregraves de 160 ans depuis cette date elles ont eacutevolueacute sans fortes

fluctuations prolongeacutees agrave la hausse comme agrave la baisse par rapport agrave leur tendance Puis des

hausses brutales srsquoengagent degraves 1954 avec quelques preacutemisses pendant lrsquoEntre-Deux-Guerres

pour Rillieux-la-Pape dans le Rhocircne avec le peuplement industriel de lrsquoagglomeacuteration

lyonnaise mais la forte urbanisation de la peacuteriode 1954-1962 est une rupture geacuteneacuterale avec les

eacutevolutions anteacuterieures et des hausses tregraves eacuteleveacutees apparaissent degraves le recensement de 1962 avec

des dureacutees variables jusqursquoau recensement de 1982 (Les Ulis srsquoinscrit dans ce second temps de

deacuteveloppement)

Enfin srsquoensuit un mouvement commun drsquoarrecirct des fortes hausses se traduisant majoritairement

(pour six communes sur sept en comptant Les Ulis) par une baisse deacutemographique plus ou moins

marqueacutee avec parfois un leacuteger rebond de croissance dans lrsquoune des deux derniegraveres peacuteriodes

295

intercensitaires ou plus modestement par une reacuteduction de la croissance rapportant lrsquoeacutevolution agrave

une stabilisation deacutemographique (cas pour deux communes)

Les peacuteriodes de construction des grands ensembles ont eacuteteacute identifieacutees de maniegravere assez grossiegravere

agrave travers les recensements de population Cette meacutethode permet drsquoobtenir aiseacutement et assez

rapidement des estimations quantitatives fiables sur les volumes produits en logement et sur les

effets deacutemographiques induits Selon les dates de deacutemarrage des travaux et leur dureacutee les

peacuteriodes de construction peuvent srsquoinscrire dans une peacuteriode intercensitaire ou srsquoeacutetaler sur deux

voire trois drsquoentre elles en tout ou partie notamment lorsque le volume du programme preacutevu est

de grand importance (cas de communes comme Veacutenissieux et Vaulx-en-Velin dans

lrsquoagglomeacuteration lyonnaise qui ne sont pas comprises dans cette analyse)

Agrave titre illustratif le tableau 27 suivant preacutesente les peacuteriodes intercensitaires de plus forte hausse

de chaque commune avec des indicateurs quantificatifs de trois ordres pour en appreacutecier la

mesure eacutecarts en valeur absolue et en pourcentage ainsi que coefficient multiplicateur Ne sont

retenues que les peacuteriodes les plus significatives de lrsquoapport quantitatif consideacuterable que

repreacutesentent ces programmes

Les peacuteriodes intercensitaires retenues sont celles qui font passer les communes agrave des tailles

nettement plus eacuteleveacutees degraves le premier recensement suivant le deacutemarrage des travaux et celles qui

font atteindre aux communes les niveaux deacutemographiques les plus eacuteleveacutes de toute leur histoire

avec le bond quantitatif important commenceacute auparavant mecircme si la peacuteriode intercensitaire

preacuteceacutedente a connu une intensiteacute de croissance plus forte Cependant les derniegraveres peacuteriodes au

cours desquelles les hausses se poursuivent de maniegravere atteacutenueacutee sont eacutecarteacutees puisqursquoelles ne

modifient pas lrsquoordre de grandeur du niveau de population atteint aux recensements preacuteceacutedents

Cette approche doit donc compter avec la limite de ne pas prendre en compte lrsquoensemble de

lrsquoeffet de croissance immeacutediat des opeacuterations de construction des grands ensembles comme agrave

Bagnols-sur-Cegraveze Par exemple la peacuteriode 1962-1968 est marqueacutee par une eacutevolution agrave la hausse

non neacutegligeable (+ 3 517 personnes soit + 272 ) qui est pourtant moins forte croissance que la

peacuteriode preacuteceacutedente (+ 233 ) Crsquoest seulement cette derniegravere peacuteriode qui a eacuteteacute retenue pour

illustrer le bond quantitatif lieacute au grand ensemble bien que le programme ait eacuteteacute reacutealiseacute sur ces

deux peacuteriodes 1954-1962 et 1962-1968 comme le confirme Roques (Roques 2004) En outre agrave

cette deuxiegraveme peacuteriode de phase finale moins volumineuse de travaux se sont ajouteacutes des

296

constructions suppleacutementaires simultaneacutement ou ulteacuterieurement reacutealiseacutees sans lien avec le type

drsquohabitat grand ensemble maisons individuelles immeubles collectifs distinctshellip

Tableau 27 ndash Principale peacuteriode intercensitaire de plus fortes hausses deacutemographiques des communes lieacutees agrave la de construction de leur grand(s) ensemble(s)

Communes Peacuteriode principale de construction des grands ensembles

Valeurs deacutemographiques correspondantes (nbre drsquohabitants)

Indicateurs de hausse

Pierrelatte (26) 1962 - 1968 4 257 ndash 9 757 + 5 500 habitants

x 23 + 130

Bagnols-sur-Cegraveze (30) 1954 - 1962 5 546 ndash 12 951 + 7 405 habitants

x 233 + 133

Behren-legraves-Forbach (57) 1954 - 1962 524 ndash 10 487 + 9 963 habitants

x 20 + 1 901

Fareacutebersviller (57) 1954 - 1962 600 ndash 8 453 + 7 853 habitants

x 141 + 1 308

Mourenx (64) 1954 - 1962 218 ndash 8 659 + 8 441 habitants

x 397 + 3 872

Les Ulis (91) 1968 - 1982 0 ndash 28 256 + 28 256 habitants

Rillieux- la-Pape (69) (fusion avec Creacutepieux-la-Pape en 1972 les donneacutees de cette commune sont compteacutees avant cette date)

1962 - 1975 6 465 ndash 30 894 + 24 429 habitants

x 48 + 378

Source INSEE

Il y a donc un manque de preacutecision quant agrave la signification des volumes de logements et de

populations de cette peacuteriode et qursquoil a eacuteteacute choisi drsquoeacutecarter au mieux Ce tableau traduit ainsi

grosso modo les peacuteriodes les dureacutees et les volumes des constructions ayant commenceacute pendant la

peacuteriode de 1954 agrave 1968 Il vise agrave rendre compte des ordres de grandeur atteints par les

reacutealisations des programmes de grand ensemble que lrsquoon peut saisir de maniegravere la plus exacte

297

sans ecirctre mecircleacutees agrave drsquoautres programmes mecircme si de volume plus modeste Le reacutesultat est que

comparativement aux niveaux et aux dynamiques anteacuterieures et traditionnelles de peuplement de

ces communes les mesures de ces productions frappent lrsquoesprit

Les deux communes mosellanes Behren-legraves-Forbach et Fareacutebersviller ainsi que Mourenx

repreacutesentent drsquoailleurs le mieux ce passage brutal du village agrave la petite ville voire agrave la petite-

moyenne ville Mourenx petit village de 218 habitants en 1954 voit sa population gagner 8 841

habitants en huit ans soit une hausse de 3 872 et une multiplication par 40 Behren-legraves-

Forbach mecircme type de commune rurale de 524 habitants augmente de 9 963 habitants

suppleacutementaires soit + 1 901 en huit ans ce qui correspondant agrave une population multiplieacutee par

20 Fareacutebersviller avec 600 habitants en 1954 a gagneacute 7 852 habitants soit 14 fois plus en huit

ans repreacutesentant ainsi une hausse de 1 308 Bien que peu eacuteleveacutees en termes absolus par

rapport aux autres communes compareacutees ces hausses sont tregraves fortes relativement au peuplement

territorial preacutealable

Pour les communes de taille plus grande avant 1954 les opeacuterations ont eacuteteacute plus longues et plus

importantes en volume Les valeurs absolues de hausse deacutemographique sont importantes

cependant les indicateurs de croissance relative sont moins eacuteleveacutes que ceux des communes ayant

des tailles deacutemographiques avant les grands ensembles beaucoup plus faibles Ces diffeacuterences

de taille entre les communes et de place qursquoy tiennent les grands ensembles dans leur parc total

de logements et leur morphologie urbaine constituent une base inteacuteressante drsquoobservation pour

lrsquoeacutetude meneacutee sur les rapports entre eacutevolutions sociales et spatiales

En effet plus le grand ensemble nrsquoest preacutedominant et le territoire drsquoimplantation preacutealablement

peu peupleacute plus la dynamique sociale et urbaine de la commune ne comporte qursquoun ensemble de

traits plutocirct neacutegatifs directement lieacutes agrave lrsquoeacutevolution du grand ensemble lui-mecircme (deacuteclin

deacutemographique hausse du chocircmage et des tensions socialeshellip) Ce qui est logique puisqursquoil

constitue la forme socio-spatiale quasi exclusive de la commune Ce qui semble ecirctre le cas des

Ulis de Fareacutebersviller de Behren-legraves-Forbach et de Mourenx En revanche plus le grand

ensemble preacutesente une taille relative plus faible par rapport agrave une agglomeacuteration preacuteexistante sur

son site drsquoimplantation plus des dynamiques sociales et urbaines diverses et plus positives

(croissance deacutemographique et du nombre de logements baisse du chocircmagehellip) peuvent

srsquoobserver Crsquoest le cas certainement de Bagnols-sur-Cegraveze et de Pierrelatte

298

Comme lrsquoillustrent les histogrammes drsquoeacutevolution deacutemographique des communes ci-dessous il

apparaicirct pour les cinq communes dont Les Ulis un mecircme net freinage de croissance apregraves les

peacuteriodes de construction avec soit un tassement soit mecircme une inversion de lrsquoeacutevolution tout en

pouvant comporter des sursauts ponctuels de hausse (eg Fareacutebersviller de 1990 agrave 1999)

Graphiquement une forme de crochet inverseacute et tourneacute vers la droite se dessine notamment pour

ces cinq communes qui impriment au moins toute une baisse pendant une peacuteriode intercensitaire

ulteacuterieure agrave la peacuteriode de fin de construction du grand ensemble

Cette baisse srsquoamorce en deux temps soit immeacutediatement apregraves le paroxysme atteint au

recensement preacuteceacutedent (cas pour Fareacutebersviller degraves 1968 et Les Ulis agrave partir de 1990) soit apregraves

une peacuteriode intercensitaire de fort ralentissement de la hausse (Mourenx et Behren-legraves-Forbach

avant 1975 et Rillieux-la-Pape avant 1990) voire mecircme apregraves deux peacuteriodes proches de la

stagnation Par ailleurs les deux communes qui ne connaissent pas de baisse Pierrelatte et

Bagnols-sur-Cegraveze preacutesentent toutefois une forte atteacutenuation des hausses proches de la stagnation

jusqursquoen 2006 crsquoest le cas degraves le recensement suivant le pic de hausse pour Pierrelatte ou

encore apregraves une premiegravere peacuteriode intercensitaire leacutegegraverement plus forte pour Bagnols qui

correspond agrave la finition du programme de construction commenceacute en 1954-1962

Cinq communes sur sept preacutesentent ainsi une baisse deacutemographique agrave partir drsquoune date de

recensement situeacutee dans la peacuteriode entre 1968 (pour Fareacutebersviller) et 1999 Mourenx Behren-

legraves-Forbach Fareacutebersviller Les Ulis et Rilleux-la-Pape Les baisses sont variables eacuteleveacutees ou

parfois proches de la stagnation entre deux recensements et preacutesentent globalement une certaine

continuiteacute drsquoun recensement agrave lrsquoautre A part Rillieux-la-Pape qui ne connaicirct que deux peacuteriodes

de baisse les autres communes preacutesentent des peacuteriodes de baisse assez longue trois

recensements pour Mourenx et Les Ulis et cinq pour Fareacutebersviller et pour Behren

Cette derniegravere ville connaicirct drsquoailleurs une baisse sans arrecirct depuis son engagement en 1975 ce

qui repreacutesente une peacuteriode de 38 ans entre le recensement ougrave la hausse a eacuteteacute la plus forte (1968)

et 2006 Si lrsquoon tient compte de son nouveau chiffre au recensement de 2008 indiqueacute dans le

tableau 1 plus haut soit 8 514 habitants cela fait 40 ans de baisse depuis 1968 La commune des

Ulis est aussi dans ce cas de figure depuis le recensement de 1982 de grande hausse

deacutemographique lieacutee agrave la fin du programme de grand ensemble La ville connaicirct donc une peacuteriode

de 24 ans de baisse continue sans sursaut de hausse Cela fait mecircme 26 ans puisque en 2008 la

299

commune affiche une nouvelle baisse deacutemographique (24540 habitants contre 24 962 deux ans

plus tocirct)

Parmi les cinq communes qui deacuteclinent en deux ans il srsquoagit drsquoun prolongement de tendance

pour quatre drsquoentre elles Les Ulis Behren Fareacutebersviller et Mourenx Seule la commune de

Rillieux-la-Pape poursuit tregraves leacutegegraverement une hausse depuis 1999 agrave 2006 Avec 16 habitants de

plus en 2008 la ville de pregraves de 30 000 habitants est plutocirct en stagnation La cinquiegraveme

commune qui deacutecline est de maniegravere un peu inattendue Bagnols-sur-Cegraveze apregraves sa hausse

continue mecircme si ralentie agrave partir de 1975 cette baisse reste neacuteanmoins tregraves leacutegegravere puisqursquoil

srsquoagit de 39 habitants de moins en 2008 sur 18 545 en 2006 Lrsquoeacutevolution future de la ville sera

donc inteacuteressante agrave observer agrave ce sujet Crsquoest donc Pierrelatte la sixiegraveme commune qui de 2006 agrave

2008 a comme tous les recensements preacuteceacutedents continueacute drsquoaugmenter pregraves de 600 habitants

suppleacutementaires sur pregraves de 12 900 deux ans plus tocirct ce dynamisme est mecircme tout agrave fait

remarquable car en deux ans il deacutepasse en valeur absolu les hausses intercensitaires depuis la fin

de la construction du grand ensemble

Quelles explications apporter aux eacutevolutions diffeacuterentes des deux communes Bagnols-sur-Cegraveze

et Pierrelatte mecircme si contrarieacutees en toute derniegravere peacuteriode pour la premiegravere par rapport aux

communes ayant deacuteclineacute apregraves les constructions des programmes En premier lieu les volumes

relatifs des opeacuterations ont eacuteteacute plus faibles pour les premiegraveres que pour les autres communes Par

exemple les hausses deacutemographiques qui reacutesultaient de la livraison des programmes sont resteacutees

modestes par rapport aux autres communes avec + 130 entre 1962 et 1968 pour Pierrelatte

(soit une population 233 fois plus nombreuse qursquoen 1962) et de maniegravere quasi similaire

+ 133 entre 1954 et 1962 pour Bagnols ce qui repreacutesente un mecircme bond de 23 fois plus

drsquohabitants

Le deuxiegraveme eacuteleacutement drsquohypothegravese est que ces deux communes disposent drsquoun tissu urbain

preacutealable et ancien qui conserve un poids relatif non neacutegligeable dans la formation urbaine qui

suit la construction des grands ensembles Pierrelatte comporte 4 251 habitants en 1962 et

Bagnols 5 546 en 1954 un peu moins de cent ans plus tocirct la premiegravere compte 3 539 habitants en

1856 et la seconde 4 870 la mecircme anneacutee en 1793 160 ans plus tocirct Pierrelatte est un peu moins

peupleacutee avec 2 789 habitants et Bagnols est une petite agglomeacuteration de taille eacutegale agrave celle de

1856 avec 4 800 personnes Apregraves construction des grands ensembles les ensembles

300

populationnels preacuteexistants de ces communes conservent une part deacutemographique non

neacutegligeable dans la nouvelle configuration urbaine 43 si lrsquoon utilise une estimation chiffreacutee

ce qui nrsquoest pas loin de la moitieacute de la population finale93

La recherche de Jean-Luc Roques (2004) sur les conduites juveacuteniles dans les petites villes avec

Bagnols-sur-Cegraveze comme une des villes de terrain le montre la ville qui est devenue laquo citeacute

atomique raquo avec la creacuteation du premier centre nucleacuteaire en France agrave Marcoule est composeacutee de

quartiers anciens et nouveaux depuis les anneacutees 1950 et elle produit des activiteacutes plus

nombreuses et heacuteteacuterogegravenes que des petites villes centreacutees sur un seul type drsquoactiviteacute (ce qui a

analyse lrsquoauteur un effet net sur la dynamique de formation et drsquoinsertion socioprofessionnelle

des jeunes qui peuvent deacutevelopper des projets et compter sur une communauteacute drsquoadultes qui leur

offre des perspectives)

Ainsi entre drsquoune part les baisses deacutemographiques de la plupart des communes de lrsquoeacutechantillon

et drsquoautre part les croissances pour Pierrelatte et Bagnols survenues apregraves les effets immeacutediats

de hausse de population lieacutes au peuplement des grands ensembles livreacutes existe-t-il un seuil

approximatif de taille drsquoopeacuteration de construction relativement agrave la taille de la commune avant

travaux au-dessus duquel une baisse deacutemographique de la commune peut ecirctre attendue et peut se

repeacuterer au recensement suivant la fin des travaux Cela paraicirct probable En termes

deacutemographiques ce seuil pourrait se situer alors entre 23 fois la taille de la population preacuteceacutedant

les travaux coefficient observeacute agrave Bagnols et agrave Pierrelatte et les coefficients agrave partir duquel les

baisses se manifestent dans les villes de lrsquoeacutechantillon ou dans drsquoautres Cependant il importe

moins de fixer preacuteciseacutement un seuil de ce type toujours variable selon des paramegravetres

conjoncturels et contextuels multiples que de comprendre les meacutecanismes pouvant expliquer la

relation que reacutevegravele lrsquoeacuteventualiteacute de ce seuil comme lrsquoeacutevoque Simmel (1894) agrave propos de

lrsquoinfluence des uniteacutes dans les pheacutenomegravenes sociaux

En effet tout drsquoabord le poids relatif que repreacutesentent ces constructions dans un tissu urbain

communal est certainement deacuteterminant pour son devenir et celui de ses habitants en devenant

quasi exclusive dans la formation architecturale et spatiale drsquoune ville la forme grand ensemble

et son homogeacuteneacuteiteacute morphologique imprime une dynamique sociale geacuteo-historiquement situeacutee

93 En confeacuterant une base 100 agrave la taille deacutemographique du recensement avant la construction des grands ensembles on obtient une situation de valeur 230 avec lrsquoapplication du coefficient de 23 (coefficient multiplicateur de Pierrelatte et de Bagnols) La valeur initiale en base 100 repreacutesente ainsi 43 de la valeur finale drsquoeacutevolution de cette base (230)

301

302

comme le montre Giraud (2000) dans son eacutetude sur Veacutenissieux et Bron Indeacutependamment des

ressources socio-eacuteconomiques et culturelles locales lieacutees agrave une histoire et agrave des activiteacutes

anteacuterieures et multiples les eacutevolutions deacutemographiques et sociales propres des grands ensembles

ne sont sans doute pas sans effet sur celles de lrsquoensemble de la commune (Wacquant 2007)

Une baisse deacutemographique dans un grand ensemble par exemple pour des raisons

deacutemographiques (baisse de la feacuteconditeacute vieillissement des habitants deacutecohabitation des enfants

vers des secteurs hors voisinage) ou mateacuterielle (vieillissement ou deacutefauts non reacutepareacutes du bacircti

entraicircnant le deacutepart des occupants) voire eacuteconomiques et sociaux (deacutevalorisation de lrsquohabitat et

de la commune sur le marcheacute du logement) entraicircnerait une baisse deacutemographique pour

lrsquoensemble de la commune mecircme si dans des proportions peut-ecirctre moindres

Il est alors possible dans chaque cas de deacutegager la signification les facteurs et les deacuteterminants

drsquoune eacuteventuelle tendance baissiegravere Pour les deux communes de lrsquoeacutechantillon qui ne preacutesentent

pas de peacuteriodes de hausse depuis la fin de la construction de leur grand ensemble les Ulis et

Behren-legraves-Forbach quelle explication apporter une heacutemorragie sans fin en raison drsquoune

deacutevalorisation spatiale irreacuteversible Ou bien cette orientation nrsquoest-elle pas la marque drsquoune

premiegravere eacutetape drsquoun cycle de stabilisation drsquoun niveau deacutemographique moindre suite au

peuplement maximal des grands ensembles avec des grandes familles dans les logements Dans

ce cas il se peut que la baisse soit la premiegravere phase drsquoun cycle de fluctuations agrave la hausse agrave la

baisse ou de stagnation qui alternent La baisse en cours ne serait qursquoune installation dans un

nouvel ordre de niveau deacutemographique engendreacute par les constructions de grands ensembles

Cependant il reste neacuteanmoins agrave expliquer et agrave interpreacuteter ces eacutevolutions baissiegraveres laquo reacuteactives raquo

qui se sont manifesteacutees avec autant de netteteacute dans les premiers temps suivant la livraison des

grands ensembles En analysant les donneacutees concernant les Ulis une partie de lrsquohypothegravese

formuleacutee pour cet examen comparatif eacutetait que les grands ensembles produisent quelque soit le

lieu de leur contexte drsquoimplantation en raison de leurs caracteacuteristiques spatiales et sociales de

peuplement le mecircme effet deacutepressif sur les deacutemographies urbaines qui pourrait srsquointerpreacuteter

comme le signe de la deacutesaffection preacutedominante des personnes pour ces villes Qursquoen est-il plus

preacuteciseacutement selon un premier examen comparatif des caracteacuteristiques des communes

eacutechantillonneacutees

Eacutevolution deacutemographique des sept communes de lrsquoeacutechantillon de 1793 agrave 2006 (+ commune de Creacutepieux-la-Pape seacutepareacutee puis reacuteunie avec Rillieux-la-Pape) 94

0

2 000

4 000

6 000

8 000

10 000

12 000

1793 1821

0

2 000

4 000

6 000

8 000

10 000

12 000

14 000

1793 1821 1841 1856 1872 1886 1901 1921 1936 1962 1982 2006

Mourenx (64) Behren-legraves-Forbach (57)

303

1841 1856 1872 1886 1901 1921 1936 1962 1982 2006

Nom

bre

dha

bita

nts

Anneacutee Pop 1841 1876 1911 1962 10 4871793 250 1846 1881 1921 1968 12 5121800 244 1851 1886 1926 5191975 12 0151806 291 1856 1891 1931 5021982 11 1521821 1861 1896 1936 4731990 10 2911831 1866 1901 1946 4291999 10 0731836 1872 1906 1954 5242006 9 146

Anneacutee Pop 1841 407 1876 354 1911 3051962 8 659 1793 339 1846 410 1881 362 1921 2801968 10 7341800 326 1851 361 1886 346 1926 2631975 9 469 1806 280 1856 369 1891 310 1931 2701982 9 036 1821 414 1861 345 1896 309 1936 2701990 7 460 1831 383 1866 364 1901 311 1946 2151999 7 572 1836 405 1872 370 1906 319 1954 2182006 7 550

Behren a eacuteteacute reacuteunie en 1812 agrave Kerbach (avec Etzling) puis creacuteeacutee en 1925 agrave partir de Kerbach

94 Diagrammes et tableaux INSEE et site internet EHESS laquo Des villages Cassini aux communes drsquoaujourdrsquohui raquo Les donneacutees des deux derniers recensements sont deacutecaleacutees de quelques uniteacutes (4 habitants pour les Ulis en 1999)

304

Rillieux-la-Pape (69) Creacutepieux-la-Pape (69) Seacutepareacutee de Rillieux-la-Pape en 1927 Reacuteunie agrave Rillieux-la-Pape en 1972

3

0

1 000

2 000

3 000

4 000

5 000

6 000

7 000

8 000

9 000

10 000

1793 1821 1841 1856 1872 1886 1901 1921 1936 1962 1982 2006

30 000

25 000

20 000

0

5 000

10 000

15 000

Anneacutee Pop1841 1876 1911 1962 3 1571793 1846 1881 1921 1968 9 1471800 1851 1886 1926 1975 1806 1856 1891 1931 1 5831982 1821 1861 1896 1936 1 8401990 1831 1866 1901 1946 1 8581999 1836 1872 1906 1954 2 6742006 hellip

Anneacutee Pop 1841 943 1876 1 337 1911 1 608 1962 3 308

5 000

1793 1821 1841 1856 1872 1886 1901 1921 1936 1962 1982 2006

1793 922 1846 1 061 1881 1 267 1921 1 684 1968 18 1521800 686 1851 1 116 1886 1 440 1926 2 230 1975 30 6761806 750 1856 1 113 1891 1 414 1931 1 602 1982 31 5601821 808 1861 1 174 1896 1 406 1936 1 555 1990 30 7911831 958 1866 1 294 1901 1 520 1946 1 458 1999 28 3271836 890 1872 1 314 1906 1 568 1954 1 560 2006 29 562

Inteacutegration de Creacutepieux-la-Pape en 1972

Bagnols-sur-Cegraveze (30) Pierrelatte (26)

0

2 000

4 000

6 000

8 000

10 000

12 000

14 000

16 000

18 000

20 000

1793

0

2 000

4 000

6 000

8 000

10 000

12 000

14 000

1793 1821 1841 1856 1872 1886 1901 1921 1936 1962 1982 2006

1 821 1841 1856 1872 1886 1901 1921 1936 1962 1982 2006

305

Anneacutee Pop 1841 4 090 1876 4 930 1911 4 445 1962 12 9511793 4 800 1846 4 827 1881 4 666 1921 3 918 1968 16 4681800 4 888 1851 4 780 1886 4 458 1926 4 450 1975 17 5341806 4 994 1856 4 870 1891 4 454 1931 4 481 1982 17 6021821 4 921 1861 5 050 1896 4 500 1936 4 669 1990 17 8721831 4 902 1866 5 184 1901 4 461 1946 5 211 1999 18 0991836 4 847 1872 4 876 1906 4 582 1954 5 5412006 18 545

Anneacutee Pop 1841 3 4301876 3 5791911 3 2461962 4 252 1793 2 789 1846 3 5371881 3 2911921 3 1701968 9 757 1800 2 536 1851 3 4831886 3 2231926 3 2521975 9 816 1806 2 462 1856 3 4531891 3 1841931 3 3071982 11 5961821 2 867 1861 3 5121896 3 2181936 3 1761990 11 7701831 3 447 1866 3 5391901 3 1211946 3 2371999 11 9801836 3 409 1872 3 5771906 3 3191954 3 4482006 12 315

306

0

1 000

2 000

3 000

4 000

5 000

6 000

7 000

8 000

9 000

1793 1821 1841 1856 1872 1886 1901 1921 1936 1962 1982 2006

Anneacutee Pop 1841 1876 1911 1962 1793 1846 1881 1921 1968 1800 1851 1886 1926 1975 20 2831806 1856 1891 1931 1982 28 2561821 1861 1896 1936 1990 27 1971831 1866 1901 1946 1999 25 7811836 1872 1906 1954 2006 24 962

Anneacutee Pop1841 9021876 5001911 5101962 8 4531793 451 1846 abs1881 4891921 5921968 8 0011800 492 1851 abs1886 4951926 6431975 7 7831806 186 1856 abs1891 4701931 6081982 7 1221821 675 1861 5391896 4681936 5891990 6 8351831 abs 1866 5291901 4681946 5361999 6 8721836 865 1872 4951906 5081954 6002006 6 020

Les Ulis (91) Fareacutebersviller (57)

0

5 000

10 000

15 000

20 000

25 000

30 000

1793 1806 1831 1841 1851 1861 1872 1881 1891 1901 1911 1926 1936 1954 1968 1982 1999

C- Lrsquoamplification de la deacute-densification et du vieillissement des meacutenages

Aux Ulis la commune connaicirct de vastes mouvements migratoires intercensitaires Selon la

litteacuterature sur les grands ensembles cet habitat est un deacuteterminant preacutedominant de ces

mouvements car il est le cadre de deacutemeacutenagement incessants (Peillon 2001 Giraud 2005) qui

cocirctoient par ailleurs des groupes de reacutesidents laquo captifs raquo dont lrsquoabsence de mobiliteacute sociale

ascendante entraicircne lrsquoimmobiliteacute spatiale contrainte (Lagrange 1995 Lapeyronnie 2008) Les

seules donneacutees de soldes migratoires positifs ou neacutegatifs que publie lrsquoINSEE dans ses

statistiques locales ne peuvent drsquoailleurs pas apporter une ideacutee reacuteelle des mouvements qui

produisent ces soldes Ceux-ci peuvent ecirctre multiples pour un mecircme solde 1 000 habitants de

moins par exemple est un chiffre qui peut provenir drsquoune diffeacuterence entre 5 000 partants et

4 000 arrivants ou entre 11 000 partants et 10 000 arrivants Il suffit agrave chaque fois qursquoil y ait

1 000 partants de plus que les arrivants (19 000 18 000 4 000 3 000hellip)

Ainsi un solde migratoire mecircme srsquoil est fortement neacutegatif ne permet pas de preacutejuger

directement de lrsquoampleur des sorties de territoire et indirectement de leur signification

concernant le rapport entre les habitants et la ville En outre les eacutevolutions deacutemographiques sont

le produit drsquoun solde migratoire mais aussi drsquoun solde naturel (deacutecegraves ndash naissances) Comment

alors interpreacuteter les baisses de la population totale des ZUS de meacutetropole entre 1990 et 1999 de

57 alors que leurs agglomeacuterations augmentaient de 26 et que la population de France

meacutetropolitaine croissait de 335 (Le Toqueux 2002 Fitoussi Laurent Maurice 2004) Selon

ces derniers auteurs la baisse dans les ZUS est plutocirct associeacutee tant agrave la reacuteduction des meacutenages

jeunes qursquoagrave lrsquoatteacutenuation de la taille moyenne des meacutenages tout en restant encore dans des

proportions supeacuterieures par rapport aux agglomeacuterations drsquoappartenance Les baisses constateacutees

dans les grands ensembles signifient alors qursquoun eacutequilibrage du peuplement des logements est en

cours par rapport aux restes des villes sur les plans de lrsquoacircge et de la taille des meacutenages

Par exemple aux Ulis entre 1990 et 1999 le vieillissement du profil geacuteneacuteral de la population a

effectivement eacuteteacute constateacute reacuteeacutequilibrant le rapport des geacuteneacuterations la part des jeunes de moins

de 20 ans a diminueacute de 10 tout en restant encore importante (309 de la population en 1999

contre 271 pour le deacutepartement) un changement quantitatif srsquoest opeacutereacute dans le rapport

intergeacuteneacuterationnel entre les moins de 40 ans et les plus de 40 ans de trois quarts un quart le

rapport est passeacute agrave deux tiers un tiers Cette analyse se confirme aussi agrave travers lrsquoexamen des

307

deux composantes le solde naturel et solde migratoire des variations deacutemographiques Pour le

solde naturel les deacutecegraves sont beaucoup moins nombreux que les naissances drsquoune faccedilon geacuteneacuterale

ces derniegraveres sont le facteur principal de croissance deacutemographique au niveau national et pour

lrsquoensemble des villes Sauf si le solde migratoire devient neacutegatif (plus de sorties que drsquoentreacutees

dans le territoire) et si sa valeur est en terme absolu supeacuterieur agrave la valeur positive du solde

naturel

Crsquoest le cas aux Ulis la preacutedominance du solde migratoire neacutegatif sur le solde naturel positif

infleacutechit agrave la baisse la population Ce solde migratoire neacutegatif eacutetait tregraves important pendant les

deux deacutecennies 1980 et 1990 un taux annuel de - 25 entre 1982 et 1990 et de - 23 entre

1990 agrave 1999 Entre 1999 et 2007 il continue agrave ecirctre neacutegatif quoique leacutegegraverement moins fort agrave - 22

Pour rappel le solde migratoire eacutetait positif entre 1975 et 1982 (+ 4 545 personnes soit un

taux annuel de + 27 ) Ainsi de vastes mouvements deacutemographiques neacutegatifs en si peu de

temps apregraves sa construction ne donnent eacutevidemment pas lrsquoimage drsquoune ville particuliegraverement

rechercheacutee accueillante et dynamique sur le plan deacutemographique mais aussi social Par ailleurs

le solde naturel appuie cette tendance pour la peacuteriode 1990-1999 il renforce lrsquoeffet de baisse

deacutemographique du solde migratoire avec sa propre baisse de 97 (- 431 personnes)

Cette reacuteduction du solde naturel est due aux moindres naissances (- 318 naissances soit une

baisse de 64 ) mais surtout agrave une hausse des deacutecegraves relativement importante (+ 113 soit une

hausse de 217 ) Ce qui signifie globalement que la baisse de la population ulissienne est aussi

deacutependante du vieillissement de sa population et de ses moindres naissances que du profil des

arrivants qui remplacent les partants Les deux types de pheacutenomegravenes ndash mouvement migratoire et

mouvement naturel sont drsquoailleurs certainement lieacutes en partie des nouveaux meacutenages moins

jeunes ne font plus naicirctre de nouveaux enfants sur la commune ou encore les enfants qui y sont

neacutes partent en laissant les parents qui vieillissent dans des logements moins peupleacutes Ainsi dans

cette perspective aux Ulis lrsquoanalyse deacutemographique relativise lrsquoimage du deacutepart de meacutenages

entiers refusant drsquooccuper des logements dans les villes Sans programme particulier de

deacutemolition de logements ou de restructuration drsquoimmeubles entraicircnant leur suppression il srsquoagit

aussi et peut-ecirctre surtout drsquoune eacutevolution des modaliteacutes drsquooccupation des logements avec les

meacutenages qui reacutetreacutecissent par deacutecohabitation des enfants qui ne vont pas neacutecessairement habiter

dans la mecircme commune

308

309

Cette eacutevolution si elle est observeacutee dans les ZUS de France qui couvrent en grande partie les

grands ensembles drsquohabitation construits entre les anneacutees 1950 et 1970 apparaicirct donc aussi

logiquement au niveau des communes formeacutees pour lrsquoessentiel ou en grande partie par ces

grands ensembles En ce qui concerne les communes compareacutees des tableaux ont eacuteteacute constitueacutes

(cf tableaux 28 agrave 34 infra) pour appreacutecier tant lrsquoeacutevolution des occupants par logement depuis

1946 agrave partir des nombres drsquohabitants et de reacutesidences principales qursquoun autre pheacutenomegravene

souvent eacutevoqueacute dans lrsquoanalyse urbaine le taux de vacance des logements et son eacutevolution

Lrsquoexercice a eacuteteacute reacutealiseacute agrave partir des donneacutees des recensements de 1946 agrave 2006

Une premiegravere lecture des tableaux montre que lrsquoeacutevolution du niveau de la population nrsquoest pas

directement lieacutee agrave lrsquoeacutevolution du nombre de reacutesidences ni agrave celle du nombre de logements

vacants Par exemple si la forte baisse de Mourenx entre 1968 et 1975 (- 118 ) coiumlncide drsquoune

part avec une baisse beaucoup plus faible du nombre de reacutesidences principales (- 12 ) mais

aussi drsquoautre part agrave des niveaux eacuteleveacutes de taux de vacance (82 en 1968 et 114 en 1975)

les baisses deacutemographiques des deux communes mosellanes (Behren Fareacutebersviller) se

manifestent au contraire avec une hausse des reacutesidences principales de 1968 agrave 1999 pour

Fareacutebersviller (suivie drsquoune leacutegegravere baisse de 1999 agrave 2006) et de 1968 agrave 2006 pour Behren (avec

une croissance proche de la stagnation de 1999 agrave 2006) Par ailleurs les taux de vacance de ces

villes sont plus faibles qursquoagrave Mourenx oscillant entre 26 et 74 pour la premiegravere et entre 28

et 59 pour la seconde

Ces observations conduisent agrave penser que une fois passeacutee la peacuteriode de construction massive de

logements lrsquoeacutevolution deacutemographique nrsquoest plus automatiquement lieacutee au nombre de logements

occupeacutes Une analyse globale des eacutevolutions de ces deux variables pour lrsquoensemble des

communes lrsquoatteste Le lien majoritaire apparaicirct drsquoailleurs inverse agrave celui penseacute a priori En effet

parmi les 32 peacuteriodes intercensitaires que totalisent les sept communes depuis le recensement qui

suit la phase principale de construction de leur grand ensemble (cf les dates du tableau 27 de la

section preacuteceacutedente) 19 preacutesentent une baisse deacutemographique (ou une baisse proche de la

stagnation) Parmi celles-ci une forte majoriteacute 17 peacuteriodes soit 90 connaissent une hausse du

nombre de reacutesidences principales Seules deux baisses deacutemographiques entre deux recensements

sont donc lieacutees agrave deux baisses du nombre de reacutesidences principales

310

Tableaux 28 agrave 34 ndash Habitants reacutesidences principales peuplement des logements et taux de vacance des sept communes compareacutees entre 1946 et 2006

28- Les Ulis (91) 29- Fareacutebersviller (57)

Recensements Habitants

Reacutesidences principales

Habitants Reacutesidences principales

Nombre Evolution Nombre Eacutevolution

habitants

logement

Taux vacance

Nombre Eacutevolution Nombre Eacutevolution

habitants

logement

Taux vacance

2006 24 962 - 32 9 179 + 0 272 48 6 020 - 124 2 192 -11 275 44 1999 25 781 - 52 9 120 + 14 283 49 6 872 - 0 2 216 + 86 31 29 1990 27 197 - 37 8 993 + 39 302 33 6 835 - 4 2 039 + 39 336 74 1982 28 256 + 391 8 659 + 437 326 52 7 122 - 85 1 962 + 82 363 26 1975 + 20 316 hbts + 6 026 uniteacutes 337 91 7 783 - 25 1 813 + 38 429 47 1968 0 0 - - 8 001 - 53 1 747 - 23 458 57 1962 0 0 - - 8 453 + 1 308 1 799 - 470 156

1954 0 0 - - 600 + 119

- - - -

1946 0 0 - - 536 - - - - -

Sources INSEE Recensements- site internet (statistiques locales) + fascicules papier de la bibliothegraveque du siegravege

Taux de vacance des logements et non des seules reacutesidences principales (les logements comprennent les reacutesidences principales les logements occasionnels les reacutesidences secondaires et les logements vacants)

311

30- Behren-legraves-Forbach (57) 31- Mourenx (64)

Habitants Reacutesidences principales

Habitants Reacutesidences principales

Recensements Nombre Evolution Nombre Eacutevolution

habitants

logement

Taux vacance

Nombre Evolution Nombre Eacutevolution

habitants

logement

Taux vacance

2006 9 146 - 92 3 343 + 0 274 44 7 550 - 03 3 311 + 63 228 21 1999 10 073 - 21 3 314 + 45 304 34 7 572 +15 3 115 + 111 243 58 1990 10 291 - 77 3 170 + 2 325 59 7 460 - 174 2 804 - 54 266 169 1982 11 152 - 72 3 108 + 75 359 37 9 036 - 46 2 963 + 75 305 87 1975 12 015 - 4 2 892 + 39 415 28 9 469 - 118 2 755 - 12 344 114 1968 12 512 + 193 2 783 + 167 45 37 10 734 + 24 2 788 + 20 385 82 1962 10 487 + 1 901 2 385 - 439 21 8 659 + 3 872 2 324 - 376 257 1954 524 + 221 - - - - 218 + 14 - - - 1946 429 - - - - - 215 - - - -

Sources INSEE Recensements- site internet (statistiques locales) + fascicules papier de la bibliothegraveque du siegravege

Taux de vacance des logements et non des seules reacutesidences principales (les logements comprennent les reacutesidences principales les logements occasionnels les reacutesidences secondaires et les logements vacants)

312

32- Bagnols-sur-Cegraveze (30) 33- Pierrelatte (26)

Habitants Reacutesidences principales

Habitants Reacutesidences principales

Recensements Nombre Evolution Nombre Eacutevolution

habitants logement

Taux vacance

Nombre Eacutevolution Nombre Eacutevolution

habitants logement

Taux vacance

2006 18 545 + 25 8 121 + 77 228 86 12 315 + 28 5 342 + 142 230 51 1999 18 099 + 13 7 539 + 77 240 94 11 980 - 18 4 679 + 83 256 101 1990 17 872 + 15 7 000 + 112 255 108 11 770 + 15 4 321 + 102 272 79 1982 17 602 + 04 6 296 + 15 280 63 11 596 + 181 3 919 + 281 296 74 1975 17 534 + 65 5 471 + 127 320 82 9 816 + 06 3 059 + 77 321 89 1968 16 468 + 272 4 855 + 269 339 103 9 757 + 129 2 839 + 125 344 97 1962 12 951 + 135 3 827 + 117 340 81 4 252 + 233 1 263 + 198 337 78 1954 5 541 + 63 1 763 - 314 36 3 448 + 65 1 054 - 327 55 1946 5 211 - - - - - 3 237 - - - - -

Sources INSEE Recensements- site internet (statistiques locales) + fascicules papier de la bibliothegraveque du siegravege

Taux de vacance des logements et non des seules reacutesidences principales (les logements comprennent les reacutesidences principales les logements occasionnels les reacutesidences secondaires et les logements vacants)

313

34- Rillieux-la-Pape (69) (+ Creacutepieux-la-Pape avant 1972)

Habitants Reacutesidences principales

Recensements Nombre Eacutevolution Nombre Eacutevolution

habitants

logement

Taux vacance

2006 29 562 + 44 11 420 + 72 274 44 1999 28 327 - 8 10 654 + 0 304 34 1990 30 791 - 25 10 642 + 53 325 59 1982 31 560 + 29 10 102 + 14 359 37 1975 30 676 + 69 8 858 + 834 415 28 1968 18 152 + 1808 4 830 + 165 45 37 1962 6 465 + 522 1 824 + 35 354 36

1954 4 233 + 276 Env

1 350- - -

1946 3 316 - - - - -

Sources INSEE Recensements- site internet (statistiques locales) + fascicules papier de la bibliothegraveque du siegravege

Taux de vacance des logements et non des seules reacutesidences principales (les logements comprennent les reacutesidences principales les logements occasionnels les reacutesidences secondaires et les logements vacants)

Le nombre total de logements est 1 392 on peut estimer agrave environ 1 350 les seules reacutesidences principales

Agrave quoi lier alors les baisses dans des contextes de hausse du nombre de reacutesidences principales

sans effet net et reacutegulier des taux de vacance Neacutecessairement lrsquoinfluence drsquoune autre variable

preacutedomine dans ces peacuteriodes post-construction de grands ensembles pendant lesquels la

construction de logements est en laquo temps normal raquo plus progressive Cette variable est elle-

mecircme un pheacutenomegravene deacutemographique qui srsquoexplique selon plusieurs facteurs la diminution du

nombre drsquooccupants des logements Les donneacutees agrave ce sujet montrent qursquoen effet les densiteacutes

drsquohabitants par logement diminuent nettement depuis la fin de la seconde guerre mondiale au

niveau national comme dans les communes examineacutees Les donneacutees issues des tableaux 28 agrave 34

sont reprises dans ce tableau 35 qui suit associant lrsquoeacutevolution de la France meacutetropolitaine en la

matiegravere

Tableau 35 ndash Eacutevolution des densiteacutes drsquooccupation des logements (nombre drsquohabitants par logement) en France meacutetropolitaine et dans les sept communes eacutetudieacutees de 1968 agrave 2006

1968 1975 1982 1990 1999 2006

Eacutevolution 1968-2006

France meacutetropolitaine

314 296 276 263 246 236 - 248

Les Ulis - 337 326 302 283 272 - 193

Fareacutebersviller 458 429 363 336 31 275 - 40

Behren-legraves-Forbach 45 415 359 325 304 274 - 391

Mourenx 385 344 305 266 243 228 - 408

Bagnols-sur-Cegraveze 339 320 280 255 240 228 - 327

Pierrelatte 344 321 296 272 256 230 - 331

Rillieux-la-Pape 45 415 359 325 304 274 - 391

Amplitude 144 133 087 073 064 047 - 67

Source Insee- Exploitation RGP 2006 Amplitude diffeacuterence entre la densiteacute la plus forte et la densiteacute la plus faible

Ce tableau indique que le peuplement moyen des logements des communes aboutit agrave partir de

niveaux assez contrasteacutes en 1968 (amplitude de 144 entre la densiteacute la plus forte et la densiteacute la

314

plus faible) agrave des eacutetats moins contrasteacutes avec une amplitude reacuteduite des deux tiers en 2006 (047

soit une reacuteduction de 67 ) Un rapprochement des situations srsquoest opeacutereacute certainement pour

chaque ville de maniegravere diffeacuterente selon des modaliteacutes propres aux caracteacuteristiques des

logements des meacutenages et des dynamiques de peuplement des communes et du deacuteveloppement

de leur reacutegion Les eacutevolutions les plus eacutetonnantes sont celles de Mourenx et de Bagnols les

niveaux de 1968 y deacutepassaient celui de la France surtout Mourenx avec 385 habitants par

logement contre 314 pour la France (339 pour Bagnols) et se retrouvent en 2006 agrave un niveau

plus bas de la moyenne nationale avec le mecircme chiffre de 228 habitants par logement contre

236 pour la France

Ce sont drsquoailleurs les trois plus petites villes de lrsquoeacutechantillon (Mourenx Fareacutebersviller et Behren)

qui connaissent une diminution la plus forte de cette variable en trente-six ans de 40 soit

deux fois plus que les Ulis (197 ) et pregraves 60 de plus que la moyenne nationale (248 )

Malgreacute lrsquoeacutecart initial important entre Mourenx et les deux communes mosellanes en 1968 (458 agrave

Fareacutebersviller et 45 agrave Behren contre 385 agrave Mourenx) les situations se sont reacuteduites pregraves de

quarante ans plus tard entre les communes mosellanes et Mourenx lrsquoeacutecart est passeacute de 073

personne par logement entre Mourenx et Fareacutebersviller et 065 entre Mourenx et Behren en

1968 agrave 047 et 046 en 2006

Ces eacutevolutions srsquoexpliquent certainement de diverses maniegraveres drsquoun cocircteacute les caracteacuteristiques

socio-eacuteconomiques et du marcheacute du logement dans les reacutegions des communes avec une forte

tension chronique en Icircle-de-France qui contraint davantage au prolongement de la cohabitation

des enfants et agrave lrsquoheacutebergement transitoire et des situations plus deacutetendues par ailleurs plus

favorables agrave la deacutecohabitation et agrave une meilleure accessibiliteacute au logement et de lrsquoautre cocircteacute un

effet probable de la taille des villes puisque les pheacutenomegravenes de vieillissement et de

deacutecohabitation des jeunes suivie de leur migration reacutesidentielle hors commune sont

certainement plus homogegravenes et donc plus geacuteneacuteraux dans des parcs de logements de plus petite

taille (dans les grandes villes lrsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute des profils familiaux plus importante suscite des

pheacutenomegravenes divers de peuplement aux effets plus ou moins contraires en termes de niveau de

taille du peuplement avec des meacutenages de grande taille et drsquoautres de taille plus reacuteduite)

De la densiteacute drsquooccupation des logements deacutependent donc en grande partie les effets de la

hausse du nombre de reacutesidences produit sur une commune Cependant mecircme cette variable

deacutepend de plusieurs autres facteurs drsquoune part les caracteacuteristiques et dynamiques propres des

315

populations comme les profils des meacutenages (jeunes couples personnes seules ou couples

acircgeacuteshellip) les eacutevolutions du solde naturel des populations et les caracteacuteristiques eacuteconomiques et

sociales des territoires qui deacuteterminent les migrations reacutesidentielles mais aussi des

caracteacuteristiques propres aux logements produits comme leur qualiteacute architecturale et mateacuterielle

leur eacutequipement et ameacutenagement exteacuterieur leur localisation et relation avec le reste des villes

ainsi que le nombre moyen de piegraveces par logement et la taille de ceux-ci

Dans une commune si le nombre drsquooccupants par logement est faible il faudra pour entraicircner

une hausse de la population (dans lrsquohypothegravese drsquoun taux de vacance peu eacuteleveacute et drsquoun

ameacutenagement urbain adapteacute) soit preacutevoir une forte augmentation du nombre de logements pour

des meacutenages aux profils similaires soit preacutevoir des nouveaux logements agrave destination de

meacutenages de plus grande taille (avec les eacutequipements services ameacutenagements et activiteacutes

correspondants) Quoiqursquoil en soit la seule hausse progressive du nombre de logements par des

nouveaux programmes de petite taille dans la ville ne peut en soi suffire pour la densification

globale de la commune

Par exemple la hausse du nombre de logements agrave Pierrelatte eacutetait assez eacuteleveacutee entre 1990 et

1999 de 83 mais le niveau de population a neacuteanmoins continueacute de baisser de 18 Il est

vrai que cette ville a simultaneacutement connu en 1999 un taux de vacance des plus importants

depuis 1968 (101 ) et que le nombre drsquooccupants par logement un peu plus eacuteleveacute que la

France meacutetropolitaine en 1968 (327 contre 314) a chuteacute agrave un niveau plus faible que celui de la

moyenne nationale en 2006 (230 contre 236) Par ailleurs drsquoautres formes drsquoeacutevolutions

correacutelatives existent dans drsquoautres communes et reacutevegravelent tout autant lrsquoimportance de la densiteacute

drsquooccupation dans la relation entre logements et taille drsquoune population de 1975 agrave 1982

Fareacutebersviller par exemple a eacuteteacute en deacutecroissance deacutemographique eacuteleveacutee (- 85 ) alors que les

reacutesidences principales ont augmenteacute de 82 avec un faible taux de vacance en 1982 (26 )

la forte baisse de la moyenne des occupants par logement de 429 agrave 363 soit - 15 en est donc

le principal deacuteterminant meacutecanique Les parts atteintes en 2008 des cateacutegories de population de

plus de 65 ans de 60 agrave 74 ans de 45-59 ans et de moins de 20 ans indiqueacutees dans le tableau 36

ci-dessous attestent de ce vieillissement chronique des profils des meacutenages qui expliquent une

baisse deacutemographique globale des communes

316

Tableau 36 ndash Parts des personnes de plus de 65 ans de la cateacutegorie des 60-74 ans et des jeunes de moins de 20 ans dans la population totale dans les communes eacutetudieacutees et en

France meacutetropolitaine en 2008

Les Ulis

Fareacutebers-viller

Behren-legraves-

ForbachMourenx

Bagnols-sur-Cegraveze

Pierrelatte Rillieux-la-Pape

France meacutetropo-

litaine

Part des + 65 ans 72 17 163 229 214 194 14 167

Part des 60-74 ans 101 113 115 163 158 153 124 134

Part des 45-59 ans 19 192 206 188 206 209 183 203

Part des - 20 ans 309 266 262 235 233 235 297 246

En effet par exemple si Les Ulis se distingue fortement de lrsquoensemble des communes de

lrsquoeacutechantillon et des moyennes nationales en ce qui concerne la part des plus de 65 ans (ils

forment 72 de la population contre 167 en France meacutetropolitaine et entre 14 et 229

pour les autres communes) les deux parts des 45-59 ans et des 60-74 ans indiquent que le

processus de vieillissement de cette commune comme releveacute dans la premiegravere partie

monographique et tel que le montrent les donneacutees drsquooccupation des logements analyseacutees plus

haut est en cours de rattrapage de la situation nationale et de celle des autres communes Ces

derniegraveres preacutesentent drsquoailleurs deacutejagrave des valeurs en ce qui concerne les plus de 65 ans qui sont

soit du mecircme niveau que la moyenne nationale agrave 167 (Fareacutebersviller agrave 17 Behren-legraves-

Forbach agrave 163 et Rillieux un peu plus bas agrave 14 ) soit sont mecircme nettement plus

importantes comme agrave Pierrelatte avec 194 mais surtout agrave Bagnols-sur-Cegraveze avec 214 et agrave

Mourenx avec 229 (eacutecarts supeacuterieurs respectivement de 14 22 et 27 de la moyenne

nationale)

Selon cet eacutechantillon les villes de grand ensemble ne sont donc plus des villes jeunes dans leur

ensemble La diffeacuterence preacutesenteacutee par Les Ulis peut srsquoexpliquer de deux maniegraveres

compleacutementaires Drsquoune part sa construction est plus reacutecente apregraves 1968 alors que les autres

communes ont leur grand ensemble soit complegravetement termineacute soit en grande partie deacutejagrave livreacute

Ainsi la partie des jeunes meacutenages des premiers peuplements qui est resteacutee dans la ville connaicirct

un vieillissement plus tardif que dans les communes dont le peuplement a commenceacute dix agrave

quinze ans plus tocirct Drsquoautre part il est possible que dans le marcheacute du logement speacutecifique de la

meacutetropole parisienne Les Ulis joue localement un rocircle particulier drsquohabitat de premiegravere eacutetape

car moins cher et plus accessible dans la trajectoire reacutesidentielle des jeunes meacutenages dans ce

317

contexte ceux qui quittent la commune pour des espaces reacutesidentiels plus chers au logement plu

grand ou de meilleure qualiteacute et aux caracteacuteristiques de lrsquohabitat plus adapteacutees agrave leurs attentes

continuent drsquoecirctre remplaceacutes par des meacutenages de jeunes couples (ou jeunes personnes) moins

argenteacutes

En observant les cateacutegories de population des 60-74 ans et des 45-59 ans le constat de la

premiegravere partie monographique concernant le vieillissement des Ulis est tout agrave fait confirmeacute

Tout drsquoabord les eacutecarts pour les plus de 65 ans srsquoatteacutenuent degraves la cateacutegorie drsquoacircge des 60-74 ans

la part de 101 pour Les Ulis est non seulement moins eacuteloigneacutee de celle de la France

meacutetropolitaine (134 ) mais surtout elle rejoint plus sensiblement lrsquoensemble des valeurs de

lrsquoeacutechantillon comprises entre 113 pour Fareacutebersviller et 163 pour Mourenx Avec Les

Ulis la moyenne de lrsquoeacutechantillon dans cette cateacutegorie drsquoacircge est de 132 soit quasiment le

mecircme que celui de la moyenne nationale

Pour les 45-59 ans la situation est tout agrave fait laquo normaliseacutee raquo Les Ulis comporte une part de

19 de niveau similaire et mecircme leacutegegraverement supeacuterieur agrave deux communes Mourenx (188 ) et

Rillieux-la-Pape (183 ) Ces deux communes preacutesentaient pourtant pour les plus de 65 ans des

niveaux tregraves largement supeacuterieurs aux Ulis de pregraves du double pour Rillieux (14 contre 72

pour Les Ulis) agrave plus du triple pour Mourenx (229 ) Dans cette classe des 45-59 ans les

valeurs sont moins disperseacutees la moyenne franccedilaise de 203 est tregraves leacutegegraverement deacutepasseacutee par

celles les plus eacuteleveacutees des communes de lrsquoeacutechantillon 209 pour Pierrelatte et 206 pour

Behren et Bagnols La moyenne de lrsquoeacutechantillon est de 196 soit tregraves leacutegegraverement infeacuterieure agrave

la moyenne franccedilaise

Ainsi lrsquoeacutetude de la reacutepartition des populations des communes dans les classes drsquoacircge les plus

eacuteleveacutees montre qursquoil se forme une sorte de laquo normalisation raquo du profil deacutemographique de la

commune dans le sens drsquoun rapprochement de ses composantes avec la situation globale Par

ailleurs les parts des moins de 20 ans fixeacutees autour des 30 pour Les Ulis (309 ) et pour

Rillieux-la-Pape (297 ) soit pregraves drsquoun quart suppleacutementaire agrave la part nationale (246 )

montrent que le vieillissement nrsquoest pas synonyme de diminution des parts de la jeunesse et de

lrsquoenfance Cependant puisque ces parts sont comprises entre 233 et 266 pour les cinq

autres communes de lrsquoeacutechantillon et que la part moyenne de lrsquoeacutechantillon est de 262 il reste

que la tendance principale de lrsquoeacutevolution deacutemographique des communes de grand ensemble est

318

bien celle drsquoune orientation similaire agrave celui de la socieacuteteacute globale crsquoest-agrave-dire un vieillissement

progressif

Par conseacutequent si la vitaliteacute urbaine se mesure ou mecircme se base sur la croissance

deacutemographique en plus des eacutequipements divers censeacutes rendre attractive une commune la

tendance actuelle agrave la baisse de la densiteacute drsquooccupation des logements implique une politique de

construction de logements qui integravegre cette variable pour produire un reacuteel effet haussier Dans cet

objectif hors politique de diversification des meacutenages du peuplement le niveau de construction

des uniteacutes de logement doit ecirctre particuliegraverement eacuteleveacute comme en 1999-2006 agrave Pierrelatte la

hausse de 142 des logements conforteacutee par une forte reacuteduction du taux de logements

vacants (de 101 agrave 54 ) a bien entraicircneacute une hausse de 29 de la population alors mecircme

que le nombre moyen drsquohabitants par logement a baisseacute de 101 entre 1999 (256) et 2006

(230) En fait pour une hausse continue de population dans une ville de grand ensemble lrsquoeffort

de production de logements suppleacutementaires doit ecirctre important et reacutegulier Ce qursquoillustre

Bagnols-sur-Cegraveze puisqursquoelle est la seule agrave croissance continue entre 1968 et 2006 dont les

hausses importantes de reacutesidences principales agrave chaque peacuteriode intercensitaire entre 77 et

15 ont pu compenser et mecircme deacutepassaient les effets de la forte baisse de la densiteacute

drsquooccupation des logements qui est passeacutee en 206 agrave 228 habitants par logement soit sous le

niveau national (236) de 008 points (soit - 34 )

Plus globalement le manque de dynamisme deacutemographique en termes de taille de population qui

touche la plupart des communes de grand ensemble ne peut donc pas ecirctre interpreacuteteacute comme un

signe de deacutevitalisation urbaine au sens drsquoune deacutesaffection geacuteneacuterale de la part des habitants des

zones consideacutereacutees et mecircme des plus pauvres Au contraire cela peut mecircme signifier une

ameacutelioration des conditions de vie des familles et des meacutenages qui y reacutesident ce qui est aussi une

condition de lrsquourbaniteacute en effet la deacutecohabitation des enfants et lrsquoabsence drsquoheacutebergement

drsquoamis ou de proches des familles qui peut advenir faute drsquooffre suffisante de logements ou de

niveau de vie assez eacuteleveacute sont des processus inverses au tassement des personnes dans des petits

logements motiveacute par le manque de moyens et de logements (Jacobs 1991) Dans ce sens les

eacutevolutions socioculturelles (prolongement des eacutetudes contraception deacutesir drsquoeacutepanouissement

drsquoeacutemancipation et drsquoindividualisation des femmes) qui ont aussi entraicircneacute la limitation de la

feacuteconditeacute des femmes et du nombre drsquoenfants par famille et par meacutenage ont contribueacute avec la

croissance des niveaux de vie (lieacutee agrave la bi-activiteacute des couples) au renforcement de la recherche

319

de conditions optimales de logement eg une chambre par couple par adulte ou par enfant ce

qui srsquooppose au surpeuplement des locaux drsquohabitation

D- Une population plus ouvriegravere et deacuteconnecteacutee du travail

Lrsquoexamen des cateacutegories sociales qui peuplent les communes eacutechantillonneacutees illustrent la

polarisation ouvriegravere du peuplement des grands ensembles Cela constitue agrave vrai dire une reacutealiteacute

depuis leur livraison comme lrsquoa rappeleacute Peillon (2001) contrairement au mythe de lrsquohabitat de la

nouvelle classe urbaine des anneacutees 1950 composeacutee de nombreuses cateacutegories sociales moyennes

associeacutees aux cateacutegories ouvriegraveres inteacutegreacutees partageant un mode de vie uniformiseacute sous lrsquoeffet de

la cohabitation dans le mecircme type drsquoensemble reacutesidentiel En fait sur le plan geacuteneacuteral de

lrsquooccupation au travail les populations sont deacutejagrave plus faiblement actives que la moyenne

franccedilaise sauf pour Les Ulis qui a la part drsquoinactifs parmi les 15-64 ans la plus faible de

lrsquoeacutechantillon (cf Tableau 37 ci-dessous)

Cette situation est lieacutee agrave la part plus eacuteleveacutee aux Ulis des cateacutegories socioprofessionnelles (CSP)

moyennes voire supeacuterieures sous lrsquoeffet certainement des programmes immobiliers preacutevus agrave cet

effet car les cadres moyens et supeacuterieurs sont moins au chocircmage (car plus qualifieacutees) et

certainement plus jeunes que les ouvriers davantage au chocircmage (car moins qualifieacutes) et acircgeacutes des

communes plus ouvriegraveres comme Fareacutebersviller et Behren-legraves-Forbach Ces donneacutees illustrent la

deacuteconnexion entre le travail et le monde ouvrier qui se constate dans les grands ensembles

Lrsquoexception ulissienne sur ce plan de la composition sociale et non des niveaux de vie ne

signifie cependant pas que la deacuteconnection des employeacutes et des cateacutegories moyennes nrsquoexiste

pas elle se manifeste davantage sous une autre forme celle de la preacutecariteacute de lrsquoemploi sous-

emploi ou laquo preacutecariat raquo eacutevoqueacute par Castel (1995) qui ne se deacutecegravele pas dans le chocircmage officiel

Dans un premier temps lrsquoon constate que la population des 15-64 ans en 2008 parmi laquelle les

actifs sont les plus nombreux ne repreacutesente qursquoentre 53 et 70 des populations municipales

totales soit moins de la moyenne franccedilaise qui est de 717 sauf pour Les Ulis qui se situe agrave

738 dont la population ouvriegravere est la moins importante (191 ) de lrsquoeacutechantillon (de 289

pour Bagnols agrave 486 pour Fareacutebersviller) ainsi que par rapport agrave la moyenne nationale (239

)

320

Tableau 37 ndash Structure socioprofessionnelle de la population des 15-64 ans des communes eacutetudieacutees et de la France meacutetropolitaine en 2008

Les Ulis

Fareacutebers-viller

Behren-legraves-

ForbachMourenx

Bagnols-sur-Cegraveze

Pierrelatte Rillieux-la-Pape

France meacutetropo-

litaine

Population en 2008 24 590 5 935 8 514 7 406 18 506 12 893 29 578 62 134 866

Population de 15-64 ans ( population totale)

17 002 (691 )

3 793 (639 )

5 581 (656 )

4 416 (596 )

11 432 (618 )

8 097 (628 )

18 845 (637 )

403 millions(649 )

Dont en de la population des 15-64 ans (100 )

Actifs 738 569 534 689 667 698 699 717

Dont Part au chocircmage 84 161 137 136 109 117 107 8

Part occupeacutes 654 408 397 553 558 581 592 637

PRINCIPALES CSP des actifs 100 100 100 100 100 100 100 100 Agriculteurs exploitants 0 0 0 0 0 0 0 17

Artisans commerccedilants Chefs dentreprises

28 31 23 36 58 55 43 56

Cadres et professions intellectuelles supeacuterieures

161 21 24 43 98 61 111 148

Professions intermeacutediaires 268 109 122 174 229 244 216 24

Employeacutes 341 29 311 323 308 278 318 29

Ouvriers 191 486 469 405 289 341 296 239

Inactifs 262 431 466 311 333 302 301 283 Eacutelegraveves eacutetudiants et stagiaires non

reacutemuneacutereacutes 115 113 128 87 105 84 121 106

Retraiteacutes et preacuteretraiteacutes 67 106 99 85 84 79 68 86

Autres inactifs 81 212 239 139 144 139 112 91

Source INSEE

CSP Cateacutegories socio-professionnelles

Les 15-64 ans des Ulis se compose drsquoailleurs drsquoune part drsquoinactifs (262 ) plus basse que dans

le reste lrsquoeacutechantillon (de 301 pour Rillieux-la-Pape agrave 466 pour Behren) et de la France

meacutetropolitaine (283 ) ce qui confirme le constat reacutealiseacute dans lrsquoeacutetude monographique

preacuteceacutedente de lrsquoimportance de sa population active que lrsquoon retrouve ici avec une part de

chocircmage laquo officiel raquo relativement basse par rapport aux autres communes (84 de lrsquoensemble

des 15-64 ans proche du niveau national agrave 8 contre 107 agrave 167 dans lrsquoeacutechantillon) Il

avait mecircme eacuteteacute poseacute comme hypothegravese que les revenus drsquoactiviteacute des actifs ulissiens devaient

321

ecirctre en moyenne assez faibles par rapport agrave ceux des communes ougrave la population au chocircmage est

plus eacuteleveacutee mais les niveaux moyens des revenus des foyers sont proches les actifs plus

nombreux sont neacutecessairement moins reacutemuneacutereacutes que les autres

Ce constat est compatible avec la part importante du sous-emploi aux Ulis qui ne se perccediloit pas

dans le chocircmage officiel qui ne retient que les demandeurs drsquoemploi sans travail et cherchant un

travail agrave plein temps ou agrave mi-temps95 Cette situation est particuliegravere car dans lrsquoeacutechantillon par

exemple Pierrelatte et Rillieux ont en 2008 des niveaux de revenus moyens de lrsquoensemble de

leurs foyers (21 924 euro et 19 187 euro) proches de celui des Ulis (20 786 euro) Leur part de chocircmeurs

est plus eacuteleveacutee (117 et 107 ) Ce qui signifie que les actifs occupeacutes de ces deux communes

ont des revenus en moyenne plus eacuteleveacutes notamment les professions intermeacutediaires et les

cateacutegories employeacutees et ouvriegraveres les plus nombreuses en raison certainement drsquoemplois

occupeacutes agrave plein temps

En outre la situation en apparence plus favorable des meacutenages ulissiens en raison drsquoun taux de

chocircmage officiel bas est aussi relativiseacutee par lrsquoeffet suppleacutementaire de moindre pouvoir drsquoachat

lieacute au coucirct de la vie plus eacuteleveacute de lrsquoagglomeacuteration parisienne pour des niveaux de revenus

proches des meacutenages des agglomeacuterations des reacutegions non franciliennes Ce qui constitue une

difficulteacute suppleacutementaire pour les conditions de vie des ulissiens de cateacutegories moyennes et

modestes

Par ailleurs concernant les autres communes de lrsquoeacutechantillon un fait notable est celui des parts

tregraves eacuteleveacutees de population inactive parmi les 15-64 ans dans deux communes Fareacutebersviller et

Behren-legraves-Forbach les communes miniegraveres de Moselle respectivement 431 et 466 Ces

niveaux sont supeacuterieurs de plus de 9 points et de 12 points par rapport agrave la moyenne de

lrsquoeacutechantillon (344 ) Et par rapport agrave la moyenne nationale lrsquoeacutecart est plus grand encore de

148 points pour Fareacutebersviller soit un eacutecart de plus de la moitieacute (+ 523 ) et de 183 points

pour Behren soit pregraves de deux tiers suppleacutementaires (+ 647 ) Dans les deux cas les personnes

inactives sont surrepreacutesenteacutees du fait de lrsquoimportance de la cateacutegorie laquo autres inactifs raquo qui

regroupe malades ou handicapeacutes et hommes ou le plus souvent laquo femmes au foyer raquo 212

95 Il avait eacuteteacute estimeacute agrave pregraves de 18 des actifs en 2000 les actifs preacutecaires (notamment les temps partiels et contrats agrave dureacutee deacutetermineacutee subis) autres que les chocircmeurs laquo officiels raquo (69 agrave lrsquoeacutepoque) les preacutecaires et sous-employeacutes ont des niveaux de reacutemuneacuteration globalement plus faibles que ceux travaillant agrave plein temps par la faiblesse du temps de travail passeacute ou lrsquoirreacutegulariteacute des temps drsquoactiviteacute

322

pour Fareacutebersviller et 239 pour Behren soit plus du double de la moyenne nationale (91 )

et pregraves de 50 de plus que la moyenne de lrsquoeacutechantillon (152 )

Pourquoi de tels eacutecarts La premiegravere partie probleacutematique de la thegravese a rappeleacute que parmi les

actifs preacutecaires globalement en France il existe des laquo deacutecourageacutes raquo vis-agrave-vis de la recherche de

travail situation lieacutee agrave un environnement faiblement doteacute en emplois accessibles et surtout lieacutee agrave

un faible niveau de qualification des actifs Les deux communes preacutesentent justement des taux de

sans diplocircme les plus eacuteleveacutes de lrsquoeacutechantillon (cf tableau 26 p 292) avec plus de la moitieacute de

leur population de plus de 15 ans non scolariseacutee soit trois fois plus que le taux national et deux

fois plus que la moyenne de lrsquoeacutechantillon De mecircme ce sont les deux communes les plus

ouvriegraveres de lrsquoeacutechantillon dont les parts (486 pour Fareacutebersviller et 469 pour Behren)

repreacutesentent le double de celle de la France meacutetropolitaine (239 ) et plus drsquoun tiers de la

moyenne de lrsquoeacutechantillon (354 ) Ainsi la preacutesence dans une ville drsquoun nombre important

drsquoinactifs dans des populations agrave forte composante ouvriegravere associeacutee agrave une faible qualification

geacuteneacuterale ne doit pas surprendre dans la France des anneacutees 1990 et 2000

La ville de Mourenx parmi les autres communes est drsquoailleurs aussi marqueacutee par lrsquoimportance de

la couche ouvriegravere (405 ) Elle partage la faiblesse des cadres et professions intellectuelles

supeacuterieures 43 pour Mourenx contre 21 pour Fareacutebersviller et 24 pour Behren alors

que le taux national est de 148 Comme constateacute statistiquement sur des espaces reacutegionaux et

nationaux (Preacuteteceille 2004 2006 2008) et expliqueacute sociologiquement dans le cadre des

processus de seacutegreacutegation urbaine (Maurin 2004) ces trois communes sont reacuteveacutelatrices du

pheacutenomegravene le plus aigu de diffeacuterenciation sociale des localisations reacutesidentielles la distance

geacuteographique entre les cadres notamment du priveacute et les plus doteacutes en capital culturel et

eacuteconomique et les ouvriers surtout les moins qualifieacutes

Il y a effectivement peu voire tregraves peu de cadres et de professions intellectuelles supeacuterieures dans

les trois communes les plus pauvres et ouvriegraveres de lrsquoeacutechantillon Ils apparaissent drsquoailleurs en

plus grande proportion degraves que les ouvriers sont moins nombreux mais aussi lagrave ougrave les employeacutes

et les professions intermeacutediaires sont plus importants comme aux Ulis Dans cette commune la

part des cadres et professions intellectuelles supeacuterieures y est de 161 crsquoest la seule

proportion au-dessus de la moyenne nationale de 148 Au deuxiegraveme et troisiegraveme rang des

villes comprenant le plus de cadres et de professions supeacuterieures Rillieux (111 ) et Bagnols

(98 ) restent neacuteanmoins assez loin de cette moyenne leur taux drsquoouvriers de 296 et de

323

289 des actifs de pregraves drsquofrac14 de plus que la moyenne nationale y est certainement pour quelque

chose

Aux Ulis la part des ouvriers nrsquoest que de 191 soit pregraves de 20 plus basse que la moyenne

nationale et largement plus basse que toutes les autres communes de lrsquoeacutechantillon avec une

fourchette de 289 pour Bagnols agrave 486 pour Fareacutebersviller la moyenne est de 354 soit

pregraves du double de la part ulissienne Pierrelatte de son cocircteacute confirme eacutegalement cette correacutelation

entre la preacutesence ouvriegravere et le retrait des cadres avec un taux ouvriers de 341 supeacuterieur de

pregraves de 13 et de 15 des taux ouvriers de Bagnols (289 ) et de Rillieux (296 ) la

commune de la Drocircme preacutesente un taux de cadres de 61 ce qui est effectivement plus faible

que les deux autres communes (111 et 98 ) et repreacutesente des eacutecarts neacutegatifs respectifs de

pregraves de la moitieacute et de plus drsquoun tiers

En ce qui concerne les situations des autres cateacutegories sociales que sont les employeacutes et les

professions intermeacutediaires Les Ulis marque ici aussi une diffeacuterence bien que ses employeacutes

soient drsquoun volume leacutegegraverement supeacuterieur 341 contre une moyenne de lrsquoeacutechantillon de 31

et une moyenne franccedilaise de 29 ses professions intermeacutediaires repreacutesentent une part

nettement plus forte que les autres 268 contre une moyenne de 196 pour lrsquoeacutechantillon

soit un eacutecart de plus drsquoun tiers alors que la moyenne nationale de 24 est plus proche des

Ulis

Ainsi les peuplements des autres communes que Les Ulis sont plus nettement homogegravenes situeacutes

entre la partie basse de lrsquoeacutechelle sociale et sa partie moyenne avec une variation interne des

poids des sous-cateacutegories Le profil preacutedominant est celui comportant une part ouvriegravere

nettement preacutepondeacuterante par rapport aux donneacutees nationales mecircme si une leacutegegravere diffeacuterence de

degreacute existe dans la reacutepartition des poids deacutemographiques relatifs de toutes les cateacutegories de leur

structure (ouvriegraveres employeacutees professions intermeacutediaires et cateacutegories supeacuterieures) Trois

communes (Fareacutebersviller Behren et Mourenx) sont majoritairement constitueacutees drsquoactifs

ouvriers et employeacutes drsquoexeacutecution entre 73 et 80 avec surtout une forte surrepreacutesentation

des premiers par rapport au taux national Les cateacutegories intermeacutediaires (10 agrave 17 ) mais

surtout les cateacutegories et professions supeacuterieures (de 2 agrave 45 ) de maniegravere plus prononceacutee y

sont faiblement repreacutesenteacutees

324

Les trois autres communes (Bagnols Pierrelatte Rillieux) comprennent une reacutepartition

davantage ouverte aux professions intermeacutediaires et supeacuterieures sans toutefois combler la sous-

repreacutesentation de ces derniegraveres par rapport aux taux nationaux Entre ces deux groupes de trois

communes celui dont les communes sont plus fortement ouvriegraveres est aussi celui dont les tailles

deacutemographiques sont les plus faibles en dessous de 10 000 habitants En quelque sorte la

diversification sociale augmente avec la taille deacutemographique Le groupe des trois communes

plus nombreuses (Bagnols Pierrelatte et Rillieux) ont des profils proches avec des composantes

aux poids relatifs variables voire leacutegegraverement inverseacutes Pierrelatte la plus petite du groupe

(12 900 habitants) est la moins diversifieacutee avec 61 de cateacutegories supeacuterieures et 341

drsquoouvriers contre 98 et 289 pour Bagnols qui est de taille plus importante de pregraves drsquoun

tiers (18 500 habitants) et 111 et 296 pour Rillieux qui est la commune la plus peupleacutee de

lrsquoeacutechantillon (29 500 habitants)

Ainsi en plus de la diversification plus la taille de la commune srsquoagrandit plus la part des

cateacutegories supeacuterieures est importante Les Ulis confirme cette relation Une interpreacutetation serait

que indeacutependamment des agglomeacuterations et des systegravemes urbains drsquoappartenance les cadres

cohabitent dans des communes avec des populations ouvriegraveres agrave condition que celles-ci soit de

taille deacutemographique suffisamment grande et qursquoelles comportent des infrastructures

reacutesidentielles assez diversifieacutees et seacutepareacutees pour leur garantir la limitation souhaiteacutee des contacts

et des interactions dans leur voisinage et dans les structures de socialisation de commerces et

drsquoactiviteacutes de loisirs et de culture de proximiteacute De mecircme la nette preacutesence des professions

intermeacutediaires dans ces trois communes (244 pour Pierrelatte 229 pour Bagnols et 216

pour Rillieux) proche du niveau national (24 ) renforce certainement le caractegravere

drsquoacceptabiliteacute de cette cohabitation en raison de la proximiteacute des valeurs et des modes de vie

que les classes moyennes peuvent avoir avec les cateacutegories supeacuterieures plus que les ouvriers non

ou peu qualifieacutes

Dans lrsquoeacutechantillon Les Ulis apparaicirct comme la seule commune meacutelangeacutee avec des parts

importantes de classes moyennes voire supeacuterieures mais aussi de cateacutegories employeacutees et

ouvriegraveres mecircme si la mixiteacute socio-reacutesidentielle nrsquoest pas manifeste de maniegravere homogegravene dans

lrsquoensemble des reacutesidences de la commune Crsquoest certainement le contraire drsquoailleurs puisque les

quartiers prioritaires de la politique de la ville se confondent pour lrsquoessentiel avec le parc HLM

dans lequel la population preacutecaire y est preacutedominante (cf deuxiegraveme partie monographique

325

preacuteceacutedente) il existe alors une certaine diffeacuterenciation sociale des reacutesidences en fonction du ou

des type(s) de logement qui les constituent (publicsocial ou accession agrave la proprieacuteteacute)

Cependant le critegravere du logement HLM ne peut constituer un indicateur fiable de la composition

sociale drsquoune commune ou drsquoune reacutesidence Par exemple comme lrsquoindique le tableau 23 plus

haut Les Ulis ne dispose pas du parc de logements HLM le plus petit loin de lagrave Avec 51 en

1982 crsquoest-agrave-dire agrave une date prenant en compte la fin de construction des grands ensembles pour

appreacutecier les caractegraveres structurels que ceux-ci impriment agrave leur commune la ville se situe

proche de la limite supeacuterieure de 54 (Rillieux-la-Pape) de la fourchette des parts de logement

aideacute dans lrsquoeacutechantillon La population des Ulis est pourtant plus diversifieacutee que celle des autres

communes de lrsquoeacutechantillon plus que Pierrelatte par exemple qui ne comprend que 25 de

logements HLM soit la limite basse de la fourchette de la part des logements aideacutes dans

lrsquoeacutechantillon

Enfin les deux communes aux extreacutemiteacutes de la fourchette (Pierrelatte et Bagnols) preacutesentent

drsquoailleurs assez sensiblement une mecircme structure sociale des actifs Elle est principalement

modeste et moyenne selon le tableau 37 ci-dessus drsquoabord environ 60 de cateacutegories

ouvriegraveres et employeacutees (avec leacutegegravere preacutedominance de lrsquoune de ces cateacutegories sur lrsquoautre qui

diffegravere entre les communes) ensuite une part comprise entre 20 et 25 de professions

intermeacutediaires et enfin une faible part de cateacutegories supeacuterieures entre 6 et 11 La leacutegegravere

preacutedominance de Rillieux par rapport agrave Pierrelatte en cateacutegories supeacuterieures compense sa leacutegegravere

et plus faible part en professions intermeacutediaires (et vice et versa pour Pierrelatte)

E- Violence et inseacutecuriteacute dans les relations sociales

Dans ce domaine des eacuteleacutements drsquoanalyse et drsquoappreacuteciation de la situation dans les villes ont eacuteteacute

rapporteacutes agrave travers la recherche par internet et lrsquoexamen de documents divers article

scientifique (un) mais surtout documents lieacutes agrave des plans drsquoactions des acteurs publics

comprenant une partie diagnostique etou analytique plus ou moins deacuteveloppeacutee sur la base de

donneacutees issues des institutions de production statistique drsquoacteurs en charge de ces questions ou

encore drsquoeacutetudes sociologiques commanditeacutees Au passage lrsquoexemple de Mourenx rappelle que

les donneacutees sur la deacutelinquance relegraveve speacutecifiquement bien de lrsquoactiviteacute policiegravere de 2002 agrave

2003 le taux de criminaliteacute srsquoest reacuteduit de moitieacute (de pregraves de 60 pour 1 000 habitants agrave pregraves de

326

30 pour 1 000) en mecircme temps la commune perdait son commissariat de policehellip Quoi qursquoil en

soit le recueil la mise en forme et les analyses comparatives des donneacutees de chaque commune

ont eacuteteacute reacutealiseacutees sur la base drsquoun mateacuteriau heacuteteacuterogegravene Le tableau 38 infra rassemble des

informations recueillies pour chaque commune concernant la situation sur le plan de la

deacutelinquance et de la violence Les donneacutees et les constats rapporteacutes sont extrecircmement divers sur

les plans des sources des dates et objets des donneacutees crsquoest pourquoi il ne se preacutesente pas sous

forme drsquoune syntheacutetisation chiffreacutee facilitant la comparaison Il srsquoagit plutocirct ici de deacutegager pour

chaque commune un eacutetat des situations seacutecuritaires en termes de probleacutematique et de modaliteacutes

drsquoaction dans ce domaine et de comparer agrave ce niveau les communes

Drsquoabord les communes partagent une situation de laquo reacuteaction seacutecuritaire raquo proche faisant suite agrave

une peacuteriode de deacutelinquance de criminaliteacute etou de violence suffisamment probleacutematiques pour

y avoir instaurer divers dispositifs institutionnels partenariaux deacuteveloppant des actions de

preacutevention drsquoeacuteducation populaire de police de proximiteacute et drsquointervention reacutepressive Cet

ensemble drsquointerventions sociales multiples constitue une forme de geacuteneacuteralisation dans les

communes de grand ensemble des dispositifs de preacutevention drsquoabord puis plus fortement de

reacutepression policiegravere Ceux-ci ont eacuteteacute initieacutes de maniegravere formelle par les pouvoirs publics degraves le

deacutebut des anneacutees 1980 dans les zones ougrave se sont manifesteacutes les premiers laquo rodeacuteos raquo de voitures

laquo voleacutees aux riches puis brucircleacutees raquo dans les trois communes de la peacuteripheacuterie lyonnaise que sont

Veacutenissieux Villeurbanne et Vaulx-en-Velin

Sur le plan historique (Mohammed Mucchielli 2003) il y a drsquoabord eu des dispositifs preacuteventifs

laquo anti-eacuteteacute chaud raquo laquo opeacuterations preacutevention eacuteteacute raquo (OPE) puis laquo Ville Vie Vacances raquo qui

allient animation locale et deacuteparts en vacances Le deacuteveloppement de lrsquoaction policiegravere et

gendarmique a aussi eacuteteacute important sur le plan preacuteventif (police de proximiteacute officiers de

preacuteventionhellip) mais surtout reacutepressif (brigade anti-criminaliteacute groupement drsquointervention

rapidehellip) afin de chercher agrave obtenir plus de reacutesultats rapides et visibles Et en mecircme temps

aussi se sont mises en place des organisations nouvelles sur les territoires rassemblant les

acteurs de preacutevention et de seacutecuriteacute pour deacutefinir et ameacuteliorer les reacuteponses agrave apporter (conseils de

preacutevention de la deacutelinquance contrats locaux de seacutecuriteacutehellip)

Si dans cette expeacuterience drsquoameacutelioration continue de lrsquoorganisation de la preacutevention et de la

seacutecuriteacute la pression deacutelinquante est parfois encore croissante durant les anneacutees 2000 (Rillieux-la-

327

328

Pape) elle apparaicirct le plus souvent contenue voire reacuteduite pour les autres communes En

revanche cette eacutevolution globale ne semble pas influer sur drsquoune part les niveaux assez eacuteleveacutes

de faits drsquoinciviliteacutes et drsquoautre part la perpeacutetuation de la violence tant pour les actes de

preacutedation que pour le deacuteveloppement du sexisme sur fonds drsquoattitudes communautaristes

Ces faits sont lieacutes agrave deux types de problegravemes reacutecurrents Drsquoabord les trafics de drogue dans

certaines rues dans des espaces exteacuterieurs et aux abords des eacutetablissements scolaires ce qui

engendre des tensions multiples lieacutees agrave lrsquoappropriation de lrsquoespace agrave lrsquoinsu des riverains ou des

usagers de celui-ci avec des conduites drsquoivresse des consommateurs (sans compter les

preacutedations pour pouvoir srsquoapprovisionner) et les rivaliteacutes entre vendeurs pour beacuteneacuteficier des

marcheacutes Ensuite crsquoest tout un ensemble de pressions et de tensions multiples qui se manifestent

dans les relations sociales notamment des actes agrave caractegravere sexiste contre les femmes et drsquoautre

part ceux agrave caractegravere intoleacuterant voire raciste entre individus drsquoorigines ethniques diffeacuterentes

Ces faits ne sont pas sans lien avec la pousseacutee de lrsquointeacutegrisme ou de lrsquoheacuteteacuterodoxie arabo-

musulmane mais aussi avec lrsquoattitude de populations drsquoautres cultures populaires etou

traditionnalistes leacutegitimant lrsquoimposition drsquoune forte hieacuterarchie de genre et drsquoacircge sous-tendue par

la domination masculine et accompagneacutee drsquoune vision racialiste et communautariste de la vie et

des relations sociales Ce qui se retrouve dans certains comportements drsquoenfants qui reproduisent

les discours et visions parentales agrave travers des propos et des actes dans ce sens (adresses ethno-

raciales propos racistes regroupements affinitaires agrave base ethno-racialehellip)

Lapeyronnie (2008) a pu drsquoailleurs montrer agrave quel point ces conduites pouvaient relever drsquoune

reacuteaction plus ou moins consciente agrave la marginalisation et agrave la discrimination sociales lieacutees aux

reacuteactions de racisme de la population franccedilaise vis-agrave-vis des immigreacutes notamment des anciennes

colonies De ce fait selon le degreacute drsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute sociale et culturelle des populations des

communes et selon la diversiteacute fonctionnelle de leur espace qui favorisent la multipliciteacute des

pratiques sociales en son sein des conduites multiples peuvent traduire des conflits drsquointeacutegration

multiformes lrsquoopposition et le refus des valeurs de liberteacute et drsquoeacutegaliteacute attacheacutees notamment aux

femmes ainsi que les reacutesistances vis-agrave-vis de pratiques institutionnelles de socialisation (Les

Ulis) le refus et lrsquoeacutevitement de contacts sociaux et inter-quartiers (Les Ulis Bagnols) ou

encore la deacutelinquance au deacutetriment de certains habitants agents et bacirctiments publics ainsi que

drsquoentreprises et de commerces divers

329

Tableau 38 ndash Informations diverses (rapports administratifs meacutedias eacutetudes-recherche) sur lrsquoeacutevolution de la deacutelinquance et de la violence dans les communes eacutetudieacutees dans les anneacutees 2000

Commune et sources drsquoinformations

Donneacutees et commentaires drsquoacteurs sur la deacutelinquance dans les anneacutees 2000

Les Ulis

Sources Preacutefecture de lrsquoEssonne (2009) Ville des Ulis (2007)

Deacutelinquance geacuteneacuterale (ensemble des faits constateacutes) baisse entre 2003 et 2007 de 336 (hausse de 2003 agrave 2005 puis baisse de 2005 agrave 2007) De 2000 agrave 2005 forte baisse des cambriolages (-293 ) dont ⅔ ont lieu hors ZUS augmentation de 90 des vols et recels et des atteintes aux personnes de 203 (dont 55 ont lieu hors ZUS) dont les coups et blessures volontaires (+ 42 ) et les menaces chantages et extorsions (+ 29 ) et leacutegegraverement plus de vols avec violence hors et dans la ZUS Violence laquo preacuteoccupante raquo dans les eacutetablissements scolaires ainsi qursquoagrave leurs abords (collegraveges et le lyceacutee) et augmentationdes atteintes agrave la paix publique de 252 outrages + 145 infractions agrave la leacutegislation sur les stupeacutefiants + 260 en relation avec perception de lrsquoinseacutecuriteacute lieacutee aux divers points de trafic de drogue dans certains secteurs deacutelits agrave la police des eacutetrangers + 350 556 de ces atteintes ont lieu hors ZUS Dans les Accueils jeunes (freacutequenteacutes en grande majoriteacute par des garccedilons) certains jeunes expriment ce climat drsquoinseacutecuriteacute vols dealers agrave la sortie du collegravege du lyceacutee et dans des squares publics dans et hors ZUS

Deacutelinquance de voie publique (vols et cambriolages en tout genre sauf avec armes agrave feu et de veacutehicules avec fret destructions et deacutegradation sauf incendies et attentats) baisse importante entre 2003 et 2007 de 337

Inciviliteacutes hausse des faits de stationnements gecircnants (entre 2004 et 2005) et des deacutepocircts sauvages drsquoordures meacutenagegraveres et drsquoautres objets (agrave 60 et agrave 65 dans la ZUS) plus de 4 400 caddies de supermarcheacute abandonneacutes sur la ville en 2005 forte hausse 2004-2005 du vandalisme sur lrsquoeacuteclairage public principalement dans la ZUS apregraves baisse 2000-2004 et vols et deacutegradations de bacirctiments et drsquoeacutequipements publics (+ 216 de plaintes agrave ce sujet surtout dans ZUS et quartier prioritaire Nord-est) perpeacutetuation des regroupements de jeunes dans de nombreux halls drsquoimmeubles de la ZUS et du deuxiegraveme secteur prioritaire Nord-est malgreacute des Accueils jeunes bien localiseacutes (pied des immeubles proches des eacutecoles) agrave lrsquoaccegraves ouvert et au contenu de preacutevention et drsquoinformation eacuteducative

Difficulteacutes drsquointeacutegration des immigreacutes manque de respect de garccedilons envers des filles (avec insultes et violence parfois) dans des activiteacutes scolaires et peacuteriscolaires refus de lrsquoautoriteacute des surveillantes de cantine de collegravege par des eacutecoliers refus par certains parents drsquoactiviteacutes exteacuterieures des filles au profit des pratiques religieuses et demande drsquointerdiction drsquoaliments dans les eacutecoles pour raison religieuse avec menace drsquoen arrecircter la freacutequentation rejet de la culture europeacuteenne dans un deacutefileacute de mode (filles en costumes europeacuteens) affrontement de groupes drsquoenfants constitueacutes par origine ethnique dans une cour drsquoeacutecole

Pierrelatte Sources Leacuteonard (2003)

Preacutefecture de la Drocircme (2008 2009)

Taux de criminaliteacute (tous crimes et deacutelits) en 2002 pour 1 000 habitants 4853 avec 1 policier pour 440 habitants (taux national 6930 )

Taux de criminaliteacute (tous crimes et deacutelits) en 2003 pour 1 000 habitants 3854 avec 1 policier pour 312 habitants (taux national 6660 )

Selon Gendarmerie de Pierrelatte hausse de la deacutelinquance laquo de voie publique raquo en 2007 car hausse de celle-ci dans la ZUS notamment les vols et cambriolages tandis que les destructions et deacutegradations y reacutegressent

Selon la preacutefecture (2009) Pierrelatte fait partie de la valleacutee du Rhocircne qui est le secteur du deacutepartement le plus toucheacute par la deacutelinquance La ville srsquoinscrit dans un laquo bassin de deacutelinquance raquo (Donzegravere Saint Paul Trois Chacircteaux Pierrelatte) avec trois autres bassins qui tend agrave se propager parfois agrave lrsquointeacuterieur du deacutepartement (villes de Nyons et Crest) La deacutelinquance agrave Pierrelatte et dans son bassin y est particuliegraverement laquo influenceacutee par le Vaucluse raquo

Bagnols-sur-Cegraveze Sources Leacuteonard (2003)

Cuchot (2006)

Taux de criminaliteacute (tous crimes et deacutelits) en 2002 pour 1 000 habitants 5560 avec 1 policier pour 395 habitants (taux national 6930 )

Taux de criminaliteacute (tous crimes et deacutelits) en 2003 pour 1 000 habitants 5652 avec 1 policier pour 395 habitants (taux national 6660 )

Eacutevolution geacuteneacuterale 2000-2006 et eacutetat favorable de la deacutelinquance en fin de peacuteriode (selon Cuchot 2006) malgreacute des pics en 2003 (fin de la police de proximiteacute) et 2004 (vols de portables) Niveaux des plus bas pour des villes eacutequivalentes du Gard Atteinte des objectifs du CLS preacutevention de la deacutelinquance des mineurs et de la reacutecidive deacuteveloppement de lrsquoaccegraves aux droits seacutecurisation des espaces commerciaux et renforcement du sentiment de seacutecuriteacute (selon deacuteclaration dans des reacuteunions publiques des habitants) reste le problegraveme de lrsquoanimation et de la preacutevention speacutecialiseacutee de certains jeunes se regroupant dans lrsquoespace de proximiteacute de lrsquohabitat sans se lier aux structures drsquoanimation et drsquoactiviteacutes sportives et de loisirs laquo traditionnelles raquo

En outre (Cuchot 2006) eacutechec de lrsquoobjectif de mixiteacute sociale laquo les populations des quartiers ne vont pas vers le centre ville et il est tregraves difficile de faire venir celles du centre ville agrave des spectacles ou animations [dans ceux-ci] mecircme lorsque lrsquoanimation proposeacutee est gratuite raquo

330

Commune et sources drsquoinformations

Donneacutees et commentaires drsquoacteurs sur la deacutelinquance dans les anneacutees 2000

Behren-legraves-Forbach Source Preacutefecture de la Moselle

(2007)

La Citeacute de Behren quartier du Bassin Houiller ougrave la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) intervient le plus fortement et le plus massivement dans le cadrede mesures peacutenales (45 situations suivies en 2006 agrave 95 pour des garccedilons en majoriteacute de 10 agrave 16 ans)

Mourenx Sources Leacuteonard (2003 2004)

Raffestin (2005)

Donneacutees policiegraveres rapporteacutees dans les rapports sur la seacutecuriteacute en preacuteparation des lois de finances 2004 et 2005 de lrsquoAssembleacutee nationale

Taux de criminaliteacute (tous crimes et deacutelits) en 2002 pour 1 000 habitants 6087 avec 1 policier pour 183 habitants (taux national 6930 )

Taux de criminaliteacute (tous crimes et deacutelits) en 2003 pour 1 000 habitants 3180 avec fermeture du commissariat en septembre 2003 (taux national 6660 )

Drsquoapregraves une enquecircte aupregraves de la population en 2005 (Raffestin 2005) 34 des personnes interrogeacutees selon une meacutethode aleacuteatoire par aire drsquoun eacutechantillonstratifieacute (repreacutesentant pregraves de 16 des meacutenages) se disent preacuteoccupeacutees (un peu ou beaucoup) par le manque de seacutecuriteacute dans leur quartier contre 13 enregistreacutees au niveau national par lrsquoObservatoire national de la deacutelinquance Le taux dans la ZUScentre ville (35 de personnes preacuteoccupeacutees) est strictementidentique au score national pour les ZUS Cependant crsquoest dans le quartier VignyBelveacutedegravere que ce sentiment est le plus aigu (45 ) ougrave plus de la moitieacute desenquecircteacutes sont des retraiteacutes et ougrave la correacutelation avec le fait drsquoavoir eacuteteacute victime ou teacutemoin drsquoactes de deacutelinquance au cours des 12 derniers mois est moins forteque dans les 5 autres quartiers de la ville

Rillieux-la-Pape Chichignaud (2004) Ville de

Rillieux-la-Pape (2007) Agence drsquourbanisme de lrsquoagglomeacuteration

lyonnaise (2008)

En 2003 Rillieux fait partie des 23 quartiers ou villes de France les plus dangereuses selon le ministegravere de lrsquoInteacuterieur (26012004) crsquoest-agrave-dire exposeacutes defaccedilon reacutecurrente aux violences urbaines

Alors que lrsquoengagement des acteurs publics en 2004 eacutetait de reacuteduire le nombre de faits de deacutelinquance de 20 les reacutesultats pour 2005 montrent uneaggravation de 30 (dont augmentation la plus importante depuis plusieurs anneacutees pour les violences familiales et constat du rajeunissement des primo-deacutelinquants)

De 1997 agrave 2005 en moyenne annuelle pour 1 000 habitants alors que le nombre de faits de deacutelinquance de voie publique du Grand Lyon (585 faits) auquel appartient Rillieux est supeacuterieur au niveau de cette derniegravere commune (moins de 35 faits) le nombre de faits de violence volontaire (menaces coups et blessures) est agrave lrsquoinverse plus fort agrave Rillieux (de 6 agrave 9 faits pour 1 000 habitants) que dans lrsquoensemble du Grand Lyon (moyenne annuelle de 38 faits pour 1 000 habitants)

Par ailleurs problegraveme des effets ineacutegalitaires de la meacutethode territoriale de la politique de la ville drsquoautres quartiers sont neacutegligeacutes comme les immeubles du square Henri Dunant (agrave Rillieux-village) qui ont les mecircmes caracteacuteristiques sociales que ceux de la ZUS (Ville nouvelle) et sont en tregraves mauvais eacutetat Idem dans les quartiers de la Roue et de Vancia dont certains secteurs accueillent des populations connaissant une situation sociale proche de celle de la Ville nouvelle Crsquoest pourquoi Ville et Eacutetat prolongent dans le nouveau CUCS de 2007 les objectifs des contrats preacuteceacutedents (maintenir une attractiviteacute suffisante pour lrsquoensemble de la Ville nouvelle afin drsquoeacuteviter le regroupement de trop de personnes en situation drsquoexclusion assurer agrave chacun un accegraves aux services publics donnant une eacutegaliteacute de traitement ou de chances dans tous les domaines de la vie quotidienne)

Fareacutebersviller Source Preacutefecture de la Moselle

(2007)

Deacutelinquance geacuteneacuterale en reacutegression de 22 en 2006 (continuiteacute depuis quelques anneacutees) avec un petit nombre drsquoaffaires criminelles (homicides volontairesnotamment) mais une hausse importante du trafic de stupeacutefiants de plus de 50 (principalement sur la partie haute de la citeacute quartier des Hurlevents ainsique sur les deux centres commerciaux) Les atteintes aux biens stagnent (vols agrave la roulotte de portables dans les caveshellip) La baisse globale srsquoexpliquant enpartie par la migration des faits vers les communes avoisinantes (laquo raids raquo de vols agrave la roulotte et agrave lrsquoeacutetalage notamment sur la zone commerciale de Betting)Les mineurs repreacutesentent un quart des mis en cause dans la deacutelinquance globale de la Citeacute

Ce dernier point est plus largement rapporteacute dans le tableau certainement en raison de la plus

grande faciliteacute drsquoaborder ces questions dans les reacuteflexions et projets institutionnels par rapport

aux questions lieacutees agrave lrsquointeacutegration des immigreacutes qui srsquoanalysent et se traitent de maniegravere

multidimensionnelle

Dans cette perspective certaines sources drsquoinformation indiquent que les actes de deacutelinquance

peuvent avoir lieu soit au sein drsquoun de plusieurs ou de la totaliteacute des quartiers drsquoune mecircme

commune soit dans des communes voisines Il est eacutevoqueacute un pheacutenomegravene de report de faits les

plus graves de deacutelinquance voire de criminaliteacute dans les quartiers moins deacutegradeacutes de la

commune ou dans des communes voisines (Les Ulis Fareacutebersviller Mourenx et Pierrelatte)

voire plus loin dans les peacuteripheacuteries ou quartiers internes aux grandes agglomeacuterations voisines

(cas de regraveglements de compte entre bandes de quartiers ou de communes seacutepareacutees parfois de

longues distances entre elles) selon les rapports et lrsquoarticle scientifique exploiteacutes abordant la

deacutelinquance drsquoun deacutepartement ou drsquoune zone interdeacutepartementale dont fait partie la commune

eacutetudieacutee

331331

332332

Troisiegraveme partie

Des milieux soumis agrave la seacutegreacutegation sociale et urbaine

Notre analyse de lrsquoeacutevolution drsquoune commune urbaine comme Les Ulis a drsquoembleacutee chercheacute agrave

aborder la question sociale urbaine sur lrsquoensemble de son territoire de maniegravere eacutelargie par

rapport aux seuls quartiers sociaux qursquoil comprend Degraves lrsquointroduction et le deacuteveloppement

probleacutematique les principaux processus sociaux de preacutecarisation eacuteconomique sociale et

urbaine ont eacuteteacute rappeleacutes pour pouvoir comprendre les situations de preacutecariteacute sociale et la

dynamique de sous-moyennisation sociale et de relations sociales locales deacutegradeacutees qui srsquoy

manifestent Lrsquoobjectif de lrsquoanalyse empirique eacutetait de comprendre ce que en retour les

informations localement recueillies pouvaient apporter sur la particulariteacute des pheacutenomegravenes

comptant dans lrsquointensiteacute des crises socio-urbaines Ceux-ci ont drsquoailleurs bien un caractegravere

global sur le plan national ndash et certainement international puisqursquoils se reacutepegravetent en diffeacuterents

points des espaces urbains

Cette deacutemarche ne se reacuteduit donc pas en eacutecho aux avertissements de Jean-Marc Steacutebeacute et

drsquoHerveacute Marchal (2007 p 14-15) agrave laquo se limiter agrave des eacutechelles spatiales et sociales trop

eacutetroites pour ecirctre en mesure de rendre compte de logiques et de processus globaux raquo car laquo la

sociologie de la ville rappelle dans ce sens que la veacuteriteacute de la ville ne reacuteside pas toute entiegravere

dans la ville elle-mecircme Drsquoautres dimensions (politiques eacuteconomiques sociales) agrave la fois

inheacuterentes et exteacuterieures agrave lrsquourbain ont agrave nrsquoen pas douter un impact sur le monde des villes

Crsquoest pourquoi la ville peut-ecirctre deacutefinie comme un point drsquoarticulation entre des logiques

locales et des dynamiques globales Elle est le lieu ougrave se mateacuterialisent et se concreacutetisent des

processus qui la deacutepassent raquo Reacutealiser une sociologie urbaine neacutecessite donc en eacutevitant des

reacutefeacuterences analytiques trop deacutesincarneacutees et abstraites drsquoidentifier cette rencontre entre des

dynamiques globales et des logiques locales Ainsi une sociologie dans la ville appreacutehende

laquo lrsquoenchevecirctrement des trajectoires individuelles et des espaces la multipliciteacute des acteurs qui

preacutesident drsquoune maniegravere ou drsquoune autre agrave la production de la ville et de lrsquourbaniteacute raquo

333333

Dans ce cadre le rocircle du sociologue urbain est de laquo rendre visible la complexiteacute du lien entre

la ville plus ou moins cristalliseacutee dans les institutions et les bacirctiments et la ville lsquovivantersquo en

mouvement toujours susceptible de deacuteborder les cadres urbains constitueacutes raquo indiquent Steacutebeacute

et Marchal (2007 p 10) En outre ils notent que laquo lrsquoespace reccediloit lrsquoempreinte de la socieacuteteacute

tout autant que lrsquoinverse raquo et ce lien complexe de reacuteciprociteacute eacutecarte toute approche critique

simple de la vision spatialiste des rapports sociaux Ce cadre paradigmatique permet

effectivement drsquoaborder des sujets drsquoanalyse comme le deacuteclin social urbain la ghettoiumlsation

les relations entre les grands ensembles et les tensions sociales ainsi que la deacutecroissance

deacutemographique qui se manifestent aux eacutechelles des communes qui les comportent En outre

la speacutecificiteacute de la sociologie de faits sociaux ayant une relation drsquoinfluence avec les

structures mateacuterielles des espaces urbains neacutecessite certainement de disposer drsquoune

repreacutesentation conceptuelle de la ville et du fait urbain afin de saisir les diffeacuterents effets

possibles des dispositifs ou des cadres urbains sur les pheacutenomegravenes sociaux qui se deacuteploient en

leur sein

Marchal et Steacutebeacute (2008) preacutesentent agrave cet effet une telle conceptualisation utile agrave lrsquoanalyse la

ville se caracteacuterise par un espace urbain dense et diversifieacute doteacute drsquoune centraliteacute par la

concentration des activiteacutes et des interactions sociales qursquoelle permet et qui srsquoeacutetend hors de

ses frontiegraveres en formant des zones peacuteriurbaines composites (immeubles drsquohabitation centres

commerciaux eacutequipements collectifs structures eacuteconomiqueshellip) mais sans la densiteacute et la

diversiteacute qui va avec tout en eacutetant lieacutee agrave sa centraliteacute Ainsi la ville produit de lrsquourbain

comme lrsquourbain peut produire de la ville cest-agrave-dire par la densification et la diversification

de ses fonctions produire des zones urbaines animeacutees devenant des centres drsquoactiviteacutes

multiples avec des interactions diverses offertes agrave ses habitants

Dans cette derniegravere partie de notre thegravese plus analytique nous proposons une reacuteflexion

croisant les constats deacutegageacutes des eacutetudes empiriques preacuteceacutedentes et les productions de travaux

sociologiques ou de disciplines voisines tout en pouvant faire reacutefeacuterence aux mateacuteriaux

empiriques de ceux-ci voire en reprenant des observations drsquoacteurs divers de la ville

notamment des maires de communes urbaines concerneacutees intervenant sur les espaces eacutetudieacutes

et les pheacutenomegravenes qui srsquoy deacuteroulent Le but de cette analyse est de combiner deux objectifs

drsquoune part produire une repreacutesentation des formes typiques et preacutedominantes de vie sociale

dans les grandes zones urbaines de pauvreteacute contemporaines deacuteveloppeacutees au sein et autour

des grands ensembles drsquohabitation ainsi que leurs causes sociales imputables et drsquoautre part

334334

identifier les deacuteterminants endogegravenes et exogegravenes de la deacutevalorisation sociale de lrsquohabitat

grand ensemble

En reacutefeacuterence agrave toute approche sociologique de lrsquoanalyse il est mis en valeur les facteurs

speacutecifiquement sociaux des situations observeacutees qursquoelles relegravevent drsquoattitudes de groupes

sociaux dans les pratiques reacutesidentielles ou encore de responsables des politiques urbaines

sociales et eacuteconomiques Dans ce sens les productions spatiales qui en eacutemanent comme crsquoest

le cas des grands ensembles drsquohabitat sont agrave examiner selon ces deux aspects les

caracteacuteristiques mateacuterielles et physiques avec les dispositifs de gestion suscitant des

reacuteactions drsquoappreacuteciation par les habitants et la signification des deacutecisions et des mesures

prises passeacutees et en cours agrave leur endroit

Chemin faisant il sera proposeacute une notion le deacuteclin social urbain utiliseacutee pour eacutelargir

lrsquoappreacutehension conceptuelle et territoriale des pheacutenomegravenes attribueacutes agrave la laquo ghettoiumlsation raquo

urbaine terme employeacute pour deacutesigner le processus de deacutegradation mateacuterielle et sociale des

zones urbaines de grands ensembles essentiellement srsquoorientant vers la formation de

quartiers-ghettos crsquoest-agrave-dire drsquoespaces de marginaliteacute urbaine et sociale dense comprenant

des populations preacutecaires exclus etou paupeacuteriseacutees releacutegueacutees spatialement et desquelles se

deacuteveloppent des dynamiques de violence et de criminaliteacute eacuteleveacutees Celles-ci pouvant par

moment se manifester dans les espaces voisins de ces zones

Deux chapitres composent cette partie La premiegravere entreprend une formalisation descriptive

des zones de grands ensembles selon des principaux traits significatifs drsquoun processus de

deacuteclin Les milieux formeacutes comportent des tensions dont lrsquoeffet principal est qursquoils suscitent

voire accentuent lrsquoexclusion sociale de leurs habitants alors que ces espaces par leur

deacutepreacuteciation sociale ont adopteacute la fonction drsquoaccueil des groupes sociaux deacutejagrave en difficulteacutes

sociales Le deuxiegraveme chapitre preacutesente les diffeacuterents deacuteterminants endogegravenes et exogegravenes agrave

ces milieux qui contribuent agrave la perpeacutetuation de ces situations de deacuteclin depuis leur livraison il

y a pregraves de quarante ans en moyenne

Il a eacuteteacute rassembleacute une seacuterie drsquoanalyses compleacutementaires et parfois discordantes de statuts

divers entre des travaux de recherche empirique et theacuteorique et des travaux drsquoeacutetudes et de

reacuteflexions drsquoacteurs qui offrent une lecture drsquoensemble aux donneacutees recueillies et mises en

forme dans les parties de recueil de donneacutees preacuteceacutedentes et complegravetent les premiegraveres analyses

reacutealiseacutees Les productions scientifiques contribuent agrave eacuteclairer les ressorts explicatifs et les

relations qui donnent sens aux diffeacuterents pheacutenomegravenes directement observables qui ont eacuteteacute

releveacutes

335335

Et les travaux plus pratiques ou drsquoeacutetudes appliqueacutees qui nrsquoen sont pas moins fiables a priori

sur le plan des donneacutees recueillies teacutemoignent de la reacutealiteacute des situations analyseacutees et

contribuent agrave veacuterifier et illustrer la validiteacute des analyses preacuteceacutedentes tout en apportant des

informations parfois speacutecifiques sur lrsquoobjet qui srsquoest progressivement dessineacute au cours de

cette recherche celui de la production institutionnelle et sociale progressive de ghettos

modernes agrave lrsquoendroit des zones de grands ensembles sous lrsquoeffet des tensions seacutegreacutegatives

accrues dans la socieacuteteacute que le cadre du deacuteveloppement technologique et de la mondialisation

eacuteconomique a conduit les eacutelites politiques agrave choisir plus ou moins consciemment de

deacutevelopper

Chapitre VII

Les communes de grands ensembles eacutetudieacutees des milieux tendus compliquant lrsquointeacutegration sociale

Nous avons montreacute preacuteceacutedemment que la commune des Ulis ainsi que les autres communes

de grands ensembles compareacutees ont pu connaicirctre un changement de statut socio-eacuteconomique

avec lrsquoeacutevolution des populations de leur structure sociale et de leur niveau de richesse

moyenne Les structures sociales se composent davantage et mecircme exclusivement parfois de

cateacutegories populaires et notamment ouvriegraveres avec la possibiliteacute neacuteanmoins comme aux Ulis

de comporter des cateacutegories intermeacutediaires plus nombreuses que dans leur territoire

drsquoappartenance (179 en 2009 aux Ulis contre 163 pour lrsquoagglomeacuteration parisienne)

Cette derniegravere ville a aussi la particulariteacute distinctive drsquoune part non neacutegligeable de cateacutegories

supeacuterieures (105 en 2009) mais ne repreacutesentant que 60 de la part existante dans

lrsquoagglomeacuteration parisienne et se trouvant en perte de valeur depuis 1990 (pregraves de - 125 )

Par ailleurs crsquoest bien dans le domaine eacuteconomique que la sous-moyennisation est la plus

partageacutee niveaux de richesse globale de la population en moyenne et par foyers ou

meacutenages ainsi que situations de travail des adultes actifs Toutes les communes se situent

dans la partie sous-moyenne voire en bas de lrsquoeacutechelle nationale Par exemple Les Ulis

commune qui a le niveau global moyen de richesse de la population le deuxiegraveme plus eacuteleveacute de

lrsquoeacutechantillon (20 789 euro de revenu net imposable moyen en 2008) apregraves Rillieux-la-Pape

336336

337337

(21 924 euro)96 comporte au deacutebut des anneacutees 2000 pregraves de 25 de preacutecaires parmi lrsquoensemble

des actifs et pregraves de 43 parmi ceux du parc drsquohabitat social

Pour cette ville tout comme les autres et a fortiori celles dont la paupeacuterisation est plus

eacutetendue encore cette situation nrsquoest pas sans engendrer de multiples tensions agrave geacuterer pour les

administrations et les acteurs de la ville (preacutecariteacute et exclusion eacuteconomique et sociale

paupeacuterisation violence interpersonnelle deacutelinquance deacutegradationshellip) Celles-ci peuvent

provoquer de la diffeacuterenciation socioculturelle tendant agrave la seacuteparation sociale et agrave la hausse

des rapports sociaux seacutegreacutegatifs dont le communautarisme ethnique et culturel pour des

groupes issus de lrsquoimmigration Comment rendre compte et interpreacuteter ces manifestations

circonscrites dans des zones de concentration de populations pauvres etou exclues De

lrsquoanalyse des caracteacuteristiques de ces zones urbaines croiseacutees avec des approches globales dans

lesquelles ce pheacutenomegravene constitue un trait du fonctionnement urbain parmi drsquoautres il est

possible de deacutegager des significations et des causaliteacutes

Cette premiegravere section montre que le terme de deacuteclin social urbain formaliseacute et expliciteacute

infra agrave la suite des eacutetudes empiriques preacuteceacutedentes ne constitue qursquoun aspect analytique du

changement neacutegatif de statut social drsquoun espace urbain sous lrsquoeffet de la sous-moyennisation

des structures sociales de peuplement et des tensions et violences qui se manifestent dans les

espaces locaux Il laisse ouvert la possibiliteacute drsquoapprofondir lrsquoanalyse de lrsquoeacutetat de lrsquoordre social

plus global qui srsquoest deacuteveloppeacute agrave la suite de ce processus de deacuteclin et qui preacutedomine dans les

espaces publics locaux celui de la segmentation des relations sociales ndash selon les acircges et le

sexe ndash relayeacutee en partie sur un mode exacerbeacute par les jeunes des espaces exteacuterieurs

Cet ordre se base bien sur la paupeacuterisation eacuteconomique et culturelle mais aussi sur la

protestation politique contre la marginalisation socio-spatiale veacutecue Il constitue donc une

reacuteaction et une rupture avec lrsquoordre social de la socieacuteteacute urbaine ordinaire et offre des

conditions de deacuteploiement dans les espaces exteacuterieurs de la deacutelinquance et de la violence agrave

des fins de preacutedation et de protestation

A- Pauvreteacute culturelle preacutecariteacute eacuteconomique et violence dans les grands ensembles

Sur quelles caracteacuteristiques de structure sociale exactes les zones urbaines chargeacutees en

intensiteacute de problegravemes sociaux se preacutesentent-elles Les observations recueillies aux Ulis et

96 Le revenu moyen agrave cette date de la France meacutetropolitaine est de 23 450 euro

aupregraves des six communes compareacutees dans les parties preacuteceacutedentes ainsi que divers travaux

indiquent des parts importantes de populations preacutecaires avec des niveaux de revenus moyens

plutocirct faibles Mais le premier point qui deacutetermine celui-ci est lrsquoimportance de la pauvreteacute des

qualifications qui existe au sein des populations concerneacutees que ce critegravere soit assez eacutetendu

ou mecircme parfois en coexistence avec des cateacutegories sociales plus qualifieacutees dans des

proportions pouvant mecircme ecirctre supeacuterieures aux moyennes nationales preacutefigurant ainsi des

formations sociales assez dualiseacutees sur une petite eacutechelle territoriale

Ces deux paramegravetres eacuteconomiques mais surtout culturels pour les niveaux de formation

atteints contribuent au deacuteveloppement de la violence dans les comportements et les conduites

sociales agrave des fins tant de preacutedation pour la survie eacuteconomique que drsquoexpression drsquoune

opposition de lrsquoordre social drsquoexclusion subi avec la releacutegation dans des espaces ghettoiumlseacutes et

stigmatiseacutes qui srsquoen suit Pour les habitants de toutes cateacutegories sociales inteacutegreacutes ou preacutecaires

lrsquoambiance de ces milieux reacutesidentiels constitue agrave des degreacutes variables selon les contextes

sociaux de chaque site des eacutepreuves identitaires importantes pour trouver des voies

satisfaisantes de reacutealisation de soi Et pour les institutions localement implanteacutees les

structures sont deacutebordeacutees par les charges de problegravemes et drsquoactions agrave reacutealiser ainsi que parfois

par les tensions relationnelles avec les habitants concerneacutes

1 Pauvreteacute eacuteconomique et culturelle dans des contextes urbains diffeacuterents

La diffeacuterenciation socio-spatiale entre les zones de grands ensembles et le reste des villes et

de la socieacuteteacute que reacutevegravelent ces donneacutees srsquoinstalle dans la dureacutee Elle deacutepend drsquoun processus qui

srsquoobserve agrave un niveau spatial tregraves fin des pratiques reacutesidentielles celui des uniteacutes de voisinage

de 30 agrave 40 meacutenages Se distinguant selon le niveau culturel (niveau de diplocircme ou de

qualificationformation) et la nationaliteacute dont la modaliteacute laquo eacutetrangegravere raquo ces petites uniteacutes

reacutesidentielles suivent un processus social sous-jacent plus deacuteterminant la seacutegreacutegation sociale

des plus modestes par les plus aiseacutes afin drsquoeacuteviter une proximiteacute spatiale jugeacutee deacutefavorable

pour leur inteacutegration sociale Ce pheacutenomegravene social explique pourquoi se retrouve dans les

grands ensembles deacutevaloriseacutes une part importante de meacutenages en difficulteacutes aux profils

multiples parfois tregraves eacuteloigneacutes (acircges situation familiale niveau de qualification situation et

cateacutegorie socioprofessionnelle origine et pratiques culturelleshellip) dont la coexistence suscite

une ambiance hostile pour les habitants en raison des obstacles agrave la reacutealisation locale de soi

que ces milieux sociaux produits constituent

338338

Deacutecrire la situation sociale des grands ensembles implique de deacutepasser mais neacuteanmoins de

prendre en compte lrsquoeacutevolution de leur repreacutesentation sociale au cours du temps drsquohabitat de

classes moyennes (Peillon 2001) on est passeacute aux citeacutes-ghettos (Steacutebeacute Marchal 2009) ce

qui caracteacuterise la transformation de leur statut social et symbolique Ces deux images sont

toutes les deux des repreacutesentations mythiques simplistes et deacuteformantes puisque par exemple

degraves le deacutepart et toujours maintenant les situations sociales et physiques des grands ensembles

eacutetaient diffeacuterentes Par exemple leurs formes archeacutetypales en tours et en barres ne

constituaient que 40 des constructions reacutealiseacutees contre une majoriteacute (58 ) de tissu mixte

drsquoimmeubles collectifs et de pavillons (Plouchard 1999) Les situations geacuteographiques

sociales et urbaines des grands ensembles sont en reacutealiteacute bien heacuteteacuterogegravenes ainsi que leur

environnement socio-eacuteconomique et leur genegravese lieacutee agrave leurs maicirctres drsquoouvrage et drsquoœuvre

speacutecifiques Les modaliteacutes de deacutecision de conception et de reacutealisation de leur construction ont

pu ecirctre parfois similaires mais souvent varieacutees tout comme lrsquoeacutetaient les populations initiales

preacutevues agrave leur occupation

De mecircme les eacutevolutions des peuplements ont eacuteteacute eacutegalement variables avec types de

meacutenages des relations sociales des pratiques culturelles et des processus diffeacuterencieacutes

drsquoappropriation des espaces locaux sans oublier des eacutevolutions diverses drsquointeacutegration ou de

participation eacuteconomiques Par exemple Peillon (2001) rapporte une eacutetude parue dans INSEE

Picardie le 7 mai 1999 concernant les profils socio-eacuteconomiques des habitants de cinq

quartiers en contrat de ville agrave Amiens Les variations locales y sont deacutejagrave fortes selon les

thegravemes de 15 agrave 30 pour le taux de chocircmage de 4 agrave 12 pour la part des meacutenages de 6

personnes et plus de 12 agrave 46 pour la part des personnes sans diplocircme et de 3 agrave 19 pour

la part des eacutetrangers Les grands ensembles ne constituent donc pas de masses indiffeacuterencieacutees

Cependant ils ont des points communs

Tout drsquoabord ils renvoient en partie agrave la premiegravere image des grands ensembles lieacutee au mythe

fondateur de lrsquohabitat pour classes moyennes malgreacute la grande varieacuteteacute reacuteelle des

compositions initiales des grands ensembles (Clerc 1967) notamment selon les eacutepoques de

reacutealisation des constructions Ce mythe urbain deacutesigne plusieurs caracteacuteristiques initiales des

peuplements qui ont eacuteteacute favoriseacutees par les modes de financement initiaux beacuteneacuteficiant agrave des

cateacutegories assez homogegravenes de meacutenages mais aussi aux structures spatiales des locaux et aux

conditions drsquoattribution par les bailleurs et les reacuteservataires Lrsquoimage drsquoun peuplement

laquo moyen raquo originel est alors le produit de la preacutedominance de nouveaux meacutenages en

formation avec des adultes jeunes et deacutecohabitants actifs et inseacutereacutes aux revenus reacuteguliers

339339

drsquoorigine rurale essentiellement avec des enfants La perception sociale dominante est alors

que de telles familles ont un laquo sens de lrsquoorganisation domestique et de la vie collective clsquoest-

agrave-dire qursquoelle(s) paye(nt) (leur) loyer respecte(nt) les espaces communs et surveille(nt) (leur)s

enfants raquo (Peillon 2001 p 129) Deux cateacutegories principales sont en surrepreacutesentation au

milieu des anneacutees 1960 des jeunes cadres moyens (39 des occupants par rapport agrave leur

poids relatif dans la population drsquoensemble de 29 des employeacutes) ainsi que des ouvriers

souvent qualifieacutes et des employeacutes des services (56 contre 51 )

Il est vrai que la dominante ouvriegravere a pu ecirctre forte dans certaines opeacuterations quand

lrsquoinstallation a eacuteteacute alimenteacutee par des rejets en banlieue de quartiers populaires urbains ayant

eacuteteacute reacutenoveacutes ou lorsqursquoil srsquoagissait de constructions lieacutees aux creacuteations drsquoindustries

importantes en zone rurale ou peacuteriurbaine En parallegravele les cateacutegories supeacuterieures y sont

fortement sous-repreacutesenteacutees degraves cette premiegravere peacuteriode 45 contre 17 dans la

population totale Avec le temps la forte preacutesence des cateacutegories ouvriegraveres et employeacutees srsquoest

accentueacutee et cela aussi de maniegravere assez homogegravene dans les diffeacuterents grands ensembles en

Icircle-de-France ils repreacutesentent 71 des meacutenages en 1990 contre 52 de la moyenne

reacutegionale les ouvriers seuls y sont 41 En fait face aux critegraveres socio-deacutemographiques

(acircge sexe taille des familles) dont les eacutecarts avec le reste de la population srsquoamenuisent ou se

stabilisent dans les anneacutees 2000 ce sont les critegraveres socioprofessionnels qui voient leur

contraste srsquoaccentuer notamment en Icircle-de-France Crsquoest pourquoi employeacutes et ouvriers peu

qualifieacutes eacutetant les plus preacutecariseacutes une croissance des eacutecarts sur le plan du chocircmage et du

niveau de vie des meacutenages srsquoest manifesteacutee

En effet depuis plus de quarante ans un effet de concentration du chocircmage et de la

pauvreteacute que geacutenegraverent les agglomeacuterations drsquoappartenance se manifeste en raison de

lrsquoeacutevolution diffeacuterencieacutee des secteurs urbains et de la dualisation socio-eacuteconomique entre les

actifs stables et aiseacutes drsquoun cocircteacute et les preacutecaires de lrsquoautre Les grands ensembles remplissent

la fonction drsquoaccueil de plus en plus exclusivement dans les agglomeacuterations de leurs exclus

et preacutecaires eacuteconomiques et sociaux ce qui constitue une rupture avec les quartiers ouvriers

anciens dans lesquels il y avait du travail degraves la jeunesse Depuis la fin des anneacutees 1980 le

diffeacuterentiel de taux de chocircmage entre les quartiers sensibles et lrsquoensemble du pays est arriveacute

au double presque partout Par exemple le taux de chocircmage dans 500 quartiers politique de la

ville en 1990 est de 197 contre 108 de moyenne nationale (recensement INSEE) Une

eacutetude INSEE de 1993-1994 indique de mecircme un taux de 24 contre 135 (Chenu Tabard

340340

341341

1994)97 Cette eacutevolution ne signifie pas que tous les chocircmeurs de lrsquoagglomeacuteration

drsquoappartenance sont meacutecaniquement transfeacutereacutes dans les ZUS puisque la hausse du chocircmage

dans les ZUS est le plus souvent correacuteleacutee agrave celle des zones drsquoemploi drsquoappartenance Par

ailleurs un quart drsquoentre elles en France meacutetropolitaine entre 1990 et 1999 (177 ZUS sur 717)

ont connu une hausse de chocircmage moins forte voire une diminution alors qursquoil augmentait

dans la zone drsquoappartenance (Le Toqueux Moreau 2004) Aux eacutechelles locales les

variations sont larges encore en Icircle-de-France le taux moyen en ZUS est de 145 contre

85 de moyenne reacutegionale mais 30 agrave la Pierre-Collinet agrave Meaux et agrave Chanteloup-les-

Vignes

Ce chocircmage a surtout affecteacute les jeunes Au milieu des anneacutees 1990 ils sont nombreux agrave en

relever 30 des 15-24 ans agrave Rillieux-la-Pape et agrave Bel-Air 33 aux Minguettes 37 et 38

au Val drsquoArgent et dans les quartiers nord drsquoAmiens agrave La Courneuve presque un jeune

sur deux est chocircmeur Lrsquoautre a un travail souvent preacutecaire agrave Reims les deux tiers de la

hausse du chocircmage de la ville se sont produits dans les quartiers sensibles et dans ceux-ci le

taux augmente de 45 points pour la tranche des 17-29 ans quand il diminue de 15 point en

dehors (Ronez 1996) Pour Peillon (2001) les trois causes de ce pheacutenomegravene national de

concentration durable de populations entiegraveres dans les banlieues monofonctionnelles et

frappeacutees de deacutesindustrialisation sont 1 le fort taux de licenciement dans les anneacutees 1970 et

1980 des actifs des industries construites dans les anneacutees 1960 et relevant de secteurs

drsquoemplois faiblement qualifieacutes dont la main drsquoœuvre reacuteside dans les grands ensembles

lrsquoautomobile (effectifs PSA en valleacutee de Seine agrave lrsquoaval de Paris passant de 27 000 en 1970 agrave

7 500 en 1990) et la sideacuterurgie (4 000 licenciements drsquoUsinor touchant les Nouvelles-Synthes

(Grande-Synthe Nord) illustrent ce point 2 le fort taux de manque de qualification qui se

mesure avec lrsquoabsence de diplocircme chez les plus de 14 ans et 3 lrsquoeacuteloignement du marcheacute de

lrsquoemploi rendant toute recherche drsquoemploi difficile avec le coucirct de garde drsquoenfant les

difficulteacutes de mode et de temps de transport les horaires atypiques des emplois peu qualifieacutes

et incompatibles avec les horaires scolaires

Ces facteurs se cumulent souvent Par exemple sur le plan des diplocircmeacutes lrsquoeacutecart en Icircle-de-

France hors Paris entre les quartiers ZUS et la moyenne reacutegionale a drsquoailleurs augmenteacute

97 Ces donneacutees traitent davantage des quartiers de la politique de la ville sous dispositifs contractuels comprenant donc aussi drsquoautres types de quartiers que ceux des grands ensembles (quartiers centraux anciens quartiers ouvriers du Nord et de lrsquoEsthellip) Ce qui preacutesente un leacuteger deacutecalage par rapport agrave lrsquoobjet principal des analyses bien qursquoune grande partie des quartiers de la politique de la ville relegraveve des grands ensembles

342342

entre 1982 et 1990 de 13 alors mecircme que les grands ensembles servent agrave loger

lrsquoexpansion deacutemographique de la meacutetropole Ce qui entraicircne des effets en chaicircne sur la

scolarisation des enfants retards scolaires degraves le cours preacuteparatoire passant rapidement agrave

deux ans de retard taux de scolarisation infeacuterieur aux moyennes et faible part de jeunes

doteacutes drsquoun diplocircme Les jeunes drsquoorigine eacutetrangegravere hors Union europeacuteenne eacutetant les plus

affecteacutes avec un analphabeacutetisme familial des retards scolaires et de sous-qualification chez

les parents ainsi que pour leur insertion une peacutenurie de reacuteseaux amicaux et familiaux pour

trouver un travail dans les secteurs publics et priveacutes Les pratiques discriminatoires venant

renforcer ces handicaps socioculturels drsquoorigine

Les donneacutees de 2005 montrent un durcissement dans les temps de ces eacutecarts et confirment la

place des non diplocircmeacutes comme facteur drsquoexclusion sociale en suscitant un taux eacuteleveacute de

chocircmage au sein de la population concerneacutee le taux de chocircmage global est de 22 dans les

ZUS contre 105 dans le reste de leurs agglomeacuterations et 78 dans les autres uniteacutes

urbaines sans ZUS (et les zones rurales) le taux de chocircmage des 15-24 ans est de 40 Sur

le plan de lrsquoactiviteacute de la population globale lrsquoeacutecart de taux drsquoactiviteacute98 des 25-49 ans est de

72 points ce sont surtout les femmes eacutetrangegraveres qui sont les plus agrave lrsquoeacutecart de lrsquoactiviteacute avec

un taux drsquoemploi99 de 354 pour les 25-49 ans contre dans les uniteacutes urbaines

drsquoappartenance 60 pour les femmes eacutetrangegraveres et 726 pour les femmes franccedilaises

Crsquoest lrsquoabsence et la faiblesse du diplocircme des femmes en ZUS qui sont le plus correacuteleacutees agrave la

forte inactiviteacute de celles-ci Alors que au contraire pour lrsquoensemble des hommes franccedilais et

eacutetrangers le taux drsquoactiviteacute agrave niveau de formation donneacute est tregraves proche en ZUS et dans les

uniteacutes urbaines englobantes Ces eacuteleacutements confirment les enquecirctes de Maurin (2004)

indiquant que la variable la plus deacuteterminante dans les processus de seacutegreacutegation spatiale est le

niveau culturel selon le diplocircme puisque celui-ci influe le plus fortement sur les chances

drsquoaccegraves agrave lrsquoemploi Dans ce domaine globalement entre les ZUS et le reste de leurs

agglomeacuterations lrsquoeacutecart entre 1999 et 2006 a augmenteacute de 26 la moitieacute des habitants des

ZUS nrsquoa pas de diplocircme supeacuterieur au brevet des collegraveges contre un tiers pour ceux des uniteacutes

urbaines drsquoappartenance (Chevalier Lebeaupin 2010)

Ainsi avec la preacutecariteacute preacutedominante et le temps qui passe le chocircmage le travail agrave temps

partiel ou les petits boulots successifs deviennent un eacutetat permanent conduisant agrave la pauvreteacute 98 Le taux dactiviteacute est le rapport entre le nombre dactifs (actifs occupeacutes et chocircmeurs) et lensemble de la population correspondante 99 Le taux demploi dune classe dindividus est calculeacute en rapportant le nombre dindividus de la classe ayant un emploi au nombre total dindividus dans la classe

De la pauvreteacute des revenus du travail on passe agrave la pauvreteacute du meacutenage Crsquoest le sens de la

paupeacuterisation qui se deacuteveloppe de geacuteneacuteration en geacuteneacuteration avec une image de plus en plus

reacuteduite du travail reacutegulier dans les familles et dans certains quartiers entiers Dans lrsquoapproche

statistique europeacuteenne par le biais de lrsquoorganisme EUROSTAT de la Commission

europeacuteenne le salarieacute pauvre est celui qui a un salaire situeacute en-dessous de 60 de la meacutediane

des revenus salariaux et le travailleur pauvre est celui dont le revenu du meacutenage par uniteacute de

consommation (niveau de vie) est infeacuterieur au seuil de pauvreteacute (60 du revenu meacutedian)

La fragiliteacute professionnelle entraicircne des niveaux de revenus des meacutenages nettement infeacuterieurs

aux moyennes geacuteneacuterales Et ces situations sont devenues preacutedominantes dans les grands

ensembles Au milieu des anneacutees 1990 si lrsquoon divise lrsquoensemble des revenus des meacutenages en

quatre quartiles on trouve dans le premier 47 des meacutenages situeacutes dans les quartiers en

politique de la ville repreacutesentant 32 du parc HLM Effectivement dans les ZUS en 1997

selon lrsquoenquecircte drsquooccupation sociale du secteur HLM la moitieacute des meacutenages avait un revenu

infeacuterieur agrave un SMIC net pour une personne (et agrave 15 SMIC pour un couple avec enfant) et 18

beacuteneacuteficiaient des minima sociaux (Peillon 2001) Dans certains quartiers comme agrave la

Grande-Reacutesidence (Lens) pour un quart des meacutenages lrsquoensemble des prestations sociales

repreacutesentent plus de 60 des revenus et plus de la moitieacute des meacutenages est peu ou prou

deacutependante de lrsquoaide sociale dans un grand nombre de quartier

La tension eacutetant maximale lors des cycles positifs drsquoactiviteacute eacuteconomique puisque ceux-ci ne

profitent que peu aux meacutenages des quartiers geacuteographiquement et socialement eacuteloigneacutes de

leur accegraves Ce qui ne manque pas drsquoaccroicirctre le sentiment drsquoexclusion des habitants des

quartiers face au regard deacutesapprobateur pointant lrsquoincapaciteacute de trouver du travail pour les

habitants du reste des villes Les frustrations sociales lieacutees agrave lrsquoaccroissement des ineacutegaliteacutes

sociales augmentent aussi quand la richesse des villes se traduit dans des ameacutenagements de

qualiteacute qui ne beacuteneacuteficient pas aux quartiers De mecircme la deacutefiance envers les institutions

scolaires srsquoeacutetend avec les efforts demandeacutes par elles qui ne sont pas reacutecompenseacutes certains

jeunes justifient ainsi leur entreacutee dans la deacuteviance deacutelinquante La deacuteconnexion consommeacutee

entre lrsquoeacuteconomie et lrsquoemploi fait que le travail et la formation deviennent eacutetrangers agrave la culture

urbaine sectorielle des quartiers de grand ensemble Lrsquoexpeacuterience drsquoeacutechecs accumuleacutes induit

des effets psychologiques sur laquo lrsquoestime de soi raquo et la capaciteacute de deacuteveloppement personnel

alors mecircme que les valeurs des classes moyennes (reacuteussite individuelle confort mateacuteriel

eacuteleveacute) sont partageacutees mais inaccessibles pour les meacutenages paupeacuteriseacutes

343343

En 2006 la situation de proportion importante de pauvreteacute des meacutenages srsquoest maintenue voire

accentueacutee (Chevalier Lebeaupin 2010) ils sont 58 en ZUS agrave ecirctre non imposeacutes contre 38

dans leurs uniteacutes urbaines drsquoappartenance Leurs revenus moyens annuels sont infeacuterieurs agrave

19 000 euro contre 29 527 euro dans les agglomeacuterations drsquoappartenance Ce qui montre bien que les

communes de grands ensembles sur la base de celles eacutetudieacutees dans lrsquoeacutechantillon constitueacute

dans la partie empirique ont des situations globalement proche des ZUS qui reste des zones

deacutelimiteacutees pour le faible niveau richesse de leur population en 2008 Les Ulis (20 786 euro)

Pierrelatte (19 187 euro) et Rillieux-la-Pape (21 924 euro) deacutepassaient leacutegegraverement ce niveau de

revenu moyen de 19 000 euro deacutefini pourtant deux ans auparavant et Fareacutebersviller (13 418 euro)

Behren-legraves-Forbach (13 073 euro) Mourenx (16 915 euro) et Bagnols-sur-Cegraveze (18 981 euro) sont

encore en-dessous

Par ailleurs selon le seuil conventionnel de pauvreteacute en 2005 de 650 euro par mois (par uniteacute de

consommation) les meacutenages pauvres situeacutes sous ce seuil sont presque deux fois plus

nombreux au sein des ZUS (32 des locataires du parc social des ZUS) que dans le reste du

parc social (18 ) Ce qui montre que la marginaliteacute sociale concerne davantage les zones

drsquohabitat selon la morphologie des grands ensembles plutocirct que le seul statut aideacute du

logement de type HLM Un autre signe de paupeacuterisation croissante des habitants des grands

ensembles est que en 2006 la part des meacutenages en mobiliteacute reacutesidentielle depuis cinq ans est

plus faible dans les ZUS que dans les restes des espaces urbains et surtout dans les parcs

locatifs priveacutes (518 contre 632 )

Ces caracteacuteristiques socio-eacuteconomiques eacutevoquent une dualisation urbaine croissante en termes

de deacuteseacutequilibres entre diffeacuterents espaces reacutesidentiels des aires urbaines Sur le plan

sociodeacutemographique les populations preacutesentent eacutegalement des fortes diffeacuterences entre zones

de grands ensembles devenues sensibles et reste des agglomeacuterations Elles ont neacuteanmoins

peu eacutevolueacute entre 1999 et 2006 (Chevalier Lebeaupin 2010) toujours plus de jeunes mecircme

si la surrepreacutesentation des moins de 6 ans et des moins de 20 ans est moins forte et toujours

plus drsquoimmigreacutes avec 175 drsquoeacutetrangers 102 de franccedilais par acquisition et 222

drsquoimmigreacutes soit deux fois plus que dans lrsquoensemble de la population Cette configuration de

rupture avec les espaces urbains environnant existait deacutejagrave anteacuterieurement au deacutebut des

anneacutees 1960 48 des habitants des ZUS avaient moins de 20 ans contre 34 en moyenne

nationale (Clerc 1967)

Agrave Viry-Chacirctillon par exemple 965 de la population avait moins de 40 ans et lrsquoacircge

moyen eacutetait de 33 ans Au deacutebut des anneacutees 1990 les tendances se retrouvent malgreacute les

344344

345345

eacutevolutions nationales et locales diverses (Peillon 2001) dans lrsquoensemble 33 des habitants

ZUS ont moins de 20 ans contre 265 au niveau national 40 agrave Borny (Metz) 46 agrave

Lille-Sud 50 agrave Castellane (Marseille) En Icircle-de-France alors qursquoils repreacutesentent 26 de

la population reacutegionale ils sont 35 dans les quartiers prioritaires et 48 agrave la Pierre-

Collinet (Meaux) De leur cocircteacute les personnes acircgeacutees de plus de 65 ans sont toujours en plus

faible proportion dans les anneacutees 1960 seuls 4 ont plus de 65 ans contre 12 en

moyenne nationale en 1990 9 en moyenne dans les quartiers prioritaires contre 15 de

moyenne nationale Les plus de 60 ans ne sont que 7 dans lrsquoancienne ZUP de Vaulx moins

de 4 aux Tarterecircts (Corbeil) et 25 agrave la Rose-des-Vents (Aulnay-sous-Bois)

Concernant la population eacutetrangegravere elle est du triple en quartiers prioritaires par rapport agrave la

moyenne nationale degraves 1990 (183 contre 63 ) En prenant les seuls eacutetrangers hors Union

europeacuteenne le rapport est de 1 agrave 35 (14 contre 41 ) Les chiffres sont extrecircmement

variables drsquoun quartier agrave lrsquoautre (25 drsquoeacutetrangers dans les quartiers prioritaires en Icircle-de-

France contre 33 en Franche-Comteacute) Il est constateacute que plus le pourcentage drsquoeacutetrangers

est faible dans les reacutegions plus ils sont regroupeacutes dans les quartiers prioritaires Mais la

diversiteacute est plus forte encore selon les secteurs 35 agrave la Courneuve 19 agrave Argenteuil

20 agrave Orly 51 agrave Aulnay contre 15 agrave Bel-Air (Saint-Priest) Deux principaux

deacuteterminants de la seacutegreacutegation ethnique agissent drsquoune part lrsquoattribution principale des

logements aux immigreacutes tend agrave se reacutealiser dans les immeubles les plus deacutegradeacutes ougrave les

candidatures sont plus rares drsquoautre part plus globalement ils suivent lrsquoeffet de mobiliteacute

reacutesidentielle des Franccedilais drsquoascendance dans les flux de partants libeacuterant les grands

logements

Par ailleurs comme cela a eacuteteacute deacutemontreacute dans la partie drsquoanalyse sur les communes

eacutechantillonneacutees et de maniegravere plus approfondie pour Les Ulis avec la disposition de donneacutees

speacutecifiques lieacutees agrave la conduite de lrsquoobservatoire local au deacutebut des anneacutees 2000 la visibiliteacute de

la preacutesence de groupes drsquoorigine immigreacutee est toujours plus forte que la repreacutesentation qursquoen

fournit le taux de population eacutetrangegravere aux Ulis en comptant les enfants et les adultes

drsquoorigine eacutetrangegravere ayant obtenu la nationaliteacute franccedilaise la population immigreacutee (franccedilaise et

eacutetrangegravere) repreacutesente pregraves du triple de la population eacutetrangegravere Des exemples hors eacutechantillon

peuvent ecirctre eacutevoqueacutes Argenteuil qui compte 13 drsquoeacutetrangers parmi les jeunes de 18 agrave 29

ans des quartiers prioritaires et 40 agrave 45 de jeunes drsquoorigine eacutetrangegravere agrave La Courneuve on

passe de 175 agrave 48 ou 55 100

100 Variation selon les deacutefinitions retenues de laquo lrsquoorigine eacutetrangegravere raquo (Marpsat Laurent 1997)

Depuis la fin des anneacutees 1990 les donneacutees drsquoensemble sur les ZUS indiquent un changement

deacutemographique avec la croissance de la part des retraiteacutes comme cela a eacutegalement eacuteteacute eacutetudieacute

dans les communes de grands ensembles de la partie preacuteceacutedente Ce vieillissement tend agrave

eacutequilibrer les parts des moins et des plus de 40 ans Les trois causes de la surrepreacutesentation de

la jeunesse et de la sous-repreacutesentation de la vieillesse restent cependant toujours valables 1

la mobiliteacute reacutesidentielle avec lrsquoarriveacutee permanente de jeunes meacutenages 2 lrsquoimportance de

meacutenages eacutetrangers au nombre moyen drsquoenfants plus eacuteleveacute que les meacutenages franccedilais et 3 la

plus grande taille dans la majoriteacute des cas des logements faisant des grands ensembles des

structures drsquoaccueil speacutecifiques pour les grandes familles Par exemple dans le parc social

drsquoorigine des Minguettes 55 des logements sont des 4 piegraveces et plus contre 27 agrave Lyon-

Villeurbanne et 385 pour lrsquoensemble de lrsquoagglomeacuteration lyonnaise Ainsi en 1990 75

des familles des quartiers prioritaires comptent six personnes et plus contre 32 pour la

moyenne nationale En 2006 sur le plan des meacutenages familiaux les familles de cinq

personnes ou plus sont deux fois plus preacutesentes que dans les uniteacutes urbaines drsquoappartenance

(Chevalier Lebeaupin 2010) avec une part agrave 127 des meacutenages en leacutegegravere baisse depuis

1999 (138 )

Une caracteacuteristique plus reacutecente des meacutenages des ZUS est la surrepreacutesentation des familles

monoparentales Cette donneacutee est importante lorsque lrsquoon considegravere qursquoil srsquoagit du facteur

deacuteterminant de la pauvreteacute des meacutenages bien avant la perte drsquoemploi (Maurin 2002 2004)

En 1990 leur part est de 55 du nombre total de meacutenages en France meacutetropolitaine contre

freacutequemment le triple dans les grands quartiers drsquohabitat social Les situations sont tregraves

variables localement 23 et 25 dans les quartiers drsquohabitat social agrave Montluccedilon 24 agrave la

Grande-Reacutesidence (Lens) et 30 agrave la Houillegravere (Charleville-Meacuteziegraveres) Cette situation des

familles monoparentales nrsquoest pas sans conseacutequence sur la marginalisation des jeunes comme

le faible taux de scolarisation longue (au-delagrave de 18 ans) En 2006 les familles

monoparentales repreacutesentent 257 des familles des ZUS contre 158 dans leurs uniteacutes

urbaines (lrsquoeacutecart est constant depuis 1999) En 2008 les taux de familles monoparentales des

communes compareacutees dans notre recherche eacutetaient supeacuterieurs aux moyennes nationales parmi

les meacutenages et parmi les familles sauf pour Pierrelatte dont le taux eacutetait agrave peu pregraves eacutequivalent

ce qui nrsquoest certainement pas sans lien avec le fait que la part du grand ensemble dans le parc

total de logements est la plus faible de lrsquoeacutechantillon (cf chapitre VI tableau 24 p 289)

Alors que les taux sont de 85 (pour les meacutenages) et de 135 (pour les familles) en France

meacutetropolitaine ils sont de 153 et de 221 aux Ulis soit pregraves du double La ville preacutesente

346346

par ailleurs le deuxiegraveme taux le plus eacuteleveacute de couples avec enfants 362 contre 283 en

France meacutetropolitaine (+ 28 ) Ce qui constitue un aspect important de diffeacuterenciation

sociale interne au sein des Ulis plus nette que dans les autres communes de lrsquoeacutechantillon

eacutetudieacute Dans celles-ci les taux de familles monoparentales parmi les meacutenages et les familles

et le taux de couples avec enfants sont de 132 191 et 347 pour Behren-legraves-Forbach

(indiquant une diffeacuterenciation sociale assez forte eacutegalement sur ce critegravere) de 126 185

et 334 pour Rillieux-la-Pape (profil proche des deux premiegraveres) et de 106 174 et de

seulement 245 pour Mourenx

Cette derniegravere commune indique un profil un peu diffeacuterent malgreacute la preacutesence de familles

monoparentales assez nombreuses du fait de leur part relative plus forte que la moyenne

nationale (174 contre 135 ) la part des meacutenages qursquoelles repreacutesentent nrsquoest pas tregraves

eacuteleveacutee (106 contre 85 au plan national) moins du fait de meacutenages de couples avec

enfants (ne repreacutesentant que 245 seulement des meacutenages contre 283 en France) qursquoen

raison drsquoune part eacuteleveacutee de meacutenages drsquoadultes seuls en couples ou non Comme le montre le

tableau 14 de la troisiegraveme partie ces meacutenages sans enfants sont surtout constitueacutes de

personnes acircgeacutees ou retraiteacutees plutocirct que de jeunes actifs puisque la part des + 65 ans (229

) et mecircme celle des 60-74 ans (163 ) plus globalement sont les plus importantes de

lrsquoeacutechantillon et deacutepassent nettement celles de la France meacutetropolitaine (respectivement 167

et 134 )

Bagnols-sur-Cegraveze preacutesente un profil similaire avec un nombre important de personnes acircgeacutees

(214 de plus de 65 ans) qui cohabitent avec une part certes assez eacuteleveacutee de familles

monoparentales (168 contre 135 au niveau national) mais qui ne constitue qursquoune

leacutegegravere surrepreacutesentation parmi lrsquoensemble des meacutenages (105 contre 85 ) Fareacutebersviller

de ce point de vue comporte une structure proche sur le plan des parts de meacutenages et de

familles monoparentales (deacutepassant leacutegegraverement les parts nationales avec 109 et 153 )

mais la proportion de meacutenages de couples avec enfants est tregraves eacuteleveacutee deacutepassant mecircme

leacutegegraverement celle des Ulis (368 contre 362 ) Reste Pierrelatte qui preacutesente une structure

des meacutenages tregraves proche de la structure nationale (89 de part de meacutenages de familles

monoparentales 139 de part de familles monoparentales parmi les familles et 295 de

meacutenages de couples avec enfants)

Ces observations deacutemographiques srsquoajoutent aux preacuteceacutedentes pour illustrer des situations de

diffeacuterenciation sociale des espaces de grands ensembles parties de ville ou communes

complegravete avec le reste des agglomeacuterations Que signifient ces situations ou plutocirct que

347347

reacutevegravelent-elles Si des meacutenages en difficulteacutes sociales et eacuteconomiques se retrouvent

concentreacutes dans les mecircmes espaces crsquoest qursquoun mouvement srsquoexerce qui les y conduit tout en

laissant les autres espaces agrave disposition des cateacutegories plus aiseacutees

Plus preacuteciseacutement ce mouvement agrave lrsquoorigine de lrsquoaccentuation des diffeacuterences socio-spatiales

peut srsquoobserver agrave lrsquoeacutechelle fine des uniteacutes de voisinages dans lesquelles se deacuteveloppent les

relations sociales de proximiteacute et lrsquoaccegraves aux eacutequipements de socialisation aux freacutequentations

diffeacuterencieacutees selon ces voisinages et notamment les structures drsquoaccueil de la petite enfance

voire les eacutecoles pour les enfants et adolescents Eacuteric Maurin (2004) a reacutealiseacute et rassembleacute une

seacuterie de travaux sur ce thegraveme ils deacutemontent les effets et les causes du pheacutenomegravene qui en est agrave

lrsquoorigine et que nous abordons plus bas de maniegravere plus explicite la seacutegreacutegation sociale dans

lrsquoespace et lrsquohabitat urbain (cf chapitre VIII section B)

Lrsquoanalyse se base sur les enquecirctes Emploi annuelles nationales de lrsquoINSEE agrave partir drsquoun

eacutechantillon repreacutesentatif de 4 000 voisinages de 30 agrave 40 logements dans lesquels toutes les

personnes de plus de 15 ans sont interrogeacutees (choix pour le faible coucirct de deacuteplacement des

agents) La reacutepartition de chaque cateacutegorie sociale dans ces voisinages offre une mesure de la

diffeacuterenciation sociale de ces derniers et de son eacutevolution Bien que la mixiteacute soit majoritaire

dans les voisinages depuis plus de 20 ans ce qui limite la porteacutee des clivages territoriaux

apparents les mouvements drsquoagreacutegation des eacutelites sur la base de la richesse culturelle (les

diplocircmeacutes du supeacuterieur) sont croissants Lrsquoineacutegaliteacute de reacutepartition spatiale des cateacutegories

sociales est drsquoampleur importante depuis au moins le deacutebut des anneacutees 1990 Dans les

territoires deacutevaloriseacutes et eacuteviteacutes par les classes supeacuterieures et moyennes stables dans lesquels

se trouvent releacutegueacutes les meacutenages les plus en difficulteacutes sociales la concentration la plus nette

relegraveve de la pauvreteacute culturelle (absence de diplocircmes) devant la pauvreteacute eacuteconomique et

mateacuterielle car le manque de diplocircme et de qualification entraicircne les formes de pauvreteacute les

plus permanentes et les plus peacutenalisantes sur les marcheacutes reacutesidentiels

Ainsi dans les voisinages de grande couronne peacuteripheacuterique comportant des parcs drsquoHLM

importants il mesure la mise agrave distance de la pauvreteacute des cateacutegories ouvriegraveres par les classes

moyennes en mettant en eacutevidence drsquoun cocircteacute la marginalisation des zones HLM (leur

peuplement comportant des parts importantes et croissantes de cateacutegories socialement

preacutecaires) et de lrsquoautre cocircteacute lrsquohomogeacuteneacuteisation sociale du parc peacuteriurbain pavillonnaire

autour des classes moyennes et supeacuterieures En 1991 1996 et 2002 les adolescents de 15 ans

dont lrsquoun des parents est diplocircmeacute du supeacuterieur (diplocircme supeacuterieur agrave bac + 2) vivent dans des

voisinages ougrave la proportion drsquoadultes diplocircmeacutes du supeacuterieur est 35 agrave 44 fois plus forte (18

348348

238 et 229 ) que celle des voisinages des adolescents aux parents sans diplocircme du

supeacuterieur (46 54 et 65 )

Dans ce sens les donneacutees sociales reacutecentes concernant la qualification des actifs des

communes de grands ensembles eacutetudieacutees montrent que effectivement celles-ci ont des

niveaux de taux de non-diplocircmeacutes plus eacuteleveacutes que la moyenne nationale en 2008 la France

meacutetropolitaine compte 187 de non-diplocircmeacutes parmi les plus de 15 ans non scolariseacutes

contre 21 pour Bagnols-sur-Cegraveze 23 pour Les Ulis 239 pour Mourenx 25 pour

Rillieux-la-Pape 262 pour Pierrelatte et surtout 525 pour Fareacutebersviller et 557 pour

Behren-legraves-Forbach (cf chapitre VI tableau 25 p 290)

Ce qui ne signifie cependant pas que les populations dans leur ensemble soient faiblement

qualifieacutees Par exemple aux Ulis le taux de diplocircmeacutes agrave un niveau supeacuterieur agrave bac + 2

(156 ) deacutepasse la moyenne nationale (124 ) Crsquoest eacutegalement vrai pour les diplocircmes de

niveau bac + 2 (115 pour la France contre 132 pour Les Ulis) et le baccalaureacuteat ou le

brevet professionnel (156 contre 161 ) Cette commune semble assez isoleacutee dans

lrsquoeacutechantillon eacutetudieacute puisque les autres communes ont toutes des parts infeacuterieurs agrave la moyenne

nationale sur ces trois niveaux de diplocircme les plus eacuteleveacutes mecircme si crsquoest tregraves proche pour

certaines comme Bagnols-sur-Cegraveze qui preacutesente 155 de deacutetenteurs du baccalaureacuteat ou du

brevet professionnel 104 drsquoun bac + 2 et 99 drsquoun diplocircme supeacuterieur agrave bac + 2

Rillieux-la-Pape et Pierrelatte sont un peu dans cette situation (sauf que Pierrelatte compte

moins de la moitieacute de diplocircmeacutes supeacuterieurs agrave bac + 2 par rapport au niveau national 52

contre 124 )

Ainsi sur ce plan de la structure culturelle de la population (au regard du niveau de

qualification indiqueacutee par les diplocircmes obtenus) Les Ulis est la seule commune qui preacutesente

une heacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute assez nette au regard des normes nationales en associant plus de

populations sans diplocircme moins de cateacutegories faiblement diplocircmeacutees (487 pour Les Ulis

contre 575 en France meacutetropolitaine) et davantage de diplocircmeacutes du supeacuterieur Toutes les

autres communes sont plus homogegravenes agrave des degreacutes divers forte homogeacuteneacuteiteacute agrave

Fareacutebersviller et Behren-legraves-Forbach avec 95 des actifs non et faiblement diplocircmeacutes (dont

pregraves de 55 de non-diplocircmeacutes et pregraves de 40 de faibles qualifications) et pregraves de 5

seulement de diplocircmeacutes de niveaux bac + 2 et plus (contre pregraves de 24 en France) et

homogeacuteneacuteiteacute plus relative pour Rillieux Bagnols Pierrelatte et Mourenx qui comptent entre

20 et 26 de non-diplocircmeacutes et 56 agrave 65 de faiblement qualifieacutes soit 80 agrave 90 en tout et

pregraves de 10 de diplocircmeacutes du supeacuterieur La division sociale plus nette existante aux Ulis est

349349

350350

certainement tant lieacutee agrave la segmentation du parc de logements de son grand ensemble (51

de logements HLM en 1982) qursquoau processus de releacutegation spatiale des cateacutegories non

qualifieacutees de lrsquoespace parisien dans les zones les plus deacutevaloriseacutees de son parc de logement

Sur le plan de la composition ethnique les eacutecarts sont du mecircme ordre Selon Maurin (2004)

en France meacutetropolitaine en 1991 1996 et 2002 la proportion de familles dont lrsquoun des

parents est eacutetranger est de 186 221 et 192 dans les voisinages des adolescents ayant

au moins un parent eacutetranger et de 48 41 et 46 pour ceux nrsquoayant pas de parents

eacutetrangers Lrsquoindicateur deacutepasse par endroit trois et demi fois plus que la reacutepartition eacutegale

theacuteorique Pregraves de la moitieacute des 4 000 voisinages ne preacutesentent drsquoailleurs quasiment aucun

parent eacutetranger

Cette diffeacuterence a pour origine selon lui autant la discrimination agrave lrsquoemploi et au logement

que le manque drsquoaccegraves agrave la fonction publique pouvant garantir la solvabiliteacute des meacutenages Ce

qui signifie que ce processus concerne agrave nrsquoen pas douter lrsquoensemble des cateacutegories immigreacutees

(comprenant les immigreacutes eacutetrangers et franccedilais) potentielles victimes de discrimination

ethno-raciale agrave chaque eacutetape de lrsquointeacutegration et de la participation sociale Maurin (2004)

rapporte une eacutetude de Borjas101 reacutealiseacutee aux Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique et publieacutee au milieu des

anneacutees 1990 qui montre un ordre de grandeur drsquoeacutecart de voisinage comparable les immigreacutes

de la premiegravere geacuteneacuteration ont des voisinages comportant 153 drsquoimmigreacutes de premiegravere

geacuteneacuteration soit 25 fois plus que leur part geacuteneacuterale dans la population eacutetatsunienne (57 )

Les formes extrecircmes de seacutegreacutegation spatiale ne sont donc plus speacutecifiques agrave ce dernier pays

Faiblesse des niveaux de vie et des qualifications et hausse nationaliteacute eacutetrangegravere sont les

critegraveres principaux des regroupements contraints dans les espaces urbains les plus deacutegradeacutes

dont en premier chef certains voisinages dans les parties les moins appreacutecieacutees des grands

ensembles drsquohabitat Cette eacutevolution des peuplements est tout agrave fait compreacutehensible du fait

des tregraves nombreux deacutefauts qui caracteacuterisent cet habitat drsquoEacutetat qui lrsquoont rendus de faible valeur

socio-eacuteconomique comme nous le verrons plus bas (Chapitre VIII section A)

Il est surtout important de consideacuterer que ce processus commence assez tocirct degraves le deacutebut des

anneacutees 1970 agrave Sarcelles ou aux Minguettes agrave Veacutenissieux par exemple des enquecirctes

multiples montrent des meacutenages aux consommations difficiles et aux revenus modestes par

exemple le fait que 80 des meacutenages aux Minguettes nrsquoa pas drsquoautres possibiliteacutes pour se

101 Borjas G J (1995) ldquoEthnicity Neighborhoods and Human-Capital Externalitiesrdquo The American Economic Review vol 85 ndeg 3

loger que le logement actuel illustre la reacutealiteacute des conditions des meacutenages (Peillon 2001) Ce

qui renvoie lrsquoaffirmation du caractegravere laquo moyen raquo ou encore tregraves laquo composite raquo sur le plan

social du peuplement des grands ensembles agrave un statut cognitif de mythe urbain

Ce caractegravere des peuplements initiaux ou qui ont eacutevolueacute dans ce sens drsquohomogeacuteneacuteisation

sociale sur les plans culturel eacuteconomique et de la nationaliteacute eacutetrangegravere est fondamental pour

comprendre les pheacutenomegravenes de tensions sociales qui caracteacuterisent les modes de vie dans les

grands ensembles Il est drsquoailleurs inteacuteressant de saisir pleinement la notion de peuplement

pour appreacutehender ces pheacutenomegravenes selon Giraud (2000 p 15) le peuplement laquo peut ecirctre

conccedilu comme le produit de la dynamique drsquoun ensemble de strates ldquodrsquoeacutepaisseurrdquo variable

[qursquoil nomme aussi ldquostrates drsquoitineacuterairesrdquo] depuis les plus anciennes jusqursquoaux plus reacutecentes

Ces strates sont actives dans la dynamique du milieu [reacutesidentiel] par la vitesse de leur

rotation par leur inertie par les diffeacuterentes maniegraveres drsquooccuper lrsquoespace produites au cours

du temps avant et ailleurs autant qursquoici et maintenant raquo Ces mouvements de peuplement

produisent la population reacutesidente qui peut se deacutefinir comme un ensemble socio-historique

stratifieacute complexe et diffeacuterencieacute

Lrsquoauteur use drsquoune terminologie geacuteologique et eacutecologique comme la meacutetaphore de la

laquo strate raquo pouvant renvoyer agrave la seacutedimentation dans le temps des eacuteleacutements ici humains cela

teacutemoigne de lrsquoimportance du temps dans les usages de lrsquoespace et de la vie collective de tout

eacutetablissement social Plus preacuteciseacutement ce temps est celui de lrsquoincorporation reacuteciproque de soi

agrave lrsquoespace et de lrsquoespace agrave soi aux niveaux individuel et collectif comme lrsquoeacutetymologie

grecque du mot laquo maison raquo lieu du laquo deacutepocirct de soi raquo lrsquoindique Ce processus de laquo deacutepocirct raquo

drsquoappropriation ou de familiarisation de lrsquoespace immeacutediat est complexe chaque individu

eacutevalue les composantes mateacuterielles et sociales de celui-ci selon sa position sociale et

reacutesidentielle et selon son histoire qui comporte une repreacutesentation laquo ubiquiste raquo de lrsquoespace

crsquoest-agrave-dire une meacutemoire inteacutegrant les diffeacuterents espaces reacutesidentiels occupeacutes au cours de son

itineacuteraire passeacute Crsquoest pourquoi chaque surface investie prend un sens diffeacuterent pour chaque

occupant puisqursquoil le relie agrave cette repreacutesentation meacutemorielle globale qui comporte des

connotations particuliegraveres pour chaque caracteacuteristique des espaces passeacutes Les caracteacuteristiques

de tout espace nouvellement occupeacute sont ainsi eacutevalueacutees en fonction des connotations

attacheacutees aux caracteacuteristiques similaires des espaces passeacutes

Ainsi lrsquoeacutevolution des peuplements par une dynamique de peuplement des voisinages de plus

en plus homogegravene sur les critegraveres culturels socio-eacuteconomiques et de nationaliteacute combineacutes agrave

351351

de tregraves fortes heacuteteacuterogeacuteneacuteiteacutes sur drsquoautres plans (acircge activiteacute situation familiale revenus

culture drsquooriginehellip) nrsquoest pas sans influence sur le deacuteveloppement de rapports de voisinage

tendus et de conduites personnelles violentes lieacutees agrave des pratiques transgressives mais aussi

subversives Ces problegravemes dans les relations sociales locales reacutevegravelent des difficulteacutes de deacutepocirct

de soi des habitants de reacutealisation drsquointeractions souhaitables favorables agrave leurs attentes Les

caracteacuteristiques du voisinage social ne permettent pas drsquoinvestissement et de projection

satisfaisants pour la participation et lrsquointeacutegration sociale des individus en raison des

frustrations du repli ou des conduites violentes que la partie des plus pauvres

eacuteconomiquement et culturellement expriment Crsquoest le point eacutevoqueacute dans la section suivante

2 Une ambiance laquo lourde raquo drsquohabitation

En effet malgreacute la faiblesse socio-eacuteconomique des meacutenages qui se geacuteneacuteralise les diffeacuterences

de perception de lrsquoespace de la part des meacutenages et donc de leur usage sont tregraves variables

deacutependant de leurs caracteacuteristiques socio-deacutemographiques et culturelles multiples Elles

changent drsquoailleurs avec la rotation importante de lrsquooccupation des logements ce qui rend

justement les usages de cohabitation difficiles Mais ces difficulteacutes de cohabitation se

traduisent par une ambiance de laquo lourdeur raquo lieacutee moins au gigantisme des constructions qursquoau

poids des laquo signes de fermeture aux habitants de lrsquoespace physique et social raquo pour reprendre

la terminologie de Michel Giraud (2000)

Ces signes sont multiples promiscuiteacute interne dans les bacirctiments drsquohabitation collective

exposition brutale dans le vide des espaces et contrainte drsquoadaptation agrave la rigiditeacute du bacircti agrave

la diversiteacute changeante continue du voisinage ainsi qursquoaux difficulteacutes sociales multiples

drsquoun grand nombre de meacutenages dont les problegravemes persistants de la violence dans les

relations sociales avec notamment la deacutelinquance et les inciviliteacutes des jeunes en difficulteacutes

familiales et sociales Lrsquoimage neacutegative de ces zones drsquohabitat par accumulation des signes

de tensions renforce en retour les freins agrave des dynamiques relationnelles satisfaisantes agrave

lrsquointeacuterieur des quartiers drsquohabitation et hors de ceux-ci dans les autres parties de lrsquoespace

environnant

Ce paragraphe aborde les problegravemes du veacutecu drsquohabitation dans les grands ensembles lieacutes agrave

leur eacutetat mateacuteriel agrave la population reacutesidente et au mode drsquooccupation reacutesidentielle que geacutenegraverent

leurs caracteacuteristiques spatiales et mateacuterielles Quels que soient leurs formes ces problegravemes

352352

produisent une ambiance commune agrave tous les lieux preacutesentant les mecircmes caracteacuteristiques Les

deacutefauts conceptuels et constructifs des espaces agrave lrsquoorigine en partie de cette eacutevolution sociale

sont plus speacutecifiquement abordeacutes dans le chapitre VIII infra car consideacutereacutes comme

deacuteterminants dans ces problegravemes ayant abouti agrave la deacutevalorisation-stigmatisation des grands

ensembles Il est plutocirct abordeacute ici ce que repreacutesente pour les individus lrsquohabitation en

immeuble de grand ensemble pour en identifier les principales difficulteacutes ayant constitueacute les

premiers motifs de leur critique

En premier lieu se manifeste la promiscuiteacute dans les espaces internes et externes des

immeubles collectifs Celle-ci est drsquoabord lieacute tant agrave des cloisons sonores drsquoappartements et de

couloirs qursquoau vide des espaces collectifs inteacuterieurs et exteacuterieurs agrave lrsquohabitat mecircme si des

habitants drsquoappartements voisins partagent les caracteacuteristiques sociales et culturelles la

perception auditive et visuelle permanente et contrainte des actes quotidiens les plus intimes

de ceux-ci dans le deacuteroulement de sa propre vie personnelle est une source de tensions tregraves

forte sur le plan psychologique et des relations de voisinage Elle eacutetait drsquoailleurs la principale

source de deacutenigrement des grands ensembles par les jeunes meacutenages de classes moyennes au

deacutemarrage des grands ensembles Porositeacute des cloisons et vide des espaces limitent les usages

de lrsquohabitat imposent ce que Michel Giraud (2000) deacutenomme une laquo flexure de soi raquo crsquoest-agrave-

dire une contrainte drsquoadaptation ici agrave la diversiteacute des modes drsquohabiter drsquoautrui mecircme lorsque

les valeurs morales et les pratiques sont proches

Dans ce sens drsquoautres proprieacuteteacutes spatiales et physiques de lrsquohabitat renforcent ce deacutefaut de

confort primordial en contrariant la perception drsquoune image positive uniformiteacute spatiale et

fonctionnelle rigiditeacute structurelle et reacuteplication des parties Ces caracteacuteristiques contribuent

mecircme avec la promiscuiteacute intense au risque drsquoune laquo perte de soi raquo selon Giraud (2000)

crsquoest-agrave-dire une alieacutenation des personnes de leur identiteacute qui srsquoexplique par la dissolution de

la conscience lieacutee agrave lrsquoeffacement des traces du passeacute que geacutenegravere la gecircne de lrsquoexposition intime

et brutale aux autres il devient en effet dans cette situation difficile de mobiliser des

ressources mentales qui se trouvent dans la meacutemoire des habitations passeacutees pour se creacuteer un

mode de vie adapteacute aux caracteacuteristiques preacutesentes de lrsquohabitat

Lrsquoeacutechec de laquo lrsquoincrustation spatiale du soi raquo selon Michel Giraud crsquoest-agrave-dire de

lrsquoappropriation personnelle des lieux et qui est le symptocircme de la laquo maladie des grands

ensembles raquo vient aussi en raison de lrsquoextrecircme difficulteacute agrave se connecter avec la diversiteacute des

caracteacuteristiques sociales et culturelles des voisins avec leurs multiples modes drsquoecirctre dans

lrsquoespace et leur relation agrave autrui La difficulteacute de mise en relation est drsquoautant plus frustrante

353353

que le rapport sensible aux autres est tregraves eacuteleveacute en raison non seulement de la promiscuiteacute

geacuteneacuteraliseacutee qursquoaccroicirct la compaciteacute ou la densiteacute des habitants drsquoun mecircme grand bacirctiment

(voire de plusieurs immeubles proches) Car la densiteacute de copreacutesence augmente le nombre de

situations de promiscuiteacute et de difficulteacutes relationnelles

De surcroicirct lrsquointensiteacute particuliegravere des rotations drsquooccupation des appartements compliquent

en les empecircchant de se deacuteployer les processus relationnels qui consistent en une

laquo qualification et une identification de soi et drsquoautrui raquo selon Giraud autrement dit agrave laquo faire

connaissance raquo Ces rotations drsquooccupants complexifient drsquoailleurs lrsquointeacutegration locale par la

surcharge de lrsquohistoire des lieux sous lrsquoeffet de lrsquoaccumulation dense des signes de preacutesence

des diffeacuterentes cohortes drsquohabitants passeacutes Les grands ensembles constituent en effet des

carrefours drsquoitineacuteraires tregraves volumineux et eacutevolutifs dans lrsquoespace et le temps Le

rapprochement social en leur sein est alors complexe en raison de la difficulteacute de mobilisation

adeacutequate et opportune de ses propres repegraveres rencontreacutes dans drsquoautres milieux drsquohabitation

Giraud (2000) deacutefinit drsquoailleurs chaque milieu comme un point de convergence drsquoune

population drsquoorigine varieacutee qui contraint les individus par ses formes ses densiteacutes de

logements et drsquohabitants et ses dispositions spatiales agrave composer avec autrui En effet chacun

deacutepose dans lrsquoespace sa preacutesence physique son identiteacute sociale et ses attitudes qui sont autant

de signes sociaux du temps dans lrsquoespace pour comprendre les logiques de penser et drsquoagir de

lrsquoespace Les conflits et les tensions sont alors lieacutes agrave cette juxtaposition drsquoitineacuteraires contrasteacutes

qui est agrave lrsquoorigine de la densiteacute des laquo signes inadeacutequats au deacutepocirct de soi raquo (nuisances

inciviliteacutes incompreacutehensions violence) Ces signes de non appropriation possible constituent

le sens de la laquo lourdeur raquo drsquoun milieu Ils en signifient sa non-appartenance

Crsquoest drsquoailleurs assez tocirct que les diffeacuterences de modegraveles culturels de sociabiliteacute entre

cateacutegories sociales sont apparues comme un obstacle contre de lrsquoideacuteologie de lrsquoarchitecture

laquo moderne raquo promouvant la formation de couches urbaines nouvelles rassemblant les diverses

cateacutegories sociales (Peillon 2001) les comportements moins privatiseacutes et de socialisation

plus intense chez les ouvriers ne conviennent pas agrave la distance et agrave la seacutelectiviteacute des cateacutegories

moyennes Drsquoougrave des problegravemes relationnels et des conflits drsquousage et drsquoappropriation des

espaces collectifs engendrant un retrait des familles et le rejet de lrsquoexteacuterieur Le brassage

contraint suscite des tensions plus que des eacutechanges et un enrichissement reacuteciproque La

preacutesence des jeunes dans les espaces communs exacerbe en conflits plus ou moins ouverts ces

problegravemes

354354

Crsquoest pourquoi les repreacutesentations et les pratiques des quartiers drsquohabitation (positives ou

neacutegatives) sont eacutetroitement lieacutees agrave lrsquoeacutetat drsquoadeacutequation des personnes avec lrsquoespace crsquoest-agrave-

dire agrave leur inteacutegration dans celui-ci ou encore agrave leur participation agrave sa densiteacute sociale ou

morale au sens durkheimien (agrave sa coheacutesion sociale dirait-on aujourdrsquohui) Ecirctre en adeacutequation

avec lrsquoespace signifie ecirctre en coheacuterence avec autrui ecirctre inscrit dans la densiteacute relationnelle

drsquoun milieu Celui-ci est cependant laquo lourd raquo (Giraud 2000) lorsqursquoil nrsquoy a pas de

multipliciteacute drsquointensiteacute et de diversiteacute possibles drsquointeractions sociales puisque les autres sont

perccedilus en tant que laquo non soi raquo les eacutechanges avec eux sont alors faibles du fait de barriegraveres de

limitation des rapprochements restreignant laquo lrsquoeacutetendue spatiale et sociale de soi raquo

Lrsquoimpossibiliteacute de trouver des formes adapteacutees drsquousage et drsquooccupation du milieu a des effets

psychologiques neacutegatifs (neacutevroses anxieacuteteacutehellip) Le manque de laquo jeux raquo et drsquolaquo ouvertures raquo de

lrsquoenvironnement et du peuplement influe sur lrsquoeacutetat psychologique et moral des personnes Ce

qui renforce la dynamique de changement du peuplement avec de nombreux deacuteparts vers des

milieux plus ouverts Dans ce sens les deacutemeacutenagements ne sont pas uniquement motiveacutes par

un deacutesir de trajectoire reacutesidentielle ascendante vers de nouveaux espaces attractifs Ils

procegravedent aussi drsquoune crainte sur le devenir de soi et des siens au sein de milieux perccedilus

comme inaptes agrave assurer durablement lrsquoavenir de soi et des jeunes geacuteneacuterations mecircme parmi

ceux qui se sont suffisamment approprieacutes les lieux et qui en perccediloivent les entiteacutes

diffeacuterencieacutees et ajustables agrave soi Il eacutemerge alors un sentiment de menace identitaire avec la

domination quantitative dans lrsquoespace de cohortes de reacutesidents preacutecaires qui engendrent une

uniformisation qualitative du milieu Eacuteric Maurin (2002 2004) a confirmeacute cet effet reacuteel et

repreacutesenteacute du voisinage sur les destins individuels motivant les conduites de seacutegreacutegation

reacutesidentielle de la part des cateacutegories les plus aiseacutees

Il importe de souligner que lrsquoeacutevaluation de la qualiteacute de lrsquoespace local par chaque individu

toujours veacutecu de maniegravere utopique et uchronique (Giraud 2000) est reacutealiseacutee autant agrave lrsquoaune

de son adeacutequation agrave ses projets et agrave ses attentes sociales qursquoen fonction de repreacutesentations

produites au fil de lrsquoexpeacuterience accumuleacutee dans les autres contextes drsquohabitation passeacutes

Quelque soit lrsquoacircge et le motif drsquoune implantation reacutesidentielle le passeacute socio-spatial contribue

agrave appreacutehender de maniegravere toute particuliegravere les eacuteleacutements drsquoun nouvel espace drsquohabitation

(physiques sociaux culturelshellip) en tant que signes et indices multiples de significations

eacutelaboreacutees subjectivement en fonction de ressources cognitives deacuteveloppeacutees dans le temps

Ces eacuteleacutements sont compareacutes agrave des laquo reacutefeacuterents raquo selon une nomenclature plus ou moins

explicite repreacutesentant une qualification optimale de lrsquoespace Lrsquoensemble des eacutevaluations

355355

drsquoindices aboutit agrave sentir une convergence ou une divergence de soi avec lrsquoespace (accord ou

deacutesaccord avec la situation optimale de reacutefeacuterence) Ainsi tout reacutesident deacuteveloppe une activiteacute

ineacutegale drsquoajustement de lrsquoespace agrave soi et de soi agrave lrsquoespace selon un capital de ressources

variables et des motivations diverses Ceci est drsquoailleurs pour Giraud (2000) la cleacute de

compreacutehension du mode de vie urbain des tensions et conflits qui en deacutecoulent et de

lrsquoeacutepuisement psychologique parfois de la reacutealisation spatiale de soi

Puisque les multiples objets environnants sont lieacutes chez chacun par une logique unitaire en

deacutereacutealisant lrsquounivers trivial du grand ensemble et en en reacuteveacutelant sa porositeacute les repegraveres

personnels de chaque individu ne peuvent ne pas ecirctre compatibles et les diffeacuterents modes

drsquoappropriation de lrsquoespace peuvent geacuteneacuterer laquo des conflits et des tensions drsquoitineacuteraires raquo

(Giraud 2000) La diversiteacute des modes de fermeture au et du milieu (blindage des portes

occultation de coursives cloisonnement des galeries fragmentation des bacirctis

laquo reacutesidentialisation raquo confinement craintif dans lrsquoespacehellip) deacutevoile les craintes

drsquoantagonismes latents et menaccedilants agrave partir drsquoune forte sensibiliteacute agrave la densiteacute des indices de

preacutesence proche drsquoitineacuteraires divergents Le sentiment drsquoinseacutecuriteacute repose drsquoailleurs aussi sur

la sensation larveacutee de cette divergence drsquoitineacuteraires constitutive drsquoune sensibiliteacute aux signes

drsquoeacutetrangeteacute

La perception diffeacuterentielle des signes de convergence et de divergence entre les personnes et

leur entourage qui modegravele la qualification et lrsquoappropriation de lrsquoespace par chaque reacutesident

est drsquoabord lieacutee au mode de reacutepartition de la population et donc de chacun des types

drsquoitineacuteraires par paliers immeubles et quartiers Crsquoest cette perception subjective drsquoun

contexte particulier de proximiteacute sociale qui conditionne un mode drsquoecirctre au milieu ie

lrsquointensiteacute de son appropriationdeacutepossession qui est drsquoautant plus favorable que les

laquo ouvertures raquo de connexion de soi aux autres et agrave lrsquoespace sont plus nombreuses Cette

disposition de lrsquoespace vis-agrave-vis drsquoune relation agrave soi eacuteclaire la signification de lrsquoexpression

laquo le sens de lrsquoespace raquo Elle exprime la perception claire qursquoa lrsquoindividu des indices qursquooffre

lrsquoespace de sa relation possible avec ses eacuteleacutements Giraud (2000 p 371) deacutefinit drsquoailleurs le

quartier de cette maniegravere laquo lieu (de peacuterimegravetre et de densiteacute sociale variable) ougrave est focaliseacutee

la perception la plus distinctive de lrsquoespace selon les indices repreacutesenteacutes comme significatifs

de lrsquointerconnexion des lsquosignes eacutecologiquesrsquo drsquoautrui avec soi-mecircme au quotidien raquo

Concregravetement trois domaines sont sources drsquoantagonisme dans les relations de voisinage

(Lapeyronnie 2008) 1 les modegraveles drsquoeacuteducation des parents (suivi plus ou moins important

des conduites juveacuteniles) 2 lrsquoeacutetat de propreteacute et la qualiteacute de lrsquoentretien des parties communes

356356

et des espaces publics (souci plus ou moins net de la propreteacute pour les visiteurs et la

coexistence imposeacutee) et 3 les modes de vie qui diffegraverent aussi en fonction des rythmes lieacutes

au travail effectif ou non des individus (deacutecalages pour les heures de coucher et de lever

usage bruyant du palier ou de la cage drsquoescalier) ce qui pose des problegravemes dans les

bacirctiments agrave isolation phonique meacutediocre Plus globalement les rapports de cohabitation se

nouent agrave partir du registre imaginaire au travers de jeux drsquoidentification positive ou neacutegative

et non sur les seules occurrences drsquointeractions veacutecues Crsquoest pourquoi par exemple des

familles en difficulteacutes aux parents seacutepareacutes sans emploi reacutegulier peu qualifieacutes aux enfants

peu eacuteduqueacutes par eux-mecircmes notamment parfois quand elles sont drsquoorigine eacutetrangegravere peuvent

jouer un rocircle drsquoobjet social neacutegatif pour des meacutenages de classes moyennes et modestes

stables en devenant un indicateur de deacuteclassement social des lieux cristallisant des conduites

de rejet par refus drsquoecirctre assimileacutees agrave celles-ci

Crsquoest mecircme tout un ensemble drsquoeffets sur les usages exteacuterieurs et inteacuterieurs de lrsquohabitat qui

sont craints la deacutelinquance des jeunes et violence dans leur conduite personnelle les

difficulteacutes dans les rapports de gestion de la cohabitation (usages et entretien du bacircti et des

services conduites dans les espaces communs et priveacuteshellip) la faible image sociale du

voisinage ou encore la vacance potentielle du parc de logements lieacute au refus drsquoinstallation

dans lrsquoespace disqualifieacute Les craintes portent sur lrsquooccurrence de pratiques sapant lrsquoordre

civil preacutedominant et la cohabitation sociale notamment par les enfants en ce qui concerne

lrsquoeacutetat physique de lrsquohabitat et lrsquousage des espaces exteacuterieur et inteacuterieur et surtout par des

jeunes garccedilons auteurs de nombreux incidents deacutegradations multiples jeux bruyants squats

encombrants de halls mais parfois aussi vandalisme affrontements avec la police

intimidations et agressions trafics divershellip

En fait les problegravemes psychosociologiques de cohabitation se sont amplifieacutes agrave mesure que la

preacutesence de familles pauvres et preacutecaires srsquoest accrue avec les problegravemes de vols de

deacutegradation et de violence multiples qursquoils peuvent geacuteneacuterer La crise socio-eacuteconomique ouvre

la voie agrave lrsquoilleacutegaliteacute pour combler la scission entre travail et ressources peacutecuniaires mais aussi

agrave lrsquoeffacement des interdits et des regravegles de civisme avec une rupture de communication

jeunesadultes Les agacements se sont transformeacutes parfois en inquieacutetudes en frictions en

conflits voire en affrontements multiples pouvant alimenter une heacuteteacuterophobie

Par exemple le sentiment drsquoinseacutecuriteacute srsquoest fortement deacuteveloppeacute (Rocheacute 1993

Khosrokhavar 2000 Peillon 2001 Robert 2002) autant en raison de la hausse des faits

reacuteels drsquoinseacutecuriteacute (comportements incivils deacutesordres agressions volshellip) que de la hausse de

357357

la fragiliteacute reacuteelle et perccedilue par les individus de leurs caracteacuteristiques personnelles (physique

mentale sociale professionnelle et eacuteconomique) ndash et donc de leur fragiliteacute perccedilue face agrave la

violence Crsquoest aussi vrai pour ceux qui perccediloivent un abandon de lrsquoenvironnement par

drsquoautres habitants et les institutions Dans ce sens les personnes acircgeacutees en raison de la

fragiliteacute accrue de leur condition physique et parfois mentale inteacuteriorisent lrsquoinseacutecuriteacute au-delagrave

du niveau de laquo violence moyenne raquo que perccediloivent les autres reacutesidents

Par exemple le tableau 16 du chapitre VI (p 193) rapporte une enquecircte aupregraves de la

population en 2005 agrave Mourenx (Raffestin 2005) qui indique que 34 des personnes

interrogeacutees (selon une meacutethode aleacuteatoire par aire drsquoun eacutechantillon stratifieacute) se disent

preacuteoccupeacutees (un peu ou beaucoup) par le manque de seacutecuriteacute dans leur quartier contre 13

enregistreacute au niveau national par lrsquoObservatoire national de la deacutelinquance Crsquoest dans un

quartier que ce sentiment est le plus aigu (45 ) ougrave plus de la moitieacute des enquecircteacutes sont des

retraiteacutes et ougrave la correacutelation avec le fait drsquoavoir eacuteteacute victime ou teacutemoin drsquoactes de deacutelinquance

au cours des 12 derniers mois est pourtant moins forte que dans les cinq autres quartiers de la

ville

Puisque cela constitue un thegraveme central des difficulteacutes sociales associeacutees aux grands

ensembles il peut ecirctre abordeacute les raisons de la hausse des faits drsquoinseacutecuriteacute en leur sein Dans

un contexte de laquo galegravere raquo ie de situation drsquoattente drsquointeacutegration sans perspectives lieacute agrave la

deacutestructuration du monde ouvrier et pousseacutes par des familles deacutefaites ou en difficulteacutes

eacuteducatives (Lapeyronnie 2008) certains des jeunes surtout errent et se retrouvent entre

pairs dans des bandes fugitives en divers points de lrsquoespace local qursquoils srsquoapproprient

(groupes hieacuterarchiseacutes selon les acircges et diffeacuterencieacutes parfois selon les sous-parties de lrsquoespace et

les groupes ethniques) Ils peuvent srsquoengager dans des conduites asociales transgressives et

contestatrices en usant de la violence interpersonnelle pour imposer leur respect mutuel

Lrsquoappartenance agrave un collectif fonctionnant sur le mode de lrsquointerconnaissance leur donne la

force drsquoimposer dans lrsquoespace public leurs activiteacutes et leur mode de comportement

Trois facteurs de la deacutelinquance persistante de jeunes peuvent ecirctre rapporteacutes 1 des

difficulteacutes familiales et lrsquoinadaptation de modegraveles eacuteducatifs parfois complaisants avec les

pratiques deacutelinquantes 2 lrsquoespace urbain avec des lieux inanimeacutes indiffeacuterencieacutes et mal geacutereacutes

(dalles parking impasses espaces libres non surveilleacutes favorables aux comportements

deacutelictueux) 3 lrsquoinadaptation de la reacuteponse policiegravere traditionnelle centreacutee sur des opeacuterations

deacutemonstratives laquo coup de poing raquo non seacutelectives renforccedilant le sentiment anti-policier la

logique drsquoaction est plus axeacutee sur la grande criminaliteacute et la contestation politique menaccedilant

358358

lrsquoordre public que sur lrsquoeacutelucidation de la petite deacutelinquance (Mucchielli 2001 Montjardet

1999 Mohammed Mucchielli 2007) Souvent drsquoailleurs ce sont bien la deacutelinquance

persistante et la perception drsquoimpuniteacute pour des laquo petits deacutelits raquo classeacutes sans suite qui

suscitent le rejet et la volonteacute drsquoeacuteloignement de ces zones ougrave le sentiment de

laquo pourrissement raquo de lrsquoambiance preacutedomine

La deacutelinquance et la violence de certains jeunes en difficulteacutes srsquoinscrivent dans des contextes

locaux drsquoanomie de contestation de la seacutegreacutegation sociale et raciale parfois et drsquoinversion des

normes de hieacuterarchie et de relation sociales Dans lrsquoespace public crsquoest la norme de lrsquo laquo argent

facile raquo qui peut ecirctre promue avec les trafics de drogue et autres et les vols et cambriolage Il

faut aussi percevoir les conduites drsquoautoritarisme eacuteducatif et lrsquoinstauration de hieacuterarchies

laquo traditionnelles raquo entre les sexes (infeacuteriorisation par controcircle des conduites deacutesexualisation

des apparences et enrocirclement dans les tacircches meacutenagegraveres) et entre les acircges que les tenues

religieuses rendent visibleshellip Ces normes constituent une reacuteaction agrave la disqualification

sociale et agrave la menace identitaire voire agrave lrsquoeffectiviteacute de la deacutecheacuteance des personnes exclues

notamment celles drsquoorigine immigreacutee Ce contexte de segmentation sociale et morale et de

lutte pour lrsquoimposition de normes inverses agrave celles de la socieacuteteacute favorisent alors le

deacuteveloppement des violences interpersonnelles Hugues Lagrange (1995) a montreacute que degraves le

deacutebut des anneacutees 1990 lrsquoinseacutecuriteacute est quatre agrave cinq fois plus eacuteleveacutee dans les ZUS que dans

les autres quartiers urbains la violence en zone pauvre est huit agrave neuf fois plus eacuteleveacutee qursquoen

zone riche et les viols et les drogues deux fois plus Le plus souvent drsquoailleurs les victimes

sont pauvres eacuteprouvent les mecircmes sentiments drsquoinjustice et drsquoabandon que les auteurs et ont

une moindre reacuteactiviteacute que les riches (plainte assurance protection seacutecurisation) (Robert

2002)

Cependant tous les habitants et notamment tous les jeunes ne sont pas dans cette mecircme

logique Certains inteacuteriorisent et accumulent des frustrations qui peuvent entraicircner des

reacuteactions violentes alors qursquoils eacutetaient jusqursquoalors sans agressiviteacute particuliegravere Drsquoautres

encore suivent une voie de retrait dans une identiteacute communautaire de distanciation et de

rationalisation de leur eacutechec drsquointeacutegration sociale aggravant parfois le malaise dans les

relations avec la population franccedilaise (pratiques laquo traditionalistes raquo religieuses et

deacutemonstrativeshellip) Le refuge intellectuel culturel moral et affectif dans des groupes et des

pratiques communautaires en quecircte de modegraveles diffeacuterents de comportements pour faciliter

leur insertion est compreacutehensible mais elle comporte neacuteanmoins un risque drsquoenfermement

culturel et social

359359

Dans lrsquoensemble les conduites juveacuteniles relatives agrave lrsquoexclusion socio-eacuteconomique subie

renforcent le stigmate des quartiers drsquohabitat au deacutetriment des adultes eacutevoluant

individuellement dans les espaces locaux Ces eacuteleacutements alimentent le registre des relations

intergeacuteneacuterationnelles sur lrsquousage de certains espaces marquant lrsquoimage du quartier Le plus

souvent lrsquoincapaciteacute drsquoagir des plus fragiles comme les retraiteacutes les femmes ou les autres

individus isoleacutes entraicircne une forme drsquo laquo individualisme passif raquo encourageant les auteurs de

violence agrave poursuivre leurs meacutefaits Et contre leur greacute ils en sont socialement laquo punis raquo en

eacutetant rejeteacutes dans les rapports sociaux avec le reste des habitants des villes (exclusion du

travail et des activiteacutes sociales meacuteprishellip) De plus la meacutediatisation sur la violence amplifie

leur crainte de celle-ci

Ainsi le thegraveme des conflits de cohabitation repeacutereacutes degraves le cours des anneacutees 1960 au sein des

premiers grands ensembles traduit la manifestation multiforme de tensions aigueumls dans les

rapports sociaux reacutesidentiels (Chamboredon Lemaire 1970) Une dynamique neacutegative des

relations sociales traduit la laquo mal-cohabitation raquo crsquoest-agrave-dire une laquo cohabitation peacutenible et

malaiseacutee raquo entre ceux qui sont laquo dissemblables et meacutelangeacutes raquo selon les mots de Jean-Claude

Kaufmann (1983 p 93) Les deacutesordres qursquoils reacutevegravelent et la crainte qursquoils suscitent coupent

encore plus ces milieux de lrsquoexteacuterieur puisque la ville comme espace public et organisation

collective apparaicirct incapable drsquoy apporter seacutereacuteniteacute et tranquilliteacute La violence constitue ainsi

une norme dans des contextes ougrave le peuplement antagonique nrsquoest pas compenseacute par une

localisation spatiale positive des liens directs avec lrsquoactiviteacute eacuteconomique un nombre et une

qualiteacute confortable drsquoeacutequipements fonctionnels une gestion adapteacutee et efficace de lrsquohabitat

ou encore des repreacutesentations sociales positives de lrsquoespace dans lrsquoensemble urbain plus large

Les deacuteviances individuelles les replis identitaires les frustrations accumuleacutees les tensions et

les violences personnelles multiples expriment des situations drsquoeacutecart par rapport agrave la socieacuteteacute

et drsquoaffaiblissement des normes collectives dans les rapports sociaux familiaux et de

voisinage Les institutions de controcircle de preacutevention de reacutegulation et drsquoeacuteducation ne

parviennent pas agrave atteacutenuer ces pheacutenomegravenes qui continuent voire srsquoaggravent comme cela est

abordeacute plus bas aussi parce que les actions entreprises nrsquoen atteignent pas les meacutecanismes

originaires reacuteels Quoiqursquoil en soit jusqursquoici la concentration drsquoune grande partie de situations

individuelles preacutecaires constitue de ce fait un laquo puissant facteur de deacutesinteacutegration sociale et

drsquoexclusion collective raquo des occupants (Peillon 2001) Et dans un contexte de deacuteclin

symbolique et social drsquoimage de deacutecheacuteance et de marginaliteacute sociale preacutedominante tous les

360360

jeux de deacutemarcation et de deacutefausse du discreacutedit des plus pauvres et preacutecaires sont alors

possibles

Avec le temps les deacutefauts formels et mateacuteriels des grands ensembles les usages et les modes

de vie marqueacutes par les tensions et la violence dans les grands ensembles ont constitueacute par leur

constance et leur freacutequence des traits communs drsquoune cateacutegorie drsquolaquo ambiance urbaine raquo

particuliegravere pour reprendre lrsquoexpression de Lyliane Voyeacute (2002) Sa repreacutesentation srsquoest assez

rapidement diffuseacutee drsquoune part en raison de la proximiteacute des expeacuteriences sociales

individuelles et collectives de leur pratique et de leur observation directe ou meacutediatiseacutee et

drsquoautre part sous lrsquoeffet des mecircmes sentiments affectifs susciteacutes comme la crainte la

meacutefiance voire la compassion ou la reacutevolte Lrsquoambiance est une notion utile pour qualifier

des territoires agrave partir des interactions et des pratiques qursquoils comportent

Plus preacuteciseacutement lrsquoambiance est selon Voyeacute (2002) une laquo modaliteacute transitoire de vie sociale

supposant un support temps crsquoest-agrave-dire un moment privileacutegieacute drsquoexpression un support

espace crsquoest-agrave-dire un lieu speacutecifique drsquoexpression en permettant le repeacuterage et la

diffeacuterenciation une gamme plus ou moins eacutetendue drsquoactiviteacutes distinctes mais productrices

lrsquoune pour lrsquoautre drsquoeacuteconomies externes une certaine densiteacute de population pouvant ecirctre

rassembleacutee sans contraintes sans formalisation et sans neacutecessairement un but deacutefini mais

entrant dans des relations drsquointensiteacute de types divers tout ceci geacuteneacuterant une connotation

affective positive ou neacutegative et eacutetant soutenu par une composition spatiale particuliegravere

favorisant le deacuteveloppement drsquoun sentiment drsquoappropriation et drsquoautonomie drsquoautant plus fort

qursquoil peut srsquoinscrire sur un fond combinant agrave des degreacutes divers anonymat et seacutecuriteacute raquo

Autrement dit lrsquoambiance drsquoun lieu est lieacutee aux moments et aux modaliteacutes des activiteacutes

collectives diverses qui srsquoy manifestent et auxquelles prennent part des populations aux

profils speacutecifiques Cette approche confirme lrsquointeacuterecirct heuristique de la notion drsquo laquo effet de

milieu raquo crsquoest-agrave-dire drsquoinfluence des choses et des personnes socialement produites sur les

comportements sur les possibiliteacutes drsquointeraction de reacutealisation de soi de participation et

drsquointeacutegration agrave la vie sociale en geacuteneacuterale et agrave celle du secteur concerneacute en particulier De ce

fait les eacuteleacutements eacutevoqueacutes plus hauts concernant la lourdeur des milieux de grands ensembles

(promiscuiteacute intense et eacutetendue deacutegradations mateacuterielles nombreuses divergence

preacutedominante des itineacuteraires et des conduites spatiales et sociales importante de lrsquoinseacutecuriteacute

lieacutee agrave la deacuteviance deacutelinquante des jeunes) constituent une description drsquoambiance neacutegative

pour les habitants

361361

La forte densiteacute des problegravemes multiples faisant obstacle aux relations des individus avec leur

environnement institue un mal-ecirctre des occupants dans leur espace drsquohabitat Pour certains

crsquoest mecircme le sentiment de vivre une expeacuterience de captiviteacute dans un ghetto qui se manifeste

car lrsquoeffet drsquolaquo occlusion raquo du cocirctoiement des itineacuteraires est bien perccedilu comme lieacute agrave la

reacutegression sociale des voisins ou agrave la sienne propre Et lrsquoaffaiblissement des relations sociales

pour cette raison geacutenegravere un isolement social et une anxieacuteteacute ou une preacuteoccupation quant agrave sa

place dans la socieacuteteacute La sensibiliteacute aux diverses nuisances mateacuterielles et sociales

environnantes est alors renforceacutee Crsquoest lrsquohumeur seacutegreacutegative variable et instable eacutevoqueacutee

par Cyprien Avenel (2001)

Plouchard (1999) a mesureacute lrsquoeffet de cette fragilisation sociale agrave travers lrsquoeacutetude des

dynamiques associatives dans les grands ensembles Agrave cocircteacute de ceux qui partent la plupart de

ceux qui restent deacuteveloppent des opinions neacutegatives sur leur quartier et sur les relations de

voisinage avec la hausse des habitants en difficulteacutes sociales Ces derniers ayant alors eux-

mecircmes en partie des repreacutesentations et des pratiques de sociabiliteacute neacutegatives et reacuteduites ce qui

traduit lrsquoeffet drsquoalourdissement des milieux eacutevoqueacute par Giraud (2000) il srsquoagit drsquoune laquo force

polymorphe raquo deacutetestable qui apparaicirct agrave travers de multiples signes qui srsquoaccumulent et se

dressent comme autant drsquoobstacles agrave la relation de soi des individus avec le monde que cela

soit dans les rapports sociaux les usages de lrsquoespace mateacuteriel ou le comportement des autres

dans les espaces communs

Cette laquo lourdeur raquo du milieu deacutepend alors globalement de lrsquoattitude des autres vis-agrave-vis de soi

des modaliteacutes et du sens des dynamiques de relations sociales preacuteexistantes et des qualiteacutes

drsquousage de lrsquoespace physique local Les blattes les bruits externes et internes aux immeubles

les odeurs drsquourines et meacutenagegraveres les comportements deacuterangeants ou incompreacutehensibles et

bien sucircr les deacutegradations multiples des lieux de lrsquohabitat constituent autant de signes de

lrsquoespace en tant que lieu drsquoabandon de paupeacuterisation voire de releacutegation sociale Bien que la

sensibiliteacute aux nuisances multiples soit variable selon les individus de lrsquoabsence de prise en

compte du fait drsquoune harmonie avec ses propres pratiques (sonores culinaires

relationnelleshellip) agrave la perception aigueuml de leur densiteacute ces signes symbolisent une barriegravere

au deacutepocirct sur lrsquoespace des eacuteleacutements de lrsquohistoire personnelle pour favoriser son appropriation

Avec lrsquoinstabiliteacute des composantes sociales des grands ensembles (des strates de peuplement)

ce contexte reacutesidentiel impose un laquo stress reacutesidentiel raquo selon Giraud crsquoest-agrave-dire une intensiteacute

particuliegravere drsquoeffort de reacutealisation spatiale de soi effort variable selon la morphologie et la

362362

dynamique de peuplement du milieu et surtout selon lrsquoeacutenergie et des ressources disponibles

des habitants accumuleacutees ailleurs et dans drsquoautres temps

Un poids suppleacutementaire limitant les relations des habitants agrave leur espace habiteacute est la

reacuteputation mauvaise de celui-ci (Dulong et Paperman 1992) Sa fonction est lrsquoinformation sur

la qualiteacute drsquoambiance des espaces urbains agrave des fins de guidage des mobiliteacutes spatiales mais

aussi des interactions sociales Lorsqursquoelle est deacutevalorisante elle constitue un handicap

suppleacutementaire agrave la reacutealisation de soi dans et hors les grands ensembles puisque les habitants

endossent lrsquoimage homogegravene et dense en signes neacutegatifs de leur espace malgreacute la diversiteacute de

ces lieux internes aux attributs variables et parfois positifs Chaque individu a alors le choix

de diffeacuterentes maniegraveres drsquoecirctre au milieu drsquohabitation relieacutees agrave des perceptions oscillant entre

lrsquohomogeacuteneacuteiteacute globalement neacutegative de celui-ci et des distinctions plus fines La laquo reacutealisation

spatiale de soi raquo (Bordreuil 2000) peut donc varier entre une attitude critique et deacutenigrante

lieacutee agrave une perception homogegravene du milieu (se rapprochant ainsi du pheacutenomegravene de la

reacuteputation) et justifiant une volonteacute de le quitter et une appropriation des lieux associeacutee agrave une

repreacutesentation nuanceacutee de lrsquoespace en de multiples entiteacutes diffeacuterencieacutees (chaque uniteacute ayant

un sens particulier) selon la preacutesence ou non de signes drsquoadeacutequation ou de nuisances pour soi

On retrouve ici dans un type drsquoespace urbain particulier avec son ambiance et les conduites

drsquoadaptation de ses habitants le facteur social originel des pheacutenomegravenes de seacutegreacutegation

sociale la rivaliteacute symbolique dans les rapports sociaux accrue dans un contexte de preacutecariteacute

eacuteconomique et sociale (Clavel 1999) Les jeux de deacutefausse sur les cateacutegories de reacutesidents

jugeacutees responsables de la deacutegradation mateacuterielle sociale et symbolique des lieux et les

reacuteactions de fermeture dans les rapports sociaux de voisinage traduisent un processus social

drsquoenfermement symbolique de lrsquoespace dans une position deacutevaloriseacutee Ce processus est lieacute au

rapport social global drsquoexclusion symbolique des plus faiblement qualifieacutes qui se traduit par

divers pheacutenomegravenes de seacutegreacutegation Cette situation ne survient pas sans contexte axiologique

favorable celui drsquoune socieacuteteacute libeacuterale portant les logiques drsquoindividualisme de distinction et

de compeacutetition sociale au-dessus des valeurs de protection et drsquointeacutegration sociales Ce qui

rend difficile drsquoatteacutenuer de reacuteguler voire de supprimer les pheacutenomegravenes seacutegreacutegatifs Le

paragraphe suivant illustre cet effet de dispositions et de moyens structurels des institutions

sociales insuffisants pour juguler les pheacutenomegravenes de ce type et leurs effets probleacutematiques

363363

3 Des institutions laquo deacutepasseacutees raquo par les difficulteacutes et la violence

Un des angles drsquoanalyse peu abordeacutes par les sociologues au sujet des secteurs en tensions

mais plus souvent eacutevoqueacute non seulement par les habitants mais aussi par de multiples

observateurs non scientifiques (acteurs politiques et administratifs surtout) est celui des

actions institutionnelles et collectives (associatives souvent) face aux demandes nombreuses

drsquoaide et de soutien social Le volume de ces derniegraveres dans les grands ensembles les rend

depuis longtemps impossibles agrave honorer et entraicircne les pouvoirs publics agrave produire un flux

incessant de mesures et de dispositifs divers visant agrave ameacuteliorer la situation des laquo quartiers

sensibles raquo Les eacutechecs continus tendent agrave mettre en cause le niveau des moyens engageacutes sans

aborder les objectifs et la meacutethode Car dans la rencontre entre les populations domineacutees et

releacutegueacutees et les institutions eacutetatiques et les services publics se manifeste lrsquoerreur de diagnostic

de la crise drsquointeacutegration des territoires marginaliseacutes (Tissot 2007) erreur des reacuteformateurs

sociaux politiques et savants ayant initieacute et conduit la politique du deacuteveloppement social

urbain avec lrsquoaide des modernisateurs des services et de lrsquoorganisation de lrsquoEacutetat pour qui la

manifestation spatiale des problegravemes sociaux induit des reacuteponses localiseacutees drsquointeacutegration par

de lrsquoanimation sociale en visant le laquo reacutetablissement du lien social dans les quartiers raquo comme

remegravede principal des processus drsquoexclusion sociale pourtant diagnostiqueacutes (Tissot 2007)

Occultant les leviers structurels sur le plan juridique et politique pour agir sur les

probleacutematiques centrales des cateacutegories ouvriegraveres chocircmage et sous-emploi logement

eacuteducation formation et qualification professionnelles protection sociale contre les

licenciements et face aux seacuteparations familiales discrimination agrave lrsquoemploi ils agissent

impuissants en renouvelant peacuteriodiquement des thegravemes prioritaires drsquoaction appliqueacutes sur des

territoires locaux (lien social seacutecuriteacute adaptation des services reacutehabilitationhellip) selon les

mecircmes modaliteacutes (projets locaux concerteacutes avec la population partenariat eacutevaluationhellip) et

malgreacute lrsquointensiteacute et la diversiteacute des problegravemes individuels et collectifs qui deacutepassent toujours

la porteacutee des diffeacuterentes actions mises en place

Agrave titre illustratif nous avons choisi de prendre en compte les teacutemoignages reacutealiseacutes par deux

maires dans la deuxiegraveme moitieacute des anneacutees 2000 concernant leur expeacuterience dans des

communes embleacutematiques de la probleacutematique urbaine (Veacutenissieux agrave la peacuteripheacuterie lyonnaise

et Clichy-sous-Bois dans la reacutegion parisienne) distinctes des communes de lrsquoeacutechantillon

eacutetudieacute dans la partie empirique preacuteceacutedente Ces responsables publient un reacutecit drsquoexpeacuterience

bien documenteacute qui eacutevoque la difficulteacute des problegravemes sociaux deacutebordants sujet rapporteacute deacutejagrave

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depuis pregraves de trente ans dans la sphegravere politico-administrative par divers travaux officiels

comme celui au deacutebut des anneacutees 1980 du maire de Grenoble Hubert Dubedout (1983) ou

celui une deacutecennie plus tard du haut fonctionnaire Jean-Marie Delarue (1991) Quelles

formes et caracteacuteristiques prennent alors les problegravemes sociaux dans ces deux communes de

grands ensembles depuis leur construction jusqursquoau milieu des anneacutees 2000

Le premier teacutemoignage pris en compte concerne Veacutenissieux (58 000 habitants troisiegraveme ville

du Rhocircne) Son maire de longue date Andreacute Gerin (2007) rappelle que la ville srsquoest

fortement transformeacutee avec la construction des Minguettes plateau agricole ameacutenageacute pour

une laquo ville nouvelle raquo dans les anneacutees 1950 et comportant maintenant 35 000 habitants avec

7 200 logements sociaux 11 gestionnaires drsquohabitat social et huit quartiers En 1981 des

eacutemeutes les premiegraveres les plus meacutediatiseacutees de lrsquohistoire urbaine contemporaine se

soulevegraverent dans les huit quartiers des Minguettes (avec par exemple 16 voitures brucircleacutees dans

le quartier Monmousseau) Vingt-cinq ans plus tard apregraves des anneacutees de deacuteveloppement

incessant de la violence les eacutemeutes laquo des nuits de novembre 2005 raquo ont atteint un

paroxysme 500 agrave 800 voitures ont brucircleacute Et cela continue En 2006 il en est compteacute 400 dont

116 en octobre et novembre pour lrsquoanniversaire des eacutemeutes de 2005 Dans toute la ville

rapporte lrsquoeacutelu en 2007 chaque nuit une voiture brucircle et sur le plateau des Minguettes le

caillassage des pompiers et de la police est quotidien Les eacutemeutes ont en fait eacuteteacute continues en

2006 dans cette zone urbaine tous les jours agrave chaque fois dans un des huit quartiers Des

inscriptions racistes anti-blancs se lisent dans toute la ville De 1995 agrave 2007 (en 12 ans) 2 800

voitures ont brucircleacute Le maire ajoute que cette dramatique situation existe malgreacute la deacutemolition

de 17 tours entre 1983 et 1985 pourtant livreacutees en 1974 seulement Il y voit le reacutesultat du

deacuteveloppement de la laquo paupeacuterisation sociale morale et culturelle raquo de la population depuis les

anneacutees 1980 engendrant de fortes laquo tensions sociales ethniques et politiques raquo

Au sentiment drsquoeacutemeute continue srsquoajoute un sentiment de laquo deacutepassement raquo des capaciteacutes

drsquoaction et drsquo laquo asphyxie raquo de la vie quotidienne locale avec une omnipreacutesence dans celle-ci

de lrsquoinseacutecuriteacute pour une majoriteacute drsquohabitants conflits de voisinage insultes et destructions de

boites aux lettres bris de glaces crevaisons de pneus vols de radios et incendies de voitures

deacuteteacuteriorations drsquoascenseurs poubelles brucircleacutees jets de pierre contre la police les bus et les

pompiers trafics de drogue drsquoobjets voleacutes et autre eacuteconomie souterraine importants Les

inciviliteacutes et les atteintes aux personnes (violences rackets) et agrave la paix publique (tapage

sonore squats drsquoespaces de passage outrages aux agents drsquoautoriteacute) sont nombreuses Chaque

jour dans les collegraveges des rackets des actes drsquohumiliation et des petits trafics sont reacuteveacuteleacutes

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Certains meacutedecins ne pratiquent plus dans la ville toute entiegravere et plusieurs magasins ne

livrent pas dans certains quartiers Cette situation de forte deacutegradation sociale a produit une

image neacutegative qui concerne lrsquoensemble de Veacutenissieux En fait si les Minguettes repreacutesentent

60 de la population de Veacutenissieux crsquoest mecircme toute la ville avec les quartiers hors des

Minguettes qui connaissent des manifestations eacuteleveacutees de deacutelinquance et drsquoinseacutecuriteacute ainsi

que des slogans drsquoordre politique sous forme de graffitis anti-blancs et anti-policehellip La

remarque de Paul Clerc (1967) au laquo deacutemarrage raquo des grands ensembles concernant la place et

le rocircle des jeunes dans les dynamiques urbaines en circulant dans toutes les parties des

agglomeacuterations drsquoappartenance prend ici tout son sens mecircme si crsquoest de nos jours les

transgressions et les actes de violence sociale apparaissent plus eacuteleveacutes qursquoau milieu des

anneacutees 1960

De son cocircteacute Claude Dilain (2006) est maire de Clichy-sous-Bois drsquoougrave deacutemarrent les eacutemeutes

nationales de 2005 apregraves la mort par eacutelectrocution de deux jeunes fuyant la police agrave leurs

trousses La commune comprend 28 000 habitants dont 50 ont moins de 25 ans et pregraves de

35 drsquoeacutetrangers Le grand ensemble de 15 000 habitants environ est la partie clichoise de la

zone Grand ensemble de Clichy-Montfermeil (commune voisine) construite sur le plus haut

plateau du deacutepartement de Seine Saint-Denis agrave la fin des anneacutees 1950 et transformant le

village de 5 000 habitants en ville de 25 000 habitants 70 de la population de la commune

est en ZUS La ville est eacuteloigneacutee de Paris priveacutee drsquoaccegraves par autoroute ndash preacutevue mais jamais

construite et de transport en commun direct puisque le reacuteseau ferreacute eacutetait penseacute comme

deacutepasseacute par lrsquoessor de lrsquoautomobile

Le Grand ensemble a eacuteteacute reacutealiseacute selon les modaliteacutes standards agrave lrsquoeacutepoque rapiditeacute

drsquoexeacutecution sans projet de ville refusant toute reacutefeacuterence haussmannienne agrave la rue et aux

trottoirs au beacuteneacutefice drsquoespaces incertains et enfin preacutepondeacuterance drsquoune urbanisation par

quartier en privatisant les voiries (appartenant aux bailleurs sociaux ou aux coproprieacuteteacutes) au

deacutetriment drsquoune ville de type traditionnel Une spirale de deacutegradation srsquoest tregraves vite instaureacutee

tant dans les groupes drsquoimmeubles de logements sociaux que dans les grandes coproprieacuteteacutes de

500 agrave 800 logements du fait des charges importantes drsquoeacutequipements communs et drsquoespaces

collectifs

En effet lrsquoaccroissement de la preacutecariteacute eacuteconomique des meacutenages a entraicircneacute un deacutefaut

drsquoentretien et de maintien des reacutesidences meacutenage moins fait ampoules moins changeacutees

ascenseurs non reacutepareacuteshellip Ce qui a instaureacute une spirale de deacutegradation implacable les

habitants voyant les deacutegradations arrecirctent de payer et quittent les lieux le plus souvent en

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vendant mecircme parfois agrave perte (moins-value) agrave des plus pauvres et moins exigeants sur la

qualiteacute de lrsquoespace collectif une qualiteacute de vie meacutediocre srsquoinstaure alors pour les habitants

avec de nombreuses pannes drsquoascenseurs un deacutefaut de gardiennage et des boicirctes aux lettres

endommageacutees ce qui produit un effet de coupure de relation avec les administrations

Globalement une majoriteacute de Clichois est mal logeacutee avec des sur-occupations de logements

traduisant des besoins importants de logements (700 demandeurs pour 60 logements libres par

an en mairie 250 enfants environ par an heacutebergeacutes agrave scolariser)

Enfin et surtout le maire signale la faible vie sociale lieacutee selon lui agrave trois causes drsquoabord

des comportements influenceacutes par la logique contraignante de quartier deacutelimitant lrsquoespace

public local sans espace public de ville preacutedominant et entraicircnant le repli dans les

appartements surtout par les familles investissant dans la reacuteussite scolaire de leurs enfants

ensuite la preacutesence nombreuse agrave lrsquoexteacuterieur drsquoenfants et drsquoadolescents sans parents

commettant des inciviliteacutes en impuniteacute ainsi que de jeunes adultes oscillant entre convivialiteacute

et hostiliteacute et parlant bruyamment sous les fenecirctres des habitants enfin le deacuteveloppement de

lrsquoimmigration modifiant les modes de vie collective dans les quartiers et suscitant

lrsquoindiffeacuterence voire le rejet par rapport aux festiviteacutes traditionnelles de la ville (deacutefileacute de

chars par exemple)

Il eacutevoque drsquoailleurs des pratiques troubles dans ce domaine des pheacutenomegravenes drsquoappropriation

communautaire de parties drsquoimmeuble (familles de mecircme origine) qui incitent parfois au

deacutepart de meacutenages drsquoascendance franccedilaise par des troubles de jouissance volontaires voire un

laquo racisme anti-blanc raquo faisant comprendre qursquoils ne sont plus chez eux En outre des activiteacutes

de marchands de sommeil srsquoy sont deacuteveloppeacutes (reacuteveacuteleacutes par une enquecircte drsquoun grand quotidien)

comme dans drsquoautres zones de HLM drsquoailleurs qui consiste agrave lrsquoachat agrave bas prix

drsquoappartements avec location chegravere agrave des familles nombreuses immigreacutees irreacuteguliegraveres sans

ressources officielles non eacuteligibles au logement social Un pheacutenomegravene drsquoentassement des

pauvres dans des conditions drsquoexploitation se deacuteveloppe donc

Sur le plan de lrsquoinseacutecuriteacute il rapporte les problegravemes lieacutes la deacutelinquance dans le cadre du trafic

et de la consommation de drogue occupation agressive de halls drsquoimmeubles vandalisation

des boicirctes aux lettres des ascenseurs des eacuteclairages et des compteurs eacutelectriques ou agrave gaz

rendant la vie impossible aux habitants Drsquoautant plus que la population jeune est nombreuse

(14 000 ont moins de 25 ans) Il critique par ailleurs le taux de laquo deacutelinquance classique raquo

(vols agressions trafic de stupeacutefiants) preacutesenteacute comme infeacuterieur agrave la moyenne

deacutepartementale et agrave celle du Raincy (commune voisine) mais qui reste une mauvaise

367367

traduction de la reacutealiteacute avec des faits non rapporteacutes comme la petite deacutelinquance ou les

laquo inciviliteacutes raquo arrecirct long en double file appropriation drsquoun hall pour le squat prolongeacute et

bruyant avec deacutegradation de celui-ci et engendrant des rapports parfois tendus avec les

habitants avec menaces et repreacutesailles sur les voitures et les boicirctes aux lettres tapage

nocturne et diurne du fait de discussions fortes et tardives de maniegravere reacutepeacuteteacutee et dans

plusieurs lieux deacutepocircts de deacutetritus multiples et varieacutes en continu sur la voie publique gacirctant

lrsquoespace public et ternissant son image comportements agressifs et insultants accompagneacutes

drsquoun sentiment drsquoimpuniteacute avec usages des motos cross et de quads extrecircmement bruyants

dans les zones pieacutetonniegraveres et sur les pelouses agrave proximiteacute des logements ou dans les parcs

urbains

Le tout sans oublier les relations policejeunes qui sont tendues drsquoun cocircteacute une police

controcirclant tregraves largement et qui se trouve parfois victime drsquoinsultes et de violence par jets de

pierres mais qui est parfois insultante envers les jeunes dont ils ne distinguent pas les

deacutelinquants des autres et de lrsquoautre cocircteacute des jeunes qui mecircme srsquoils nrsquoont rien agrave se reprocher

deacuteveloppent des propos anti-policiers du fait du laquo harcegravelement raquo parfois subi De ce fait les

deacutelinquants vivent souvent impuneacutement dans les quartiers et les policiers y sont mal reccedilus

mecircme par les laquo honnecirctes gens raquo Ce qui constitue des conditions drsquoun affrontement et drsquoune

deacutefiance reacuteciproque permanents avec une tension montante facilement une deacutelinquance

impunie et des reacuteponses judiciaires jugeacutees souvent insuffisantes Agrave lrsquoinstar de la situation

deacutecrite par son homologue de Veacutenissieux le problegraveme principal tant de la deacutelinquance que

des problegravemes sociaux entre individus est moins leur graviteacute que leur reacutepeacutetition continue

Ainsi crsquoest un sentiment de submersion que ressentent les habitants et les acteurs avec des

problegravemes multiples nombreux et continus Les agents de socialisation (professeurs

travailleurs sociaux eacuteducateurs commerccedilants membres drsquoassociations ou simples adultes

habitants) sur le terrain vivent un eacutetat de deacutepassement de leurs capaciteacutes drsquoaction en raison de

la quantiteacute de jeunes violents ce que deacutecrit Jean-Marie Delarue en 1991 dans son rapport

Banlieues en difficulteacutes la releacutegation commandeacute pour deacutefinir les contours drsquoune politique de

la ville adapteacutee aux problegravemes de terrain Agrave partir drsquoune enquecircte aupregraves de deacutecideurs

politiques locaux et de professionnels du deacuteveloppement social lrsquoanalyse des deacutesordres

probleacutematiques qui est eacutetablie est deacutejagrave la mecircme que celle des maires quinze ans plus tard

Les jeunes violents sont eux-mecircmes en difficulteacute victimes de nombreuses tensions

sociales dont les problegravemes familiaux en premier chef ce qui nrsquoest pas sans lien avec les

eacutechecs dans les principales sphegraveres de socialisation et drsquoinsertion que sont lrsquoeacutecole et le travail

368368

Les situations familiales en cause sont les seacuteparations et les tensions conjugales les difficulteacutes

drsquoemploi des parents leurs difficulteacutes non seulement eacuteducatives mais aussi pour les parents

immigreacutes ou autochtones peu cultiveacutes drsquoacculturation aux valeurs et aux normes sociales Le

souci est que deacutejagrave deacutepasseacutes par le niveau des interventions agrave reacutealiser les habitants impliqueacutes

ont eacuteteacute de moins en moins nombreux avec les effets de la mobiliteacute reacutesidentielle et de la crise

eacuteconomique Le deacutepart des plus fortuneacutes et parfois des plus anciens signifie une disparition

des laquo meacutemoires raquo et une limitation des ressources de mobilisation possible Les nouveaux

habitants parfois plus pauvres sont incapables faute de connaissances neacutecessaires et souvent

non deacutesireux de srsquoimpliquer

Par ailleurs le rapport de J-M Delarue (1991) rappelle les premiegraveres leccedilons des

reacutehabilitations et mecircme des reacutenovations urbaines des anneacutees 1980 elles accentuent la

deacutevitalisation sociale en augmentant les loyers devenus non supportables par les meacutenages ne

touchant pas les APL crsquoest-agrave-dire surtout les plus acircgeacutes (les laquo meacutemoires des quartiers raquo) qui

deacutecident alors de quitter les lieux Les meacutenages remplaccedilants du fait notamment du beacuteneacutefice

des aides au logement sont alors moins capables et disposeacutes agrave srsquoimpliquer dans leur nouveau

quartier Le deacuteclin associatif signe de la reacuteduction de la dynamique sociale locale traduit

drsquoailleurs lrsquoeacutemergence drsquoune impuissance sociale agrave influer sur les relations sociales agrave

deacutevelopper des activiteacutes socialisantes et un cadre de vie seacutecure de quartier

Crsquoest dans ce sens que les quartiers ont une incapaciteacute croissante agrave socialiser les jeunes sur

les plans eacuteducatif de leur formation ou encore du controcircle de leur deacuteviance (trafic inciviliteacutes

deacutelinquance) Cette incapaciteacute agrave faire face de la part drsquoacteurs restants suscite souvent

deacutecouragement et baisse des enthousiasmes En outre les projets deacutefinis selon des objectifs

externes agrave leur veacutecu par les nouveaux professionnels du laquo deacuteveloppement local raquo ou du

laquo deacuteveloppement social urbain raquo geacutenegraverent un sentiment de deacutepossession de leur destin qui

accentue leur deacutemobilisation et lrsquoimpuissance collective locale

Cette section a montreacute la nature des nombreuses difficulteacutes et tensions sociales dans les zones

de grands ensembles et que les services institutionnels et les organismes drsquoaction sociale ne

suffisent pas agrave reacutesoudre emploi eacuteducation et formation professionnelle accegraves au logement

adapteacute problegravemes sanitaires et sociaux des familles et des enfants sans oublier la seacutecuriteacute

lieacutee agrave la deacutelinquance des jeunes En raison des reacutealiteacutes des difficiles situations sociales drsquoune

partie croissante des habitants des grands ensembles et notamment leur pauvreteacute culturelle et

eacuteconomique les modes de vie y sont particuliegraverement tendus par la violence des rapports

sociaux de voisinage Ces probleacutematiques ne peuvent se confondre avec une difficulteacute agrave faire

369369

communauteacute (lien social local entre voisins) ou faire socieacuteteacute (lien social avec les institutions

et les structures drsquointeacutegration sociales des villes) de la part de personnes nrsquoayant pas de souci

personnel drsquointeacutegration par ailleurs comme le sous-entend les objectifs des promoteurs de la

politique de deacuteveloppement social des quartiers

La section suivante de ce chapitre aborde plus speacutecifiquement les approches conceptuelles

permettant de qualifier cette eacutevolution sociale multidimensionnelle Cette situation qui

apparaicirct bien reacutepandue dans lrsquoensemble des territoires de grands ensembles de mecircme

cateacutegorie morphologique et historique comporte des principes explicatifs premiers lieacutes agrave la

persistance du chocircmage de masse notamment des cateacutegories ouvriegraveres et agrave leur releacutegation

spatiale dans des espaces urbains Ces principes permettant de penser les eacutevolutions sociales

similaires constateacutees dans les grands ensembles y compris ceux doteacutes drsquoun appareil

administratif communal autonome selon un mecircme type de processus social drsquoensemble qui

peut porter des deacutenominations diffeacuterentes selon lrsquoeacutechelle territoriale drsquoobservation la

ghettoiumlsation des zones drsquohabitat au sens de lrsquoaggravation des situations des usages et des

modes de vie des habitants dans leur espace drsquohabitation sous lrsquoeffet de la preacutecariteacute sociale et

des politiques contraignante du logement ou encore le deacuteclin social pour les territoires plus

larges et plus eacutequipeacutes que sont les communes

B- laquo Ghettoiumlsation raquo des espaces et des conduites sociales un processus affectant les

zones de grands ensembles

Ainsi les grands ensembles les plus deacutegradeacutes et notamment les ZUS sont des espaces de

regroupement principal de personnes et de meacutenages en difficulteacutes sociales (chocircmeurs

meacutenages pauvres en deacutefaut drsquoeacuteducationqualification ou de santeacute) en 2006 leur preacutesence est

pregraves du double par rapport au reste de leurs agglomeacuterations ou du territoire national et mecircme

pregraves de 25 fois plus importante que dans les zones urbaines sans ZUS ou les zones rurales

(Chevalier Lebeaupin 2010) Les effets de ces regroupements ont une double dimension sur

les plans spatial et social qui se rejoignent souvent mais peuvent aussi diverger par exemple

lorsque des conduites violentes ou anomiques drsquohabitants se manifestent dans divers espaces

hors grands ensembles ou autres zones de releacutegation spatiale en lien avec leur mobiliteacute

geacuteographique

370370

Cette section srsquoappuie sur divers analyses et deacutebats drsquointerpreacutetation concernant les processus

sociaux deacuteterminant les situations sociales des grands ensembles deacutecrites plus haut les

termes de laquo ghettoiumlsation raquo et de ghetto sont eacutevoqueacutes pour deacutesigner tant un processus social

dans des espaces qursquoun type de conduite sociale adopteacutee par moment par des habitants

subissant ce processus ces deux dimensions se deacutecrivent et se comprennent de maniegravere

eacutetroitement lieacutee mecircme si cela nrsquoest pas toujours systeacutematique Des signes voire des

indicateurs de cette orientation conceptuelle sont rapporteacutes agrave titre illustratif avec les donneacutees

sociales recueillies pour chaque commune de grands ensembles eacutetudieacutee dans la partie

empirique preacuteceacutedente Dans cette veine il est proposeacute en fin drsquoanalyse une deacutenomination

nouvelle de la manifestation de ce processus de deacutegradation agrave lrsquoeacutechelle des communes de

grands ensembles le deacuteclin social urbain

1 Un processus structurel la laquo ghettoiumlsation des ghettos raquo traditionnels

et des espaces marginaliseacutes

En 2006 44 millions de personnes vivent dans les ZUS soit 7 de la population de France

meacutetropolitaine Si cette population est globalement en diminution depuis 1990 et entre 1999

et 2006 avec une baisse de 23 dans les 717 ZUS meacutetropolitaines ce nrsquoest pas le cas en Icircle-

de-France Languedoc-Roussillon Aquitaine Provence-Alpes-Cocircte drsquoAzur (PACA) et Corse

en raison de la forte augmentation de la population totale dans ces reacutegions La hausse du

nombre de personnes par logement y est drsquoailleurs sensible sauf en Aquitaine Cette

explication de la hausse deacutemographique dans certaines ZUS par lrsquoeacutevolution du contexte

reacutegional atteacutenue ainsi lrsquointerpreacutetation socio-urbaine du rejet massif des populations pauvres

dans les ZUS

Neacuteanmoins le pheacutenomegravene de laquo tassement raquo socio-spatial des plus pauvres dans les grands

ensembles nrsquoest pas tout-agrave-fait agrave eacutecarter puisque une hausse de la part des grandes familles

srsquoy observe malgreacute une part relative plus faible drsquoappartements de grande taille (supeacuterieurs agrave 4

piegraveces) par rapport aux restes des agglomeacuterations Plus globalement les donneacutees montrent

que les pheacutenomegravenes de diversification et drsquointensification des problegravemes sociaux se

manifestent dans les espaces marginaliseacutes en raison davantage de lrsquoaccroissement des

meacutenages en difficulteacutes que de la deacutemographie dans son ensemble Crsquoest donc bien ce

processus drsquoaccumulation des groupes de reacutesidents en difficulteacutes qui geacutenegravere un pheacutenomegravene de

ghettoiumlsation des espaces concerneacutes

371371

372372

Lrsquoaccroissement des problegravemes sociaux dans les grands ensembles est constateacute en de

multiples points sur le plan national et international Par exemple une eacutetude de la preacutefecture

de la reacutegion Nord-Pas-de-Calais publieacutee en 1993102 a deacutemontreacute que plus une zone cumule des

difficulteacutes sur un nombre important de critegraveres plus le niveau de difficulteacute attacheacute agrave chacun

de ces critegraveres est important (Peillon 2001) Cette situation se retrouve mecircme agrave des eacutechelles

plus petites comme celle des communes avec les quartiers ou reacutesidences qui les composent

Aux Ulis par exemple la premiegravere partie monographique de la thegravese a rapporteacute cette

correacutelation entre le cumul des indicateurs de preacutecariteacute sociale et eacuteconomique (difficulteacutes de

paiement de loyers et de cantine scolaire deacutelinquance chocircmage et preacutecariteacute eacuteconomique

tensions de voisinagehellip) et les niveaux de graviteacute de lrsquoun ou de plusieurs de ceux-ci ce qui

donne lrsquoimpression drsquoun effet spirale ou plutocirct drsquoun effet drsquointensification des problegravemes dans

lrsquoespace social local

Pour rappel la commune se divise en deux parties territoriales distinctes lrsquohabitation de la

commune agrave lrsquoouest et la zone drsquoactiviteacute de Courtabœuf agrave lrsquoest Dans la partie habitation

deux secteurs sont les theacuteacirctres reacuteguliers de manifestation nombreuse et aigueuml des difficulteacutes

sociales le secteur Ouest dont les six reacutesidences de groupes drsquoimmeubles collectifs et un

foyer de travailleurs constituent la ZUS de la ville et le secteur NordNord-est composeacute de

trois reacutesidences formant le second secteur prioritaire de la politique de la ville locale Cette

distribution spatiale deacuteseacutequilibreacutee des problegravemes sociaux et de leur intensiteacute sur la commune

malgreacute les eacutevolutions offre une certaine stabiliteacute dans le temps

Sur le plan international Loiumlc Wacquant (2007) a eacutegalement analyseacute cette intensiteacute et cette

multipliciteacute des problegravemes en reacutealisant une comparaison de la marginaliteacute urbaine dans les

banlieues franccedilaises notamment leurs grands ensembles et dans les centres urbains aux Eacutetats-

Unis drsquoAmeacuterique Agrave partir drsquoune deacutemarche ethnographique et drsquoanalyse politico-

institutionnelle il a analyseacute lrsquoeacutevolution de lrsquoorganisation interne de ces zones urbaines

pauvres en articulation avec leur position dans la structure socio-spatiale et lrsquoordre

symbolique de leur meacutetropole Il deacutecrit une commune laquo atmosphegravere de grisaille drsquoennui et de

deacutesespoir raquo reacutegnant dans les quartiers pauvres des grandes villes occidentales du fait de

lrsquoexclusion socio-eacuteconomique lieacutee agrave la reacutetractation du marcheacute et au retrait de lrsquoEacutetat-

providence

102 Preacutefecture de la reacutegion Nord-Pas-de-Calais (1993) les Quartiers en difficulteacutes Eacuteleacutements de cadrage sociodeacutemographique pour la politique de deacuteveloppement social urbain en Nord-Pas-de-Calais 1994-1998

Le veacutecu social drsquoeacutechec de deacuteclin de misegravere et de deacutelinquance affecte neacutegativement tous les

domaines de lrsquoexistence rejet meacutefiance meacutepris et indiffeacuterence en ce qui concerne lrsquoemploi

les relations amoureuses et amicales les interactions avec les institutions et services publics et

sociaux ainsi que les eacutechanges avec lrsquoentourage et les commerccedilants On y retrouve les mecircmes

reacuteactions de colegravere et drsquoindigniteacute de deacutemoralisation et de repli avec de la honte parfois ainsi

qursquoune conscience aigueuml de la deacutegradation symbolique Tous ces eacutetats de conscience

surviennent en raison des mecircmes situations de domination socio-eacuteconomique et politique que

la releacutegation spatiale dans les territoires marginaliseacutes signifie ouvertement Globalement les

situations des deux types drsquoentiteacute de marginaliteacute urbaine grands ensembles de banlieue

franccedilaise et centre urbain ancien et deacutegradeacute aux Eacutetats-Unis sont le produit de meacutecanismes

geacuteneacuteriques lieacutes agrave des matrices historiques dans chaque pays des rapports entre classes Eacutetat et

espace de la socieacuteteacute Cependant dans les deux cas un mecircme pheacutenomegravene de polarisation

socio-spatiale par le bas srsquoest manifesteacute induit par lrsquoinstabiliteacute et lrsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute croissante du

salariat et produisant une paupeacuterisation continue de certaines cateacutegories sociales

indeacutependamment des cycles de fluctuation eacuteconomique

Thomas Kirszbaum (2008) dans le mecircme exercice comparatif entre les deux pays deacutecrit

eacutegalement des pheacutenomegravenes au caractegravere plus ou moins explicitement probleacutematique qui

touchent les deux types drsquoespaces urbains en indiquant les convergences et les

ressemblances 1 la concentration de pauvreteacute et lrsquohomogeacuteneacuteisation sociale avec

lrsquoassignation agrave reacutesidence et lrsquoidentification collective forte au quartier 2 la multi-

ethnicisation progressive des secteurs de noir-ameacutericains avec la lente mais constante

deacuteseacutegreacutegation depuis une quarantaine drsquoanneacutees des noirs lieacutee agrave la mobiliteacute reacutesidentielle

spatiale des cateacutegories moyennes (ce qui ne signifie pas que les tendances agrave leur

discrimination sociale et agrave leur seacutegreacutegation spatiale dans drsquoautres lieux soient atteacutenueacutees) 3

lrsquoethnicisation des relations sociales par le deacuteveloppement de cateacutegories ethno-raciales

drsquoidentification et de stigmatisation par les populations et 4 la mise en œuvre de politiques

publiques drsquointeacutegration des immigreacutes en France rejoignant les probleacutematiques eacutetatsuniennes

du racisme et de la politique antiraciste agrave la base de la lutte contre la seacutegreacutegation sociale et

spatiale des quartiers et de leurs habitants

Agrave lrsquoorigine de ces pheacutenomegravenes une probleacutematique causale similaire recouvre de ses traits les

deux types de territoires internes aux deux pays malgreacute leurs histoires et leurs caracteacuteristiques

distinctes (Wacquant 2007) drsquoune part la modification des rapports sociaux dans le

processus de mondialisation de lrsquoeacuteconomie moderne au deacutetriment des cateacutegories sociales les

373373

moins qualifieacutees drsquoautre part la concentration territoriale des plus exclus preacutecaires et donc

des plus pauvres dans les espaces les plus marginaux Ces deux processus probleacutematiques

eacuteprouvent tant certains groupes sociaux plus exposeacutes agrave lrsquoexclusion ce qui renforce leurs

mauvaises conditions drsquoexistence que les institutions sociales en charge de la socialisation et

de lrsquointeacutegration les populations fragiles et de la reacutegulation des difficulteacutes et des problegravemes

sociaux lieacutes agrave leurs situations sociales (cf partie plus haut sur le deacutepassement des institutions

locales)

Dans les socieacuteteacutes drsquoeacuteconomie mondialiseacutee les groupes eacutevinceacutes se concentrent dans des

territoires abandonneacutes par les Eacutetats non sans lien avec lrsquoadoption de lrsquoideacuteologie libeacuterale par

les eacutelites politiques et bureaucratiques Celles-ci refusent notamment drsquoenrayer

laquo lrsquoaccumulation socio-spatiale des difficulteacutes eacuteconomiques de la deacuteliaison sociale et du

deacuteshonneur culturel au sein des enclaves ouvriegraveres en deacutesheacuterence de la meacutetropole dualiseacutee raquo

(Wacquant 2007 p10) Les victimes de cette attitude politique seacutegreacutegative reacuteagissent de

diverses maniegraveres agrave lrsquoaccumulation et lrsquointensification des problegravemes sociaux auxquelles elles

sont alors quotidiennement confronteacutees Par moment agrave cocircteacute de lrsquoaccablement et de la lutte

pour lrsquointeacutegration conforme aux normes attendues certains reacuteagissent de deux maniegraveres plus

violentes drsquoune part la reacutevolte et drsquoautre part la criminaliteacute preacutedatrice pour acqueacuterir des

biens de consommation puisque la participation sociale via surtout la consommation est la

condition sine qua non de la digniteacute sociale Ces conduites peuvent prendre corps degraves que le

stigmate de la releacutegation spatiale laquo ampute gravement les chances de reacuteussite scolaire et

professionnelle raquo (Wacquant 2007 p 3) Deacutesordres publics preacutedations et vandalisme

constituent drsquoailleurs des formes directes et spontaneacutees de laquo protestation infra-politique raquo non

canaliseacutee par des formes organiseacutees de pression sur lrsquoEacutetat du fait du deacuteclin des organisations

meacutediatrices de repreacutesentation politique des classes populaires

Certaines de ces conduites critiques des plus passives au plus violentes comme deacutecrites plus

haut ont pu ecirctre releveacutees dans lrsquoeacutetude des communes des grands ensembles de notre

recherche comme le tableau 16 (p 193) sur la deacutelinquance et lrsquoinseacutecuriteacute aux Ulis le rapporte

Les diagnostics effectueacutes indiquent au chapitre des difficulteacutes drsquointeacutegration un ensemble

drsquoexemples de faits qui montrent ces eacutevolutions manque de respect de garccedilons envers des

filles (avec insultes et violence parfois) dans des activiteacutes scolaires et peacuteriscolaires refus de

lrsquoautoriteacute des surveillantes de cantine de collegravege par des eacutecoliers refus par certains parents

drsquoactiviteacutes exteacuterieures des filles au profit des pratiques religieuses et demande drsquointerdiction

drsquoaliments dans les eacutecoles pour raison religieuse avec menace drsquoen arrecircter la freacutequentation

374374

rejet de la culture europeacuteenne dans un deacutefileacute de mode (filles en costumes europeacuteens)

affrontement de groupes drsquoenfants constitueacutes par origine ethnique dans une cour drsquoeacutecole Agrave

Bagnols-sur-Cegraveze lrsquoeacutechec de lrsquoobjectif de mixiteacute sociale des politiques de la ville est pointeacutee

laquo les populations des quartiers ne vont pas vers le centre ville et il est tregraves difficile de faire

venir celles du centre ville agrave des spectacles ou animations [dans ceux-ci] mecircme lorsque

lrsquoanimation proposeacutee est gratuite raquo (Cuchot 2006)

Sur un plan plus geacuteneacuteral cette eacutevolution drsquoaccentuation des difficulteacutes des espaces deacutejagrave

marginaliseacutes de la peacuteriode industrielle preacuteceacutedente notamment dans les ghettos traditionnels

noir-ameacutericains constitue un eacuteveacutenement majeur Wacquant (2007) lrsquoappelle lrsquolaquo hyper-

ghettoiumlsation raquo et eacutevoque une laquo marginalisation avanceacutee raquo Dans la description des formes

territoriales et sociales produites sous cet effet il eacutevoque deux traits mettant en avant la

violence sous diffeacuterentes formes dans les conduites sociales drsquoune part la fixation agrave effet de

concentration de cateacutegories preacutecaires dans des espaces circonscrits deacutevaloriseacutes connus pour

leur violence et leur criminaliteacute et stigmatiseacutes pour ces raisons et drsquoautre part laquo lrsquoalieacutenation

spatiale raquo qui peut se traduire comme la confiscation de le rue aux habitants sous lrsquoeffet de la

compeacutetition et de la violence entre preacutedateurs deacutelinquants une dissolution du lieu se produit

avec lrsquoabsence de ressources et la division intra-communautaire dans les quartiers concerneacutes

Lrsquoirruption de la violence de la ghettoiumlsation des ghettos a engendreacute des coupures radicales

avec la socieacuteteacute drsquoune part la laquo perte de lrsquolsquoarriegravere-paysrsquo raquo car lrsquoordre social criminel induit la

disparition de ressources et drsquoune base arriegravere pour srsquoy plier en cas de chocircmage (soutien de

parentegravele drsquoassocieacutes de voisins eacuteglises reacuteseaux denses drsquoorganisationhellip) et drsquoautre part la

marginalisation durable des deacutelinquants par rapport au monde du travail ce qui renforce les

structures drsquoineacutegaliteacute car les circuits parallegraveles et les activiteacutes criminelles et de deacutebrouille

nrsquooffrent que peu drsquoentreacutee dans le monde du travail En fait la laquo modernisation raquo des

eacuteconomies a geacuteneacutereacute aux Eacutetats-Unis depuis au moins les anneacutees 1990 une laquo modernisation de

la misegravere raquo en raison du nouveau reacutegime drsquoineacutegaliteacutes croissantes et de marginaliteacutes urbaines

persistantes en deacuteconnexion de lrsquoeacuteconomie

Puisque ce changement de reacutegime est deacutetermineacute par lrsquoorganisation mondiale des systegravemes de

production la comparaison des deux situations franccedilaises et eacutetatsuniennes montre que le

processus de ghettoiumlsation srsquoapplique eacutegalement au cas franccedilais groupement reacutesidentiel

contraint pour des ouvriers et employeacutes preacutecaires et modestes deacutejagrave constateacute en France au

deacutebut des anneacutees 1980 (Peacutetonnet 1982) malgreacute les opeacuterations de reacutehabilitation des citeacutes

HLM depuis le milieu des anneacutees 1970 (proceacutedure Habitat et vie sociale) Au deacutebut des

375375

anneacutees 1980 le bilan de la cinquantaine drsquoopeacuterations reacutealiseacutees montre qursquoelles sont resteacutees

centreacutees sur le confort des logements sans en ameacuteliorer lrsquoameacutenagement exteacuterieur

lrsquoimplantation des eacutequipements collectifs et des activiteacutes drsquoemploi et en apportant de faibles

activiteacutes drsquoanimation sociale (Dubedout 1983) Avec les premiegraveres violences eacutemeutiegraveres

fortement meacutediatiseacutees de lrsquoeacuteteacute 1981 aux Minguettes un tregraves grand ensemble de Veacutenissieux

dans la banlieue lyonnaise la classe politique les meacutedias et une partie croissante de la

population commencent agrave parler de laquo ghettos formeacutes drsquoindividus et de familles rejeteacutes de la

ville et de la socieacuteteacute dans un cadre de vie monotone deacutegradeacute et sans acircme raquo (Dubedout 1983

p 5) Cette repreacutesentation reacutesulte du cumul progressif et incessant drsquohandicaps eacuteconomiques

de comportements de rupture sociale et drsquoimages deacutevaloriseacutees et ethniciseacutees de zones

drsquohabitat notamment les grands ensembles

Selon Wacquant (2007) des diffeacuterences trop fortes empecirccheraient lrsquoassimilation des

situations franccedilaise et eacutetatsunienne Sur le plan de lrsquoeacutechelle drsquoabord comme avec la taille ou

le peacuterimegravetre des entiteacutes territoriales concerneacutees avec drsquoun cocircteacute 400 000 habitants sur

plusieurs centaines de kilomegravetres carreacutes au ghetto de Chicago pregraves drsquoun million de noirs dans

les secteurs ghettoiumlseacutes de New York et des centaines de milliers de personnes agrave Los Angeles

et drsquoun autre cocircteacute un dixiegraveme de ces tailles en France avec par exemple 35 000 habitants aux

Minguettes et 13 000 aux Quatre mille de La Courneuve Cependant ces donneacutees datent du

milieu des anneacutees 1990 et Chevalier et Lebeaupin (2010) indiquent qursquoen 2006 si une

quarantaine de ZUS comptent moins de 1 000 habitants les deux plus grandes laquo Centre

Nordraquo agrave Marseille et laquo Roubaix Nord raquo comportent chacune autour de 50 000 habitants (celle

de Saint-Denis agrave la Reacuteunion concerne pregraves de 40 000 habitants)

De surcroicirct ces tailles ne sont pas deacutefinitives en raison du caractegravere socio-politiquement

construit des frontiegraveres leur localisation peut eacutevoluer et donc les peacuterimegravetres des espaces Par

ailleurs et surtout dans les grandes agglomeacuterations il peut ecirctre pertinent drsquoassocier des zones

non contigueumls pour avoir une ideacutee de la quantiteacute des habitants des zones urbaines

marginaliseacutees leur situation eacutetant similaire agrave celle drsquohabitants de grande zone continue de

marginalisation comme aux Eacutetats-Unis (quoique Wacquant nrsquoindique pas si les secteurs

ghettoiumlseacutes de New York dont il indique le nombre drsquohabitants sont contigus ou non) Par

exemple sur les 21 ZUS de plus de 20 000 habitants de France meacutetropolitaine les 11

exclusivement drsquoIcircle-de-France (Chevalier et Lebeaupin 2010) regroupent au moins 220 000

habitants et surtout lrsquoensemble des 157 ZUS de la reacutegion forme en 2006 13 million de

personnes (1 278 000) soit un dixiegraveme de la population avec une proportion de 20 mecircme

376376

dans le deacutepartement de la Seine-Saint-Denis (Musiedlak 2011) Les ordres de grandeur sont

ainsi davantage proches de ceux indiqueacutes par Wacquant pour les zones des grandes

agglomeacuterations eacutetatsuniennes

Par ailleurs Wacquant reacutecuse eacutegalement le terme ghetto pour deacutesigner les situations

franccedilaises au regard de la comparaison sur les speacutecificiteacutes structurelles et les conditions et les

modes de vie Si des niveaux de graviteacute restent diffeacuterents sa deacutemarche montre neacuteanmoins que

le processus de ghettoiumlsation est bien en cours dans les grands ensembles Son premier

argument central est qursquoil nrsquoexiste pas en France le mecircme retrait radical de lrsquoEacutetat dans les

ghettos noir-ameacutericains entraicircnant avec la suppression des subventions la deacutecomposition des

structures organisationnelles parallegraveles agrave celles de la socieacuteteacute exteacuterieure blanche dont les noirs

avaient explicitement eacuteteacute eacutecarteacutes et la deacutecreacutepitude des quartiers avec lrsquoabsence de politiques

drsquoentretien et de reacutenovation urbaine

Cependant degraves le milieu des anneacutees 1990 la force et la reacutegulariteacute de la violence en milieu

populaire urbain franccedilais ont eacuteteacute analyseacutees comme reacutesultant de la dissolution ou de lrsquoabsence

lorsque la collectiviteacute est nouvelle drsquoinstitutions sociales notamment populaires ritualisant

les violences selon des formes de sociabiliteacute speacutecifiques (Roman 1996) Les grandes

associations et les mouvements drsquoeacuteducation populaire et drsquoencadrement social drsquoinspirations

politiques confessionnelles ou syndicales qui se sont retireacutes des quartiers populaires et

surtout qui ne se sont pas installeacutes dans les grands ensembles sont bien pour la plupart

financeacutes par lrsquoEacutetat

Par ailleurs lrsquo laquo anomie collective raquo qui se manifeste dans les zones marginaliseacutees est imputeacutee

agrave la vulneacuterabiliteacute psychologique et sociale des individus qui est bien diagnostiqueacutee comme

eacutetant socialement deacutetermineacutee par leur preacutecarisation socio-eacuteconomique et leurs faibles liens de

solidariteacute de classe sociale mais aussi selon Roman (1996) par le zonage ayant seacutepareacute

lrsquohabitat des pratiques et des activiteacutes de socialisation Ce qui signifie que les structures de

socialisation destineacutees aux habitants mecircme si situeacutees agrave lrsquoexteacuterieur de leur zone drsquohabitat ne

jouent pas un rocircle adapteacute agrave ces situations urbaines De ce fait depuis la creacuteation des grands

ensembles qui ont une histoire plus courte que les ghettos traditionnels eacutetatsuniens lrsquoenjeu en

France nrsquoest tant le problegraveme du retrait des moyens anteacuterieurs apporteacutes par lrsquoEacutetat que de celui

de la venue des moyens neacutecessaires et suffisants pour les meacutecanismes drsquointeacutegration en plus

des politiques de solidariteacute voire des dispositifs de fonctionnement normal des quartiers

(ameacutenagement entretien des infrastructures et du bacircti reacutehabilitation et reacutenovation des

immeubles transports services de proximiteacutehellip)

377377

Surtout par rapport au deacutebat sur la leacutegitimiteacute de la meacutethode drsquointervention territoriale et son

concept la discrimination positive tant les recherches (Donzelot 1991 1994 Dubet en

2002) que les enquecirctes administratives (Delarue 1991 Sueur 1998) ont montreacute que agrave cocircteacute

de la volonteacute et des moyens apporteacutes sur le plan des politiques et des dispositifs de solidariteacute

(aide sociale et deacuteveloppement social urbain) les services publics communs implanteacutes dans

les ZUS ou destineacutes agrave celles-ci lorsqursquoils existent encore ne disposent pas des mecircmes

moyens que dans les autres espaces des villes et mecircme dans des domaines ministeacuteriels

deacuteveloppant une politique prioritaire speacutecifique comme lrsquoeacuteducation nationale

Lrsquoaggravation ou lrsquoameacutelioration de la situation des pauvres dans les enclaves urbaines isoleacutees

sont bien principalement lieacutees agrave la capaciteacute des services et des institutions publics agrave former un

tampon organisationnel contre lrsquoexclusion (Simon 1992) Crsquoest pourquoi la perpeacutetuation de

marginaliteacute urbaine depuis quarante ans signifie que lrsquoaction eacutetatique drsquointeacutegration socio-

eacuteconomique est un eacutechec constant en raison de lrsquoinsuffisance des moyens et de la meacutethode

pour ecirctre efficace Avec les niveaux eacuteleveacutes de chocircmage les politiques sociales et urbaines

visant speacutecifiquement les zones de concentration des plus pauvres ne peuvent pas agrave elles

seules apporter le bien-ecirctre social aux meacutenages subissant lrsquoexclusion socio-eacuteconomique

En France ainsi le manque drsquoinvestissement institutionnel de lrsquoEacutetat pour lrsquointeacutegration est de

ce fait moins visible qursquoaux Eacutetats-Unis en raison des politiques urbaines et sociales

drsquoanimation des populations marginaliseacutees socio-spatialement Ce qui ne signifie pas que les

moyens soient suffisants et adapteacutes pour une inteacutegration reacuteelle dans les sphegraveres eacuteconomique et

sociale et une participation complegravete agrave la vie sociale et urbaine avec la preacutesence de services

publics neacutecessaires

Un second point nuance lrsquoaffirmation de lrsquointeacutegration socio-urbaine suffisante des quartiers en

France la preacutesence drsquoinstitutions sociales indigegravenes dans les zones marginaliseacutees

(Lapeyronnie 2008) formeacutees sur le registre territorial et socioculturel (imams

locatairescoproprieacutetaires jeunes deacutelinquantshellip) et qui cohabitent sans se substituer avec les

structures institutionnelles drsquoEacutetat dont elles pallient les carences Cette eacutevolution est expliqueacutee

par la faiblesse ou la reacuteduction du nombre et des activiteacutes des structures laquo normales raquo mais

aussi par leur rejet par les populations locales en raison des frustrations subies et du meacutepris

qursquoelles peuvent parfois ressentir

Les organisations indigegravenes en deacuteveloppement produisent et distribuent des biens et des

services divers voire font de la meacutediation avec des structures institutionnelles (travailleurs

378378

sociaux policiers et agents de deacuteveloppement des institutions) puisque les conflits sont

importants entre les publics des services intervenants et les agents de ceux-ci Ce

fonctionnement nrsquoest pas rapporteacute partout et il reste encore implicite ou du moins non-officiel

en France alors que pour les ghettos noirs ameacutericains ce il eacutetait explicite Ce qui explique le

degreacute supeacuterieur drsquoanomie que deacuteveloppe leur deacuteclin puisqursquoils sont le plus souvent assez

eacuteloigneacutes physiquement des autres quartiers des agglomeacuterations (et des reacuteseaux de transport en

commun) et que surtout les rapports fonctionnels avec eux (emplois structures

institutionnelles services publics et sociaux) mais aussi la vie sociale et culturelle

(commerces expositions concertshellip) sont quasi-inexistants

En France la force deacutesorganisatrice preacutedominante de lrsquoexclusion socio-eacuteconomique et de la

releacutegation socio-urbaine sur les conditions de vie et la vie sociale des plus pauvres reste aussi

preacutedominante dans les observations rapporteacutees depuis les anneacutees 1980 Les relations sociales

de voisinage sont peu deacuteveloppeacutees ou organiseacutees du fait de lrsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute des profils sociaux

et eacuteconomiques des habitants des flux de rotation dans les peuplements par endroits ou au

contraire pour drsquoautres de lrsquoimmobiliteacute forceacutee deacuteprimante de lrsquoabsence drsquoactiviteacutes centrales

structurant la vie sociale locale de faibles relations sociales extra-locales et de lrsquoeacutepuisement

des mouvements ouvriers et drsquoeacuteducation populaire encadreacutes par les couches moyennes Les

capaciteacutes locales drsquoorganisation drsquoentraide voire de reacuteseaux drsquoactiviteacute en sont eacuteprouveacutees En

outre cette incapaciteacute sociale est renforceacutee par lrsquoinefficaciteacute de lrsquoaction publique et de lrsquoEacutetat

ce qui accentue le deacutesordre et le sentiment drsquoimpuissance

Un troisiegraveme point de diffeacuterence empecircchant la qualification de ghetto aux situations des

grands ensembles franccedilais selon Wacquant (2007) serait un plus faible niveau de violence et

drsquoinseacutecuriteacute Lagrave encore la comparaison et le rapport des diffeacuterentes donneacutees pour la France

montrent une accentuation qui plaide en faveur drsquoun mouvement de ghettoiumlsation Il est

effectivement compreacutehensible que avec la hausse du chocircmage et de lrsquoexclusion socio-

eacuteconomique parfois durable de familles ouvriegraveres et de leurs ligneacutees il srsquoobserve dans les

deux pays au cours du demi-siegravecle et de maniegravere plus forte les trente derniegraveres anneacutees en

France la neacutecessiteacute et lrsquointeacuterecirct du vol Et plus la socieacuteteacute srsquoen protegravege plus la violence sest

deacuteveloppeacutee pour y parvenir arrachage coups et blessures volontaires racketshellip

Globalement Wacquant (2007) signale que la deacutelinquance la preacutedation et lrsquoagressiviteacute des

jeunes dans les quartiers deacutesheacuteriteacutes franccedilais certes croissantes nrsquoatteignent pas la freacutequence

des viols des vols agrave main armeacutee et des homicides aux Eacutetats-Unis Ces derniers en viennent agrave

supprimer mecircme lrsquoespace public par endroit les affrontements armeacutes incessants entre gangs

379379

et trafiquants de drogues imposent lrsquoeacutevitement de sorties dans les lieux et les transports

publics et une forte protection des portes et fenecirctres le taux drsquohomicide dans le ghetto de

Chicago en 1990 est drsquoun pour mille habitants soit dix fois la moyenne nationale et soixante-

quinze fois le taux pour la France agrave Harlem lrsquoespeacuterance de vie moyenne drsquoun noir de 35 ans

est infeacuterieure agrave celle drsquoun habitant du Bengladesh En fait la violence signe de lrsquoeacuteconomie

criminelle et moyen dans les rapports de force avec les rivaux les policiers et drsquoautres

habitants est le trait drsquoune culture de la terreur geacuteneacuteraliseacutee dans lrsquoespace public des hyper-

ghettos

En outre la violence exprime aussi et surtout un message dans un autre registre social le

champ politique Ici la convergence est plus nette entre les situations compareacutees Par

exemple en France au Royaume-Uni et aux Eacutetats-Unis les diffeacuterentes eacutemeutes de jeunes de

quartiers paupeacuteriseacutes expriment deux reacuteactions face agrave la violence structurelle du chocircmage et de

la releacutegation drsquoune part la protestation contre lrsquoinjustice ethnique et sociale

(discrimination) drsquoautre part lrsquoinsurrection contre les privations eacuteconomiques et les

ineacutegaliteacutes sociales croissantes Ces reacuteactions se deacuteveloppement sur un mode eacutemotionnel et

collectif immeacutediat drsquoaffrontements agrave lrsquooccasion drsquoune intervention policiegravere brutale voire de

la mort drsquoune personne souvent un jeune (Mucchielli Le Goaziou 2007)

Elles ne sont drsquoailleurs pas les seules conduites drsquoopposition envers la socieacuteteacute et ses

institutions le deacuteveloppement de deacutesordres crsquoest-agrave-dire la perturbation multiforme du cours

normal de lrsquoactiviteacute sociale dans les quartiers et hors drsquoeux en est un moyen plus ordinaire

mais non moins significatif de contestation de lrsquoinjustice perccedilue de lrsquoordre social en cours De

mecircme les conduites deacutelinquantes sont deacutetermineacutees par les mecircmes causes de plus en plus

structurelles en France comme aux Eacutetats-Unis entreacutee dans la vie active sans qualification

valorisante pouvant deacuteboucher sur un emploi repegraveres familiaux lieacutes au travail seacuterieusement

eacutecorneacutes diminution du controcircle parental des conduites juveacuteniles ou perte de la leacutegitimiteacute aux

yeux des enfants de lrsquoautoriteacute des parents ou encore transmission des frustrations des aicircneacutes

aux cadets

On a eacutevoqueacute plus haut les observations en France de la hausse des vols et des agressions au

cours des anneacutees 1980 et 1990 ainsi que des deacutegradations de biens publics et priveacutes En tout

les deacutelits ont globalement eacuteteacute multiplieacutes par quatre depuis les anneacutees 1940 jusqursquoagrave la fin des

anneacutees 1990 et les vols et les cambriolages par onze depuis les anneacutees 1960 anneacutees de

deacuteveloppement de la socieacuteteacute de consommation (Robert 1999 2002) Le passage agrave lrsquoacte

deacutelinquant repose sur des intentions marqueacutees par la privation et la frustration et neacutecessite non

380380

seulement pour son empecircchement des conditions situationnelles (surveillance et protection

de la cible) mais aussi et surtout des reacuteactions familiales (surveillance parentale des

conduites) et sociales (Rocheacute 2001) qui ne srsquoimposent pas ou plus dans les zones drsquohabitat

populaires

En outre lrsquoimmobiliteacute forceacutee des pauvres soit leur assignation territoriale signe fort de

ghettoiumlsation accentue le mal-ecirctre speacutecifique et explique le deacuteveloppement de la criminaliteacute

dans les lieux drsquohabitation des plus exclus et preacutecaires (Lagrange 1995) Ce pheacutenomegravene se

distingue de celui qui preacutevalait avec les flux deacutestabilisateurs des arrivants dans les quartiers

pauvres avant les anneacutees 1970 (dans les espaces urbains populaires des villes industrielles

depuis la fin du XIXe siegravecle) La probleacutematique principale eacutetait celle de lrsquoencadrement et de la

reacutegulation des peuplements instables mecircme si assureacutes par divers acteurs (associations

eacuteglises syndicats patronat et partis politiques de gauche) qui rivalisaient ou coopeacuteraient pour

communaliser structurer organiser la vie sociale des nouveaux quartiers Depuis pregraves de

trente ans au contraire cette probleacutematique srsquoest transformeacutee avec la disparition de la plupart

de ces acteurs et la frustration croissante drsquoune population preacutecaire agrave la faible mobiliteacute Celle-

ci vit lrsquoenclavement le repli et le refuge dans la sphegravere priveacutee et se trouve en continu prise

dans les conflits et les tensions de la cohabitation non deacutesireacutee avec des inconnus et des

eacutetrangers venant de toute part du monde La mal-ecirctre social qui se manifeste alors est un bon

terreau pour laisser libre cours aux conduites deacutelinquantes voire criminelles

Les reacuteactions sociales des habitants mais aussi des institutions agrave la deacuteviance deacutelinquante ne

se manifestent pas beaucoup Et plus globalement les reacuteponses politiques aux pheacutenomegravenes de

preacutecariteacute et de seacutegreacutegation socio-urbaine qui touchent en grande partie les segments les plus

fragiles de la jeunesse populaire ne parviennent pas agrave modifier structurellement les situations

veacutecues agrave lrsquoorigine des motivations agrave la deacutelinquance Crsquoest pourquoi la preacutecariteacute socio-

eacuteconomique et la concentration captive dans les quartiers deacutegradeacutes de releacutegation produisent

des problegravemes de seacutecuriteacute qui se reacutepercutent souvent dans leurs agglomeacuterations Ceci est

indiqueacute assez tocirct dans les rapports administratifs (Delarue 1991) et apparaicirct sur certains sites

peacuteriurbains aux aspects parfois eacuteloigneacutes de lrsquoimage traditionnelle des grands ensembles (tours

et grandes barres) mais soumis aux mecircmes de regroupement de familles en difficulteacutes

sociales (Chichignoud 2004)

En fait la deacutelinquance des jeunes peut prendre plusieurs aspects en fonction de la graviteacute de

la nature des faits exerceacutes agrave des acircges globalement diffeacuterents par les auteurs (Chichignoud

2004) Drsquoabord une deacutelinquance de proximiteacute par les plus jeunes degraves 13-14 ans concernant

381381

des vols dans les voitures des vols agrave lrsquoeacutetalage dans les commerces des vols de portable ainsi

que de petits cambriolages Cette forme de deacutelinquance qui sert essentiellement agrave financer la

consommation de haschich ou agrave payer du petit mateacuteriel hi-fi ou des vecirctements srsquoeacutetend deacutejagrave

parfois dans des espaces deacutepassant les limites strictes de lrsquohabitat reacutesidentiel lagrave ougrave se

pratiquent les courses les deacuteplacements scolaires et les sorties en ville

Une seconde forme de deacutelinquance qursquoon pourrait qualifier de semi-proximiteacute se commet deacutejagrave

principalement hors des quartiers drsquohabitation celle accomplie avec une voiture ou un deux

roues avec ou sans permis de conduire pour des vols et des cambriolages dans les environs

de la ville drsquoappartenance de la zone drsquohabitation Les zones pavillonnaires et les communes

plus aiseacutees sont viseacutees Les auteurs semblent plus dangereux car moins retenus pour leurs

meacutefaits pouvant ecirctre armeacutes et reacutealiser des actes plus violents (vols agrave main armeacutee) Lrsquoessentiel

reste des petits vols rapides agrave reacutepeacutetition pour prendre du mateacuteriel peu lourd Une troisiegraveme

forme de deacutelinquance plus avanceacutee se manifeste plus nettement agrave lrsquoeacutechelle des

agglomeacuterations voire plus reacutegionalement ou plus encore la grande deacutelinquance voire le

grand banditisme plus organiseacute et discret agrave lrsquoeacutecart des zones surveilleacutees Il srsquoagit des activiteacutes

de trafics divers (drogues objets voleacuteshellip) qui se commettent en liaison avec ou contre

drsquoautres deacutelinquants drsquoautres reacutegions

Au deacutebut des anneacutees 2000 si apregraves une forte hausse dans les anneacutees 1980 et 1990 les vols et

la violence ont leacutegegraverement deacuteclineacute avec des variations locale il reste que la violence na pas

disparu mais quelle sest deacuteveloppeacutee de maniegravere plus instrumentale au service des vols pregraves

de 70 des violences subies par les individus le sont pour des vols (Robert 2002) et elles

ne sont cependant pas classeacutees dans les agressions ce qui diminue leur visibiliteacute

Agrave linstar des conduites violentes des blousons noirs dans les anneacutees 1960 cette violence

contemporaine reacutesulte de la persistance et de lrsquoaccroissement par peacuteriode des pheacutenomegravenes de

preacutecariteacute et de fragilisation eacuteconomique et sociale des meacutenages dans une socieacuteteacute moderne

drsquoabondance et de tregraves grande richesse des plus riches chocircmage de masse et de longue dureacutee

en grande partie pour les jeunes et les acircgeacutes peu pas ou plus suffisamment qualifieacutes

deacuteveloppement institutionnaliseacute des emplois preacutecaires ndash CDD temps partiel inteacuterim

marquant le sous-emploi drsquoactifs surqualifieacutes pheacutenomegravenes multiples de discriminations agrave

lrsquoembauche ou de licenciements abusifshellip

Un autre thegraveme de nette diffeacuterenciation des situations eacutetatsunienne et franccedilaise serait les

niveaux de pauvreteacute des meacutenages et des personnes ainsi que la part de populations pauvres

382382

Au cœur du ghetto de Chicago par exemple au milieu des anneacutees 1980 la moitieacute des

meacutenages est en-dessous du seuil de pauvreteacute et en-dessous de la moitieacute de la moyenne

municipale 60 agrave 80 de familles monoparentales y reacutesident selon le secteur (contre 6 agrave la

Courneuve au milieu des anneacutees 1990) 57 drsquohabitants vivent principalement de

lrsquoassistance publique 60 ont recours agrave des coupons alimentaires 12 seulement

possegravedent un compte-chegraveques 17 un compte drsquoeacutepargne et deux tiers des meacutenages nrsquoont pas

de voiture en deacutepit de carences criantes en transports en commun Des milliers de familles

sont sans domicile fixe malgreacute les appartements vides du parc HLM de la Ville de Chicago

la mortaliteacute infantile y est de 30 pour mille trois fois plus que pour les enfants de lrsquoIllinois

contre 8 pour mille en Icircle-de-France avec des mortaliteacutes infantiles dans les citeacutes faiblement

plus eacuteleveacutees

Wacquant (2007) rapporte que des enquecirctes drsquoeacutecologie urbaine et meacutedicale agrave New York ont

drsquoailleurs mis agrave jour la hausse correacutelative des ineacutegaliteacutes drsquoaccegraves aux soins de mortaliteacute

violente drsquoincidence du sans-abrisme de diffusion du sida et drsquousage des drogues Ce qui

srsquoexplique par un lien de causaliteacute directe entre drsquoune part la deacutesertification urbaine des

services municipaux de preacutevention des incendies de protection policiegravere et drsquoeacutequipement

municipal et drsquoautre part la deacuteteacuterioration sanitaire et sociale des quartiers Partout ougrave sont

reacuteduits les services municipaux srsquoobserve une hausse des taux de morbiditeacute et de deacutereacuteliction

sociale Il eacutevoque un laquo cycle auto-entretenu de deacutelabrement urbain et de violence mortifegravere ()

jet[ant] les quartiers dans une spirale de deacuteteacuterioration raquo (Wacquant 2007 p 96) Enfin cette

intensiteacute de pauvreteacute et de difficulteacutes sociales expliquent aussi les diffeacuterences de deacutelinquance

et de criminaliteacute entre les deux pays

Ces donneacutees et ces constats pour le cas ameacutericain ne doit pas ici laisser penser que les

situations drsquoexclusion et de preacutecariteacute sociale et de marginalisation urbaine sont en France plus

envieuses en raison du fait qursquoun filet de protection sociale soit plus important contre la

pauvreteacute et que des politiques de deacuteveloppement social et urbain existent depuis les anneacutees

1970 La partie probleacutematique de notre thegravese a bien montreacute en quoi ce filet de protection

restait teacutenu au regard des difficulteacutes existantes (revenu minimum infeacuterieur au seuil de

pauvreteacute chocircmage de masse et de longue dureacutee important et jamais juguleacute creusement des

ineacutegaliteacutes de revenus inefficaciteacute du systegraveme eacuteducatif et de formationhellip) et que lrsquoEacutetat restait

encore au cours des anneacutees 2000 en-dessous des besoins de sortie de la pauvreteacute eacuteconomique

et drsquoameacutelioration des conditions sociales et urbaines de vie

383383

Pour rappel eacutegalement la partie monographique sur les Ulis et celle drsquoeacutetude de lrsquoeacutechantillon

comparatif de communes de grands ensembles ont montreacute des niveaux plutocirct eacuteleveacutes de

concentration spatiale de pauvreteacute et de difficulteacutes socio-eacuteconomiques intenses comme par

exemple en 2008 lrsquoexistence de deux villes autonomes de grand ensemble de 6 000 agrave

8 500 habitants (Fareacutebersviller et Behren-legraves-Forbach en Moselle) qui preacutesentent des niveaux

de richesse de leur population (revenu net imposable moyen de lrsquoensemble des foyers) de

presque 50 (respectivement 57 et 55 ) du niveau moyen de France meacutetropolitaine

(23 450 euro)

Drsquoautres eacuteleacutements pourraient ecirctre eacutevoqueacutes comme par exemple les parts importantes de

familles monoparentales situation deacuteterminant le plus directement lrsquoentreacutee en pauvreteacute

eacuteconomique malgreacute les systegravemes de seacutecuriteacute sociale et les politiques familiales consideacutereacutees

comme geacuteneacutereuses Ces exemples parmi drsquoautres montrent bien que le processus de

preacutecarisation croissante des populations des grands ensembles en termes drsquoeacutetendue de la part

des preacutecaires et des pauvres dans la population globale voire drsquointensiteacute de leur mauvaises

conditions de vie particuliegraveres ne sont pas si plus favorables comme le suggegravere Wacquant

Il eacutevoque enfin une derniegravere dimension de diffeacuterenciation entre les ghettos aux Eacutetats-Unis et

les zones de grands ensembles en France le racisme qui nrsquoaurait pas drsquoeacutequivalence en

Europe Lrsquouniformiteacute raciale des ghettos noirs lieacutee agrave un cloisonnement laquo traditionnel raquo des

Noirs en milieu urbain depuis la fin du XIXe siegravecle jusqursquoaux anneacutees 1960 eacutetait lrsquoœuvre drsquoun

racisme institutionnaliseacute agrave cette eacutepoque et encore tregraves vivace dans les pratiques sociales De

leur cocircteacute les quartiers populaires europeacuteens ne prennent pas la forme drsquoespaces ethniquement

homogegravenes et clos au sein desquels une cateacutegorie laquo neacutegativement privileacutegieacutee raquo est contrainte

de deacutevelopper ses institutions propres en reacuteaction au rejet de la socieacuteteacute dominante comme les

afro-ameacutericains laquo les concentrations drsquoimmigreacutes [hellip] en Europe ne sont pas le produit de

lrsquoenfermement organisationnel drsquoun groupe fondeacute sur un confinement socio-spatial [] mais

ce qui caracteacuterise les quartiers de releacutegation europeacuteens crsquoest bien plutocirct leur extrecircme diversiteacute

ethnique et leur incapaciteacute institutionnelle agrave satisfaire les besoins eacuteleacutementaires de leurs

habitants deux proprieacuteteacutes parmi drsquoautres qui en font des anti-ghettos raquo (Wacquant 2007 p

281) Crsquoest ainsi en ce sens que la marginalisation urbaine en Europe nrsquoest pas en laquo voie

drsquoameacutericanisation raquo mecircme srsquoil reconnait que cela peut eacutevoluer

Il est effectivement vrai que le mode de marginalisation de la banlieue ouvriegravere franccedilaise dans

les grands ensembles srsquoest opeacutereacute agrave lrsquoorigine via une logique de classe ndash et non une logique de

laquo race raquo ndash par la mise agrave lrsquoeacutecart des plus preacutecaires En outre la logique drsquoattribution des

384384

offices HLM contre les laquo ghettos immigreacutes raquo aurait favoriseacute la dispersion des eacutetrangers et des

minoriteacutes ethniques dans lrsquoensemble du parc social Cependant la surrepreacutesentation des

immigreacutes dans la classe ouvriegravere a bien conduit agrave des pratiques seacutegreacutegatives de peuplement

formant par endroit de fortes concentrations (Lapeyronnie Frybes 1990 Barou 1992) Par

ailleurs la diversification ethnique dans les ghettos noir-ameacutericains en mecircme temps que la

preacutesence des noirs dans les classes moyennes se sont accrues (Kirzsbaum 2008)

Crsquoest pourquoi les situations franccedilaises et eacutetatsuniennes convergent sur le plan de la

composition ethnique des zones marginaliseacutees Enfin la distinction entre racisme anti-noir

drsquoun cocircteacute et discrimination xeacutenophobie voire racisme selon drsquoautres caracteacuteristiques

physiques ou culturelles (Maghreacutebins Arabes Asiatiques Musulmanshellip) de lrsquoautre cocircteacute

nrsquoinvalide pas le constat drsquoune mecircme attitude excluante et deacuteshumanisante sur critegravere

physique quel qursquoil soit Celle-ci seacutevit dans les rapports sociaux des deux populations

eacutetatsunienne et franccedilaise de maniegravere suffisamment importante pour qursquoelle soit prise en

compte dans les politiques publiques pour la combattre sans la juguler complegravetement

Tous ces diffeacuterents eacuteleacutements de comparaison entre les situations sociales et urbaines des

espaces urbains marginaux en France et aux Eacutetats-Unis montrent agrave quel point les grands

ensembles franccedilais sont autant porteacutes par une logique de ghettoiumlsation que les ghettos

traditionnels ameacutericains Les deacuteterminants eacuteconomiques et politiques drsquoabandon des

cateacutegories ouvriegraveres peu qualifieacutees sont les mecircmes associeacutes agrave un meacutecanisme de leur

releacutegation dans les mecircmes zones urbaines deacutegradeacutees preacuteexistantes Malgreacute des diffeacuterences

dans les modaliteacutes une mecircme insuffisance drsquoaction drsquointeacutegration sociale agrave partir de ces lieux

srsquoobserve bien que les politiques de reacutenovation de ceux-ci apparaissent en France plus

deacuteveloppeacutes ainsi que les pratiques institutionnelles de protection minimale et drsquoanimation

pour aider agrave supporter la situation drsquoexclu Ces processus de ghettoiumlsation qui srsquoobservent

dans chaque pays de maniegravere speacutecifique conduisent agrave faire eacutevoluer les traits de situations

urbaines qui dans le cas de la France amegravene agrave penser que le terme mecircme de ghetto peut

srsquoappliquer aux espaces concerneacutes Ceci en raison de certains caractegraveres tout en prenant une

forme socio-historique inassimilable aux formes traditionnels des ghettos anciens Crsquoest le

point traiteacute dans la partie suivante

385385

1 Une redeacutefinition du ghetto adapteacutee monde contemporain

Si lrsquoanalyse des effets sociaux de lrsquoaccroissement des meacutenages marginaliseacutes dans les mecircmes

espaces reacutesidentiels en termes de laquo ghettoiumlsation raquo est de plus en plus reacutepandue les

divergences sur lrsquoapplication de la notion de ghetto aux situations urbaines concerneacutees ont eacuteteacute

plus importantes Les deacutebats portent sur les critegraveres agrave prendre en compte et partant sur la

leacutegitimiteacute drsquoun usage scientifique du terme pour lrsquoanalyse drsquoentiteacutes socio-spatiales distinctes

des reacutealiteacutes de contextes et de peacuteriodes historiques diffeacuterents Entre usages communs

simplificateurs et instrumentalisant et reacutealiteacutes nouvelles y-t-il la place pour un usage

scientifique marqueacute par le besoin drsquoeacutevolution conceptuelle

La redeacutefinition sociologique du ghetto peut passer par deux parameacutetrages particuliers drsquoune

part la caracteacuterisation des espaces urbains actuels socialement consideacutereacutes comme tels en

preacutecisant les critegraveres pertinents par rapport aux paramegravetres centraux lieacutes aux usages passeacutes de

la notion mais aussi aux usages communs plus symboliques et drsquoautre part la description

des pratiques sociales preacutedominantes qui srsquoy observent selon une logique directement lieacutee au

processus conduisant agrave la formation de zones de ghetto Ici encore sont rapporteacutees quelques

donneacutees de la partie empirique de la thegravese pour illustrer la reacuteflexion qui se base davantage sur

drsquoautres travaux de recherche rassembleacutes et confronteacutes

Lrsquousage scientifique de plus en plus central de la notion nrsquoest pas sans lien et sans influence

reacuteciproque avec le champ politique et institutionnel couvrant les zones concerneacutees Le terme

de ghetto a effectivement eacuteteacute publiquement promu agrave partir du milieu des anneacutees 2000 par

diffeacuterents acteurs politiques des territoires urbains dont des maires de communes de grands

ensembles en premier chef (cf plus haut concernant le deacutepassement des institutions locales

par les problegravemes et la violence des habitants des communes de grands ensembles) Ces

maires souvent communistes nrsquoont pas trouveacute les reacuteponses politiques agrave la violence

drsquoexclusion (Bertho 1997)

Ils nrsquoheacutesitent plus agrave adopter cette notion selon deux sens drsquoune part un sens drsquoordre

mythique (Steacutebeacute Marchal 2009) en se reacutefeacuterant agrave des repreacutesentations sociales steacutereacuteotypeacutees

confondant les figures historiques des territoires deacutesigneacutes auparavant comme tels (quartiers

juifs ou noirs-ameacutericains pour lrsquoessentiel) et proceacutedant ainsi agrave une reacuteduction cognitive sur la

reacutealiteacute des espaces concerneacutes drsquoautre part un sens relevant drsquoune deacutemarche plus scientifique

en deacuteveloppant un discours plus analytique sur des pheacutenomegravenes divers caracteacuteristiques selon

eux drsquoun processus et drsquoune situation de ghetto

386386

Ces positions publiques ont marqueacute une eacutevolution culturelle assez nette par rapport aux

anneacutees 1990 ougrave preacutevalait le refus ou le tabou de la part de nombreux chercheurs sauf pour

ceux inscrits dans la deacutemarche politique de reacuteforme des quartiers sur le mode participatif en

deacutefendant une vision de lrsquoexclusion sociale comme paradigme preacutedominant de la question

sociale (Tissot 2007) drsquoassimiler certaines zones de grands ensembles agrave des ghettos en

raison de leur diffeacuterence avec les signifieacutes laquo traditionnels raquo circonscrits agrave des contextes

historiques et socioculturels inassimilables aux situations urbaines franccedilaises eacutetudieacutees De

surcroicirct la crainte drsquoaccentuer la stigmatisation deacutejagrave existante par amalgame grossier seacutevit

alors que plusieurs critegraveres de reacutefeacuterence lieacutes aux figures historiques des ghettos peuvent faire

deacutefaut ou ne pas ecirctre totalement effectifs dans les territoires concerneacutes homogeacuteneacuteiteacute ethnique

ou culturelle reacutegulation interne de substitution aux normes geacuteneacuterales ou encore contrainte

forte de confinement (Peillon 2001 Deacutesigaux 1996 Vieillard-Baron 1990)

Jean-Marc Steacutebeacute et Herveacute Marchal (2008) ont pourtant justifieacute la leacutegitimiteacute de lrsquousage

scientifique du terme pour deacutesigner les zones urbaines laquo sensibles raquo par la correspondance de

la reacutealiteacute de ces zones aux caracteacuteristiques du ghetto comme notion commune drsquoordre

mythique ayant des reacutefeacuterences objectales varieacutees dans le temps et lrsquoespace et fluctuants au

greacute des contextes drsquoeacutenonciation Ils eacutevoquent lrsquointeacuterecirct heuristique de la notion en consideacuterant

lrsquoeacutevolution similaire mais opposeacutee de speacutecialisation sociale des deux types extrecircmes de

territoire urbain drsquoun cocircteacute les quartiers aiseacutes les plus fermeacutes parfois ougrave lrsquohomogeacuteneacuteisation

sociale est la plus forte et de lrsquoautre cocircteacute les zones de grands ensembles drsquohabitat social

deacutegradeacutees physiquement socialement et eacuteconomiquement devenues laquo zones urbaines

sensibles raquo le plus souvent Les frontiegraveres les entourant srsquoaccentuent bien que diffuses et peu

visibles ainsi que les situations socio-eacuteconomiques des habitants les peuplant richesse et

inteacutegration socio-eacuteconomique contre pauvreteacute et exclusion du travail

Marchal et Steacutebeacute (2009) rappellent surtout que parmi les repreacutesentations sociales de la ville et

notamment celles qui en ternissent lrsquoimage le thegraveme des laquo citeacutes-ghettos raquo relegraveve drsquoune

construction mythique consistant en une repreacutesentation caricaturale et geacuteneacuteraliseacutee drsquoun type

drsquoespace urbain et dont les proprieacuteteacutes limiteacutees permettent une application freacutequente agrave des

reacutealiteacutes diverses afin de leur donner un sens Ici les ghettos ont une fonction reacutepulsive dans

lrsquoidentification sociale des espaces urbains deacutevaloriseacutes Par leur deacutegradation mateacuterielle et la

preacutesence concentreacutee de populations rejeteacutees marginales et violentes ils sont une figure de

mauvaise reacuteputation la vie sociale y est perccedilue comme dangereuse pour lrsquointeacutegriteacute physique

et morale ou plutocirct pour lrsquoidentiteacute sociale des citoyens ordinaires En effet comme lrsquoa

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rappeleacute Maurin (2004) corroborant lrsquoanalyse des effets seacutegreacutegatifs de la diffeacuterenciation

sociale des espaces et des logements (Clavel 1998) le statut social de lrsquoespace reacutesidentiel

devient preacutedominant pour lrsquoexpression de lrsquoidentiteacute sociale des individus puisque dans la

peacuteriode actuelle de fragilisation des parcours eacuteconomiques les positions professionnelles ne

suffisent plus agrave la garantir

Ce mythe du ghetto est constitueacute par un ensemble de repreacutesentations associeacutees de diverses

entiteacutes urbaines depuis la figure archeacutetypale du secteur ou du quartier juif meacutedieacuteval en Europe

occidentale dont la deacutenomination de ghetto srsquoest geacuteneacuteraliseacutee agrave partir du XVIe siegravecle depuis

lrsquoutilisation du mot italien gietto deacutesignant le quartier de Venise agrave proximiteacute drsquoune fonderie

de canons portant ce nom Ensuite srsquoest ajouteacute le cas des secteurs de Noirs aux Eacutetats-Unis

drsquoAmeacuterique se formant suite agrave lrsquoabolition de lrsquoesclavage et agrave la migration des Noirs dans les

villes du nord du pays Enfin agrave ces deux reacutealiteacutes socio-historiques diffeacuterentes couvertes

drsquoune mecircme appellation deux autres formes historiques de zones urbaines marginaliseacutees ont

contribueacute agrave ce ferment ideacuteel du mythe des citeacutes-ghettos les camps nazis drsquoextermination des

juifs durant la Seconde guerre mondiale ainsi que la laquo zone raquo autour des villes pendant le

moyen-acircge comportant les faubourgs aux activiteacutes illicites et agrave lrsquoorigine du deacuteveloppement

des banlieues

Le ghetto est ici une notion mythique de sens commun qui appartient aux repreacutesentations

sociales urbaines Lrsquousage scientifique de la notion qui srsquoest deacuteveloppeacute dans les travaux de

sciences sociales pour analyser les pratiques et les conduites sociales en cours dans les

diffeacuterentes enclaves socialement consideacutereacutees comme des ghettos ne vaut qursquoen raison du jeu

social et politique et non scientifique qui a deacutesigneacute ces zones avec le terme de ghetto Cette

deacutenomination srsquoest reacutealiseacutee en reacutefeacuterence agrave cette imaginaire urbain qui offre des grandes

caracteacuteristiques steacutereacuteotypeacutees permettant de percevoir et de caracteacuteriser des espaces Les deux

premiegraveres entiteacutes sociales eacutevoqueacutees ghetto juif et ghetto noir ont servi de reacutefeacuterence socio-

historique pour en distinguer les principaux traits communs des communauteacutes territoriales

homogegravenes sur le plan culturel (et ethnique ou racial) occupant un espace reacuteglementairement

circonscrit sous la domination drsquoun pouvoir exteacuterieur coercitif et discreacutediteacutees dans leur

environnement

Depuis une trentaine drsquoanneacutees plusieurs quartiers paupeacuteriseacutes en France et mecircme parfois par

amalgame lrsquoespace plus geacuteneacuteral de la banlieue sont socialement deacutesigneacutes comme des ghettos

en raison de la proximiteacute de leur repreacutesentations sociales avec lrsquoimage caricatureacutee des formes

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socio-historiques preacuteceacutedentes des ghettos Le critegravere favorisant cet amalgame est la perception

drsquoune mecircme cause de seacutegreacutegation ethnique ou sociale agrave support territorial (Marchal Steacutebeacute

2009 p 12) Par leur marginaliteacute dans lrsquoespace urbain en raison de leurs caracteacuteristiques

formelles et sociales les zones de grands ensembles drsquohabitat srsquoinscrivent dans cette

deacutefinition sociale simplifieacutee constitutive du mythe des laquo citeacutes-ghettos raquo Ce dernier est activeacute

par divers acteurs qui en font plusieurs usages sociaux les meacutedias le personnel politique les

individus dans les rapports sociaux quotidiens mais aussi des experts non scientifiques pour

des institutions diverses

Cette extension de lrsquousage social de la notion de ghetto aux formes contemporaines de

marginaliteacute urbaine justifie ainsi une redeacutefinition scientifique des reacutealiteacutes deacutesigneacutees ainsi de

maniegravere simple et deacuteformeacutee pour faciliter la communication sociale selon le proceacutedeacute de

mythification Mais il srsquoagit alors de se deacuteprendre de la deacutefinition construite agrave partir des

formes plus laquo traditionnelles raquo des ghettos juifs et ghettos noirs et de leurs repreacutesentations

sociales Lrsquousage scientifique de la notion de ghetto est fondeacute agrave eacutevoluer avec son usage social

Cette approche de Steacutebeacute et Marchal (2009) apparaicirct relever drsquoune approche constructiviste sur

deux plans celui de lrsquoorientation paradigmatique en deacutefinissant le ghetto comme

repreacutesentation mythique socialement construite par effet drsquoagreacutegation de proprieacuteteacutes simples agrave

assimiler deacuteconnecteacutees ou du moins reacuteduisant les reacutealiteacutes deacutesigneacutees et sur le plan

eacutepisteacutemologique en postulant que la formation des notions et des concepts nrsquoest pas en

rupture initiale avec les notions du sens commun qui deacutesignent certains pheacutenomegravenes mais au

contraire elle srsquoen sert pour deacutevelopper une objectivation des pheacutenomegravenes analyseacutes quitte agrave

produire une deacutefinition plus rigoureuse des reacutealiteacutes des entiteacutes nouvelles deacutesigneacutees comme

tels

Ainsi les ZUS deacutelimiteacutees par lrsquoEacutetat ont-elle une visibiliteacute forte par les constructions formelles

qursquoelles recouvrent et par la crainte que suscite la meacutediatisation des tensions qursquoelles

comportent et des politiques diverses mises en œuvre pour y remeacutedier Elles constituent une

forme drsquoexpeacuterience collective socio-historique et contemporaine qui rejoint les formes

passeacutees des ghettos selon certains critegraveres seacutelectionneacutes par les repreacutesentations sociales Cette

association agrave une image mythifieacutee des ghettos remplit une fonction drsquoalerte affective et

cognitive sur les proprieacuteteacutes sociales des espaces urbains Les indicateurs sont multiples

concernant les manques et les difficulteacutes en matiegravere de revenus drsquoemploi de seacutecuriteacute de

scolariteacute et de santeacute par rapport au reste des villes Les eacutetudes empiriques sur Les Ulis et les

six autres par comparaison ont effectivement montreacute le renforcement de la diffeacuterenciation

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sociale des espaces de communes de grand ensemble avec le reste de leur bassin drsquohabitat ou

de la socieacuteteacute globalement

La nette distinction architecturale de structures et de formes de vie collective par rapport aux

diffeacuterents secteurs communaux ou intercommunaux des agglomeacuterations ou des bassins

drsquohabitat environnants favorise lrsquoassimilation des zones de grands ensembles au ghetto

mythique comme lieu urbain de releacutegation sociale dense et homogegravene (mecircmes populations

pauvres preacutecaires et immigreacutees) distincte du peuplement des secteurs pavillonnaires de

collectifs priveacutes ou mixtes Ce pheacutenomegravene de deacutesignation sociale en termes de ghetto traduit

une segmentation symbolique de la morphologie urbaine sous lrsquoeffet de la marginalisation

sociale et spatiale de ces zones

La deacutemesure architecturale des grands ensembles la mauvaise qualiteacute du bacircti (produit pour

des dureacutees provisoires souvent) lrsquouniformiteacute lrsquoisolement urbain encore parfois ainsi que

lrsquoabsence de diversiteacute fonctionnelle et drsquoanimation sociale conseacutequente contribuent agrave la

perpeacutetuation du mythe des ghettos sous des formes spatiales et mateacuterielles nouvelles

(Marchal Steacutebeacute 2009) Mecircme si en fait assez tocirct apregraves les premiers peuplements dans les

anneacutees 1960 des grands ensembles les populations reacutesidentes eacutetaient composeacutees de

nombreuses cateacutegories sociales releacutegueacutees dans des habitats deacutegradeacutes (Peillon 2001)

Crsquoest donc agrave partir de certains traits drsquoanalogie situationnelle avec les ghettos juifs anciens et

actualiseacutes avec le nazisme (ghettos de Varsovie et drsquoautres villes mais aussi camps

drsquoextermination) ou encore avec les diffeacuterentes formations urbaines et sociales de la zone

peacuteriurbaine des villes du moyen-acircge ayant preacuteexisteacute aux grands ensembles reacutesidentiels que

ces derniers sont devenus les laquo derniers avatars urbains raquo franccedilais mais aussi internationaux

des ghettos au sens mythique Et cela bien qursquoils aient eacuteteacute reacutealiseacutes dans des contextes de

construction agrave chaque fois particulier et pour des cateacutegories de population diverses

Selon Marchal et Steacutebeacute (2009) la reacutefeacuterence preacutegnante aux ghettos noirs eacutetatsuniens pour

qualifier la situation des quartiers laquo sensibles raquo franccedilais se base sur les quatre mecircmes critegraveres

de rapprochement grossier avec les autres figures historiques des citeacutes-ghettos et des zones

drsquohabitat marginaliseacutees la releacutegation socio-eacuteconomique la discrimination ethno-raciale des

habitants le stigmate territorial et enfin la violence et la criminaliteacute intenses et multiformes

que les ghettos noirs traditionnels formeacutes degraves la fin du XIXe siegravecle dans la socieacuteteacute blanche

eacutetatsunienne connaissent de plus en plus intenseacutement

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Le lien entre drsquoun cocircteacute les situations franccedilaises voire europeacuteennes et de lrsquoautre cocircteacute les

zones de ghettos aux Eacutetats-Unis existe donc bien par simplification de la diversiteacute et de la

complexiteacute des reacutealiteacutes dans les deux cas mais aussi en raison drsquoune destineacutee commune lieacutee agrave

lrsquoeacutevolution eacuteconomique sociale et politique les zones reacutesidentielles de moindre qualiteacute et

confort deviennent les lieux de releacutegation spatiale des exclus et preacutecaires socio-eacuteconomiques

qui sont maintenus dans des conditions faibles drsquoexistence sans dispositifs drsquointeacutegration

sociale suffisamment efficace

Ainsi divers recherches travaux et observations meneacutes soit au sein mecircme des zones

drsquohabitat de grands ensembles soit dans les communes globalement comprenant ces zones

convergent pour eacutevoquer une mecircme ambiance marqueacutee par la concentration de pauvres et de

groupes drsquoorigine immigreacutee ainsi que par la violence sociale de certains habitants et par la

faiblesse des relations sociales internes voire les tensions entre groupes et individus voisins

La similariteacute la netteteacute et la dureacutee dans le temps de ces pheacutenomegravenes observeacutes dans les divers

sites conduisent agrave geacuteneacuteraliser le constat du lien entre les grands ensembles deacutevaloriseacutes et la

nature particuliegravere du mode de vie sociale qui srsquoy instaure

Didier Lapeyronnie (2008) deacutesigne ce dernier par lrsquoexpression drsquolaquo ordre social inverseacute raquo par

contraste avec lrsquoordre des relations des conduites et des activiteacutes sociales ordinaires ayant

cours en milieu urbain instaureacute notamment par les classes moyennes marqueacute par lrsquoanonymat

et lrsquoeacutevitement des conflits Lrsquoordre social des milieux populaires eacutetant deacutefini par des logiques

drsquoaffirmation de soi dans un cadre drsquointerconnaissance eacutetendu sur des petits espaces mecircme

celui-ci est investi par des conduites parmi drsquoautres plus conformes agrave la culture des classes

moyennes ou populaires inteacutegreacutees exprimant violemment lrsquoopposition agrave la seacutegreacutegation sociale

et spatiale veacutecue Les individus marginaliseacutes dans les espaces de releacutegation spatiale sont

enclins agrave manifester individuellement et aussi parfois collectivement des attitudes de survie

eacuteconomique mais aussi sociale face au rejet et notamment pour les groupes immigreacutes face agrave

la xeacutenophobie et parfois au racisme

La repreacutesentation des quartiers pauvres et marginaliseacutes en France qursquoapporte Lapeyronnie

(2008) agrave lrsquoissue de ses travaux au milieu des anneacutees 2000 confirme les propos drsquoensemble de

Wacquant (2007) qui rapportent des observations commenceacutees pregraves de dix ans auparavant

Cependant elle les enrichit sur le plan des pratiques sociales qui srsquoy manifestent de maniegravere

plus reacutecente et conduisent lrsquoauteur agrave une conception diffeacuterente de la notion de ghetto par

rapport agrave celle utiliseacutee en reacutefeacuterence aux ghettos historiques juifs et noir-ameacutericains deacutefinis en

termes spatialiste racialiste et communautariste

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Tout en conservant le paramegravetre de la contrainte sociale comme condition du regroupement

spatial cette approche privileacutegie davantage lrsquoanalyse des pratiques indigegravenes qui srsquoy

deacuteveloppent avec les valeurs et les normes qursquoelles reacutevegravelent En effet la violence par

exemple nrsquoest plus le signe drsquoune deacutesorganisation conjoncturelle des structures drsquoencadrement

social et moral mais plutocirct lrsquoindicateur drsquoune logique drsquoaction transgressive et subversive

srsquoappuyant deacutelibeacutereacutement sur lrsquousage de la violence La notion de ghetto est ainsi renouveleacutee

tout en maintenant un lien avec les situations des ghettos juifs et noirs-ameacutericains par la

reconnaissance de formes drsquoorganisation sociale lieacutees agrave des modes de vie et des

repreacutesentations propres deacuteveloppeacutes en reacuteaction agrave la contrainte externe de seacutegreacutegation socio-

spatiale

Lrsquoattribution de ce sens reacuteactif aux pheacutenomegravenes que recouvre le terme de ghetto ne signifie

pas que ce pheacutenomegravene est nouveau Il semble plutocirct que le pheacutenomegravene ayant ce sens existait

deacutejagrave et que par la suite Lapeyronnie propose de le deacutenommer ghetto en le deacutecentrant en

quelque sorte de son acception historique anteacuterieure En effet par exemple Clavel (1998) qui

a reacutealiseacute sa thegravese de sociologie agrave partir drsquoune enquecircte sur les citeacutes de transit de 1975 agrave 1979

(La question de llsquoexclusion sociale le cas des citeacutes de transit sous la direction de Philippe

Lucas Lyon Universiteacute Lyon II 1979) a pu assez tocirct relier comportements speacutecifiques de

transgression et de subversion drsquoune part et exclusion urbaine drsquoautre part mecircme srsquoil srsquoest

davantage consacreacute agrave theacuteoriser le pheacutenomegravene drsquoexclusion sociale globalement plutocirct que de

deacutecrire la gamme des comportements manifestes dans ce domaine Il eacutecrit cependant assez

clairement laquo le marquage de certains quartiers dits deacutesheacuteriteacutes est lrsquoexpression finale du

pheacutenomegravene drsquoexclusion urbaine qui engendre des comportements sociaux speacutecifiques

(comportements de type sous-proleacutetarien manifestations de reacutevoltes sporadiques de

deacutelinquance ou de violenceshellip) raquo (Clavel 1998 p 82)

Les anneacutees 1980 et 1990 sont celles du deacuteveloppement de lrsquoexclusion et de la preacutecariteacute

eacuteconomique conduisant agrave des situations de plus en plus nettes drsquoexclusion sociale avec des

actifs durablement eacutecarteacutes de lrsquoemploi stable et reacutegulier notamment les moins qualifieacutes dont

les immigreacutes non ou peu scolariseacutes dans leur pays etou en France Cette violence du rejet et

du meacutepris ne peut ecirctre que durement ressentie par les groupes concerneacutes qui se retrouvent

rassembleacutes dans les mecircmes espaces reacutesidentiels La stigmatisation raciste des populations

issues de lrsquoimmigration notamment des jeunes hommes est tregraves forte (Khosrokhavar 2000)

Face agrave la mise agrave distance agrave la meacutefiance et au meacutepris des entreprises des administrations des

structures commerciales et de loisirs la haine et la hargne gagnent des individus notamment

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les jeunes mecircme les moins deacuteviants laquo la violence du jeune deacuteviant est veacutecue par lui en

lrsquooccurrence comme une contre-violence doteacutee drsquoun sens autant eacuteconomique que lsquomoralrsquo raquo

(Khosrokhavar 2000 p 429) Une fois regroupeacutes dans des espaces de releacutegation laquo les jeunes

garccedilons de ces quartiers inteacuteriorisent cette stigmatisation en supportent les conseacutequences

qursquoils soient drsquoorigine immigreacutee ou non

Drsquoougrave les reacuteactions en chaicircne ougrave lrsquoon se reacutevolte contre la stigmatisation en accentuant les traits

neacutegatifs qursquoon est censeacute incarner en prenant acte de sonrsquo indigniteacutersquo en la cultivant et surtout

en rejetant les cateacutegories lsquomoralesrsquo de la socieacuteteacute que lrsquoon identifie deacutesormais agrave un rsquoeuxrsquo

lointain sinon diabolique agrave lrsquoeacutegard de qui on peut agir selon un code moral diffeacuterent ougrave les

entorses (drogues deal multiples formes de deacuteviance) sont autoriseacutees voire encourageacutees raquo

(Khosrokhavar 2000 p 428) Crsquoest cette cateacutegorie drsquoaction de reacutevolte contre le meacutepris le

deacuteni moral et le preacutejugeacute neacutegatif exprimeacute par des regards des gestes des paroles diverses

drsquoimpatience et de deacutepit que Lapeyronnie (2008) deacutenomme ghetto

Le cas de Rillieux-la-Pape peut ecirctre appreacutecieacutee au regard de cette analyse (cf tableau 16

p 193) en 2003 la commune fait partie des 23 quartiers ou villes de France les plus

dangereuses selon le ministegravere de lrsquoInteacuterieur car exposeacutee de faccedilon reacutecurrente aux violences

urbaines Alors que lrsquoengagement des acteurs publics en 2004 eacutetait de reacuteduire le nombre de

faits de deacutelinquance de 20 les reacutesultats pour 2005 montrent une aggravation de 30 avec

une augmentation la plus importante depuis plusieurs anneacutees pour les violences familiales et

le constat du rajeunissement des primo-deacutelinquants De 1997 agrave 2005 en moyenne annuelle

pour 1 000 habitants alors que le nombre de faits de deacutelinquance de voie publique du Grand

Lyon (585 faits) auquel appartient Rillieux est supeacuterieur au niveau de cette derniegravere

commune (moins de 35 faits) le nombre de faits de violence volontaire (menaces coups et

blessures) est agrave lrsquoinverse plus fort agrave Rillieux (de 6 agrave 9 faits pour 1 000 habitants) que dans

lrsquoensemble du Grand Lyon (moyenne annuelle de 38 faits pour 1 000 habitants)

Drsquoun point de vue de lrsquoanalyse des comportements ou plutocirct de lrsquoaction le ghetto reacutevegravele ainsi

une logique ou une cateacutegorie drsquoaction individuelle et collective qui amegravene au deacuteveloppement

de trois principales pratiques sociales dans les rues les logements et les espaces semi-publics

ougrave reacutesident des exclus sociaux (Lapeyronnie 2008) la culture de rue des jeunes garccedilons

avec leur preacutesence continue dans lrsquoespace exteacuterieur pour les relations entre pairs hors des

foyers familiaux la rupture de communication entre les sexes et lrsquoeacuteconomie souterraine et

les trafics divers avec lrsquousage endeacutemique de la violence Pour Lapeyronnie (2008 p 23) ces

pratiques de ghetto constituent une laquo creacuteation collective originale pour reacutesoudre lrsquoeacutecart et les

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contradictions entre la structure sociale et la culture raquo faisant suite agrave la laquo galegravere raquo des anneacutees

1980 des blancs et des immigreacutes dans les quartiers laquo drsquoexil raquo Il srsquoagit en fait drsquoune sorte de

radicalisation de la conduite du galeacuterien qui se caracteacuterise par une absence de lien avec

organisation collective deacutetermineacutee par une exclusion sociale subie et geacuteneacuterant de lrsquoamertume

voire de la rage vis-agrave-vis de la socieacuteteacute en geacuteneacuteral (Dubet 1987)

La logique drsquoaction de ghetto est inscrite dans celle de la galegravere elle en est une des issues sans

qursquoelle eacutetait auparavant deacutenommeacutee de cette maniegravere par des membres du courant drsquoanalyse

des mouvements sociaux drsquoAlain Touraine dont relegraveve Franccedilois Dubet et Didier Lapeyronnie

mais aussi Adil Jazouli et Michel Wieviorka tous membres du Centre drsquoanalyse et

drsquointervention sociologique (CADIS) Galegravere et ghetto coexistent et srsquoarticulent en

srsquoimposant agrave drsquoautres logiques comme la reacutesignation (avec lrsquoinscription dans les relais

drsquoassistance et drsquoaction sociale) ou des conduites plus conformes aux valeurs et aux normes

dominantes telles que la recherche de travail et de formation la participation agrave la socieacuteteacute de

consommation et de loisirs

Depuis les anneacutees 1960 et de maniegravere plus nette depuis les anneacutees 1980 la violence sans

objet la deacutelinquance ou la solidariteacute entre pairs de la situation drsquoexclu se manifestent de plus

ne plus ouvertement en eacutetant plus reacutepandues et faisant lrsquoobjet drsquoune accumulation

drsquoexpeacuteriences multiples Cette orientation a favoriseacute le deacuteveloppement drsquoorganisations

criminelles et des niveaux de violence de plus en plus importants La signification de ces

comportements transgressifs ou subversifs comme reacuteponse ou laquo solution de lutte raquo agrave la

situation sociale drsquoineacutegaliteacute en est apparue que de plus en plus nette Ils peuvent drsquoailleurs se

manifester dans nrsquoimporte quel lieu hors des espaces habiteacutes agrave tout moment selon les

situations drsquointeractions sociales quand lrsquoopportuniteacute ou la neacutecessiteacute de contester les

contraintes de lrsquoordre seacutegreacutegatif se preacutesentent

Pour les familles immigreacutees qui les vivent ces contraintes srsquoapparentent drsquoailleurs agrave un

rapport de pouvoir laquo neacuteocolonial raquo du fait du prolongement au-delagrave des indeacutependances drsquoun

veacutecu de seacutegreacutegation Ce rapport eacutetant particuliegraverement vicieux puisque sous lrsquoeffet

drsquoinjonctions drsquointeacutegration sans les moyens apporteacutes de la reacutealiser le pouvoir attribue un

deacuteficit permanent de civilisation aux populations concerneacutees Crsquoest le mecircme proceacutedeacute

ideacuteologique et discursif revenant agrave deacutefinir les pauvres en raison de leur culture de leur moral

et de leur psychologie en eacutevinccedilant les logiques sociales drsquoentreacutee et de maintien dans la

pauvreteacute et hors des systegravemes drsquointeacutegration et de protection sociale Crsquoest pourquoi la logique

de lutte politique du ghetto srsquoincarne dans lrsquoadoption de valeurs et de normes de conduites

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transgressives et criminelles tant pour la survie eacuteconomique quotidienne que pour la

contestation de lrsquoordre social seacutegreacutegatif qui seacutevit

Agrave chaque situation individuelle et collective constituant une eacutepreuve lieacutee de pregraves ou de loin

aux processus drsquoexclusion drsquointensiteacute variable les individus deacuteveloppent des comportements

de lutte geacuteneacuterant des pratiques sociales plus ou moins reacuteguliegraveres selon les buts poursuivis En

ce sens les langages des formes reacuteactives se distinguent du langage commun des institutions

qui eacutechappe aux habitants Le ghetto en tant qursquoaction favorise ainsi la formation de

laquo contre-mondes raquo avec un fort climat de violence banaliseacutee comme norme dominante Par

exemple entre jeunes des rues les agressions physiques et verbales les vols et les conflits

violents ainsi que les laquo embrouilles raquo au quotidien constituent une partie importante des

modes relationnels et de contacts dans les espaces publics ou semi-publics

Ces conduites incitent au repli dans la sphegravere priveacutee pour les cateacutegories drsquohabitants nrsquoy

prenant pas part et laissent ainsi la place aux actes de deacutelinquance agrave la malveillance aux

embrouilles et aux meacutefaits Cette situation peut ecirctre illustreacutee avec le grand ensemble de la Citeacute

de Behren-legraves-Forbach (qui repreacutesentant 85 des pregraves de 10 000 habitants de la commune)

au milieu des anneacutees 2000 crsquoest le quartier du Bassin Houiller ougrave la Protection judiciaire de la

jeunesse (PJJ) intervient le plus fortement et le plus massivement dans le cadre de mesures

peacutenales avec 45 situations suivies en 2006 Ce sont agrave 95 des garccedilons ayant en majoriteacute de

10 agrave 16 ans

Cette logique comportementale de ghetto qursquoadoptent certains individus est agrave relier avec les

deux aspects objectifs et subjectifs drsquoun processus de ghettoiumlsation qursquoils subissent donc au

niveau individuel (Mucchielli Aiumlt-Omar 2007) lrsquoaspect objectif est relatif au

deacuteveloppement des difficiles conditions eacuteconomiques et sociales de vie qursquoils rencontrent et agrave

leurs difficulteacutes drsquoinsertion reacuteguliegravere lrsquoaspect subjectif concerne les repreacutesentations qursquoont

les personnes concerneacutees drsquoeux-mecircmes et des diffeacuterents groupes sociaux de la socieacuteteacute (et de

leurs relations) dans leurs situations de mise agrave lrsquoeacutecart socio-eacuteconomique et spatiale

Crsquoest drsquoailleurs par des eacuteleacutements objectifs sur le plan socio-eacuteconomique qursquoun sentiment de

laquo diffeacuterence raquo par rapport au reste des villes srsquoinstaure chez les personnes concerneacutees Cette

repreacutesentation de la diffeacuterence srsquoobjective en fait dans les rapports mecircme aux institutions dont

lrsquoeacutecole degraves la maternelle qui institue les ineacutegaliteacutes de destin social pour les enfants des

familles ndash surtout issues de lrsquoimmigration qui ne partagent pas la culture scolaire

(redoublement orientation dans les filiegraveres deacutefavoriseacutees sorties sans diplocircmes) Lrsquoabsence de

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diplocircme et de reacuteussite scolaire renforce la diffeacuterence objective et sa perception subjective sur

le plan des qualifications sociales Les discriminations fortes sur le marcheacute du travail

confirment ces repreacutesentations objectives des diffeacuterences sociales et leurs repreacutesentations

subjectives par les acteurs sociaux comme les sentiments de honte drsquohumiliation et

drsquoinjustice ainsi que des images neacutegatives de soi diverses lieacutees aux frustrations et agrave la non-

reconnaissance

Et lorsque la non-insertion des jeunes par exemple entraicircne la non-inteacutegration sociale en tant

qursquoadulte indeacutependant et aux droits reconnus la crise et la deacutesespeacuterance qursquoelle produit

atteignent leur paroxysme Lrsquointeacuteriorisation de cette situation est agrave lrsquoorigine de la disposition agrave

se retourner dans un accegraves de colegravere et de violence ou de maniegravere plus reacutefleacutechie parfois

contre les institutions ou leur symbole Ainsi lrsquoimpact psychologique et moral des processus

de seacutegreacutegation sociale comme celui de la releacutegation spatiale voire de la ghettoiumlsation drsquoun

espace se traduit par la formation drsquoun habitus au sens bourdieusien de systegraveme de

dispositions objectivant lrsquoeacuteloignement des conditions de vie et des destins des diffeacuterents

groupes sociaux et pouvant deacuteterminer ainsi des conduites tendant agrave le reproduire voire agrave

lrsquoaccentuer

Lapeyronnie (2008) a deacuteceleacute dans ce processus une dimension de reacutevolte dans plusieurs

domaines drsquoaction qui trouve depuis les anneacutees 1970 les conditions sociales pour se

deacutevelopper Il eacutevoque drsquoailleurs lrsquoinstitutionnalisation de quatre types de pratiques sociales

la deacutelinquance des jeunes dans la laquo rue raquo la famille laquo traditionnelle raquo selon une conception

rigide des positions statutaires et des rocircles des parents et des enfants la forte domination

masculine des femmes comme reacuteaction des hommes au racisme subi pour affirmer leur

identiteacute raciale ou ethnique et pour deacutesexualiser et controcircler les femmes et enfin les formes

drsquoidentification ethno-raciale entre les individus qui renforcent les steacutereacuteotypes et enferment

les identiteacutes personnelles

Ces pratiques contribuent agrave lrsquoorganisation sociale des ghettos ce qui ne signifie pas que tous

les habitants notamment les inscrits dans une situation drsquoexclusion sociale en partagent

exclusivement les valeurs culturelles Au contraire la logique du ghetto srsquoimpose agrave eux car

elle est exprimeacutee pour la survie ou la neacutecessiteacute de parade face au meacutepris du monde

environnant pourtant deacutesireacute (pour le travail la consommation les rapports sexuelshellip) Ainsi

bon greacute mal greacute le partage drsquoune culture drsquoune forme locale de ghetto unit les habitants au-

delagrave de la diversiteacute parfois inconciliable de leur culture propre et de leur culture de la

pauvreteacute eacuteconomique Car rappelle Lapeyronnie (2008) il nrsquoy a pas de culture de la pauvreteacute

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geacuteneacuteraliseacutee au sens drsquoun ensemble de normes et de valeurs diffuseacutees au sein des habitants du

ghetto Crsquoest davantage une expeacuterience partageacutee de la pauvreteacute qui impose des formes

drsquoorganisation sociale commune comme le ghetto bien que celle-ci soit veacutecue selon des

modes diffeacuterents en fonction de leurs caracteacuteristiques eacuteconomiques et sociales propres et de

la perception qursquoils ont drsquoeux-mecircmes

En ce sens lrsquoengagement de certains groupes familiaux dans une sous-culture de pauvreteacute

speacutecifique comme systegraveme rationnaliseacute et de deacutefense stable et persistant est un mode

drsquoadaptation agrave la marginalisation agrave la privation et agrave lrsquoexclusion subie dans la socieacuteteacute comme

peut lrsquoecirctre le mode reacutevolutionnaire Il signifie moins un handicap mais plus une faculteacute

drsquoadaptation neacutecessitant des ressources et une capaciteacute drsquoaction et de rationalisation complexe

et eacutelaboreacutee digne de respect103 Chaque sous-culture de pauvreteacute mise en œuvre par des

groupes familiaux est speacutecifique selon des caracteacuteristiques propres et distinctes des autres et

notamment selon le capital social posseacutedeacute agrave lrsquoexteacuterieur des zones de ghetto

Crsquoest pourquoi les attitudes publiques et priveacutees sont ambivalentes entre le rejet violent de la

socieacuteteacute et la forte deacutependance agrave celle-ci Ainsi si lrsquoespace public est reacuteguliegraverement approprieacute

par les jeunes laquo galeacuteriens raquo et trafiquants il reste ouvert agrave la vie ordinaire et domineacute par les

reacutefeacuterences de la socieacuteteacute et de sa culture dominante qui constituent le fond de deacutecor culturel du

ghetto Lrsquoespace social est lui distordu entre culture exteacuterieure et structures et cultures

internes avec le sentiment que laquo le ghetto empecircche de vivre raquo qursquoil accentue lrsquoisolement

social et la difficulteacute drsquoaccegraves agrave la reacutealiteacute exteacuterieure En fait si lrsquoon suit Lapeyronnie (2008) le

ghetto complexifie voire brouille le reacuteel

Sur le plan social et politique par exemple trois types drsquoacteurs majeurs organisent sa vie

sociale et les liens avec lrsquoexteacuterieur les institutions sociales nationales dont la police et les

services sociaux mais aussi les eacutecoles les trafiquants avec leurs activiteacutes multiformes et le

monde neacuteo-communautaire des pegraveres drsquoorigine immigreacutee inscrit dans une religiositeacute

musulmane steacutereacuteotypeacutee Ce laquo systegraveme politique raquo du ghetto est constitueacute par le dialogue entre

ces instances avec des alliances variables entre les parties Neacuteanmoins dans la vie

quotidienne les habitants sont davantage contraints agrave la solitude en raison de lrsquoabsence ou de

la faiblesse des relations ordinaires autres que la solidariteacute de la lutte contre lrsquoexclusion qui se

manifeste agrave chaque situation et action orienteacutee dans ce sens Le ghetto constitue une

laquo communauteacute agrave lrsquoenvers raquo dans laquelle coexiste la limitation des relations de voisinage et

paradoxalement en apparence une morale de lrsquointerconnaissance et de lrsquohonneur des 103 Lapeyronnie eacutevoque les ouvrages drsquoOscar Lewis agrave ce sujet tel que La Vida Paris Gallimard 1969

personnes surtout des jeunes hommes et des familles preacutecaires orienteacutee vers la recherche de

relations sociales pour exister recherche de respect et de reconnaissance solidariteacute entre

individus et familles activation des liens drsquoappartenance et surtout mise en scegravene publique

des individus suscitant le sentiment drsquoexister

Ce type de comportement mais aussi de laquo relation drsquoexistence raquo est constitutif des embrouilles

et conflits drsquohonneur constants Il est agrave la base du modegravele drsquointeacutegration locale et drsquoeacutequilibre

des forces sociales composant le ghetto La coheacutesion et lrsquounification des quartiers populaires

se produisent selon cette logique des rapports sociaux Chaque individu porte ainsi une morale

de la fideacuteliteacute au groupe ie de solidariteacute individuelle et collective Il peut ainsi tester ses

solidariteacutes assoir sa reacuteputation notamment pour les jeunes par la violence et enfin trouver

une occasion drsquoagir et de se battre

Cet univers conflictuel et deacuteveloppant des codes des normes et des valeurs propres agrave chaque

contexte isole du reste du monde social dont la logique lui est incompreacutehensible Cette

logique du conflit incessant entraicircne souvent les institutions et les agents divers qui sont au

contact des jeunes (chauffeurs de bus enseignants animateurshellip) dans des rapports tendus agrave

partir drsquoincidents peu graves a priori mais deacutebouchant sur des repreacutesailles des agressions et

des destructions de biens mateacuteriels leur appartenant Lrsquoenchaicircnement de violence eacutetant

impossible voire difficile agrave stopper

Cette logique de lrsquointerconnaissance sur le territoire constitue plus globalement une norme

habituelle de classes populaires notamment dans des univers clos il srsquoagit de renforcer

lrsquouniteacute des territoires chaque individu connaicirct des individus qui se connaissent entre eux

Dans les quartiers-ghettos ougrave seacutevit la deacutelinquance cela se passe en grande partie sous

lrsquoinfluence de certains jeunes qui controcirclent ainsi lrsquoespace par des conversations et des

commeacuterages continus Il est agrave rebours du mode de vie urbain des classes moyennes qui

suppose drsquoune part lrsquoanonymat pour des interactions qui ouvrent sur de nouveaux reacuteseaux qui

ne se connaissent pas et drsquoautre part des codes drsquointeraction eacutevitant les conflits lors des

rencontres et des rapports sociaux Au contraire les jeunes imposent leurs normes

drsquoaffirmation identitaire sur un mode violent au sein de reacuteseaux forts drsquointerconnaissance

mais limiteacutes territorialement tout en eacutetant simultaneacutement vulneacuterabiliseacutes par lrsquoexposition

quotidienne des comportements et de ses obligations de fideacuteliteacute aux groupes connus

La culture de lrsquointerconnaissance est aussi faciliteacutee par lrsquoidentification et la reacutefeacuterence au

groupe Les embrouilles et la violence relegravevent drsquoailleurs de la deacuteviance et des sanctions lieacutees

agrave cet ordre de relations sociales intenses et de comportements drsquohonneur Ceux-ci servent

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drsquoailleurs agrave laquo obliger raquo la compliciteacute active ou tacite de la population vis-agrave-vis de lrsquoeacuteconomie

souterraine selon une logique drsquoeacutechange constant et de liens de dons et de dettes entre

habitants Cet ordre social renforce lrsquoisolement des quartiers car les relations avec lrsquoexteacuterieur

doivent ecirctre reacuteduites pour des activiteacutes sans risques drsquoailleurs les gros trafics sont organiseacutes

strictement dans le cercle familial pour srsquoappuyer sur un reacuteseau plus fort de confiance

mutuelle La preacutesence importante de cette forme de sociabiliteacute deacutelinquante est une source

drsquoinseacutecuriteacute pour les reacutesidents des espaces concerneacutes et voisins

Les effets de cette culture intense de lrsquointerconnaissance contribuent paradoxalement en

apparence agrave la segmentation de lrsquoordre social des ghettos104 agrave lrsquoinverse de celui de la vie

urbaine des classes moyennes les comportements sont reacutegleacutes selon des meacutecanismes

drsquoidentification et de seacuteparation des groupes sociaux selon lrsquoacircge le sexe et lrsquoethniciteacute les

relations sociales interpersonnelles srsquoaccompagnent drsquoun rejet du monde exteacuterieur et drsquoune

faiblesse des relations avec celui-ci similaire agrave lrsquoordre social laquo provincialiste raquo le monde

moral du ghetto repose alors sur lrsquointercompreacutehension priveacutee et partageacutee opposeacutee aux regravegles

publiques lrsquoeacuteducation des enfants est orienteacutee dans ce sens de la protection et de la meacutefiance

vis-agrave-vis du monde exteacuterieur enfin la freacutequentation des services publics suit cette logique de

regroupement cateacutegoriel Ce type de fonctionnement par segmentation des activiteacutes et des

relations selon le sexe lrsquoacircge et lrsquoethnie favorise le sexisme et le racisme chaque individu

eacutetant identifieacute personnellement mais aussi par reacutefeacuterence au groupe et agrave la place qursquoil y

occupe ce qui accroicirct les processus de seacutegreacutegation sociale et raciale interne agrave la communauteacute

reacutesidentielle

Un point important selon Lapeyronnie (2008) est la forte violence masculine des milieux

populaires sur les femmes agrave lrsquoexteacuterieur et agrave lrsquointeacuterieur des logements il srsquoagit de controcircler

leur conduite de limiter leur deacuteplacement de les fixer dans des rocircles traditionnels en

eacutevacuant leur feacuteminiteacute ce qui les dissocie drsquoelles-mecircmes en tant que femme en plus de la

confiscation de leur liberteacute individuelle de circulation et drsquoaction Lrsquoexplication en est que les

hommes usent de la violence pour contraindre femmes et enfants agrave respecter les

repreacutesentations rigides qursquoils ont des rocircles traditionnels de la famille agrave les faire entrer dans les

normes familiales de diffeacuterenciation selon les acircges et les sexes

Cette violence conjugale et familiale exacerbeacutee en milieu populaire et dans les ghettos est

lieacutee agrave un laquo trop-plein raquo de repreacutesentations de la famille et de la place de la femme dans celle-

104 Lapeyronnie prend cette expression ndash ldquolrsquoodre social segmenteacuterdquo agrave Suttles in Suttles G (1968) The Social Order of the Slum Ethnicity and Territory in the Inner City Chicago The University of Chicago Press

ci agrave un refus des relations et agrave une peur de la trahison dans la construction de lrsquoidentiteacute

masculine Lrsquoordre social de seacuteparation entre les sexes et les groupes ethniques sert agrave preacutevenir

la trahison amoureuse et sexuelle des femmes La socialiteacute aide agrave reacuteguler les conduites pour

srsquoy conformer rumeurs conversations reacuteputations forte pression sur les jeunes femmes et

les adolescentes pour rester agrave lrsquointeacuterieur des logements et du ghetto

Lapeyronnie (2008) analyse que le racisme subi dans la socieacuteteacute franccedilaise accroicirct dans les

familles immigreacutees maghreacutebines marginaliseacutees les seacutegreacutegations de genre et traditionnelles

existantes deacutejagrave dans les milieux ouvriers franccedilais La marginalisation sociale et spatiale

entraicircne une conformation au fonctionnement du ghetto qui impose une polarisation spatiale

et identitaire des individus Cela porte les hommes immigreacutes discrimineacutes agrave revendiquer leur

ethniciteacute dans un espace de solidariteacute identitaire raciale pour atteacutenuer lrsquohumiliation Pour

eacuteviter que les femmes srsquoeacutemancipent et les laquo trahissent raquo ils leur imposent une mise en valeur

drsquoattributs de lrsquoethniciteacute dans lrsquoespace public renvoyant agrave des eacuteleacutements traditionnels

communautaires et steacutereacuteotypeacutes au deacutetriment de leur feacuteminiteacute individuelle

Les hommes puisent alors dans des reacutefeacuterences traditionnelles ou religieuses des arguments

drsquoautoriteacute pour imposer des codes vestimentaires et de conduite traditionnelle aux

femmes Ainsi le racisme dominant induit une cristallisation des conceptions des rocircles

sociaux traditionnels par contrainte de laquo srsquooublier raquo dans les steacutereacuteotypes du racisme subi

quitte agrave se couper encore plus de lrsquoaccegraves agrave la vie laquo normale raquo Cette adoption de conduites

steacutereacuteotypeacutees imposeacutees agrave tous sur les plans familiaux sociaux et de relations entre les sexes

sert agrave proteacuteger une inteacutegriteacute psychique et culturelle en se conformant aux normes des

laquo citeacutes raquo

Ces eacuteleacutements soulignent que la violence du ghetto renvoie eacutegalement agrave des facteurs

familiaux deacutetermineacutes en partie par le processus social de formation mecircme des ghettos un

modegravele eacuteducatif populaire tend agrave socialiser agrave la violence en lui attribuant le rocircle de moyen

efficace de reacutesolution des problegravemes que les enfants reproduisent Celui-ci deacutecoule drsquoune

conception autoritaire de lrsquoeacuteducation dont lrsquoobjectif est le controcircle comportemental et moral

des enfants en les rendant respectueux des parents et des autoriteacutes Il srsquoagit de les proteacuteger de

leurs propres deacuterives et des influences neacutegatives de lrsquoenvironnement par des actes punitifs

brutaux et violents sur un mode impulsif Ce qui srsquooppose aux meacutethodes des classes

moyennes avec la recherche drsquoautonomie et drsquoeacutepanouissement personnels pour la reacuteussite

sociale srsquoappuyant sur une forte communication enfant-parent et sur une prise en charge

importante avec de nombreuses stimulations des enfants par les parents

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Lapeyronnie (2008) eacutevoque drsquoailleurs agrave ce sujet le paradoxe de la moindre liberteacute des enfants

de classes moyennes ils sont plutocirct en neacutegociation permanente pour des espaces de liberteacute

contre des gages de bonne reacuteussite scolaire et personnelle Le modegravele eacuteducatif populaire est

lieacute agrave un modegravele de vie familiale centreacutee sur les adultes et non plus sur lrsquoenfant dont le rocircle est

de se comporter en mini-adultes disciplineacutes dans le monde des adultes pour assurer la stabiliteacute

de la famille Un autoritarisme et une distance du pegravere sont compenseacutes par une surprotection

et une proximiteacute maternelles

Cette diffeacuterence de modegraveles eacuteducatifs entraicircne des malentendus et un hiatus entre drsquoun cocircteacute

des familles de milieu populaire et de lrsquoautre cocircteacute des travailleurs sociaux et drsquoautres agents

et institutions des classes moyennes Les premiers peuvent ressentir une deacuteception de leurs

attentes drsquoautoriteacute sur les enfants vis-agrave-vis de lrsquoeacutecole et les seconds deacutevelopper une

perception critique du mode autoritaire drsquoeacuteducation de ces parents et de leur manque de suivi

du deacuteveloppement personnel de leurs enfants

La violence eacuteducative peut avoir deux conseacutequences psychologiques et sociales chez les

enfants qui la subissent La premiegravere est un deacutesir et une pratique drsquoeacuteloignement des enfants de

lrsquoespace familial notamment des garccedilons avec un report de la vie juveacutenile des besoins

affectifs et drsquoautonomie sur le groupe de pairs et dans la rue degraves lrsquoacircge de 10-12 ans ougrave srsquoy

construit son identiteacute masculine en parallegravele et en renforcement du modegravele familial centreacute sur

les adultes La vie adolescente srsquoorganise agrave lrsquoexteacuterieur entre preacutesence longue dans la rue et

seacutejours dans la famille reacuteduits aux repas au dormir et aux liens avec la megravere Cette vie est

ignoreacutee par la famille et mecircme perccedilue comme menaccedilante pour elle

La deuxiegraveme conseacutequence comportementale chez les enfants de la violence eacuteducative est le

deacuteveloppement drsquoun caractegravere meacutefiant vis-agrave-vis des adultes des acteurs de la socieacuteteacute

(enseignants travailleurs sociaux journalisteshellip) et des institutions en geacuteneacuteral ils portent

une attention plus forte sur les actes que les paroles dont le sens est mal perccedilu Ils craignent

drsquoailleurs lrsquoutilisation des mots drsquoougrave un usage deacutetourneacute et moqueur de ceux-ci La rue et le

groupe de pairs constituent alors un sous-milieu de prise de distance de socialisation intense

Il offre un espace social de collectivisation des conflits lieacutes drsquoune part agrave la pression agrave la

reacuteussite sociale par la famille et les institutions et drsquoautre part aux blocages racistes de la

socieacuteteacute urbaine Ce qui induit alors parfois une preacutefeacuterence notamment par les garccedilons pour

lrsquoeacutechec scolaire afin de reacuteduire les humiliations et proteacuteger la digniteacute personnelle De leur

cocircteacute les filles projettent cette pression familiale agrave la reacuteussite dans le monde scolaire qui leur

est plus adapteacute Il nrsquoy a donc pas laquo deacutemission raquo des parents ou de difficulteacutes lieacutees agrave une

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double culture mais plutocirct une forte difficulteacute agrave geacuterer la contradiction drsquoune situation entre les

projets parentaux pour les enfants et lrsquoimpossibiliteacute de leur mise en œuvre en lrsquoabsence des

compeacutetences parentales pour le faire

Car lrsquoheacuteritage familial lieacute agrave la migration et agrave lrsquoabsence de formation et de qualification des

parents bloque les perspectives de mobiliteacute sociale Les eacutechecs et les problegravemes des enfants

peuvent alors renforcer la crispation autoritaire des pegraveres qui se replient sur des rocircles

traditionnels au sein de la famille en coupure avec la socieacuteteacute exteacuterieure Ce qui augmente

lrsquoignorance parentale de la vie dans les rues et dans le quartier et leur manque

drsquoinvestissement dans lrsquoaccompagnement des enfants dans leurs eacutetudes leur formation

professionnelle et leur autonomie La mise agrave lrsquoeacutecart de la famille par les enfants pour leur

liberteacute et la vie dans le quartier est faciliteacutee par ce manque de connaissance des familles sur le

monde exteacuterieur ce qui drsquoailleurs renforce lrsquoattache affective qursquoont les enfants vis-agrave-vis des

parents et deacuteveloppe un sentiment de protection qursquoils leur doivent

Ainsi lrsquoorganisation de la vie sociale marginale du ghetto constitue un monde de liens forts

peu nombreux et de comportements cateacutegoriels steacutereacuteotypeacutes et violents (megraveres eacutepouses

hommes pegraveres enfantshellip) structureacutes selon une forte seacutegreacutegation des genres et une faible

communication entre eux et emplis de reacutefeacuterences normatives traditionnelles concernant les

rocircles sociaux qui srsquoimposeraient agrave tous La violence des hommes agrave imposer le conformisme

aux femmes par peur de lrsquoabandon communautaire et de la dissolution identitaire a pour

origine la violence de la marginalisation sociale et spatiale et du racisme de la socieacuteteacute globale

Lrsquoordre social produit dans les zones de releacutegation urbaine seacutecregravete une matiegravere culturelle et un

mode de vie agrave la deacuterive et auto-excluant (Begag Rossini 1990)

Le travail de Lapeyronnie (2008) a pu enrichir le caractegravere conceptuel du terme ghetto par

rapport agrave diffeacuterents travaux et diffeacuterentes reacuteflexions meneacutes jusqursquoici en apportant une

signification et en mecircme temps une explication agrave un ensemble de pratiques et de conduites la

reacuteaction agrave la releacutegation socio-urbaine et la volonteacute drsquoopposition agrave lrsquoordre social qui la geacutenegravere

Ce renouvellement de lrsquoanalyse des situations de zones urbaines marginales par Lapeyronnie

reconfigure en les valorisant les maintenant ou les relativisant et nuanccedilant le statut cognitif

de leurs proprieacuteteacutes seacutemantiques traditionnelles

Trois proprieacuteteacutes conservent un caractegravere fondamental sur les plans des meacutecanismes de

creacuteation et de la fonction des ghettos Drsquoabord la mise agrave lrsquoeacutecart du systegraveme social et

eacuteconomique dominant et son effet de paupeacuterisation des groupes sociaux concerneacutes Puis la

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releacutegation dans un espace reacutesidentiel marginal sous eacutequipeacute en structures institutionnelles et

regroupant une population aux mecircmes caracteacuteristiques sociales Enfin lrsquoeffet de maintien et

de renforcement des ineacutegaliteacutes sociales par le sous-investissement institutionnel dans ces

zones ce que partagent drsquoautres auteurs (Steacutebeacute Marchal 2010)

En revanche un aspect devient preacutedominant qui est aussi eacuterigeacute en symptocircme de laquo lrsquohyper-

ghetto raquo (les anciens ghettos traditionnels noirs paupeacuteriseacutes) chez Wacquant (2007) la

violence et la crispation identitaire en reacuteaction agrave la domination socio-eacuteconomique et politique

ainsi qursquoagrave la releacutegation spatiale Pour Lapeyronnie ce caractegravere est davantage significatif il

le rapporte mecircme agrave une cateacutegorie ou une logique drsquoaction individuelle ou collective alors que

Wacquant le range agrave eacutegal importance avec drsquoautres eacutetats de conscience comme la

deacutemoralisation le repli la colegravere la honte et lrsquoindignation

En outre Lapeyronnie (2008) attribue une forme plus atteacutenueacutee agrave deux proprieacuteteacutes

traditionnelles des ghettos Le premier est lrsquoenfermement dans un espace geacuteographique sous

contrainte institutionnelle forte Le regroupement spatial des plus pauvres et fragiles se reacutealise

en effet davantage sous lrsquoeffet drsquoune contrainte plus indirecte que celle drsquoune disposition

leacutegale explicitement discriminatoire celui du manque de mobiliteacute reacutesidentielle possible dans

les zones urbaines mixtes ou valoriseacutees en raison des faibles ressources disponibles et des

valeurs fonciegraveres eacuteleveacutees lieacutees aux tendances agreacutegatives des plus riches et de certaines

cateacutegories moyennes stables dans des espaces les mieux situeacutes eacutequipeacutes et surtout freacutequenteacutes

crsquoest-agrave-dire comportant dans la mesure du possible des laquo pairs sociaux raquo Ce qui abouti

parfois agrave la creacuteation drsquoespaces reacutesidentiels clos et fermeacutes aux passages exteacuterieurs ainsi que

tregraves seacutelectifs sur le plan eacuteconomique (Steacutebeacute Marchal 2008) Le regroupement contraint des

plus pauvres est donc une conseacutequence du rapprochement spatial des plus aiseacutes et qualifieacutes agrave

des fins identitaires et de protection des biens et des reacuteseaux et destins sociaux

Lrsquoautre atteacutenuation drsquoune caracteacuteristique traditionnelle des zones de ghettos est le caractegravere

laquo racial raquo et son homogeacuteneacuteiteacute preacutesupposeacutee speacutecifique Le regroupement drsquoindividus

drsquoorigines ethniques multiples relativise cet aspect sans oublier la preacutesence des couches

ouvriegraveres deacuteproleacutetariseacutees drsquoascendance franccedilaise qui subissent une nette mise agrave distance en

raison de leurs modes de comportements distincts de ceux des cateacutegories discriminantes

(cateacutegories supeacuterieures et moyennes du priveacute surtout) et de leur faible culture scolaire et

intellectuelle

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La reconfiguration argumenteacutee et coheacuterente de la notion par plusieurs auteurs qui finissent par

partager des eacuteleacutements centraux agrave la notion de ghetto deacutenote sa plasticiteacute certaine en

correspondance avec la diversiteacute et lrsquoeacutevolution dans le temps et dans lrsquoespace des formes

sociales et spatiales de seacutegreacutegation urbaine En outre cette souplesse de lrsquoappreacutehension

scientifique des reacutealiteacutes susceptibles drsquoecirctre couvertes par ce terme fait bien eacutecho agrave lrsquoeacutevolution

de son usage social Dans ce sens il nous apparaicirct tout agrave fait inteacuteressant de pouvoir trouver

une notion approprieacutee pour repreacutesenter les effets de la ghettoiumlsation sur des territoires plus

larges que les parties les plus deacutegradeacutees des grands ensembles zone complegravete de grands

ensembles ou communes drsquoappartenance voire territoire intercommunal qui comprend un ou

plusieurs grands ensembles

En raison drsquoune preacutedominance des pheacutenomegravenes du processus de ghettoiumlsation qui se

reacutepandent dans lrsquoensemble des territoires environnant les quartiers ghettoiumlseacutes il peut ecirctre

possible drsquoanalyser et de qualifier ces effets agrave des eacutechelles drsquoobservation plus larges Crsquoest

cet exercice qui est reacutealiseacute dans la section suivante

2 Du ghetto au deacuteclin social urbain des communes de grands ensembles

Agrave lrsquoissue des diffeacuterentes parties preacuteceacutedentes de multiples variables ont pu ecirctre

identifieacutees dans la description des espaces et des populations des grands ensembles subissant

la ghettoiumlsation ainsi que dans la compreacutehension de leurs modes de vie structures sociales et

niveaux de qualification et de vie situeacutes dans la partie infeacuterieure de la hieacuterarchie sociale

larges et intenses difficulteacutes drsquoemploi nombreuses familles monoparentales groupes

ethniques releacutegueacutes en raison de leur faibles qualifications et de leur exposition agrave la

discrimination au travail et dans le logement niveau eacuteleveacute de deacutelinquance et de violence

voire de conduites seacutegreacutegatives internes en raison de lrsquoopposition agrave la marginalisation sociale

et urbaine subie

Dans les espaces voisins dans les parties drsquohabitat ou les lieux et les eacutequipements publics et

collectifs ces traits de vie eacuteconomique et sociale des quartiers-ghettos srsquoatteacutenuent ou

disparaissent de maniegravere isoleacutee ou en nombre Par exemple les habitants des communes

voisines de grands ensembles peuvent ne pas connaicirctre de problegravemes importants de chocircmage

mais elles peuvent subir une mauvaise reacuteputation en raison de la freacutequentation intense de ses

espaces publics par des jeunes du grand ensemble pour des trafics divers voire des actes de

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preacutedation ou drsquoagression Cependant drsquoautres aspects peuvent ecirctre saillants ou effectifs tout

autant que dans les zones plus speacutecifiques de ghetto alors que par ailleurs les autres

dimensions de la vie sociale ne sont pas fortement deacutegradeacutees (chocircmage accueil de

populations pauvres peu qualifieacutees ou immigreacutees ou encore des familles monoparentaleshellip)

Les effets subis sur la vie sociale et par leurs habitants nrsquoy sont certainement pas neacutegligeables

mecircme si moins intenses et eacutetendues que dans les parties les plus deacutegradeacutees des grands

ensembles de releacutegations Pour appreacutehender la diffusion des effets des pheacutenomegravenes

composant le processus de ghettoiumlsation plus disperseacutes dans les territoires plus larges (comme

ceux des communes de grands ensembles) il est proposeacute de deacutevelopper la notion de deacuteclin

social urbain

Le but est de chercher agrave deacutenommer ce que des observations reacutealiseacutees degraves mes travaux de DEA

concernant la communalisation des populations issues de lrsquoimmigration dans les espaces du

travail social (Chebroux 1997) mrsquoont permis de pressentir et que des travaux comme ceux de

Lapeyronnie (2008) ont confirmeacute agrave savoir la diffusion hors champ meacutediatique dans les

espaces urbains et par les deacuteplacements en leur sein de pheacutenomegravenes sociaux et de pratiques

sociales qui se rapportent agrave la formation des quartiers ghettos et des conduites sociales qui les

caracteacuterisent Les pheacutenomegravenes et les pratiques sont multiples concernant des champs

diversifieacutes de la vie sociale chocircmage et de sous-emploi conseacutequences reacutesidentielles

eacuteconomiques et sociales des seacuteparations conjugaleshellip La fragilisation psychologique sociale

et eacuteconomique ne reste pas concentreacutee dans certains espaces reacutesidentiels et surtout les effets

des problegravemes sociaux lieacutes au regroupement des plus pauvres et fragiles ne restent pas

cantonneacutes aux quartiers drsquohabitation des personnes concerneacutees

Par exemple la conduite des individus srsquoengageant dans des orientations communautaristes

parfois tregraves traditionnalistes et de deacutevotions pousseacutees drsquoorigine arabe etou de confessions

musulmanes aux rapports antagoniques avec la socieacuteteacute franccedilaise dans son ensemble (Tietze

2002) peut se manifester en de nombreux lieux hors de quartiers-ghettos ougrave ils reacutesident

mairies locaux administratifs divers eacutequipements publics services et commerces multiples

situeacutes agrave distance variable du domicile Plus geacuteneacuteralement agrave une eacutechelle plus large que celles

des grands ensembles ou alors quand ceux-ci forment un eacutechelon territorial communal

crsquoest-agrave-dire associant secteurs reacutesidentiels structures et services-commerces de proximiteacute

mais aussi bacirctiments et activiteacutes publics comment analyser lrsquoimpact global de la

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ghettoiumlsation de certains segments spatiaux sur la vie sociale et les modes de vie de

lrsquoensemble urbain consideacutereacute

Car des pheacutenomegravenes sociaux mais aussi physiques (deacutegradation mateacuterielle et deacutefaut

drsquoentretien de maintien et de reacutenovation) peu nombreux mais suffisamment nets peuvent

deacutevelopper un processus de deacutevalorisation sociale ou un maintien de faible valeur sociale de

territoires plus larges de nature moins intense que tout ou partie des grands ensembles qursquoils

supportent Crsquoest drsquoailleurs agrave partir de la notion de valeur sociale que lrsquoeffort de

conceptualisation peut ecirctre reacutealiseacute En effet elle est au cœur de la connotation plutocirct neacutegative

du terme laquo deacuteclin raquo dans lrsquoexpression deacuteclin social urbain Car le deacuteclin qui peut deacutesigner des

changements sociaux marqueacutes par la reacuteduction quantitative ou qualitative de certains faits ou

de certaines caracteacuteristiques sociales nrsquoest pas exempte drsquoenchevecirctrement possible avec des

jugements de valeurs implicites ou encore des jugements de faits ambivalents

Le deacuteclin selon le Larousse 2005 deacutesigne la diminution de grandeur ou de valeur Pour un

espace urbain que qualifie-t-on par cette notion Par exemple quelle signification peut-on

attribuer agrave la proleacutetarisation drsquoune zone urbaine primitivement composeacutee de couches sociales

moyennes du fait des changements drsquoordre eacuteconomique ou urbain en termes de constructions

de fonctions et drsquoactiviteacutes composant la zone Ce changement reacutevegravele-t-il la fin drsquoune peacuteriode

laquo heureuse raquo pour la zone elle-mecircme ou plutocirct une eacutevolution positive de promotion pour les

couches modestes lrsquoinvestissant Tout deacutepend donc du point de vue pris en compte pour

reacutealiser cette eacutevaluation Ce qui signifie qursquoil faille ecirctre preacutecis sur la deacutemarche de qualification

et sur les critegraveres utiliseacutes pour juger drsquoun deacuteclin social urbain drsquoune ville ou drsquoune partie de

celle-ci

Par ailleurs lrsquoexpression laquo deacuteclin social urbain raquo comportant deux adjectifs juxtaposeacutes sans

eacuteleacutement de liaison est certainement aussi eacutequivoque deacutesigne-t-elle un laquo deacuteclin social dans

lrsquourbain raquo ou un laquo deacuteclin social et urbain raquo En effet les eacuteleacutements fonctionnels et physiques

drsquoun espace construit peuvent ne pas eacutevoluer alors mecircme que des changements sociaux

lrsquoaffectent structures des meacutenages types de relations sociales culture et mode de vie mode

drsquousage et de perception des eacuteleacutements et des fonctions de lrsquoespacehellip Cependant

lrsquointerdeacutependance forte et multiforme des deux matiegraveres le social et lrsquourbain porte agrave

consideacuterer que le deacuteclin de lrsquoun ne va pas sans celui de lrsquoautre et vice et versa Enfin cette

expression ne semble pas avoir eacuteteacute lrsquoobjet drsquoune deacutefinition preacutecise entre le deacuteclin urbain des

urbanistes ou drsquoautres analystes (historiens eacuteconomistes sociologueshellip) srsquointeacuteressant agrave la

ville et le deacuteclin deacutemographique des villes des deacutemographes une deacutefinition plus preacutecise du

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deacuteclin social urbain existe-t-elle ou encore une formulation de sa signification a-t-elle eacuteteacute

entreprise

Il existe effectivement une certaine polyseacutemie qui caracteacuterise drsquoabord la seule notion de deacuteclin

urbain Une premiegravere approche est celle de Jacques Beauchard (1993) qui met plutocirct en avant

des paramegravetres politico-institutionnels et eacuteconomiques qui reacuteduisent la capaciteacute des villes agrave

constituer des uniteacutes politiques drsquointeacutegration sociale La dispersion des eacuteleacutements fonctionnels

mateacuteriels et sociaux des villes enteacuterineacutee par le deacutepart de populations et drsquoentreprises vers les

zones peacuteripheacuteriques engendrerait une impression laquo drsquoeacuteclatement raquo de celles-ci ce que de

nombreux observateurs rapportent degraves la fin des anneacutees 1980 selon un mode meacutetaphorique

avec une multiplication de termes synonymes (laquo coupures raquo laquo clivages raquo laquo fragmentations raquo

laquo divisions raquohellip) Jacques Brun (2008) eacutevoque agrave ce sujet un effet drsquo laquo hysteacuterisation raquo du

discours analytique sur les transformations urbaines exigeant drsquoexaminer plus preacuteciseacutement les

notions utiliseacutees

En fait selon un ouvrage collectif de reacutefeacuterence ayant mis en avant ce qualificatif (Haumont

Levy 1998) il srsquoagissait de rendre compte des effets rapides et forts des changements

eacuteconomiques sociaux et urbains sur la notion de ville au profit de la notion drsquourbain le

fractionnement ou la mosaiumlque des espaces urbains mis en avant par lrsquoexpression laquo eacuteclatement

de la ville raquo peut paraicirctre abusif pour signifier le mouvement de deacutestructuration des formes

drsquouniteacute urbaine anteacuterieures les diffeacuterences et les conflits nrsquoentraicircnent pas neacutecessairement la

deacutesagreacutegation des socieacuteteacutes urbaines et ils peuvent masquer des structures et des reacutegulations

nouvelles mal identifieacutees Ainsi cette expression se reacutefegravere agrave un processus de fragmentation

morphologique crsquoest-agrave-dire de dislocation de lrsquouniteacute mateacuterielle fonctionnelle et politique des

villes entraicircnant ainsi une perte drsquoidentiteacute en tout cas une destruction de leur coheacutesion

sociale (Brun 1998) La vitesse de deacuteveloppement des villes aurait un effet drsquoaugmentation

des problegravemes sociaux et des tensions entre les groupes effet perccedilu comme signe de

laquo menace raquo sur le laquo lien social raquo

Il est mecircme poseacute en postulat pour limiter la taille des villes nouvelles afin drsquoassurer

lrsquointeacutegration la mixiteacute sociale et lrsquoharmonie entre emplois consommation et habitat Ainsi le

thegraveme de la ville laquo eacuteclateacutee raquo reacuteveacutelerait en creux une vision ideacutealiste de la ville moyenne sans

seacutegreacutegation (ou faible) aux parties solidement unies sans contradictions ni ineacutegaliteacutes sociales

et spatiales En reacutealiteacute les problegravemes drsquointeacutegration et drsquoexclusion y apparaissent tout autant

que dans les grandes villes Lrsquoexemple des communes de grands ensembles de notre

recherche le confirme qursquoelles appartiennent agrave des grandes agglomeacuterations (Les Ulis

407407

Rillieux-la-Pape) ou qursquoelles en soient plus eacuteloigneacutes (Mourenx Behren-legraves-Forbach

Fareacutebersviller Pierrelatte et Bagnols-sur-Cegraveze)

Par ailleurs ce thegraveme ne reacutevegravele-il pas les questions que se posent les responsables politiques

les technocrates voire les chercheurs alors que les citoyens ne se posent pas ou peu la

question de lrsquoidentiteacute de la ville notamment les plus pauvres ayant une faible mobiliteacute

spatiale et ne se sentant souvent mecircme pas citoyens de leur propre commune De leur cocircteacute

les plus aiseacutes et plus mobiles qui srsquoaccommodent de la fragmentation architecturale

fonctionnelle et sociale de lrsquoespace agrave lrsquoaise dans leur quartier et dans la ville ont-ils une

image plus claire de celle-ci et quelle signification lrsquohabitation dans tel ou tel quartier a-t-elle

pour eux En outre srsquoil nrsquoapparaicirct pas de reacuteelle laquo crise de la ville raquo ou laquo des quartiers raquo au

sens de rupture qualitative systeacutematique et globale il reste inteacuteressant selon Jean-Pierre Leacutevy

(1998) qui a eacutecrit la postface du mecircme ouvrage collectif drsquoappreacutecier les reacuteels changements et

lrsquouniversaliteacute de certains drsquoentre eux tout en ne surestimant pas les conseacutequences sociales de

ceux-ci

Il faut donc reconnaicirctre la laquo transformation fragmentaire raquo de la morphologie des villes

causeacutee par les changements eacuteconomiques politiques et sociaux reacutecents Celle-ci geacutenegravere des

pheacutenomegravenes de laquo pathologie sociale raquo comme la releacutegation de populations deacutefavoriseacutees la

compeacutetitiviteacute accrue de groupes sociaux pour lrsquooccupation de bons quartiers dont la

gentrification ndash ie lrsquoembourgeoisement des zones drsquoaccessibiliteacute maximale est une forme

Mais ce ne sont pas les formes urbaines qui expliquent en majoriteacute les problegravemes sociaux et

politiques comme la perte drsquoidentiteacute et drsquouniteacute de la ville Ce sont plutocirct les comportements et

les rapports sociaux qui ont une dimension urbaine et peuvent mecircme se manifester agrave travers

elle

En ce sens les conduites des cateacutegories sociales moyennes aiseacutees et modestes deacuteterminent

chacun variablement les cycles de valorisation ou de deacutevalorisation des zones urbaines selon

des dureacutees jamais deacutefinitives Les pratiques reacutesidentielles deacutependent elles-mecircmes drsquoune part

des cycles socio-eacuteconomiques qui agissent de maniegravere complexe sur le marcheacute du travail et

sur celui du logement drsquoautre part des politiques sociales et eacuteconomiques en cours Crsquoest

pourquoi Leacutevy (1998) eacutevoque la forte laquo flexibiliteacute sociale de lrsquoespace raquo crsquoest-agrave-dire lrsquoextrecircme

souplesse drsquousage des lieux mecircme si demeure laquo lrsquoesprit raquo des lieux pour la meacutemoire

collective

Quoiqursquoil en soit pour revenir aux propos de Beauchard (1993) lrsquoeacutemigration reacutesidentielle des

cateacutegories supeacuterieures et la deacutelocalisation drsquoactiviteacutes eacuteconomiques vers les peacuteripheacuteries

408408

urbaines ont entraicircneacute deux conseacutequences neacutegatives pour les villes non seulement

lrsquoaffaiblissement de leur fonction politique inteacutegratrice mais aussi la reacuteduction des services

publics Le premier point souligne que la reacuteduction de lrsquouniteacute des villes par les mouvements

drsquoexternalisation et de diffeacuterenciation eacutevoqueacutes affaiblit leur urbaniteacute et donc leur capaciteacute

drsquointeacutegration crsquoest-agrave-dire leur fonction politique Cette eacutevolution constitue une eacutetape nouvelle

de deacutetachement de la ville par la citeacute politique dont lrsquoextension agrave la nation et aux institutions

multinationales depuis la fin des citeacutes-Eacutetats grecs en eacutetaient les premiegraveres eacutetapes

Lrsquoaffaiblissement du politique geacutenegravere outre une sur-appropriation de lrsquoespace public par le

champ eacuteconomique ndash agrave travers la publiciteacute et la privatisation de lrsquoespace ndash la hausse du repli

communautaire ou drsquounions proches de la famille pour reacuteduire la multipliciteacute jugeacutee menaccedilante

des grandes citeacutes ouvertes Lrsquoespace public devient un espace socioculturel et est davantage

menaceacute de divisions et de conflits territoriaux de toute sorte entre groupes sociaux et

ethniques regroupeacutes (Semprini 1997) Lrsquoeacuteclatement sociopolitique de la ville renvoie alors agrave

une composition sociale territoriale exalteacutee par les risques de conflits la territorialisation

possible des communauteacutes rend impossible des cohabitations physiques et le pays pourrait

alors se diviser en laquo cantons nationalistes raquo (Beauchard 1993)

La deuxiegraveme conseacutequence de lrsquoeacutemigration hors des centres-villes des classes moyennes et

supeacuterieures et des activiteacutes eacuteconomiques est la reacuteduction de la capaciteacute des villes agrave fournir des

services au public ce qui renforce les divisions sociales par le recours neacutecessaire agrave la

solidariteacute sociale territoriale et ethnique entre individus Lrsquoextension urbaine avec le vidage

de ses eacuteleacutements internes vers la peacuteripheacuterie deacutevitalise la ville sur le plan des activiteacutes et donc

de ses recettes fiscales pour les administrations avec des risques drsquoendettement Les capaciteacutes

drsquooffre de services de biens et drsquoeacutequipements communs et publics sont donc reacuteduites limitant

ainsi la participation sociale aux sphegraveres de la production et de la reproduction de la socieacuteteacute

Les villes subissant ce deacuteclin marginalisent socialement leur population en tout ou partie

Marie-Christine Jaillet-Roman (2006) preacutecise drsquoailleurs que ces effets de deacuteclin socio-

politique de lrsquoextension urbaine srsquoobservent geacuteographiquement aux deux points du

mouvement dans lrsquoespace drsquoune part au niveau des villes-centres de deacutepart laissant des

secteurs abandonneacutes et deacutegradeacutes que ne peut ou ne veut investir le champ eacuteconomique

drsquoautre part au niveau des communes peacuteripheacuteriques drsquoarriveacutee ougrave des regroupements

intercommunaux socialement homogegravenes fragmentent lrsquoespace peacuteriurbain avec le refus de la

participation de communes ayant un profil social majoritaire infeacuterieur Ainsi lrsquoextension

urbaine avec la migration des cateacutegories supeacuterieures et moyennes et la deacutelocalisation des

409409

activiteacutes industrielles modernes en peacuteripheacuterie des villes signifie aussi un transfert de

centraliteacute sociale dans certaines banlieues et certains espaces peacuteriurbains anciens Cette

eacutevolution en dispersion des centres meacutetropolitains produit un effet laquo archipel raquo sur le plan de

la reacutepartition spatiale des composantes urbaines Les espaces peacuteripheacuteriques se recomposent

selon des modaliteacutes seacutelectives et compeacutetitives de collaboration intercommunale traduisant la

tendance accrue agrave la quecircte drsquoentre-soi territorial des classes moyennes et supeacuterieures (Maurin

2004)

De leur cocircteacute les communes peacuteripheacuteriques et les secteurs centraux des villes les plus deacutegradeacutes

et deacutevaloriseacutes constituent les supports territoriaux drsquoorientation des seacutegreacutegations socio-

urbaines Ces espaces marginaliseacutes par les cateacutegories dirigeantes comportent les structures

drsquohabitat et les structures sociales les moins valoriseacutees grands ensembles drsquohabitation et

lotissements pavillonnaires deacutegradeacutes ou encore quartiers centraux veacutetustes Jaillet-Roman

(2006) confirme ainsi que ce meacutecanisme de deacuteveloppement urbain accentue les ineacutegaliteacutes

territoriales et geacutenegravere pour les espaces deacutevaloriseacutes de faibles capaciteacutes eacuteconomiques

drsquointeacutegration et drsquooffre de services publics ce qui contribue au sein des populations reacutesidentes

au malaise au deacutenuement et agrave la frustration Selon lrsquoauteure la hausse des votes protestataires

(Front National) ou de la violence individuelle et collective en sont des signes

Ces deux approches sociopolitique et geacuteographique de lrsquourbain convergentes sur les constats

drsquoeacutevolution des qualiteacutes sociales des espaces consacrent en partie le lien entre cadre urbain et

cadre politique et identitaire drsquointeacutegration sociale par lrsquointermeacutediaire des rapports sociaux

locaux Crsquoest bien lrsquoeacutechelon communal drsquoabord puis dans une moindre mesure le niveau

intercommunal qui offre un exercice maicirctrisable du pouvoir et du controcircle deacutemocratique

pouvant reacutesister drsquoailleurs agrave lrsquoeacutevolution laquo chaotique raquo des meacutetropoles drsquoappartenance Celles-

ci en effet ne comportent pas souvent une assembleacutee eacutelue au suffrage direct pouvant

maicirctriser leur deacuteveloppement eacuteconomique et social et donc leur identiteacute (Beauchard 1993)

Quoiqursquoil en soit les deux approches reacutevegravelent les effets seacutegreacutegatifs des conduites

reacutesidentielles et eacuteconomiques les flux priveacutes de capitaux dans lrsquoespace public coiumlncident

avec les mouvements de division sociale de lrsquoespace deacutetermineacutes par des processus de

seacutegreacutegation crsquoest-agrave-dire de diffeacuterenciation de la reacutepartition spatiale de lrsquohabitat des diffeacuterents

groupes sociaux deacutefinis notamment par leur positions sociales mais aussi par leur identiteacute

sociale et ethnique en fonction de rapports sociaux etou drsquoineacutegaliteacute de place dans la

hieacuterarchie des structures sociales (Brun 2008)

410410

Cette approche du deacuteclin urbain en tant que pheacutenomegravene geacuteneacuterant un affaiblissement de la

capaciteacute de lrsquoespace agrave reacutealiser de lrsquointeacutegration sociale est aussi celle de Wacquant (2007) Il en

deacutecrit quatre critegraveres dans lrsquoanalyse du passage des ghettos laquo traditionnels raquo noir-ameacutericains agrave

des laquo hyper-ghettos raquo il mecircle drsquoabord deux dimensions plus geacuteographiques et macro-urbaine

que sont la configuration spatiale et la position structurale et fonctionnelle des quartiers des

secteurs ou des zones concerneacutes dans la socieacuteteacute urbaine puis il invoque deux aspects plus

politiques et sociaux crsquoest-agrave-dire leur composition institutionnelle et deacutemographique

(structure sociale des peuplements guideacutee par les meacutecanismes institutionnels et de marcheacutes

immobiliers de logement) et le veacutecu de leurs habitants (les expeacuteriences et les relations

sociales quotidiennes)

Les changements dans ses domaines ont drsquoailleurs des causes essentiellement externes selon

lui par la transformation du systegraveme de forces eacuteconomiques sociales et politiques modelant

les territoires sociaux et symboliques des habitants Les effets internes de ces changements

concernent lrsquoordre social de la collectiviteacute concerneacute avec une organisation sociale diffeacuterente

du fait de lrsquoinseacutecuriteacute eacuteconomique et sociale de la forte hostiliteacute raciale et de la constante

stigmatisation publique Il eacutetablit ainsi une liste de pheacutenomegravenes caracteacuteristiques du deacuteclin des

ghettos reacuteveacutelant la laquo transformation du tissu eacuteconomique et social raquo (p 64) agrave plusieurs

niveaux et selon plusieurs aspects deacutegradation physique (deacutelabrement) et commerciale des

espaces et difficulteacutes sociales des meacutenages (seacuteparation eacutechec scolaire isolementhellip)

favorisant la violence de rue et lrsquoinseacutecuriteacute multiforme des habitants Ces eacuteleacutements poussent

les personnes dans une eacuteconomie de survie mais aussi de lutte dans les rapports sociaux pour

plus drsquoautonomie sociale ce qui neacutecessite parfois de la violence pour la conserver (logique de

protestation politique valoriseacutee par Lapeyronnie (2008))

Agrave titre illustratif des difficulteacutes et de la violence croissantes pour reprendre le cas de Clichy-

sous-Bois eacutevoqueacute par son maire (Dilain 2007) celui-ci peacutediatre de meacutetier a consigneacute la

laquo peur panique raquo des Clichois envers les trois collegraveges de la ville qui ont des parts importantes

drsquoeacutelegraveves redoublants jusqursquoagrave 24 drsquoeacutelegraveves en classe de 3egraveme contre 12 en Seine-Saint-

Denis Et pour reacutegler les troubles du caractegravere et du comportement de certains jeunes en

difficulteacutes le seul centre meacutedico-psychologique (CMP) pour enfant et jeunes de la ville qui

demandait trois agrave six mois de deacutelai pour un rendez-vous a fermeacute pour des raisons

laquo mysteacuterieuses raquo alors que trois CMP sur la ville seraient neacutecessaires selon lui Le repli vers

les CMP de communes voisines preacutesentent maintenant des deacutelais drsquoattente plus grands encore

De mecircme pour le dialogue entre les eacutecoles et les parents eacutetrangers les traducteurs manquent

411411

ainsi que du temps aux enseignants souvent jeunes et inexpeacuterimenteacutes Comment alors dans

ces conditions limites prendre en charge des souffrances familiales leur agressiviteacute et lrsquoeacutechec

scolaire des enfants

Ce teacutemoignage deacutemontre lrsquointerdeacutependance des eacutevolutions des composantes sociales et

institutionnelles des territoires par exemple la ghettoiumlsation de lrsquoeacutecole renforce celle des

quartiers et inversement aussi le contexte geacuteographique et social nrsquooffre pas drsquointeacuterecirct agrave

lrsquoinstallation drsquoactiviteacutes eacuteconomiques sur le territoire cette absence rend de ce fait le territoire

peu attractif socialement ou encore lrsquoabsence drsquoameacutelioration des reacuteseaux de transports en

commun faute drsquoactiviteacutes eacuteconomiques entraine reacutetroactivement des difficulteacutes de

deacuteveloppement eacuteconomique faute justement de reacuteseau jugeacute adapteacute et efficace La

dynamique drsquoun territoire se mesure donc bien agrave sa capaciteacute politique de deacutevelopper des

activiteacutes socio-eacuteconomiques pour ses habitants en organisant leur implantation leur

accessibiliteacute et en favorisant leur deacuteveloppement

Lrsquoaspect deacutemographique du deacuteclin urbain de Wacquant (2007) se reacutefegravere agrave la structure sociale

des peuplements des zones concerneacutees Celle-ci est deacutetermineacutee par les meacutecanismes

institutionnels drsquoattribution des logements sociaux et par les logiques de marcheacute immobiliers

dans le secteur priveacute En outre les eacutevolutions de situation professionnelle et familiale des

reacutesidents ont eacutegalement des effets sur les caracteacuteristiques drsquoensemble des peuplements et leur

vie sociale Un point notable releveacute est la faiblesse des niveaux de vie moyens avec un eacutecart

croissant par rapport agrave celui de la socieacuteteacute ce qui est signe drsquoune speacutecialisation sociale par le

bas de lrsquoespace comme le rappellent Marchal et Steacutebeacute (2008) qui souvent reacutesiste aux

opeacuterations de reacutenovation urbaine (Wacquant 2007)

Cette eacutevolution sociale affaiblit la structure institutionnelle interne ou celle implanteacutee agrave

lrsquoexteacuterieur mais deacutedieacutee agrave ces espaces pour leur inteacutegration sociale Par exemple une des

conseacutequences structurantes de la ghettoiumlsation pour les populations reacutesidentes est lrsquoineacutegaliteacute

croissante drsquoaccegraves aux soins par rapport aux autres quartiers qui srsquoobserve agrave travers des taux

de morbiditeacute et de deacutereacuteliction sociale en hausse (mortaliteacute violente incidence du sans-

abrisme croissante de lrsquousage des drogues et de la preacutevalence du sida) En effet la

deacutesertification urbaine comportant une reacuteduction des services de preacutevention et de protection

est une cause directe de la deacuteteacuterioration sanitaire et sociale des quartiers (Wacquant 2007

p 96)

Degraves le deacutebut des anneacutees 1990 le rapport Delarue (1991) avait eacutegraineacute des indicateurs de

deacutegradation de la vie des habitants dans les quartiers laquo sensibles raquo Au nombre de cinq ils

412412

complegravetent lrsquoapproche de la ghettoiumlsation par Wacquant (2007) et celle du deacuteclin urbain par

Beauchard (1993) Jaillet-Roman (2006) er Maurin (2004) Les formes urbaines sont

davantage mises en avant autant que le manque de dynamisme eacuteconomique pris comme une

donneacutee indeacutependamment de toute orientation politique qui y preacuteside et que les difficulteacutes des

familles paupeacuteriseacutees et de leurs enfants livreacutes agrave la deacutelinquance 1 les deacutefauts de lrsquohabitat et

de son urbanisme proche produit de lrsquoEacutetat qui aggravent les difficulteacutes sociales et

eacuteconomiques de chacun 2 lrsquourbanisme plus large agrave lrsquoeffet drsquoisolement dans le sens

drsquoenclavement et de rupture urbanistique et relationnelle des habitants par rapport au reste

des villes 3 la fragiliteacute eacuteconomique lieacutee agrave la baisse des emplois industriels et agrave la faiblesse

des commerces 4 les nombreux jeunes dont une partie subit des crises familiales et

drsquoinsertion importantes et se tournent vers la violence et 5 la paupeacuterisation des meacutenages et

le processus de deacutepart des plus fortuneacutes engendrant lrsquoarriveacutee des plus pauvres avec

lrsquoaggravation de la situation sociale globale par le prolongement de la crise eacuteconomique

Ces approches de la ghettoiumlsation et du deacuteclin urbain peuvent servir de base agrave une formulation

drsquoensemble et plus preacutecise du deacuteclin social urbain en inteacutegrant aussi les observations

empiriques et les analyses des communes de grands ensembles de la partie preacuteceacutedente De

maniegravere reacutecapitulative cinq types de pheacutenomegravene souvent interdeacutependants contribuent agrave

engendrer et caracteacuteriser un changement social de deacuteclin ou de ghettoiumlsation si les

pheacutenomegravenes se manifestent de maniegravere intense et concomitante 1 le deacutelabrement physique

de lrsquohabitat et de lrsquourbanisme proche avec un enclavement jamais corrigeacute du reste des villes

2 la reacuteduction lrsquoinadaptation voire la disparition des activiteacutes des institutions des

organisations et des structures drsquointeacutegration sociale et eacuteconomiques diverses 3 la

diffeacuterenciation de la structure sociale vers le bas de lrsquoeacutechelle sociale par les migrations

reacutesidentielles les meacutecanismes drsquoattributions de logements sociaux et de marcheacutes immobiliers

locaux et la preacutecariteacute eacuteconomique avec la paupeacuterisation drsquoune grande partie des meacutenages et

par endroit lrsquoentassement des personnes les plus pauvres dans les logements deacutegradeacutes alors

qursquoune grande partie des meacutenages stables sur le plan de lrsquoemploi quittent le secteur 4

lrsquoaccroissement des difficulteacutes sociales multiples des habitants des problegravemes sociaux ainsi

que de la deacutelinquance des plus jeunes dont une violence multiforme dans les relations

sociales et envers les institutions et 5 la deacuteteacuterioration de lrsquoeacutetat sanitaire des populations

reacutesidentes

Ces eacuteleacutements ne constituent pas un scheacutema explicatif du deacuteclin social urbain comme

Lapeyronnie (2008) a pu le faire en mettant en exergue le lien entre marginalisation sociale et

413413

rigiditeacute des relations sociales dans les familles et agrave lrsquoexteacuterieur dans les rapports sociaux

quotidiens Puisque de multiples causes externes et internes ont deacutejagrave pu ecirctre rapporteacutees dans

les parties preacuteceacutedentes notamment agrave travers lrsquoanalyse des processus croissants de

diffeacuterenciation socio-eacuteconomique politique et urbaine la formalisation conceptuelle qui est

ici proposeacutee se situe davantage au niveau drsquoune deacutefinition de la notion de deacuteclin social urbain

applicable agrave des villes-communes qui constituent des territoires deacutepassant les seuls secteurs

drsquohabitation pouvant relever de la citeacute-ghetto avec les formes les plus extrecircmes des

pheacutenomegravenes deacutecrits plus haut

Agrave lrsquoeacutechelle des villes-communes ougrave des secteurs deacutegradeacutes peuvent cocirctoyer quelques lieux

reacutesidentiels publics ou institutionnels dont les interactions sociales peuvent ecirctre plus

conformes agrave lrsquoordre social dominant les pheacutenomegravenes propres agrave la ghettoiumlsation sont moins

importants visibles et exclusifs que dans les secteurs drsquohabitation de plus petite taille

concerneacutes Crsquoest pourquoi une deacutefinition eacuteventuelle du deacuteclin social urbain visant agrave

appreacutehender les effets de la ghettoiumlsation agrave une eacutechelle territoriale plus large que les petits

secteurs drsquohabitation en difficulteacutes doit prendre en compte la population communale

drsquoensemble les eacutevolutions de ses diffeacuterents groupes drsquohabitations et de ses espaces publics

les activiteacutes des diverses structures institutionnelles eacuteconomiques et sociales destineacutees agrave la

population ainsi que les manifestations sur lrsquoensemble du territoire voire agrave lrsquoexteacuterieur de la

violence et des activiteacutes transgressives et subversives qui srsquoy manifestent Cette notion se veut

un outil drsquoappreacutehension de territoires urbains assez larges concerneacutes par les pheacutenomegravenes lieacutes

la ghettoiumlsation

Ainsi elle peut ecirctre deacutecrite comme un processus de perte de valeur symbolique drsquoune localiteacute

urbaine structureacutee en deux principaux points 1 la deacutegradation physique par le manque

drsquoentretien et de maintenance des immeubles et de lrsquoensemble mateacuteriel et infrastructurel de

lrsquohabitat faute de moyens propres des habitants et drsquoinvestissements de solidariteacute suffisants

par les gestionnaires et les pouvoirs publics et 2 une deacutegradation sociale selon trois aspects

possibles a) la paupeacuterisation et la fragilisation sociale et sanitaire de la population

reacutesidante lieacutees soit au deacutepart des cateacutegories supeacuterieures vers drsquoautres localiteacutes (pour se

rapprocher du travail des eacutequipements et des services publics etou rechercher une meilleure

qualiteacute drsquohabitat) soit agrave la preacutecarisation eacuteconomique des diffeacuterentes cateacutegories sociales (en

raison du deacuteclin du bassin local drsquoactiviteacute(s) principale(s) drsquoune qualification insuffisante

etou du racisme ou de la discrimination ethnique et sociale) ou encore agrave la faiblesse des

transferts et revenus de solidariteacute ainsi que des politiques drsquointeacutegration socio-eacuteconomique b)

414414

la reacuteduction en son sein et aux alentours des activiteacutes institutionnelles (socialisation

eacuteducation santeacute police bailleurs autres services publics) eacuteconomiques (commerces services

priveacutes et banques) culturelles et sociales (associations diverses drsquoactiviteacutes culturelles de

sport et de loisirs et sociabiliteacute de voisinage dans les espaces exteacuterieurs) c) le deacuteveloppement

drsquoactiviteacutes transgressives et subversives avec des tensions et des violences croissantes dans

les interactions sociales internes et dans les relations sociales avec lrsquoexteacuterieur deacutepassant la

capaciteacute des structures drsquointeacutegration restantes agrave y remeacutedier (eacutecole police poste associations

de quartierhellip)

Le deacuteclin social urbain peut donc se manifester selon les contextes territoriaux sur un ou

plusieurs aspects deacutecrits Plus les pheacutenomegravenes seront concomitants et intenses plus le deacuteclin

est fort et complet Agrave lrsquoinstar de lrsquoanalyse des ghettos cette deacutefinition met en eacutevidence des

pheacutenomegravenes lieacutes agrave la concentration territoriale socialement deacutetermineacutee drsquoune pauvreteacute

socialement produite Aux traits structurels et objectifs principaux deacutecrits il est aussi possible

drsquoy associer des aspects drsquoordre subjectif le repli sur soi lrsquoanomie individuelle et collective

et la deacutevalorisation identitaire en raison drsquoun manque de supports spatiaux et sociaux

favorable agrave la reacutealisation agrave la deacutefinition et agrave la reconnaissance positive de soi (Giraud 2000

Lapeyronnie 2008 Marchal Steacutebeacute 2010)

Ces attitudes peuvent coexister chez diffeacuterents individus mais aussi ecirctre adopteacutees par les

mecircmes en alternance avec des comportements et des eacutetats de conscience plus conformes aux

valeurs et normes dominantes en milieu urbain Surtout les pheacutenomegravenes deacutecrits de deacuteclin

social urbain peuvent ne srsquoaveacuterer effectifs que dans certains secteurs drsquoune ville-commune et

pas dans drsquoautres voire agrave lrsquoexteacuterieur de celle-ci puisque ce processus qui se manifeste plus

speacutecifiquement dans certaines zones comporte des pheacutenomegravenes qui pourraient ecirctre qualifieacutes

drsquolaquo a-spatiaux raquo crsquoest-agrave-dire qui ne concernent pas ou ne deacutependent pas directement de

lrsquoespace physique et mateacuteriel comme la logique drsquoaction violente de ghetto deacutecrite par

Lapeyronnie (2008)

Par exemple selon les donneacutees reacutecolteacutees dans la partie empirique de la thegravese Pierrelatte fait

partie drsquoun laquo bassin de deacutelinquance raquo (DonzegravereSaint Paul Trois ChacircteauxPierrelatte)

influenceacute selon le rapport preacutefectoral consulteacute par le deacutepartement voisin le Vaucluse Avec

trois autres bassins de mecircme nature dans le deacutepartement celui de Pierrelatte tend agrave se

propager agrave lrsquointeacuterieur de celui-ci (dont les villes de Nyons et Crest) Il est notamment eacutevoqueacute

des regraveglements de compte entre bandes de quartiers ou de communes seacutepareacutees parfois de

longues distances entre elles

415415

Dans une autre commune de lrsquoeacutechantillon eacutetudieacute Fareacutebersviller en Moselle alors que la

deacutelinquance geacuteneacuterale releveacutee est en reacutegression annuelle de 22 en 2006 cette baisse qui

semble srsquoinstaller dans la dureacutee est en partie expliqueacutee par la migration des faits deacutelinquants

vers les communes avoisinantes comme des laquo raids raquo de vols agrave la roulotte et agrave lrsquoeacutetalage

notamment sur la zone commerciale de Betting une commune voisine (non sans lien avec la

hausse du trafic de drogue jugeacutee importante sur le secteur) Une donneacutee illustre cet eacutecart

dans lrsquoensemble les mineurs repreacutesentent un quart des mis en cause dans la deacutelinquance

globale de la Citeacute

Il faut donc rappeler le caractegravere laquo contingent raquo des pheacutenomegravenes de deacuteclin comme de la

situation de ghetto (Marchal Steacutebeacute 2008 p 129) signifiant que lrsquoidentification statistique de

personnes et de meacutenages pauvres et en difficulteacutes sociales ne preacutesuppose pas neacutecessairement

lrsquoexistence de pheacutenomegravenes de violence dans la vie sociale locale ou encore de coupure et de

cloisonnement entre les sexes et les acircges par exemple Les traits eacutevoqueacutes dans la deacutefinition du

deacuteclin social urbain agrave lrsquoinstar du ghetto constituent des variables agrave renseigner dans ce sens

(deacutelinquance criminaliteacute et eacutemeutes ou violences sur les femmes et sur les enfants ou

difficulteacutes de paiement multiples voire de consommation de produits de basehellip)

Cette approche met volontairement de cocircteacute lrsquoassociation spontaneacutee entre deacuteclin urbain et

deacutecroissance deacutemographique qui nrsquoest pas eacutevidente Elle srsquoobserve le plus souvent agrave lrsquoeacutechelle

des grandes agglomeacuterations lorsque les activiteacutes eacuteconomiques sont en deacuteclin engendrant perte

drsquoattractiviteacute et de capaciteacute drsquoemploi des habitants De leur cocircteacute les petites et moyennes villes

ont plus de probabiliteacute de connaicirctre une hausse avec lrsquoaccumulation de pauvres de retraiteacutes et

de meacutenages marginaliseacutes par la cherteacute des grandes villes mecircme si elles sont aussi

notamment en France fortement exposeacutees au risque de baisse de population du fait de la

faiblesse de leur tissu eacuteconomique de leurs reacuteserves fonciegraveres ou encore de leur mauvaise

liaison aux reacuteseaux de transport et de communication (Sallez Veacuterot 1993)

La croissance par regroupement des plus pauvres reste aussi probable pour les villes

monofonctionnelles agrave activiteacutes eacuteconomiques limiteacutees sans base arriegravere de deacuteboucheacutes

alternatifs et anciens lieacutee aux activiteacutes anteacuterieures pour compenser le deacuteveloppement du

chocircmage et lrsquoexclusion des reacuteseaux sociaux pour lrsquoemploi Enfin si la laquo deacutevitalisation

urbaine raquo de grandes villes voire de reacutegions urbaines avec une baisse deacutemographique est

bien souvent lieacutee au cycle de leurs industries (Sallez Veacuterot 1993) il faut neacuteanmoins

consideacuterer que lrsquoinverse nrsquoest plus vrai la croissance de la valeur ajouteacutee est doreacutenavant

deacuteconnecteacutee de lrsquoemploi dans lrsquoeacuteconomie moderne drsquoautres facteurs sociaux et politiques

416416

drsquoinclusion et de mise agrave lrsquoeacutecart des sphegraveres productive et de reproduction sociale sont

effectivement autant si ce nrsquoest plus deacuteterminants (reconnaissance politico-institutionnelle

utiliteacute sociale discrimination sociale ou ethno-socialehellip)

La releacutegation des meacutenages les plus fragiles dans les secteurs deacutegradeacutes ne relegraveve pas

exclusivement drsquoun deacuteclin drsquoactiviteacutes eacuteconomiques speacutecifiques agrave ces zones mais aussi drsquoune

organisation sociale et spatiale plus geacuteneacuterale qui concerne la socieacuteteacute dans son ensemble mais

aussi les niveaux reacutegionaux comportant bassins drsquohabitat et bassins eacuteconomiques ougrave se jouent

lrsquointeacutegration et la reacutepartition des populations plus fragiles dans lrsquoespace global

Lrsquoanalyse des situations sociales des communes de grands ensembles de lrsquoeacutechantillon de la

troisiegraveme partie avait reacuteveacuteleacute une probleacutematique particuliegravere concernant le dynamisme

deacutemographique une tendance agrave la deacutecroissance post-construction pour lrsquoensemble de la

population communale notamment lorsque la part des grands ensembles dans le parc total de

logements est majoritaire ou quasi-exclusif Cela a eacuteteacute eacutevoqueacute aux Ulis avec par exemple les

fortes migrations reacutesidentielles de sortie et le constat de beaucoup de retraiteacutes seuls sans

leurs enfants qui ont deacutecohabiteacute ce qui a engendreacute une baisse numeacuterique notable de la

population par rapport agrave un environnement drsquohabitat pourtant en forte croissance

deacutemographique

En effet aux Ulis il a eacuteteacute releveacute un mouvement drsquoeacutemigration reacutesidentielle hors de la ville

important de 4 agrave 5 000 habitants tous les huit-neuf ans dans les deacutecennies 1980 1990 et

2000 En parallegravele le flux dimmigration reacutesidentielle aussi tregraves important dans la ville est

drsquoun niveau juste un peu infeacuterieur Il est certainement lieacute au prix de lrsquoimmobilier communal

plus bas que dans lenvironnement reacutegional composeacute drsquoespaces reacutesidentiels de maisons

individuelles plutocirct aiseacutes Le constat de baisse deacutemographique pour la troisiegraveme deacutecennie

avait drsquoailleurs eacuteteacute publiciseacute dans un article du Parisien-Essonne du 17 janvier 2007 agrave propos

des 30 ans de la creacuteation de la commune

Le journaliste reprend les propos dune publication de lINSEE laquo (la ville) est la seule (du

deacutepartement) selon les statistiques deacutevoileacutees hier par lINSEE agrave perdre une partie de sa

population De 1995 agrave 2005 la commune a perdu environ 200 habitants tous les ans raquo Et il se

demande quelle est le sens ou la signification de ce pheacutenomegravene laquo Le deacutebut dun cycle Le

signe dune mauvaise image pour cette commune-citeacute raquo Ne sait-il pas que cette tendance a

commenceacute degraves le deacutebut des anneacutees 1980 En revanche les eacutelus locaux de la majoriteacute comme

de lrsquoopposition se voient dans la neacutecessiteacute drsquoavancer des explications multiples face agrave ce qui

apparaicirct comme une caracteacuteristique originale si ce nrsquoest anormale Pour une eacutelue de la

417417

majoriteacute il srsquoagit drsquoun effet laquo pyramide des acircges raquo avec la deacutecohabitation des enfants des

premiers habitants de la ville pour un eacutelu de lopposition cherchant agrave eacuteviter le discours

stigmatisant il srsquoagit drsquoabord drsquoeacutecarter toute explication par la mauvaise reacuteputation due agrave une

deacutelinquance cest laquo relativement calme raquo une autre explication reacutesiderait en fait du cocircteacute du

manque doffre de logements priveacutes

Pour ces eacutelus une seule action devrait suffire la deacutecision de construire 700 logements priveacutes

laquo pour retrouver un solde positif dici cinq agrave huit ans raquo Cette projection est-elle raisonnable

et argumenteacutee ou ne reflegravete-t-il pas un scheacutema de penseacutee emprunt de fantasmes collectifs et

de mythes urbains de beaucoup deacutelus locaux en but avec les problegravemes sociaux

contemporains entraicircnant le deacuteclin de leur commune (Duprez Hedli 1992 Steacutebeacute 1995) Un

an plus tard les propos du maire de la ville Paul Loridant sont plus mesureacutes et plus preacutecis

quant aux actions et au projet mis en œuvre Il eacutevoque dans un entretien agrave la revue Urbanisme

dans ses laquo Chroniques de la reacutenovation urbaine raquo (Loubiegravere 2008) laquo le deacutepart des couches

moyennes et la paupeacuterisation drsquoune partie de la population raquo en deacuteplorant que les communes

avoisinantes ont un laquo pourcentage de HLM [] ridicule raquo agrave qui on nrsquoarrive pas agrave leur

laquo imposer raquo la construction alors que les Ulis en comporte laquo 53 raquo (ce qui paraicirct leacutegegraverement

excessif selon les chiffres de lrsquoINSEE qui en preacutesente 47 en 2007) Il indique un enjeu de

laquo tirer la population vers le haut drsquooffrir la possibiliteacute drsquoun parcours reacutesidentiel aux couches

moyennes raquo Les travaux de reacutenovation paraissent alors drsquoampleur reacutehabilitation

reacutesidentialisation deacutemolition et construction de logements (220 logements sociaux et 480

priveacutes) mais aussi intervention de restructuration voire de deacutemolition des centres

commerciaux de proximiteacute et du centre reacutegional Les Ulis 2

Cependant mise agrave part lrsquoameacutelioration qualitative de lrsquoexistant avec une leacutegegravere diversification

des statuts drsquooccupation dans la partie HLM du grand ensemble la seule modification

structurelle qui rompt avec ses principes morphologiques est le projet de reacuteserver des

commerces en rez-de-rue de chaque nouvelle construction ce qui engage une diversification

des fonctions dans les espaces reacutesidentiels Sur le plan urbain en reacutefeacuterence aux travaux de

Jacobs (1991) le problegraveme est qursquoil srsquoagit plutocirct drsquoeacutequipements secondaire inseacutereacutes dans un

tissu majoritairement monofonctionnel pour les habitants les moins qualifieacutes puisque la zone

drsquoactiviteacute Courtaboeuf agrave lrsquoest de la commune est centreacutee prioritairement sur le high-tech et

de lrsquoindustrie de pointe destineacutee agrave une main drsquoœuvre qualifieacutee

Il manque de nouvelles grandes fonctions primaires autre que lrsquohabitat (en production

eacutechanges ou loisirs) qui attirent les principaux flux de freacutequentation et drsquoinvestissement des

418418

espaces Lrsquoimplantation drsquoactiviteacutes eacuteconomiques beacuteneacuteficiant aux habitants pas ou peu

qualifieacutes nrsquoest pas particuliegraverement eacutevoqueacutee alors que crsquoest bien drsquoabord leur marginalisation

socio-eacuteconomique qui entraicircne la deacutegradation des structures physiques de leur habitat comme

lrsquoindiquait degraves les anneacutees 1980 Jean-Paul Lacaze (1987) ancien directeur de lrsquoAgence

nationale pour lrsquoameacutelioration de lrsquohabitat ainsi que la fermeture des commerces de

proximiteacutes pourrait-on ajouter mecircme si reacutecemment implanteacutes

Ces propos drsquoeacutelus ne relegravevent-ils pas drsquoune illusion collective telle que lrsquoa eacutevoqueacutee Norbert

Elias (1997) que les hommes deacuteveloppent pour parer aux incertitudes et angoisses des

situations preacutesentes Leur projet ne les aide-t-il pas plutocirct agrave supporter une situation difficile agrave

maicirctriser tout en favorisant le renforcement de la coheacutesion de groupe mecircme entre eacutelus

opposeacutes du conseil municipal Effectivement ils produisent un effet drsquoobjectivation des

ideacutees ndash parce que partageacutees apportant lillusion drsquoune exactitude drsquoune veacuteraciteacute ou drsquoune

rationaliteacute Face au deacuteclin symboliseacute par la deacutecroissance deacutemographique anormale dans un

environnement en croissance ces projets ne servent-ils pas agrave initier des pratiques et des

actions de caractegravere laquo semi-magique raquo pour qursquoils regraveglent les problegravemes concerneacutes

Quoiqursquoil en soit plus globalement les pheacutenomegravenes de ghettoiumlsation et de deacuteclin social

urbain doivent ecirctre compris dans leurs modaliteacutes et leurs deacuteterminants pour espeacuterer trouver

des solutions drsquoameacutelioration des situations sociales Crsquoest lrsquoobjet du deuxiegraveme chapitre

suivant de cette troisiegraveme grande partie de thegravese

Chapitre VIII

Les deacuteterminants productifs et sociaux du deacuteclin des grands ensembles

Les motivations et la vocation premiegravere des grands ensembles sur le plan ideacuteologique et

politique eacutetaient la construction de masse aux normes drsquohygiegravene et de laquo nature raquo Cependant

suite aux reacutealisations concregravetes et aux eacutemois qursquoils ont susciteacutes une reacuteaction politique

instantaneacutee srsquoest opposeacutee degraves la deuxiegraveme moitieacute des anneacutees 1950 commissions politiques et

directives du ministegravere de la Construction ont tenteacute de redresser les orientations vers plus

drsquohumaniteacute dans les zones concerneacutees jusqursquoagrave interdire ce type de production en 1973

Pregraves de quarante plus tard lrsquourbanisation fonctionnaliste de masse dans un contexte de

creusement des ineacutegaliteacutes sociales par lrsquoexclusion eacuteconomique et sociale des meacutenages les plus

419419

fragiles geacutenegravere toujours autant une mecircme fonction drsquoaccueil principal de ces derniers dans

des espaces Les communauteacutes reacutesidentes vivent ainsi dans des ambiances de ghetto dans le

sens drsquoespaces ougrave se manifestent freacutequemment des conduites transgressives et subversives

face agrave lrsquoordre social en cours rendant difficile les relations sociales internes et les possibiliteacutes

de reacutealisation de soi des habitants

Ce chapitre srsquoengage dans lrsquoanalyse des pheacutenomegravenes producteurs de ce processus de

deacutegradation perpeacutetuelle sous deux principaux aspects Le premier souvent neacutegligeacute est celui

des facteurs de la deacutevalorisation territoriale de ce type drsquohabitat apparaissant chroniques et

laquo endogegravenes raquo Ils recouvrent des eacuteleacutements formels techniques mateacuteriels et drsquoameacutenagement

mais aussi de gestion eacutetatique et priveacutee qui expliquent lrsquoeacutetat du cadre physique et fonctionnel

de lrsquoespace habiteacute Le rejet ou la deacutesaffection de ce type drsquohabitat preacuteceacutedant le deacuteclin des

industries dont deacutependait souvent leur construction (Peillon 2001) srsquoexplique drsquoabord par cet

aspect

Ces proprieacuteteacutes participent de lrsquoorientation de la reacutepartition reacutesidentielle des grandes cateacutegories

sociales aux niveaux des reacutegions urbaines ou des grandes agglomeacuterations voire des bassins

drsquohabitat Par rapport aux profils drsquoautres espaces reacutesidentiels elles influencent eacutegalement les

mouvements de seacutegreacutegation spatiale des plus pauvres en leur sein ainsi que leur

stigmatisation La deuxiegraveme partie de ce chapitre traite des divers aspects de la seacutegreacutegation

sociale engendrant un flux de peuplement des grands ensembles par les meacutenages les plus

preacutecaires ainsi qursquoune stigmatisation territoriale de ceux-ci Agrave lrsquoanalyse il apparaicirct que la

seacutegreacutegation sous ses formes drsquoapplication varieacutees constitue un paradigme drsquoanalyse

primordiale pour comprendre lrsquoeacutevolution sociale des grands ensembles et des communes qui

les comportent

A- Constructions deacutefectueuses urbanisme inadapteacute et deacuteveloppement urbain deacutefavorable

aux grands ensembles

Cette section preacutesente apregraves une introduction historique de la construction des grands

ensembles deux principaux points Le premier est le caractegravere deacutefectueux et lacunaire sur les

plans physiques spatiaux et mateacuteriels de cet habitat avec des formes architecturales et

urbaines inestheacutetiques deacutemesureacutees et peu pratiques (dans les immeubles et agrave leur exteacuterieur)

ainsi qursquoun vide drsquoeacutequipements et de services tregraves difficile agrave combler en raison drsquoune rigiditeacute

420420

reacuteglementaire des ameacutenagements et une insuffisance de densiteacute neacutecessaire agrave leur

freacutequentation Associeacutes aux caracteacuteristiques principales des meacutenages occupants souvent des

familles de jeunes couples avec de jeunes enfants et agrave lrsquoabsence des parents travaillant agrave

lrsquoexteacuterieur ce qui contribue agrave une faible freacutequentation des espaces exteacuterieurs ces eacuteleacutements ont

induit degraves les premiers peuplements une vie sociale tregraves faible peu dynamique tregraves frustrante

pour les adultes restants et les enfants grandissants concernant leur possibiliteacute de

deacuteveloppement personnel ou de reacutealisation de soi

Le second point concerne la dynamique drsquoeacutevolution des espaces urbains ou des bassins

drsquohabitat drsquoappartenance des grands ensembles dont un double mouvement a geacuteneacutereacute une

deacutevalorisation statutaire et un changement fonctionnel de ceux-ci En premier lieu il srsquoest

deacuteveloppeacute des espaces reacutesidentiels de meilleure qualiteacute mateacuterielle fonctionnelle de

localisation urbaine et de forme architecturale (habitat individuel notamment) ouvert agrave

lrsquoaccession agrave la proprieacuteteacute ce qui a inciteacute les cateacutegories aiseacutees et modestes mais stables agrave

quitter les grands ensembles pour cette offre diversifieacutee En second lieu la disparition

progressive ou la limitation des segments priveacutes et publics du parc de logement aideacute et

drsquoaccompagnement social pour les plus deacutemunis et en difficulteacutes sociales ce pheacutenomegravene a

favoriseacute une convergence des flux de logement de ces derniers vers les parties les moins

appreacutecieacutees des grands ensembles

Ces eacuteleacutements expliquent le processus de deacutevalorisation sociale qursquoa subi ce type drsquohabitat aux

yeux des citadins facilitant sa deacutegradation acceacuteleacutereacutee un deacutelaissement institutionnel relatif de

sa gestion et des relations sociales internes de cohabitation tendues en raison de la preacutesence

croissante de groupes sociaux en difficulteacutes sociales y deacuteveloppant des conduites

transgressives et subversives Ce sont ces facteurs drsquoordre constructif (lieacute agrave la construction)

urbanistique et politico-institutionnel qui ont entraicircneacute le deacuteclin social urbain des secteurs

produits et la formation de territoires perccedilus comme des laquo citeacutes-ghettos raquo tel que deacutecrits plus

haut

1 Historique sociale et politique de la construction des grands ensembles

Avant de deacutecrire les facteurs de deacutegradation physique et de deacutevalorisation sociale des espaces

reacutesidentiels de grands ensembles il est rappeleacute les eacutetapes historiques du processus

ideacuteologique politique eacuteconomique et social de leur conception de leur mise en chantier et de

421421

leur suppression dans la politique eacutetatique du logement et de lrsquourbanisme Ces eacuteleacutements

montrent la trajectoire rapide et quasi-geacuteneacuterale de la deacutesapprobation de leur production apregraves

une phase de forte adheacutesion de la classe politique au niveau national et des milieux

professionnels du logement aux principes constructifs et drsquoameacutenagement de lrsquoarchitecture

moderne des anneacutees 1920-1940

Entre drsquoune part la fin de la Seconde Guerre mondiale dont les conseacutequences mateacuterielles

deacutemographiques et financiegraveres sont avec lrsquoaction gouvernementale de Reconstruction centreacutee

sur lrsquoappareil productif agrave lrsquoorigine drsquoune crise du logement qui fucirct plus grave que celle

survenue apregraves la Premiegravere Guerre mondiale et drsquoautre part la fin effective de la construction

des grands ensembles agrave la fin des anneacutees 1970 cet urbanisme est passeacute drsquoune image ideacuteale

promue par des hauts responsables politico-administratifs et des organismes de construction

censeacutee pallier les inconveacutenients du deacuteveloppement urbain depuis lrsquoessor industriel du XIXe

siegravecle agrave des reacutealisations deacutepreacutecieacutees et rejeteacutees de plus en plus fortement au fil de leur livraison

et de leur usage

Pour rappel degraves le deacutebut des anneacutees 1950 apregraves avoir eacuteteacute deacutelaisseacutes par le premier plan de

reconstruction (Plan Monnet de 1944-1952) le mal et le mauvais logement renouvelant la

peacuteriode des taudis du XIXe siegravecle ont entraicircneacute une peacutenurie critique de logements dignes

associeacutee souvent aux principaux problegravemes sociaux et sanitaires du pays (alcoolisme

laquo inadaptation raquo et deacutelinquance juveacutenile tuberculose) (Fourcaut 2002) Le Commissariat

geacuteneacuteral au Plan chiffra alors les besoins de logements agrave construire en 1951 agrave 320 000

logements par an pendant trente ans contre 70 agrave 75 000 logements construits annuellement agrave

cette peacuteriode

Planification urbaine et organisation des diffeacuterentes entreprises de bacirctiment furent donc

engageacutees pour mettre fin agrave cette crise du logement et pour industrialiser le secteur de la

construction La voie choisie fucirct celle des logements collectifs notamment des grands

ensembles (Spinetta 1953) et la rapiditeacute de leur exeacutecution Lrsquoeacutechec par deacutepeacuterissement en un

agrave deux ans des petites citeacutes de Logements eacuteconomiques de premiegravere neacutecessiteacute (LEPN) sous

forme de maisons individuelles (pavillons en bandes) construites en 1955 dans lrsquoeacutelan de

lrsquoappel de lrsquoabbeacute Pierre lrsquohiver 1954 a renforceacute le rejet du pavillonnaire chez les acteurs

eacutetatiques contrairement pourtant aux attentes de maisons individuelles des Franccedilais reacuteveacuteleacutees

par la premiegravere enquecircte de lrsquoInstitut national des eacutetudes deacutemographiques (INED) en 1947 agrave ce

sujet

422422

Les organismes constructeurs drsquoHabitation bon marcheacute (HBM) puis drsquoHabitation agrave loyers

modeacutereacutes (HLM agrave partir de 1950) furent presseacutes par les communes et lrsquoEacutetat de bacirctir partout

ougrave les terrains disponibles le permettaient indeacutependamment de leur constructibiliteacute fixeacutee par

les normes des plans drsquourbanisme et des scheacutemas drsquoameacutenagement drsquoavant-guerre qui

deacutefendaient la preacuteservation des espaces agricoles autour des villes et la restriction de

lrsquoextension urbaine (Merlin 2010) Cette orientation constituait une reacuteaction aux abus du

lotissement pavillonnaire par des socieacuteteacutes fonciegraveres qui investissaient de vastes terrains hors

des villes et les divisaient en lots individuels sans les viabiliser et les eacutequiper comme elles le

promettaient pourtant dans leur publiciteacute Plusieurs lois de reacutegulation destineacutees agrave preacutevenir et

corriger cet urbanisme avaient drsquoailleurs eacuteteacute trop inefficaces ou trop lentes loi Cornudet de

1919 sur les premiers plans communaux drsquoameacutenagement pour eacuteviter les lotissements des

zones rurales proches des villes loi de 1924 imposant le deacutepocirct drsquoun plan de lotissement en

mairie et un quart des surfaces agrave des eacutequipements et loi Sarraut de 1928 imposant la

viabilisation des lotissements deacutefectueux

Les besoins impeacuterieux en reconstruction et en production de nouveaux logements au sortir de

la Seconde Guerre mondiale rendaient obsolegravetes non seulement la norme de limitation

spatiale mais aussi les proceacutedures reacuteglementaires opeacuterationnelles (Merlin 2010) Lrsquourgence

srsquoest imposeacutee tant pour les deacutecideurs nationaux que pour les eacutelus locaux ayant des listes

drsquoattente nombreuses de familles pauvres agrave loger Il fallait construire rapidement de tregraves

nombreux logements Une urbanisation de masse devait srsquoinstituer dans un contexte par

ailleurs marqueacute par une conception hygieacuteniste de lrsquourbanisme qui srsquoest deacuteveloppeacutee en mecircme

temps que le souci drsquoune production de masse dans lrsquoentre-deux-guerres mondiales

En 1935 lrsquourbaniste Maurice Rotival (1935) publia drsquoailleurs un article intituleacute laquo Les grands

ensembles raquo pour deacutesigner la construction de groupes drsquoHBM avec des plans drsquoameacutenagement

de grandes villes reacutepondant au souci drsquohygiegravene (laquo grandes citeacutes eacuteclaireacutees par le soleil raquo) et de

laquo nature raquo pour rompre avec la ville dense et sale (laquo au milieu de grands espaces boiseacutes (avec)

des enfants propres qui jouent sur le gazon et non pas sur le trottoir raquo)

Avec les retards accumuleacutes les destructions nombreuses et les besoins lieacutes aux mouvements

de population dans les anneacutees 1950 les caracteacuteristiques objectales des grands ensembles ne

reacutesident pas seulement dans leur aspect dimensionnel en programmant agrave un faible coucirct des

ensembles drsquoimmeubles collectifs sur un mecircme site formant plus de 500 logements seuil

devenu critegravere de la loi de 1959 creacuteant les zones agrave urbaniser en prioriteacute mais pouvant aller

jusqursquoagrave plusieurs milliers Il srsquoagit surtout de produire vite Yves Lacoste (1963) a drsquoailleurs

423423

souligneacute ce caractegravere temporel des opeacuterations par le pleacuteonasme laquo un assez bref laps de

temps raquo Cette volonteacute politique confinant agrave la preacutecipitation a autoriseacute toutes les deacuterogations

aux regravegles drsquourbanisme et de construction qui preacutevalaient

La justification se reacutefeacuterait aux difficulteacutes drsquoessor de la production drsquoHBM pour tous les

meacutenages laquo peu fortuneacutes raquo que des lois entre 1919 et 1921 visaient agrave augmenter en organisant

le secteur et en deacuteveloppant les moyens de financement qui se reacuteveacutelaient insuffisants depuis

la loi Siegfried de 1894 fondatrice en la matiegravere (precircts de la Caisse des deacutepocircts et

consignation CDC aux organismes drsquoHLM) malgreacute lrsquoaccroissement des organismes

constructeurs et la multiplication des modaliteacutes de financement aideacute par lrsquoEacutetat pour tous types

de logement individuel ou collectif en accession agrave la proprieacuteteacute et locatif les niveaux de

creacutedits restaient trop faibles pour atteindre les volumes souhaiteacutes de logements

Pour reacuteagir agrave la hauteur des enjeux mesureacutes plusieurs dispositions furent prises (Merlin

2010) La premiegravere fut lrsquoeacutedification pendant la guerre drsquoun dispositif administratif et leacutegislatif

drsquoorganisation centralisatrice de lrsquourbanisme avec drsquoune part la creacuteation drsquoune Deacuteleacutegation

geacuteneacuterale agrave lrsquoeacutequipement national en 1941 inteacutegreacutee en 1944 au ministegravere de la Reconstruction

et de lrsquoUrbanisme et drsquoautre part la loi du 15 juin 1943 approuveacutee par le Conseil drsquoEacutetat et

valideacutee agrave la Libeacuteration avec lrsquoOrdonnance du 27 octobre 1945 qui reacuteforme les regravegles

drsquourbanisme afin de privileacutegier lrsquoaction eacutetatique et de reacuteduire les pouvoirs des collectiviteacutes

locales et des particuliers La loi institua un comiteacute national et des commissions

deacutepartementales drsquourbanisme avec des circonscriptions drsquourbanisme dirigeacutees par un

inspecteur geacuteneacuteral Elle supprima le droit agrave indemniteacute des dispositions limitatives de

lrsquoutilisation du sol quand lrsquoeacutetat anteacuterieur des lieux nrsquoest pas modifieacute (empecircchant les

contestations des proprieacutetaires des lieux) Et surtout elle preacutevicirct la creacuteation de projets

drsquoameacutenagement agrave lrsquoeacutechelle communale et intercommunale agrave lrsquoinitiative des services de lrsquoEacutetat

pour lesquels les institutions locales ne sont que consulteacutees avant approbation par le Conseil

drsquoEacutetat Cette prise en main et le dirigisme qui en deacutecoule furent rendus possibles et justifieacutes

par la deacutetention des compeacutetences de lrsquoexpertise et des moyens financiers que ne posseacutedaient

pas les structures communales pour des opeacuterations de grande ampleur comme lrsquoavait montreacute

leur incapaciteacute drsquoapplication des premiers plans drsquoameacutenagement de la loi Cornudet de 1919

puis de la loi Sarraut de 1928 tentant de juguler et de viabiliser lrsquoessor du lotissement

pavillonnaire deacutefectueux drsquoapregraves la Premiegravere Guerre mondiale

424424

Une deuxiegraveme disposition de reacuteorganisation de la construction de logements sociaux et

priveacutes fut de poser les conditions financiegraveres pour le passage agrave un reacutegime industriel de

production (Merlin 2011) Une premiegravere mesure tregraves importante dans ce sens a eacuteteacute la loi du 3

septembre 1947 qui dans une peacuteriode de forte inflation (60 en 1947-1948 14 en 1948-

1949 et 10 en 1949-1950) octroya des precircts aux organismes drsquoHBM (puis drsquoHLM) avec

un taux agrave 2 sur une dureacutee de 65 ans couvrant 90 du prix plafond fixeacute par deacutecret (puis 1

sur 45 ans et 85 du prix plafond) Ces precircts drsquoEacutetat srsquoajoutant aux precircts pour les HBM

ordinaires (HBMO devenus HLMO en 1950) les HBM ameacutelioreacutes (HBMA) et les HBM-

accession (devenus HLM-accession) de la loi Loucheur de 1928 ont fortement accru les

moyens de financement du secteur et ont favoriseacute la diversification des produits laquo logement raquo

Une deuxiegraveme mesure drsquoaccroissement des moyens de financement du logement social a eacuteteacute

la mise en place en 1950 de primes et de precircts agrave la construction par le Creacutedit foncier de France

pour une autre cateacutegorie de logement social

Ceux-ci eacutetaient plus oneacutereux avec des taux supeacuterieurs agrave ceux des precircts HLM mecircme si

infeacuterieurs agrave ceux du marcheacute et beacuteneacuteficiant drsquoexoneacuterations fiscales ce mode de financement a

permis de reacutealiser par des promoteurs priveacutes ou des particuliers des produits drsquoaccession agrave la

proprieacuteteacute ou en location libre Deux autres modes de financement ont renforceacute la

diversification en introduisant de nouveaux opeacuterateurs financiers drsquoune part la loi du 24 mai

1951 autorisa les caisses drsquoeacutepargne agrave precircter aux organismes drsquoHLM et aux socieacuteteacutes de creacutedit

immobilier et drsquoautre part en 1953 deacutecision fut prise de convertir en obligation leacutegale la

libre participation des employeurs agrave lrsquoeffort de construction existant depuis 1943 (1 des

salaires des entreprises priveacutees non agricoles de plus de 10 salarieacutes cette part fut plusieurs

fois reacuteduite et a eacuteteacute fixeacute en 1992 agrave 045 )

Une troisiegraveme disposition fut neacutecessaire pour dynamiser ce secteur de la construction

lrsquoencouragement agrave lrsquoinvestissement priveacute mais aussi institutionnel dans le logement locatif et

drsquoaccession agrave la proprieacuteteacute L premiegravere mesure a eacuteteacute le renouvellement des regravegles de loyer

celles-ci ayant une incidence directe sur la production du logement locatif Contrairement agrave

lrsquoideacutee reacutepandue sur son orientation principale (Merlin 2010 p 55) crsquoest bien la loi du 1er

septembre 1948 qui a rendu la liberteacute des loyers pour les nouveaux logements (acheveacutes agrave

partir de 1949) mecircme si elle fixe toujours drsquoune part des faibles loyers (selon les surfaces

corrigeacutees par des eacuteleacutements de confort) pour des logements anciens (construits avant 1948) et

le plus souvent inconfortables (les loyers des logements plus confortables devant se

rapprocher progressivement de ceux du secteur libre) et drsquoautre part des loyers leacutegegraverement

425425

supeacuterieurs aux logements locatifs sociaux Cette valorisation leacutegislative du secteur locatif

libre aux loyers eacuteleveacutes en raison de la moderniteacute de lrsquoeacutequipement des logements est le

premier pas de lrsquoencouragement agrave lrsquoinvestissement priveacute plus geacuteneacuteral comme cela a pu

apparaicirctre degraves la loi de 1955 facilitant la coproprieacuteteacute priveacutee mais aussi agrave travers des

dispositifs leacutegislatifs successifs visant agrave lrsquoeacutequilibre des rapports entre locataire et proprieacutetaire

pour soutenir la promotion reacutesidentielle des meacutenages (eg la loi Quilliot du 22 juin 1982

drsquoeacutelargissement des droits des locataires)

En fait cette orientation de la politique du logement agrave cette eacutepoque est fondamentale plus

importante encore que la forte aide du secteur HLM qui ne fucirct que transitoire en raison de la

neacutecessiteacute drsquoeacutelever quantitativement lrsquooffre immobiliegravere mais aussi de lrsquoadapter agrave la

multipliciteacute des besoins des meacutenages modestes et moyens Globalement la finaliteacute intrinsegraveque

de lrsquoaide publique au logement depuis ses origines est centreacutee sur lrsquoaide agrave lrsquoaccession agrave la

proprieacuteteacute y compris lrsquoaccession sociale agrave celle-ci quelles que soient les formes

drsquoaccompagnement agrave la promotion reacutesidentielle des meacutenages (Beacutehar Ballain 1997 Croizeacute

2009-b) aide directe de lrsquoinvestissement priveacute dans la construction de lrsquooffre immobiliegravere ou

soutien de la solvabiliteacute des meacutenages par un systegraveme drsquoaides personnelles agrave lrsquoaccegraves et au

maintien dans le logement (allocations diverses) qui incite les promoteurs agrave deacutevelopper une

offre dans le secteur libre

Une quatriegraveme disposition favorable agrave la dynamisation de la construction a eacuteteacute drsquoenclencher

lrsquoadaptation moderne du secteur opeacuterationnel celui du bacirctiment et de ses meacutethodes (Merlin

2010) LrsquoEacutetat a encourageacute la constitution de grandes entreprises industrielles de construction

et a soutenu agrave travers des organismes parapublics speacutecifiques (Comiteacute scientifique des

Travaux et du bacirctiment CSTB Institut technique du bacirctiment et des travaux publics

ITBTP) le deacuteveloppement de meacutethodes standardiseacutees et innovantes pour lrsquoaccroissement

quantitatif du niveau de production usage geacuteneacuteraliseacute du beacuteton construction de bacirctiments en

barres par une grue sur rail normalisation des surfaces et dispositions internes des logements

ainsi que des eacutequipements internes et exteacuterieurs aux immeubles

Globalement ainsi le champ des acteurs politico-administratifs financiers et techniques de ce

champ srsquoest eacutelargi et davantage organiseacute entre la fin de la guerre et le deacutebut des anneacutees 1950

Sa structure est devenue assez complegravete et diversifieacutee Tout Drsquoabord un pocircle drsquoinstances

publiques deacutecisionnelles relieacutees au MRU le Commissariat geacuteneacuteral au Plan (dont sa

commission Construction) le MRU ses directions les organismes parapublics srsquooccupant

drsquoaspects techniques et industriels et aussi drsquoautres ministegraveres concerneacutes chacun

426426

427427

partiellement par lrsquourbanisation et ses conseacutequences (Travaux publics et transports Industrie

et commerce Postes et teacuteleacutecommunication Justice Inteacuterieurhellip)

Puis se trouvent un pocircle financier avec des organismes publics et priveacutes multiples comme

des banques traditionnelles et surtout la Caisse des deacutepocircts et consignations Il faut aussi

compter dans ce champ sur lrsquoexistence drsquoautres grands maicirctres drsquoouvrage de la construction

indeacutependant de lrsquoEacutetat mecircme si celui-ci les finance en partie lrsquoUnion des feacutedeacuterations

drsquoorganismes HLM (dont la filiale de la CDC la Socieacuteteacute centrale immobiliegravere la SCIC

depuis 1954 speacutecialiseacutee dans les logements sociaux et devenue Icade en 2003) et les

organismes de lrsquoOffice central interprofessionnel du logement (constructeurs des entreprises

priveacutees) ainsi que drsquoautres associations patronales de financement du logement ouvrier Par

ailleurs un rocircle influent dans lrsquoeacutevolution du champ de la construction est tenu par les grandes

associations de professionnels drsquoeacutelus et drsquoindustriels qursquoelles soient speacutecifiques (architectes

urbanistes distributeurs drsquoeau Feacutedeacuteration nationale du bacirctimenthellip) ou mixtes regroupant

des eacutelus et des hauts fonctionnaires (comme le Centre national pour lrsquoameacutelioration de

lrsquohabitat)

Par ailleurs un pocircle drsquoacteurs est tout autant structurel dans le champ urbain mecircme si son

rocircle a eacuteteacute affaibli par lrsquoEacutetat les collectiviteacutes locales (communes et deacutepartement) surtout

celles situeacutees au sortir de la Seconde Guerre mondiale dans les reacutegions les plus urbaniseacutees

(reacutegions parisienne lyonnaise et marseillaise) etou dans les deacutepartements du nord et de

lrsquoouest du pays ayant subi le grand nombre de destructions pendant la guerre Elles peuvent

participer fonciegraverement ou financiegraverement aux projets et entendent ainsi peser dessus

notamment quand des proceacutedeacutes techniques expeacuterimentaux peuvent apparaicirctre hasardeux et

menacer le creacutedit politique des eacutelus

Enfin une derniegravere partie drsquoacteurs indeacutependants interviennent indirectement mais de maniegravere

structurelle sur les orientations du champ les instances internationales qui produisent et

valident des normes constructives qursquoelles soient des structures drsquoencadrement du Plan

Marshall (Organisation europeacuteenne de coopeacuteration eacuteconomique OECE et Organisation des

nations-unies ONU105) ou qursquoil srsquoagisse de pays voisins voire plus eacuteloigneacutes et inscrits dans

les mecircmes processus (lrsquoUnion des Reacutepubliques socialistes sovieacutetiques URSS par exemple)

Cette architecture renouveleacutee du champ a permis au MRU malgreacute la prioriteacute du premier Plan

de modernisation et drsquoeacutequipement national (1947-1951) sur les industries lourdes de

105 En effet les premiers programmes de construction de groupes de logements collectifs selon des meacutethodes de production industrialiseacutee suivirent les recommandations du Comiteacute de lrsquoHabitat de lrsquoONU

commencer degraves 1951 des programmes de construction deacutenommeacutes drsquoabord laquo secteur

industriel raquo (Legoullon 2005)

Par la suite de multiples proceacutedures et laquo produits logements raquo apparurent notamment agrave partir

du Plan Courant de 1953 (du nom du ministre de la Construction de lrsquoeacutepoque Pierre Courant

qui ficirct voter la loi correspondante cette anneacutee) Ce plan institua la pratique de la

programmation normaliseacutee de la production de logements avec des plans types de groupes

drsquohabitation (les plans-masses) ainsi que des normes standardiseacutees de mateacuteriaux de

configuration spatiale et drsquoeacutequipements techniques et fonctionnels souvent inspireacutees de la

part des architectes et des responsables politico-administratifs nationaux de normes morales et

politiques reacutefeacutereacutees agrave des modes de vie de communauteacutes ou drsquoinstitutions reacutegleacutees (militaires

religieuses hospitaliegravereshellip) (Croizeacute 2009-a) Il y eut drsquoabord les logements eacuteconomiques

normaliseacutes (LEN) agrave cocircteacute des Logements eacuteconomiques (LOGECO) eux-mecircmes compleacuteteacutes agrave

partir de 1955 par des Logements populaires et familiaux (LOPOFA)

Ces deux derniers produits qui ont constitueacute un mode de financement des premiers grands

ensembles de qualiteacute de construction plutocirct meacutediocre (Merlin 2010 p 154) eacutetaient drsquoailleurs

destineacutees agrave de lrsquoaccession agrave la proprieacuteteacute ou de lrsquoinvestissement locatif priveacute avec des

financements hors systegraveme HLM par le biais de primes et de precircts du Creacutedit foncier de

France (CFF) (taux infeacuterieurs agrave ceux du marcheacute mais supeacuterieurs agrave ceux des precircts HLM

ouvrant droit par ailleurs agrave des exoneacuterations fiscales) Les proceacutedures suivantes ont plutocirct

concerneacute principalement le secteur HLM Logements de premiegravere neacutecessiteacute (LPN) en 1954

Logements-foyers agrave partir de 1960 Immeubles agrave loyer normal (ILN) Programmes sociaux de

relogement (PSR) et Programmes agrave loyer reacuteduit (PLR) en 1961 Programmes sociaux

speacuteciaux (PSS) en 1964 et Programmes de reacutesorption de lrsquohabitat insalubre (PRI) ainsi que

les logements laquo precircts agrave construire raquo en 1970

Cette eacutevolution rapide de la construction ne srsquoexerccedila pas que dans le secteur HLM Degraves 1966

lrsquoEacutetat diminua partiellement son financement en le remplaccedilant par la mobilisation de fonds

priveacutes des caisses drsquoeacutepargne et des comptes courants postaux qui furent rassembleacutes avec des

creacutedits publics dans une caisse de precircts aux HLM (fondue en 1986 dans la CDC) Sur le plan

de la production la part du secteur HLM a eacuteteacute somme toute minoritaire dans cette peacuteriode de

forte construction des anneacutees 1955-1975 par exemple si entre 1953 et 1957 le logement

aideacute toutes cateacutegories confondues (HLM locatives ou en accession agrave la proprieacuteteacute Logecos

primes et precircts du CFF reconstruction) dominait avec 92 des 274 000 logements acheveacutes

en 1957 (contre 84 000 en 1953) le secteur speacutecifique des HLM locatives eacutetait faible 55 000

428428

429429

logements en 1957 soit 22 du total des logements aideacutes et 18 du total de la construction

(Merlin 2010 p 66)106

Au cours des anneacutees 1960 dans un rythme plutocirct effreacuteneacute de construction avec un doublement

des logements produits entre 1957 (274 000) et 1973 (556 000) si les parts de logements

sociaux deviennent importantes avec par exemple 138 000 HLM en 1967 dont 107 000

HLM locatives celles-ci restent encore mineures par rapport agrave la construction totale (422 000

agrave la mecircme date) 33 pour lrsquoensemble des HLM dont 25 pour les seules locatives Et

pendant les anneacutees 1970 ces derniegraveres ne repreacutesenteront plus que 225 de la construction

alors que les HLM-accession passeront de 8 agrave 11 et le secteur libre agrave 41 contre 8 en

1957 Entre 1959 et 1967 celui-ci eacutetait passeacute de 28 000 agrave 93 0000 logements prenant aussi la

suite des Logecos supprimeacutes en 1963 agrave lrsquooccasion de la reacuteforme du CFF (87 000 uniteacutes

construites en 1959)

En 1967 57 du financement du logement venait deacutejagrave du secteur priveacute et ce taux a crucirc

depuis Cet accroissement de la part de lrsquoinvestissement priveacute et du secteur dit libre dans

lrsquooffre immobiliegravere doit eacutevidemment agrave des choix politiques continus dans ce sens comme le

plafonnement des subventions publiques et lrsquoencouragement des financements priveacutes

bancaires et drsquoeacutepargne surtout vers lrsquoaccession agrave la proprieacuteteacute pour les classes moyennes

(creacuteation de lrsquoeacutepargne-logement en 1970 pour les particuliers avec des primes doublant

lrsquoeacutepargne constitueacutee et precirct agrave un taux inteacuteressant et precircts immobiliers conventionneacutes creacuteeacutes

degraves 1971 pour les constructeurs) Ces mesures ne furent efficaces en termes drsquoinitiatives de

programmes de logements priveacutes locatifs et drsquoaccession qursquoen raison du fait que les attentes

sociales ont pu ecirctre viseacutees comme avec les projets de maisons individuelles drsquoaspect

laquo traditionnel raquo bon marcheacute et regroupeacutees en hameaux sur de petites parcelles (tel que promu

par laquo Villagexpo raquo en 1966 agrave Saint-Michel-sur-Orge dans lrsquoEssonne)

Agrave lrsquoinverse drsquoautres orientations ont pu eacutechouer faute drsquoune analyse tourneacutee vers la demande

comme les laquo chalandonnettes raquo en 1969 du ministre Albin Chalandon de lrsquoEacutequipement et du

Logement de lrsquoeacutepoque crsquoest-agrave-dire des maisons de type plus standard industrialiseacutees La

principale conseacutequence de lrsquoessor du secteur immobilier marchand a eacuteteacute outre son expansion

quantitative lrsquoindiffeacuterenciation cateacutegorielle des produits crsquoest-agrave-dire lrsquoatteacutenuation de la

106 En recalculant les parts relatives agrave partir des chiffres absolus de logements rapporteacutes par Merlin (274 000 logements totaux dont 92 de logements aideacutes et 55 000 logements sociaux locatifs en 1957) on a pu constater une leacutegegravere erreur de sa part il indique 18 au lieu de 22 de la part des 55 000 HLM locatives parmi les 92 de logements aideacutes des 274 000 logements produits en tout (soit 252 080 logements aideacutes) et 20 au lieu de 18 de la part des HLM locatives sur la construction totale

segmentation de lrsquooffre (Ballain Beacutehar 1997) La raison principale en a eacuteteacute la diminution des

financements de produits destineacutes agrave des cateacutegories particuliegraveres qui eacutetaient appreacutehendeacutees soit

selon un reacutefeacuterentiel-type de parcours reacutesidentiel lieacute aux besoins drsquoespace induit par

lrsquoagrandissement familial (du logement priveacute ancien petit et peu confortable agrave lrsquoaccession agrave la

proprieacuteteacute en passant par les logements aideacutes HLM ou non) soit selon une repreacutesentation

diversifieacutee des cateacutegories en mobiliteacute promotionnelle (travailleurs individuels retraiteacuteshellip)

La peacuteriode actuelle illustre et prolonge cette caracteacuteristique de la politique du logement elle

se base sur la reacuteforme du financement du logement de la loi Barre de 1977 Celle-ci a drsquoabord

reacuteduit les precircts aux organismes constructeurs (aide agrave la pierre) agrave deux types le Precirct agrave

lrsquoaccession agrave la proprieacuteteacute (PAP) et le Precirct locatif aideacute (PLA) Si elle a aussi creacuteeacute des

subventions pour la reacutehabilitation des logements sociaux (Prime agrave lrsquoameacutelioration des

logements agrave usage locatif et agrave occupation sociale PALULOS) et priveacutes (Prime agrave

lrsquoameacutelioration de lrsquohabitat PAH) elle a surtout adopteacute une nouvelle aide agrave la personne lrsquoAide

personnaliseacutee au logement (APL)

Celle-ci srsquoajoute aux deux aides personnelles existantes lrsquoAllocation de logement agrave caractegravere

familial (ALF) institueacutee par la loi du 1er septembre 1948 et lrsquoAllocation de logement agrave

caractegravere social (ALS) mise en place par la loi du 16 juillet 1971 pour les meacutenages non

familiaux (personnes acircgeacutees handicapeacutees jeunes travailleurs puis eacutetudiants) En 1978 en

montants de deacutepenses par lrsquoEacutetat lrsquoaide eacutetatique agrave la construction eacutetait encore deux fois

supeacuterieure agrave lrsquoaide aux personnes (ALF ALS) en 1993 elle eacutetait deux fois moins importante

(Beacutehar Ballain 1998)

Crsquoest dans ce contexte politique et historique que apregraves la Seconde Guerre mondiale malgreacute

les restrictions drsquoextension urbaine des divers plans drsquoameacutenagement nationaux et reacutegionaux

comme en reacutegion parisienne les premiers grands ensembles ont eacuteteacute construits par deacuterogation

sur des terrains non affecteacutes (Sarcelles Gennevilliers Pantin-Bobigny) Degraves 1955 en fait

lrsquoEacutetat pucirct srsquoengager dans une politique drsquourbanisation massive pour reacutepondre aux inquieacutetudes

face au redeacuteveloppement de taudis et aux besoins massifs de logement Le choix du collectif

sans forte reacuteflexion sur ses modaliteacutes et ses conseacutequences est alors opeacutereacute dans la neacutecessiteacute

pressante drsquoagir eacutevoqueacutee plus haut

Et crsquoest une loi-cadre en 1957 programmant pour cinq ans le financement de la construction

de 300 000 logements par an qui a placeacute lrsquoEacutetat au centre de lrsquoarticulation entre construction

de logements ameacutelioration de la productiviteacute du secteur du bacirctiment programmation des

430430

eacutequipements et ameacutenagement du territoire Par exemple le deacutecret du 31 deacutecembre 1958 sur

les Zones agrave urbaniser en prioriteacute (ZUP) a attribueacute au preacutefet le choix de lrsquoachat des terrains agrave

urbaniser de la localisation des groupes de plus de 100 logements et de la programmation des

eacutequipements

Les productions et les localisations effectives ont drsquoailleurs eacuteteacute varieacutees Fourcaut (2002) en a

dresseacute une typologie En premier lieu des projets ont constitueacute des villes nouvelles sur des

terrains non ou peu construits eacuteloigneacutees de tout grand centre urbain Ce cas de figure

correspondant assez nettement agrave trois communes de lrsquoeacutechantillon de notre eacutetude comparative

elles ne comportaient pas plus de 600 habitants avant les premiers travaux (voire partie 3 de la

thegravese) et elles se situaient agrave plusieurs kilomegravetres des limites des plus proches grandes

agglomeacuterations Mourenx avec 2 500 nouveaux logements construits pregraves du gisement de

gaz de Lacq Behren-legraves-Forbach et Fareacutebersviller dont les 3 000 logements des grands

ensembles sont destineacutes aux mineurs de Lorraine

Dans cette cateacutegorie Fourcaut (2002) inscrit Bagnols-sur-Cegraveze qui fait partie de notre

eacutechantillon mais qui bien que situeacutee agrave une cinquantaine de kilomegravetres de Nicircmes et seacutepareacutee

par un espace rural et agricole comprend pourtant avant les nouveaux grands ensembles pregraves

de 5 000 habitants et un petit tissu urbain ancien et de qualiteacute en lien avec une histoire

eacuteconomique seacuteculaire lieacutee aux grandes agglomeacuterations voisines (dont Marseille aussi)

Agrave partir du milieu des anneacutees 1950 pendant vingt ans 2 500 logements y ont eacuteteacute eacutedifieacutes par

grands quartiers autour de la ville pour loger les personnels du centre nucleacuteaire de Marcoule

(recherche sur le nucleacuteaire militaire et deacuteveloppement de la filiegravere graphite-gaz par le

Commissariat agrave lrsquoeacutenergie atomique) Ce cas de figure est plutocirct en position intermeacutediaire avec

la deuxiegraveme cateacutegorie de la typologie des lieux et contextes drsquoimplantation des grands

ensembles selon Fourcaut (2002) celle des quartiers entiegraverement neufs de villes ou de

communes de banlieues et qui dans lrsquoesprit de Fourcaut sont certainement de plus grande

taille deacutemographique que Bagnols (exemple Strasbourg avec le grand ensemble de la

Canardiegravere Lyon avec celui de La Duchegravere ou encore lrsquoagglomeacuteration formeacutee par Pantin et

Bobigny pour les Courtiliegraveres) Enfin troisiegraveme type de contexte drsquoimplantation des grands

ensembles celui des tissus anciens drsquoagglomeacuteration ougrave des citeacutes nouvelles ont eacuteteacute bacircties

comme agrave Bagneux agrave Eacutepinay-sur-Seine ou agrave la Courneuve dans lrsquoeacutelan parfois drsquoopeacuterations de

reacutenovation urbaine drsquoicirclots insalubres avec pour effet drsquoimplanter des tours de logements en

pleine grande ville comme lrsquoicirclot de la Biegravevre agrave Paris et ceux de Saint-Joseph et des

Aygalades agrave Marseille

431431

Les trois autres communes de notre eacutechantillon partagent la position intermeacutediaire de

Bagnols-sur-Cegraveze dans cette typologie geacuteographique En effet pour Pierrelatte et Rillieux les

sites bien qursquoagrave quelques distances des grandes agglomeacuterations dont elles sont proches

(Monteacutelimar et Avignon pour la premiegravere Lyon pour la seconde) sont sur des territoires

ayant un peuplement et une histoire urbaine ou de gros village anciens lrsquoessor drsquoactiviteacutes

commerciales artisanales ou de production voire industrielles les a transformeacute en petite ville

Pierrelatte connucirct 3 200 habitants en 1946 et 3 400 en 1954 3 300 et 4 200 pour Rillieux-la-

Pape qui est agrave lrsquoeacutepoque encore scindeacutee en 2 avec une partie devenue Creacutepieux en 1927 (avant

drsquoecirctre reacuteunie en 1972)

Pour Les Ulis la situation intermeacutediaire est autre bien qursquoappartenant agrave la reacutegion parisienne

et inclut dans le systegraveme productif de la capitale elle ne se situe qursquoagrave quelques kilomegravetres au

sud de Palaiseau dans le nord de lrsquoEssonne agrave la limite des territoires communaux

pavillonnaires voisins de Gif-sur-Yvette et drsquoOrsay sur un plateau agricole deacutesert

drsquohabitation au sortir de la guerre Son caractegravere est celui drsquoune ville creacuteeacute ex nihilo isoleacutee

bien que deacutependante de la dynamique parisienne sur les plans deacutemographiques socio-

eacuteconomiques et politiques Elle nrsquoest pas un quartier drsquoune grande commune ou drsquoune

agglomeacuteration de banlieue existante

Quoiqursquoil en soit une fois commenceacutes les diffeacuterents chantiers de grands ensembles selon des

multiples modaliteacutes les critiques techniques et sociales sur cet urbanisme furent tregraves rapides

En septembre 1957 une commission sur laquo Les problegravemes de la vie dans les grands ensembles

drsquohabitation raquo est installeacutee sous la preacutesidence de Pierre Sudreau encore commissaire agrave la

Construction et agrave lrsquoUrbanisme pour la reacutegion parisienne avec diffeacuterents experts et

repreacutesentants de la vie sociale Heacutelegravene Gordon-Lazareff directrice du Journal Elle Jacques

Henri-Labourdette architecte de Sarcelles ou encore des repreacutesentants de la SCIC de

lrsquoUnion nationale des associations familiales (UNAF) et des HLMhellip Deacutejagrave les questions

drsquoeacutequilibre social des groupes drsquohabitation de 5 000 agrave 15 000 habitants se posent lorsque la

majoriteacute de ces derniers est issue de programmes drsquoeacuteradication des taudis composeacutee de

familles ouvriegraveres et employeacutees souvent nombreuses

Devenu ministre de la Construction et de lrsquoUrbanisme en 1958 Pierre Sudreau forma un

groupe de reacuteflexion sur les grands ensembles En octobre 1958 le ministegravere de la

Construction reacutedigea agrave lrsquoaide drsquoexperts (geacuteographes sociologues deacutemographeshellip) une

premiegravere laquo Note relative agrave lrsquooptimum deacutemographique et social des grands ensembles

drsquohabitation raquo Des eacutetudes statistiques sont aussi demandeacutees pour deacuteterminer une laquo juste

432432

reacutepartition des familles [hellip] des cateacutegories socioprofessionnelles voire des nationaliteacutes et des

races raquo ce dernier terme eacutetant reacuteveacutelateur des repreacutesentations de la diversiteacute humaine dans la

sphegravere politico-administrative franccedilaise agrave cette eacutepoque voire parmi les scientifiques socio-

humains

Ici prend forme la genegravese contemporaine de lrsquoideacutee de mixiteacute sociale dans le champ des

politiques urbaines qui perdure jusqursquoagrave nos jours Deacutejagrave agrave cette eacutepoque elle est souhaiteacutee par

les deacutecideurs et maicirctres drsquoœuvre alors mecircme qursquoil est su qursquoelle nrsquoest pas deacutesireacutee par les

habitants reacuteactions et observations sociales multiples puis recherches plus meacutethodiques et

approfondies cumuleacutees montrent les mecircmes reacuteticences au meacutelange social lorsque celui-ci

impose une promiscuiteacute avec des eacutecarts de valeurs et de modes de vie trop larges pour les

personnes

La thegravese de Clavel (1998) concernant les seuls groupes de cateacutegories ouvriegraveres et employeacutees

dans leur rapport aux reacutesidents de citeacutes de transit montre lrsquoextrecircme sensibiliteacute des meacutenages agrave

se distinguer symboliquement des cateacutegories immeacutediatement infeacuterieures sur le plan social et

les tensions qui se produisent dans les rapports sociaux en raison de cette lutte symbolique

pour les apparences Cette volonteacute de distinction eacutetonne puisque certains reacutesidents des citeacutes de

transit occupent des positions sociales similaires agrave leurs voisins deacutedaigneux ont des activiteacutes

professionnelles et des modes de vie tregraves proches de ceux-ci hormis leur type de logement

Lrsquohabitat constitue donc un paramegravetre drsquoimportance sur le plan de la formation des identiteacutes

sociales ce qui nrsquoa pas eacuteteacute pris en compte dans la production des grands ensembles En outre

plusieurs questions ont eacutemergeacute successivement et simultaneacutement au cours des diffeacuterentes

opeacuterations urbaines et touchent indirectement agrave la question de la mixiteacute sociale et

fonctionnelle dans ces espaces drsquoabord la taille des logements et la place des ceacutelibataires

dans les grands ensembles ensuite le logement des Nord-Africains laquo rapatrieacutes raquo vivant

depuis leur arriveacutee en garnis et en cantonnements comme celui des habitants des taudis agrave

laquo reacuteeacuteduquer raquo

Et surtout le problegraveme des eacutequipements et services drsquoanimation en tout genre pour laquo faire

communauteacute raquo et eacuteviter les risques laquo psychologiques et sociaux raquo (locaux collectifs cregraveches

maisons de jeunes citeacute paroissiale jardins drsquoenfants parcs aires de jeux commerces de

premiegravere neacutecessiteacute bureaux drsquoaide sociale maison pour personnes acircgeacutees services

administratifshellip) Ce dernier aspect en particulier nrsquoa jamais trouveacute drsquoachegravevement

satisfaisant faute de moyens reacuteels investis ce qui nrsquoest pas sans disconvenir agrave lrsquoideacuteologie de

433433

la ville moderne des architectes-urbanistes fonctionnalistes car ceux-ci la promeuvent

deacutelivreacutee des rues et de ses activiteacutes

Contre les difficulteacutes drsquoordre social qui se font jour (tensions relationnelles faible vie

communautaire et refus de la mixiteacute sociale) entre octobre 1960 et juillet 1961 le ministre

adressa quatre directives au commissaire agrave la Construction et agrave lrsquoUrbanisme pour la reacutegion

parisienne aux preacutefets aux directeurs deacutepartementaux de son ministegravere et aux architectes-

conseils Il srsquoagit de srsquoopposer agrave certaines constructions relevant drsquoerreurs laquo graves raquo qui

laquo subsisteront pendant plusieurs geacuteneacuterations raquo et de demander un soin particulier pour la

creacuteation de laquo lieux ougrave lrsquoon aime vivre ougrave lrsquoon se sente vraiment chez soi raquo Lrsquoobjectif est

drsquoorienter les constructions de maniegravere plus harmonieuse et adapteacutee aux paysages et aux

modes de vie des reacutegions concerneacutees

Il est recommandeacute la creacuteation de laquo zones sensibles raquo agrave lrsquoinverse du sens actuel de cette

expression pour y interdire les projets aberrants Guy Houist repreacutesentant de lrsquoUNAF

membre du Conseil eacuteconomique et social et des commissions drsquoeacutetude des grands ensembles

du ministegravere de la Construction relaya cette critique dans son rapport du 29 juin 1960 au

Conseil eacuteconomique et social intituleacute laquo Groupes drsquohabitation urbanisme et vie sociale raquo

choix hacirctif drsquoemplacements deacutesespeacutereacutement plats plans orthogonaux monotones forte

insuffisance drsquoeacutequipements communs et nombreuses difficulteacutes de transport manque de

finition et drsquoisolation des logements ainsi qursquoexiguiumlteacute de certaines surfaces carences drsquoun

accueil humain et habitat deacuteplorable Les conditions et les caracteacuteristiques du peuplement ont

vite rendu ces problegravemes tregraves sensibles familles nombreuses surpeuplant les logements et

uniformiteacute sociale des meacutenages geacuteneacuterant un manque de diversiteacute de ressources sociales et

culturelles en termes de milieu social drsquoorigine de niveau de qualification de domaine

drsquoactiviteacute et de statut drsquooccupation des logements

Pour Fourcaut (2002) les efforts du ministre au deacutebut des anneacutees 1960 pour laquo humaniser le

beacuteton raquo pour instaurer une vie sociale dynamique au milieu des grands ensembles furent agrave la

fois laquo utopiques raquo dans le sens drsquoirreacutealistes puisqursquoil srsquoest aveacutereacute impossible de produire des

vies sociales laquo harmonieuses et adapteacutees raquo par des seuls regraveglements et schizophreacuteniques

puisque malgreacute les inquieacutetudes le ministegravere continua agrave laisser se construire les grands

ensembles agrave eacutechelle industrielle 7 millions de logements sont construits en pregraves de 25 ans

avec pregraves de 450 000 par an dans le deacutebut des anneacutees 1970

434434

Dans ce sens le dispositif de ZUP en 1958 fut creacuteeacute pour remeacutedier aux deacutefauts de localisation

des sites (mauvaise qualiteacute des terrains et absence de desserte en transport et voie de

communication) et surtout des plans eux-mecircmes drsquourbanisation (eacutequipements ameacutenagement

spatial des immeubles et des espaces collectifs et des voierie) Globalement depuis les

premiegraveres reacutealisations aucun site nrsquoa preacutesenteacute une laquo uniteacute reacutesidentielle eacutequilibreacutees et

complegravete raquo sous-entendue comportant les eacutequipements et activiteacutes suffisantes pour lrsquoemploi

des reacutesidents ou drsquoune partie drsquoentre eux telle que deacutefinie par Maurice Rotival dans son

article fondateur en 1935 sur les grands ensembles dans LrsquoArchitecture drsquoaujourdrsquohui (ndeg 6)

La focalisation sur la fonction logement et ses eacutequipements internes et aussi sur la recherche

prioritaire de disponibiliteacutes fonciegraveres eacutevacua cet aspect pourtant primordial Crsquoest pourquoi la

creacuteation des ZUP en 1958 fut lrsquooccasion drsquoeacutetablir une grille drsquoeacutequipements dite laquo grille

Dupont raquo pour tous les grands ensembles agrave venir et ceux en voie drsquoachegravevement Elle constitua

une base de fixation drsquoeacutequipements neacutecessaires (et en surface) en fonction des nombres de

logements et drsquohabitants preacutevus LrsquoInstitut drsquourbanisme et drsquoameacutenagement de la reacutegion

parisienne en eacutetablicirct une seconde en 1967 et la publia en 1974 (Cahiers de lrsquoIAURP 1974)

plus deacuteveloppeacutee pour la planification des villes nouvelles projeteacutees

Mais les ZUP ne reacuteussirent pas agrave infleacutechir les projets vers plus de mixiteacute

fonctionnelle (Merlin 2010) les eacutequipements les plus banals commerces eacutecoles services

de proximiteacute (poste services administratifs centre social etou culturelhellip) ont toujours eacuteteacute

retardeacutes et les programmes de modernisation et drsquoeacutequipement (PME) des IVe Ve et VIe Plans

(1962-1975) programmes de rattrapage en reacutealiteacute furent pour certains supprimeacutes et pour la

plupart reacuteduits dans le contexte de la crise peacutetroliegravere de 1973

Le sous-eacutequipement srsquoinstalla sous des formes parfois de structures inteacutegreacutees polyvalentes et

modulables pour srsquoadapter agrave lrsquoeacutevolution des besoins notamment dans les communes les plus

pauvres Et cette faiblesse drsquoeacutequipements publics et de moindre qualiteacute engendre par effet

drsquoentraicircnement moins drsquoeacutequipements priveacutes commerces santeacute priveacutee (meacutedecins pharmacie

infirmiers) deacutebits de boisson et services (banques assurances voyages droithellip) La carence

des drsquoeacutequipements eacutetant conforteacutee par la faiblesse de liaison avec les autres communes ou

quartiers des communes avoisinantes susceptibles de fournir des clientegraveles suppleacutementaires

Cependant ces deacutefauts se reproduisirent imperturbablement au fil des projets continus de

lrsquoEacutetat et de ses laquo partenaires raquo qui nrsquoeurent en deacutefinitive pas de reacuteticences pour des

reacutealisations drsquoun laquo gigantisme excessif raquo (Merlin 2010 p63) Plusieurs cas deacutepassent la

435435

dizaine de milliers de logements Aulnay-Sevran Creacuteteil Vitry-sur-Seine Saint-Dizier-le-

Neuf Grenoble Toulouse ou Heacuterouville-Saint-Clair Les Ulis en comptera 9 170 en 1982

(9 414 en 1990 9 679 en 1999 et 9 475 en 2008) et Rillieux-la-Pape 10 475 degraves 1982 (11 079

en 1990 11 307 en 1999 et 11 946 en 2008) Avant les ZUP un grand ensemble avait eacuteteacute

engageacute dans cette dimension celui de Sarcelles commenceacute en 1954 preacutevu drsquoabord pour 440

logements agrave la demande du gouvernement agrave la SCIC et eacutetendu tregraves rapidement agrave de

nombreuses reprises pour atteindre plus de 12 300 logements en 1976 Degraves 1960 un plan-

masse fut drsquoailleurs commandeacute agrave Jacques Henri-Labourdette pour maintenir une uniteacute agrave

lrsquoensemble en deacuteveloppement

Celui-ci nrsquoeut pas de crainte de rompre avec les principes de la Charte drsquoAthegravenes pour reacutealiser

ce qui ne fut plus avec le changement drsquoeacutechelle qursquoune simple zone drsquohabitation mais une

ville nouvelle en creacuteant des rues en densifiant les espaces entre immeubles et en introduisant

des commerces et des services de proximiteacute (poste mairie annexehellip) ainsi que des espaces de

regroupements pour des activiteacutes culturelles cineacute-club club de lecture centre drsquoart

dramatique club des Temps nouveauxhellip avant la creacuteation drsquoun grand centre commercial en

son sein agrave partir de 1964

Toute cette programmation urbaine visait le deacuteveloppement drsquoune vie sociale satisfaisante

alors mecircme que le mal lieacute agrave son absence du fait drsquoun manque drsquoeacutequipements et drsquoactiviteacutes

sociales la laquo sarcellite raquo avait eacuteteacute deacutenonceacute en 1962 dans La vie franccedilaise (eacutedition du 22

mars) Parfois des eacutelus locaux ont pu srsquoopposer agrave ce mouvement eacutecrasant par exemple le

conseil municipal de Valenciennes et son maire Pierre Carous en 1960 avaient malgreacute les

arguments financiers de lrsquoEacutetat repousseacute le projet de grandes tours en bordure de voie rapide

des architectes Lemaresquier et Vergnaud en arguant des habitudes de logement individuel en

coron

Mise en œuvre afin de garantir des projets urbains complets et coheacuterents sur le plan de la

mixiteacute du logement des activiteacutes et des eacutequipements publics et priveacutes (pour eacuteviter les

deacuteplacements et lrsquoisolement geacuteographique des habitants) la proceacutedure ZUP nrsquoa pas reacuteussi en

sept anneacutees agrave produire une urbanisation plus correcte (Merlin 2010) la concertation entre

instances publiques (Eacutetat collectiviteacutes locales) organismes constructeurs et proprieacutetaires

fonciers priveacutes pour le financement des opeacuterations srsquoest aveacutereacutee insuffisante de mecircme que lrsquoa

eacuteteacute lrsquoinstallation drsquoactiviteacutes et drsquoeacutequipements Ce qui a conduit agrave concevoir une nouvelle

proceacutedure la zone drsquoameacutenagement concerteacute (ZAC) creacuteeacutee par la loi du 30 deacutecembre 1967

srsquoeacutetendant drsquoailleurs agrave une multipliciteacute drsquoopeacuterations drsquoameacutenagement (activiteacute tourismehellip)

436436

Neacuteanmoins tout en visant agrave renforcer le processus de pilotage des opeacuterations celle-ci nrsquoeffaccedila

pas toutes les dispositions permettant de deacuteroger de maniegravere souvent abusive au cadre

reacuteglementaire de lrsquourbanisme classique (plan drsquooccupation des sols et plan local drsquourbanisme)

Ainsi dans la continuation des opeacuterations des grands ensembles des questions et des

problegravemes multiples se sont accumuleacutes entraicircnant le renversement de leur perception Leur

systegraveme de construction et leur forme drsquourbanisation sont mecircme devenus les symboles drsquoune

crise sociale voire politique ayant conduit agrave des deacutemolitions programmeacutees degraves la premiegravere

moitieacute des anneacutees 1980 (eg 17 tours aux Minguettes entre 1983 et 1985 Gerin 2007)

En une ou deux deacutecennies drsquoexistence seulement leur qualiteacute reacuteduite et leur deacutegradation

rapide ont engendreacute le deacutepart des plus aiseacutes notamment lorsque ceux-ci y ont eacuteteacute encourageacute

par la reacuteforme de 1977 et son aide personnelle au logement pour lrsquoaccegraves agrave la proprieacuteteacute Des

plus pauvres ont pris leur place rendant theacuteorique toute forme de mixiteacute sociale durable dans

cet habitat Et pour ceux-lagrave les caractegraveres probleacutematiques de cet habitat pour les plus riches

le sont tout autant pour eux si ce nrsquoest plus manque de transports et drsquoeacutequipements

eacuteclairages chiches et absence de rues animeacutees (cafeacutes commerces lieux de distractions) et

aussi des deacutefauts structurels au niveau des appartements comme la sonoriteacute des murs et la

conception inhabituelle des espaces internes Cet eacutetat de lrsquohabitat explique pourquoi les

enfants et les adolescents ne pouvant ou ne voulant ni rester dans les appartements ni

srsquoamuser agrave lrsquoexteacuterieur se sont cantonneacutes aux cages drsquoescalier devenus terrains de jeu et de

rencontre

Ces ruptures formelles et sociales apporteacutees par les grands ensembles avec la ville

traditionnelle furent deacutenonceacutees (Merlin 2010) drsquoune part plus rapidement que la banlieue

industrielle dont le deacuteveloppement fut progressif agrave partir du XIXe siegravecle (tissu urbain

deacutesordonneacute sans quartiers ni secteurs clairs habitat pauvre en qualiteacute mais cher) et drsquoautre

part plus fortement que les vastes lotissements pavillonnaires autour des villes mode

drsquourbanisation commenceacute au milieu du XIXe et preacutedominant entre les deux guerres mondiales

(prix cher des parcelles non viabiliseacutees situeacutees agrave grande distance des reacuteseaux de transport et

techniques)

La fin de la peacuteriode de construction des grands ensembles a eacuteteacute sonneacutee par les circulaires du

30 novembre 1971 et du 21 mars 1973 du ministegravere de lrsquoAmeacutenagement du territoire de

lrsquoEacutequipement du Logement et du Tourisme Les opeacuterations en cours ne preacutesentaient plus aux

yeux des responsables de justification eacuteconomique seacuterieuse comme la ZUP de Montereau

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ainsi que les projets de Nantes-Buchelay et de Cormeilles-en-Parisis ont mecircme eacuteteacute arrecircteacutees

(Fourcaut 2002) Ce qui ne veut pas dire que les opeacuterations constructives se soient arrecircteacutees

sur les sites produits

Contre le gigantisme des opeacuterations anteacuterieures et leurs effets de laquo seacutegreacutegation sociale dans

lrsquoespace par le logement raquo des seuils quantitatifs ont eacuteteacute indiqueacutes pour les prochaines

opeacuterations par projets 1 000 logements maximum dans les villes de moins de 50 000

habitants et 2 000 dans celles de plus de 50 000 habitants les opeacuterations ne doivent pas

deacutepasser cinq ans ne pas comprendre plus de 40 des logements de la ville et les logements

sociaux locatifs doivent repreacutesenter entre 20 et 50 de la programmation de logements

Enfin pour une plus grande reacutepartition spatiale du logement social et sans eacutevocation encore

de sanction comme le preacutevoit la loi Solidariteacute et renouvellement urbain de 2000 il est deacutejagrave

eacutenonceacute lrsquoobjectif souhaitable drsquoun minimum de 20 de logements sociaux par communes

mecircme agrave Paris

Ainsi malgreacute les aspects positifs pour beaucoup drsquoopeacuterateurs des vingt anneacutees de

construction des grands ensembles reacuteponse agrave la crise du logement accegraves au confort et au

neuf dans le logement et mecircme habitat novateur cherchant agrave former des nouvelles uniteacutes

reacutesidentielles logeant des cateacutegories sociales varieacutees et inteacutegreacutees les inquieacutetudes sociales et

politiques concernant les rapports de voisinage et lrsquointeacutegration sociale et urbaine de ces

ensembles ont fini par srsquoimposer au plus haut niveau de lrsquoEacutetat (Voldman 2002) Les

interrogations ont en fait eacuteteacute rapides dans la sphegravere politique (Merlin 2011) degraves la premiegravere

reacutealisation en 1953 drsquoun grand ensemble de ce type (la Citeacute Rotterdam agrave Strasbourg 800

logements conccedilue par Edouard Baudouin) les critiques sociales et politiques du cadre formel

et spatial furent nombreuses malgreacute la satisfaction apporteacutee par les eacutequipements de confort

dans les appartements

Cette morphologie mateacuterielle contraignant les formes de vie sociale et la psychologie

individuelle en son sein est bien ici la cause de la deacutesaffection sociale qursquoelle connaicirct Il

existait mecircme une reacutealisation qui pucirct servir de contre-exemple agrave ce mode drsquourbanisme lrsquoun

des plus anciens grands ensembles rappelle Merlin (2010 p 75) La Plaine agrave Clamart (2005

logements sur 34 ha) commenceacute degraves 1947 sous la conduite de Robert Auzelle constitueacute selon

drsquoautres normes formelles celles des citeacutes-jardins qui avaient preacutevalu pendant lrsquoentre-deux-

guerres il eacutetait formeacute de petits immeubles collectifs aligneacutes en grande partie le long de rues

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et alternant avec les eacutequipements et les espaces drsquoactiviteacutes et les espaces verts cette

production fut totalement eacutepargneacutee par les critiques

Lrsquoaction publique reacuteagissant aux effets de lrsquourbanisme fonctionnaliste ne pucirct se limiter agrave

arrecircter ce type de production et agrave lrsquointerdire au plan leacutegal Tout drsquoabord des propositions

urbanistiques nouvelles furent porteacutees par les eacutelus et des hauts fonctionnaires de lrsquoeacutepoque

pour trouver drsquoautres voies drsquourbanisation et de production de logements reacutenover les centres-

villes et lrsquohabitat ancien deacutevelopper des villes nouvelles ainsi que encore favoriser

lrsquoacquisition drsquoune maison individuelle En ce qui concerne les zones de grands ensembles

puisqursquoune grande partie drsquoentre elles apparaicirct de plus en plus fragiles au deacutebut des anneacutees

1970 tant mateacuteriellement (deacutegradation physique) que socialement certains en lien avec des

milieux de reacuteformateurs catholiques sociaux des militants associatifs plus reacutevolutionnaires

ainsi que des travailleurs sociaux et socio-eacuteducatifs se mobilisent pour deux types de

solutions plus drsquoeacutequipements drsquoun cocircteacute et plus drsquoanimation voire du laquo deacuteveloppement

communautaire raquo de lrsquoautre Agrave partir drsquoune revue puis drsquoun groupe de ces diffeacuterents

intervenants srsquoest constitueacutee une commission interministeacuterielle laquo Habitat et vie sociale raquo

(1973-1977) qui appliquent ces solutions

Cette commission mit en place un programme drsquointervention physique et sociale impulseacute et

piloteacute par lrsquoEacutetat principal pourvoyeur de fonds (le Fonds drsquoameacutenagement urbain FAU creacuteeacute

en 1976 financcedilant la reacutehabilitation et la reacutenovation des quartiers anciens et nouveaux) Il fut

le premier drsquoune longue seacuterie drsquoautres jusqursquoagrave nos jours combinant ou alternant entre drsquoune

part des opeacuterations physiques et mateacuterielles sur lrsquohabitat et lrsquoameacutenagement urbain pour

entretenir maintenir corriger compleacuteter normaliser et mieux inteacutegrer lrsquoespace agrave son

environnement et drsquoautre part des interventions sociales et eacuteconomiques afin drsquoaider les

populations en difficulteacutes sociales (distance aux eacutequipements tensions de voisinage violence

et chocircmage croissant) et de renforcer leur inteacutegration sociale

Cette meacutethodologie drsquoactions multiples laquo action globale raquo selon ses promoteurs associe

des laquo partenaires raquo selon la terminologie politico-administrative heacuteriteacutee de la planification du

deacuteveloppement national (les collectiviteacutes locales et les diffeacuterents acteurs et opeacuterateurs des

champs urbains et socio-eacuteconomiques) et est centreacutee sur des sites deacutelimiteacutes pour y produire

des efforts particuliers drsquoaction publique et priveacutee Elle sera promue agrave lrsquooccasion des

laquo Assises de lrsquohabitat raquo plus preacuteciseacutement des laquo Assises pour lrsquoavenir des citeacutes drsquohabitat

social raquo organiseacutees en octobre 1981 par lrsquoUnion des feacutedeacuterations des organismes drsquoHLM avec

lrsquoappui de lrsquoEacutetat (Commissariat geacuteneacuteral du Plan) et la preacutesence des organismes concerneacutes

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(Feacutedeacuteration nationale des Socieacuteteacutes drsquoeacuteconomie mixte Union interprofessionnelle du

logement Association des maires de France Feacutedeacuteration nationale des agences drsquourbanisme

Caisse nationale des allocations familiales et autres associations de professionnels et

drsquoopeacuterateurs divers)

Ce mode drsquointervention signifie que srsquoinstitue une politique nouvelle drsquourbanisme et du

logement prenant le contrepied de lrsquoideacuteologie de lrsquourbanisme moderne lieacutee aux principes de

la Charte drsquoAthegravenes eacutelaboreacutee en 1933 au IVe Congregraves international drsquoarchitecture moderne

(CIAM) publieacutee par Le Corbusier en 1941 (anonymement puis sous son nom en 1943)

Contre la division de lrsquoespace par fonction justifiant la creacuteation de grands ensembles

drsquohabitation seacutepareacutes des zones de travail des espaces de circulation et des centres culturels et

ameacutenageacutes afin drsquoy former un cadre hygieacutenique et naturel drsquohabitat selon des normes plutocirct

strictes drsquoorganisation interne et de relation avec les fonctions externes lrsquoaction reacuteparatrice

de ces zones en rapide deacuteclin a poseacute le principe drsquoune approche plus laquo humaine raquo et solidaire

agrave lrsquoeacutecoute des besoins des habitants comme source premiegravere de production de la ville

Les dispositifs dans ce domaine suivant ce principe drsquoaction globale se sont succeacutedeacutes et

enchevecirctreacutes jusqursquoagrave nos jours ce sont les contrats urbains de coheacutesion sociale (CUCS) pour

le volet social les zones du Pacte de relance pour la ville du 14 novembre 1996 (ZUS ZRU

ZFU) pour lrsquoaspect eacuteconomique et lrsquoactuel programme national de reacutenovation urbaine

(PNRU) des secteurs construits dans le scheacutema fonctionnaliste (loi du 1er aoucirct 2003

concernant actuellement 564 ZUS ou secteurs assimileacutes) Leur efficaciteacute nrsquoest pas sucircre si lrsquoon

considegravere le bilan de non reacuteduction du chocircmage voire sa hausse dans de nombreuses ZUS et

la croissance des autres difficulteacutes sociales (violence et tensions familiales et entre les

personnes deacutelinquance de jeunes et trafic de drogueshellip)

Cependant sur le plan physique les opeacuterations de reacutenovation se limitent agrave des constructions

de nouveaux immeubles principalement sur les mecircmes sites de deacutemolitions des anciens

immeubles comme le rapporte reacuteguliegraverement le Comiteacute drsquoeacutevaluation et de suivi de ce

programme Agrave lrsquoinstar de la plupart des deacutemolitions ayant pu avoir lieu avant le PNRU le

comiteacute drsquoeacutevaluation (2011) conclue entre autres aspects que les divers chantiers de

deacutemolition-construction de reacutehabilitation et drsquoameacutenagement ne parviennent pas agrave modifier

lrsquoaspect geacuteneacuteral voire lrsquoambiance urbaine de ces quartiers les quartiers restent laquo lsquofroidsrsquo pas

toujours penseacutes comme des lieux de vie selon les grands principes globalisants de

lrsquourbanisme actuel parfois appliqueacutes sans prise en compte des speacutecificiteacutes des contextes

locaux raquo (p 19) Il reste donc encore agrave se centrer plus nettement sur lrsquoaccroissement et

440440

lrsquoadaptation de divers services collectifs priveacutes et publics (Comiteacute drsquoeacutevaluation et de suivi de

lrsquoANRU 2011)

Dans cette perspective afin drsquointensifier les fonctions urbaines neacutecessitant une nette

diversification des types drsquohabitat le rapport du comiteacute propose de localiser la reconstruction

de 75 des logements deacutemolis hors site Car sans changement de densiteacute urbaine de ces

zones en termes de varieacuteteacute de population de logements et drsquoeacutequipements sur la mecircme

surface et donc drsquointensiteacute urbaine conseacutequente en termes de concentration des eacutequipements

des services des logements des transports des commerces et des activiteacutes favoriseacutes par la

densiteacute deacutemographique lrsquoobjectif premier du PNRU qursquoest la reacuteduction des eacutecarts de

deacuteveloppement avec le reste des agglomeacuterations (en termes de chocircmage de qualification de

niveau de vie de santeacutehellip) nrsquoest jamais atteignable Car les habitants dont les conditions

srsquoameacuteliorent quittent ces quartiers et sont remplaceacutes par des nouveaux en difficulteacute Le critegravere

du niveau drsquoeacutequipements essentiel sur le plan de la morphologie urbaine reste toujours autant

en deacutefaut Ce constat avait eacuteteacute deacutejagrave rappeleacute par Jean-Marie Delarue (1991) vingt ans plus tocirct

Tant sur les plans quantitatifs que qualitatifs la faiblesse des eacutequipements et des services

locaux est toujours drsquoactualiteacute

Agrave quoi ce deacutefaut structurel est-il ducirc Agrave la varieacuteteacute ou agrave la lenteur effective des

programmations qui peuvent se mettre en place agrave lrsquoeacutechelle drsquoune geacuteneacuteration En effet

lrsquoensemble des services drsquoune agglomeacuteration moderne est important lignes de bus ou de

trams bureaux de poste bacirctiments drsquoactiviteacutes de services administratifs commerciaux et de

santeacute publique eacutetablissements scolaires et drsquoactiviteacutes sportives culturelles et de loisirs

services de petite enfance et drsquoaccueil eacuteducatif et de loisirs des enfants et des adolescents

services drsquoemplois et drsquoorientation voire de formation professionnelle services juridiques et

policiers services drsquoentretien de voierie et de gestion urbaine de la propreteacutehellip

Comme les rapports Delarue (1991) puis Sueur (1998) lrsquoavaient montreacute les deacutepenses

geacuteneacuterales par habitant pour les services publics preacutesents dans les grands ensembles (eacutecole

notamment) sont de maniegravere reacuteguliegravere dans le temps moindre qursquoen centre-ville malgreacute les

volonteacutes afficheacutees de discrimination positive Et de leur cocircteacute les nouveaux produits

reacutesidentiels reacutealiseacutes pour les cateacutegories moyennes ne sont pas deacutenonceacutes pour leur manque

drsquoeacutequipements Ce qui signifie qursquoagrave cocircteacute drsquoune sur-administration de solidariteacute drsquoassistance et

de transferts dans les grands ensembles la mise agrave niveau reacuteel des moyens de service public agrave

la hauteur des besoins des habitants restent encore loin du compte en comparaison avec le

reste des villes

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Ces questions et constats ouvrent la voie drsquoune recherche drsquoexplication sociologique

concernant lrsquooccurrence et la persistance de la marginalisation institutionnelle des zones de

grands ensembles malgreacute des actions sur le lien social ou de reacutenovation urbaine modifiant agrave

la marge la morphologie des espaces pour y attirer des classes moyennes Ce point est traiteacute

plus bas La section suivante eacutetudie plus preacuteciseacutement les deacuteterminants spatiaux et mateacuteriels

qui expliquent la deacutevalorisation drsquousage dont ces reacutealisations ont eacuteteacute lrsquoobjet degraves leur livraison

2 Des deacutefauts multiples de production urbaine et drsquohabitat

Les donneacutees historiques preacuteceacutedentes montrent comment srsquoest progressivement deacuteveloppeacutee

une conscience sociale eacutethique et politique relative aux groupes drsquohabitation construits sous

le joug de lrsquourbanisme fonctionnaliste moderne et des besoins impeacuterieux de logements en

grande quantiteacute apregraves la guerre Au lieu de contribuer agrave la creacuteation drsquoune ville drsquoun type

nouveau crsquoest un processus de deacutevalorisation sociale qui srsquoest engageacute vis-agrave-vis de ces espaces

et qursquoil apparaicirct tregraves difficile de renverser tant que les conditions structurelles drsquointeacutegration

sociale par la participation au travail la redistribution sociale et lrsquoorganisation des activiteacutes

eacuteconomiques ne sera pas modifieacutee

Quels sont les facteurs et les deacuteterminants de ce processus qui relegravevent particuliegraverement des

caracteacuteristiques de ces espaces au-delagrave de leur diversiteacute formelle et contextuelle Pourquoi

les populations les plus preacutecaires drsquoune agglomeacuteration ou drsquoun bassin drsquohabitat y sont-ils en

partie conduits voire contraints agrave y reacutesider alors que les classes moyennes stables et les

cateacutegories ascendantes tendent agrave choisir drsquoautres espaces reacutesidentiels plus valoriseacutes et priseacutes

par leurs pairs

Avant de reacutepondre agrave ces questions il est possible voire neacutecessaire drsquoailleurs de reconnaicirctre

certains points positifs aux grands ensembles (Merlin 2010) drsquoabord la contribution agrave la

reacutesolution de la gigantesque crise du logement de lrsquoapregraves-guerre avec un million de meacutenages

logeacutes et un niveau de confort sanitaire et un espace habitable importants (une piegravece par

personne une salle drsquoeau un W-C et le chauffage central) qui devinrent des normes pour

lrsquoensemble du secteur de la construction et dans lrsquoarchitecture de lrsquoeacutepoque que ce soit pour

les HLM drsquoautres cateacutegories de logements aideacutes ou encore le secteur libre ensuite la

preacutesence drsquoassociations nationales se consacrant au cadre de vie de plus lrsquoaction de

travailleurs sociaux favorisant la vie de quartier et la sociabiliteacute mecircme si les relations sociales

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sont parfois tendues et faible et la vie associative fragile et enfin un rocircle reconnu dans lrsquoart

et la culture contemporaine ainsi que des reacuteussites et des talents reacuteveacuteleacutes dans divers domaines

eacuteconomiques et sociaux

Cependant la reacutealiteacute objective du laquo mal des banlieues raquo nrsquoen est pas pour autant atteacutenueacutee

Pour quelles raisons Les deacutefauts de situation geacuteographique et de liaisons souvent lacunaires

avec lrsquoespace urbain etou les eacutequipements environnants ne sont pas les seuls facteurs en

cause Drsquoautres caracteacuteristiques communes drsquoordre architectural drsquoameacutenagement urbain et de

gestion sont en jeu drsquoabord la faiblesse des qualiteacutes mateacuterielles et techniques accentueacutee par

des malfaccedilons constructives et drsquoameacutenagement spatial et que les pratiques institutionnelles de

gestion ont du mal agrave reacutegler mais aussi des caracteacuteristiques formelles et de structure des

bacirctiments et des ameacutenagements exteacuterieurs reacutedhibitoires agrave lrsquousage (sur-dimension des

bacirctiments indeacutetermination et illisibiliteacute des espaces communs internes et externes densiteacute

des logements faiblesse des eacutequipements fonctionnels de proximiteacute)

Ces eacuteleacutements ont faccedilonneacute des espaces reacutesidentiels dont lrsquoeacutetat physique et mateacuteriel est

majoritairement rebutant et non les seuls traits formels (tours et barres) qui ne suffisent pas agrave

eux seuls agrave condamner les reacutealisations Les communauteacutes reacutesidentielles qui srsquoy sont formeacutees

sont marqueacutees par des tensions internes et une faiblesse concomitante de la vie collective en

leur sein ce qui constitue le pendant social des deacutefauts drsquoordre physique et fonctionnel que

preacutesente cet habitat Il offre de ce fait une faible capaciteacute drsquointeacutegration sociale notamment sur

le plan eacuteducatif avec les problegravemes de deacuteviance deacutelinquante des jeunes et sur le plan de

lrsquointeacutegration territoriale ce que des pratiques de diffeacuterenciation sur les marcheacutes immobiliers

montrent

Pour commencer cette analyse il nrsquoest pas inutile de rappeler que les choix de lieu

drsquoimplantation des grands ensembles suivaient des critegraveres de terrains preacutecis faible coucirct et

disponibiliteacute immeacutediate surface eacutetendue pour plan-masse drsquoenvergure et aussi distances

laquo raisonnables raquo aux zones drsquoactiviteacutes pourvoyeuses de main drsquoœuvre estimeacutees selon des

trajets essentiellement automobiles puisque lrsquoessor de ce mode de transport pendant la

Reconstruction le faisait privileacutegier par rapport aux circulations ferroviaires En outre dans

plusieurs cas les lieux de construction ont pu ecirctre drsquoembleacutee neacutegativement connoteacutes du fait de

fonctions ou drsquousages anteacuterieurs souvent marginaux voire subversifs bidonvilles preacuteceacutedente

citeacute sociale deacutefectueuse secteur de deacutelinquance de chiffonniers de marginaux ou encore

secteurs isoleacuteshellip

443443

Par exemple le maire de Clichy-sous-Bois (Dilain 2007) a montreacute en quoi la ville se trouvait

isoleacutee en enclavement par rapport agrave Paris aux bassins drsquoemploi aux pocircles drsquoattraction et aux

eacutequipements divers du reste de la Seine-Saint-Denis et de la Seine-et-Marne voisine Crsquoest

selon lui une des causes de la fuite des classes moyennes Ces distances et les temps de

parcours imposeacutes pour srsquoy rendre constituent une source de tension psychologique et sociale

pour les personnes qui doivent souvent reacuteduire les dureacutees ou les freacutequences des activiteacutes pour

les reacutealiser

Ce qui a un impact eacutegalement dans les relations familiales en termes de temps de preacutesence

suffisant aupregraves des enfants de la part des parents En effet si la commune est situeacutee agrave 15 km

de Paris elle nrsquoest accessible qursquoen 1h30 en transports collectifs aux heures de pointe Le

transport par bus entre Clichy et Le Raincy (4-5 km) pour joindre la gare de la ligne

ferroviaire pour Paris est non seulement bondeacute et encombreacute mais aussi tellement malaiseacute

avec les petites rues que le temps de trajet est plus long que celui du trajet par train entre Le

Raincy et Paris

De mecircme les deacuteplacements aux eacutequipements structurants en banlieue sont laborieux voire

impossibles agrave certaines heures par exemple 1h en transports collectifs pour la preacutefecture

pour lrsquoaeacuteroport Roissy-Charles de Gaulle les universiteacutes de Seine-Saint-Denis les cineacutemas ou

encore pour les grands bassins drsquoemplois deacutepartementaux les correspondances sont

nombreuses sans compter les absences de liaisons apregraves certaines heures Cette laquo galegravere des

transports raquo est bien entendue aussi vraie pour la voiture avec les nombreux embouteillages

sur les autoroutes A3 A4 (autoroutes de lrsquoEst) et A86 (la Francilienne) Ainsi ce type de

situation urbaine dont on a vu dans la partie preacuteceacutedente que Les Ulis en relevait aussi en

grande partie (eacuteloignement des gares de transport ferroviaire et des autres bassins drsquoemploi

deacutepartementaux) engendre une forme potentielle assez pousseacutee drsquoeacuteclatement spatio-temporel

des activiteacutes quotidiennes des habitants concerneacutes source de tensions multiples pour les

individus eux-mecircmes et dans les relations qursquoils entretiennent

Mis agrave part ce problegraveme deacuteterminant de localisation peu strateacutegique il existe toute une seacuterie

drsquoautres caracteacuteristiques formelles drsquoeacutetat et de gestion qui ont deacutetourneacute lrsquointeacuterecirct des

destinataires originels des grands ensembles Tout drsquoabord sur le plan mateacuteriel et du bacircti de

multiples problegravemes de production se sont reacuteveacuteleacutes avec une certaine acuiteacute par endroits

(Peillon 2001) Des malfaccedilons et des deacutefauts techniques de bacirctiment ont souvent eacuteteacute

rapporteacutes lieacutes agrave des insuffisances au niveau des proceacutedeacutes de construction mais aussi agrave la

maicirctrise drsquoouvrage sans compter les revues agrave la baisse freacutequentes de prestations initialement

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conccedilues Une certaine grossiegravereteacute caracteacuterise la majoriteacute de ses opeacuteration pas uniquement au

sens propre drsquoeacutetat de ce qui est laquo gros raquo crsquoest-agrave-dire de grande dimension mais aussi au sens

figureacute de manque de finesse voire de reacutegulariteacute

Les proceacutedures contentieuses conseacutequentes ont eacuteteacute nombreuses dans lesquelles se sont

souvent deacutefileacutes les opeacuterateurs dans leurs responsabiliteacutes (architectes promoteurs

entrepriseshellip) et en secteur priveacute des syndics ont davantage deacutefendu les inteacuterecircts des

promoteurs que des coproprieacutetaires Ainsi usure et vieillissement ont-ils eacuteteacute rapides entre

drsquoune part des mateacuteriaux et une reacutealisation de moindre qualiteacute et drsquoautre part des usages et

des deacutegradations parfois plus eacuteleveacutes accentueacutes par endroit avec des appartements des espaces

et des eacutequipements communs sur-occupeacutes

La meacutediocre qualiteacute de construction de conception architecturale et drsquoameacutenagement urbain

nrsquoa pas produit que des effets repoussoirs vis-agrave-vis des usagers mais a eacutegalement constitueacute

une source de complexiteacute sur le plan de leur gestion ce qui agrave son tour prolonge voire amplifie

les problegravemes drsquousage pour les occupants (Peillon 2001) Tout drsquoabord les organismes HLM

constructeurs de logements agrave lrsquoorigine disposaient de meacutethodes de gestion locative inadapteacutees

agrave des ensembles heacuteteacuterogegravenes de meacutenages organisation centraliseacutee regravegles geacuteneacuterales et

aveugles anonymat et impersonnaliteacute dans les relations bailleurs - locataires avec une nature

reacutepressive de certains regraveglements processus bureaucratique drsquoattribution et incapaciteacute agrave

participer aux dispositifs partenariaux de deacuteveloppement social pour geacuterer les problegravemes

publics qui les concernent Un point central est celui des faibles moyens budgeacutetaires lieacutes agrave la

politique gouvernementale de fixation des plafonds de loyers qui peut favoriser les retards

drsquoentretien Ce qui est particuliegraverement contraignant si lrsquoon estime que les organismes HLM

ont pu eux-mecircmes reconnaicirctre au milieu des anneacutees 1990 que doreacutenavant la gestion de ce

type de quartiers (bacirctiments espaces et eacutequipements exteacuterieurs compris) comporte du fait des

deacutegradations drsquousure et de vandalisme un coucirct suppleacutementaire par logement du tiers par

rapport au reste du parc (Peillon 2001 p 163)107

Les bailleurs ne sont donc pas toujours en capaciteacute drsquointervenir sur la deacutegradation geacuteneacuterale du

bacircti et des rapports sociaux (monteacutee de la violence) qursquoils contribuent indirectement agrave

entretenir En effet les deacutefauts drsquoentretien induisent un manque drsquoattention agrave lrsquoeacutegard des

parties collectives traiteacutees comme eacutetrangegraveres par certains locataires puisqursquoils sont perccedilus

107 Lrsquoauteur cite un rapport de lrsquoUnion nationale des feacutedeacuterations drsquoorganismes HLM (UNFOHLM) preacutesenteacute au congregraves HLM de Lille en 1997 UNFOHLM (1997) Les moyens de la coheacutesion sociale rapport introductif au congregraves de Lille p 8 LrsquoUNFOHLM est devenu lrsquoUnion sociale pour lrsquohabitat (USH) en 2002

comme un manque de consideacuteration des habitants de la part des gestionnaires De mecircme les

gestions de coproprieacuteteacute sont affecteacutees par les deacutefauts de recettes lieacutes agrave la paupeacuterisation des

meacutenages Et srsquoil est facile de quitter le secteur locatif social lorsque lrsquoon en a les moyens des

difficulteacutes de vente limitent la mobiliteacute des habitants des coproprieacuteteacutes priveacutees entraicircnant

parfois la mise en location agrave moindre prix et limitant les capaciteacutes drsquoinvestissement dans

lrsquoentretien (processus de deacutequalification et de deacutegradation)

En outre agrave ces problegravemes de gestion de lrsquohabitat propre aux organismes HLM ou aux syndics

de coproprieacuteteacute srsquoest ajouteacute un problegraveme de gestion urbaine de la part de lrsquoEacutetat et des

collectiviteacutes leur rapport institutionnel variable dans lrsquoespace et le temps a pu produire des

effets de ralentissement et drsquoobstacle agrave la reacutealisation des eacutequipements et agrave la gestion des

territoires Par exemple au niveau financier et organisationnel la gestion des nouveaux

espaces construits eacutetait deacutepourvue drsquooutils et de ressources importants conduisant agrave de

nombreuses improvisations des formes de gestion administrative Ce qui explique en partie le

manque de concertation avec les habitants Par ailleurs si le deacuteclin urbain se deacuteclenche dans

une zone en reacutecession eacuteconomique en raison du deacuteclin drsquoune mono-industrie ou drsquoactiviteacutes

peu diversifieacutees crsquoest aussi en partie en raison des choix des ameacutenageurs et des deacutecideurs

publics qui nrsquoont pas assureacute une politique de deacuteveloppement aux multiples activiteacutes en

srsquoappuyant sur des innovations mais aussi sur des expeacuteriences et des relations passeacutees du

territoire avec drsquoautres activiteacutes

Plus geacuteneacuteralement drsquoautres points probleacutematiques des grands ensembles sont apparus au fil

de leur livraison et de leurs premiegraveres occupations au niveau mecircme de leurs caracteacuteristiques

architecturales et urbaines Degraves les anneacutees 1950 sur le seul plan formel le gigantisme

eacutedifiant la monotonie et lrsquoanonymat lieacutes agrave lrsquouniformiteacute des eacuteleacutements bacirctis dans des espaces

exteacuterieurs vides drsquoactiviteacutes et de rues freacutequenteacutees ont susciteacute des interrogations et se sont mus

en veacuteritables problegravemes au fur et agrave mesure que des plans de plus en plus importants et

steacutereacuteotypeacutes geacuteomeacutetriques et avec des vastes bacirctiments et espaces exteacuterieurs se sont accumuleacutes

(Merlin 2010)

Puisque la majoriteacute des grands ensembles a eacuteteacute bacirctie hors des villes leur morphologie srsquoest

trouveacutee en rupture avec le reste des villes et surtout avec le tissu pavillonnaire ou le monde

rural environnant Cela a pu susciter chez les reacutesidents des effets psychologiques deacuteleacutetegraveres

avec des sentiments de marginalisation accompagnant la sensation drsquoeacutecrasement voire

drsquoincarceacuteration que peuvent procurer les formes monolithiques des grandes tours et des

longues barres (Peillon 2001) Avec des plans laissant peu de place agrave la diversiteacute des formes

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mais plutocirct agrave la reacutepeacutetition des aspects eacutevoqueacutes plus haut un effet de froideur inhibant les

conduites sociales caracteacuterise ces zones territoriales de grande dimension Elles deacutepassent le

simple quartier au sens drsquoespace de proximiteacute connu et freacutequenteacute intenseacutement autour de son

logement drsquohabitation Il est alors difficile de se deacutegager de cette ambiance urbaine peu

conviviale

Par ailleurs la pauvreteacute du systegraveme symbolique de lrsquoarchitecture et de lrsquourbanisme (absence

de repegravere culturel ou de signe de meacutemoire collective positive dans les espaces exteacuterieurs et

communs pour la fondation ou la valorisation drsquoune identiteacute locale) eacutevoque la mecircme

monotonie mais surtout induit une certaine anomie agrave une eacutepoque ougrave les supports de diffusion

culturelle et de communication sociale sont peu deacuteveloppeacutes dans les inteacuterieurs (teacuteleacutevision

journaux municipauxhellip) Il est alors difficile de srsquoidentifier agrave ces lieux laquo sans acircmes raquo agrave partir

drsquoexpeacuteriences passeacutees drsquohabitat et de logement sauf agrave consideacuterer certains eacuteleacutements de

laquo nature raquo qui permettent parfois agrave des meacutenages drsquoorigine rurale drsquoy retrouver des cadres

identitaires salutaires (familiariteacute avec le passeacute possibiliteacute de continuer ou de reprendre des

activiteacutes lieacutes agrave ces eacuteleacutements) et de se deacutegager des difficulteacutes relationnelles de ce type de

milieu (Giraud 2000)

Ces caracteacuteristiques eacutetaient deacutelibeacutereacutement deacutefinies par les concepteurs avec lrsquoobjectif de

rompre sur les plans urbain et symbolique avec le reste des villes et leurs formes anteacuterieures

Cependant pour qui est-il possible de les consideacuterer positivement Les couches moyennes

ont drsquoailleurs vite ressenti cette inadeacutequation entre les aspects et les formes exteacuterieurs de ce

cadre drsquohabitat et leur univers culturel composeacute autant de symbolisme drsquoestheacutetisme et de

fonctionnaliteacute Les nouveaux occupants de couches modestes qui partagent en grande partie

les signes exteacuterieurs de cet univers le ressentent tout autant mais ont moins de capaciteacute de

srsquoen eacuteloigner en quittant ces immeubles

Deux autres points deacutefinissant cette forme urbaine et drsquohabitat ont eacuteteacute assez tocirct critiqueacutes

(Peillon 2001) Le premier point concerne la rigiditeacute ou le fixisme des grands ensembles ils

ont eacuteteacute conccedilus comme des objets finis et ideacuteaux agrave lrsquoimage de projets artistiques ou drsquoutopies

urbaines non sans lien avec la conception des citeacutes-jardins au tournant du XXe siegravecle avec

lesquels ils ont une filiation certaine (Merlin 2010) Ils ont eacuteteacute penseacutes comme parfaits par

leurs concepteurs afin de reacutealiser des laquo villes deacutefinitives raquo agrave la maniegravere drsquoarchitecte

produisant des objets figeacutes Une ville ou un quartier nrsquoest pourtant pas un vaste projet

architectural ni une œuvre drsquoart De mecircme les regraveglements drsquourbanisme comme le principe

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de non-division fonciegravere des grands tegravenements empecircchant toute dynamique urbaine parcelle

par parcelle ont contribueacute agrave une peacutetrification des formes produites

Avant la Loi drsquoorientation pour la ville (LOV) de 1991 ces zones eacutetaient drsquoailleurs proteacutegeacutees

(code de lrsquourbanisme) pour preacuteserver leur uniteacute urbanistique et architecturale figeant ainsi les

espaces non bacirctis et interdisant lrsquoeacutevolution des constructions et de leur fonction hors deacutecision

eacutetatique ou leacutegislative La LOV a mis fin agrave cette laquo glaciation urbaine raquo creacuteant des droits agrave

construire visant agrave la diversification des fonctions notamment par lrsquoimplantation drsquoactiviteacutes

Si les grands ensembles ont pu rentrer dans le droit commun des sols urbains il reste que la

complexiteacute des situations fonciegravere et immobiliegravere nrsquoa pas contribueacute agrave favoriser rapidement

leur transformation

Le deuxiegraveme point est le manque de lisibiliteacute interne des espaces exteacuterieurs produits en lien

mais pas toujours avec les grands volumes bacirctis de maniegravere souvent uniforme Alors que la

signification ou le symbolisme des constructions avait pu ecirctre soigneacute au niveau des laquo plans-

masses raquo avec souvent des figurations abstraites symboliques il apparaicirct que au niveau du

sol ces caractegraveres sont insaisissables Peillon (2001) eacutevoque par exemple lrsquoarchitecte Lods

eacutedifiant des barres et des tours ceintureacutees drsquoun reacuteseau de voies courbes en suggeacuterant

laquo lrsquointimiteacute de lrsquoœuf raquo perccedilu sur un plan ou une image deacutefinie de haut Pire il a souvent eacuteteacute

confondu transparence ou vide des espaces drsquoun cocircteacute et leur lisibiliteacute de lrsquoautre Parfois

mecircme la maladresse accentue cet effet de deacutesorientation par des dispositifs labyrinthiques

censeacutes tromper des formes trop monotones comme Les Aubiers agrave Bordeaux laquo ougrave les chiens

se perdent raquo selon des responsables drsquoassociation teacutemoignant agrave un journaliste du Monde en

1981 (Peillon 2001)

Cette absence de lisibiliteacute exteacuterieure ainsi qursquoau niveau des espaces communs et

intermeacutediaires renforce alors lrsquoeffet drsquoinseacutecuriteacute psychologique des constructions eacutedifiantes

En effet puisque tout lieu est en theacuteorie un cadre drsquointeractions sociales (Giddens 1985)

lrsquoindeacutetermination deacutefavorable agrave lrsquoinstitution de celles-ci de maniegravere reacuteguliegravere et

eacutepanouissante pour les individus geacutenegravere non seulement un sentiment drsquoinseacutecuriteacute voire de

deacutetresse psychologique mais aussi une reacuteelle inseacutecuriteacute sociale lieacutee agrave lrsquoabsence de possibiliteacute

de relations drsquointerconnaissance drsquoentraide et drsquoactiviteacutes collectives deacutesireacutees

Agrave ces caracteacuteristiques formelles exteacuterieures peut se rajouter un paramegravetre central eacutevoqueacute

supra (chapitre VII section A paragraphe 2) geacuteneacuterant une forte contrainte drsquoadaptation pour

les usagers la rigiditeacute constructive des appartements (Croizeacute 2009-a) Celle-ci a eacuteteacute

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appliqueacutee dans de nombreux programmes avec des configurations spatiales et des

eacutequipements inteacuterieurs laissant peu de marges agrave leur appropriation diversifieacutee petite cuisine

distribution des piegraveces non pratique absence de piegraveces et drsquoespaces de rangement sonoriteacute

des cloisonshellip Cette eacutetroitesse normative et le manque de seacuteparation nette des piegraveces tendent

agrave induire une standardisation restrictive des usages et des maniegraveres de vivre dans la vie

personnelle familiale et sociale des occupants

Par exemple les choix reacutealiseacutes de la suppression ou de la reacuteduction des espaces de renvoi

(rangements divers) et leur exteacuteriorisation dans les espaces collectifs (Croizeacute 2009-a) cette

limitation peut susciter autant de la frustration chez les occupants priveacutes de ces espaces dans

les appartements que des problegravemes de gestion des espaces communs dans lesquels sont

deacuteposeacutes les objets (deacutegradation et deacutevalorisation de paliers et de couloirs transformeacutes en

garage agrave veacutelo ou des balcons devenus entrepocircts permanents) La grande taille de ces espaces

communs tout comme les halls drsquoentreacutee invite paradoxalement agrave cette pratique de

deacutetournement en raison de leur faible dynamisme vital lrsquoobjectif de geacuteneacuterer une sociabiliteacute

nouvelle par le seul effet de croisement des voisins ayant eacutechoueacute leur vide peut

partiellement constituer des espaces de rangement drsquoobjets qui ne trouvent pas de place dans

les inteacuterieurs

Srsquoil est essentiel de prendre en compte les caracteacuteristiques principales des aspects

immobiliers physiques et spatiaux des grands ensembles il ne faut pas oublier que cette

focalisation reacutesulte aussi drsquoun effet en creux de la faible preacutesence des eacutequipements collectifs

et des services publics en raison mecircme du principe fonctionnaliste de seacuteparation spatiale des

fonctions sociales dans lrsquoespace urbain Les eacutequipements sont peu nombreux et se reacuteduisent

mecircme parfois avec le temps De mecircme lrsquoameacutenagement de supports drsquoactiviteacutes collectives et

de services publics est faible mecircme en ce qui concerne des besoins de proximiteacute

Cette absence reacutesulte de la speacutecialisation fonctionnelle strictement appliqueacutee agrave la seule

habitation qui comporte en majoriteacute des immeubles drsquoappartements et des ameacutenagements

drsquoaccegraves et de circulation pieacutetonniers et automobiles en lien avec ceux-ci Le laquo vide raquo des lieux

entre immeubles engendre drsquoabord une faiblesse drsquoutilisation des espaces une aneacutemie des

flux drsquoanimation Mis agrave part les flux drsquoaller-retour des enfants aux eacutecoles et des adultes au

travail ou en sortie pour les courses reacuteguliegraveres cette absence drsquousagers et de clients

drsquoeacutequipements contribue en compleacutement avec le chocircmage de certains adultes et lrsquoabsence de

formation de certains jeunes agrave lrsquoambiance drsquoennui et de morositeacute des lieux Ainsi

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lrsquooccupation des espaces exteacuterieurs nrsquoest pas encourageacutee sauf pour certains jeunes qui y

deacuteveloppent leurs activiteacutes hors des regards des adultes absents des espaces

De surcroicirct ce vide preacutedominant dans un tel contexte territorial qui peut ecirctre tregraves vaste

instaure la perception drsquoune situation de deacutelaissement institutionnel par lrsquoEacutetat favorisant les

sentiments drsquoisolement et de marginalisation sociale En effet au regard du nombre

drsquohabitants les grands ensembles ne disposaient pas agrave la fin des anneacutees 1990 des mecircmes

ressources publiques que la moyenne des villes (Peillon 2001 p 246) alors que les

caracteacuteristiques particuliegraveres de victimes de la crise eacuteconomique et sociale exigeraient une

preacutesence accrue de moyens de solidariteacute et surtout drsquointeacutegration sociale Cette situation est

certainement tout aussi valable de nos jours

Les carences drsquoemploi et drsquoactiviteacutes et les deacutefauts mateacuteriels spatiaux et drsquoameacutenagement

devraient pourtant rendre plus importante qursquoailleurs la place de services collectifs et publics

notamment des services ordinaires drsquointeacutegration sociale Sans compter que les personnels des

services existants sont souvent moins qualifieacutes et expeacuterimenteacutes que dans les zones plus aiseacutees

et riches En outre lrsquoinadaptation des services aux horaires drsquoactiviteacutes des habitants est

souvent patente sans que des changements soient reacutealiseacutes agrave ce sujet Enfin le changement de

logique drsquoaction de certains organismes comme la Poste basculant du service public au

service commercial limite davantage les services aux habitants Un effet neacutegatif de

lrsquoinsuffisance de ses services est que cela entraicircne des demandes mal cibleacutees drsquoinformation

drsquoaides diverses de seacutecuriteacute et drsquoanimation agrave drsquoautres acteurs et personnels des services

restants (bailleurs enseignants agents de deacuteveloppement travailleurs sociaux policiershellip)

ce qui encombre leur propre service mecircme

Ce deacuteficit de preacutesence institutionnelle de droit commun (Sueur 1998) a des effets de preacutecariteacute

juridique relevant du domaine de la citoyenneteacute (Bertho 1997) En plus des seacutegreacutegations

sociales agrave lrsquoœuvre avec le regroupement spatial des exclus et preacutecaires de la sphegravere socio-

eacuteconomique les situations sociales srsquoaccentuent avec le deacuteficit de droits sociaux drsquoaccegraves au

service public et de participation agrave la vie sociale Srsquoajoute de plus en plus depuis le milieu des

anneacutees 1970 une logique drsquoapplication ineacutegale de regravegles particuliegraveres ou drsquoexpeacuterimentations

eacutetatiques sur des territoires speacutecifiques qui deacuteteacuteriorent lrsquoesprit des lois reacutepublicaines Les

pauvres les immigreacutes et leurs descendants en sont les premiegraveres victimes

Crsquoest ici une conseacutequence neacutegative de la spatialisation des problegravemes sociaux de la part de

lrsquoEacutetat (ou territorialisation des actions sociales eacuteconomiques et autres) le cadre territorial de

450450

la nation leacutegitime dans la production et lrsquoapplication du droit est remis en cause par ce

mouvement de localisation systeacutematique drsquoexpeacuterimentations multiples de mesures sociales et

eacuteconomiques car si des territoires pertinents drsquoaction infranationale peuvent se dessiner

selon des donneacutees eacuteconomiques et sociales (pocircles urbains bassin drsquoemploihellip) cela ne justifie

pas de reacuteduire localement le droit agrave base territoriale nationale

Ainsi sur le plan social et spatial le vide fonctionnel et institutionnel des espaces exteacuterieurs

associeacute agrave la forte visibiliteacute externe des formes drsquohabitat par rapport aux restes des villes

produisent un effet drsquoenclavement et de non-inteacutegration agrave lrsquoespace urbain englobant Ce que la

faiblesse de la vie sociale exteacuterieure souligne aussi Peillon (2001) eacutevoque la dalle

drsquoArgenteuil ougrave lrsquoabsence drsquoeacutequipements administratifs drsquoanimation socioculturelle et de

services publics ainsi que drsquoameacutenagement drsquoespaces collectifs comme des jardins publics

des squares ou des rues entraicircne lrsquoabsence de vie sociale et donc de vie urbaine par

disparition des possibiliteacutes de contacts fortuits et publics plus ou moins spontaneacutes agrave lrsquoorigine

du sentiment drsquoappartenance collective agrave un quartier

Degraves 1956 le mouvement laquo Eacuteconomie et humanisme raquo relayeacute ensuite par des responsables

politico-administratifs lors de la preacuteparation du deacutecret de 1958 portant creacuteation des ZUP

eacutemailleacutee par un colloque organiseacute par la revue Habitation (Vieillard-Baron 2001) srsquoinquieacuteta

des effets drsquoanonymat et drsquoisolement dans les espaces reacutesidentiels produits Les milieux

professionnels et associatifs favorables au logement social puis les meacutedias eacutemirent

progressivement des reacuteserves sur le manque de vie communautaire susciteacute tant par la

conception architecturale et urbaine de cet habitat que par le manque drsquoeacutequipements (eacutecole

services administratifs et bancaires rues terrains de sport lieux de culte cineacutema et autres

lieux culturelshellip) et de commerces de proximiteacute que lrsquoessor des super et hypermarcheacutes a

contribueacute agrave limiter (Merlin 2010)

Cependant le peuplement mecircme de grands ensembles et le mode de vie des habitants jouent

un rocircle tout aussi deacuteterminant dans le manque drsquoimplication dans la vie locale drsquoabord dans

les premiers temps surtout la majoriteacute des meacutenages avec des enfants en bas acircge restait sans

aires de jeux adapteacutes agrave lrsquoexteacuterieur le plus souvent dans les appartements puis de maniegravere

plus geacuteneacuterale les parents actifs srsquoabsentaient longuement en journeacutee pour rejoindre leur

travail dont ils eacutetaient eacuteloigneacutes avec des longs temps de deacuteplacement peu de motorisation

personnelle dans les anneacutees 1950-1960 et surtout des reacuteseaux de transport en commun tregraves

lacunaires (eacuteloignement des stations faible freacutequence et irreacutegulariteacute des lignes inconfort des

modes de transport avec des veacutehicules surchargeacutes)

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Ainsi les usages des diffeacuterentes cateacutegories de meacutenages occupants ont des effets sur le plan de

la vie sociale Ils peuvent involontairement contribuer agrave lrsquoabsence dynamique locale qui

favorise la symbolisation neacutegative de ces zones La carence en termes de sociabiliteacute et de

meacutemoire collective locale notamment pour les cateacutegories populaires aux pratiques urbaines

plus restreintes geacuteographiquement que celles des cadres accentue lrsquoeffet drsquoalieacutenation du

milieu sur ses habitants ainsi que les effets sociaux et symboliques de la coupure

morphologique avec les villes ou les espaces ruraux voire pavillonnaires environnants

Le dernier point morphologique agrave eacutevoquer a eacuteteacute abordeacute dans la partie empirique de la thegravese

si la sur-dimension le vide fonctionnel et lrsquoindeacutetermination des espaces exteacuterieurs rendent

ceux-ci particuliegraverement vides de freacutequentions multiples hors appropriation par une partie de

la jeunesse crsquoest eacutegalement en raison de la faible densiteacute deacutemographique relative de ces

espaces Celle-ci est un facteur de frein agrave lrsquointensiteacute urbaine ou tout simplement agrave lrsquourbaniteacute

(Jacobs 1991) ie agrave la densiteacute relationnelle qui deacutecoule de la concentration drsquoune diversiteacute

des fonctions des eacutequipements et des immeubles

Et vice et versa la densiteacute et lrsquointensiteacute urbaines permettent drsquoassurer la diversification de

lrsquohabitat difficile agrave obtenir dans les quartiers-ghettos des grands ensembles sans passer par un

ameacutenagement suppleacutementaire de parcelles disponibles (Comiteacute drsquoeacutevaluation et de suivi de

lrsquoANRU 2011) Cependant sans jamais pouvoir mesurer un seuil deacutemographique suffisant

pour obtenir cette densiteacute relationnelle il peut neacuteanmoins en ecirctre ressenti le manque lorsque

drsquoune part les structures et les eacutequipements de proximiteacute sont absents ou connaissent une

faible freacutequentation et drsquoautre part la population preacutesente nrsquoy est pas suffisamment dense La

faible preacutesence drsquoadultes dans les espaces exteacuterieurs est bien un des effets sociaux du parti

pris architectural et urbain de la doctrine fonctionnaliste

En effet malgreacute des opeacuterations de grande taille par le nombre de logements et lrsquoeacutetendue des

surfaces ameacutenageacutees les zones preacutesentegraverent degraves lrsquoorigine des densiteacutes moyennes de logements

Peillon (2001 p 117-118) eacutevoque une fourchette de 50 agrave 110 logementsha alors que lrsquoon est

pregraves des 300 dans le VIe arrondissement de Paris comprenant le Jardin du Luxembourg Il est

vrai que les espaces verts parcs jardins lacs drsquoagreacutement bois ou autres eacuteleacutements naturels

ameacutenageacutes ont eacuteteacute nombreux dans les diffeacuterents plans-masses afin drsquoapporter le maximum de

confort aux habitants

Il a cependant eacuteteacute ignoreacute que pour ecirctre freacutequenteacutes ils doivent disposer drsquoune forte attractiviteacute

et drsquoun environnement urbain dense comprenant des eacutequipements ou bacirctiments de fonctions

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diffeacuterentes de celle de lrsquohabitation (Jacobs 1991) Bien que lrsquoon ne sache si les zones

drsquoactiviteacutes qui ont pu ecirctre ameacutenageacutees en mecircme temps agrave proximiteacute des zones drsquohabitation sont

eacutegalement comprises dans ces mesures Peillon (2001) indique quelques densiteacutes de

logements par hectare de plusieurs sites agrave leur livraison pour illustrer cette faiblesse

constructive 105 logements par hectare aux Ulis 40 agrave 50 agrave la grande Borne (Grigny) aux

Minguettes et agrave Vaulx-la-grande-Icircle ou encore 90 agrave Ris-Orangis et au Haut-du-Liegravevre agrave

Nancy

Des exceptions pouvaient exister comme agrave Clichy-sous-Bois ougrave selon lui 240 logements par

hectare ont eacuteteacute construits Merlin (2010) confirme la fourchette moyenne de 50 agrave 100

logements par hectare pour lrsquoensemble des grands ensembles (p 155) et aborde cette question

de la densiteacute avec un autre indicateur celui du coefficient drsquooccupation des sols (COS)108 il

est de 1 en moyenne dans les grands ensembles drsquoIcircle-de-France (contre 016 pour les

lotissements pavillonnaires de lrsquoentre-deux-guerres) et infeacuterieur agrave 1 dans les autres

agglomeacuterations (contre 010 agrave 015 pour les lotissements pavillonnaires)

Les citeacutes-jardins ont une densiteacute similaire (06 agrave 115) et les immeubles haussmanniens

preacutesentent les densiteacutes les plus eacuteleveacutees un ordre de 3 en moyenne (p 94 et p 199) Ces

faibles densiteacutes repreacutesentent donc potentiellement des reacuteserves fonciegraveres substantielles dans

les agglomeacuterations tendues ce que souligne le Comiteacute drsquoeacutevaluation et de suivi de lrsquoANRU

(2011) rappelant le coefficient drsquooccupation des sols moyen de 08 pour les quartiers

drsquohabitat social en France contre 3 agrave Paris

Cependant ces indicateurs quantitatifs restent partiels dans lrsquoanalyse des variables

deacuteterminantes de la vie sociale des espaces concerneacutes puisque drsquoune part ils ne distinguent

pas la part relative agrave lrsquohabitation et celle relative au travail et agrave lrsquoactiviteacute (bureaux

commerces services publics et priveacuteshellip) et drsquoautre part ils ne tiennent pas compte de

lrsquoadaptation de ces eacutequipements agrave la population reacutesidente Le quartier de la Plaine agrave Clamart

(Merlin 2010 p 75) le montre avec 39 logements par hectare seulement et un faible

coefficient drsquooccupation des sols eacutequipements compris de 05 son climat social est reacuteputeacute

favorable non sans lien avec une morphologie proche du modegravele des citeacutes-jardins avec de

nombreux petits immeubles aligneacutes le long de rues tout en maintenant une veacutegeacutetation

108 Cette notion juridique eacutevoque la quantiteacute de construction admise sur une proprieacuteteacute fonciegravere en fonction de la superficie de celle-ci Crsquoest une limite maximale non obligatoire exprimeacutee en megravetres carreacutes de surface de plancher Elle remplace depuis le 1er mars 2012 la surface hors œuvre nette (SHON) qui eacutetait un peu moins restrictive dans les surfaces agrave prendre en compte Un COS de 04 sur un terrain de 1 000 msup2 eacutequivaut agrave une somme de surfaces de plancher construites de 400 msup2 (1 000 msup2 x 04) Agrave Paris le nouveau Plan local durbanisme a abaisseacute le COS agrave 3 dans la zone UG (Urbaine Geacuteneacuterale) Il eacutetait auparavant agrave 325

abondante entre immeubles mais surtout avec des eacutequipements collectifs accessibles et

adapteacutes agrave la taille de lrsquoensemble (eacutecoles centre commercial et terrains de sports)

En lrsquoabsence de rues animeacutees par divers commerces et services mais aussi drsquoeacutequipements

adapteacutes dans les espaces exteacuterieurs les relations sociales et la sociabiliteacute de proximiteacute

disposent de peu de supports sociaux pour leur deacuteveloppement Au contraire la forte et

brutale exposition au regard exteacuterieur des personnes suscite une distance sociale dans les

croisements et les cocirctoiements Cette situation est renforceacutee par la preacutesence de groupes

drsquohabitants replieacutes sur leur sphegravere familiale et domestique en raison de ces effets inhibiteurs

des dispositions spatiales et mateacuterielles des espaces exteacuterieurs et de circulation interne aux

bacirctiments (halls drsquoentreacutee couloirs) Ainsi agrave la finesse des cloisons des appartements qui

geacutenegravere de la distanciation avec les voisins pour proteacuteger la vie priveacutee srsquoajoute cette faiblesse

des dispositifs ou des supports drsquointeractions qui lrsquoamplifie

Dans lrsquoensemble ces principaux griefs sur le cadre physique des grands ensembles relegravevent

certainement drsquoune application politique trop restrictive des principes fonctionnalistes

drsquourbanisme et drsquoarchitecture deacutejagrave trop rationnels (Merlin 2010) En effet la seacuteparation des

fonctions prive des activiteacutes et des eacutequipements de base Lrsquoindustrialisation de la construction

permet la reacutepeacutetition monotone et anonyme des immeubles et leur gigantisme eacutecrasant aux

effets renforceacutes par la disparition des rues et le vide formel des nombreux espaces

intermeacutediaires Cette inhumaniteacute sensible peut ecirctre accentueacutee par le manque de seacutecuriteacute

physique en cas drsquoagression ou drsquoaccident neacutecessitant aide se deacutegageant des espaces

exteacuterieurs en raison de leur faible freacutequentation conforteacutee par la seacuteparation des circulations

selon leur mode (veacutehicules bicyclettes pieacutetons) ce qursquoillustre la creacuteation de dalles

pieacutetonniegraveres au-dessus de voies de circulation et drsquoaires de stationnement de voitures

Un des effets sociaux majeurs de ces dispositions urbanistiques concerne lrsquoabsence de

fonction socialisatrice voire eacuteducative des espaces reacutesidentiels alors mecircme que la

deacutemographie des grands ensembles est marqueacutee par une surrepreacutesentation depuis leur

premier peuplement de meacutenages avec des enfants en bas acircge (anneacutees 1960-1970) puis des

adolescents (anneacutees 1970-1980) et enfin de jeunes adultes (1990-2000) avec une leacuteger

tassement progressif lieacute agrave la diversification des meacutenages (Merlin 2010) Une partie de cette

jeunesse freacutequente intenseacutement les espaces exteacuterieurs en raison le plus souvent de difficulteacutes

familiales qui les privent drsquoeacuteducation parentale eacutepanouissante (Lapeyronnie 2008) Les

faibles activiteacutes eacuteconomiques et sociales dans les espaces de proximiteacute avec un manque

drsquoeacutequipements etou drsquohabitants qui les freacutequentent voire aussi le faible niveau de services

454454

publics et priveacutes conduisent agrave laisser la possibiliteacute agrave des conduites transgressives et violentes

de se manifester

Les espaces exteacuterieurs sont les plus freacutequenteacutes par les jeunes agrave lrsquoeacutecart de leurs foyers qui

monopolisent les lieux en y deacuteveloppant des activiteacutes souvent lieacutees aux trafics divers et agrave

lrsquooccasion desquelles ils produisent des souillures diverses marquant leur appropriation

(deacutechets urines deacutegradations graffitishellip) jamais nettoyeacutees ou reacutepareacutees par eux Cet usage

speacutecifique entraicircne une deacutegradation rapide des lieux sans entretien approprieacute possible par les

modaliteacutes complexes drsquoentretien et de gestion des espaces (surfaces importantes domanialiteacutes

enchevecirctreacutees) Les autres habitants peuvent ressentir un abandon drsquoeux-mecircmes et de leur

quartier par les pouvoirs publics et les gestionnaires mais aussi de lrsquoinseacutecuriteacute et de la

vulneacuterabiliteacute Leurs relations entre eux se tendent avec des pheacutenomegravenes de meacutefiance mutuelle

et drsquoinciviliteacute croissante qui se deacuteveloppent Ainsi avec des conditions drsquoentretien difficiles

et des moyens neacutecessaires eacuteleveacutes par rapport agrave ce qui eacutetait preacutevu il est possible que plus les

lieux se deacutegradent plus les contacts sociaux aussi

En fait plus que des soucis de socialisation pour les plus jeunes les deacutefauts formels et

drsquoeacutequipements des grands ensembles ont le plus souvent geacuteneacutereacute des contextes drsquointeraction

sociale peu favorables Degraves les anneacutees 1960 les insuffisances de la vie communautaire et

sociale lieacutees agrave lrsquoanonymat et agrave lrsquoisolement des choix urbanistiques ont eacuteteacute deacutenonceacutees (Merlin

2010) Indeacutependamment du deacutebat sur le sens des eacutequipements publics et priveacutes

laquo disciplinarisation raquo ou non des couches populaires par les eacutelites (Tissot 2007) ndash dans les

anneacutees 1960 et 1970 leur manque est ressenti par la population des peacuteripheacuteries ou plutocirct des

nouveaux grands quartiers voire des villes nouvelles bacircties agrave cette eacutepoque

Lrsquoabsence de centre-ville plurifonctionnel (hocirctel de ville culture eacutecoles centre de

santeacutehellip) nrsquoest pas compenseacutee malgreacute des reacuteactions parfois inteacuteressantes comme le plan de

rattrapage et de reacuteeacutequipement de Paul Delouvrier de 1963-1975 pour la banlieue parisienne

avec des centres polyvalents ou des structures inteacutegreacutees agrave plusieurs fonctions pour des

eacuteconomies financiegraveres mais aussi pour favoriser les rencontres En outre la faiblesse des

usages sociaux exteacuterieurs fut au deacutepart en partie preacutedeacutetermineacutee par drsquoune part un peuplement

majoritairement composeacute de jeunes meacutenages avec enfants en bas acircge pour qui les sorties sont

limiteacutees et drsquoautre part par les longues dureacutees drsquoabsence des parents souvent les pegraveres

drsquoabord travaillant agrave lrsquoexteacuterieur dans des agglomeacuterations ou des zones drsquoactiviteacutes parfois

longues drsquoaccegraves avec des systegravemes de transport en commun mal constitueacute pendant que les

megraveres ou les femmes seules srsquoy ennuyaient le plus souvent

455455

Cependant agrave partir des anneacutees 1970 et 1980 trois pheacutenomegravenes sont venus rendre plus

probleacutematiques les situations sociales locales (Merlin 2010) 1 la paupeacuterisation des

meacutenages notamment de cateacutegories populaires avec drsquoune part le deacuteveloppement du chocircmage

de masse du sous-emploi et de la preacutecariteacute et drsquoautre part la croissance des seacuteparations

conjugales faciliteacutee par lrsquoindeacutependance des femmes actives et les tensions geacuteneacutereacutees par la fin

du plein emploi 2 la croissance de la deacutelinquance et de la violence des jeunes et donc de

lrsquoinseacutecuriteacute dans et autour des zones de grands ensembles en particulier ougrave avec les

changements drsquooccupation les meacutenages vieillissants aux enfants partis se confrontent aux

jeunes de nouveaux meacutenages plus pauvres (e premier Comiteacute drsquoeacutetudes sur la violence la

criminaliteacute et la deacutelinquance fut drsquoailleurs installeacute en 1976 par Jacques Chirac Premier

ministre) et 3 les politiques drsquoattribution des logements sociaux de la part des organismes

bailleurs conduisant agrave des concentrations de preacutecaires et drsquoimmigreacutes peu ou non qualifieacutes dans

des secteurs de grands ensembles les moins valoriseacutes la politique de regroupement familial

des immigreacutes des anneacutees 1970 a rajouteacute au pheacutenomegravene de surpeuplement avec des effets

importants en termes drsquousure et de deacutegradation des appartements et des parties communes et

aussi de difficulteacutes drsquointeacutegration sociale des familles et surtout des enfants (probabiliteacutes plus

fortes drsquoeacutechec scolaire et drsquoentreacutee en deacutelinquance)

Ainsi moins que la paupeacuterisation des peuplements qui ne signifie pas neacutecessairement

relations sociales tendues mais au contraire parfois organisation drsquoune communauteacute

solidaire la vie sociale des grands ensembles srsquoest trouveacutee affecteacutee par deux grands types de

pheacutenomegravenes que sont lrsquoaccroissement speacutecifique de populations immigreacutees et le

deacuteveloppement croissant de la deacutelinquance de la violence et de lrsquoinseacutecuriteacute (Merlin 2010)

Le premier point est celui de la forte proportion drsquoimmigreacutes dans les peuplements qursquoils

soient eacutetrangers naturaliseacutes ou issus des DOM-TOM Elle est le signe du processus de

releacutegation existant agrave lrsquoencontre des meacutenages plus fragiles dont les immigreacutes peu ou non

qualifieacutes

Cette preacutesence renforce le caractegravere speacutecifique et marginal des espaces et introduit une

heacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute culturelle qui nrsquoest pas sans ecirctre source de renforcement des difficulteacutes de

communalisation des voisinages voire de constitution de divisions ethniques dans les

relations sociales et aussi drsquoaccentuation des problegravemes drsquointeacutegration des personnes et des

familles concerneacutees Car en lrsquoabsence de dispositifs drsquoaccompagnement social speacutecifiquement

mis en place en ce sens lrsquoeacutecart srsquoaccroicirct entre les besoins eacuteleveacutes des populations en actions

institutionnelles et sociales drsquointeacutegration et les manques de structures et de dispositifs effectifs

456456

qui les mettent en œuvre (activiteacutes eacuteconomiques et sociales eacutequipements publics et priveacutes

regroupements associatifs ameacutenagements spatiaux)

Le deuxiegraveme pheacutenomegravene devenu structurel dans les grands ensembles deacutegradeacutes a eacuteteacute traiteacute

tant dans la partie empirique (Chapitre VI section E) que dans le chapitre VII preacuteceacutedent

(sections A et B) la violence de certains habitants surtout des jeunes tant en reacuteaction agrave

lrsquoordre social en cours que dans le domaine de la transgression des regravegles de proprieacuteteacute et de

respect des personnes Les atteintes aux biens et aux personnes ont souvent nettement

augmenteacute au cours des trente derniegraveres anneacutees ainsi que la violence des relations avec les

policiers les pompiers les conducteurs drsquoautobus et les enseignants Surtout ce sont les

violences entre jeunes et au sein des voisinages avec des rackets des incendies de veacutehicules

des intimidations des provocations voire des agressions physiques et sexuelles qui se sont

multiplieacutees

Ces comportements apparaissent avec la preacutesence de nombreuses familles en difficulteacutes

drsquointeacutegration notamment en ce qui concerne les jeunes souvent drsquoorigine immigreacutee qui

connaissent lrsquoeacutechec scolaire etou le chocircmage persistant et des parents parfois en seacuteparation

conjugale etou en preacutecariteacute eacuteconomique et sociale Ces types de situation sociale et familiale

peuvent conduire pour certains agrave des choix de conduites et de valeurs transgressives et

violentes dans les relations interpersonnelles familiales et entre les sexes Le problegraveme est

que si la deacutelinquance constitue deacutejagrave une reacuteaction de violence face agrave une situation injuste ou

socialement eacuteprouvante elle contribue en retour agrave lrsquoaccroicirctre dans les relations sociales

ordinaires

Un point qui accentue le caractegravere neacutefaste de ce problegraveme et qui pousse agrave en faire une

dimension structurelle et symbolique est que le deacuteveloppement de la violence se reacutealise dans

un cadre spatial qui deacutepasse le seul peacuterimegravetre des zones drsquohabitation Le rapport 2009 de

lrsquoObservatoire national des ZUS en fournit un exemple reacutecent Il indique qursquoen 2008 les

atteintes aux biens sont de 5065 pour 1 000 dans les circonscriptions contenant une ZUS

contre 4343 pour 1 000 dans les ZUS mecircmes et pour les vols speacutecifiquement de 3787 pour

1 000 contre 2957 pour 1 000 Seules les atteintes aux personnes sont leacutegegraverement supeacuterieures

dans les ZUS (1221 contre 1138 pour 1 000 dans les circonscriptions) ainsi que les

destructions et deacutegradations (1386 contre 1278 pour 1 000)

Qursquoune grande partie des atteintes ne soit pas signaleacutee par les habitants des ZUS par peur

etou reacutesignation ou que les quartiers voisins soient plus atteints par les conduites violentes de

certains jeunes des quartiers sensibles ces eacuteleacutements signifient drsquoabord que la violence ne

457457

srsquoarrecircte pas aux frontiegraveres physiques des espaces de grands ensembles et que ce sont bien les

espaces plus larges qui les comprennent qui en sont affecteacutee Il est alors compreacutehensible que

le sentiment drsquoinseacutecuriteacute gagne alors autant les habitants des grands ensembles que ceux de

leurs environnements reacutesidentiels

Un type de conduite speacutecifique symbolise plus fortement encore les problegravemes drsquointeacutegration

sociale qui se manifeste dans les grands ensembles les soulegravevements eacutemeutiers impulsifs

Ceux de novembre 2005 qui se sont reacutepandus dans la plupart des zones urbaines sensibles de

meacutetropole sont particuliegraverement significatifs les variables laquo quartier drsquohabitat social raquo et

surtout laquo zone franche urbaine raquo (ZFU) sont nettement correacuteleacutees agrave la survenue des eacutemeutes

(Lagrange 2007) Les ZFU pour rappel constituent les ZUS les plus grandes (plus de 10 000

habitants) et les plus deacutesoleacutees en termes de diplocircmes de qualification et drsquooccupation

professionnelle des habitants et notamment des jeunes La faiblesse des activiteacutes

eacuteconomiques et donc de lrsquoemploi local est le critegravere qui justifie une politique drsquoexoneacuteration

drsquoimpocircts et de cotisations sociales pour encourager toute implantation ou extension locale

drsquoentreprise avec recrutement drsquohabitants des zones concerneacutees

Lagrange (2007) montre que crsquoest surtout la concentration des grandes familles (6 personnes

et plus) qui est le plus correacuteleacutees aux eacutemeutes notamment celles noir-africaines dont les larges

fratries constituent un frein important agrave la socialisation en comparaison avec drsquoautres familles

migrantes de taille plus petite Il est drsquoailleurs statistiquement constateacute que en ZUS les

familles nombreuses notamment eacutetrangegraveres sont en surrepreacutesentation par rapport aux restes

des agglomeacuterations tout comme les familles monoparentales (Pan Keacute Shon 2007)

Dans les deux cas (famille nombreuse et famille monoparentale) une variable explicative des

conduites deacutelinquantes des enfants peut se manifester plus facilement que dans drsquoautres

configurations familiales le modegravele de relation familiale et drsquoeacuteducation des enfants En effet

si crsquoest lrsquoautoritarisme etou le manque drsquoaccompagnement agrave lrsquoautonomie des enfants par les

parents qui preacutedomine ce cadre incite les premiers agrave srsquoeacutecarter du foyer familial pour vivre

dans la rue des relations agrave caractegravere identitaire et familial dans un groupe de pairs

Plus globalement aussi Lagrange (2007) a montreacute que les eacutemeutes et a fortiori les inciviliteacutes

et la deacutelinquance quotidienne eacutemergent dans un cadre de vie sociale locale peu deacuteveloppeacutee

sur le plan des relations entre les institutions et la population reacutetractation des associations

laiumlques et drsquoeacuteducation populaire distanciation des relations entre des associations agrave caractegravere

identitaire communautaire et religieuse et des services municipaux peu amegravenes par crainte

458458

des protestations drsquoextrecircme droite deacutesengagement de lrsquoEacutetat dans le soutien financier des

collectiviteacutes locales affaiblissement de la capaciteacute drsquoaction des collectiviteacutes par lrsquoarriveacutee de

jeunes chefs de projet en politique de la ville sans expeacuterience et creacutedit aupregraves des

associations absence drsquoengagement de celles-ci dans les programmes de reacuteussite eacuteducative

ou encore absence de politique drsquointeacutegration des immigreacutes dans les institutions municipales

locales

Lrsquoabsence drsquoune telle politique de reconnaissance et drsquointeacutegration locale eacutetant drsquoailleurs

correacuteleacutee avec les eacutemeutes les plus dures agrave calmer Cette eacutetude a drsquoailleurs mis en lumiegravere le

lien entre la dureacutee des eacutemeutes (et non leur deacuteclenchement qui a surtout eacuteteacute lieacute agrave la preacutesence

de groupes de jeunes deacutefavoriseacutes de familles nombreuses) et la faiblesse de lrsquoaction

municipale et associative deacuteteacuteriorant la coheacutesion sociale locale Drsquoautres variables associeacutees

au pheacutenomegravene eacutemeutier ont eacuteteacute mises en avant le surcroicirct de chocircmage dans la ville par

rapport au reste de lrsquoagglomeacuteration la deacutemolition drsquoimmeubles et le relogement dans le cadre

de la reacutenovation urbaine (geacuteneacuterant inquieacutetudes incompreacutehensions frustrations et amertumes)

la seacutegreacutegation reacutesidentielle des eacutetrangers dans les zones urbaines sensibles selon lrsquoindice de

dissimilariteacute de leur part par rapport aux restes des villes et le taux de familles eacutetrangegraveres et

de non diplocircmeacutes dans les quartiers lorsque ceux-ci ne sont pas cateacutegoriseacutes en ZUS

Quoiqursquoil en soit de maniegravere plus geacuteneacuterale pour toutes les cateacutegories drsquohabitants des zones

de grands ensembles lrsquoexpeacuterience de la deacutegradation de la deacutejagrave tregraves faible vie sociale locale

suscite certainement des tensions psychologiques et sociales nombreuses avec les difficulteacutes

relationnelles et la fatigue voire lrsquoeacutepuisement des personnes srsquoengageant dans des luttes

personnelles et collectives parfois pour ameacuteliorer la situation locale souvent en vain Ce qui

geacutenegravere des rapports drsquoindiffeacuterence de mise agrave distance ou encore drsquoirritation si ce nrsquoest

drsquoagressiviteacute Giraud (2000) eacutevoque aussi le misoneacuteisme geacuteneacuteraliseacute chez les plus anciens

pour qui chaque changement envisageacute de lrsquoenvironnement est appreacutehendeacute comme une

deacutegradation suppleacutementaire

Dilain (2006) pour Clichy teacutemoigne de cette humeur seacutegreacutegative que cette expeacuterience peut

produire il rapporte le refus drsquoappartenance communale de la part des quartiers

pavillonnaires situeacutes en peacuteripheacuterie de la commune dont il est maire alors que le grand

ensemble est au centre de la ville Cela peut srsquoobserver dans drsquoautres communes comme aux

Ulis ou bien drsquoautres Les habitants des pavillons tregraves exigeants sur leur cadre de vie megravenent

volontiers des luttes symboliques contre la deacutevalorisation commerciale de leur ville sur les

marcheacutes immobiliers Dans ce sens les agences immobiliegraveres reacutepercutent ces tendances et

459459

eacutevitent aussi de nommer les villes de grands ensembles en indiquant les noms des communes

voisines mieux reacuteputeacutees (Le Raincy Livry-Gargan et Gagny pour Clichy-sous-Bois)

Ainsi les conditions physiques drsquohabitat mais aussi sociales au sens de preacutesence de

structures de dispositifs et drsquoeacutequipements institutionnels sociaux eacuteconomiques et culturels

sont agrave lrsquoorigine de lrsquoeacutevolution des opinions progressivement plus critiques des habitants au-

delagrave de la satisfaction quant au confort des logements Agrave lrsquousage en quelque sorte les

habitant ont deacutecouvert que les conceptions architecturales et urbaines des grands ensembles

induisaient une laquo disciplinarisation raquo des modes de vie des occupants en conformiteacute avec les

thegraveses du mouvement drsquoarchitecture et drsquourbanisme moderne (Merlin 2010) celui-ci attribue

au cadre de vie un rocircle dans la formation drsquoun mode de vie urbain conccedilu comme modegravele

privileacutegieacute agrave inculquer aux citoyens de maniegravere abrupte voire autoritaire sans libre choix de

leur part

La laquo nociviteacute raquo de cette production urbaine sur les personnes et leur vie sociale srsquoest

rapidement aveacutereacutee notamment lorsque la deacuteconnexion durable au travail srsquoest geacuteneacuteraliseacutee

par lrsquoeacuteloignement spatial mais aussi social de celui-ci avec une place de plus en plus reacuteduite

dans la vie quotidienne des habitants la vie sociale de ces derniers tend agrave se confiner

speacutecifiquement au quartier drsquohabitation Ils sont alors davantage sensibles agrave leur cadre

drsquohabitat ainsi qursquoau nombre et agrave la qualiteacute des structures spatiales et sociales favorables aux

dynamiques drsquointeacutegration et de relations sociales

De ce fait les grands ensembles deacutegagent la speacutecificiteacute de posseacuteder des proprieacuteteacutes physiques

drsquoabord mais aussi sociales par effet de conseacutequence qui influencent les attitudes et les

usages de ces occupants Ce cadre physique et social drsquohabitat constitue un type spatial

structurant (Remy 1998 Bourdin Lefeuvre 2002) qui deacutetermine la vie sociale qui srsquoy

deacuteroule Cette relation speacutecifique entre lrsquoespace et le social agit drsquoailleurs de maniegravere presque

indeacutependante par rapport agrave la variable laquo type de logement raquo (ou laquo statut de la construction raquo)

se deacuteclinant en logement aideacute de type HLM ou non En effet ici la relation entre les

logements HLM la speacutecialisation sociale par le bas du peuplement la paupeacuterisation la

violence et la deacutelinquance dans lrsquoenvironnement reacutesidentiel concerneacute nrsquoexiste qursquoen raison de

lrsquoappartenance des immeubles agrave une configuration drsquoordre fonctionnaliste de lrsquoespace urbain

constitueacute

Parmi les grands ensembles qui comportent des parts majoritaires de logements sociaux ceux-

ci ne preacutesentent pas de destineacutees sociales diffeacuterentes de ceux qui ont une mixiteacute plus forte en

460460

termes de type drsquoimmeuble selon leur statut constructif Par exemple si effectivement la

grande zone de La Villeneuve agrave Grenoble composeacutee de trois quartiers de grands ensembles

assez eacutequipeacutes et soigneacutes sur le plan de lrsquoameacutenagement urbain a pu voir ses classes moyennes

en sortir assez rapidement crsquoest bien en raison de la speacutecialisation en logements de type

HLM-locatives de la majoriteacute de ses immeubles drsquohabitation qui nrsquooffre pas de perspectives

drsquoaccession agrave la proprieacuteteacute (Merlin 2010)

En revanche il a eacuteteacute constateacute dans lrsquoeacutechantillon de communes de grands ensembles eacutetudieacute

dans la troisiegraveme partie que la baisse deacutemographique lieacutee en grande partie agrave lrsquoeacutemigration

reacutesidentielle des plus aiseacutes ou encore la paupeacuterisation la deacutelinquance et la violence

apparaissent nettement dans le cas de parts importantes de logements en accession agrave la

proprieacuteteacute Les Ulis ougrave les logements sociaux ne repreacutesentent que 51 des reacutesidences

principales en 1982 mais aussi agrave la mecircme date Fareacutebersviller (49 ) et Behren-legraves-Forbach

(30 ) en Moselle et Mourenx (49 ) en Pyreacuteneacutees-Atlantiques

De ce fait la variable laquo type de logement raquo (HLM-locative ou accession agrave la proprieacuteteacute surtout)

apparaicirct comme dissoute par la nature de lrsquoespace reacutesidentiel (grand ensemble ou pas) la

preacutesence de logements en accession agrave la proprieacuteteacute agrave pregraves de 50 du parc de logements ne

constitue donc pas de garantie a priori tant pour lrsquointeacutegration et la participation sociale de la

population locale que par ricochet une image positive de la ville dans les repreacutesentations

sociales

De nombreux promoteurs priveacutes srsquoeacutetaient drsquoailleurs souvent retireacutes au deacutemarrage des

opeacuterations de construction apregraves un engagement programmatique initial au vu des premiegraveres

reacuteactions sociales plutocirct critiques des difficulteacutes drsquoorganisation avec les instances et les

organismes publics et de lrsquoaccroissement au sein des patrimoines sociaux des cateacutegories

pauvres et en difficulteacutes sociales (Peillon 2001) Pour lrsquoessentiel le secteur priveacute srsquoest alors

effectivement orienteacute vers le deacuteveloppement drsquooffres de logements et drsquoespaces de meilleure

qualiteacute notamment en accession agrave la proprieacuteteacute

Ainsi la deacutevalorisation sociale des grands ensembles a drsquoabord traduit un rejet global de ses

principes fonctionnalistes de construction et drsquoameacutenagement (Merlin 2010) qursquoavaient

pourtant adopteacutes une majoriteacute des diffeacuterents acteurs de la construction en France autour de la

Seconde Guerre mondiale Cependant dans lrsquoeffort de reconstruction et dans le

deacuteveloppement des politiques drsquourbanisme et du logement ceux-ci ont aussi contribueacute agrave

461461

lrsquoeacutevolution des autres parties des villes et de lrsquooffre de logement selon drsquoautres conceptions et

approches concurrentes de construction et drsquourbanisation

Les reacutesultats de ces eacutevolutions urbaines et architecturales hors zones de grands ensembles ne

sont pas sans lien avec leur eacutetat actuel chaque agglomeacuteration ou bassin drsquohabitat comportent

de multiples secteurs reacutesidentiels qui eacutevoluent de faccedilon diffeacuterencieacutee selon les eacutepoques et dans

un jeu drsquoinfluences multiples sur le statut et la fonction de chacun des autres secteurs

constitutifs de lrsquoespace urbain global La partie suivante preacutesente les grands traits de ces

eacutevolutions qui forment en tant que deacuteterminants exogegravenes lrsquoorigine en quelque sorte

speacutecifiquement urbaine de la deacutevalorisation des grands ensembles

3 Eacutevolution des espaces reacutesidentiels et de la fonction des grands ensembles

On a vu preacuteceacutedemment que tout un ensemble drsquoeacuteleacutements se cumulant reacutesonne comme des

signes de statut social neacutegatif des espaces et des attributs de la marginaliteacute urbaine niveau

eacuteleveacute de bas revenus et proportion drsquoimmigreacutes laquo anormalement raquo eacuteleveacutee signes importants de

deacutesordre social faible sociabiliteacute locale Sans identiteacute anteacuterieure positive forte des territoires

ainsi que sans adaptation des choix drsquoimplantation de formes de construction drsquoimmeubles et

drsquoeacutequipements force est de constater que la disqualification sociale a tregraves vite peseacutee sur les

grands ensembles constituant des supports meacutediocres pour les identiteacutes sociales entraicircnant

plus des replis et des conflits que des sociabiliteacutes appreacutecieacutees

Ce paragraphe montre que avec des attributs vite deacutepreacutecieacutes pour les classes moyennes et

modestes stables ces espaces sont passeacutes au second rang si ce nrsquoest au dernier dans les

agglomeacuterations ou bassins drsquohabitat vis-agrave-vis des autres espaces reacutesidentiels internes Ce point

est central pour comprendre la dimension urbaine ou territoriale des processus de seacutegreacutegation

puisque les grands ensembles constituent bien en milieu urbain des localiteacutes de releacutegation que

drsquoautres ne sont pas

Avec tous les eacuteleacutements drsquoanalyse rapporteacutes plus haut sur lrsquoeacutetat physique et social des grands

ensembles il est possible de les qualifier drsquolaquo habitat socialement disqualifieacute raquo comme deacutefini

par Serge Paugam (1995) il reacutesulte de lrsquoarticulation drsquoune deacutegradation agrave lrsquointeacuterieur de

lrsquoespace reacutesidentiel suite agrave lrsquoaccentuation de situations de preacutecariteacute avec lrsquoimage de laquo zone agrave

risques raquo renvoyeacutee par drsquoautres citadins via les meacutedias et que finissent par inteacuterioriser les

habitants ce qui est antinomique drsquoun sentiment drsquoidentiteacute collective du lieu habiteacute et de la

462462

possibiliteacute de mobilisation collective la visibiliteacute de la paupeacuterisation renforce les processus

drsquoexclusion et de disqualification sociales alteacuterant ainsi lrsquoexpeacuterience veacutecue des habitants en

les empecircchant de srsquoarrimer agrave une identiteacute locale positive Cette notion de disqualification

sociale de lrsquoespace nrsquoest pas sans lien avec la seacutegreacutegation sociale des espaces reacutesidentiels

concerneacutes Cette forme de seacutegreacutegation peut se manifester en raison de lrsquoexistence drsquoun

processus plus large drsquoeacutevolution diffeacuterentielle des espaces reacutesidentiels des villes qui deacutepend

des mobiliteacutes territoriales des diverses cateacutegories sociales de la ville

Effectivement les eacuteleacutements spatiaux physiques institutionnels et sociaux ne sont pas seuls agrave

expliquer le changement de statut socio-symbolique des grands ensembles dans lrsquoespace

urbain Lrsquolaquo obsolescence raquo physique et la deacutevalorisation sociale rapides des grands ensembles

sont aussi lieacutees agrave un ensemble de changements intervenus dans le champ du logement et des

espaces reacutesidentiels qui a entraicircneacute une nette modification de statut des grands ensembles dans

les systegravemes reacutesidentiels des aires urbaines auxquels ils appartiennent

Selon A Leacutevy (1998) un systegraveme reacutesidentiel est un ensemble signifiant et coheacuterent drsquoespaces

reacutesidentiels (quartier secteur reacutesidence) deacutependant les uns des autres et entretenant des

rapports associatifs mettant en valeur les ressemblances qui les unissent et les diffeacuterences qui

les opposent chaque espace reacutesidentiel possegravede ainsi un sens ou encore une connotation

sociale axiologique eacutevolutive selon le jeu drsquooppositions et de diffeacuterences qursquoil tire de la

comparaison avec les autres espaces et lrsquoensemble des discours connotatifs valorisant et

deacutevalorisant sur les espaces reacutesidentiels deacutependent des perceptions sociales des habitants de

chaque espace mais surtout des autres espaces composeacutees de formules steacutereacuteotypeacutees multiples

et souvent mythifieacutees

De ce fait les facteurs et les deacuteterminants drsquoordre laquo ontologique raquo deacutecrits plus haut

concernant la deacutegradation physique et le deacuteclin social des grands ensembles (formes spatiales

mateacuteriaux ameacutenagements gestion eacutequipements usages des espaces peuplement et rapports

sociaux) doivent srsquoanalyser dans la relation drsquointerdeacutependance par rapport agrave la structure des

espaces reacutesidentiels du reste des aires urbaines Chaque eacutevolution des parties de cette structure

(deacutegradationdisparition creacuteationameacuteliorationreacutenovation drsquoespaces reacutesidentiels) et de leur

statut social a des effets sur le statut et lrsquoeacutevolution physique et sociale de chaque espace

seacutepareacutement

Preacuteciseacutement en ce qui concerne les grands ensembles deux mouvements doivent ecirctre pris en

compte drsquoun cocircteacute le deacuteveloppement de nouveaux espaces reacutesidentiels non accessibles aux

plus deacutemunis favoriseacute par la mobiliteacute des classes moyennes vers des logements et des espaces

463463

464464

plus confortables et de plus grande qualiteacute de lrsquoautre cocircteacute lrsquoeacutevolution reacutegressive des

diffeacuterents secteurs publics et priveacutes de logement et drsquoheacutebergement des plus pauvres et en

difficulteacutes sociales du fait notamment de politiques de reacutehabilitation et de suppression de

certains segments de seacutegreacutegation du parc

Ces deux mouvements transforment le statut et la fonction sociale des grands ensembles dans

leurs agglomeacuterations dans un sens drsquohabitat meacutelangeacute pour les plus fragiles Ils constituent une

modification de la structure en espaces reacutesidentiels des aires urbaines franccedilaises degraves la fin des

anneacutees 1960 agrave la fin de la grande peacutenurie de logement drsquoapregraves guerre que la production des

grands ensembles avait justement permis drsquoatteindre Dans les diverses agglomeacuterations ceux-

ci occupent progressivement le bas de la hieacuterarchie des types drsquohabitat et des espaces

reacutesidentiels puisqursquoils srsquoeacutecartent deacutesormais le plus des normes qualitatives et fonctionnelles

des nouveaux espaces priveacutes en endossant le rocircle principal de reacuteceptacle de concentration des

pauvres et de preacutecaires qui se trouvaient avant reacutepartis de maniegravere disperseacutee dans lrsquoespace

urbain Ces deux mouvements peuvent ecirctre deacutecrits dans le deacutetail

Le premier mouvement est celui de lrsquoaccroissement important du logement individuel ou

encore de lrsquohabitat collectif priveacute notamment en accession dans lrsquoespace peacuteriurbain pour

lrsquoessentiel Ces changements se repegraverent dans les chiffres de production de logements depuis

les anneacutees 1970 Ils se sont fortement reacuteduits depuis le deacutebut des anneacutees 1970 de

555 000 logements en 1972 agrave une fourchette de 300 000 agrave 340 000 dans les anneacutees 1985-

1990 En 1973 le locatif social repreacutesentait 23 de lrsquoensemble des constructions annuelles

(127 500 sur 555 000 uniteacutes) en 1980 il ne repreacutesentait plus que 15 (60 000

logements)109

Ainsi lrsquoaccession agrave la proprieacuteteacute et le locatif priveacute repreacutesentaient pregraves de 350 000 logements

construits par an dans les anneacutees 1970 et pregraves de 250 000 dans les anneacutees 1980 en 1973

lrsquoindividuel repreacutesentait 45 puis plus de 65 au milieu des anneacutees 1980 (entre 1973 et

1981 les effectifs de construction annuelle de lrsquoindividuel sont resteacutes constants alors que les

effectifs drsquoensemble se reacuteduisaient) et les chiffres du collectif ont eacuteteacute diviseacutes par 25 ou 3

109 En 2005 avec lrsquoeacutelan du Programme national de reacutenovation urbaine commenceacute en 2004 le nombre de logements sociaux repreacutesente 195 (80 000 logements) de la production totale de logements (410 000) Si lrsquoon tient compte qursquoun tiers drsquoentre eux relegravevent de la cateacutegorie des logements financeacutes par des PLS crsquoest-agrave-dire des logements aux loyers les plus eacuteleveacutes par rapport aux autres cateacutegories de logement social (PLUS logement social laquo de base raquo et PLA I pour les plus faibles ressources) le taux descend agrave 13 (53 300 logements PLUS et PLA I) (Robert 2006)

Cette orientation de logements construits (plus drsquoindividuels et drsquoaccession ou de locatif

priveacute) plus la reacutehabilitation de lrsquohabitat ancien ont eacuteteacute pleacutebisciteacute par les meacutenages moyens

voire plus modestes (ouvriers) mais stables Deacutesireux de quitter les grands ensembles en

raison des problegravemes de cohabitation et plus largement de relations sociales mais aussi des

deacutefauts techniques et de gestion existants ils lrsquoont eacuteteacute encourageacutes par lrsquoaide personnaliseacutee au

logement (APL) instaureacutee avec la reacuteforme du financement du logement par la loi du 3 janvier

1977

Le deuxiegraveme mouvement ayant modifieacute les systegravemes reacutesidentiels urbains se compose drsquoune

seacuterie de pheacutenomegravenes ayant abouti agrave la quasi-disparition des solutions de logement et

drsquoheacutebergement pour les meacutenages pauvres et en difficulteacutes sociales Dans un premier temps un

tassement du parc locatif priveacute accessible aux meacutenages modestes srsquoest manifesteacute le reflux du

parc couvert par la loi de 1948 (plafonnement des loyers) lrsquoillustre pleinement avec 1

400 000 logements en 1970 passeacutes agrave 350 000 en 1996 soit une perte de frac34 des logements en

Icircle-de France avec 95 000 logements ils sont dix fois moins que les logements agrave loyer libre

Cependant ce sont les logements locatifs anciens dans leur ensemble qui ont progressivement

disparu qursquoils soient ou non couverts par la loi de 1948 entre 1978 et 1988 30 de ce parc

est concerneacute (soit 930 000 logements de moins) Dans un second temps plusieurs formules

drsquoheacutebergement preacutecaires constituant un parc laquo infra-social raquo pour les plus deacutemunis ont aussi

fortement reacutegresseacute (vieux hocirctels meubleacutes garnis chambres de bonnehellip) drsquoavant guerre

(220 000) agrave la fin des anneacutees 1990 (20 000) ce parc a eacuteteacute diviseacute par dix le restant cohabite

drsquoailleurs souvent avec un patrimoine priveacute renouveleacute dont lrsquoindice des loyers entre 1985 et

1997 a crucirc presque deux fois plus vite que lrsquoindice geacuteneacuteral des prix

Dans cet eacutelan les dispositifs de logement social agrave normes reacuteduites ou drsquoaccueil drsquourgence et

temporaire de population comme les citeacutes de transit pour lutter contre les taudis et les

bidonvilles de populations essentiellement immigreacutees furent aussi progressivement supprimeacutes

(agrave partir seulement de 1982 pour les citeacutes de transit) Lrsquoobjectif eacutetant agrave chaque fois de tenter

de juguler les effets seacutegreacutegatifs du regroupement des plus pauvres ou en difficulteacutes sociales

ou familiales dans des espaces seacutepareacutes de moindre qualiteacute par rapport agrave drsquoautres secteurs

reacutesidentiels leur destineacutee accumule malgreacute les nombreuses actions de type socio-eacuteducative

(alphabeacutetisation enseignements meacutenagers pueacutericulture actions et aide socialehellip) conflits de

voisinage croissants part importante drsquoinactifs de chocircmeurs et drsquoassisteacutes deacutegradation et

deacutelabrement des locaux et des parties communes deacutesengagement des gestionnaires et

reacuteactions de protestation des locataires et enfin deacuteveloppement des problegravemes de

465465

deacutelinquance de drogue (et de sida) voire de criminaliteacute organiseacutee plus ou moins fantasmeacutee

(Cohen David 2012)

Tous ces eacuteleacutements de reacuteduction massive des parcs priveacutes et publics veacutetustes ou de faibles

normes drsquohabitat ont entraicircneacute un large mouvement de mobiliteacute des meacutenages modestes vers le

logement social le plus deacutegradeacute crsquoest-agrave-dire celui des grands ensembles en premier chef en

raison de son eacutetat drsquoachegravevement souvent lacunaire et drsquousure rapide Ils ont eacuteteacute les outils de la

reacutesorption des diffeacuterents types drsquohabitat de moindre voire de faible qualiteacute ayant pour certains

conduit agrave accentuer la seacutegreacutegation sociale de leurs occupants par le renforcement de leur

marginaliteacute voire par le deacuteveloppement de leur deacuteviance La localisation en quelques espaces

speacutecifiques mais tregraves visibles des agglomeacuterations de populations multiples en difficulteacutes

sociales et parfois bien stigmatiseacutees a donc eacuteteacute accompagneacutee drsquoun transfert aux grands

ensembles deacutegradeacutes drsquoun regard agrave la fois miseacuterabiliste et stigmatisant (Cohen David 2012)

En combinaison avec lrsquoaccroissement de lrsquooffre priveacutee attractive des nouveaux produits pour

les cateacutegories moyennes et supeacuterieures ce mouvement a entraicircneacute la speacutecialisation sociale des

quartiers drsquohabitat social ougrave il est bon de ne pas trop y rester Dans cette perspective degraves la

seconde moitieacute des anneacutees 1970 le rapport Mayoux (1979) sur lrsquohabitat individuel constata la

fonction de bien laquo drsquohabitat drsquooccasion raquo des grands ensembles Lrsquoune des laquo suggestions raquo de

ce rapport est drsquoinviter pour justifier le deacuteveloppement du peacuteriubain individuel les

intellectuels et militants agrave habiter les grands ensembles puisque ils reacutealisent un laquo intense

brassage social raquo ce que justement critiquait le rapport

Ainsi avec une speacutecialisation croissante dans lrsquoaccueil des plus deacutemunis et avec la hausse des

coucircts grevant les budgets drsquoentretien les grands ensembles sont affecteacutes drsquoun processus

deacutepressif qui deacutepasse la temporaliteacute normale de la veacutetusteacute technique Les diverses opeacuterations

de reacutehabilitation des grands ensembles mises en œuvre entre la fin des anneacutees 1970 et le deacutebut

des anneacutees 1990 nrsquoont fait que rendre plus visibles leurs difficulteacutes sociales sans les reacuteduire

pour autant puisque lrsquointervention sur le bacircti nrsquoa aucun effet sur le chocircmage la

marginalisation sociale et les comportements reacuteactifs de transgression sociale et drsquoopposition

sociopolitique des habitants (Plouchard 1999) En fait la visibiliteacute du traitement technique

sans effet sur le contenu social des grands ensembles renforce la deacutevalorisation sociale en

eacutelargissant le cercle des populations informeacutees des opeacuterations

Ce processus peut se mesurer avec la moindre valeur des logements neufs dans et proches des

quartiers de grands ensembles sur les marcheacutes immobiliers Ils participent aux mouvements

466466

drsquoeacutevolution des eacutetats des diffeacuterents secteurs urbains en fonction de la mobiliteacute des cateacutegories

sociales qui les freacutequentent laquo Par effet de contiguiumlteacute pauvreteacute et richesse se diffusent et

tendent agrave se geacuteneacuteraliser sur un territoire eacutelargissant la maille geacuteographique de la seacutegreacutegation

en utilisant les canaux que sont les valeurs fonciegraveres la reacuteputation des eacutecoles et les images

sociales des populations dont la preacutesence se renforce raquo (Peillon 2001 p 190)

Un pheacutenomegravene de diffusion des eacutetats de valeur se manifeste dans les espaces publics et les

eacutequipements de proximiteacute des ville dans lrsquoenvironnement des grands ensembles il srsquoagit de

deacutegradation physique de disqualification sociale et de stigmatisation avec la deacutegradation des

rapports reacutesidentiels en tant que rapports de voisins mais aussi rapports au logement agrave

lrsquoimmeuble et au quartier (Authier 2002) Pour les communes de grands ensembles crsquoest

effectivement comme on lrsquoa vu avec Les Ulis les communes de lrsquoeacutechantillon eacutetudieacute et aussi

drsquoautres cas eacutevoqueacutes tels que Veacutenissieux et Clichy-sous-Bois le territoire drsquoensemble de la

collectiviteacute qui est affecteacute par les problegravemes de deacutelinquance et de violence ainsi que par la

segmentation des relations selon les sexes et les communauteacutes ethniques Le maire de Clichy-

sous-Bois nrsquoexprime-t-il pas le sentiment dominant des populations lorsqursquoil eacutevoque le

laquo basculement dans lrsquoexclusion et la ghettoiumlsation raquo (Dilain 2006 p 206) de sa commune de

classes moyennes et populaires dans les anneacutees 1970

Les grands ensembles ont donc progressivement endosseacute un rocircle drsquoaccueil speacutecifique des

populations les plus fragiles socialement pour le compte de lrsquoEacutetat Drsquoougrave lrsquoeffet seacutegreacutegatif de

ce processus drsquoassignation En plus des opeacuterations de relogement des populations issues des

bidonvilles et des types drsquohabitat drsquourgence de transit de logement social agrave normes reacuteduites

ou de logements veacutetustes du parc priveacute Clavel (1998) fait remonter cette orientation agrave

lrsquoinstauration du systegraveme drsquoaide agrave la personne pour lrsquoaccegraves au logement social des plus

pauvres

Il a contribueacute agrave lrsquoeacutemergence drsquoune forme de seacutegreacutegation sociale marqueacutee par la mise agrave

distance sociale au sein des mecircmes espaces reacutesidentiels agrave la diffeacuterence de celle agrave lrsquoœuvre

dans les relations sociales entre occupants de cateacutegories drsquohabitats distincts seacutepareacutes

geacuteographiquement laquo si dans le systegraveme drsquoaide agrave la pierre lrsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute de la construction

(programmes sociaux de relogement citeacutes de transit HLM ordinairehellip) conduisait agrave la

seacutegreacutegation dans le systegraveme APL (allocation personnaliseacutee au logement) crsquoest lrsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute

des populations (ressources mode de vie aspirationshellip) qui induit ce mouvement dans un

bacircti apparemment uniforme raquo (Clavel 1998 p 73-74)

467467

La seacutegreacutegation qui se manifeste ne se reacutealise donc pas uniquement par lrsquoassignation ou la

releacutegation de meacutenages en difficulteacutes sociales dans diffeacuterents espaces drsquohabitat social ou aideacute

Elle deacuterive aussi drsquoune cohabitation forceacutee des meacutenages moyens et supeacuterieurs avec des

meacutenages aideacutes en grand nombre ce qui incite les premiers soucieux de meilleur confort

mateacuteriel drsquoentre-soi social et culturel et de protection identitaire et drsquoeacuteducation non

seulement de marquer de la distance dans les relations de voisinage (eacutevitement reacuteserve voire

indiffeacuterence critiques systeacutematiques voire conflits ouverts) mais aussi agrave quitter le logement

social qui a ainsi perdu de la valeur statutaire agrave leurs yeux

Cette reacuteaction est lrsquoexemple mecircme drsquoune action politique laquo bien intentionneacutee raquo mais suscitant

un effet seacutegreacutegatif important dans la reacutepartition spatiale des groupes sociaux En effet le

rapport de la commission Barre avait poseacute les bases de la reacuteforme de 1977 deacuteveloppant les

aides personnelles au logement et reacuteduisant les aides aux constructeurs afin de faciliter la

mixiteacute sociale dans les villes Il deacutenonccedilait drsquoailleurs laquo la seacutegreacutegation des hommes par la

localisation de lrsquohabitat raquo (Barre Jeancourt-Galignani 1976)hellip

Ces eacutevolutions urbaines deacuteterminent un sens agrave lrsquohabitat des habitants marginaliseacutes qui restent

dans ou pregraves des grands ensembles Ils doivent composer avec lrsquoexistence de cette identiteacute

spatiale neacutegative Crsquoest pour cela que Didier Lapeyronnie eacutevoque la neacutecessiteacute de

laquo spatialiser raquo lrsquoanalyse des problegravemes des habitants (Lapeyronnie 2008 p 137) et non celle

des problegravemes sociaux comme le critiquent plusieurs auteurs (Baudin Genestier 2002

2006 Tissot Poupeau 2005 Garnier 2010) La spatialisation des problegravemes sociaux crsquoest

leur attribuer des causes spatiales en en oubliant les deacuteterminations sociales principales

alors que la spatialisation des problegravemes des habitants crsquoest consideacuterer la place de lrsquoespace

dans les problegravemes des habitants ie comprendre leur assignation agrave un espace seacutegreacutegueacute un

espace de concentration des pauvres dans la ville qui devient ainsi une dimension essentielle

de la pauvreteacute Habiter dans ou proche drsquoun tel espace induit drsquoen porter le stigmate comme

une identiteacute exteacuterieure subie ce qui peut ecirctre perccedilu comme une situation individuelle drsquoeacutechec

social sans en voir la dimension collective et sans conscience de classe

Vivre dans un quartier de releacutegation deacuteveloppe le sentiment drsquoune vie anormale par la mise agrave

lrsquoeacutecart spatiale de la ville par les cateacutegories supeacuterieures ou moyennes du centre-ville ou des

beaux quartiers de lrsquoagglomeacuteration Lrsquo laquo exil raquo veacutecu dans un territoire seacutepareacute et rejeteacute

contribue agrave enclaver et agrave renforcer lrsquoisolement relatif car le quartier devient une laquo aire

urbaine raquo speacutecifique identifiable et repeacuterable distinct de la ville La population peut y

apparaicirct homogegravene Les caractegraveres urbains relevant du fonctionnalisme sont pauvres

468468

immeubles de mauvaise qualiteacute et deacutegradeacutes disposeacutes sans forme logique peu ou pas de

commerces et drsquoespaces publics espaces verts transformeacutes en terrain vague bacirctiments agrave

lrsquoabandon Et les quartiers sont non passants

Degraves le deacutebut de leur peuplement les espaces publics des grands ensembles sont

principalement occupeacutes par un grand nombre de jeunes de conditions modestes sans preacutesence

drsquoautres adultes plus acircgeacutes pour reacuteguler les comportements de deacutesœuvrement La laquo galegravere raquo

qursquoils vivent est vite devenue une caracteacuteristique structurelle de peuplement des grands

ensembles visible de lrsquoexteacuterieure et alimentant neacutegativement leur reacuteputation

Crsquoest donc degraves lrsquoorigine que ces espaces ont preacutesenteacute une image laquo inverseacutee raquo de la ville

traditionnelle par rapport aux critegraveres de densiteacute de proximiteacute de mixiteacute et de sociabiliteacute qui

forment des quartiers divers et animeacutes Par leur apparent manque drsquourbaniteacute ces espaces

signifient une position de faiblesse occupeacutee par les habitants La rupture urbaine spatiale et

sociale que constituent ces espaces produit des frontiegraveres claires et des liaisons difficiles par

rapport aux autres quartiers urbains Lapeyronnie (2008) indique en fait que cette image

externe des zones drsquohabitat de releacutegation est drsquoailleurs laquo plus reacuteelle raquo que sa non-validiteacute

interne sous lrsquoeffet du poids de la domination des repreacutesentations sociales construites sur une

meacuteconnaissance de leur reacutealiteacute

Les peuplements ne sont pas reacuteductibles agrave un univers de pauvres et de deacutelinquants ceux-ci

sont en fait laquo sur-visibiliseacutes raquo physiquement dans ces espaces par rapport agrave leur propre laquo sous-

visibiliteacute raquo sociale Cette image est laquo tant source que conseacutequence de la seacutegreacutegation urbaine

pour les habitants raquo (Lapeyronnie 2008 p 142) Crsquoest pourquoi les habitants souhaitent ne

pas endosser cette identiteacute sociale laquo pieacutegeacutee raquo par lrsquoimage neacutegative du ghetto dans les relations

sociales dans la ville Celle-ci geacutenegravere un a priori de handicap social etou un soupccedilon voire

une suspicion permanente de comportements neacutegatifs Les habitants des citeacutes laquo invisibles raquo

perccediloivent drsquoailleurs cette heacuteteacutero-eacutevaluation neacutegative baseacutee sur les normes dominantes de la

vie urbaine et ils en souffrent chroniquement comment se deacutemarquer de la disqualification

sociale et symbolique tant agrave lrsquointeacuterieur du ghetto qursquoagrave lrsquoexteacuterieur

Lrsquoidentiteacute pieacutegeacutee est lieacutee agrave lrsquoassociation entre drsquoune part la reacutesidence dans le quartier qui est

caricatureacutee dans ses aspects neacutegatifs et drsquoautre part les cateacutegories de reacutesidants consideacutereacutes

comme deacuteviants incapables ou deacutependants Drsquoougrave la meacutefiance la crainte lrsquohostiliteacute le meacutepris

lrsquoeacutevitement voire le malaise dans les zones de cocirctoiement obligeacute (transports en commun

institutions sociales eacutequipementshellip) tant dans les discours que dans les comportements

469469

Ces discours connoteacutes dans lrsquoespace urbain ont une fonction sociale drsquoexpression des craintes

sur ce type de zones Ils justifient la seacutegreacutegation urbaine agrave leur encontre en plus de deacutenoncer

des faits drsquoinseacutecuriteacute souvent reacuteels La seacutecuriteacute joue un rocircle central dans la geacuteographie et le

deacuteveloppement urbain pour diviser la ville en bons et mauvais quartiers Les citeacutes sont

reacuteputeacutees pour leurs aspects neacutegatifs steacutereacuteotypeacutes mais elles sont ignoreacutees pour la reacutealiteacute de

leurs habitants et de leur vie sociale ce sont des laquo citeacutes invisibles raquo (Lapeyronnie 2008)

Leur image et leur destin urbain sont pourtant maicirctriseacutes par les classes moyennes et

supeacuterieures du reste des agglomeacuterations Cette domination est drsquoailleurs souvent guideacutee par

une volonteacute de seacutegreacutegation

La section suivante montre que la marginalisation urbaine et la stigmatisation territoriale

relegravevent drsquoune logique seacutegreacutegative qui se manifeste tant dans les rapports sociaux locaux

qursquoau niveau de politiques institutionnelles mises en œuvre

B- Deacuteclin des grands ensembles et logiques politiques et sociales seacutegreacutegatives

Dans les communes de lrsquoeacutechantillon eacutetudieacute ainsi que sur drsquoautres territoires de grands

ensembles observeacutes des pheacutenomegravenes de tensions de deacutelinquance et de violence sociale se

sont deacuteveloppeacutes de maniegravere plus ou moins eacuteleveacutee depuis leur occupation Le regroupement

spatial de populations marginaliseacutees a pu contribuer agrave une segmentation des relations

reacutesidentielles (Lapeyronnie 2009) et leur difficile inteacutegration suscite des ambiances tendues

peu propices agrave une dynamique de vie sociale satisfaisante

Cette eacutevolution sous forme drsquoeffet-spirale expansive est lieacutee agrave lrsquoexistence de pheacutenomegravenes de

seacutegreacutegation dans les relations entre composantes sociales des milieux urbains actifs sur le

plan des repreacutesentations sociales Ils se manifestent parfois en des termes speacutecifiquement

urbains critegravere spatial de jugement neacutegatif sur les personnes (lieu drsquohabitation) refus vis-agrave-

vis des cateacutegories sociales distinctes et mal jugeacutees de participation agrave des activiteacutes ou de

freacutequentation drsquoespaces urbains ou agrave lrsquoinverse eacutevitement par les groupes excluant de

certains lieux de certains contacts ou de certaines activiteacutes jugeacutees inutiles voire menaccedilants

pour leur identiteacute ou leur inteacutegriteacute Une conseacutequence de ces pheacutenomegravenes est drsquoaccentuer les

meacutecanismes drsquoexclusion eacuteconomique et sociale existants ou en drsquoautres termes de freiner

voire bloquer lrsquointeacutegration sociale des cateacutegories victimes de ces actes discriminants

470470

Ces conduites visent agrave favoriser lrsquoentre-soi identitaire des cateacutegories sociales de la socieacuteteacute vis-

agrave-vis des cateacutegories infeacuterieures et drsquoeacutecarter tout risque de conflit ou drsquoeffet de laquo contagion

morale raquo neacutegative lieacute surtout agrave une cohabitation reacutesidentielle En partant de lrsquoaction publique agrave

lrsquoorigine des grands ensembles et qui conduit les politiques de traitement de leur difficulteacute les

deacuteveloppements ci-dessous preacutesentent en quoi ses deacutemarches relegravevent de cette logique

seacutegreacutegative sous-jacente agrave lrsquoorigine de la laquo crise raquo des grands ensembles Cette logique

deacutecoule drsquoattitudes individuelles inscrites dans les rapports sociaux marqueacutes par les effets de

preacutecarisation eacuteconomique et sociale de la mutation des modes de production et des

insuffisances de la protection sociale agrave les contrer

Cette section termine par un exemple de forme reacutecente et speacutecifique de seacutegreacutegation urbaine

reacutealiseacutee de maniegravere non explicitement consciente agrave lrsquooccasion du programme gouvernemental

de reacutenovation (PNRU) des espaces deacutegradeacutes dont pour la plupart drsquoentre eux les grands

ensembles Les opeacuterations concernant les communes de lrsquoeacutechantillon eacutetudieacute dans la partie

empirique preacuteceacutedente sont rapporteacutes agrave cet effet

1 La deacutetermination politique et eacutetatique de la laquo crise raquo des grands ensembles

Il a deacutejagrave eacuteteacute eacutevoqueacute plus haut les reacuteticences agrave ne consideacuterer la laquo crise urbaine raquo qui est

associeacutee au destin des grands ensembles que drsquoun seul point de vue spatialiste urbanistique

et architectural Il srsquoagit maintenant de tenir compte de la dimension politique de cette

eacutevolution qui est essentielle et preacutedominante pour sa pleine compreacutehension (Bertho 1997

Garnier 2010) En effet les grands ensembles deacuteveloppeacutes agrave la croiseacutee des politiques

industrielles urbaines et du logement srsquoinscrivent en partie dans lrsquohistoire sociale et politique

de la classe ouvriegravere et des banlieues rouges des grandes villes dont Paris en premier chef

Les municipaliteacutes communistes des communes peacuteripheacuteriques avaient en grande partie

souhaiteacute leur construction dans lrsquoeacutelan du deacuteveloppement drsquoun maximum de biens et de

services divers afin de faire acceacuteder les ouvriers agrave la laquo vie normale raquo et drsquoameacuteliorer leurs

conditions de vie quotidienne Et si lrsquohistoire ouvriegravere nrsquoest pas tant urbaine que politique les

grands ensembles drsquohabitation ne constituegraverent dans ce sens qursquoun laquo produit urbain raquo drsquoun

compromis conflictuel entre des projets politiques municipaux drsquoaccegraves agrave des conditions de vie

deacutecentes et lrsquoaction des planificateurs eacutetatiques depuis le XIXe siegravecle

471471

En effet apregraves la Seconde Guerre mondiale alors que lrsquoEacutetat avait renforceacute son intervention

face au deacuteficit important de logements les grands ensembles ont eacuteteacute accueillis pour moitieacute

dans des communes communistes et agrave un dixiegraveme par des communes socialistes Les

administrations et les associations de gauche deacutefendaient alors des revendications de bien-ecirctre

voire de normaliteacute sociale eacutequipements divers reacuteduction des logements insalubres services

de santeacute et drsquoanimation construction et deacutefense drsquoidentiteacute collective ainsi que soutien agrave

lrsquoopposition au patronat local Ce niveau eacuteleveacute de mobilisation politique faisait suite aux

transferts des usines polluantes hors les murs des villes degraves la fin du XIXe siegravecle et au

deacuteplacement des ouvriers dans les banlieues par rapport aux villes-centres Le processus

drsquointeacutegration sociale par le conflit politique dans le champ du travail srsquoexerccedila aussi dans le

cadre de lrsquoaction municipale gracircce aux liberteacutes communales acquises au XIXe siegravecle

Les grands ensembles furent perccedilus comme le modegravele reacutealiseacute de lrsquohygieacutenisme et du collectif

ouvrier en sortant les familles des bidonvilles et en leur donnant accegraves agrave la laquo normaliteacute raquo

associant confort de lrsquohabitat et projets familiaux de mobiliteacute reacutesidentielle Pour lrsquoEacutetat et les

promoteurs divers de cet habitat celui-ci eacutetait conccedilu comme provisoire devant beacuteneacuteficier agrave

une geacuteneacuteration de reacutesidents en attendant le deacuteveloppement de nouveaux produits reacutesidentiels

avec leur obsolescence que la logique culturelle de la socieacuteteacute de consommation imposait de

prendre en compte

Du cocircteacute des responsables politiques et sociaux des mouvements ouvriers cette forme urbaine

constituait drsquoailleurs un type drsquohabitat transitoire pour chaque geacuteneacuteration drsquoouvriers Elle eacutetait

un point drsquoeacutetape un laquo tremplin raquo avant lrsquoaccegraves au logement priveacute notamment individuel

Cette aspiration a drsquoailleurs eacuteteacute principalement suivie en 1973 deacutejagrave la moitieacute des meacutenages

ouvriers habitent une maison individuelle ou un immeuble agrave deux logements et deux tiers

des candidats au deacutemeacutenagement souhaitent le faire dans une maison individuelle un tiers des

meacutenages sont deacutejagrave proprieacutetaires (Bertho 1997)

Pourquoi notamment dans les collectiviteacutes geacutereacutees par la gauche avoir alors maintenu et

continuer agrave maintenir les grands ensembles dans leur eacutetat jusqursquoaux anneacutees 2000 marqueacutees

par le programme national de reacutenovation urbaine de 2003 initieacute par le ministre deacuteleacutegueacute agrave la

Ville et agrave la Reacutenovation urbaine Jean-Louis Borloo (Parti radical) du gouvernement de

lrsquoUnion pour la majoriteacute preacutesidentielle de droite Un malentendu srsquoest-il alors installeacute entre

lrsquoEacutetat concevant bien le caractegravere provisoire de ces constructions et les collectiviteacutes locales

qui en font plutocirct des espaces durables de points drsquoeacutetape reacutesidentielle provisoires Crsquoest en

tout cas un des tregraves nombreux autres eacuteleacutements de la crise de lrsquoEacutetat vis-agrave-vis de ses espaces de

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logements mais aussi de la crise de mobilisation et de revendications politiques que

rencontrent les territoires concerneacutes

En effet agrave partir du milieu des anneacutees 1970 la crise-mutation de la sphegravere productive et du

travail ajouteacutee agrave la promotion collective et individuelle des plus anciennes geacuteneacuterations

drsquoouvriers aboutit agrave la deacutesagreacutegation des espaces ouvriers pourtant deacutejagrave deacutestabiliseacutes par les

soucis de cohabitation et les caracteacuteristiques morphologiques et fonctionnelles de leur habitat

Les meacutenages ascendants se sont souvent spatialement disperseacutes contribuant agrave lrsquoeacutevidement de

la conflictualiteacute politique passeacutee du territoire Drsquoune reacutealiteacute de contestation sociale et politique

en faveur des cateacutegories ouvriegraveres et employeacutees des industries on est passeacute agrave des

significations nouvelles de la banlieue dans les discours sociopolitiques et meacutediatiques le

laquo deacutesordre social raquo dans certains lieux est le reacutesultat de lrsquoattitude des structures de lrsquoEacutetat vis-agrave-

vis de ce type drsquohabitat pourtant promu mais sans srsquoadapter suffisamment au changement de

peuplement qursquoil rencontre Car la preacutecariteacute qui touche les moins qualifieacutes et les plus jeunes

entraicircne une paupeacuterisation des grands ensembles deacuteserteacutes par les cateacutegories les plus stables et

accentueacutee par la hausse des loyers lieacutee aux diverses reacutehabilitations et opeacuterations de

valorisation des espaces concerneacutes

Au lieu de srsquoestomper la preacutecariteacute et la marginaliteacute se sont durablement installeacutees Les

bastions rouges sont devenus des laquo ghettos raquo ougrave la deacutemobilisation et lrsquoabstention politique ont

remplaceacute les mouvements collectifs intenses qui srsquoy manifestaient Signes cleacutes du changement

opeacutereacute le patronat y est retenu et non plus combattu les habitants sont perccedilus comme des

charges et non comme une richesse les immigreacutes pauvres notamment ne sont plus

consideacutereacutes comme des travailleurs car menaccedilant pour les charges communales et les mairies

issues du peuple en arrivent agrave se retourner contre les exclus et preacutecaires et appellent agrave un

reacuteeacutequilibrage sociale de lrsquoagglomeacuteration alors que crsquoest ce deacuteseacutequilibre originel qui par le

conflit a permis aux ouvriers de forger un espace drsquoidentiteacute et de digniteacute un espace drsquoaccegraves agrave

la normaliteacute crsquoest-agrave-dire au mode de vie des classes moyennes (Bertho 1997) La culture

politique ouvriegravere srsquoest donc affaiblie symboliquement mais aussi pratiquement en laissant le

champ libre agrave lrsquoEacutetat et aux autres forces politiques

Agrave partir des anneacutees 1980-1990 la forme et la place des questions de banlieue dans le champ

politique eacutevoquent clairement une crise du politique et de lrsquoEacutetat sur ce sujet Sous couvert de

modernisation ce dernier se montre balbutiant agrave apporter les reacuteponses institutionnelles

attendues Au lieu de soulager la pauvreteacute il laquo territorialise raquo son action pour laquo recoudre raquo le

social en menant des laquo expeacuterimentations raquo territoriales seacutelectives pour y mener des actions

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globales agrave la place de la redistribution et de lrsquoaction sociale en tout lieu ie aveugle

territorialement Il innove sur le plan du fonctionnement institutionnel avec des

administrations de mission leacutegegraveres et provisoires ne reacutepondant plus agrave la sollicitation sociale

mais aux laquo besoins sociaux raquo analyseacutes et eacutevaluant moins ses reacutesultats que ses intentions

La deacutecentralisation administrative a eacutegalement favoriseacute ce type drsquoaction contraignant agrave

constituer des commissions nationales interministeacuterielles et des eacutequipes de terrain

intersectorielles locales et agrave des actes de contractualisation entre lrsquoEacutetat et les collectiviteacutes

locales Ainsi dans ce cadre reacuteformeacute qui donne aux compromis sociaux issus des conflits de

classe une leacutegitimation universaliste lrsquoEacutetat devient consensuel crsquoest un animateur politique

au lieu de prescripteur de droit (Donzelot Estegravebe 1994)

Pour rappel lrsquoEacutetat-Providence jusqursquoaux anneacutees 1970 eacutetait le seul support de la solidariteacute et

des progregraves sociaux assureacute par ses taux de preacutelegravevements obligatoires dans une optique de

compromis social keyneacutesien (redistribution) Mais lrsquoaffaiblissement du taylorisme (eacuteconomie

industrielle de plein emploi) a mis le systegraveme eacuteconomiquement en crise ce qui neacutecessiterait

de transformer les rapports entre Eacutetat et socieacuteteacute De la fin des anneacutees 1960 au milieu des

anneacutees 1970 le concept et des pratiques drsquoanimation socioculturelle se sont deacuteveloppeacutes agrave

partir de discours savants militants et institutionnels faisant de lrsquoespace local un lieu de

conflit dont lrsquoeacutepicentre restait dans lrsquoentreprise

Cette notion de local constituait drsquoailleurs plus une cateacutegorie eacutetatique et savante que partisane

comme objet ou cadre de lutte politique Elle est axeacutee sur lrsquoanalyse des besoins de la

population comme source de prescription de lrsquoEacutetat Lrsquointeacuterecirct sur laquo lrsquoobjet local raquo comme

srsquointitule un colloque de 1975110 est devenu le moyen drsquoune meilleure appreacutehension de la

totaliteacute sociale par un gouvernement de prescription et qui fait donc appel aux savants pour en

reacuteveacuteler les laquo besoins innovants raquo agrave travers ou mecircme en lieu et place de leur expression

politique et deacutemocratique

En ameacutenagement urbain les reacutehabilitations sont le champ privileacutegieacute de ces expeacuteriences

drsquoanalyse lrsquoexpeacuterience de mobilisation des habitants et des professionnels du quartier de

lrsquoAlma-Gare agrave Roubaix correspond aux preacutemices drsquoune nouvelle gestion du social avec des

professionnels militants et des habitants se professionnalisant Crsquoest drsquoailleurs lrsquoeacutepoque de la

110 Sfez L eacuted (1977) LrsquoObjet local colloque du 30-31 mai 1975 Paris Paris Union geacuteneacuterale drsquoeacuteditions coll laquo 10-18 raquo 445 p Bertho relie cette approche au deacuteveloppement du champ de la vie quotidienne en sociologie cf le colloque de Montpellier laquo La vie quotidienne en milieu urbain raquo (1978) Annales de la recherche urbaine Centre de recherche drsquourbanisme Paris 1980

pousseacutee associative pour lrsquoameacutelioration du cadre de vie inteacuteressant les eacutelus le local est perccedilu

comme source de relations sociales laquo authentiques raquo drsquoune proximiteacute deacutemocratique et drsquoune

efficaciteacute de laquo reacuteseaux concrets raquo

La meacutethode de laquo deacuteveloppement social des quartiers raquo mise en œuvre dans les zones en

difficulteacute pendant les anneacutees 1980 obeacuteit agrave cette logique Sauf qursquoavec le temps passeacute le

peuplement des zones urbaines concerneacutees a changeacute de caractegravere les meacutenages moyens et

modestes inteacutegreacutes disposeacutes agrave srsquoinvestir dans le champ associatif pour lrsquoameacutelioration du cadre

de vie se sont reacuteduits en effectifs remplaceacutes par des meacutenages pauvres et preacutecaires et ceux

qui sont preacutesents se replient dans la sphegravere priveacutee ne trouvant pas de points drsquoinvestissement

possible

En outre ce modegravele drsquoaction sociale originale a pu heurter certains principes du droit

administratif classique la territorialisation conforteacutee par la deacutecentralisation et les pratiques

contractuelles internes agrave lrsquoEacutetat entraicircne un processus de deacuteterritorialisation de la prescription

et du droit national puisque les mesures fiscales sociales financiegraveres et de contenu ne sont

plus les mecircmes selon les territoires Plus speacutecifiquement la territorialisation du social ne

semble plus srsquoappliquer qursquoagrave la laquo banlieue raquo terme flou deacutesignant les espaces urbains

peacuteripheacuteriques incertains deacutesordonneacutes et craints sur le mode de la repreacutesentation mythique

des citeacutes-ghettos (Steacutebeacute Marchal 2009)

Les politiques sociales laquo de la ville raquo srsquoinvestissent alors dans cet imaginaire des espaces de

pauvres et drsquoexclus dont le laquo quartier raquo est devenu la notion phare depuis la deacutecennie 1985-

1995 eacutepoque drsquoinstitutionnalisation politique maximale des objectifs et meacutethodes des

reacuteformateurs qui srsquoinscrivent dans cette ligneacutee philosophique de lrsquoanimation et de lrsquoaction

sociale globale sur des espaces locaux avec lrsquoappui de la deuxiegraveme gauche triomphante avec

lrsquoaccession de Michel Rocard agrave la fin des anneacutees 1980 agrave la tecircte du gouvernement (Tissot

2007) En reacuteaction agrave la perception drsquoune perte de coheacutesion sociale anteacuterieure en reacutefeacuterence au

paradigme durkheimien du lien social des interventions drsquoordre social et urbanistique sont

engageacutees pour restaurer laquo le lien social raquo ou laquo la coheacutesion sociale raquo qui se seraient deacutesagreacutegeacutes

Contre lrsquolaquo exclusion raquo ou la laquo fracture sociale raquo lrsquoobjectif institutionnel est alors lrsquo laquo insertion

sociale raquo des hors-la-ville mais aussi des sans-emploi sans-abris ou encore des sans-papiers

en laquo retissant du lien social raquo

En fait la fin de la classe ouvriegravere a marqueacute un retour sous une autre forme au courant

reacuteformateur plus ancien du paupeacuterisme du XIXe siegravecle mecircme recherche de coheacutesion de paix

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voire drsquoordre social dans des contextes urbains de vie sociale briseacutee du fait de problegravemes

causeacutes non plus par lrsquoexploitation eacuteconomique et la domination sociale mais doreacutenavant par

lrsquoexclusion sociale et la releacutegation spatiale de populations ignoreacutees car sans utiliteacute et

abandonneacutee voire meacutepriseacutee Au lieu drsquointerroger le systegraveme social dans son ensemble pour

pouvoir le modifier en favorisant davantage les populations les moins bien traiteacutees les

reacuteformateurs insistent sur une logique drsquoinsertion au systegraveme actuel qui est normalisante et

stigmatisante en direction de la masse de personnes perccedilues comme deacutesocialiseacutees elles

doivent adopter les bons comportements pour rentrer dans le rang alors que leur condition

sociale preacutecaire (pauvreteacute souffrances) ne leur permettent pas de le faire du fait justement de

leur position domineacutee dans les rapports sociaux producteurs des ineacutegaliteacutes

Parmi des meacutethodes alternatives drsquoaction sociale certainement plus efficientes Bertho (1997)

suggegravere une inversion de logique ne niant pas la recomposition reacutecente des modes de

production (mondialisation reacuteinvention permanente de lrsquousage de la force de travail

multiplication des sous-traitances et des coopeacuterations forte place agrave la creacuteativiteacute agrave lrsquoautonomie

et agrave la responsabiliteacute des employeacutes) mais srsquoy adaptant valoriser des compeacutetences plus

subjectives que les qualifications formaliseacutees centreacutees sur lrsquointelligence pratique en passant

par lrsquoincitation agrave leur acquisition et leur reconnaissance par des proceacutedures institutionnelles

diverses et favoriser des mobilisations collectives au lieu de chercher agrave reacuteinseacuterer des

individus isoleacutes par une logique individualisante et localiseacutee dans un systegraveme eacuteconomique et

social trop eacutetroit Il srsquoagit plutocirct drsquoassurer une place agrave tous par lrsquoeacutelargissement du systegraveme

Quoiqursquoil en soit historiquement agrave la conjoncture sociale nouvelle la politique socialiste de

1981 a redeacutefini lrsquoespace et les cateacutegories du social pour une approche plus globale et locale

des problegravemes sociaux opposeacutee aux interventions publiques sectorielles anteacuterieures Le

problegraveme est que les actions locales partenariales sont difficiles agrave mettre en œuvre Crsquoest

pourquoi lrsquoEacutetat srsquoen tient agrave des prescriptions de proceacutedures administratives et financiegraveres

drsquoexpeacuterimentations multiples aux termes neacutegocieacutes localement avec les collectiviteacutes locales

plutocirct que des contenus de politiques publiques Crsquoest pourquoi drsquoailleurs les eacutevaluations de la

politique de la ville portent plus sur les proceacutedures que sur les reacutesultats compareacutes aux objectifs

annonceacutes De ce fait ce sont les communes qui produisent lrsquoaction locale drsquoEacutetat en geacuterant les

compromis amortissant la violence et en assumant ses responsabiliteacutes dont la fonction de

base de maintien de lrsquoordre public

476476

Ainsi la feacutebriliteacute et le polymorphisme de lrsquoactiviteacute publique et semi-publique en banlieue

reacutevegravele une laquo crise de la normativiteacute raquo de la part de lrsquoEacutetat (Bertho 1997) crsquoest-agrave-dire une

incapaciteacute agrave deacutefinir des normes car les objectifs de la politique de la ville restent incertains

Et puisqursquoelle ne produit pas de reacuteponse agrave une preacutetendue crise de la ville elle est davantage le

lieu drsquoexpression de la crise de lrsquoEacutetat oscillant entre accumulation disperseacutee de proceacutedures et

de financements et reacutesignation continue devant la persistante des problegravemes de reacutegulation

sociale qui se manifestent dans les zones de grands ensembles

Avec cette poursuite sans reacutesultats tangibles de la politique de la ville nrsquoassiste-t-on pas agrave une

crise de la socieacuteteacute Bertho (1997) critique le consensus intellectuel agrave son sujet avec des

chercheurs appliqueacutes agrave utiliser les cateacutegories de lrsquoaction publique (laquo insertion raquo laquo exil raquo

laquo exclusion raquo laquo ghettos raquo agrave lrsquoameacutericaine) sans reacutefeacuterence aux seacutegreacutegations sociales issues

drsquoune vive lutte de classes sous-jacente et agrave centrer des deacutebats sur les moyens financiers au

lieu de contribuer au deacuteveloppement des termes de la lutte politique Il constate qursquoagrave la place

une nouvelle penseacutee du social srsquoest eacutechafaudeacutee apregraves celle de la lutte sociale de la libeacuteration

de lrsquoengagement les nouvelles cateacutegories sont la laquo fracture sociale raquo lrsquo laquo insertion raquo la

laquo participation citoyenne raquo dans un cadre laquo spatial raquo crsquoest-agrave-dire celui des territoires

releacutegueacutes agrave partir desquels les rapports sociaux sont penseacutes entre ces territoires et le reste des

villeshellip

Cette penseacutee a drsquoailleurs eacuteteacute alimenteacutee par la recherche tout au long des anneacutees 1980 et 1990

par commande publique interposeacutee Le thegraveme du laquo lien social raquo y est utiliseacute comme outil

drsquoopeacuterateur drsquoordre pour lier de lrsquoexteacuterieur des groupes et des personnes qui ne le seraient

pas entre ceux qui ont une place et ceux qui nrsquoen ont pas la socieacuteteacute eacutetant ici perccedilue comme

une addition de groupe et non comme une production contradictoire (Bertho 1997)

Avec les changements du peuplement des grands ensembles le lieu des rapports de tensions

ne seraient plus les entreprises mais lrsquoespace urbain ougrave les pauvres et les immigreacutes surtout

deviennent dangereux vecteurs de problegravemes sociaux Le laquo deacuteseacutequilibre raquo de certaines villes

se doit drsquoecirctre reacuteeacutequilibreacute au risque de deacuteseacutequilibrer les autres On continue drsquoailleurs agrave ne

vouloir y faire que du deacuteveloppement social pour faire du lien alors que les problegravemes

relegravevent de la participation au systegraveme eacuteconomique et social en eacutelargissant son accegraves Le

surnombre de pauvres et de preacutecaires par endroit empecirccherait la solidariteacute envers eux drsquoougrave les

logiques de bouclage de controcircle voire drsquoexclusion parfois par des politiques drsquoattribution de

logements sociaux visant la mixiteacute sociale du peuplement des zones concerneacutees

477477

Il en est de mecircme des immigrants de banlieues en majoriteacute dont la perception relegraveve drsquoune

racialisation geacuteneacuteraliseacutee et drsquoune classification sociale par les statuts le statut drsquoimmigreacute

preacutedomine celui drsquoouvrier drsquoemployeacute ou de chocircmeur et ce premier nrsquoest pas penseacute dans une

logique de participation agrave la production collective de normes mais de soumission agrave des

normes culturelles Les analyses sur leur diffeacuterence culturelle pour expliquer les tensions

sociales ou lrsquoethnicisation des rapports sociaux relegravevent drsquoune conception racialiste des

diffeacuterences sociales et statutaires de la socieacuteteacute et tendent ainsi agrave ignorer les processus

politiques de production de la normativiteacute sociale en reportant lrsquoorigine des maux et des

tensions aux victimes du systegraveme actuel qui les marginalisent

Crsquoest pourquoi lrsquoappel agrave la participation aux politiques publiques par des dispositifs de

deacutemocratie de proximiteacute eacutechoue car elle offre une association des forces vives agrave lrsquoaction

publique plus qursquoun deacutebat frontal sur des choix Pour Bertho (1997) drsquoailleurs la crise de la

politique dans sa version drsquoabstentionnisme et de repli xeacutenophobe parmi les classes populaires

vient de ce que le communisme srsquoest deacutecreacutedibiliseacute agrave leurs yeux en ne saisissant pas les

nouveaux enjeux drsquoorganisation du travail et de valorisation des compeacutetences centreacutes sur

lrsquointelligence pratique agrave des fins drsquoadaptation avec ses conseacutequences sur lrsquoemploi

Ce qui remet en cause la thegravese reacutepandue de la fin de la centraliteacute du travail dans la

conflictualiteacute et la politisation sociale Lrsquoutiliteacute sociale du travail et de lrsquoactiviteacute reste en fait

au centre du rapport de lrsquoindividu agrave la socieacuteteacute que des groupes meacutediants notamment

politiques doivent repreacutesenter pour favoriser les deacutefinitions identitaires et la leacutegitimiteacute

potentielle de normes nouvelles correspondantes agrave leurs besoins Sur quelle base deacutevelopper

la force de la mobilisation individuelle et collective des cateacutegories ouvriegraveres La seule

possible est celle du travail reacuteel en cours qui se trouve agrave lrsquoeacutecart du travail prescrit

Ainsi lrsquoinefficaciteacute de lrsquoaction polymorphe de lrsquoEacutetat reacutevegravele une crise de socieacuteteacute plus

largement puisqursquoelle agit sur des territoires traiteacutes comme vides de mobilisation et

drsquoexpression politiques crsquoest-agrave-dire sans activiteacute collective conflictuelle de production de

normes politiques Ne peut-on alors avancer que la dynamique preacuteceacutedente de lutte politique

pour lrsquoaccegraves agrave la vie normale srsquoappuyant sur la seacutegreacutegation socio-urbaine subie pour la

deacutepasser semble se reacutealiser diffeacuteremment sous de nouvelles formes visant une laquo autre

moderniteacute raquo Celle-ci doit alors dans ce cas prendre en compte les nouvelles contraintes

seacutegreacutegatives dans le champ du travail et du marcheacute de lrsquoemploi que sont les effets

drsquoimposition des normes drsquoinsertion et drsquointeacutegration inadeacutequate qui produisent une nouvelle

normativiteacute sociale excluante

478478

Lrsquoobjectif nrsquoest pas de fournir de meilleures reacuteponses institutionnelles aux laquo besoins de la

population raquo mais de prendre en compte les demandes et les prescriptions politiques relevant

des subjectiviteacutes individuelles et collectives qursquoil faut pouvoir identifier agrave partir des cateacutegories

de perception de discours et drsquoaction agrave recenser et comprendre Ce que Lapeyronnie (2008) a

pu mettre en œuvre en conceptualisant la logique laquo drsquoaction ghetto raquo qui combine protestation

contre lrsquoexclusion et usages transgressifs pour la survie quotidienne La partie suivante montre

que sans cette action drsquointeacutegration adapteacutee les processus sociaux drsquoexclusion et de

seacutegreacutegation agrave lrsquoencontre des cateacutegories sociales en difficulteacutes dans lrsquoeacuteconomie et le systegraveme

social contemporains

2 La logique seacutegreacutegative des rapports sociaux aux grands ensembles

Les parties preacuteceacutedentes ont rapporteacute que les processus de deacutevalorisation et de disqualification

sociales qui ont couvert les grands ensembles proviennent de trois grands causes 1 leurs

caracteacuteristiques morphologiques deacutecaleacutees de constitution mateacuterielle fragile drsquoeacutetat

drsquoachegravevement lacunaire et de gestion inadapteacutee 2 leur position statutaire et leur fonction

sociale relative deacutevaloriseacutees dans le champ des espaces reacutesidentiels en eacutevolution et 3

lrsquoinefficaciteacute du mode de traitement politique et institutionnel des problegravemes qui srsquoy

manifeste en raison drsquoune conception parcellaire de la repreacutesentation de leur origine et de leur

solution centreacutee sur un laquo lien social raquo indeacutefini agrave renouer sans prise en compte des expressions

politiques propres des habitants concerneacutes ni des compeacutetences pratiques pour srsquoadapter aux

modes modernes de production

Cette inefficaciteacute politico-institutionnelle geacutenegravere un pheacutenomegravene reacutetroactif en quelque sorte

de seacutegreacutegation urbaine agrave lrsquoencontre des habitants de ces espaces de marginaliteacute urbaine La

deacutevalorisation sociale des espaces reacutesidentiels et le deacuteveloppement continu de problegravemes

sociaux en leur sein et dans leur environnement mal traiteacutes politiquement renforcent les

perceptions sociales neacutegatives des lieux et donc la stigmatisation des personnes qui y habitent

en raison de leur seule reacutesidence

Une seacutegreacutegation sociale (mise agrave lrsquoeacutecart des activiteacutes positives) est donc active de la part tant

des individus que des structures institutionnelles ou eacuteconomiques et sociales non plus

seulement sur la base de la non-adaptation aux systegravemes de production et de reproduction en

mutation mais selon le critegravere drsquoappartenance agrave un territoire de problegravemes sociaux dangereux

479479

pour les individus et menaccedilant pour lrsquoordre social dominant Lrsquoattitude seacutegreacutegative motiveacutee

par un critegravere urbain peut ecirctre deacutenommeacute speacutecifiquement seacutegreacutegation urbaine Il srsquoagit de

montrer qursquoelle nrsquoest de nos jours pas marginale et qursquoelle srsquoeacutetend au fil de la non-reacutesolution

des problegravemes drsquointeacutegration sociale des exclus du systegraveme eacuteconomique et social moderne

La seacutegreacutegation urbaine consiste non seulement agrave la mise agrave lrsquoeacutecart drsquoune population ndash ici

pauvre et fragile socialement ndash dans lrsquoespace urbain mais aussi agrave lrsquoeacutevitement de lrsquoespace

reacutesidentiel des exclus dans les pratiques urbaines des citadins ordinaires ainsi qursquoagrave la

seacutegreacutegation des habitants des espaces de releacutegation dans la vie urbaine ordinaire en raison

mecircme de leur appartenance agrave ce type drsquoespace Lrsquoespace est devenu facteur de seacutegreacutegation

comme lrsquoeacutevoquait le thegraveme de la privation du droit agrave la ville de Lefebvre (1968) mais moins

en raison du manque de qualiteacutes urbaines des nouvelles zones drsquohabitation et de leur

eacuteloignement et des difficulteacutes drsquoaccegraves aux eacutequipements du reste des villes que du fait de la

stigmatisation spatiale de lrsquoespace craint et deacutenigreacute qui porte malheur agrave ses habitants dans la

participation aux activiteacutes socialement valoriseacutees Cette analyse aborde les diffeacuterents sens et

les logiques sociales de la seacutegreacutegation sociale en milieu urbain

Tout drsquoabord concernant la notion de seacutegreacutegation il convient drsquoen reconnaicirctre une certaine

incertitude conceptuelle lieacutee agrave des usages fluctuants que tente agrave chaque fois de deacutefinir de

maniegravere rigoureuse lrsquoanalyse scientifique Dans le domaine des pratiques reacutesidentielles en

milieu urbain depuis le milieu des anneacutees 1990 (Grafmeyer 1994) jusqursquoaux anneacutees 2000

(Madoreacute 2004 Avenel 2004) la notion deacutesigne principalement lrsquoineacutegale distribution de

groupes sociaux dans lrsquoespace urbain

Elle est lieacutee agrave leur mobiliteacute reacutesidentielle deacutependante notamment de leur position sociale mais

aussi de leur identiteacute sociale et ethnique deacutefinie dans le cadre des rapports sociaux etou de la

lutte des places dans la hieacuterarchie des structures sociales (Brun 2008 Preacuteteceille 2008)

Cette conception est plus large et geacuteneacuterale que lrsquoapproche plus restrictive des anneacutees 1970

apparue dans lrsquoeacutelan de la critique des opeacuterations de grands ensembles elle deacutesignait la

pratique de regroupement spatial explicite de populations preacutecaires agrave lrsquoeacutecart des eacutequipements

des services et des fonctions sociales de la ville (Preacuteteceille 2008)

Lrsquoapproche eacutelargie de la notion nrsquoest pas sans lien avec la discipline historique qui se tient agrave

distance des conjonctures politiques du moment et srsquoattache aux mouvements de longue dureacutee

sous des formes plus constantes telle la vision de la partition sociale en classes lieacutee agrave la

division sociale du travail Dans ce sens un rocircle est reconnu agrave chaque groupe social dans la

480480

production lrsquooccupation et lrsquoeacutevolution de lrsquoespace agrave lrsquoinstar des classes sociales dans agrave la

sphegravere productive Cet usage seacutemantique large du terme existait en fait avant mecircme les

anneacutees 1970 pendant lesquelles le sens est devenu plus strict pour deacutesigner des pratiques

volontaires conscientes et reconnues voire afficheacutees et institutionnaliseacutees parfois de mise agrave

lrsquoeacutecart spatiale de certaines cateacutegories de population

Il srsquoagit de se proteacuteger du meacutelange et du contact avec elles et de faccedilon leacutegitime pour une

fraction dominante de la population Les fractions les plus preacutecaires du salariat industriel ou

encore des populations urbaines non inteacutegreacutees dans les grandes industries font partie de ces

cateacutegories logeacutees dans des habitats tenus volontairement agrave distance dans des programmes

institueacutes et controcircleacutes agrave cette fin citeacutes de transit programmes agrave loyer reacuteduit programmes

sociaux de relogementhellip (Clavel 1998)

Jean-Marc Steacutebeacute (2007) citant Grafmeyer (1994) rapporte les trois modes drsquousage de la

notion de seacutegreacutegation pour lrsquoanalyse des reacutealiteacutes qursquoelle est censeacutee recouvrir 1 la description

des eacutecarts physiques de localisation dans lrsquoespace urbain de groupes sociaux avec des indices

multiples lieacutes agrave des meacutethodes diffeacuterentes 2 lrsquoanalyse des effets de ces eacutecarts en termes

drsquoineacutegal accegraves aux biens mateacuteriels et symboliques de la ville relieacute agrave des logiques collectives

comme la hieacuterarchie des places des groupes sociaux dans lrsquoeacutechelle des prestiges et des

positions dans les structures sociales concerneacutees (approche weacutebeacuterienne) ou encore comme le

jeu des rapports de force entre classes sociales dont les localisations reacutesidentielles et lrsquoaccegraves

aux biens et aux ressources de la ville constituent un aspect de production des ineacutegaliteacutes

sociales (approche marxienne) et 3 la deacutesignation des situations speacutecifiques drsquoespaces

enclaveacutes et peupleacutes de populations homogegravenes socialement ou ethniquement se rapprochant

des figures des ghettos ou des quartiers sensibles

Parmi les trois options les diffeacuterences sociales de localisation reacutesidentielle en milieu urbain

sont plus souvent interpreacuteteacutees comme le fruit drsquoune volonteacute drsquoeacutevitement du meacutelange

reacutesidentiel de la part des plus riches et aiseacutes vis-agrave-vis des plus pauvres et fragiles que comme

une simple ineacutegaliteacute sociale drsquoaccegraves ou de participation aux activiteacutes dominantes de la vie

sociale Notamment parce qursquoun processus de regroupement des plus pauvres et preacutecaires

dans des espaces speacutecifiques des agglomeacuterations est observable Marchal et Steacutebeacute (2007

p 84) indiquent dans ce sens que lrsquoobservation des seacutegreacutegations socio-urbaines se reacutealise

depuis les anneacutees 1990 selon une laquo approche plus globale sur les diffeacuterentes fractures socio-

spatiales dans les villes centres-villes embourgeoiseacuteslotissements peacuteriurbains moyenniseacutes

quartiers grand standingciteacutes HLM Lrsquoaccent est porteacute sur les principaux meacutecanismes

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drsquoeacutevitement et de seacutegreacutegation spatiale agrave lrsquoorigine de lrsquoenfermement des plus pauvres dans une

spirale de preacutecariteacute raquo

Apregraves la sociologie marxiste des anneacutees 1970 la vigueur de ce thegraveme dans la deacutecennie 1990

est lieacutee au rapprochement et agrave lrsquoaugmentation des relations entre les chercheurs et les

administrations en charge de la ville et du logement Degraves les anneacutees 1980 des seacuteminaires

chercheurs-deacutecideurs ont eacuteteacute organiseacutes avec la creacuteation du reacuteseau Socio-eacuteconomie de

lrsquohabitat La revue Esprit a instaureacute des Entretiens de la ville au deacutebut des anneacutees 1990 alors

mecircme que la seacutegreacutegation urbaine devicircnt une question politique afin de creacuteer une loi contre

elle visant agrave reacuteduire ou agrave supprimer les contrastes de peuplement dans la composition sociale

des villes (Brun 2008) Il srsquoagissait de reacutepondre aux craintes geacuteneacuterales de laquo crise de la ville raquo

lieacutees aux tensions et au malaise dans les grands ensembles drsquohabitat social notamment La

volonteacute politique drsquointervention directe sur les causes et les manifestations de ce qui est

deacutenommeacute seacutegreacutegation appela une hausse de savoir sur cette question

Des travaux ont eacuteteacute conduits suivant quatre thegravemes (Brun 2008) Un premier type drsquoanalyse

vise les diffeacuterentes configurations formelles possibles de la seacutegreacutegation urbaine comme

ineacutegaliteacute drsquoaccegraves aux modes de vie urbaine standard (consommation usages urbains) et les

comportements laquo asociaux raquo comme la monteacutee du laquo communautarisme raquo et la violence et la

deacutelinquance des jeunes surtout ce qui menacerait ainsi la coheacutesion sociale Cette approche

pose eacutegalement la deacutefinition des habitants laquo isoleacutes raquo dans les zones en difficulteacute et enfin elle

met en avant la relation entre les eacutechelles spatiales drsquoobservation et les principes

drsquointerpreacutetation des relations causales

Le deuxiegraveme type drsquoanalyses deacuteveloppeacutees au cours des anneacutees 1980 relegraveve drsquoune entreacutee

speacutecifiquement spatiale et est scindeacute en deux approches cloisonneacutees drsquoune part celle portant

sur les laquo quartiers raquo telle que lrsquoont souhaiteacute les hauts-fonctionnaires chargeacutes de mission et

eacutelus reacuteformateurs de la politique de la ville acquis agrave lrsquoanalyse tourainienne du paradigme de

lrsquoexclusion et dans la continuiteacute des approches des anneacutees 1970 sur lrsquoespace local de son

pendant interventionniste du laquo lien social raquo agrave renouer (Tissot 2007) drsquoautre part celle sur la

laquo division sociale de lrsquoespace raquo au niveau plus large des agglomeacuterations Dans ce cadre les

eacutetudes des laquo quartiers sensibles raquo passent de la seacutegreacutegation aux rapports et aux usages sociaux

dans les zones en marge La marginalisation devient le vecteur drsquoanalyse du veacutecu de la

seacutegreacutegation (origine processus conseacutequences) et des reacuteactions politiques qui y apparaissent

(mouvements sociaux) alors que les eacutetudes agrave lrsquoeacutechelle globale des villes tentent drsquoobjectiver

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les meacutecanismes seacutegreacutegatifs agrave travers notamment les donneacutees urbaines eacuteconomiques et

sociales des marcheacutes immobiliers (prix regravegles drsquoattribution structures du parchellip)

Le troisiegraveme type drsquoeacutetude est celui de lrsquoapprofondissement de lrsquoanalyse des relations entre

marcheacute du logement et seacutegreacutegation Car le premier a neacutecessairement un rocircle dans les eacutecarts de

localisation reacutesidentielle des groupes de population Enfin le quatriegraveme type drsquoeacutetude concerne

la relation entre mobiliteacute reacutesidentielle et seacutegreacutegation Les motifs drsquoagreacutegation dans des

quartiers homogegravenes qui produisent indirectement de la seacutegreacutegation sont ici mis en valeur

Cela permet de comprendre les mouvements opposeacutes et compleacutementaires de territorialisation

des groupes sociaux dans diffeacuterentes parties de lrsquoespace urbain En suivant des strateacutegies

reacutesidentielles multiples ils agissent sur les configurations de peuplement de lrsquoensemble des

espaces reacutesidentiels ce qui induit des mouvements dans la division sociale de lrsquoespace

Selon Brun (2008) ces multiples approches de la seacutegreacutegation socio-spatiale nrsquoavaient pas et

ne concluent toujours pas agrave lrsquointensification de la seacutegreacutegation urbaine depuis les anneacutees 1970

agrave lrsquoeacutechelle des agglomeacuterations Crsquoest le contraire de ce qursquoaffirmaient certains hauts-

fonctionnaires comme Gilbert Santel directeur de cabinet du ministre de lrsquoEacutequipement du

Logement des Transports et de la Mer Louis Besson (Parti socialiste) dans le gouvernement

de Michel Rocard lors du seacuteminaire deacutecideurs-chercheurs de mars 1991 preacuteparatoire agrave la loi

drsquoorientation laquo anti-ghetto raquo (Tissot 2007) La principale raison du hiatus entre chercheurs et

deacutecideurs ou autres acteurs est qursquoils ne se sont pas entendus sur la nature et lrsquoorigine exactes

des problegravemes agrave analyser ainsi que sur les conseacutequences de la seacutegreacutegation (Brun 2008)

Par exemple Il eacutetait postuleacute sans preuve que la seacuteparation des aires drsquohabitation des

laquo groupes raquo a des effets neacutegatifs mais dans quel sens Lrsquohistoire particuliegravere du mouvement

ouvrier dans les banlieues favorisant lrsquoaccegraves agrave la normaliteacute sociale empecircche de penser ce

pheacutenomegravene de cette maniegravere (Bertho 1997) En outre il existe bien un effet seacutegreacutegatif partiel

croissant qui nrsquoavait pas eacuteteacute releveacute dans les eacutetudes des anneacutees 1980 et 1990 rappeleacutees par

Jacques Brun la bipolarisation concerne les ouvriers drsquoun cocircteacute et les hauts-cadres

drsquoentreprises priveacutees de lrsquoautre Elle est lrsquoaxe central drsquoeacutecart croissant de la distribution

spatiale des cateacutegories sociales notamment dans la meacutetropole parisienne (Preacuteteceille 2008)

ce qui srsquoinscrit dans une continuiteacute historique logique avec lrsquohistoire industrielle et urbaine de

Paris et de la division sociale de son espace qui en deacutecoule Ce constat de distance

structurelle croissante mecircme si pas tout agrave fait systeacutematique entre les deux cateacutegories sociales

des extrecircmes de lrsquoeacutechelle sociale nrsquoautorise cependant pas de scheacutema geacuteneacuteral de dualisation

spatiale entre riches et proleacutetaires notamment du tertiaire et encore bien moins de tripartition

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spatiale entre les cateacutegories supeacuterieures les classes moyennes et les preacutecaires (Donzelot

2004)

Pour Brun (2008) et Preacuteteceille (2008) le sentiment drsquoune hausse plus radicale de la

seacutegreacutegation nrsquoa pas de fondement objectif mais il relegraveve de la monteacutee de ses effets

publiquement probleacutematiques avec le deacuteveloppement de la violence de la deacutelinquance et de la

criminaliteacute dans les quartiers de grands ensembles lieacutes agrave la preacutesence accrue de populations

exclues en leur sein La perception sociale de la hausse de la seacutegreacutegation socio-spatiale

srsquoexplique selon eux par lrsquoassociation des chercheurs aux deacutecideurs dans la lutte contre ses

effets spectaculaires Les premiers ayant contribueacute agrave identifier et rendre visible une cause agrave

ses problegravemes pour leur deacutenonciation publique et y apporter une solution Cependant selon

Brun (2008) lrsquoabsence de proceacutedure preacutevue et reacutealiseacutee de mesure des effets des dispositifs

engageacutes sur drsquoune part le pheacutenomegravene de troubles sociaux dans les banlieues (politique de

deacuteveloppement social des quartiers puis de deacuteveloppement social urbain et enfin de la ville)

et drsquoautre part la seacutegreacutegation qui en serait la cause pour en deacuteterminer des reacuteductions

eacuteventuelles (loi drsquoorientation pour la Ville de 1991 puis loi Solidariteacute et renouvellement

urbain de 2000 promouvant la mixiteacute fonctionnelle et sociale des espaces des grands

ensembles) reacutevegravele lrsquoincertitude des connaissances et des choix politiques qui regravegne dans ce

domaine

Par ailleurs si la seacutegreacutegation socio-spatiale au niveau des agglomeacuterations nrsquoest pas la cause

directe du deacuteveloppement des problegravemes sociaux dans les espaces de grands ensembles

plusieurs observations confirment cependant lrsquoacuiteacute drsquoune variable ideacuteologique et culturelle

expliquant la logique excluante qui seacutevit dans les rapports sociaux au deacutetriment des plus

pauvres et qui entraicircne leur regroupement dans un habitat deacutevaloriseacute Crsquoest sa traduction en

termes drsquoattitude seacutegreacutegative dans plusieurs champs sociaux (eacuteconomie politique culturehellip)

qui srsquoest accrue Les conduites seacutegreacutegatives se sont accrues dans tous ces champs dont celui

de la reacutesidence agrave des eacutechelles territoriales plutocirct petites qui ne modifient pas les reacutesultats en

termes de grande division sociale de lrsquoespace Un exemple de la geacuteneacuteralisation de cette

attitude au sein des espaces mixtes voire populaires le plus souvent est le constat de la

critique du pheacutenomegravene de concentration spatiale par ceux-lagrave mecircme dont lrsquoattitude le favorise

en raison du rejet des signes de pauvreteacute et de deacutecheacuteance sociale qui constituent une menace

identitaire agrave leur image de soi Cette attitude sociale est eacutegalement deacuteveloppeacutee par des agents

des institutions agrave lrsquoeacutegard des pauvres et des groupes vulneacuterables

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Le teacutemoignage rapporteacute plus haut du maire de Clichy-sous-Bois (Dilain 2007) le montre Il

eacutevoque la preacutedominance depuis une trentaine drsquoanneacutees de lrsquoindiffeacuterence voire de lrsquoignorance

deacutelibeacutereacutee de beaucoup de personnes vis-agrave-vis des pauvres et des personnes en difficulteacutes Par

esprit drsquoindividualisme de libeacuteralisme et de compeacutetition dans le travail pour lrsquoaccegraves aux

richesses le reacuteflexe est de tenir les pauvres le plus loin possible de chez soi afin drsquoeacuteviter par

leur proximiteacute de gacirccher les chances de reacuteussite sociale des familles et notamment des

enfants Il remarque que dans leurs comportements concrets face agrave des pauvres immigreacutes les

Franccedilais se deacutefont des valeurs de solidariteacute et drsquoeacutegaliteacute

Ces observations subjectives sont corroboreacutees par les enquecirctes de Maurin (2004)

quantitatives et micro-locales sur les conduites reacutesidentielles des meacutenages pour les familles

la trajectoire reacutesidentielle est principalement inspireacutee par une repreacutesentation des effets

drsquoinfluence des voisinages sur le destin scolaire des enfants Il a pu veacuterifier scientifiquement

le bien-fondeacute de ces perceptions en partie intuitives Agrave moyen terme diverses enquecirctes

statistiques quantitatives mais aussi qualitatives montrent que les interactions sociales drsquoun

enfant de classes moyennes avec des enfants de familles aux parents non diplocircmeacutes srsquoils sont

majoritaires dans leur voisinage immeacutediat (30 agrave 40 voisins drsquoimmeubles collectifs) entraicircnent

une reacuteduction des performantes scolaires

Drsquoautres eacutetudes deacutemontrent lrsquoinfluence des contextes drsquointeractions sociales sur la reacuteussite

scolaire ou sociale des enfants contextes que les familles ne peuvent justement pas maicirctriser

dans leur choix (Maurin 2004) en quartier HLM dont la mixiteacute sociale est deacutetermineacutee par

les attributions des bailleurs le risque est bien croissant soit drsquoeacutechec scolaire soit de

deacutelinquance lorsque les immeubles sont peupleacutes drsquoune majoriteacute drsquoenfants en eacutechec au

niveau des eacutecoles en primaire aux Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique les performances sont

neacutegativement influenceacutees avec une majoriteacute de garccedilons et de noirs sous-entendus issus de

familles pauvres en France les adolescents de 15 ans ont une plus forte probabiliteacute drsquoecirctre en

retard srsquoils sont entoureacutes drsquoenfants majoritairement neacutes au second semestre de lrsquoanneacutee en

Israeumll lrsquointeacutegration de pregraves de 15 000 enfants de familles juives eacutethiopiennes a montreacute que la

qualiteacute de lrsquoeacutetablissement scolaire selon le niveau des eacutelegraveves en matheacutematiques expliquait un

tiers des ineacutegaliteacutes de reacuteussite scolaire enfin pour certains eacutetudiants du supeacuterieur leur

performance deacutepend aussi de celui de leur colocataire

Ces eacuteleacutements confirment le postulat du programme Moving to opportunity aux Eacutetats-Unis au

milieu des anneacutees 1990 en aidant les familles de quartiers pauvres (ougrave le taux de pauvreteacute est

supeacuterieur agrave 40 ) agrave se loger dans le secteur priveacute des quartiers riches (taux de pauvreteacute

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infeacuterieur agrave 10 ) les enfants sont en meilleure santeacute plus disciplineacutes agrave lrsquoeacutecole ou agrave la maison

aves une meilleure reacuteussite scolaire sans effet neacutegatif sur les enfants des riches (le taux

drsquoeacutelegraveves pauvres dans les eacutecoles de riches passant de 7 agrave 12 )

Comme Clavel (1998) mais de maniegravere encore plus complegravete et inteacutegreacutee semble-t-il Maurin

(2004) a apporteacute agrave Brun la raison de la critique qursquoil peut ecirctre faite agrave la seacutegreacutegation que celle-

ci soit en hausse ou pas drsquoailleurs Tout drsquoabord Clavel avait deacutejagrave indiqueacute agrave quel point les

rapports sociaux notamment en milieu urbain procegravedent drsquoune symbolisation consistant agrave

interpreacuteter les proprieacuteteacutes des personnes et des espaces selon des jeux drsquoidentification et

drsquoopposition dans la compeacutetition pour le prestige et le meilleur statut social (Clavel 1998)

Chaque caracteacuteristique des personnes qui peut ecirctre son espace reacutesidentiel peut faire lrsquoobjet

drsquoune deacutevalorisation dans les discours ou par un traitement neacutegatif afin de srsquoen distinguer et

de montrer une appartenance sociale plus eacuteleveacutee Les images neacutegatives produites

neacutecessairement grossiegraveres aident agrave justifier les pratiques discriminatoires Elles sont drsquoautant

plus partageacutees qursquoelles reacutepondent agrave une large motivation de supprimer les grandes angoisses

sociales lieacutees agrave lrsquoemploi agrave la seacutecuriteacute agrave la reacuteussite des enfants aux valeurs drsquoeacutemancipationhellip

Le plus important est que pour les habitants des espaces disqualifieacutes le stigmate social et

eacutegalement territorial entraine une reacuteduction voire une fermeture des relations sociales avec les

habitants et les structures du reste des agglomeacuterations (Peillon 2001) Cette logique de

compeacutetition symbolique qui structure les rapports sociaux engendre une fermeture de lrsquoaccegraves

aux chances sociales dans chaque domaine de la vie sociale (logement et espace reacutesidentiel

consommation travail loisirhellip) Crsquoest donc agrave ce titre que la seacutegreacutegation sociale inseacuteparable

de la logique drsquoexclusion sociale dans les rapports sociaux symboliques et pratiques ne peut

ecirctre consideacutereacutee comme une pratique sociale exempte de toute critique sociale et politique ce

que reconnaicirct Brun (2008)

Maurin (2004) preacutecise en quoi alors la seacutegreacutegation influe neacutegativement et de maniegravere marqueacutee

sur les individus et leur destin social elle marginalise durablement et injustement les

personnes peu qualifieacutees en les eacutecartant des activiteacutes sociales valoriseacutees et surtout pour les

enfants agrave travers les ineacutegaliteacutes territoriales de scolarisation en reacuteduisant leurs chances de

reacuteussite sociale qui doit pourtant leur ecirctre garanti Le systegraveme scolaire comporte en effet des

puissants meacutecanismes drsquoenfermement des individus dans des laquo destins eacutecrits drsquoavance raquo degraves

lrsquoenfance au travers de ses pratiques de seacutelection preacutecoce et irreacuteversible Lrsquoeacutechec scolaire ou

la faible qualification qui peut en sortir a des conseacutequences directes sur la preacutecarisation voire

lrsquoexclusion du travail

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Ce rapport au travail est la cause principale de lrsquoanxieacuteteacute sociale crsquoest pourquoi les territoires

reacutesidentiels ayant les meilleures chances de fournir une bonne scolarisation aux enfants ainsi

qursquoune socialisation des familles aux groupes les plus inteacutegreacutes sont les plus socialement

convoiteacutes Ils apparaissent alors comme une ressource essentielle laquo drsquoune concurrence

geacuteneacuteraliseacutee pour les meilleurs destins raquo (Maurin 2004 p 8) ce qui explique la tendance au

durcissement de leurs frontiegraveres que ce soit par la seacutelectiviteacute eacuteconomique et sociale des

marcheacutes immobiliers ou par des barriegraveres physiques et ou des dispositifs de filtrage des

visiteurs En tout cas des strateacutegies multiples de distanciation et drsquoeacutevitement des cateacutegories

infeacuterieures sont parfois mises en œuvre

Les travaux de Maurin (2004) indiquent clairement que le critegravere principal de la logique

drsquoexclusion reacutesidentielle est le niveau culturel repreacutesenteacute par le niveau de diplocircme il est

central dans le deacuteploiement geacuteneacuteraliseacute du processus social seacutegreacutegatif il oriente et justifie la

logique de lrsquoentre-soi des plus eacuteduqueacutes pour compenser les risques de preacutecariteacute du milieu du

travail afin drsquoeacuteviter le deacuteclassement symbolique En effet le lieu de reacutesidence prend une

valeur de marqueur et de ressource sociale pour beaucoup de familles dont la stabiliteacute de la

position nrsquoest plus assureacutee avec la preacutecarisation geacuteneacuteraliseacutee du travail La recherche de

cocirctoiement reacutesidentiel des cateacutegories sociales similaires a une fonction de reacuteassurance face agrave

la peur du deacuteclassement

Dans ce processus lrsquoeacutecole reflegravete et deacutetermine en mecircme temps la qualiteacute de la socialisation de

ces contextes reacutesidentiels les profils sociaux des eacutelegraveves reacutevegravelent lrsquoenvironnement social des

eacutetablissements Ainsi tant les relations extrascolaires dans lrsquohabitat que celles dans les

eacutetablissements scolaires favorisent chez les enfants une culture positive des eacutetudes Agrave cet

eacutegard les donneacutees sont assez frappantes 70 des enfants modestes sont dans les 10 des

collegraveges les plus populaires et seuls 10 drsquoentre eux sont dans les 10 des collegraveges les plus

bourgeois Si dans les collegraveges populaires 16egraveme des eacutelegraveves sont en retard soit 4 agrave 5 eacutelegraveves

par classe ils sont reacutesiduels voire inexistants dans les collegraveges bourgeois Aussi la

seacutegreacutegation sociale entre eacutetablissements se double de seacutegreacutegation potentielle forte au sein des

eacutetablissements avec des filiegraveres et des classes de releacutegation ce qui peut constituer une double

peacutenalisation pour le destin social de certains eacutelegraveves

Les jugements des classes moyennes et supeacuterieures concernant les effets directs du contexte

reacutesidentiel sur les performances et les attitudes scolaires des enfants sont confirmeacutes par les

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488488

enquecirctes (Maurin 2004)111 Les variations drsquoeacutechec scolaire drsquoenfants dont les parents ont des

niveaux de diplocircmes et de scolariteacute similaires montent jusqursquoagrave 50 selon lrsquoimportance de

lrsquoeacutechec scolaire dans leur voisinage Avec le temps qui passe les interactions avec le

voisinage immeacutediat induisent une convergence des performances deacutepassant les effets des

ressources priveacutees (niveau de diplocircme et capital social) et de lrsquoorigine geacuteographique des

familles La justification de la seacutegreacutegation socio-spatiale de la part des familles les plus riches

preacutesente bien un fondement objectif probant Ces effets deacuteprimants du voisinage concernent

une eacutechelle tregraves petite du niveau mecircme du petit immeuble ou du petit quartier Lrsquoentre-soi

social a donc non seulement une fonction identitaire mais aussi une utiliteacute instrumentale pour

lrsquooptimisation du capital social et de la socialisation dans lrsquohabitat

Ainsi le contexte de preacutecarisation geacuteneacuterale de toutes les cateacutegories sociales dans la sphegravere

productive et notamment priveacutee (affaiblissement de la porteacutee inteacutegratrice du travail et de

lrsquoemploi avec la dislocation du marcheacute et des relations de travail) explique la recherche par

compensation drsquounivers urbains de socialisation privileacutegieacutee notamment pour les enfants Ce

motif passe avant mecircme la recherche de la plus grande proximiteacute ou du meilleur accegraves

geacuteographique aux eacutequipements les plus prestigieux ou pratiques de la ville Lrsquoineacutegaliteacute des

chances de reacuteussite scolaire et sociale qui pegravese sur les enfants des classes modestes justifie de

ce fait la critique sociopolitique de la seacutegreacutegation socio-spatiale Elle constitue une entorse

fortement probleacutematique aux valeurs reacutepublicaines et au fonctionnement social qui doit subir

et geacuterer les contrecoups sociaux de la production durable drsquoune couche drsquoexclus du systegraveme

eacuteconomique et social

Bertho (1997) confirment que lrsquoeacutecole est devenue le haut lieu de la seacutegreacutegation et de

lrsquoexclusion sociale avec la recherche freacuteneacutetique des bons parcours et des bons eacutetablissements

pour placer les enfants dans le systegraveme et les proteacuteger du chocircmage dans le laquo marasme de la

scolarisation de masse raquo alors mecircme que celle-ci reacutesultait drsquoune mobilisation politique et

familiale contre les ineacutegaliteacutes sociales et leur reproduction Les modifications de peuplement

des territoires de releacutegation entraicircnent des publics nouveaux mais la neacutecessiteacute de changer les

laquo formes sociales du savoir raquo nrsquoa pas eacuteteacute perccedilue selon lui Lrsquoeacutecole se limite agrave porter le

soupccedilon drsquo laquo inenseignabiliteacute raquo de laquo handicaps (ethno)culturels raquo sur certains comme

lrsquo laquo inemployabiliteacute raquo de certains chocircmeurs deacutenonceacutes par les employeurs Elle exige une

normalisation sociale des comportements au lieu drsquoadapter lrsquoapprentissage des normes

libeacuteratrices des savoirs 111 Goux D Maurin E (2004) laquo Neighborhood Effects and Performance at School raquo Document du CREST

Lrsquoeacutecole a donc un rocircle actif dans la deacutequalification sociale des individus ce que renforcent les

laquo arrangements raquo institutionnels avec les objectifs programmatiques comme lrsquoabaissement

localiseacute du niveau des exigences le passage par le concret ou encore la finalisation

professionnelle de lrsquoapprentissage Ces subterfuges atteignent-ils le sens du savoir Au lieu

de srsquointerroger sur le rapport entre savoir et subjectiviteacute en comptant sur lrsquouniversaliteacute de la

culture les politiques partielles territorialiseacutees et compensatrices de lutte contre lrsquo laquo eacutechec

scolaire raquo nrsquoont-elles pas marqueacute leurs limites

Dans ce contexte de production institutionnelle par le biais eacuteducatif des ineacutegaliteacutes sociales

qui aiguise la rivaliteacute entre les groupes sociaux suscite une culture de la seacutegreacutegation socio-

territoriale et normalise la pratique de lrsquoexclusion sociale il reste agrave identifier agrave quel niveau

srsquoobservent concregravetement les pratiques de seacutegreacutegation bien que celle-ci ne se distingue pas agrave

lrsquoeacutechelle des grandes divisions sociales des agglomeacuterations Les travaux rapporteacutes par Maurin

(2004) suggegraverent que la reacutealiteacute des conduites reacutesidentielles seacutegreacutegatives se mesure plus

nettement agrave lrsquoeacutechelle du territoire de vie des meacutenages lieacute agrave la localisation geacuteographique de

leurs activiteacutes eacuteconomiques et agrave la place qursquoils tiennent dans les rapports sociaux de

production

Chaque meacutenage dispose drsquoun laquo territoire drsquoimplantation potentielle raquo pour son habitation en

fonction de ses lieux drsquoactiviteacutes et de son statut social ou plutocirct de ses revenus qui sont plus

deacuteterminants rappelle Brun (2008) qui lui offrent une certaine diversiteacute des choix de

produits reacutesidentiels et une eacutetendue territoriale qui correspond Chaque voisinage a un statut

ineacutegal selon la structure des cateacutegories sociales drsquoappartenance des meacutenages deacutefinies avant

tout par leur niveau culturel que deacutetermine leur diplocircme Les voisinages les plus valoriseacutes et

convoiteacutes sont lieacutes agrave la carte des eacutetablissements scolaires composeacutes des eacutelegraveves de familles au

plus haut niveau culturel

Entre voisinages les frontiegraveres se durcissent sous lrsquoeffet drsquoune volonteacute accrue drsquoexclusion

consistant agrave eacuteviter tout lieu et tout moment drsquointeraction possible avec les cateacutegories sociales

infeacuterieures vivant agrave proximiteacute de crainte drsquoy perdre son identiteacute voire son statut social Le

sentiment de hausse de la seacutegreacutegation ne correspond donc pas seulement agrave des eacuteleacutements

qualitatifs comme la radicalisation drsquoune ideacuteologie de distinction et drsquoexclusion sociales sous

lrsquoeffet de la geacuteneacuteralisation de la preacutecarisation du travail Il existe des effets quantitatifs

statistiquement observables agrave des eacutechelles infra-agglomeacuterations des pratiques de seacutegreacutegation

reacutesidentielle qui sont croissantes agrave ce niveau

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Dans la partie probleacutematique de notre thegravese il a eacuteteacute eacutevoqueacute comment les conduites de

seacutegreacutegation reacutesidentielle ont quantitativement augmenteacute selon un double effet drsquoune part la

geacuteneacuteralisation au sein drsquoune grande partie des cateacutegories sociales de lrsquoadoption drsquoune logique

drsquoexclusion dans les pratiques reacutesidentielles au deacutetriment des cateacutegories infeacuterieures et

drsquoautre part la hausse dans la structure sociale du volume des cadres drsquoun cocircteacute et de celui

des actifs preacutecaires et exclus de lrsquoautre en raison de la dualisation sociale depuis les anneacutees

1970 Les premiers notamment les cadres du priveacute se caracteacuterisent speacutecifiquement par une

nette seacutegreacutegation vis-agrave-vis des seconds Avec les cadres qui sont en hausse numeacuterique et qui

constituent la cateacutegorie la plus disposeacutee agrave mettre en pratique cette ideacuteologie qui se geacuteneacuteralise

en leur sein la hausse des pratiques seacutegreacutegatives est donc meacutecanique

Les comportements de seacuteparation dans les pratiques reacutesidentielles et dans les rapports sociaux

se sont de ce fait geacuteographiquement et socialement eacutetendus du fait tant du renforcement de la

divergence des modes de vie entre ces deux cateacutegories pour une cohabitation reacutesidentielle

Mecircme plus la compeacutetition entre les cadres mecircmes notamment du priveacute soumis agrave une forte

concurrence interne dans le systegraveme eacuteconomique avec des risques eacuteleveacutes de preacutecariteacute

eacuteconomique et sociale renforce cette tendance agrave des conduites seacutelectives drsquoentre-soi pour

accumuler les plus grandes chances sociales de reacuteussite et drsquoaccegraves aux positions eacuteconomiques

et sociales favorables

Les regroupements reacutesidentiels autour des eacutecoles publiques et priveacutees les plus prestigieuses

notamment rendent compte de cette logique identitaire distinctive et seacutelective Ces eacuteleacutements

doivent donc conduire agrave relativiser lrsquoaffirmation drsquoune non-croissance de la seacutegreacutegation au

niveau des agglomeacuterations en termes de grandes divisions sociales des espaces Preacuteteceille

(2006 2008) a drsquoailleurs reconnu cette tendance au renforcement des polarisations aux

extreacutemiteacutes de lrsquoeacutechelle des espaces reacutesidentiels lieacute agrave la seacutegreacutegation accrue dans les rapports

sociaux reacutealiseacutee par les cateacutegories supeacuterieures des classes moyennes laissant de plus en plus

les classes moyennes en stagnation voire en deacuteclin dans des zones de meacutelange avec les

couches modestes Alors que les secteurs meacutelangeacutes connaissent des pheacutenomegravenes de

cloisonnement spatial entre entiteacutes sociales de voisinage de petite taille et de plus en plus

homogegravene les secteurs pauvres de concentration de pauvres sont drsquoailleurs de plus en plus

peupleacutes majoritairement de pauvres alors que les plus riches srsquoeacutecartent davantage des espaces

meacutelangeacutes Ce qui constitue un triple signe tangible de lrsquoaccroissement de la seacutegreacutegation

sociale et spatiale

490490

Sur ce plan de la distribution spatiale des cateacutegories sociales drsquoautres chercheurs comme

Jean-Pierre Leacutevy (1998) avait drsquoailleurs conclut degraves la fin des anneacutees 1990 lrsquoinverse de

Preacuteteceille En consideacuterant lrsquoensemble des meacutecanismes sociaux (choix individuels

reacutesidentiels) eacuteconomiques (marcheacutes du logement) et politico-institutionnels (politiques

urbaines et du logement) producteurs drsquoineacutegaliteacutes socio-spatiales il affirme que celles-ci se

sont accentueacutees Il est en effet difficilement contestable que le deacuteveloppement urbain preacutesente

depuis les anneacutees 1970 drsquoune part une diversification des produits reacutesidentiels collectif et

individuel en accession agrave la proprieacuteteacute surtout et drsquoautre part un mouvement de regroupement

des populations des segments priveacutes et publics vers le logement social disqualifieacute dans les

grands ensembles drsquohabitat (comme vu plus haut avec Peillon) La bipolarisation sociale des

espaces que mecircme Preacuteteceille reconnaicirct induit des eacutevolutions spatiales tregraves visibles

multiplication et extension des secteurs aiseacutes drsquoun cocircteacute et restriction forte des segments

drsquohabitat pour les plus fragiles avec regroupement spatial dans les zones de mecircme type

Sur le plan theacuteorique en effet les enquecirctes de Maurin (2004) ont montreacute que les niveaux

micro-geacuteographiques de voisinage (immeubles reacutesidenceshellip) ne sont pas que des espaces

drsquoanalyse des relations de cohabitation et de socialisation Ils permettent drsquoobserver la

seacutegreacutegation spatiale avec le mecircme raisonnement que celui de lrsquoeacutechelle des agglomeacuterations

eacutetudieacutees selon le paradigme macrosociologique marxien de la seacutegreacutegation mise en œuvre par

acteurs institutionnels et macroeacuteconomiques les choix individuels de localisation

srsquoeffectuent dans un champ territorial de contraintes lieacutees aux ameacutenagements institutionnels

dominants et aux marcheacutes du logement Les logiques et les jeux drsquoacteurs individuels et

cateacutegoriels tels qursquoeacutevoqueacutes selon lrsquoapproche microsociologique de Maurin ne deacuteterminent pas

les grands meacutecanismes de production des ineacutegaliteacutes territoriales (marcheacutes opeacuterations

institutionnelles) mais reacutevegravelent les bases et les dynamiques sociales qui les favorisent les

leacutegitiment et les utilisent ou les subissent

Effectivement la dynamique de territorialisation seacutelective en fonction des voisinages entraicircne

dans les diffeacuterentes aires urbaines des configurations de systegravemes reacutesidentiels selon trois pocircles

correspondant aux trois grandes cateacutegories socioculturelles de la socieacuteteacute les quartiers

laquo huppeacutes raquo ougrave se regroupent les classes supeacuterieures les espaces peacuteriurbains pavillonnaires

pleacutebisciteacutes par les couches moyennes de la population et les quartiers populaires (Marchal

Steacutebeacute 2009) Les grandes lignes de configuration reacutesidentielle tripartite sont lieacutees aux trois

processus de mobiliteacute qui modifient les eacutetats anteacuterieurs des espaces reacutesidentiels (Donzelot

2004) la gentrification avec le retour des cateacutegories aiseacutees dans les centres-villes anciens la

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peacuteriurbanisation lieacutee au deacuteveloppement de lrsquohabitat pavillonnaire par les classes moyennes et

la releacutegation des cateacutegories sociales les plus deacutemunies dans des quartiers pauvres

Cependant Marchal et Steacutebeacute (2009) nuancent ces repreacutesentations de tendances globales car

drsquoune part des choix atypiques multiples de reacutesidence sont reacutealiseacutes selon drsquoautres facteurs que

la seule position sociale et drsquoautre part il existe des dynamiques microsociales de mobiliteacute

spatiale vers les lieux drsquointeraction sociale ougrave se joue la coheacutesion sociale du moins la mixiteacute

sociale ce qui relativise les conclusions de seacuteparatisme spatial que reacutevegraveleraient les tendances

agrave la seacuteparation reacutesidentielle des cateacutegories sociales Si cette relativisation suggegravere en creux

que lrsquoanalyse de la seacutegreacutegation suppose de descendre au niveau infra-agglomeacuteration pour

observer les pratiques effectives il nrsquoen demeure pas moins qursquoelle reacutevegravele que lrsquoobjet et la

meacutethode de mesure de ce pheacutenomegravene notamment sa hausse ou sa diminution ne sont pas

encore largement partageacutes en recherche urbaine Plusieurs exemples drsquoauteurs eacutevoquant cette

question montrent des constats assez proches sans analyse drsquoensemble coheacuterente permettant

de statuer sur cette question

Par exemple lrsquoanalyse des logiques de distinction sociale et symbolique des grandes

cateacutegories socioculturelles pour lrsquooccupation de lrsquoespace tend agrave occulter la virulence des

antagonismes au sein des espaces reacutesidentiels meacutelangeacutes entre drsquoune part les classes moyennes

et ouvriegraveres traditionnelles et drsquoautre part les populations encore plus deacutefavoriseacutees (Clavel

1998) En effet Epstein et Kirszbaum (2003) confirment que crsquoest aux eacutechelles locales que

srsquoobserve la seacutegreacutegation sociale et non aux eacutechelles plus larges de la reacutegion du deacutepartement

voire de lrsquoaire urbaine Ils ont en effet observeacute que les revenus des habitants des communes

les plus riches augmentent alors que baissent ceux des communes les plus pauvres ce qui

renforce cette impression drsquohomogeacuteneacuteisation sociale du territoire aux deux extrecircmes de

lrsquoeacutechelle sociale selon des ressorts opposeacutes embourgeoisement des zones aiseacutees (agreacutegation

choisie) et accentuation de la concentration des plus pauvres et preacutecaires dans drsquoautres

quartiers (regroupement subi) Crsquoest agrave cette eacutechelle qursquoapparaissent les rivaliteacutes les tensions

et les conflits lieacutes agrave la volonteacute drsquoeacuteviter de la part des plus inteacutegreacutes tant des amalgames que

des interactions indeacutesireacutees avec les cateacutegories les plus fragiles

Cette attitude nrsquoest pas sans ecirctre disproportionneacutee le plus souvent au regard des diffeacuterences

objectives de positions sociales et de qualiteacute de logement et drsquoespace reacutesidentiel

Lrsquoexaspeacuteration qui peut se manifester est fondeacutee sur une volonteacute de distinction symbolique

qui est tout autant significative que les grands prises de distance territoriale des cateacutegories

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supeacuterieures et moyennes dans des espaces exclusifs mecircme si lrsquoobjectivation statistique en est

moins aiseacutee

Les nombreux travaux exclusivement statistiques ne tiennent donc pas compte de ce

paramegravetre social ou interactionnel agrave lrsquoinstar de ceux de Preacuteteceille (2008) sur la meacutetropole

parisienne La preacutesentation de sa reacutepartition socio-spatiale nrsquoindique pas dans les situations

de communes ou drsquoicirclots de profils sociaux intermeacutediaires pourtant majoritaires selon lui

(70 ) les eacuteventuels rapports antagoniques au sein de celles-ci Ce qui tend agrave suggeacuterer qursquoil

nrsquoy a pas de problegravemes de cohabitation ou mecircme de comportements seacutegreacutegatifs observables

entre voisinages internes agrave ces uniteacutes drsquoanalyse En outre les autres uniteacutes spatiales preacutesentant

les deux cas extrecircmes et opposeacutes de composition sociale domineacutee par une cateacutegorie sociale

cateacutegories supeacuterieures dans les quartiers riches drsquoun cocircteacute meacutenages preacutecaires et pauvres dans

les espaces de releacutegation de lrsquoautre cocircteacute ndash sont elles-mecircmes des territoires meacutelangeacutes avec les

autres cateacutegories sociales Preacuteteceille signale bien qursquoaucune zone nrsquoest complegravetement

occupeacutee par une seule cateacutegorie sociale drsquohabitants et qursquoaucune cateacutegorie sociale nrsquooccupe

le mecircme type de zone En revanche il ne se demande pas qursquoelle est la nature de leurs

relations sociales et quelle est la conduite reacutesidentielle de chaque cateacutegorie dans la

configuration locale des voisinages de leur uniteacute drsquoappartenance

En fait plusieurs auteurs partagent une limite de cet ordre dans lrsquoidentification formelle des

variables de la seacutegreacutegation et de leur articulation logique Certains eacutevoquent par exemple trois

laquo facteurs de processus de seacutegreacutegation reacutesidentielle raquo (Jaillet Perrin Meacutenard 2008) en les

mettant au mecircme niveau les meacutecanismes eacuteconomiques concernant laquo le fonctionnement du

marcheacute du logement raquo les acteurs sociaux que sont les meacutenages deacutesigneacutes sans autre

preacutecision et sans connaicirctre leur motivation en indiquant qursquoils agissent selon leurs

laquo aspirations raquo et enfin lrsquoaction eacutetatique dans le secteur des politiques drsquoeacutequipement urbain

sans autre preacutecision eacutegalement sur ses deacuteterminants

Il semble que soit deacutecrits ici plutocirct des paramegravetres de meacutecanisme de seacutegreacutegation en oubliant

que lrsquoun lrsquoaspiration de certains meacutenages preacutedomine dans son agencement avec les autres

pour lrsquoactivation de meacutecanismes seacutegreacutegatifs qui ne sont effectifs qursquoen raison de son

existence Par exemple dans lrsquohistoire des grands ensembles la volonteacute eacutetatique qui est celle

des groupes sociaux qui conduisent lrsquoEacutetat nrsquoa-t-elle pas eacutechoueacute agrave produire des espaces

collectifs mixtes agrave lrsquoencontre des attentes des couches moyennes et supeacuterieures Celles-ci en

raison des heurts de cohabitation ont eu le deacutesir et ont choisi de quitter les lieux pour des

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espaces plus conformes agrave leurs attentes et agrave leur mode de vie hors zones mal fameacutees certains

participent agrave lrsquoeacutevitement des lieux et agrave leur deacutenigrement explicite en usant des images

neacutegatives du champ connotatif des espaces urbains

De mecircme Preacuteteceille (2008) a eacutevoqueacute trois types de laquo logique raquo qui peuvent laquo deacuteterminer des

processus de diffeacuterenciation sociale nette de lrsquoespace raquo drsquoabord des logiques politiques

directes avec des dispositifs seacutegreacutegatifs ou au contraire anti-seacutegreacutegatifs ensuite des

logiques socio-eacuteconomiques structurelles avec drsquoun cocircteacute les eacutecarts de revenus lieacutes aux

ineacutegaliteacutes de position dans le systegraveme eacuteconomique et de lrsquoautre cocircteacute le marcheacute du logement

qui influence la distribution spatiale des cateacutegories sociales enfin des logiques drsquoacteurs

individuels pour se rapprocher ou se tenir agrave distance de certains groupes et espaces

environnants Cette eacutenumeacuteration comporte la mecircme limite analytique que celle eacutevoqueacutee

preacuteceacutedemment dans le sens ougrave elle ne distingue pas clairement la logique sociale (volonteacute de

protection statutaire et de socialisation seacutelective garantie aux enfants) au fondement des

pratiques seacutegreacutegatives qursquoelle soit ensuite mise en œuvre par les groupes sociaux au pouvoir

dans les institutions eacutetatiques (politiques fonciegraveres du logement et drsquourbanisme et de

reacutegulation des marcheacutes) ou bien appliqueacutee au niveau individuel avec des effets collectifs dans

les rapports sociaux et les pratiques sociales qui deacuteterminent la valeur sociale de lrsquoespace

(itineacuteraires reacutesidentielles des meacutenages marcheacutes immobiliers)

Renaud Epstein et Thomas Kirszbaum (2003) ont neacuteanmoins preacutesenteacute une plus grande

preacutecision en la matiegravere Ils indiquent bien que la speacutecialisation socio-reacutesidentielle est un trait

structurel du fonctionnement urbain directement issu de laquo lrsquoagreacutegation spontaneacutee des

individus et drsquoeffets de seacutegreacutegation raquo ie de mise agrave lrsquoeacutecart plus ou moins volontaire de

certains groupes Ils distinguent ensuite les trois modaliteacutes drsquoaction qui contribuent agrave produire

cette speacutecialisation spatiale et qui sont clairement lieacutees agrave des volonteacutes originelles de reacutealiser

ou de favoriser lrsquoagreacutegation ou la seacutegreacutegation des groupes socio-urbains Ces actions sont

reacutealiseacutees soit par des habitants agrave titre individuel soit par des deacutecideurs de politiques

drsquoameacutenagement ou de peuplement reacutesidentiel des espaces Ces trois modaliteacutes rejoignent en

partie les propositions de formalisation preacuteceacutedentes mais sont formuleacutees de maniegravere plus

nette en reacutefeacuterence agrave la logique sociale au fondement des pratiques seacutegreacutegatives identifieacutees

La premiegravere modaliteacute concerne les politiques urbaines comme les reacutenovations de centre ville

et lrsquourbanisation planifieacutee apregraves la Seconde Guerre mondiale (plans drsquooccupation des sols

zones agrave urbaniser en prioriteacute zones drsquoameacutenagement concerteacutehellip) Leurs effets seacutegreacutegatifs sont

le fruit de deacutecisions drsquoacteurs politiques et administratifs qui au pire en ont conscience ou au

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mieux visent en toute bonne foi lrsquoeffet inverse Au passage la prise de conscience des effets

seacutegreacutegatifs lorsqursquoils ne sont pas volontaires relegraveve drsquoune veacuteritable laquo politique sociale raquo de

lrsquoespace urbain et du logement qui se distinguerait de la politique habituelle de logement

social et de zonage (Clavel 1998 p 255)

Quoiqursquoil en soit la reconnaissance de la causaliteacute deacutecisionnelle entre une politique publique

et des groupes de personnes au pouvoir rejoint lrsquoexercice de transposition reacutealiseacute dans la

partie probleacutematique de thegravese du paradigme simmelien drsquoanalyse de la pauvreteacute dans le

champ urbain lrsquoeacutetat de pauvreteacute de cateacutegories sociales et drsquoespaces urbains est lieacute au rapport

de deacutependance entre ces cateacutegories sociales et spatiales pauvres et les cateacutegories sociales

riches etou au pouvoir car ce sont ces derniegraveres qui deacutefinissent les aspects des conditions de

vie agrave soulager des plus marginaliseacutes et des caractegraveres urbains agrave ameacuteliorer des secteurs

deacutelaisseacutes pour eacuteviter le soulegravevement reacutevolutionnaire Il est ainsi neacutecessaire que les deacutecideurs

integravegrent dans leurs choix deacutecisionnels les effets seacutegreacutegatifs eacuteventuels afin de modifier leur

choix ou de supprimer ces effets possibles ou probables

La deuxiegraveme modaliteacute possible de seacutegreacutegation sociale selon Epstein et Kirszbaum (2003) se

situe au niveau du simple jeu des preacutefeacuterences de choix reacutesidentiels des meacutenages entre

diverses localisations et en fonction des ameacuteniteacutes du cadre de vie des services locaux dont

notamment lrsquoeacutecole pour les familles etou la composition sociale culturelle ou ethnique du

quartier Ces choix laquo affinitaires raquo de regroupement autoriseacutes ou non selon le jeu des

ressources eacuteconomiques et sociales et selon des positions lieacutees agrave la diffeacuterenciation sociale

(transmission patrimoniale reacuteseaux de recommandation regravegles du marcheacute immobilierhellip) ont

des effets seacutegreacutegatifs vis-agrave-vis drsquoautres meacutenages plus deacutemunis (Schelling 1980) ils ne

peuvent reacutealiser leur choix et se retrouvent dans des espaces disqualifieacutes sur les marcheacutes

immobiliers

Une troisiegraveme modaliteacute drsquoaction seacutegreacutegative est aussi lrsquoœuvre des groupes sociaux au pouvoir

ou des institutions de gestion du peuplement des territoires La discrimination sociale et

politique dans la mobiliteacute reacutesidentielle des pauvres relegraveve le plus souvent des organismes

bailleurs de logements sociaux mais aussi des municipaliteacutes des communes les plus riches

qui soit srsquoopposent agrave lrsquoaccegraves agrave des programmes de logements sociaux soit se refusent drsquoen

preacutevoir la construction malgreacute des besoins importants Ce souci de distance dans lrsquohabitat

provient drsquoune crainte du deacuteveloppement de problegravemes sociaux et de la fronde des habitants

Certains organismes ont drsquoailleurs organiseacute une reacutepartition seacutegreacutegative interne en accord avec

les collectiviteacutes locales et les reacuteservataires selon un objectif de laquo partage du feu raquo entre des

495495

496496

groupes immobiliers laquo proteacutegeacutes raquo et drsquoautres laquo sacrifieacutes raquo (Peillon 2001 Plouchard

1999) La part preacutedominante du logement social dans les grands ensembles a drsquoailleurs

apporteacute du volume et de la visibiliteacute agrave ces pratiques de peuplement alors mecircme que les

organismes HLM deacutenonccedilaient degraves 1968 les laquo risques de seacutegreacutegation sociale de lrsquohabitat raquo en

eacutetant souvent les seuls agrave construire dans les zones de grands ensembles112 Ces pratiques

constituent bien des cas de coupure spatiale intentionnelle entre groupes sociaux de la part des

institutions publiques deacutecrits aussi par Schelling (1980) Il y a en fait une forme de

reproduction au niveau local drsquoun type de pratique deacutenonceacute au niveau des systegravemes centraux

de deacutecision

Ainsi agrave partir de ces modaliteacutes drsquoaction individuelles et institutionnelles ayant des effets

volontaires ou non de seacutegreacutegation socio-spatiale il est possible de recenser les caracteacuteristiques

objectives de lrsquoespace qui en reacutesultent comme le propose Yankel Fijalkow (2002) qui en

deacutenombre cinq le prix du foncier les reacuteseaux de transport en commun et lrsquoeacuteloignement

reacutesidentiel par rapport aux lieux de travail les zones prestigieuses drsquohabitat les zones

scolaires et enfin la polarisation socio-spatiale lieacutee agrave la mondialisation eacuteconomique Le

caractegravere seacutegreacutegatif de ces dispositions est probleacutematique lorsqursquoelles proviennent

directement ou lorsqursquoelles sont accompagneacutees de maniegravere plus ou moins explicite par les

institutions publiques agrave lrsquoopposeacute souvent des ideacuteaux de mixiteacute et de coheacutesion sociales

qursquoelles peuvent promouvoir dans certaines politiques ou communications politiques

LrsquoEacutetat deacutetient bien un rocircle central et preacutedominant dans ce domaine alors mecircme que

lrsquoeacutenumeacuteration drsquoexemples multiples peut laisser croire agrave la diversiteacute sans ordre des pratiques

de seacutegreacutegation de leurs auteurs et des meacutethodes ou des moyens utiliseacutes Ces eacuteleacutements ne

correspondent en fait qursquoaux aspects diffeacuterents et exteacuterieurs des processus de divisions

sociales et fonctionnelles internes des villes processus qui ont toujours existeacute depuis lrsquoorigine

de lrsquourbanisation (Marchal Steacutebeacute 2008)

Ces diffeacuterents deacuteveloppements montrent bien la responsabiliteacute eacutetatique du niveau central et

des collectiviteacutes locales dans lrsquoeacutetat des zones reacutesidentielles fonctionnaliste et la seacutegreacutegation

sociale de leurs habitants les politiques drsquohabitat et drsquourbanisme ainsi que les autres

politiques sectorielles ont creacuteeacute faccedilonneacute et geacutereacute les zones de grands ensembles leurs

insuffisances accentuent pour les habitants concerneacutes les conseacutequences mateacuterielles morales et

sociales de la crise eacuteconomique (Dubedout 1983 Delarue 1991 Sueur 1998) et

112 HLM ndeg 76 septembre 1968 p 126 note citeacutee par Peillon (2001)

notamment nous le verrons plus bas leur exclusion sociale Ayant permis drsquoabsorber en

grande partie les besoins en logement depuis la Seconde Guerre mondiale (Merlin 2010) les

grands ensembles sont rapidement passeacutes drsquoune fonction de tremplin agrave une situation de laquo cul-

de-sac raquo pour les pauvres degraves les anneacutees 1960-1970 prenant ainsi le relais fonctionnel des

bidonvilles (Voldman 2002)

En pleine euphorie des Trente Glorieuses cette eacutevolution a rapidement perceacute les illusions de

la mixiteacute sociale Le deacuteveloppement de la crise de cet habitat depuis ses deacutebuts a rappeleacute aux

pouvoirs publics que le logement agrave un coucirct celui de lrsquoameacutenagement et de la gestion durable et

qualitative de son habitat et que les pauvres ne peuvent le supporter que srsquoils beacuteneacuteficient

drsquoune action volontaire drsquoallocation de moyens publics Crsquoest une condition essentielle de leur

inteacutegration sociale et ne pas le reacutealiser agrave un niveau suffisant eacutequivaut agrave entretenir ou renforcer

les processus de seacutegreacutegation sociale qursquoils subissent

Un des effets de cette marginalisation institutionnelle est la faible participation agrave la vie

politique selon les normes institueacutees ce qui ne signifie pas comme cela a eacuteteacute deacutecrit plus haut

concernant les conduites sociales des zones ghettoiumlseacutees qursquoil nrsquoy ait pas de revendications de

la part des populations concerneacutees LrsquoEacutetat et les collectiviteacutes locales ne sont pas dans un

rapport drsquoeacutechange avec les quartiers laquo difficiles raquo mais drsquoassistance deacutetermineacute selon un souci

de solidariteacute et de crainte de tensions sociales violentes car ils sont perccedilus comme des

problegravemes et des risques pour lrsquoimage exteacuterieure des territoires (Bertho 1997) Cette situation

constitue une impasse si lrsquoon tient compte du lien manifeste entre drsquoune part la

deacutecomposition de la solidariteacute sociale via la mise en œuvre de politiques sociales aveugles

territorialement et drsquoautre part les comportements de seacutegreacutegation de la part des groupes

inteacutegreacutes agissant individuellement ou dans le cadre des institutions qursquoils dirigent

Ces derniers drsquoautant plus lorsqursquoils relegravevent de formations politiques qui confortent les

attitudes seacutegreacutegatives srsquoinvestissent peu dans la revalorisation des espaces reacutesidentiels de

releacutegation des plus preacutecaires et surtout dans leur inteacutegration sociale en ameacuteliorant leur statut

en accroissant les allocations de soutien eacuteconomique ainsi que les possibiliteacutes drsquoaccegraves aux

activiteacutes valoriseacutees

Si ces attitudes institutionnelles reflegravetent bien les conduites individuelles de seacutegreacutegation que

peuvent manifester certaines cateacutegories les plus aiseacutees et occupants les places dirigeantes des

structures institutionnelles et eacuteconomiques elles peuvent eacutegalement ecirctre reproduites par les

couches moyennes et modestes agrave lrsquoencontre des espaces stigmatiseacutes en raison des problegravemes

497497

sociaux et de leur eacutetat physique et mateacuteriel Celles-ci cherchent aussi agrave eacuteviter les effets drsquoune

seacutegreacutegation sociale pour motif territorial qui risquerait de peser sur leur localisation

reacutesidentielle La vacance locative peut alors constituer un indicateur de cette mise agrave distance

des grands ensembles deacutegradeacutes de la part des couches moyennes et modestes

significativement lorsque les contextes de marcheacute du logement sont par ailleurs tendus (offre

faible par rapport agrave une forte demande) comme dans les grandes agglomeacuterations

meacutetropolitaines contemporaines

Pour rappel les chiffres de vacance dans les communes de grands ensembles de la partie

empirique preacuteceacutedente srsquoinscrivent dans une fourchette de 21 agrave 17 (Tableaux 6 agrave 12)

avec des niveaux plus eacuteleveacutes pour les trois communes du sud de la France qui nrsquoappartiennent

pas agrave des grands bassins drsquohabitat ou des grandes agglomeacuterations 88 en moyenne agrave

Mourenx depuis 1968 866 agrave Bagnols depuis 1975 et 79 agrave Pierrelatte depuis 1975 (dates

de recensement apregraves la fin de la construction des grands ensembles) Dans les grandes

agglomeacuterations lyonnaise et parisienne en forte expansion depuis lrsquoapregraves-guerre malgreacute leur

positionnement tregraves peacuteripheacuterique Rillieux (44 en moyenne depuis 1975) et Les Ulis (455

depuis 1982) preacutesentent des taux similaires qui quoique faibles en apparence et proches

des communes mosellanes (46 depuis 1968 pour Fareacutebersviller et 38 depuis 1968 pour

Behren) ne sont pas tout agrave fait neacutegligeables Ce qui signifie que certainement certains

immeubles ou groupes drsquoimmeubles sont assez fortement concerneacutes

Peillon (2001) rapporte effectivement des taux assez eacuteleveacutes degraves que lrsquoon observe les seuls

immeubles des grands ensembles (donneacutees 1999) par exemple 15 aux Minguettes agrave

Veacutenissieux (95 pour lrsquoensemble de la ville) et 215 au grand ensemble de Vaulx-en-

Velin (133 sur lrsquoensemble de la commune) Il indique aussi agrave titre de comparaison que agrave

cette date lrsquoEnquecircte drsquooccupation sociale de lrsquounion des organismes HLM (UNFOHLM)

indique un taux de vacance 25 fois plus eacuteleveacute en ZUS qursquoagrave lrsquoexteacuterieur de celles-ci (Peillon

2001 p 244)

Cependant la vacance eacuteleveacutee dans un contexte de manque chronique de logements nrsquoest pas

neacutecessairement lieacutee au refus de la part de demandeurs de logement elle peut eacutegalement ecirctre

lorsque la pression politique agrave ce sujet nrsquoest pas trop forte le fruit drsquoune non attribution

volontaire de la part drsquoeacutelus et de gestionnaires qui souhaitent laquo normaliser raquo certains espaces

en y eacutevitant la concentration des plus pauvres (Baudin Genestier 2002) Ce qui nrsquoest pas sans

effet pervers puisque cela peut constituer un indice de deacutevalorisation incitant des clients

appreacutecieacutes par les gestionnaires agrave les refuser Ce qui risque drsquoentraicircner une stigmatisation

498498

sociale involontaire avec lrsquoeacutevitement et le deacutenigrement des lieux par les habitants

environnants Cette gestion seacutegreacutegative de lrsquoattribution des logements peut drsquoailleurs ecirctre

suivie ou ecirctre compleacutementaire avec drsquoautres pratiques de seacutegreacutegation plus ou moins

directe comme des comportements de repli reacutesidentiel avec cloisonnement des zones

drsquohabitat vis-agrave-vis des immeubles voisins parfois deacutefendu par des gardiens afin de limiter les

intrusions de leurs habitants ou des passants

Lrsquoeffet est ici net du stigmate exteacuterieur qui attise les rivaliteacutes entre composantes internes agrave un

territoire Les images de lieux drsquoabomination et de criminaliteacute aigueuml peuvent mecircme ecirctre

relayeacutees par des habitants eux-mecircmes Peillon (2001) eacutevoque une ancienne eacutetude de Lagrange

(1986) agrave ce sujet dans laquelle il rapporte les rumeurs deacutevalorisantes internes aux quartiers

opposant des parties entre elles deacuteformant des histoires et des images collectives passeacutees et

preacutesentes Et cela alors mecircme que les principaux critegraveres de jugement de ces habitants eacutetaient

encore centreacutes sur lrsquousage et la qualiteacute du logement ce dont ils se sont montreacutes satisfaits

Ce qui rejoint la dualiteacute intrinsegraveque des grands ensembles enregistreacutee degraves le milieu des

anneacutees 1960 par lrsquoenquecircte deacutemographique et psychosociologique de Paul Clerc (1967) de

lrsquoInstitut national des eacutetudes deacutemographiques (INED) plus de trois quarts des habitants

estimaient que les avantages des logements lrsquoemportaient sur les inconveacutenients drsquoordre urbain

(distance agrave lrsquoemploi et au centre des villes insuffisance des transports en commun et des

eacutequipements collectifs et uniformiteacute architecturale) notamment par rapport au logement

preacuteceacutedent Cependant sur du long terme avec une situation sociale qui se deacutegrade le cadre de

vie est de plus en plus difficile agrave vivre

Ce reacutesultat drsquoenquecircte de 1967 peut drsquoailleurs ecirctre relativiseacute car tous les grands ensembles ne

partagent pas les mecircmes caracteacuteristiques et notamment les mecircmes inconveacutenients urbains avec

la mecircme acuiteacute Pierre Merlin (2010 p 82) pense agrave ce sujet qursquoil existe certainement deux

sous-groupes de grands ensembles drsquoun cocircteacute les plus affecteacutes et de lrsquoautre cocircteacute les moins

concerneacutes par ces difficulteacutes bien qursquoil ne dresse pas de listes nominatives pour chacun

drsquoentre eux Au vu des reacutesultats assez proches drsquoeacutevolution sociale probleacutematique des

communes de grands ensembles observeacutes dans lrsquoenquecircte empirique il est probable que

lrsquoeacutechantillon eacutetudieacute nrsquoappartienne pas drsquoembleacutee agrave la cateacutegorie les moins en difficulteacutes

Ce seraient alors les caracteacuteristiques exteacuterieures et communes premiegraveres de ces communes

ayant preacutesideacute agrave leur seacutelection pour la constitution de lrsquoeacutechantillon drsquoeacutetude qui pourraient

servir agrave deacutecrire les grands ensembles les plus deacutegradeacutes par rapport agrave drsquoautres mieux

499499

construits geacutereacutes et entretenus voire moins deacutegradeacutes par des peuplements moins marginaliseacutes

il y aurait drsquoune part le relatif eacuteloignement par rapport aux agglomeacuterations denses

environnantes et drsquoautre part leur urbanisation nettement marqueacutee par lrsquoapproche

fonctionnaliste

La marginalisation urbaine de ces espaces reacutesidentiels et la seacutegreacutegation territoriale qursquoelle

suscite seraient alors lieacutes agrave lrsquointensiteacute de problegravemes sociaux speacutecifiquement deacuteveloppeacutee dans

un contexte drsquoisolement urbain relatif et de net deacutecalage morphologique avec des voisinages

drsquohabitat individuel disseacutemineacute ou de quelques petits immeubles collectifs (lotissement

pavillonnaire ou peacuteri voire suburbanisation en maisons individuelles villages ou bourg

ruraux traditionnels habitat rural ou rurbain) Crsquoest bien le cas des communes de lrsquoeacutechantillon

eacutetudieacute mecircme pour Les Ulis et Rillieux-la-Pape qui appartiennent agrave de grandes reacutegions

urbaines en eacutetant situeacutees en peacuteripheacuterie de grandes agglomeacuterations

Le paragraphe suivant deacutecrit plus en avant le processus drsquoaccentuation en retour de la

seacutegreacutegation sociale par ce pheacutenomegravene de seacutegreacutegation speacutecifiquement urbaine qui srsquoest

deacuteveloppeacute agrave lrsquoencontre des grands ensembles deacutegradeacutes

3 La spirale des seacutegreacutegations sociales et urbaines

Pour commencer il faut rappeler que les pheacutenomegravenes plus ou moins importants de

seacutegreacutegation et drsquoagreacutegation sociales dans les pratiques sociales hors champ du travail et

notamment sur le plan des choix reacutesidentiels ont toujours existeacute la mise agrave distance est

ancienne pour eacuteviter les contacts sociaux lieacutee agrave la protection des ressources et de lrsquoidentiteacute

sociale correspondant agrave une position sociale le fait que des institutions ou que diffeacuterents

groupes drsquointeacuterecircts accompagnent et soutiennent ces dynamiques agreacutegatives et seacutegreacutegatives

eacutegalement Dans ce sens la notion de seacutegreacutegation urbaine couvrant les usages sociaux en

milieu urbain et notamment les pratiques reacutesidentielles ne possegravede-t-elle pas agrave la diffeacuterence

de la notion de seacutegreacutegation sociale discuteacutee plus haut une deacutefinition comportant plus

clairement lrsquointention seacutegreacutegative de la part de certains acteurs

La mise agrave lrsquoeacutecart reacutesidentielle de la part des plus riches notamment des cadres supeacuterieurs du

priveacute en majeure partie vis-agrave-vis des ouvriers et des immigreacutes est aiseacutement reacutealiseacutee dans une

finaliteacute seacutegreacutegative (Maurin 2004) Ce type de reacutealiteacutes ne peut pas ecirctre consideacutereacute comme seul

laquo produit non voulu raquo de meacutecanismes agreacutegatifs plus ou moins inconscients de groupes

500500

sociaux Les rapprochements socio-spatiaux relegravevent drsquoune volonteacute de seacuteparation de rejet ou

drsquoexclusion par diffeacuterents moyens possibles pour reacutepondre agrave des enjeux identitaires

drsquoappartenance et de distinction sociale (Marchal Steacutebeacute 2008)

Crsquoest cette volonteacute de seacutegreacutegation speacutecifique dans la vie urbaine parfois agrave des petites eacutechelles

territoriales qui constitue un facteur drsquoaggravation des situations drsquoexclusion sociale Cette

derniegravere renforceacutee expose ainsi davantage ceux qui en sont victimes agrave une accentuation des

actes de mise agrave lrsquoeacutecart reacutesidentielle et relationnelle dans lrsquoespace urbain Cette spirale des

seacutegreacutegations est particuliegraverement active et menaccedilante concernant les grands ensembles et le

destin de leurs habitants

Aborder plus speacutecifiquement les conduites de seacutegreacutegation urbaine semble davantage que

pour la seacutegreacutegation sociale de maniegravere plus geacuteneacuterale renvoyer agrave un champ assez bien identifieacute

et limiteacute de pratiques motiveacutees par des acteurs relevant mecircme drsquoopeacuterations strateacutegiques

socialement Ces comportements sont drsquoailleurs bien analyseacutes par les approches socio-

anthropologiques et psychosociologiques de la formation des groupes les pheacutenomegravenes

drsquoexclusion sociale deacutependant en grande partie de la rigidification des frontiegraveres entre groupes

sociaux (Xiberras 1994)

La question est alors de constater ou de savoir quelle sont les capaciteacutes organisationnelles et

symboliques des exclus pour deacutefendre leurs inteacuterecircts et obtenir des biens collectifs Car la

seacutegreacutegation urbaine ne signifie pas toujours marginalisation socio-spatiale et paupeacuterisation

eacuteconomique (Bertho 1997) par exemple le confinement des ouvriers dans les banlieues

rouges en peacuteriode drsquoemplois industriels eacuteleveacutes apregraves guerre a eacuteteacute le vecteur principal de

deacuteveloppement drsquoune culture de classe politique permettant lrsquoaccegraves agrave la normaliteacute sociale

crsquoest agrave-dire aux normes et standards mateacuteriels et eacuteconomiques de confort individuel des

classes moyennes et supeacuterieurs y compris lrsquoaccegraves agrave lrsquohabitat socialement valoriseacute celui du

pavillon individuel

Les situations sociales sont par ailleurs tregraves eacutevolutives Dans le cas des ouvriers industriels le

deacuteclin de leur secteur drsquoactiviteacute traditionnel a geacuteneacutereacute un chocircmage important une preacutecariteacute

voire une paupeacuterisation des meacutenages Une fracture sociale srsquoest instaureacutee au sein des

cateacutegories ouvriegraveres et employeacutees entre les inteacutegreacutes et les exclus ce qui a reacuteduit les systegravemes

de revendication et de repreacutesentation politique dans les champs du travail et par voie de

conseacutequence de lrsquourbain (Dubet 1996) Les espaces populaires agrave forte solidariteacute et

communauteacute drsquointeacuterecirct ont ceacutedeacute la place agrave des peuplements de communauteacute difficile agrave se

501501

deacutevelopper et agrave se maintenir en raison de lrsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute des profils socioculturels et des

expeacuteriences de la pauvreteacute chacun deacuteveloppant ses parades ses accommodations et ses

ressources (Lapeyronnie 2008) ce qui suscite de la meacutefiance mutuelle du deacutesordre social et

laisse la place libre agrave des manifestations de violence interpersonnelle

La vie quotidienne des anciens espaces ouvriers est souvent marqueacutee par une logique de

survie un repli sociable et une recherche drsquoautonomie vis-agrave-vis du voisinage alors que des

pratiques et des normes deacuteviantes illeacutegales violentes et donc parfois ineacutegalitaires dans les

relations sociales se sont reacutepandues Lrsquoamertume le deacutecouragement et parfois la protestation

se diffusent et se manifestent agrave de nombreuses occasions Ce type de vie sociale peu

coopeacuteratif contribue agrave rendre plus visible la hieacuterarchie socio-spatiale ainsi que la logique

seacutegreacutegative des pratiques reacutesidentielles par rapport agrave ce que pouvait faire apparaicirctre des

configurations seacutegreacutegatives anteacuterieures (Donzelot 2004) les distances geacuteographiques entre

zones drsquohabitat se sont accrues faciliteacutees par les reacuteseaux de communication et les moyens de

transport et surtout les dispositifs mateacuteriels et organisationnels de seacuteparation et de fermeture

des espaces reacutesidentiels se sont diversifieacutes et largement reacutepandus comme normes pour la

seacutecuriteacute reacutesidentielle rechercheacutee agrave tous les niveaux de lrsquoeacutechelle sociale Ces eacuteleacutements ont

favoriseacute un processus tripartite de reacutepartition spatiale des grandes cateacutegories sociales

gentrification des espaces centraux par les plus aiseacutes peacuteriurbanisation des couches

moyennes et releacutegation dans les zones drsquohabitat deacutegradeacutes comme les grands ensembles des

cateacutegories sociales les plus preacutecaires

Par ailleurs les pratiques reacutesidentielles ne constituent pas les seuls usages structurant lrsquoeacutetat et

le deacuteveloppement des villes Ces derniegraveres sont aussi le lieu des meacutelanges et des contacts

sociaux de classes distinctes pour des activiteacutes multiples hors sphegravere speacutecifique du travail

(Marchal Steacutebeacute 2008) elles comprennent des espaces publics des eacutequipements et des

structures de rencontre et drsquoeacutechange tout comme le renforcent les outils modernes de

communication et drsquoeacutechanges qui recomposent les espaces et les formes physiques et

meacutediatiques de vie sociale il faut aussi compter sur les espaces de mobiliteacute spatiale souvent

eacutemailleacutes de dispositifs drsquousages et de services collectifs agrave lrsquooccasion desquels le cocirctoiement

peut susciter des eacutechanges des liens symboliques et parfois des eacutechanges interpersonnels plus

forts

En outre mecircme sur le plan reacutesidentiel la speacutecialisation socio-spatiale lieacutee aux logiques

seacutegreacutegatives porteacutees par certains groupes sociaux nrsquoest pas preacutedominante des choix

reacutesidentiels atypiques assez nombreux complexifient et produisent une heacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute courante

502502

dans la majoriteacute des zones de reacutesidence mecircme celles ougrave preacutedominent certaines cateacutegories

sociales certains cadres pouvant par exemple aimer habiter pregraves de leurs lieux de travail dans

des espaces plutocirct moyens ou populaires et certains employeacutes et ouvriers peuvent pour

diverses raisons strateacutegiques sentimentales sociales ou culturelles vouloir se maintenir

dans des zones en reacutenovation avec de forte hausse de loyers et srsquoorganiser ainsi pour geacuterer ce

surcoucirct eacuteconomique

Les villes conservent ainsi encore globalement une preacutedominance de lieux drsquointeractions et

drsquohabitation socialement meacutelangeacutes les lieux les plus fermeacutes eacutetant les quartiers de grande

bourgeoisie drsquoaffaires La mixiteacute sociale et la production de la socieacuteteacute ou du moins des

communauteacutes locales se reacutealisent en fait dans tout une gamme de lieux intermeacutediaires entre le

logement et la ville dans lrsquoespace du quartier (Marchal Steacutebeacute 2008) drsquoabord les

immeubles les cours et les parkings de lrsquohabitat lieux des relations de voisinage ougrave se

construisent des compromis de civiliteacute ensuite les rues et places comme lieux publics de

sociabiliteacute et drsquoidentification sociale permettant la formation spontaneacutee de collectifs

eacutepheacutemegraveres agrave partir drsquousages deacutependant des personnes en preacutesence ou dans le cas drsquousages

plus reacuteguliers lrsquoinstitutionnalisation drsquoun ordre social implicite de vivre-ensemble dans lequel

srsquoexpriment les identiteacutes individuelles et collectives enfin le quartier comme eacutechelle

spatiale drsquoidentiteacute sociale pertinente lieacutee agrave drsquoautres espaces significatifs de support de sens

dans les villes ougrave par le jeu des rapports entre groupes sociaux locaux se reacutealisent des

strateacutegies de distinction et drsquoagreacutegation sociales

Crsquoest bien drsquoailleurs au niveau des quartiers reacutesidentiels que se deacuteveloppe la carte symbolique

des connotations sociales des espaces urbains agrave partir des perceptions collectives simplifieacutees

et deacuteformeacutees des peuplements des identiteacutes sociales qui les composent et des activiteacutes

diverses qui se produisent dans leurs espaces (Khosrokhavar 2000)

Tous ces espaces intermeacutediaires de cocirctoiement social de proximiteacute servent de points

drsquoancrage spatiaux des identiteacutes sociales de laquo deacutepocirct de soi raquo dans lrsquoespace comme lrsquoeacutecrit

aussi Giraud (2000) en se reacutefeacuterant agrave lrsquoeacutetymologie du mot laquo maison raquo Sans cette adeacutequation

identitaire dont on a vu les grandes difficulteacutes drsquoapplication dans les espaces de grands

ensembles du fait de la multipliciteacute des barriegraveres de lrsquoenvironnement au soi des reacutesidents ces

derniers investissent drsquoautres lieux ce qui constitue un certain handicap spatial Car le climat

de deacutegradation de violence et de deacutelinquance plus ou moins deacuteveloppeacutees engendre une

stigmatisation territoriale pour ces espaces et leurs habitants

503503

Ce stigmate est alors un motif de seacutegreacutegation agrave leur encontre qui srsquoajoute pour certains agrave

drsquoautres motifs ou stigmates plus sociaux (niveau de qualification conditions de vie culture

drsquooriginehellip) En effet des discours geacuteneacuteraux neacutegativement connoteacutes et meacutediatiquement

diffuseacutes se sont deacuteveloppeacutes sur les grands ensembles comme zones repoussoirs lieux

drsquoabomination et de criminaliteacute aigueuml tregraves vite exprimeacutes majoritairement par les habitants

eux-mecircmes dans les quartiers agrave partir des anneacutees 1980 (Peillon 2001 Khosrokhavar 2000)

Crsquoest dans les rapports sociaux internes aux quartiers drsquohabitation mais aussi entre espaces

reacutesidentiels des agglomeacuterations qursquoa eacutemergeacute ce pheacutenomegravene particulier de la seacutegreacutegation

urbaine de mise agrave lrsquoeacutecart pour motif drsquoappartenance agrave un espace mal fameacute Il a pour effet

principal de pouvoir potentiellement accentuer la situation drsquoexclusion eacuteconomique et sociale

de certains habitants Le stigmate attribue spontaneacutement et plutocirct indistinctement aux

habitants les caracteacuteristiques de deacutegradation de deacutelinquance-violence et de peuplement

marginal des laquo citeacutes-ghettos raquo Les effets sur les interactions sociales sont nombreux refus

reacutepeacuteteacutes drsquoembauche de creacutedits agrave la consommation de souscription drsquoassurances voire de

deacutelivrance de chegraveques par les commerccedilants ou encore discriminations drsquoaccegraves aux

eacutequipements de rencontre et de loisirs voire aux services publics Depuis une quarantaine

drsquoanneacutees cette seacutegreacutegation tend agrave exclure de la vie urbaine partiellement ou fortement selon

les personnes les groupes et les lieux en raison du lieu de reacutesidence dans lrsquoespace urbain

Le risque de meacutepris ou de rejet social dans les lieux publics drsquoeacutechange et de cocirctoiement se

manifeste avec la laquo cacotopie raquo drsquoune partie de lrsquoespace urbain (Khosrokhavar 2000) crsquoest-agrave-

dire la mauvaise reacuteputation qui stigmatise un quartier par sa concentration de pauvres et des

deacutesordres divers plus ou moins aigus Les habitants reacuteagissent chacun de maniegravere diverse et

selon les situations personnelles peuvent adopter des comportements tant transgressifs et

deacutemonstratifs que des conduites plus conformes aux normes dominantes Selon Wacquant

(2007) lrsquoindissociabiliteacute de lrsquoexclusion eacuteconomique et sociale et de la releacutegation spatiale

forme un laquo reacutegime nouveau de releacutegation socio-spatiale raquo en ce qursquoil geacutenegravere une fermeture

excluante de la socieacuteteacute selon la terminologie weacuteberienne aux cateacutegories sociales les moins

utiles agrave lrsquoordre socio-eacuteconomique dominant

La fermeture aux activiteacutes et aux biens valoriseacutes concerne eacutevidemment aussi lrsquohabitat Un

principe de contrainte reacutesidentielle dans des espaces drsquohabitat circonscrits apparaicirct clairement

sans se confondre avec de lrsquoassignation obligatoire dans un secteur clos par rapport au reste

des villes Ce pheacutenomegravene eacutemane du jeu des rapports sociaux dans une socieacuteteacute aux positions

fragiliseacutes par la crise-mutation eacuteconomique et lrsquoorientation neacuteolibeacuterale des eacutelites politiques

504504

Alors que de leur cocircteacute les situations historiques de reacutefeacuterences des ghettos traditionnels (juifs

et noir-ameacutericains) se caracteacuterisaient par une prescription politico-juridique explicite et

leacutegalement formuleacutee Avenel (2007) eacutevoque aussi un laquo systegraveme seacutegreacutegatif raquo non formaliseacute

comme tel par la socieacuteteacute mais qui existe bien sous la forme de processus sociaux et politiques

qui entraicircnent le regroupement spatial forceacute des plus pauvres et des groupes drsquoorigine

immigreacutee les plus en difficulteacutes sociales Les populations concerneacutees ont drsquoailleurs la

conscience aigueuml de ces pheacutenomegravenes Dans ce contexte un ensemble drsquoacteurs alimente les

repreacutesentations sociales des espaces dont la symbolisation seacutegreacutegative des espaces

deacutevaloriseacutes

Ces acteurs au nombre de cinq cateacutegories mobilisent un mecircme imaginaire mythique

concernant les citeacutes-ghettos eacutevoqueacute plus haut agrave des fins varieacutees (Steacutebeacute Marchal 2009) Les

meacutedias qui cherchent agrave dramatiser ou agrave mettre en scegravene de faccedilon spectaculaire les faits et les

eacuteveacutenements qursquoils rapportent Les laquo experts raquo issus de professions speacutecialiseacutees (consultants

fonctionnaires de policehellip) qui produisent des analyses discutables sur le plan scientifique

(fiabiliteacute et validiteacute des donneacutees des meacutethodes et des interpreacutetations) et qui ont un inteacuterecirct

eacuteconomique ou symbolique agrave la perpeacutetuation du mythe La classe politique avec la rheacutetorique

seacutecuritaire qui joue un rocircle dans lrsquoorientation des politiques de seacutecuriteacute au deacutetriment des

politiques de preacutevention police municipale videacuteosurveillance controcircle de veacutehicules et de

piegraveces drsquoidentiteacute organisation de la police nationale) Les classes moyennes qui souhaitent se

deacutemarquer des zones drsquohabitat social dont le contact est craint par la recherche de protection

statutaire et de socialisation des enfants ils eacutecoutent les meacutedias et le personnel politique par

le biais du prisme meacutediatique politique et mythique sur lrsquoappreacutehension des populations et des

espaces concerneacutes Et enfin certains habitants eux-mecircmes des zones cacotopes qui adoptent

une logique de distinction et de deacutefausse sur drsquoautres habitants concernant la responsabiliteacute de

la deacutegradation physique et de la deacutevalorisation sociale de leurs quartiers

Crsquoest donc un large ensemble drsquoacteurs plus ou moins interdeacutependants qui produit un

systegraveme de stigmatisation des espaces deacutevaloriseacutes et renforce symboliquement les situations

drsquoexclus des habitants Dans leur communication sociale et les interactions quotidiennes ils

contribuent agrave diffuser des images drsquoordre mythologique deacutefavorables concernant un ou

plusieurs quartiers malfameacutes de leur aire urbaine Celles-ci se reacutepandent et se geacuteneacuteralisent

rapidement Merlin (2010) eacutevoque par exemple une enquecircte de la socieacuteteacute drsquoeacutetudes SOFRES

reacutealiseacutee en 2002 sur lrsquoopinion des Franccedilais agrave lrsquoeacutegard des HLM Mecircme si celles-ci ne sont pas

toutes inscrites dans des grands ensembles alors que la plupart des grands ensembles sont

505505

constitueacutes de logements HLM leurs repreacutesentations neacutegatives est drsquoimportance 70 des

Franccedilais interrogeacutes estiment que les logements HLM ne sont pas agreacuteables agrave habiter mais 68

des habitants de ceux-ci pensent le contraire 57 des Franccedilais affirment qursquoils

regroupent beaucoup de deacutelinquants (44 des habitants des HLM) et 55 considegraverent

qursquoils ne sont pas propres ce qui rejoint ici lrsquoeacutetat de lrsquoopinion des habitants des HLM

interrogeacutes (54 )

Cet imaginaire des citeacutes-ghettos (habitat deacutesagreacuteable lieu de deacutelinquance de violence et de

deacutegradation) srsquoinscrit dans les meacutemoires individuelles et collectives par le biais drsquoun travail

socialiseacute de reacuteduction de la diversiteacute des repreacutesentations possibles (Steacutebeacute Marchal 2009)

Celles-ci preacutedisposent par la suite au deacuteveloppement de conduites seacutegreacutegatives dans lrsquoespace

urbain Pour les cateacutegories moyennes et supeacuterieures drsquoabord il srsquoagit drsquoeacutecarter les moins

qualifieacutes et les plus pauvres des espaces et des processus de socialisation seacutelective dans

diffeacuterents lieux qursquoils freacutequentent La seacutegreacutegation urbaine sur le plan reacutesidentiel du moins est

donc agrave la fois cause et effet de lrsquohomogeacuteneacuteisation et de la hieacuterarchisation des espaces urbains

et la reacuteduction de lrsquohabitat des plus pauvres agrave quelques types socio-reacutesidentiels dont

principalement les grands ensembles srsquoinscrit dans cette logique

Ce pheacutenomegravene drsquoinfluence reacuteciproque aggravant entre la seacutegreacutegation sociale et la seacutegreacutegation

urbaine la seacutegreacutegation sociale geacutenegravere des pratiques urbaines de seacutegreacutegation speacutecifiques

(seacuteparation reacutesidentielle eacutevitement des lieux de reacutesidence drsquousages et de socialisationhellip) et

les pratiques urbaines seacutegreacutegatives geacutenegraverent de la seacutegreacutegation sociale (volonteacute de se distinguer

socialement de groupes stigmatiseacutes aux pratiques urbaines diffeacuterentes) peut ecirctre compareacute

au pheacutenomegravene des deacutenonciations publiques de lrsquoinseacutecuriteacute elles geacutenegraverent une crainte ou une

distance suppleacutementaire vis-agrave-vis de certains lieux alors que la violence qui en est agrave lrsquoorigine

est lieacutee en partie agrave une mise agrave lrsquoeacutecart des moins doteacutes en capitaux culturels eacuteconomiques

sociales et politiques de la part drsquoune partie des cateacutegories sociales dirigeantes qui nrsquoarrivent

pas ou ne souhaitent pas modifier le systegraveme drsquointeacutegration sociale

Un autre exemple est celui de la reacutenovation urbaine qui produit le plus souvent des effets nuls

voire inverses en termes de reacuteduction de la stigmatisation territoriale puisque les travaux

reacutevegravelent aux citadins une situation urbaine particuliegraverement toucheacutee par lrsquointensiteacute de

problegravemes sociaux importants Crsquoest ce cas appliqueacute aux grands ensembles qui est traiteacute dans

le paragraphe suivant

506506

4 Reacutenovation des grands ensembles de lrsquoobjectif de mixiteacute aux effets de la

seacutegreacutegation urbaine

Qursquoapporte ce point agrave la deacutemonstration passeacutee de la dynamique croissante de seacutegreacutegation

sociale et urbaine qui est agrave lrsquoorigine du deacuteclin social des grands ensembles Au regard de

lrsquoampleur du Programme national de reacutenovation urbaine (PNRU) tant en termes financiers

qursquoen termes drsquoespace et de temps consideacutereacute cette action du deacutebut du XXIe illustre le

caractegravere fondamentalement politique de la seacutegreacutegation urbaine agrave partir drsquoune action deacutegageacutee

de toute intention volontaire dans ce sens et qui en produit neacuteanmoins faute de prise en

compte des effets pervers pourtant connaissables Elle fait suite et se deacuteploie en parallegravele aux

diverses interventions drsquoordre multiple techniques physiques spatiales sociales et fiscales

qui sont appliqueacutees sur les territoires des grands ensembles stigmatiseacutes depuis plus de trente

ans (Steacutebeacute Marchal 2008)

Dans leur ensemble celles-ci tentent drsquoapporter des reacuteponses et des solutions aux critiques

sociales et savantes qui concernent leur deacutegradation Il srsquoagit ici de rappeler quel est lrsquoobjectif

poursuivi de ces interventions et notamment celles qui avec un contenu urbain sont

appliqueacutees dans les zones de releacutegation spatiale tout en soulignant en quoi cet objectif

confine agrave une illusion de la capaciteacute de lrsquoaction spatiale agrave produire des effets sociaux qui ne

sont pas reacutealiseacutes par des mesures politiques drsquoordre eacuteconomique et social

Agrave partir des anneacutees 1970 divers dispositifs ont eacuteteacute mis en œuvre pour revaloriser socio-

eacuteconomiquement et symboliquement ces espaces afin notamment drsquoy attirer les classes

moyennes programme laquo Habitat et vie sociale raquo par la commission ministeacuterielle du mecircme

nom laquo Banlieues 89 raquo pour le droit agrave la beauteacute urbaine pour tous les habitants et aussi

proceacutedures de laquo Deacuteveloppement social des quartiers raquo inspireacute du deacuteveloppement eacuteconomique

local en milieu rural avec la promotion de lrsquoauto-deacuteveloppement et de la deacutemocratisation de

la gestion de la ville eacutelargie agrave des actions diverses sur la composition sociale du peuplement

lrsquoaction socio-eacuteducative lrsquoanimation et la preacutevention de la deacutelinquance ainsi que lrsquoinsertion

socioprofessionnelle

En 1988 avec un bilan constatant lrsquoeffet de stigmatisation territoriale de ces proceacutedures qui

aggrave la marginalisation des zones drsquohabitat et des habitants concerneacutes (sans compter la

complexiteacute organisationnelle et lrsquoimpreacutecision des objectifs par leur multipliciteacute) le dispositif

gouvernemental srsquoest transformeacute en laquo deacuteveloppement social urbain raquo il srsquoagissait en theacuteorie

et au deacutepart de deacutevelopper des actions au niveau des agglomeacuterations drsquoappartenance des

507507

zones en deacuteclin et non plus seulement au seul niveau des laquo quartiers raquo comme dans les anneacutees

1980 La creacuteation du ministegravere de la Ville en 1990 a consacreacute cette monteacutee en puissance des

moyens des domaines institutionnels et des peacuterimegravetres drsquoaction de lrsquoEacutetat

En plus de la valorisation des laquo quartiers raquo comme axe drsquoaction historique sont viseacutees les

pratiques seacutegreacutegatives hors de ceux-ci dans les agglomeacuterations drsquoappartenance (transport en

commun localisation des activiteacutes eacuteconomiques sociales et culturelleshellip) Le problegraveme est

que ce changement drsquoeacutechelle nrsquoest pas accompagneacute de meacutethodes approprieacutees puisqursquoil ne peut

y ecirctre appliqueacutee lrsquoanimation socioculturelle qui correspond agrave des petits peacuterimegravetres drsquoespaces

reacutesidentiels cette approche dite drsquolaquo action sociale globale raquo dans les collectiviteacutes locales

concerneacutees eacutetait impulseacutee degraves la fin des anneacutees 1960 par des hauts-fonctionnaires

reacuteformateurs chreacutetiens-sociaux et des acteurs syndicalistes plutocirct reacutevolutionnaires afin

drsquoagir contre lrsquoexclusion et la deacutegradation du lien social (Chevalier 2005) La probleacutematique

des relations sociales entre individus groupes et institutions de mecircmes quartiers ne srsquoassimile

pas agrave celle des pratiques seacutegreacutegatives mises en œuvre agrave lrsquoeacutechelon supeacuterieur des

agglomeacuterations

Ce dernier axe a donc eacuteteacute en deacutefinitive peu investi en comparaison avec les actions dans les

laquo quartiers raquo en raison drsquooptions meacutethodologiques pris par Jean-Marie Delarue le deacuteleacutegueacute

interministeacuteriel agrave la Ville nommeacute en 1991 selon un consensus intellectuel avec le champ des

reacuteformateurs sociaux inteacuteresseacutes par cette politique qui excluait toute action sur les

meacutecanismes structurels lieacutes au conflit de classes ou au monde du travail Des chercheurs

journalistes hauts-fonctionnaires et responsables politiques associatifs et sociaux srsquoeacutetaient

en effet retrouveacute au tournant des anneacutees 1990 autour de la revue Esprit et de lrsquo laquo eacutecole

tourainienne raquo centreacutee sur le paradigme de lrsquoexclusion sociale dans le champ de lrsquohabitat agrave

penser le deacutepassement de la question de lrsquointeacutegration eacuteconomique (Tissot 2007)

En mecircme temps des travaux de statisticiens de lrsquoINSEE dans les directions reacutegionales mais

aussi agrave la direction geacuteneacuterale au deacutebut des anneacutees 1990 avaient expeacuterimenteacute la cateacutegorisation

statistique des laquo quartiers raquo pour finir par lrsquoabandonner faute drsquointeacuterecirct ou de sens explicite

pour lrsquoanalyse de la pauvreteacute ou des ineacutegaliteacutes sociales Lrsquoapproche initiale consistant agrave

localiser les pauvres pour connaicirctre leurs conditions de vie notamment leur environnement

social et geacuteographique dont leur cadre drsquohabitat avait deacuteriveacutee vers une analyse de lrsquoeacutetat

sociodeacutemographique drsquoentiteacutes territoriales deacutenommeacutees laquo quartier raquo en standardisant des

indicateurs drsquoeacutevaluation permettant de deacutefinir des eacutecarts relatifs agrave la moyenne des villes

508508

Malgreacute cette impasse intellectuelle lrsquoorientation laquo quartiers raquo de lrsquoaction sociale vis-agrave-vis des

pauvres srsquoest renforceacutee selon la dynamique de rationalisation impulseacutee par les responsables

de cette politiques dans les anneacutees 1990 Les programmes nationaux de renouvellement urbain

(1999) et de reacutenovation urbaine (2003) ont accentueacute cette deacutemarche afin de reacutehabiliter etou

de deacutemolir les immeubles les plus contesteacutes pour creacuteer de nouvelles possibiliteacutes

drsquoameacutenagement des lieux De ce fait les travaux de valorisation urbaine de secteurs deacutelimiteacutes

et creacuteeacutes par les pouvoirs publics ont contredit lrsquoattente de leur laquo deacutesenclavement raquo en

marquant agrave lrsquoinverse un certain handicap territorial surtout si les points de vue des habitants

ont eacuteteacute neacutegligeacutes comme dans les deacutemarches similaires passeacutees de reacutehabilitation et de

reacutenovation dans les anneacutees 1960 puis 1990

Les risques drsquoeffets pervers de stigmatisation se sont donc renforceacutes sauf eacutevidemment lorsque

les deacutemolitions vident les lieux de la population laquo indeacutesirable raquo supprimant ainsi le stigmate

des lieux (Faure 2006) Cependant la dispersion des plus pauvres agrave reloger en prioriteacute sur

drsquoautres secteurs de logements reacutehabiliteacutes ou construits ce qui constitue drsquoailleurs un aveu

drsquoeacutechec pour la politique de la ville qui existe depuis plus de trente ans est source

drsquoexacerbation de tensions sociales avec la perception de cette prioriteacute comme une

provocation par les autres personnes en difficulteacutes de logement Enfin et surtout

lrsquoinachegravevement devenu laquo traditionnel raquo de ce type drsquoopeacuterations notamment de construction de

logements pour les plus pauvres rajoute de lrsquoeacutetrangeteacute et des doutes au sentiment

drsquoinefficaciteacute lieacute au coucirct important et agrave la dimension spectaculaire de ces opeacuterations

Plus globalement agrave lrsquoinstar de lrsquoanimation sociale promue depuis les anneacutees 1960 pour palier

les insuffisances de vie communautaire lieacutees aux conditions mateacuterielles et sociales drsquohabitat

ce type drsquointervention urbaine se base sur des scheacutemas de perception anciens concernant les

questions sociales de la part des deacutecideurs et du milieu des organismes professionnels

drsquohabitat social Lrsquoinsistance agrave promouvoir la notion de mixiteacute sociale pour justifier le besoin

et lrsquoobjectif de ces opeacuterations en est une nette illustration Il est vrai que cette question de la

mixiteacute dans les situations urbaines et leur repreacutesentation sociale nrsquoest pas nouvelle

Pour rappel (Steacutebeacute Marchal 2008) le logement social institutionnaliseacute par les pouvoirs

publics agrave la fin du XIXe siegravecle portait deacutejagrave un ideacuteal de mixiteacute sociale Plus tard degraves les anneacutees

1960 la speacutecialisation sociale du peuplement des grands ensembles drsquohabitation a engendreacute

une forte reacuteaction sociale mais aussi politico-administrative comme vu plus haut en

reacutefeacuterence agrave cette notion La plupart des discours officiels ont critiqueacute la seacutegreacutegation en marche

509509

agrave lrsquoorigine des pheacutenomegravenes drsquohomogeacuteneacuteisation sociale par le bas Les mesures preacuteconiseacutees

restent cependant des domaines urbanistiques et du logement sans effet net sur lrsquointeacutegration

sociale des meacutenages victimes du chocircmage des seacuteparations familiales et du manque de

qualification

Par exemple pour introduire de la mixiteacute sociale dans ces espaces le ministre de

lrsquoEacutequipement Chalandon au Congregraves HLM de 1968 avait annonceacute la fin du controcircle sur

lrsquoarchitecture et le retour de la reacutehabilitation selon lrsquourbanisme classique (et notamment les

rues) En 1969 un concours de maisons individuelles avait drsquoailleurs enteacuterineacute cette fin du

laquo tout collectif raquo preacutefigurant la politique de lrsquoaccession en peacuteriubain et la fonction drsquoaccueil

des plus pauvres dans les grands ensembles Degraves la circulaire du 30 novembre 1971 relative

aux formes drsquourbanisation adapteacutees aux villes moyennes lrsquoarrecirct des grands ensembles sur le

plan du bacircti a eacuteteacute deacutecideacute et la circulaire du 15 deacutecembre de la mecircme anneacutee a renieacute

formellement le dogme fonctionnaliste pour les raisons proches des critiques preacutesenteacutees plus

haut nociviteacute de la rigiditeacute des plans reacutepeacutetition monotone des structures architecturales

agressiviteacute de tours ou de barres deacutemesureacutees impersonnaliteacute des faccedilades absence de lieux de

rencontre et pauvreteacute des espaces communs

Le discours du ministre Guichard agrave lrsquoAssembleacutee nationale en 1973 appuya cette

condamnation du fonctionnalisme (laquo blocs fonctionnels pauvres appauvrissant lrsquohomme raquo)

ayant creacuteeacute des structures urbaines laquo deacuteformantes raquo comme les citeacutes ouvriegraveres les quartiers

HLM et les banlieues reacutesidentielles laquo lieux drsquoapprentissage de la seacutecession sociale raquo Il y

prononccedila lrsquoexpression laquo droit agrave la ville raquo en reacutefeacuterence agrave lrsquoouvrage drsquoHenri Lefebvre (1968)

portant ce titre Dans cette perspective la circulaire du 21 mars 1973 laquo relative aux formes

drsquourbanisation dites lsquogrands ensemblesrsquo et agrave la lutte contre la seacutegreacutegation sociale dans

lrsquohabitat raquo preacutesenta deux objectifs le controcircle des conditions de formation des peuplements

de ces ensembles et lrsquoextension agrave lrsquoensemble des agglomeacuterations de lrsquoarrecirct complet des

constructions de ce type Neacuteanmoins dans la reacutealiteacute socio-eacuteconomique des quartiers ou villes

fonctionnalistes se construisirent encore quelques anneacutees plus tard comme agrave Sarcelles

jusqursquoen 1976 et Les Ulis jusqursquoen 1981 (fin du mandat de la socieacuteteacute drsquoeacuteconomie mixte en

charge des opeacuterations)

La suite de cet eacutepisode srsquoengagea avec la volonteacute de mieux reacutepartir lrsquohabitat social dans les

agglomeacuterations et drsquoeacutequilibrer son peuplement Trois dispositions reacuteglementaires dans ce

sens sans fortes contraintes furent eacutemises dans la circulaire du 3 mars 1977 relative au

laquo fonctionnement du groupe interministeacuteriel Habitat et vie sociale raquo il srsquoagissait drsquoabord de

510510

reacuteformer la politique drsquoattribution dans les agglomeacuterations puis drsquoeacutetablir eacutegalement une

convention Eacutetat et Union des organismes HLM (UNFOHLM) visant agrave reacuteorienter les deacutecisions

drsquoattribution pour une reacutepartition plus eacutequilibreacutee des familles en difficulteacutes dans le parc HLM

et enfin de creacuteer des laquo opeacuterations programmeacutees drsquoameacutelioration de lrsquohabitat raquo dans le secteur

priveacute

Globalement crsquoest agrave la mixiteacute sociale dont il est fait appel comme objectif mais aussi comme

moyen de reacuteduire les problegravemes sociaux Ainsi lrsquoapparition dans les discours politiques et

meacutediatiques de la mixiteacute comme neacutecessiteacute tient agrave ce que des configurations urbaines

preacuteceacutedemment produites ont pu preacutesenter une reacuteduction de cette vocation tant originelle que

mythique de la ville agrave savoir le rassemblement drsquohabitants de cateacutegories diffeacuterentes (Eleb

Violeau 2008) ces situations inspirent une crainte sur le plan sociopolitique en ce qursquoelles

concreacutetisent le risque de deacutefaut de socialisation urbaine ou drsquourbaniteacute Les opeacuterations

drsquourbanisme fonctionnaliste sont alors critiqueacutees par lrsquoeffet drsquoaccentuation des seacuteparations

socio-spatiales qursquoont geacuteneacutereacute les flux de releacutegation en leur sein de population en difficulteacutes

sociales

Depuis les anneacutees 1980 cet objectif de mixiteacute sociale est devenu un axe majeur des politiques

contre toute forme drsquoexclusion urbaine et sociale un principe de reacuteorganisation urbaine

(Marchal Steacutebeacute 2007) Et pourtant son appreacuteciation est difficile sur un territoire car elle

suppose un seuil de proportion normatif qui deacutepend du niveau drsquoobservation retenu (Epstein

Kirszbaum 2003) par exemple la mixiteacute peut ecirctre assureacutee dans une agglomeacuteration alors

qursquoune forte seacutegreacutegation aux eacutechelles infeacuterieures peut seacutevir La mixiteacute preacutesente donc un ideacuteal

de quartier ou de ville socialement diversifieacutee sans preacutecision dans les textes leacutegislatifs sur la

proportion et la nature des cateacutegories sociales des seuils et des eacutechelles geacuteographiques

(Leleacutevrier 2005) Ce qui ne signifie pas que cela soit une situation sociale irreacutealiste et non

souhaiteacutee bien au contraire

En effet malgreacute cette difficulteacute drsquoappreacutehension concregravete la mixiteacute sociale a une longue

histoire dans les villes europeacuteennes (Eleb Violeau 2008) agrave chaque grande peacuteriode de

lrsquohistoire urbaine correspondent drsquoailleurs des types drsquohabitat qui composent des formes

speacutecifiques de mixiteacute au sens de proximiteacute entre habitants de niveaux de cateacutegories de

statuts voire de classes sociales distincts Ainsi agrave lrsquoinstar de Simmel (1894) qui indique que

lrsquooccurrence des pheacutenomegravenes sociaux ne deacutepend pas uniquement de la quantiteacute des uniteacutes

sociales qui y prennent part mais aussi de leur qualiteacute et de leurs relations on peut soutenir

que lrsquoimpreacutecision quantitative quant au nombre drsquouniteacutes de chaque cateacutegorie sociale ou au

511511

nombre des diffeacuterentes cateacutegories sociales en preacutesence dans un espace reacutesidentiel

(groupement drsquoimmeubles voire immeuble) nrsquoest pas plus deacuteterminante que lrsquoexistence

objective drsquoune diversiteacute de statuts et de revenus des meacutenages qui permettent agrave une vie

sociale de se deacutevelopper La qualiteacute drsquoune vie sociale dans un milieu socialement diversifieacute

peut-ecirctre perccedilue et rechercheacutee indeacutependamment de la possibiliteacute drsquoen deacutefinir avec exactitude

des proportions de cateacutegories ou des seuils (Jacob 1991)

Les eacutetapes de la mixiteacute sociale dans lrsquohistoire urbaine occidentale montrent drsquoailleurs que

celle-ci se preacutepare et neacutecessite des conditions sociales drsquoacceptabiliteacute auxquelles porter

attention agrave chaque projet urbain et architectural (Eleb Violeau 2008) Tout drsquoabord la mixiteacute

est agenceacutee par des dispositions architecturales internes agrave certains immeubles maisons de

ville du Moyen-acircge hocirctels particuliers aristocratiques du XVIIe siegravecle immeubles collectifs agrave

structure tripartite au XVIIIe siegravecle (soubassement quatre eacutetages carreacutes couronnement

mansardeacute) ou encore immeubles haussmanniens du XIXe siegravecle Cependant ces derniers

marquent le deacutebut de lrsquohomogeacuteneacuteisation sociale de lrsquooccupation des immeubles en en

distinguant trois types pour chaque classe sociale avec des dispositifs architecturaux

correspondant aux modes de vie preacutesumeacutes de celle-ci Des gravures analogues agrave leurs

diffeacuterentes faccedilades banalisaient pourtant lrsquoexistence du meacutelange social dans les rues Ainsi la

mixiteacute sociale dans les villes europeacuteennes eacutetait traditionnellement preacutesente et jusqursquoagrave une

peacuteriode preacutesente dans la plupart des territoires urbains agrave lrsquoeacutechelle plus large de lrsquohabitat avec

plusieurs immeubles plus ou moins regroupeacutes ou seacutepareacutes de bacirctiments et drsquoeacuteleacutements urbains

fonctionnels (cours rues commerceshellip)

Cependant avec la croissance deacutemographique et la diversification sociale des meacutetiers et des

positions les proximiteacutes sociales ont pour des raisons identitaires et de distinction sociale

engendreacute des reacuteactions de distanciation et drsquoexacerbation des diffeacuterences sociales Elles ont

deacutetermineacute le deacutebut de la seacutegreacutegation geacuteographique (Eleb et Violeau 2008) au XIXe siegravecle

avec la creacuteation des quartiers neufs plus homogegravenes dans lrsquoouest parisien destineacutes aux plus

riches bien que les immeubles reproduisaient en partie le dispositif haussmannien de mixiteacute

entre le rez-de-chausseacutee et le couronnement drsquoun cocircteacute et les eacutetages courants de lrsquoautre cocircteacute

qui preacutesentaient des logements plus identiques

De mecircme toujours agrave Paris les destructions drsquoimmeubles et de quartiers taudis ou encore mi-

bourgeois et mi-ouvriers nrsquoont constitueacute qursquoune acceacuteleacuteration momentaneacutee des processus de

deacuteplacement des populations vers la peacuteripheacuterie de la ville (Faure 2008) les citadins ont

plutocirct preacutesenteacute une forte capaciteacute de reacutesistance et drsquoadaptation aux plans drsquoameacutenagement

512512

selon leurs propres inteacuterecircts avec certains quartiers centraux qui sont resteacutes industrieux et

certains laquo nids raquo de marginaliteacute ont subsisteacute Les deacuteparts ne se sont pas faits par la hausse des

loyers mais plutocirct faute drsquoemploi et drsquoactiviteacute agrave proximiteacute Ainsi les actions et les situations

de seacuteparation spatiale nette des cateacutegories sociales sont toujours parcellaires et incomplegravetes

Au XXe siegravecle si la programmation architecturale et urbaine de la mixiteacute sociale dans

lrsquohabitat srsquoest poursuivie crsquoest de plus en plus nettement dans des cadres limiteacutes de

variabiliteacute des revenus et de statuts immeubles de logements hieacuterarchiseacutes drsquoemployeacutes et

drsquoouvriers comme ceux du Groupe des Maisons ouvriegraveres (1908) meacutelange de types

drsquoappartement dans des immeubles mecircme de luxe dans des beaux quartiers bien eacutequipeacutes et

enfin juxtaposition drsquoimmeubles de populations diffeacuterentes dans les grands ensembles

drsquohabitation sociale et parfois priveacutee lrsquohomogeacuteneacuteisation des structures de logement assurant

la rentabilisation Crsquoest pourquoi le plus souvent les conceptions architecturales srsquoefforcent de

produire des faccedilades masquant les diffeacuterences de cateacutegories drsquoimmeubles eacutevitant de deacutevoiler

le statut ou la position sociale des habitants Par exemple lrsquoobjectif de la loi fonciegravere de 1967

creacuteant les zones drsquoameacutenagement concerteacutees (ZAC) eacutetait bien de creacuteer des ensembles

coheacuterents drsquoimmeubles de cateacutegories diffeacuterentes en signature proportion et mode de

financement pour des cateacutegories sociales distinctes

Ainsi en France la tradition urbaine agrave la mixiteacute preacutedomine elle constitue un vecteur de

construction mais aussi de deacutefinition identitaire par comparaison et classement et indique

offrir des perspectives de changement de mobiliteacute et de projection sociale Cependant cette

tradition est apparue comme socialement vivable au sens premier de possibiliteacute de la vivre

dans les conditions drsquoune proximiteacute de valeurs etou de mode de vie Eleb et Violeau (2008)

rapportent des enquecirctes sur des programmes architecturaux innovants en la matiegravere la bonne

entente et le plaisir de pouvoir se reconnaicirctre mutuellement sont deacuteterminants pour que se

reacutealisent des processus drsquoacculturation en fonction de lrsquohistoire sociale des personnes de leur

acircge et de leur situation familiale et professionnelle ces critegraveres sont neacutecessaires agrave la creacuteation

drsquoun modus vivendi selon des normes consensuelles drsquousages collectifs En fait les relations

drsquoentraide et amicales deacutepassent les classements sociaux quand ceux-ci ne sont pas trop

extrecircmes

Ces eacuteleacutements historiques ne rendent alors pas surprenant que depuis les anneacutees 1970

(Marchal Steacutebeacute 2007 2008) soit reacuteguliegraverement entonneacute lrsquoobjectif de brassage des

composantes physiques et sociales de la ville comme condition drsquoune laquo coheacutesion sociale et

territoriale raquo voire drsquo laquo eacutequiteacute territoriale raquo selon le texte de la loi du 1er aoucirct 2003 lanccedilant le

513513

programme national de reacutenovation urbaine Mecircme si la notion de mixiteacute sociale nrsquoest jamais

deacutefinie le discours politique le met particuliegraverement en avant pour les territoires pauvres

notamment les grands quartiers drsquohabitat social dans le champ de la politique de la ville agrave des

fins de normalisation des zones urbaines sensibles selon les eacutecarts agrave lrsquoenvironnement il srsquoagit

de reacuteduire la surrepreacutesentation des pauvres des ouvriers des employeacutes et des personnes

inactives voire des personnes issues de lrsquoimmigration

Le but de la reacutenovation est alors de contrer les effets du fonctionnalisme des anneacutees 1955-

1975 alors que celui-ci visait la mixiteacute dans lrsquohabitat selon une repreacutesentation urbaine

utopique des anneacutees 1930 diffuseacutee dans la Charte drsquoAthegravenes de 1936 du mouvement

drsquoarchitecture moderne Il a eacuteteacute vu plus haut les raisons pour lesquelles cet habitat ne

convenait pas aux classes moyennes du fait de ces deacutefauts conceptuels des malfaccedilons et des

problegravemes de gestion ainsi que drsquoune trop forte rupture avec lrsquoespace les formes et les modes

de vie urbain Par le vide drsquoactiviteacutes et drsquoeacutequipements des espaces exteacuterieurs le repli

contraignant de la sociabiliteacute dans les parties communes des immeubles drsquohabitation ne

pouvait susciter que des eacutevitements avec la promiscuiteacute des voisinages Le deacutepart massif des

classes moyennes degraves que de nouveaux produits reacutesidentiels ont eacuteteacute construits montrent agrave quel

point cet habitat ne correspondait pas agrave leurs aspirations

Pour reacuteagir agrave cette eacutevolution si les textes des lois laquo anti-ghettos raquo de 1991 (loi drsquoOrientation

pour la ville) et 2000 (loi Solidariteacute et renouvellement urbains) ne deacutefinissent pas la mixiteacute

sociale ils srsquoaccordent neacuteanmoins sur la neacutecessiteacute drsquoeacuteviter lrsquohomogeacuteneacuteiteacute sociale des espaces

du fait des conseacutequences neacutefastes pour les populations reflet des ineacutegaliteacutes sociales elle les

accentue par la stigmatisation et lrsquoineacutegaliteacute territoriale induites et par le deacuteveloppement de

problegravemes sociaux Les lois eacutevoquent le laquo deacuteseacutequilibre raquo la laquo concentration raquo ou encore le

risque de laquo ghettoiumlsation raquo des quartiers Cette rheacutetorique du ghetto dans le discours politique

agrave lrsquoeffet de dramatisation des situations tend aussi agrave condamner les regroupements

reacutesidentiels drsquoimmigreacutes consideacutereacutes comme abusifs ce qui participe de la stigmatisation

territoriale

En outre ces regroupements entraveraient la cohabitation des reacutesidents des quartiers avec

ceux des autres quartiers en deacutepassant un certain seuil drsquoacceptabiliteacute notamment en ce qui

concerne la preacutesence immigreacutee pour le coup tregraves heacuteteacuterogegravene Pour Epstein et Kirszbaum

(2003) la crainte des effets laquo pathogegravenes raquo de la concentration territoriale des pauvres et des

minoriteacutes ethno-raciales constitue le fondement ideacuteologique des politiques de mixiteacute

reacutesidentielle Mais ce scheacutema interpreacutetatif que suggegravere ce reacutefeacuterentiel outre la menace

514514

symbolique agrave lrsquoordre reacutepublicain que produit la visibiliteacute des minoriteacutes ethniques par leur

regroupement spatial ne se meacuteprend-il sur la nature des facteurs de deacuteviance des jeunes et des

tensions de voisinage moins que drsquoune strateacutegie de classe etou drsquoune deacutetermination ethno-

raciale agrave se regrouper et agrave srsquoopposer agrave la socieacuteteacute franccedilaise les ressorts des conduites

transgressives et subversives actuelles sont davantage lieacutes aux effets de lrsquoexclusion sociale et

eacuteconomique ainsi que parfois par des comportements clairement racistes et xeacutenophobes

La loi drsquoOrientation et de programmation sur la ville et la reacutenovation urbaine du 1er aoucirct

2003 affiche cette mecircme rheacutetorique de la mixiteacute suggeacuterant un eacutetat drsquoeacutequilibre ideacuteal des

populations (acircges sexes classes sociales cultureshellip) en opposition avec la notion de

seacutegreacutegation elle serait la garantie de laquo lrsquoharmonie sociale raquo permettant drsquoatteacutenuer tout agrave la

fois la deacutelinquance et lrsquoeacutechec scolaire et drsquoeacuteviter les replis communautaires (Marchal Steacutebeacute

2007 p 98-100) Lrsquoideacutee sous-jacente illusion urbanistique selon Christine Leleacutevrier (2005)

est que le meacutelange reacutesidentiel favoriserait la diffusion des normes sociales des groupes

inteacutegreacutes ce qui faciliterait lrsquointeacutegration des exclus et des preacutecaires et reacutesoudrait les questions

sociales

Il est ici inverseacute le rapport de causaliteacute probable entre les deux pheacutenomegravenes lrsquointeacutegration

constitue effectivement une condition de la mixiteacute sociale en procurant agrave diffeacuterentes

cateacutegories sociales des eacutecarts reacuteduits de niveaux de vie la possibiliteacute drsquoune certaine proximiteacute

de normes et de valeurs entre elles ainsi qursquoun potentiel de reconnaissance mutuelle et de

coproduction de regravegles de cohabitation cependant la mixiteacute organiseacutee sous la contrainte nrsquoa

aucun effet sur lrsquointeacutegration surtout lorsque les groupes sociaux divergent dans leur niveau

culturel et leur mode de vie et mecircme dans leur rapport agrave la socieacuteteacute en raison de la preacutecariteacute et

de lrsquoexclusion socio-eacuteconomiques qui engendrent des antagonismes plus ou moins eacuteleveacutes agrave

ses valeurs et agrave ses normes Ce problegraveme est reacuteel alors mecircme que des groupes inteacutegreacutes par leur

insertion dans lrsquoactiviteacute eacuteconomique mais de positions leacutegegraverement diffeacuterentes entre eux au

sein des couches populaires peuvent manifester une forte virulence dans leurs rapports de

cohabitation (Clavel 1998)

La notion de mixiteacute est alors ambigueuml car elle se preacutesente agrave la fois comme un moyen de

reacuteduction des problegravemes sociaux et des stigmates territoriaux et comme une fin ou un ideacuteal de

socieacuteteacute urbaine locale harmonieuse Lrsquoorientation politique des travaux de reacutenovation dans ce

sens reflegravete certainement lrsquointeacuterecirct speacutecifique des bailleurs et des communes qui en cherchant

agrave preacuteserver les secteurs qui laquo fonctionnent bien raquo peuvent ecirctre ameneacutes par endroit agrave refuser la

preacutesence de familles pauvres grandes et immigreacutees et agrave les destiner systeacutematiquement aux

515515

immeubles deacutegradeacutes La quecircte drsquoeacutequilibre local entraicircne le risque drsquooublier le reste des parcs

de logement notamment les secteurs plus sociaux dans les agglomeacuterations (Leleacutevrier 2005)

Quoiqursquoil en soit la mixiteacute sociale a une place preacutepondeacuterante dans les politiques urbaines et

trois modaliteacutes de sa mise en œuvre sont geacuteneacuteralement engageacutees (Marchal Steacutebeacute 2007) en

oubliant toujours la condition drsquointeacutegration des groupes en preacutesence la diversification du

peuplement des ensembles immobiliers sociaux lrsquoextension spatiale du logement social par

la construction drsquoimmeubles HLM ou le report de leurs locataires dans le secteur priveacute

drsquoautres quartiers reacutesidentiels des agglomeacuterations et enfin la reacutenovation urbaine des secteurs

drsquohabitat social notamment les grands ensembles

La diversification du peuplement des grands ensembles est reacutealiseacutee agrave partir des anneacutees

1980 selon deux types de mesure de controcircle de lrsquoattribution des logements sociaux par les

bailleurs et les institutions partenaires (Eacutetat collectiviteacutes locales autres reacuteservataires HLM)

Le premier se reacutefegravere agrave des expeacuterimentations locales visant au laquo reacuteeacutequilibrage social du parc

HLM raquo consacreacutees par la loi Besson du 31 mai 1990 relative agrave la mise en œuvre du droit au

logement il srsquoagit drsquoeacutetablir dans des protocoles drsquooccupation du patrimoine social (POPS)

des objectifs chiffreacutes de logement dans le parc social des personnes et des familles

deacutefavoriseacutees non seulement dans chaque quartier mais aussi dans chaque commune et chaque

deacutepartement

Par la suite agrave la fin des anneacutees 1990 avec la loi relative agrave la lutte contre les exclusions du 29

juillet 1998 les POPS sont remplaceacutes par des accords collectifs deacutepartementaux comportant

des objectifs chiffreacutes drsquoaccueil des familles deacutefavoriseacutees dans le respect de lrsquoobjectif de

laquo mixiteacute sociale des villes et des quartiers raquo En outre la loi a consacreacute un autre type de

mesure pour controcircler lrsquoeacutevolution du peuplement la hausse des plafonds de ressources afin

de maintenir les meacutenages laquo moyens raquo dans le parc social ce qui rejoint lrsquoexoneacuteration des

surloyers dans les zones urbaines sensibles deacutefinies par le Pacte de relance pour la ville de

1996 En termes de bilan cette orientation srsquoest heurteacutee aux proceacutedures drsquoattribution des

logements sociaux neacutegocieacutees localement lrsquoideacuteal de mixiteacute a pu par endroit apparaicirctre comme

un principe supeacuterieur au droit au logement Comment faciliter lrsquoaccegraves des meacutenages

laquo indeacutesirables raquo aux secteurs laquo proteacutegeacutes raquo du parc HLM tout en eacutevitant leur concentration

dans les secteurs plus deacutevaloriseacutes

La deuxiegraveme modaliteacute de meacutelange social des espaces drsquohabitat est la construction de

logements sociaux dans les communes qui en ont peu ou encore le report sur le marcheacute priveacute

516516

drsquoune partie des locataires du parc social solution peu envisageacutee en France La mixiteacute peut

drsquoabord srsquoatteindre avec lrsquoextension de lrsquoimplantation du logement social dans les

agglomeacuterations Crsquoest la loi drsquoorientation pour la Ville (LOV) du 13 juillet 1991 qui porte

cette orientation tout en constituant un acte de deacutecegraves officiel des ZUP lrsquoobjectif de

coexistence de diverses cateacutegories sociales dans chaque agglomeacuteration au nom du laquo droit agrave la

ville raquo est affirmeacute

La mixiteacute est inciteacutee sous lrsquoangle de la diversification des types drsquohabitat agrave lrsquoeacutechelle des

agglomeacuterations et des communes Deux obligations sont eacutedicteacutees la reacutealisation de logements

sociaux dans les communes drsquoagglomeacuterations de plus de 200 000 habitants dont le parc de

logements en comporte moins de 20 (ou moins de 18 de beacuteneacuteficiaires drsquoaide agrave la

personne ce qui revient agrave prendre en compte le parc social de fait dans le secteur priveacute) et

lrsquoobligation drsquoeacutelaboration des Plans locaux pour lrsquohabitat (PLH) institueacutes en 1983 et

facultatifs jusqursquoalors avec une contribution financiegravere annuelle pour les communes ne

reacutealisant pas de constructions minimales fixeacutees par la loi (verseacutee agrave un organisme chargeacute de

proceacuteder agrave des acquisitions fonciegraveres et immobiliegraveres ou de construire des logements sociaux

sous le controcircle du preacutefet)

La leacutegislation qui a suivi dans ce domaine a eacutevolueacute en alternant assouplissement et

renforcement de la coercition tout en maintenant le principe central de mixiteacute sociale par la

construction nouvelle de logements sociaux En effet la loi du 21 janvier 1995 relative agrave la

diversiteacute de lrsquohabitat a drsquoabord assoupli ces dispositions drsquoune part les obligations ont eacuteteacute

imposeacutees aux seules communes de plus de 3 500 habitants avec une extension des cateacutegories

de logements sociaux pour appreacutecier lrsquoeffort de construction des communes et drsquoautre part le

domaine drsquoutilisation de la contribution financiegravere a eacuteteacute eacutelargie Ensuite la loi Solidariteacute et

renouvellement urbain (SRU) du 13 deacutecembre 2000 est revenue sur la coercition en la

renforccedilant avec une sanction du deacuteficit de logements sociaux non plus subordonneacutee agrave

lrsquoexistence drsquoun PLH car sa creacuteation peut ecirctre ralentie mais calculeacutee sur le nombre de

logements sociaux manquant chaque anneacutee Ce texte a eacutelargi le champ drsquoapplication agrave de

nouvelles communes celles de plus de 3 500 habitants ndash 1 500 en Icircle-de-France ndash dans les

agglomeacuterations de plus de 50 000 habitants

Le champ des logements consideacutereacutes est eacutelargi il y a les logements dits laquo conventionneacutes raquo

crsquoest-agrave-dire percevant une aide agrave la construction (y compris donc une partie du parc priveacute) le

parc HLM construit avant la reacuteforme du logement de 1977 et le patrimoine agrave vocation sociale

de certaines socieacuteteacutes non HLM (socieacuteteacutes issues des activiteacutes miniegraveres socieacuteteacutes immobiliegraveres

517517

518518

des DOM) Les places de logement dans les foyers conventionneacutes et les centres

drsquoheacutebergement et de reacuteadaptation sociale sont prises en compte trois places correspondant agrave

un logement Le deacutenombrement de ces logements fait lrsquoobjet drsquoune proceacutedure contradictoire

annuelle entre le preacutefet et les communes

Le problegraveme est que depuis 2000 les gouvernements et certains parlementaires conservateurs

de centre-droit et chreacutetiens-deacutemocrates ont passeacute des mesures assouplissant ces dispositions

de la loi SRU drsquoabord la loi de programmation pour la coheacutesion sociale du 18 janvier 2005 a

donneacute la possibiliteacute agrave certains maires dans le cadre dune communauteacute dagglomeacuteration de

laquo deacuteplacer raquo de lhabitat social dune commune vers une autre dans le cas dune commune au-

dessus du quota des 20 vers une commune en deccedilagrave ensuite apregraves une premiegravere tentative

en 2006 la loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre lexclusion

a autoriseacute la comptabilisation de lrsquohabitat en accession aideacutee agrave la proprieacuteteacute et non plus le seul

logement social113

Enfin la troisiegraveme modaliteacute drsquoinstauration de la mixiteacute sociale est la transformation des

secteurs drsquohabitat social et notamment des grands ensembles Il srsquoagit de reacuteduire le poids du

logement social dans les quartiers et drsquoaccroicirctre leur attractiviteacute Crsquoest agrave ce niveau que sont

mises en œuvre les opeacuterations de reacutehabilitation et de reacutenovation urbaine Il srsquoagit drsquointroduire

une diversiteacute drsquohabitat pour constituer des laquo quartiers comme les autres raquo afin drsquoy enraciner

ou accueillir des laquo petits meacutenages salarieacutes stables raquo et de freiner lrsquoarriveacutee de populations non

deacutesireacutees Il est aussi viseacute de favoriser en aval des parcours reacutesidentiels entre les immeubles

sociaux et le reste des agglomeacuterations gracircce au reacuteeacutequilibrage du parc de logements agrave cette

eacutechelle Pour atteindre un laquo eacutequilibre social raquo de ce type de quartier il est engageacute une

mutation radicale de la fonction drsquoaccueil de populations pauvres et immigreacutees en les

diversifiant laquo par le haut raquo et en diminuant voire en eacuteradiquant le parc social jugeacute obsolegravete

En 1992 deacutejagrave une douzaine de Grands projets urbains agrave titre expeacuterimental fut lanceacutee Puis en

1999 un Programme national de renouvellement urbain est entrepris avec 50 Grands projets

de ville 30 Opeacuterations de renouvellement urbain augmenteacutees de 40 suppleacutementaires en 2001

Ce sont des opeacuterations lourdes et spectaculaires avec des financements importants pour les

reacutehabilitations les deacutemolitions les constructions nouvelles ainsi que des interventions sur les

coproprieacuteteacutes deacutegradeacutees

113 Contributeurs de Wikipeacutedia Loi relative agrave la solidariteacute et au renouvellement urbains Wikipeacutedia lencyclopeacutedie libre [Page consulteacutee le 22 feacutevrier 2011]

Agrave la diffeacuterence des grandes opeacuterations de reacutenovation des anneacutees 1960 il est offert et garanti

aux habitants de rester sur place si souhaiteacute En outre la logique de transformation des

quartiers pour accroicirctre leur attractiviteacute par la rupture avec la mono-fonctionnaliteacute

reacutesidentielle ndash pour leur laquo banalisation urbaine raquo nrsquooublie pas non plus la mixiteacute des

fonctions urbaines en y inteacutegrant des eacutequipements et des services Lrsquoobjectif vise tant agrave

reacutetablir de lrsquourbaniteacute dans ces espaces que de les ouvrir au reste des villes en reacuteduisant les

effets de coupure et de deacutesenclavement et en permettant le ralliement des groupes sociaux

modestes dans les espaces publics et centraux des agglomeacuterations

Les opeacuterations meneacutees dans le cadre du Programme national de reacutenovation urbaine depuis

2003 dans les communes de grands ensembles de lrsquoeacutechantillon illustrent ces traits Mises agrave

part Fareacutebersviller et Bagnols-sur-Cegraveze qui nrsquoont pas engageacute de projets les diffeacuterentes

opeacuterations preacutesenteacutees recouvrent toutes un champ varieacute drsquoactions visant agrave accroicirctre

lrsquoattractiviteacute notamment reacutesidentielle par le laquo remodelage et le mixage de la morphologie

urbaine raquo comme lrsquoeacutevoque un document projet de la Ville de Pierrelatte

Des principes et des aspects communs agrave presque tous les projets des communes sont mis en

application Mecircme si des besoins speacutecifiques de chaque site paraissent respecteacutes un mecircme

scheacutema de doctrine urbaine semble ecirctre agrave lrsquoœuvre la mise en valeur de centraliteacutes

fonctionnelles existantes et la creacuteation de nouvelles avec une requalification des secteurs

drsquohabitat Dans les deux types drsquoespace (centre et habitat) il est indiqueacute proceacuteder selon les

mecircmes meacutethodes drsquoune part la reacutehabilitation et la reacutesidentialisation de certains immeubles

deacutegradeacutes et la diversification des types et des formes drsquoimmeubles par deacutemolition -

construction afin de deacuteconcentrer le logement social dans certains secteurs et le reacutepartir dans

drsquoautres et drsquoautre part lrsquoameacutenagement des espaces publics exteacuterieurs ou de voierie

Cependant les faibles quantiteacutes relatives drsquouniteacutes de logement construites et deacutemolies par

rapport aux parcs de logement existant (cf tableau 39 ci-dessous) reacutevegravelent des opeacuterations de

laquo reacutenovation quasi agrave lrsquoidentique raquo ce que souligne drsquoailleurs les segments plus importants en

geacuteneacuteral consacreacutes aux logements reacutehabiliteacutes La majoriteacute des communes cinq ont preacutevu de

deacutemolir entre 17 (Rillieux-la-Pape) et 38 (Pierrelatte) de leur parc de logements avec

trois communes entre 3 et 4 Pierrelatte (38 ) Les Ulis (31 ) et Mourenx (32 )

Seule la commune de Behren-legraves-Forbach preacutesente une part de pregraves de 15 (148 ) avec

ces 500 logements preacutevus agrave la deacutemolition Ces chiffres sont dans la tendance geacuteneacuterale puisque

par exemple la reacutenovation des Minguettes agrave Veacutenissieux concerne 3 de logements agrave deacutemolir

519519

(710 logements sur 23 070 en 2006) avec un peu plus agrave construire Autre exemple Vaulx-en-

Velin les deacutemolitions concernent 55 de logements (843 sur 15 153 en 2006)

Tableau 39 ndash Indications sur les projets de reacutenovation urbaine des communes de grands

ensembles eacutetudieacutees dans lrsquoeacutechantillon comparatif (volet Habitat des projets)

Communes

Nbre logements 2006

Logements agrave deacutemolir

parc de logements

Logements agrave construire

Solde deacutemolitions -constructions

parc de logements

Logements reacutehabiliteacutes

Logementslaquo reacutesiden-tialiseacutes raquo

Pierrelatte 5 721 220 38 320 100 + 17 - - Les Ulis 9 179 282 31 700 + 418 + 45 675 1 734 Behren-legraves-Forbach

3 497 500 148 338 - 162 - 46 1 440 -

Mourenx 3 393 108 32 116 + 8 + 02 909 149 Rillieux-la-Pape

11 809 200 17 225 + 25 + 02 977 -

Sources Documents programmatiques des communes les chiffres sont parfois approximatifs

Avec un nombre somme toute assez limiteacute de logements preacutevus agrave la construction en raison du

temps et des moyens neacutecessaires le solde des deacutemolitions et des constructions preacutevues

constitue un apport plutocirct faible voire une diminution du volume de logements par rapport

aux parcs de logements existants en 2006 (reacutesidences principales plus logements occasionnels

et vacants) pour Behren avec plus de deacutemolition que de construction ce solde reacuteduit de 46

le niveau des logements deux communes frisent la stagnation (autour des 0 ) Mourenx

et Rillieux Pierrelatte nrsquoen est pas loin non plus son solde forme une hausse de 17 de son

parc de logements

Les Ulis preacutesente avec son programme de 700 logements agrave construire un solde preacutevisible de

418 logements suppleacutementaires soit une hausse de 47 des logements en 2006 Crsquoest la

seule opeacuteration avec un solde de hausse un peu eacuteleveacutee Parmi les deux autres communes citeacutes

en plus de lrsquoeacutechantillon eacutetudieacute (Veacutenissieux et Vaulx-en-Velin) Vaulx-en-Velin est tout de

mecircme agrave + 76 car un important contingent de construction est preacutevu (1 157 logements)

alors que le projet de Veacutenissieux comporte une hausse finale de 03 de son parc preacuteexistant

Ainsi la densification deacutemographique dans la reacutenovation urbaine nrsquoest pas perccedilue comme

facteur ou une condition de deacuteveloppement de lrsquourbaniteacute des communes Ce nrsquoest pas un

objectif explicite au service de la dynamisation et de lrsquoattractiviteacute des communes En fait

520520

mecircme aux Ulis la hausse du nombre de logements ne garantit pas la hausse deacutemographique

puisque la population connaicirct une baisse deacutemographique avec une deacutedensification des

logements au regard des eacutevolutions 1999-2006 des nombres de reacutesidence principale et de

population municipale (respectivement 0 et - 52 aux Ulis) si laquo toute chose eacutegale par

ailleurs raquo lrsquoeffet de lrsquoopeacuteration de reacutenovation urbaine sur la population reacutesidente ne sera pas

neacutecessairement une croissance quantitative celle-ci peut rester stable voire continuer agrave

leacutegegraverement deacutecroicirctre si le nombre drsquooccupants des nouveaux logements ne compensent pas la

baisse deacutemographique lieacutee agrave la deacutedensification des meacutenages

Cette projection deacutepend de lrsquoeacutevolution drsquoun grand nombre de paramegravetres taux de vacance

taille des logements neufs et des meacutenages occupants solde naturel des populations (deacutecegraves

naissances) et des migrations reacutesidentielles rythme de deacutecohabitation des enfants acircgeacutes ou

encore possibiliteacute drsquoautres projets de construction drsquoimmeubles collectifs ou individuels sur le

territoire

Si ce nrsquoest sur la densification des logements et de la population les projets misent sur la

diversification fonctionnelle et le soutien aux activiteacutes eacuteconomiques drsquoordre secondaire

(commerces de proximiteacute) pour augmenter lrsquoattractiviteacute et la dynamique urbaine des

communes Parfois ce but paraicirct difficile agrave atteindre comme agrave Mourenx ougrave la mairie eacutevoque

des reacuteameacutenagements de places et une diversification de certains secteurs (avec la deacutemolition

et la construction de bacirctiments) mais pas de restructuration viaire explicite Cela sera-t-il

suffisant pour favoriser les flux Cet axe est pourtant assez commun aux diverses opeacuterations

de reacutenovation urbaine pour la hausse des circulations et des liaisons aux restes des villes

comme signe de deacutesenclavement geacuteographique Il est vrai qursquoil ne peut seul contribuer agrave la

modification des flux

La question principale nrsquoest-elle pas de savoir si la hausse de lrsquoattractiviteacute et celle des flux de

freacutequentation des espaces constituent des leviers de modification des situations des habitants

en difficulteacutes ainsi que des repreacutesentations neacutegatives agrave lrsquoencontre de leur habitat Ces

interventions de vitalisation urbaine apportent-elles un changement des conditions sociales et

eacuteconomiques de vie des habitants et notamment des jeunes en insertion Il est en fait certain

que des eacutequipements culturels comme un projet de cineacutema ou socio-sanitaires comme un

pocircle santeacute preacutesenteacutes pour diversifier lrsquooffre fonctionnelle dans une commune ne pourront pas

reacutepondre au problegraveme central de reacuteussite scolaire et drsquoaccegraves au travail stable des moins

qualifieacutes La frustration lieacutee aux eacutechecs et au rejet les sentiments drsquoexclusion ou de

discrimination agrave lrsquoorigine des dynamiques de deacutelinquance et des tensions relationnelles ne

521521

peuvent se dissiper sans srsquoassurer de la participation des inteacuteresseacutes agrave ces projets en termes

drsquoemploi ou de perspectives drsquoemploi via la formation pour y acceacuteder

Au passage il faut indiquer que cette strateacutegie rejoint en partie celle de lrsquourbanisation de la

peacuteripheacuterie parisienne des anneacutees 1960 avec le Plan drsquoAmeacutenagement et drsquoOrganisation

Geacuteneacuterale de la reacutegion parisienne (PADOG) commenceacute en 1960 puis le Scheacutema Directeur

drsquoAmeacutenagement et drsquoUrbanisme de la Reacutegion parisienne (SDAURP) de 1965 agrave 1969 qui

entreprirent lrsquoeacutequilibrage de la vie sociale en banlieue par la densification et la diversification

fonctionnelle de lrsquoespace et par la creacuteation de centraliteacutes agrave petites eacutechelles Les reacutesultats ne

furent efficaces que lorsque la mono-fonctionnaliteacute reacutesidentielle mais aussi commerciale fut

suffisamment diversifieacutee Car les notions de laquo centre urbain raquo et de laquo pocircle restructurateur raquo

recouvraient des travaux tregraves diffeacuterents dont certains se traduisaient par la seacuteparation des

fonctions et la preacutedominance drsquoune mono-fonctionnaliteacute (Rousset-Deschamps 1974)

La laquo puissance inteacutegratrice raquo sur le plan social de ces centres urbains mecircme intermeacutediaires se

manifestait agrave une peacuteriode de moindre chocircmage et de stabiliteacute eacuteconomique des meacutenages et des

actifs lorsqursquoils eacutetaient situeacutes proches de lrsquoagglomeacuteration et lorsqursquoils assuraient la

copreacutesence de plusieurs fonctions (services artisanats production de biens en petites uniteacutes)

avec des eacutequipements collectifs publics ou priveacutes agrave large ouverture pour des flux de

freacutequentation importants Ces centres sont en outre des lieux privileacutegieacutes de la reconnaissance

drsquoune collectiviteacute sociale en plus de lrsquoanimation qursquoentraicircnent les flux de produits et de

personnes

Avec la situation eacuteconomique et sociale drsquoensemble la reacutenovation contemporaine des

quartiers de grands ensembles posent deux types de problegravemes lrsquoillusion de la reacutegulation

sociale voire de lrsquointeacutegration sociale par la seule transformation spatiale sans changement

significatif sur le plan des fonctions urbaines mais aussi de lrsquointeacutegration sociale des habitants

concerneacutes et lrsquoeffet pervers de transformation de la situation de seacutegreacutegation subie par les

habitants en de nouvelles situations seacutegreacutegatives diffeacuterentes dans de nouveaux espaces

reacutesidentiels voire sur le mecircme site de reacutenovation

Dans un premier temps la reacutenovation urbaine veacutehicule souvent une croyance en des vertus

theacuterapeutiques de la transformation urbaine sur les comportements des meacutenages et la

reacutegulation des questions sociales notamment avec la laquo reacutesidentialisation raquo des immeubles et

groupes drsquoimmeubles de logements sociaux (clocircture et seacutecurisation clarification des statuts

des sols par rapport au domaine publique et aux coproprieacuteteacutes) ou encore la deacutemolition de tours

522522

denses et concentreacutees surtout en nombre de familles immigreacutees Ces reacuteponses ne sont pas

forceacutement adapteacutees ou du moins pas les seules envisageables Drsquoabord parce que srsquoil apparaicirct

agrave beaucoup qursquoil est impossible de tout conserver il reste aussi peu concevable qursquoil faille

tout deacutetruire en raison de la crise du logement notamment et en se rappelant que des grands

ensembles en coproprieacuteteacute fonctionnent bien (Fortin 2010 Leacuteger 2010)

Surtout les projets de reacutenovation sont certainement illusionneacutes par un effet dynamisant sur les

espaces et leurs habitants de travaux ayant un objectif de diversiteacute et de vitaliteacute urbaine Par

exemple certains architectes (Fortin 2010) eacutevoquent la laquo reconstruction raquo des grands

ensembles ou leur reacutenovation laquo critique raquo en conservant leurs eacuteleacutements de permanence

(respect des traces construites) tout en concevant de nouveaux espaces publics mis en valeur

pour geacuteneacuterer des interactions sociales alors mecircme que le caractegravere laquo sans lieux ni bornes raquo de

cette forme urbaine est preacuteserveacute Il srsquoagirait en fait aussi de rompre symboliquement avec le

principe naturaliste de conception des grands ensembles (Tufano 2010) crsquoest-agrave-dire la

situation de lrsquohabitat au sein de la laquo Nature raquo bienfaitrice que repreacutesentent les espaces vides

libres et verts en leur sein et aux alentours non sans volonteacute moralisatrice de rappeler agrave

lrsquoHomme sa finitude face aux vastes eacutetendues de la nature sans marques drsquoappropriation par

celui-ci (jardins parcs fermeacutes espaces agricoles)

Cependant sans inteacutegration sociale reacuteelle des habitants sans accroissement de la densiteacute

deacutemographique et drsquoimmeubles de types et de statuts varieacutes et sans implantation nette des

autres grandes fonctions urbaines (travail eacutechanges loisirs) les territoires de grands

ensembles parviendront-ils agrave la dynamique urbaine viseacutee Rien nrsquoest moins sucircr

Lrsquoameacutenagement spatial ne suffit pas agrave susciter lrsquoenvie de contacts sociaux dans un contexte

de seacutegreacutegation sociale reacutepandue comme lrsquoindique deuxiegraveme type de problegravemes poseacute par la

reacutenovation urbaine concernant lrsquoeacutemergence de nouvelles micro-seacutegreacutegations dans les espaces

urbains environnants par un laquo effet plumeau raquo pour deacutesigner la dispersion des meacutenages

preacutecaires dans plusieurs secteurs drsquohabitat eacutegalement deacutevaloriseacutes mais de plus petite taille ougrave

ils srsquoy forment des petites concentrations de preacutecaires et drsquoexclus

Pour ces meacutenages lrsquoaccegraves au reste plus stable du parc social reste fermeacute car comme eacutevoqueacute

plus haut les relogements se heurtent encore souvent agrave la logique de laquo preacuteservation raquo des

immeubles et des quartiers qui laquo fonctionnent bien raquo sans problegraveme de gestion en raison drsquoun

peuplement laquo eacutequilibreacute raquo crsquoest-agrave-dire le plus souvent qui ne comportent pas de grandes

familles en difficulteacutes (Leleacutevrier 2004) Ainsi il apparaicirct plus difficile que les annonces le

laissent supposer drsquoorganiser le meacutelange des diffeacuterentes cateacutegories sociales dans les diffeacuterents

523523

quartiers reacutesidentiels des villes Lrsquoobjectif de mixiteacute apparaicirct alors comme une rheacutetorique non

suivie drsquoeffets reacuteels dans la pratique

Plus globalement quelle que soit la meacutethode de mixiteacute mise en œuvre (diversification par les

attributions de logement extension spatiale du logement social dans des espaces sans parc

HLM reacutenovation urbaine) les reacutesultats sont majoritairement deacutecevants et contre-productifs

car plusieurs effets pervers se sont deacuteveloppeacutes (Steacutebeacute Marchal 2009) 1 des pratiques

seacutegreacutegatives continues de la part des bailleurs sociaux concernant la gestion du peuplement de

leur patrimoine en appliquant des quotas raciaux etou ethniques drsquoeacutetrangers ou encore

eacuteconomiques (revenus) pour rester proche de moyennes nationales ce qui empecircche les

familles eacutetrangegraveres etou les plus pauvres et en difficulteacutes sociales drsquoacceacuteder aux logements

sociaux 2 la diffusion drsquoune attitude seacutegreacutegative au sein de la population contrainte de

cohabiter avec des groupes sociaux relogeacutes notamment autour des quelques poches de

pauvreteacute et de regroupement des laquo cas sociaux raquo dans des segments de parcs de logements

sacrifieacutes agrave cet effet et 3 des effets drsquo laquo invisibilisation raquo de la dimension identitaire et

culturelle des individus mais aussi de deacuteni de la conflictualiteacute sociale entre groupes

antagonistes

Tous ces effets contribuent agrave faire vivre difficilement les changements reacutesidentiels aux

habitants concerneacutes Lrsquoeacutechec des tentatives preacuteceacutedentes dans lrsquohistoire urbaine de

rapprochement volontariste de groupes ne deacutesirant pas cohabiter du fait de valeurs et de

trajectoires divergentes semble avoir eacuteteacute oublieacute En outre la reacuteduction mythique de la

laquo mixiteacute plurielle raquo de la complexiteacute sociale agrave ses seules caracteacuteristiques eacuteconomiques au

deacutetriment des autres traits identitaires accentue les risques de survenue des effets pervers des

opeacuterations indiqueacutees ci-dessus

En fait les raisons drsquoeacutechec preacutedominant des opeacuterations de reacutenovation urbaine comme des

autres deacutemarches de mixiteacute sociale se trouvent dans la double contrainte qui les caracteacuterise

drsquoune part les preacutefeacuterences propres des meacutenages et drsquoautre part la logique des systegravemes

locaux drsquoacteurs Il apparaicirct drsquoabord quasi-geacuteneacuteraliseacute que les preacutefeacuterences des meacutenages ne

constituent que dans tregraves peu de cas une reacutefeacuterence pour les politiques urbaines de mixiteacute des

quartiers sociaux en raison de lrsquoabsence de mouvement social ou de repreacutesentation politique

organiseacutee des habitants des quartiers Mecircme plus ceux-lagrave ne vivent pas toujours comme une

contrainte le partage de caracteacuteristiques communes avec leurs voisins En effet la

speacutecialisation sociale ne constitue pas systeacutematiquement une situation neacutegative pour certains

habitants Crsquoest pourquoi contre lrsquoimposition automatique drsquoune dispersion le maintien de

524524

regroupements peut ecirctre choisi en ameacuteliorant la qualiteacute des services et du cadre de vie

(Epstein Kirszbaum 2003)

De leur cocircteacute les acteurs locaux de lrsquohabitat (organismes HLM) attribuent rarement les

logements en fonction de lrsquoobjectif de mixiteacute comme vu plus haut par crainte de

deacutestabilisation de secteurs tranquilles ils disposent de larges marges de manœuvre malgreacute

les exigences de transparence et de controcircle des attributions de logement par les mairies et

lrsquoEacutetat pour la maicirctrise des peuplements Car les eacutelus ont des strateacutegies de protection des

quartiers ou plutocirct ils suivent des logiques clienteacutelistes qui srsquoopposent agrave lrsquoarriveacutee de meacutenages

en difficulteacutes dans des secteurs tranquilles En ce qui concerne les preacutefets ceux-ci ne peuvent

imposer la mixiteacute du fait de leur position complexe dans les systegravemes locaux drsquoacteurs

soucieux drsquoarrangement et drsquoeacutevitement de conflit avec les eacutediles Plus globalement crsquoest

lrsquoensemble des agents de lrsquoEacutetat qui doute de lrsquoefficaciteacute de la mixiteacute et du modegravele

assimilationniste qui la sous-tend (dispersion spatiale et inteacutegration individuelle des

immigreacutes) crsquoest pourquoi ils ne poussent pas veacuteritablement les deacutecideurs dans ce sens

Ainsi entre des meacutenages qui ne sont pas tous demandeurs de mixiteacute et des acteurs locaux

nrsquoimposant pas la mixiteacute comme dispersion spatiale dans drsquoautres quartiers les politiques de

mixiteacute sociale ne srsquoappliquent pas franchement et font plutocirct la part belle aux effets pervers

drsquoune part la discrimination indirecte croissante des immigreacutes selon des critegraveres comme

laquo familles nombreuses raquo ou laquo mode de vie diffeacuterent raquo ils peuvent parfois mecircme ecirctre perccedilus

comme une cateacutegorie agrave risque dans la gestion immobiliegravere ce qui freine objectivement leur

mobiliteacute professionnelle voire sociale drsquoautre part le faible impact de la construction de

logements HLM en secteurs valoriseacutes sur la distribution spatiale des meacutenages modestes

puisque les loyers y restent importants en raison du prix du foncier et que le coucirct de la vie

locale y est plus eacuteleveacute

Enfin faute de relocalisation sur site des logements sociaux les opeacuterations de reacutenovation

urbaine vont geacuteneacuterer des espaces drsquohabitat plus reacuteduits et disperseacutes susceptibles selon Epstein

et Kirszbaum (2003) de transformer en micro-seacutegreacutegations les grandes divisions sociales de

lrsquoespace Cependant si lrsquoon tient compte des travaux de Maurin (2002) cet effet de

substitution ne fait que srsquoinscrire dans un processus drsquoensemble le plus geacuteneacuteral crsquoest aux

eacutechelles laquo micro-locales raquo des voisinages de trente agrave quarante uniteacutes drsquohabitation que se

manifeste le plus nettement lrsquoagreacutegation des plus qualifieacutes et aiseacutes et donc la seacutegreacutegation

reacutesidentielle des plus modestes et des moins qualifieacutes

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Globalement la contrainte au brassage occultant les divisions les conflits et les divergences

sociales et culturelles dans la ville peut renforcer les classes dominantes par rapport aux

classes domineacutees qui se trouvent disperseacutees Elle reacuteduit voire empecirccherait selon Epstein et

Kirszbaum (2003) les possibiliteacutes de mouvements sociaux De ce fait la mixiteacute mise en

œuvre comme moyen drsquointeacutegration socio-territoriale plutocirct qursquoune fin ne beacuteneacuteficierait pas

aux populations deacutefavoriseacutees et agrave leur mobiliteacute sociale Cet ordre social par la diversiteacute

contrainte des gens dans les lieux porterait en lui les germes de tensions futures sauf encore

une fois agrave consideacuterer comme les eacutetudes de Maurin le montre (2002 2004) que les chances de

reacuteussite scolaire et donc drsquointeacutegration des plus jeunes de familles modestes soient plus eacuteleveacutees

dans un voisinage et des eacutecoles plus mixtes socialement

Il reste vrai cependant que lrsquoautonomie dans les parcours reacutesidentiels des parents nrsquoest

assureacutee que par lrsquoaccegraves au travail stable et reacutegulier ce qui demande des efforts tangibles de

politiques eacuteconomiques et sociales dans ce sens Sinon ce sont des tensions internes aux

familles qui vont srsquoinstaller entre les chances de reacuteussite scolaire des plus jeunes enfants et

les eacutechecs des parents et des plus grands enfants agrave la scolariteacute deacutejagrave reacutealiseacutee sans beacuteneacutefice drsquoun

environnement social drsquohabitat et de classe drsquoeacutecole tregraves favorable Car effectivement la

stagnation de lrsquoexclusion ou de la preacutecariteacute socio-eacuteconomique des parents suite aux

opeacuterations de reacutenovation est aveacutereacutee dans le cas du principal programme de revalorisation des

grands ensembles deacutegradeacutes aux Eacutetats-Unis (programme HOPE VI) les parcours et

comportements en termes drsquoinsertion socio-eacuteconomique et drsquointeacutegration des normes sociales

ne se sont pas ameacutelioreacutes (Kirszbaum 2008) Difficile dans ce cas drsquoassurer un investissement

scolaire suffisant pour les enfants qui risquent de rencontrer des problegravemes de suivi de

scolariteacute et de rejet par rapport aux autres enfants de parents plus inteacutegreacutes voire plus aiseacutes

Par ailleurs les programmes de reacutenovation urbaine comportent un autre risque important de

reacuteduction du parc de logements abordables pour les plus en difficulteacutes sociales ce que montre

aussi le cas nord ameacutericain (Kirszbaum 2008) Cette reacuteduction de lrsquooffre de logements

abordables aggrave leur situation sur les marcheacutes immobiliers en contradiction avec toutes les

dispositions leacutegislatives de droit au logement et tous les objectifs drsquointeacutegration et de

promotion des groupes minoritaires Ce reacutesultat est lieacute agrave lrsquoincapaciteacute de coordination de la

part des opeacuterateurs des deacutemolitions avec la restitution drsquoune offre sociale satisfaisante

Il existe donc des conditions neacutecessaires agrave la reacuteussite des deacutemarches de mixiteacute selon

Kirszbaum (2008) le souci drsquoeacutequiteacute vis-agrave-vis des habitants en difficulteacutes sociales et surtout

lrsquoadaptation en but et en meacutethode agrave chaque contexte particulier Plusieurs modaliteacutes de

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reacutenovation sont alors souhaitables lier lrsquoaction sur la seacutegreacutegation urbaine agrave lrsquoaction sur la

seacutegreacutegation scolaire srsquoassurer de lrsquoeacutequiteacute fiscale entre les communes permettre

lrsquoengagement civique des classes moyennes valoriser lrsquoimage de soi des habitants permettre

des choix drsquoimplantation aux habitants qui en ont le moins en conciliant des reacuteponses au

souhait de vie dans un quartier bien reacuteputeacute et lrsquoaspiration agrave en changer Une telle reacutenovation

eacutequitable ne peut se faire qursquoavec lrsquoapplication de projets penseacutes et mise en œuvre par les

habitants et non une simple association agrave des projets deacutejagrave monteacutes selon des proceacutedures mal

geacutereacutes sur le plan du rocircle donneacute aux habitants de leur organisation globale et du deacuteroulement

des eacutechanges lors des rencontres

Cette approche demande de se deacutepartir de la recherche exclusive drsquoattraction des cateacutegories

supeacuterieures dans les quartiers pauvres pour se focaliser sur lrsquoeacutegaliteacute des chances agrave donner agrave

chacun Cet appel agrave la reacutenovation laquo douce raquo et social converge avec le plaidoyer pour une

transformation mesureacutee des villes de Jacobs (1991) afin drsquoeacuteviter leur basculement dans

lrsquoasphyxie et le deacuteclin que risquent de geacuteneacuterer deux types drsquoorientation drsquoune part la

planification et lrsquoameacutenagement urbain de grande envergure faisant table rase des fonctions

passeacutees et drsquoautre part une programmation oubliant les critegraveres drsquourbaniteacute des villes comme

la diversiteacute sociale et des fonctions la densiteacute deacutemographique la copreacutesence de types et de

cateacutegories drsquoimmeubles variables et le maillage en petites rues croiseacutees autour des blocs

drsquoimmeubles pour multiplier les circulations internes

Ainsi si la seacutegreacutegation procegravede drsquoun processus social de marquage spatial des individus

entraicircnant leur discrimination sociale diverse il apparaicirct que les logiques sociales de

seacutegreacutegation reacutesidentielle observables ne sont pas supprimeacutees avec des deacutemarches de

reacutenovation urbaine puisque 1 le stigmate spatial que portent les habitants subsiste voire est

accentueacute pour les sites viseacutes 2 le parc de logements abordables se restreint et 3 en grande

partie les difficulteacutes drsquointeacutegration des adultes actifs et des parents ne sont pas ameacutelioreacutees sans

politiques sociales drsquoaccegraves au travail efficientes

Les risques de rejet de la part des voisinages nouveaux de classes moyennes voire supeacuterieures

sont eacuteleveacutees et donc les conduites de seacutegreacutegation sociale dans la sociabiliteacute les usages et les

lieux de socialisation locaux Cette forme drsquointervention sur le bacircti pour controcircler et modifier

le peuplement des grandes zones drsquohabitat deacutegradeacutees comporte un travers assez geacuteneacuteraliseacute de

reacuteduction des individus aux caracteacuteristiques de lrsquoespace en pensant ameacuteliorer les conditions

de vie des premiers par la transformation de ce dernier (Brun 2008)

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Cette repreacutesentation concerne drsquoailleurs les dimensions tant physique et mateacuterielle que social

de lrsquoespace avec la recherche de preacutesence des cateacutegories sociales moyennes pour des

pratiques et des usages sociaux plus valoriseacutes Ce sont bien ces cateacutegories qui sont censeacutees par

leur preacutesence garantir la gentrification des lieux et leur mixiteacute sociale avec un effet attendu

quasi-meacutecanique drsquoune meilleure vie pour les pauvres sans prendre en compte les

pheacutenomegravenes de seacutegreacutegation sociale ni celui de lrsquointeacutegration socio-eacuteconomique qui srsquoeffectue

indeacutependamment du voisinage reacutesidentiel sauf en ce qui concerne le stigmate territorial

eacuteventuel

Crsquoest justement sur cet effet stigmatisant des repreacutesentations socio-urbaines neacutegatives que

lrsquoEacutetat central et les repreacutesentants locaux doivent agir puisque la seacutegreacutegation sociale

notamment urbaine touche des centaines de milliers drsquohabitants qui ne sont pas tous des

deacutelinquants tout en eacutetant victimes de meacutecanismes macro et micro sociaux drsquoexclusion et de

seacutegreacutegation qui les deacutepassent Ces processus minent la coheacutesion drsquoensemble de la socieacuteteacute Il

apparaicirct en outre que restent insuffisantes voire inefficaces les tentatives de prolonger les

meacutethodes de deacuteveloppement social valables pour lrsquoanimation de peuplements composeacutes de

meacutenages certes peu en relation entre eux mais inteacutegreacutes agrave la socieacuteteacute ou encore les mesures de

localisation des activiteacutes eacuteconomiques agrave proximiteacute ou au cœur des secteurs drsquohabitation de

pauvres car ne pouvant absorber toutes les cateacutegories drsquoactifs preacutesentes notamment du fait

drsquoun manque de qualification

En outre lrsquoaction eacutetatique de reacutenovation destineacutee agrave supprimer ou agrave atteacutenuer les stigmates

eacutecologiques des zones stigmatiseacutees tant sur les plans physiques et spatiaux que sociaux

nrsquoatteint pas les deacuteterminants et les effets sociaux de lrsquoexclusion sociale et de la seacutegreacutegation

socio-spatiale excepteacute en ce qui concerne les conseacutequences neacutegatives de la socialisation des

enfants dans les contextes speacutecifiques de grande concentration de populations preacutecaires

Enfin par leur seacuteparation spatiale dans le cadre de relogements celles-ci perdent la possibiliteacute

de deacutevelopper des mobilisations collectives fortes aupregraves des pouvoirs publics pour atteacutenuer

leurs difficulteacutes de conditions de vie ou favoriser leur inteacutegration sociale

En conclusion de cette derniegravere partie de notre thegravese il a pu ecirctre identifieacute les principaux

deacuteterminants des caractegraveres de preacutecariteacute et de violence qui marquent une grande partie de

lrsquoeacutevolution des peuplements et des usages sociaux des sites et plus globalement des

communes de grands ensembles selon un processus de ghettoiumlsation ou de deacuteclin social

urbain La deacutegradation la deacutevalorisation et finalement la seacutegreacutegation sociale de ce type

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drsquohabitat reacutesidentiel du deacutebut de leur livraison agrave nos jours malgreacute une politique explicite

drsquointerventions sur les plans physiques et sociaux proviennent drsquoabord des caracteacuteristiques

formelles et mateacuterielles des constructions lieacutees agrave un processus socio-historiquement situeacute En

outre lrsquoeacutevolution de cet habitat vers la fonction sociale preacutedominante dans les espaces

urbains drsquoaccueil des meacutenages en difficulteacutes sociales montre le facteur politique de la gestion

institutionnelle des grands ensembles et des autres aspects des politiques sociales urbaines et

du logement en accord avec la dimension seacutegreacutegative croissante des rapports sociaux

globaux Ce qui explique la faible valeur sociale des territoires concerneacutes dans le systegraveme

eacutevolutif des espaces reacutesidentiels des agglomeacuterations contemporaines

Lrsquoattitude progressivement ou plus rapidement deacutefavorable des couches moyennes voire

modestes stables vis-agrave-vis des grands ensembles nrsquoest pas lieacutee au seul deacuteveloppement de

nouveaux produits reacutesidentiels (immeubles collectifs et maisons individuelles priveacutes) qui leur

correspondent davantage sur le plan fonctionnel et qualitatif avec des niveaux de finition de

confort et de gestion supeacuterieurs ainsi qursquoen raison de lrsquoaccegraves au statut drsquoacceacutedant agrave la

proprieacuteteacute favoriseacute par la hausse des niveaux de vie Cette conduite est en fait une conseacutequence

drsquoune disposition psychosociologique qui srsquoest aviveacutee avec le contexte eacuteconomique et social

jusqursquoagrave nos jours la seacutegreacutegation de groupes urbains estimeacutes en position sociale infeacuterieure agrave

soi dans la compeacutetition pour lrsquoaccegraves aux meilleures places sociales et urbaines mais aussi

pour la garantie drsquoun regroupement affinitaire apportant ressources sociales et eacuteconomiques

importantes pour la participation agrave la sphegravere productive

Cette attitude srsquoest geacuteneacuteraliseacutee avec la gestion politique libeacuterale du processus de

mondialisation eacuteconomique par les eacutelites qui ont reporteacute sur les actifs employeacutes par leur

preacutecarisation eacuteconomique et sociale les incertitudes des marcheacutes eacuteconomiques auxquels sont

confronteacutees les entreprises Certaines places valoriseacutees tant dans la sphegravere de production que

dans celle de reproduction sociale sont ainsi moins stables moins accessibles plus

eacutepheacutemegraveres et plus disputeacutees De mecircme la lutte sociale pour les positions exeacutecutives valoriseacutees

dans les services srsquoest accrue au sein du monde ouvrier employeacute et des cateacutegories

intermeacutediaires notamment techniciennes avec un fort chocircmage lieacute agrave la deacutesindustrialisation

par le jeu des deacutelocalisations et des importations de produits concurrents aux coucircts non

majoreacutes par des taxes douaniegraveres

Quasiment toutes les cateacutegories de lrsquoeacutechelle sociale peuvent se sentir menaceacutees par le

cocirctoiement de celles estimeacutees infeacuterieures pour deux raisons compleacutementaires la premiegravere

raison est la crainte de la dissolution identitaire par la perte de reacuteseaux de relations et le

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changement drsquoun mode de vie qui garantissaient les ressources socioculturelles pour lrsquoaccegraves

aux places convoiteacutees et le maintien aux positions sociales souhaiteacutees dans cette perspective

le domaine reacutesidentiel a endosseacute le rocircle drsquoespace support et promoteur de relations sociales agrave

une fin identitaire que la sphegravere du travail nrsquoassure plus comme auparavant avec la

geacuteneacuteralisation de la preacutecariteacute professionnelle la deuxiegraveme raison est le risque de deacutefaut de

socialisation des enfants ndash dans les relations scolaires et extrascolaires notamment de

voisinage ndash pouvant compromettre les deacutesirs de parcours scolaires et drsquoeacutetudes drsquoaccegraves aux

statuts et aux positions sociales prestigieuses

Globalement cette eacutevolution sociale a geacuteneacutereacute de lrsquoanxieacuteteacute face au risque de chocircmage et du

repli identitaire entre cateacutegories les plus qualifieacutees Ce systegraveme drsquoorganisation sociale est agrave la

base de la geacuteneacuteralisation des processus de seacutegreacutegation sociale et spatiale qui se produisent

dans chaque contexte sociogeacuteographique selon les cateacutegories sociales en preacutesence En effet la

dynamique historique depuis le XIXe siegravecle de la seacuteparation geacuteographique de lrsquoespace

reacutesidentiel des cateacutegories supeacuterieures drsquoaffaires deacutejagrave en rupture avec la mixiteacute sociale

traditionnelle des quartiers des villes occidentales srsquoest trouveacutee accentueacutee et modifieacutee sous

lrsquoeffet de lrsquointensification des pratiques contemporaines de seacutegreacutegation socio-spatiale elles

sont en effet en cours de geacuteneacuteralisation au sein de la classe croissante en quantiteacute de cadres

supeacuterieurs du priveacute et de cateacutegories moyennes supeacuterieures vis-agrave-vis des simples classes

moyennes et modestes et surtout des anciennes cateacutegories ouvriegraveres preacutecariseacutees en voie elles-

mecircmes de croissance quantitative La croissance de ces deux cateacutegories dans la structure

sociale et dans les espaces urbains engendre une augmentation des pratiques seacutegreacutegatives

dans tous les espaces reacutesidentiels et de leur visibiliteacute Ces pratiques de diffeacuterenciation sociale

de lrsquoespace srsquoobservent tant agrave lrsquoeacutechelle des agglomeacuterations avec les processus drsquoextension et

de croissance urbaine qui redessinent les contours des grandes divisions sociales de lrsquoespace

qursquoau niveau plus fin des communes voire de leurs quartiers et mecircme des voisinages en

tenant compte des groupes de logements de statut plutocirct homogegravene qui eacutevoluent en fonction

de lrsquoimplantation des groupes sociaux de reacutefeacuterence qui organisent leur agreacutegation et leur

ouverture aux groupes distincts Le niveau de qualification scolaire des parents dans les

familles est dans cette pratique un critegravere preacutedominant chez les cateacutegories supeacuterieures

notamment

Ce jeu de territorialisation sociale seacutelective ne srsquoest pas deacuteveloppeacute sans fortement

deacutesavantager les sites de grands ensembles mais aussi leur environnement urbain que

pratiquent leurs habitants comme les communes drsquoappartenance voire les zones urbaines

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multi-communales Lrsquoeacutevolution drsquoun peuplement vers lrsquohomogeacuteneacuteisation sociale mais aussi

vers la diversification culturelle ainsi que les problegravemes publics de violence et de

comportements socioculturels antagoniques agrave la socieacuteteacute urbaine dominante et excluante ont

geacuteneacutereacute une telle laquo cacotopie raquo agrave leur eacutegard une telle stigmatisation que dans le cadre de la

geacuteneacuteralisation drsquoune attitude seacutegreacutegative dans les rapports sociaux qui se reproduit au niveau

des politiques publiques un renforcement de la seacutegreacutegation urbaine srsquoest manifesteacute

Lrsquoinsigne spatial symbolique du grand ensemble est devenu irreacuteversiblement neacutegatif dans les

repreacutesentations sociales qui lrsquoassocient aux figures mythiques des ghettos drsquoautant plus

facilement que les autres secteurs reacutesidentiels de logement des pauvres et preacutecaires dans les

villes ndash logements sociaux logements aideacutes et heacutebergement transitoire des parcs public et

priveacute ndash se sont fortement reacuteduits voire ont pu disparaicirctre pour certains drsquoentre eux Le

regroupement spatial de meacutenages en difficulteacutes a accru lrsquooccurrence et la visibiliteacute des

conduites de violence et de transgression face agrave lrsquoordre social seacutegreacutegatif Cette visibiliteacute tend agrave

renforcer en retour les pratiques de seacutegreacutegation sociale de la part des classes urbaines

moyennes anxieuses et apeureacutees agrave lrsquoencontre des espaces concerneacutes et de leurs habitants dans

leurs pratiques sociales

Cela signifie que territoires les plus mal reacuteputeacutes des agglomeacuterations en raison de leurs

habitants en difficulteacutes sociales plus nombreux qursquoailleurs et de la violence des plus jeunes

sont le plus possible eacuteviteacutes et les habitants sont tout autant ignoreacutes et eacutecarteacutes dans les

interactions et les organisations sociales ainsi que dans les activiteacutes culturelles dominantes de

la vie urbaine Lrsquoincompreacutehension des plus rabroueacutes leur amertume voire leur haine de

lrsquoordre social de la socieacuteteacute en sont aiguiseacutees Un pheacutenomegravene de fracture sociale se produit

alors de maniegravere continue du fait de lrsquoexclusion sociale dans les pratiques urbaines que

peuvent subir des habitants aux conditions de vie socio-eacuteconomiques et culturelles deacutejagrave

preacutecaires

On peut deacuteduire de cette description que le degreacute de conscience et de volonteacute drsquoaction des

individus subissant cette expeacuterience sociale deacuteleacutetegravere deacutepend de la dureacutee pendant laquelle ils la

vivent de lrsquointensiteacute de ses modaliteacutes drsquoaccomplissement et surtout de leurs ressources

familiales et sociales pour y faire face Les reacuteactions sont multiples et les plus violentes et

deacutemonstratives relegravevent une moindre protection familiale et sociale mais aussi une nette

conscience et une moindre reacutesignation alors que certains srsquoenferment dans un

laquo individualisme neacutegatif raquo ie un passeacuteisme apregraves une longue peacuteriode de marginalisation

sociale pour qui lrsquoordre des choses dont la mauvaise reacuteputation du quartier et les actes reacuteels

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qui srsquoy deacuteroulent ne peuvent ecirctre changeacutes Drsquoautres choisissent lrsquoengagement dans un espace

culturel de vie communautaire religieuse et orthodoxe permettant de rationnaliser la situation

drsquoexclusion socio-urbaine et de trouver des ressources diverses pour y faire face

Les opeacuterations de reacutenovation urbaine qui srsquoappliquent depuis 2004 et mecircme degraves les anneacutees

1990 aux sites de grands ensembles les plus deacutevaloriseacutes tentent non sans ambiguiumlteacute de

restaurer de la mixiteacute sociale que les cateacutegories supeacuterieures ne pratiquent pourtant pas eux-

mecircmes dans leurs espaces reacutesidentiels Deacutemolir les immeubles et modifier les espaces

exteacuterieurs les plus embleacutematiques de la deacutegradation sociale et des usages deacutetourneacutes par la

jeunesse deacuteviante et protestataire entraicircnent la dispersion des familles les plus preacutecaires dans

drsquoautres segments des parcs de logement alentours Ce qui risque de seacutecreacuteter agrave terme de

nouvelles concentrations de plus petite taille de populations en difficulteacutes sociales des

nouveaux laquo nids raquo de preacutecariteacute-marginaliteacute urbaine

On saisit ici pourquoi toute politique urbaine correctrice nrsquoa drsquoeffets que partiels Tant que les

conditions sociales drsquointeacutegration au systegraveme eacuteconomique et sociale et de participation agrave la vie

sociale urbaine ne sont pas assureacutees agrave ces meacutenages ils porteront toujours le stigmate spatial

de la reacutesidence dans des zones de pauvreteacute de deacuteviance de deacutesordre et de criminaliteacute Les

fantasmes urbains lieacutes aux citeacutes-ghettos continueront agrave srsquoen alimenter de maniegravere grossiegravere

induisant ainsi agrave lrsquoencontre de leurs habitants un risque perpeacutetuel de seacutegreacutegation urbaine agrave

lrsquoopposeacute des valeurs et des normes des institutions politiques et sociales actuelles

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Communes en deacuteclin et seacutegreacutegation en hausse la logique sociale drsquoune forme drsquoineacutegaliteacute

spatiale

Soucieuse de comprendre les pheacutenomegravenes agrave lrsquoorigine de la production des problegravemes qui se

manifestent au sein et aux alentours des zones laquo sensibles raquo de grands ensembles cette

recherche doctorale a essayeacute de saisir le caractegravere singulier de ce type drsquohabitat en analysant

ses deacuteterminants et ses effets en relation avec la socieacuteteacute et plus preacuteciseacutement les rapports

sociaux globaux et ceux qui se deacuteveloppent dans les agglomeacuterations Par le croisement entre

les faits sociaux et leur cadre urbain entre le social et le spatial cette analyse srsquoinscrit dans un

type de recherches qui ne srsquoattache pas agrave lrsquoeacutechafaudage de grands modegraveles explicatifs du

deacuteveloppement urbain Il srsquoest agit plutocirct en observant les structures et les pratiques de

srsquointeacuteresser aux processus qui deacuteterminent la qualiteacute des espaces en geacuteneacuteral puisque dans le

mode de vie moderne leurs attributs physiques et sociaux deacutenotent et influencent agrave la fois

lrsquointeacutegration et la promotion sociale des individus quelle que soit la localiteacute dans lrsquoensemble

spatial consideacutereacute ici les agglomeacuterations

De ce point de vue srsquointeacuteresser agrave la marginaliteacute des grands ensembles amegravene agrave les analyser en

lien avec leurs caractegraveres constructifs et de gestion institutionnelle mais aussi en articulation

avec lrsquoeacutevolution des rapports sociaux et de leur dimension seacutegreacutegative car celle-ci se retrouve

tant dans les pratiques sociales des citadins que dans les mesures et les dispositifs

institutionnels de toute sorte (urbaines eacuteconomiques sociales culturelshellip) Elles reflegravetent les

aspirations sociales des groupes dominants dans lrsquoordre productif et social Cette recherche

reacutealiseacutee agrave partir drsquoune premiegravere commune de grand ensemble prenant en compte les

informations et les points de vue drsquoacteurs sur les situations sociales des habitants et les

rapports sociaux locaux qui srsquoy manifestent puis eacutetendue agrave un eacutechantillon de six autres

communes de ce type nous a permis de deacuteboucher sur un objet plus large et plus preacutecis agrave la

fois celui de la production sociale agrave lrsquoendroit des grands ensembles notamment des zones

franccedilaises de ghetto moderne ce dernier terme pouvant srsquoentendre comme lieu drsquoassignation

sociale des exclus et des preacutecaires socio-eacuteconomiques qui concerne une grande partie des

populations issues de lrsquoimmigration peu qualifieacutee et dont lrsquoinsuffisante prise en charge

institutionnelle drsquointeacutegration sociale contribue au deacuteveloppement drsquoinstitutions indigegravenes

autour de lrsquoeacuteconomie informelle et transgressive de la violence des rapports sociaux et de

modes traditionnalistes de reacutegulation sociale sous lrsquoeffet global des mutations de lrsquoeacuteconomie

et surtout du libeacuteralisme eacuteconomique chez les responsables de la gestion de lrsquoEacutetat

Notre investigation a ainsi convergeacute avec une des orientations des recherches urbaines

consistant agrave lrsquoeacutetude de petits espaces et de leurs dimensions multiples neacutecessitant un recours agrave

une pluraliteacute des champs de compeacutetence theacutematique Notre probleacutematique srsquoest deacuteveloppeacutee

sur le lien entre drsquoun cocircteacute les processus drsquoexclusion eacuteconomique et sociale sous de multiples

formes et notamment dans la sphegravere du travail avec une politique seacutelective de gestion de la

main drsquoœuvre qui ne srsquoembarrasse pas des surnumeacuteraires et de lrsquoautre cocircteacute le deacuteveloppement

des meacutenages en difficulteacutes sociales dans les grands ensembles en raison de la preacutecarisation

professionnelle eacuteconomique et sociale des cateacutegories de leur peuplement les moins qualifieacutees

subissant cette exclusion et de la releacutegation spatiale des meacutenages preacutecaires de leur

environnement en leur sein quel processus social cette situation reacutevegravele-t-elle pour quels

raisons et facteurs et selon quelle(s) modaliteacute(s)

Apregraves la Seconde Guerre mondiale la construction de grands espaces reacutesidentiels en de

courtes opeacuterations agrave lrsquoeacutechelle traditionnelle du deacuteveloppement des villes a pu ecirctre motiveacutee agrave

la conception par lrsquoambition de produire des laquo villes nouvelles raquo eacuteloigneacutees ou en peacuteripheacuterie

de grandes villes parfois pour en repreacutesenter un laquo noyau raquo secondaire de structuration spatiale

Ces nouveaux espaces se sont pourtant aveacutereacutes pour diverses raisons avoir eacutevolueacute de maniegravere

neacutegative peuplement de plus en plus composeacute de meacutenages de cateacutegories sociales modestes

voire moyennes et tregraves rarement supeacuterieures en tout cas en dessous des proportions moyennes

nationales niveau moyen de richesse de la population globale peu eacuteleveacute voire tregraves faible en

raison de cette structure sociale de lrsquoeacutetendue des situations de preacutecariteacute et drsquoexclusion socio-

eacuteconomique des actifs de faible qualification technique ou discrimineacutes en raison de leurs

caracteacuteristiques (jeunes acircgeacutes femmes immigreacutes) et enfin de la part de plus en plus eacuteleveacutee

des familles monoparentales pauvres faiblesse de la densification de lrsquohabitat qui laisse la

diminution structurelle de la taille des meacutenages dans le temps produire une stagnation voire

une reacuteduction de la population drsquoensemble et enfin deacuteveloppement de pheacutenomegravenes sociaux

reacuteveacutelateurs de lrsquoimportance de la preacutecariteacute sociale comme la preacutesence drsquoun important

ensemble populationnel issu de lrsquoimmigration et le deacuteveloppement de conduites violentes et

transgressives multiples et incessantes dont le trafic et lrsquousage de drogue non sans lien avec

une partie des jeunes les plus en difficulteacutes sociales et familiales

De maniegravere variable selon les contextes ces traits deacutefinissent les espaces eacutetudieacutes quelle que

soit la forme des grands ensembles et de leur place dans lrsquourbanisation des communes

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drsquoimplantation drsquoun cocircteacute un ou plusieurs grands quartiers centraux reacutesidentiels drsquoune petite

agglomeacuteration preacuteexistante (Pierrelatte Bagnols-sur-Cegraveze) drsquoun autre cocircteacute laquo villes

nouvelles raquo plus meacutelangeacutees sur le plan fonctionnel construites sur une terre vierge

drsquohabitation (Les Ulis) agrave lrsquoeacutecart drsquoun village historique (Mourenx Behren-legraves-Forbach

Fareacutebersviller) ou agglomeacuterant deux villages proches (Rilleux-la-Pape) Lrsquohistoire et lrsquoeacutetat

actuel de leurs peuplements sont varieacutes tout en concernant essentiellement les mecircmes grandes

cateacutegories sociales de population les plus modestes et moyennes excepteacute lorsque des

segments des parcs immobiliers ont eacuteteacute preacutevus pour des cateacutegories supeacuterieures habitat

majoritairement drsquoouvriers qualifieacutes ou non et employeacutes de grandes industries de lrsquoindustrie

moderne de lrsquoeacutenergie dans le Sud miniers sans qualification des bassins houillers du Nord ou

encore logements drsquoemployeacutes et de professions techniques et intermeacutediaires voire supeacuterieurs

des eacutequipements industries et activiteacutes externaliseacutes des grandes agglomeacuterations (reacutegion

parisienne agglomeacuteration lyonnaise)

Les comparaisons de donneacutees sociales concernant ces situations urbaines montrent une

diversiteacute au sein drsquoune ambiance similaire modestie des univers sociaux sur les plans des

cateacutegories socioprofessionnelles des niveaux de qualification et de richesse des meacutenages de

lrsquoinsertion dans le travail justifiant le beacuteneacutefice des mesures de protection sociale visant les

plus exclus preacutecaires et pauvres et pheacutenomegravenes de violence et drsquoinseacutecuriteacute lieacutee agrave la

deacutelinquance juveacutenile qui geacutenegravere un climat drsquoinseacutecuriteacute quotidienne plus ou moins prononceacute

selon les lieux et dans le temps agrave des degreacutes varieacutes selon diverses caracteacuteristiques des

habitants Des observations plus centreacutees sur les pratiques culturelles et la religion montrent

une forte heacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute des populations avec la preacutedominance des cultures immigreacutees

africaines antillaises (immigration inteacuterieure) et musulmanes Agrave la pluraliteacute des difficulteacutes

sociales (chocircmage sous-qualification tensions familiales pauvreteacute discriminationhellip)

srsquoajoute cette multipliciteacute culturelle aux tonaliteacutes parfois radicalement antagoniques avec les

valeurs et normes de la socieacuteteacute (en raison de diffeacuterentes formes de fondamentalisme) qui

contribuent agrave la production de communauteacutes reacutesidentielles plutocirct segmenteacutees et atomiseacutees

Lrsquoendossement de lrsquoimage du ghetto ne favorise pas au deacuteveloppement spontaneacute drsquoactes de

solidariteacute ou de lutte collective malgreacute les bonnes intentions institutionnelles de produire du

lien et de la mixiteacute sociale mais qui ne srsquoattachent pas prioritairement agrave lrsquoaccegraves agrave lrsquoemploi agrave la

formation et agrave un niveau deacutecent de protection sociale

Sur le plan local les structures eacutequipements divers et services administratifs qui sont dans les

territoires ou agrave proximiteacute autres que ceux du deacuteveloppement social ou des organismes drsquoaide

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et drsquoaction sociale sont geacuteneacuteralement deacutebordeacutes par les besoins drsquoaccompagnement et

drsquointeacutegration sociale et eacuteconomique ainsi que par le niveau quantitatif de violences multiples

des habitants Ces conduites sont drsquoailleurs geacuteneacuteralement centreacutees sur des preacutedations et des

trafics de toute sorte ainsi que sur la deacutegradation drsquoespaces et de bacirctiments publics sans

oublier les attitudes deacutemonstratives adopteacutees dans le cadre drsquoune sociabiliteacute

drsquointerconnaissance et de lrsquohonneur (de la consideacuteration drsquoexistence) qui srsquoimpose dans

lrsquoespace public entre jeunes qui srsquoy trouvent agrave la marge de leur foyer familial

Ces effets sociaux de la concentration de la misegravere contemporaine en raison de la

speacutecialisation sociale des grands ensembles au sein de leurs agglomeacuterations ou de leurs

reacutegions drsquoappartenance produisent un pheacutenomegravene de deacutegradation physique social et

symbolique des espaces ghettoiumlsation pour les secteurs de petit peacuterimegravetre comportant les

stigmates les plus aigus des difficulteacutes et tensions sociales deacuteclin social des espaces plus

larges comme les communes de grands ensembles eacutetudieacutees Dans les deux cas lrsquoespace subit

une perte de valeur en raison de la deacutegradation plus ou moins forte de ses eacuteleacutements physiques

de la structure sociale de la situation eacuteconomique et de la santeacute de sa population et enfin de

maniegravere concomitante une reacuteduction multiforme des activiteacutes institutionnelles eacuteconomiques

sociales et culturelles preacuteceacutedentes alors que les activiteacutes et les conduites transgressives et

subversives se deacuteveloppent et srsquoexpriment par endroit de maniegravere aigueuml Ce pheacutenomegravene peut

connaicirctre un rythme variable dans le temps et lrsquoespace en fonction des eacutevolutions de plusieurs

paramegravetres deacuteterminants le peuplement et sa structure sociale la gestion et les interventions

institutionnelles en faveur de lrsquoentretien et du deacuteveloppement de lrsquohabitat lrsquointeacutegration

sociale et la participation eacuteconomique des populations concerneacutees ainsi que les pratiques

sociales de lrsquoespace Dans le cadre des observations effectueacutees sur les communes de grands

ensembles il semble bien qursquoelles aient subi un deacuteclin social drsquoensemble plus ou moins

prononceacute selon des traits lieacutes agrave des agencements particuliers inheacuterents agrave leur contexte

territorial de ces diffeacuterents paramegravetres

La notion de deacuteclin social urbain complegravete les outils drsquoanalyse de lrsquoespace en eacutelargissant

lrsquoeacutechelle territoriale drsquoobservation des pheacutenomegravenes de ghettoiumlsation des laquo quartiers

sensibles raquo et en prenant en compte la nature imbriqueacutee des diffeacuterents secteurs contigus des

espaces urbains expliquant leur influence reacuteciproque en raison de leur ouverture et du partage

drsquoattributs physiques et sociaux agrave leur frontiegravere mais aussi en leur centre (mecircmes cateacutegories

de population ameacutenagements et architectures lieacutes eacutequipements communshellip) Dans ce sens

puisque les espaces publics et collectifs sont des parties essentielles du support territorial des

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ambiances urbaines ces derniegraveres peuvent srsquoeacutetendre sur des lieux bien diffeacuterents aux formes

spatiales et sociales parfois tregraves dissemblables qui peuvent mecircme inteacutegrer des enclaves

reacutesidentielles (groupes drsquoimmeubles collectifs ou lotissements de maisons individuelles

fermeacutes) dans le cadre des relations sociales et spatiales de celles-ci avec leur environnement

En raison de la convergence des situations sociales observeacutees les facteurs et les modaliteacutes

deacuteterminantes de celles-ci sont neacutecessairement globaux et transversaux malgreacute des

caracteacuteristiques locales drsquoordre geacuteographique eacuteconomique social et culturel bien diffeacuterentes

Il y a drsquoabord un mecircme mode eacutetatique de production urbaine et drsquohabitat inspireacute de lrsquoideacuteologie

du mouvement moderne drsquoarchitecture et drsquourbanisme fonctionnaliste des anneacutees 1920-1940

La politique de construction massive de logements dans les anneacutees 1950-1970 en a eacuteteacute un

domaine drsquoapplication non pas des plus fidegraveles aux principes de la Charte drsquoAthegravenes de 1933

mais plus souvent caricatural et neacutegligeacute La seacuteparation ideacuteale des fonctions dans lrsquoespace

(travail habitation loisirs circulation) ne signifiant pas radicaliteacute pratique de sa mise en

œuvre et il nrsquoa jamais eacuteteacute professeacute la faiblesse des qualiteacutes mateacuterielles conceptuelles et de

gestion des bacirctiments construits et des espaces ameacutenageacutes justifieacutee parfois par un caractegravere

transitoire attribueacute agrave ces produits selon une logique industrielle drsquoobsolescence rapide (une

geacuteneacuteration) correspondante agrave lrsquoesprit du temps Des conditions historiques eacuteclairent sur cet

eacutetat de production une prise en charge sans preacuteceacutedent des importants besoins en matiegravere de

logement apregraves-guerre en se centrant sur les logements collectifs sociaux neacutecessitant de

modifier les conditions juridiques institutionnelles et eacuteconomiques du secteur de la

construction et drsquoorganiser le champ des opeacuterateurs et des professionnels concerneacutes

Lrsquoobjectif eacutetant de produire des gros volumes sur une courte dureacutee

La rapiditeacute drsquoexeacutecution ainsi que la nouveauteacute de la situation dans les choix programmatiques

organisationnels et opeacuterationnels ont entraicircneacute des pertes de qualiteacute agrave toutes les eacutetapes de la

conception avec des plans-masses souvent standards inadapteacutes aux sites agrave des vices et autres

neacutegligences opeacuterationnels non sans lien avec les difficulteacutes drsquoachegravevement des projets en

raison des cumuls nombreux de tensions entre acteurs des oppositions et critiques des

populations et des problegravemes budgeacutetaires et financiers Surtout en se centrant sur les

logements agrave produire les ameacutenagements et les eacutequipements internes et externes ont eacuteteacute moins

investis Ces eacuteleacutements ne peuvent cependant pas occulter le bond qualitatif indeacuteniable de

confort qursquoont repreacutesenteacute les normes produites de logement alors tregraves avanceacutees degraves le

deacutemarrage des grands ensembles au deacutebut des anneacutees 1950 par rapport agrave lrsquoeacutetat tregraves faible de

confort des locaux anciens dans lesquels srsquoentassait une grande partie des populations

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urbaines jusqursquoalors Le problegraveme reste que toutefois lrsquoobjectif geacuteneacuteral de ce mouvement de

table rase des villes du passeacute a bien contribueacute agrave lrsquoeacutecarter des attentes sociales en matiegravere

drsquourbanisme agrave savoir la densiteacute relationnelle la diversiteacute et la mixiteacute sociales et

fonctionnelles mecircme si le critegravere de choix reacutesidentiel des citadins est de moins en moins lieacute agrave

la place qursquoils occupent dans un espace urbain pour beacuteneacuteficier de ces caracteacuteristiques qursquoagrave la

qualiteacute sociale de leur habitat

En parallegravele agrave cette urbanisation de masse et surtout apregraves lrsquoEacutetat a drsquoailleurs encourageacute la

production priveacutee pour lrsquoaccession agrave la proprieacuteteacute favorisant la multiplication des espaces

reacutesidentiels plus confortables et adapteacutes aux attentes sociales (maisons individuelles petits

collectifs priveacutes proximiteacute des eacutequipements et services urbains nouveaux eacutequipements et

configuration drsquohabitathellip) et contribuant dans lrsquoespace urbain en plein essor agrave transformer la

fonction des grands ensembles Drsquohabitat pour les cateacutegories drsquoexeacutecution parfois qualifieacutees et

drsquoencadrement des industries et des institutions en deacuteveloppement pendant les Trente

glorieuses ils sont devenus sous lrsquoeffet de lrsquoorientation libeacuterale de gestion de lrsquoEacutetat de ses

missions sociales et de ses politiques de deacuteveloppement (eacuteconomie-industrie ameacutenagement-

urbanisme eacuteducation-formation protection socialehellip) les lieux drsquohabitation de toutes les

cateacutegories de population en difficulteacutes sociales et eacuteconomiques La reacuteduction des autres

dispositifs drsquoheacutebergement et de logement social dans le reste des agglomeacuterations expliquent

en partie cette situation Il est drsquoailleurs possible qursquoen mecircme temps drsquoautres parties des

grands ensembles continuent de remplir des rocircles diffeacuterents selon leurs caracteacuteristiques

physiques sociales et de gestion rocircles plus anciens comme lrsquoaccueil de la premiegravere eacutetape

reacutesidentielle des jeunes meacutenages occupeacutes plutocirct de cateacutegories sociales moyennes ou rocircles

plus nouveaux comme lrsquoaccueil de meacutenages de profils non familiaux (retraiteacutes eacutetudiants

personnes actives seules) Ces autres parties cependant subiront la mauvaise reacuteputation

externe par analogie ou association formelle simplificatrice

La derniegravere eacutetape de deacuteveloppement de notre recherche a eacuteteacute de comprendre et drsquoexpliquer ce

pheacutenomegravene de disqualification sociale des espaces qui stigmatise les habitants concerneacutes dans

leurs pratiques sociales Les eacutetats psychoaffectifs les conduites et les pratiques sociales les

plus laquo atypiques raquo (deacutesœuvrement laquo galegravere raquo neacutevrose deacutelinquance violencehellip) qui peuvent

srsquoy deacutevelopper ne sont plus perccedilus comme les symptocircmes de deux premiers points de critique

sociale des grands ensembles degraves les anneacutees 1950 et 1960 lrsquoennui et le stress que geacutenegravere ce

type drsquohabitat en raison de la faiblesse des animations des activiteacutes et des fecirctes ainsi que de

la cohabitation gecircneacutee par la promiscuiteacute interne et externe aux bacirctiments drsquohabitation

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Alors que les pouvoirs publics commenccedilaient agrave prendre en compte les attentes des habitants

en termes de jeux voire de culture en deacuteveloppant des politiques drsquoanimation socioculturelle

lrsquoennui correspondait de plus en plus agrave la conseacutequence drsquoun eacutetat drsquoexclusion de la sphegravere du

travail voire des politiques sociales avec le deacuteveloppement du chocircmage et du sous-emploi

massif Au stress qui lrsquoaccompagnait dans les immeubles les moins biens produits srsquoest

ajouteacutee lrsquoangoisse quant agrave lrsquoavenir comme symptocircme de la crise drsquointeacutegration individuelle et

collective lieacutee au monde du travail se reacutepercutant dans la vie urbaine avec toute une seacuterie de

comportements sociaux reacuteveacutelateurs La situation drsquoexclusion et de preacutecariteacute eacuteconomique est

alors devenue un paramegravetre preacutedominant des conditions drsquoexistence des populations des

grands ensembles Lrsquoangoisse se renforccedilant avec la dynamique de plus en plus nette de

production des ghettos modernes dans certains segments les plus deacutevaloriseacutes des grands

ensembles signe drsquoaccentuation de la seacutegreacutegation spatiale

Lrsquoeacutetendue du non et du sous-emploi parmi les cateacutegories actives des habitants devient presque

une norme comme par exemple au deacutebut des anneacutees 2000 aux Ulis avec 43 drsquoactifs du

parc drsquohabitat social qui sont sans emploi stable Les quartiers de chocircmeurs de geacuteneacuteralisent

dans tous les espaces sociaux excepteacutes au sein de ceux des classes dirigeantes de lrsquoeacuteconomie

Doreacutenavant la deacutevalorisation sociale et eacuteconomique des grands ensembles est non seulement

lieacutee agrave des facteurs drsquoordre urbanistique architectural et de faible histoire sociale mais aussi agrave

des causes eacuteconomiques et sociales qui accroissent le nombre des pheacutenomegravenes agrave lrsquoorigine des

difficulteacutes drsquoexistence de leurs habitants ainsi que la lourdeur de lrsquoambiance en leur sein

(tensions sociales pratiques deacuteviantes et incivils)

Dans notre recherche lrsquoeacutetude drsquoun pheacutenomegravene quasi commun aux communes eacutetudieacutees la

deacutecroissance deacutemographique post-construction des grands ensembles a reacuteveacuteleacute en creux la

faible intervention sociopolitique pour densifier ces zones (assouplir les regravegles cadastrales

deacutevelopper des programmes drsquohabitation et de deacuteveloppement eacuteconomique en rupture avec le

fonctionnalisme primitif) et favoriser leur attractiviteacute alors mecircme que des demandes de

logements sont geacuteneacuteralement fortes dans les agglomeacuterations notamment pour des logements

accessibles Ce sujet avec ce pheacutenomegravene de deacuteclin social lieacute surtout au manque drsquointeacutegration

sociale de la partie preacutecaire et en difficulteacutes sociales des habitants nous a ameneacute agrave reacutefleacutechir

sur la ou les causes de ces diffeacuterentes situations et leur modaliteacute drsquoaction La notion de

seacutegreacutegation sociale dans les rapports sociaux est apparue comme la cleacute drsquoanalyse des

situations observeacutees Les attitudes seacutegreacutegatives par les groupes dominants permettent de

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comprendre loccurrence et la convergence des pheacutenomegravenes indiqueacutes plus haut comme

constitutifs des processus de deacuteclin social et de ghettoiumlsation

Une partie des habitants des grands ensembles les plus deacutegradeacutes subit non seulement des

modaliteacutes sociales de seacutegreacutegation comme lrsquoexclusion ou la preacutecariteacute du travail ou encore la

faible action des dispositifs drsquoaccompagnement de soutien et de qualification sociale mais

aussi ses modaliteacutes spatiales comme lrsquoeacuteloignement reacutesidentiel par rapport aux secteurs de

production drsquoeacutechanges et de socialisation ou comme le manque drsquoinvestissement

institutionnel pour le maintien en eacutetat lrsquoentretien et le deacuteveloppement des espaces

drsquohabitation Plusieurs faits en sont le symptocircme la deacutegradation des conditions drsquohabitat et

plus largement un traitement peu favorable dans les politiques urbaines du logement et

sociales

Parmi les diffeacuterents champs possibles des conduites seacutegreacutegatives (travail loisirs formation

eacuteducationhellip) les pratiques reacutesidentielles sont nettement concerneacutees la mise agrave distance

physique ou spatiale produit une forme de marquage territorial neacutegatif une stigmatisation agrave

lrsquoeffet spirale de renforcement des attitudes seacutegreacutegatives qui lrsquoont deacutetermineacutee en premier lieu

Dans ce processus de renforcement cumulatif de la seacutegreacutegation et de ses effets lrsquoespace

urbain est une variable intermeacutediaire deacuteterminante agrave la fois instrument et reacutesultat des

conduites identifieacutees Apregraves que les marcheacutes et les institutions ont eacutecarteacute les plus en difficulteacutes

sociales dans des espaces deacutegradeacutes de logement la visibiliteacute sociale de la localisation des

problegravemes sociaux de cette marginalisation socio-spatiale suscite du rejet et de lrsquoeacutevitement

non seulement vis-agrave-vis des espaces deacutegradeacutes mais aussi de leurs habitants Pour les

cateacutegories sociales moyennes et supeacuterieures des populations urbaines crsquoest la dimension

sociale et identitaire du territoire qui permet de comprendre leurs pratiques seacutegreacutegatives

notamment sur le plan reacutesidentiel

Plus preacuteciseacutement dans un contexte socieacutetal de risque eacuteleveacute de chocircmage et de deacuteclassement

symbolique des individus geacuteneacuteraliseacute agrave toutes les cateacutegories sociales lrsquoangoisse quant agrave

lrsquoavenir avive une volonteacute de se constituer et de se garantir un moyen de socialisation

seacutelective avec des ressources sociales proches si possible pour lrsquoaccegraves et le maintien aux

positions et aux activiteacutes favoriseacutees Cette attitude reacutevegravele un enjeu fondamental qursquoest

lrsquoinfluence du statut social preacutedominant des voisinages sur les destins personnels via les

valeurs les normes de conduites ainsi que les ressources disponibles qursquoils peuvent preacutesenter

ou non Ceci est notamment vrai pour les parcours scolaires des enfants (influence des voisins

de reacutesidence mais aussi des groupes deacutelegraveves dans les classes) qursquoelles que soient leurs

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cateacutegories sociales drsquoappartenance Cet effet dinfluence est dailleurs ressenti de maniegravere plus

ou moins consciente par les individus et notamment les cateacutegories aiseacutees attentives agrave la

preacuteservation de leur position sociale

La volonteacute de prise de distance spatiale et sociale eacutetait deacutejagrave patente dans des situations de

proximiteacute spatiale entre les premiers groupes de reacutesidents de niveau social diffeacuterent dans les

grands ensembles (Chamboredon Lemaire 1970) Une perception drsquoeacutecarts trop grands de

valeurs et de normes exerce un effet repoussoir notamment quand les places stables et

valoriseacutees de travail se reacuteduisent ce qui geacutenegravere une compeacutetition accrue et une toleacuterance plus

faible quant agrave la diffeacuterence culturelle Le contexte croissant de seacutelectiviteacute dans les

recrutements et la promotion au travail eacutelegraveve lrsquoattitude seacutegreacutegative dans les choix de lieu

reacutesidentiel et dans les relations de voisinage Cette attitude est de ce fait relayeacutee dans les

politiques urbaines drsquoameacutenagement et de logement mises en œuvre par les groupes sociaux

au pouvoir qui partagent cette disposition

De ce fait le champ des repreacutesentations symboliques se charge drsquoimages caricaturales des

espaces marginaliseacutes en termes de laquo citeacutes-ghettos raquo (Steacutebeacute Marchal 2009) en raison de

lrsquoanalogie agrave certains traits propres aux figures historiques des ghettos tregraves largement connues

(ghettos noirs et juifs) ainsi quagrave leurs eacutevolutions reacutecentes homogeacuteneacuteisation sociale et

culturelle distincte de la socieacuteteacute densemble (plus de populations ethniques mecircmes tregraves

diffeacuterentes parfois et de faibles niveaux de qualification) contrainte reacutesidentielle mecircme

indirecte par les politiques et les marcheacutes du logement sous lrsquoeffet drsquoune volonteacute ressentie

drsquoeacutevitement des contacts sociaux institutions speacutecifiques dorganisation sociale propre

(trafics deacutelinquants reacuteseaux et structures de communauteacutes drsquoorigine immigreacutee ou de culture

drsquoorigine eacutetrangegravere) et enfin accumulation de situations et de conduites sociales neacutegatives

multiples comme lrsquoexclusion et la preacutecariteacute socio-eacuteconomiques la paupeacuterisation la

deacutelinquance lrsquoaddiction et le trafic de drogue ou lrsquoalcool la violence interpersonnelle et le

deacutesordre social et mateacuteriel

La seacutegreacutegation urbaine au sens de seacutegreacutegation dans les pratiques sociales en milieu urbain et

dans les politiques drsquoameacutenagement de construction de logements et drsquoimplantation des

eacutequipements et des services sur les territoires urbains joue alors un rocircle majeur dans les

eacutevolutions urbaines Tous les niveaux des uniteacutes sociales et de leurs relations sont concerneacutes

personnes et meacutenages groupes sociaux des mecircmes espaces territoriaux ou drsquoactiviteacutes

sociales grandes cateacutegories sociales et culturelles de la structure sociale organismes et

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institutions publics et priveacutes divers organisant la structuration fonctionnelle et lrsquoameacutenagement

de lrsquoespace urbain Dans chaque agglomeacuteration ndash ou chaque aire comportant plusieurs espaces

urbains interdeacutependants dont les structures sociales sont assez diffeacuterencieacutees des systegravemes

seacutegreacutegatifs (Avenel 2004) se constituent et agissent sur le plan symbolique mais aussi aux

niveaux des interactions sociales et des politiques institutionnelles agrave la faveur des cateacutegories

moyennes et supeacuterieures angoisseacutees par les incertitudes de la mondialisation eacuteconomique et

acquises agrave lrsquoideacuteologie libeacuterale pensant neacutecessaire de restreindre les deacutepenses de protection

sociale des groupes les moins qualifieacutes

Cette orientation danalyse nous paraicirct conforteacutee par les principales theacuteories des

transformations urbaines (Marchal Steacutebeacute 2009 Kaufmann 2009) dont la plus reacutecente

lrsquoapproche par la mobiliteacute et lrsquoinvestissement des acteurs individuels et collectifs suivant leurs

aptitudes variables vers des espaces plus ou moins attractifs selon leur mateacuterialiteacute (formes

sensibles et attributs physiques) La seacutegreacutegation sociale et les espaces de grands ensembles

srsquoinscrivent alors dans les modaliteacutes de gestion des relations entre acteurs aux projets et aux

dynamiques divers de mobiliteacute en attribuant aux plus faibles les espaces deacutesinvestis par les

classes moyennes et supeacuterieures du fait de leur faible qualiteacute sensible perccedilue y compris

drsquoordre social Dans ce cadre la tendance au deacuteclin des communes urbaines de grands

ensembles constitue un signe social et spatial de lrsquoaccroissement de la seacutegreacutegation sociale

sous des modaliteacutes multiples gouvernance urbaine et politiques nationales sociales et de

lrsquoespace relations et pratiques sociales dans les villes

Les groupes dominants deacuteveloppent des attitudes et des actions persistantes agrave lrsquoencontre des

groupes peu qualifieacutes ce qui geacutenegravere en permanence des formes diffeacuterentes drsquoineacutegaliteacutes

sociales En termes drsquohabitat parmi les situations dans ce sens la reacutesidence dans une

commune de grand ensemble en son sein dans les parties internes les plus deacutevaloriseacutees ou

dans celles occupeacutees par des meacutenages stables ou encore agrave proximiteacute tend agrave constituer une

ineacutegaliteacute sociale Habiter cette commune signifiant devoir vivre drsquoune maniegravere ou drsquoune autre

des aspects de deacutesordre de violence et de deacutelinquance dans les pratiques locales tout en

subissant en partie les deacutefauts drsquoaction institutionnelle et le deacutesavantage du stigmate territorial

dans les relations sociales et les usages hors de lrsquohabitat

Les diffeacuterentiels de mobiliteacute urbaine et les tendances seacutegreacutegatives dans ce cadre ne peuvent se

comprendre sans rapport avec la structure sociale lrsquointeacutegration sociale et les eacutevolutions des

ineacutegaliteacutes sociales Car comment ecirctre pauvre exclu ou preacutecaire et mobile Favoriser

structurellement lrsquointeacutegration constituerait les termes mecircmes dune strateacutegie de

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laquo deacuteseacutegreacutegation sociale raquo (Maurin 2002) et de deacutemocratisation de la mobiliteacute en changeant de

modegravele de socieacuteteacute par une reacuteforme complegravete du systegraveme eacuteducatif et de classement social avec

une adaptation aux cateacutegories modestes pour eacuteviter les effets de marginalisation irreacuteversibles

agrave chaque eacutetape de formation Ce type de transformation systeacutemique vise agrave apporter les

conditions psychologiques et sociales de lrsquoacceptation du meacutelange social dans les voisinages

urbains et donc agrave juguler les attitudes seacutegreacutegatives dans les pratiques reacutesidentielles et

sociales ainsi que dans les politiques eacuteconomiques sociales et urbaines Dans ces chantiers

que nous pouvons esquisser lrsquoaction sur les grands ensembles nrsquoest pas neacutegligeable

Globalement face aux eacutepreuves agrave la coheacutesion sociale que geacutenegraverent les pheacutenomegravenes

drsquoexclusion et de seacutegreacutegation il faut concevoir un objectif strateacutegique de changement des

repreacutesentations sociales concernant les positions sociales des groupes exclus La reacuteduction

voire la suppression de lrsquoangoisse sociale quant au risque de chocircmage et de deacutecheacuteance sociale

agrave lrsquoorigine de lrsquoattitude seacutegreacutegative peut se reacutealiser en agissant simultaneacutement sur plusieurs

aspects Il est possible tout drsquoabord de deacutevelopper des marques de lrsquoutiliteacute sociale aux

positions drsquoexclusion (nouvelles fonctions productives et de services) et en instituant des

formes de mobiliteacute de protection et de promotion sociale les concernant formation

qualifiante eacuteleveacutee revenu de protection important notamment pour les charges eacuteducatives

larges moyens drsquoaccueil et drsquoaction agrave lrsquoeacutecole maternelle et financement du prolongement des

eacutetudes des enfants drsquoorigine modeste Ensuite il est neacutecessaire de supprimer les processus qui

produisent une diffeacuterenciation sociale rigide degraves le systegraveme de socialisation seacutelectiviteacute trop

forte du systegraveme eacuteducatif cloisonnement des filiegraveres de formation supeacuterieure drsquoaccegraves aux

positions et aux statuts sociaux privileacutegieacutes et irreacuteversibles et faiblesse de la formation

continue assurant le lien avec lrsquoeacutevolutiviteacute des besoins de la sphegravere productive (Maurin

2002) Dans ce sens les institutions devant engager ces processus drsquoouverture de promotion

et de protection doivent pouvoir favoriser les identiteacutes baseacutees sur des histoires et des cultures

drsquoorigine immigreacutee Enfin ces eacuteleacutements divers de strateacutegie de changement social relegravevent

drsquoun choix politique imposant la neacutecessiteacute drsquoune reconnaissance par les eacutelites non pas

seulement de lrsquoutiliteacute historique et permanente des cateacutegories ouvriegraveres et drsquoexeacutecution mais

aussi du caractegravere seacutegreacutegatif du poids des statuts sociaux en France et des effets indirects

produits comme celui de la transformation des secteurs drsquohabitat socialement deacutepreacutecieacutes en

ghettos

Sur cet axe plus speacutecifiquement urbain des reacuteformes peuvent aussi aller dans le sens de

lrsquointeacutegration sociale des citadins preacutecariseacutes Cela passe globalement par des conditions

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drsquohabitat reacutepondant aux attentes de qualiteacute et de fonctionnaliteacute des classes moyennes

accessibles aux cateacutegories plus modestes ouvriegraveres et employeacutees Une reacuteelle reacutenovation des

grands ensembles et donc la disparition des ghettos devraient srsquoinscrire outre les possibiliteacutes

de patrimonialisation partielle agrave des fins de valorisation symbolique et sociale non neacutegligeable

(Bertier 2010) dans une vision globale de production de la ville en reacutepondant aux enjeux de

reacuteduction eacutenergeacutetique de respect de lrsquoenvironnement de manque de logements et de mixiteacute

sociale reacutesidentielle (Merlin 2010) Lrsquourbanisme durable (densiteacute et compaciteacute constructive)

doit alors srsquoadapter aux enjeux de mixiteacute sociale et de mobiliteacute spatiale des plus modestes en

instaurant des mesures diverses lrsquoinstauration drsquoune laquo aide agrave la pierre personnaliseacutee raquo aux

constructeurs innovante ayant effet de supprimer la segmentation entre logement aideacute et non

aideacute lrsquoeacuteleacutevation des contraintes drsquoobligation de construction de logements accessibles dans

les communes en manquant la diversification sociale et ethnique des attributions de

logement social et enfin la promotion drsquoun modegravele moderne de forme urbaine la ville

compacte diversifieacutee comportant des petites formes serreacutees (petits immeubles collectifs et

maisons individuelles avec jardins aligneacutees et deacutetacheacutees mais proches avec les eacutequipements

multiples et les transports en commun)

Sur le plan des perspectives qursquooffre la fin de notre recherche doctorale il existe plusieurs

directions possibles partant de lrsquoobjet qui a pu ecirctre progressivement construit tout au long des

analyses deacuteveloppeacutees Il peut srsquoagir dans un premier temps de travaux sur le processus de

production sociale et politique des ghettos franccedilais depuis le dernier quart du XXe siegravecle Les

acteurs concerneacutes peuvent ecirctre preacuteciseacutement identifieacutes (eacutelus concepteurs urbains architectes

constructeurs commanditaires usagers) et leur trajectoires leurs motivations leurs strateacutegies

drsquoaction et drsquoalliance leurs pratiques concregravetes et leurs repreacutesentations drsquoaction peuvent ecirctre

analyseacutes afin de cerner la part drsquointentions conscientes ou non dans la mise en œuvre de ce

processus Il y aurait par exemple lieu de srsquoinscrire dans la continuiteacute de lrsquoenquecircte de Sylvie

Tissot (2007) sur les laquo reacuteformateurs des quartiers raquo des anneacutees 1980 et 1990 dont lrsquoeffet

pervers de lrsquoaction centreacutee sur la restauration du laquo lien social raquo entre les exclus entre eux et

entre eux et la socieacuteteacute a mis de cocircteacute la reacuteforme des deacuteterminations structurelles de la

production moderne des ineacutegaliteacutes sociales et de la marginaliteacute urbaine avanceacutee Il pourrait

ecirctre interrogeacute les responsables politiques et administratifs centraux les acteurs techniques et

les intellectuels ayant forgeacute et appliqueacute les politiques sociales eacuteconomiques et urbaines des

anneacutees1970 agrave 2000 marqueacutees par la preacutedominance des politiques libeacuterale en France en

matiegravere eacuteconomique et sociale

544544

En outre il nous paraicirct important drsquoobserver lrsquoactualiteacute de la situation des ghettos actuels sous

le quinquennat du nouveau preacutesident de la Reacutepublique Franccedilois Hollande socialiste

reacuteformateur proche de lrsquoancien Premier ministre Michel Rocard ayant au tournant des anneacutees

1990 reacutealiseacute lrsquoinstitutionnalisation de la politique de la ville (creacuteation du ministegravere de la Ville

et creacuteation de la Deacuteleacutegation interministeacuterielle agrave la ville) dans sa version de lutte contre

lrsquoexclusion sociale au niveau local Alors que les situations sociales se sont radicaliseacutees dans

les ZUS ghettoiumlseacutees au cours des anneacutees 2000 au regard de lrsquoemploi du niveau de vie et de la

santeacute et que les effets de la crise financiegravere de 2008 se poursuivent encore quelle sera

lrsquoaction gouvernementale en la matiegravere Quelles seront les eacutevolutions sociales dans les zones

ayant deacuteclineacute radicalisation des tensions et des laquo conduites de ghetto raquo ou en parallegravele ou en

substitution solidariteacutes eacutetendues et fortes capables de socialisation innovante et drsquointeacutegration

sociale

Dans un deuxiegraveme temps des perspectives de recherche peuvent srsquoengager en termes de

comparaison internationale concernant la formation de ghettos drsquoexclus et de preacutecaires au

moins au niveau europeacuteen et au plus dans un plus grand nombre de grandes socieacuteteacutes urbaines

agrave eacuteconomie avanceacutee et ouverte (Japon Canada Australiehellip) selon des modaliteacutes tant

speacutecifiques qursquoarticuleacutees entre elles notamment par le biais des institutions et des organismes

internationaux de coopeacuteration Dans chacun de ces pays quelles sont les formes historiques

sociales et spatiales plus ou moins reconnues des espaces urbains marginaliseacutes ou en deacuteclin

social proches de la notion de ghetto moderne et quelles en sont les modaliteacutes de production

en lien avec la domination de lrsquoideacuteologie libeacuterale

Sur un plan plus fondamental il serait possible de se demander si ce nrsquoest pas en raison de

lrsquourbanisation quasi complegravete de toutes les socieacuteteacutes modernes jusque dans les modes de vie

hors milieu urbain que les ghettos apparaissent comme une modaliteacute drsquoordre spatial de plus

en plus significative des rapports et des formes de domination des classes ouvriegraveres et

employeacutees crsquoest-agrave-dire des groupes peu qualifieacutes dans des systegravemes sociaux ouverts agrave

lrsquoeacuteconomie mondialiseacutee En drsquoautres termes est-ce en fonction de lrsquourbanisation croissante

que les ghettos se deacuteveloppent de plus en plus nettement dans les pays inscrits dans

lrsquoeacuteconomie mondiale Le pendant de ses formes urbaines dans les pays moins avanceacutes mais

inscrits dans lrsquoeacuteconomie mondialiseacutee seraient les bidonvilles en expansion (Marchal Steacutebeacute

2008) forme de ghetto urbain du bas de lrsquoeacutechelle socio-spatiale avec lrsquoexistence agrave lrsquoautre

bout de zones reacutesidentielles riches et closes de cadres du priveacute ou de fonctionnaires de haut

niveau inscrits dans les activiteacutes mondiales de production Plus largement on peut aussi se

545545

poser la question de savoir srsquoil existe des pays modernes sans ghettos et pour quelles raisons

drsquoordre social et politique (place du libeacuteralisme chez les responsables nationaux degreacute de

seacutegreacutegation dans le modegravele social niveau eacuteleveacute de protection sociale formes urbaineshellip)

La part des institutions internationales dans les orientations politiques en cause pourrait ecirctre

eacutegalement eacutetudieacutee en identifiant les acteurs individuels et collectifs leurs actions et leurs

repreacutesentations vis-agrave-vis de cette question

Certainement lrsquoensemble de ces axes de questionnement se chevauchent srsquoenglobent en

partie et se croisent en des points multiples Ils permettent autant drsquoenrichir les theacuteories

urbaines cherchant agrave apporter des grilles de lecture aux pheacutenomegravenes observeacutes que de

srsquointeacuteresser agrave aborder sous des formes nouvelles les grandes questions drsquoanalyse

sociologique qui se croisent ou se distinguent avec lrsquoeacutevolution des formes et des modes de vie

sociale Certaines peuvent ecirctre citeacutees en lien avec cette recherche produite sans exclusive sur

drsquoautres questions lieacutees agrave drsquoautres objets en appreacutehendant les relations entre le local et le

global ideacuteologies politiques et modaliteacutes des rapports sociaux en geacuteneacuteral et dans le

deacuteveloppement des villes systegraveme drsquointeacutegration sociale mode de production eacuteconomique et

urbain et mode de vie locale relations entre les territoires locaux les groupes sociaux

lrsquoEacutetat et les institutions internationales ou encore gouvernance des villes organisation

politico-administrative nationale et internationale et processus drsquourbanisation Tous ces

exemples de thegraveme reacutevegravelent en partie lrsquoimportance du lien entre les processus drsquoorganisation

et drsquointeacutegration sociales et les formes spatiales et notamment urbaines des parcours

individuels et collectifs qui en deacutecoulent si les dynamiques urbaines deacutependent en grande

partie des dynamiques sociales globales ou locales les premiegraveres peuvent en ecirctre lrsquoenjeu

preacutedominant en lien avec des enjeux globaux et locaux diffeacuterents comme le rapport agrave

lrsquoenvironnement la deacutepense eacutenergeacutetique lrsquoefficaciteacute du systegraveme productif et de la protection

sociale et lrsquoeacutegaliteacute des chances sociales

546546

547547

Liste des Sigles

ALE Agence locale pour lrsquoemploi

ALF Allocation logement agrave caractegravere familial

ALS Allocation logement agrave caractegravere social

AME Aide meacutedicale drsquoEacutetat

ANAH Agence nationale drsquoameacutelioration de lrsquohabitat

ANPE Agence nationale pour lrsquoemploi

ANRU Agence nationale de la reacutenovation urbaine

APL Aide personnaliseacutee au logement

ASSEDIC Association pour lrsquoemploi dans lrsquoindustrie et le commerce

BAC Brigade anti-criminaliteacute

BIT Bureau international du travail

CDC Caisse des deacutepocircts et consignations

CDD Contrat agrave dureacutee deacutetermineacutee

CDI Contrat agrave dureacutee indeacutetermineacutee

CEA Commissariat agrave lrsquoeacutenergie atomique

CESR Conseil eacuteconomique et social reacutegional

CFF Creacutedit foncier de France

CIAM Congregraves international drsquoarchitecture moderne

CIV Comiteacute interministeacuteriel des villes

CUCS Contrat urbain de coheacutesion sociale

CCAS Centre communal drsquoaction sociale

CMP Centre meacutedico-psychologique

CMU Couverture meacutedicale universelle

CNIS Conseil national de lrsquoinformation statistique de lrsquoINSEE

COS coefficient drsquooccupation des sols

DATAR Deacuteleacutegation interministeacuterielle agrave lrsquoAmeacutenagement du Territoire et agrave lAttractiviteacute Reacutegionale

DGF Dotation globale de fonctionnement

DIV Deacuteleacutegation interministeacuterielle agrave la ville

DSQ Deacuteveloppement social des quartiers

DSU Deacuteveloppement social urbain

EPCI Eacutetablissement public de coopeacuteration intercommunale

EHPAD Eacutetablissement drsquoheacutebergement pour personnes acircgeacutees deacutependantes

FAU Fonds drsquoameacutenagement urbain

FIAT Fonds interministeacuteriel agrave lrsquoameacutenagement du territoire

GPV Grand projet de ville

GPU Grand projet urbain

HBL Houillegraveres du Bassin de Lorraine

HBM Habitation bon marcheacute

HLM Habitation agrave loyer modeacutereacute

ILN Immeuble agrave loyer normal

INED Institut national des eacutetudes deacutemographiques

INSEE Institut national de la statistique et des eacutetudes eacuteconomiques

IRIS Icirclots regroupeacutes pour lrsquoinformation statistique

LEN Logements eacuteconomiques normaliseacutes

LEPN Logements eacuteconomiques de premiegravere neacutecessiteacute

LOV Loi drsquoorientation pour la ville

LOADT Loi drsquoorientation pour lrsquoameacutenagement et le deacuteveloppement du territoire

LOGECO Logements eacuteconomiques

LOPOFA Logements populaires et familiaux

LPN Logements de premiegravere neacutecessiteacute

MJC Maison des jeunes et de la culture

MPT Maison pour tous

MRU Ministegravere de la Reconstruction et de lrsquoUrbanisme

OCDE Organisation pour la coopeacuteration et le deacuteveloppement eacuteconomique

ODAS Observatoire national de lrsquoaction sociale deacutecentraliseacutee

OER Observatoire eacuteconomique reacutegional

OPAC Office public drsquoameacutenagement et de construction

ONU Organisation des Nations-Unies

ORU Opeacuteration de reacutenovation urbaine

PADOG Plan drsquoAmeacutenagement et drsquoOrientation Geacuteneacuterale (de la reacutegion parisienne)

PALULOS Prime agrave lrsquoameacutelioration des logements agrave usage locatif et agrave occupation sociale

PAH Prime agrave lrsquoameacutelioration de lrsquohabitat

PAP Precirct agrave lrsquoaccession agrave la proprieacuteteacute

PNRU Programme national de reacutenovation urbaine

PIB Produit inteacuterieur brut

PLA Precirct locatif aideacute

PLH Programme local de lrsquohabitat

PLIE Plan local drsquoinsertion par lrsquoeacuteconomi(qu)e

PLR Programme agrave loyer reacuteduit

PNRU Programme national de reacutenovation urbaine

PRI Programme de reacutesorption de lrsquohabitat insalubre

PSS Programme social speacutecial

PSR Programme social de relogement

RAR Reacuteseau ambition reacuteussite

RLA Reacuteseau local drsquoappui (suivi du RMI)

RMI Revenu minimum drsquoinsertion

REP Reacuteseau drsquoeacuteducation prioritaire

548548

RER Reacuteseau express reacutegional

RSS Reacuteseau laquo reacuteussite scolaire raquo

SCET Socieacuteteacute centrale drsquoeacutequipement du territoire

SCIC Socieacuteteacute centrale immobiliegravere de la Caisse des deacutepocircts et consignations

SCIC Socieacuteteacute civile immobiliegravere de construction

SDAURP Scheacutema directeur drsquoameacutenagement et drsquourbanisme de la reacutegion parisienne

SGAR Secreacutetariat geacuteneacuteral aux affaires reacutegionales

SHON Surface hors œuvre nette

SMIC Salaire minimum interprofessionnel de croissance

SNPA Socieacuteteacute nationale des peacutetroles aquitains

SRU (loi de) Solidariteacute et renouvellement urbains

UDAF Union deacutepartementale des associations familiales

UNAF Union nationale des associations familiales

UNFOHLM Union nationale des feacutedeacuterations des organismes HLM

USH Union sociale pour lrsquohabitat

ZEP Zone drsquoeacuteducation prioritaire

ZFU Zone franche urbaine

ZRU Zone de redynamisation urbaine

ZUP Zone agrave urbaniser en prioriteacute

ZUS Zone urbaine sensible

549549

550550

Annexe

Les onze minima sociaux en France en 2011

(Peacuterigord 2011) Ce sont des revenus conditionnels selon ressources ou contreparties compleacutetifs des autres prestations sociales

- le Revenu de solidariteacute active (RSA)- laquo socle raquo qui remplace depuis 2009 le Revenu minimum drsquoinsertion (RMI) et lrsquoAllocation de parent isoleacute (API) crsquoest ce volet laquo RSA-socle raquo qui est consideacutereacute comme un minimum social il garantit des ressources minimales agrave toute personne active acircgeacutee drsquoau moins 25 ans ou de 18 ans sous condition preacutealable drsquoactiviteacute professionnelle (lrsquoeacutequivalent de deux anneacutees travailleacutees au cours des trois derniegraveres)

- le Revenu de solidariteacute (RSO) speacutecifique aux deacutepartements drsquooutre-mer (DOM) pour les personnes drsquoau moins 55 ans beacuteneacuteficiaires du RSA depuis au moins deux ans qui srsquoengagent agrave quitter deacutefinitivement le marcheacute du travail

- lrsquoAllocation adulte handicapeacute (AAH) pour handicapeacutes au taux drsquoincapaciteacute entre 50 et 80 ne pouvant preacutetendre ni agrave un avantage vieillesse ni agrave une rente drsquoaccident du travail

- lrsquoAllocation de solidariteacute speacutecifique (ASS) pour chocircmeurs aux droits drsquoassurance chocircmage eacutepuiseacutes et qui justifient drsquoau moins cinq anneacutees drsquoactiviteacute salarieacutee au cours des dix derniegraveres anneacutees preacuteceacutedant la rupture de leur contrat de travail

- lrsquoAllocation temporaire drsquoattente (ATA) allocation de chocircmage qui remplace lrsquoallocation drsquoinsertion (AI) reacuteserveacutee aux demandeurs drsquoasile aux apatrides aux anciens deacutetenus libeacutereacutes aux salarieacutes expatrieacutes non couverts par lrsquoassurance chocircmage ainsi qursquoaux beacuteneacuteficiaires de la protection subsidiaire ou temporaire et aux victimes eacutetrangegraveres de la traite des ecirctres humains ou du proxeacuteneacutetisme

- lrsquoAllocation veuvage pour conjoints survivants conjoints survivants drsquoassureacutes sociaux deacuteceacutedeacutes ayant un enfant agrave charge ou eacuteleveacute

- le Minimum invaliditeacute pour les salarieacutes agrave capaciteacute de travailde gain reacuteduite aux 23 au moins

- lrsquoAllocation suppleacutementaire drsquoinvaliditeacute (ASI) pour les titulaires drsquoune pension drsquoinvaliditeacute servie par le reacutegime de seacutecuriteacute sociale au titre drsquoune incapaciteacute permanente

- lrsquoAllocation speacutecifique drsquoattente (ASA) pour chocircmeurs de moins de 60 ans beacuteneacuteficiaires du RSA et de lrsquoASS ayant 40 annuiteacutes drsquoassurance vieillesse

- lrsquoAllocation eacutequivalent retraite (AER) allocation de chocircmage pour les demandeurs drsquoemploi de moins de 60 ans beacuteneacuteficiaires de lrsquoASS ou du RSA pouvant preacutetendre agrave une pension de retraite agrave taux plein (160 trimestres de cotisations verseacutees agrave lrsquoassurance vieillesse) sans pouvoir la liquider lrsquoAER est supprimeacutee au 1er janvier 2011 et continue drsquoecirctre verseacutee aux beacuteneacuteficiaires jusqursquoagrave expiration des droits

- lrsquoAllocation de solidariteacute aux personnes acircgeacutees (ASPA) en remplacement de lrsquoAllocation suppleacutementaire vieillesse pour les personnes acircgeacutees de plus de 65 ans ou de 60 ans en cas drsquoinaptitude au travail et leur assure un niveau de revenu eacutegal au minimum vieillesse

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‐ Voyeacute L (2002) laquo Ambiances urbaines et dynamiques des flux raquo in Bassand M Kaufmann V Joye D Enjeux de la sociologie urbaine Lausanne PPUR p 17-38

‐ Wacquant L (1993) laquo Deacutesordre dans les villes raquo Actes de la recherche en sciences sociales

‐ Wacquant L (2007) Parias urbains Ghetto banlieue Eacutetat Paris La Deacutecourverte

‐ Wieviorka M (2001) laquo Faut-il en finir avec la notion dinteacutegration raquo Les Cahiers de la seacutecuriteacute inteacuterieure 45 p 9-20

‐ Willm Ch-A (1989) laquo LrsquoINSEE et lrsquoobservation locale raquo Les Cahiers du LERASS ndeg 16 p 51-68

‐ Weber M (2003) Le savant et le politique La profession et la vocation de savant La profession et la vocation de politique Paris La Deacutecouverte Poche

‐ Xiberras M (1994) Les theacuteories de lexclusion pour une construction de limaginaire de la deacuteviance Paris Meacuteridiens-Klincksieck

573573

574574

Reacutesumeacute

En France depuis les anneacutees 2000 des eacutemeutes urbaines hebdomadaires et quasi quotidiennes parfois signent lrsquoaccentuation tant quantitative que qualitative de la ghettoiumlsation des secteurs marginaliseacutes des villes Crsquoest notamment dans les grands ensembles de lrsquourbanisation massive des anneacutees 1950-1970 que le pheacutenomegravene de ghetto moderne peut se deacutefinir Malgreacute des qualiteacutes indeacuteniables de confort et de taille des logements par rapport aux normes drsquoAvant-guerre de nombreuses caracteacuteristiques de production de peuplement et de gestion ont engendreacute un habitat deacutefectueux et dysfonctionnant dont la vie sociale srsquoest caracteacuteriseacutee drsquoabord par lrsquoennui le stress et la marginalisation par rapport agrave lrsquoenvironnement puis agrave partir des anneacutees 1970 par des tensions sociales croissantes relatives agrave la concentration spatiale des meacutenages les plus en difficulteacutes socio-eacuteconomiques Lrsquoanalyse du destin de territoires de grands ensembles agrave une eacutechelle plus large que celle de secteurs internes les plus deacutegradeacutes comme celui de leurs communes drsquoappartenance (sept communes de grands ensembles eacutetudieacutees) montre que les divers aspects de la ghettoiumlsation se mesurent sous des formes convergentes agrave ces secteurs malgreacute des attributs urbains plus eacuteleveacutes (activiteacutes ameacutenagements et eacutequipements divershellip) Les processus de deacutegradation mateacuterielle eacuteconomique sociale et symbolique que connaissent ces petites villes eacutevoquent un deacuteclin social urbain notion agrave partir de laquelle est abordeacutee la seacutegreacutegation sociale qui en est un pheacutenomegravene causal multiforme Lrsquoeacutelargissement du peacuterimegravetre drsquoappreacutehension de la deacutegradation sociale des espaces permet drsquoaborder le concept de deacuteclin social urbain entre son cadre ideacuteologique et politique ses ressorts psychosociologiques et la multipliciteacute de ses manifestations au niveau institutionnel et des pratiques sociales La seacutegreacutegation sociale et urbaine des cateacutegories les moins qualifieacutees signifient alors leur marginalisation du systegraveme socio-eacuteconomique leur releacutegation spatiale dans des zones peu valoriseacutees et mal geacutereacutees leur ineacutegal accegraves aux eacutequipements drsquointeacutegration et de promotion sociale ainsi que la stigmatisation de leur habitat et leur eacutevitement par les cateacutegories supeacuterieures notamment du priveacute en recherche drsquoentre-soi pour se preacuteserver du deacuteclassement social Ce qui contribue agrave eacutetendre le champ des manifestations des ineacutegaliteacutes sociales de lrsquoespace tant que le deacuteclin social des espaces reacutesidentiels les moins valoriseacutes continuera agrave se produire en raison de la hausse des conduites seacutegreacutegatives en milieu urbain

  • Avertissement
  • Thegravese
    • Introduction
    • Des exclus dans les grands ensembles cause de leur deacuteclin ou modaliteacute spatiale de la seacutegreacutegation sociale
      • Chapitre I
      • Lrsquoexclusion socio-eacuteconomique depuis les anneacutees 1970 un premier signe de la seacutegreacutegation sociale moderne
        • A- Le contexte de lrsquoexclusion un reacutegime politique neacuteolibeacuteral
        • B- Analyses sociales politiques et sociologiques de lrsquoexclusion
        • C- Les effets eacuteconomiques et sociaux de lrsquoexclusion
          • Chapitre II
          • Le deacuteclin des grands ensembles effet et modaliteacute spatiale de la seacutegreacutegation sociale persistante des moins qualifieacutes
            • A- Exclusion releacutegation spatiale et laquo ghettoiumlsation raquo dans les grands ensembles
            • B- Des politiques de la ville et sociales territorialiseacutees inefficaces
            • C- Lacunes institutionnelles ghettoiumlsation et deacuteclin social urbain
            • D- Le deacuteclin social des communes de grands ensembles un effet drsquoune modaliteacute spatiale de la seacutegreacutegation sociale
                • Les Ulis au tournant des anneacutees 2000 les signes du deacuteclin social au sein drsquoun espace de classes moyennes
                  • Chapitre III
                  • Les Ulis du grand ensemble pour une laquo ville nouvelle raquo au peuplement en difficulteacutes
                    • A- Preacutesentation geacuteneacuterale de la commune
                    • B- Lrsquoobservatoire local un dispositif strateacutegique de recueil de donneacutees multiples
                    • C- La structure sociodeacutemographique et eacuteconomique deacuteclinante de la population
                      • 1 La dynamique de deacutecroissance deacutemographique plus de deacuteparts faibles deacutecegraves et naissances et vieillissement
                      • 2 La sous-moyennisation de la population
                          • Chapitre IV
                          • Des signes importants de preacutecariteacute drsquoexclusion et de tensions sociales
                            • A- La demande de logement social indicateur de releacutegation socio-spatiale locale
                            • B- Preacutesence importante de la preacutecariteacute socio-eacuteconomique
                              • 1 Un chocircmage laquo officiel raquo faible et fluctuant selon les sources
                              • 2 Une estimation de lensemble des sans emploi et sous-employeacutes de la ville
                                • C- Une importante population issue de lrsquoimmigration
                                  • 1 De lrsquoimmigration agrave la population ethnique
                                  • 2 La laquo population ethnique raquo aux Ulis une population preacutecaire de lrsquoimmigration surtout dans lrsquohabitat social
                                    • D- Inseacutecuriteacute eacuteleveacutee de voisinage et dans lrsquoespace public violence preacutedation et drogue
                                      • 1 La violence et les preacutedations constateacutees par la police et drsquoautres acteurs locaux
                                      • 2 Violences et deacutesordres nombreux dans la plupart des espaces de la ville
                                      • 3 Lrsquousage et la vente de drogue tregraves reacutepandus
                                        • Des villes de grands ensembles en milieu rural et peacuteriurbain des situations sociales neacutegatives
                                          • Chapitre V
                                          • Des grands ensembles diffeacuterents dans des contextes spatiaux varieacutes
                                            • A- Un grand quartier drsquoune petite ville en croissance continue Pierrelatte (Gard)
                                            • B- Une grande Citeacute agrave lrsquoeacutecart des villes et du village communal Fareacutebersviller (Moselle)
                                            • C- Une grande Citeacute en peacuteripheacuterie drsquoune petite ville et agrave lrsquoeacutecart du village communale Behren-legraves-Forbach (Moselle)
                                            • D- Une petite laquo Ville nouvelle raquo agrave distance des villes et du village communale Mourenx (Pyreacuteneacutees-Atlantiques)
                                            • E- Plusieurs quartiers drsquoune petite ville Bagnols-sur-Cegraveze (Gard)
                                            • F- Une grande laquo Ville nouvelle raquo entre deux villages proche drsquoune grande ville Rillieux-la-Pape (Rhocircne)
                                              • Chapitre VI
                                              • La similitude des situations et des dynamiques sociales neacutegatives sous des formes varieacutees
                                                • A- Des univers sociaux et urbains contrasteacutes mais modestes
                                                • B- La deacutecroissance deacutemographique post-construction des grands ensembles
                                                • C- Lrsquoamplification de la deacute-densification et du vieillissement des meacutenages
                                                • D- Une population plus ouvriegravere et deacuteconnecteacutee du travail
                                                • E- Violence et inseacutecuriteacute dans les relations sociales
                                                    • Des milieux soumis agrave la seacutegreacutegation sociale et urbaine
                                                      • Chapitre VII
                                                      • Les communes de grands ensembles eacutetudieacutees des milieux tendus compliquant lrsquointeacutegration sociale
                                                        • A- Pauvreteacute culturelle preacutecariteacute eacuteconomique et violence dans les grands ensembles
                                                          • 1 Pauvreteacute eacuteconomique et culturelle dans des contextes urbains diffeacuterents
                                                          • 2 Une ambiance laquo lourde raquo drsquohabitation
                                                          • 3 Des institutions laquo deacutepasseacutees raquo par les difficulteacutes et la violence
                                                            • B- laquo Ghettoiumlsation raquo des espaces et des conduites sociales un processus affectant les zones de grands ensembles
                                                              • 1 Un processus structurel la laquo ghettoiumlsation des ghettos raquo traditionnels et des espaces marginaliseacutes
                                                              • 1 Une redeacutefinition du ghetto adapteacutee monde contemporain
                                                              • 2 Du ghetto au deacuteclin social urbain des communes de grands ensembles
                                                                  • Chapitre VIII
                                                                  • Les deacuteterminants productifs et sociaux du deacuteclin des grands ensembles
                                                                    • A- Constructions deacutefectueuses urbanisme inadapteacute et deacuteveloppement urbain deacutefavorable aux grands ensembles
                                                                      • 1 Historique sociale et politique de la construction des grands ensembles
                                                                      • 2 Des deacutefauts multiples de production urbaine et drsquohabitat
                                                                      • 3 Eacutevolution des espaces reacutesidentiels et de la fonction des grands ensembles
                                                                        • B- Deacuteclin des grands ensembles et logiques politiques et sociales seacutegreacutegatives
                                                                          • 1 La deacutetermination politique et eacutetatique de la laquo crise raquo des grands ensembles
                                                                          • 2 La logique seacutegreacutegative des rapports sociaux aux grands ensembles
                                                                          • 3 La spirale des seacutegreacutegations sociales et urbaines
                                                                          • 4 Reacutenovation des grands ensembles de lrsquoobjectif de mixiteacute aux effets de la seacutegreacutegation urbaine
                                                                            • Communes en deacuteclin et seacutegreacutegation en hausse la logique sociale drsquoune forme drsquoineacutegaliteacute spatiale
                                                                              • Liste des Sigles
                                                                              • Annexe
                                                                              • Les onze minima sociaux en France en 2011
                                                                              • Bibliographie
                                                                                • Reacutesumeacute
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(2L2S)

Le deacuteclin des communes de grands ensembles effet de la forme urbaine ou

de la seacutegreacutegation sociale

Jean-Bernard CHEBROUX

Thegravese de doctorat de Sociologie

Sous la direction de Jean-Marc STEacuteBEacute Professeur des Universiteacutes

Jury

2012

1

2

SOMMAIRE

Introduction 7 PROBLEacuteMATIQUE

DES EXCLUS DANS LES GRANDS ENSEMBLES CAUSE DE LEUR DECLIN OU MODALITE SPATIALE DE LA SEGREGATION SOCIALE 25

CHAPITRE I LrsquoEXCLUSION SOCIO-ECONOMIQUE DEPUIS LES ANNEES 1970 UN PREMIER SIGNE DE LA

SEGREGATION SOCIALE MODERNE 29 A- Le contexte de lrsquoexclusion un reacutegime politique neacuteolibeacuteral 30 B- Analyses sociales politiques et sociologiques de lrsquoexclusion 41 C- Les effets eacuteconomiques et sociaux de lrsquoexclusion 55

CHAPITRE II LE DECLIN DES GRANDS ENSEMBLES EFFET ET MODALITE SPATIALE DE LA SEGREGATION

SOCIALE PERSISTANTE DES MOINS QUALIFIES 67 A- Exclusion releacutegation spatiale et laquo ghettoiumlsation raquo dans les grands ensembles 68 B- Des politiques de la ville et sociales territorialiseacutees inefficaces 79 C- Lacunes institutionnelles ghettoiumlsation et deacuteclin social urbain 92 D- Le deacuteclin social des communes de grands ensembles un effet drsquoune modaliteacute spatiale de la

seacutegreacutegation sociale 109 PREMIEgraveRE PARTIE

LES ULIS AU TOURNANT DES ANNEES 2000 LES SIGNES DU DECLIN SOCIAL AU SEIN DrsquoUN ESPACE DE CLASSES MOYENNES 115

CHAPITRE III LES ULIS DU GRAND ENSEMBLE POUR UNE laquo VILLE NOUVELLE raquo AU PEUPLEMENT EN

DIFFICULTES 118 A- Preacutesentation geacuteneacuterale de la commune 118 B- Lrsquoobservatoire local un dispositif strateacutegique de recueil de donneacutees multiples 130 C- La structure sociodeacutemographique et eacuteconomique deacuteclinante de la population 138

1 La dynamique de deacutecroissance deacutemographique plus de deacuteparts faibles deacutecegraves et naissances et vieillissement 139

2 La sous-moyennisation de la population 144

CHAPITRE IV DES SIGNES IMPORTANTS DE PRECARITE DrsquoEXCLUSION ET DE TENSIONS SOCIALES 154

A- La demande de logement social indicateur de releacutegation socio-spatiale locale 154 B- Preacutesence importante de la preacutecariteacute socio-eacuteconomique 164

1 Un chocircmage laquo officiel raquo faible et fluctuant selon les sources 165

2 Une estimation de lensemble des sans emploi et sous-employeacutes de la ville 170 C- Une importante population issue de lrsquoimmigration 184

1 De lrsquoimmigration agrave la population ethnique 185

2 La laquo population ethnique raquo aux Ulis une population preacutecaire de lrsquoimmigration surtout dans lrsquohabitat social 190

3

D- Inseacutecuriteacute eacuteleveacutee de voisinage et dans lrsquoespace public violence preacutedation et drogue 204 1 La violence et les preacutedations constateacutees par la police et drsquoautres acteurs locaux 204

2 Violences et deacutesordres nombreux dans la plupart des espaces de la ville 215

3 Lrsquousage et la vente de drogue tregraves reacutepandus 221

DEUXIEgraveME PARTIE

DES VILLES DE GRANDS ENSEMBLES EN MILIEU RURAL ET PERIURBAIN DES SITUATIONS SOCIALES NEGATIVES 229

CHAPITRE V DES GRANDS ENSEMBLES DIFFERENTS DANS DES CONTEXTES SPATIAUX VARIES 231

A- Un grand quartier drsquoune petite ville en croissance continue Pierrelatte (Gard) 233 B- Une grande Citeacute agrave lrsquoeacutecart des villes et du village communal Fareacutebersviller (Moselle) 239 C- Une grande Citeacute en peacuteripheacuterie drsquoune petite ville et agrave lrsquoeacutecart du village communale Behren-

legraves-Forbach (Moselle) 246 D- Une petite laquo Ville nouvelle raquo agrave distance des villes et du village communale Mourenx

(Pyreacuteneacutees-Atlantiques) 252 E- Plusieurs quartiers drsquoune petite ville Bagnols-sur-Cegraveze (Gard) 264 F- Une grande laquo Ville nouvelle raquo entre deux villages proche drsquoune grande ville Rillieux-la-Pape

(Rhocircne) 271

CHAPITRE VI 282 LA SIMILITUDE DES SITUATIONS ET DES DYNAMIQUES SOCIALES NEGATIVES SOUS DES FORMES

VARIEES 282 A- Des univers sociaux et urbains contrasteacutes mais modestes 283 B- La deacutecroissance deacutemographique post-construction des grands ensembles 295 C- Lrsquoamplification de la deacute-densification et du vieillissement des meacutenages 307 D- Une population plus ouvriegravere et deacuteconnecteacutee du travail 320 E- Violence et inseacutecuriteacute dans les relations sociales 326

TROISIEgraveME PARTIE

DES MILIEUX SOUMIS A LA SEGREGATION SOCIALE ET URBAINE 333

CHAPITRE VII LES COMMUNES DE GRANDS ENSEMBLES ETUDIEES DES MILIEUX TENDUS COMPLIQUANT

LrsquoINTEGRATION SOCIALE 336 A- Pauvreteacute culturelle preacutecariteacute eacuteconomique et violence dans les grands ensembles 337

1 Pauvreteacute eacuteconomique et culturelle dans des contextes urbains diffeacuterents 338

2 Une ambiance laquo lourde raquo drsquohabitation 352

3 Des institutions laquo deacutepasseacutees raquo par les difficulteacutes et la violence 364 B- laquo Ghettoiumlsation raquo des espaces et des conduites sociales un processus affectant les zones de

grands ensembles 370 1 Un processus structurel la laquo ghettoiumlsation des ghettos raquo traditionnels et des espaces marginaliseacutes 371

1 Une redeacutefinition du ghetto adapteacutee monde contemporain 386

2 Du ghetto au deacuteclin social urbain des communes de grands ensembles 404

CHAPITRE VIII LES DETERMINANTS PRODUCTIFS ET SOCIAUX DU DECLIN DES GRANDS ENSEMBLES 419

A- Constructions deacutefectueuses urbanisme inadapteacute et deacuteveloppement urbain deacutefavorable aux grands ensembles 420

1 Historique sociale et politique de la construction des grands ensembles 421

2 Des deacutefauts multiples de production urbaine et drsquohabitat 442

3 Eacutevolution des espaces reacutesidentiels et de la fonction des grands ensembles 462

4

B- Deacuteclin des grands ensembles et logiques politiques et sociales seacutegreacutegatives 470 1 La deacutetermination politique et eacutetatique de la laquo crise raquo des grands ensembles 471

2 La logique seacutegreacutegative des rapports sociaux aux grands ensembles 479

3 La spirale des seacutegreacutegations sociales et urbaines 500

4 Reacutenovation des grands ensembles de lrsquoobjectif de mixiteacute aux effets de la seacutegreacutegation urbaine 507

CONCLUSION

COMMUNES EN DECLIN ET SEGREGATION EN HAUSSE LA LOGIQUE SOCIALE DrsquoUNE FORME DrsquoINEGALITE SPATIALE 533

Liste des Sigles 547

Annexe

Les onze minima sociaux en France en 2011 550 BIBLIOGRAPHIE 551

Reacutesumeacute 574

5

6

Introduction

Dans les pays deacutemocratiques drsquoeacuteconomie avanceacutee du monde et en France depuis le

deacutemarrage de la crise-mutation de lrsquoeacuteconomie industrielle agrave partir du milieu des anneacutees 1970

deux types de pheacutenomegravenes sociaux et urbains ont eacutemergeacute et se sont deacuteveloppeacutes sous des

formes diverses dans le temps et lrsquoespace la paupeacuterisation croissante de ceux subissant

lrsquoexclusion et la preacutecariteacute eacuteconomique et sociale et leur releacutegation urbaine dans les espaces

urbains reacutesidentiels deacutevaloriseacutes socialement Ce double mouvement de diffeacuterenciation de la

structure sociale suscite des tensions vives notamment dans les villes qui en constituent le

principal theacuteacirctre de manifestation

Parmi les reacuteactions de la part de ceux qui subissent la mise agrave lrsquoeacutecart urbaine les eacutemeutes des

adolescents et jeunes adultes illustrent le plus nettement ce manque drsquointeacutegration de familles

les plus fragiles du fait de lrsquoabsence de structures et de mesures eacuteducatives drsquoappui et

drsquoinsertion sociale suffisantes Elles surgissent geacuteneacuteralement agrave la suite drsquoune intervention

policiegravere brutale en tous cas jugeacutee telle pouvant se solder par la mort drsquoune ou de plusieurs

personnes Cet eacuteteacute 2012 par exemple agrave Amiens dans son quartier Nord dans lequel des

voitures brucirclent reacuteguliegraverement depuis plusieurs mois le taux de chocircmage la population

drsquoorigine immigreacutee le trafic de drogue et un climat de violence des jeunes srsquoy sont fortement

deacuteveloppeacutes faisant se deacutetourner certains organismes drsquointervention meacutedicale deux nuits

drsquoeacutemeutes ont eacuteclateacute du dimanche 12 au mardi 14 aoucirct faisant dix-sept policiers blesseacutes et

plusieurs millions drsquoeuros de deacutegacircts en voitures et bacirctiments publics incendieacutes (trois

eacutetablissements dont une eacutecole primaire et un centre sportif) Lrsquoorigine eacutetant imputeacutee agrave une

intervention policiegravere pour arrecircter et controcircler un automobiliste srsquoamusant agrave rouler vite et agrave

contresens dans les rues pregraves drsquoune ceacutereacutemonie drsquohommage agrave un jeune homme mort en moto

trois jours avant1 En Grande-Bretagne un an auparavant pendant lrsquoeacuteteacute 2011 la mort le jeudi

1 laquo Eacutemeutes drsquoAmiens lrsquointervention policiegravere eacutetait ldquojustifeacuteerdquo raquo Lepointfr 23082012 laquo Eacutemeutes les habitants drsquoAmiens sous le choc raquo Lepointfr 14082012

7

04 aoucirct drsquoun homme noir de 29 ans agrave Tottenham quartier pauvre multiethnique du nord de

Londres a deacuteclencheacute des flambeacutees de violence collective et drsquoaffrontements avec la police

eacutetendues agrave Londres puis dans drsquoautres agglomeacuterations Birmingham Manchester Bristol ou

Leicester2 Selon un scheacutema identique agrave celui des soulegravevements de nombreux groupes de

jeunes de quartiers sociaux en France en octobre-novembre 20053 ces violences britanniques

font suite agrave une longue seacuterie drsquoeacuteveacutenements de ce type depuis 1958 agrave Notting Hill (Ouest

londonien) date des premiers soulegravevements de pauvres urbains apregraves la derniegravere guerre en

Europe de lrsquoOuest (Esteves 2011)

En France les premiegraveres laquo eacutemotions populaires raquo modernes de ce type sont apparues degraves la

fin des anneacutees 1970 dans lrsquoagglomeacuteration lyonnaise dans des quartiers de grands ensembles

drsquohabitat ougrave les conseacutequences de la deacutesindustrialisation se sont le plus manifesteacutees avec la

hausse du chocircmage aupregraves des ouvriers et des employeacutes composeacutes en majoriteacute drsquoimmigreacutes et

de leurs descendants peu qualifieacutes (Mucchielli 2011) Les eacutemeutes fortement meacutediatiseacutees de

1981 aux Minguettes agrave Veacutenissieux dans cette mecircme agglomeacuteration ont marqueacute le deacutebut du

caractegravere socialement probleacutematique de ce contexte drsquoineacutegaliteacutes sociales dont le deacutefaut

drsquointeacutegration des jeunes des cateacutegories populaires constitue un trait majeur Leurs laquo fureurs

banlieusardes raquo eacuteclatent sous la domination de deux sentiments susciteacutes par cette expeacuterience

drsquoexclusion (Bachmann Le Guennec 1997) la sensation de lrsquoimpasse et la conscience du

meacutepris des groupes dominants et de lrsquoEacutetat

Depuis le deacutebut des anneacutees 1990 avec des eacuteveacutenements de ce type ayant eu lieu agrave Vaulx-en-

Velin (banlieue lyonnaise) puis dans lrsquoouest de lrsquoagglomeacuteration parisienne (Argenteuil

Mantes-la-Jolie et Sartrouville) la violence eacutemeutiegravere en France srsquoest installeacutee de maniegravere

quasi continue et durable sur tout le territoire avec ses manifestations chaque anneacutee presque

chaque semaine pour 2011 Alain Bertho relegraveve sur son site laquo Anthropologie du preacutesent raquo4

34 eacutemeutes en France hors eacutechauffoureacutees lieacutees aux fecirctes du 14 juillet et de la Saint-Sylvestre

(sauf les affrontements jeunes-polices de lrsquoEst parisien) et pour 2012 il en deacutenombre 13

jusqursquoau 23 juin avec deux articles retraccedilant les eacutemeutes des nuits du 21-22 janvier et du 3-4

mars agrave Forbach (lieacute au quartier de Wiesberg) Cette derniegravere ville fait partie drsquoune

communauteacute de communes agrave laquelle appartient une un des terrains de notre recherche

2 Le Monde laquo Londres connaicirct sa pire nuit drsquoeacutemeutes depuis des anneacutees raquo Lemondefr 07082011 3 Suite agrave une eacutemeute agrave Clichy-sous-Bois (93) pregraves de 300 communes ont eacuteteacute atteintes par des incidents de graviteacute diverse pendant trois semaines totalisant pregraves de 10 000 incendies de veacutehicules de particuliers et plusieurs centaines drsquoincendies de bacirctiments publics notamment drsquoeacutetablissements scolaires 4 httpberthoalaincom consulteacute le 22 juillet 2012

8

Behren-legraves-Forbach en Moselle dont sa Citeacute un des grands ensembles construits pour le

bassin houiller de Lorraine a eacuteteacute gagneacutee par ce mouvement contestataire

Ainsi une nette eacuteleacutevation du niveau de violence entre jeunes et police srsquoest deacuteveloppeacutee par

rapport aux anneacutees 1980 en France avec une hausse du nombre de jeunes concerneacutes et la

diversification des actes entre voitures poubelles magasins et autres eacutetablissements brucircleacutes

pillages de commerces et autres deacutegradations drsquoeacutequipements publics sociaux et priveacutes

(Mucchielli 2011) Lrsquoincompreacutehension et lrsquoimpuissance politiques restent fortes puisque des

politiques sociales et urbaines se sont accumuleacutees et renforceacutees dans ces lieux depuis cette

peacuteriode sans reacutesultats tangibles Drsquoune part la politique intituleacutee laquo Deacuteveloppement social des

quartiers raquo puis laquo Deacuteveloppement social urbain raquo dans les anneacutees 1980 srsquoest transformeacutee en

laquo Politique de la ville raquo structureacutee par un ministegravere une administration centrale particuliegravere et

une loi drsquoorientation pour la ville (1991) Drsquoautre part le controcircle policier des territoires

urbains concerneacutes srsquoest accru avec la creacuteation drsquoun service speacutecifique au sein des

Renseignements geacuteneacuteraux et drsquoune uniteacute drsquointervention dans la police urbaine la Brigade

anti-criminaliteacute (BAC)

Cependant le versant drsquoanimation sociale des habitants preacutecaires et exclus de la politique de

deacuteveloppement social (participation agrave des projets divers) et qui tend agrave se restreindre par ses

principaux promoteurs et opeacuterateurs (Tissot 2007) a globalement eacutechoueacute le niveau de

participation des populations marginaliseacutees reste faible en raison tant du manque de moyens

institutionnels que du deacuteficit de meacutediation entre habitants et deacutecideurs par des organisations

politiques ou associatives Celles-ci sont en deacuteclin depuis trente ans ou parfois

instrumentaliseacutees pour acheter la laquo paix sociale raquo Sans autre intervention exteacuterieure et

institutionnelle de deacuteveloppement eacuteconomique de maniegravere globale tous les problegravemes

viseacutes persistent depuis pregraves de 20 ans ce que relegraveve la Cour des Comptes dans son quatriegraveme

rapport (2012) sur la politique de la ville (Epstein 2012) ineacutegaliteacutes sociales de territoires

difficulteacutes de mobilisation des politiques publiques et de reacutepartition des moyens sur les sites

ainsi que mauvaise articulation entre le Plan national de reacutenovation urbaine (PNRU) mis en

place en 2003 aux effets sociaux faibles5 et les politiques sociales proprement dites

En effet lrsquoeacuteloignement par rapport au systegraveme de repreacutesentation politique est patent faible

inteacuterecirct (accentueacute par lrsquointerdit du vote) pour les eacutelections des cateacutegories eacutetrangegraveres non-

communautaires tendance agrave la stigmatisation et au repli communautaire des groupes arabo-

5 Ce que les rapports parlementaires de 2007 (Seacutenat) et de 2010 (Comiteacute drsquoeacutevaluation et de controcircle de lrsquoAssembleacutee nationale) ont deacutejagrave indiqueacute

9

musulmans et noir-africains non ou faiblement inseacutereacutes faible inteacutegration globale des

habitants en difficulteacutes socio-eacuteconomiques dans les sections locales des partis et dans les

eacutequipes municipales et sur le plan national insuffisante prise en compte des attentes

drsquointeacutegration par les grands partis politiques de gauche traditionnellement relais des

revendications ouvriegraveres et des populations drsquoorigine eacutetrangegravere Plus globalement cette crise

drsquointeacutegration relegraveve selon certains (Donzelot 2006) drsquoune laquo question urbaine raquo qui ne

recouvre pas seulement le constat de lrsquoexistence de la misegravere etou de la violence en zone

urbaine mais exprime plutocirct lrsquoideacutee que les solutions reacutegulatrices deacutependent des instances et

des acteurs politiques eacuteconomiques et sociaux des niveaux locaux et national ayant un

pouvoir de reacutegulation en milieu urbain Cependant lrsquoaction locale drsquoordre spatial etou

social ne suffit pas pour produire le changement des situations sociales des habitants elle

omet lrsquoaction au niveau des structures sociales et des rapports sociaux drsquoordre global agrave

inteacutegrer dans la sphegravere politique (Garnier 2010)

Sur le plan analytique drsquoailleurs divers travaux inclinent agrave distinguer entre drsquoun cocircteacute les

deacuteterminants sociaux de ces problegravemes urbains comme lrsquoeacutevolution des rapports sociaux de

production de la socieacuteteacute et de lrsquoautre cocircteacute leur cadre spatial dans lequel ils se

manifestent ou encore les effets spatiaux qursquoils produisent Ces deux aspects sociaux et

spatiaux ne sont pas sans lien comme lrsquoattestent lrsquoapproche drsquoanalyse des effets de lrsquoespace

associeacutes agrave ceux des rapports sociaux sur les conduites sociales (Remy 1998) Par exemple

en reacutegion parisienne les politiques drsquoameacutenagement drsquourbanisme de logement voire

drsquoeacutequipement ont des effets seacutegreacutegatifs non souhaiteacutes qui renforcent les ineacutegaliteacutes sociales

drsquointeacutegration urbaine (Preacuteteceille 2004) ce que lrsquoEacutetat et les collectiviteacutes locales ne prennent

pas suffisamment en compte Et la speacutecialisation sociale des territoires srsquoaccentue avec les

tendances agrave lrsquoentre-soi seacutelectif des plus riches et des plus qualifieacutes souvent agrave proximiteacute des

eacutequipements scolaires les mieux laquo freacutequenteacutes raquo (Maurin 2002)

Agrave partir de ce contexte notre probleacutematique srsquoest deacuteveloppeacutee autour de questions relevant

drsquoune sociologie des espaces qui connaissent une transformation sociale ayant des effets sur

les rapports sociaux locaux sur les dynamiques des pratiques et des repreacutesentations sociales

Le sujet porte plus preacuteciseacutement sur le type drsquoespace qui sous lrsquoeffet de plusieurs mouvements

de mobiliteacute spatiale et sociale des habitants et de politiques spatiales particuliegraveres des

pouvoirs publics srsquoest meacutetamorphoseacute au point drsquoecirctre devenu un objet-enjeu central de

cristallisation sociopolitique pour le devenir de la socieacuteteacute urbaine moderne les localiteacutes

10

urbaines de grands ensembles drsquohabitation devenues pour lrsquoessentiel des lieux de releacutegation

des plus preacutecaires fragiles et discrimineacutes des agglomeacuterations ou des bassins drsquohabitat

Ces environnements reacutesidentiels sont devenus assez rapidement depuis leur creacuteation des

lieux de tensions et de difficulteacutes sociales multiples et intenses que les instances et les

politiques sociales peinent chroniquement agrave reacutesoudre depuis pregraves de cinquante ans Car degraves la

livraison des premiers grands ensembles par lrsquoEacutetat dans les anneacutees 1950 les critiques par des

observateurs et leur rejet par certains occupants pour de multiples deacutefauts conceptuels et

pratiques se sont rapidement exprimeacutes Deacutefauts mateacuteriels et physiques drsquoabord qursquoune partie

des acteurs politiques a reconnu tregraves tocirct mais sans pouvoir les corriger totalement avec la

rapiditeacute de la dynamique de production (Peillon 2001 Fourcaut 2002 Voldman 2002)

Deacutefauts drsquoordre social ensuite concernant lrsquoennui et le stress reacutesidentiel que procurent la

plupart des environnements construits en raison drsquoune part de lrsquoabsence drsquoactiviteacutes et

drsquoanimation relieacutees agrave des traditions festives et locales (Lefebvre 160) drsquoautre part de la

promiscuiteacute forte lieacutee agrave la sonoriteacute des cloisons et au vide des espaces inteacuterieurs et exteacuterieurs

sans oublier les deacutefauts drsquoeacutequipements de toute sorte la monotonie des formes architecturales

et urbaines et la distance physique culturelle symbolique et sociale avec les environnements

Avec la crise-mutation de lrsquoeacuteconomie agrave partir des anneacutees 1970 ce sont ajouteacutes les problegravemes

sociaux (paupeacuterisation tensions violence deacutelinquance) lieacutes agrave la preacutecarisation de certaines

cateacutegories modestes et moyennes dans ces peuplements et agrave lrsquoarriveacutee des meacutenages en

difficulteacutes sociales en remplacement des cateacutegories moyennes et supeacuterieures parfois en

recherche de conditions drsquohabitat plus confortables sur les plan physique et social

Puisque les modes de reacutegulation de cette question depuis plus de trente anneacutees apparaissent

inefficaces est-ce lieacute agrave une incapaciteacute ou agrave un refus conscient de la part des responsables

politiques agrave mettre en œuvre des mesures adapteacutees Car selon le paradigme simmelien de la

pauvreteacute (Simmel 2005) les acteurs dominants sont deacuteterminants pour caracteacuteriser son eacutetat

Depuis la fin du XIXe siegravecle en Europe ce sont agrave travers les rapports sociaux que les plus

aiseacutes selon leurs inteacuterecircts et leurs points de vue apportent des moyens divers aux domineacutes

pour eacuteviter le risque de colegravere reacutevolutionnaire En fait leur investissent dans les conditions

drsquoexistence des plus pauvres et des moins utiles au travail deacutepend du caractegravere du lien social

entre eux Ainsi dans un premier temps pendant une grande partie du XXe siegravecle la question

sociale eacutetait fortement indexeacutee aux problegravemes de production dans le domaine industriel dont

les conflits manifestaient des liens somme toute eacutetroits baseacutes sur lrsquoutiliteacute fonctionnelle Loin

de complegravetement disparaicirctre ce type de liens se voit rejoint et par endroit menaceacute par un

11

autre type de lien drsquointerdeacutependance plus relacirccheacute La raison en est lrsquoexposition agrave une

nouvelle division internationale du travail qui fournit agrave lrsquoeacutetranger des quantiteacutes de main

drsquoœuvre bon marcheacute que ne peuvent pas concurrencer les ouvriers des socieacuteteacutes riches

Ce type de lien beaucoup plus relacirccheacute existait deacutejagrave pendant les Trente glorieuses (1945-1975)

au deacutetriment des groupes drsquo laquo inadapteacutes raquo alors mecircme que cette peacuteriode offre une image de

laquo collaboration raquo fonctionnelle ideacuteale avec une laquo eacuteconomie du plein emploi raquohellip sauf pour

ceux qui en eacutetaient exclus (Klanfer 1965 Labbens 1969 Donzelot 1994 Clavel 1998)

Par la suite la mutation de lrsquoeacuteconomie depuis les anneacutees 1970 a engendreacute des quantiteacutes

croissantes de pertes drsquoemploi et de situations de chocircmage Les niveaux sont tels qursquoils ont

pris le sens agrave la fin des anneacutees 1990 et au deacutebut des anneacutees 2000 drsquoune deacutecomposition du lien

de domination eacuteconomique anteacuterieur le salariat srsquoest mueacute en laquo preacutecariat raquo (Castel 1995

Clavel 1998 Donzelot 2004)

Face agrave la croissance du nombre des laquo valides inutiles raquo mais aussi agrave lrsquoanxieacuteteacute de groupes

modestes et moyens inteacutegreacutes avec la geacuteneacuteralisation du risque de deacuteclassement de preacutecariteacute et

drsquoexclusion sociale dans les anneacutees 1980 et 1990 (Maurin 2002 2004 Bertho 1997) les

dominants usent alors de comportements seacutegreacutegatifs plus ou moins appuyeacutes notamment dans

le domaine reacutesidentiel qui varient dans le temps et dans lrsquoespace (Grafmeyer 1994) Selon le

paradigme de la pauvreteacute appliqueacute agrave la territorialisation urbaine le relacircchement partiel ou la

faiblesse chronique de lrsquointerdeacutependance entre certaines cateacutegories supeacuterieures et les couches

les plus basses de lrsquoeacutechelle sociale entraicircnent une moindre neacutecessiteacute de leur cohabitation

proche dans lrsquoespace urbain (Donzelot 2003)

Ce qui explique la tendance agrave la seacutegreacutegation reacutesidentielle agrave tous les niveaux de la hieacuterarchie

sociale Il reste donc aux autoriteacutes publiques dans la sphegravere de la reproduction sociale

(Dubet Martucelli 1998) de porter une attention aux conditions de vie et de participation

sociale (Schnapper 2001) notamment en milieu urbain des plus exclus preacutecaires et fragiles

socialement Leur bien-ecirctre dans les villes constitue drsquoailleurs une condition du

deacuteveloppement qualitatif de celles-ci en leur donnant les moyens drsquoune inteacutegration urbaine

dans le but de favoriser la coheacutesion sociale drsquoensemble de la socieacuteteacute (Bourdin 2006

Donzelot 2006)

Ainsi la persistance lrsquoampleur et la multipliciteacute des situations de crise de gestion politique

des problegravemes et des tensions lieacutes agrave la concentration territoriale des plus pauvres et exclus a

engendreacute depuis le deacutebut des anneacutees 1990 une large preacuteoccupation sociale vis-agrave-vis des

pheacutenomegravenes de deacutegradation sociale et mateacuterielle de certains secteurs drsquohabitat urbain

12

Lrsquoeacutemergence de zones marginaliseacutees souvent identifieacutees aux seules laquo banlieues raquo deacutedaigneacutees

ainsi qursquoagrave des ghettos contemporains dans lrsquoimaginaire du sens commun (Steacutebeacute Marchal

2009) srsquoest drsquoailleurs geacuteneacuteraliseacutee depuis plus longtemps une quarantaine drsquoanneacutees au moins

au point qursquoelles constituent un objet drsquoune speacutecialisation tant sociologique que drsquoautres

disciplines des sciences sociales (eg Vieillard-Baron 1990 Donzelot 1991 Dubet

Lapeyronnie 1992 Wacquant 1993 Paugam 1995 Deacutesigaux 1996 Cuillier 1999

Avenel 2007 Baudin Genestier 2002 Damon 2004 Steacutebeacute 2007 Jaillet Perrin Meacutenard

2008) Ce sujet recouvre un nœud de probleacutematiques scientifiques sociales et politiques

eacutetant donneacute qursquoil est laquo sous influence raquo de lectures sociales et savantes multiples oscillant

entre ambivalence et simplisme et entre instrumentalisation ideacuteologique et politique

(Chevalier 2005) mais aussi theacuteorique (Kokoreff 2007)

Effectivement lrsquoanalyse de pheacutenomegravenes sociaux se reproduisant dans toute une seacuterie

drsquoespaces urbains reacutesidentiels partageant des caracteacuteristiques proches ne peut se contenter de

recherches se limitant agrave des processus sociaux trop particuliers comme la releacutegation et

lrsquoimmobiliteacute dans les quartiers laquo sensibles raquo les mouvements de peacuteriurbanisation des classes

moyennes ou encore le retour aux centres-villes des classes supeacuterieures si lrsquoon se reacutefegravere en

partie agrave la typologie de laquo la ville agrave trois vitesses raquo de Jacques Donzelot (2004) Examineacutes

isoleacutement ces processus ne rendent compte que partiellement de lrsquoeacutevolution des structures

sociales et des usages particuliers des espaces qursquoils traversent Par ailleurs les analyses en

termes de polarisation ou de mixiteacute sociale des espaces reacutesidentiels se cantonnent souvent agrave

des constats quantitatifs sur les parts de cateacutegories sociales diffeacuterentes en copreacutesence Elles ne

visent pas souvent de maniegravere simultaneacutee les pheacutenomegravenes lieacutes aux problegravemes publics qui se

manifestent dans ces espaces et qui traduisent les formes et le sens des rapports sociaux et des

pratiques locales qui srsquoy deacuteveloppent

Notre recherche srsquoest alors centreacutee sur les espaces significatifs sur le plan sociopolitique telle

une commune qui connaissent de multiples processus divergents mais coexistants en leur

endroit Car si les eacutetudes se sont accumuleacutees sur la description des conduites de multiples

groupes sociaux dans les laquo citeacutes raquo ou sur les modes de vie et les attitudes de certaines

cateacutegories de citadins tels les pavillonnaires sur les laquo questions sociales raquo que sait-on sur les

eacutevolutions drsquoensemble drsquoun espace de taille plus importante ougrave se manifestent des

dynamiques sociales multiples aux interactions variables et aux deacuteterminants endogegravenes et

exogegravenes speacutecifiques selon des dimensions et des contenus divers

13

En eacutelargissant lrsquoanalyse agrave des pheacutenomegravenes observables agrave une eacutechelle spatiale elle-mecircme

eacutelargie ie des villes-communes plutocirct que les seuls espaces drsquohabitat deacutegradeacutes aussi grands

soient-ils le questionnement sur les deacuteterminants des situations de crise socio-urbaine et leur

sens par rapport agrave lrsquoensemble de la socieacuteteacute reste pertinent Sur un plan theacuteorique lrsquoeacutevolution

de la structure et de la dynamique sociales des espaces locaux ne deacutepend-elle pas des

modifications des structures socio-spatiales qui ont des effets sociaux divers sur lrsquointeacutegration

urbaine et la coheacutesion sociale selon lrsquointeraction avec drsquoautres facteurs Par exemple

lrsquoeacutevolution des positions sociales des habitants dans les espaces urbains a neacutecessairement des

effets sur la dynamique des rapports sociaux et des pratiques sociales internes et externes de

ces espaces en relation avec les caracteacuteristiques urbaines des zones fonctions qursquoelles

remplissent varieacuteteacute des immeubles configuration des rues preacutesence drsquoactiviteacutes ou encore

densiteacute deacutemographique

Mais comment aborder cette analyse des eacutevolutions sociales des espaces urbains Les

premiegraveres recherches ont montreacute que les analyses peuvent couvrir plusieurs thegravemes qui

traitent de cette question et notamment des espaces dans lesquels lrsquointeacutegration sociale est en

panne Ce dysfonctionnement est expliqueacute en grande partie par les eacutevolutions majeures des

villes en raison de leur morphologie de la taille croissante et de leurs fonctions de plus en

plus complexes ce qui entraicircne un affaiblissement des capaciteacutes urbaines inteacutegratives

Dans ce sens les secteurs urbains laquo sensibles raquo seraient des cas empiriques significatifs de la

notion de ville laquo fragmenteacutee raquo (Dorier-Apprill Gervais-Lambony 2007) reacutesultant drsquoune

diffeacuterenciation territoriale interne lieacutee aux dynamiques sociales de ses composantes

populationnelles Henri Lefebvre (1968 1970 1973 1974) a le premier deacutecrit un effet

drsquoeacuteclatement des villes lieacute agrave leur forte croissance depuis les anneacutees 1950 Lrsquoeacuteclatement

correspond selon lui drsquoune part agrave une laquo implosion raquo des centres urbains avec la concentration

excessive des personnes et des objets et drsquoautre part agrave lrsquo laquo explosion raquo des limites des villes

ie une extension deacutesordonneacutee soutenue par des programmes drsquourbanisation drsquoinspiration

fonctionnaliste mis en place par lrsquoEacutetat pour la construction de logements

Ce double pheacutenomegravene notamment lrsquoeacutetalement urbain se diffuse de maniegravere sans preacuteceacutedente

dans lrsquohistoire urbaine franccedilaise ainsi que dans celle du monde entier Une partie importante

de cateacutegories ouvriegraveres et employeacutees deacuteplaceacutee dans ces nouveaux espaces en a mesureacute les

conseacutequences en termes de deacutestructuration de communauteacutes reacutesidentielles anteacuterieures agrave

lrsquoidentiteacute dite laquo populaire raquo elles se sont retrouveacutees dans des milieux drsquohabitat atomiseacutes

composeacutes drsquoun meacutelange de cateacutegories sociales de profil tregraves varieacute tout en eacutetant placeacute dans un

14

eacutetat de laquo nomadisme raquo imposeacute pour rejoindre les lieux de travail ou de consommation du fait

de lrsquoeacuteloignement des centres de toutes sortes Cette situation reacutesidentielle est devenue

cruellement probleacutematique agrave mesure que se reacuteveacutelait le manque de moyens pour lrsquoassumer

notamment lorsque le chocircmage et la preacutecariteacute socio-eacuteconomique se sont diffuseacutes agrave partir des

anneacutees 1970

En effet les effets nuisibles agrave lrsquointeacutegration sociale de la dispersion des villes ont eacuteteacute perccedilus

assez largement par les sociologues urbains de lrsquoapregraves Seconde Guerre mondiale agrave lrsquoinstar de

Raymond Ledrut (1968) qui dans son ouvrage Lrsquoespace social de la ville eacutevoque la

laquo diminution de lrsquoindividualiteacute collective de la ville et de la personnalisation des quartiers raquo

ou encore pour le dire autrement laquo [la reacutegression] de la vie et de la conscience collectives

alors que la vie sociale et son reacuteseau ont tendance agrave augmenter raquo (citeacute par Steacutebeacute Marchal

2010 p 115) Dans leur ouvrage Sociologie urbaine Jean-Marc Steacutebeacute et Herveacute Marchal

(2010) rappellent que les fondateurs de la sociologie franccedilaise ont identifieacute degraves la fin du XIXe

siegravecle la distension des liens sociaux dans le processus de deacuteveloppement urbain pousseacute par

lrsquoindustrialisation ayant des effets sur les plans affectifs et identitaires

Des travaux sur des pheacutenomegravenes divers ont abordeacute cette question le suicide lrsquoorganisation

du travail les conditions de vie eacuteconomique la vie sociale ou religieusehellip La cause des

tensions et des conduites de perte de sens est souvent imputeacutee agrave lrsquoeacutevolution du champ de la

production et de lrsquoorganisation du travail geacuteneacutereacutee par le deacuteveloppement industriel Drsquoun type

de lien social laquo meacutecanique raquo fondeacute sur une conscience collective et des liens affectifs forts

drsquoappartenance aux mecircmes communauteacutes reacutealisant une gamme drsquoactiviteacutes peu varieacutee des

laquo alveacuteoles raquo assez autonomes selon Eacutemile Durkheim (2007) la socieacuteteacute est passeacutee agrave un type

laquo organique raquo de liens avec la complexification de la division du travail preacutesentant des

fonctions speacutecialiseacutees du fait de la multiplication et de la diversification des activiteacutes de

production imposant une individualisation des consciences et une plus forte distance entre

individus (Toumlnnies 1977)

La transformation du lien social dans le temps est donc lieacutee autant agrave la mutation des structures

sociales qursquoagrave celle des structures spatiales de la socieacuteteacute drsquoune part une plus grande

possibiliteacute de mobiliteacute sociale et spatiale srsquooffre aux individus avec lrsquoextension et la

diversification des reacuteseaux sociaux et des espaces geacuteographiques de mobiliteacute et drsquoautre part

les agglomeacuterations urbaines srsquoaccroissent et se diffeacuterencient agrave mesure qursquoaugmentent et se

diversifient les activiteacutes sociales qui srsquoy produisent Cette eacutevolution preacutesente une double

dynamique drsquoabord la croissance deacutemographique puis le deacuteveloppement quantitatif et

15

qualitatif des activiteacutes avec leur diversification et leur adaptation Ce dernier point nrsquoest

cependant pas toujours garanti selon Lefebvre par exemple la croissance de la main-

drsquoœuvre qui ne va pas sans ineacutegaliteacutes et tensions neacutecessite de la formation pour lrsquoadaptation

agrave la speacutecialisation des fonctions mais aussi des logements ou encore un accegraves agrave la

consommation et aux loisirs

Dans lrsquoanalyse de ces eacutevolutions le statut eacutepisteacutemologique de lrsquoespace geacuteographique du

social prend de la valeur il apparaicirct autant comme deacutependant de la dynamique des modes

globaux drsquoorganisation du travail social que comme deacuteterminant des eacutevolutions sociales et

culturelles des rapports sociaux de production Crsquoest pourquoi il constitue un enjeu drsquoordre

politique pour sa maicirctrise sa production est motiveacutee par la recherche drsquoadaptation aux

usages et aux valeurs des individus et des groupes (Halbwachs 1970) ce qui rend sa

production et sa consommation centrales dans les rapports sociaux au-delagrave de la seule

production drsquoobjets mateacuteriels (Lefebvre 1970)

La ville doit ainsi ecirctre perccedilue moins comme le lieu de la reproduction des moyens de

production agrave des fins eacuteconomiques (vision marxiste traditionnelle) que comme le cadre tout agrave

la fois produit et support-enjeu des rapports sociaux de la socieacuteteacute (Lefebvre 1968) lrsquoespace

se compose ainsi de maniegravere diffeacuterentielle avec des parties centrales et peacuteripheacuteriques agrave

appreacutehender selon une laquo lecture symptocircmale raquo (Lefebvre 2000 p 79) en ce que leur eacutetat

plus ou moins pratiqueacute entretenu ou abandonneacute reacutevegravele les rapports sociaux dans la ville

La ville repreacutesente ainsi un territoire de lieux constituant une matrice drsquoorganisation

drsquointeractions et drsquointerdeacutependances sociales ayant deux implications theacuteoriques (Voyeacute

2002) le deacuteveloppement de pheacutenomegravenes cineacutetiques (flux et temporaliteacutes multiples entre

lieux) qui produisent eux-mecircmes de la ville et la production drsquoeffets de milieu Cette

approche de la dynamique urbaine est sensible aux ineacutegaliteacutes socio-spatiales du fait de la

seacutelectiviteacute sociale des lieux qui structurent le deacuteveloppement de la vie urbaine (Plouchard

1999) Les programmes drsquohabitat et drsquourbanisation fonctionnaliste des anneacutees 1950 agrave 1975

srsquoinscrivent dans cette orientation seacutegreacutegative agrave lrsquoinverse des objectifs de mixiteacute parfois

afficheacutes leurs multiples deacutefauts ont rendu les grands ensembles repoussant aux yeux des

classes moyennes aspirant aux pavillons ou rejoignant le collectif priveacute neuf ou ancien de

meilleure qualiteacute mieux inseacutereacute dans les villes ou plus proche de leur travail

Cette phase marque le deacutebut de la formation de laquo ghettos raquo contemporains en France

Lefebvre (1960) utilise dans son article sur laquo Les nouveaux ensembles urbains raquo le terme de

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laquo citeacutes-ghettos raquo agrave cocircteacute de celui de laquo citeacutes-dortoirs raquo mais aussi le mot laquo ghetto raquo seul pour

deacutesigner la manifestation possible dans des nouvelles uniteacutes urbaines des laquo deacuteficiences raquo des

agglomeacuterations historiques ou laquo spontaneacutees raquo par effet de laquo captation raquo voire de

laquo condensation raquo Le terme ghetto est aussi citeacute en 1968 dans la publication de son livre Le

droit agrave la ville premier de sa seacuterie drsquoouvrages sur lrsquoeacutevolution urbaine Il srsquoagit cependant agrave

cette eacutepoque moins de deacutesigner des espaces de violence et de criminaliteacute comme y est

davantage enclin lrsquoimaginaire urbain depuis les anneacutees 1980 en raison de lrsquoanalogie avec la

deacutesagreacutegation sociale et la criminaliteacute puissante des ghettos noirs eacutetatsuniens (Wacquant

2007) que de deacutenoncer lrsquoennui le manque drsquoactiviteacutes et de pratiques collectives lieacutees tant au

travail productif (deacuteveloppement des machines) que par le manque drsquoeacutequipements de loisirs

Toutefois la signification du ghetto est alors convergente dans les deux cas des fragments

de ville de taille suffisamment grande pour que les habitants qui sont contraints drsquoy vivre en

raison de leur exclusion sociale (agrave caractegravere ethno-racial ou pas) y produisent un mode de vie

diffeacuterent des autres espaces urbains avec lesquels les frontiegraveres socio-spatiales sont

deacutelimiteacutees En effet progressivement le peuplement des espaces des cateacutegories sociales de

plus en plus deacuteproleacutetariseacutees (deacuteconnecteacutees du travail industriel) peu qualifieacutees est

potentiellement exposeacute agrave des manifestations multiples de toutes formes drsquoanomie dans les

vies priveacutees et publiques Les conduites de deacutesespoir de contestation et de survie qui se

deacuteveloppent dans les grands ensembles relegravevent alors drsquoune gestion nouvelle des rapports

sociaux (Duprez 1982) au niveau du travail social de la socialisation ou encore de

lrsquoameacutenagement territorial et de la politique du logement Cependant la poursuite vers des

formes extrecircmes de ces conduites de rupture (eacutemeutes organisation criminelle

communautarisme deacutesordre geacuteneacuteraliseacute) ne montre-t-elle pas le sous traitement permanent de

cette question en France sur le plan politique jusqursquoagrave nos jours

Le recueil et lrsquoeacutetude de donneacutees reacutealiseacutes aupregraves de diffeacuterentes villes-communes de grand

ensemble reacutevegravelent une dynamique de deacutegradation des situations et des conduites sociales vers

une situation qui peut ecirctre qualifieacutee de ghetto ou proche de celle-ci Lrsquoobjectif de notre

recherche est de mettre en valeur les principaux deacuteterminants de celle-ci Quels en sont les

facteurs preacutedominants parmi les caracteacuteristiques morphologiques de lrsquohabitat ou encore

parmi les proprieacuteteacutes eacuteconomiques sociales politiques voire institutionnelles des communes et

de leurs agglomeacuterations et plus largement du systegraveme eacuteconomique et social actuel de la

socieacuteteacute La tacircche nrsquoest pas simple puisque ces caractegraveres alimentent tout en en deacutecoulant agrave

la fois le plus souvent la stigmatisation et la seacutegreacutegation des territoires et de leurs habitants

17

concentration de chocircmeurs et de populations issues de lrsquoimmigration deacutelinquance et

violence interpersonnelle paupeacuterisation et seacuteparation familiales Dans ce sens lrsquohypothegravese

premiegravere de notre thegravese a eacuteteacute que ce sont des variables agrave la fois macro sociales et locales qui

deacuteterminent dans le contexte socieacutetal actuel lrsquoeacutevolution des communes de grands ensembles

les pratiques tant sociales que spatiales des populations qui habitent agrave lrsquointeacuterieur ou agrave

proximiteacute des grands ensembles sont subordonneacutees ou au moins en interdeacutependance avec les

caracteacuteristiques et les dynamiques sociales et spatiales de ceux-ci en partie produits par la

socieacuteteacute

Cette hypothegravese se base sur le cadre paradigmatique des relations drsquoinfluence entre lrsquoespace et

le social que Lefebvre (1974) a poseacute lrsquoespace social et notamment urbain est produit par

des groupes dominants il geacutenegravere lui-mecircme en retour des effets sociaux divers en termes de

dynamique des relations sociales locales voire des rapports sociaux plus globaux entre

grandes cateacutegories sociales de la socieacuteteacute La sociologie urbaine est ainsi marqueacutee par ce

modegravele de lrsquoimbrication de la dynamique urbaine (les interactions et les activiteacutes sociales les

mobiliteacutes sociales et spatiales les constructions et lrsquoameacutenagement) dans celle de la socieacuteteacute

(rapports sociaux et mobiliteacute sociale) (Bassand Kaufman Joye 2002) La deacutegradation de

certaines parties de la ville est donc indissociablement lieacutee agrave la deacutegradation de la coheacutesion des

rapports sociaux de production et notamment de production mecircme de lrsquoespace physique et

social (Joye Schuler 2002) Ce qui au passage institue un cadre agrave la reacutesolution des laquo crises

urbaines raquo Bourdin (2006) ie des problegravemes aigus deacutestabilisant les villes (chocircmage

marginaliteacute de certains groupes tensions relationnelles deacutelinquance criminaliteacute violence

peacutenurie de logementshellip) crsquoest aux groupes qui ont la gestion agrave tous les niveaux de

responsabiliteacute politique des problegravemes sociaux des citadins et de leurs difficulteacutes urbaines de

deacuteterminer la coheacutesion de leur rapport avec les groupes domineacutes En assurant une place

drsquoutiliteacute sociale agrave chacun agrave chaque groupe (Castel 2000) lrsquoEacutetat peut faciliter la gestion

sociale locale des dysfonctionnements urbains crsquoest-agrave-dire la gouvernance moderne des

villes

La recherche deacuteveloppeacutee srsquoinscrit ainsi dans ce champ drsquoanalyse des relations de deacutependance

reacuteciproque entre production de lrsquoespace et dynamiques micro et macro-sociales qui deacutepassent

tant sur le plan spatial que social et symbolique le cadre geacuteographique de leur territoire

(Lapeyronnie 2008 Maurin 2004 Marchal Steacutebeacute 2009 2010) De ce fait puisque

lrsquointerdeacutependance socio-spatiale des territoires et la transversaliteacute spatiale des processus

sociaux qui geacutenegraverent des rapports de concurrence entre espaces proches mais distincts un des

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effets potentiels est la deacutevalorisation sociale de certains territoires et de leur population agrave des

degreacutes variables selon les contextes et les acteurs Ce risque nrsquoest-il pas inheacuterent au

deacuteveloppement drsquoun espace socieacutetal et geacuteographique constitueacute de multiples cateacutegories

sociales et spatiales de taille diverse theacuteoriquement ouvertes agrave la mobiliteacute et en

interdeacutependance plus ou moins conflictuelle pour les positions privileacutegieacutees et dominantes

dans les rapports de production de socialisation et drsquointeacutegration Crsquoest pourquoi pour

lrsquoanalyse des eacutevolutions des zones de marginaliteacute que sont devenus les lieux drsquoimplantation

des grands ensembles nous avons deacuteveloppeacutee une notion le deacuteclin social urbain

Cette notion srsquoinscrit dans une approche conceptuelle qui prend en compte la complexiteacute des

relations drsquointerdeacutependance qui dominent les espaces mais aussi les effets de fragmentation

socio-spatiale des villes Le processus qursquoelle deacutesigne est celui de la deacutegradation mateacuterielle

sociale et symbolique drsquoune zone urbaine assez large et autonome sur le plan fonctionnel

comme les communes en raison de lrsquoexistence simultaneacutee de plusieurs pheacutenomegravenes 1 la

paupeacuterisation et la fragilisation sociale et sanitaire drsquoune grande partie de la population

reacutesidente (sous lrsquoeffet de lrsquoexclusion et de la preacutecariteacute socio-eacuteconomique eacuteleveacutee et persistante

des couches peu qualifieacutees) 2 la deacutegradation et le manque institutionnel drsquoentretien et de

maintenance des immeubles et de lrsquoensemble mateacuteriel et infrastructurel des zones drsquohabitat

3 la faiblesse voire la reacuteduction des eacutequipements et des activiteacutes institutionnelles

eacuteconomiques et sociales en interne et dans lrsquoenvironnement et 4 la multiplication des

expeacuteriences drsquoexclusion de discrimination et de marginalisation sociale parmi les habitants

geacuteneacuterant des conduites de protestation et de transgression multiple agrave lrsquoaide de la violence le

plus souvent

Les caracteacuteristiques de cette notion srsquoinscrivent en reacutesonance avec les analyses sur les ghettos

contemporains Elle srsquoinspire du terme de ghettoiumlsation utiliseacutee davantage pour les zones

drsquohabitat cette derniegravere notion met en eacutevidence les effets extrecircmes de la concentration

territoriale de la pauvreteacute agrave partir de ses diverses dimensions sociales et spatiales (Marchal

Steacutebeacute 2010) Toutefois la notion de deacuteclin social urbain srsquoen deacutemarque pour deux raisons

drsquoune part lrsquoeacutechelle urbaine concerneacutee la ville-commune est souvent plus large que les

zones drsquohabitat sur lesquelles srsquoapplique le terme de ghettoiumlsation le plus souvent pour des

quartiers-ghettos marqueacutes par la concentration de la pauvreteacute et la releacutegation ethnique et

drsquoautre part la preacutesence drsquoadministrations territoriales et de quelques services publics et

priveacutes de proximiteacute qui empecircche de penser ces espaces comme en marge de la socieacuteteacute au

19

contraire de la figure archeacutetypale du grand ghetto noir-ameacutericain de Chicago (Kokoreff

2009)

La notion de deacuteclin social a alors constitueacute un point drsquoappui conceptuel pour la recherche que

nous avons meneacutee Elle se conforme tout agrave fait au paradigme de lrsquoeacutevolution diffeacuterentielle des

espaces urbains de Lefebvre en en reacuteveacutelant une forme de manifestation empirique Pour un

espace social et local deacutetermineacute les eacutevolutions macro-sociales se reflegravetent donc agrave travers

lrsquoeacutetat et les modifications de ses traits drsquoordre eacuteconomique social institutionnel et mateacuteriel

Ces aspects sont certainement lieacutes de diverses maniegraveres non sans lrsquoinfluence des politiques

centrales et locales Il convient drsquoajouter que ce type drsquoeffets sociaux localiseacutes comme le

deacuteclin social urbain est puisque socialement produit en interaction avec lrsquoeacutevolution des

autres parties de lrsquoespace geacuteographique global de la socieacuteteacute le regroupement de populations

pauvres dans certaines localiteacutes urbaines constitue un pendant drsquoune configuration geacuteneacuterale

de peuplement ougrave par ailleurs les cateacutegories moyennes et supeacuterieures stables srsquoagregravegent dans

drsquoautres espaces plus valoriseacutes preacuteserveacutes des groupes exclus et fragiles souvent agrave des

niveaux tregraves fins de voisinages de petite taille ce que reacutevegravelent les eacutetudes sur la seacutegreacutegation

sociale (Maurin 2002 2004)

Au sein des espaces ghettoiumlseacutes ou en deacuteclin comme les territoires internes et alentours des

grands ensembles les milieux sociaux constitueacutes repreacutesentent pour les divers habitants des

lieux de faible possibiliteacute de reacutealisation de soi drsquoinvestissement personnel et identitaire

(Giraud 2000) mais aussi par conseacutequent de transaction sociale en raison de la difficulteacute

drsquoinstaurer le plus souvent des compromis pratiques convenant aux habitants se cocirctoyant

(Gibout et al 2009) Les conduites de repli social dans les appartements souvent releveacutees

dans les enquecirctes sur la sociabiliteacute traduisent cette ambiance frustrante sur le plan social

Lrsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute des profils des meacutenages la preacutedominance et la multipliciteacute des difficulteacutes

drsquoexistence et des conduites drsquoopposition agrave lrsquoordre social seacutegreacutegatif produisent en effet de

nombreux signes mateacuteriels sociaux et institutionnels de diffeacuterence aux attentes aux

pratiques aux inteacuterecircts et aux valeurs de chacun Les relations et les pratiques sociales sont

empruntes de meacutefiance qui renforce qui srsquoajoute aux difficulteacutes drsquoaccegraves aux eacutequipements et

aux services urbains depuis les grands ensembles (Preacuteteceille 1995-a 1995-b 2000 2002

2004 2006 2008)

Lrsquoanalyse des rapports sociaux contemporains montre une geacuteneacuteralisation de la seacutegreacutegation

dans les pratiques sociales des cadres du priveacute et au niveau des politiques conduites par les

responsables de la gestion de lrsquoEacutetat et de ses missions depuis les anneacutees 1970 sous les formes

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de lrsquoimposition du libeacuteralisme eacuteconomique dans les domaines sociaux Cette caracteacuteristique

est agrave la base de la production sociale des ghettos modernes en France qui se dessine sans que

les politiques sociales de la ville drsquoordre curatif fondeacutees sur lrsquoanimation et la protection

sociale minimale nrsquoarrivent agrave juguler le pheacutenomegravene

Notre question de recherche initiale qui partait donc de cette volonteacute de connaicirctre les

deacuteterminants sociaux etou spatiaux des situations sociales probleacutematiques des communes de

grands ensembles srsquoest alors formuleacutee agrave partir de la formalisation de la notion de deacuteclin

social et de lrsquoidentification du pheacutenomegravene causal de seacutegreacutegation en termes de preacutecision sur

les modaliteacutes deacuteterminantes le deacuteclin des grands ensembles constitue-t-il une modaliteacute

spatiale de la seacutegreacutegation sociale et pour quelles raisons Si des signes tendent agrave reacutepondre agrave

la premiegravere partie de la question par lrsquoaffirmative nous avons pu aussi constater que les effets

de ce pheacutenomegravene renforcent les conduites seacutegreacutegatives en milieu urbain au niveau micro

social (pratiques sociales et notamment reacutesidentielles des citadins) et local (petits espaces

drsquoenvironnements drsquohabitation) Ce qui accentue le sens originel de la notion de seacutegreacutegation

urbaine relative aux ineacutegaliteacutes sociales drsquoaccegraves aux eacutequipements des villes

Notre premiegravere hypothegravese au regard des observations cumuleacutees relatives aux critiques sur la

forme urbaine et ses effets sociaux depuis les anneacutees 1960 jusqursquoagrave la fin des anneacutees 1990 a

eacuteteacute que les pheacutenomegravenes de deacutegradation sociale ont comme principale source lrsquourbanisme et

lrsquoarchitecture fonctionnalisme preacutedominante geacuteneacuterant par leurs proprieacuteteacutes intrinsegraveques les

conflits de cohabitation lrsquoennui voire lrsquoanomie des cateacutegories les moins inseacutereacutees Cependant

recueil de donneacutees et confrontation aux travaux et aux analyses multiples agrave ce sujet ont

imposeacute lrsquoideacutee drsquoun effet preacutedominant de cette variable sous-jacente qursquoest la seacutegreacutegation

sociale et dont il faut comprendre les raisons et les formes de son existence dans des

domaines varieacutes (de lrsquoeacuteconomie au spatial) agrave des niveaux sociaux distincts (des relations

locales aux rapports sociaux plus globaux) selon des modaliteacutes diverses Pour le destin des

grands ensembles qui constituent de maniegravere assez systeacutematique des milieux socio-spatiaux

drsquoeacutevolution neacutegative de vie sociale locale il se manifeste bien un double effet de gestion

politico-institutionnelle sur le plan mateacuteriel et du peuplement et de rapport social de la part

des populations locales et de la socieacuteteacute dans son ensemble agrave ce type drsquoespace reacutesidentiel et

aux cateacutegories auxquelles qursquoil abrite

La production sociopolitique des grands ensembles et leur gestion convergent avec les

meacutecanismes ou les attitudes drsquoexclusion totale ou partielle dans les champs eacuteconomiques et

sociaux notamment en milieu urbain puisque lrsquoespace est devenu un enjeu important dans la

21

mobiliteacute des cateacutegories sociales les plus anxieuses dans lrsquoeacuteconomie mondialiseacutee Cet aspect se

manifeste autant dans des politiques urbaines et sociales deacutefavorables (eacutequipements et

services publics et priveacutes drsquointeacutegration sociale insuffisants ou peu accessibles) qursquoau niveau

des usages sociaux avec des pheacutenomegravenes de mise agrave lrsquoeacutecart et de seacuteparation dans les pratiques

sociales et reacutesidentielles de cateacutegories sociales supeacuterieures et moyennes Celles-ci cherchent agrave

se proteacuteger des contacts sociaux indeacutesirables comme des meacutefaits et des atteintes divers et agrave

maximiser les situations drsquoentre-soi pour beacuteneacuteficier de ressources sociales neacutecessaires face

aux menaces de deacutecheacuteance ou drsquoeacutechec eacuteconomique social et symbolique

Notre recherche srsquoest organiseacutee autour de deux phases la premiegravere est une double deacutemarche

drsquoeacutetudes empiriques compleacutementaires associant monographie intensive drsquoun site (Les Ulis

dans lrsquoEssonne) et comparaison extensive de plusieurs espaces similaires en France (six

communes de grands ensembles dans des espaces peu ou pas urbaniseacutes auparavant de taille

petite ou moyenne et situeacutees en marge de plus grandes agglomeacuterations) la seconde a eacuteteacute un

deacuteveloppement analytique exploitant les principaux reacutesultats en les confrontant agrave drsquoautres

travaux dans ce domaine pour en formaliser les notions et les variables qui ont eacuteteacute preacutesenteacutees

Crsquoest lors de ces phases empiriques que le deacuteclin social urbain a eacuteteacute appreacutehendeacute drsquoabord par

la deacutemarche monographique meneacutee gracircce agrave la conduite pendant quatre anneacutees de

lrsquoobservatoire local de la commune concerneacutee (2000-2004) Ce type drsquoapproche srsquoappuie sur

lrsquoexpeacuterience et les repreacutesentations des acteurs pour recueillir des informations les traiter et

les interpreacuteter Lefebvre (1968 p 118-119) lrsquoencourage pour des champs sociaux complexes

comme celui de la ville laquo Le mouvement dialectique se preacutesente ici comme un rapport entre

la science et la force politique comme un dialogue ce qui actualise les rapports laquo lsquotheacuteorie-

pratiquersquo et lsquopositiviteacute-neacutegativiteacute critiquersquo raquo

Dans lrsquoensemble la thegravese comporte quatre parties La premiegravere est la probleacutematique faisant se

croiser deux ordres de pheacutenomegravenes drsquoune part lrsquoexclusion et la preacutecariteacute sociale avec ses

effets de paupeacuterisation et de fragilisation sociale et drsquoautre part les pratiques de releacutegation

dans lrsquoespace notamment en milieu urbain et dans les grands ensembles des plus pauvres

preacutecaires et fragiles socialement Il est perccedilu que ces deux ordres de pheacutenomegravenes sont lieacutes par

la mecircme cause sociale deacuteterminante une mecircme attitude seacutegreacutegative de la part des groupes

dominants lrsquoeacuteconomie et la socieacuteteacute vis-agrave-vis des cateacutegories sociales les moins qualifieacutees

Les trois parties suivantes de la thegravese preacutesentent les principaux temps drsquoanalyse Tout

drsquoabord la premiegravere partie lrsquoobservation monographique de la ville des Ulis qui rassemble

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des donneacutees locales multiples au-delagrave de premiers indicateurs standards drsquoeacutevolution de la

ville La deuxiegraveme partie analyse un eacutechantillon de six communes seacutelectionneacutees pour leur

proximiteacute morphologique avec la premiegravere eacutetudieacutee Celle-ci est associeacutee agrave lrsquoeacutechantillon pour

une analyse selon des critegraveres homogegravenes et moins nombreux en eacutetudiant des donneacutees de

mecircme peacuteriode historique plus reacutecente Agrave des fins de comparaison lrsquoanalyse est moins

multifocale pour assurer lrsquoobtention et la mise en forme de donneacutees identifieacutees comme

pertinentes depuis lrsquoeacutetude monographique Des eacuteleacutements drsquohistoire et de profil social et

urbain des six communes ont eacuteteacute rassembleacutes ainsi que les projets en cours de reacutenovation

urbaine en raison des probleacutematiques urbaines qursquoils soulegravevent sur les sites Des cartes et des

photos des situations urbaines accompagnent les textes

Enfin la troisiegraveme partie analyse ces donneacutees en identifiant et interpreacutetant les relations les

plus nettes entre les variables en preacutesence afin de comprendre la speacutecificiteacute du destin des

villes-communes marqueacutees par les effets de ghettoiumlsation de leur grand parc drsquohabitat sur la

situation sociale des habitants Il srsquoagit drsquoabord de preacuteciser les caracteacuteristiques physiques et

sociales qui constituent des freins agrave leur habitation pour une vie sociale satisfaisante des

cateacutegories initiales de leur destination (les cateacutegories ouvriegraveres et moyennes en ascension)

Ensuite ce sont ces facteurs premiers de deacutegradation qui sont eacutetudieacutes pour en comprendre et

expliquer leur manifestation Ce qui renvoie au modegravele libeacuteral drsquoorganisation sociale depuis

les anneacutees 1970 qui a geacuteneacutereacute ce type drsquoespace reacutesidentiel et sa gestion en mecircme temps que

lrsquoattitude anxieuse des individus pour leurs situations eacuteconomique et sociale dans un contexte

de deacuteveloppement des ineacutegaliteacutes sociales de la preacutecariteacute professionnelle de lrsquoexclusion

socio-eacuteconomique de la paupeacuterisation des meacutenages en difficulteacutes sociales et de la faiblesse

de lrsquoEacutetat agrave trouver des mesures protectrices adapteacutees

23

24

Des exclus dans les grands ensembles cause de leur deacuteclin

ou modaliteacute spatiale de la seacutegreacutegation sociale

Agrave lrsquoorigine du deacuteveloppement de la probleacutematique de la thegravese deux seacuteries de pheacutenomegravenes se

trouvent reacuteunies dans un type drsquoespace reacuteputeacute pour son eacutevolution sociale critique reacuteveacutelatrice

de difficulteacutes et de tensions drsquointeacutegration sociale drsquoune part lrsquoexclusion et la preacutecariteacute socio-

eacuteconomiques et drsquoautre part la releacutegation et la seacutegreacutegation urbaines qui se produisent

particuliegraverement agrave lrsquoendroit des grands ensembles drsquohabitation Ce type drsquohabitat a eacuteteacute

construit dans les anneacutees 1950 agrave 1970 sous lrsquoimpulsion de lrsquoEacutetat et selon les principes de

lrsquoarchitecture et de lrsquourbanisme moderne formuleacutes dans les anneacutees 1920 et 1930 en reacuteaction

aux nuisances produites par les villes industrielles en croissance depuis la fin du XIXe siegravecle

Les grands ensembles apportaient lrsquoespace lrsquoair et la lumiegravere aux occupants des

appartements en seacuteparant les bacirctiments entre eux de vides laquo naturels raquo deacutegageacutes de petites

rues encombreacutees agrave leur pied Il est vrai que marcher aux Ulis dans lrsquoEssonne laquo ville nouvelle

avant lrsquoheure raquo sur les dalles et sur les passerelles reliant une grande partie des diffeacuterents

quartiers au-dessus de son reacuteseau viaire nrsquoest pas sans susciter un certain plaisir

lrsquoameacutenagement est original et le gain est tangible en termes de seacutecuriteacute et de tranquilliteacute vis-

agrave-vis du trafic routier Cependant un sentiment drsquoeacutetrangeteacute voire drsquoisolement se deacutegage dans

la pratique de cette forme urbaine pouvant confiner agrave lrsquoinquieacutetude agrave certaines heures et par

endroit lieacute au nombre peu eacuteleveacute de citadins dans les laquo rues raquo pendant la journeacutee et agrave

lrsquoapparence de ceux-ci alors que la ville preacutesente sur le plan statistique un profil de classes

moyennes et modestes ce sont surtout des passants de faibles conditions et drsquoorigine

immigreacutee qui occupent lrsquoespace public central

Cette caracteacuteristique est typique des espaces urbains de petite ou moyenne taille priveacutes autant

drsquoun centre-ville diversifieacute et animeacute que drsquoactiviteacutes eacuteconomiques multiples et meacutelangeacutees dans

les espaces reacutesidentiels et les bacirctiments publics et culturels Toutes centraliteacutes commerciales

et eacuteconomiques drsquoimportance sont situeacutees hors de la ville dans drsquoautres zones ameacutenageacutees de

maniegravere volontairement seacutepareacutee La faiblesse drsquoanimation des espaces exteacuterieurs aux

bacirctiments administratifs centraux des communes et des quelques commerces plus ou moins

regroupeacutes autour est une conseacutequence de cet urbanisme de zonage des fonctions En outre la

faiblesse eacuteconomique et sociale apparente des lieux et des habitants constitue bien souvent un

autre eacuteleacutement drsquoambiance caracteacuteristique de ce type drsquoespace

Des signes mateacuteriels et physiques multiples lrsquoattestent drsquoabord des espaces exteacuterieurs aux

mateacuteriaux de faible qualiteacute useacutes ou vandaliseacutes et non remplaceacutes par endroits ainsi que des

commerces aux produits bon marcheacute et parfois de tendance ethnique pour srsquoadapter aux

besoins des meacutenages drsquoorigine eacutetrangegravere mais souvent limiteacutes sur les plans de la diversiteacute de

la qualiteacute et de la preacutesentation des articles ensuite sur le plan des personnes visibles en

pleine journeacutee de travail en semaine toute une gamme preacutedominante drsquohommes et de femmes

affichent des signes de preacutecariteacute eacuteconomique et de fragiliteacute sociale voire de distance

culturelle avec les normes dominantes de la socieacuteteacute franccedilaise des jeunes ou des adultes non-

occupeacutes souvent des femmes ou des retraiteacutes des deux sexes drsquoorigine immigreacutee aux

vecirctements europeacuteens parfois useacutes ou aux tenues des cultures drsquoorigine (nord ou noir-africaine

etou musulmane mais aussi indo-pakistanais et asiatique sans oublier sud-ameacutericaine)

La plupart du temps en peacuteriode de travail les lieux de sociabiliteacute locale deacutecouvrent ainsi

toute une frange sociale populaire deacuteproleacutetariseacutee en grande partie (ouvriers peu qualifieacutes au

chocircmage agrave la preacuteretraite ou en interim) principalement drsquoorigine immigreacutee Pour certains

notamment les hommes en parallegravele au quotidien des courses de proximiteacute le plus souvent

reacutealiseacutees par les femmes les laquo cafeacutes-tabac-PMU6 raquo sont les espaces de rencontre pour

partager un verre ou un cafeacute ainsi que les frissons des jeux de hasards (loto et autres jeux de

la Franccedilaise des jeux) et des paris aux courses de chevaux retransmis sur les eacutecrans teacuteleacuteviseacutes

Dans les espaces publics locaux on rencontre en outre des fonctionnaires des administrations

locales en deacuteplacement entre les services situeacutes dans diffeacuterents quartiers de la ville ou pour le

deacutejeuner aupregraves des commerccedilants et restaurants de proximiteacute Aux Ulis ils arpentent les

diffeacuterentes parties de la dalle du centre-ville de la commune et les passerelles reliant les

diffeacuterentes reacutesidences situeacutees agrave cocircteacute en croisant la population locale Ils peuvent drsquoailleurs

partager avec celle-ci une certaine interconnaissance voire une familiariteacute dans lrsquoespace local

probante dans certains lieux que montrent par exemple des salutations nombreuses ouvertes

et parfois deacutemonstratives avec les diffeacuterents usagers preacutesents

En revanche les cateacutegories moyennes voire supeacuterieures mais aussi plus modestes et inseacutereacutees

de maniegravere reacuteguliegravere dans lrsquoeacuteconomie qui habitent dans les immeubles collectifs priveacutes et

6 Le Pari Mutuel Urbain est le systegraveme drsquoenregistrement des paris sur les courses de chevaux hors des hippodromes situeacute dans les cafeacutes-tabac Il est organiseacute par le Pari Mutuel organisme habiliteacute sous la tutelle du ministegravere de lrsquoAgriculture et drsquoun controcircleur drsquoEacutetat (Centre national de ressources textuelles et lexicographiques - CNRTL httpwwwcnrtlfrdefinitionpmu)

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sociaux voire dans certains lotissements pavillonnaires que comportent ces communes (au

sud-est de la commune pour les Ulis) freacutequentent moins ces espaces aussi bien en journeacutee de

travail que le soir et les fins de semaine Elles pratiquent davantage les eacutequipements

commerciaux et les zones drsquoactiviteacutes agrave vocation reacutegionale et agrave destination des classes

moyennes comme le centre commercial Ulis II qui borde le sud de la ville

Ce tableau drsquoambiance sociale en jour de travail est celui que connaissent les communes

peacuteripheacuteriques de cateacutegories moyennes et modestes comme Les Ulis au deacutebut des anneacutees

2000 La traverseacutee de leur laquo centre-ville raquo peu animeacute et peu meacutelangeacute sur le plan des

fonctions des activiteacutes et des cateacutegories sociales illustre lrsquointeacuterecirct drsquoanalyser cette forme

urbaine en croisant les deux ordres de pheacutenomegravenes eacutevoqueacute plus haut drsquoune part la

marginalisation socio-eacuteconomique drsquoune frange modeste de la population de lrsquoensemble de

lrsquoagglomeacuteration drsquoappartenance et drsquoautre part la releacutegation spatiale drsquoune partie de celle-ci

dans des espaces drsquohabitat de faible valeur eacuteconomique et urbaine comme le grand ensemble

drsquohabitation des Ulis

La ville se distingue drsquoailleurs dans lrsquoespace drsquoensemble de lrsquoagglomeacuteration parisienne par

une connotation symbolique plutocirct neacutegative en raison de la preacutedominance de son habitat

original mais en partie deacutevaloriseacute par les classes moyennes mais aussi du fait de la

deacutelinquance et de violence qui srsquoy manifestent ainsi que des discours et des actions politiques

et sociales qui focalisent les consciences locales sur son destin et son devenir Comme abordeacute

dans lrsquointroduction le deacuteveloppement de la probleacutematique drsquoanalyse lieacute agrave lrsquoobjectif de

chercher agrave comprendre agrave qualifier et agrave expliquer lrsquoeacutetat social global de ce type de commune

conduit agrave examiner les causes de leur deacutegradation puisque ces communes apparaissent

toutes marqueacutees par ce mecircme pheacutenomegravene de laquo crise urbaine raquo Il srsquoagit ici pour la

progression de la question de recherche drsquoapprofondir lrsquoanalyse de deux aspects de celle-ci

correspondant aux deux seacuteries de pheacutenomegravenes indiqueacutes plus haut (exclusion et preacutecariteacute

socio-eacuteconomique seacutegreacutegation urbaine) qui paraissent ecirctre agrave lrsquoorigine de la production

sociale des espaces urbains de releacutegation sociale

Ces deux ordres de pheacutenomegravenes ne reacutevegravelent-ils pas une signification commune le deacutefaut

drsquointeacutegration sociale des personnes les plus fragiles socialement et culturellement Dans les

deux dimensions des pheacutenomegravenes eacutetudieacutes social et spatial cette caracteacuteristique qui relegraveve

drsquoattitudes sociales et politiques seacutegreacutegatives se manifeste selon des modaliteacutes particuliegraveres

tout en finissant par endroit par se croiser ce sont dans des espaces de faible valeur

eacuteconomique et sociale et de faible investissement institutionnel que des meacutenages et des

27

personnes en difficulteacutes sociales peuvent se retrouver pour habiter Pour le deacuteveloppement de

la probleacutematique nous nous orientons vers la recherche de qualification des processus

observables et des situations produites permettant drsquoen reconstituer les modaliteacutes

explicatives

Un point-cleacute drsquoanalyse est que les espaces sociaux des grands ensembles manifestent le plus

nettement les signes des deacutefauts drsquointeacutegration sociale et institutionnelle les pheacutenomegravenes de

ghettoiumlsation et de ghettos tendent agrave ecirctre de plus en plus rapporteacutes et reconnus Ils confirment

alors lrsquoinstallation durable des pheacutenomegravenes drsquoexclusion socio-eacuteconomique drsquoune partie de la

population et de sa releacutegation spatiale soit une forme de seacutegreacutegation urbaine dans les

agglomeacuterations drsquoappartenance de ces territoires Ainsi la probleacutematique de notre thegravese agrave

partir de questions portant sur le sens des situations de crise urbaine des espaces de grands

ensembles nrsquoen eacutecarte pas moins les exigences drsquoune sociologie explicative puisqursquoelle vise agrave

questionner les pheacutenomegravenes qui les deacuteterminent Et en quelque sorte ce questionnement sur

les causes contribue agrave reacuteveacuteler plus en avant la signification des processus concerneacutes

Plus preacuteciseacutement la probleacutematique suit deux principaux temps premiegraverement poser la

question de lrsquoexistence du sens des modaliteacutes et des effets de lrsquoexclusion sociale et

eacuteconomique deuxiegravemement deacutevelopper les mecircmes questions concernant les situations de

deacutegradation physique et sociale des territoires des grands ensembles (zones drsquohabitat et

territoires plus larges drsquoappartenance) non sans lien avec lrsquoexclusion sociale de certains de

ces habitants mais aussi en raison de la manifestation de la mecircme cause sociale deacuteterminante

qursquoest lrsquoattitude seacutegreacutegative ou excluante des groupes dominants ici exerceacutee dans les

politiques urbaines et sociales celles-ci eacutetant censeacutees garantir lrsquointeacutegration sociale des

cateacutegories peu qualifieacutees et en difficulteacutes sociales ainsi que la qualiteacute fonctionnelle des

espaces de grands ensembles pour les citadins en reacutealisant des interventions et une gestion

institutionnelles agrave la hauteur des enjeux Ces derniers pouvant se reacutesumer par lrsquoameacutelioration

des caracteacuteristiques physiques et de leur gestion notamment par le biais de reacutehabilitation des

immeubles et des espaces communs et aussi par leur transformation spatiale et fonctionnelle

pour leur revalorisation

28

Chapitre I

Lrsquoexclusion socio-eacuteconomique depuis les anneacutees 1970 un premier signe de la

seacutegreacutegation sociale moderne

La premiegravere question qui ouvre la reacuteflexion sur ce thegraveme est de comprendre et drsquoexpliquer

lrsquoeacutemergence de ce thegraveme de lrsquoexclusion eacuteconomique et sociale en lien avec les

manifestations deacutesigneacutees sous cette appellation La fin de laquo lrsquointeacutegration eacuteconomique de

tous raquo mythe de la socieacuteteacute industrielle des Trente glorieuses sans chocircmage apparent est-elle

imputable aux seules deacuteterminations de lrsquoeacutevolution eacuteconomique srsquoorientant vers la

mondialisation de son organisation et de son fonctionnement La vision de lrsquoeacuteconomie

comprise dans cette question est bien abstraite et deacuteconnecteacutee des reacutealiteacutes sociales qui

deacuteterminent lrsquoeacutevolution eacuteconomique en tant que champ social de la production des biens et

des services marchands et non-marchands

Lrsquoexclusion eacuteconomique et sociale relegraveve de processus sociaux constitutifs drsquoun modegravele de

deacuteveloppement eacuteconomique porteacute par un systegraveme social et une ideacuteologie qui beacuteneacuteficient agrave

certains et deacutesavantagent drsquoautres Lrsquoexclusion est bien une cateacutegorie drsquoaction et de situation

favoriseacutee par une repreacutesentation du monde social et eacuteconomique et des rapports entre groupes

sociaux de la socieacuteteacute le libeacuteralisme constitutif des ideacutees politiques deacuteveloppeacutees au XIXe

eacutemerge sous une forme nouvelle dans les anneacutees 1970 en srsquoappuyant sur lrsquoessoufflement du

modegravele keyneacutesien face agrave la crise des deacutepenses sociales En fait lrsquoexistence pendant les Trente

glorieuses de probleacutematiques sociales diverses (sous-proleacutetariat urbain pauvreteacute des

retraiteacuteshellip) deacuteconnecteacutees de la croissance eacuteconomique et de la redistribution

institutionnaliseacutee deacutenonceacutees par des organisations militantes et progressivement prises en

compte par des analystes diffeacuterents montrait que la logique de lrsquointeacutegration et du bien-ecirctre

social par tous eacutetait deacutejagrave deacutefaillante

La penseacutee libeacuterale justifie cependant la mise agrave lrsquoeacutecart des moins performants en raison de

leur faible qualification souvent par heacuteritage familial La logique de performance et de

compeacutetition autorise des attitudes seacutegreacutegatives agrave des niveaux plus ou moins eacuteleveacutes

drsquoinstitutionnalisation avec des effets plus ou moins reacuteversibles de fermeture des chances

drsquoaccegraves aux positions et aux activiteacutes favoriseacutees pour les moins qualifieacutees en raison de leur

non appartenance aux groupes sociaux privileacutegieacutes Cette ideacuteologie se manifeste aussi bien au

niveau du cadre politique geacuteneacuterale de la gestion des activiteacutes eacuteconomiques devenues

mondialiseacutees qursquoau niveau des rapports sociaux dans la sphegravere productive et de reproduction

29

sociale (attribution des statuts et des positions sociales meacutethodes de deacutecision et de

concertation sociale destination des transferts sociauxhellip) et dans les pratiques sociales

diverses dont les choix et modaliteacutes reacutesidentiels en milieu urbain

Cette partie aborde tant cet aspect contextuel que les diffeacuterentes appreacutehensions militantes

politiques et sociologiques de lrsquoexclusion pour cerner les pheacutenomegravenes concerneacutes les enjeux

sociaux qursquoils reacutevegravelent et leurs effets eacuteconomiques et sociaux La formation du processus de

deacutegradation physique et sociale des grands ensembles en fait partie abordeacutee avec les notions

de ghettoiumlsation et de deacuteclin social urbain des territoires drsquoappartenance Il srsquoagit drsquoidentifier

et de qualifier ce processus afin de permettre drsquoen retracer les causes sociales deacuteterminantes

(deuxiegraveme partie de ce chapitre)

A- Le contexte de lrsquoexclusion un reacutegime politique neacuteolibeacuteral

Cette premiegravere partie de chapitre aborde le contexte social et politique du deacuteveloppement de

la perception de la cateacutegorie drsquoaction de lrsquoexclusion eacuteconomique et social Mecircme si les

premiegraveres expressions de ce terme apparaissent un peu plus tocirct dans les anneacutees 1950 il srsquoagit

drsquoabord de consideacuterer la crise eacuteconomique et sociale qui srsquoaccroicirct au cours des anneacutees 1970

ainsi que le cadre ideacuteologique et politique geacuteneacuteral du deacuteveloppement de multiples processus

aux mecircmes effets drsquoexclusion eacuteconomique et sociale Ce sont drsquoailleurs souvent des causes

strictement eacuteconomiques qui sont reacuteguliegraverement mises en avant depuis une quarantaine

drsquoanneacutees pour expliquer la crise eacuteconomique et sociale avec son chocircmage de masse la

mondialisation et la financiarisation des eacutechanges et de la production mais aussi la

modernisation de ceux-ci par les nouvelles technologies de lrsquoinformation et de la

communication (Maurin 2002)

En fait depuis les anneacutees 1970 indeacutependamment des sous-peacuteriodes de croissance ou de

deacuteclin eacuteconomique tous les segments hieacuterarchiques de la socieacuteteacute ont eacuteteacute concerneacutes par la

fragilisation de lrsquoemploi (Maurin 2002) surtout les ouvriers et les employeacutes notamment les

moins qualifieacutes pour les emplois de production et drsquoexeacutecution mais aussi les professions

intermeacutediaires et surtout les cadres aux emplois qualifieacutes les plus reacutecents (moins drsquoun an

drsquoancienneteacute) comme les plus anciens (plus drsquoun an drsquoancienneteacute) Il nrsquoy a drsquoailleurs pas en

France de dualisation rigide du marcheacute du travail entre deux classes eacutetanches les preacutecaires

et les proteacutegeacutes qui serait lieacutee agrave la geacuteneacuteralisation des contrats agrave dureacutee deacutetermineacutee (CDD) Agrave

30

la fin des anneacutees 1990 les CDD concernent 70 des recrutements des eacutetablissements de plus

de 10 salarieacutes en 2009 cette part est passeacutee agrave 80 (Arnold 2010) Cependant les CDD ne

sont pas irreacuteversibles Agrave la fin des anneacutees 1990 pregraves de 70 de ces contrats (hors contrats

saisonniers de tregraves courte dureacutee) sont transformeacutes en contrats permanents en partie gracircce agrave la

clause de non-renouvellement la creacuteation drsquoemplois permanents fait autant suite agrave une

transformation de contrat temporaire qursquoagrave une embauche directe sous contrat agrave dureacutee

indeacutetermineacutee

Comment se manifestent alors les pheacutenomegravenes de preacutecarisation eacuteconomique et de

paupeacuterisation qui drsquoune part ont inspireacute un sentiment de laquo chute sociale raquo aupregraves de

nombreuses cateacutegories sociales (Bachmann Le Guennec 1996) et drsquoautre part ont favoriseacute

le deacuteveloppement drsquoineacutegaliteacutes sociales entre une partie des couches moyennes et modestes en

voie de deacuteclassement et de paupeacuterisation et la partie des plus aiseacutes devenant encore plus

riche Dans la sphegravere de la production la seacutelectiviteacute accrue des recrutements srsquoest

geacuteneacuteraliseacutee au deacutetriment de cateacutegories jusque lagrave inseacutereacutees dans le travail ayant comme point

commun une faible qualification ou expeacuterience certains jeunes des femmes des eacutetrangers

ou des immigreacutes et drsquoautres actifs encore peu performants Progressivement la figure des

laquo pauvres laborieux raquo ou laquo travailleurs pauvres raquo crsquoest-agrave-dire des travailleurs appartenant agrave

des meacutenages pauvres srsquoest imposeacutee dans toutes les socieacuteteacutes modernes7

Sous lrsquoeffet du deacuteveloppement du non-emploi du sous-emploi et de la limitation deacutelibeacutereacutee

des revenus salariaux la paupeacuterisation de certains meacutenages srsquoest eacutetendue bien que la baisse

geacuteneacuterale des revenus soit limiteacutee et qursquoil soit constateacute que le niveau de vie moyen de

lrsquoensemble des meacutenages continue agrave croicirctre Crsquoest cependant une frange de la socieacuteteacute qui se

trouve vulneacuterabiliseacute par le changement de type du lien social entre les classes dominantes et

les autres groupes sociaux notamment les cateacutegories ouvriegraveres et employeacutees les plus

exposeacutees agrave la mise agrave lrsquoeacutecart productive (Dubet Martucelli 1998 Castel 1995) En masse les

chiffres ne sont pas minces Lrsquoancien Commissariat geacuteneacuteral du Plan avait montreacute qursquoen 1996

lrsquoensemble des laquo sans emploi et sous-employeacutes raquo (comprenant les chocircmeurs laquo officiels raquo les

actifs preacutecaires et les laquo exclus extrecircmes du travail raquo) formaient 714 millions drsquoactifs soit

entre un quart et un tiers des actifs (291 ) 308 millions eacutetaient des chocircmeurs de la

7 Les working poors repeacutereacutes degraves les anneacutees 1970 aux Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique apparaissent en Europe dans les anneacutees 1980

31

cateacutegorie 1 de lrsquoancien Pocircle emploi8 (ANPE Agence nationale pour lrsquoemploi) qui regroupe

des demandeurs drsquoemploi disponibles immeacutediatement pour un travail agrave temps complet et

406 millions eacutetaient des laquo preacutecaires raquo et laquo exclus extrecircmes raquo du travail Ce deacutecompte

regroupe drsquoabord les diffeacuterentes cateacutegories de chocircmeurs au sens officiel que trois sources

diffusent le Bureau international du Travail (BIT) Pocircle emploi et lrsquoInstitut national de la

statistique et des eacutetudes eacuteconomiques (INSEE) avec le recensement de la population Bien

que ces trois indicateurs restent encore partiels pour reacuteveacuteler tout le non-emploi en les

associant ils permettent de fournir une ideacutee du pheacutenomegravene

Tout drsquoabord le chocircmage au sens du BIT est un indicateur fourni par les enquecirctes annuelles

sur lrsquoemploi de lrsquoINSEE dans une acception assez restrictive puisque les chocircmeurs y sont les

personnes strictement sans emploi nrsquoayant pas travailleacute durant la peacuteriode de reacutefeacuterence (la

semaine preacuteceacutedente) et se deacuteclarant disponibles pour travailler et pouvant attester de

recherches effectives drsquoemploi (en 1999 2 840 000 personnes en France) La seconde source

est Pocircle emploi avec ses demandeurs drsquoemploi inscrits en fin de mois (DEFM) qui sont

compteacutes seule une des cateacutegories de demandeurs est utiliseacutee pour les statistiques officielles

(2 628 600 chocircmeurs officiels en 1999) ceux sans emploi au cours du mois agrave la recherche

drsquoun emploi agrave dureacutee indeacutetermineacutee agrave temps plein ou partiel ou agrave dureacutee deacutetermineacutee temporaire

ou saisonnier (cateacutegorie A regroupant les anciennes cateacutegories 1 2 et 3 de lrsquoANPE pour les

demandeurs hors activiteacute reacuteduite)9

Enfin la troisiegraveme source de recensement de chocircmeurs est lrsquoINSEE qui lors des

recensements de population enregistre toutes les personnes se deacuteclarant spontaneacutement

chocircmeuses (ou plutocirct en recherche drsquoun travail) Avec cette approche plus subjective des

megraveres de famille inactives ou des preacuteretraiteacutes peuvent srsquoexprimer plus librement en 1999

3 401 600 se sont deacuteclareacutes chocircmeurs Ainsi les eacutecarts sont importants entre ces mesures

pregraves de 560 000 entre le deacutecompte du recensement et celui de lrsquoEnquecircte emploi selon la

reacutefeacuterence du BIT ou encore un peu plus de 770 000 entre le deacutecompte du recensement et

celui de Pocircle emploi avec sa cateacutegorie officielle de chocircmeurs

8 Pocircle emploi est lrsquoadministration neacutee de la fusion en 2008 entre lrsquoAgence nationale pour lrsquoemploi (lrsquoANPE) et les Associations pour lrsquoemploi dans lrsquoindustrie et le commerce les ASSEDICS en charge de lrsquoassurance chocircmage 9 Les quatre autres cateacutegories sont les demandeurs ayant exerceacute une activiteacute reacuteduite courte au cours du mois (moins de 78 h cateacutegorie B anciennes cateacutegories 1 2 et 3 de lrsquoANPE avec activiteacute reacuteduite) les demandeurs ayant exerceacute une activiteacute reacuteduite longue (plus de 78 heures cateacutegorie C anciennes cateacutegories 6 7 et 8 de lrsquoANPE) les demandeurs drsquoemploi sans emploi mais en stage formation ou maladie (cateacutegorie D ancienne cateacutegorie 4 de lrsquoANPE) et les demandeurs drsquoemploi en emploi (cateacutegorie E ancienne cateacutegorie 5 de lrsquoANPE)

32

Ces eacutecarts constituent des formes de repreacutesentation du laquo halo raquo du chocircmage cet espace social

indeacutefini de personnes exclues de la deacutefinition des laquo chocircmeurs raquo officiels En portant une plus

nette attention aux cateacutegories non laquo officielles raquo du chocircmage les volumes de demandeurs

drsquoemploi ou de personnes sous ou non employeacutees doublent quasiment en ordre de grandeur

En 2001 par exemple lrsquoenquecircte Emploi de lrsquoINSEE reacutevegravele 22 millions de chocircmeurs mais

aussi 42 millions en tout en ajoutant le laquo chocircmage de lrsquoombre raquo ensemble qui comprend des

chocircmeurs laquo deacutecourageacutes raquo (ne cherchant plus) et drsquoautres indisponibles par exemple drsquoune

activiteacute plus ou moins reacuteduite Pour lrsquoancienne ANPE lrsquoeacutecart eacutetait du mecircme ordre la mecircme

anneacutee 2001 (mars) 2 millions de chocircmeurs laquo officiels raquo (cateacutegorie 1) contre 365 millions de

demandeurs drsquoemploi totaux (reacutepartis parmi les autres cateacutegories) En outre ces volumes ne

comptent pas ici tout ceux et surtout toutes celles qui sont en inactiviteacute forceacutee (Maruani

2002) Crsquoest donc en fait un vaste ensemble composeacute du chocircmage de lrsquoactiviteacute preacutecaire du

sous-emploi et de lrsquoinactiviteacute qui forme le non-emploi Il mine toute la socieacuteteacute y compris les

salarieacutes occupeacutes puisque le rationnement de lrsquoemploi tire vers le bas les niveaux de salaire

dont celui des actifs les plus vulneacuterables dont les femmes en premier chef

En outre ces chiffres reacutevegravelent que le sous-emploi lrsquoinstabiliteacute professionnelle lrsquoinscription

provisoire dans des dispositifs de formation ou la cessation anticipeacutee drsquoactiviteacute constituent

des situations plus nombreuses (55 environ) que le chocircmage officiel (45 environ) Par

exemple les auteurs drsquoun rapport au Premier ministre (Guaino Barale Molcinikar 1997)

ajoutent aux 3 millions de chocircmeurs officiels 250 000 chocircmeurs laquo deacutecourageacutes raquo 300 000

chocircmeurs laquo dans lrsquoincapaciteacute de retrouver un travail raquo 460 000 personnes laquo retireacutees de la

population active par les dispositifs de cessation anticipeacutee drsquoactiviteacute raquo 1 000 000 personnes

qui laquo subissent lrsquoinseacutecuriteacute de lrsquoemploi raquo 1 500 000 laquo personnes travaillant involontairement

agrave temps partiel raquo 200 000 chocircmeurs laquo partiels raquo (temps complet reacuteduit) et 350 000 personnes

laquo sans emploi beacuteneacuteficiant drsquoun dispositif de formation raquo (total 406 millions) bien que

certaines cateacutegories se recouvrent et que drsquoautres preacutecaires ou sans emploi eacutechappent agrave cette

recension cet ordre de grandeur de plus de 7 millions drsquoactifs sans emploi et sous-employeacutes

forment en tout pregraves de 30 des actifs en 1997 que lrsquoon peut seacutepareacute en 129 de chocircmeurs

et 17 de preacutecaires

Il faut bien consideacuterer que la preacutecariteacute professionnelle commence aussi en situation de travail

Serge Paugam (2002) a deacutefini la preacutecariteacute drsquoactifs occupeacutes selon de mauvaises conditions ou

une insatisfaction de travail agrave lrsquoorigine de la volonteacute de changement drsquoemploi un travail

temporaire ou indeacutetermineacute mais exposeacutes fortement au licenciement un travail stable mais

33

soumis agrave des conditions de peacutenibiliteacute et de stress importantes ou enfin un poste disqualifieacute

crsquoest-agrave-dire instable peu reacutemuneacutereacute peu inteacuteressant et recevant peu de reconnaissance sociale

et professionnelle Lrsquoauteur eacutevoque drsquoailleurs trois laquo deacuteviances raquo drsquointeacutegration eacuteconomique

par rapport agrave lrsquoideacuteal type drsquointeacutegration professionnelle (emploi stable et satisfaisant)

linteacutegration incertaine (fortes chances de perte demploi et de bonnes conditions de travail)

linteacutegration laborieuse (stabiliteacute demploi mais fortes peacutenibiliteacute et tensions au travail)

linteacutegration disqualifiante la plus importante et dommageable socialement en geacuteneacuterant une

crise dinteacutegration (absence de travail stable et de sens confeacutereacute par celui-ci reconnaissance

digniteacute inteacuterecirct)

Ainsi depuis les anneacutees 1970 la fragilisation de lrsquoemploi constitue une conseacutequence de la

tendance eacuteconomique et politique neacuteolibeacuterale qui avec la financiarisation de lrsquoeacuteconomie

mondialiseacutee exige la flexibilisation du marcheacute du travail et la recherche de reacuteduction

systeacutematique des emplois Tous les domaines sont toucheacutes par cette orientation politique sans

ecirctre assortie de dispositions sociales suffisamment protectrices et inteacutegrantes Nous pouvons

rapporter plus preacuteciseacutement quatre diffeacuterents processus techniques eacuteconomiques et politiques

qui ont contribueacute agrave la preacutecariteacute des trajectoires socio-eacuteconomiques

Le premier est la diffusion des nouvelles technologies de lrsquoinformation et de la

communication (NTIC) Celles-ci rendent moins utile ndash voire inutile ou mecircme gecircnant par

endroit lrsquoaccumulation drsquoexpeacuterience professionnelle speacutecifique au sein des entreprises ce

qui modifie les organisations et les techniques de production Lrsquoaccroissement du risque de

perdre son emploi y est correacuteleacute fortement dans les anneacutees 1980 et 1990 selon les travaux

drsquoEacuteric Maurin (2002) Dans les secteurs ougrave les nouvelles technologies se reacutepandent le plus

rapidement drsquoailleurs le risque de perdre son emploi est le plus eacuteleveacute La raison est qursquoelles

incorporent des savoirs traditionnellement deacutetenus par les plus expeacuterimenteacutes Cela se veacuterifie

aussi par la reacuteduction de la diffeacuterence de salaires entre les anciens et les nouveaux salarieacutes

Dans ce contexte les nouveaux savoirs exteacuterieurs aux entreprises prennent de la valeur Et

dans ce cas il nrsquoy a toujours pas de reacuteforme du dispositif de formation permanente agrave la

hauteur de cet enjeu drsquoadaptation tant pour les salarieacutes souhaitant acqueacuterir la maicirctrise des

nouveaux outils que pour ceux souhaitant se reconvertir ce qui neacutecessite que le dispositif se

deacuteconnecte de la tutelle des entreprises pour le choix des formations et que celles-ci puissent

ecirctre longues et approprieacutees aux enjeux seacutepareacutes des besoins immeacutediats des entreprises

34

Le deuxiegraveme processus qui fragilise lrsquoemploi en France est celui de lrsquoindividualisation et de la

personnalisation des conduites qui dominent la vie sociale et qui se diffusent dans le monde

du travail (Maurin 2002) Cela apparaicirct particuliegraverement net dans les secteurs en

deacuteveloppement comme ceux des services aux personnes les reacutefeacuterences cateacutegorielles reacutegulant

les rapports de travail se sont affaiblies agrave la faveur des reacutefeacuterences personnelles Moins de

syndicalisme moins de solidariteacute professionnelle moins de conscience drsquoappartenance

professionnelle collectivehellip La tertiarisation de lrsquoeacuteconomie y a une part de responsabiliteacute

avec la preacutedominance de rapports plus directs avec le client ndash multiplication des services agrave la

personne et personnalisation des rapports sociaux et des produits et avec lrsquoaffaiblissement

des contacts interprofessionnels ainsi que lrsquoideacuteologie de lrsquoautonomie et de la responsabiliteacute

dans les organisations de travail Cette eacutevolution impacte drsquoailleurs les professionnels

deacutepression et manque de confiance personnelles meacutecontentements et sentiment de pouvoir

perdre son travail tensions conjugales et familiales divorces et violences familiales Dans

ce nouveau cadre social de travail les responsabiliteacutes collectives des employeurs ainsi que de

lrsquoEacutetat reacutegulateur est drsquoailleurs deacutefectueuse

Troisiegraveme pheacutenomegravene favorisant la preacutecariteacute de lrsquoemploi les dynamiques eacuteconomiques des

territoires Lrsquoimplantation et la nature des activiteacutes (exeacutecution-production conception-

direction-recherche) des entreprises et des administrations publiques (services centraux drsquoEacutetat

ou services deacuteconcentreacutes et deacutecentraliseacutes) orientent les besoins en main drsquoœuvre De mecircme

une composante importante et souvent neacutegligeacutee de ce processus concerne les flux migratoires

qui produisent des effets nets sur les structures sociales des territoires (Freyssinet 2002

Observatoire national de la pauvreteacute et de lrsquoexclusion sociale - ONPES 2002) ils

interagissent avec leur dynamisme eacuteconomique et renforcent contredisent ou reacuteduisent les

processus drsquoappauvrissement ou drsquoenrichissement Lrsquoaction de lrsquoEacutetat sur les plans tant de

lrsquoameacutenagement et du deacuteveloppement des territoires que de la reacuteglementation des aspects

internationaux de lrsquoeacuteconomie (eacutechanges localisation des productions consommation) paraicirct

impuissante face aux dynamiques de la mondialisation qui deacutelaissent des villes des espaces et

des types de production devenant inutiles aux systegravemes productifs et de consommation

mondialiseacutes

Enfin quatriegraveme deacuteterminant de la crise de lrsquoemploi les deacutecisions politiques explicites en

matiegravere eacuteconomique et drsquoemploi ayant comme effet la discrimination de certaines cateacutegories

sociales de la sphegravere productive (Dubet Martucelli 1998) En la matiegravere la France a assureacute

son deacuteveloppement laquo gracircce raquo au choix du chocircmage de masse indemniseacute et garanti pour

35

maintenir la paix sociale (Olivennes 1996) Ce sont les groupes privileacutegieacutes aux commandes

de lrsquoEacutetat et des grandes entreprises publiques et priveacutees qui ont preacutefeacutereacute face agrave la seacutelectiviteacute

accrue de lrsquoeacuteconomie favoriser un chocircmage de masse par le biais notamment du choix de la

productiviteacute maximale Lrsquoobjectif eacutetait de maintenir ou drsquoaugmenter les revenus des

laquo insiders raquo sans substitution de main drsquoœuvre afin drsquoeacuteviter les frais drsquoembauche et de

licenciement De ce fait toutes les tacircches neacutecessitant une faible qualification sont deacutepreacutecieacutees

car deacutelaisseacutees les activiteacutes et le personnel qui en relegravevent manquent de consideacuteration sociales

et statutaires Crsquoest pourquoi au risque eacuteleveacute de perte drsquoemploi agrave lrsquoanxieacuteteacute et aux tensions

dans les activiteacutes il faut inclure dans le champ drsquoanalyse de la preacutecariteacute le critegravere de lrsquoemploi

peu valorisant ou peu satisfaisant (Paugam 2002 Burchell 2002)

Ainsi la preacutecariteacute lieacutee agrave la diffusion des NTIC agrave lrsquoindividualisation des processus de travail

agrave la pression pour la compeacutetitiviteacute internationale ou encore aux choix politiques explicites de

restriction de la main drsquoœuvre se reacutepercute tout autant au niveau des tacircches qualifieacutees que des

tacircches non qualifieacutees Ce pheacutenomegravene nrsquoest pas sans effet sur le plan des identiteacutes sociales La

fonction quasi-exclusive de socialisation et drsquoidentification sociale qursquoa le travail est

fortement mise agrave mal avec ces meacutecanismes drsquoexclusion et de preacutecarisation seacutevissant sur

marcheacute de lrsquoemploi La perte ou lrsquoabsence de sociabiliteacute professionnelle laquo endommage raquo le

lien organique des individus avec la socieacuteteacute du point de vue de leur place dans lrsquoorganisation

globale et dans les repreacutesentations collectives

Les situations de frustration et drsquoanomie collective et individuelle conseacutequentes (perte de sens

dans les conduites) peuvent entraicircner des comportements parfois deacutestructurants et

destructeurs (repli deacutesocialisation non participation sociale deacutelinquance criminaliteacute

violencehellip) mais aussi et plus rarement des reacuteactions constructives (opposition et militance

politiques et sociales pour le changement social) Cette eacutevolution est drsquoautant plus critique

qursquoil nrsquoy a pas drsquoautres voies valables drsquoidentification et de positionnement sociaux (Dubet

Martucelli 1998) les finaliteacutes morales et lrsquoautonomie des traditions communautaires ont

globalement deacuteclineacute de mecircme que les mouvements reacutevolutionnaires ou modernisateurs

portant des valeurs politiques universelles lieacutees agrave diverses repreacutesentations du progregraves collectif

(grandes ideacuteologies et utopies politiques jusque dans les anneacutees 1970)

Dubet et Martuccelli (1998) montrent plus fondamentalement que cette eacutevolution eacuteconomique

et sociale est lieacutee aux rapports sociaux de production-reproduction et drsquoorganisation de

lrsquoeacuteconomie et de lrsquoEacutetat ces rapports privileacutegient certaines cateacutegories sociales (meacutedecins

36

agriculteurs cadres supeacuterieurs et professions intellectuelles hauts-fonctionnaireshellip) qui de

par leur position dominante dans leur champ protegravegent celle-ci au deacutetriment de ceux ne

pouvant se faire valoir Depuis les anneacutees 1970 la logique de clivage lieacutee au risque

drsquoexclusion de la sphegravere du travail srsquoest instaureacutee tout autant dans la sphegravere de la reproduction

sociale et institutionnelle les meacutecanismes institutionnels (eacutecole subventions aides) qui

distribuent les places dans lrsquoeacuteconomie et la socieacuteteacute ainsi que les transferts sociaux selon les

places dans le systegraveme institutionnel et lrsquoinfluence politique des cateacutegories sociales exercent

davantage des opeacuterations de seacutelection et drsquoexclusion sociale envers ceux exclus de la sphegravere

eacuteconomique qursquoune action plus large drsquointeacutegration sociale de ceux-ci

Cette situation explique que les reacuteactions actuelles amegraveres des domineacutes soient tourneacutees non

plus vers les dirigeants eacuteconomiques mais plutocirct vis-agrave-vis des appareils de reproduction de

controcircle social et drsquoadministration puisque les preacutecaires sont le plus souvent deacutefinis comme

des assisteacutes et plutocirct comme des objets de politiques speacutecifiques Drsquoougrave le sentiment parfois

drsquoune attitude de domination de la part des fonctionnaires des enseignants ou encore aussi

des travailleurs sociaux Dubet et Martucelli (1998) eacutevoquent mecircme une forme parfois

manifeste de laquo colonialisme interne raquo contemporain

Comment comprendre ces situations sociales nouvelles et les attitudes deacutecrites Crsquoest agrave

lrsquoapplication drsquoune philosophie politique inspireacutee de lrsquoeacuteconomie libeacuterale dans lrsquoorganisation

sociale drsquoensemble de la socieacuteteacute qursquoil faut se reacutefeacuterer Les groupes sociaux dominants geacuterant

lrsquoEacutetat ont en majoriteacute adopteacute depuis le milieu des 1980 des normes tregraves libeacuterales drsquoaction

deacutepassant les principes du droit administratif classique (leacutegitimiteacute de pouvoir leacutegaliteacute

reacutegulariteacute coheacuterence formelle) Le laquo tournant neacuteo-libeacuteral de lrsquoEacutetat raquo (Muller 2006) est

drsquoabord lieacute agrave une volonteacute drsquo laquo eacuteconomisation raquo du social (Martin 1998-d) avec la hausse

exponentielle de ses deacutepenses depuis les anneacutees 1950 et les difficulteacutes de son financement agrave

partir des anneacutees 1970 ces deacutepenses passent de 97 du produit inteacuterieur brut (PIB) en 1959

agrave pregraves de 30 (284 ) au milieu des anneacutees 1990 (Martinez 2000) Pour geacuterer cette crise

financiegravere une orientation plus eacuteconomique de la gestion publique a eacuteteacute engageacutee et mise en

œuvre par les eacutelus sous lrsquoinfluence de certains eacuteconomistes drsquoEacutetat et universitaires (Barbier

2010)

De maniegravere convergente une orientation gestionnaire plus pragmatique ie tourneacutee vers la

reacuteussite de lrsquoaction srsquoest imposeacutee dans la sphegravere politico-administrative avec la volonteacute de

traiter des problegravemes publics (notamment les questions sociales) (Duran 2010) Le critegravere de

37

performance (efficaciteacute et efficience) des modaliteacutes et des instruments drsquoaction est devenu

preacutedominant (le laquo nouveau management public raquo inspireacute par les normes et outils du secteur

priveacute) bien que reacuteducteurs de lrsquoappreacutehension des politiques publiques Mais la crise de

gestion de lrsquoEacutetat-social (deacuteficits de la protection sociale) deacutenonceacutee par les groupes libeacuteraux et

conservateurs exigeait des mesures nouvelles Les solutions neacuteo-libeacuterales nrsquoont pourtant pas

apporteacute de reacutesultats tangibles puisque les reacutegimes sociaux depuis les anneacutees 1970 ont

poursuivi leur pente deacuteficitaire et les aides de solidariteacute eacutetatiques bien que ne repreacutesentant

que 4 du PIB en 1998 apparaissent toujours difficiles agrave justifier aux yeux des couches

moyennes principales utilisatrices pourtant des dispositifs assurantiels et donc les plus

responsables des tendances drsquoeacutevolution du systegraveme global

Cette situation ramegravene quasiment au XIXe siegravecle lors des luttes politiques et sociales sous-

tendues par lrsquoopposition ideacuteologique entre les libeacuteraux et les partisans de lrsquoapplication du

principe de solidariteacute crsquoest-agrave-dire entre les opposants aux deacutepenses sociales de lrsquoEacutetat et les

promoteurs de lrsquo laquo Eacutetat-providence raquo (Donzelot Roman 1991 Donzelot 1994) Les

politiques sociales constituent une meacutethode politico-institutionnelle de reacutegulation du hiatus

entre eacutegaliteacute politique effective et ineacutegaliteacute socio-eacuteconomique surtout lorsque cette derniegravere

srsquoaccroicirct Ainsi depuis la deacuteconnexion continue entre croissance eacuteconomique et inteacutegration

sociale agrave partir des anneacutees 1970 (niveau eacuteleveacute de chocircmage) la neacutecessiteacute de revenir sur le

manque de prise en compte du social hors champ des conflits du travail paraicirct de plus en

plus ineacutevitable dans lrsquoaction eacutetatique alors que le camp libeacuteral nrsquoest jamais convaincu Au

cours de la premiegravere moitieacute du XXe siegravecle la theacuteorie durkheimienne de la solidariteacute organique

(Durkheim 2007) servit de base conceptuelle agrave la leacutegitimation et lrsquoimposition du social

srsquoappliquant prioritairement il est vrai aux cateacutegories sociales parties prenantes de

lrsquoindustrialisation croissante en raison de leur interdeacutependance fonctionnelle objective les

individus se protegravegent des aleacuteas agrave lrsquoaide des regravegles de droit de la socieacuteteacute ndash droit du travail et

droit social ndash drsquoabord pour des problegravemes se reacutefeacuterant au travail dont lrsquoorigine est imputeacutee agrave la

socieacuteteacute

Que faire alors face agrave la multiplication de problegravemes sociaux multiples (retraite-vieillesse

situation des personnes handicapeacutees familles nombreuses et seacutepareacutees non-emploi

seacutegreacutegation dans lrsquohabitathellip) auxquels la croissance eacuteconomique ne peut en elle-mecircme toute

seule apporter des reacuteponses (Delors 1971) Dans ce sens lrsquoexclusion eacuteconomique et sociale

des cateacutegories moins utiles et influentes semble alors moins provenir de la laquo crise

eacuteconomique raquo et de la laquo crise de lrsquoEacutetat-social raquo que de lrsquoeacutevolution des modaliteacutes des rapports

38

sociaux face aux mutations de lrsquoeacuteconomie Diverses conduites sociales des deacutecideurs et

responsables sociaux ont bien eacuteteacute drsquoailleurs produites pour eacutecarter ou marginaliser les

cateacutegories les moins qualifieacutees et utiles Par exemple la suppression massive des postes non

ou peu qualifieacutes dans lrsquoindustrie nrsquoa pas eacuteteacute reacutesorbeacutee par les secteurs tertiaire et quaternaire

(services aux entreprises et aux personnes) et par les activiteacutes lieacutees aux nouvelles

technologies de lrsquoinformation et de la communication Il nrsquoy a plus de recherche drsquoeacutequilibre

entre les qualifications les revenus et lrsquoemploi qui constituait une preacuteoccupation politique

pendant la peacuteriode industrielle La preacutecarisation autoriseacutee voire encourageacutee laquo canceacuterise raquo

toute la reacutegulation salariale heacuteriteacutee de cette eacutepoque (Bachman Le Guennec 1996)

Srsquoils sont au premier front pour faire face aux incertitudes de lrsquoeacuteconomie mondialiseacutee les

eacutelites nrsquoen sont pas moins responsables du modegravele drsquoorganisation eacuteconomique et des rapports

sociaux qui srsquoest institueacute sur le plan inteacuterieur en reportant ou non ces incertitudes aux

niveaux des employeacutes (Bertho 1997 Garnier 2010) elles pourraient ecirctre tout autrement

absorbeacutees agrave leur niveau en preacuteservant les cateacutegories ouvriegraveres et employeacutees de celles-ci Les

responsables eacuteconomiques et politiques ont favoriseacute un modegravele eacuteconomique nouveau face agrave la

mondialisation qui integravegre les incertitudes en instaurant un systegraveme fortement ineacutegalitaire au

deacutetriment des cateacutegorises moyennes et modestes

Ce modegravele le laquo keyneacutesianisme ineacutegalitaire raquo provient drsquoun mode de deacuteveloppement mis en

œuvre agrave partir de la fin des anneacutees 1970 aux Eacutetats-Unis puis de maniegravere moins accentueacutee en

Europe et en France agrave partir des anneacutees 1980 (Pech 2010) Il srsquoagit dans un contexte de

protections sociales fortes heacuteriteacutees du keyneacutesianisme drsquoapregraves-guerre de restreindre voire de

reacuteduire les salaires et mecircme le salaire minimum ainsi que de toutes formes drsquoaides sociales

dans une logique de reacuteduction des coucircts du travail de deacutereacuteglementation du marcheacute du travail

et de soutien agrave la compeacutetitiviteacute des entreprises afin de faire face agrave la concurrence mondiale

des eacuteconomies agrave bas coucirct de main drsquoœuvre Cette orientation repose sur la prospeacuteriteacute drsquoune

cateacutegorie sociale particuliegravere les entrepreneurs mondialiseacutes lesquels sont censeacutes apporter aux

eacuteconomies nationales lrsquoinvestissement dans lrsquoactiviteacute lrsquoemploi et la consommation qursquoelles

neacutecessitent Drsquoougrave les cadeaux fiscaux de plus en plus larges et eacuteleveacutes agrave ceux-ci meneacutes des

anneacutees 1980 aux Eacutetats-Unis jusqursquoen 2007 en France avec le laquo paquet fiscal raquo10

10 Loi en faveur du travail de lrsquoemploi et du pouvoir drsquoachat (TEPA) ayant aussi lanceacute lrsquoexpeacuterimentation du RSA dans 34 deacutepartements adopteacutee en urgence le 1er aoucirct puis apregraves recours de lrsquoopposition devant le Conseil constitutionnel le 21 aoucirct par le parlement degraves lrsquoeacutelection de Nicolas Sarkozy agrave la Preacutesidence de la Reacutepublique Elle comporte toutes les mesures embleacutematiques drsquoun gouvernement libeacuteral visant agrave augmenter la croissance eacuteconomique et lrsquoinvestissement eacuteconomique en tentant officiellement de freiner le deacutepart agrave lrsquoeacutetranger des

39

Le problegraveme est que les reacutesultats ne sont pas agrave la hauteur des objectifs au moins sur deux

plans (Pech 2010) drsquoune part lrsquoinvestissement productif la creacuteation drsquoemplois et la

compeacutetitiviteacute des entreprises nrsquoont pas augmenteacute en proportion de la suppression de la part de

redistribution aux plus modestes via les salaires et cela en raison des exigences de rendement

deacuteraisonnable du systegraveme financier laquo pompant raquo une part croissante de la valeur ajouteacutee

drsquoautre part lrsquoenrichissement attendu est contrarieacute par les niveaux drsquoendettement individuels

et eacutetatiques croissants car faute drsquoaugmentation geacuteneacuterale des revenus reacuteels des meacutenages (agrave

lrsquoinverse ils baissent pour certains dont une grande partie des classes moyennes) une

pratique de recours outrancier au creacutedit a eacuteteacute faciliteacutee pour maintenir un haut niveau de leur

consommation pour un haut niveau de production

Ces eacuteleacutements expliquent les dysfonctionnements agrave lrsquoorigine de la crise du systegraveme financier

de 2008 aux reacutepercussions mondiales En outre quand bien mecircme la croissance eacuteconomique

serait au rendez-vous elle nrsquoaurait pas mieux assureacutee un deacuteveloppement qualitatif du systegraveme

eacuteconomique et social puisque avec ces caracteacuteristiques ce modegravele neacuteolibeacuteral accentue au

contraire deacutelibeacutereacutement les deacuteficits les failles et les insuffisances des systegravemes de protections

sociales pensant que ces derniers sont agrave lrsquoorigine des incertitudes de lrsquoeacuteconomie mondiale

dont le deacutefaut drsquoinvestissement des capitaux mondiaux dans le pays Il est ici totalement

eacutevacueacute qursquoagrave lrsquoinverse un systegraveme social stable et protecteur eacutevite les tensions sociopolitiques

qui ont pour le coup un effet direct sur le dynamisme eacuteconomique drsquoun pays Agrave la place il est

constateacute lrsquoeffritement du systegraveme assurantiel par deacutecomposition des assurances en fonction

des risques encourus par chaque cateacutegorie de population (Dubet Martuccelli 1998) et un tregraves

faible usage du potentiel redistributif de lrsquoimpocirct pour tenter de reacuteduire les ineacutegaliteacutes sociales

Comparativement aux 34 autres pays de lrsquoOrganisation pour la coopeacuteration et le

deacuteveloppement eacuteconomique (OCDE) notre systegraveme reacuteduit les ineacutegaliteacutes de 18 alors que

les systegravemes sueacutedois et belges sont plus eacutegalitaires avec 52 et 45 de reacuteduction des

ineacutegaliteacutes (Martinez 2000) Lrsquoimpocirct sur le revenu est tregraves faiblement exploiteacute en 1996 son

poids sur le PIB est le plus faible avec 79 contre 96 pour la moyenne de lrsquoEurope des

Quinze et 106 pour celle des Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique (Allemagne 82 Pays-Bas 84

Italie 95 Royaume- uni 106 Belgique 146 Suegravede 192 Danemark

244 ) Dans ce sens les moyens pour reacuteorganiser la socialisation et lrsquointeacutegration sociale

capitaux et des grandes fortunes suppression de lrsquoimpocirct et alleacutegement des cotisations sociales sur les heures suppleacutementaires octroi drsquoun creacutedit drsquoimpocirct sur les inteacuterecircts drsquoemprunt immobilier pour les meacutenages acqueacutereurs alleacutegement des droits agrave succession reacuteduction de lrsquoimpocirct de solidariteacute sur la fortune et abaissement du plafond drsquoimposition globale du contribuable ou laquo bouclier fiscal raquo (de 60 agrave 50 )

40

manquent ineacutevitablement Les processus de preacutecarisation professionnelle et de fragilisation

sociale produisent une couche assez importante de victimes dans un systegraveme social orienteacute

vers la forte seacutelectiviteacute et lrsquoabandon des moins qualifieacutes Le deacuteploiement rapide de cette

logique drsquoexclusion eacuteconomique et sociale a eacuteteacute diversement perccedilu par les acteurs sociaux et

les chercheurs

B- Analyses sociales politiques et sociologiques de lrsquoexclusion

Agrave partir des anneacutees 1970 le terme laquo exclusion raquo a connu un fort deacuteveloppement pratique

dans les diffeacuterentes sphegraveres du langage commun et politique ainsi que savant Les registres

politico-administratifs et militants de son usage les plus anciens ont drsquoabord reacuteveacuteleacute un sens

tregraves radical selon une fonction de deacutenonciation politique la rupture des relations avec la

socieacuteteacute (de ses institutions de ses structures et de ses activiteacutes) et donc la mise agrave lrsquoeacutecart

complet de celle-ci sous-entendant une exclusion sociale totale avec des modaliteacutes spatiales

et formelles tregraves visibles Lrsquoexpression a eacuteteacute notamment utiliseacutee dans les milieux associatifs

de lutte contre la pauvreteacute degraves lrsquoapregraves Seconde Guerre mondiale

Crsquoest un premier ouvrage scientifique et militant du Mouvement Aide agrave Toute Deacutetresse (ATD

Quart-Monde) qui utilise le terme pour son titre (Klanfer 1965)11 La notion sert en fait agrave

lrsquoanalyse de la situation du sous-proleacutetariat industriel des bidonvilles pauvre et sous-qualifieacute

(le laquo Quart-Monde raquo) ni repreacutesenteacute ni pris en compte dans les institutions sociales et

politiques Cette eacutetape ouvre la voie aux usages et politiques et savants de la notion pour

lrsquoanalyse des effets sociaux des choix politiques de deacuteveloppement du chocircmage de masse et

de la preacutecariteacute eacuteconomique drsquoune part et des politiques sociales en charge de ceux-ci drsquoautre

part

La notion laquo exclusion raquo nrsquoa pas encore agrave lrsquoeacutepoque de reacuteelle speacutecificiteacute seacutemantique Les

reacuteformateurs sociaux lieacutes agrave ATD-Quart-Monde la confondent avec drsquoautres termes et

notamment celui de Quart-monde qui est formeacute drsquoexclus sous des formes diverses La

deacutefinition par Joseph Wreacutesinski du laquo Quart-Monde raquo dans la preacuteface du livre de Jean Labbens

(1969) lrsquoatteste laquo population la moins instruite non ou agrave peine qualifieacutee au travail celle qui

11 Klanfer J (1965) Lrsquoexclusion sociale eacutetude de la marginaliteacute dans les socieacuteteacutes occidentales Paris Bureau de recherches sociales coll Cahiers Science et Service Selon Clavel (1998 p 19) le terme existait deacutejagrave dans les discours de cette association en 1957 Le deacuteveloppement de cette partie probleacutematique emprunte pour lrsquoessentiel agrave cet auteur

41

est souvent sous-employeacutee en chocircmage ou malade a les revenus les plus bas celle qui

accegravede le plus difficilement agrave un logement deacutecent et moderne et dont les retards scolaires des

enfants sont inquieacutetants degraves les premiegraveres anneacutees de lrsquoeacutecole primaire [hellip] population la

moins repreacutesenteacutee dans nos institutions parce que les syndicats ne lrsquoatteignent pas que les

organisations familiales la connaissent tout au plus pour la prendre en tutelle et que ses

inteacuterecircts pegravesent moins lourds que ceux des autres dans les programmes des partis politiques raquo

(citeacute par Clavel 1998 p 19-20)

Dans les anneacutees 1970 les reacuteactions politiques et administratives aux analyses drsquoATD-Quart

Monde sur lrsquoexclusion sociale furent celles drsquoabord des libeacuteraux comme celle de Lenoir

(1974) mais aussi des socialistes tous mus par une eacutethique de solidariteacute Dans ce camp la

notion est traduite en termes drsquo laquo inadaptation sociale raquo par transposition de leur

repreacutesentation du champ eacuteconomique au champ social pour deacutesigner des profils sociaux non

speacutecifiquement deacutetermineacutes par leur condition socio-eacuteconomique La perception est structureacutee

par une ideacuteologie socialement porteacutee par deux composantes de la bourgeoisie drsquoaffaires la

petite et la grande bourgeoisie aux inteacuterecircts pourtant divergents

La premiegravere est celle des dirigeants des petites et moyennes entreprises traditionnelles dont

les conceptions posent lrsquoindividu agrave lrsquoorigine de la socieacuteteacute et naturalisent les ineacutegaliteacutes sociales

selon les dons et les meacuterites individuels omettant ou occultant ainsi les conditions sociales

objectives des positions sociales et des parcours individuels Ils ont une vision biologique de

la socieacuteteacute dans laquelle les individus compareacutes agrave des cellules sont en libre compeacutetition et

doivent srsquoautoreacuteguler naturellement sans intervention de lrsquoEacutetat Cette conception nrsquoest

drsquoailleurs pas sans proximiteacute ideacuteologique avec le deacuteveloppement de la meacutedecine libeacuterale

drsquoApregraves-Guerre (Hatzfeld 1963) elle comporte une peur de la contamination pathologique

des individus laquo sains raquo par des laquo noyau(x) drsquoinadaptation raquo (Lenoir 1974)

Cette repreacutesentation deacuteduit alors une neacutecessiteacute de reacutealiser un laquo changement theacuterapeutique raquo

des exclus en les conduisant agrave lrsquo laquo adaptation raquo de leurs comportements selon des mesures

meacutedico-juridiques et theacuterapeutiques eacutedicteacutees par les professions meacutedicales et les services

sociaux de lrsquoEacutetat Ce dernier doit par ailleurs inciter les citoyens et les associations agrave faire

preuve de solidariteacute envers les exclus-inadapteacutes et agrave les accompagner dans leur changement

Lrsquoillusion drsquoagir sur la socieacuteteacute est ainsi complegravete et eacutevite drsquoorienter les institutions vers un

objectif drsquoouverture aux laquo exclus raquo en leur fournissant les conditions et les moyens reacuteels

drsquoutilisation de celles-ci sur les plans eacuteconomique statutaire mateacuteriel et de la formation-

qualification

42

La deuxiegraveme composante de la bourgeoisie qui a diffuseacute dans les anneacutees 1970 la

repreacutesentation de lrsquoexclusion comme inadaptation sociale est celle de la classe dirigeante et

technocratique drsquoEacutetat associeacutee agrave la grande bourgeoisie des dirigeants des grandes entreprises

priveacutees nationales voire internationales Cet ensemble aux interrelations nombreuses preacutesente

une diffeacuterence par rapport agrave la petite et moyenne bourgeoisie traditionnelle quant au rocircle de

lrsquoEacutetat dans le jeu eacuteconomique et social puisque la pauvreteacute persiste en temps de forte

croissance eacuteconomique celui-ci doit remplir un rocircle de reacutegulation sociale et de reacuteduction de

celle-ci Ce parti pris apparaicirct dans lrsquoouvrage de Lionel Stoleacuteru Vaincre la pauvreteacute dans les

pays riches (1974) publieacute la mecircme anneacutee que celui de R Lenoir La vision libeacuterale est ici

assortie drsquoune option interventionniste keyneacutesienne planificatrice La rationaliteacute scientifique

et technique est instrumentaliseacutee pour reacutesoudre les problegravemes sociaux perccedilus comme des

problegravemes techniques en deacuteveloppant une approche technocratique et quantitative

Les documents officiels orientant la planification en matiegravere sociale dans les anneacutees 1970 ndash

rapports des commissions Action sociale et habitat du VIe Plan (1971-1975) et Ineacutegaliteacutes

sociales du VIIe Plan (1976-1980) relegravevent de cette ideacuteologie qui exige une intervention

correctrice planifieacutee de la part de lrsquoEacutetat En fait les deux conceptions libeacuterales de lrsquoexclusion

sociale comme inadaptation porteacutees par les deux composantes de la bourgeoisie drsquoaffaires

relegravevent drsquoune sensibiliteacute deacutemocrate-chreacutetienne autour drsquoune approche humaniste Celle-ci a

preacutevalu dans des courants tant libeacuteraux que socialistes de hauts-fonctionnaires et de

responsables politiques nationaux en convergence avec des radicaux de gauche En teacutemoigne

le consensus dans le deacutebat entre responsables des diffeacuterentes grandes organisations et

institutions sociales et syndicales administratives et politiques organiseacute par la revue Droit

social en 197412

La rheacutetorique neacuteanmoins libeacuterale de lrsquoexclusion comme inadaptation remplit drsquoabord une

fonction politique de leacutegitimer la neacutecessiteacute de changement eacuteconomique et social impliquant

la laquo liquidation du passeacute raquo crsquoest-agrave-dire des modes drsquoorganisation et drsquoaction passeacutes La

pauvreteacute et lrsquo laquo inadaptation raquo font alors partie des conseacutequences neacutegatives de ces modes

drsquoorganisation passeacutes qui justifient leur modification Lrsquousage du terme laquo inadaptation raquo est

alors appliqueacutee de maniegravere extensive tant sur les plans social et sanitaire qursquoeacuteconomique

puisque la grande entreprise est appeleacutee agrave remplacer la petite jugeacutee trop rigide et

conservatrice

12 Revue Droit social (1974) laquo Lrsquoexclusion sociale raquo ndeg speacutecial sous la direction de J-M Belorgey et J-J Dupeyroux novembre Cependant les repreacutesentants du Parti communiste sont absents

43

Dans le domaine de lrsquohabitat eacutegalement le discours de lrsquoinadaptation a pu justifier une

pratique de seacutegreacutegation spatiale des groupes fragiles qui pouvaient beacuteneacuteficier auparavant de

dispositifs de protection avec des logements proposeacutes dans leur accompagnement social Il

srsquoagissait des citeacutes drsquourgence ou autres types drsquohabitat speacutecial preacutevues pour les familles et les

personnes pauvres de bidonvilles de taudis ou encore sans logement Dans lrsquoeacutelan des

politiques drsquourbanisation (grands ensembles pour les classes moyennes et ouvriegraveres) et de

reacutesorption de lrsquohabitat insalubre dans les anneacutees 1960 et deacutebut 1970 le regroupement

transitoire des plus pauvres dans ce type drsquohabitat srsquoinstitutionnalisa et les politiques ne

manquegraverent pas de consideacuterer les chocircmeurs et preacutecaires de la reacutecession des anneacutees 1970

comme autant drsquoinadapteacutes agrave la vie moderne et de les ranger avec les sous-proleacutetaires des

anneacutees 1950 et 1960 immigreacutes illettreacutes familles nombreuses ou seacutepareacutees handicapeacutes

accidenteacutes du travailhellip De citeacutes de transit ces zones drsquohabitat speacutecial situeacutees agrave lrsquoeacutecart des

villes se sont transformeacutees en habitat drsquoexception et de seacutegreacutegation sociale de cateacutegories en

difficulteacutes drsquoinsertion eacuteconomique

Des mesures drsquoaccompagnement socio-eacuteducatif poursuivant un objectif theacuterapeutique

devaient favoriser leur laquo adaptation raquo pour acceacuteder agrave la vie ordinaire et agrave lrsquohabitat de droit

commun Au cours des anneacutees 1980 les gouvernements socialistes ne portant pas ce regard

meacutedicalisant et seacutegreacutegatif sur les victimes du systegraveme eacuteconomique et social ont supprimeacute les

citeacutes de transit les plus veacutetustes et ont engageacute une reacutenovation et un changement de statut des

citeacutes les plus reacutecentes (inscription dans le droit commun du logement) Cependant lrsquoimage

sociale neacutegative des populations stigmatiseacutees et des espaces de releacutegation ont rendu difficile

drsquoune part pour certains leur inteacutegration dans des dispositifs ordinaires (relogement dans des

zones drsquohabitat ordinaire) et drsquoautre part pour la majoriteacute une reconnaissance sociale

positive deacuteterminant leurs conditions drsquoexistence (image valorisante) et ce drsquoautant plus que

la crise-mutation eacuteconomique et sociale a persisteacute dans les anneacutees 1980

Une deuxiegraveme fonction politique et sociale des discours sur lrsquoexclusion comme inadaptation

explique son adoption par les grands dirigeants eacuteconomiques et les hauts-responsables

politico-administratifs la perpeacutetuation de lrsquoordre eacutetabli des positions dominantes Ce

discours sert agrave promouvoir et justifier le changement afin de conserver les preacuterogatives dans

la dynamique des rapports sociaux dans les champs mouvants qursquoils occupent Face agrave des

problegravemes agrave reacutegler il srsquoaccompagne drsquoune deacutemonstration de capaciteacute de volonteacute et de

deacutecision drsquoadaptation aux eacutevolutions de situation Et drsquoailleurs puisque lrsquoadaptation au

44

laquo progregraves raquo et agrave la laquo rationaliteacute raquo nrsquoest jamais partageacutee et collective simultaneacutement elle

engendre des inadapteacutes nouveaux ou futurs

Agrave partir des anneacutees 1980 cette repreacutesentation sociale et politique de lrsquoexclusion se modifie et

se complexifie La notion retrouve un sens plus eacuteconomique et social comme lui avait attribueacute

originellement le mouvement ATDQuart-Monde degraves les anneacutees 1950 En effet depuis les

anneacutees 1970 la hausse quantitative et la diversification des profils de meacutenages et de

personnes en difficulteacutes eacuteconomiques et sociales (jeunes et actifs acircgeacutes au chocircmage croissants

familles seacutepareacuteeshellip) deacutemontrent de plus en plus nettement lrsquoinvaliditeacute de la vision

meacutedicalisante de lrsquoinadaptation et eacutelargissent les profils drsquoexclus par rapport aux sous-

proleacutetaires urbains de lrsquoeacuteconomie des Trente glorieuses Lrsquoexclusion renvoie agrave un pheacutenomegravene

non reacuteductible agrave la laquo pauvreteacute volontaire raquo mise en avant par lrsquoeacuteconomie libeacuterale (Paugam

1996) Elle constitue un pheacutenomegravene dont les multiples causes sont lieacutees au fonctionnement

mecircme de la socieacuteteacute moderne (modification du marcheacute du travail urbanisation rapide et

seacutegreacutegative seacuteparation entre les geacuteneacuterations inadaptation du systegraveme scolaire deacuteracinement

lieacute agrave la mobiliteacute geacuteographique ineacutegaliteacutes de revenus et drsquoaccegraves aux soins et agrave

lrsquoenseignementhellip) Ce processus affecte de plus en plus de personnes et se propage dans tous

les milieux Serge Paugam (1996) eacutevoque les enfants drogueacutes etou reacutevolteacutes dans les familles

bourgeoises

Avec la crise-mutation qui se poursuit lrsquoexclusion sociale comme processus inheacuterent au

deacuteveloppement de lrsquoeacuteconomie capitaliste devient patente lrsquoarriveacutee de la gauche au pouvoir

sans complegravetement se distinguer du capitalisme libeacuteral comme principe de deacuteveloppement de

la socieacuteteacute favorise cette perception Les diffeacuterents manques handicaps problegravemes et

difficulteacutes tregraves heacuteteacuterogegravenes que vivent un nombre croissant de groupes sociaux ne traduisent-

ils pas les effets et les signes varieacutes de ce mouvement Agrave la fin du XXe siegravecle plusieurs

pheacutenomegravenes justifient lrsquoeacuterection de la notion en statut de paradigme drsquoanalyse et drsquoaction

drsquoabord les pertes annuelles croissantes et ininterrompues drsquoemplois industriels depuis les

anneacutees 1970 non compenseacutees par les creacuteations drsquoemploi des secteurs tertiaires et quaternaires

(services aux entreprises aux personnes information et communicationhellip) ensuite le

deacuteveloppement foisonnant de mesures et de dispositifs drsquoinsertion de toute nature comme le

revenu minimum drsquoinsertion (ex-revenu de solidariteacute active) les contrats aideacutes les entreprises

et associations drsquoinsertionhellip

45

Le passage des analyses sociales et politiques de la notion agrave celles dans le champ scientifique

nrsquoest pas aiseacute Le terme est drsquoabord utiliseacute dans les anneacutees 1970 pour tenter de

laquo sociologiser raquo les mesures des ineacutegaliteacutes et de la pauvreteacute qui eacutetaient jusqursquoici plutocirct

eacuteconomiques et statistiques (Thomas 1999) Il srsquoagit de passer agrave une analyse en termes de

conditions de vie pour distinguer les anciens des nouveaux pauvres ou encore dans les

anneacutees 1980 la laquo grande pauvreteacute raquo ou la laquo grande exclusion raquo par rapport agrave la preacutecariteacute Ces

termes derniegraveres figures dans lrsquohistoire des repreacutesentations sociales des objets du

social (Karsz 2000) se deacutepartissent difficilement de leur connotation sociale deacutevaloriseacutee

(apregraves les laquo cas sociaux raquo et les laquo inadapteacutes raquo des anneacutees 1950 puis les laquo handicapeacutes

sociaux raquo des anneacutees 1960) et lrsquoapproche explicative a du mal agrave se deacutevelopper

Ainsi face agrave lrsquoeacutecueil agrave eacuteviter drsquoanalyser de multiples situations individuelles drsquoexclusion qui

mettent agrave mal lrsquoeffort de formalisation drsquoune uniteacute conceptuelle de la notion (Paugam 1996)

les recherches vont porter davantage sur les meacutecanismes drsquoexclusion sociale ou encore sur

les processus conduisant agrave des situations sociales laquo extrecircmes raquo Pour certains il nrsquoest pas sucircr

que la notion contribue agrave la compreacutehension du deacuteveloppement durant les anneacutees 1970 et 1980

drsquoune couche sociale de personnes et de groupes aux profils socio-deacutemographiques diversifieacutes

et aux situations administratives multiples victime de la seacutelectiviteacute du systegraveme eacuteconomique et

composeacutee Le terme laquo exclusion raquo ne preacutecise pas suffisamment srsquoil srsquoagit des dysfonctions

conjoncturelles lieacutees aux mutations eacuteconomiques et sociales ou si ce sont les effets de la

simple reproduction des meacutecanismes seacutegreacutegatifs au sein de la socieacuteteacute (Verdegraves-Leroux 1978)

La notion deacuterange chez les chercheurs militants et surtout chez les responsables politiques de

gauche opposeacutes agrave lrsquoeacuteconomie de marcheacute car il est perccedilu une manœuvre de la classe dirigeante

pour faire croire au plus grand nombre en sa volonteacute de reacuteforme sociale eacutevitant ainsi de

srsquoattaquer aux vrais ineacutegaliteacutes sociale (Paugam 1996) lrsquoeacutecart agrave la vision dialectique de lutte

des classes geacutenegravere un refoulement dans ces milieux tout en favorisant les eacutetudes disperseacutees

sur des formes multiples de seacutegreacutegation sociale sous des termes nombreux comme la

marginalisation les identiteacutes neacutegatives la deacutelinquancehellip

Cependant avec les effets prolongeacutes de la crise eacuteconomique mecircme pour les plus sceptiques

sur la validiteacute scientifique de la notion que lrsquoon retrouve encore maintenant (Karsz 2000

Messu 2003) les contenus probleacutematiques qursquoelle est censeacutee eacutevoquer sont inteacuteressants De

quels problegravemes parle-t-on et qui est concerneacute par ceux-ci Agrave la fin des anneacutees 1970 et au

deacutebut des anneacutees 1980 les eacutetudes drsquoorganismes sociaux (Commissariat geacuteneacuteral au Plan)

drsquoinstitutions (Communauteacute eacuteconomique europeacuteenne) ou de hauts-fonctionnaires (rapport

46

Oheix en 198113) mettent lrsquoaccent sur la preacutecariteacute conduisant agrave la pauvreteacute geacuteneacuterant plusieurs

plans de traitement de populations heacuteteacuterogegravenes traditionnellement agrave lrsquoabri de la pauvreteacute

traditionnelle mais srsquoy engageant de maniegravere nouvelle les publics de la laquo nouvelle

pauvreteacute raquo du milieu des anneacutees 1980 ne sont pas des inadapteacutes mais plutocirct des victimes

malgreacute elle de la conjoncture eacuteconomique et de la crise de lrsquoemploi

Au deacutebut des anneacutees 1990 la notion drsquoexclusion revient avec la permanence et lrsquoextension

des situations de preacutecariteacute aggravant les conditions de la pauvreteacute Le pheacutenomegravene de

reacutegulation discriminatoire et seacutegreacutegative des inutiles eacuteconomiques apparaicirct suffisamment

geacuteneacuteraliseacute durable tangible et surtout non compenseacute par des actions drsquointeacutegration comme le

retour agrave lrsquoemploi pour ecirctre perccedilu scientifiquement comme eacutetant passeacute du domaine du travail agrave

celui de la socieacuteteacute globalement leacutegitimant lrsquousage de lrsquoexpression laquo exclusion sociale raquo

(Touraine 1992) Cet effet a notamment eacuteteacute identifieacute comme tel lorsque sa combinaison avec

la fragilisation des liens sociaux et familiaux est devenue patente notamment lors des

opeacuterations drsquoeacutevaluation du Revenu minimum drsquoinsertion (RMI) dans les anneacutees 1990-1994

par le biais drsquoeacutetudes longitudinales (Dubar 1996) 75 des allocataires vivant seuls (avec

ou sans enfants) montrant ainsi lrsquoimportance croissante des bouleversements des structures

familiales (avec les seacuteparations conjugales) et des pratiques relationnelles deacutependant de plus

en plus de lrsquoinsertion eacuteconomique Et cette eacutevolution srsquoest inscrite dans les processus de

socialisation les plus fondamentaux agrave chaque eacutetape du cycle de vie comme le passage de

lrsquoeacutecole agrave la vie professionnelle et la mobiliteacute professionnelle au cours de la vie active

(organisation du marcheacute du travail et de la gestion de lrsquoemploi par les entreprises) et surtout

comme dans les parcours scolaires champ essentiel de la mobiliteacute et de la reproduction

sociale Depuis les anneacutees 1970 lrsquoinstitution scolaire y a accentueacute avec la massification et

lrsquoobjectif du collegravege unique et pour tous un systegraveme drsquoexclusion sournois des classes

populaires pour lrsquoaccegraves aux profits scolaires et sociaux (Bourdieu Champagne 1992)

La question du caractegravere explicite conscient et socialement organiseacutee de ce processus pose

toujours question et son existence reste poseacutee par certains (Messu 2003) Cependant un

premier pas drsquoanalyse sociologique est franchie en preacutecisant lrsquoobjet agrave retenir des conduites ou

des situations examineacutees celui de la fermeture des chances sociales afin drsquoexclure ou de

limiter la participation aux activiteacutes valoriseacutees ou lrsquoaccegraves aux positions dominantes ou

privileacutegieacutees pour reprendre la terminologie de Max Weber (1995) Ce processus de fermeture

se manifeste speacutecifiquement dans les institutions (eacutecole entreprises villes droithellip) qui dans 13 Oheix G (1981) Contre la pauvreteacute et la preacutecariteacute soixante propositions Rapport au premier ministre Paris

47

le processus de socialisation devant aboutir agrave la formation des identiteacutes sociales des individus

nrsquoassurent pas lrsquoaccegraves et le maintien voire le retour agrave lrsquoemploi et par conseacutequent ne peuvent

compenser la perte des relations sociales conduisant agrave lrsquoisolement (Dubar 1996) Les

conduites et les dispositifs drsquoexclusion pour lrsquoaccegraves aux postes valoriseacutes ne conduisent pas

hors de la socieacuteteacute mais vers des positions domineacutees ou les plus deacutevaloriseacutees de celle-ci

Il nrsquoy a pas comme le rappelle Robert Castel (2000) retranchement complet de la socieacuteteacute

comme la deacuteportation et le geacutenocide de juifs pendant la Seconde Guerre mondiale le

bannissement de condamneacutes (avec expulsion territoriale) voire la mise agrave mort de criminels et

drsquoheacutereacutetiques Les exclus du travail qui peuvent connaicirctre des difficulteacutes drsquoisolement social ne

sont pas eacutegalement enfermeacute dans des espaces clos dans la socieacuteteacute comme des asiles des

prisons des laquo maladreries raquo (pour les leacutepreux) voire des ghettos traditionnels deacutefinis

leacutegalement Il nrsquoexiste pas non plus de statut speacutecifique drsquoexclus attribueacutes agrave des fins de

privation de droits et de participation agrave activiteacutes sociales (comme les statuts indigegravenes de la

politique coloniale) La situation drsquoexclusion moderne correspond agrave une autre logique celle

de vulneacuterabiliteacute sociale lieacutee agrave la deacutegradation des conditions de travail en ce qursquoelle reacuteduit les

relations et les protections sociales fournies par lrsquoemploi reacutegulier On srsquoeacuteloigne ici de la seule

sphegravere eacuteconomique les conseacutequences sociales du processus drsquoexclusion agrave lrsquoencontre des

moins qualifieacutes geacuteneacutereacute par la mutation de la production en a rendu visible et tangible

lrsquoexistence

Clavel (1998 p 239) formule ainsi une deacutefinition sociologique de lrsquoexclusion qui prend en

compte le sens des effets des actes multiples drsquoexclusion laquo processus de lsquodeacutesagreacutegationrsquo14

[du groupe social de la sphegravere du travail de la famillehellip] se traduisant par un mouvement

centrifuge de diffeacuterenciations sociales [eacuteviction et mise agrave distance drsquoun ou de plusieurs

individus] marqueacutees par lrsquoabsence de liaisons positives et structurantes raquo [entre le groupe et

les exclus] Lrsquoeacutemergence et lrsquoenvahissement mecircme du thegraveme de lrsquoexclusion relegravevent bien de

la transformation fondamentale de la socialisation organiseacutee par les institutions pour

lrsquoacquisition des statuts dans la sphegravere productive et des identiteacutes sociales favorisant

lrsquointeacutegration sociale

Ainsi les exclus se repegraverent selon trois cateacutegories drsquoindicateurs celui des niveaux (parmi les

plus faibles) de ressources et de situation socio-eacuteconomique celui du deacuteficit du lien social

(isolement deacutesocialisation perte des relations professionnelles amicales et familialeshellip)

mais aussi celui des indicateurs symboliques de repreacutesentation (stigmatisation images et 14 Le terme est emprunteacute agrave P Rosanvallon (1995) La nouvelle question sociale Paris Seuil

48

reacuteputation neacutegatives auto-exclusionhellip) Lrsquoexclusion sociale moderne se reacutevegravele par la

preacutesence drsquoau moins un indicateur dans chacun de ces faisceaux drsquoanalyse Deacutepassant

lrsquoimpasse meacutethodologique et conceptuelle des travaux sur la mesure de la pauvreteacute et se

deacutemarquant de la seule probleacutematique des ineacutegaliteacutes sociales le succegraves de la notion

srsquoexplique en raison de sa prise en compte des aspects de liens sociaux et de crise identitaire

que geacutenegraverent la non participation agrave la sphegravere productive et reproductive de la socieacuteteacute

Cependant les situations drsquoexclusion ne sont pas neacutecessairement deacutefinitives et irreacuteversibles

et des dispositifs de protection voire drsquointeacutegration sociale existent La question est de savoir

srsquoils assurent de reacuteelles chances nouvelles drsquointeacutegration (Donzelot 1991) crsquoest-agrave-dire drsquoaccegraves

agrave des positions non deacutevaloriseacutees notamment dans la sphegravere productive et de participation aux

activiteacutes sociales dominantes Par ailleurs par les caracteacuteristiques de ses manifestations par

sa signification mais aussi par sa deacutetermination causale lrsquoexclusion est tregraves proche de la

notion de seacutegreacutegation sociale en tant conduite ou dispositif de diffeacuterenciation agrave fin de

traitement deacutefavorable les deux types de processus sont inheacuterents aux rapports de

domination et de compeacutetition entre individus et groupes sociaux de la socieacuteteacute libeacuterale

notamment entre ceux qui ont des positions assez proches entre eux dans la stratification

sociale que ce soit aux niveaux global intermeacutediaire ou local de son organisation et dans les

diffeacuterents champs drsquoactiviteacute de celle-ci (Clavel 1998)15

Le rapport social drsquoexclusion est effectivement structurel et contradictoire car drsquoune part il

srsquoinscrit neacutecessairement dans une histoire des relations entre groupes sociaux et drsquoautre part

lrsquointensiteacute des jeux drsquoopposition symbolique est en deacutecalage avec la reacutealiteacute des diffeacuterences de

position dans les rapports de production (qui deacuteterminent les conditions de classe) Lorsqursquoils

preacutesentent des diffeacuterences de degreacute internes aux mecircmes classes les groupes socialement

proches en interaction tendent agrave transmuer leurs diffeacuterences de situation en signes-supports de

symbolisation de diffeacuterences de position dans les hieacuterarchies sociales perccedilues En situation de

proximiteacute sociale et spatiale alors que les conditions et les positions sociales objectives

convergent lrsquoactiviteacute symbolique de distinction voire drsquoopposition sociales peut ecirctre intense

Si la compeacutetition dans les rapports sociaux est la condition sociale de production de cette

logique de lrsquoexclusion sociale comme celle de la seacutegreacutegation sociale on peut rappeler que le

fonds culturel la leacutegitimant relegraveve du projet libeacuteral des classes bourgeoises de la socieacuteteacute leur

15 Lrsquoauteur deacutefinit le rapport social par les relations que les acteurs ou groupes sociaux entretiennent entre eux en fonction de leur place au travail de leurs conditions mateacuterielles de vie (logement par exemple) et de leur position dans la hieacuterarchie sociale (Clavel 1998 p 15) Les rapports sociaux eacutevoluent en fonction de divers pheacutenomegravenes comme la rareacutefaction du travail dans une socieacuteteacute drsquoabondance

49

valeur et leur volonteacute drsquoindividualisme agrave partir du XVIe siegravecle sont les moteurs du mode de

production capitaliste En reacuteaction agrave lrsquoorganisation feacuteodale et aux statuts collectifs fixes des

socieacuteteacutes drsquoAncien-reacutegime les bourgeois ont instaureacute un nouveau reacutegime de repreacutesentation des

individus et de son rapport avec la socieacuteteacute la notion de liberteacute individuelle dans le cadre du

deacuteveloppement de la penseacutee libeacuterale eacuteconomique qui se deacutegage de la morale religieuse

traditionnelle qui organisait la socieacuteteacute et ses principes de solidariteacute (Dupuy 1996) y

supplante les contraintes du collectif et ses grandes divisions statutaires fixes et la

conseacutequence de la mise en valeur des individus et des groupes sociaux est la compeacutetition

entre eux pour lrsquoaccumulation des biens et des pouvoirs produisant une morale drsquoindiffeacuterence

aux malheurs des autres qui nrsquoempecircche pas selon une approche utilitariste le deacuteveloppement

du laquo bien universel raquo crsquoest-agrave-dire les plaisirs et les biens pour le plus grand nombre

Ainsi puisque la mobiliteacute sociale est au principe de la formation et de la deacuteformation de la

socieacuteteacute les individus et les groupes de chaque cateacutegorie sociale qui partagent un ensemble de

positions semblables dans les rapports de production tendent agrave chercher agrave se valoriser par une

domination symbolique sur les membres des autres cateacutegories sociales infeacuterieures mais aussi

sur ceux de la mecircme cateacutegorie aux positions sociales proches et agrave qui il peut ecirctre reacutecuseacute

lrsquoappartenance au mecircme statut voire agrave tout statut

Avec le deacuteveloppement industriel massif agrave partir de la fin du XIXe siegravecle la majeure partie de

la population impliqueacutee dans ce changement drsquoorganisation eacuteconomique et sociale a adopteacute

cet individualisme notamment les couches ouvriegraveres et employeacutees une fois qursquoa eacuteteacute reacuteduit le

paupeacuterisme des proleacutetaires par un systegraveme de protection et de droits sociaux Cette reacutegulation

collective des rapports drsquointerdeacutependance fonctionnelle avec des organisations et des

associations professionnelles a favoriseacute lrsquoessor drsquoun laquo individualisme socialiseacute raquo (Clavel

1998) Apregraves la Seconde Guerre mondiale avec lrsquoaugmentation du niveau de vie et de la

formation des personnes lrsquoindividualisme a plus servi agrave la recherche drsquoautonomie de chacun

vis-agrave-vis de lrsquoenvironnement social dans la conduite de son destin (laquo individualisme

drsquoautonomie raquo) Mais depuis le milieu des anneacutees 1970 lrsquoeffritement de la socieacuteteacute salariale a

transformeacute cet effet de jouissance de lrsquoautonomie en potentielle souffrance de lrsquoisolement

pour ceux qui subissent la preacutecariteacute la pauvreteacute voire lrsquoexclusion sociale

Dans ce contexte axiologique et normatif drsquoun laquo individualisme drsquoautonomie raquo (Clavel

1998) en temps de crise les luttes pour la leacutegitimation des positions et la reconnaissance de

statuts positifs sont plus vives Lrsquoexclusion preacutesente une forme extrecircme de deacuteni de position

sociale positive agrave autrui mecircme srsquoil possegravede une place dans le travail Crsquoest le dernier terme

50

drsquoun permanent processus de deacutevalorisation sociale Il comporte une forte charge symbolique

reacuteveacutelant une exaspeacuteration imaginaire des antagonismes sociaux agrave la diffeacuterence des

meacutecanismes de paupeacuterisation et de simple preacutecarisation En effet il y a bien des pauvres qui

ne sont pas des exclus sociaux comme les retraiteacutes deacutetenteurs du minimum vieillesse ou des

personnes en situation de handicap beacuteneacuteficiaires drsquoallocations stables et de droits speacutecifiques

leur permettant drsquoorganiser leur quotidien selon ces ressources (bien qursquoelles soient maigres

ce qui peut se rapprocher drsquoun processus drsquoexclusion ressentie comme tel par les inteacuteresseacutes

drsquoailleurs)

En revanche des familles nombreuses et drsquoorigine eacutetrangegravere avec des parents parfois

preacutecaires mais non pauvres pourront resteacutees captives de citeacutes de transit de quartiers mal

reacuteputeacutes de logements insalubres ou de centres drsquoheacutebergement parce que non suffisamment

aideacutes sur le plan financier pour lrsquoaccegraves au logement normal mais surtout parce que subissant

de multiples discriminations dans les proceacutedures drsquoattribution des logements ou encore dans

lrsquoaccegraves agrave lrsquoemploi et la promotion dans le travail Ce type de situation faute drsquoune politique

sociale adeacutequate de production drsquoaccompagnement et drsquoaccegraves au logement peut entraicircner un

cumul de nouvelles situations particuliegraveres et deacutefavorables non accegraves aux droits sociaux

absence de confort problegravemes de santeacute difficulteacutes eacuteducativeshellip

Cette pente nrsquoest-elle pas le signe des effets drsquoactes multiples de laquo fermeture excluante raquo dans

les rapports sociaux que subissent ceux qui en sont victimes dans leur vie sociale dans leur

rapport aux institutions sociales (dirigeacutees par les groupes dominants) et mecircme dans leurs

relations avec des groupes avec lesquels ils sont en compeacutetition pour lrsquoaccegraves aux ressources

aux activiteacutes et aux positions favorables Souvent les relations de voisinage sont teinteacutees de

meacutefiance voire drsquoeacutevitement ou mecircme drsquohostiliteacute derriegravere un civisme de faccedilade16 Car la

volonteacute de disqualification sociale dans les rapports de force entre groupes srsquoappuie sur ces

particulariteacutes de situation Celles-ci sont lrsquoobjet drsquoun jeu conflictuel drsquointerpreacutetations

concernant le sens du statut occupeacute ou des pratiques sociales meneacutees ou encore le pouvoir

politique ou institutionnel agrave disposition

Lrsquoenjeu de cette lutte symbolique est bien la distinction statutaire entre groupes pour se

positionner au mieux dans la structure sociale (Clavel 1998 p 235) laquo hellipla transmutation

16 Ralf Dahrendorf (1972) avait reacutealiseacute une telle analyse agrave propos des luttes sociales internes aux classes moyennes ascendantes pendant le deacuteveloppement industriel elles investissaient de multiples champs de la vie sociale (logement loisirs culture politiquehellip) en srsquoopposant entre groupes internes pour y deacutetenir les positions dominantes

51

imaginaire [hellip] des diffeacuterences de deacuteterminations objectives en rapports de positions

statutaires [hellip] prend lrsquoallure drsquoune lutte pour la leacutegitimation drsquoun statut raquo Cette lutte de

domination comporte une dimension de lutte de sens crsquoest-agrave-dire drsquoimposition des visions et

des divisions du monde inteacutegrant les positions tenues par chacun Cette lutte de sens engendre

donc des rapports de forces crsquoest-agrave-dire laquo des rapports ineacutegaux drsquoautoriteacute leacutegitimeacutee raquo

Lrsquoobjectif du rapport drsquoexclusion est drsquoenfermer symboliquement les domineacutes dans une

position deacutefavoriseacutee en leur attribuant des significations aux effets de stigmatisation (agissant

comme un marqueur social) et drsquointeacuteriorisation du stigmate par les exclus pouvant conduire

agrave un comportement drsquoauto-exclusion par ceux-ci

Ce pheacutenomegravene est ainsi agrave la base du renouvellement de la probleacutematique de lrsquointeacutegration

sociale puisque les meacutecanismes drsquointeacutegration par le travail industriel se sont eacuterodeacutes

protections et droits lieacutes au statut de travailleur affaiblissement des reacuteseaux de sociabiliteacute

deacuteficit des repegraveres identitaires et deacuteclassement social avec une dimension de deacuteconsideacuteration

sociale Parmi les diverses analyses reacutealiseacutees dans ce domaine trois notions principales ont

eacuteteacute produites agrave propos des conseacutequences sociales de ce pheacutenomegravene le processus de

deacutesaffiliation sociale eacutenonceacute par Castel (1995) qui deacutesigne lrsquoindividualisation neacutegative lieacutee au

chocircmage prolongeacute en rompant avec les solidariteacutes organiques du travail et qui conduit agrave la

vulneacuterabiliteacute sociale du deacutesaffilieacute social (Castel 1991 1995 2004) la disqualification

sociale analyseacutee par Serge Paugam (1991) qui prend en compte les effets neacutegatifs de la

deacutependance vis-agrave-vis des dispositifs drsquoaide et drsquoaction sociales sur la perception de

lrsquoemployabiliteacute sur le marcheacute du travail autant par les autres que par les individus concerneacutes

enfin la deacutesinsertion sociale eacutevoqueacutee par Vincent de Gaulejac et Isabel Taboada-Leacuteonetti

(1994) qui fait reacutefeacuterence agrave lrsquoeffet de la deacutevalorisation lieacutee aux ruptures eacuteconomiques et

relationnelles en termes de place neacutegative ou deacutenieacutee dans lrsquoordre symbolique de

lrsquoappartenance agrave la socieacuteteacute

Lrsquoexclusion sociale deacutefinie par Clavel (1998 p 224) recouvre ces notions puisqursquoelle

engendre un laquo processus de disqualification progressive qui conduit les individus de la

fragiliteacute agrave la deacutependance jusqursquoagrave la rupture du lien social dont lrsquoinemployabiliteacute subjective

et objective ndash apparaicirct comme le terme fondamental et probleacutematique raquo La double logique de

distinction statutaire et drsquoexclusion sociale speacutecifique aux rapports sociaux contemporains est

agrave lrsquoorigine de ces diverses conseacutequences de fragilisation des liens sociaux et de la seacutecuriteacute

sociale des individus Elle se manifeste selon des processus multiformes et incessants qui

prennent le dessus dans les rapports sociaux Ceux-ci sont agrave la fois dynamiques (lieacutes aux

52

effets de mobiliteacute individuelle et collective et au deacutesir de distinction) et multidimensionnels

(traversant plusieurs domaines de la vie sociale et les cumulant) Ils produisent des effets

sociaux et spatiaux dans tous les domaines de la vie sociale travail logement eacuteducation

consommation

Ainsi les rapports de domination qui sont des enjeux des luttes de classes et des luttes de

groupes sociaux plus reacuteduits agrave lrsquointeacuterieur drsquoune mecircme classe se sont deacuteplaceacutes et deacutemultiplieacutes

dans ces nouveaux espaces sociaux en dehors de la sphegravere de la production eacuteconomique Et la

compeacutetition pour le pouvoir implique une autoriteacute leacutegitimeacutee par des attributs deacuteterminants

dans chaque champ et que chaque groupe cherche agrave srsquoapproprier et agrave deacuteposseacuteder ou agrave deacutenier

aux autres les moyens de production dans la sphegravere productive mais aussi le savoir et

lrsquoinformation ou encore la fonction ou la position sociale deacutefinie socialement

Par ailleurs drsquoautres approches paradigmatiques rejoignent le constat de lrsquoinheacuterence de

lrsquoexclusion sociale dans les rapports sociaux de socieacuteteacutes aux statuts et positions assez

hieacuterarchiseacutes et agrave conqueacuterir selon des filiegraveres et voies speacutecialiseacutees seacutelectives Crsquoest le cas de

lrsquoapproche socio-anthropologique deacuteveloppeacutee sur le terrain de la rencontre des alteacuteriteacutes et

notamment de la diffeacuterence par rapport aux groupes dominants ou majoritaires dans la

socieacuteteacute Ici aussi les caracteacuteristiques individuelles ou collectives deviennent des supports de

symbolisation des rapports sociaux par leur transmutation en symboles de positions sociales

diffeacuterence et origine geacuteographique ethnoculturelle etou sociale sexe handicap ou disgracircce

physiquehellip Cette orientation est lieacutee agrave lrsquoaccroissement de lrsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteisation sociale et

culturelle des socieacuteteacutes engendreacutee par la hausse de la diffeacuterenciation interne des espaces et des

milieux sociaux

Dans ce contexte Erving Goffman (1996) a conceptualiseacute la notion de stigmate social qui se

reacutefegravere agrave un meacutecanisme de traitement social deacutefavorable ndash ou encore de discrimination sociale

neacutegative de certains individus par drsquoautres Certaines diffeacuterences drsquoattributs physiques

culturels ou comportementaux ne reacutepondant pas aux critegraveres et aux attentes sociaux agrave priori

se voient alors neacutegativement perccedilues par les groupes majoritaires et dominants et deviennent

des raisons de mise agrave lrsquoeacutecart de leurs porteurs ces attributs deviennent alors des stigmates

sociaux Ce pheacutenomegravene srsquoinscrit dans lrsquoanalyse des processus divers drsquoexclusion sociale au

sein du tissu social hors sphegravere exclusive du travail du fait de la lutte pour les positions

positives dans la hieacuterarchisation sociale lrsquoexclusion sociale est lieacutee aux opeacuterations de

53

classification des individus en fonction de leur appartenance ou non agrave des cateacutegories sociales

sur la base de la comparaison de critegraveres objectifs et subjectifs perccedilus

Martine Xiberras (1994) deacutecrit un double mouvement dans ces meacutecanismes drsquoune part la

fermeture du groupe dominant aux exteacuterieurs et drsquoautre part en reacuteaction une auto-exclusion

de la part des individus laquo refuseacutes raquo qui cherchent agrave srsquoorganiser parfois pour mieux se faire

accepter ensuite (retrait ou reacuteaction conflictuelle agrave lrsquoencontre du groupe dominant) Les

exclus apregraves avoir subi lrsquoexclusion des dominants tendent apregraves une eacutetape drsquoopposition agrave

inteacuterioriser par reacutesignation puis agrave adopter leur identiteacute sociale drsquoexclu attribueacutee de

lrsquoexteacuterieur et mettent agrave leur tour agrave distance les dominants en reacuteaction agrave leur stigmatisation et

en conformiteacute avec une culture deacuteviante pour certains Parfois des communauteacutes

drsquo laquo exclus raquo de preacutecaires et de marginaux se constituent dans des rapports chaleureux

drsquoentraide et de coopeacuteration voire de deacutefense face agrave la socieacuteteacute pour mieux se faire accepter

(Dubet Martuccelli 1998 Goffman 1975 Xiberras 1994)

Caracteacuteriseacutes par une laquo parenteacute de conditions et des pratiques communes raquo les exclus sont

laquo assigneacutes agrave [leur] place par le jeu des deacuteterminations eacuteconomiques [et ils] occupe(nt) une

position affecteacutee de neacutegativiteacute sociale au sein drsquoun ensemble de positions raquo (Clavel 1998

p 239) Ils sont des laquo exclus de lrsquointeacuterieur raquo comme le formulent Bourdieu et

Champagne (1992) agrave propos des parcours reacuteserveacutes par lrsquoEacuteducation nationale aux enfants

drsquoouvriers et drsquoemployeacutes subalternes Crsquoest-agrave-dire qursquoils laquo ne sont pas hors de la socieacuteteacute mais

[hellip] impliqueacutes dans un rapport social dont la maicirctrise leur eacutechappe raquo (Clavel 1998 p 238)

La ligne de partage peut drsquoailleurs tant dans lrsquohabitat qursquoagrave lrsquoeacutecole traverser les couches

ouvriegraveres entre drsquoun cocircteacute les familles drsquoactifs plus qualifieacutes et consideacutereacutes et de lrsquoautre cocircteacute

celles drsquoactifs moins qualifieacutes et deacutevaloriseacutes par les classes dominantes bien que les deux

cateacutegories puissent ecirctre employeacutees de la mecircme maniegravere reacuteguliegravere et stable

Les exclus forment-ils alors une classe sociale isoleacutee dans la socieacuteteacute libeacuterale Srsquoils ont des

profils socio-deacutemographiques et administratifs extrecircmement varieacutes ils partagent neacuteanmoins

une identiteacute commune lieacutee agrave un destin et des positions sociales semblables dans les rapports

sociaux de production Ils forment une communauteacute de classe agie (Clavel p 230) subissant

les contradictions de la socieacuteteacute en mouvement Cependant ils ne sont pas doteacutes de la

conscience collective favorisant les actions de luttes sociales ils forment plutocirct selon Clavel

une couche sociale sans laquo argent pouvoir et savoir raquo (attributs des dominants) ni places et

positions reacuteguliegraveres dans la sphegravere eacuteconomique et dans les repreacutesentations sociales qui

permettent de srsquoeacuteriger en classe ou groupe politique

54

Bien que partiellement repreacutesenteacutes dans le discours politico-meacutediatique soutenus par des

associations caritatives diverses et beacuteneacuteficiant de ressources minimales par le systegraveme de

protection sociale leurs comportements se caracteacuterisent principalement par la logique de

survie voire au maximum par des deacutemarches individuelles partiellement socialiseacutees de sortie

de situation Ils restent deacutependant de lrsquoimmeacutediateteacute drsquoexistence composeacutee drsquoune activiteacute

preacutedominante de consommation de biens mateacuteriels et symboliques par rapport agrave la

production drsquoune sous-valorisation de la dimension politique et drsquoune survalorisation de la

dimension priveacutee limitant la conscience collective aux relations personnelles sur un mode

deacutefensif ou identitaire Crsquoest pourquoi toute potentialiteacute drsquoopposition agrave leur condition est

deacutetourneacutee en agressiviteacute laquo a-reacutevolutionnaire raquo eacutemeutes sporadiques violences deacutelinquance

manipulations politiques ou mafieuseshellip

C- Les effets eacuteconomiques et sociaux de lrsquoexclusion

Sur le plan de la structure sociale drsquoensemble les destins individuels concerneacutes par

lrsquoexclusion et la preacutecarisation eacuteconomique et sociale ont un impact collectif au sein des

couches moyennes mais surtout des cateacutegories modestes Ce qui produit un eacutetirement vers le

bas de la structure sociale alors que certaines cateacutegories supeacuterieures ont des revenus toujours

croissants Lrsquoexamen de la structure sociale pour comprendre les problegravemes sociaux en cours

est essentiel car des indicateurs tregraves geacuteneacuteraux peuvent laisser des impressions trompeuses

dans ce domaine En effet il peut ecirctre constateacute par exemple que le niveau de vie moyen de

lrsquoensemble des meacutenages a bien augmenteacute drsquoenviron 15 entre 1983 et 1997

Lrsquoeacutelargissement de lrsquoeacuteventail des salaires ainsi que la geacuteneacuteralisation de lrsquoemploi feacuteminin

double potentiellement la source de revenu drsquoactiviteacute des meacutenages nrsquoy sont pas pour rien

(Bordone 1999)17 Il en est de mecircme des revenus des retraiteacutes comme le rappelle Steacutefan

Lollivier (1999) leur niveau de vie a augmenteacute deux fois plus vite que celui des actifs des

anneacutees 1970 aux anneacutees 1990 avec lrsquoenrichissement des droits agrave la retraite et lrsquoaccumulation

des revenus du patrimoine Avec les retraiteacutes indique-t-il la tendance globale est celle de la

hausse du niveau de vie moyen (2 agrave 3 par an) engendrant apregraves une stagnation de 1984 agrave

1990 une forte baisse des ineacutegaliteacutes de niveau de vie mesureacutee par le rapport inter-deacutecile

17 Jacques Bordone srsquoappuie sur les travaux du Centre drsquoeacutetudes sur les revenus et les coucircts (CERC)

55

entre les revenus disponibles moyens des meacutenages les plus riches et ceux des meacutenages les

plus pauvres (de 5 en 1970 agrave 35 en 1996)

Depuis 1997 les apparences de stabiliteacute voire de reacuteduction des ineacutegaliteacutes se sont prolongeacutees

(Pech 2010) de 1997 agrave 2007 par exemple sur le plan des seuls revenus salarieacutes des actifs

occupeacutes la moyenne de ceux des 10 les plus pauvres a augmenteacute plus vite (+ 157 ) que

celle des 5 les plus riches (+ 128 ) Cependant les indicateurs drsquoeacutecart de niveaux de vie

atteints par les meacutenages selon les revenus salariaux et de patrimoine se sont

accentueacutes (INSEE 2010) pour nrsquoen rester qursquoagrave la peacuteriode eacutetudieacutee la plus reacutecente de 1997 agrave

2003 le rapport entre le patrimoine moyen du dernier deacutecile des meacutenages (patrimoines les

plus eacuteleveacutes) et celui du premier deacutecile (patrimoines les plus faibles) est passeacute de 1 6316 agrave

2 1345 soit une hausse de 308 en sept ans18 plus reacutecemment encore de 2003 agrave 2008 le

rapport entre la moyenne des revenus du dernier deacutecile des meacutenages (et non le patrimoine) et

celle des revenus du premier deacutecile est passeacute de 607 agrave 667 soit une hausse de pregraves de 10

(99 )19

En outre derriegravere ces moyennes les eacutevolutions cateacutegorielles sont nettement diffeacuterencieacutees Par

exemple au niveau des revenus primaires des seuls salarieacutes (avant impocircts et transferts

sociaux) les ineacutegaliteacutes se creusent depuis le deacutebut des anneacutees 1990 au deacutetriment notamment

des jeunes actifs du fait de leur accession plus difficile au marcheacute du travail (chocircmage et

eacutetudes plus longues de plus en plus freacutequents) leurs revenus ont stagneacute voire se sont reacuteduits

notamment avec le risque de perte drsquoemploi qui srsquoest accru et les transferts sociaux

(allocations familiales prestations logements RMI avant le RSA) au rocircle plus redistributif

que les impocircts depuis les anneacutees 1980 nrsquoont que leacutegegraverement contrarieacute cette tendance

(Lollivier 1999) Durant les anneacutees 2000 cette eacutevolution neacutegative srsquoest accentueacutee

En 2009 le taux de chocircmage des 15-24 ans est de 237 (niveau historique depuis 1975)

contre 82 pour les 25-49 ans et 61 pour les plus de 50 ans Ce taux tregraves eacuteleveacute

certainement lieacutee agrave la crise financiegravere de 2008 confirme neacuteanmoins une tendance haussiegravere

commenceacutee avant la crise observeacutee par exemple deacutejagrave entre 2004 (205 ) et 2006 (223

soit + 18 point) avant le cycle de renversement de tendance de 2006-2008 preacuteceacutedant la crise

(191 en 2008) De son cocircteacute le taux de chocircmage des adultes de 25 agrave 49 ans baissait

18 Cependant selon les auteurs de cette eacutedition du portrait social statistique compte tenu de la forte concentration du patrimoine cet indicateur qui est bien agrave lire comme un chiffre absolu produit du rapport entre deux valeurs ici les patrimoines estimeacutes en euros est tregraves volatil (cf tableau laquo Patrimoine raquo p 283 du rapport dans la partie laquo Annexes raquo) 19 Cet indicateur centreacute sur la moyenne des revenus pour chaque deacutecile est plus pertinent que le seul rapport inter-deacutecile entre les valeurs limites puisque les valeurs les plus fortes sont prises en compte

56

leacutegegraverement de 82 en 2004 agrave 8 en 2006 (soit -02 point) Ainsi la baisse conseacutequente des

revenus salarieacutes des jeunes a pu orienter globalement les revenus des couches moyennes vers

la pauvreteacute celle-ci eacutetant deacutefinie conventionnellement par le seuil des tregraves bas salaires ie le

seuil de pauvreteacute soit moins de 50 ou de 60 du revenu meacutedian selon les conventions

statistiques

Cette eacutevolution salariale correspond agrave une laquo sous-moyennisation raquo geacuteneacuterale des classes

moyennes observable des anneacutees 1980 agrave 1990 (Chauvel 1999) leurs revenus se situeraient

autour de 80 du revenu meacutedian alors qursquoelles se trouvaient regroupeacutees autour des revenus

meacutedians de 1956 agrave 1984 Pour les franges infeacuterieures des couches moyennes leur reacutegression

srsquoest arrecircteacutee au niveau juste au-dessus du seuil de pauvreteacute moneacutetaire en se concentrant en

fait au-dessous du seuil des bas salaires qui correspond agrave moins de deux-tiers du revenu

meacutedian Ce point est attesteacute par le fait que entre les anneacutees 1970 et la moitieacute des anneacutees 1990

le taux de pauvreteacute moneacutetaire des salarieacutes (part de la population salarieacutee sous le seuil de

pauvreteacute ndash ici de 50 du revenu meacutedian parmi lrsquoensemble des actifs salarieacutes) est resteacute

stable pendant pregraves de vingt ans (Freyssinet 2002)

Cependant de leur cocircteacute les revenus les plus eacuteleveacutes srsquoaccroissent dans les secteurs de la haute

technologie du tertiaire supeacuterieur (service aux entreprises) et des directions des grandes

entreprises mondialiseacutees ainsi que les revenus du patrimoine eacuteconomique et financier Ces

fortes hausses nrsquoont cependant pas influeacute sur la partie moyenne de la structure sociale mis agrave

part lrsquoimpact symbolique important dans les repreacutesentations sociales de la hausse des

ineacutegaliteacutes sociales Les plus riches ont des revenus grandissants notamment patrimoniaux

pendant que les autres groupes sociaux srsquoenlisent dans la stagnation voire la reacutegression avec

le temps

Crsquoest en ce sens que les ineacutegaliteacutes sociales se sont accrues En France depuis 2004 il est vrai

que celles-ci sont devenues plus sensibles que dans les anneacutees 1980 et 1990 (Lombardo

2011)20 alors que le niveau de vie21 des personnes les plus modestes (20 des personnes

situeacutees au bas de lrsquoeacutechelle des revenus) a cesseacute drsquoaugmenter plus rapidement que les meacutenages

20 Plus globalement les donneacutees ci-dessous recoupent diverses publications de lrsquoINSEE rapporteacutees dans ses collections nationales contenues et accessibles sur son site internet Ici ce sont notamment les publications drsquoINSEE-Reacutefeacuterences qui ont eacuteteacute utiliseacutees Emploi et salaires (eacutedition 2011) Les revenus et les patrimoines des meacutenages (eacutedition 2011) Tableau de lrsquoeacuteconomie franccedilaise (eacutedition 2011) France Portrait social (eacutedition 2010) 21 La deacutefinition de lrsquoINSEE du niveau de vie drsquoune personne ndash enfant ou adulte ndash correspond au revenu disponible de son meacutenage diviseacute par le nombre de personnes qui le composent chaque personne eacutetant compteacutee comme une uniteacute de consommation (uc) selon leacutechelle deacutequivalence de l Organisation pour la coopeacuteration et le deacuteveloppement eacuteconomique (OCDE) qui attribue 1 uc au premier adulte du meacutenage 05 uc aux autres personnes de 14 ans ou plus et 03 uc aux enfants de moins de 14 ans

57

intermeacutediaires ce sont surtout les meacutenages les plus aiseacutes qui ont vu leur niveau de vie

fortement augmenter gracircce agrave une plus forte croissance des revenus du patrimoine Selon un

nouvel indicateur de lrsquoINSEE la masse des revenus deacutetenue par les 20 des personnes les

plus riches diviseacutee par celle deacutetenue par les 20 les plus modestes le rapport drsquoineacutegaliteacute

srsquoest accru entre les peacuteriodes 1996-2004 et 2004-2008 la premiegravere peacuteriode preacutesentait mecircme

une leacutegegravere baisse de 41 en 1996 agrave 4 en 2004

Lrsquoeacutecart srsquoest accru ensuite pour arriver agrave 43 en 2008 soit une progression de 02 point en

seulement quatre ans En termes proportionnels les masses de niveaux de vie sont reacutepartis de

la maniegravere suivante les 20 les plus pauvres en deacutetiennent pregraves de 9 et les 20 les plus

riches pregraves de 383 Les 10 les plus riches en deacutetiennent 243 soit les 23 de la masse

deacutetenue par les 20 les plus riches ce qui signifie que ce sont les plus riches (les 10 ) qui

deacutetiennent le double que les 10 les plus riches suivants Lrsquoeacutecart est donc fort entre ces deux

cateacutegories de riches ce qui illustre lrsquoeacutecart de lrsquoextreacutemiteacute par rapport au reste de la socieacuteteacute

Leur richesse srsquoest accrue entre 2003 (234 de la masse des niveaux de vie) et 2008

(243 ) de 09 point soit une hausse de 38 contre une hausse de 02 pour 90 de la

population

Lrsquoaccroissement speacutecifique du niveau de vie des plus riches est essentiellement lieacute agrave la hausse

de 11 par an en moyenne de leurs revenus de patrimoine pendant cette peacuteriode Par

ailleurs la part des pauvres dans la population ie des personnes vivant sous le seuil de

pauvreteacute est en stagnation depuis les anneacutees 2000 (13 en 2008) alors qursquoelle baissait

depuis les anneacutees 1970 (145 encore en 1997 et 131 en 2001) Ils repreacutesentent aujourdrsquohui

pregraves de 78 millions de personnes22 De plus la mauvaise situation eacuteconomique des pauvres

srsquoest intensifieacutee au cours des anneacutees 2000 (Lombardo 2011) leur niveau de vie meacutedian srsquoest

leacutegegraverement eacutecarteacute du seuil de pauvreteacute depuis 2002 date de reprise du chocircmage et du nombre

drsquoallocataires du RMI jusqursquoen 2008 cet eacutecart passe de 165 en 2002 agrave 188 en 2005 et

redescend leacutegegraverement en 2008 agrave 185 Cette pauvreteacute moneacutetaire qui srsquoeacuteloigne du revenu

meacutedian affecte drsquoailleurs fortement les familles monoparentales puisque en France 30

drsquoentre elles sont pauvres

22 Le taux de pauvreteacute franccedilais de 2008 (13 ) se situe en-dessous du taux de 17 de lrsquoEurope des 27 (eacutevolution stagnante aussi dans la mecircme peacuteriode) avec des eacutecarts importants entre pays 11 et 12 aux Pays-Bas et en Suegravede contre 19 agrave 20 au Royaume-Uni en Italie ou en Espagne Ces donneacutees sont agrave prendre avec preacutecaution avec des marges drsquoerreur et des fluctuations selon les auteurs et les publications mecircme de la part de lrsquoINSEE Agrave la fin des anneacutees 1990 lrsquoalignement de lrsquoINSEE agrave lrsquoappareil statistique europeacuteen EUROSTAT pour la mesure de la pauvreteacute de 50 agrave 60 du seuil meacutedian a pu eacutegalement compliquer la tenue de longues seacuteries temporelles

58

Un autre indicateur de lrsquointensification de la pauvreteacute parmi les meacutenages pauvres est

lrsquoeacutevolution du nombre des deacutetenteurs des minima sociaux et de leur pouvoir drsquoachat23 En

2001 lrsquoINSEE deacutecompte 328 millions de personnes beacuteneacuteficient drsquoun des neuf minima

sociaux ils sont 35 millions en 2009 soit une hausse de 67 Leurs montants mensuels

maximaux sont faibles (Mathern 2010) entre le tiers et pregraves de la moitieacute du seuil de

pauvreteacute (seuil agrave 949 euro en 2009) pour les trois minima attribueacutes agrave des personnes en acircge et en

capaciteacute supposeacutes de travailler ndash lrsquoAllocation temporaire drsquoattente (ATA) (32455 euro en

201024) le RSA-socle (46009 euro) et lrsquoAllocation de solidariteacute speacutecifique (ASS) (46051 euro)

entre 500 et 600 euro pour les allocations agrave dureacutee limiteacutee visant agrave compenser les difficulteacutes

temporaires engendreacutees par une rupture de situation familiale lrsquoAllocation de parent isoleacute

(API 59081 euro) et lrsquoAllocation de veuvage (56513 euro) et enfin les montants drsquoallocation

les plus eacuteleveacutes concernent les personnes en incapaciteacute ou en capaciteacute tregraves reacuteduite de travailler

en raison de leur acircge ou de leur situation de handicap Minimum invaliditeacute (63974 euro)

Minimum vieillesse (67713 euro) lrsquoallocation adulte handicapeacute (AAH 68163 euro) et

lrsquoAllocation eacutequivalent retraite (AER) (99432 euro)

Le versement de ces allocations deacutepend des ressources des personnes ou de leur foyer dans

une limite maximale parfois eacutequivalente au montant maximal drsquoallocation (RSA API et

AAH) parfois leacutegegraverement supeacuterieure de 15 euro (Minimum vieillesse et Minimum invaliditeacute)

mais aussi selon un eacutecart positif de pregraves de 140 euro (ATA et Allocation de veuvage) voire de

pregraves de 600 euro (ASS et AER-R) Par ailleurs ce qui constitue en derniegravere instance un signe

suppleacutementaire de cette intensification de la pauvreteacute le pouvoir drsquoachat des minima sociaux

a geacuteneacuteralement peu eacutevolueacute depuis vingt ans suivant de pregraves le rythme de lrsquoinflation

stagnation pour lrsquoAPI et lrsquoAllocation de veuvage petite hausse (4 ) pour le RMIRSA-

socle lrsquoASS le minimum vieillesse et le minimum invaliditeacute et croissance pour lrsquoATA

(144 ) et pour lrsquoAAH (7 ) suite agrave une valorisation exceptionnelle agrave une certaine date

Cette eacutevolution confirme les forts contrastes drsquoeacutevolution des niveaux de vie des individus

dans la peacuteriode toute reacutecente entre 2003 et 2008 en moyenne les niveaux de vie ont crucirc de

74 pour lrsquoensemble de la population (de 20 590 euro agrave 22 110 euro) de 17 pour les personnes

23 Cf annexe de la liste des minima sociaux leur sigle et signification 24 Montants indiqueacutes pour une personne adulte seule Le fait drsquoecirctre en couple joue sur les baregravemes de tous les minima sociaux sauf ceux concernant explicitement des personnes sans conjoint (lrsquoAllocation de parent isoleacute API et lrsquoAllocation de veuvage AV) Quant au nombre drsquoenfants il modifie uniquement les montants du RSA et de lrsquoAPI qui sont les seules prestations reacuteellement laquo familialiseacutees raquo crsquoest-agrave-dire visant agrave assurer un minimum de ressources pour un foyer et non pour une personne en particulier

59

les plus pauvres (deacutecile le plus faible de 7 930 euro agrave 8 070 euro) et de 1185 pour les 10 les

plus riches (de 48 100 euro agrave 53 800 euro) Au regard de lrsquoinflation des prix (+ 1025 entre

lrsquoindice des prix agrave la consommation de 2003 et celui de 200825) le deacutecile le plus faible

connaicirct une nette deacutepression de son pouvoir drsquoachat ce qui deacutemontre lrsquoaccentuation des

ineacutegaliteacutes sociales sur le plan eacuteconomique

Agrave ce sujet avant la fin mecircme des Trente Glorieuses de nouvelles formes drsquoineacutegaliteacutes eacutetaient

apparues par rapport agrave des ineacutegaliteacutes plus classiques en deacuteclin Drsquoune part les barriegraveres

sociales ont eacuteteacute atteacutenueacutees et remplaceacutees par des niveaux sociaux plus ouverts avec la hausse

de la mobiliteacute sociale la reacuteduction et le fractionnement des classes et communauteacutes ouvriegraveres

dans lrsquounivers des classes moyennes Mais drsquoautre part les rapports de domination se sont

transformeacutes complexifieacutes et deacutemultiplieacutes dans drsquoautres situations sociales et pour des

cateacutegories sociales speacutecifiques agrave mesure que le salariat industriel srsquoest deacutecomposeacute (Dubet

2001) Trois formes drsquoineacutegaliteacute apparaissent plus importantes parce que plus globales et

transversales ou encore parce qursquoissues directement des ineacutegaliteacutes anciennes en se preacutesentant

sous une forme nouvelle

Drsquoabord le travail feacuteminin laquo sous tutelle raquo masculine doublant les ineacutegaliteacutes subies par les

femmes dans les tacircches meacutenagegraveres Margaret Maruani (2002) confirme en indiquant qursquoune

ideacuteologie sexiste et dominante heacuteriteacutee en partie du temps de lrsquoemploi industrialo-masculin des

Trente glorieuses conccediloit les femmes comme population active drsquoappoint devant compleacuteter le

revenu et lrsquoemploi stable de lrsquo laquo homme de la famille raquo alors mecircme que surtout chez les

femmes agrave bas salaires celles-ci apportent en majoriteacute plus de la moitieacute des revenus des

couples en meacutenage il ne srsquoagit pas drsquoun salaire drsquoappoint et pourtant en 2001 en France

80 (77 en Europe) des salaires infeacuterieurs au Salaire minimum interprofessionnel de

croissance (SMIC 34 millions de salarieacutes soit 166 des salarieacutes) sont ceux de femmes

plus drsquoune femme salarieacutee sur quatre travaille pour moins de 838 euro par mois contre 6 des

hommes Ensuite la preacutecariteacute et le sous-emploi drsquoune masse importante drsquoimmigreacutes non

qualifieacutes et de leur descendants est la deuxiegraveme forme drsquoineacutegaliteacutes importantes vivant en

partie dans des quartiers de releacutegation agrave la base de la formation de minoriteacutes ethniques La

troisiegraveme forme le frein de lrsquoinsertion professionnelle des jeunes actifs surtout des moins

25 Site internet inseefr rubrique laquo Base de donneacutees raquo tableau laquo Indice des prix agrave la consommation (Annuel Ensemble des meacutenages Meacutetropole Base 1998) ndash Ensemble raquo Si lrsquoon ne regarde que lrsquoindice pour les meacutenages urbains dont le chef est ouvrier ou employeacute en meacutetropole et dans les DOM la hausse est plus importante encore de 123

60

qualifieacutes et issus de lrsquoimmigration Pour ces trois formes preacutedominantes drsquoineacutegaliteacutes agrave chaque

fois un ensemble complexe de facteurs interviennent dans la production de ces ineacutegaliteacutes

tout comme des processus sociaux et politiques ayant parfois comme objectifs contraires de

les limiter

Cette diversiteacute des figures victimes des ineacutegaliteacutes sociales modernes montre la neacutecessiteacute

drsquoune approche prudente sur leurs diffeacuterentes causes conjoncturelles et les manifestations de

ces derniegraveres Car les eacuteveacutenements qui y conduisent sont dans les trajectoires individuelles

multiples eacutechec scolaire tensions voire seacuteparation familiales maladies diverses voire

handicap reacutecession eacuteconomique geacuteneacuterale ou reacuteduction et deacutelocalisation drsquoactiviteacute

discrimination sexuelle ethnique ou drsquoacircge agrave lrsquoembauche ou agrave la mobiliteacute interne Les figures

preacutedominantes des ineacutegaliteacutes subies risquent ainsi drsquoecirctre les principales en matiegravere de

pauvreteacute Au deacutebut des anneacutees 1990 le risque de tomber dans la pauvreteacute moneacutetaire (ie sous

le seuil des 50 du revenu meacutedian) au vu de la freacutequence des eacuteveacutenements qui y amegravene

concerne une grande partie de la population (CERC 1993) 13 de la population inteacutegreacutee

socialement et eacuteconomiquement 50 pour la population fragiliseacutee sur le marcheacute du travail

et surtout frac34 des chocircmeurs Bien sucircr il nrsquoy a pas de scheacutema simple de passage ni de

continuum unilineacuteaire entre des laquo in raquo et des laquo out raquo des proteacutegeacutes ou des inteacutegreacutes et des

laquo exclus raquo ou des pauvres Les frontiegraveres sont poreuses entre drsquoune part lrsquointeacutegration et le

bien-ecirctre mateacuterielle et drsquoautre part les divers eacutetats et meacutecanismes de fragilisation et de

paupeacuterisation individuelles

En fait reacutealiser des descriptions concourantes et fines de la ou des pauvreteacutes voire en reacutealiser

une typologie simple au niveau national comme sur plusieurs sites locaux srsquoavegravere toujours

complexe et inacheveacute Les critegraveres sont multiples faiblesse des revenus beacuteneacuteficiaires de

minima sociaux statut drsquoemploi composition des meacutenages ou niveau des diplocircmes Le

problegraveme est agrave lrsquoimage de lrsquoanalyse de lrsquoexclusion sociale qursquoen modeacutelisant des processus

drsquoentreacutee et de maintien dans la pauvreteacute toujours plus particuliers et individuels les

descriptions et les explications brouillent toute approche conceptuelle simple puisque les

attributs communs devenant moins nombreux La tentative drsquoobjectivation absolue

notamment statistique de la pauvreteacute de populations particuliegraveres est en fait impossible

La plupart du temps les informations brutes et non correacuteleacutees induisent de les compleacuteter et de

les expliquer par des recueils drsquoinformations suppleacutementaires par exemple dans les eacutetudes

rapporteacutees dans Les travaux de lrsquoONPES (2002) il apparaicirct que dans le bassin parisien les

zones drsquohabitat les plus eacuteloigneacutees de Paris concentrent le plus de familles monoparentales Ce

61

meacutecanisme reacuteveacutelant indirectement les situations eacuteconomiquement deacutefavoriseacutees drsquoune grande

partie de ces familles posent des questions sur les effets sur les territoires concerneacutes en

termes varieacutes destin des familles et de leurs membres et notamment des enfants ou encore

eacutevolution des besoins et des dispositifs sociaux sur les territoires

Ainsi les apports cognitifs de ces analyses empiriques outre leurs effets pervers en termes de

reacuteification potentielle de cateacutegories sociales agrave des fins politico-administratives (les

beacuteneacuteficiaires du RSA les familles monoparentales les illettreacuteshellip) eacutevacuent ou minorent les

causes sociales de la modification des trajectoires et des expeacuteriences individuelles (eacutevolution

des rapports sociaux des institutions de lrsquoorganisation des relations et des mobiliteacutes

sociales) les analyses favorisent plutocirct la formalisation drsquoeacuteveacutenements typiques de

basculement individuel dans la pauvreteacute sur la base de cumul de laquo manques raquo de

laquo handicaps raquo ou drsquoaleacuteas dans plusieurs secteurs de la vie sociale et eacuteconomique En

revanche les approches microsociales permettent drsquoaborder des pheacutenomegravenes sociaux majeurs

dans le domaine de la pauvreteacute en leur donnant une place pas toujours habituelle dans les

analyses socio-eacuteconomiques

Un exemple significatif est la question de la seacuteparation conjugale qui constitue le premier

facteur drsquoentreacutee dans la pauvreteacute moneacutetaire des meacutenages depuis le deacutebut des anneacutees 1980 La

perte ou le deacutefaut drsquoemploi stable nrsquoest en fait qursquoun facteur secondaire du niveau de vie des

personnes (Maurin 2002 p 50) laquo Une tregraves large majoriteacute de meacutenages tombant dans la

pauvreteacute ou nrsquoarrivant pas agrave sortir de la pauvreteacute drsquoune anneacutee sur lrsquoautre sont en fait des

meacutenages dont la situation vis-agrave-vis du marcheacute du travail est resteacutee stable voire srsquoest

ameacutelioreacutee En moyenne sur la peacuteriode analyseacutee (1987-1994) les trois-quarts des meacutenages

persistant dans la pauvreteacute sont ainsi des meacutenages dont le nombre de chocircmeurs dans la

famille est resteacute stable ou mecircme a diminueacute En France la preacutecariteacute des situations

professionnelles semblent nrsquoecirctre en tant que telle qursquoun facteur secondaire de reacutecurrence et de

persistance des situations de pauvreteacute La preacutecariteacute des situations familiales semble un facteur

bien plus deacutecisif raquo

Ce pheacutenomegravene doit ecirctre rapporteacute agrave celui de la divortialiteacute croissante et de la monteacutee du ceacutelibat

(Villeneuve-Gokelp 1996) Il y a plus de divorces de nos jours dans les reacutecentes comme les

anciennes promotions de mariage en 1996 on compte 39 divorces prononceacutes pour 100

mariages reacutealiseacutes dans le passeacute toutes dureacutees de mariage prises en compte (cet indicateur

conjoncturel ne signifie pas que 39 des mariages finissent en divorce mais il repreacutesente

62

neacuteanmoins une mesure du risque de divortialiteacute selon lrsquoINSEE26) en 2004 date la plus

reacutecente drsquoestimation de lrsquoINSEE on passe agrave 45 divorces pour 100 mariages passeacutes Si lrsquounion

libre augmente le nombre de ceacutelibataires eacutegalement (1970 265 1999 333 2009

376 ) ainsi que le nombre de meacutenages de personnes seules (1970 22 1999 31

dont 50 de meacutenages seuls agrave Paris en 2005 325 et 333 en 2008)

Les familles monoparentales passent de 125 des familles en 1990 agrave 148 en 1999 et agrave

176 en 200827 elles repreacutesentent 68 des meacutenages en 1990 et 81 en 2008 Les

couples sans enfants augmentent de 234 en 1990 agrave 259 en 2008 et les familles

(couples avec enfants) sont les seules agrave baisser de 364 des meacutenages en 1990 agrave 275 en

2008 Ainsi la structure des meacutenages en France peut se deacutecomposer scheacutematiquement de la

maniegravere suivante agrave la fin des anneacutees 2000 une majoriteacute un tiers de personnes seules

reacuteparties entre pregraves de 58 de femmes (195 ) et pregraves de 42 drsquohommes (138 ) un

grand quart de couples avec enfants un petit quart de couples sans enfant et presque un

dixiegraveme de familles monoparentales

Les deacuteterminants sociaux de ces pheacutenomegravenes et notamment des divorces entraicircnant la

pauvreteacute des familles sont multiples Dans un premier temps lrsquoaffaiblissement des relations

sociales primaires (familiales et de voisinage) engendreacute par la monteacutee de laquo lrsquoindividualisme

drsquoautonomie raquo eacutevoqueacute plus haut et produit de la geacuteneacuteralisation du travail salarieacute et de ses

effets en termes drsquoaccroissement des niveaux de vie et drsquoindeacutependance financiegravere et sociale

des personnes dont les femmes surtout vis-agrave-vis des communauteacutes drsquoappartenance Il faut

aussi consideacuterer le mode eacutelectif et reacuteticulaire de sociabiliteacute qui sest imposeacute

Il est donc significatif de constater que crsquoest plus speacutecialement agrave partir de la fin des anneacutees

1980 jusqursquoau deacutebut des anneacutees 1990 que srsquoest durcie la frontiegravere entre pauvreteacute et non

pauvreteacute ie la probabiliteacute plus forte que les pauvres restent pauvres et que les aiseacutes restent

aiseacutes (Maurin 2002) encore une fois au deacutetriment des familles monoparentales avec

plusieurs enfants du fait de leurs faibles revenus que leurs membres aient ou non un emploi

et que celui-ci ou ceux-ci soit stable(s) ou non On comprend ainsi que la pauvreteacute moneacutetaire

des individus deacutepend de la dimension collective de leur vie individuelle ie la composition

du meacutenage drsquoappartenance sachant que le taux de pauvreteacute moneacutetaire augmente avec la

26 Cf document laquo Sources et meacutethodes ndash Les indicateurs deacutemographiques raquo du site internet de lrsquoINSEE wwwinseefr 27 Donneacutees INSEE

63

hausse du nombre drsquoenfants et que ce dernier est encore plus eacuteleveacute au sein des familles

monoparentales

Autrement dit la conjugaison des seacuteparations conjugales et de lrsquoaffaiblissement de la

solidariteacute meacutecanique ndash en langage durkheimien pour deacutesigner la solidariteacute de la communauteacute

drsquoappartenance ndash deacutetermine un risque eacuteleveacute drsquoentreacutee dans la pauvreteacute et certainement aussi un

sentiment drsquoabandon voire de rejet En outre le milieu urbain contemporain ne renforce-t-il

pas cet eacutetat de faiblesse des liens de solidariteacute En effet le lien social de type citadin se

caracteacuterise surtout par une multipliciteacute des liens faibles en mecircme temps qursquoune faiblesse des

liens forts (Joseph 1994) Dans ce contexte la perte de liens familiaux pouvant srsquoajouter agrave

celle de liens professionnels est durement ressentie lorsque des besoins de solidariteacute se

manifestent

Par ailleurs il reste que en dehors de la reacutefeacuterence agrave des seuils conventionnels de revenus

permettant de distinguer des cateacutegories socio-deacutemographiques assez nettes qui relegravevent de la

pauvreteacute moneacutetaire (jeunes meacutenages urbains femmes seules avec un nombre eacuteleveacute

drsquoenfantshellip) la difficulteacute de cerner les pauvres exhaustivement est en reacutealiteacute une situation

normale drsquoun point de vue sociologique les diffeacuterents attributs de lrsquoeacutetat de pauvreteacute mis en

avant deacutependent de la perception qursquoen ont les laquo riches raquo et les institutions de reacutegulation Elle

reacutevegravele en creux leurs ideacuteaux normatifs Ceux-ci srsquoexpriment tout autant que pour lrsquoexclusion

dans les rapports sociaux sur le plan de la symbolique de la valeur des modes de vie lieacutes aux

statuts sociaux les pauvres sont moins bien logeacutes ne partent pas en vacances ne mangent

pas agrave leur faim sont concentreacutes dans les mecircmes secteurshellip Les deacutefinitions les plus officielles

de la pauvreteacute qursquoen donnent les chercheurs souvent eacuteconomistes et des hauts-fonctionnaires

inscrits dans lrsquoaction politique et sociale voire les institutions sociales publiques ou les

institutions politiques officielles attestent de cette approche relative

Le Conseil europeacuteen de deacutecembre 1984 considegravere comme pauvres laquo les personnes dont les

ressources (mateacuterielles culturelles et sociales) sont si faibles qursquoelles sont exclues des modes

de vie minimaux acceptables dans lrsquoEacutetat (membre) ougrave elles vivent raquo (Glaude 1998) De

mecircme une deacutefinition de la preacutecariteacute sociale du rapport du Conseil eacuteconomique et social

Grande pauvreteacute et preacutecariteacute eacuteconomique et sociale (Wreacutesinsky 1987) srsquoinscrit dans cette

approche laquo La preacutecariteacute est lrsquoabsence drsquoune ou plusieurs seacutecuriteacutes notamment celle de

lrsquoemploi permettant aux personnes et aux familles drsquoassumer leurs obligations

professionnelles familiales et sociales et de jouir de leurs droits fondamentaux raquo

64

Pour en rester agrave la pauvreteacute eacutetat qui peut se confondre agrave celui drsquoexclu trois approches

sociales et eacuteconomiques existent (Glaude 1998) qui se reacutefegraverent toujours agrave lrsquoappreacuteciation de

niveaux relatifs de critegraveres de conditions drsquoexistence drsquoabord la pauvreteacute laquo moneacutetaire raquo

caracteacuteriseacutee par une insuffisance de revenus estimeacutee par rapport agrave un laquo seuil de pauvreteacute raquo

moneacutetaire qui se calcule en valeur laquo absolue raquo28 ou relative (50 ou 60 du revenu29

meacutedian) ensuite la pauvreteacute laquo drsquoexistence raquo deacutefinie par lrsquoabsence de biens drsquousage et de

consommation de base enfin la pauvreteacute laquo subjective raquo qui repose sur la perception par les

individus ou les meacutenages de leur manque drsquoaisance ou lrsquoeacutecart entre leur revenu et le minimum

qursquoils jugent neacutecessaire Ainsi agrave la fin des anneacutees 1990 lrsquoattribution du qualificatif de

laquo pauvres raquo agrave des cateacutegories drsquoactifs occupeacutes les travailleurs pauvres et les salarieacutes pauvres

deacutesigne ceux qui vivent en-dessous des standards sociaux de conditions drsquoexistence30

Lrsquoanalyse de la pauvreteacute srsquoopegravere alors principalement via lrsquoexclusion et la preacutecariteacute dans la

sphegravere du travail et de ses revenus comme cause mais aussi via lrsquoexclusion comme

conseacutequence puisque la pauvreteacute prive de participation et drsquousage de biens et de services

dans tous les domaines de la vie sociale (santeacute formation relations sociales logementhellip) de

maniegravere cumulative comme lrsquoindique le rapport De Gaulle-Anthonioz (1995) pour le Conseil

eacuteconomique et social la pauvreteacute expose davantage les personnes concerneacutees agrave de

lrsquoexclusion sociale dans les relations sociales qursquoils rencontrent dans leur vie quotidienne

comme analyseacute plus haut

Ainsi lrsquoanalyse sociologique de la pauvreteacute doit agrave lrsquoinstar de lrsquoapproche de lrsquoexclusion

sociale se distinguer des eacutetudes sociales et eacuteconomiques en se rapportant aux rapports

sociaux et notamment aux ineacutegaliteacutes sociales avec les repreacutesentations reacuteciproques des

diffeacuterentes cateacutegories sociales des plus dominantes aux plus domineacutees et celles des

institutions de reacutegulation et de protection sociales de la socieacuteteacute qui objectivent ces ineacutegaliteacutes

Agrave la diffeacuterence des approches eacuteconomiques et administratives de la pauvreteacute centreacutees sur les

conditions drsquoexistence lrsquoapproche sociologique se preacuteoccupe de la forme et du caractegravere du

28 Aux Eacutetats-Unis le seuil officiel est laquo absolu raquo deacutefini agrave partir des laquo besoins alimentaires raquo eux-mecircmes deacutefinis immanquablement par rapport agrave des normes sociales de consommation 29 Les revenus sont dans ce cas lrsquoensemble des salaires (et autres revenus non salarieacutes) et des prestations sociales moins les impocircts directs 30 Les travailleurs pauvres sont les laquo personnes ayant eacuteteacute sur le marcheacute du travail au moins la moitieacute de lrsquoanneacutee soit en travaillant soit en recherchant un emploi tout en demeurant dans des familles vivant au-dessous du seuil de pauvreteacute raquo et les salarieacutes pauvres sont laquo tout ceux qui de leur travail perccediloivent une reacutemuneacuteration mensuelle infeacuterieure au SMIC raquo (Maruani 2002 p 101-123) Agrave titre illustratif les 34 millions de salarieacutes pauvres en France en 2001 sont agrave 80 des femmes alors que les travailleurs pauvres sont essentiellement des hommes Des donneacutees plus reacutecentes nrsquoont pas eacuteteacute trouveacutees dans les publications de lrsquoINSEE

65

lien social avec sa dimension imaginaire entre les pauvres et le reste de la socieacuteteacute (Messu

2003 Simmel 2005)

Lrsquoanalyse ne peut eacutecarter les ineacutegaliteacutes sociales qursquoil reacutevegravele dans le cadre du rapport de

deacutependance structureacute entre les groupes sociaux qui deacutetermine leurs situations sociales et

eacuteconomiques Roland Pfefferkorn (1999) apporte une deacutefinition de lrsquoineacutegaliteacute sociale elle

reacutesulte laquo drsquoune distribution ineacutegale au sens matheacutematique de lrsquoexpression entre les membres

drsquoune socieacuteteacute des ressources [de celle-ci] due aux structures mecircmes [de celle-ci] et faisant

naicirctre un sentiment drsquoinjustice au sein de ses membres raquo Lrsquoeacutetude des ineacutegaliteacutes sociales

impliquent alors lrsquoidentification au sein drsquoune structure sociale drsquoune ou de plusieurs

distributions ineacutegales des ressources perccedilues comme injustes par certains entre individus des

diffeacuterentes cateacutegories de cette structure

Agrave lrsquoorigine de ces distributions ineacutegales socialement perccedilues comme injustes il peut y avoir

des intentions deacutelibeacutereacutees des failles incontrocircleacutes drsquoun systegraveme drsquoallocation des dispositifs ou

des processus de distribution sous des formes diverses geacuteneacuterant de maniegravere involontaire des

ineacutegaliteacutes entre beacuteneacuteficiaires Eacutevidemment ces perceptions deacutependent des repreacutesentations que

chaque cateacutegorie a drsquoelle-mecircme des autres cateacutegories et reacuteciproquement ainsi que des

repreacutesentations qursquoelles ont toutes de lrsquoeacutetat et de lrsquoeacutevolution de la socieacuteteacute de ses valeurs et

normes preacutedominantes ainsi que de son organisation Dans ce cadre la pauvreteacute apparaicirct aux

plus aiseacutes comme un problegraveme social seulement lorsqursquoils ont inteacuterecirct face aux risques de

scandale voire de reacuteaction reacutevolutionnaire agrave reacutealiser une forme quelconque de justice

redistributive La pauvreteacute devient ainsi un problegraveme pour eux afin de lrsquoorganiser (la justice)

sans alteacuterer les regravegles de lrsquoaccumulation et de la conservation des richesses ou encore en

preacuteservant la regravegle geacuteneacuterale de la coheacutesion sociale Il leur revient et aux institutions

politiques et sociales qursquoils conduisent de probleacutematiser drsquoeacutenoncer et de rendre visible selon

des traits et des qualificatifs choisis lrsquoeacutetat de pauvreteacute qursquoil convient drsquoeacuteradiquer pour

maintenir la paix sociale Ils doivent ainsi disposer drsquoune grille de lecture de la distribution

des positions sociales possibles et des regravegles de geacuteneacuteration de celles-ci afin de deacutesigner

celles relevant de la pauvreteacute

Ces eacuteleacutements lieacutes aux aspects sociaux du pheacutenomegravene drsquoexclusion ont des traductions dans les

politiques publiques non speacutecifiquement eacuteconomiques et sociales comme les politiques

urbaines et de logement et ils induisent des pheacutenomegravenes particuliers dans le peuplement des

diffeacuterents espaces des villes ainsi que dans les relations et les pratiques sociales en leur sein

un processus de laquo ghettoiumlsation raquo de zones reacutesidentielles de faible qualiteacute srsquoest engageacutee Les

66

politiques sociales de la ville censeacutees le contrecarrer nrsquoy parvient pas ce qui engendre une

formation durable de quartiers-ghettos et drsquoespaces plus larges les comprenant en deacuteclin

social Le chapitre suivant tend agrave montrer que lrsquoexclusion eacuteconomique et sociale prend alors

dans le champ urbain des formes de seacutegreacutegation diverses aux niveaux tant politique que des

relations et pratiques sociales quotidiennes ce qui explique la production de plus ne plus

avanceacutee des zones de marginaliteacute urbaine

Chapitre II

Le deacuteclin des grands ensembles effet et modaliteacute spatiale de la seacutegreacutegation sociale

persistante des moins qualifieacutes

Cette approche sociologique de lrsquoexclusion et de la pauvreteacute ndash centreacutee sur les ineacutegaliteacutes

sociales lieacutees aux rapports sociaux avec leurs deacuteterminations symboliques peut-elle servir

de paradigme dans lrsquoanalyse de la laquo crise urbaine raquo En effet certains indiquent que la

laquo question sociale raquo qui fait reacutefeacuterence agrave la condensation de divers problegravemes sociaux (Soulet

1996) nrsquoest plus comme ce fut le cas pendant une grande partie du XXe siegravecle

essentiellement axeacutee sur les problegravemes de production dans la sphegravere du travail Depuis les

anneacutees 1980 elle a eacutevolueacute (Donzelot Roman 1991) de lrsquoentreprise (employeurs contre

salarieacutes) le lieu du social semble ecirctre passeacute agrave la ville (inteacutegreacutes et qualifieacutes agrave cocircteacute des exclus

du travail des sous-employeacutes des sous-qualifieacutes des sous-proteacutegeacuteshellip) La domination et

lrsquoexploitation eacuteconomiques ainsi que les risques sociaux empecircchant de travailler seraient

devenus moins probleacutematiques que la rareteacute du travail pour les pauvres voire pour les

couches moyennes

Cette repreacutesentation postule que coupeacutes du monde du travail les exclus ne geacutenegraverent plus que

des problegravemes qui relegravevent de leur condition de vie dans leur habitat au niveau de leurs

activiteacutes et pratiques diverses (relations sociales pratiques sociales et culturelles) surtout

dans lrsquoespace urbain Avec Sylvie Tissot (2007) nous conviendrons que cette orientation qui

si elle peut avoir le meacuterite de se centrer sur une cateacutegorie drsquoaction probleacutematiseacutee socialement

(lrsquoexclusion) tend agrave occulter ce qui reste un problegraveme certainement plus central des rapports

sociaux celui de la mise agrave lrsquoeacutecart de la sphegravere de production des moins qualifieacutes par la classe

dirigeante Et puisque lrsquoespace physique et la socieacuteteacute entretiennent des rapports fonctionnels

67

la diffeacuterenciation de lrsquoespace social a des effets de diffeacuterenciation de lrsquoespace physique et vice

et versa (Magri 1996)

Lrsquoexclusion eacuteconomique et sociale se trouve avoir eacuteteacute une occasion nouvelle agrave partir des

anneacutees 1980 drsquoeacutetudier la seacutegreacutegation socio-spatiale Car celle-ci recouvre des modaliteacutes

extrecircmement varieacutees dispersion entretenue par des autoriteacutes et approprieacutee parfois par des

groupes sociaux la subissant organisation drsquoune instabiliteacute reacutesidentielle des cateacutegories

ouvriegraveres et employeacutees autour des zones drsquohabitation bourgeoise ou encore immobilisation

dans des enclaves territoriales confinant agrave la formation de ghettoshellip La question drsquoordre

sociologique est de savoir si ces situations reacutevegravelent et geacutenegraverent pour les cateacutegories domineacutees

des processus drsquointeacutegration sociale voire des ouvertures agrave des mobiliteacutes sociales ou si la

seacutegreacutegation spatiale contribue agrave une seacutegreacutegation sociale stricte dans ses intentions crsquoest-agrave-

dire drsquoempecircchement drsquoacceacuteder aux positions et aux activiteacutes sociales valoriseacutees

Apregraves les politiques industrielles et drsquohabitat agrave partir des anneacutees 1950 geacuteneacuterant une extension

de la ville et de ses formes avec une modification des eacutetats de division sociale anteacuterieure des

espaces urbains des politiques diverses ont agrave partir des anneacutees 1970 geacuteneacutereacute de nouvelles

modaliteacutes seacutegreacutegatives La politique du logement instaurant lrsquoaide agrave la personne (1977) drsquoune

part pour fluidifier les trajectoires reacutesidentielles individuelles entre segments du parc de

logements et drsquoautre part le mode de deacuteveloppement ineacutegalitaire face agrave la crise eacuteconomique

suscitant de lrsquoexclusion socio-eacuteconomique ont produits un effet pervers de releacutegation spatiale

des preacutecaires et exclus dans les espaces les plus deacutevaloriseacutes aux yeux des citadins geacuteneacuterant

des concentrations de populations en difficulteacutes sociales probleacutematiques socialement

Et puisqursquoun eacutetat de seacutegreacutegation est toujours difficile agrave cerner (Magri 1996) nous nous

demandons dans ce chapitre si le processus de deacuteclin social qui srsquoest deacuteveloppeacute dans les

territoires de grands ensembles nrsquoest pas reacuteveacutelateur voire un instrument deacuteterminant drsquoune

forme moderne de seacutegreacutegation spatiale des exclus socio-eacuteconomiques expliquant ainsi

lrsquoeacutemergence des thegravemes de la ghettoiumlsation et du ghetto dans les villes contemporaines

A- Exclusion releacutegation spatiale et laquo ghettoiumlsation raquo dans les grands ensembles

Lrsquoexclusion socio-eacuteconomique produit-elle des effets tangibles speacutecifiquement urbains et

notamment sur le plan des espaces reacutesidentiels et des pratiques sociales non lieacutees au travail

Un important point de deacutebat est celui de lrsquoeacutevolution de la reacutepartition spatiale des cateacutegories

68

sociales qui serait imputable au pheacutenomegravene eacutetudieacute La preacutecarisation professionnelle des

moins qualifieacutes des jeunes de certains immigreacutes des femmes ainsi que des laquo seniors raquo leur

exclusion durable parfois de la sphegravere productive et les effets eacuteconomiques sociaux

familiaux et psychologiques de cette situation ainsi que la hausse des ineacutegaliteacutes sociales qui

srsquoensuit en interaction avec lrsquoenvoleacutee des revenus des cateacutegories supeacuterieures du priveacute

constituent une seacuterie de pheacutenomegravene coiumlncidant avec la bipolarisation aux deux extreacutemiteacutes des

espaces sociaux (Preacuteteceille 2006) drsquoune part les quartiers accueillant davantage de

cateacutegories supeacuterieures sont plus nombreux et ces cateacutegories y sont proportionnellement en

croissance et drsquoautre part il y a accentuation de lrsquohomogeacuteneacuteisation sociale drsquoune laquo minoriteacute

significative raquo de quartiers populaires srsquoeacutecartant plus fortement du profil des espaces moyens

meacutelangeacutes et eacutevidemment du profil des quartiers supeacuterieurs Un renforcement des polarisations

sociales de lrsquoespace srsquoest produit de chaque cocircteacute des espaces mixtes ou plutocirct des espaces

sans polarisation ceux-ci restent neacuteanmoins preacutedominants et stables depuis la fin du XXe

siegravecle selon la part de la population active totale (45 )

En fait les espaces deacutejagrave polariseacutes se renforcent dans leur caractegravere par lrsquoaugmentation de la

preacutesence des cateacutegories sociales dominantes dans les mecircmes secteurs spatiaux Ce qui ne

signifie pas qursquoun secteur soit occupeacute totalement par une seule grande cateacutegorie sociale

Cependant les quartiers les plus meacutelangeacutes (ougrave aucune grande cateacutegorie sociale nrsquoest

surrepreacutesenteacutee) se rapprochent leacutegegraverement dans leur composition des espaces ougrave preacutedominent

les classes populaires et les meacutenages immigreacutes Il faut aussi indiquer que tout lrsquoespace des

cateacutegories et des espaces geacuteographiques des classes moyennes est lui-mecircme en cours de

polarisation des nouvelles cateacutegories intermeacutediaires plus dynamiques deacutemographiquement

lieacutees aux technologies reacutecentes remplacent les classes moyennes traditionnelles mais sans

qursquoil y ait forceacutement seacutegreacutegation dans lrsquoensemble (Preacuteteceille 1995-a)

Ces constats drsquoeacutevolution des espaces sociaux convergent avec ceux drsquoordre socio-

eacuteconomique sur lrsquoappauvrissement depuis les anneacutees 1980 des cateacutegories modestes et

moyennes du fait de la preacutecarisation de lrsquoemploi des seacuteparations familiales des processus

drsquoexclusion sociale et de la fragiliteacute des liens primaires drsquoentraide Avec le deacutepart degraves les

anneacutees 1960 (Peillon 2001) de meacutenages de cateacutegories supeacuterieures puis moyennes surtout de

meacutenages jeunes hors des quartiers de grand ensemble notamment drsquohabitat social les

identiteacutes socio-urbaines des grands ensembles drsquohabitat se sont modifieacutees en termes de

paupeacuterisation et drsquoaffaiblissement des statuts socio-eacuteconomiques des habitants Mais ce

deacuteclassement concerne bien plutocirct des cateacutegories modestes degraves le deacutepart le mythe urbain des

69

grands ensembles comme habitat des classes moyennes salarieacutees fondues avec les anciennes

classes populaires drsquoindustries ne doit pas ecirctre pris comme une reacutealiteacute historique ces espaces

ont eacuteteacute en tregraves large majoriteacute peupleacutes degraves leur livraison par des meacutenages modestes ouvriers et

employeacutes drsquoexeacutecution

Les meacutenages moyens nrsquoeacutetaient bien souvent que de jeunes meacutenages au deacutebut de leur

ascension ils se sont tregraves rapidement trouveacutes incommodeacutes par la promiscuiteacute spatiale avec

les normes majoritaires des cateacutegories populaires Si les structures sociales initiales pouvaient

paraicirctre globalement moyennes crsquoeacutetait du fait de la stabiliteacute drsquoemploi et de la bi-activiteacute

eacuteventuelle des meacutenages ouvriers et employeacutes La crise eacuteconomique des anneacutees 1970 a briseacute

cette image drsquoabord une diversification progressive puis avec lrsquoaccroissement du

pheacutenomegravene de deacuteclassement des meacutenages une homogeacuteneacuteisation des situations sociales laquo vers

le bas raquo

Cette eacutevolution nrsquoa pas eacuteteacute sans rapidement geacuteneacuterer des tensions notamment parce que les

politiques eacuteconomiques et sociales nrsquoont pas deacuteveloppeacute de dispositifs suffisamment efficaces

drsquoaccompagnement de formation et de protection des cateacutegories preacutecariseacutees ni de dispositifs

eacuteconomiques assurant un plus important partage du travail et une creacuteation plus forte de

nouvelles activiteacutes publiques et priveacutees demandeuses de main drsquoœuvre Pour certains

srsquoinscrivant dans la logique de lrsquoexclusion aboutissant agrave la laquo territorialisation du social raquo ce

sont eacutegalement les collectiviteacutes territoriales dont les communes qui nrsquoont pas deacuteveloppeacute

assez tocirct des politiques drsquointeacutegration notamment des immigreacutes adapteacutees agrave leurs situations

nouvelles (Lapeyronnie 1991)

Ces premiegraveres observations montrent que au niveau drsquoun type drsquoespace social particulier

drsquoeacutechelle non neacutegligeable mecircme si du niveau infra-agglomeacuteration les repreacutesentations

meacutetaphoriques en termes de laquo dualisation raquo ou drsquolaquo eacuteclatement raquo de la ville sont concernant

les formations sociales certainement caricaturales Le premier net mouvement de polarisation

ndash celui de lrsquoisolement reacutesidentiel rechercheacute est circonscrit agrave une tranche limiteacutee des couches

supeacuterieures Cette seacutelectiviteacute reacutesidentielle est le plus souvent lieacutee agrave la cartographie des

eacutetablissements scolaires les plus prestigieux ou promoteurs (Maurin 2004) puisque la

formation scolaire constitue le premier maillon drsquoune chaicircne de (re)production des eacutelites

sociales et des carriegraveres supeacuterieures

Le second mouvement de polarisation socio-spatiale relegraveve drsquoun pheacutenomegravene

drsquoassignationreleacutegation et de regroupement des cateacutegories marginaliseacutees pauvres etou

70

exclues dans les mecircmes espaces urbains deacutegradeacutes et deacutevaloriseacutes Dans les zones drsquohabitat

social deacutevaloriseacute notamment la releacutegation spatiale des plus pauvres est aussi devenue

synonyme drsquoune immobiliteacute reacutesidentielle forceacutee Depuis pregraves de trente ans crsquoest le sentiment

de ne pouvoir eacutechapper agrave une zone drsquohabitation voueacutee agrave une deacutegradation lente et continue qui

creacutee le malaise et lrsquoinseacutecuriteacute deacuteficit de mobiliteacute mauvaise insertion dans le marcheacute de

lrsquoemploi faible consommation de biens et de services entraicircnant la deacutesaffection des

eacutequipements commerciaux administratifs et culturels vie quotidienne dans une aire limiteacutee

et enclaveacutee et aussi faible deacuteveloppement du marcheacute du logement Des situations de conflits

et de tensions lieacutees agrave une cohabitation non deacutesireacutee se deacuteveloppent et favorisent des attitudes

seacutegreacutegatives et le sentiment drsquoinseacutecuriteacute Ainsi globalement lrsquoaccentuation des polarisations

traduit la vigueur des tendances agrave la seacutegreacutegation et agrave lrsquoexclusion dans les rapports sociaux de

cohabitation urbaine (Brun 1998 Clavel 1998)

Depuis les anneacutees 1990 la reconnaissance de la fragmentation de lrsquouniteacute urbaine est lieacutee aux

processus de meacutetropolisation de la socieacuteteacute qui eacutevoque la production de tregraves grandes villes

dans lesquelles vivent de plus en plus de personnes et imprime un mode de vie dominant agrave

lrsquoensemble de la socieacuteteacute y compris ces parties situeacutees dans un cadre non urbain Ce cadre

favorise des meacutecanismes multiples de diffeacuterenciations sociales et spatiales susceptibles de

fragiliser les liens sociaux (Bassand Kaufmann Joye 2002 Paquot Lussault Body-

Gendrot 2000 Steacutebeacute Marchal 2010) redeacuteploiement de seacutegreacutegations anciennes et

accentuation de la speacutecialisation fonctionnelle de lrsquoespace dans les agglomeacuterations urbaines

combinant centre historique compact et dense et zones sub- et peacuteriurbaines plus ou moins

diffuses avec de nouvelles centraliteacutes autonomisation des diffeacuterents niveaux drsquointeacutegration

sociale (famille voisinage quartier communeshellip) accentuation des ineacutegaliteacutes sociales entre

quartiers plus ou moins homogegravenes permise par le marcheacute du logement et les affiniteacutes

socioculturelles et deacuteconnexion systeacutematique de lrsquoespace et du temps dans la vie quotidienne

(plusieurs lieux pour des activiteacutes diffeacuterentes courses relations sociales travail et loisirs

ayant des temporaliteacutes diverses)

Dans les meacutegalopoles (plus de 10 millions drsquohabitants) aux limites de plus en plus incertaines

qui recouvrent un espace reacutegional couvrant plusieurs agglomeacuterations comme la reacutegion

parisienne ou dans les grandes villes reacutegionales les activiteacutes sont de plus en plus lieacutees agrave

lrsquoeacuteconomie mondiale le laquo tertiaire global raquo baseacutee sur des entreprises internationales et leurs

services financiers et informationnels avec un poids eacuteleveacute de la haute technologie

71

industrielle Elle srsquoimplante dans quelques laquo villes globales raquo internes aux grandes reacutegions

urbaines en reacuteseau dans le monde comme lrsquoa conceptualiseacute Saskia Sassen (1996 2004) et

dans lesquelles augmentent les cateacutegories supeacuterieures diplocircmeacutees et les cateacutegories moyennes

avec un recul des classes populaires les moins qualifieacutees (proleacutetariat tertiaire remplaccedilant le

proleacutetariat industriel)

Les effets de cette orientation se combinent avec les fonctions et les activiteacutes de toute

sorte qui preacuteexistaient dans les villes concerneacutees politiques industrielles et services lieacutes aux

Eacutetats et agrave lrsquoimportance des marcheacutes de consommation (Preacuteteceille 1995-b) Une deacuteformation

progressive conseacutequente des structures sociales comme en reacutegion parisienne srsquoest manifesteacutee

avec une progression des cateacutegories supeacuterieures lieacutees aux entreprises une reacutegression des

cateacutegories moyennes et ouvriegraveres drsquoindustrie traditionnelle une augmentation des cateacutegories

moyennes tertiaires et enfin un recul du proleacutetariat tertiaire qui srsquoest en grande partie

substitueacute au proleacutetariat ouvrier Lrsquoaccentuation des hieacuterarchies et des ineacutegaliteacutes sociales a

favoriseacute les effets de polarisations sociales de lrsquoespace Pour Paris et sa reacutegion pilier du

deacuteveloppement du secteur tertiaire pour tout le territoire national cette eacutevolution srsquoest traduite

par lrsquoaccentuation de la surrepreacutesentation nationale des chefs drsquoentreprise des professions

libeacuterales de lrsquoinformation des arts et du spectacle

La complexiteacute des espaces reacutesidentiels de par leur meacutelange majoritaire et la logique sous-

jacente de leurs dynamiques interdisent cependant drsquoeacutevoquer abruptement des images

simples comme la laquo ville duale raquo ou laquo eacuteclateacutee raquo pour deacutecrire ses reacutealiteacutes Ces notions ont

mecircme des usages scientifiques plus particuliers pour aborder soit lrsquoeacutetalement de la ville avec

lrsquoaffaiblissement de son uniteacute et de sa fonction politique et institutionnelle (Lefebvre 1968

1970 Beauchard 1993) soit des effets de diffeacuterenciations sociales de lrsquoespace duales ou

tripartites selon les theacuteories Dans les deux cas ces notions ne srsquoadaptent pas vraiment agrave

lrsquoanalyse drsquoun espace telle une commune drsquoune grande agglomeacuteration Par exemple le terme

de dualisation appliqueacute aux vifs contrastes reacuteels entre les extrecircmes des situations

reacutesidentielles (les laquo beaux-quartiers raquo et les quartiers deacutefavoriseacutes) nrsquoaboutit-il agrave ne retenir que

celles-ci drsquoautant plus si elles srsquoaccentuent dans le temps

La laquo gentrification raquo est drsquoailleurs statistiquement bien visible ainsi que agrave lrsquoautre bout de

lrsquoeacutechelle sociale la concentration des groupes marginaliseacutes chocircmeurs et immigreacutes peu

qualifieacutes dans les ensembles de logement social et les quartiers anciens deacutegradeacutes Les eacutetudes

socio-deacutemographiques extensives (sur lrsquoensemble du territoire national) mettent drsquoailleurs agrave

jour la preacutesence importante de nombreux chocircmeurs et preacutecaires dans presque tout type

72

drsquoespace sociogeacuteographique deacutelimiteacute selon le critegravere drsquohomogeacuteneacuteiteacute sociale relative

(commune ou secteur urbain) sauf celui des actifs les plus riches et diplocircmeacutes (Martin-

Houssard Tabard 2003)31 Cependant si le facteur laquo chocircmage raquo est devenu un critegravere

incontournable de la structuration sociale des espaces tant est systeacutematique laquo lrsquoexclusion

territoriale des chocircmeurs raquo la dualisation des statuts sociaux des habitants de lrsquoensemble des

espaces geacuteographiques nrsquoimplique pas du tout une bipartition spatiale geacuteneacuteraliseacutee dans

lrsquoensemble de ceux-ci

Lrsquoartefact statistique produit cette image qui est drsquoailleurs plus forte dans les parties urbaines

les plus modestes Sans oublier que lrsquoanalyse de la concentration spatiale deacutepend largement

de lrsquoeacutechelle spatiale prise en compte car mecircme dans les espaces ougrave elle apparaicirct la plus forte

elle ne se reacutevegravele que partielle avec une reacutealiteacute plus diffuse comme dans le cas des quartiers

deacutegradeacutes drsquohabitat social (Avenel 2001 Dubet 1999) Concentration spatiale ne signifie

donc pas la dualisation spatiale expression utiliseacutee de faccedilon reacuteductrice agrave des fins drsquoanalyse

parfois De mecircme les laquo quartiers de chocircmeurs raquo se distinguent statistiquement dans la plupart

des secteurs aux cateacutegories les plus modestes et preacutecaires mais ce sont des quartiers ougrave srsquoils

se trouvent en majoriteacute des chocircmeurs il y vit drsquoautres actifs occupeacutes La bipartition ne peut

donc ecirctre eacutevoqueacutee objectivement

La ville est donc moins globalement eacuteclateacutee ou dualiseacutee qursquoelle ne connaicirct des deacuteseacutequilibres

ou des polarisations plus ou moins accentueacutes par le deacuteveloppement eacuteconomique et les

eacutevolutions politiques et sociales ainsi que par les mouvements divergents de mobiliteacute

reacutesidentielle selon les grandes cateacutegories sociales Comment dans ce cadre deacutecrire les

quartiers laquo sensibles raquo qui ne peuvent ecirctre reacuteduits agrave des zones de concentration socio-urbaine

de familles pauvres puisque drsquoune part ce caractegravere est relatif agrave lrsquoeacutechelle drsquoobservation

choisie et drsquoautre part tous les espaces comprenant des personnes pauvres ne sont pas des

laquo quartiers sensibles raquo deacutefinis en partie par drsquoautres caracteacuteristiques comme des violences et

une deacutelinquance des jeunes et de mecircme tous les individus ou meacutenages pauvres ou en

difficulteacutes sociales ne sont pas concentreacutes dans les seuls espaces reacutesidentiels laquo ghettoiumlseacutes raquo en

majoriteacute

31 Cette publication srsquoinscrit dans la ligneacutee des travaux de lrsquoINSEE depuis 1975 concernant la partition du territoire selon les critegraveres socio-eacuteconomiques La classification des communes selon la composition des positions drsquoemploi des habitants (cateacutegories professionnelles et branches drsquoactiviteacute eacuteconomique de lrsquoentreprise) est reacutealiseacutee sur la base des actifs hommes seulement des meacutenages Depuis 1999 lrsquoanalyse est entreprise agrave lrsquoeacutechelle infra-communale pour les communes de + de 10 000 habitants avec lrsquouniteacute Triris crsquoest-agrave-dire trois icirclots Iris de 2 000 habitants au minimum soit pour le Triris 5 000 habitants au minimum Les IRIS eacutetant deacutejagrave des plus petits Icirclots regroupeacutes pour lrsquoinformation statistique

73

Cependant si tous les lieux drsquohabitation des pauvres ne subissent pas de fortes tensions

sociales il reste que les territoires de fortes tensions sociales comportent une part importante

de personnes et de meacutenages en difficulteacutes sociales Comment analyser alors la speacutecificiteacute de

lrsquoentiteacute sociale composeacutee des diverses cateacutegories de personnes et de meacutenages vivant dans ces

zones de regroupement Les espaces ouvriers ou drsquohabitat social ne sont pas des espaces

structureacutes par quelques principes centraux (conflits du travail) par des normes sociales

partageacutees par la majoriteacute ou mecircme par un code de langage ou des valeurs stables et accepteacutees

par la plupart Ce ne sont pas non plus des zones complegravetes de pauvreteacute

Il nrsquoy a pas de profil-type de ces espaces puisque les combinaisons entre cateacutegories sociales

en preacutesence sont multiples Neacuteanmoins au tournant des anneacutees 2000 une tendance geacuteneacuterale

srsquoest deacutegageacutee agrave partir des eacutetudes statistiques disponibles (Avenel 2002) la moitieacute de la

population des quartiers prioritaires de la politique de la ville y serait stable avec des revenus

moyens et lrsquoautre moitieacute y serait preacutecaire avec une grande minoriteacute drsquoinstables eacuteconomiques

(30 ) et de deacutependants aux dispositifs sociaux (10 ) La premiegravere moitieacute de population

laquo stable raquo regroupe drsquoune part des cateacutegories aux revenus fixes comme les retraiteacutes de

tranches moyennes de revenus (environ 15 dans le calcul de lrsquoeacutepoque rapporteacute par Avenel)

et drsquoautre part des meacutenages aux revenus plus confortables drsquoouvriers et drsquoemployeacutes souvent

qualifieacutes en tant que cateacutegories supeacuterieures des classes populaires (environ 35 )

En ce qui concerne la deuxiegraveme moitieacute de la population de ces espaces la partie preacutecaire

quatre cateacutegories la composent 1 les inactifs aux faibles ressources comme certaines

femmes seules et certains eacutetudiants (env 15 ) 2 une frange preacutecariseacutee drsquoemployeacutes et

drsquoouvriers les laquo travailleurs pauvres raquo aux emplois stables mais avec de faibles revenus

pour leurs meacutenages qui se trouvent sous le seuil de pauvreteacute (env 10 ) 3 des individus

aux emplois instables et preacutecaires au seuil de la deacutependance (env 15 ) dont les ⅔ ont moins

de 35 ans et vivent avec moins de 40460 euro (2 650 F) mois (agrave la fin des anneacutees 1990) et 4

un groupe sous le seuil de la deacutependance dont les revenus proviennent exclusivement des

prestations sociales (environ 11 ) avec des revenus leacutegegraverement plus faibles que les

instables

Ces grandes cateacutegories sont fortement heacuteteacuterogegravenes relatives et mouvantes selon les quartiers

et les peacuteriodes temporelles Serge Paugam (1995) avait bien rappeleacute au milieu des anneacutees

1990 lrsquoeffet principal de cette proximiteacute spatiale de meacutenages pauvres de situations sociales

complegravetement diffeacuterentes lrsquoempecircchement de toute organisation drsquoune entiteacute collective de

74

soutien et drsquoentraide Il srsquoagit bien drsquoun effet social de lrsquohabitat social ou du moins de

certaines de ces composantes sur la deacutegradation des liens sociaux locaux Les eacutevolutions des

profils sociaux des communes sont drsquoailleurs tregraves nuanceacutees et diffeacuterencieacutees par quartier et

reacutesidence diminution ou maintien des cateacutegories populaires augmentation des cateacutegories

aiseacutees ou intermeacutediaireshellip Pour Marco Oberti (1995) de multiples eacutevolutions disparates et

micro-localiseacutees accentuent lrsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute sociale primaire due agrave la diversiteacute de la structure

du parc de logements des eacutequipements et des services disponibles ainsi qursquoagrave lrsquoimage sociale

des sous-quartiers

Dubet (1999) a deacutenommeacute les populations des quartiers de releacutegation des laquo classes moyennes

proleacutetariseacutees raquo soulignant ainsi le pheacutenomegravene de paupeacuterisation de classes moyennes qui a eu

lieu Peut-ecirctre y voit-il aussi la releacutegation des pauvres dans des espaces preacutevus pour les

nouvelles classes moyennes urbaines de la moderniteacute Les rapports sociaux y sont marqueacutes

de maniegravere assez geacuteneacuterale par une laquo humeur seacutegreacutegative raquo permettant de se deacutemarquer des

problegravemes des voisins et drsquoavoir agrave ne reacutegler que les siens individuellement (Avenel 2001) Ce

reacutegime relationnel nrsquoempecircche pas que chaque quartier selon les compositions sociales des

parcs drsquohabitat deacuteveloppe au fil du temps une identiteacute collective propre des repreacutesentations

multiples et variables dans le temps et selon les individus et les groupes sociaux dont les sens

deacutependent des contextes territoriaux dans lesquels ils se trouvent (Plouchard 1999)

Ainsi la singulariteacute du peuplement des grands ensembles deacutetermineacute le plus souvent par les

politiques de mixiteacute sociale des bailleurs sociaux est que lrsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute de ces composantes

empecircche toute creacuteation durable de liens sociaux (Dubet 1999) Lrsquoimage homogegravene et

neacutegative des quartiers pauvres notamment drsquohabitat social malgreacute leur forte diversiteacute reacuteelle

provient de la manifestation des tensions et des micro-seacutegreacutegations sociales entre groupes et

individus fragiles vulneacuterables preacutecaires et drsquoorigine immigreacutee (Plouchard 1999 Delarue

1991) Elles sont lieacutees agrave la dispersion dans lrsquoespace des diffeacuterentes cateacutegories de personnes et

de familles agrave problegravemes qui pegravese sur la sociabiliteacute les pratiques et les conduites locales drsquoougrave

lrsquoattitude de meacutefiance dans un contexte de diversiteacute des trajectoires et des situations de

faiblesses des revenus et des effets drsquoun processus global de deacuteclassement social et

symbolique

Donzelot (2004) le rapporte aussi cette contrainte drsquoun entre soi le caractegravere subi du

voisinage heacuteteacuterogegravene et pauvre souvent se rajoute de maniegravere pesante avec le confinement

reacutesidentiel qui affecte les plus deacutefavoriseacutes La situation nrsquoest en fait ni entiegraverement neacutegative

ni geacuteneacuteralisable en tous lieux des reacuteseaux de solidariteacute et drsquoentraide des reacuteseaux

75

communautaires et de jeunes existent bien (Dubet 1995) avec la dureacutee de reacutesidence des

liens peuvent srsquoeacutetablir entre des personnes et diffeacuterents groupes drsquoune citeacute Mais ces liens se

font encore trop souvent selon des affiliations subjectives entretenues par des attitudes de

retenue et de mise agrave distance et non sur une base de sentiment drsquoappartenance agrave une

communauteacute de vie objective Comment donc formaliser les principes du quotidien des

habitants les plus preacutecaires des quartiers subissant la releacutegation sociale Pour ce mecircme

auteur il y en a quatre drsquoun cocircteacute la deacutesorganisation sociale et laquo lrsquoexclusion relative raquo (du

travail et du systegraveme social) et de lrsquoautre cocircteacute la participation deacutependante de lrsquoaction sociale

et lrsquointeacutegration communautaire des populations issues de lrsquoimmigration

Ainsi les deacuteseacutequilibres sociaux de peuplement de la ville geacuteneacutereacutes par la crise-mutation de

lrsquoeacuteconomie et du systegraveme politique et social ont-ils accru une forme de mixiteacute sociale et

culturelle non pas entre grandes cateacutegories sociales (moyennes et modestes par exemple)

mais plutocirct au sein des cateacutegories modestes selon une stratification fine sur le plan social

mais drsquoimportance pour les rapports sociaux de distinction sociale internes aux espaces

locaux Cette mixiteacute contrainte est agrave lrsquoorigine des tensions et des conflits entre groupes

sociaux en preacutesence sur fond de processus sociaux englobants de deacutevalorisation spatiale de

deacutelaissement institutionnel et de stigmatisation collective

Les laquo eacuteclats raquo sociaux dans les villes ne concernent-ils pas alors plutocirct les manifestations

diverses de conflits interpersonnels et parfois collectifs de laquo basse ou de haute intensiteacute raquo

(Mohammed Mucchielli 2003) agrave lrsquooccasion des interactions multiples entre habitants au

sein des mecircmes meacutenages parfois entre voisins plus ou moins proches ou encore entre

habitants et agents drsquoinstitutions diverses agissant sur place La cohabitation et le cocirctoiement

posent les conditions de lrsquointensification des difficulteacutes sociales de chacun comme le

rappellent plusieurs observations de lrsquoeacutequipe de Pierre Bourdieu (1993) dans lrsquoouvrage La

misegravere du monde Ces difficulteacutes se mateacuterialisent dans lrsquoensemble de lrsquoespace physique des

habitants essentiellement selon trois traits drsquoabord le deacutesordre urbain dans ses deux aspects

physique et social avec des pratiques deacutelinquantes et un ensemble lieacute de comportements

sociaux et de proprieacuteteacutes eacutecologiques de lrsquoespace synonymes drsquoanomie par ailleurs une

morphologie architecturale et urbaine brute et surtout inseacutecure des espaces sous lrsquoeffet de

comportements troublants ou menaccedilants de certains habitants subissant et exprimant

individuellement une partie de lrsquoanomie collective parfois dominante et enfin lrsquoethnicisation

des relations sociales crsquoest-agrave-dire la mise en avant des critegraveres ethniques dans les relations

76

Ces traits constateacutes par drsquoautres (Lepoutre 1997 Paugam 1995) favorisent dans des

contextes de voisinage tendus les conduites attentoires entre habitants et dans leurs rapports

avec le reste de la ville La violence srsquoest deacuteveloppeacutee comme mode drsquoexpression et a eacuteteacute

instrumentaliseacutee agrave des fins preacutedatrices Par exemple selon Hugues Lagrange (1995) ce qui

diffeacuterencie au deacutebut des anneacutees 1990 les secteurs drsquohabitation pauvres des espaces riches

crsquoest bien la preacutegnance de la violence dans les premiers (8 agrave 9 fois plus de violence que dans

les seconds) et celle des viols et de la drogue (2 fois plus dans les communes pauvres

qursquoaiseacutees) Globalement les quartiers sensibles sont quatre agrave cinq fois plus toucheacutes par la

deacutelinquance que les autres quartiers Lrsquoimpact de ces monteacutees de violence et de criminaliteacute se

ressent globalement au niveau national la criminaliteacute globale depuis le deacutebut des anneacutees

1950 jusqursquoagrave la fin des anneacutees 1990 croicirct de faccedilon spectaculaire (de 05 agrave 2 millions de deacutelits

et crimes soit quatre fois plus) porteacutee drsquoabord par une forte pousseacutee des preacutedations (vols et

cambriolages x 11) puis deacutetermineacutee aussi agrave partir des anneacutees 1980 par une hausse de la

violence (coups et blessures eacutemeutes deacutegradations mais aussi outrages agrave la police et agrave des

repreacutesentants de lrsquoEacutetat)

Cette violence se deacuteveloppe drsquoabord de maniegravere progressive puis brutale agrave partir des anneacutees

1990 selon les sources policiegraveres32 (Lagrange 1995) En revanche selon Philippe Robert

(2002) si au deacutebut des anneacutees 2000 vols et violences ont globalement sur le plan des

cateacutegories statistiques directes leacutegegraverement deacuteclineacute avec des variations locales il reste que

lrsquoon ne peut conclure agrave la tendance agrave la baisse de la violence celle-ci semble plutocirct se

deacuteplacer du champ conflictuel et expressif agrave celui de lrsquoinstrumentalisation pour les vols

puisque ce sont pregraves de 70 des violences subies par les individus qui le sont pour des vols

ces violences ne sont pas classeacutees dans les agressions ce qui diminuent leur visibiliteacute

statistique Au cours des anneacutees 2000 cette tendance srsquoest accentueacutee33 si le taux de

criminaliteacute (ensemble des crimes et deacutelits rapporteacute agrave 1 000 habitants) a baisseacute de 6408 permil en

2000 agrave 53 permil en 2011 de maniegravere continue (avec une stagnation entre 2001 et 2002) en raison

de la baisse continue des atteintes aux biens (1 804 600 vols plus 341 900 destructions et 32 Les statistiques policiegraveres ne repreacutesentent qursquoune mesure des activiteacutes de signalement aux parquets drsquoune partie de la deacutelinquance connue par les services de police et de gendarmerie (beaucoup de faits restent consigneacutes en main-courante ou classeacutes par les policiers sans trace pour les parquets) Pour ce qui est des vols et des atteintes aux personnes lrsquoappareil de collecte qui est ici policier et eacutegalement administration drsquoaction est jugeacute par les speacutecialistes pour beaucoup des infractions comme suffisamment stable dans le temps pour permettre des examens drsquoeacutevolution des faits (Aubusson de Cavarlay 1997 Robert 2002 Mucchielli 2001 Lagrange 1995 Rocheacute 1993) Ces statistiques sont compleacuteteacutees par des enquecirctes systeacutematiques de victimation pour deacutegager les grandes tendances drsquoeacutevolution de la deacutelinquance 33 Cf les dossiers theacutematiques laquo Conditions de vie ndash Socieacuteteacute raquo du site internet de lrsquoINSEE les tableaux laquo Taux de criminaliteacute raquo laquo Faits constateacutes en 2011 raquo et laquo Part des mineurs dans la criminaliteacute et la deacutelinquance en 2011 raquo et le dossier laquo Criminaliteacute ndash deacutelinquance raquo (INSEE - Reacutefeacuterences feacutevrier 2012)

77

deacutegradations en 2011) sauf pour les vols avec violence qui progresse toujours (leur nombre

en 2009 112 800 augmente de 73 en 2010 et ne baisse que tregraves leacutegegraverement de 01

entre 2010 et 2011) en revanche en 2011 le taux drsquoatteintes volontaires agrave lrsquointeacutegriteacute

physique 74 permil plafonne agrave sa plus haute valeur depuis 1996 (avec hausse de 138 entre

2003 et 2010 comprenant pour la premiegravere fois cette valeur de 74 permil) sous lrsquoeffet de la

croissance continue des violences crapuleuses surtout (121 200 en 2010 + 73 depuis

2009 mais leacutegegravere baisse de 01 entre 2010 et 2011) et un peu moins des violences non

crapuleuses (deux fois plus importantes que les preacuteceacutedentes) les violences sexuelles (de

lrsquoordre de 23 000 par an) et des menaces et chantages (80 000 par an)

Un des facteurs de cette croissance est la violence des mineurs reacuteveacutelant ainsi les difficulteacutes

de socialisation qursquoils rencontrent (eacutechec scolaire tensions familiales difficulteacutes drsquoinsertion

professionnelle chocircmage de longue dureacutee) Leur part dans lrsquoensemble des mis en cause est

passeacutee de 13 en 1990 agrave 21 en 2000 puis varie depuis 2005 autour des 18 (189 en

2010 et 177 en 2011) Cette hausse provient en grande partie du doublement de leur part

dans les crimes et deacutelits contre les personnes (coups et blessures volontaires menaces ou

chantages viols) entre 1990 (72 ) et 2000 (159 les trois sous-cateacutegories composantes

augmentent de maniegravere importante) Depuis ce niveau de violence se maintient avec de

leacutegegraveres fluctuations entre 2005 (144 ) et 2011 (158) En 2001 pregraves drsquoun vol avec

violence sans arme agrave feu sur deux (505 ) est causeacute par un mineur contre moins drsquoun tiers

(314 ) en 1990 (464 en 2000) En 2005 pregraves drsquoun cinquiegraveme (199 ) des faits de port

et deacutetention drsquoarmes prohibeacutes relegravevent drsquoun mineur contre 112 en 1990 (165 en 2011)

Et depuis 2000 pregraves drsquoun incendie volontaire sur deux relegravevent de ceux-ci 471 en 2000

484 en 2005 514 en 2008 et 472 en 2011 (contre 275 en 1990) Cette aggravation

de la violence notamment sous lrsquoeffet de la jeunesse en difficulteacutes place la France au niveau

europeacuteen le plus eacuteleveacute des taux drsquohomicides De toute lrsquoUnion europeacuteenne (dont les pays plus

pauvres drsquoEurope centrale et de lrsquoEst) avec le deuxiegraveme niveau le plus eacuteleveacute de crimes et

deacutelits violents en 2008 (331 800 faits constateacutes loin derriegravere la Grande Bretagne (1 035 000)

mais devant lrsquoAllemagne (210 900) lrsquoItalie (146 600) lrsquoAutriche (129 600) et lrsquoEspagne

(116 600)) la France a le taux moyen 2006-2008 drsquohomicides (pour 100 000 habitants) le

plus important de tous les grands pays Ouest-europeacuteens 137 (839 homicides en 2008)

contre 084 pour lrsquoAllemagne (656 homicides en 2008) 102 pour lrsquoEspagne (408) 113 pour

lrsquoItalie (654) et 135 pour le Royaume-Uni (Angleterre et Pays de Galles uniquement 662

homicides en 2008)

78

B- Des politiques de la ville et sociales territorialiseacutees inefficaces

Avec ces premiegraveres donneacutees issues de divers travaux il apparaicirct que lrsquoenjeu cognitif

concernant les zones laquo sensibles raquo ne se limite pas agrave la seule question de lrsquoeacuteventuelle

concentration territoriale des pauvres dans certains quartiers ou espaces plus larges puisqursquoil

y a laquo bien plus drsquoallocataires de minima sociaux de pauvres de logements deacutegradeacutes en

dehors de ces quartiers raquo rappelle Julien Damon (2004-a) mais lrsquoenjeu laquo crsquoest bien (plutocirct)

la concentration de problegravemes issue de dynamiques de seacutegreacutegation socio-spatiales qui srsquoauto-

alimentent raquo (p 7) qui est au cœur de la probleacutematique sociologique Ces tensions sont lieacutees

aux mouvements de territorialisation urbaine eux-mecircmes lieacutes aux eacutevolutions et aux

modifications de structure sociale qursquoont geacuteneacutereacutes les processus eacuteconomiques et

sociopolitiques lieacutes agrave la globalisation eacuteconomique Lrsquoobjet de cette sociologie est alors selon

Damon (2004-a) laquo (lrsquo)intensiteacute localiseacutee et (lrsquo)ineacutegaliteacute de la distribution spatiale des

problegravemes sociaux qui posent problegraveme en termes de coheacutesion sociale raquo Lrsquoexemple des

eacutemeutes de la part de jeunes deacutestructureacutes de certains quartiers seacutegreacutegeacutes en lien le plus

souvent avec la mort de jeunes en relations diverses avec une intervention policiegravere illustre

cette ideacutee de territoires en souffrance dont les eacutemeutes drsquooctobre et de novembre 2005 ont

constitueacute un point paroxystique par lrsquoeacutetendue des sites concerneacutes sur le territoire national et la

longueur de la dureacutee de leur manifestation (Mucchielli Le Goaziou 2007)

En effet les eacutemeutes apparues deacutejagrave sous des formes peu spectaculaires et meacutediatiseacutees dans

les anneacutees 1970 sont officiellement identifieacutees une premiegravere fois en juillet 1981 agrave Veacutenissieux

(quartier des Minguettes) dans la banlieue lyonnaise On les retrouve en 1990 agrave Vaulx-en-

Velin (banlieue lyonnaise) puis agrave Sartrouville et agrave Mantes-la-Jolie dans le deacutepartement des

Yvelines en Icircle-de-France Entre 1990 et 2005 les eacutemeutes sont devenues chroniques

(Mucchielli Aiumlt-Omar 2007) citeacute des Fontenelles agrave Nanterre (septembre 1995) Saint-Jean agrave

Chacircteauroux (mai 1996) Dammarie-les-Lys en Seine-et-Marne (deacutecembre 1997) le quartier

du Mirail agrave Toulouse (deacutecembre 1998) Vauvert dans le Gard (mai 1999) la Grande Borne agrave

Grigny et les Tarterecircts agrave Corbeil-Essonnes (septembre 2000) Les Mureaux dans les Yvelines

(janvier 2002) Hautepierre agrave Strasbourg (octobre 2002) Valdegour agrave Nicircmes (mars 2003) et

Monclar agrave Avignon (deacutecembre 2003) En 2005 il y eut deux eacutemeutes agrave Aubervilliers (1er et 2

avril) et au Mas du Taureau agrave Vaulx-en-Velin (16-19 octobre) avant les grandes eacutemeutes de

lrsquoautomne 2005 Le mouvement ne srsquoarrecircte ainsi pas lagrave puisque degraves le 1er semestre 2006

drsquoautres se sont manifesteacutees en commenccedilant par Montpellier et Montfermeil Depuis lors on

79

a vu dans lrsquointroduction plus haut que les eacutemeutes en France eacutetaient passeacutees agrave une freacutequence

de plus drsquoune tous les quinze jours en 2011 comme le relegraveve le site internet drsquoAlain Bertho34

Les eacutemeutes ne sont cependant qursquoun aspect des effets sociaux de la copreacutesence de familles et

des personnes pauvres et preacutecaires dans des espaces urbains deacutevaloriseacutes et de leur relation

avec les institutions socieacutetales La fragilisation psychologique des personnes exclues les

conduites drsquoeacutevitement les tensions familiales et lrsquoeacutechec scolaire et eacuteducatif la multiplication

de reacuteseaux drsquoeacuteconomie souterraine et illicites la diffusion des conduites drsquoivresse et de

lrsquousage des drogueshellipsont autant de pheacutenomegravenes divers qui eacutemergent et srsquoaccentuent parfois

avec la persistance de la marginalisation sociale et la paupeacuterisation des meacutenages et sur

lesquels les diverses actions des institutions de reacutegulation et drsquointeacutegration sociales semblent

avoir un faible impact Ainsi agrave lrsquoinstar du champ de lrsquourbanisme le champ eacuteconomique et

social est influenceacute voire structureacute par les politiques de lrsquoEacutetat

Politiques urbaines et politiques sociales peuvent drsquoailleurs se croiser etou srsquoassocier plus ou

moins volontairement pour servir des objectifs urbains et sociaux interdeacutependants et

compleacutementaires Par exemple simultaneacutement aux processus de mobiliteacute sociale reacutesidentielle

qui influencent le deacuteveloppement urbain des politiques sociales et urbaines ont dans le cadre

de la politique de la ville comme objectif commun drsquointervenir sur les effets de

deacutesorganisation et de deacutesordres sociaux lieacutes agrave la releacutegation des plus pauvres et des preacutecaires

dans les mecircmes espaces La perpeacutetuation ou plutocirct la persistance voire lrsquoaccentuation par

endroit des problegravemes sociaux des laquo quartiers en crise raquo srsquoexpliquerait ainsi tant par

lrsquoinfluence conjointe de pheacutenomegravenes eacuteconomiques sociaux et urbains drsquoun cocircteacute que par des

modaliteacutes de politiques publiques dans les champs eacuteconomiques sociaux et urbains de

lrsquoautre cocircteacute

En effet les mouvements de territorialisation sociale ne deacutependent pas des seules aspirations

ou des seules conditions sociales et eacuteconomiques drsquoexistence des diffeacuterentes cateacutegories

sociales dans lrsquoespace urbain LrsquoEacutetat et ses services ainsi que les collectiviteacutes locales pour et

avec drsquoautres opeacuterateurs priveacutes (promoteurs immobiliers entreprises de travaux publics

gestionnaires et bailleurs sociaux organismes divershellip) ont un rocircle dans le devenir des

cateacutegories sociales et des espaces De mecircme que les politiques sociales constituent lrsquoobjet

principal drsquoanalyse sociologique de la pauvreteacute (Simmel 2005 Autegraves 2006) il y a alors bien

lieu drsquoanalyser lrsquoaction politique et sociale qui vise les effets socio-urbains probleacutematiques de

la crise-mutation de lrsquoeacuteconomie agrave des fins drsquointeacutegration sociale et urbaine (Bachman Le 34 httpberthoalaincom

80

Guennec 1996) Dans ce domaine le constat principal est que les quartiers deacutegradeacutes de

grands ensembles drsquohabitat social relegravevent drsquoun veacuteritable deacutelaissement institutionnel et

politique (Peillon 2001 Wacquant 2007) tant par manque de volonteacute que par incapaciteacute agrave

trouver des solutions adapteacutees aux attentes des populations marginaliseacutees par effet de

deacuteconnexion avec celles-ci

Nrsquoest-il pas en effet exact que lrsquoEacutetat garant de la coheacutesion sociale a depuis les anneacutees 1970

fait montre drsquoune faible capaciteacute drsquoaction sociale efficace notamment en milieu urbain

Jacques Donzelot et Philippe Estegravebe (1994 p 220) eacutecrivent dans lrsquoEacutetat animateur que laquo les

meacutecanismes geacuteneacuteraux de solidariteacute laissent passer une part croissante de la populationhellip Par

lrsquoeffet de leur conception sectorielle et abstraite des problegravemes les institutions drsquointeacutegration

ne saisissent pas les reacutealiteacutes locales territoriales avec lrsquoefficaciteacute qui conviendrait pour notre

eacutepoque Il en reacutesulte pour lrsquoEacutetat une perte de creacutedibiliteacute et pour la vie politique une

ldquodeacutesaffection deacutemocratiquerdquo raquo

La connaissance des reacutealiteacutes sociales locales apparaicirct donc insuffisante le plus souvent pour

les programmes et projets sociaux Du cocircteacute des eacutelus locaux alors que la deacutecentralisation a

donneacute des moyens politiques de gestion locale autonome une attitude trop souvent

manageacuteriale de gestion eacuteconomique du territoire entrave leur fonction de repreacutesentation de la

totaliteacute de la population y compris les plus pauvres et les fragiles qursquoils refusent parfois sur

leur territoire Geacuterard Martin constate que la rupture entre lrsquoEacutetat et la socieacuteteacute est geacuteneacuterale elle

relegraveve des laquo dysfonctions des meacutecanismes institutionnels [hellip] assurant la transaction (sous

formes de regravegles activiteacutes prestations services) entre la population ses conditions de vie et

de travail et son inclusion ou insertion dans la socieacuteteacute globale raquo (1998-c p 45)

Quelles sont alors les politiques sociales deacuteveloppeacutees agrave partir des anneacutees 1970 pour intervenir

sur ce problegraveme malgreacute lrsquoimpression de laquo vide social raquo (Martin 1998-c) existant entre lrsquoEacutetat

et la socieacuteteacute Des mesures et des dispositifs se sont deacuteveloppeacutes mis en place au croisement de

mobilisations sociales et drsquoinnovations politico-administratives pour transformer les milieux

urbains deacutegradeacutes (Chevalier 2002) projets drsquo laquo action sociale globale raquo au milieu des anneacutees

1970 territorialiseacutes et communautaires mouvements de luttes urbaines lieacutes aux programmes

de reacutehabilitation (institutionnaliseacutes sous la forme des proceacutedures Habitat et vie sociale degraves

1977) ou encore mobilisation des organismes HLM apregraves la loi Barre de 1977 portant reacuteforme

de lrsquoaide au logement en orientant une partie de la subvention publique agrave la construction vers

les meacutenages (creacuteation de lrsquoAide personnaliseacutee au logement APL et de divers precircts)

81

Par la suite dans les anneacutees 1980 drsquoautres dispositifs hors cadre du droit commun sont

apparus de maniegravere connexe agrave ces politiques les Missions locales pour lrsquoinsertion des

jeunes les Zones drsquoeacuteducation prioritaire (ZEP) de lrsquoEacuteducation nationale le Conseil national

de preacutevention de la deacutelinquance (CNDP) les Conseils communaux et deacutepartementaux de

preacutevention de la deacutelinquance (CDPD CCPD) ainsi que les Contrats drsquoaction de preacutevention

et de seacutecuriteacute (CAPS) pour tenter de rapprocher les diffeacuterents acteurs de la seacutecuriteacute de la

preacutevention et de lrsquoeacuteducation la mission laquo Banlieues 89 raquo dans le champ urbain et

architecturalhellip Dans les anneacutees 1990 ce sont de nouveaux droits qui ont eacuteteacute formuleacutes dans

plusieurs domaines droit agrave lrsquoinsertion (loi instituant le RMI en 1988) droit au logement (loi

Besson en 1990) droit agrave la ville (Loi drsquoorientation pour la ville la LOV en 1991) droit agrave la

santeacute (Couverture meacutedicale universelle CMU issue de la loi de lutte contre les exclusions en

1998)hellip

En parallegravele des dispositifs de deacuteveloppement social et urbain (DSU) se sont accrus en

nombre et en moyens devenant la laquo politique de la ville raquo en cours drsquoinstitutionnalisation au

tournant des anneacutees 1990 la LOV instituant la possibiliteacute drsquoexoneacuteration de taxe

professionnelle pendant cinq ans pour les entreprises srsquoinstallant ou srsquoeacutetendant dans les

laquo grands ensembles et quartiers drsquohabitat deacutegradeacutes raquo les Grands projets urbains

(GPU) deacutecideacutes par le Conseil interministeacuteriel des Villes degraves 1991 les contrats de ville en

1993 devenus contrats urbains de coheacutesion sociale en 2006 (CUCS) entre lrsquoEacutetat et les

collectiviteacutes locales la loi drsquoorientation pour lrsquoameacutenagement et de le deacuteveloppement durable

du territoire (LOADT) en 1995 instituant les ZUS et les Zones de revitalisation urbaine

(ZRU) renforccedilant les dispositifs drsquoexoneacuteration fiscale et sociale le Pacte de relance pour la

ville en 1996 rajoutant une troisiegraveme zone les Zones franches urbaines (ZFU) aux problegravemes

plus intenses selon les critegraveres retenus35 puis les Grands projets de ville (GPV) et les

Opeacuterations de reacutenovation urbaine (ORU) de 1999 la loi solidariteacute et renouvellement urbains

(SRU) de 2000 instituant lrsquoobligation de 20 de logements sociaux dans les communes

urbaines le Programme national de reacutenovation urbaine (PNRU) de 2003 concernant la

deacutemolition et la construction de logements sociaux la loi de programmation pour la coheacutesion

sociale de 2005 ou encore le plan laquo Espoir Banlieue raquo de 2008hellip

35 Agrave ce sujet le rapport Sueur (1998 p108) sur la politique de la ville indique que les ZUS ont eacuteteacute formeacutees agrave cette occasion dans une neacutegociation entre la Deacuteleacutegation interministeacuterielle agrave la Ville (DIV) les preacutefectures et les eacutelus sur la base de contrats de ville laquo jugeacutes prioritaires raquo et de laquo grands ensembles et quartiers drsquohabitat deacutegradeacutes raquo de la LOV Les diffeacuterentes zones preacuteexistaient donc au travail statistique de construction des indicateurs Cf plus de preacutecisions plus bas

82

Les programmes drsquoaction sont souvent pluri-theacutematiques eacutequipements habitat-logement

preacutevention de la deacutelinquance eacuteducation transport santeacute eacuteconomie et emploihellip Arrivent-ils

pour autant agrave contrecarrer les effets de ce relacircchement sensible du lien entre drsquoun cocircteacute les

dominants et les gagnants de la socieacuteteacute moderne et de lrsquoautre cocircteacute les modestes et moins

utiles dans la production Les mesures sont-elles suffisantes adapteacutees efficientes etou

efficaces En premier lieu il convient de rappeler qursquoen France la satisfaction dans les

revendications politiques srsquoacquiert avec acircpreteacute LrsquoEacutetat surtout dans le social agit souvent ndash

crsquoest devenu presque laquo traditionnel raquo avec retard sous lrsquoeffet drsquoagrave-coups brutaux

drsquoexpression des problegravemes sociaux par la population sous forme de massives et violentes

manifestations (Join-Lambert 1997) Crsquoest bien le cas dans le champ de lrsquointeacutegration sociale

en milieu urbain comme lrsquoattestent la creacuteation de la Deacuteleacutegation interministeacuterielle agrave la Ville

(DIV) en 1988 puis celle drsquoun ministegravere de la Ville en 1990 survenues agrave la suite drsquoeacutemeutes

successives afin de regrouper et de coordonner les actions des diffeacuterents services de lrsquoEacutetat et

des collectiviteacutes locales dans ce domaine (Mucchielli Le Goaziou 2007)

Le laquo malaise social urbain raquo pour reprendre la formule de Claude Chaline (1998) avait deacutejagrave

eacuteteacute politiquement et socialement ressenti degraves la fin des anneacutees 1950 avec la mise en place de

la commission laquo Vie dans les grands ensembles drsquohabitation raquo au Commissariat au Plan en

1957 par le ministre de la Reconstruction et de lrsquoUrbanisme agrave la demande du Parlement

(Piron 2004) Les premiegraveres tentatives drsquoaction sociale communautaire et de reacutehabilitation

des icirclots concerneacutes initieacutees par des militants associatifs ou administratifs apparurent au deacutebut

des anneacutees 1970 Les espaces toucheacutes eacutetaient deacutejagrave divers communes ouvriegraveres des anciens

bassins de grandes industries traditionnelles centres des grandes villes ou encore espaces

drsquohabitat social drsquoapregraves la Seconde Guerre mondiale lieacutes agrave la production des grands

ensembles En ce qui concerne le logement des pauvres et des eacutetrangers pauvres la place du

mouvement des organismes de HLM a eacuteteacute grandissante ce qui lui a valu un poids important

dans la genegravese de la politique de la ville degraves la fin des anneacutees 1970 et au deacutebut des anneacutees

1980 Les Assises de lrsquohabitat social drsquooctobre 1981 teacutemoignent de cette orientation (Estegravebe

2005)

Les actions de laquo deacuteveloppement social urbain raquo ndash crsquoest-agrave-dire de deacuteveloppement du tissu

social et du cadre mateacuteriel des territoires en tensions ndash sont le fruit de lrsquoaction conjointe de

lrsquoEacutetat et des collectiviteacutes locales afin drsquoagir laquo en compleacutement et non en substitution des

interventions communes agrave tous les territoires raquo (Damon 2004-a) Les grands ensembles avec

de nombreuses zones HLM drsquohabitat ouvrier ont eacuteteacute les quartiers historiques de la politique

83

de la ville Pour quelles raisons principales Dans un premier temps degraves la fin des anneacutees

1960 le pheacutenomegravene de laquo paupeacuterisation du peuplement de lrsquohabitat social raquo srsquoest deacuteveloppeacute

sans jamais tarir jusque dans les anneacutees 1990 (Steacutebeacute 1995) en 1973 41 des meacutenages

entrants avaient des revenus infeacuterieurs au revenu meacutedian des meacutenages en 1978 ils sont 48

en 1984 59 et en 1988 63 La preacutesence croissante dans le logement social de

cateacutegories sociales infeacuterieures aux classes moyennes relegraveve donc drsquoune tendance historique de

plus de trente ans drsquoancienneteacute

Cependant en 1999 sur les 38 millions de logements HLM seuls 19 sont habiteacutes par des

meacutenages pauvres selon le critegravere de 50 du revenu meacutedian (Davezies 2004) Ces pauvres

en HLM ne repreacutesentent drsquoailleurs aussi que 31 de lrsquoensemble des meacutenages pauvres soit

23 millions de meacutenages Les populations pauvres et les territoires pauvres ne se recouvrent

donc pas il y a mecircme plus de pauvres dans les territoires non pauvres Ces eacuteleacutements

expliquent en partie le deacuteseacutequilibre financier entre action sociale et action territoriale en

faveur de politiques sociales laquo aveugles territorialement raquo par exemple au deacutebut des anneacutees

2000 les deacutepenses de services publics et de seacutecuriteacute sociale qui jouent implicitement comme

meacutecanisme redistributif en faveur des pauvres repreacutesentent pregraves de 500 milliards drsquoeuros de

leur cocircteacute les politiques explicites en faveur des pauvres les minima sociaux ne repreacutesentent

que 11 milliards drsquoeuros et enfin les actions speacutecifiques de deacuteveloppement des territoires

pauvres ne sont financeacutees qursquoagrave hauteur de 15 milliard drsquoeuros (Davezies 2004)

Dans ce champ drsquoactions sociales et urbaines territorialiseacutees mecircme si les quartiers prioritaires

relegravevent drsquohabitats populaires extrecircmement diversifieacutes (habitat ouvrier traditionnel du Nord et

de lrsquoEst de la France habitat auto-construit du Sud-ouest centres anciens veacutetustes ou

deacutegradeacutes des grandes villes de la reacutegion Provence-Alpes-Cocircte drsquoAzurhellip) lrsquohabitat social est

le critegravere speacutecifique de la laquo geacuteographie prioritaire raquo rappelle Philippe Estegravebe (2005)

Pourquoi Il est vrai que tous ces types drsquoespaces urbains preacutesentent des indicateurs proches

de problegravemes laquo handicapants raquo ou laquo aggravants raquo taux de chocircmage multiplieacute par deux en

moyenne par rapport au reste de la France plus de chocircmeurs parmi les jeunes de 16-25 ans

parmi les femmes ou encore au sein des immigreacuteseacutetrangers plus drsquoemployeacutes preacutecaires

Cependant ce sont surtout dans les anciennes zones agrave urbaniser en prioriteacute (ZUP) ougrave ont eacuteteacute

construit la majoriteacute des grands ensembles qursquoapparaissent les difficulteacutes les plus nombreuses

et aigueumls avec la taille de la population et des sites le plus grand nombre de familles

nombreuses de familles monoparentales et aussi de personnes drsquoorigine eacutetrangegravere ce qui

84

confegravere agrave cet habitat une forme sociale speacutecifique Louise Plouchard (1999) eacutevoque mecircme le

rocircle social de fait des grands ensembles dans leurs agglomeacuterations

Jusqursquoau Xe Plan (1989-1993) les quartiers viseacutes par la politique de la ville furent deacutesigneacutes

conjointement par les collectiviteacutes territoriales (maires) et les services de lrsquoEacutetat (preacutefets) sur

la base des connaissances sensibles et de leur sensibiliteacute et volonteacute politiques qursquoils en

avaient avec leur reacuteputation et les problegravemes qursquoils posaient En parallegravele et jusqursquoagrave nos

jours lrsquoEacutetat entreprend indeacutependamment des contrats avec les collectiviteacutes locales sa propre

politique de laquo discrimination territoriale positive raquo dans ses domaines de compeacutetence propres

comme lrsquoameacutenagement ou le deacuteveloppement eacuteconomique avec les deux Plans de relance

pour la ville de 1993 et de 1996

Cette ideacutee de discrimination territoriale positive en milieu urbain avait deacutejagrave eacuteteacute avanceacutee au

deacutebut des anneacutees 1980 par Bertrand Schwartz en charge de la commission sur lrsquoinsertion

professionnelle des jeunes36 (Donzelot Meacuteval et Wyvekens 2003 Estegravebe 2005) De mecircme

dans un autre secteur drsquointervention agrave la mecircme peacuteriode de maniegravere compleacutementaire et

convergente dans les motifs et les objectifs la politique des ZEP relevait de cette logique de

laquo discrimination positive raquo Elle a eacuteteacute initieacutee en juillet 1981 et vise agrave laquo contribuer agrave corriger

lrsquoineacutegaliteacute sociale par le renforcement seacutelectif de lrsquoaction eacuteducative dans les zones et les

milieux sociaux ougrave le taux drsquoeacutechec scolaire est le plus eacuteleveacute raquo (extrait du texte reacuteglementaire

in Oeuvrard Rondeau 2004)

Pour aller plus loin cette logique de zonage discriminatoire preacuteexistait aux gouvernements

socialistes des anneacutees 1980 le droit administratif lieacute agrave la planification du deacuteveloppement

eacuteconomique de la France lrsquoappliquait agrave travers la politique drsquolaquo ameacutenagement du territoire raquo

expression forgeacutee en 1950 pour deacutesigner la politique drsquoeacutequipement dans une optique de

laquo pariteacute sociale globale raquo pour reacuteduire les ineacutegaliteacutes de situation entre diffeacuterentes parties du

territoire dans un but de sauvegarde ou de renforcement de la coheacutesion sociale (Calvegraves

2004) Lrsquoobjectif est la reacutepartition geacuteographique eacutequilibreacutee sur lrsquoensemble du territoire

national tant de la croissance eacuteconomique et deacutemographique que de la reacutecession et de la

preacutecariteacute Cette politique est notamment toujours appliqueacutee dans les deacutepartements et

territoires drsquoOutre-mer avantages divers aux fonctionnaires venant de meacutetropole

36 B Schwartz est lrsquoauteur drsquoun des trois rapports laquo fondateurs raquo du Deacuteveloppement social urbain (DSU) en France juste apregraves les eacutemeutes des Minguettes agrave Veacutenissieux (1981) Son rapport concerne lrsquoinsertion des jeunes (Schwartz 1981) Le second porte sur la preacutevention de la deacutelinquance (Bonnemaison 1982) et le troisiegraveme sur lrsquoensemble des volets politiques eacuteconomiques sociaux et institutionnels favorisant la politique de deacuteveloppement social des quartiers (Dubedout 1983)

85

deacutefiscalisation et primes aux entreprises laquo preacutefeacuterence locale raquo en matiegravere drsquoaccegraves agrave

lrsquoemploihellip Ces dispositions laquo discriminatoires raquo ont inspireacute celles appliqueacutees par simple

transposition parfois aux zones prioritaires de la politique de la ville

Pour mettre cette politique en œuvre le zonage est lrsquooutil de deacutefinition de la geacuteographie

drsquointervention prioritaire de lrsquoEacutetat il aide agrave laquo territorialiser raquo lrsquoaction crsquoest-agrave-dire agrave produire

une action adapteacutee au contexte et aux besoins drsquoun territoire deacutelimiteacute comportant des

speacutecificiteacutes Lrsquoapplication de cette meacutethode de maniegravere plus preacutecise laquo objective raquo et officielle

par lrsquoEacutetat par rapport aux deacutesignations de territoires sans critegraveres homogegravenes et sans limites

fixes qui preacutevalaient dans les anneacutees 1980 a eacuteteacute deacutecideacutee par le preacutesident Franccedilois Mitterrand

en deacutecembre 1990 lors des Assises de Bron dans la banlieue lyonnaise apregraves les eacutemeutes

apparues la mecircme anneacutee agrave Vaulx-en-Velin et agrave Mantes-la-Jolie dans la reacutegion parisienne

La Deacuteleacutegation interministeacuterielle agrave la Ville (DIV) et lrsquoINSEE ont en 1991 deacutefini une

geacuteographie de la crise urbaine agrave partir des caracteacuteristiques des populations en fonction

quelques variables consideacutereacutees par la direction de la DIV comme significatives de

lrsquo laquo exclusion raquo (Estegravebe 2005) comme les jeunes de moins de 25 ans les chocircmeurs de longue

dureacutee et les eacutetrangers Les moyennes de reacutefeacuterence ont servi aux comparaisons neacutecessaires Ce

zonage a pu servir le Pacte de relance pour la ville deacutecideacute en 1993 par le Comiteacute

interministeacuteriel des villes pour lrsquoengagement des GPU lors du XIe Plan de 1994-1999 Plus

preacuteciseacutement crsquoest Jean-Marie Delarue auteur du rapport Banlieues en difficulteacute la releacutegation

en 1990 devenu en 1991 deacuteleacutegueacute interministeacuteriel agrave la Ville qui impulsa lrsquoeacutelaboration

drsquoindicateurs nationaux drsquoeacutevaluation des laquo quartiers sensibles raquo vice-preacutesident du Conseil

national de lrsquoinformation statistique (CNIS) de lrsquoINSEE il en formula la demande aupregraves de

la direction de lrsquoinstitut dans une perspective de rationalisation de la politique de la ville

(Tissot 2007) La cateacutegorisation statistique des laquo quartiers sensibles raquo fut eacutechafaudeacutee en

srsquoinspirant de deux deacutemarches des chercheurs et statisticiens de lrsquoINSEE La premiegravere est

celle de statisticiens de trois directions reacutegionales de lrsquoINSEE inscrits dans les travaux

drsquoanalyse de la pauvreteacute depuis la deuxiegraveme moitieacute des anneacutees 1980 consistant agrave rassembler

des donneacutees du recensement sur les conditions de vie des mecircmes individus habitant les

mecircmes quartiers en convention (consideacutereacutes comme pauvres)

Ils ont progressivement standardiseacute la mesure constituant ainsi une cateacutegorie territoriale de

laquo quartiers sensibles raquo afin de les comparer entre eux et avec les entiteacutes territoriales

drsquoappartenance (ces connaissances devant servir agrave lrsquoeacutevaluation des politiques meneacutees) La

Mission laquo Villes raquo de la direction geacuteneacuterale de lrsquoINSEE srsquoinspira de cette cateacutegorisation en

86

1992 et de sa fonction eacutevaluative Elle diffusa un guide drsquoaide agrave lrsquoeacutelaboration de laquo tableaux

de bord sociodeacutemographiques des quartiers raquo publieacute en 1996 preacuteconisant lrsquousage des mecircmes

sources et des mecircmes indicateurs notamment pour deacutefinir laquo objectivement raquo les deacutecisions et

modaliteacutes drsquoaction sociale globale Cependant cette meacutethodologie souffrira de problegravemes

drsquoapplication en raison de la concurrence avec des organismes nationaux et locaux (Caisses

drsquoallocations familiales Agence drsquourbanismehellip) ainsi que de la preacutedominance des modaliteacutes

politiques de choix des laquo territoires prioritaires raquo

La deuxiegraveme deacutemarche inspirant la cateacutegorisation nationale des quartiers agrave des fins

eacutevaluatives fut la grande enquecircte nationale de 1991 de la Mission laquo Villes raquo demandeacutee par la

DIV et portant sur lrsquoensemble des quartiers de la politique de la ville Elle consista apregraves

deacutecompte et deacutelimitation geacuteographique agrave deacuteterminer dans des tableaux de moyennes les

eacutecarts de donneacutees entre chaque quartier et lrsquoagglomeacuteration drsquoappartenance (voire la France)

le deacuteleacutegueacute interministeacuteriel agrave la Ville srsquoen inspira pour ne retenir que quatre indicateurs

principaux correspondant agrave la vision qursquoont les reacuteformateurs des composantes de la

probleacutematique des banlieues en difficulteacute (reacutesidence HLM taux de chocircmage taux drsquoeacutetrangers

et part des jeunes plus tard le taux de non-diplocircmeacutes remplaccedila le taux drsquoeacutetrangers) Cela

servi tant agrave justifier leur vision drsquoune socieacuteteacute duale qursquoagrave convaincre les eacutelus et fonctionnaires

de la neacutecessiteacute drsquoaction urgente et importante

La loi drsquoorientation pour lrsquoameacutenagement et le deacuteveloppement du territoire (LOADT) du 4

feacutevrier 1995 a repris cette meacutethode (tableau des moyennes) en se centrant sur la dimension

eacuteconomique il srsquoagissait drsquoagir sur les zones urbaines laquo caracteacuteriseacutees par la preacutesence de

grands ensembles ou de quartiers drsquohabitat deacutegradeacute et par un deacuteseacutequilibre accentueacute entre

lrsquohabitat et lrsquoemploi raquo (extrait du texte de loi Damon 2004-b) Cette loi a drsquoailleurs servi de

cadre agrave la mise en œuvre du Plan de relance pour la ville qui devait ecirctre un laquo Plan Marshall

pour les banlieues raquo deacutejagrave reacuteclameacute au deacutebut des anneacutees 1990 par certains deacuteputeacutes et deacutecideacute

par le Gouvernement Juppeacute apregraves lrsquoeacutelection de Jacques Chirac en 1995 dont la laquo fracture

sociale raquo eacutetait un de ses principaux thegravemes de campagne Il srsquoagissait drsquoencourager

lrsquoimplantation ou le maintien drsquoentreprises dans les zones deacutefinies en leur octroyant des aides

fiscales et des exoneacuterations de charges sociales

Les zones furent hieacuterarchiseacutees en trois groupes par ordre croissant de la faiblesse des moyens

financiers de la commune drsquoappartenance les ZUS puis les ZRU et enfin les ZFU Ce

classement a eacuteteacute opeacutereacute par lrsquointermeacutediaire de lrsquolaquo indice syntheacutetique drsquoexclusion raquo calculeacute en

multipliant drsquoabord les taux de jeunes de moins de 25 ans de chocircmeurs de longue dureacutee et

87

drsquoactifs laquo sans diplocircme raquo avec la population totale de la zone puis en divisant le reacutesultat par

le potentiel fiscal de la commune Depuis la loi de 1979 portant creacuteation de la dotation

globale de fonctionnement (DGF) dans le cadre de la peacutereacutequation intercommunale des

ressources publiques le potentiel fiscal est un indicateur de richesse fiscale drsquoune collectiviteacute

territoriale qui permet de mesurer sa capaciteacute fiscale theacuteorique crsquoest-agrave-dire la masse des

recettes mobilisables si elle appliquait des deacutecisions laquo moyennes raquo (deacutefinies sur le plan

national) en termes de fiscaliteacute

Le potentiel fiscal est donc un ratio eacutegal agrave la somme que produiraient les quatre taxes directes

locales (taxe fonciegravere sur les proprieacuteteacutes bacircties taxe fonciegravere sur les proprieacuteteacutes non bacircties taxe

dhabitation et contribution eacuteconomique territoriale ndash nouvelle taxe drsquohabitation) si on

appliquait agrave leurs bases brutes les taux moyens nationaux pour la cateacutegorie de collectiviteacutes

concerneacutee (selon la strate de taille de population) majoreacutee drsquoune part du montant de la DGF

perccedilu lanneacutee preacuteceacutedente hors dotation de solidariteacute urbaine ou rurale (DSU-DSR) Cet

indicateur diffegravere ainsi du produit des taxes effectivement leveacutees sur la commune degraves lors

que les taux drsquoimposition locaux diffegraverent de la moyenne des taux observeacutes dans les

communes de taille comparable Plus le potentiel est eacuteleveacute plus une commune peut ecirctre

consideacutereacutee comme riche Ainsi lrsquoindice syntheacutetique drsquoexclusion est certes sensible agrave la taille

de la population concerneacutee par les difficulteacutes (ou agrave la taille du ou des quartiers) selon Estegravebe

(2005) mais il deacutepend davantage des capaciteacutes financiegraveres de la ville-commune Cette

approche sous-entend que lrsquoEacutetat intervient en substitution aux administrations communales

qui ne peuvent peser sur le sort eacuteconomique et social de leur territoire et notamment celui des

quartiers en crise

Cette logique de discrimination territoriale deacuteveloppeacutee par les institutions a-t-elle eacuteteacute

eacutevalueacutee Pour Jacques Donzelot (1991) crsquoest une politique du laquo troisiegraveme type raquo qui srsquoest

mise en place apregraves le droit du travail et les droits sociaux eacutetendus agrave drsquoautres risques sociaux

Contre les effets de deacutesaffiliation sociale lieacutes agrave la perte de travail elle attribue des droits agrave

ceux qui ne sont plus ou pas concerneacutes par les formes classiques de protection sociale

apporteacutees par le travail Cependant au regard de la situation des laquo publics raquo habitants les

quartiers de la politique de la ville ils ne sont laquo ni inseacutereacutes ni inteacutegreacutes ni au travail raquo

(Donzelot 1991) cette politique paraicirct insuffisante ou inadapteacutee

Lrsquoimpact quasi nul des ZUS sur les emplois locaux le confirme elles ont connu

majoritairement une situation drsquoemploi qui srsquoest aggraveacutee plus que celle de leurs

agglomeacuterations drsquoappartenance En dix ans entre 1990 et 1999 une hausse de 25 des

88

effectifs de chocircmeurs a eacuteteacute constateacutee (de 400 000 agrave 500 000) faisant passer le taux de

chocircmage de 189 agrave 254 soit 65 points suppleacutementaires ou encore une hausse de

345 de ce taux (Fitoussi Laurent Maurice 2004 Le Toqueux Moreau 2004) De leur

cocircteacute leurs agglomeacuterations drsquoappartenance dont le taux de chocircmage en 1990 (115 ) se

situait globalement agrave un niveau plus bas de plus drsquoun tiers par rapport agrave celui des ZUS ont

connu une hausse plus faible que les ZUS avec 28 points suppleacutementaires pour un taux agrave

143 en 1999 soit une hausse de 243 du taux Dans lrsquoensemble ce sont les trois quarts

des ZUS qui ont laquo deacutecrocheacute raquo par rapport agrave lrsquoeacutevolution de lrsquoemploi de leur bassin

drsquoappartenance alors qursquoun quart seulement ont rattrapeacute leur deacuteficit

Du point de vue deacutemographique Jean-Louis Le Toqueux (2002) a bien releveacute qursquoentre 1990

et 1999 les ZUS du territoire meacutetropolitain (446 millions drsquohabitants en 1999) ont perdu 6

de leur population alors que le reste des agglomeacuterations (5852 millions) en gagnait 325

Cette reacuteduction signifie-t-elle que les deacuteparts de ces zones sont preacutedominants ou bien que la

population globalement y vieillit plus fortement que dans le reste des territoires Pour ceux

qui partent srsquoagit-il drsquoun effet de leur mobiliteacute sociale ascendante ou drsquoune volonteacute de fuir

les deacutesagreacutements de tensions veacutecues (rapports de voisinage deacutesordres publics inciviliteacutes

quotidiennes meacutefiances reacuteciproques) Nous pourrions dire sans crainte de trop se tromper

que certainement lrsquoensemble de ces causes peut se combiner Drsquoautre part la geacuteographie de

la pauvreteacute deacutefinie par lrsquoINSEE en 1996 a certainement eacutevolueacute Drsquoautres territoires

avoisinants sans ecirctre des ZUS pourraient peut-ecirctre mecircme davantage justifier de beacuteneacuteficier de

telles actions publiques Sans compter que certaines ZUS se sont peut-ecirctre certainement

laquo ameacutelioreacutees raquo des habitants ont pu trouver des satisfactions dans des situations

professionnelles et familiales

Plus preacuteciseacutement les limites de lrsquoaction se retrouvent au niveau des modaliteacutes de mise en

œuvre de la politique de deacuteveloppement social urbain (Jaillet 2004) incapaciteacute de

changement drsquoeacutechelle drsquointervention de la part des eacutelus (en relais des reacuteticences des majoriteacutes

drsquohabitants) manque de lisibiliteacute de cette politique conflits et concurrences entre

administrations convergentes dans leurs objectifs faiblesse globale des moyens financiers

engageacutes par lrsquoEacutetat eacutechec de la meacutethode drsquoincitation de la pour orienter les politiques laquo de

droit commun raquo vers ces territoires (les eacutelus attendent plutocirct des moyens suppleacutementaires

substantiels et non des subventions agrave des fins drsquoexpeacuterimentation et drsquoinnovation des actions

drsquoaccompagnement social en tout genre sans garantie de peacuterennisation)

89

Le rapport Sueur (1998) sur cette politique voit pour sa part en premier lieu un problegraveme de

reacutepartition et drsquoorientation des budgets sociaux geacutereacutes par les collectiviteacutes compeacutetentes

puisqursquoil est constateacute le manque drsquoinvestissement des deacutepenses sociales des conseils geacuteneacuteraux

dans les zones urbaines au profit des zones rurales Certains dont le territoire urbain est

concerneacute par cette politique ne sont toujours pas signataires des contrats de ville des anneacutees

1990 Par exemple en 1995 la masse de leurs creacutedits drsquoaide sociale srsquoeacutelevait agrave 78 milliards

de francs (119 milliards drsquoeuros) contre 250 millions de francs (3815 millions drsquoeuros) de

contribution aux programmes de deacuteveloppement social urbain

Srsquoil y a globalement insuffisance inefficience et manque drsquoadaptation des politiques sociales

territorialiseacutees on peut mecircme se demander plus en amont quelles sont les causes

institutionnelles premiegraveres du maintien et de lrsquoapparition des espaces de tensions agrave des

eacutechelons communaux ou infra-communaux Srsquoagit-il deacutejagrave depuis les premiers effets de

lrsquoexclusion eacuteconomique et sociale et de la releacutegation dans les espaces deacutepreacutecieacutes drsquoun manque

drsquoadaptation des institutions agrave ces situations urbaines Les meacutecanismes redistributifs aupregraves

des meacutenages ou des territoires ainsi que les politiques habituelles drsquointeacutegration et de

solidariteacute sont-ils en cause dans la formation drsquoineacutegaliteacutes situationnelles de ces secteurs avec

les espaces voisins Si des creacutedits de deacutepenses sociales existent selon des masses non

neacutegligeables comme cela a eacuteteacute indiqueacute plus haut quelles sont les facteurs organisationnels

des deacutefauts constateacutes agrave lrsquoeacutechelle infranationale

Il est vrai dans un premier temps que les ineacutegaliteacutes socio-spatiales eacutevoluent selon des

dynamiques diffeacuterentes agrave chaque eacutechelle geacuteographique preacutecise Laurent Davezies (2004)

dans les deacutecennies passeacutees si les ineacutegaliteacutes de revenus se sont effectivement reacuteduites entre les

reacutegions entre elles entre les deacutepartements entre eux et entre les agglomeacuterations entre elles la

situation est en revanche inverse entre les quartiers voire agrave lrsquoeacutechelle intercommunale Deux

explications sont apporteacutees (Davezies 2004 Jaillet 2004) le niveau principalement local

(quartiers des communes et des groupes de communes formant les bassins drsquoemploi et de

vie) des logiques distinction spatiale entre cateacutegories sociales et lrsquoincapaciteacute de lrsquoEacutetat et de

ses services locaux de cadrer et de controcircler les flux de redistribution sociale au niveau infra-

agglomeacuteration ce qui va de pair avec lrsquoimpuissance agrave limiter les meacutecanismes de releacutegation

reacutesidentielle et la constitution drsquoespaces de concentration des plus pauvres

En outre lrsquoeacutevolution culturelle du modegravele juridique drsquoaction sociale joue en deacutefaveur des

habitants les plus pauvres eacutetrangers et deacutemunis ce qui renforce davantage cet effet de

deacuteconnection entre le systegraveme institutionnel et la structure sociale aide sociale (lrsquoassistance

90

la solidariteacute) et seacutecuriteacute sociale (les assurances sociales) sont devenus davantage

discreacutetionnaire lrsquousager doit de plus en plus faire la preuve de son droit et la deacutemarche

drsquoaccegraves agrave celui-ci Crsquoest pourquoi un certain nombre de droits ne sont pas utiliseacutes par certains

pour de multiples causes illettrisme et meacuteconnaissance culturelle refus de demande par

digniteacute dans la douleur ou la pauvreteacute complexiteacute des meacutecanismes de deacutetermination et

drsquoattribution des prestations Cette probleacutematique de la citoyenneteacute sociale disparue avec la

reacutegulation eacuteconomique keyneacutesienne et les institutions de laquo lrsquoEacutetat-providence raquo est de retour

depuis la fin des Trente glorieuses Davezies (2004) avance mecircme lrsquoideacutee que lrsquoEacutetat a

indirectement participeacute agrave la spirale du sous-deacuteveloppement et de la pauvreteacute rencontreacutee par

certains quartiers urbains en renforccedilant avec lrsquoaccroissement des services publics les

emplois feacuteminins beacuteneacuteficiant aux classes moyennes agrave leurs femmes actives qualifieacutees Ce qui

a accentueacute lrsquoeacutecart de niveau de vie avec les classes populaires fragiliseacutees par la

deacutesindustrialisation (hommes et femmes peu qualifieacutes) Ce pheacutenomegravene a favoriseacute les

segmentations territoriales de lrsquoeacuteconomie industrielle des Trente glorieuses

Si lrsquoon tient compte de ces difficulteacutes la question sociale contemporaine pourrait ecirctre

davantage formuleacutee comme une question laquo socio-spatiale locale raquo alors que sous lrsquoeffet des

logiques libeacuterales de gestion politique de lrsquoeacuteconomique et du social les meacutecanismes

redistributifs et drsquointeacutegration nationaux preacutesentent des lacunes vis-agrave-vis de segments sociaux

et territoriaux larges quelle(s) modaliteacute(s) de politiques structurelles etou territorialiseacutees

faut-il deacuteployer La deacutecentralisation mise en œuvre agrave partir des anneacutees 1980 nrsquoa pas montreacute

ni une capaciteacute ni des reacutesultats nets pour enrayer lrsquoappauvrissement de certaines couches

sociales et leur concentration dans certaines zones territoriales

Cette probleacutematisation confirme le questionnement de notre recherche le manque

drsquoadaptation et de performance des politiques publiques au caractegravere libeacuteral depuis les anneacutees

1980 (Muller 2006) expliquant la persistance des manifestations intenses des problegravemes

sociaux et urbains par endroit impriment agrave leur tour la vie sociale des villes-communes

drsquoappartenance des secteurs laquo sensibles raquo Comment se repreacutesente agrave ce niveau territorial

cette probleacutematique du manque de volonteacute politique de solidariteacute et donc de moyens et

drsquoefficaciteacute drsquointeacutegration sociale

91

C- Lacunes institutionnelles ghettoiumlsation et deacuteclin social urbain

Que la persistance des laquo quartiers en crise raquo provienne des failles des politiques locales de

redistribution de la richesse nationale ou de deacuteveloppement des territoires ou encore que le

manque drsquoinnovation pour lrsquoextension des protections sociales hors du champ du travail

contribue agrave cette situation il reste qursquoil ne paraicirct pas chez les acteurs ou chez les analystes

de repreacutesentation fine et stable de la situation des laquo quartiers sensibles raquo en difficulteacutes ou

encore en crise en alternative aux images politiques et sociales steacutereacuteotypeacutees Il est vrai dans

un premier temps que les analyses empiriques font valoir des reacutealiteacutes heacuteteacuterogegravenes des grands

secteurs reacutesidentiels drsquoHLM et de logements priveacutes Comme Plouchard (1999) le rappelle

lrsquo laquo effet contexte raquo qui les distingue combine trois types de variables 1 la structure des

parcs de logements comprenant ou non des segments plus ou moins grands et deacutefavoriseacutes 2

le type de population drsquooccupation avec lrsquoaccueil et le maintien ou non de population plus ou

moins pauvres et 3 la position geacuteographique des secteurs drsquohabitation dans lrsquoagglomeacuteration

drsquoappartenance deacuteterminant tant la distance aux eacutequipements activiteacutes et services urbains

que la valeur fonciegravere et immobiliegravere des logements et des autres constructions On peut

rajouter la qualiteacute des ameacutenagements des infrastructures et des eacutequipements dans les zones

concerneacutees et aux alentours sans oublier le poids des attentions sociopolitiques et

institutionnelles aux niveaux local et supra par les acteurs vis-agrave-vis de ces parcs de

logements (projets drsquoinvestissement de travauxhellip)

Cette varieacuteteacute de structure de gestion de positions socio-institutionnelles de localisation

spatiale et de caracteacuteristiques physiques et sociales des icirclots drsquoimmeubles conduit de fait agrave

une tregraves grande varieacuteteacute des images et du sens de ce type drsquohabitat dans lrsquoespace urbain Ce

sont surtout les variables qualitatives de pratiques et de perceptions qui permettent de

diffeacuterencier les espaces (Plouchard 1999) les seuls critegraveres socio-deacutemographiques et

eacuteconomiques traditionnellement utiliseacutes pour deacutecrire les quartiers (comme la deacutemarche de

Tableaux de bord sociodeacutemographiques deacutecrits plus haut) ne suffisent donc pas

Quelles sont ces indicateurs qualitatifs Les relations sociales de voisinage et les interactions

dans les espaces exteacuterieurs les usages des espaces et des eacutequipements la participation

associative et donc lrsquoensemble des perceptions et des repreacutesentations sociales de ces

pratiques Ils permettent de mesurer la vie collective et individuelle qursquoy megravenent les habitants

avec les difficulteacutes de cohabitation qursquoils rencontrent (bruits tensions de voisinage

deacutelinquance deacutegradationhellip) mais aussi les rapports drsquoattachement de satisfaction

92

drsquoidentification ou drsquoappropriation qursquoils entretiennent avec le quartier Par exemple le

quartier veacutecu comme positif est celui ougrave la vie sociale y est perccedilue comme positive et

dynamique pour soi (association activiteacutes eacutechangeshellip) et dont la perception drsquoensemble est

positive du fait de lrsquoattachement et de lrsquoadeacutequation avec les attentes de relations drsquoimage et

des ressources Ainsi si chaque grand ensemble comme chaque quartier a une identiteacute

territoriale originale (formes mateacuterielles et spatiales et contenus deacutemographiques et

institutionnelles) crsquoest bien cette dimension sociale de la vie de quartier (pratiques et

repreacutesentations sociales) qui deacutetermine la diffeacuterenciation socio-spatiale plus que les seuls

profils socio-deacutemographiques

Crsquoest bien pourquoi la repreacutesentation des difficulteacutes intenses des quartiers en crise doit se

deacutefinir sur ce plan de la vie sociale et des relations qursquoy entretiennent les individus en ce que

celles-ci conditionnent en partie leur inteacutegration sociale urbaine Ces aspects peuvent ecirctre

analyseacutes en termes drsquoune part de ghettoiumlsation pour les espaces drsquohabitat cumulant

paupeacuterisation et exclusion socio-urbaine drsquoune population comportant de nombreuses

personnes marginaliseacutees et drsquoautre part de deacuteclin social urbain pour lrsquoensemble de lrsquoespace

urbain environnant les quartiers-ghettos ou en voie de ghettoiumlsation Ces deux notions

permettent drsquoaborder lrsquoanalyse de faits sociaux en milieu urbain en lien avec les

investissements politico-institutionnels drsquointeacutegration sociale et territoriale En sociologie

urbaine la dynamique urbaine (les interactions et les activiteacutes sociales les mobiliteacutes sociales

et spatiales les constructions et lrsquoameacutenagement) est imbriqueacutee dans celle de la socieacuteteacute

(rapports sociaux et mobiliteacute sociale) (Bassand Kaufman Joye 2002) La deacutegradation de la

ville est donc indissociablement lieacutee agrave la deacutegradation du social ie aux rapports sociaux de

production et notamment de production mecircme de lrsquoespace physique et social (Joye Schuler

2002) ce que nous avons vu ecirctre imputable agrave lrsquoadoption de lrsquoideacuteologie neacuteolibeacuterale par les

eacutelites politique mecircme socialiste en France dans les anneacutees 1980 ayant pour effet la

deacuteconnexion des classes populaires et modestes du systegraveme eacuteconomique et social

Ce qui au passage institue un cadre pour la reacutesolution de laquo crises urbaines raquo diverses

appreacutehendeacutees selon Alain Bourdin (2006) en tant que difficulteacutes de gestion de problegravemes

aigus qui se reacutevegravelent surtout au moment des reacutecessions eacuteconomiques etou de fortes

immigrations deacutestabilisant les villes en geacuteneacuterant des pheacutenomegravenes speacutecifiques comme le

chocircmage la marginaliteacute de certains groupes les tensions relationnelles la deacutelinquance la

criminaliteacute et la violence la peacutenurie de logements adapteacutes ou encore une mortaliteacute massive et

subitehellip Lrsquoaction (la laquo reacuteaction sociale raquo selon Simmel) doit alors viser lrsquointensification du

93

travail drsquointeacutegration locale pour assurer la continuiteacute de la coheacutesion sociale globale de la

socieacuteteacute Cependant il nrsquoy a pas de modegravele et de voie uniques dans ce domaine

Dans le cas franccedilais qui globalement ne connaicirct qursquoeacutechecs et frustrations depuis pregraves de

quarante ans agrave ce sujet Ali Sedjari (2006) suggegravere deux principes agrave respecter drsquoabord viser

le changement du social pour enclencher des laquo mouvements drsquourbaniteacute raquo ce qui rejoint les

appels agrave se concentrer sur les meacutecanismes structurels de reconnexion des classes populaires

au travail (Tissot 2007) ensuite rompre avec le modegravele inefficace drsquoaction brutale qui a eacuteteacute

trop souvent appliqueacutee encore dans les opeacuterations actuelles de reacutenovation urbaine Quatre

conditions doivent aussi ecirctre mises en œuvre pour des reacutesultats durables 1 des interventions

agrave lrsquoeacutechelle des agglomeacuterations et de maniegravere globale 2 une viseacutee exclusive du bien-ecirctre des

habitants notamment les plus fragiliseacutes en les impliquant dans lrsquoeacutelaboration et la mise en

œuvre des projets 3 lrsquoattention agrave la mixiteacute sociale reacutesidentielle pour limiter les risques de

rupture sociale lieacutee agrave la concentration trop exclusive des pauvres et enfin 3 lrsquoorganisation

drsquoadministrations autonomes y compris financiegraverement au service de la gestion des

politiques drsquointeacutegration urbaine (contre le manque de structuration suffisante des villes pour

leur capaciteacute inteacutegrative)

Ces propositions de gestion des crises urbaines permettent drsquoappreacutehender la notion de deacuteclin

social urbain en termes de deacuteveloppement dans une zone donneacutee de pheacutenomegravenes socio-

politiquement probleacutematiques ils concernent et sont reacutealiseacutes par des populations qui

subissent lrsquoexclusion eacuteconomique en raison de leurs faibles qualification et ressources

sociales et qui sont regroupeacutees dans lrsquoespace urbain dans des lieux geacutereacutes et ameacutenageacutes de

maniegravere inadapteacutee par les institutions Pour affiner cette approche deacutefinitionnelle il faut la

distinguer drsquoun champ connexe de recherche et drsquointervention qui traite drsquoun aspect de la

question geacuteneacuterale et plus ancienne du deacuteveloppement des villes et des agglomeacuterations crsquoest

le champ du deacuteclin urbain ou de la deacutecroissance urbaine (Fol Cunningham-Sabot 2010) Ce

thegraveme existe au moins depuis lrsquoEacutecole de Chicago aux Eacutetats-Unis sous lrsquointituleacute encore tregraves

actuel de urban decline ou plus reacutecemment de shrinking cities cette derniegravere expression se

focalise sur le reacutetreacutecissement ou la reacutetractation des villes du point de vue majoritairement

deacutemographique Le deacutetour par ce courant de recherches permet de prendre du recul par

rapport agrave celui tregraves speacutecialiseacute des problegravemes sociaux dans des fragments de ville ou lieacutes agrave la

fragmentation des villes Il est une source drsquoalimentation conceptuelle importante pour le type

drsquoanalyse de cette recherche

94

Cherchant agrave comprendre la croissance des villes les sociologues nord-ameacutericains ont agrave partir

des anneacutees 1920 deacuteveloppeacute des theacuteories en termes de cycle de vie avec des eacutetapes de

croissance et de deacuteclin moins au niveau de lrsquoensemble des aires urbaines qursquoagrave celui de leurs

territoires internes constitueacutes drsquoaires reacutesidentielles laquo morales raquo ou laquo naturelles raquo plus petites

Pour Homer Hoyt (1939) par exemple le deacuteclin de certains quartiers reacutesidentiels est

ineacuteluctable en raison de la deacutevalorisation immobiliegravere lieacutee agrave lrsquoarriveacutee de populations moins

aiseacutees et drsquoorigine ethnique Par la suite la recherche sur ce type de processus srsquoest davantage

centreacutee sur les villes dans leur totaliteacute en mettant en relation leurs composantes pour des

analyses speacutecifiques comme la deacutecroissance deacutemographique des centres-villes et le deacuteclin de

leurs activiteacutes eacuteconomiques et des emplois Ces pheacutenomegravenes sont alors deacutecrits comme lieacutes

aux mouvements de peacuteri- et de suburbanisation des meacutenages aiseacutes et des activiteacutes soutenus

par les institutions politico-administratives agrave travers des mesures drsquoameacutenagement et

drsquourbanisme ainsi que des aides financiegraveres et eacuteconomiques

Cette approche plutocirct deacutemographique srsquoest deacuteveloppeacutee pour la comparaison internationale de

lrsquoeacutevolution des villes dans le monde entier Des modegraveles de laquo contraction raquo urbaine sont

eacutechafaudeacutes comprenant parfois des eacutetapes de laquo reacutesurgence raquo ou de laquo reacute-urbanisation raquo des

villes (Fol Cunningham-Sabot 2007) De 2000 agrave 2005 par exemple il est montreacute que parmi

les 414 plus grandes agglomeacuterations mondiales de plus drsquoun million drsquohabitants 30 ont perdu

des habitants notamment dans le Nord des pays du monde Lrsquoanalyse de ce pheacutenomegravene nrsquoest

cependant pas sans complexiteacute voire contradictions certaines villes peuvent connaicirctre un

deacuteclin deacutemographique alors que les autres avec lesquelles elles forment une agglomeacuteration

sont en croissance tout comme lrsquoagglomeacuteration globalement peut lrsquoecirctre ou au contraire ne

pas lrsquoecirctre En fait rien que sur le plan deacutemographique les modes drsquoeacutevolution des villes sont

drsquoune grande varieacuteteacute sans compter drsquoautres dimensions eacuteconomique sociale

morphologique et encore politique dans lesquelles les variables sont multiples

En deacutemographie par exemple les uniteacutes peuvent ecirctre soit des meacutenages et des individus (taille

des meacutenages niveau de vie migrationhellip) soit des logements soit des emplois et des

eacutetablissements et les eacutetudes peuvent srsquoarticuler diversement avec une ou plusieurs autres

dimensions Neacuteanmoins Sylvie Fol et Emmanuegravele Cunningham-Sabot (2010) constatent que

malgreacute la flexibiliteacute conceptuelle potentielle du deacuteclin urbain les analyses mettent

principalement lrsquoaccent sur deux dimensions deacutemographiques et eacuteconomiques et mobilisent

deux modegraveles explicatifs lrsquoun plus lineacuteaire qui limite le nombre de variables pour valoriser

un enchaicircnement causal au risque drsquoeacutecarter drsquoautres pheacutenomegravenes essentiels lrsquoautre deacutejagrave

95

eacutevoqueacute est celui du cycle de vie calqueacute sur celui des produits en eacuteconomie (mouvement de

destruction creacuteatrice de lrsquoinnovation dans une eacuteconomie capitaliste libre)

Ces deux modegraveles restent reacuteducteurs de la multipliciteacute et de la reacutealiteacute nouvelle des

pheacutenomegravenes actuels En effet si la dimension eacuteconomique dans le deacuteveloppement urbain joue

un rocircle deacuteterminant crsquoest de maniegravere diffeacuterente agrave ses effets traditionnels puisque ses

manifestations se sont transformeacutees les pheacutenomegravenes de deacutecroissance deacutemographique et de

marginalisation spatiale et fonctionnelle des villes deacutependent drsquoune eacuteconomie mondialiseacutee et

technologique Ce mode de deacuteveloppement tend agrave disjoindre les systegravemes de production

eacutelargis dans le cadre de la division internationale du travail de leur ancrage territorial de base

ou initial Les villes deacutependent de plus en plus nettement de ce mode de production

eacuteconomique soutenu par les politiques nationales dans la relation qursquoelles entretiennent avec

celui-ci

Ce nrsquoest alors que plus secondairement que des pheacutenomegravenes speacutecifiques exercent une

influence sur les diffeacuterentes dimensions du deacuteveloppement urbain qursquoils soient drsquoordre

deacutemographique (vieillissement baisse de feacuteconditeacute hausse du nombre de meacutenageshellip) de

strateacutegie de localisation et drsquohabitat des meacutenages (centres drsquoagglomeacuteration ou peacuteripheacuteriehellip)

voire mecircme urbanistique (deacuteconcentration du bacirctihellip) Lrsquoorganisation spatiale de lrsquoeacuteconomie

mondiale polarise la croissance deacutemographique et eacuteconomique de certaines villes au

deacutetriment drsquoautres en raison de leur position par rapport aux thegravemes aux espaces aux

mouvements et aux infrastructures rechercheacutees et neacutecessaires agrave son deacuteploiement Les

territoires deacutelaisseacutes deacutependent alors de politiques publiques diverses en matiegraveres eacuteconomique

urbaine et sociale pour leur deacuteveloppement (Fol Cunningham-Sabot 2010)

Cette analyse confirme lrsquoenjeu crucial mis en exergue par Lefebvre qursquoest devenu lrsquoespace

dans les rapports sociaux de production la seacutelectiviteacute et la seacutegreacutegation socio-spatiales sont

mises en œuvre comme moyen et comme effet de lrsquoeacuteconomie devenue mondiale Ce qui

induit drsquoune part la mise agrave lrsquoeacutecart de centres urbains trop eacuteloigneacutes de son champ et drsquoautre

part dans les agglomeacuterations qui se globalisent (par lrsquoorientation de leurs activiteacutes dans

lrsquoeacuteconomie mondiale) la fragmentation socio-spatiale qui se durcit agrave mesure qursquoaugmentent

les eacutecarts drsquoineacutegaliteacutes socio-eacuteconomiques entre les inclus et les exclus de cette eacuteconomie

De ce courant de recherches consideacuterant lrsquoeacutevolution des villes de par leur relation avec

lrsquoeacuteconomie et par lagrave de sa gestion politique selon un cadre ideacuteologique il est possible de

rendre plus leacutegitime lrsquoutilisation du terme deacuteclin dans les villes concernant leur vie sociale et

96

leurs situations reacutesidentielles Il constitue un point drsquoarticulation entre les deux approches

celle se preacuteoccupant des eacutevolutions drsquoordre plus quantitatif (deacutemographique) des villes et

celle reacuteveacutelant les problegravemes drsquoexclusion socio-eacuteconomique et de fragmentation urbaine des

villes Des situations peuvent drsquoailleurs se croiser entre lrsquoeacutevolution deacutemographique des villes

et lrsquoeacutevolution sociale et morphologique dans celle-ci ce que montre lrsquoexistence de fortes

tensions sociales (eg des eacutemeutes) lieacutees agrave lrsquoexclusion socio-urbaine dans des agglomeacuterations

par ailleurs en croissance deacutemographique et eacuteconomique La possibiliteacute de cette articulation

des approches autorise en quelque sorte un emprunt conceptuel inheacuterent

Au passage le terme deacuteclin dans une approche scientifique doit srsquoexempter drsquoenchevecirctrement

possible avec des jugements de valeurs implicites Selon le Larousse 2005 le deacuteclin deacutesigne

la diminution de grandeur ou de valeur La preacutevention du risque drsquoeacutecart agrave lrsquoeacutethique

scientifique exige de preacuteciser ou drsquoobjectiver les critegraveres utiliseacutes pour produire une

appreacuteciation qui soit non seulement factuelle mais surtout indexeacutee agrave une theacuteorisation du

pheacutenomegravene qui impose drsquoexaminer si les faits rapporteacutes sont conformes ou non aux notions

eacutetudieacutees Cela neacutecessite de formuler des deacutefinitions opeacuterationnelles de celles-ci ie qui

permettent de les mesurer (Ghiglione Matalon 1999) Dans cette perspective le terme deacuteclin

peut revecirctir un caractegravere plus qualitatif que la simple acception deacutemographique pour lrsquoanalyse

du deacuteveloppement des villes voie privileacutegieacutee par Lefebvre (1968 1973 1970) pour deacutesigner

les relations sociales le statut et le bien-ecirctre des diffeacuterentes cateacutegories drsquohabitants dans les

diffeacuterentes parties des agglomeacuterations Cet accent sur la dimension qualitative du

deacuteveloppement urbain nrsquoest pas sans lien avec lrsquoappellation laquo deacuteveloppement social urbain raquo

utiliseacutee dans les anneacutees 1980 par les acteurs politiques et administratifs dans ce domaine

(Chevalier 2005) Le champ seacutemantique que reacutevegravele cette notion de deacuteclin social urbain eacutetant

ainsi circonscrit il est possible drsquoen parachever la formalisation qui reacutesulte des analyses

produites dans ce domaine et que la preacutesente recherche a pu conforter

En effet les premiers eacuteleacutements recueillis et analyseacutes lors de cette recherche notamment degraves le

deacutemarrage de lrsquoeacutetude monographique de la premiegravere ville-commune abordeacutee (les Ulis dans

lrsquoEssonne) ont concerneacute les structures et les eacutevolutions socio-deacutemographiques et urbaines

(dont les caracteacuteristiques des logements et de leur occupation) lrsquoemploi et le niveau de vie

mais aussi certaines pratiques et attentes sociales Cette premiegravere approche a deacutegageacute deux

premiers principaux traits qui ont tendance agrave ecirctre en commun avec drsquoautres travaux sur les

quartiers-ghettos 1 la sous-moyennisation de la structure sociale avec des meacutenages plus

fragiles croissants lieacutee agrave une paupeacuterisation correacutelative drsquoune partie de la population et le

97

deacuteveloppement systeacutematique de la deacutelinquance des jeunes et de la violence 2 une

communauteacute reacutesidentielle segmenteacutee en groupes plus ou moins inteacutegreacutes et plus ou moins

preacutecaires et assisteacutes avec un ordre social en rupture avec celui du reste des villes et celui des

premiers temps de peuplement de ces zones drsquohabitat

En fait une dynamique de problegravemes sociaux srsquoenclenche dans un espace ougrave sont croissantes

les victimes de lrsquoexclusion sociale accentuant ainsi le processus de transformation de la

composition sociale des relations sociales et des modes de vie des quartiers Le deacuteclin social

selon ces traits trouve un eacutecho particulier dans lrsquoanalyse des processus drsquoeacutevolution socio-

territoriale des villes que Donzelot (2004) a syntheacutetiseacute en trois termes qui pourtant ne

deacutesignent pas le mecircme ordre de pheacutenomegravenes la releacutegation des plus pauvres et fragiles

socialement dans les ZUS dans certains autres quartiers drsquohabitat social ou mecircme dans

certains quartiers anciens deacutegradeacutes la peacuteri-urbanisation des classes moyennes dans des

zones drsquohabitat pavillonnaire essentiellement et la gentrification des centres-villes crsquoest-agrave-

dire lrsquoembourgeoisement de quartiers centraux anciens plutocirct populaires (ouvriers et artisans)

par lrsquoinstallation de couches moyennes et supeacuterieures agrave la recherche de centraliteacute et de

proximiteacute drsquoeacutequipements nombreux et diversifieacutes

De ces trois notions une seule srsquoapplique comme le deacuteclin agrave lrsquoeacutevolution des proprieacuteteacutes

sociales et mateacuterielles de lrsquoespace la gentrification conseacutequence de lrsquoagreacutegation des plus

aiseacutes et inteacutegreacutes dans lrsquoeacuteconomie mondialiseacutee Les autres mouvements du deacuteveloppement des

villes ne deacutesignent que les mouvements drsquoinstallation des cateacutegories sociales dans lrsquoespace

sans eacuteleacutements explicites sur les relations sociales et lrsquoeacutetat des structures institutionnelles et

des eacutequipements et services publics et priveacutes qui srsquoy trouvent La gentrification ne deacutesigne-t-

elle pas le pheacutenomegravene inverse drsquoeacutevolution drsquoun espace physique et social agrave celui que le terme

de deacuteclin pourrait recouvrir Il ne srsquoagit pas drsquoeacutetudier la meacutetamorphose des espaces qui

srsquoembourgeoisent ou qui srsquoameacutenagent pour et par les couches moyennes et supeacuterieures mais

celle des zones urbaines en cours de deacutevalorisation mateacuterielle et symbolique par et pour les

populations preacutecaires exclues et releacutegueacutees La bipolarisation socio-spatiale que traduisent ces

deux mouvements provient bien du deacuteveloppement des pheacutenomegravenes eacuteconomiques et sociaux

de creusement des ineacutegaliteacutes sociales drsquoexclusion des moins qualifieacutes et drsquoaccroissement des

revenus des cadres du priveacute dans un contexte de leur preacutecarisation potentielle imposeacutees par

regravegles libeacuterales de lrsquoeacuteconomie mondialiseacutee Lrsquoagreacutegation spatiale rechercheacutee par ces derniers

(parfois dans des reacutesidences closes en milieu mixte) se reacutealise le plus souvent par volonteacute de

seacuteparation physique nette des espaces de cateacutegories ouvriegraveres preacutecariseacutees

98

Dans cet effort de deacutefinition il est drsquoabord constateacute que lrsquoexpression laquo deacuteclin social urbain raquo

comporte deux adjectifs juxtaposeacutes sans eacuteleacutement de liaison ce qui produit un effet

drsquoimpreacutecision srsquoagit-il de laquo deacuteclin social dans ou de lrsquourbain raquo ou plutocirct de laquo deacuteclin social et

urbain raquo En effet les eacuteleacutements fonctionnels et physiques drsquoun espace peuvent ne pas

eacutevoluer alors mecircme que des changements sociaux lrsquoaffectent structure des meacutenages type de

relations sociales culture et mode de vie mode drsquousage et de perception des eacuteleacutements et des

fonctions de lrsquoespacehellip Cependant lrsquointerdeacutependance et le recouvrement partiel des deux

domaines le social et lrsquourbain portent agrave consideacuterer que le deacuteclin de lrsquoun ne va pas sans celui

de lrsquoautre et vice et versa

Par exemple le pheacutenomegravene inverse de gentrification eacutevoqueacute plus haut se rapporte

effectivement agrave ces deux aspects drsquoune part la transformation de la composition sociale des

reacutesidants drsquoun quartier (ouvriers remplaceacutes par couches moyennes et supeacuterieures) et drsquoautre

part lrsquoeacutevolution des attributs de qualiteacute des logements et des eacutequipements de lrsquohabitat dans le

sens parallegravele (ameacutelioration par reacutehabilitation et investissements) en tant que produit social

drsquoun jeu entre acteurs et institutions sociales (Steacutebeacute Marchal 2010 p 138-139) Dans ce

sens le terme gentrification srsquoil peut ecirctre encore agrave preacuteciser quant aux pheacutenomegravenes qursquoil

deacutesigne et agrave ses deacuteterminants semble aiseacutement se deacutegager de tout jugement de valeur au

contraire de ce que peut veacutehiculer agrave premiegravere vue la notion de deacuteclin social urbain (hors

courant de recherches dans la sphegravere anglophone eacutevoqueacute plus haut du deacuteclin urbain agrave

caractegravere deacutemographique et eacuteconomique) Une premiegravere preacutecision de la notion est drsquoindiquer

que son champ concerne les pheacutenomegravenes de diminution en termes de grandeur ou de valeur

des relations sociales des statuts et du bien-ecirctre des habitants drsquoune zone urbaine

En outre existe-t-il une theacuteorie du deacuteclin social urbain ou encore les explications concernant

la marginalisation voire la ghettoiumlsation urbaines peuvent-elles srsquoappliquer agrave son endroit Agrave

ce niveau il faut drsquoabord revenir aux constats historiques et sociologiques concernant la

tendance agrave la disparition des entiteacutes communautaires agrave base spatiale et la reacuteduction

correacutelative de la conscience collective des individus en raison drsquoun eacutelargissement des espaces

geacuteographiques et sociaux de mobiliteacute des individus Lrsquointensiteacute des relations sociales et de

leurs dimensions affectives et identitaires dans les mecircmes zones drsquohabitat a diminueacute en

premier chef dans les quartiers des villes mecircme si ce pheacutenomegravene ne srsquoest pas diffuseacute de

maniegravere homogegravene et simultaneacutee agrave tous les milieux sociaux de lrsquoespace national

Les quartiers ouvriers par exemple caracteacuteriseacutes par un mode de vie collective ougrave la seacuteparation

entre la vie priveacutee et la vie publique nrsquoest pas nette ont certainement conserveacute ce

99

fonctionnement tant que les industries les employaient En outre la deacutestructuration des

communauteacutes traditionnelles villageoises voire urbaines nrsquoengendre certainement pas dans

tous les quartiers des pheacutenomegravenes de concentration des plus pauvres et des plus fragiles drsquoune

agglomeacuteration ainsi qursquoune forte deacutelinquance voire une violence preacutedominante entre les

personnes Drsquoautres explications doivent ecirctre avanceacutees Jacques Beauchard (1993) par

exemple met speacutecifiquement en avant la reacuteduction de la capaciteacute des villes agrave constituer des

uniteacutes politiques drsquointeacutegration sociale en raison de lrsquoeacutevolution des paramegravetres politico-

institutionnels eacuteconomiques et urbains ayant agi dans ce sens Selon lui la dispersion des

eacuteleacutements fonctionnels et sociaux des villes avec le deacutepart de populations et drsquoentreprises vers

les zones peacuteripheacuteriques produit ce mecircme effet drsquolaquo eacuteclatement raquo de la ville eacutevoqueacutee par

Lefebvre bien que ce terme et drsquoautres proches seacutemantiquement aient pu ecirctre useacutes non sans

une certaine inflation rheacutetorique

En effet Jacques Brun (2008) a qualifieacute drsquolaquo hysteacuterisation potentielle raquo le discours analytique

dans les anneacutees 1980 sur les transformations urbaines exigeant drsquoexaminer plus preacuteciseacutement

les notions meacutetaphoriques utiliseacutees eacuteclatement desserrement division fragmentationhellip

Jusqursquoagrave la fin des anneacutees 1990 ce type de production ne fait qursquoenteacuteriner lrsquoanalyse

lefebvrienne de lrsquoeacutevolution des villes Celle-ci nrsquoest pas sans lien avec les travaux preacuteceacutedents

des sociologues de lrsquoEacutecole de Chicago sur le fractionnement divers des espaces urbains des

changements eacuteconomiques sociaux mais aussi urbains sont deacutesigneacutes comme deacuteterminants de

la laquo disparition raquo de la ville au profit de lrsquourbain (Haumont Levy 1998) Ces termes

meacutetaphoriques marquent les imaginaires et suscitent des eacutemotions au deacutetriment de la

preacutecision drsquoanalyse des pheacutenomegravenes deacutecrits tout en reacuteveacutelant en creux une vision ideacutealiste de

la ville moyenne sans seacutegreacutegation (ou faible) En reacutealiteacute les problegravemes drsquointeacutegration et

drsquoexclusion y existent tout autant que dans les grandes villes Cependant ces pheacutenomegravenes nrsquoy

atteignent pas lrsquoampleur drsquoune reacuteelle crise de la ville au sens de rupture qualitative forte

difficile agrave geacuterer par les institutions urbaines et politico-administratives

Ainsi agrave la fin des anneacutees 1990 les reacuteflexions portent moins sur la reacutealiteacute que sur la porteacutee

sociale de la transformation fragmentaire des villes Jean-Pierre Leacutevy (1998) qui postface le

mecircme ouvrage collectif appelait par exemple agrave la reconnaissance des pheacutenomegravenes de

laquo pathologie sociale raquo comme la releacutegation de populations deacutefavoriseacutees et la compeacutetitiviteacute

accrue de groupes sociaux pour lrsquooccupation de bons quartiers dont la gentrification des

zones drsquoaccessibiliteacute maximale est une forme Leacutevy preacutecise que ce ne sont pas les formes

urbaines qui expliquent en majoriteacute les problegravemes sociaux et politiques voire la perte

100

drsquoidentiteacute et drsquouniteacute de la ville ce sont plutocirct les comportements et les rapports sociaux qui

ont des effets urbains Par exemple ce sont bien les conduites des cateacutegories sociales

moyennes aiseacutees et modestes qui deacuteterminent des processus de valorisationdeacutevalorisation

des zones urbaines selon des dureacutees jamais deacutefinitives (il eacutevoque lui aussi la notion de

laquo cycles raquo) Les pratiques reacutesidentielles deacutependent elles-mecircmes drsquoune part des activiteacutes

socio-eacuteconomiques qui agissent conjointement et de maniegravere complexe sur le marcheacute du

travail et sur celui du logement et drsquoautre part des politiques sociales et eacuteconomiques en

cours Crsquoest pourquoi il eacutevoque la forte flexibiliteacute sociale de lrsquoespace crsquoest-agrave-dire lrsquoextrecircme

souplesse drsquousage des lieux mecircme si demeure leur laquo esprit raquo pour la meacutemoire collective

Par ailleurs une variable suppleacutementaire peut ecirctre abordeacutee dans la recherche de preacutecision de

la chaicircne de causaliteacute ou plutocirct du contexte des deacuteterminations liant eacutevolution socio-

eacuteconomique et eacutevolution socio-spatiale par le biais des pratiques reacutesidentielles des citadins et

des politiques sociales et eacuteconomiques les eacutequipements et les services publics neacutecessaires agrave

la population dont la politique de gestion ne se distingue pas du cadre ideacuteologique de mise en

œuvre des autres politiques eacuteconomiques sociales et urbaines Lrsquoinsuffisance des structures

institutionnelles de services dans certaines zones urbaines a un effet direct sur lrsquointeacutegration

sociale Et Beauchard (1993) deacutenonccedilait deacutejagrave vigoureusement la reacuteduction des moyens

institutionnels drsquointeacutegration sociale que sont les services publics depuis la crise eacuteconomique

des anneacutees 1970 Il ne srsquoagit plus simplement drsquoaffaiblissement de la fonction inteacutegratrice des

villes dans le champ de la production eacuteconomique (du fait de lrsquoexternalisation des cateacutegories

supeacuterieures et de la deacutelocalisation des activiteacutes productives) mais plutocirct de production de

lrsquoexclusion et de la marginalisation sociales pour les cateacutegories resteacutees sur place par deacutefaut

drsquoeacutequipements et de services publics

En ce sens les trois principaux rapports politico-institutionnels sur la politique agissant sur la

crise lieacutee agrave la seacutegreacutegation sociale et urbaine dans les vingt derniegraveres anneacutees du XXe siegravecle

confirment ces deacutefauts drsquoadaptation qualitative et drsquoinsuffisance quantitative des services

publics et des eacutequipements (Dubedout 1983 Delarue 1991 Sueur 1998) Un autre rapport

dans la deacutecennie 2000 du Conseil drsquoanalyse eacuteconomique Seacutegreacutegation urbaine et inteacutegration

sociale (Fitoussi Maurent Maurice 2003) eacutevoque ce fait agrave partir des analyses de Preacuteteceille

(2000 2002) sur le niveau drsquoeacutequipement de la reacutegion parisienne entre les anneacutees 1970 et la

fin des anneacutees 1990 dans les domaines de la petite enfance (cregraveches) de la culture (salles de

spectacle de cineacutemas et de concerts bibliothegraveques publiques eacutecoles ateliers drsquoarts

plastiques Maisons des jeunes) de la santeacute (eacutetablissements hospitaliers et professionnels de

101

soins) et des bureaux de poste Il constate que lrsquoameacutelioration au cours de la fin du XXe siegravecle

est beaucoup plus faible dans les zones peacuteripheacuteriques sous-doteacutees que dans les zones centrales

de lrsquoagglomeacuteration avec des diffeacuterences internes privileacutegiant les quartiers riches de Paris

Un eacutecart se creuse donc en raison du lien entre le niveau drsquoeacutequipement et la centraliteacute urbaine

ou lrsquoancienneteacute drsquourbanisation mais aussi selon la composition sociale des localisations

reacutesidentielles Quoiqursquoil en soit ce lien contraste avec les laquo besoins sociaux raquo potentiels que

font apparaicirctre les eacutevolutions socio-deacutemographiques qui sont drsquoune part la baisse de la

population dans la partie centrale de la reacutegion urbaine (Paris et premiegravere couronne) et sa

croissance dans la deuxiegraveme couronne et drsquoautre part la reacutepartition spatiale des cateacutegories

sociales Les eacutequipements les plus importants et leur accroissement dans les espaces centraux

profitent donc agrave une population plus speacutecifique et en diminution avec la speacutecialisation en

cadres supeacuterieurs et intermeacutediaires du priveacute alors que les zones peacuteripheacuteriques sous-eacutequipeacutees

(mais aussi les quartiers parisiens populaires du Nord et de lrsquoEst) plus peupleacutees par des

cateacutegories moyennes et ouvriegraveres connaissent une progression plus faible du niveau

drsquoeacutequipements

Les politiques drsquoeacutequipement public suivent donc une logique spatiale deacutefavorable aux

cateacutegories populaires contrairement aux justifications theacuteoriques des politiques

drsquoameacutenagement et drsquourbanisation agrave lrsquoorigine de la redistribution sociale constateacutee au tournant

des anneacutees 2000 Cette derniegravere comporte bien un caractegravere seacutegreacutegatif En fait la reacuteduction de

la capaciteacute des villes agrave fournir des services au public est en partie une conseacutequence fiscale de

lrsquoexternalisation de la deacutelocalisation etou de lrsquoinsuffisance des cateacutegories supeacuterieures et des

activiteacutes eacuteconomiques non compenseacutees par les dotations eacutetatiques de fonctionnement et les

meacutecanismes de solidariteacute intercommunale Par voie de conseacutequence le deacuteclin social et

eacuteconomique des villes srsquoaccompagne drsquoun risque eacuteleveacute de marginalisation institutionnelle de

leur population

Lrsquoeffet de seacutegreacutegation issu de la territorialisation concregravete des politiques drsquoeacutequipement et de

services publics est drsquoailleurs renforceacute par trois autres formes drsquoineacutegaliteacutes sociales lieacutees aux

localisations reacutesidentielles des personnes (Preacuteteceille 2004) drsquoabord lrsquoineacutegal accegraves aux

emplois pour les habitants de banlieues peacuteripheacuteriques du fait de la faiblesse des

infrastructures de transports et de la deacutependance agrave lrsquousage de lrsquoautomobile ensuite la

seacutelectiviteacute de la mobiliteacute reacutesidentielle pour se rapprocher des emplois etou des eacutequipements

(difficile et plus rare pour les classes populaires contraintes par le logement social

102

reacuteglementeacute ou deacutependantes drsquoun marcheacute locatif de basse qualiteacute se reacuteduisant ou encore drsquoun

marcheacute drsquoaccegraves agrave la proprieacuteteacute dans les segments eacuteloigneacutes et deacutegradeacutes du parc immobilier) et

enfin les ineacutegaliteacutes de la pression fiscale locale puisque celle-ci deacutepend de la structure des

bases fiscales des territoires elle-mecircme lieacutee au niveau de preacutesence drsquoentreprises et aux

valeurs fonciegraveres et immobiliegraveres

Ainsi les diffeacuterences de qualiteacute des espaces reacutesidentiels produisent des effets cumulatifs

drsquoineacutegaliteacutes sociales renforccedilant la seacutegreacutegation urbaine des dispositifs drsquoeacutequipement et

implantation de services publics La laquo solution-miracle raquo de la mobiliteacute quotidienne

(deacuteplacements spatiaux) promue pour reacuteduire la seacutegreacutegation reste de ce fait insuffisante en

raison des contraintes de coucircts drsquoinfrastructure de moments et de temps de transports ainsi

que des coucircts drsquoaccegraves eacuteconomique (tarifs) et social (codes sociaux et culturels) aux

eacutequipements une fois atteints dans leurs aires drsquoimplantation (Preacuteteceille 2004) Les moyens

mateacuteriels temporels et sociaux de mobiliteacute pour lrsquoaccegraves aux ressources structurelles drsquoun

environnement sont hieacuterarchiseacutes selon les revenus et les ressources des meacutenages Les

ineacutegaliteacutes sociales srsquoexpriment alors en termes de laquo sous-mobiliteacute raquo spatiale mais aussi de

laquo sur-mobiliteacute raquo contrainte parfois (Gibout 2004) ie de surconsommation non deacutesireacutee de

temps et drsquoespace pour des deacuteplacements en raison tant de dispositions et de caracteacuteristiques

urbaines objectives des localisations reacutesidentielles (offre de transport et drsquoeacutequipements forme

urbaine rythme des activiteacuteshellip) que des raisons personnelles drsquoordre eacuteconomique sanitaire

ou social (faibles ressources eacuteconomiques chocircmage handicap meacuteconnaissance de la villehellip)

agrave ne pouvoir reacutealiser ou beacuteneacuteficier des activiteacutes et services proches ecirctre domicilieacute agrave proximiteacute

de ceux souhaiteacutes ou disposer drsquoune voiture pour se rendre rapidement sur des lieux

concerneacutes Ces situations engendrent de la marginalisation voire de lrsquoexclusion quant agrave

lrsquousage de la ville notamment pour les femmes en raison de leur plus grande freacutequence

drsquooccupation de positions et de fonctions sociales domineacutees dans les sphegraveres familiales et

domestiques (garde encadrement et accompagnement des enfants aux activiteacutes pratiques de

chalandises faibles qualifications monoparentaliteacute ou megraveres au foyerhellip)

Ces eacuteleacutements lieacutes aux politiques et aux difficulteacutes drsquousage des eacutequipements et des services

srsquoajoutent agrave la thegravese de la reacuteduction de lrsquouniteacute des villes et de leur deacuteclin par les mouvements

drsquoexternalisation et de deacutelocalisation sociale et eacuteconomique Avec la reacuteduction de leur

capaciteacute drsquointeacutegration fonction politique pourtant majeure lrsquourbaniteacute des villes est en fait

affaiblie ce qui constitue une eacutetape nouvelle de deacutetachement de la ville par la citeacute politique

depuis la fin des citeacutes-Eacutetats grecs (Beauchard 1993) Le vide produit par cette deacutefection

103

geacutenegravere outre une sur-appropriation de lrsquoespace public par le champ eacuteconomique (agrave travers la

publiciteacute et la privatisation de lrsquoespace) des replis communautaires potentiels en reacuteaction agrave la

multipliciteacute jugeacutee menaccedilante des grandes citeacutes ouvertes Lrsquoespace public ne devient-il pas un

espace socioculturel menaceacute de divisions et de conflits territoriaux de toute sorte entre

groupes sociaux et ethniques rassembleacutes (Semprini 1997) Lrsquoeacuteclatement social mais aussi

politique de la ville signifie ainsi une (deacute)composition sociale territoriale exalteacutee par les

risques de conflits et poussant agrave la recherche de leur eacutevitement

Marie-Christine Jaillet-Roman (2006) preacutecise que cet effet de deacuteclin politico-institutionnel

accompagnant lrsquoextension urbaine srsquoobserve geacuteographiquement aux deux points des

mouvements drsquoexternalisation dans lrsquoespace au niveau des villes-centres de deacutepart laissant

certains secteurs abandonneacutes et deacutegradeacutes que ne peuvent ou ne veulent investir les champs

eacuteconomique et institutionnel et drsquoautre part au niveau des communes peacuteripheacuteriques

drsquoinstallation des couches moyennes et supeacuterieures ougrave des regroupements intercommunaux

socialement homogegravenes fragmentent lrsquoespace peacuteriurbain en refusant la participation aux

communes ayant un profil social majoritaire infeacuterieur Les espaces peacuteripheacuteriques se

recomposent selon des modaliteacutes seacutelectives et compeacutetitives de collaboration intercommunale

traduisant la tendance accrue agrave la quecircte drsquoentre-soi territorial des classes moyennes et

supeacuterieures qui se reacutepercute dans la freacutequentation des eacutequipements notamment scolaires

(Maurin 2004)

Ainsi le transfert de centraliteacute geacuteneacutereacutee par lrsquoextension urbaine dans certaines banlieues et

dans certains espaces peacuteriurbains anciens ne beacuteneacuteficient pas agrave toutes les cateacutegories sociales et

spatiales (Jaillet-Roman 2006) Entre les centres valoriseacutes faisant laquo archipel raquo dans

lrsquoensemble de lrsquoespace urbain les espaces les plus deacutegradeacutes et deacutevaloriseacutes constituent des

supports territoriaux drsquoorientation des seacutegreacutegations socio-urbaines Les espaces marginaliseacutes

comportent les espaces drsquohabitat les moins valoriseacutes grands ensembles drsquohabitation et

lotissements pavillonnaires deacutegradeacutes ou encore quartiers centraux veacutetustes Ce mode de

deacuteveloppement urbain accentue les risques drsquoineacutegaliteacutes territoriales et geacutenegravere pour les espaces

deacutevaloriseacutes de faibles capaciteacutes eacuteconomiques drsquointeacutegration et drsquooffre de services publics ce

qui contribue au sein des populations reacutesidentes au malaise au deacutenuement et agrave la frustration

Selon Jaillet-Roman (2006) la hausse des votes protestataires (notamment en direction du

Front national) ou de la violence individuelle et collective en sont des signes

Ces deux approches sociopolitique (Beauchard) et geacuteographique (Preacuteteceille Jaillet-Roman)

de lrsquourbain consacrent en partie le lien entre cadre urbain et cadre politique et social

104

drsquointeacutegration sociale par lrsquointermeacutediaire des rapports sociaux locaux et de lrsquoaction politico-

institutionnelle locale Le problegraveme pour lrsquoaction politique urbaine est que les eacutechelons

communaux et intercommunaux ne recouvrent que partiellement les espaces de vie

quotidienne des individus les laquo bassins de vie raquo selon lrsquoINSEE repreacutesentent des territoires

multi-communaux comportant les eacutequipements de proximiteacute reacuteguliegraverement freacutequenteacutes par la

majoriteacute des habitants Il est difficile drsquoy exercer un pouvoir et un controcircle deacutemocratiques

pouvant reacutesister aux meacutecanismes seacutegreacutegatifs des agglomeacuterations ou des espaces urbains

drsquoappartenance plus larges La difficulteacute est encore plus forte en ce qui concerne lrsquoeacutechelle

meacutetropolitaine de manifestation des grandes divisions sociales de lrsquoespace urbain puisque

jusqursquoagrave la loi de reacuteforme des collectiviteacutes territoriales du 16 deacutecembre 2010 elle ne

comportait pas drsquoassembleacutee eacutelue pour la maicirctrise complegravete du deacuteveloppement eacuteconomique et

social et donc de son identiteacute

Les effets de cette nouvelle loi sont donc attendus avec inteacuterecirct puisqursquoelle met en œuvre une

nouvelle organisation des structures de politique territoriale en creacuteant entre autres

modifications deux nouveaux eacutetablissements publics de coopeacuteration intercommunale (EPCI)

agrave fiscaliteacute propre drsquoune part la meacutetropole agglomeacuteration drsquoau moins 500 000 habitants en

substitution au Deacutepartement et agrave la Reacutegion sur lrsquoameacutenagement et le deacuteveloppement

eacuteconomique eacutecologique eacuteducatif culturel et social et drsquoautre part le pocircle meacutetropolitain

espace de laquo meacutetropoles multipolaires raquo drsquoau moins 300 000 habitants autour drsquoun EPCI centre

drsquoau moins 150 000 habitants pour le deacuteveloppement eacuteconomique la promotion de

lrsquoinnovation de la recherche de lrsquoenseignement supeacuterieur et de la culture lrsquoameacutenagement de

lrsquoespace et le deacuteveloppement des infrastructures et des services de transport Preacutesenteacutees

comme plus adapteacutees aux entiteacutes urbaines ces structures sont censeacutees ameacuteliorer la

laquo compeacutetitiviteacute et la coheacutesion raquo de leurs territoires37

Enfin une derniegravere seacuterie de travaux parachegraveve la formulation des composantes

deacutefinitionnelles de la notion de deacuteclin social urbain Loiumlc Wacquant (2007) dans son analyse

des ghettos eacutetatsuniens et franccedilais utilise lrsquoexpression laquo deacuteclin urbain raquo non pas au sens des

eacutetudes sur le urban decline des villes mais bien dans le sens de la diffeacuterenciation interne des

37 Cependant la notion de compeacutetitiviteacute est certainement utiliseacutee de maniegravere incertaine par les auteurs de la loi En effet la deacutefinition consensuelle qui preacutevaut au sein des eacuteconomistes et des institutions internationales comporte en elle-mecircme deacutejagrave la notion de coheacutesion sociale Selon le Conseil europeacuteen de Lisbonne de mars 2000 la compeacutetitiviteacute est deacutefinie comme la laquo capaciteacute agrave ameacuteliorer durablement le niveau de vie de ses habitants et agrave leur procurer un haut niveau drsquoemploi et de coheacutesion sociale raquo (Gaulier 2003) Le risque est que le terme soit employeacute et compris comme celui de la compeacutetition entre entreprises par analogie agrave son sens premier dans le champ eacuteconomique Eacutevidemment les territoires nrsquoont pas de parts de marcheacute agrave se disputer ils poursuivent des inteacuterecircts propres lieacutes agrave leur speacutecificiteacute diffeacuterentielle

105

espaces sociaux des villes Il identifie quatre domaines de sa manifestation dans lrsquoanalyse du

passage des ghettos agrave des laquo hyper-ghettos raquo ie des ghettos en deacutecomposition sociale et en

deacuteclin eacuteconomique il mecircle drsquoune part deux dimensions plus strictement urbaines la

configuration spatiale et la position structurale et fonctionnelle dans la socieacuteteacute urbaine et

drsquoautre part deux aspects plus sociaux la composition institutionnelle et deacutemographique et

le veacutecu des habitants ie leurs expeacuteriences et relations sociales quotidiennes (Wacquant

2007 p 57) Les causes deacutegageacutees y sont essentiellement externes par la transformation du

systegraveme de forces eacuteconomiques sociales et politiques modelant les territoires sociaux et

symboliques des habitants

Les effets internes de ces changements concernent lrsquoordre social de la communauteacute

concerneacutee avec une organisation sociale diffeacuterente du fait de lrsquoinseacutecuriteacute eacuteconomique et

sociale de la forte hostiliteacute raciale et de la constante stigmatisation publique subie par les

habitants Il eacutetablit ainsi une liste de pheacutenomegravenes caracteacuteristiques du deacuteclin des

ghettos reacuteveacutelant sa laquo transformation du tissu eacuteconomique et social raquo (Wacquant 2007

p 64) agrave deux niveaux et selon plusieurs aspects drsquoune part une deacutegradation physique

(deacutelabrement) et commerciale des espaces et drsquoautre part des difficulteacutes sociales des

meacutenages (seacuteparation eacutechec scolaire isolementhellip) favorisant la violence de rue et lrsquoinseacutecuriteacute

multiforme des habitants

En incise dans le deacutebat sur la leacutegitimiteacute du terme ghetto pour deacutecrire la situation de certains

quartiers drsquohabitat deacutegradeacutes franccedilais ce que Wacquant (2007) nrsquoaccepte pas du point de vue

de ces enquecirctes reacutealiseacutees dans les anneacutees 1990 il peut ecirctre rapporteacute agrave titre drsquoexemple ayant

force de deacutemonstration empirique le teacutemoignage eacutecrit du maire de Clichy-sous-Bois (Dilain

2007) en Seine-Saint-Denis ougrave se trouve le grand ensemble de Clichy-Montfermeil

(commune voisine) il eacutevoque par exemple la laquo peur panique raquo des Clichois envers les trois

collegraveges de la ville qui ont des nombres drsquoeacutelegraveves en difficulteacutes sociales croissants avec

jusqursquoagrave 24 drsquoeacutelegraveves en classe de 3egraveme redoublants contre 12 en Seine-Saint-Denis en

plus les difficulteacutes de dialogue entre les eacutecoles et les parents eacutetrangers sont nombreuses avec

les traducteurs qui manquent ainsi que le temps aux enseignants souvent jeunes et

inexpeacuterimenteacutes un autre point est la fermeture du seul Centre meacutedico-psychologique (CMP)

pour enfant et jeunes de la ville qui demandait deacutejagrave trois agrave six mois de deacutelai pour un rendez-

vous pour des raisons laquo mysteacuterieuses raquo alors que trois CMP sur la ville seraient neacutecessaires

selon lui autre souci la faiblesse du reacuteseau de transports freinant le deacuteveloppement

eacuteconomique et social du territoirehellip

106

Ainsi lrsquointerdeacutependance dans la spirale du deacuteclin entre les composantes sociales

eacuteconomiques et institutionnelles des territoires est donc reacuteelle en France de maniegravere analogue

aux ghettos eacutetatsuniens mecircme si des diffeacuterences de degreacute et de modaliteacutes peuvent exister

entre les sites en France comme aux Eacutetats-Unis Le deacuteclin social urbain aboutit en grande

partie agrave la speacutecialisation sociale par le bas du peuplement de lrsquoespace Crsquoest pourquoi le

niveau de vie de la population concerneacutee se reacuteduit en moyenne et enfin de nettes

conseacutequences sanitaires se manifestent la faiblesse des moyens drsquoaccegraves aux soins avec la

reacuteduction des services de preacutevention et de protection sont correacuteleacutees avec des taux de

morbiditeacute et de deacutereacuteliction sociale en hausse (mortaliteacute violente incidence du sans-abrisme et

diffusion du sida lieacutee agrave lrsquousage des drogues) Globalement ce que Wacquant (2007) deacutecrit

pour les ghettos noirs eacutetatsuniens se veacuterifie aussi en France mecircme si cela peut-ecirctre avec un

temps et dans des proportions moindres parfois

Cependant les signes de ghettoiumlsation de certains territoires ne manquaient en France degraves la

fin des anneacutees 1980 et le deacutebut des anneacutees 1990 Par exemple le rapport Delarue (1991)

confirmait la deacutegradation de la vie des habitants dans les quartiers laquo sensibles raquo selon cinq

paramegravetres 1 les deacutefauts physiques et mateacuterielles de lrsquohabitat et de son urbanisme proche

qui aggravent les difficulteacutes sociales et eacuteconomiques de chacun 2 lrsquourbanisme plus large agrave

lrsquoeffet drsquoisolement dans le sens drsquoenclavement et de rupture urbanistique et relationnelle des

habitants par rapport au reste des villes 3 la fragiliteacute eacuteconomique de lrsquoespace et des

habitants avec la baisse des emplois industriels et la faiblesse des commerces 4 les

nombreux jeunes dont une partie subit des crises familiales et drsquoinsertion importantes et se

tournent vers la violence et 5 la paupeacuterisation des meacutenages et le processus de deacutepart des

plus fortuneacutes et drsquoarriveacutee des plus pauvres avec lrsquoaggravation de la situation sociale globale agrave

mesure que se prolonge la crise eacuteconomique

Plus preacuteciseacutement cette reacuteflexion agrave partir des diverses approches analytiques des pheacutenomegravenes

de deacutegradation et de deacutevalorisation de certains espaces urbains permet drsquoarrecircter quelques

traits preacutedominants composant cette notion de deacuteclin social urbain Elle deacutesigne un processus

de perte de valeur symbolique drsquoune localiteacute urbaine en deux principaux points 1 la

deacutegradation physique par le manque drsquoentretien et de maintenance des immeubles et de

lrsquoensemble mateacuteriel et infrastructurel de lrsquohabitat faute de moyens propres des habitants et

drsquoinvestissements de solidariteacute suffisants par les gestionnaires et les pouvoirs publics et 2

une deacutegradation sociale selon plusieurs aspects a) la paupeacuterisation et la fragilisation

sociale et sanitaire de la population reacutesidante lieacutees au deacutepart des cateacutegories supeacuterieures vers

107

drsquoautres localiteacutes (pour se rapprocher du travail des eacutequipements et des services publics etou

rechercher une meilleure qualiteacute drsquohabitat) agrave la preacutecarisation eacuteconomique voire agrave lrsquoexclusion

plus ou moins nette de lrsquoactiviteacute eacuteconomique des cateacutegories moyennes et modestes restantes

(en raison du deacuteclin du bassin local drsquoactiviteacute(s) principale(s) drsquoune qualification insuffisante

etou du racisme ou de la discrimination ethnique et sociale) etou agrave la faiblesse des transferts

et revenus de solidariteacute ainsi que des politiques drsquointeacutegration socio-eacuteconomique b) la

reacuteduction en son sein et aux alentours des activiteacutes institutionnelles (socialisation eacuteducation

santeacute police bailleurs autres services publics) eacuteconomiques (commerces services priveacutes et

banques) culturelles et sociales (associations diverses drsquoactiviteacutes culturelles de sport et de

loisirs et sociabiliteacute de voisinage dans les espaces exteacuterieurs) et c) le deacuteveloppement

drsquoactiviteacutes transgressives et subversives avec des tensions et des violences croissantes dans

les interactions sociales internes et dans les relations sociales avec lrsquoexteacuterieur deacutepassant la

capaciteacute des structures drsquointeacutegration restantes agrave y remeacutedier (eacutecole police poste associations

de quartierhellip) Ce processus constitue la manifestation des effets sociaux et spatiaux de la

fragmentation urbaine entraicircnant la stigmatisation et la seacutegreacutegation du territoire et de ses

habitants dans le reste de la socieacuteteacute urbaine

Cette deacutefinition fait eacutecho aux analyses sur les ghettos contemporains mettant en eacutevidence les

tendances extrecircmes de la concentration territoriale de la pauvreteacute agrave partir de ses diverses

dimensions sociales et spatiales (Marchal Steacutebeacute 2010) Aux traits structurels et objectifs

principaux du deacuteclin social urbain deacutecrits il est possible drsquointeacutegrer des pheacutenomegravenes subjectifs

existant de maniegravere plus intense dans les zones assimilables agrave des ghettos (Giraud 2000

Lapeyronnie 2008 Marchal Steacutebeacute 2010) le repli sur soi lrsquoanomie individuelle et

collective et la deacutevalorisation identitaire dans des espaces ougrave les supports spatiaux mais

surtout sociaux de sens agrave lrsquoaction et agrave la deacutefinition positive de soi sont en diminution voire

rares ou inexistants Toutefois cette notion se deacutemarque de celle de ghetto pour deux raisons

la premiegravere est que lrsquoeacutechelle urbaine drsquoobservation concerneacutee la ville-commune ou des

espaces contigus de communes voisines est souvent plus large que les seules zones drsquohabitat

auxquelles srsquoapplique le terme de ghettoiumlsation la seconde est qursquoavec la preacutesence de services

publics et administratifs divers notamment communaux voire intercommunaux les

situations ne peuvent se reacuteduire agrave un eacutetat homogegravene sur lrsquoensemble des territoires des signes

de deacutegradation sociale et spatiale eacutevoqueacutes plus hauts

Le deacuteclin social urbain peut donc affecter divers localiteacutes reacutesidentielles en fonction de la

conjoncture eacuteconomique sociale urbaine politique et institutionnelle qui se manifeste

108

particuliegraverement dans une agglomeacuteration ou un espace urbain Parmi ces espaces se comptent

en majoriteacute les grands ensembles drsquohabitation qui ont degraves leur creacuteation reacuteveacuteleacutes une

probleacutematique speacutecifique concernant leur dynamisme social et urbain Contrairement agrave une

ideacutee reccedilue si leurs habitants ont pu souffrir parfois du deacuteclin drsquoindustries dont deacutependait le

choix de construction de leurs habitations leur deacutesaffection assez geacuteneacuterale vis-agrave-vis de cet

habitat a eacuteteacute manifeste degraves les premiers peuplements indeacutependamment du dynamisme

eacuteconomique de lrsquoenvironnement (Peillon 2001) Dans ce sens dans les six communes de

grand ensemble eacutetudieacutees la faiblesse des parts relatives des cateacutegories moyennes et

supeacuterieures et des meacutenages agrave faibles voire tregraves faibles revenus est patente En plus de

proprieacuteteacutes peu satisfaisantes pour les classes moyennes ce type drsquoespace reacutesidentiel se trouve

en concurrence avec drsquoautres formes drsquohabitat plus valoriseacutees (pavillons collectif priveacute)

creacuteeacutees dans le systegraveme reacutesidentiel (Leacutevy 1998) de leurs agglomeacuterations ou bassins drsquohabitat

D- Le deacuteclin social des communes de grands ensembles un effet drsquoune modaliteacute spatiale

de la seacutegreacutegation sociale

Notre recherche doctorale se propose donc de mener une analyse comparative de diffeacuterentes

villes-communes de grands ensembles drsquohabitation (Les Ulis Mourenx Behren-legraves-Forbach

Fareacutebersviller Rillieux-la-Pape Pierrelatte et Bagnols-sur-Cegraveze) qui constituent une base

empirique agrave la conceptualisation preacutesenteacutee de la notion de deacuteclin social urbain Ce sont les

effets sociaux en milieu urbain de la crise eacuteconomique et sociale amenant agrave la formation de

zones marginaliseacutees qui fragmentent lrsquoespace urbain qui sont eacutetudieacutes les comportements

de deacutelinquance les problegravemes de logement et drsquoaccegraves au travail les tensions de voisinage ou

encore les cloisonnements culturels des manifestations locales de festiviteacutehellip Lrsquoanalyse de

ces pheacutenomegravenes amegravene agrave reacutefleacutechir aux limites spatiales des fragmentations et de leurs effets

qui se manifestent agrave lrsquoinsu des couches urbaines les plus exclues

Ainsi lrsquoeacutetude de cas de villes-communes de grand ensemble se distingue de celle des

quartiers-ghettos Le deacuteclin social concerne non seulement les quartiers sociaux des villes-

communes mais aussi lrsquoensemble de celles-ci avec des quartiers mixtes voire des espaces

drsquohabitat priveacute si lrsquoon considegravere qursquoune seacuterie de problegravemes relevant des pheacutenomegravenes du

deacuteclin srsquoy deacuteroulent Lrsquoanalyse des eacutevolutions sociales agrave une eacutechelle communale permet de

deacute-focaliser le regard sur des probleacutematiques ou des pheacutenomegravenes se manifestant dans les

109

espaces restreints des quartiers-ghettos (chocircmage des habitants deacutelinquance de bas

drsquoimmeuble tensions de voisinage deacutegradation drsquoespaces inteacuterieurs et exteacuterieurs

enclavement drsquoun quartierhellip) Ce qui produit une vision plus large et ouvre lrsquoanalyse agrave divers

questions ou thegravemes nouveaux lieacutes agrave la prise en compte drsquoeacuteleacutements diffeacuterents de lrsquoespace

(action municipale autres quartiers reacutesidentiels espaces fonctionnels commerciaux ou de

loisirshellip) et de dimensions plus nombreuses de la vie urbaine (politique culture et loisirs

rapports sociaux travailhellip)

Les questions abordeacutees sur un ou des thegravemes habituels de lrsquoanalyse des quartiers de releacutegation

socio-urbaine peuvent ecirctre eacutetendues agrave lrsquoespace communal global voire agrave celui de

lrsquoagglomeacuteration ou du bassin drsquohabitat par exemple la mobiliteacute reacutesidentielle ou encore les

deacutefaillances des politiques sociales et urbaines locales se manifestent-ils ou se font-ils

ressentir pour lrsquoensemble du territoire Si crsquoest le cas peut-on avancer que les frontiegraveres de

diffeacuterenciation socio-spatiale qui se durcissent dans les agglomeacuterations comportent une

certaine zone drsquoeacutepaisseur avec une limite tourneacutee vers les quartiers de concentration des plus

fragiles et lrsquoautre limite se fixant agrave celle des communes qui les contiennent voire au-delagrave si

les communes voisines sont en forte interaction urbaine avec celles-ci

Cet espace frontalier entre les limites des villes de quartiers-ghettos et les quartiers-ghettos

eux-mecircmes aux frontiegraveres deacutejagrave mouvantes selon lrsquoeacutevolution des peuplements constituerait

alors un espace transitoire entre les deux mondes urbains mais qui pour chaque cocircteacute

appartient deacutejagrave agrave lrsquoautre monde opposeacute Dans cet espace transitoire ou limite se manifestent

diversement certaines probleacutematiques issues des quartiers sociaux qursquoil environne

Agrave cette eacutechelle les repreacutesentations de la ville laquo eacuteclateacutee raquo ou laquo duale raquo ne sont donc pas

reacuteellement pertinentes voire envisageables On nrsquoy trouve pas de simple partition plus ou

moins radicale entre des espaces drsquohabitat qui les composent avec des problegravemes de crise

drsquointeacutegration urbaine circonscrits nettement dans lrsquoespace Au contraire des effets plus

eacutetendus spatialement agrave travers les pratiques sociales locales affectent plusieurs aspects de la

vie sociale de la commune La question qui guide alors le recueil et lrsquoanalyse de donneacutees agrave

cette eacutechelle est de savoir si ces effets sont bien constitutifs de la manifestation du deacuteclin

social urbain agrave lrsquoeacutechelle communale notion deacutefinie plus haut indeacutependamment de la reacutefeacuterence

agrave la taille du territoire concerneacute

Agrave ce niveau ougrave les municipaliteacutes et lrsquoadministration interagissent avec les besoins

drsquointeacutegration et de protection des plus faibles (Dubet 1995 Schnapper 2001) qui ont

110

drsquoailleurs une plus faible mobiliteacute quotidienne que les couches moyennes (Preacuteteceille 2004)

quelles eacutevolutions les formations sociales observeacutees suivent-elles Celles-ci sont-elles

attribuables aux effets de lrsquoexclusion eacuteconomique et sociale et de la seacutegreacutegation urbaine en

termes drsquoaccegraves aux eacutequipements et services publics preacutesenteacutes plus haut en raison du contexte

politique national marqueacute par la preacutegnance de lrsquoideacuteologie neacuteolibeacuterale

Quels aspects et quelles dynamiques sociales les populations des communes des grands

ensembles preacutesentent-elles Y-a-t-il laquo eacuteclatement raquo deacutechirure dualisation ou encore

polarisation sociale par le bas des tissus sociaux de chaque commune Sur le plan des

dynamiques relationnelles quelles sont aussi les grandes caracteacuteristiques avec des

diffeacuterences probables selon les lieux de rencontres et drsquointeraction Quelles sont alors les

causes ou les deacuteterminants eacuteventuels de ces eacutevolutions

Ces questions ne sont pas sans importance pour comprendre la vie urbaine drsquoune large partie

de nos concitoyens si lrsquoon considegravere que le total des territoires et des populations concerneacutes

par cette probleacutematique est consideacuterable pour la peacuteriode 2000-2006 247 contrats de ville

(dispositifs drsquoengagement drsquoactions drsquointeacutegration et de deacuteveloppement social et urbain

regroupant lrsquoEacutetat les collectiviteacutes locales et drsquoautres acteurs concerneacutes) recouvraient pregraves de

1 500 quartiers prioritaires soit 713 ZUS sur les 751 existantes et un plus grand nombre

encore de quartiers non ZUS ce qui repreacutesentait pregraves de 2 200 communes et 27 millions de

personnes (Cour des comptes 2002)

Depuis 2006 et jusqursquoen 2014 ce sont 497 contrats urbains de coheacutesion sociale (CUCS) qui

remplacent les contrats de ville en France meacutetropolitaine (467) et dans les deacutepartements

dOutre-mer (30) Si lrsquoon considegravere que les 247 contrats de ville de la peacuteriode 2000-2006 ont

eacuteteacute transformeacutes en 355 CUCS il y a 142 nouveaux CUCS soit 40 de nouveaux contrats en

hausse selon le site internet du systegraveme drsquoinformation geacuteographique du Comiteacute

interministeacuteriel des villes38 organisme chargeacute aupregraves du Premier ministre drsquoeacutetablir et de

suivre lrsquoaction de lrsquoEacutetat en matiegravere de politique de la ville Eacutevidemment les CUCS ne

recouvrent pas que les territoires drsquoimplantation des grands ensembles mais lrsquoanalyse des

pheacutenomegravenes sociaux et urbains qui srsquoy manifestent avec une recherche drsquoadaptation drsquooutils

conceptuels et drsquointerpreacutetation theacuteorique peut constituer une ressource intellectuelle pour

lrsquoensemble des espaces qui font face agrave une crise drsquointeacutegration urbaine du mecircme ordre

38 httpsigvillegouvfr

111

Ainsi la question centrale de notre recherche est de savoir ce qui dans le cas de pheacutenomegravenes

significatifs de deacuteclin social dans les villes-communes de grand ensemble est deacuteterminant

dans cette eacutevolution est-ce la variable morphologique ie lrsquohabitat sous forme de grand

ensemble qui domine lrsquoensemble urbain communal ou sont-ce drsquoautres caracteacuteristiques

eacuteconomiques sociales ou politiques internes ou externes qui expliquent le deacuteveloppement

drsquoun processus seacutegreacutegatif agrave lrsquoencontre des communes et de leur eacutevolution sociale Ou encore

est-ce une combinaison de celles-ci Pour le dire autrement en quoi les grands ensembles

sont-ils lieacutes au deacuteclin social qui srsquoobserve non seulement dans leur peacuterimegravetre mais aussi dans

les espaces avoisinants voire leur commune drsquoappartenance

Cette question peut se deacutecliner en trois interrogations compleacutementaires drsquoabord comment se

manifestent empiriquement sur lrsquoensemble des territoires des villes-communes les

eacutevolutions de leur structure et de leur dynamique sociales ainsi que les pheacutenomegravenes

probleacutematiques habituellement deacutecrits pour les seuls quartiers sociaux (preacutecariteacute souffrances

psychologiques et tensions relationnelles deacutelinquance et inseacutecuriteacute dans lrsquoespace exteacuterieur)

Ensuite peut-on deacutevelopper une repreacutesentation drsquoensemble de ces manifestations telle le

deacuteclin social urbain qursquoelles apparaissent similaires ou diffeacuterencieacutees selon plusieurs cas

empiriques Enfin quel est le principal ou quels sont les principaux deacuteterminants de ces

eacutevolutions observeacutees aux eacutechelons communaux

Lrsquohypothegravese principale est que le deacuteclin social de lrsquoensemble drsquoune ville-commune de

grand(s) ensemble(s) a comme source cette forme urbaine preacutedominante dans un contexte

socieacutetal global commun agrave toutes les situations urbaines du territoire national Les

manifestations probleacutematiques de la ghettoiumlsation des quartiers de grand ensemble marquent

drsquoune mecircme empreinte les socieacuteteacutes locales drsquoun deacuteclin selon des formes variables lieacutees aux

caracteacuteristiques de celles-ci En drsquoautres termes le deacuteclin social est lieacutee la morphologie socio-

urbaine preacutedominante du territoire ce qui signifie que les grands ensembles constituent en

eux-mecircmes un deacuteterminant drsquoeacutevolution de la vie sociale locale

Et cet effet constitue une caracteacuteristique secondaire influenceacutee par les diffeacuterentes politiques

contribuant agrave la formation de ce type drsquoespace et agrave son eacutevolution sur le plan urbain et social

en raison des tendances agrave la seacutegreacutegation sociale de la part des pouvoirs institutionnels vis-agrave-

vis des groupes sociaux les moins qualifieacutes et en difficulteacutes sociales Les pratiques sociales

dans les espaces communaux et les pratiques spatiales de leurs populations prennent des

formes des directions et des modaliteacutes soumises agrave des degreacutes divers aux dynamiques sociales

preacutedominantes dans les espaces de grand ensemble

112

Ce constat renvoie au thegraveme des relations drsquoinfluence reacuteciproque entre la socieacuteteacute et son

espace si lrsquoespace du social relegraveve drsquoune production sociale suivant le preacutecepte de Lefebvre

(1974) alors il produit lui aussi en retour des effets structuraux sur les dynamiques sociales

qui srsquoinscrivent principalement dans cet espace Ce qui revient agrave reconnaicirctre tant lrsquoinfluence

des configurations mateacuterielles des villes sur leur vitaliteacute sociale ie sur la nature et lrsquointensiteacute

des eacutechanges et des rapports sociaux qursquoelles induisent (Jacobs 1961 Remy 1998 Voyeacute

2002) que le ressort des modaliteacutes de production sociale de ces configurations en termes de

pratiques drsquoobjectifs afficheacutes implicites ou impenseacutes de moyens mis en œuvre drsquoacteurs en

preacutesence et de leur relation Dans ce cas si les grands ensembles constituent un type

drsquoespace social qui geacutenegravere dans son environnement le mecircme type drsquoeffets de deacutegradation

socio-spatiale crsquoest certainement en raison des deacuteterminations socio-institutionnelles de leur

production ie de la politique drsquourbanisme de leur mise en œuvre et les politiques urbaines et

sociales actuelles qui les maintiennent et les reacutenovent

Et si Alain Bourdin et Marie-Pierre Lefeuvre (2002) ont pointeacute le caractegravere laquo eacutedifiant raquo des

grands ensembles ie leur grande taille et correacutelativement leur poids deacutemographique

preacutedominant dans les espaces sociaux locaux leur relation avec le deacuteclin social urbain est

alors coheacuterente avec la conception moderne des espaces urbains en termes de continuum

complexes de situations reacutesidentielles ouvertes et imbriqueacutees malgreacute des ruptures

morphologiques certaines par endroit Les donneacutees empiriques recueillies dans le cadre de

notre thegravese montrent tout un ensemble de relations de continuiteacute et de proximiteacute

qursquoentretiennent ces espaces avec leur environnement partage de lieux drsquousage communs

mobiliteacute spatiale et pratiques sociales quotidiennes croiseacutees et partageacutees des habitants de

diverses parties de la commune pheacutenomegravenes meacutediatiques et repreacutesentations sociales

englobant les espaces action et discours politiques chroniques sur lrsquoespace local son

identiteacute ses problegravemes et les projets qui le concernehellip Les territoires avoisinants (centres-

villes ou autres quartiers peacuteripheacuteriques) partagent de pregraves ou de loin le destin des habitants

des quartiers ghettos (Duprez Hedli 1992) indeacutependamment mecircme de la similitude des

caracteacuteristiques sociales et urbaines entre eux et des eacutevolutions eacuteconomiques et politiques

effectives des territoires

La partie suivante lrsquoeacutetude monographique concernant la ville des Ulis dans lrsquoEssonne au sud

de la reacutegion parisienne constitue le premier volet de lrsquoanalyse empirique de la thegravese le

second volet se composant de lrsquoeacutetude comparative reacutealiseacute avec les six villes-communes de

113

grand(s) ensemble(s)39 situeacutees en France et citeacutees plus haut (troisiegraveme partie) Dans les deux

cas les analyses font ressortir agrave quel point les diverses politiques drsquointeacutegration locales et

supra-locales ne conjurent pas les pheacutenomegravenes de deacuteclin qui srsquoy deacuteveloppe sous une forme

ou sous une autre Crsquoest en ce sens que le type drsquohabitat en grand ensemble apparaicirct comme

une variable socio-spatiale incontournable de la probleacutematique des crises urbaines

drsquointeacutegration Elle reacutevegravele le rapport seacutegreacutegatif que la socieacuteteacute des classes moyennes et

supeacuterieures entretient avec les grands ensembles et par-delagrave avec les cateacutegories ouvriegraveres les

moins qualifieacutees

39 Lrsquoexpression laquo grand ensemble raquo est au singulier lorsque lrsquoensemble immobilier concerneacute a eacuteteacute construit selon un mecircme plan-masse Il est cependant le plus souvent utiliseacute au pluriel mecircme lorsque lrsquourbanisation provient drsquoune seule programmation quand lrsquoensemble preacutesente un tregraves large parc avec diffeacuterentes sous-parties distinctes

114

Premiegravere partie

Les Ulis au tournant des anneacutees 2000 les signes du deacuteclin

social au sein drsquoun espace de classes moyennes

Les Ulis est une ville de taille laquo petite-moyenne raquo (25 000 habitants) du sud-ouest de la reacutegion

parisienne qui preacutesentait encore agrave la fin des anneacutees 1990 un profil statistique de commune de

laquo classes moyennes techniciennes raquo selon une qualification de chercheuses de lrsquoINSEE

(Martin-Houssard Tabard 2003) Que recouvre cette deacutenomination assez large alors que par

ailleurs la ville supporte une mauvaise reacuteputation dans son environnement reacutegional lieacutee agrave des

pheacutenomegravenes de deacutevalorisation spatiale de paupeacuterisation drsquoune partie de sa population de

tension et de deacutegradation des relations sociales locales40

Plusieurs pheacutenomegravenes semblent contribuer agrave un processus lieacute au laquo malaise social urbain raquo

(Chaline 1996) Des donneacutees sur lrsquoeacutetat et lrsquoeacutevolution passeacutee des structures sociales et

deacutemographiques de la ville et sur les difficulteacutes eacuteconomiques et drsquointeacutegration de diverses

cateacutegories drsquohabitants sont rassembleacutees afin drsquoapprofondir lrsquoanalyse des pheacutenomegravenes de

preacutecariteacute de pauvreteacute et drsquoexclusion sociales Lrsquoessentiel des observations concerne le deacutebut

des anneacutees 2000 peacuteriode de conduite du dispositif de recueil des principales donneacutees

utiliseacutees lrsquoobservatoire local de la Ville Cette approche monographique et multifocale a

permis de donner forme agrave la notion de deacuteclin social urbain dont la tendance est confirmeacutee par

des donneacutees rapporteacutees de la fin de la deacutecennie 2000 Cette peacuteriode est drsquoailleurs davantage

eacutetudieacutee dans la troisiegraveme partie de la thegravese la comparaison de la ville avec les situations des

six communes de grands ensembles eacutechantillonneacutees Les deux chapitres de cette partie

abordent drsquoune part une description geacuteneacuterale de lrsquohistoire de la ville et de son eacutetat social

vingt-cinq ans apregraves sa creacuteation officielle et drsquoautre part les pheacutenomegravenes particuliers qui

signent le processus de deacuteclin qursquoelle subit

Ci-apregraves photo aeacuterienne (non dateacutee) du grand ensemble des Ulis (Viala Beugras 1993) certainement fin des anneacutees 1970 deacutebut des anneacutees 1980 (construction et ameacutenagement acheveacutes)

40 Agrave titre drsquoillustration reacutecente lors des grandes manifestations nationales drsquoopposition au projet sur les retraites de lrsquoautomne 2010 les Ulis offre le spectacle drsquoeacutemeutes dont le nombre de jeunes participants est le plus eacuteleveacute de tout le deacutepartement (cf laquo Des casseurs dans les manifestations raquo Le Reacutepublicain de lrsquoEssonne en ligne 21102010) le mardi 19 octobre au matin devant le lyceacutee de la ville lrsquoEssouriau 200 laquo casseurs raquo non lyceacuteens selon des teacutemoins caillassent et incendient un bus de voyageurs et envoient un cocktail Molotov laquo agrave deux pas de la maire de la commune (PS) Maud Olivier raquo (elle nrsquoa pas eacuteteacute blesseacutee)

115

116

117

Chapitre III

Les Ulis du grand ensemble pour une laquo ville nouvelle raquo au peuplement en difficulteacutes

Ce chapitre preacutesente plusieurs eacuteleacutements caracteacuteristiques de la situation de la commune

constituant le premier terrain de la recherche celui qui a eacuteteacute le plus approfondi Il srsquoagit en

premier lieu de reconstituer le contexte du site avec sa localisation et lrsquohistoire de sa

construction de son peuplement et de son organisation Un point est particuliegraverement abordeacute

au sujet de son eacutevolution deacutemographique et sociale un pheacutenomegravene de deacutecroissance que lrsquoon

retrouvera dans la quasi-totaliteacute des autres sites de grands ensembles eacutetudieacutes (cf chapitre VI)

Associeacutes au constat drsquoune situation eacuteconomique et sociale laquo sous-moyenne raquo par rapport agrave

son environnement urbain et territorial ces eacuteleacutements sont les premiers agrave susciter une reacuteflexion

sur le sens et la forme de lrsquoeacutevolution sociale de ce type de ville fonctionnaliste en milieu rural

ou peacuteriurbaine cette eacutevolution est plus loin qualifieacutee de deacuteclin social urbain agrave lrsquoissue drsquoune

analyse plus approfondie et eacutetendue agrave la fois (cf chapitre VIII)

Le recueil de ces premiegraveres donneacutees et leur premiegravere exploitation ont eacuteteacute produits dans un

cadre institutionnel un observatoire social communal La conduite de ce dispositif pour un

usage scientifique profitable a eacuteteacute rapidement traiteacutee dans la probleacutematique mais il reste agrave

preacuteciser certains aspects techniques et eacutepisteacutemologiques traitant de sa validiteacute scientifique Ce

point est preacutesenteacute apregraves avoir caracteacuteriseacute lrsquoespace de la ville des Ulis drsquoun point de vue

geacuteneacuteral

A- Preacutesentation geacuteneacuterale de la commune

La commune des Ulis situeacutee agrave vingt-trois kilomegravetres au sud-ouest de Paris Notre-Dame

comprend 24 590 habitants en 2008 (enquecirctes annuelles de recensement INSEE) Cette

population municipale41 est leacutegegraverement croissante depuis lrsquoanneacutee preacuteceacutedente (24 528

habitants au recensement de 2007) mais a surtout baisseacute de 46 depuis le recensement

geacuteneacuteral de la population de 1999 (25 781 habitants) Agrave lrsquoorigine de la commune se trouve la

41 La population municipale pour les analyses comprend les habitants des reacutesidences principales les sans-abri et les personnes en habitation mobile et les personnes des communauteacutes (de locaux drsquohabitation drsquoun mecircme gestionnaire (foyer maison de retraitehellip) dont les eacutetudiants en internat dans la commune les eacutetudiants mineurs en internat hors commune mais de reacutesidence familiale dans la commune et les deacutetenus drsquoeacutetablissement compteacutes avant 1999 dans la population compteacutee agrave part) Pour faire la population totale il faut rajouter la population compteacutee agrave part qui comprend les reacutesidants de maniegravere non habituelle dans la commune (eacutetudiants personnes drsquoune communauteacute drsquoune autre commune personnes SDF rattacheacutees agrave la commune mais non recenseacutees dans celle-ci)

118

Zone agrave urbaniser en prioriteacute (ZUP) de Bures-Orsay du nom des deux communes de la

valleacutee de lrsquoYvette dans la corne nord-ouest de lrsquoEssonne creacuteeacutee en 1960 et reacutealiseacutee agrave partir de

196642

Afin de reacutepondre aux besoins en logement de la reacutegion capitale dans les anneacutees 1960 et

notamment de canaliser lrsquourbanisation plus ou moins organiseacutee de la Valleacutee de Chevreuse

lrsquoEacutetat chercha degraves 1955 agrave creacuteer un territoire nouveau dans cet espace constitueacute drsquoun large

plateau agricole En 1956 les deux communes Bures-sur-Yvette et Orsay avec drsquoautres

communes voisines furent ameneacutees agrave prendre un certain nombre drsquooption dans le cadre du

projet drsquoameacutenagement de la Reacutegion parisienne (Plan drsquourbanisme intercommunal PDUI ndeg

17) Alors que les eacutelus locaux souhaitaient davantage un mode lent et progressif

drsquourbanisation dans le prolongement des fonctions reacutesidentielles et touristiques des deux

communes des projets drsquoinstallation dans le secteur drsquoOrsay de lrsquoannexe de la faculteacute des

Sciences de Paris de grandes eacutecoles parisiennes et drsquoorganismes de recherche vinrent

modifier cette orientation

La preacutesence depuis 1952 du Centre drsquoeacutetudes nucleacuteaires agrave Saclay petite commune (bourg) agrave

quelques kilomegravetres au nord-ouest des deux communes explique ces choix Celle-ci eacutetait

42 Parmi drsquoautres sources institutionnelles recueillies plusieurs eacuteleacutements de preacutesentation concernant les Ulis sont extraits de trois documents CREPA (1991) Viala Beugras (1993) et Acadie (1999)

119

consideacutereacutee comme un pocircle en deacuteveloppement par le Plan drsquoAmeacutenagement et drsquoOrganisation

Geacuteneacuterale de la Reacutegion parisienne (PADOG) de 1960 plan reacutedigeacute par le Service

drsquoAmeacutenagement de la Reacutegion parisienne (SARP) du district de la Reacutegion parisienne (ex-

conseil reacutegional) Crsquoest dans ce type de localisation non loin de Paris et agrave proximiteacute de

grands domaines agricoles que des grands ensembles dont celui de Bures-Orsay43 ont eacuteteacute

preacutevus comme des laquo noyaux urbains secondaires raquo pour laquo colmater les derniers vides de

lagglomeacuteration raquo entre drsquoune part Paris et drsquoautre part les noyaux urbains anciens agrave

reacutenover de la banlieue ainsi que les quatre noyaux urbains nouveaux creacuteeacutes pour la densifier

(La Deacutefense-Montesson agrave lOuest Veacutelizy-Villacoublay au Sud Le Bourget-Sarcelles au

Nord-est et agrave lEst un espace impreacutecis entre lrsquoautoroute et Creacuteteil) (Cottour 2008)

Entre 1959 et 1960 les filiales de la Caisse des Deacutepocircts et Consignations en charge de

lrsquoeacutedification drsquoun grand ensemble et le commissaire agrave la construction encouragegraverent les

municipaliteacutes de Bures et drsquoOrsay agrave creacuteer une ZUP Elle fut geacutereacutee par une socieacuteteacute

drsquoeacuteconomie mixte creacutee en 1962 la SAMBO (Socieacuteteacute drsquoameacutenagement Bures-Orsay) en

charge de lrsquoacquisition des terrains de lrsquoassainissement de la viabilisation et de la preacutevision

des eacutequipements Le conseil drsquoadministration de cette socieacuteteacute comprenait les deux

collectiviteacutes locales et les organismes publics et priveacutes en charge de lrsquourbanisation

En 1964 un district urbain le DUBO (District urbain Bures-Orsay) structure politique

locale composeacutee de membres des conseils municipaux des deux communes a eacuteteacute creacuteeacute pour

la validation lrsquoorientation et le controcircle des travaux de la socieacuteteacute drsquoeacuteconomie mixte Par

ailleurs trois architectes associeacutes aux architectes de chaque commune furent engageacutes dans la

construction des Ulis Robert Camelot architecte de la Socieacuteteacute immobiliegravere de la Caisse des

Deacutepocircts (SCIC) ayant conccedilu lrsquoameacutenagement de La Deacutefense Franccedilois Prieur ayant eacutelaboreacute le

plan drsquourbanisme de la Valleacutee de Chevreuse et un peu plus tard Georges-Henri Pingusson

pour un ensemble reacutesidentiel HLM

Tout en srsquoinspirant des principes de lrsquourbanisme moderne de seacuteparation des rues et des voies

pieacutetonnes de deacuteveloppement des espaces verts ils avaient un projet plus laquo humain raquo drsquoune

part creacuteer des voies publiques multi-usages privileacutegiant neacuteanmoins les pieacutetons et drsquoautre

part des groupes de bacirctiments de hauteur modeacutereacutee bien que rehausseacutes sur dalles mais aussi

plus individualiseacutes Viala et Beugras (1993) rapportent mecircme que face au paralleacutelisme et au

43 Les autres grands ensembles preacutevus du PADOG sont Massy-Antony Creacuteteil Alfortville-Maisons-Alfort Vitry Stains-Saint-Denis-Pierrefitte Argenteuil Fontenay-sous-Bois Aulnay-Sevran Tremblay-legraves-Gonesse Sarcelles-Garges-legraves-Gonesse Eacutepinay-sur-Seine et La Courneuve

120

monolithisme des laquo caisses agrave savon raquo qui tendaient agrave ecirctre construits un peu partout Franccedilois

Prieur visait des laquo rues tregraves animeacutees avec des commerces indispensables agrave cette animation raquo

Il est eacutetonnant alors de constater que crsquoest la Socieacuteteacute Centrale drsquoEacutequipement du Territoire

(SCET) filiale technique de la Caisse des deacutepocircts qui reacuteussicirct aupregraves des acteurs techniques

(socieacuteteacute drsquoeacuteconomie mixte) et politique (district urbain et ministegravere de la construction) agrave faire

preacutevaloir son avis de reacutealiser des petits centres commerciaux de quartier

De mecircme le projet de grand axe drsquoanimation nord-sud au long duquel eacutetaient preacutevus

commerces artisanats et eacutequipements a eacuteteacute dissipeacute drsquoune part par la creacuteation au sud de la

ville drsquoun centre commercial Ulis II seacutepareacute des rues et du centre politico-administratif en

raison de lrsquoobtention de creacutedits en fin de chantier pour viabiliser et promouvoir les quartiers

sud de la ville et drsquoautre part par lrsquoabandon du projet de teacuteleacutepheacuterique joignant les gares de

Bures et drsquoOrsay au plateau des Ulis et au pied duquel une grande place eacutetait preacutevue avec un

cafeacute une dalle une reacutesidence universitaire un bacirctiment de la seacutecuriteacute sociale Par ailleurs en

fin de chantier certains programmes de reacutesidences ont pu ecirctre plus densifieacutes et eacutequipeacutes

renforccedilant la disseacutemination des eacutequipements et des activiteacutes de la ville en creacuteant des petits

centres commerciaux par quartier

Dans ce sens une autre seacuteparation de fonction eacutetait programmeacutee degraves la conception du projet

la grande zone drsquoactiviteacutes Courtabœuf agrave lrsquoest de la commune de surface similaire agrave la zone

drsquohabitation agrave lrsquoouest de la commune eacutetait coupeacutee de celle-ci par un vaste espace

pavillonnaire dont une grande partie est sur le territoire de la commune voisine Orsay Cette

configuration forme un territoire en laquo U raquo avec entre les deux extreacutemiteacutes une distance

geacuteographique et un obstacle morphologique entre le grand ensemble et la zone drsquoactiviteacutes

Celle-ci qui recouvre aussi certains territoires de communes voisines nrsquoa drsquoailleurs eacuteteacute

conccedilue qursquoapregraves les eacutetudes preacutealables de lrsquoameacutenagement et de lrsquourbanisation de la ville entre

1962 et 1965

Au final la partie habitat de la ville se retrouve pour ses reacutesidents caracteacuteriseacutee

principalement par une mono-fonctionnaliteacute reacutesidentielle dominante Un maire M

Hugonnet de la commune voisine Limours deacuteclare qursquoil a alors rapidement perccedilue cette

ville nouvelle comme laquo deacutecentreacutee deacutesaxeacutee raquo (Viala Beugras 1993) Avec lrsquoobstination des

architectes agrave vouloir seacuteparer les rues des voies pieacutetonnes notamment dans la partie centrale

de la ville celle-ci apparue comme laquo une plateforme raquo pour y vivre quelques temps heureux

du point de vue dominant sur la nature environnante qursquooffre lrsquooccupation des plus hauts

121

appartements des tours les plus grandes (dix-sept eacutetages pour certaines alors qursquoil eacutetait

programmeacute un maximum de quinze agrave seize)

Cependant lrsquooriginaliteacute du panorama a pu rapidement ceacutedeacute agrave la laquo lassitude raquo selon ce maire

sentiment autrement exprimeacute en termes drsquoennui en raison de lrsquoabsence drsquourbaniteacute agrave

proximiteacute Situation qui avec les autres deacutesagreacutements pratiques de stationnement et de

circulation imposeacutes par la seacuteparation des rues et des voies pieacutetonnes contribue au deacutesir de

quitter la ville

Ainsi depuis sa creacuteation administrative en 1977 la municipaliteacute des Ulis cultive certes un

centre-ville composeacute drsquoune mairie devant laquelle la plateforme constituant une esplanade

pieacutetonniegravere de jonction de toutes les dalles et passerelles issues des reacutesidences les plus

proches accueille non seulement quelques services et commerces (une poste un

supermarcheacute et des cafeacutes etou restaurants) mais aussi des eacutequipements culturels meacutelangeacutes agrave

quelques services administratifs un foyer socio-eacuteducatif avec vocation audiovisuelle

devenue salle de cineacutema Art et essai de 227 places occupeacute aussi par le service culturel de la

Ville ainsi qursquoune salle des fecirctes et de spectacle de 800 places et un service drsquoinformations

et de gestion des associations de la ville

La mairie se situe au sud de cet espace sur dalle en prolongement de celle-ci par une

passerelle en beacuteton asse large qui enjambe une route et aboutie sur une esplanade au fond de

laquelle se cocirctoie la mairie et la meacutediathegraveque de mecircme forme cubique et de taille agrave peu pregraves

similaire (au-dessous de cette esplanade se situe le parking couvert du centre-ville) De

lrsquoexteacuterieur sur les routes adjacentes agrave la dalle ce centre-ville percheacute qui devait en partie

servir aux visiteurs des communes reacutesidentielles voisines (au moins des deux communes-

megraveres Orsay et Gif-sur-Yvette) est peu ouvert lisible et mecircme accessible Il nrsquoa pas su creacuteer

un espace drsquointeacutegration locale par des activiteacutes suffisamment denses et varieacutees pour y attirer

la majoriteacute des cateacutegories sociales de lrsquoespace urbain intercommunal local leur permettant drsquoy

eacutechanger dans la convivialiteacute (Deacuteleacutegation interministeacuterielle agrave la Ville Ville des Ulis

2002)44 peu feacutedeacuterateur et peu animeacute il attire surtout les jours de marcheacute qui a lieu justement

au niveau de la route adosseacute au mur portant la dalle

Agrave cette conception urbaine deacutefectueuse sur le plan fonctionnel et meacutediocre sur le plan

estheacutetique srsquoajoute un manque drsquoattractiviteacute de ces commerces Le vieillissement du bacircti a eacuteteacute

44 Cette convention a eacuteteacute inteacutegreacutee au contrat de ville 2000-2006 de la ville et a eacuteteacute remplaceacutee par le projet de reacutenovation urbaine de la peacuteriode 2006-2014

122

en outre rapide et mal compenseacute en raison notamment de la situation fonciegravere et juridique

complexe qui rend difficile toute intervention Enfin un dernier aspect de planification

urbaine a contribueacute agrave la faiblesse de la centraliteacute ulissienne la concurrence du centre reacutegional

Ulis 2 (complexe de galeries commerciales et drsquohypermarcheacute) situeacute pourtant agrave moins drsquoun

kilomegravetre au sud de ce centre-ville mais seacutepareacute par un parc urbain qui les dissocie

immanquablement

Dans lrsquoensemble la morphologie urbaine laquo fonctionnaliste raquo de la ville composeacutee drsquoune

part de blocs et de tours regroupeacutes avec des espaces souvent naturels entre les icirclots de

bacirctiments et drsquoautre part de fonctions urbaines en grande partie seacutepareacutees contraste avec les

communes voisines plus anciennes rurales et pavillonnaires La ville apparaicirct donc

relativement atomiseacutee son organisation spatiale est constitueacutee de citeacutes-reacutesidences

juxtaposeacutees cloisonneacutees et tourneacutees sur elles-mecircmes geacuteneacuterant des handicaps de

fonctionnement urbain et social les voies et les espaces sont confus les entiteacutes sociales de

reacutesidence sont peu animeacutees Cette configuration apparaicirct dans un cadre urbain dense par

rapport agrave lenvironnement la ville constitue agrave la fin des anneacutees 1990 la cinquiegraveme densiteacute

deacutemographique du deacutepartement lhabitat collectif y est quasi-exclusif avec 910egraveme du parc

de logements tendance toujours favoriseacutee dans les projets de renouvellement et de

reacutenovation urbaine de la municipaliteacute dans les anneacutees 2000

En fait une vocation dominante drsquohabitat social homogegravene semble aussi simposer dans

lrsquoimage mecircme de la ville en 1990 4 758 logements soit 49 de lensemble du parc de

logements sont des logements HLM en 1999 ils repreacutesentent 522 en 2007 lrsquoINSEE

en indique 471 Lessentiel des reacutesidences HLM (91 ) a eacuteteacute construit entre 1968 et 1974

Leur reacutepartition spatiale est concentreacutee autour du centre de la ville cocircteacute zone drsquohabitation de

la commune le grand secteur Ouest de ce territoire comporte en 1999 pregraves de 70 du

logement social (3 123 logements sur 4 519 logements sociaux des principales reacutesidences

occupeacutees avant travaux de renouvellement urbain deacutebuteacutes en 2002) et le secteur EstNord-

est pregraves dun quart (1 142 logements sur 4 519)

Le tableau suivant donne un aperccedilu de cette reacutepartition deacuteseacutequilibreacutee de logements sociaux

dans la ville sur ses deux secteurs principaux Il rapporte la structure de reacutepartition datant de

1999 compleacuteteacutee du nombre de logements deacutemolis (282) dans le cadre de la reacutenovation

urbaine depuis 2007 (le volet construction est en cours sans logements livreacutes encore) Ce

faible volume de deacutemolition fait que sans compter les eacutevolutions de logements vacants et de

construction de petites uniteacutes de logements depuis 1999 la structure actuelle du parc de

123

logements nrsquoest globalement pas modifieacutee 67 de logements sociaux dans le secteur Ouest

(2 841 logements) et 27 dans le secteur EstNord-est (1 142)

Tableau 1- Reacutepartition sectorielle des principales reacutesidences de logements sociaux aux Ulis ndash Base RGP 1999 compleacuteteacutee des logements deacutemolis de la reacutenovation urbaine 2007-

2010

Principales reacutesidences et nombre de logements sociaux par secteurs de la ville (Total= 4 519 en 1999 ndash 282 lgts deacutemolis = 4 237 lgts)

Bailleurs

Grand Ouest 3 123 ndash 282 = 2 841 lgts

EstNord-est 1 142 lgts

Sud Sud-ouest 21 lgts

Sud-est 122 lgts

Centre 111 lgts

OPIEVOY Chanteraine (366)

Toit et Joie Barceleau (583)

Logis-Transports

Chataigneraie (193)

3 F Htes Bergegraveres

(597) Pendant de

Villeziers (86)

Bosquet (621)

Dauniegravere (524-75 = 444)

SCIC Fraisiers (70) Vaucouleur (21)

Amonts (538-104 = 434)

Avelines (443)

LOGIREP Htes Plaines

(400-102 = 298)

EFIDIS Arlequin (36)

OPAC Mt-Ventoux (111)

Sources RGP 1999 ndashService Habitat de la Ville des Ulis ndash Site internet consulteacutee en aoucirct 2010 et en aoucirct 2011

Par ailleurs sur le plan de lrsquoenvironnement territorial celui-ci est marqueacute par le caractegravere

technologique et tertiaire de pointe de deux pocircles drsquoactiviteacute proches qui se confirment

jusqursquoagrave nos jours le technopocircle du plateau de Saclay regroupant des eacutetablissements

drsquoenseignement supeacuterieur et de recherche scientifique et inteacutegreacute plus largement agrave un

124

ensemble de zones drsquoactiviteacutes industrielles et tertiaires de pointe agrave laquelle participe la zone

drsquoactiviteacutes de Courtabœuf des Ulis45 et le pocircle tertiaire de Massy avec des industries de

pointe et un reacuteseau de transport tregraves efficace et ancreacute sur les connexions nationales et

internationales avec les lignes B et C du Reacuteseau express reacutegional (RER) et une ligne du

Train agrave Grande Vitesse (TGV) agrave proximiteacute et en lien avec lrsquoaeacuteroport drsquoOrly En 1999 ces

infrastructures de transport servent en ce qui concerne les deacuteplacements domicile-travail au

pregraves des deux-tiers des actifs ulissiens (635 ) qui travaillent en tregraves grande majoriteacute agrave Paris

ou dans les autres deacutepartements de lagglomeacuteration hors Essonne (5 travaillent dans

lEssonne) le tiers restant travaille dans ladministration sur la ville ou dans la zone

dactiviteacutes de Courtabœuf

La ville appartient au bassin drsquohabitat Massy-Les Ulis cateacutegorie spatiale eacutevolutive non

deacutemographique mais lieacutee agrave la politique de lutte contre lrsquoexclusion sociale et urbaine deacutefinie

par les preacutefectures et les directions de lrsquoEacutequipement pour programmer les aides de lrsquoEacutetat en

matiegravere de logement46 En 2006 elle est composeacutee de 24 communes Ballainvilliers

Biegravevres Bures-sur-Yvette Champlan Chilly-Mazarin Eacutepinay-sur-Orge Gif-sur-Yvette

Gometz-le-Chacirctel Igny Les Ulis Longjumeau Massy Morangis Orsay Palaiseau Saclay

Saint-Aubin Saulx-les Charteux Vauhallan Verriegraveres-le-Buisson Villebon-sur-Yvette

Villejust Villiers-le-Bacirccle Wissous

En mars 2009 la ville a reccedilu lrsquoapprobation de sa demande drsquoadheacutesion agrave la Communauteacute

drsquoagglomeacuteration du Plateau de Saclay (CLAPS) regroupant dix communes (96 800

habitants) du nord-ouest du deacutepartement autour de Saclay Bures-sur-Yvette Gif-sur-Yvette

Gometz-le-Chacirctel Igny Orsay Palaiseau Saclay Saint-Aubin Vauhallan Villiers-le-Bacirccle

Enfin Les Ulis appartient au plus peacuterimegravetre de lrsquoOpeacuteration drsquointeacuterecirct national (OIN) Massy-

Palaiseau-Saclay-Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines mise en place par le Comiteacute

interministeacuteriel drsquoameacutenagement et de compeacutetitiviteacute des territoires (CIACT) le 6 mars 2006

cette OIN regroupe 28 communes associeacutee agrave un projet plus vaste de regroupement de 49

communes (regroupant six EPCI dont la CLAPS agrave laquelle appartient Les Ulis) dans un

45 Les autres communes de cet espace comprenant plusieurs zones drsquoactiviteacutes de pointe sont Massy Palaiseau Chacirctenay-Malabry Veacutelizy Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines Trappes Villebon et Villejust 46 Cette cateacutegorie territoriale dans le champ politique est instaureacutee par la loi drsquoorientation relative agrave la lutte contre les exclusions du 29 juillet 1998 Elle sert donc agrave deacutesigner des territoires concerneacutes par lrsquoexclusion urbaine Elle est deacutelimiteacutee selon des critegraveres tenant compte des structures et de proceacutedures preacuteexistantes sur les territoires former un territoire de plusieurs communes contigueumls dont lrsquoune au moins compte plus de 5 000 habitants avec un parc de logements sociaux drsquoau moins 20 comporter une ou plusieurs ZUS ecirctre reacutealiseacute agrave la demande de la majoriteacute des maires du territoire des communes agglomeacutereacutees ougrave existent drsquoimportants deacuteseacutequilibre de peuplement

125

mecircme eacutetablissement public drsquoameacutenagement afin drsquoorienter le deacuteveloppement eacuteconomique

en relation avec les activiteacutes scientifiques de pointe du territoire

Du point de vue sociodeacutemographique en 1982 selon lrsquoINSEE (Bessy 1990) les Ulis fait

partie des espaces des classes techniciennes et qualifieacutees caracteacuteriseacutes par la surrepreacutesentation

des ingeacutenieurs et des techniciens des cadres administratifs supeacuterieurs des contremaicirctres des

ouvriers qualifieacutes des professeurs des personnels de services meacutedicaux et sociaux et des

employeacutes de bureau et de commerce Ce poids des cateacutegories supeacuterieures eacutetait lieacute aux

entreprises tertiaires et de haute technologie de lrsquoenvironnement (Plateau de Saclay Orsay

zone drsquoactiviteacutes de Courtabœuf) Mais au tournant des anneacutees 2000 ce profil social moyen-

supeacuterieur a eacutevolueacute dans le sens drsquoune laquo sous-moyennisation sociale raquo le caractegravere

laquo moyen et supeacuterieur raquo de sa structure sociale qui a accompagneacute sa creacuteation et son

deacuteveloppement comme dans le mouvement drsquoensemble de peacuteriurbanisation de lrsquoespace

parisien (Donzelot 2004 Jaillet 2004) sest atteacutenueacute En outre depuis une vingtaine

drsquoanneacutees le revenu moyen sur la commune tend agrave baisser notamment du fait dune

diminution quantitative tant absolue que relative des cateacutegories supeacuterieures une relative

paupeacuterisation sociale srsquoest mecircme engageacutee (cf infra)

Sur le plan socio-urbain lrsquoappropriation de la ville par ses premiers habitants arriveacutes en 1968

est loin drsquoavoir eacuteteacute limiteacutee ou marqueacutee par le manque drsquoinvestissement personnel et

collectif de ceux-ci La premiegravere Association des familles ulissiennes et de ses environs

(creacuteeacutee en 1968) issue des diverses deacutemarches drsquoenquecircte et de peacutetitions pour deacutevelopper les

premiers eacutequipements de la premiegravere reacutesidence fut rapidement suivie dans les anneacutees 1969-

1970 de la creacuteation drsquoun organe drsquoinvestissement plus important encore lrsquoOffice de gestion

des eacutequipements socio-eacuteducatifs (OGESE) Ce dernier servi drsquoabord de porte-parole des

habitants aupregraves du district (DUBO) pour lrsquoeacutelaboration des eacutequipements avant drsquoen prendre

la gestion de certains En parallegravele fut mis en place en 1971 les Chardons un club de

preacutevention non sans lien avec des problegravemes de deacutelinquance deacutejagrave manifeste des tensions

racistes et des incidents lors des premiegraveres fecirctes communales

LrsquoOGESE centra aussi ses premiegraveres actions en direction des enfants et des jeunes par dans

Une premiegravere Maison pour Tous fut par exemple creacutee en 1972 dans un quartier acheveacute De

leur cocircteacute les organismes constructeurs et bientocirct gestionnaires de logements sociaux creacuteegraverent

eacutegalement des services du mecircme type Maison de quartier avec un animateur suscitant la

creacuteation drsquoune association de locataire ouverture drsquoune antenne drsquoanimation ALFA

(Antenne pour le Logement Familial et lrsquoAnimation des grands ensembles) Sur lrsquoensemble

126

de la ville de 1970 agrave 1973 trois autres associations se sont deacuteveloppeacutees (lrsquoAssociation pour

le Temps Libre lrsquoUnion sportive de Bures-Orsay et le Mille-Club) et des groupes informels

divers se sont multiplieacutes en mecircme temps que des antennes locales de grandes associations

qui se sont installeacutees (associations caritatives et sportives)

Ce mouvement associatif continua de se deacutevelopper tout au long des anneacutees 1970 pour

reacutepondre aux besoins drsquoanimation drsquoactiviteacutes et de services sociaux multiples drsquoune

population atteignant plus de 20 000 habitants en sept ans (20 283 habitants au recensement

de 1975) La plupart des organismes promoteurs installegraverent des services sociaux et

facilitegraverent la creacuteation des associations de locataires des nouvelles reacutesidences qui se

peuplaient De ce mouvement apparurent des feacutedeacuterations drsquoassociations sociales et

culturelles Certains eacutelus du premier mandat (1977-1983) eacutetaient drsquoailleurs issus de ces

organisations Services municipaux et services associatifs eacutetaient pour le moins enchevecirctreacutes

tant le dynamisme associatif poussait au deacuteveloppement et agrave la structuration des services

municipaux

Cependant depuis les anneacutees 1980 un changement de composition sociale de la population

sa paupeacuterisation ainsi qursquoune fonction de releacutegation urbaine de son parc de logements dans la

reacutegion parisienne deviennent assez perceptibles Agrave titre dexemple le service Habitat de la

Ville des Ulis indique en 2003 une part importante de familles monoparentales ayant fait

une demande de logement et qui ont drsquoailleurs toutes eacuteteacute logeacutees selon le service47 22 des

959 demandeurs de logement en 2002 (cf infra) Cette proportion a deacutepasseacute les plus forts

niveaux des anneacutees 1997 1999 et 2000 (entre 19 et 20 ) malgreacute des baisses ponctuelles en

1998 et 2001 agrave 14

Il apparaicirct ainsi que la commune au titre de son appartenance agrave lrsquoenvironnement francilien

subit les aspects neacutegatif de la laquo globalisation tertiaire raquo (Preacuteteceille 1995-b) qui assigne une

fonction daccueil et de logement des plus pauvres de la meacutetropole aux espaces drsquohabitat

social deacutevaloriseacutes comme aux quartiers et aux immeubles anciens deacutegradeacutes des centres villes

Ces espaces se polarisent avec des cateacutegories sociales encore plus pauvres tandis que les

espaces les plus riches se polarisent en sens inverse en voyant notamment une grande partie

de leurs anciens et nouveaux habitants devenir encore plus riche Les caracteacuteristiques

anteacuterieures de la structure sociale se sont accentueacutees ainsi que les hieacuterarchies socio-urbaines

et les ineacutegaliteacutes de conditions drsquoexistence par conseacutequent la lisibiliteacute des effets de la

47 Service Habitat de la mairie des Ulis (2003) Bilan dactiviteacutes 2002 Mairie des Ulis

127

releacutegation dans les zones drsquohabitat social et les quartiers anciens deacutegradeacutes srsquoest accrue

(Madoreacute 2004) En ce sens lrsquoimage des Ulis agrave lrsquoinstar des autres quartiers de ce type surtout

en reacutegion parisienne se ternit

Cette eacutevolution apparaicirct agrave bien des eacutegards comme lrsquohistoire drsquoune anticipation mal appliqueacutee

En effet dans un environnement reacutegional plutocirct favoriseacute lrsquoenjeu de deacuteveloppement de la ville

des Ulis avait eacuteteacute avant mecircme sa creacuteation comme commune en 1977 drsquoeacuteviter la

laquo deacutequalification raquo par la dispariteacute socio-urbaine avec les communes voisines (CREPA

1991) Cependant les limitations de volume sur les bacirctis et les efforts drsquoameacutenagement

paysager nrsquoont pas reacuteussi agrave enrayer avec la crise eacuteconomique et sociale persistante les

manifestations croissantes de multiples laquo deacutesordre urbain raquo (Wacquant 1993) au sein de son

grand parc drsquohabitat avec les deux principaux secteurs drsquohabitation HLM de la ville qui sont

seacutepareacutes drsquoune courte distance par le petit centre-ville qui ne joue pas son rocircle fonctionnel Les

donneacutees recueillies et preacutesenteacutees infra montrent que des tensions sociales et civiles se sont

accumuleacutees avec lrsquoaugmentation du nombre de meacutenages pauvres preacutecaires ou en difficulteacutes

sociales le deacuteveloppement de la deacutelinquance de certains jeunes et les deacutegradations

continuelles de certaines parties du bacircti et de lespace public La mauvaise reacuteputation de la

ville srsquoest de ce fait parallegravelement deacuteveloppeacutee

Les villes voisines du deacutepartement ayant les mecircmes caracteacuteristiques sociales et urbaines

(classes moyennes techniciennes et intermeacutediaires de grandes industries et drsquoautres

cateacutegories moyennes salarieacutees du secteur public logeacutees dans des grands ensembles

drsquohabitation) ont preacutesenteacute une destineacutee semblable Par exemple Isa Adeghi et Nicole Tabard

(1990) avaient deacutejagrave constateacute dans une eacutetude concernant Corbeil-Essonnes que des populations

pauvres du deacutepartement sont concentreacutees dans certains de ces espaces urbains comme Eacutevry

Massy Grignyhellip produit par la politique de densification urbaine de la banlieue avec des

grands ensembles Ce type de communes urbaines du deacutepartement apregraves des anneacutees de crise

eacuteconomique et sociale de modifications des profils des meacutenages reacutesidents et de releacutegation

urbaine semblent se transformer en espaces de laquo classes moyennes et modestes raquo pour imiter

en partie la cateacutegorisation statistique de lrsquoINSEE que les actifs soient salarieacutes ou au chocircmage

Mecircme plus ils pourraient ecirctre baptiseacutes espaces de classes moyennes et modestes preacutecariseacutees

voire exclues pour reprendre cette fois-ci Franccedilois Dubet (1999) qui eacutevoque les laquo classes

moyennes proleacutetariseacutees raquo agrave propos des habitants des quartiers populaires

Cette tendance srsquoest confirmeacutee dans le temps ce qursquoa montreacute lrsquoeacutetude de lrsquoINSEE eacutevoqueacutee

dans la partie probleacutematique plus haut (Martin-Housard Tabard 2003) dans la quasi-totaliteacute

128

des espaces urbains la preacutesence de laquo quartiers de chocircmeurs raquo est nette sur le plan statistique

La cateacutegorie drsquoespace social de la ville des Ulis est concerneacutee par cette eacutevolution (Martin-

Houssard Tabard 2003) elle relegraveve de ces espaces de laquo classes moyennes techniques et de

commerce de gros raquo localiseacutes surtout en Icircle-de-France agrave 50 comme Les Ulis Massy

Savigny-sur-Orge Eacutevry Chelles ou Gagny ndash et dans beaucoup de banlieues des grandes

agglomeacuterations de province (agrave 22 )48 Les espaces de releacutegation des quartiers sociaux se

situent donc agrave proximiteacute des couches moyennes restantes dans ces espaces et issues du

premier mouvement de peacuteriurbanisation de lrsquoespace francilien pendant le dernier quart du

XXe siegravecle Elles peuvent drsquoailleurs elles aussi srsquoecirctre trouveacutees paupeacuteriseacutees si elles ont subies

des problegravemes drsquoemploi et des seacuteparations conjugales Ce qui a neacutecessairement infleacutechi la

dynamique de structuration socioculturelle de leur espace lieacutee agrave la peacuteriode drsquoavant la crise

eacuteconomique et sociale

Drsquoautres auteurs rapportent que se constituent des entiteacutes diversifieacutees dans les grands

ensembles de par la preacutesence de groupes de preacutecaires aux situations sociales et des

comportements culturels divers (Baudin Lefeuvre 2002) Ainsi et crsquoest ce qui apparaicirct le

plus important sur le plan urbain les processus de preacutecarisation et drsquoexclusion sociales de

releacutegation socio-urbaine suivi de lrsquoimmobilisation reacutesidentielle des plus pauvres observeacutes

depuis une vingtaine drsquoanneacutees dans plusieurs zones ou secteurs a abouti agrave des formations

sociales suffisamment stables pour ecirctre rendues visibles par les statistiques sociales

nationales

Aux Ulis donc theacuteoriquement ou plutocirct statistiquement comme dans drsquoautres communes

comprises dans cette cateacutegorie moyenne et supeacuterieure drsquoespaces socio-urbains trois types de

quartiers et de groupes sociaux peuvent coexister des cateacutegories supeacuterieures du tertiaire

(cadres et professions libeacuterales) des cateacutegories hautes moyennes et modestes des activiteacutes

techniques (ingeacutenieurs professions intermeacutediaires et employeacutes administratifs) et des

chocircmeurs nombreux des activiteacutes administratives et commerciales et de services aux

particuliers avec des personnels en activiteacute dans les domaines des services directs aux

particuliers (restauration-cafeacute services aux personnes)

48 Trois types drsquoespace diffeacuterents sont ainsi identifieacutes agrave lrsquointeacuterieur de cette grande cateacutegorie drsquoespace (agrave partir de 50 de cateacutegories sociales et professionnelles speacutecifiques) 1 les laquo espaces tertiaires raquo avec des professions libeacuterales et des cadres tertiaires et drsquoentreprise 2 les espaces drsquo laquo activiteacutes techniques raquo avec des ingeacutenieurs en chimie travaux publics des professions intermeacutediaires drsquoentreprises et 3 les espaces du laquo chocircmage tertiaire raquo regroupant des chocircmeurs intermeacutediaires et des employeacutes administratifs et commerciaux drsquoentreprise des personnels de services directs aux particuliers et enfin des actifs non chocircmeurs des services directs aux particuliers (cafeacutes-restaurants services aux personnes) Ces espaces de classes moyennes sont donc assez heacuteteacuterogegravenes

129

Cette description est donc fortement composite puisqursquoil reacuteside autant de pauvres que de

riches dans ces espaces et elle renseigne insuffisamment sur la speacutecificiteacute locale du profil

social de la commune par rapport agrave drsquoautres communes appartenant agrave cette mecircme cateacutegorie

drsquoespace socio-eacuteconomique Cependant de toute eacutevidence aux Ulis comme dans les

communes de ce type drsquoespace une correacutelation avec lrsquoaccroissement de la population pauvre

dans la population communale apparaicirct sans toutefois qursquoil soit question drsquoune concentration

spatiale exclusive de celle-ci

Dans ce sens depuis 1996 et cela soutient lrsquohypothegravese de la paupeacuterisation une ZUS a eacuteteacute

deacutefinie la Ville nrsquoeacutetant pas pauvre en raison des recettes lieacutees agrave sa zone drsquoactiviteacutes ce sont

bien les difficulteacutes sociales de la population qui sont ici concerneacutees par cette mesure

drsquoinscription dans la politique de la ville de lrsquoEacutetat Pour les repreacutesentants de lrsquoEacutetat selon les

documents diagnostiques et programmatiques du deacutebut des anneacutees 1990 cette eacutevolution avait

bien fait apparaitre lrsquoenjeu de gestion de ce grand parc social sous deux principaux aspects

1 au niveau interne agrave la commune drsquoabord avec le maintien de la coheacutesion malgreacute

lrsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute sociale croissante de la population et la deacutegradation des rapports sociaux

cette eacutevolution faisant suite aux difficulteacutes sociales des habitants et agrave lrsquoarriveacutee de populations

plus fragiles que les preacuteceacutedentes 2 au niveau supra-local ensuite avec le deacuteveloppement des

deacutemarches intercommunales pouvant œuvrer pour une reacutepartition reacutegionale plus eacutequilibreacutee

des diffeacuterentes fonctions urbaines notamment lhabitat social dans lrsquoespace agglomeacutereacute afin

de favoriser le deacuteveloppement inteacuterieur plus laquo eacutequilibreacutee raquo de la commune

Les eacuteleacutements concrets informant sur la deacutegradation des situations sociales des habitants et des

rapports sociaux dans la ville sont rapporteacutes et traiteacutes apregraves la deuxiegraveme section ci-dessous

consacreacutee agrave lrsquooutil de recueil et drsquoanalyse de ces eacuteleacutements

B- Lrsquoobservatoire local un dispositif strateacutegique de recueil de donneacutees multiples

Cette premiegravere eacutetude a eacuteteacute meneacutee agrave partir drsquoune pratique drsquoanalyse particuliegravere que constitue

la conduite drsquoun observatoire local de 2000 agrave 2004 aux Ulis dans le sud de la reacutegion

parisienne Lrsquoideacutee de creacuteation de ce dispositif eacutemanait du chargeacute de mission de coordination

du conseil communal de preacutevention de la deacutelinquance (assembleacutee de divers professionnels et

intervenants dans ce domaine chargeacutee de deacutefinir une politique commune) mission rattacheacutee

administrativement agrave la direction geacuteneacuterale de la Ville financeacutee par des creacutedits partageacutes entre

130

lrsquoEacutetat le Conseil geacuteneacuteral et la Ville Sur le plan professionnel cette deacutemarche originale plus

socialiseacutee que drsquoautres pratiques habituelles drsquoenquecircte requiert une adaptation des critegraveres de

scientificiteacute Dispositif-outil drsquoanalyse continue drsquoun territoire local par le biais de lrsquoeacutechange

et du partage drsquoinformations multiples et varieacutees entre diffeacuterents acteurs sa creacuteation est

motiveacutee en geacuteneacuteral par le sentiment drsquoinsuffisance et drsquoinadaptation des donneacutees disponibles

issues souvent de sources nationales Lrsquoorientation des travaux de ce dispositif axeacutee sur la

repreacutesentation de plusieurs dimensions de la preacutecariteacute sociale veacutecue par les habitants de la

ville est agrave la base de la conception du choix du thegraveme drsquoensemble de cette recherche les

formes contemporaines des ineacutegaliteacutes sociales et leurs manifestations socio-spatiales eacutetudieacutees

au niveau de villes-communes de grand ensemble drsquohabitat

La meacutethodologie est orienteacutee de maniegravere agrave srsquoappuyer sur lrsquoexpeacuterience et les repreacutesentations

des acteurs pour recueillir des informations les traiter et les interpreacuteter les probleacutematiques

drsquoinformation et de connaissance doivent ecirctre communes agrave une partie principale drsquoentre eux

les donneacutees sont reacutecolteacutes selon un meacutecanisme de demande-fourniture drsquoinformations aupregraves

des acteurs compeacutetents et croiseacutees agrave drsquoautres sources extra-locales et expertes les analyses

sont reacutealiseacutees en fonction des objectifs et des besoins de connaissances et les reacutesultats sont

preacutesenteacutes en reacuteunions theacutematiques agrave des fins de validation drsquoassimilation drsquointerpreacutetation et

de reacuteflexion pour leurs actions (avec le deacuteveloppement drsquointerrogations nouvelles pour

orienter de nouvelles demandes drsquoinformations)

Les observatoires ont une histoire qui consacre lrsquoengagement de travaux scientifiques sur des

territoires locaux en relation avec les preacuteoccupations de connaissance des acteurs concerneacutes

Rappelons en effet que les professionnels recruteacutes pour ce type de dispositif le sont moins en

raison drsquoune expertise ou drsquoune fonction drsquolaquo intellectuel organique raquo qursquoils pourraient tenir

mais plutocirct dans le but de participer scientifiquement aux deacutebats concernant des questions

locales (Soulet 1996) en laquo inscrivant des faits dans un cadre intelligible en vue de

transformer peu ou prou la reacutealiteacute sociale raquo (Castel 1996 p 53) Il srsquoagit ainsi de savoir

combiner validiteacute et efficience de la production et de la diffusion de connaissance au service

de politiques locales Une reacuteflexion drsquoordre historique et eacutepisteacutemologique centreacutee sur ce type

de deacutemarche scientifique proche de lrsquoaction politique mais aussi technique pour divers

professionnels de champs drsquointervention speacutecialiseacutes (eacuteconomie action sociale eacutecologie

habitat-logementhellip) a permis de formaliser les modaliteacutes de cette adaptation des principes

scientifiques (Chebroux 2007)

131

Sur le plan eacutepisteacutemologique cette deacutemarche suit une eacutethique scientifique pragmatique telle

que preacuteconiseacutee et analyseacutee par Castel et Soulet il y a plus de vingt-cinq ans (Castel Soulet

1985) Ils en distinguent cinq caracteacuteristiques 1 le deacuteplacement partiel du champ de

leacutegitimation scientifique en prenant en compte le point de vue des acteurs 2 lrsquoexistence

drsquoune demande sociale comme base de travail 3 une relative socialisation dans lrsquoexercice de

la recherche entraicircnant une diminution de la temporaliteacute du circuit drsquoinscription des

connaissances dans le social 4 la production de connaissances sur la base de la

confrontation de logiques sociales heacuteteacuterogegravenes 5 un deacutepassement du cloisonnement des

tacircches entre praticiens et professionnels des sciences sociales Un critegravere de validation sociale

neacutecessaire agrave la validiteacute des meacutethodes de recherche qualitative (Pailleacute 2004) peut srsquoappliquer

de deux maniegraveres drsquoune part la soumission systeacutematique des interpreacutetations au deacutebat et agrave la

reacutevision aupregraves des publics non scientifiques et drsquoautre part la recherche de convergence des

reacutesultats avec les perceptions sociales des faits Les connaissances ordinaires et savantes se

recouvrent ici partiellement et srsquoarticulent laquo par un processus continuel de reacutealimentation

reacuteciproque et drsquoamalgame raquo (Corcuff 1991 p 532)

La proximiteacute sociale assumeacutee avec les acteurs pour lrsquoobservation ne doit cependant pas

rompre avec la distance neacutecessaire pour garantir lrsquoindeacutependance du travail scientifique La

neutraliteacute axiologique dans lrsquoanalyse des donneacutees neacutecessite une certaine autonomie

fonctionnelle Aux Ulis la structure drsquoanimation de lrsquoobservatoire eacutetait composeacutee drsquoune part

du responsable de la mission de coordination de la preacutevention de la deacutelinquance qui en eacutetait

lrsquoinstigateur (directement rattacheacute agrave la direction geacuteneacuterale des services) et drsquoautre part du

sociologue recruteacute agrave cet effet Il nrsquoy avait aucune subordination agrave une quelconque mission

opeacuterationnelle particuliegravere qursquoil fallait accompagner Lrsquoautonomie fonctionnelle autorise de

ce fait plusieurs attitudes formelles agrave lrsquoeacutegard des acteurs drsquoun cocircteacute une indeacutependance par

rapport aux influences politiques et ideacuteologiques notamment de la hieacuterarchie institutionnelle

et de lrsquoautre cocircteacute le deacuteploiement drsquoune rigueur scientifique et technique mais aussi drsquoun

esprit drsquoouverture lieacute agrave une exteacuterioriteacute du regard sur le territoire

En revanche lrsquoexploitation des laquo donneacutees locales raquo sur le plan scientifique entraicircne une

collaboration explicite et structureacutee avec les acteurs du fait de la conscience de

lrsquointerdeacutependance et de la circulariteacute fortes des eacutechanges entre les logiques socio-

administratives de ceux-ci et les logiques drsquoanalyse scientifique (Corcuff 1991) Les objectifs

ou les deacutesirs communs de connaissances entraicircnent une sorte de pacte fondeacute sur des

perspectives de travail croiseacute qui conditionne la reacuteussite des collaborations par lrsquoobtention

132

drsquoune richesse drsquoinformations (Beaud 1996) La prise en compte de la diversiteacute des points de

vue eacutelegraveve de ce fait le niveau geacuteneacuteral de connaissance de maniegravere preacutecieuse (Castel 1996)

Cette collaboration dialectique entre acteurs et scientifiques est drsquoailleurs pour les premiers

une condition drsquoeacuteviter toute deacutemarche technocratique ideacuteologique et sans critique aussi

recommandeacutee par Lefebvre (1968 p 118-119) pour lrsquointervention dans des champs sociaux

complexes comme celui de la ville laquo Le mouvement dialectique se preacutesente ici comme un

rapport entre la science et la force politique comme un dialogue ce qui actualise les rapports

laquo lsquotheacuteorie-pratiquersquo et lsquopositiviteacute-neacutegativiteacute critiquersquo raquo La condition de ce dialogue

souhaitable est drsquoeacutetablir une orientation drsquoanalyse commune aux acteurs ouverte agrave leurs

preacuteoccupations cognitives en structurant les questionnements dans ces axes theacutematiques

En facilitant la circulation drsquoinformations heacuteteacuterogegravenes de maniegravere innovante (Mouton 2002)

en dehors des seuls aleacuteas deacutecisionnels lieacutes aux cycles politiques eacutelectoraux (Guillotreau

1998) cette activiteacute est reacutegulatrice voire meacutediatrice en creacuteant un support de relations

sociales et en favorisant lrsquoaccompagnement des acteurs dans leur reacuteflexion alors que les

tensions lieacutees agrave la concurrence et agrave la meacuteconnaissance mutuelle sont toujours vives (Boure

1989 Debordeaux 1996 Donzelot 1996 Nardin 1993) Seule une production collective

par eacutetapes valideacutees deacutemocratiquement et inteacutegrant les points de vue jusque dans les

interpreacutetations heacuteteacuterogegravenes des faits rapporteacutes et de leurs analyses (Mahey 2002) favorisent

la participation libre et peacuterenne des acteurs concerneacutes

Outre des capaciteacutes drsquoanalyse scientifique qui assurent la creacutedibiliteacute du seacuterieux de la

deacutemarche aupregraves des acteurs (reformulation et traduction des preacuteoccupations de savoir des

acteurs en objets plus) le fonctionnement drsquoun tel dispositif repose avant tout sur lrsquoanimation

du processus drsquoobservation collective par des proceacutedures participatives et interactives

constituant un systegraveme interactif de collaboration entre acteurs (Savoye 1996) reacuteunion de

travail eacutechange drsquoinformation discussions et deacutebats collectifs Lrsquoobjectif est de faciliter

lrsquoaccegraves ou de faire circuler lrsquoinformation rechercheacutee en disposant des donneacutees de gestion et en

recueillant et croisant les repreacutesentations des acteurs ce qui est souvent plus fructueux et

parfois plus preacutecis que le recueil aupregraves des personnes concerneacutees En effet en plus des coucircts

souvent reacutedhibitoires des deacutemarches drsquoenquecircte directe celles-ci preacutesentent de nombreux biais

et des deacuteconvenues dommageables (Plouchard 1999 Simonin 1993) en raison du deacutesir de

bien paraicirctre etou de lrsquoinstrumentalisation possible des enquecirctes par les enquecircteacutes (Ghiglione

Matalon 1999)

133

Plus globalement cette approche ne peut se comprendre sans connaicirctre le mouvement

historique drsquoinstitutionnalisation heacuteteacuterogegravene non coordonneacutee et plutocirct libeacuteral des

observatoires locaux Ils srsquoapparentent aux deacutemarches drsquoanalyse des problegravemes sociaux agrave des

fins drsquointervention sur eux enquecirctes deacutemographiques drsquoabord depuis la fin du XVIIIe siegravecle

puis depuis la fin du XIXe siegravecle extension aux questions relatives au laquo social raquo (Donzelot

1994 Martin 1992 Soulet 1996) Dans ces deacutemarches enquecirctes empiriques et questions

theacuteoriques sont articuleacutees agrave lrsquoaction politique et sociale que ce soit sous forme drsquoexpertise

sociale (eacuteclairage sans intervention) de theacuteorie instrumentale (prescription sans agir) ou

drsquoingeacutenierie sociale (analyse pour innover dans le champ social) (Savoye 1996)

Les statistiques sont venues renforcer le creacutedit de ces enquecirctes en se distinguant du

pragmatisme et des laquo agrave peu pregraves raquo du qualitatif (Desrosiegraveres 1993 Martin 1998-a)

Cependant lrsquoinstitutionnalisation lrsquoobservation quantitative au deacutebut du XXe siegravecle a eacutecorneacute

les approches dites laquo globales raquo qui integravegrent le social et lrsquoeacuteconomique en donnant suivant la

theacuteorie keyneacutesienne du deacuteveloppement la primauteacute aux politiques macro-eacuteconomiques Les

politiques sociales eacutetant alors conccedilues via quelques meacutecanismes de redistribution (systegravemes

de protection sociale et de fiscaliteacute) comme une conseacutequence laquo naturelle raquo de la croissance

eacuteconomique Cependant agrave la fin des anneacutees 1960 avec la complexification des socieacuteteacutes en

deacuteveloppement un retour agrave la prise en compte du social et du local srsquoest opeacutereacute en pleine

peacuteriode des Trente Glorieuses avec le laquo mouvement des indicateurs sociaux raquo (Andreacuteani

1979 Delors 1971)

Agrave lrsquoinstar de la planification eacuteconomique de lrsquoapregraves Seconde Guerre mondiale une

planification sociale est mise en œuvre pour divers problegravemes lieacutes peu ou prou au

deacuteveloppement eacuteconomique conditions de vie de certains meacutenages et de certaines cateacutegories

sociales (personnes acircgeacutees jeuneshellip) encombrement urbain exclusion eacuteconomique et

pauvreteacute inseacutecuriteacute pollutionhellip Cependant les outils drsquoanalyse les services et les

organismes drsquoeacutetudes et de recherche ont longtemps manqueacute drsquoutiliteacute directe pour les acteurs

(Boure 1989 Fouquet 1993) Lrsquoenjeu reacuteside dans la capaciteacute agrave pouvoir repreacutesenter une

laquo localiteacute raquo dans la diversiteacute de ses dimensions inteacuteressant des acteurs (vie sociale

eacuteconomique politique et culturellehellip) au deacutetriment drsquoune production perccedilue comme partielle

eacutelaboreacutee pour des politiques nationales agrave des fins de comparaison et drsquoagreacutegation de diffeacuterents

laquo territoires locaux raquo (Desrosiegraveres 1994) Lrsquohistoire de lrsquoeacutemergence des observatoires locaux

est donc lieacutee agrave lrsquohistoire des diffeacuterentes actions des institutions pour srsquoadapter agrave cette

neacutecessiteacute Deux principaux mouvements se sont dessineacutes drsquoun cocircteacute les initiatives multiples

134

et successives de lrsquoINSEE pour diffuser des informations adapteacutees aux acteurs reacutegionaux

sans en perdre pour autant la preacuterogative drsquoeacutelaboration de celles-ci et de lrsquoautre cocircteacute un

mouvement parallegravele diffus et non coordonneacute par la statistique publique de creacuteation

drsquoobservatoires de nature varieacutee et porteacutes par des acteurs locaux

Les premiegraveres deacutemarches srsquoinscrivent dans lrsquohistoire de la deacuteconcentration de lrsquoINSEE agrave

partir de la fin des anneacutees 1960 sous lrsquoimpulsion drsquoacteurs et drsquoorganismes divers inteacuteresseacutes

par le deacuteveloppement territorial et social (Martin 1998-b 1998-c 1998-d) Lrsquoideacutee

drsquolaquo observatoire raquo affleure au tournant des anneacutees 1960 dans les reacuteseaux politico-

administratifs et intellectuels deacutecentralisateurs (Bardet 1998) Avec la Deacuteleacutegation agrave

lrsquoAmeacutenagement du Territoire et agrave lrsquoAction Reacutegionale (DATAR)49 des Observatoires

eacuteconomiques reacutegionaux (OER) sont creacuteeacutes dans chaque laquo meacutetropole drsquoeacutequilibre raquo pour

organiser des rencontres avec les utilisateurs de lrsquoinformation sous administration drsquoun

Comiteacute reacutegional drsquoobservation composeacute de producteurs et drsquoutilisateurs drsquoinformation

Cependant le surcoucirct par rapport aux donneacutees nationales la mauvaise toleacuterance agrave lrsquoerreur

voire lrsquoimpossibiliteacute drsquoapplication drsquoune analyse macro-eacuteconomique au niveau local se sont

opposeacutes agrave cette expeacuterience avec drsquoautres freins exogegravenes tels le manque de projets communs

drsquoobservation aux acteurs locaux et les reacuteticences drsquointellectuels et de professionnels du

secteur social concernant lrsquoinformatisation des donneacutees individuelles ou geacuteographiques

(Willm 1989 Delaporte 1996) Au cours de la deacutecennie 1970 certains OER essaieront le

systegraveme des laquo correspondants locaux raquo (1976-1978) pour se rapprocher des besoins des

utilisateurs mais cela nrsquoa pas suffit agrave ameacuteliorer la creacutedibiliteacute et lrsquoadaptation de lrsquoinformation

des grands services de lrsquoEacutetat (Willm 1989) De mecircme les systegravemes locaux drsquoinformation

rassemblant des eacutequipes locales inter-administratives nrsquoarrivegraverent agrave produire lrsquoinformation

strateacutegique agrave partir drsquointeractions reacuteguliegraveres (Willm 1989 Simonin 1993) Et les eacutetudes

locales de lrsquoINSEE se limitaient encore agrave appliquer les cateacutegories du recensement et des

eacutetudes nationales aux espaces locaux (Willm 1989)

La deacutecentralisation entraicircna lrsquoINSEE dans une autre seacuterie drsquoexpeacuteriences de statistiques locales

et sociales agrave diffeacuterents niveaux administratifs sous lrsquoeffet de deux deacuteterminations de

49 Creacuteeacutee en 1963 la DATAR a eacuteteacute remplaceacutee le 1er janvier 2006 par la Deacuteleacutegation interministeacuterielle agrave lrsquoameacutenagement et agrave la compeacutetitiviteacute des territoires (DIACT) en inteacutegrant les fonctions de la Mission interministeacuterielle sur les mutations eacuteconomiques (MIME) En 2009 elle est redevenue la DATAR avec un changement de termes Deacuteleacutegation interministeacuterielle agrave lAmeacutenagement du Territoire et agrave lAttractiviteacute Reacutegionale en ajoutant aux missions preacuteceacutedentes celle de reacuteflexion prospective et strateacutegique sur les meacutetropoles

135

lrsquoobligation (loi du 7 janvier 1983) drsquoeacutetablissement des statistiques lieacutees agrave lrsquoexercice des

compeacutetences transfeacutereacutees (formation professionnelle et apprentissage urbanismehellip) et des

premiegraveres deacutemarches drsquoeacutevaluation impulseacutees par les corps drsquoinspection de lrsquoEacutetat La

dynamique drsquoadaptation de lrsquoINSEE se poursuit jusqursquoagrave nos jours notamment suite agrave la

deuxiegraveme eacutetape de la deacutecentralisation (2002-2004) accroissant la place de lrsquoinformation dans

les systegravemes drsquoaction publique

Agrave cocircteacute de lrsquoinstitut de statistiques publiques drsquoautres deacutemarches ont favoriseacute la mise en

œuvre de systegravemes drsquoinformation locale poursuivant des objectifs drsquoanalyse localement

eacutelaboreacutes Elles ont eacuteteacute encourageacutees par les premiegraveres lois de deacutecentralisation (Rouchet 1999)

et rendues possibles par les moyens techniques et financiers accrus des collectiviteacutes la baisse

du coucirct de lrsquoinformatique et de la bureautique la hausse de la puissance informatique de

traitement des donneacutees et la diffusion tregraves rapide de la maicirctrise de ses techniques Les

dispositifs sont nombreux heacuteteacuterogegravenes et instables dans le temps (Debordeaux 1996

Delaporte 1996) en raison du changement des situations sociales et des difficulteacutes

relationnelles entre partenaires locaux qui limitent les eacutevolutions drsquoanalyse aux seules limites

des compromis fragiles localement deacutetermineacutes (Donzelot 1996 Delaporte 1996)

Les activiteacutes meneacutees sont geacuteneacuteralement de trois types (Legros 1993) qui se combinent le plus

souvent lrsquoanimation interactive (forums seacuteminaires journeacutees drsquoeacutetudes rencontres-

deacutebathellip) la prescription drsquoeacutetudes et de recherches (programmes et seacutelection des

chercheurs ou consultants) et la collecte de donneacutees aupregraves des acteurs agrave des fins drsquoanalyse

et de diffusion de lrsquoinformation Lrsquooutillage meacutethodologique qui est mis en œuvre deacutepend du

choix des activiteacutes reacutealiseacutees Pour lrsquoobservatoire des Ulis ce sont essentiellement le recueil et

lrsquoanalyse de donneacutees ainsi que lrsquoanimation interactive qui ont eacuteteacute reacutealiseacutees la seconde

activiteacute servant davantage de moyen au service de la premiegravere mais pas seulement puisque la

dimension relationnelle et socialisante est deacuteterminante dans la reacuteussite de ce type de

deacutemarche

Apregraves mon recrutement sur dossier et proposition de modaliteacutes de conduite de lrsquoobservatoire

dans la collectiviteacute territoriale (orientation theacutematique technique et organisationnelle) le

travail a suivi deux principes Drsquoabord la deacutefinition drsquoun cadre conceptuel drsquoobservation ici

celui de la laquo preacutecariteacute-exclusion-pauvreteacute raquo50 selon plusieurs composantes theacutematiques afin

50 Cette orientation srsquoinspire des consideacuterations en cours dans les approches scientifiques et speacutecialiseacutees de ces pheacutenomegravenes (cf supra partie Probleacutematique) Pour le professionnel de la collectiviteacute agrave lrsquoinitiative de la creacuteation de lrsquoobservatoire cette orientation srsquoinscrit dans une conception large de la preacutevention la deacutelinquance la

136

de constituer une structure de recherche drsquoinformations susceptibles de fournir des indicateurs

dans chaque thegraveme difficulteacutes drsquoinsertion professionnelle (sans et sous-emploi) pauvreteacute

des meacutenages difficulteacutes de logement (accegraves jouissance maintien) difficulteacutes drsquointeacutegration

des immigreacutes inseacutecuriteacute civile et difficulteacutes diverses de la vie quotidienne (scolaires

alimentaires sanitaireshellip) cette large approche a eacuteteacute soumise agrave avis contribution deacutebat et

validation aux acteurs pour leur participation agrave lrsquoobservatoire

Le deuxiegraveme principe de travail a eacuteteacute la deacuteclinaison territoriale des indicateurs tant sur la

commune globalement quau niveau duniteacutes dobservation plus petites que sont les reacutesidences

(icirclots reacutesidentiels) ou secteurs dhabitation51 parfois des eacutechelles spatiales plus larges que la

commune (secteurs infra-deacutepartementaux communauteacutes de communes et autres territoires

comme les deacutepartements et les reacutegions) sont utiliseacutees agrave des fins de comparaison de

confrontation et drsquoinformation sur lrsquoeacutevolution des pheacutenomegravenes agrave lrsquoexteacuterieur de la commune

Ainsi lrsquoidentification drsquoindicateurs de difficulteacutes et de preacutecariteacutes sociales srsquoest reacutealiseacutee de

maniegravere interactive agrave partir drsquoobjectifs de connaissance ou drsquoinformation divers dans chaque

thegraveme concerneacute formuleacutes avec les acteurs agrave partir drsquoun niveau de connaissance le plus avanceacute

possible des questions abordeacutees Agrave des fins drsquooptimisation des opeacuterations drsquoanalyse et

drsquointerpreacutetation des donneacutees fournies tous les acteurs eacutetaient inviteacutes agrave accompagner celles-ci

de laquo commentaires drsquoanalyse raquo crsquoest-agrave-dire drsquoeacuteleacutements sur leur signification et leur

contextualisation de leur point de vue voire des analyses plus pousseacutees permettant de les

comprendre et de les expliquer Lrsquoobjectif eacutetant drsquoaccumuler des faits et des points de vue

multiples sur les diffeacuterents objets eacutetudieacutes pour deacutevelopper des analyses exposeacutees de maniegravere

accrue agrave la complexiteacute voire au deacutebat et agrave la critique

Ensuite rapport et synthegravese annuels eacutetaient reacutedigeacutes preacutesentant les connaissances accumuleacutees

dans chaque domaine et constatant leurs eacutevolutions dans le temps produisant ainsi une vision

si ce nrsquoest globale au moins large et syntheacutetique des diffeacuterentes difficulteacutes sociales qui

affectent les habitants sur la commune Les reacutesultats preacutesenteacutes agrave la reacuteunion annuelle pleacuteniegravere

de lrsquoobservatoire ainsi qursquoen groupes theacutematiques plus restreints permettaient de deacutevelopper

de nouvelles probleacutematiques de connaissance pour le cycle suivant de recueil et drsquoanalyse de

preacutevention sociale qui vise lrsquoaction sur les aspects sociaux agrave lrsquoorigine des actes de deacutelinquance et de criminaliteacute (pauvreteacute moneacutetaire et preacutecariteacute eacuteconomique injustice sociale eacuteconomique et juridique releacutegation urbaine manque de protection sociale problegravemes familiaux et eacuteducatifshellip) 51 La structure morphologique de la partie grand ensemble agrave lrsquoorigine de la creacuteation de la ville a eacuteteacute conccedilue selon une composition drsquoicirclots reacutesidentiels juxtaposeacutes et tourneacutes vers eux-mecircmes peu ouverts sur le reste de la ville Ces icirclots forment un deacutecoupage urbain assez net de pregraves de 34 uniteacutes largement utiliseacutees par les services municipaux et les autres acteurs pour deacutecrire le territoire et ses habitants Ce qui constitue un atout dans le processus drsquoobservation code commun aux acteurs sur le local il favorise lrsquoeacutechange agrave ce sujet

137

donneacutees (cycle annuel calqueacute sur le rythme drsquoexercice annuel des actions des acteurs afin que

les donneacutees recueillies eacutemanent des bilans drsquoactiviteacutes les plus reacutecents de ceux-ci

C- La structure sociodeacutemographique et eacuteconomique deacuteclinante de la population

Cette section aborde les principaux traits socio-deacutemographiques et eacuteconomiques de la

population communale Depuis 1982 crsquoest pregraves de 20 de la population qui agrave chaque

peacuteriode intercensitaire quitte la ville et un peu moins qui srsquoy installe Cette tendance est mal

compenseacutee par le solde naturel des deacutecegraves et des naissances puisque ces derniegraveres ont baisseacute

alors que les premiers augmentent avec le vieillissement de la population il y a drsquoailleurs

une hausse spectaculaire du nombre de retraiteacutes Les autres changements de la structure

sociale sont la reacuteduction des cateacutegories supeacuterieures (cadres et professions intellectuelles) et

des cateacutegories infeacuterieures (employeacutes et ouvriers) alors que drsquoautres voient leurs effectifs

srsquoaccroicirctre (professions intermeacutediaires) et parfois tregraves fortement (retraiteacutes familles

monoparentales croissante et meacutenages da faibles niveaux de revenus des meacutenages)

Globalement la sous-moyennisation sociale eacutevoqueacutee par Louis Chauvel (1999) srsquoinstalle

Degraves le milieu des anneacutees 1990 plusieurs eacuteleacutements montrent cette tendance hausse de la part

des familles monoparentales notamment dans le parc social de logement hausse des

meacutenages dont la personne de reacutefeacuterence est au chocircmage et hausse de la part des revenus

faibles et moyens et baisse de la part des revenus supeacuterieurs De ces eacutevolutions eacuteconomiques

et deacutemographiques drsquoensemble la structure sociale de la population locale a subi une

modification Un processus de changement social par rapport agrave une situation anteacuterieure a eacuteteacute

opeacutereacute Il peut ecirctre interpreacuteteacute en termes de deacuteclassement social Les interventions urbaines et

sociales depuis les anneacutees 1980 peinent agrave le juguler

Plusieurs pheacutenomegravenes traduisent ainsi cette eacutevolution en termes de deacutegradation des conditions

sociales drsquoexistence individuelle et collective la hausse de besoins multiples de solidariteacute

eacuteconomique dans la population (avec la croissance de prestations sociales et drsquoactes drsquoaide

sociale sous des formes multiples) la hausse et lrsquointensiteacute des manifestations de deacutesordre

civil ie de deacutelinquance de comportements de violence et dune criminaliteacute au sens large

deacuteveloppant le sentiment dinseacutecuriteacute dans la ville la baisse de la participation associative et

le repli communautariste de certains groupes issus de lrsquoimmigration eacutetrangegravere ou ultra-

marinehellip Ces problegravemes se manifestent en partie ou dans lensemble selon les cas des

138

espaces de la ville contredisant limage positive et dynamique initiale de la ville originelle et

agreacuteable des classes moyennes et ascendantes Des eacuteleacutements significatifs de ce processus de

deacutegradation sociale sont preacutesenteacutes ci-dessous

1 La dynamique de deacutecroissance deacutemographique plus de deacuteparts faibles deacutecegraves

et naissances et vieillissement

Lrsquoeacutevolution deacutemographique de la ville suit une tendance baissiegravere depuis pregraves de trente ans (-

123 de 1982 agrave 2007) ce qui est ineacutedit pour le deacutepartement (+ 217 agrave la mecircme peacuteriode)

et la reacutegion (+ 151 ) Elle paraicirct pourtant dans un premier temps coheacuterente avec leacutevolution

densemble des zones urbaines sensibles (ZUS) sur le territoire national comme la baisse de

6 entre 1990 et 1999 le montre (Le Toqueux 2002) et celle de 23 entre 1999 et 2006

(Chevalier Lebeaupin 2010)

Cependant pour cette derniegravere peacuteriode cinq reacutegions ont leur ZUS en leacutegegravere croissance dont

lrsquoIcircle-de-France (+ 02 ) alors que la ZUS des Ulis continue agrave deacutecroicirctre entre 1999 et 2006

de 43 La situation locale est donc bien singuliegravere Lrsquoexpression de laquo deacutecroissance

deacutemographique post-construction raquo deacutesigne le fait qursquoagrave lrsquoissue de lrsquoachegravevement de leur

construction et de leur premier peuplement complet un pheacutenomegravene de deacutecroissance

deacutemographique srsquoobserve dans les grands ensembles Aux Ulis comme dans les autres grands

ensembles observeacutes

Pendant les trois derniegraveres peacuteriodes intercensitaires agrave partir de 1982 la deacutecroissance pour

lrsquoensemble de la commune est continue et forte drsquoabord de 375 entre 1982 et 1990

ensuite de 52 entre 1990 et 1999 puis de 48 entre 1999 et 2007 (voir graphique et

tableaux pages suivantes) Plus preacuteciseacutement si lrsquoon prend les variations annuelles de la

population la tendance agrave la baisse est en fait la mecircme pendant 17 ans de 1990 agrave 2007 soit -

06 par an

Tableau 1 - Les Ulis ndash Eacutevolution de la population municipale 1968-2007

1968 1975 1982 1990 1999 2007 2008

Population municipale

0 20 316 28 256 27 197 25 781 24 528 24 590

139

Eacutevolution

+ 20 316

+ 7 940+ 39

- 1 059- 37

- 1 416-52

- 1 253- 48

+ 62 + 0

Source INSEE

Les Ulis - Evolution deacutemographique 1968-2007

0

5 000

10 000

15 000

20 000

25 000

30 000

1968 1975 1982 1990 1999 2007

Crsquoest le haut niveau du solde migratoire reacutesidentiel neacutegatif qui en est la principale cause

avec des variations annuelles de ndash 25 entre 1982 et 1990 de ndash 23 entre 1990 et 1999

et de ndash 22 entre 1999 et 2007 De son cocircteacute le solde naturel (naissances-deacutecegraves) avec

lequel le mouvement migratoire interagit pour deacuteterminer lrsquoeacutevolution de la population totale

ne parvient pas agrave le compenser au contraire il a fortement baisseacute apregraves la premiegravere peacuteriode

intercensitaire (1982-1990) pour passer de + 22 par an agrave seulement + 17 par an entre

1990 et 1999 Entre 1999 et 2007 il srsquoest mecircme encore un peu reacuteduit avec + 16 par an

Ces eacutevolutions reacutesultent de mouvements importants de population comme lrsquoindiquent les

donneacutees pour la peacuteriode 1968-1999 dans le tableau 3 infra (les donneacutees absolues pour 1999-

2007 ne sont pas connues) Crsquoest la baisse du nombre de naissances au niveau du solde

naturel qui est la principale cause de lrsquoaccentuation de la baisse de la population totale entre

les deux peacuteriodes 1982-1990 et 1990-1999 En effet la variation du seul solde migratoire est

devenue fortement neacutegative agrave partir de 1982 - 5 502 personnes de 1982 agrave 1999 et - 5 424

personnes de 1990 agrave 1999 alors que le solde eacutetait positif de 1975 agrave 1982 (+ 4 545

personnes) et que entre 1968 et 1975 la ville a eacuteteacute peupleacutee agrave sa creacuteation par 20 316

personnes srsquoy installant

Tableau 2 - Structure de lrsquoeacutevolution deacutemographique 1968-2007 (en chiffres relatifs)

140

1975 agrave 1982 1982 agrave 1990 1990 agrave 1999 1999 agrave 2007

Variation annuelle moyenne de la population en +48 -05 -06 -06

due au solde naturel en +21 +20 +17 +16

due au solde apparent des entreacutees sorties en +27 -25 -23 -22

Taux de nataliteacute en permil 229 223 194 187

Taux de mortaliteacute en permil 23 23 26 30 Source INSEE

Et crsquoest surtout avec le solde naturel plus faible de 1990 agrave 1999 (4 012) que de 1982 agrave

1990 (4 443) que la baisse de la population totale srsquoest accrue drsquoune peacuteriode agrave lrsquoautre En

effet malgreacute lrsquoatteacutenuation du solde migratoire neacutegatif de grande ampleur entre les peacuteriodes

1982-1990 et 1990-1999 (78 individus de moins - 145 ) crsquoest surtout le deacuteficit de

naissances entre ces deux peacuteriodes (- 318 naissances) accentueacute par la hausse du nombre de

deacutecegraves (113) qui explique la baisse plus forte de la population communale agrave cette derniegravere

peacuteriode (1990-1999) par rapport agrave la baisse de la peacuteriode preacuteceacutedente (1982-1990)

Tableau 3 ndash Structure de lrsquoeacutevolution deacutemographique 1968-1999 (en chiffres absolus)

1962-1968 1968-1975 1975-1982 1982-1990 1990-1999

Naissances 0 0 3 783 4 964 4 646

Deacutecegraves 0 0 388 521 634

Solde naturel 0 0 3 395 4 443 4 012

Solde migratoire 0 20 316 4 545 -5 502 -5 424

Variation totale 0 20 316 7 940 -1 059 -1 412 Source INSEE

Ce deacutepeuplement contraste avec les tendances croissantes tregraves importantes des communes sur

le bassin environnant dougrave le caractegravere neacutecessairement laquo symptomatique raquo de cette

deacutesaffection locale (Acadie 1999) quatre communes proches de la Valleacutee de lrsquoYvette

gagnent 8 de 1982 agrave 1990 et 52 de 1990 agrave 1999 (Palaiseau Villebon-sur-Yvette Orsay

et Gif-sur-Yvette) celles du Plateau connaissent des hausses spectaculaires de 24 entre

1982 et 1990 et de 225 entre 1990 et 1999 (Bris-sous-Forges Forges-legraves-Bains Gometz-

la-Ville Gometz-le-Chacirctel Janvry Limours Marcoussis Nozay Saint-Jean-de-Beauregard

Villejust) enfin lrsquoarrondissement total de Palaiseau et mecircme le deacutepartement de lrsquoEssonne

141

connurent eacutegalement une croissance globale respectivement de 5 et de 4 de 1990 agrave

1999 Seule la ville de Grigny construite pour lrsquoessentiel de 1967 et 1971 avec deux vastes

grands ensembles La Grande Borne (3 981 logements) et la deuxiegraveme plus grande

coproprieacuteteacute drsquoEurope Grigny 2 (pregraves de 5 000 logements) partage avec Les Ulis ce mecircme

abaissement de sa population entre 1982 et 1999 - 64 pour Grigny et -87 pour Les

Ulis

En revanche alors que Grigny connaicirct un retournement de tendance dans les anneacutees 2000

avec une hausse de 11 de sa population de 1999 agrave 2008 qui ne fait que srsquoesquisser aux

Ulis agrave la fin de cette peacuteriode avec une stagnation Cependant les situations sociales globales

de la population ne sont pas comparables puisque en 2008 le revenu net deacuteclareacute moyen de

Grigny est de 14 736 euro et des Ulis de 20 786 euro soit un niveau aux Ulis supeacuterieur de 41 agrave

celui de Grigny Avec un tel profil social modeste Grigny connaicirct certainement des

dynamiques sociales et de peuplement tregraves diffeacuterentes par rapport agrave celles des Ulis dont celle

de lrsquoentassement des plus pauvres dans les logements et lrsquohabitat deacutevaloriseacutes (les

pheacutenomegravenes de lrsquoheacutebergement et des marchands de sommeil en sont alors des symptocircmes52)

Par ailleurs agrave cocircteacute de mouvements migratoires et naturels deacuteficitaires que paraissent partager

les secteurs et communes examineacutes et caracteacuteriseacutes par un urbanisme de grands ensembles

trois autres effets sur la dynamique deacutemographique de ces espaces ont eacuteteacute repeacutereacutes Dabord

un vieillissement du profil geacuteneacuteral de la population qui reacuteeacutequilibre le rapport des geacuteneacuterations

La part des jeunes de moins de 20 ans rien qursquoentre 1990 et 1999 a diminueacute de 10 tout en

restant encore importante 309 de la population en 1999 (idem en 2008) contre 271

pour le deacutepartement (275 en 2008)

Dans ce sens un eacutequilibrage geacuteneacuterationnel du rapport entre les moins de 40 ans et les plus de

40 ans srsquoest opeacutereacute dans cette deacutecennie de trois quarts de moins de 40 ans et drsquoun quart de

plus de 40 ans le rapport est passeacute agrave deux tiers un tiers Un deuxiegraveme fait notoire est le

passage dans cette deacutecennie agrave une leacutegegravere preacutedominance de la population feacuteminine et agrave une

faible majoriteacute de petits meacutenages De 1990 agrave 1999 les femmes deviennent leacutegegraverement

majoritaires atteignant 503 (tendance se confirmant dans la deacutecennie 2000 avec en 2008

509 de femmes) provenant surtout drsquoun sur-accroissement des femmes de 40 ans agrave 59

ans

52 Cf les articles du journal Le Parisien agrave ce sujet in wwwleparisienfr articles du 02 mars 2004 du 19 mai 2005 et du 20 janvier 2009

142

Concomitamment la taille des meacutenages et des familles qui srsquoobserve sur la commune se

reacutetreacutecit degraves la peacuteriode 1990-1999 du fait drsquoune majoriteacute nouvelle de petits meacutenages de 1 et 2

personnes (503 des meacutenages) La peacuteriode reacutecente preacutesente un prolongement de cette

eacutevolution les meacutenages drsquoune personne seule passent de 248 en 1999 agrave 263 en 2008

(soit une hausse de 6 ) et les meacutenages de famille monoparentale passent de 124 agrave 153

soit une hausse spectaculaire de 234 Ainsi en mecircme temps que la paupeacuterisation et la

reacuteduction quantitative de la population ulissienne se manifestent le vieillissement la

feacuteminisation de la population et le reacutetreacutecissement des meacutenages Les secteurs drsquohabitat social

aux structures de logement le plus souvent conccedilues pour des profils de meacutenages familiaux

(Peillon 2001) restent ainsi permeacuteables aux tendances deacutemographiques socieacutetales Ces

caracteacuteristiques se retrouvent dans les publics des acteurs locaux mecircme dans le champ

social Par exemple en 2001 lrsquoEacutepicerie sociale53 de la ville constate agrave lrsquooccasion de la

distribution de colis alimentaires un eacutelargissement aux meacutenages laquo moyens raquo dans les aides

alimentaires et une preacutepondeacuterance des personnes de plus de 50 ans seuls ou en couple Autre

exemple dans le parc social en 2002 les personnes seules ont repreacutesenteacute plus drsquoun quart des

attributions de logement et presque toutes les familles monoparentales demandeuses (22 )

ont eacuteteacute logeacutees celles-ci eacutetant majoritairement des femmes seules Cependant depuis 1999

le manque de petits logements est manifeste selon le service Habitat qui eacutevoque

explicitement ce problegraveme dans son rapport 2002 Les structures de logement des immeubles

locaux ne sont plus adapteacutees agrave la tendance deacutemographique

Ces eacutevolutions contribuent au changement de profil social de la ville Pour rappel lINSEE

indiquait degraves le deacutebut des anneacutees 2000 que le laquo chocircmage raquo eacutetait un critegravere devenu

incontournable de structuration de lrsquoespace de plusieurs communes urbaines dont fait partie

Les Ulis (Martin-Houssard Tabard 2003) Les chocircmeurs tellement nombreux et concentreacutes

dans certains secteurs constituent des laquo quartiers de chocircmeurs raquo i e y reacutesident en preacutesence

majoritaire Cette diversification sociale entraicircne un changement de stratification socio-

spatiale et drsquoimage locale deacuteveloppement de la preacutesence de cateacutegories pauvres dans certains

quartiers reacutesidentiels et dans les espaces les eacutequipements et les services de la ville

53 Les Eacutepiceries sociales relegravevent des municipaliteacutes ou de leur groupement et sont essentiellement financeacutees par un CCAS ou CIAS avec le concours de lrsquoEacutetat (Action sociale et sanitaire emploi et formation professionnelle) des collectiviteacutes deacutepartementales et reacutegionales drsquoorganismes sociaux (Assurance maladie Caisse drsquoAllocation familiale) drsquoentreprises agroalimentaires et de distribution Il existe aussi des Eacutepiceries solidaires creacuteeacutees par des individus et des associations faisant appel agrave des concours financiers divers

143

Cette analyse peut ecirctre confirmeacutee aux Ulis en appreacutehendant les difficulteacutes drsquoemploi de la

population active Lrsquoutilisation des donneacutees du chocircmage drsquoailleurs est pour ce faire

largement compleacuteteacutee par une analyse des actifs preacutecaires non chocircmeurs Ce qui donne une

image drsquoensemble plus significative des effets de preacutecarisation des actifs ulissiens par la

crise-mutation de la socieacuteteacute

2 La sous-moyennisation de la population

Les caracteacuteristiques des dynamiques de peuplement de la commune modifient la structure

sociale de la population dans le sens drsquoune sous-moyennisation de deux principales

maniegraveres drsquoune part par le biais de la reacuteduction des cateacutegories supeacuterieures et du maintien

voire de la leacutegegravere croissance des professions intermeacutediaires ce qui a pour effet de situer les

revenus moyens de lrsquoensemble des foyers et des foyers imposables sous les revenus des

ensembles sociaux globaux de reacutefeacuterence (France Icircle-de-France et deacutepartement) et drsquoautre

part sous lrsquoeffet du vieillissement de la population qursquoatteste la croissance forte de la part

des retraiteacutes sur la ville

Depuis une trentaine drsquoanneacutees Les Ulis preacutesente un visage diffeacuterent de celui de la fin des

anneacutees 1970 Lrsquoespace ulissien eacutetait deacutefini en 1982 (Bessy 1990) par une surrepreacutesentation

des cateacutegories techniciennes et qualifieacutees (ouvriers qualifieacutes ingeacutenieurs) et des classes

moyennes et supeacuterieures du tertiaire De nos jours les cateacutegories sociales en preacutesence ne

correspondent plus agrave celles de la creacuteation de la ville agrave la fin des anneacutees 1970 Sa cateacutegorie

statistique de profil de commune srsquoest ainsi transformeacutee Pourrait-elle encore faire partie des

laquo Communes en forte expansion de salarieacutes du secteur public et de techniciens raquo comme

Eacutevry et Villiers-sur-Orge selon la classification du deacutebut des anneacutees 1980

Agrave cette eacutepoque ce type drsquoespace repreacutesentait un sous-espace appartenant lui-mecircme agrave la

cateacutegorie plus geacuteneacuterale des laquo Espaces des classes techniciennes et qualifieacutees raquo comprenant

deux autres types de communes agrave part celui des Ulis les laquo Communes drsquoartisans de

contremaicirctres et de salarieacutes de lrsquoindustrie raquo comme Marcoussis et les laquo Communes

drsquoingeacutenieurs et de techniciens raquo comme Orsay et Villebon La cateacutegorie geacuteneacuterale drsquoespace

avec ces trois types de sous-espaces de communes eacutetait marqueacutee selon lrsquoINSEE par une

compeacutetence technique importante les ouvriers par exemple eacutetant souvent plus qualifieacutes

qursquoailleurs

144

Cependant le processus de preacutecarisation professionnelle a engendreacute un changement de la

morphologie sociale de beaucoup de ces espaces dont les Ulis malgreacute une partie encore non

neacutegligeable de classes moyennes voire supeacuterieures dans le parc priveacute Pour rappel lINSEE

indique en 2002 que le laquo chocircmage raquo est devenu un critegravere incontournable de structuration

des espaces (Martin-Houssard Tabard 2003) Une forte preacutesence de chocircmeurs est tellement

concentreacutee dans certains secteurs que ces derniers constituent maintenant des laquo quartiers de

chocircmeurs raquo (preacutesence majoritaire de ceux-ci en leur sein) Lrsquoespace social local a perdu de

son homogeacuteneacuteiteacute il a subi une heacuteteacuterogeacuteneacuteisation du point de vue du statut socio-eacuteconomique

entraicircnant un changement de stratification socio-spatiale locale et de son image

Ce changement est certainement plus localiseacute sur certaines parties de sa structure sociale et

de son espace moins de cateacutegories aiseacutees et reacuteellement moyennes crsquoest-agrave-dire situeacutees

autour des revenus meacutedians plus de retraiteacutes qui remplacent les cateacutegories actives de la

population et encore plus de cateacutegories preacutecaires voire pauvres regroupeacutees dans certains

quartiers ou icirclots de seacutegreacutegation Ce qui entraicircne des effets dans les interactions et les

activiteacutes sociales locales ainsi que dans lrsquousage de lrsquoespace local de ses eacutequipements et de

ses services

Le tableau 4 ci-apregraves concernant lrsquoeacutevolution entre 1990 et 2009 de la structure sociale de la

population des Ulis et de son agglomeacuteration (uniteacute urbaine de Paris) informe que la forme de

la sous-moyennisation locale repose bien sur la nette reacuteduction des cateacutegories supeacuterieures

(inverse agrave la hausse dans lrsquoagglomeacuteration) et sur la preacutepondeacuterance des cateacutegories exeacutecutives

et techniciennes de lrsquoeacuteconomie tertiaire avec une transformation des cateacutegories populaires

rejoignant le profil de lrsquoagglomeacuteration niveau eacuteleveacute et stable pour les professions

intermeacutediaires et leacutegegraverement en baisse pour les employeacutes (alors qursquoen reacutegion parisienne les

professions intermeacutediaire srsquoaccroissent davantage et les employeacutes plus faiblement)

reacuteduction importante des ouvriers et forte hausse des retraiteacutes pour se rapprocher des niveaux

parisiens

Les cateacutegories supeacuterieures ont diminueacute nettement de 1990 agrave 1999 (-98 ) et un peu moins

de 1999 agrave 2009 (-38 de leur part dans la population) Cette perte drsquoeffectifs les eacuteloigne

davantage de leur part dans la structure drsquoagglomeacuteration totale en 2009 ils ne repreacutesentent

plus que 105 de la population contre 175 en reacutegion parisienne soit 60 de cette

proportion Cette baisse entraicircne avec les ouvriers (-128 et -214 ) et aussi avec les

laquo Autres sans activiteacute professionnelle raquo (-186 et -143 ) lrsquoessentiel de la baisse globale

de la population des Professions et cateacutegories sociales (-37 et -25 ) alors qursquoelle

145

progresse pour lrsquoagglomeacuteration parisienne (+73 ) Cela rejoint le constat de la baisse

deacutemographique continue dans un environnement en croissance

Tableau 4 ndash Eacutevolution 1990-2009 de la population des Ulis et de lrsquoUniteacute urbaine de Paris de 15 ans et plus selon les Professions et cateacutegories socioprofessionnelles

(nomenclature INSEE)

Les Ulis Agglomeacuteration

parisienne Professions et Cateacutegories socioprofessionnelles 1999

Eacutevolution 1990-1999 des valeurs

absolues

2009

Eacutevolution 1999-2009 des valeurs

absolues

1999 2009

Ensemble 19 336 100 - 37 18 844 100 -25 7 827 233

100 8 394 997

100

Agriculteurs exploitants 4 0 1 0 2 218 0 2 755 0

Artisans commerccedilants Chefs dentreprises

340 17 + 269 332 18 -23 248 850

32 235 067

28

Cadres et professions intellectuelles sup

2 064 107 - 98 1986 105 -38 1 074 739

137 1 464 133

174

Professions intermeacutediaires

3 320 171 - 02 3 364 179 + 13 1 199574

153 1 369 797

163

Employeacutes 4 700 243 - 01 4 364 232 -71 1 462374

187 1 467 827

175

Ouvriers 3 064 158 - 128 2 407 128 -214 850 271

109 774 563

92

Retraiteacutes 1 752 9 + 964 2 883 153 + 646 1 369 179

175 1 581 080

188

Autres sans activiteacute professionnelle

4 092 (4 392)

212 (-186 ) 3 506 186 -143

1 620 028

207 1 499 774

179

Source INSEE RGP 1999 donneacutees de 1999 avant changement de deacutefinition des populations municipales et compteacutees agrave part Autres sans activiteacute professionnelle cateacutegorie regroupant les chocircmeurs de plus de 15 ans nrsquoayant jamais travailleacute et les inactifs divers autres que retraiteacutes militaires du contingent eacutetudiant et eacutelegraveves de plus de 15 ans les femmes au foyer de moins ou de plus de 60 ans les retraiteacutes de moins de 53 ans les personnes ne geacuterant que leur patrimoine les deacutetenus les personnes vivant drsquoune activiteacute illeacutegale ou de la prostitution

Les professions intermeacutediaires sont resteacutees stables entre 1990 et 1999 et leacutegegraverement

croissantes (+ 13 ) de 1999 agrave 2009 avec une part de pregraves de 18 (179 ) en 2009

encore supeacuterieure au cadre drsquoagglomeacuteration (163 ) De leur cocircteacute les cateacutegories subalternes

continuent entre 1999 et 2009 leur baisse observeacutee de 1990 agrave 1999 de maniegravere plus forte que

dans lrsquoagglomeacuteration globale alors que les ouvriers perdaient pregraves de 13 de leurs effectifs

(- 128 ) entre 1990 et 1999 et qursquoils continuent agrave deacutecroicirctre de faccedilon plus importante entre

1999 et 2009 (- 214 ) les employeacutes perdent un peu plus de 9 pendant cette derniegravere

peacuteriode (- 91 ) alors qursquoils avaient quasiment stagneacute agrave la peacuteriode preacuteceacutedente (- 01 ) En

146

tout la part totale des cateacutegories populaires actives (non retraiteacutees) est passeacute de 401 en

1990 agrave 36 en 2009 (soit une baisse de pregraves de 102 ) se rapprochant leacutegegraverement de leur

part plus faible et diminuant encore dans lrsquoagglomeacuteration (de 296 agrave 267 soit une

baisse de 98 )

Aussi et surtout dans ce tableau deux cateacutegories ont preacutesenteacute une forte hausse drsquoune part

les laquo Artisans commerccedilants et chefs dentreprises raquo avec 340 individus en 1999 et 332 en

2009 rejoignant un peu la part presque deux fois plus importante de cette cateacutegorie dans la

population parisienne (28 en 2009 contre 18 aux Ulis) Cette hausse srsquoest

essentiellement manifesteacutee dans la deacutecennie 1990 (+ 27 ) Un autre rattrapage tregraves visible

est celui des retraiteacutes qui voient leur effectif quasiment doubler (+ 96 ) de 1990 agrave 1999

puis continuer agrave augmenter des deux tiers entre 1999 et 2009 Leur part nrsquoest plus

qursquoinfeacuterieure de 289 de celle de lrsquoagglomeacuteration en 2009 (153 contre 188 ) alors

qursquoelle lrsquoeacutetait de 485 en 1999 (9 contre 175 ) soit pregraves de la moitieacute moins

nombreuse Hausse des artisans commerccedilants chefs drsquoentreprises et surtout des retraiteacutes

compensent ici surtout la baisse des ouvriers et dans une moindre mesure celle des cateacutegories

sociales sans activiteacutes

Lrsquoaugmentation plus vigoureuse des retraiteacutes confirme le constat de vieillissement de la

population locale indiqueacute en introduction (ils sont pregraves de 1 130 individus en plus en 2009

par rapport agrave 1999) Ce pheacutenomegravene est certainement plus visible dans le parc HLM

puisqursquoon verra plus bas que au deacutebut des anneacutees 2000 le nombre drsquoinactifs parmi les

adultes du parc social drsquohabitat eacutetait supeacuterieur agrave celui du parc priveacute la diffeacuterence tient

certainement agrave une plus forte preacutesence de retraiteacutes dans le parc HLM que dans le priveacute En

2009 ils forment une cateacutegorie numeacuteriquement supeacuterieure agrave celle des ouvriers (153

contre 127 ) et agrave celle des cadres et professions intellectuelles (105 ) ce qui nrsquoeacutetait pas

le cas en 1999 contrairement agrave lrsquoagglomeacuteration parisienne (175 pour les retraiteacutes 109

pour les ouvriers et 137 pour les cadres agrave cette date)

Ainsi mecircme si la cateacutegorie des retraiteacutes est forceacutement heacuteteacuterogegravenes en termes de professions

de niveau hieacuterarchique occupeacute et de statut anteacuterieurs leur hausse numeacuterique nrsquoen demeure

pas moins significative avec la baisse importante des cadres dans la commune drsquoune

diminution des revenus des meacutenages concerneacutes et donc des revenus moyens En outre sur le

plan socio-eacuteconomique Chauvel (1999) a indiqueacute que la sous-moyennisation de la

population signifiait aussi et surtout que les meacutenages de cateacutegories moyennes ont des revenus

qui se situent en-dessous des revenus meacutedians Aux Ulis deux indicateurs eacuteconomiques

147

confirment en 2008 la sous-moyennisation sociale et eacuteconomique des groupes sociaux en

preacutesence par rapport aux territoires globaux de comparaison la meacutediane des revenus par

uniteacute de consommation des meacutenages et les revenus moyens des foyers fiscaux En fait les

revenus des cateacutegories moyennes des Ulis apparaissent bien infeacuterieurs aux zones de

comparaison supra-locales (tableau 5 ci-apregraves)

Tableau 5 ndash Revenus deacuteclareacutes nets moyens des foyers fiscaux et meacutediane par uniteacute de consommation aux Ulis et dans les zones de comparaison en 2008 et 2009

Les Ulis Essonne Agglomeacutera-

tion parisienne

Icircle-de-France

France meacutetropolitaine

2008 Donneacutees

2009

Ensemble des foyers 20 786 euro

(20 781 euro en 2009)

28 044 euro 29 916 euro 30 198 euro 23 450 euro

Foyers imposables 28 978 euro

(29 349 euro en 2009)

37 178 euro 42 036 euro 42 144 euro 33 863 euro

Foyers non-imposables 9 883 euro

(9 581 euro en 2009)

10 014 euro 9 311 euro 9 422 euro 9 784 euro

2000 Ensemble des foyers

20 106 euro 25 306 euro ND 28 448 euro ND

Meacutediane des revenus par uniteacute de consommation des meacutenages - 2008

16 433 euro

(16 362 euro en 2009)

22 023 euro 21 292 euro 21 234 euro 18 129 euro

Source INSEE ND information Non disponible

Drsquoabord selon les donneacutees de lrsquoINSEE la meacutediane des revenus des meacutenages des Ulis en

2008 (16 433 euro par uniteacute de consommation) a une position infeacuterieure de plus de 9

(- 93 ) agrave celle de la France meacutetropolitaine (18 129 euro) mais surtout de pregraves de 23

(- 226 ) agrave celle de lrsquoIcircle-de-France (21 234 euro) et de plus de 25 (- 254 ) agrave celle de

lrsquoEssonne (22 023 euro) En 2009 la meacutediane ulissienne qui a leacutegegraverement baisseacute en un an

(16 362 euro) est infeacuterieure de 2315 agrave celle de lrsquoagglomeacuteration parisienne (21 292 euro)

Ensuite les revenus nets deacuteclareacutes moyens de lrsquoensemble des foyers fiscaux (personnes

actives remplissant une deacuteclaration de revenus seules ou avec un conjoint marieacute) reprennent

148

cette structure drsquoeacutecarts relatifs des Ulis (20 786 euro en 2008) par rapport aux zones de

comparaison et de maniegravere plus exacerbeacutee pour les zones plus globales que sont la France

lrsquoIcircle-de-France et lrsquoagglomeacuteration en 2008 lrsquoeacutecart est plus de 11 (114 ) de moins que

la France (23 450 euro) il est leacutegegraverement plus de 31 (311 ) de moins que lrsquoIcircle-de-France

(30 198 euro) et pregraves de 26 (259 ) de moins que lrsquoEssonne (28 044 euro) en 2009 les

revenus nets deacuteclareacutes moyens (20 781 euro qui ont baisseacute en un an) sont de 305 infeacuterieurs agrave

ceux de lrsquoagglomeacuteration (29 916 euro)

Cette structure drsquoeacutecart srsquoest fortement accentueacutee depuis 2000 vis-agrave-vis du deacutepartement

(25 306 euro contre 20 106 euro pour Les Ulis) puisque lrsquoeacutecart infeacuterieur eacutetait de 205 agrave cette

date cela signifie que la hausse de lrsquoeacutecart de 2000 agrave 2008 est de plus du quart (26 ) la

marginalisation deacutepartementale des Ulis est donc croissante et mecircme inquieacutetante agrave ce stade

Vis-agrave-vis de la reacutegion (28 448 euro pour 2008) lrsquoeacutecart infeacuterieur important de 2008 constateacute pour

Les Ulis (31 ) srsquoest en fait leacutegegraverement eacuteleveacute par rapport agrave 2000 (293 ) ougrave il eacutetait deacutejagrave

important Comme lrsquoa montreacute Davezies (2004) crsquoest effectivement au niveau infra-

deacutepartemental que les dispariteacutes territoriales de revenus se deacuteveloppent

En outre avec une part de foyers non-imposables aux Ulis assez nettement supeacuterieure

(429 en 2008) agrave lrsquoIcircle-de-France (365 ) et agrave lrsquoEssonne (336 ) mais infeacuterieure agrave celle

de la France meacutetropolitaine (458 ) les eacutecarts de revenus entre les foyers imposables et

entre les foyers non-imposables de ces entiteacutes soulignent les deux pheacutenomegravenes aux Ulis de

diminution des cateacutegories supeacuterieures et subalternes et de croissance des retraiteacutes aux

revenus plus faibles En effet en ce qui concerne les revenus des seuls foyers imposables les

eacutecarts des Ulis avec la France lrsquoIcircle-de-France et lrsquoEssonne sont respectivement infeacuterieurs

de pregraves de 14 (144 ) drsquoun peu plus de 31 (312 ) et de pregraves de 22 (2205 )

Lrsquoeacutecart ici moins grand avec lrsquoEssonne que pour la meacutediane et les revenus nets moyens de

lrsquoensemble des foyers fiscaux semble indiquer que la faiblesse des revenus des cateacutegories

supeacuterieures et moyennes comme effet partiel de la sous-moyennisation eacutevoqueacutee concerne

aussi le deacutepartement drsquoappartenance des Ulis En ce qui concerne les eacutecarts des revenus des

seuls foyers non-imposables ils sont faibles voire agrave lrsquoavantage des Ulis ce qui illustre la

reacuteduction observeacutee de la part des ouvriers et des employeacutes ainsi que la hausse des retraiteacutes

aux revenus reacuteduits eacutecart quasi nul avec la France (1 de plus) pregraves de 5 de plus que

lrsquoIcircle-de-France (+ 49 ) et un peu plus de - 1 que lrsquoEssonne (- 13 ) Aux Ulis crsquoest

donc bien au niveau de la partie supeacuterieure des revenus qursquoun deacuteficit existe la ville reflegravete

149

davantage la fraction moins fortuneacutee de lrsquoeacutechelle des positions des meacutenages de la structure

globale en eacutetant priveacutee de la partie supeacuterieure de celle-ci

Cette situation de faiblesse geacuteneacuterale de la richesse de la population srsquoobservait deacutejagrave au milieu

des anneacutees 1990 (ACADIE 1999) La moyenne des revenus des meacutenages imposeacutes eacutetait de

pregraves drsquoun tiers de moins que dans les communes avoisinantes (agrave lrsquoeacutepoque le bassin drsquohabitat

drsquoOrsay) 128 000 F (soit 19 512 euro) contre une fourchette de 163 900 F (24 985 euro) agrave 221

400 F (33 750 euro) La mecircme relation avec le deacuteficit des revenus dans les tranches supeacuterieures

eacutetait avanceacutee 21 des meacutenages ulissiens avaient des revenus supeacuterieurs agrave 160 000 F

(24 390 euro) contre 30 dans le deacutepartement de lrsquoEssonne La structure des revenus montrait

bien une polarisation dans les tranches intermeacutediaires 59 des meacutenages avaient des

revenus compris entre 60 et 160 000 F (9 146 agrave 24 390 euro) par an De plus la part des

meacutenages non-imposables eacutetait deacutejagrave bien qursquoinfeacuterieure agrave celle de 2008 (426 ) largement

plus importante aux Ulis (39 ) que pour les autres communes du plateau (29 au

maximum) soit au minimum un eacutecart de plus de 10 points

En 2000 cinq ans apregraves le taux de foyers fiscaux non-imposables srsquoeacutetait leacutegegraverement eacuteleveacute54

40 Il est leacutegegraverement infeacuterieur agrave celui drsquoEacutevry (45 ) mais supeacuterieur agrave Morsang-sur-Orge

(31 ) qui a une structure sociale ouvriegravere plus marqueacutee au deacutepartement (32 ) et agrave

lrsquoIcircle-de-France (35 ) En 2004 le mouvement drsquoextension de la part des foyers non-

imposables aux Ulis gagnait encore quatre points par rapport agrave 2000 pour atteindre 44 des

foyers ce qui repreacutesente une hausse plus forte que celles du deacutepartement (34 ) et de lrsquoIcircle-

de-France (37 ) qui ne sont que 2 points La ville semble rejoindre le niveau national de 48

En 2009 le niveau est leacutegegraverement infeacuterieur de 43 (il semble qursquoil ait leacutegegraverement

fluctueacute agrave la baisse puis agrave la hausse puisqursquoen 2008 il eacutetait de 429 )

Cette logique drsquoextension plus forte que dans les communes voisines de la part des meacutenages

plus modestes traduit lrsquoaccentuation de la paupeacuterisation et du regroupement spatial des plus

modestes dans le mecircme type de commune comme eacutevoqueacute dans la probleacutematique plus haut

(Preacuteteceille 1995-b) Pour prendre un autre exemple que Les Ulis la ville drsquoEacutevry chef-lieu

du deacutepartement de lrsquoEssonne passe de 45 agrave 51 de foyers non imposeacutes entre 2000 et

2004 (505 en 2009) ce qui eacutequivaut agrave une hausse de six points soit deux points de plus

par rapport agrave la hausse constateacutee aux Ulis et quatre de plus par rapport aux hausses

deacutepartementale et reacutegionale Cet accroissement des foyers modestes se veacuterifie drsquoapregraves les 54 Site du gouvernement wwwimpotsgouvfr rubriques laquo Plan du site raquo laquo Documentation raquo et laquo Impocircts des particuliers raquo (puis choix du niveau drsquoaccegraves Deacutepartemental et communal)

150

niveaux de revenus nets moyens de lrsquoensemble des foyers En 2000 la moyenne des revenus

nets des foyers aux Ulis (20 106 euro) eacutetait leacutegegraverement supeacuterieure agrave celle drsquoEacutevry (19 949 euro) et

les deux eacutetaient infeacuterieures de pregraves de 30 agrave la moyenne reacutegionale (28 448 euro) et de pregraves de

20 agrave celle du deacutepartement (25 306 euro)

En 2008 lrsquoeacutecart entre Les Ulis (20 786 euro) et Eacutevry (18 656 euro) srsquoest nettement creuseacute au

deacutetriment drsquoEacutevry passant en 8 ans de 157 euro drsquoeacutecart agrave 2 130 euro soit un eacutecart multiplieacute par 13

Pour rappel Eacutevry est lieacutee comme Les Ulis agrave lrsquourbanisation par la densification de la banlieue

parisienne mais un peu diffeacuteremment sur le type drsquoopeacuteration puisque son deacuteveloppement

srsquoinscrit dans le cadre plus tardif que celui des Ulis de la creacuteation des cinq villes nouvelles

du Scheacutema directeur drsquoameacutenagement et drsquourbanisme de la reacutegion parisienne de 1965

Cependant la forme urbaine produite ne se distingue pas nettement des villes construites

auparavant puisqursquoelle comporte des grands ensembles drsquohabitation aux quartiers disparates

seacutepareacutes les uns des autres et des espaces de production et de services ainsi qursquoun faible

centre-ville comme aux Ulis Le reacutesultat se rapproche de celui de Grigny la paupeacuterisation

et la hausse de la population traduisent un pheacutenomegravene de regroupement des plus pauvres

dans des espaces urbains deacutefectueux et non attractifs

La faiblesse de richesse relative de la population explique ainsi les manifestations multiples

de difficulteacutes eacuteconomiques et sociales des habitants qui peuvent srsquoobserver sur la ville Par

exemple agrave partir de la moitieacute des anneacutees 1990 le service Habitat de la ville constate (rapport

drsquoactiviteacute 2003) des problegravemes croissants pour le maintien dans le logement de certains

habitants drsquoune part les demandes et les beacuteneacuteficiaires drsquoaide au logement ont fortement

augmenteacute jusqursquoau deacutebut des anneacutees 2000 drsquoautre part le nombre de dossiers drsquoexpulsion

suivis en Sous-preacutefecture a eacuteteacute en croissance continue pendant pregraves de dix ans entre 1993 et

2002 (tableau 6 ci-dessous) de 131 en 1993 agrave 223 en 2001 (soit une hausse de 70 ) avec

une leacutegegravere baisse en 2002 (204 soit une baisse de 85 ) Et les expulsions signeacutees ont varieacute

de 14 en 1993 agrave 22 en 2002 (pic de 24 en 1999 preacuteceacutedeacute drsquoun creux un an auparavant de 6)

soit une hausse de plus de 50 (57 ) en dix ans

Tableau 6 ndash Donneacutees relatives aux expulsions aux Ulis de 1993 agrave 2002

151

1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002

Expulsions signeacutees 14 14 15 15 19 6 24 14 21 22

Expulsions reporteacutees selon accords

2 2 3 6 4 1 1 1 2 4

Expulsions reacutealiseacutees avec Concours Force

publique 1 6 9 1 6 0 13 10 15 0

Deacuteparts volontaires 8 6 3 8 9 5 9 3 4 0

Non reacutealiseacutees 3 0 0 0 0 0 1 0 0 2

Nbre de dossiers suivis en

SPreacutefecture pour Les Ulis

131 151 (+153)

189 (+252 )

155 (- 18 )

163 (+ 52 )

179 (+ 98 )

183 (+ 22 )

210 (+ 147 )

223 (+ 6 )

204 (- 9 )

Source service Habitat de la Ville des Ulis

Drsquoautres donneacutees illustrent la deacutegradation de la situation sociale des habitants de la ville agrave la

fin des anneacutees 1990 et au deacutebut des anneacutees 2000 Par exemple toujours du service Habitat il

est indiqueacute que le taux de meacutenages endetteacutes lourds (plus de 1 500 euro agrave une date donneacutee dans

lrsquoanneacutee) dans le parc social de logement est tregraves important dans certains segments de parc

26 dans le programme drsquoun bailleur en 2001 ou encore 29 en 2002 dans celui drsquoun

autre

Par ailleurs si la paupeacuterisation de certains meacutenages relegraveve avant tout des changements de

leur configuration familiale avec les seacuteparations familiales croissantes (Maurin 2002) il est

inteacuteressant de connaicirctre la part des meacutenages de familles monoparentales et leur eacutevolution

qui tirent vers le bas les moyennes des revenus des meacutenages Le tableau 7 ci-dessous indique

que les familles monoparentales ulissiennes repreacutesentent en 2007 des parts tregraves

eacuteleveacutees parmi lrsquoensemble des familles et des meacutenages par rapport aux eacutechelles territoriales

supeacuterieures de reacutefeacuterence Avec lrsquoEssonne lrsquoeacutecart oscille entre + 46 parmi les familles et +

44 parmi les meacutenages Vis-agrave-vis de lrsquoIcircle-de-France lrsquoeacutecart est plus faible parmi les familles

(+ 28 ) mais fort parmi les meacutenages (+ 45 ) Et par rapport agrave la France meacutetropolitaine

lrsquoeacutecart est franchement plus net marquant une speacutecificiteacute spatiale remarquable + 55

parmi les familles et + 68 parmi les meacutenages

152

Tableau 7 - Familles monoparentales aux Ulis en 1999 et 2007 et zones de comparaison

en 2007

Familles

monoparentales Les Ulis

1999

Les Ulis

2007

Essonne

2007

Icircle-de-

France 2007

France

Meacutetropolitaine

2007

Parmi les meacutenages 124 141 98 97 84

Parmi les familles 174 206 141 161 133

Source INSEE

Les diffeacuterentes analyses reacutealiseacutees et lrsquoexamen drsquoexemples sur les revenus et les difficulteacutes

des meacutenages illustrent la convergence des deux repreacutesentations de la structure sociale drsquoune

part celle qui preacutesente les cateacutegories socioprofessionnelles et leur poids relatif en mettant en

avant la stabiliteacute voire la leacutegegravere hausse des professions intermeacutediaires pendant que les

cateacutegories supeacuterieures et subalternes perdent de lrsquoimportance et drsquoautre part celle qui tient

compte des niveaux de richesse et de la configuration des meacutenages qui composent les

cateacutegories de la structure sociale mettant en avant le caractegravere structurel de la faiblesse

relative des revenus des meacutenages notamment parmi ceux des actifs imposeacutes et lrsquoattention agrave

porter sur les meacutenages de familles monoparentales ou de personnes seules en croissance

Le chapitre suivant preacutesente des analyses montrant que dans plusieurs domaines les

difficulteacutes eacuteconomiques et sociales des habitants srsquoaccentuent au tournant et au deacutebut des

anneacutees 2000 Elles deacutecoulent sans aucun doute drsquoune deacutegradation des conditions drsquoexistence

depuis les anneacutees 1980 avec lrsquoextension et lrsquoapprofondissement des pheacutenomegravenes de

preacutecariteacute drsquoexclusion et de releacutegation spatiale

153

Chapitre IV

Des signes importants de preacutecariteacute drsquoexclusion et de tensions sociales

Ce chapitre preacutesente des aspects socio-eacuteconomiques devenus typiques de la question urbaine

contemporaine Il srsquoagit de pheacutenomegravenes ayant pris de lrsquoimportance quantitative dans lrsquoespace

local drsquoabord la preacutesence importante de meacutenages et de personnes preacutecaires

eacuteconomiquement etou fragiles socialement ensuite celle drsquoun ensemble populationnel

heacuteteacuterogegravene issu de limmigration dans les quartiers sociaux et enfin le deacuteveloppement dun

niveau eacuteleveacute de deacutelinquance juveacutenile Dans la plupart des cas les donneacutees se limitent agrave la

peacuteriode 1999-2004 lieacutee agrave la conduite de lrsquoobservatoire local de la Ville Cependant il

apparaicirct que les situations preacutesenteacutees ne constituent qursquoune eacutetape de la tendance agrave

lrsquoaccentuation de la deacutegradation sociale jusqursquoagrave la fin des anneacutees 2000 si lrsquoon tient compte

des grands indicateurs socio-eacuteconomiques deacutejagrave rapporteacutes plus haut ou qui le sont plus loin

dans le cadre de la comparaison entre les communes de grands ensembles (chapitre VI)

revenus structure sociale en cateacutegories socioprofessionnelles chocircmage et preacutecariteacute niveau

de deacutelinquancehellip

En guise drsquointroduction il est preacutesenteacute agrave titre illustratif des donneacutees deacutecrivant la demande de

logement social sur la ville entre 1997 et 2002 (date maximale de donneacutees obtenues du

service Habitat de la Ville avant la fin drsquoexercice de lrsquoobservatoire) lrsquoimportance voire la

croissance des pheacutenomegravenes reacuteveacutelateurs de la preacutecariteacute-exclusion des meacutenages qui cherchent

un logement social aux Ulis sont patents Ils expriment drsquoune autre maniegravere la sous-

moyennisation en cours dans la ville agrave cette peacuteriode

A- La demande de logement social indicateur de releacutegation socio-spatiale locale

Les eacutevolutions du peuplement de la ville et de ses flux drsquoimmigration reacutesidentielle peuvent

ecirctre deacutecrites agrave partir des caracteacuteristiques des demandeurs de logement dans le parc social

notamment des demandeurs reacutesidents agrave lrsquoexteacuterieur de la ville En y ajoutant la description des

demandeurs ulissiens et des entrants finaux dans le parc social de logement il en ressort des

cateacutegories socio-administratives qui esquissent les profils sociaux des personnes concerneacutees

par le pheacutenomegravene dont elles sont le signe la concentration par releacutegation quasi-exclusive

dans le parc social de la ville des habitants modestes et disqualifieacutes de cette partie sud de

154

155

lrsquoagglomeacuteration parisienne Ce que Hugues Lagrange (1995) avait remarqueacute degraves le milieu

des anneacutees 1990 agrave propos de lrsquo laquo assignation agrave reacutesidence raquo des pauvres dans les mecircmes

quartiers en tout cas pour les secteurs qui disposent de structures drsquohabitat favorables agrave

lrsquoaccueil des meacutenages socio-eacuteconomiquement fragiles ou preacutecaires

Selon le Tableau 7 infra concernant la demande de logement social au service Habitat de la

Ville entre 2000 et 2002 les parts de demandeurs exteacuterieurs parmi lrsquoensemble des

demandeurs qui varient entre 900 et 1 000 par an sont plutocirct mineures et en leacutegegravere

deacutecroissance 307 en 2000 265 en 2001 et 24 en 2002 Ces chiffres indiquent que

la seacutegreacutegation ou la releacutegation urbaine correspondent au deacutebut des anneacutees 2000 dans cet

espace drsquohabitat moins agrave un processus de deacuteplacement des plus pauvres et modestes drsquoune

grande zone urbaine (reacutegion parisienne) vers un petit territoire de moindre valeur qursquoagrave un

pheacutenomegravene de mobiliteacute reacutesidentielle interne agrave la commune entre diffeacuterents secteurs

geacuteographiques et diffeacuterents segments et types drsquohabitat de la commune

Ainsi les trajectoires sociales de stagnation voire de deacuteclin ou de deacuteclassement de statut

socio-eacuteconomique srsquoaccomplissent en grande partie dans la commune mecircme si sa reacutegion

urbaine est pourvoyeuse de nombreux demandeurs agrave son endroit Dans ce sens le profil des

demandeurs exteacuterieurs mecircme srsquoils partagent une certaine faiblesse de niveau de vie change

en partie par rapport agrave celui des demandeurs internes sur les plans socio-deacutemographiques

(acircge statut familial et origine ethnique) et de lrsquoactiviteacute professionnelle (lieu de travail) Les

demandeurs exteacuterieurs nrsquoapparaissent pas comme une source de diffeacuterenciation sociale

neacutegative par rapport agrave la demande interne et semble mecircme plutocirct par certains aspects

apporter des caracteacuteristiques positives pour la coheacutesion sociale locale comme la motivation

du rapprochement par rapport au travail tend agrave le montrer

Dans le deacutetail les points de comparaison entre les deux cateacutegories de demandeurs apportent

les reacutesultats suivants Drsquoabord ils sont leacutegegraverement plus acircgeacutes et davantage parents drsquoenfants

avec un travail aux Ulis mecircme ou aux alentours Moins marqueacutes par une origine ethnique

speacutecifique ils recherchent davantage des appartements de grande taille (F5) ou de petite

taille (F1) En effet pour 2001 le service Habitat indique dans ce sens que les exteacuterieurs sont

plus acircgeacutes (entre 30 et 50 ans) agrave 58 contre 37 pour les ulissiens et ont un peu plus des

enfants que les Ulissiens agrave 49 contre 44 Les Ulissiens eux ont agrave 40 moins de 30

ans contre seulement 30 pour les exteacuterieurs Les premiers sont donc plus dans une

dynamique de deacutecohabitation

Tableau 7 - La demande de logement social au service Habitat de la Ville entre 1997 et 2002

1997 1998 1999 2000 2001 2002 Nombre de demandes (fin drsquoanneacutee) Demandes ulissiennes Demandes externes

622 534

771 625

937 649 288

929 683 246

959 729 230

Part des heacutebergeacutes 202 216 266 294 19 155

Part des deacutecohabitants 184 189 175 187 22 155

Part des locataires HLM 435 47 397 353 24

Part du secteur priveacute 10 102 103 13 9 125

Part des meacutenages lt 60 Pla 755 en 1995 776 835 85 88

Part des sans domicile fixe 02

Par des Foyers hocirctels 85

Part des chocircmeurs et inactifs (retraiteacutes pensionneacutes eacutetudiants chocircmeurs)

195 222 203 17 13 20

Part des employeacutes et ouvriers 644 659 69 71 70 67

Part des faibles ressources (lt1144 E) 448 486 399 467 37 ou

51 35

Part des cadres et professions intermeacutediaires 117 119 87 87 13 10

Part des tensions familiales 336 357

Part des personnes seules 309 293 328 407 35 40

Part des familles monoparentales 201 138 206 198 14 22

Part des nationaliteacutes eacutetrangegraveres 30 304 288 295 23 235 Travailleurs locaux (Ulis Courtabœuf BH) 474 479 493 608 60 495 Source service Habitat de la Ville des Ulis Les sont calculeacutes au 31032001 (anneacutee 2000 + 1er trimestre 2001) drsquoougrave la modeacuteration dans lrsquointerpreacutetation de leur eacutevolution depuis 1999 laquo raquo signifie qursquoil y a un problegraveme de fiabiliteacute et de validiteacute des donneacutees selon le service Habitat (systegraveme drsquoenregistrement) Problegravemes de validiteacute et de fiabiliteacute des donneacutees BH bassin drsquohabitat

Deacutefinition des types de demandeurs

Demandes enregistreacutees en mairie demandes des meacutenages habitant et travaillant aux Ulis et au parc drsquoactiviteacutes de Courtabœuf Les demandes enregistreacutees sont tant internes (reacutesidents) qursquoexternes (non reacutesidents aux Ulis)

La demande ulissienne demandeurs reacutesidant aux Ulis

La demande externe demandeurs reacutesidants sur une autre commune que Les Ulis demande enregistreacutee en mairie de meacutenages travaillant aux Ulis transmission par la Preacutefecture car demande eacutemanant drsquoun autre deacutepartement transmission par une autre commune ayant enregistreacutee la demande

Cependant les demandeurs exteacuterieurs sont en plus grande laquo coheacuterence territoriale raquo avec leur

lieu de travail que les Ulissiens puisque celui-ci est plus que pour ces derniers situeacute

davantage aux Ulis mecircme ou dans une commune proche Cet aspect nrsquoest pas neacutegligeable

concernant lrsquoeacuteducation des enfants compte-tenu de lrsquoimportance de lrsquoimpact du temps de

deacuteplacement domicile-travail dans le temps pour les relations intrafamiliales Par ailleurs les

demandeurs exteacuterieurs ne font que limiter une tendance agrave la croissance de la population

ethnique de la ville avec une part leacutegegraverement moins eacuteleveacutee de personnes eacutetrangegravere (19 ) que

pour lrsquoensemble des demandeurs (23 )

Du point de vue des ressources les demandeurs exteacuterieurs ont presque la mecircme proportion

de revenus mensuels infeacuterieurs agrave 1 144 euro que les demandeurs ulissiens (36 contre 37 )

bien qursquoici le service Habitat signale pour lrsquoanneacutee 2001 une incertitude lieacutee agrave un problegraveme

de fiabiliteacute de la donneacutee pour lrsquoensemble des demandeurs Globalement les non-Ulissiens

proviennent plus souvent de lrsquohabitat priveacute (21 contre 11 pour les Ulissiens) mecircme si

cet aspect est moins net puisque beaucoup de demandes deacuteposeacutees ne renseignent pas agrave ce

sujet Le plus souvent ils orientent leur demande davantage pour des logements soit de

petite taille (F1) agrave 195 (contre 75 pour les Ulissiens) soit agrave lrsquoopposeacute de grande taille

(F5) agrave 13 (contre 8 ) bien qursquoici aussi les renseignements sur dossier manquent Les

Ulissiens paraissent rechercher davantage les logements intermeacutediaires (F2 F3 et F4)

Dans un second temps drsquoautres grandes caracteacuteristiques de lrsquoensemble des demandeurs de

logement social ont eacuteteacute eacutetudieacutees pour ce deacutebut drsquoanneacutees 2000 Rapporteacutees en fait agrave la

composition de leur meacutenage lrsquoensemble des demandeurs preacutesentent des ressources tregraves

faibles en grande majoriteacute pregraves de 910egrave des demandeurs (en 2001) en ont drsquoun niveau

infeacuterieur agrave 60 du plafond de ressources deacutefini pour les Precircts locatifs aideacutes (PLA) soit

745 euro par mois agrave cette peacuteriode pour une personne seule (niveau deacutetermineacute pour lrsquoaccegraves aux

logements sociaux et qui est le seuil le plus bas de ressources drsquoentreacutee dans le parc HLM55)

Entre deux tiers et 70 drsquoentre eux sont des ouvriers ou employeacutes entre 1997 et 2002 Les

inactifs ndash retraiteacutes pensionneacutes chocircmeurs et eacutetudiants ndash repreacutesentent 20 en 2002 Seuls 13

sont soit des cadres soit des professions intermeacutediaires 225 sont des familles

55 En 2002 (deacutecret du 28 deacutecembre 2001) le plafond de ressources annuelles pour lrsquoaccegraves en HLM en Icircle-de-France hors Paris eacutetait de 14 891 euro pour une personne seule (21 802 euro en 2009) 22 254 euro pour deux personnes sans autre personne agrave charge (sauf jeunes couples dont la somme des acircges est infeacuterieure agrave 55 ans) (32 584 euro en 2009) 26 751 euro pour 3 personnes ou 1 personne avec une personne agrave charge (ou 1 jeune couple sans personne agrave charge) (39 170 euro en 2009) 32 044 euro pour 4 personnes ou 1 personne seule avec 2 personnes agrave charge (46 917 euro en 2009) 37 934 euro pour 5 personnes ou 1 personnes avec 3 personnes agrave charge (55 541 euro en 2009)

157

monoparentales en 2002 (valeur la plus haute drsquoune fourchette comprise entre 14 et 225

depuis 1997) Pour la premiegravere fois aussi cette anneacutee lagrave des demandes sont enregistreacutees

par des personnes en foyers et en hocirctel (85 ) ou encore sans domicile fixe (1 famille agrave la

rue 02 )

Ainsi le niveau social de la demande est en partie modeste Et pregraves drsquoune fois sur deux elle

est lieacutee agrave des difficulteacutes familiales seacuteparation (pour les familles monoparentales) mais aussi

laquo tensions familiales raquo agrave 35 en 2000 par exemple Drsquoautre part un fait est aussi significatif

du deacuteclassement social croissant qui deacutetermine la demande de logement social Alors que la

demande est en hausse on constate au deacutebut des anneacutees 2000 une forte baisse de la part des

demandeurs reacutesidant en HLM au moment du deacutepocirct de la demande 47 en 1998 alors agrave son

plus haut niveau contre 24 en 2002 soit pregraves de 50 en moins en quatre ans

Il y a donc une hausse de la demande de reacutesidents du parc priveacute ulissien ce qui constitue un

signe de la paupeacuterisation des cateacutegories moyennes Lrsquoaccegraves au parc priveacute pour les plus

jeunes et le maintien dedans pour les plus acircgeacutes en mobiliteacute sociale (gracircce au travail ou aux

relations familiales) ne sont pas aiseacutes Ce constat drsquoeacutevolution est fortement instructif en ce

qursquoil srsquooppose agrave lrsquoa priori que la reprise eacuteconomique de 1997-2001 si elle nrsquoa pu profiter aux

plus en difficulteacutes drsquoemploi situeacutes notamment dans le logement social aurait permis aux

cateacutegories drsquohabitants du parc priveacute de srsquoy maintenir tregraves facilement

Dans ce sens un autre aspect drsquoanalyse concernant les demandeurs de logement social aupregraves

de la Ville confirme la manifestation de difficulteacutes socio-eacuteconomiques importantes de

certains Ulissiens au deacutebut des anneacutees 2000 la diffeacuterence parmi les demandeurs entre les

heacutebergeacutes et les deacutecohabitants Cette analyse permet eacutegalement drsquoappreacutehender les conditions

de vie des Ulissiens car par exemple une forte proportion drsquoheacutebergeacutes parmi les demandeurs

illustre la contradiction entre un parc de logements sociaux doteacute drsquoune image plus ou moins

deacutegradeacutee et la tension sur ce marcheacute qui pousse neacuteanmoins agrave deacuteposer une demande de

logements aux Ulis Les heacutebergeacutes repreacutesentent 294 des demandeurs en 2000 et 155 en

2002 Pour rappel agrave cette derniegravere date la tension sur le marcheacute local se manifeste par la

hausse en un an de la demande (+ 6 ) et une baisse notable des attributions (- 14 ) Le

ratio de marcheacute constateacute y est alors plutocirct faible (113 logements agrave pourvoir pour 100

demandes de logement)

En 2002 heacutebergeacutes et deacutecohabitants repreacutesentent chacun 155 des demandeurs de logement

avec une preacutedominance pour les heacutebergeacutes les quatre anneacutees preacuteceacutedentes de plus de

158

50 environ par rapport aux deacutecohabitants (cf tableau 7 plus haut) Cependant ces deux

cateacutegories de demandeurs de logement doivent pouvoir ecirctre distingueacutees Srsquoil apparaicirct aux Ulis

que les deux partagent pour lrsquoessentiel la mecircme caracteacuteristique de faibles ressources

eacuteconomiques (plus de 90 de leurs effectifs preacutesentent des ressources infeacuterieures agrave 60 du

plafond PLA en 2001) ils diffegraverent sur les plans deacutemographique social et en termes de choix

lieacute au logement

Ces diffeacuterences srsquoexpliquent pour beaucoup par le plus jeune acircge des deacutecohabitants (72 ont

moins de 30 ans contre 28 pour les heacutebergeacutes) mecircme si les heacutebergeacutes sont aussi de jeunes

actifs en majoriteacute ils ont moins de 40 ans agrave 68 Drsquoautre part la part des eacutetrangers est chez

les deacutecohabitants moitieacute moins importante que chez les heacutebergeacutes (21 par rapport agrave 40 )

ils sont moins seuls ou plus en couple mecircme si plus ceacutelibataires et ont moins drsquoenfants La

diversiteacute sociale se situe aussi au niveau de la provenance reacutesidentielle celle-ci est plus

varieacutee pour les deacutecohabitants avec une part du logement priveacute (30 ) plus importante que les

heacutebergeacutes (pregraves de 22 )

Les cateacutegories sociales et professionnelles des deacutecohabitants sont plus diversifieacutees Drsquoabord

la proportion des cateacutegories modestes bien que majoritaire est moins importante chez eux

que chez les heacutebergeacutes avec notamment moins drsquoouvriers 40 drsquoemployeacutes et 38

drsquoouvriers chez les heacutebergeacutes contre 45 drsquoemployeacutes et 21 drsquoouvriers chez les

deacutecohabitants Ces derniers comportent ainsi plus de cateacutegories intermeacutediaires (9 contre 4

pour les heacutebergeacutes) de cateacutegories supeacuterieures (11 de cadres contre 2 ) et drsquoinactifs

retraiteacutes et eacutetudiants (10 contre 4 ) Effet du plus jeune acircge aussi sans doute les

deacutecohabitants apparaissent moins stables professionnellement 51 ont un contrat agrave dureacutee

indeacutetermineacutee (CDI) agrave temps plein contre 62 pour les heacutebergeacutes

Sur le plan du logement rechercheacute les heacutebergeacutes plus acircgeacutes plus seuls mais ayant aussi plus

drsquoenfants (certainement dans un autre logement agrave lrsquoeacutetranger ou dans une autre reacutegion dans le

cas de migrants) recherchent plus fortement des grands appartements (F3 et F4) tandis que

les deacutecohabitants manifestent un peu plus drsquointeacuterecirct pour les petits logements tout en

preacutesentant une demande importante de grands logements (55 recherchent un F1 ou un F2

contre 45 un F3 ou F4 les heacutebergeacutes recherchent agrave 78 un F3 ou F4 et agrave 24 un F1 ou

F2)

Enfin il est inteacuteressant de noter que les deacutecohabitants en forte majoriteacute expriment des

preacutefeacuterences preacutecises de localisation (87 ) et de bailleurs de logement (89 ) alors que les

159

heacutebergeacutes ne sont qursquoune minoriteacute agrave exprimer une preacutefeacuterence de quartier (15 ) par exemple

de maniegravere apparemment contradictoire les deacutecohabitants indiquent rechercher des logements

vers lrsquoest de la ville (43 et 21 pour le nord 15 pour le sud et seulement 8 pour

lrsquoouest qui repreacutesente la ZUS) mais ils marquent une forte preacutefeacuterence agrave pregraves de 50 des

choix pour le bailleur social Groupe 3F implanteacute dans ce secteur Ouest sensible

(certainement du fait des loyers)

De leur cocircteacute les heacutebergeacutes forment une population plutocirct homogegravene deacutemographiquement

socialement et du point de vue de leurs attentes ils sont essentiellement de jeunes actifs de

moins de 40 ans pour une large part drsquoorigine eacutetrangegravere (40 drsquoeacutetrangers) Mecircme srsquoils

travaillent le plus souvent de maniegravere stable (62 ) avec une bonne partie de preacutecaires tout

de mecircme (25 dont 8 de chocircmeurs) ils ont pour la plupart des ressources tregraves faibles

(90 infeacuterieurs au seuil de 60 du PLA) Il est drsquoailleurs inteacuteressant de noter que les

heacutebergeurs sont souvent de condition similaire agrave eux puisqursquoils habitent agrave pregraves de 78 dans

les programmes sociaux de la ville

Neacuteanmoins en tant que population active en grande partie au travail ils sont une cateacutegorie

cible pour le logement social Ils relegravevent ainsi certainement pour une majoriteacute drsquoentre eux

de la cateacutegorie de travailleurs pauvres ou aux bas revenus dont les revenus nrsquoapportent pas agrave

eux-mecircmes et agrave leur meacutenage un niveau de vie suffisant surtout en reacutegion parisienne Ces

situations reacutevegravelent aussi souvent des flux drsquoimmigration par des reacuteseaux migratoires

familiaux etou de diasporas parfois ougrave les liens de connaissance de parentegravele ou

drsquoappartenance ethnique (selon les groupes de migrants) peuvent constituer un facteur

important pour la solidariteacute interpersonnelle

Pour terminer cette partie drsquoillustration de la sous-moyennisation de la structure sociale

ulissienne un dernier aspect a eacuteteacute analyseacute il srsquoagit des flux drsquoentreacutee dans le logement social

Ils ont eacuteteacute 85 en moyenne annuelle en 2001 agrave avoir passeacute le cap des proceacutedures

drsquoattributions chiffre variant entre 5 et 13 par reacutesidence ou bailleurs (regroupant

plusieurs reacutesidences) sans prendre en compte une petite reacutesidence (lrsquoArlequin) repreacutesentant

05 du parc soit 36 logements Dans le cadre de lrsquoobservatoire social il a eacuteteacute engageacute une

analyse cherchant agrave eacutevaluer lrsquoimpact a priori de leur profil dans le peuplement et au niveau de

la vie sociale des reacutesidences des quartiers et de la ville elle-mecircme Une premiegravere remarque

provient de lrsquoobservation des attributions des bailleurs en 2002 reacutealiseacutee par le service Habitat

160

de la Ville Il retient dans son bilan drsquoactiviteacute 2002 trois principaux constats concernant les

profils des entrants dans le parc social

- chez tous les bailleurs preacutesence drsquoune forte proportion de familles monoparentales

laquo relogeacutees raquo (agrave ne pas confondre avec le relogement des opeacuterations de reacutenovation

urbaine)

- importance des meacutenages pauvres malgreacute des contrats agrave dureacutee indeacutetermineacutes (CDI)

souvent preacutesenteacutes

- logement drsquoun tregraves grand nombre de laquo deacutecohabitants raquo

Si la tendance agrave la preacutesence croissante de familles monoparentales etou pauvres semble se

manifester (22 de meacutenages de familles monoparentales et pregraves de 90 drsquoentre elles aux

ressources infeacuterieures agrave 60 du plafond du PLA) allant dans le sens de lrsquoideacutee drsquoun flux de

releacutegation sociale aux Ulis il reste que le grand nombre de deacutecohabitants constitue un point

potentiellement positif en termes drsquointeacutegration sociale locale mecircme si cette entreacutee peut

signifier lrsquoeacutechec drsquoun itineacuteraire reacutesidentiel hors commune et hors segment social ces

personnes beacuteneacuteficient sur place drsquoun potentiel de relations familiales et amicales passeacutees

support de sociabiliteacute large notamment pour les jeunes scolariseacutes dans la commune ce qui

se peut se traduire par des ressources de solidariteacute non neacutegligeables dans la vie quotidienne

Enfin cette situation offre lrsquoavantage drsquoune certaine connaissance acquise concernant les

institutions locales

Les principaux reacutesultats drsquoanalyse des profils des entrants dans le parc social de la ville

corroborent les indicateurs de preacutecarisation eacuteconomique et sociale des meacutenages moyens et

modestes Le tableau 8 reacutesulte drsquoune tentative drsquoeacutevaluation de cet laquo apport social raquo des

entrants dans les reacutesidences sociales de la ville eacutetablie gracircce agrave lrsquoaccegraves aux nombreuses

donneacutees concernant ceux-ci Il montre par exemple que en 2001 les parts de meacutenages

preacutecaires varient de 0 agrave 33 selon les reacutesidences Pour chaque reacutesidence ou chaque

ensemble de reacutesidences par bailleurs une description des entrants a eacuteteacute reacutealiseacutee selon deux

types drsquoindicateurs rassemblant des informations sur leur situation eacuteconomique et sociale

Cette analyse peut ecirctre appliqueacutee chaque anneacutee afin drsquoeacutevaluer lrsquolaquo apport social raquo agrave la

commune ie leurs effets eacuteventuels dans chaque reacutesidence selon les profils eacuteconomiques et

les caracteacuteristiques socio-deacutemographiques reacuteveacutelant une forme de laquo disposition au lien social

local raquo cela en tenant compte aussi des tailles des groupes drsquoentrants proportionnellement agrave

celles des reacutesidences drsquoinstallation et de lrsquoeacutetat geacuteneacuteral des profils des reacutesidents preacutesents

161

162

Lrsquoobjectif eacutetait drsquoappreacutecier les effets a priori des arriveacutees en termes de capaciteacute agrave apporter de

la stabiliteacute socio-eacuteconomique agrave eacutetablir du lien social avec pour les parents lrsquoeacuteducation des

enfants

Ces eacutevaluations constituent une forme drsquoindice syntheacutetique drsquoun laquo apport en coheacutesion

sociale raquo des entrants dans les reacutesidences les quartiers et la ville globalement sachant que la

dimension relationnelle est importante dans les quartiers sociaux sensibles aux questions de

deacutesorganisation et drsquoindiffeacuterence sociales ou encore de deacutereacutegulation des conduites

collectives et individuelles (Paugam 1995) Le tableau 8 infra nrsquoest rapporteacute qursquoagrave titre

illustratif de la meacutethode reacutealiseacutee de regroupement ordonneacute des donneacutees (et de maniegravere

abreacutegeacutee) Car drsquoune anneacutee sur lrsquoautre les profils changent en termes de niveaux de vie et

drsquointeacutegration sociale locale plutocirct positifs une anneacutee il peut ecirctre plus neacutegatifs lrsquoanneacutee

suivante par exemple Le tableau ne preacutesente qursquoune anneacutee de cet exercice drsquoanalyse (2001)

pour illustrer lrsquoeacutetat socio-eacuteconomique au deacutebut des anneacutees 2000 des demandeurs de

logement social aux Ulis

Tout drsquoabord les laquo apports raquo sont assez varieacutes drsquoune reacutesidence agrave lrsquoautre agrave la reacutesidence de la

Chacirctaigneraie par exemple (du bailleur Logis-Transport Nord-estEst de la zone drsquohabitat de

la ville) les actifs demandeurs des cinq meacutenages entrants travaillent tous aux Ulis mais ont

de tregraves faibles revenus (100 sont infeacuterieurs agrave 60 du plafond PLA) alors qursquoagrave celle de

Chanteraine (OPIEVOY mecircme secteur geacuteographique) ils travaillent tous dans les

deacutepartements limitrophes (temps de transport plus long) et 87 ont des revenus infeacuterieurs au

60 du plafond PLA Sur le plan social les dispariteacutes sont aussi nombreuses par exemple

40 des arrivants sont seuls aux Bosquets ou aux Hautes-Bergegraveres contre 15 aux Hautes-

Plaines les familles monoparentales peuvent aussi varier du simple au double avec 175

aux Hautes-Plaines contre un tiers agrave Chanteraine et 31 aux Avelines

Cette analyse multicritegravere permet drsquoeacuteviter des interpreacutetations deacutecaleacutees comme par exemple les

revenus mensuels qui ne sont pas rapporteacutes agrave la taille du meacutenage agrave la diffeacuterence de

lrsquoestimation des ressources par rapport au plafond PLA Cette eacutetude confirme le caractegravere

preacutedominant des difficulteacutes eacuteconomiques et sociales des meacutenages qui srsquoinstallent dans le

logement social au tournant des anneacutees 2000 aux Ulis Trois cateacutegories ressortent plus

nettement 1 les familles monoparentales 2 les meacutenages drsquoactifs occupeacutes mais pauvres

avec un contrat de travail en CDI dans la plupart des cas mais des ressources familiales

infeacuterieures au 60 du plafond PLA 3 une part importante des eacutetrangers avec 30 agrave 35 de

part des entrants dans les trois cas ougrave ils sont mentionneacutes (pour 6 reacutesidences)

Tableau 8 - Eacutevaluation de lrsquo laquo apport social raquo des meacutenages entrants dans les reacutesidences sociales de la ville - 2001

Bailleurs Reacutesidences Total Lgts

Meacutenages entrants

Nbre Profil eacuteconomique Profil social

Nord-estEst de la ville

- Efidis Arlequin 36 2 05 Pas de donneacutees fournis

- OPAC Ventoux 111 15 135 ⅓ ont des revenuslt60 Pla 80 sont en CDI Pas de revenus lt 1144 euromois

Moins de 30 ans plus de deacutecohabitants dont 13 de la reacutesidence ⅓ sont seuls 40 travail aux Ulis

- Opievoy Chanteraine 366 22 6 87 sont lt60 Pla 14 sont lt1144

eurom 82 CDI 33 de familles monoparentales 20 issus de la

reacutesidence travail deacutepartements limitrophes surtout

- Logis- Transport

Chacirctaigneraie 196 10 5 100lt60 Pla 20lt1144 euro m

100 CDI

30 familles monoparentales 18 issus de la reacutesidence 30 eacutetrangers 40-50 a en majo

travail Ulis pour tous

- Toit et Joie Barceleau 583 47 8 77lt60 Pla 17lt1144 euro m 6

chocircm 85 CDI 28 familles monoparentales 15 perso seules travail Ulis majoriteacute 17 issus de la reacutesidence

Ouest de la ville

- Logirep Hautes-Plaines

400 40 10 80lt60 Pla 25lt1144 euro m

75 CDI 125 chocircm 40 de 18-30a 175 familles monoparentales

15 seuls travail Ulis principalement

Amonts 538Avelines 444Fraisiers 70- SCIC

Vaucouleur 21

75 7 Ressources faibles Amonts 57lt1144 euro m Avelines 25lt1144 euro m + 3

de chocircmeurs 80 en CDI

Amonts ⅓ perso seules 12 issus de la reacutesidence Avelines 31 familles monoparentales 6 issus

de la reacutesidence Pour toutes les reacutesidences ⅓ eacutetrangers travail UIis + deacutepartements limitrophes

Source service Habita Ville (Bilan drsquoactiviteacute 2002) pour information les reacutesidences sociales ne se situent qursquoau Nord-estEst de la zone drsquohabitat de la ville ainsi qursquoagrave lrsquoOuest de celle-ci

t de la

Dauniegravere 522Bosquet 621Hautes- Bergegraveres

596 - Groupe 3F

Pendant de Villeziers

86

176 95 Ressources laquo moyennes raquo en majoriteacute

en CDI Bosquet 13 drsquoinactifs Pendant de Villeziers 15 inactifs

Bosquet et Htes-Bergegraveres env 40 personnes seules beaucoup de 18-30 a Dauniegravere + Bosquet

20 familles monoparentales Bosquet 35 eacutetrangers

Nota Lecture du tableau

Pour chaque reacutesidence les profils des entrants sont indiqueacutes selon deux dimensions eacuteconomique (niveau de vie des meacutenages selon seuil meacutedian des revenus rapport au plafond de ressources du Precirct locatif aideacute (PLA) et nature du contrat de travail (CDI ou non si activiteacute salarieacutee)) et sociale conccedilue comme drsquoune part la capaciteacute agrave eacutetablir du lien social (acircge en comptant sur le dynamisme de la jeunesse lieu de travail (aux Ulis ou proche) preacutesence de parents ou pas dans la ville et ancienneteacute de la vie dans celle-ci) et drsquoautre part la capaciteacute drsquoeacuteducation des enfants sans freins familiaux et professionnels (configuration parentale agrave la maison et travail aux Ulis ou agrave lrsquoexteacuterieur selon des donneacutees sur la tranche drsquoacircge drsquoappartenance la composition familiale (couple personne seule ou famille monoparentale) le motif de changement de logement (deacutecohabitant ou non) la reacutesidence de provenance et le lieu de travail) Dans le tableau il est agrave chaque fois rapporteacute les caracteacuteristiques principales (majoritaires) des entrants

163

Par exemple pour la reacutesidence du Ventoux de lrsquoOPAC (secteur Nord-estEst de la ville) en sigle et abreacuteviation parfois pour gagner de lrsquoespace drsquoeacutecriture un tiers des entrants ont un revenu infeacuterieur agrave 60 du plafond du PLA (⅓lt60 PLA) 80 sont en CDI et aucun nrsquoa un revenu infeacuterieur agrave 1 144 euro mois ce sont surtout des jeunes de moins de 30 ans en majoriteacute des deacutecohabitants dont le tiers est une personne seule et 40 travaillent dans la ville

Globalement aussi sur le plan des effets sociaux en termes de coheacutesion sociale cet apport annuel

nrsquoapparaicirct pas neacutecessairement positif Les indications de provenance reacutesidentielle anteacuterieure ndash de

12 agrave 18 de la mecircme reacutesidence ndash ne sont pas assez significatives pour conclure agrave une eacuteventuelle

compensation des deacuteficits eacuteconomiques et sociaux apparents par lrsquoexistence de nombreux liens

drsquointerconnaissance ou par une dureacutee drsquoancienneteacute de reacutesidence locale plus ancienne permettant

des conditions eacuteconomiques et sociales drsquoexistence satisfaisantes

Si cette approche permet aussi de suivre la politique drsquoattribution des bailleurs et des autoriteacutes

dans ce domaine elle reste eacutevidemment partielle pour lrsquoanalyse des structures sociales preacutesentes

dans les reacutesidences en ne srsquointeacuteressant qursquoagrave pregraves de 8 en moyenne de meacutenages dans chaque

reacutesidence Pour ce faire il faut plus preacuteciseacutement relever dans la dureacutee de maniegravere reacuteguliegravere

lrsquoeacutevolution de lrsquoensemble des profils eacuteconomiques et socio-deacutemographiques des meacutenages

occupants Cette approche est possible avec les enquecirctes drsquooccupation sociale que reacutealisent les

bailleurs sociaux tous les deux ans Cette source drsquoinformations a justement eacuteteacute exploiteacutee infra

pour affiner la sociographie de la population reacutesidente aux Ulis

B- Preacutesence importante de la preacutecariteacute socio-eacuteconomique

Une analyse des informations locales disponibles montre que la structure des actifs aux Ulis agrave

lrsquoinstar de ce qui est observeacute au niveau national est constitueacutee drsquoun ensemble large drsquo laquo actifs

preacutecaires raquo Il a eacuteteacute rapporteacute dans la probleacutematique qursquoagrave la fin des anneacutees 1990 cet ensemble

comprend au niveau national drsquoune part les chocircmeurs laquo officiels raquo pour un peu moins de la

moitieacute drsquoentre eux (pregraves de 45 ) et drsquoautre part drsquoautres sans emploi et sous-employeacutes crsquoest-

agrave-dire des actifs preacutecaires peu deacutevoileacutes dans les statistiques officielles du chocircmage et qui

forment la partie majoritaire de lrsquoensemble des preacutecaires et des sans emploi (pregraves de 55 de cet

ensemble) Plus preacuteciseacutement au niveau des Ulis cette structure des actifs preacutecaires en deux

cateacutegories internes reacuteparties en 45 55 sur le plan national semble prendre une forme

particuliegravere lieacutee agrave son parc social il srsquoobserve un rapport de pregraves drsquoun tiers pour les premiers

(chocircmeurs laquo officiels raquo) et de pregraves de deux-tiers pour les seconds (autres sans emploi et sous-

employeacutes)

164

Ce constat deacutecoule dun exercice drsquoestimation reacutealiseacute agrave partir drsquoune premiegravere eacutevaluation

theacuteorique de base suivie drsquoun recueil de donneacutees aupregraves de structures et drsquoinstitutions sociales

locales Les actifs preacutecaires apparaissent nettement plus importants que ce qursquoamegravenent agrave penser

les statistiques officielles du seul chocircmage Ce qui donne matiegravere agrave justifier la plupart des

constats empiriques et des repreacutesentations subjectives sur la preacutecariteacute dans la ville de la part

drsquoacteurs reacutealisant de lrsquoaccompagnement social pour qui le taux de chocircmage laquo officiel raquo ne

traduit pas la reacutealiteacute du pheacutenomegravene qursquoils cocirctoient Lrsquoestimation reacutealiseacutee aboutit agrave un coefficient

multiplicateur remarquable entre eux agrave peu pregraves le double des premiers par rapport aux seconds

sur toute la commune et pas loin de plus du triple dans le parc social

Deux eacutetapes ont eacuteteacute reacutealiseacutees pour la construction de cette population drsquoactifs preacutecaires

drsquoabord la comparaison entre les donneacutees officielles du chocircmage celles de Pocircle emploi

(ANPE agrave lrsquoeacutepoque de lrsquoeacutetude) et celles du recensement de la population de lrsquoINSEE avec les

perceptions subjectives des acteurs de lrsquoemploi concernant les personnes en preacutecariteacute

professionnelle ensuite la prise en compte plus large de diffeacuterentes cateacutegories drsquoactifs

preacutecaires non chocircmeurs au sens strict (selon les deacutefinitions de lrsquoINSEE et de Pocircle emploi) et

reacuteveacuteleacutees par diffeacuterents gestionnaires de populations preacutecaires sur la ville Cette construction

eacutetablie au deacutebut des anneacutees 2000 vaut pour sa fonction conceptuelle davantage que pour la mise

en valeur drsquoun eacutetat des lieux reacutecent Ce dernier point est neacuteanmoins eacutevoqueacute en fin drsquoanalyse en

interpreacutetant les donneacutees officielles les plus actuelles agrave la lumiegravere de la construction conceptuelle

reacutealiseacutee auparavant

1 Un chocircmage laquo officiel raquo faible et fluctuant selon les sources

Il y a encore peu de temps lrsquoindicateur le plus souvent mis en avant concernant le chocircmage au

moins sur le plan meacutediatique eacutetait celui du nombre des demandeurs drsquoemploi inscrits agrave Pocircle

emploi crsquoest-agrave-dire lrsquoANPE agrave lrsquoeacutepoque du recueil des donneacutees entre 2000 et 2004 Parmi les

diffeacuterentes cateacutegories de demandeurs drsquoemploi crsquoest la cateacutegorie A (cateacutegorie 1 avant la reacuteforme

de 200856) qui est preacutesenteacutee comme la plus repreacutesentative du chocircmage bien que de plus en plus

celle-ci soit accompagneacutee des donneacutees cumulant les autres cateacutegories (B C D ou E) La 56 Cette reacuteforme de lrsquoANPE a reacuteduit les huit cateacutegories existantes de demandeurs drsquoemploi en cinq en les qualifiant par des lettres au lieu de chiffres Crsquoest au cours de cette reacuteforme que la deacutenomination du service public de lrsquoemploi srsquoest changeacutee en Pocircle emploi

165

premiegravere cateacutegorie regroupait agrave lrsquoeacutepoque du recueil de donneacutees laquo les personnes sans emploi

immeacutediatement disponibles et agrave la recherche dun emploi agrave dureacutee indeacutetermineacutee et agrave temps plein raquo

La nouvelle cateacutegorie A des chocircmeurs depuis la reacuteforme de 2008 est eacutelargie agrave ceux cherchant un

emploi agrave laquo temps partiel ou agrave dureacutee deacutetermineacutee temporaire ou saisonnier raquo (anciennes

cateacutegories 2 et 3 de lrsquoANPE)57 Cette nouvelle cateacutegorisation est centreacutee sur la mise en valeur

des demandeurs nrsquoayant eu aucune activiteacute le mois preacuteceacutedent lrsquoenregistrement de leur

inscription tout en incluant toutes les formes drsquoemploi rechercheacutees contrat agrave dureacutee

indeacutetermineacutee ou agrave dureacutee deacutetermineacutee agrave plein temps ou agrave temps partiel

Le problegraveme est qursquoen lrsquoabsence drsquoune connaissance reacuteguliegraverement mise agrave jour de la population

active totale qui nrsquoeacutetait releveacutee que tous les huit agrave neuf ans selon la meacutethode de recensement

geacuteneacuteral de la population de lrsquoINSEE avant sa meacutethode par sondage partielle annuelle (le dernier

recensement geacuteneacuteral eacutetant en 1999) il est difficile de produire un taux de chocircmage suffisamment

laquo valide raquo agrave tout moment avec les seuls nombres de demandeurs drsquoemploi inscrits agrave Pocircle emploi

Le rapport entre ceux-ci et la population active nrsquoa de sens que lorsque le recensement de cette

derniegravere a eacuteteacute reacutecente La validiteacute drsquoun tel calcul se deacutegrade au fil des anneacutees qui passent en

utilisant une base de population active de plus en plus ancienne Crsquoest pourquoi les eacutevolutions du

chocircmage selon Pocircle emploi sont dans les statistiques administratives davantage preacutesenteacutees en

chiffres absolus (en termes de nombre de demandeurs drsquoemploi de cateacutegorie A ou de ceux des

cateacutegories A B et C cumuleacutees couvrant les demandeurs en activiteacute reacuteduite courte ou longue)

Cependant parfois agrave des fins comparatives dans le temps des taux de chocircmage drsquoanneacutees

successives sur la mecircme base de population active agrave une date passeacutee donneacutee sont calculeacutes et

compareacutes pour appreacutecier en valeur relative lrsquoeacutevolution de la quantiteacute de chocircmeurs Pour notre

analyse il est rapporteacute dans le tableau 9 infra une premiegravere appreacuteciation du chocircmage officiel aux

Ulis par rapport agrave son environnement selon les taux officiels de lrsquoANPE en 2001 date peu

eacuteloigneacutee du recensement de 1999 A cette eacutepoque lrsquoanneacutee 2001 est celle de la fin drsquoun petit

cycle de croissance de lrsquoeacuteconomie commenceacute en 1997-1998 (Maurin 2002) qui se traduit tant

sur le plan national que reacutegional par une baisse du nombre de chocircmeurs et du taux de chocircmage

Les donneacutees concernant Les Ulis en 2001 sont plutocirct favorables agrave premiegravere vue

57 Ces cateacutegories 2 et 3 drsquoavant la reacuteforme eacutetaient publieacutees depuis mars 1983 mais nrsquoeacutetaient geacuteneacuteralement pas associeacutees au deacutecompte et agrave lanalyse du chocircmage

166

Tableau 9 - Taux de chocircmage global et des jeunes et part des demandeurs de longue dureacutee aux Ulis selon lrsquoANPE pour le deacutepartement la reacutegion et la France meacutetropolitaine en 2001

Donneacutees 2001 (mi-anneacutee)

Les Ulis Essonne Icircle-de-France France

meacutetropolitaine

Taux de chocircmage 58 53 76 88

- 25 ans 101 107 93 156

DELD gt 1an 244 281 312 316

Sources Agence locale de lrsquoemploi (ex-Pocircle emploi) des Ulis et donneacutees Insee DELD= demandeur drsquoemploi de longue dureacutee

Tout drsquoabord la ville se distingue du deacutepartement par un eacutecart leacutegegraverement supeacuterieur pour le taux

de chocircmeur global (58 contre 53 pour le deacutepartement) mais les taux cateacutegoriels de

jeunes et de chocircmeurs de longue dureacutee sont plus faibles pour la ville (respectivement 101 et

244 ) que pour le deacutepartement (107 et 281 ) Par rapport agrave la reacutegion (76 ) et agrave la

nation (88 ) le taux ulissien de chocircmage global selon lrsquoANPE est en revanche tregraves infeacuterieur

Crsquoest seulement pour les jeunes de moins de 25 ans que la reacutegion (93 ) preacutesente un taux

infeacuterieur agrave ceux des Ulis (101 ) et du deacutepartement (107 ) Pour le chocircmage de longue

dureacutee par rapport aux niveaux national reacutegional et deacutepartemental la situation aux Ulis est

meilleure

En reacutesumeacute le chocircmage des Ulis apparaicirct globalement plus faible que sur les territoires national

et reacutegional en phase avec son deacutepartement Cependant la ville srsquoen deacutemarque drsquoune part par un

chocircmage drsquoadultes de courte dureacutee plus important puisque le chocircmage de longue dureacutee est plus

faible que pour les autres territoires Si dans une moindre mesure le chocircmage des jeunes de

moins de 25 ans est leacutegegraverement plus eacuteleveacute que dans la reacutegion et que le chocircmage global deacutepasse

leacutegegraverement le deacutepartement on peut supposer que ce soit la cateacutegorie des chocircmeurs adultes de

plus de 25 ans inscrits pour des laquo courtes raquo dureacutees au chocircmage (moins drsquoun an) qui est

proportionnellement la plus importante aux Ulis par rapport aux autres territoires

Cette interpreacutetation implique que le chocircmage des Ulissiens serait adapteacute agrave la compeacutetitiviteacute accrue

de lrsquoactiviteacute eacuteconomique du moins en partie pour la part des plus agrave mecircme agrave occuper des postes

(les chocircmeurs qualifieacutes qui sont au chocircmage pour une courte dureacutee) degraves que les reprises

eacuteconomiques ou les opportuniteacutes se font sentir Dans les anneacutees 1990 nrsquoest-ce pas drsquoailleurs la

fragilisation de lrsquoemploi par la technologie qui a produit la croissance de chocircmeurs (Maurin

167

2002) mecircme dans des contextes parfois de hausse du niveau global drsquoemploi renforceacutee par la

hausse plus forte de la population active (Clerc 2006) Est-ce agrave dire que la population

ulissienne vit dans lrsquoensemble mieux lrsquoeacutevolution eacuteconomique geacuteneacuterale que lrsquoensemble de la

population reacutegionale ou nationale Le deacutecalage de perception parmi les acteurs locaux entre

drsquoun cocircteacute les chiffres des chocircmeurs officiels et de lrsquoautre cocircteacute les impressions drsquoune plus

grande quantiteacute de population vivant dans la pauvreteacute ou la preacutecariteacute interroge les

repreacutesentations qui circulent en la matiegravere

En effet un ensemble drsquoeacuteveacutenements locaux de faits et de pheacutenomegravenes observeacutes concernant les

habitants traduit plutocirct une autre reacutealiteacute difficulteacutes de paiement des loyers et des cantines

scolaires renonciation aux soins de santeacute demandes drsquoaides financiegraveres multiplication des

vols et des actes de violence pour preacutedation difficulteacutes drsquoemploi et de logement pour les jeunes

les eacutetrangers et les immigreacutes faiblement qualifieacuteshellip Ces repreacutesentations des diffeacuterents acteurs

peuvent-elle ecirctre appreacutecieacutees et objectiveacutees de maniegravere plus proche de la reacutealiteacute perccedilue par les

acteurs locaux de lrsquoemploi

En fait il y aurait une sorte de laquo chiffre noir raquo de la preacutecariteacute non reacuteveacuteleacute par les instruments

laquo officiels raquo et qui repreacutesenterait une population concerneacutee de maniegravere floue et incertaine sujette

agrave des distorsions et des formalisations hasardeuses Pour une estimation se rapprochant de la

reacutealiteacute des donneacutees dacteurs ont pu ecirctre croiseacutees en fonction de leur pertinence (leur sens) de

leur accessibiliteacute pour leur recueil et surtout de leur correspondance avec les proprieacuteteacutes du

binocircme conceptuel laquo preacutecariteacute professionnelle - exclusion du travail raquo pour pouvoir en constituer

une mesure (Ghiglione Matalon 1999) Avant de rechercher aupregraves des acteurs des donneacutees qui

renseignent sur le nombre drsquoactifs en situation de preacutecariteacute professionnelle le taux de chocircmage

selon lINSEE mesureacute lors de lapplication de lenquecircte Emploi dans le recensement geacuteneacuteral de

la population de 1999 (puis dans les enquecirctes de recensement par sondage depuis cette date) a

eacuteteacute examineacute Cet indicateur apporte une premiegravere mesure de la population drsquoensemble concerneacutee

par le chocircmage au-delagrave de ceux qui font la deacutemarche de srsquoinscrire agrave Pocircle emploi

En effet lINSEE relaie au plan national le mode drsquoappreacutehension du chocircmage du Bureau

International du Travail (B I T) quapplique loffice de statistiques europeacuteen (Eurostat) pour se

conformer aux conventions statistiques internationales Pour lInstitut franccedilais de statistiques

(INSEE) le chocircmage deacutesigne alors la situation de tout individu de plus de 15 ans laquo sans emploi

[sans] avoir travailleacute une seule heure au cours de la semaine de reacutefeacuterence ne pas ecirctre au

168

chocircmage partiel ecirctre disponible pour travailler dans un deacutelai infeacuterieur agrave 15 jours ndash voire 30 en

cas de maladie beacutenigne et ecirctre en quecircte effective drsquoun travail raquo Le recensement de la

population de 1999 pendant lequel lrsquoenquecircte Emploi est appliqueacutee agrave tout le territoire constitue

une mesure tregraves opportune pour notre approche analytique En plus de prendre en compte tous

les diffeacuterents objectifs drsquoemploi des personnes le taux de lrsquoINSEE est inteacuteressant en ce qursquoil

reacutesulte drsquoun mode deacuteclaratif de la part des individus indeacutependamment de leurs relations agrave

ladministration de lemploi une partie plus large drsquoactifs est alors concerneacutee puisqursquoil ny a ni

obligation ni veacuterification drsquoecirctre inscrit agrave Pocircle emploi agrave part pour ceux souhaitant obtenir une

allocation chocircmage ou des prestations de formation ou de stage dispenseacutees par le service de

lrsquoemploi

Quen est-il aux Ulis Comme au plan national lenquecircte Emploi appliqueacutee localement reacutevegravele

une population active au chocircmage plus nombreuse que celle de lANPE indiquant ainsi un

premier eacutecart important entre les situations sociales reacuteelles et la connaissance quen a le service

public local de lemploi En 1999 le taux INSEE de chocircmeurs aux Ulis est de 109 (voir

graphique au-dessous) Il est de 12 en 2006 de 11 en 2007 et de 114 en 2008 Pour

1999 le taux est donc supeacuterieur de 26 points par rapport taux ANPE 1999 (83 ) soit un eacutecart

de pregraves de 30 (313 ) Cet eacutecart repreacutesente un ensemble non neacutegligeable drsquoactifs preacutecaires

non reacuteveacuteleacutes comme tels par lrsquoANPE Ce taux est drsquoailleurs le plus eacuteleveacute du bassin drsquohabitat de 24

communes des Ulis comme le montre le graphique infra Cette reacuteveacutelation drsquoun premier eacutecart qui

laisse agrave penser que des chocircmeurs de la ville ne sont pas preacutesenteacutes comme tels par

lrsquoadministration de lrsquoemploi ouvre la reacuteflexion sur la reacutealiteacute de la prise en compte des diverses

situations de preacutecariteacute professionnelle de ses habitants

Une question est par exemple de chercher agrave connaicirctre ce que repreacutesentent en quantiteacute les autres

cateacutegories de demandeurs drsquoemploi du service public de lrsquoemploi (7 autres cateacutegories au moment

de lrsquoenquecircte 4 autres apregraves 2008) ne couvrent-elles pas plus ou moins complegravetement la

preacutecariteacute eacuteconomique des actifs partiellement voire deacutejagrave occupeacutes en ce qursquoils cherchent un autre

poste selon divers motifs Aupregraves de plusieurs sources plusieurs eacuteleacutements ont aideacute agrave estimer de

maniegravere empirique cette cateacutegorie drsquo laquo actifs preacutecaires raquo Il srsquoagit davantage drsquoune deacutetermination

dun ordre de grandeur vraisemblable que dune mesure exacte issue dune enquecircte extensive agrave la

maniegravere dun recensement car les sources ont un caractegravere administratif impliquant des donneacutees

certainement partielles en partie et doteacutees drsquoune faible garantie sur leur fiabiliteacute

169

Graphique 1 - Taux de chocircmage INSEE dans le bassin dhabitat - RP 1999

9788

75 70 68 64 59 5743

56 52

109

00

20

40

60

80

100

120

Les Ulis

Massy

Longjumeau

Morangis

Champlan

Chilly-Mazarin

Palaiseau

Wissous

Saulx-les-Chartreux

Ballainvilliers

Igny

Eacutepinay-sur-Orge

Verriegraveres-le-Buisso

Orsay

Vauhallan

Gometz-le-Chacirctel

Bures-sur-Yvette

Villebon-sur-Yvette

Gif-sur-Yvette

Biegravevres

Villejust

Saint-Aubin

Saclay

Villiers-le-Bacirccle

Source Secreacutetariat de la Ville des Ulis

Ce qui nrsquoest somme toute pas le plus important puisque lobjectif est drsquoabord de fournir une

premiegravere validation empirique agrave une cateacutegorie danalyse par un recueil de plusieurs donneacutees

diffeacuterentes Cette cateacutegorie drsquoanalyse servant agrave aborder le pheacutenomegravene de diffusion de la preacutecariteacute

professionnelle dans lensemble de la population active

2 Une estimation de lensemble des sans emploi et sous-employeacutes de la ville

Trois types de donneacutees sociales locales et disponibles informent concregravetement sur la population

active preacutecaire la cateacutegorie des laquo Personnes majeures (actives) sans emploi et preacutecaires raquo dans

les enquecirctes drsquooccupation dans lrsquohabitat social le deacutenombrement et la reacutepartition spatiale dans

la commune des demandeurs demploi de cateacutegories 1 et 6 de lancienne ANPE les usagers de

moins de 25 ans de la Mission locale qui viennent y chercher des solutions agrave leurs difficulteacutes

demploi et dinsertion Ces trois types drsquoinformation compleacuteteacutes de quelques autres donneacutees

drsquoautres sources annexes couvrent tant les chocircmeurs que les autres actifs occupeacutes partiellement

ou temporairement malades indisponibles ou encore deacutemotiveacutes mais qui souhaitent tous

170

occuper un travail satisfaisant le plus souvent agrave temps plein et agrave dureacutee indeacutetermineacutee et qui sont

ou pas inscrits agrave Pocircle emploi

Ainsi dans un premier temps lanalyse des Enquecirctes drsquooccupation sociale des bailleurs sociaux

de la ville des Ulis montre que dans lrsquoensemble 43 des adultes actifs dans le parc social

drsquohabitat nrsquoont pas drsquoemploi stable en 2000 (tableau 10)58

Tableau 10 - Situation drsquoactiviteacute et drsquoemploi des personnes majeures parmi les reacutesidants des bailleurs sociaux des Ulissup1 - 2000

Personnes majeures

OPAC

OPIE-VOY

Toit et Joie

Logirep

SCIC

RUF- 3F

Logis-Transport

Ensem-ble

Total 167 675 992 628 1 746 1 561 383 6 386

Total Actifs 167 100

551 100

924 100

534 100

1 605 100

1 290 100

202 100

5 273 100

Emploi stable 126 328 621 330 803 684 129 3 021

Total Sans emploi et preacutecaires

41 25

223 40

303 33

204 38

802 50

606 47

73 36

2 252 43

Emploi preacutecaire seul

10 46 72 39 100 131 11 409

Sans emploi inscrits agrave lrsquoANPE

8 35 42 49 148 145 16 443 (7 )

Sans emploi hors inscrits ANPE

23 14

142 26

189 20

116 22

554 35

330 26

46 23

1400 26

Source Service Habitat et Cadre de vie de la Ville des Ulis- Preacute-Bilan 2001 (La ligne Total actifs a eacuteteacute rajouteacutee par lrsquoauteur)

sup1 82 agrave 100 des laquo personnes majeures raquo des bailleurs ont reacutepondu excepteacute pour Logis-Transports (383) dont moins de la moitieacute nrsquoa pas reacutepondu (47 ) soit 53 ont reacutepondu (202) Ce deacutefaut a une incidence certainement limiteacutee pour lrsquoanalyse des tendances majeures des proportions de lrsquoensemble des reacuteponses dans les enquecirctes des bailleurs Le Tableau drsquoorigine est ici modifieacute en ce qursquoil est compleacuteteacute par la ligne laquo Total Actifs raquo (2egraveme ligne) en additionnant les lignes laquo Emploi stables raquo et laquo Total Sans emploi et preacutecaires raquo Les pourcentages en-dessous des chiffres sont ainsi calculeacutes par rapport au Total des actifs et non au total des laquo Personnes majeures raquo cateacutegorie qui comprend les inactifs puisqursquoil y a un eacutecart entre le Total des laquo Personnes majeures raquo et le total des Actifs

58 Ces donneacutees sont extraites du Preacute-Bilan 2001 du service Habitat et Cadre de vie de la Ville des Ulis

171

Ces enquecirctes eacutetant biannuelles il a eacuteteacute constateacute que les donneacutees de 2002 ont preacutesenteacute des

tendances similaires il est vrai que le temps court entre ces deux dates drsquoobservation peut

expliquer cette stabiliteacute relative Celle-ci concorde drsquoailleurs bien avec la stabiliteacute du taux de

chocircmage officiel agrave ces deux dates (69 et 68 du taux de demandeurs de cateacutegorie 1 sur la

ville) Crsquoest pourquoi nous ne preacutesentons qursquoun tableau drsquoune seule anneacutee celle de 2000 Le but

eacutetant drsquoabord de saisir un eacutetat des lieux ponctuel agrave la fin de la deacutecennie 1990 qui a vu une tregraves

forte preacutecariteacute se diffuser sur le plan national

Pour certains bailleurs sociaux les adultes se deacuteclarant laquo sans emploi raquo ou laquo preacutecaires raquo sont pregraves

de la moitieacute des actifs notamment pour les deux plus importants drsquoentre eux en nombre de

logements Groupe 3F (47 ) SCIC (50 ) Des chiffres assez eacutetonnants dans ce tableau 2

eacutetant ceux de la rubrique des adultes laquo Sans emploi lsquohors inscrits ANPErsquo raquo 27 le sont chez

lrsquoensemble des bailleurs avec un pic de 35 pour la SCIC et de 26 pour OPIEVOY et le

Groupe 3F La cateacutegorie laquo Sans emploi inscrits agrave lrsquoANPE raquo (avant derniegravere ligne du tableau)

repreacutesente en moyenne pregraves de 7 des actifs interrogeacutes soit 443 personnes compteacutees (derniegravere

colonne du tableau) Cependant le laquo Total des sans emploi et preacutecaires raquo repreacutesente 43 des

actifs soit 2 252 individus (4egraveme ligne et derniegravere colonne)

Entre ces deux cateacutegories ce qui peut se deacutenommer un laquo coefficient multiplicateur de preacutecariteacute raquo

de valeur six (au minimum) sest donc constitueacute

6 x 7 de sans emploi ANPE = 42

soit presque les 43 de sans emploi et preacutecaires Cette diffeacuterence importante entre les laquo Sans

emploi inscrits agrave lANPE raquo et lrsquoensemble des preacutecaires correspond agrave la cateacutegorie des laquo Sans

emploi hors inscrits ANPE raquo (derniegravere ligne du tableau) qui en moyenne pour tous les bailleurs

(derniegravere colonne) repreacutesente 26 des actifs soit 1 400 individus Il srsquoagit bien agrave ce stade avec

ces donneacutees des bailleurs sociaux drsquoune preuve de la forte diffeacuterence entre les chocircmeurs inscrits

agrave lANPE et ceux qui ny sont pas inscrits et qui nont donc pas de visibiliteacute officielle pour

lensemble des acteurs de la ville

Le deuxiegraveme type de donneacutees destimation locale des actifs preacutecaires apregraves celui des Enquecirctes

doccupation des bailleurs est la reacutepartition reacutesidentielle des demandeurs demploi (DE) de

cateacutegories 1 et 6 (DE 1 et DE 6) fournie par lANPE locale et mise en forme par le secreacutetariat de

la mairie des Ulis Ce qui constitue une prise en compte simultaneacutee des chocircmeurs laquo officiels raquo

172

(cateacutegorie 1 des demandeurs drsquoemploi avant la reacuteforme) et des autres actifs occupeacutes au moins agrave

mi-temps mais preacutecaires crsquoest-agrave-dire en recherche drsquoun emploi agrave dureacutee indeacutetermineacutee et agrave plein

temps (demandeurs drsquoemploi de cateacutegorie 6 ayant travailleacute au moins 78 h dans le mois et en

recherche aussi dun CDI agrave temps plein)

Cet indicateur est produit bimestriellement par la mairie sous forme de tableau des demandeurs

demploi par reacutesidence Ceux analyseacutes sont de janvier mars juin septembre et deacutecembre 2002

Si ces informations ne repreacutesentent que partiellement lensemble des actifs preacutecaires car les DE

6 ne recouvrent que ceux qui ont travailleacute au moins 78 h dans le mois et cherchent un CDI agrave

temps plein (il manque ceux qui cherchent un temps partiel un CDD ou qui sont en stage en

formation ou en emploi preacutecaire de type emploi aideacute) ils apportent une dimension geacuteographique

agrave lanalyse en indiquant les preacutesences de preacutecaires dans chaque reacutesidence et leur reacutepartition

entre le parc social et le parc priveacute

Le principal reacutesultat de traitement de ces informations est que sur un an pregraves de 70 de ces

deux types de demandeurs demploi (DE 1 et DE 6) logent dans lrsquohabitat social et 30 sont dans

le parc priveacute des logements Si lrsquoon croise cet indicateur avec les informations des Enquecirctes

doccupation sociale des bailleurs sociaux de la ville il est possible dextrapoler agrave leacutechelle

communale la part globale approximative dactifs preacutecaires totaux sur la ville Deux critegraveres de

reacutepartition sont agrave prendre en compte la part des logements sociaux dans le parc total de

logements de la ville (522 en 1999 471 en 2007) et celle des habitants de ce parc parmi

lrsquoensemble des habitants ulissiens (60 59) En revanche la part plus preacutecise dactifs dans le

logement social de la ville na pu ecirctre questimeacutee faute de donneacutees disponibles preacutecises en la

matiegravere60

Selon le tableau des Enquecirctes drsquooccupation sociale des bailleurs il y a en 2000 5 273 actifs

recenseacutes (cf tableau 2 supra) qui repreacutesentent 385 des 13 663 actifs de lrsquoensemble de la ville

en 1999 (selon recensement INSEE) Ces chiffres des bailleurs sur les actifs dans leur patrimoine

peuvent ecirctre leacutegegraverement majoreacutes puisque le service Habitat avait indiqueacute que les taux de

reacuteponses aux enquecirctes eacutetaient de 82 agrave 100 des laquo personnes majeures raquo et qursquoun bailleur

59 Ce chiffre a eacuteteacute formeacute agrave partir des donneacutees du recensement INSEE 1999 du nombre drsquohabitants dans chaque reacutesidence Les nombres drsquohabitants par reacutesidence se trouvent drsquoailleurs dans les documents des demandeurs drsquoemploi de cateacutegories 1 et 6 que produit le Secreacutetariat geacuteneacuteral de la Ville pour connaicirctre la part de chocircmeurs parmi les habitants de chaque reacutesidence 60 Un deacutecompte deacutetailleacute serait sans doute souhaitable mais le principe de fonctionnement du dispositif dobservation ndash utilisation de donneacutees disponibles ndash nrsquoen a pas donneacute loccasion

173

Logis-Transport nrsquoavait pu rapporter que 53 de taux de reacuteponse Ce qui signifie que dans les

immeubles de ce bailleur parmi les 181 laquo personnes majeures raquo restantes entre lrsquoensemble des

personnes majeurs (383) et les actifs totaux (202 employeacutes stables et actifs sans emploi et

preacutecaires) il y en a certainement drsquoautres qui sont actives et pas seulement inactives (retraiteacutees

handicapeacuteeshellip) Ainsi avec ces petites deacutefaillances connues dans les donneacutees releveacutees il nrsquoest

pas disproportionneacute drsquoaugmenter leacutegegraverement la part des actifs du logement social parmi

lrsquoensemble des actifs de la ville de 385 agrave 40 au minimum

Pour rappel ce tableau 2 sur les occupants du parc social montre que la part des actifs preacutecaires

(2 252 laquo Total des Sans emploi et preacutecaires raquo) parmi les actifs du logement social (5 273) est de

pregraves de 43 Sur cette base une opeacuteration destimation theacuteorique de la population preacutecaire dans

lrsquoensemble de la ville a pu ecirctre reacutealiseacutee Si lrsquoon utilise lindicateur de reacutepartition reacutesidentielle des

demandeurs demploi 1 et 6 de lANPE (mis en forme par le secreacutetariat geacuteneacuteral de la Ville) en le

transposant aux donneacutees empiriques drsquoenquecirctes drsquooccupation sociale des bailleurs sociaux les

actifs preacutecaires du parc social (2 252 au moins) repreacutesentent alors 70 de lrsquoensemble des actifs

de la ville Ainsi en 2000 le nombre total de preacutecaires sur la ville et par conseacutequent celui dans

le seul parc priveacute sont facilement estimables

Dans lrsquoensemble de la ville le nombre drsquoactifs preacutecaires est drsquoenviron

(2 252 70) x 100 = 3 217

Ces 3 217 individus repreacutesentent alors 235 environ des actifs de lrsquoensemble de la ville Vu les

deacutefauts eacutevoqueacutes des enquecirctes par les bailleurs cette proportion peut ecirctre arrondie agrave 25 pour

former un ordre de grandeur approximatif mais vraisemblable et facile agrave retenir

Les actifs preacutecaires du seul parc priveacute sont donc environ

3 217 ndash 2 252 = 965

Si lrsquoon considegravere que 60 des actifs sont dans le parc priveacute (puisqursquoil a eacuteteacute estimeacute plus haut que

pregraves de 40 drsquoactifs sont dans le parc social) les actifs preacutecaires du parc priveacute repreacutesenteraient

ainsi pregraves de 12 des actifs de ce parc

60 des actifs dans le parc priveacute correspondent agrave

13 663 x 060 = 8 1978 soit 8 198 actifs en arrondis

les 965 actifs preacutecaires de ces 8 198 actifs correspondent agrave

174

(965 8 198) x 100 = 12 environ

Un profil des actifs preacutecaires ulissiens peut ecirctre esquisseacute gracircce agrave certaines donneacutees de lagence

locale de lemploi Si lrsquoon reprend les caracteacuteristiques des demandeurs demploi de cateacutegories 1

et 6 (tableau 11 ci-dessous) ils sont essentiellement ndash agrave 75 des cateacutegories

socioprofessionnelles infeacuterieures dans le secteur tertiaire employeacutes et ouvriers non qualifieacutes et

qualifieacutes du transport de la logistique des services administratifs et commerciaux ainsi que des

services aux personnes et aux collectiviteacutes La preacutesence de cadres agrave 14 et de cateacutegories

intermeacutediaires techniciennes agrave 11 confirme la diffusion de la preacutecariteacute agrave tous les niveaux de

qualification

Tableau 11 - Profil des demandeurs demploi de cateacutegories 1 et 6 aux Ulis par qualification (fin juin 2002)

Source ALE des Ulis

Ouvriers non qualifieacutes 5

Ouvriers qualifieacutes 12

Employeacutes 58

Agent de maicirctrise techniciens 11

Cadres 14

En outre le tableau 12 infra des domaines drsquoactiviteacute viseacutes par les demandeurs demploi

confirment cette caracteacuterisation Ils se tournent majoritairement vers les activiteacutes tertiaires

transport-logistique administration ou services aux personnes ou aux collectiviteacutes Ce qui est

une caracteacuteristique centrale de lrsquoespace parisien pour les emplois de faible niveau de

qualification pour lrsquoessentiel en dehors de la sphegravere de production de haute technologie et des

services de haut niveau aux entreprises

175

Tableau 12 - Aspirations professionnelles des demandeurs drsquoemploi des Ulis (juin 2002)

Personnel du transport et de la logistique 18

Personnel des services administratifs et commerciaux 16

Personnel des services aux personnes et aux collectiviteacutes 13

Cadre administratif professionnel de lrsquoinformation et de la communication 8

Personnel de la distribution et de la vente 8

Source ALE des Ulis

Un point mis en exergue par les travaux de lrsquoobservatoire meacuterite drsquoecirctre eacutevoqueacute au mecircme titre

que le taux de chocircmage officiel le taux dallocataires du RMI par rapport agrave la population active

masque complegravetement le niveau de la preacutecariteacute professionnelle des actifs Entre 1995 et 2002

aux Ulis ce taux stagne autour des 22 en se trouvant quasiment coupeacute du cycle de croissance

eacuteconomique En fait les effectifs ont mecircme un peu baisseacute de 322 en 1995 agrave 295 en 2002 soit

une baisse de 8 deacutepassant mecircme en cela la tendance leacutegegraverement baissiegravere du nombre drsquoactifs

sur la ville (- 525 entre 1990 et 1999) tout en restant moins forte que la forte baisse du

chocircmage officiel (demandeurs drsquoemploi de cateacutegorie 1) qui a eacuteteacute de 38 Ce constat confirme

que lrsquoentreacutee dans la pauvreteacute connaicirct donc des mouvements de fond qui suivent faiblement

crsquoest-agrave-dire sans influence immeacutediate et complegravete les eacutevolutions quantitatives du chocircmage

Lrsquoeacutetude de lrsquoeacutevolution du profil des beacuteneacuteficiaires61 montre drsquoailleurs que en ce deacutebut des anneacutees

2000 ils sont de moins en moins concerneacutes par une probleacutematique directe drsquoaccegraves agrave lrsquoemploi

que par des problegravemes de santeacute mentale et physique Les donneacutees du CCAS (Centre communal

drsquoaction sociale) et de la Maison des solidariteacutes situeacutee dans la ville des Ulis (ex-Centre

deacutepartemental drsquoaction sociale et Protection Maternelle et Infantile du Conseil geacuteneacuteral) montrent

cette eacutevolution entre la fin des anneacutees 1980 et la fin des anneacutees 1990 de plus en plus drsquohomes

en mauvaise santeacute mentale et physique

61 La cateacutegorie des laquo beacuteneacuteficiaires raquo regroupe tant les allocataires que les beacuteneacuteficiaires sans allocation financiegravere daction daccompagnement meacutedico-social et dinsertion

176

En 1989 les femmes (agrave 57 avec ou sans enfant contre 52 au niveau national) et les

problegravemes drsquoaccegraves agrave lrsquoemploi eacutetaient preacutedominants (CREPA 1991) puisqursquoagrave 89 les

beacuteneacuteficiaires eacutetaient demandeurs drsquoemploi (contre 59 au niveau national) ils eacutetaient drsquoailleurs

aussi plus acircgeacutes (57 ) plus fortement eacutetrangers (48 ) et plus nettement parents drsquoenfants (32

) qursquoau niveau national (respectivement 36 14 et 18 ) Ce profil est plutocirct celui drsquoune

population en difficulteacute drsquointeacutegration eacuteconomique et sociale dont les fortes difficulteacutes pour les

eacutetrangers mais pas vraiment condamneacutee agrave lrsquoexclusion eacuteconomique puisque la recherche

drsquoemploi preacutedomine) ni en situation de marginalisation sociale totale puisque le profil de

parents en couples avec enfants preacutedisposent agrave plus de liens que les personnes seules aux faibles

ressources

Dix ans plus tard en 1999-2000 la marginalisation sociale est plus apparente les profils

recouvrent plus drsquohommes seuls et plus de problegravemes de santeacute mentale et physique (Chebroux

2001) ils sont moins de la moitieacute (46 ) inscrits au service public de lrsquoemploi (contre 89 dix

ans plus tocirct) les hommes sont majoritaires (515 ) et 38 sont des hommes seuls (auxquels il

faut ajouter 24 de femmes seules) leurs problegravemes principaux relegravevent de la santeacute mentale et

physique (44 ) drsquoabord puis des problegravemes de surendettement et drsquoautres difficulteacutes

budgeacutetaires (25 ) Aussi des dureacutees drsquoinscription dans le dispositif deacutepassant les deux ans

(avant 1998) pour 45 drsquoentre eux montrent une situation de marginalisation sociale de plus en

plus nette

Sur le plan spatial ils reacutesident principalement agrave trois quarts drsquoentre eux dans les deux secteurs

de quartiers sensibles de la ville (Grand Ouest et EstSud-est) dont le foyer Sonacotra drsquoabord

qui comporte agrave lui seul 16 des beacuteneacuteficiaires du RMI Dans ce sens pregraves de 80 des

beacuteneacuteficiaires sont drsquoorigine immigreacutee Ce profil est beaucoup plus inquieacutetant en ce qursquoil deacutecrit

une population situeacutee plus dans un processus drsquoexclusion sociale drsquoune population devenue

inutile dans le systegraveme eacuteconomique et social et en difficulteacutes de santeacute et de lien social ainsi que

financier Le retour agrave lrsquoemploi ne paraicirct pas pour les plus affecteacutes de difficulteacutes tregraves proche

Pour lrsquoanneacutee 2002 le Centre communal drsquoaction sociale (CCAS) qui suit environ 50 des

beacuteneacuteficiaires du RMI agrave lrsquoeacutepoque (152) confirme la tendance agrave la surrepreacutesentation masculine (sup23

drsquohommes) mais signale une forte part agrave nouveau de problegravemes drsquoaccegraves agrave lrsquoemploi et de

formation Ce qui signifie que se tenir au seul taux de beacuteneacuteficiaires qui semble osciller entre 23

et 2 depuis presque son instauration ne permet pas de saisir lrsquoeacutevolution qualitative des

177

profils il informe sur les situations de marginalisation avanceacutee avec les probleacutematiques de

deacutesocialisation et de problegravemes sanitaires et financiers et celles de difficulteacutes drsquoaccegraves agrave lrsquoemploi

malgreacute des qualifications acquises (415 ont des niveaux supeacuterieurs au bac) ou par deacutefaut de

formation adapteacutee au marcheacute local de lrsquoemploi

Il faut plutocirct prendre en compte drsquoautres dispositifs administratifs pour appreacutehender la

population pauvre ou en difficulteacutes eacuteconomiques et sociales des Ulis Car par exemple toujours

selon le bilan du CCAS pour cette anneacutee 2002 les deacutetenteurs du RMI ne repreacutesentent qursquoune

petite partie des adultes preacutecaires de la commune 295 allocataires du RMI sont deacutenombreacutes

alors que par ailleurs plus de six fois plus de personnes soit 1 851 en 2002 sont laquo beacuteneacuteficiaires raquo

soit de la CMU (couverture meacutedicale universelle accordeacutee agrave toute personne en situation

reacuteguliegravere dont le revenu fiscal annuel est infeacuterieur agrave 6 402 euro agrave cette date) soit de lrsquoAME Aide

meacutedicale drsquoEacutetat destineacutee agrave assurer lrsquoaccegraves aux soins des eacutetrangers qui ne remplissent pas les

conditions de reacutegulariteacute du seacutejour en France (Tableau 13 ci-dessous)

Le nombre de laquo beacuteneacuteficiaires raquo de lrsquoAME a drsquoailleurs fortement augmenteacute en un an de 37 ce

qui reacutevegravele un peu plus la preacutesence de la population eacutetrangegravere en situation irreacuteguliegravere et pauvre

Ainsi le nombre de beacuteneacuteficiaires de la CMU semble recouvrir plus fidegravelement que le RMI la

population adulte susceptible de vivre dans un meacutenage pauvre si lrsquoon se reacutefegravere au nombre

drsquoactifs preacutecaires estimeacutes plus haut (3 217)

Tableau 13 - Beacuteneacuteficiaires de la CMU et de lrsquoAME aux Ulis

Prestations

2001 2002 Eacutevolution 2001-02

CMU (de base + compleacutementaire)

1 717

AME 105 144 37 Total des beacuteneacuteficiaires 1 851

Sources CCAS (2003) Bilan drsquoactiviteacute 2002 CCAS de la ville des Ulis

Agrave ce sujet la preacutevision de Louis Chauvel (1999) eacutevoqueacutee dans la probleacutematique de la recherche

de voir apparaicirctre des groupes familiaux nombreux paupeacuteriseacutes agrave la suite de trajectoires

professionnelles preacutecaires subies pendant la crise-mutation eacuteconomique semble trouver une

178

reacutealisation aux Ulis En effet pour le Centre communal daction sociale des Ulis les acteurs

locaux doivent se mobiliser laquo compte tenu du nombre eacuteleveacute de personnes demandant agrave beacuteneacuteficier

du RMI raquo62

Enfin le troisiegraveme principal indicateur exploiteacute pour mesurer la preacutecariteacute socioprofessionnelle

aux Ulis est le nombre de jeunes suivis par la Mission locale de la ville Les jeunes ont en effet

une place particuliegravere dans cette approche tant le problegraveme de leur insertion professionnelle est

devenu aigu au cours des anneacutees 1990 (Lagrange 2001) et que les difficulteacutes dans ce domaine

ne sont pas sans lien avec les parcours deacuteviants des jeunes trouvant des horizons professionnels

totalement brouilleacutes En tant que principal dispositif qui se charge de ceux-ci la Mission locale

dispositif instaureacute au deacutebut des anneacutees 1980 en France renseigne sur leur nombre et leur

eacutevolution depuis sa creacuteation en 1992 sur la ville Elle constitue une structure drsquoaccueil et

drsquoaccompagnement social des jeunes vers lrsquoinsertion socioprofessionnelle

La lecture du tableau 14 ci-dessous sur le nombre de jeunes suivis par celle-ci montre une nette

concordance avec le pheacutenomegravene analyseacute nationalement en dix ans (1992-2002) la hausse de la

part des jeunes suivis parmi lensemble des jeunes de 15-24 ans actifs de la commune a eacuteteacute tregraves

forte de plus de 65 environ (en tenant compte de la diminution de cette classe dacircge drsquoactifs

entre 1990 et 1999 de 22 soit de 4 914 agrave 3 828 individus ce qui correspond agrave 1 089 individus

de moins) Les autres lignes du tableau (ligne 1 et 3) preacutesentent les eacutevolutions drsquoeffectifs pour

Les Ulis et pour lrsquoensemble du territoire drsquointervention de la Mission locale (24 communes) la

monteacutee en charge est croissante pendant cette peacuteriode de 28 pour la commune agrave pregraves du

double (99 ) pour tout le territoire de la Mission locale La preacutecarisation professionnelle des

jeunes actifs ulissiens srsquoaccroicirct fortement dans la zone drsquohabitat de la ville

En outre avec un bond principal entre 2000 et 2001 de plus dun tiers des jeunes suivis et une

stagnation de 2001 agrave 2002 il est possible dindiquer que mecircme en fin dun sous-cycle de

croissance eacuteconomique (1997-2001) malgreacute une politique demploi importante agrave destination des

jeunes (emplois-jeunes) les effets drsquoinsertion de la jeunesse active sont faibles et tardifs Sur le

plan socio-eacuteconomique de lemploi ce point est reacuteveacutelateur dun chocircmage dactifs peu qualifieacutes la

croissance ne beacuteneacuteficiant quaux plus compeacutetents et qualifieacutes (Freyssinet 2004)

62 CCAS (2003) Bilan drsquoactiviteacutes 2002 mairie des Ulis p 19

179

Tableau 14 - Nombre de jeunes suivis par la Mission locale des Ulis de 1992 agrave 2002

Sources Mission locale des Ulis Bilan drsquoactiviteacute 2002 Mission locale des Ulis INSEE RGP 1990 et 1999

1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002

Eacutevolution 1992-2002

Jeunes des Ulis

847 763 766 709 696 752 791 786 810 1088 1084 28

parmi les 15-24 ans actifs 4914 en 1990 3828 en 1999

17 28

65

Jeunes des 24 communes drsquointervention de la Mission locale

1155 1248 1302 1353 1401 1544 1613 1534 1588 2185 2300 99

Ainsi dans une commune acheveacutee drsquoecirctre construite il y a pregraves de trente-cinq ans composeacutee

initialement de cateacutegories moyennes tertiaires et techniciennes inteacutegreacutee la croissance de jeunes

actifs peu qualifieacutes en difficulteacutes dinsertion est le signe drsquoun renouvellement de population qui

a eacuteteacute reacutealiseacutee depuis les anneacutees 1980 notamment par le meacutecanisme de deacutepart des cateacutegories

moyennes et de leur remplacement par des populations plus modestes Cette jeunesse fragile est

mecircme deacuteterminante dans lrsquoensemble de la population preacutecaire de la ville En rapportant les

chiffres de la Mission locale agrave ceux de lrsquoensemble des actifs preacutecaires de la ville toutes

cateacutegories drsquoacircge confondues les jeunes preacutecaires ulissiens de 15 agrave 24 ans (1 084) repreacutesentent en

2002 pregraves drsquoun tiers de lrsquoensemble des actifs preacutecaires de la ville (pregraves de 3 217 estimeacutes plus

haut) ce qui est extrecircmement eacuteleveacute si lrsquoon tient compte de lrsquoordre de grandeur de la part de

lrsquoensemble des jeunes actifs parmi lrsquoensemble des actifs de la ville soit pas plus de 10

(exactement 88 avec 1 166 jeunes de 15 agrave 24 ans)

Le tableau 15 infra reconstitue pour lrsquoanneacutee 1999 les populations actives par tranches drsquoacircge aux

Ulis avec le taux drsquoactiviteacute et la situation drsquoemploi des individus Avec un taux drsquoactiviteacute (528

180

) nettement plus important que les 15-19 ans (87 ) et un taux de chocircmage leacutegegraverement moins

eacuteleveacute (209 contre 241 ) mais drsquoun niveau tregraves important encore les 20-24 ans apparaissent

comme la tranche drsquoacircge charniegravere dans cette probleacutematique

Tableau 15 - Taux drsquoactiviteacute et situation drsquoemploi par tranches drsquoacircge de la population active des Ulis en 1999

Source INSEE

population active acircge quinquennal population active taux drsquoactiviteacute ayant un emploi chocircmeurs taux de chocircmage

15 agrave 19 ans 162 87 123 39 241 20 agrave 24 ans 1 044 528 802 218 209 25 agrave 29 ans 2 109 857 1 844 259 123 30 agrave 34 ans 2 122 905 1 927 195 92 35 agrave 39 ans 1 924 908 1 745 179 93 40 agrave 44 ans 1 763 910 1 593 170 96 45 agrave 49 ans 1 687 907 1 535 152 90 50 agrave 54 ans 1 720 885 1 566 154 90 55 agrave 59 ans 878 743 772 106 121 60 agrave 64 ans 222 292 204 18 81 65 ans ou plus 31 25 31 0 00 Total 13 662 695 12 142 1 490 109

En conclusion de cette eacutetude sur la taille de la population preacutecaire locale le principal reacutesultat est

que les 69 de chocircmeurs officiels de la commune en 2000 (68 en 2002) selon

lrsquoadministration de lrsquoemploi appartiennent agrave un ensemble de pregraves de 25 dactifs de la

commune qui connaissent la preacutecariteacute professionnelle (sous emploi et sans emploi) Avec 927

chocircmeurs officiels parmi pregraves de 3 215 actifs preacutecaires la population drsquoactifs preacutecaires dans la

ville chocircmeurs laquo officiels raquo compris est agrave peu pregraves 35 fois plus nombreuse que les chocircmeurs

officiels connus (cateacutegorie 1 de lrsquoancienne ANPE agrave cette eacutepoque) Dans le parc drsquohabitat social

qui rassemble 60 de la population et pregraves de 50 des logements de la ville il y a pregraves de 43

des actifs qui sont preacutecaires (les actifs du parc social repreacutesentant pregraves de 40 de lrsquoensemble

des actifs de la commune)

181

Ce constat de leacutetendue de la preacutecariteacute professionnelle se veacuterifie surtout aupregraves des jeunes

eacutegalement qui sont fortement surrepreacutesenteacutes parmi les actifs preacutecaires la part des jeunes actifs

preacutecaires est pregraves de trois fois plus grande que celle des jeunes actifs parmi tous les actifs de la

ville Crsquoest ici une situation sociale explicative des manifestations de la deacuteviance et de la

violence juveacutenile des Ulis surtout de la part de ceux sortis sans qualification du systegraveme

eacuteducatif

Dans les faits plus qursquoun simple constat de laquo meacutecompte du chocircmage raquo pour reprendre les

termes du titre de lrsquoouvrage de Margaret Maruani (2002) sur lrsquoinvaliditeacute des donneacutees officielles

du chocircmage le silence officiel sur de tels eacutecarts agrave certains endroits comme aux Ulis apparaicirct

comme un deacuteni intellectuel et politique Il est en outre preacutejudiciable lorsque dans de tels

contextes le taux de chocircmage officiel devient en quelque sorte trompeur sur la situation

eacuteconomique dune population donneacutee si au niveau national par exemple agrave la fin des anneacutees

1990 le rapport entre les demandeurs demploi de cateacutegorie 1 de lANPE (les DE 1) et les autres

actifs preacutecaires eacutetait de 45 55 selon le Commissariat geacuteneacuteral du Plan aux Ulis les

estimations reacutealiseacutees ci-dessus montrent au deacutebut des anneacutees 2000 que ce rapport est plus

ineacutegal de 28 72 il signifie qursquoen 2000 le taux de chocircmage officiel de 69 induit un

taux de pregraves de 18 dautres actifs preacutecaires hors chocircmeurs officiels Si ce nest pas clairement

mis en valeur et connu par les acteurs locaux comment deacutevelopper des politiques publiques

adapteacutees

En outre comment deacutevelopper des analyses plus avanceacutees sur certains comportements ou

certaines relations sociales si ce pheacutenomegravene est meacuteconnu Le voile de meacuteconnaissance relegraveve

aussi certainement pour une bonne part dune incapaciteacute technique agrave fixer conventionnellement

des termes des expressions voire des cateacutegories empiriques descriptives mais aussi analytiques

permettant deacutevoquer lampleur de la diffusion de la preacutecariteacute professionnelle au sein de la

population active La cateacutegorie des laquo actifs preacutecaires raquo comprenant les chocircmeurs et les autres

preacutecaires dans des situations variantes constitue une premiegravere reacuteponse agrave cette neacutecessiteacute La

recherche de critegraveres communs de sources et de meacutethodes de recueil de donneacutees pour les eacutetudes

nationales et locales doit encore ecirctre poursuivie

Un second point attire lattention et meacuterite den eacutevoquer toutes les significations possibles Avec

le poids deacutemographique du parc social dans la population communale (60 de la population

communale) drsquoune part et au sein du premier la forte surrepreacutesentation de la part des actifs

182

preacutecaires parmi les actifs y reacutesident drsquoautre part (pregraves de 43 contre 12 des actifs dans le

parc priveacute) celui-ci paraicirct deacuteterminant dans le processus global de modification de la structure

sociale de la ville vers une sous-moyennisation et une preacutecarisation de la population dont

plusieurs facettes sont abordeacutes depuis plus haut

Au deacutebut des anneacutees 2000 donc aux Ulis le taux drsquoactifs preacutecaires parmi les actifs est donc pregraves

de quatre fois supeacuterieur dans le parc social agrave celui dans le parc priveacute et en valeur absolue les

effectifs drsquoactifs preacutecaires du parc social sont 23 fois plus nombreux (presque 25 fois plus) que

dans le parc priveacute alors que crsquoest dans ce dernier segment de parc que le nombre drsquoactif est le

plus important (60 ) bien que la population drsquoensemble soit plus importante dans le parc

social Pour rappel parmi les pregraves de 3 400 actifs preacutecaires estimeacutes sur lrsquoensemble de la ville

(25 des 13 663 actifs de 1999) pregraves de 2 252 logent dans le parc social et on a deacuteduit que pregraves

de 965 sont dans le parc priveacute de logements63

Avec la dimension spatiale et deacutemographique du parc de logements sociaux dans la ville ce sont

la preacutecariteacute professionnelle des adultes des meacutenages et leur logement majoritaire dans ce parc qui

le rendent deacuteterminant dans le processus global de sous-moyennisation sociale de la commune

Le poids du parc social dans le parc total de logements (50 de lensemble des logements 60

de la population) de par lrsquoaccueil de meacutenages agrave bas revenus ou agrave situations familiales ou sociales

difficiles (monoparentaliteacute familles nombreuses faibles qualifications des parents situation

drsquoimmigrationhellip) a induit une forte composante drsquoactifs preacutecaires dans lrsquoespace social local

Cette eacutetude reacutevegravele le deacuteseacutequilibre socio-reacutesidentiel interne agrave la commune urbaine se superposant

en partie agrave la diffeacuterence entre ses deux types de parc priveacute et social de logements Elle conforte

le diagnostic de la fonction sociale de lrsquohabitat au sens drsquoaccueil des plus pauvres qui devient

de moins en moins partielle mais de plus en plus exclusive comme la rappeleacute Jean-Marc Steacutebeacute

(2002) au deacutebut des anneacutees 2000 et qui doit devenir un critegravere reacutefeacuterentiel preacutedominant dans

lrsquoaction aupregraves des plus en difficulteacute

La section suivante preacutesente un aspect socialement et scientifiquement deacutebattu qui a vu jour aux

Ulis ndash le deacuteveloppement drsquoune nombreuse population issue de limmigration ndash en ce qursquoil

63 Les 183 individus drsquoeacutecart restant par rapport aux 3 400 actifs preacutecaires estimeacutes dans lrsquoensemble de la ville devraient vraisemblablement se partager dans les mecircmes proportions entre parc priveacute et parc social de logement puisqursquoil manquait des donneacutees de certains bailleurs notamment un agrave qui la moitieacute des questionnaires drsquoenquecircte drsquooccupation sociale manquait (voir plus haut)

183

exprime une dimension de marginalisation en raison de la discrimination ethno-raciale qui se

manifeste en France Ce pheacutenomegravene est analyseacute tout comme celui de la violence et de la

deacutelinquance traiteacute plus loin du fait de la place importante qursquoil occupe dans les questions

sociales et les deacutebats sur les plans local et national

C- Une importante population issue de lrsquoimmigration

Drsquoun point de vue geacuteneacuteral dans certains nouveaux espaces urbains peacuteripheacuteriques peu valoriseacutes

comme dans une grande partie des immeubles des grands ensembles des meacutenages drsquoorigine

immigreacutee ont eacuteteacute logeacutes dans les mecircmes reacutesidences et quartiers ce qui a entraicircneacute la formation drsquo

ensembles de grande taille de populations drsquoorigine immigreacutee Ce pheacutenomegravene a prolongeacute dans

le parc social peacuteripheacuterique des agglomeacuterations celui de la concentration et de la visibilisation

des minoriteacutes ethniques observeacute dans lrsquohabitat priveacute ancien et deacutegradeacute des centres des grandes

villes dans les anneacutees 1980 et 1990 (Blanc Le Bars 1993) Selon les recensements de la

population de lINSEE la population eacutetrangegravere des Ulis repreacutesente 148 de la population

municipale totale en 1999 (ou encore 144 des meacutenages) et 13 en 2007 Pour ce qui est des

immigreacutes selon leur deacutefinition officielle appliqueacutee par la statistique publique (individus neacutes

eacutetrangers agrave leacutetranger venus reacutesider en France plus de trois mois pouvant ecirctre ou ayant eacuteteacute

naturaliseacutes) 21 des Ulissiens sont neacutes agrave leacutetranger en 1999 soit 5 405 personnes et 20 en

2007 soit 4 916 personnes

Cependant aux Ulis comme ailleurs la visibiliteacute des regroupements de migrants et de leurs

descendants apparaicirct en deacutecalage par rapport agrave ces donneacutees Perccedilus comme intrigants pour

certains et sources de tensions sociales locales comme les clivages sociaux selon les identiteacutes

ethniques la hausse de la deacutelinquance chez les jeunes de certaines cateacutegories de groupes

ethniques ou encore lrsquoeacutemergence du racisme et des reacutefeacuterences ethno-raciales dans les relations

sociales cette preacutesence nrsquoest pas sans effet sur la deacutegradation de lrsquoimage de la ville dans son

environnement Car une bonne partie des proprieacuteteacutes et des repreacutesentations de lrsquoespace social

local deacutepend de la situation et des conduites des diffeacuterents groupes et meacutenages appartenant agrave sa

population diverse Comment alors mesurer et appreacutehender la formation communale drsquoune

population drsquoorigines immigreacutees multiples et de grande taille qui deacutepasse les repreacutesentations

qursquoen fournisse la statistique officielle Ce choix drsquoanalyse est lieacute drsquoune part au signe de risque

184

de preacutecariteacute et drsquoexclusion sociale que traduit et geacutenegravere en mecircme temps un tel pheacutenomegravene de

forte preacutesence et drsquoautre part agrave son effet potentiel connexe sur la marginalisation urbaine de la

commune dans son environnement spatial

1 De lrsquoimmigration agrave la population ethnique

Le logement dans les espaces peacuteripheacuteriques peu chers par rapport aux centres-villes

embourgoiseacutes ou plus disponibles par rapport aux vieux immeubles ou quartiers centraux deacutejagrave

occupeacutes est une des modaliteacutes de lrsquointeacutegration socio-spatiale de lrsquoimmigration (Barou 2006)

Les regroupements reacutesidentiels agrave des fins identitaires et de protection sociale face agrave lrsquoeacutetrangeteacute

de la socieacuteteacute drsquoaccueil est un pheacutenomegravene bien connu Il est cependant non exempt de

laquo problegravemes sociaux raquo multiples (tensions interethniques deacutelinquance inadaptation dans

lrsquohabitathellip) qui peuvent apparaicirctre difficilement solubles et surmontables agrave des acteurs locaux au

regard des moyens conceptuels et mateacuteriels de reacuteflexion et drsquoaction dont ils disposent (Soulet

1996) Une des premiegraveres questions pour une ville qui nrsquoavait pas dans son projet initial de

vocation particuliegravere drsquoaccueil important des populations immigreacutees de la reacutegion parisienne est

de savoir quelle est la taille de la population concerneacutee par ces pheacutenomegravenes Quel volume

numeacuterique occupe-t-elle dans lrsquoespace local pour appreacutehender les pheacutenomegravenes et les problegravemes

qui inteacuteressent les acteurs locaux

Par exemple au deacutebut de lrsquoexercice de lrsquoobservatoire social en 2001 cette question est apparue

avec une certaine acuiteacute aupregraves de nombreux responsables et techniciens municipaux qui se sont

trouveacutes perplexes et peu avanceacutes sur le thegraveme abordeacute sur le seul plan conceptuel par une agence

parapublique destineacutee agrave former sur ce champ les agents des collectiviteacutes locales et du public

(ADRI Agence pour le deacuteveloppement des relations interculturelles) Alors que lrsquointervenante

centrait son propos sur les notions drsquointeacutegration et de relation interculturelle de maniegravere un peu

abstraite selon eux le sentiment majoritaire des participants eacutetait que les outils pour circonscrire

et agir sur le pheacutenomegravene au niveau local nrsquoeacutetaient pas fournis La question de lrsquoappreacutehension de

la dimension quantitative et qualitative de ce pheacutenomegravene nrsquoeacutetait en rien abordeacutee au cours de

lrsquointervention speacutecialiseacutee de cette agence Cette situation de deacutenuement quasi moral eacutetant

accentueacutee par labsence de donneacutees de lINSEE en la matiegravere pour cause dinterdit officiel des

statistiques sur les identiteacutes ethniques et culturelles Ce qui converge souvent avec les valeurs

185

politiques parmi les deacutecideurs et les responsables de politiques publiques qui se repreacutesentent une

inteacutegration reacutepublicaine universelle fondeacutee sur linsertion individuelle et lhomogeacuteneacuteisation

culturelle La reconnaissance didentiteacutes culturelles extranationales pouvant se confondre avec la

promotion de communauteacutes ethniques aux droits distinctifs de la communauteacute nationale

constitue un objet de tabou ou de deacuteni assumeacute

Cependant dans les anneacutees 1990 des chercheurs commencent agrave exprimer un autre point de vue

La deacutemographe Michegravele Tribalat (1998) a pu avancer que dans la peacuteriode actuelle le

deacuteveloppement deacutemographique ducirc agrave une partie des descendants dimmigreacutes justifie de qualifier

dinsuffisantes ou dinadapteacutees les donneacutees sur la nationaliteacute pour une analyse plus fine de

limmigration en France En utilisant et en croisant des donneacutees de nationaliteacute et de lieu de

naissance des parents ndash que lrsquoINSEE ne publie pas systeacutematiquement sur des supports publics

mais qui peuvent srsquoobtenir pour des motifs de recherche ou sur demande particuliegravere des

institutions publiques64 la deacutemographe indique lrsquointeacuterecirct de deacuteterminer la nature la taille et

lrsquoeacutevolution des cateacutegories des populations issues de limmigration agrave diffeacuterentes phases

historiques pour des eacutetudes diverses Par exemple en France selon elle plus de 50 des

franccedilais vivent dans un deacutepartement comprenant une commune de plus de 30 000 habitants ougrave la

concentration des jeunes dorigine eacutetrangegravere repreacutesente plus de 30 de la jeunesse locale les

Franccedilais dascendance perccediloivent plus ou moins nettement cette reacutealiteacute sociale Ils ne

comprennent pas les discours relativistes statistiques et savants masquant ou reacuteduisant la reacutealiteacute

quantitative de la preacutesence immigreacutee avec sa concentration par endroit et ses effets de

transformation des modes de vie et des identiteacutes locales

Le plus souvent les questions et deacutebats drsquoacteurs ne portent pas sur les raisons des pheacutenomegravenes

de regroupements reacutesidentiels ethniques dans lrsquoespace urbain le fait qursquoils offrent un espace de

laquo sas raquo drsquoaccompagnement drsquoentraide utile aux parcours individuels de chaque membre comme

cela a eacuteteacute montreacute depuis les eacutetudes de lrsquoeacutecologie sociale et urbaine de Chicago au deacutebut du XXe

(Alpheacuteis 1993) est souvent intuitivement perccedilu mecircme si les formes prises ne sont pas toujours

accepteacutees Ce sont davantage les effets neacutegatifs potentiels et parfois en cours de ces

regroupements qui inquiegravetent comme la propension agrave adopter des conduites deacuteviantes et de

trouble agrave lrsquoordre public ou encore les difficulteacutes drsquoadaptation ou de se conformer agrave la sociabiliteacute

urbaine dans la vie quotidienne demandant autonomie et respect des normes drsquooccupation drsquoun 64 La direction administrative de la mairie des Ulis par exemple posseacutedait des graphiques de la reacutepartition des Ulissiens selon le lieu de naissance des parents

186

logement de pratique de son environnement drsquoeacuteducation des enfants et de relations de voisinage

(Barou 2006)

Face agrave la rheacutetorique du laquo seuil de toleacuterance raquo de la taille de la population immigreacutee brandit dans

les deacutebats publics selon une vision rigide et ideacuteologique de linfluence du nombre drsquoimmigreacutes sur

leur inteacutegration et leurs relations avec les autochtones les recherches montrent que cette

influence intervient lorsque les immigreacutes et leurs descendants sont concentreacutes spatialement et

dans des zones pauvres et deacutelabreacutees ougrave se manifestent les difficulteacutes dexistence et les conduites

deacutelinquantes (Martuccelli Wieviorka 1990) Les attitudes de rejet apparaissent dans des

conditions deacutegradeacutees de vie eacuteconomique et sociale et de cohabitation entre les groupes (Dubet

1989 De Rudder 2002) Crsquoest pourquoi puisque le risque de marginalisation et de tensions

sociales preacutejudiciable pour tous (immigreacutes et leurs descendants voisinage commune et socieacuteteacute

drsquoaccueil) est tangible et que crsquoest agrave ce niveau local que se construisent le mieux les politiques

drsquointeacutegration (Lapeyronnie 1992) il est inteacuteressant drsquoeacutevaluer la quantiteacute de personnes

concerneacutees par les difficulteacutes drsquointeacutegration ce volume populationnel reacuteveacutelant ainsi non

seulement la faible valeur sociale relative de lrsquoespace local mais aussi les risques de

renforcement de sa marginalisation avec une population exposeacutee aux risques de preacutecariteacute et

drsquoexclusion sociale sur critegraveres social et ethno-racial

Aux Ulis nous avons pu estimer qursquoentre un tiers et 45 de la population est

laquodrsquoorigine ethnique raquo ou encore potentiellement laquo ethnicisable raquo cest-agrave-dire agrave qui lrsquoattribution

de caractegraveres ethniques est possible traits les rapprochant de lrsquoeacutetranger et que ne partagent pas la

majoriteacute des autochtones sur les plans physique comportemental culturel ou encore symbolique

et moral (Simmel 1994 Lepoutre 1997 Elias Scotson 1997) Les personnes concerneacutees

constituent de ce fait une population discriminable sur les diffeacuterents marcheacutes eacuteconomiques et

sociaux Comment a-t-on reacutealiseacute cette estimation Agrave lrsquoinstar de lrsquoanalyse sur les actifs preacutecaires

de la ville nous avons eacutelargi la repreacutesentation de la population concerneacutee par ce pheacutenomegravene En

1999 par exemple il y a 1 021 franccedilais neacutes dans les DOM-TOM soit 4 de la population ce

qui fait avec les 21 drsquoimmigreacutes indiqueacutes plus haut 25 dUlissiens neacutes agrave leacutetranger et dans

les DOM-TOM Ce rapprochement nrsquoest pas anodin si lrsquoon srsquointeacuteresse aux rapports entre

groupes sociaux et les perceptions mutuelles qursquoils peuvent entretenir

En effet les socieacuteteacutes modernes sont de plus en plus multiethniques des identiteacutes ethniques et

culturelles se manifestent davantage dans les espaces urbains agrave des fins de valorisation sociale

187

parfois (Germain Blanc 1998) surtout parmi les classes moyennes et supeacuterieures (Martiniello

1995) mais le plus souvent selon une logique de diffeacuterenciation sociale agrave finaliteacute excluante

(Poutignat Streiff-Feacutenart 1995) et selon un processus pas toujours conscient comme se reacutealise

lrsquointeacutegration (Sayad 1994) Lindustrialisation de leacuteconomie la construction des Eacutetats-nations et

la citoyenneteacute deacutemocratique aux effets drsquoatomisation inteacutegratrice des communauteacutes locales et

issues de lrsquoimmigration nempecircchent la constitution dentiteacutes ethniques heacuteteacutero-imputeacutees ou auto-

organiseacutees (Martiniello 1995) Sur le plan scientifique drsquoailleurs la notion dethniciteacute est

drsquoabord apparue dans la sociologie nord-ameacutericaine et anglo-saxonne selon une acception se

voulant en rupture avec les connotations raciales ndash ou plutocirct racistes ndash potentielles de son usage

dans le langage commun

Il convient ainsi de se montrer prudent quant agrave la production et agrave lrsquousage de statistiques ethniques

ou sur les apparences afin de ne pas contribuer agrave attribuer de lrsquoexteacuterieur et agrave durcir des identiteacutes

selon des cateacutegorisations ethniques non adapteacutees pouvant participer au risque drsquoinstitutionnaliser

une organisation et une vision sociale agrave base ethnique et communautaire Ce qui exigerait de

passer agrave une gestion eacutetatique de la co-existence pluriethnique contre le risque de deacuteveloppement

de tensions pouvant deacutegeacuteneacuterer agrave lrsquoextrecircme agrave des massacres intercommunautaires (Habsbown

1993) Contre cet eacutecueil et celui de naturaliser des diffeacuterences en fonction drsquoorigines

indeacutepassables (Le Bras 1998) une condition de la repreacutesentation ethnique est de proposer un

contenu deacutefinitionnel reposant sur les perceptions sociales des apparences de lrsquoorigine ethnique

ou de lrsquoappartenance culturelle qui sont lieacutees aux pheacutenomegravenes identitaires qui se deacuteveloppent

dans chaque pays Car la diffeacuterenciation culturelle de la population et des pratiques sociales est

bien une reacutealiteacute aux multiples facettes (cultures reacutegionales sociales ou cultuelles issues de

limmigration ancienne ou reacutecentehellip) face agrave la majoriteacute des membres des socieacuteteacutes et de leur

mode de vie

En outre lrsquoethniciteacute peut apparaicirctre aussi dans un sens politique comme groupe dinteacuterecirct sur la

scegravene publique (notamment aux Eacutetats-Unis) La mise en valeur de caractegraveres ethniques dans les

deacutefinitions socio-identitaires srsquoinscrit dans des rapports sociaux et des interactions sociales

concregravetes reacuteveacutelateurs souvent drsquoune ineacutegaliteacute sociale structurelle au deacutetriment du groupe

laquo ethniciseacute raquo ou laquo srsquoethnicisant raquo En France lethniciteacute a pris de limportance dans la vie sociale

politique et culturelle contemporaine (Martiniello 1995) lrsquoespace public devenant de plus en

plus un espace socioculturel en reacuteaction aux discriminations ethno-raciales subies et avec

188

lrsquoappui drsquoinstances communautaires parfois (Semprini 1997) Elle a parfois une signification

sociale et politique entre choix individuels et contraintes sociales deacuteterminantes division et

stratification ethniques du marcheacute du travail politiques eacutetatiques sur des groupes cibles ou

encore effet de la recherche sociale et sociologique

Pour faciliter les politiques drsquointeacutegration un volet de reconnaissance de la diffeacuterence culturelle

est parfois activeacute La production de connaissances suivant le modegravele anglo-saxon sur le sort des

populations ethniques pour favoriser la reconnaissance de leurs droits sociaux multiples (emploi

eacuteducation logementhellip) crsquoest-agrave-dire pour favoriser leur eacutegaliteacute sociale apparaicirct alors preacutefeacuterable

agrave la mode franccedilaise passeacutee du silence qui precircte le flanc aux repreacutesentations fantasmagoriques de

la preacutesence eacutetrangegravere Eacutevoquer les repreacutesentations ethniques ou drsquoapparence au sein drsquoune

population crsquoest rendre compte des difficulteacutes drsquointeacutegration des populations issues de

lrsquoimmigration aupregraves des populations autochtones comme des eacutelus et des professionnels du

social (Sartre 1985 Blanc 1993 Bouzar 2001 Tenoudji 2001 Wieviorka 2001) Il srsquoagit

de susciter et drsquoalimenter le deacutebat public et de sortir de la confidentialiteacute de la recherche

deacutefendue par certains chercheurs (Simon 1999 Tripier 1999)

La visibiliteacute rationnelle des regroupements immigreacutes ou plutocirct de leur repreacutesentation sociale en

tant que population ethnique ou drsquoapparence eacutetrangegravere dans des espaces locaux est donc

inteacuteressante et souhaitable Lepoutre (1997) a reacutealiseacute des quantifications ethniques en produisant

lui-mecircme les informations agrave partir de ses outils denquecircte questionnaire dinterconnaissance

trombinoscope et listes de fichiers de publics dinstitutions Il eacutetablit un coefficient multiplicateur

de 3 entre le taux drsquoeacutetrangers (au sens juridique) dans le grand ensemble eacutetudieacute (La Courneuve)

et le taux drsquo laquo ethniques raquo (recouverts par les quatre grandes cateacutegories de Franccedilais issus de

lrsquoimmigration) les taux passent effectivement de 28 de la population du grand ensemble pour

les eacutetrangers agrave 85 laquo drsquoethniques raquo deacutenombreacutes en examinant les fichiers scolaires des enfants

du grand ensemble (692 inscrits au collegravege) et agrave 90 environ estimeacutes par le questionnaire

drsquointerconnaissance soumis agrave un adolescent dorigine immigreacutee portant sur 945 habitants du

grand ensemble (demande sur la nationaliteacute lrsquoethniciteacute ndash Arabe Noir Asiatiquehellip ou la

culture drsquoorigine des habitants)

Les populations potentiellement laquo ethnicisables raquo renvoient ainsi agrave des groupes sociaux exposeacutes

aux rapports drsquoexclusion selon les variables ethniques Lepoutre (1997) eacutenumegravere cinq grandes

cateacutegories de population qui sont exposeacutees agrave une ethnicisation excluante Drsquoune part les

189

eacutetrangers au sens juridico-administratif de la nationaliteacute puis drsquoautre part quatre cateacutegories de

Franccedilais les originaires des deacutepartements et territoires drsquoOutre-mer (DOM-TOM) les rapatrieacutes

drsquoAfrique du Nord les eacutetrangers naturaliseacutes Franccedilais et les Franccedilais de parents immigreacutes de

lrsquoeacutetranger On aperccediloit ainsi lrsquoeacutecart quantitatif important entre la seule population eacutetrangegravere et

cette population issue de limmigration franccedilaise (dOutre-mer et drsquoAfrique du nord) et eacutetrangegravere

ayant acquis la nationaliteacute franccedilaise

Ces grandes cateacutegories sociales lieacutees agrave des processus drsquoimmigration sont inteacuteressantes et

recouvrent de multiples deacutenominations ethniques en raison de certains attributs visibles qui

associent les populations agrave une origine lointaine Ce qui les expose de fait agrave la possibiliteacute de

discrimination neacutegative selon la modaliteacute la plus contraignante de lethniciteacute celle de lheacuteteacutero-

imputation sociale qui leur eacutechappe et qui les deacutefinit en partie Elles peuvent ecirctre soumises agrave un

processus symbolique dethnicisation dans les rapports sociaux dans les relations sociales locales

ou mecircme par lEacutetat en ayant des conseacutequences deacutefavorables dans leur vie sociale Cest pourquoi

les analystes doivent pouvoir proposer des cateacutegories drsquoanalyse pertinentes pour un usage adapteacute

aux politiques dinteacutegration

Pour tenter une estimation de la taille de la population ethnique aux Ulis la meacutethode suivie a eacuteteacute

de reacutealiser empiriquement par eacutetape une agreacutegation drsquoinformations eacuteparses dont disposent des

structures locales danimation drsquoaccompagnement et daction sociale au service des habitants

Une tentative drsquoopeacuterationnalisation a ainsi eacuteteacute reacutealiseacutee aupregraves de divers acteurs sociaux

concernant les pays les espaces etou les cultures dorigine de leurs publics

2 La laquo population ethnique raquo aux Ulis une population preacutecaire de lrsquoimmigration

surtout dans lrsquohabitat social

Quelle situation de regroupement de populations issues de limmigration trouve-t-on aux Ulis et

quelles en sont les repreacutesentations sociales Les donneacutees rassembleacutees indiquent quil est possible

deacutetablir une hypothegravese valable entre un tiers et 45 de la population communale qui relegraveve

dune appartenance ethnique Il y aurait une preacutedominance de Noirs couvrant pregraves de la moitieacute de

cette cateacutegorie de la population (eux-mecircmes partageacutes entre Noir-africains pour 80 et Ultra-

marins notamment Antillais pour 20 dentre eux) Ensuite les Maghreacutebins constituent le

190

deuxiegraveme groupe ethnique avec entre un quart et un tiers de cet ensemble de populations issues

de limmigration Par ailleurs aussi comme sur le plan national agrave cocircteacute de ces deux grandes

cateacutegories dimmigreacutes il existe une tregraves large diversiteacute de petites cateacutegories ethniques (une

cinquantaine a eacuteteacute deacutecompteacutee aux Ulis) qui se retrouve dans diverses structures sociales

Des opeacuterations destimation permettent davancer ces reacutesultats dont la confirmation finale

pourrait se reacutealiser par le biais dune laquo enquecircte dethniciteacute raquo dans chaque quartier de la ville par

le biais drsquoun questionnaire dinterconnaissance ou dauto-deacuteclaration Cette description ethnique

semble correspondre avec les flux migratoires aux Ulis les Noirs-africains sont plus

massivement arriveacutes dans les anneacutees 1980 alors que les flux de Maghreacutebins y sont plus anciens

(avec drsquoautres cateacutegories drsquoimmigreacutes comme les Portugais notamment) Cette distinction se

retrouve dans la reacutepartition des publics selon les dispositifs sociaux sur la ville on retrouve plus

de Noirs-africains dans ceux reacuteveacutelant une plus grande fragiliteacute sociale comme les Femmes-relais

pour les relations entre populations immigreacutees et institutions ou encore lrsquoAME pour les

immigreacutes laquo sans-papiers raquo comme nous le verrons plus loin

Selon le mecircme eacutecart estimeacute par Lepoutre (1997) agrave La Courneuve entre la population eacutetrangegravere

juridiquement et la population ethnique dans le grand ensemble la population communale des

Ulis comporterait avec pregraves de 15 de population eacutetrangegravere aux Ulis en 1999 pregraves de 45 de

population ethnique par transposition du coefficient de 3 traduisant cet eacutecart Mais cette

transposition ne peut pas srsquoappliquer exactement de cette maniegravere puisque lrsquoanalyse agrave La

Courneuve porte sur le grand ensemble alors qursquoaux Ulis on aborde le sujet pour lrsquoensemble de

la ville qui est certes formeacutee par un grand ensemble fondateur mais qui a eacuteteacute penseacute avec une

part importante de logements priveacutes agrave destination des classes moyennes (pregraves de 50 ) La

proportion de population ethnique est donc neacutecessairement reacutepartie de maniegravere ineacutegale dans

lespace reacutesidentiel communal Tout comme la reacutepartition des actifs preacutecaires analyseacutee supra ougrave

il a eacuteteacute estimeacute que pregraves de 70 de la population active preacutecaire reacutesident dans le parc dhabitat

social et pregraves de 30 dans le parc priveacute Pour tester ces approximations les structures de soutien

scolaire de la ville dinsertion et daccompagnement socio-eacuteconomique ont eacuteteacute enquecircteacutees La

confrontation de leur connaissance des publics agrave cette estimation ne la contredit pas Elle en

apporte plutocirct des mises en forme consonantes

Les premiegraveres structures qui deacutetiennent pour leur compte des donneacutees laquo ethniques raquo sont celles

qui peuvent connaicirctre agrave condition de leur demander le pays de naissance ou dorigine de leur

191

publics cest-agrave-dire les parents des enfants pour le soutien scolaire ou encore les adultes

cherchant des activiteacutes culturelles agrave reacutealiser ou auxquelles assister Ces structurent adaptent et

preacuteparent mecircme souvent leurs offres en fonction des demandes et des caracteacuteristiques culturelles

dorigine des publics

Par exemple dans les commentaires accompagnant les informations fournies en 2003 agrave

lrsquoObservatoire social le Club Leacuteo Lagrange relegraveve le paradoxe de penser accueillir laquo les enfants

de tout horizon social culturel et geacuteographique [hellip] tout en recevant rarement les publics

drsquoAfrique noire raquo dans leur action daccompagnement scolaire Ils sont pourtant nombreux

comme cela apparaicirct dans les effectifs des publics drsquoune autre structure drsquoaccompagnement

scolaire de la ville lEntraide scolaire municipale de la Maison pour Tous (MPT) de

Courdimanche (nom dune reacutesidence priveacutee situeacutee agrave cocircteacute de la plus petite des concentrations de

logements sociaux de la ville dans le secteur Est Nord-est de celle-ci)

Le Club Leacuteo Lagrange est lui situeacute plus au sud de la commune que cette structure dans le centre-

ville pregraves de la mairie Cette localisation un peu plus eacuteloigneacutee des logements sociaux (secteurs

Ouest et Nord-est) et surtout son fonctionnement indeacutependant par rapport agrave la mairie et agrave ses

diffeacuterents services qui couvrent la ville expliqueraient labsence denfants noirs-africains chez

eux qui ne sont pas conduits par les services institutionnels chez eux La visibiliteacute ethnique a

permis de montrer agrave la surprise de plusieurs acteurs locaux quun certain type de population

immigreacutee nest pas pris en charge par cet organisme deacuteducation populaire Lrsquohypothegravese a eacuteteacute que

les familles noir-africaines constituent aux Ulis une vague dimmigration reacutecente et pour

beaucoup elles sen remettent en premier lieu aux services municipaux pour leurs besoins daide

et de soutien sociaux Le Club Leacuteo Lagrange recevrait des publics ayant deacutejagrave une certaine

familiariteacute avec lenvironnement local du fait dune preacutesence plus ancienne dans la commune et

en France Quoiquil en soit le tableau 16 infra preacutesente les donneacutees de ces deux structures pour

lrsquoanneacutee scolaire 2002-2003

Dautres structures de soutien scolaire existent notamment celle de la Maison pour Tous (MPT)

des Amonts centre social situeacute dans le secteur Grand Ouest la plus grande concentration de

logements sociaux de la ville (3 123 logements soit pregraves de 70 des logements du parc social

de la ville) Malheureusement cette MPT ne sest pas associeacutee agrave cette investigation ce qui na pas

permis que la structure de soutien scolaire qui y agit puisse apporter des informations de ce

caractegravere sur son public

192

Tableau 16 - Effectifs des publics des deux structures de soutien scolaire de la ville des Ulis selon les cateacutegories ethniques (anneacutee 2002-2003)

Entraide scolaire municipale de la

MPT de Courdimanche

Club Leacuteo Lagrange Total Cateacutegories dorigine ethnique

effectifs effectifs effectifs

Franccedilais meacutetropolitains 5 8 21 41 26 23

Autres origines ethniques 56 92 30 59 86 77

Noirs-africains 22 36 0 0 22 20

Maghreacutebins 16 26 13 255 29 26

Antillais 8 13 8 155 16 14

Portugais 4 65 8 155 12 105

Pakistanais 3 5 - - 3 25

Indiens - - 1 2 1 1

Espagnol 1 175 - - 1 1

Italien 1 175 - - 1 1

Turque 1 175 - - 1 1

Total eacutelegraveves reccedilus 61 100 51 100 112 100

Sources Maison pour Tous de Courdimanche Les Ulis Club Leacuteo Lagrange Les Ulis Chebroux J-B (2003) Observatoire social de la Ville des Ulis Donneacutees 2002 Mairie des Ulis Le deacutecompte des Antillais agrave lentraide scolaire de la MPT de Courdimanche sest effectueacute oralement selon la responsable entretenue par teacuteleacutephone en novembre 2003

Pour rentrer dans le deacutetail des informations fournies en 2002 sur les 112 eacutelegraveves freacutequentant les

deux premiegraveres structures de soutien scolaire pregraves de 80 (77 ) sont dorigine non

meacutetropolitaine (tableau 16) Bien sucircr lhomogeacuteneacuteiteacute ethnique des laquo Franccedilais meacutetropolitains raquo

nrsquoest jamais eacutevidente il se peut tout agrave fait que certains dentre eux aient une ascendance dorigine

eacutetrangegravere au niveau des grands-parents Ces eacuteleacutements nrsquoont pas eacuteteacute veacuterifieacutes ni controcircleacutes pour un

recensement ethnique homogegravene sur la ville car ce qui importe justement agrave ce stade cest le

processus social autonome de recensement des origines ethniques effectueacute par des structures

daction sociale elles-mecircmes en relevant le pays dorigine des parents issus de limmigration

193

On pourrait regretter un manque dune certaine preacutecision dans les cateacutegorisations notamment

dans le cas de parents laquo mixtes raquo Quoiquil en soit ce processus manifeste la volonteacute de certaines

structures de disposer de telles connaissances pour connaicirctre les diffeacuterents publics quelles

servent En comparant les deux structures on constate que la place preacutepondeacuterante occupeacutee par les

enfants noir-africains agrave la MPT de Courdimanche se trouve prise au Club Leacuteo Lagrange par les

enfants maghreacutebins qui y deviennent majoritaires avec les Antillais Le Club Leacuteo Lagrange a

introduit cette distinction ethnique plus fine avec lrsquoorigine antillaise que lrsquoon ne retrouve pas agrave

lrsquoEntraide scolaire de Courdimanche Cest la responsable de cette derniegravere structure qui a

indiqueacute que les enfants antillais sont compteacutes parmi la cateacutegorie des Franccedilais (ce qui relegraveve du

domaine juridique plus que social) ils eacutetaient 8 lrsquoanneacutee derniegravere comme ils le sont cette

anneacutee65

e 36 le sont drsquoAfrique du nord et 10 du Pakistan du Chili de

la moitieacute des populations ethniques puis

Maghreacutebins ensuite pour un peu moins dun tiers

Une autre information sur la composition interne de la population ethnique aux Ulis peut

apparaicirctre par le biais des donneacutees de lrsquoAME fournies par le CCAS dans son bilan drsquoactiviteacutes

200366 Le nombre de demandeurs de lAME a augmenteacute de 37 de 91 en 2001 agrave 121 en 2002

apregraves une hausse de 63 entre 2000 et 2001 ce qui montre que les flux migratoires se

poursuivent en partie La structure ethnique des demandeurs en 2002 est la suivante 54 sont

originaires drsquoAfrique noir

Bulgarie et des Comores

Cette structure de public est proche de celle de lrsquoEntraide scolaire ougrave preacutedominent les Noirs-

africains pour pregraves de 40 des enfants non meacutetropolitains (22 sur 56) puis les maghreacutebins pour

plus drsquoun quart (16 sur 56 enfants soit 285 ) Les autres origines ethniques (portugaise

pakistanaise espagnole turque) viennent plus loin derriegravere avec des effectifs plus faibles

Lordre des deux premiegraveres cateacutegories de groupes ethniques est convergent entre les structures

Noir-africains dabord pour une part proche de

Par ailleurs la lecture des deux bilans drsquoactiviteacutes de 2003 des deux Maisons pour Tous de la

Ville (la MPT de Courdimanche dans le secteur Est Nord-est de la ville et la MPT des Amonts

dans le secteur Grand Ouest) fait apparaicirctre une programmation et une freacutequentation

65 Entretien reacutealiseacute en novembre 2003 66 CCAS (2003) Bilan dactiviteacutes 2002 Mairie des Ulis p 19

194

ethnoculturelles des animations et des services un peu plus marqueacutees en faveur des populations

maghreacutebines On retrouve ce caractegravere dans deux types dactiviteacutes dune part les services et les

activiteacutes non speacutecifiquement ethniques (eacutecrivain public de Courdimanche alphabeacutetisation

sorties de visite des museacutees parisiens atelier theacuteacirctre ou encore apregraves-midi Santeacute) dautre part ce

qui est plus attendu les services et les activiteacutes plus ethniquement connoteacutes comme les cours

drsquoarabe les soireacutees maghreacutebines les ateliers de percussions maghreacutebines les sorties hammamhellip

Est-ce agrave dire que les Noirs-africains et les Antillais (mecircme sil y a peu de visibiliteacute chiffreacutee des

Antillais concernant les freacutequentations des centres) sont avec les groupes ethniques beaucoup

plus minoritaires moins repreacutesenteacutes en programmation et freacutequentation dans ces structures

Rien nest moins sucircr Il semble plutocirct en eacutecoutant les propos des responsables des MPT et en

examinant leurs activiteacutes que les sensibiliteacutes ethniques srsquoexpriment davantage agrave travers des

activiteacutes exclusivement centreacutees sur elles-mecircmes au deacutetriment des projets inter ou

multiculturels outils de mise en œuvre de linteacutegration des acteurs locaux Et ces manifestations

laquo mono-ethniques raquo pleacutebisciteacutees par les publics des structures drsquoanimation urbaine intriguent les

directions des MPT et les responsables administratifs et politiques de la mairie

Cependant nrsquoest-ce pas lagrave une reacuteaction de courte vue de leur part Ces manifestations

nrsquoexpriment-elles pas leur vigueur sur le champ du repli des mouvements associatifs anteacuterieurs

ceux des classes moyennes et plus modestes des Franccedilais meacutetropolitains qui eacutetaient les premiers

habitants de la ville mais qui ont maintenant investi la sphegravere politique locale ou alors quitteacute la

commune ou encore abandonneacute leurs actions au deacutetriment dune sociabiliteacute deacutepassant leacutetroit

territoire communal Par exemple la MPT des Amonts (secteur Grand Ouest le plus grand site

dhabitat social de la ville) a preacutesenteacute pour lanneacutee 2000 des statistiques de soireacutees theacutematiques

(repas danses contes etou chansons) ougrave le nombre de participants laquo ethniques raquo correspondants

agrave la culture ethnique de la soireacutee theacutematique (maghreacutebine ou noir-africaine) est cinq fois plus

importante que le nombre de participants de la soireacutee laquo chansons franccedilaises raquo il y a eu pregraves de

120 et pregraves de 130 participants pour les soireacutees laquo tunisienne raquo et laquo africaine raquo soit environ 250

participants en tout contre pregraves de 50 pour la soireacutee laquo franccedilaise raquo67 Si le directeur de cette MPT

ne preacutesente pas directement les publics des trois soireacutees comme des publics laquo ethniquement raquo

homogegravenes il preacutecise neacuteanmoins dans son rapport drsquoactiviteacutes 2001 qu laquo il est apparu que ces

manifestations ont permis lrsquoappropriation importante de tel ou tel public en fonction des origines

67 Maison Pour Tous des Amonts (2001) Rapport drsquoactiviteacute Anneacutee 2000 Mairie des Ulis

195

ethniques raquo (p14) Cette homogeacuteneacuteiteacute ethnique lui semble suffisamment marqueacutee pour laisser

entendre qursquoil souhaite la changer laquo Une meilleure information une inteacutegration de ce type de

soireacutee dans une programmation coheacuterente assureront certainement la mixiteacute des publicshellip raquo

prentissage de lrsquoarabe des groupes de femmes maghreacutebines en

et drsquointeacutegration au

(p14)

En theacuteorie linteacutegration des immigreacutes passe par des eacutetapes de communalisation (de

regroupement communautaire) aux effets identitaires reacuteconfortants souhaiteacutes par les individus

concerneacutes Les responsables locaux le constatent et souhaitent pourtant eacuteviter les tendances agrave la

communautarisation exclusive des divers groupes ethniques Nrsquoest-ce pas contradictoire ou juste

un reflet inconscient de lrsquoambivalence du pheacutenomegravene drsquointeacutegration Agrave ces deux bilans drsquoactiviteacute

des deux Maisons Pour Tous sest ajouteacute un entretien en deacutebut drsquoanneacutee avec la secreacutetaire

drsquoaccueil du Donjon structure de gestion du secteur associatif de la ville et lrsquoeacutelue de la Ville en

charge de ce secteur Leurs propos convergent avec les observations des MPT Lrsquoessoufflement

de la vie associative apparaicirct agrave travers une diminution du nombre et des activiteacutes des

associations le caractegravere ethnique ou laquo mono-culturel raquo des activiteacutes se confirme avec les

soireacutees theacutematiques lap

accompagnement social

De lrsquoautre cocircteacute eacutechoue la mise en place drsquoactiviteacutes visant lrsquointerculturel comme la Fecircte de la

musique avec des artistes heacuteteacuterogegravenes ou dautres programmes preacutesentant des reacutefeacuterences

culturelles franccedilaises et internationales en chansons et en peinture Cependant un facteur semble

concurrencer cette tendance au centrisme socioculturel des populations issues de limmigration

lrsquoappartenance communale qui transcende les appartenances drsquoorigine Le succegraves des

manifestations avec des artistes amateurs de la ville le deacutemontre Cela confirme les reacuteflexions

deacuteveloppeacutees plus haut sur lrsquointeacuterecirct drsquoune analyse des questions sociales

niveau communal plutocirct qursquoau seul niveau des quartiers infra- communaux

Degraves lors les responsables locaux ne srsquoinquiegravetent-ils pas trop rapidement sur les risques

communautaristes Le laquo centrisme socioculturel raquo apparent des populations immigreacutees ne

soppose en reacutealiteacute pas agrave la dynamique drsquointeacutegration dans la socieacuteteacute drsquoensemble ce qursquoune

certaine indiffeacuterence de leur part aux autres cultures franccedilaises et immigreacutees ne doit pas laisser

penser Leur conduite correspond agrave un stade anteacuterieur de louverture complegravete agrave la culture du

pays daccueil ils ne peuvent se comporter spontaneacutement en laquo Franccedilais meacutetropolitains raquo

196

pouvant reconnaicirctre et srsquoapproprier rapidement les œuvres savantes ou populaires de ceux-ci et

en laissant derriegravere eux les reacutefeacuterences culturelles de leur vie dans leur pays drsquoorigine

Le stade actuel de leur inteacutegration est plutocirct en lien avec la dureacutee de preacutesence en France celui

de la deacutecouverte de lenvironnement geacuteographique et physique du pays et du partage des

conditions de vie mateacuterielle et sociale du mode de vie global et normal Le succegraves des activiteacutes

de vacances en station balneacuteaire et en montagne ou encore celui des visites et des freacutequentations

de la capitale latteste Il exprime une preacutefeacuterence agrave la familiarisation progressive avec le cadre

culiegravere des menaces

trent le type de tensions provenant de la gestion de locaux utiles aux besoins

Ukrainiens et Bulgares pour les Europeacuteens de lEst Turques

environnemental de la socieacuteteacute drsquoaccueil Ainsi lattachement agrave leurs activiteacutes identitaires reacutevegravele

leur besoin de maintenir et dentretenir leur culture drsquoorigine

Par ailleurs linteacutegration est un processus non deacutenueacute de tensions pouvant eacuteclater en conflits avec

lenvironnement des populations immigreacutees Dans ce sens la Ville a rapporteacute des comportements

agressifs de la part de certains membres de groupes antillais et noir-africains Le service des

associations a subi de maniegravere marginale mais marqueacutee lrsquoagressiviteacute de trois associations au

deacutebut de lrsquoanneacutee 2001 Ces associations auraient eacutemis pour leur activiteacute parti

et des violences verbales agrave lrsquooccasion de demandes de locaux pour se regrouper

indeacutependamment des regravegles habituelles dattribution des salles municipales

Drsquoautre part certains groupes de jeunes issus de lrsquoimmigration pour lrsquoessentiel laquo rappers raquo ou

non auraient aussi manifesteacute des comportements agressifs envers les institutions locales afin

drsquoutiliser sans consideacuteration des regravegles institutionnelles les moyens mateacuteriels de la mairie

Assureacutement ces constats rapporteacutes par un agent drsquoaccueil son chef du service associatif et une

eacutelue du secteur mon

leacutegitimes de regroupement communautaire et drsquoactiviteacutes culturelles de certains immigreacutes et de

leurs descendants

Au passage recenser exhaustivement les diffeacuterentes identiteacutes ethniques qui coexistent sur un

territoire neacutecessiterait une enquecircte aupregraves des diffeacuterents acteurs dinteacutegration et danimation sur la

ville Car aucun dentre eux ne semble connaicirctre lensemble de celles-ci En effet de multiples

cateacutegories ethniques apparaissent dans divers publics Elles sont issues des diverses zones de la

planegravete ce qui accentue le caractegravere cosmopolite de la ville Vietnamiens Laosiens

Cambodgiens Coreacuteens Chinois Taiumlwanais Japonais pour les Asiatiques Allemands et

Eacutecossais pour les ouest-europeacuteens

197

et Syriens pour le Proche-Orient et le Moyen-Orient Indiens pour le sud de lAsie Breacutesiliens et

Chiliens pour lAmeacuterique du sud

De ces diverses informations sur les populations ethniques comment a-t-on estimeacute un volume

global approximatif dans lensemble de la population communale Les populations ethniques

qui freacutequentent les soireacutees festives des MPT sont pregraves de cinq fois plus nombreuses que les

Franccedilais meacutetropolitains (250 contre 50) Les enfants qui suivent le soutien scolaire de deux

structures importantes de la ville (MPT Courdimanche et Club Leacuteo Lagrange) sont agrave 23 des

Franccedilais meacutetropolitains (26 sur 112) soit pregraves de 80 sont dorigine immigreacutee crsquoest-agrave dire pregraves

de quatre fois plus que les Franccedilais meacutetropolitains Lrsquoestimation approximative de la population

ethnique globale a pu seacutetablir par transposition de ces proportions releveacutees que lrsquoon retrouve

nationaliteacute CEE ou Hors CEE Cependant ces structures peuvent commenter des

la valeur de lrsquoestimation de Didier Lepoutre (1997) agrave la

Courneuve il srsquoagissait drsquoobtenir aupregraves des responsables de structures dinsertion une

ailleurs dans drsquoautres structures drsquoaccueil de populations locales comme celles de linsertion et

de lemploi

En effet les structures drsquoinsertion sociale et professionnelle (le Plan local dinsertion par

leacuteconomique PLIE le Reacuteseau local dappui aux beacuteneacuteficiaires du RMI du Conseil geacuteneacuteral

lrsquoAgence locale pour lemploi ALE) deacutecrivent neacutecessairement leurs publics tregraves

sommairement en fonction de la nationaliteacute et de lrsquoappartenance agrave lespace europeacuteen Franccedilais68

approximations de donneacutees ethniques en estimant parmi les Franccedilais la part de ceux qui sont

drsquoorigine eacutetrangegravere ou immigreacutee (eacutevaluation par connaissance du caractegravere ethnique du public)

Le dispositif PLIE des Ulis pour commencer comptait 640 beacuteneacuteficiaires daction dinsertion

190 soit pregraves de 30 eacutetait eacutetrangers hors CEE Pour lrsquoestimation de la part de cateacutegorie

ethnique qui pouvait en faire partie lrsquoapplication du coefficient multiplicateur laquo ethnique raquo de

25 produit un taux de pregraves 75 de beacuteneacuteficiaires de ces actions Ce coefficient a eacuteteacute fixeacute agrave cette

valeur (25) un peu au-dessous de

appreacuteciation spontaneacutee de ces estimations en eacutevitant des valeurs extrecircmes quils ne

constateraient pas dans leur activiteacute

68 CEE Communauteacute eacuteconomique europeacuteenne Ce sigle provient drsquoune deacutenomination drsquoune ancienne composante de lrsquoUnion europeacuteenne remplaceacutee par la Communauteacute europeacuteenne la CE en 1993

198

Le directeur du PLIE na pas pu par exemple contredire ce taux approximatif sans pour autant

pouvoir ecirctre preacutecis agrave ce sujet Il deacuteclara lors dun entretien teacuteleacutephonique laquo Nous disposons

les 401 dentre

sa connaissance du public

Lopeacuteration a eacuteteacute la mecircme pour les chocircmeurs de longue dureacutee enregistreacutes par lrsquoALE et pris en

que pregraves de 80 des 25 dactifs preacutecaires sont

ous les cas de liens avec une origine ethnique

simplement de 3 cateacutegories (de nationaliteacute) France CEE Autres (hellip) Cependant les personnes

de nationaliteacute franccedilaise sont pour une certaine part issues de lrsquoimmigration sans qursquoon puisse

lrsquoeacutevaluer plus preacuteciseacutement raquo En effet le PLIE nest pas doteacute doutils permettant de mesurer ce

type dindice

Ensuite le Reacuteseau local dappui (RLA) du Conseil geacuteneacuteral de lEssonne concernant la politique

aupregraves des beacuteneacuteficiaires du RMI Ils eacutetaient en 2000 pregraves de 33 (329 ) sur

eux agrave ecirctre de nationaliteacute autre que franccedilaise et de la communauteacute europeacuteenne Lapplication du

coefficient laquo ethnique raquo de 25 apporte un taux de 82 soit pregraves de 45egraveme des beacuteneacuteficiaires du

RMI qui seraient dorigine ethnique Le RLA en relation avec lobservatoire social na pas

contesteacute cette eacutevaluation approximative sur la base de

charge par le PLIE 104 eacutetrangers hors CEE sur 283 en 2000 soit une part de 367

permettent destimer une part de 92 agrave peu pregraves parmi eux de personnes dorigine immigreacutee de

leacutetranger ou doutre-mer (en multipliant 367 x 25)

Globalement en appliquant aux trois types de publics drsquoactifs preacutecaires ce coefficient de 25 les

laquo actifs ethniques raquo sont estimeacutes agrave environ 80 des actifs preacutecaires de la ville Dans la partie

preacuteceacutedente sur leacutevaluation des actifs preacutecaires de la ville leur part eacutetait de 25 agrave peu pregraves Par

deacuteduction il est alors possible deacutetablir

dorigine immigreacutee Ce qui repreacutesenterait une population active ethnique de pregraves de 20 Pour

la population globale actifs et non actifs compris le recensement de lrsquoensemble de la population

en 1999 indique que 148 des Ulissiens sont eacutetrangers et que 25 sont neacutes soit agrave leacutetranger

(21 ) soit dans les DOM-TOM (4 )

Si lrsquoon applique au taux drsquoeacutetrangers le coefficient de 3 ressortant de lrsquoenquecircte de Didier Lepoutre

(1997) cela donnerait pregraves 45 de population ethnique parmi lensemble de la population totale

Cette valeur approximative peut ecirctre leacutegegraverement excessive puisque le parc total de logements de

la commune nrsquoest pas uniquement composeacute de logements sociaux ougrave reacutesident (50 ) ougrave reacutesident

les plus preacutecaires (la population totale des logements sociaux ne repreacutesente drsquoailleurs que 60

de la population communale) Cependant les 25 de personnes neacutees agrave lrsquoeacutetranger ou dans les

DOM-TOM ne couvrent certainement pas t

199

apparente il faut aussi prendre en compte ceux neacutes en France drsquoun ou de deux parents neacutes agrave

lrsquoeacutetranger Ainsi sans pouvoir reacutealiser plus en avant des investigations agrave ce sujet lhypothegravese de

reacutesultat la plus valable se tiendrait entre un tiers et 45 de la population communale qui serait

dorigine ethnique et peut-ecirctre pregraves de 40

Ce reacutesultat hypotheacutetique souffre dune veacuterification empirique plus avanceacutee Toutefois il apporte

par les diffeacuterentes donneacutees utiliseacutees une connaissance suffisante qui confirme lideacutee de leffet

dethnicisation de lespace local produit par la releacutegation des plus pauvres drsquoorigine immigreacutee

dans lhabitat social de la ville Au sujet de la deacutegradation des rapports entre autochtones et

e (quelques rares cas concernent 3 eacutepouses ou plus) car la

dictions avec les principes juridiques geacuteneacuteraux

dans lrsquoespace domestique et les relations entre elles et avec leur mari difficulteacute drsquoappropriation

immigreacutes nous avons vu que les conditions drsquohabitat et drsquoexistence sont deacuteterminantes dans les

relations de voisinage Parmi ces conditions il y a le niveau de vie des immigreacutes regroupeacutes qui

sil est pauvre risque dinfluer sur la gestion de leur habitat qui constitue une partie de

lenvironnement de la ville Ce point est agrave lorigine des tensions interethniques et de la

deacutepreacuteciation de la qualiteacute de lespace concerneacute (Wieviorka Martucelli 1990)

Parmi les comportements qui influent sur les rapports de voisinage et les repreacutesentations

sociales se trouvent les pratiques polygamiques qui concernent quelques familles immigreacutees

une quinzaine aux Ulis au deacutebut des anneacutees 2000 selon le service Politique de la ville de la

mairie Cette situation familiale pegravese en plus sur les conditions de vie des familles avec leurs

enfants ce qui ne favorise pas leur inteacutegration (Fainzang Journet 1989) Dans son

fonctionnement la polygamie est couramment une double (dans trois quarts des cas) voire une

triple (pour le quart restant) monogami

vie quotidienne est cloisonneacutee entre les couples formeacutes par le mari et chacune des

coeacutepouses pour couper tout moyen pour une femme de srsquoimmiscer dans les affaires des autres

couples Les hommes cumulent donc deux ou trois relations de couples alors que les femmes

vivent des monogamies seacutequentielles en se partageant un mari dans le temps et en consideacuterant

leur relation conjugale comme agrave part

Le droit a rappeleacute lrsquointerdiction de cette pratique en France notamment pour les ressortissants

eacutetrangers en 1993 avec obligation de deacutemembrement (progressif) pour les personnes concerneacutees

(Bourdelois 1993) En dehors des contra

concernant les droits et liberteacutes individuelles notamment des femmes des aspects sociaux et

culturels justifient cette interdiction Drsquoabord les coeacutepouses concerneacutees vivent une tension forte

200

de lrsquoespace inteacuterieur promiscuiteacute et aussi isolement et deacutependance financiegravere agrave leur mari ce

qui exacerbe leurs rapports de concurrence

Beaucoup de femmes concerneacutees ont deacutenonceacute leur situation qui leur est faite imposition drsquoune

seconde eacutepouse empecircchement de lrsquoaccegraves libre agrave lrsquoinformation sur le controcircle des naissances ou

aux moyens contraceptifs Elles se retrouvent dans un systegraveme qui ne favorise ni leur

participation agrave la socieacuteteacute exteacuterieure ni leur autonomie En outre ce mode de vie favorise la

nataliteacute au sein de la famille mais aussi engendre souvent une deacutegradation des relations entre

tilisation trop intensive problegravemes de

ictions de la polygamie et lrsquoobligation de sa sortie pour les familles

enfants et conjointes Les enfants nombreux sont trop souvent livreacutes agrave eux-mecircmes car peu

suivis par le seul mari et ont des difficulteacutes agrave suivre une scolariteacute normale du fait du

surpeuplement des logements et du manque de suivi scolaire par les parents ignorant ou

meacuteconnaissant les valeurs les normes et les codes du systegraveme eacuteducatif familial

Dans le domaine du logement les meacutenages polygames se heurtent agrave des problegravemes graves lieacutes

essentiellement agrave lrsquoinsuffisance de logements sociaux assez grands pour reacutepondre agrave la taille hors

norme des familles Les problegravemes de la sur-occupation des logements se cumulent avec drsquoautres

problegravemes sociaux ce qui les renforce promiscuiteacute peu favorable agrave lrsquoeacutepanouissement des

enfants notamment scolaire et aussi psychologique deacutegradation geacuteneacuterale et rapide des

eacutequipements et des eacuteleacutements de confort agrave cause drsquoune u

voisinage susciteacutes par lrsquoutilisation tout aussi intensive des parties communes de logements

collectifs En conseacutequence face agrave la forte reacuteticence de nombreux bailleurs un grand nombre de

ces familles est compartimenteacute dans la fraction la plus deacutegradeacutee du parc ce qui accentue leurs

risques drsquoexposition agrave lrsquoinsalubriteacute pour leurs membres

De plus dans le contexte leacutegal drsquointerdiction de la polygamie depuis 199369 il nrsquoest pas rare que

soient substitueacutes les papiers drsquoune eacutepouse agrave lrsquoautre ce qui peut conduire agrave des difficulteacutes de

prise en charge meacutedicale et donc agrave des problegravemes de santeacute et drsquoidentiteacute Enfin il convient de

rappeler que les interd

polygames accompagneacutee de mesures sociales drsquoaccompagnement drsquoaide et de soutien agrave ce

processus apportent un appui certainement salutaire agrave un processus qui se serait produit sans

lrsquoaide publique dans des conditions beaucoup plus douloureuses pour les inteacuteresseacutes et leur

environnement

69 Loi du 24 aoucirct 1993 qui modifie lrsquoordonnance du 2 novembre 1945 concernant les conditions drsquoentreacutee et de seacutejour des eacutetrangers en France en interdisant la deacutelivrance drsquoun titre de reacutesident agrave un ressortissant eacutetranger vivant en situation de polygamie

201

En outre plusieurs caracteacuteristiques sociales et culturelles de notre socieacuteteacute actuelle fragilisent les

conditions de maintien de la polygamie dans celle-ci Dabord le contexte social et sanitaire en

eacutecarte la justification sexuelle de ses partisans la frustration masculine et lrsquoempecircchement de

reproduction pendant le deacutebut de materniteacute du fait des croyances en limpossibiliteacute de relations

s financiegraveres et

e marieacute decirctre

ayant droit de celui-ci Pour les pensions de veuvage elles eacutetaient fractionneacutees entre coeacutepouses

s sur le marcheacute du travail (Baudemont 2002)

sexuelles chez les femmes pendant lallaitement Aussi la polygamie ne beacuteneacuteficie pas dun

contexte culturel favorable concernant les unions leacutecart drsquoacircge au premier mariage (femmes tregraves

jeunes hommes assez voire tregraves acircgeacutes) et le remariage systeacutematique des veuves et divorceacutees ne

sont pas les modegraveles dominants en ce domaine

En outre les possibiliteacutes multiples de divergence et dautonomisation des femmes concerneacutees

dans les espaces urbains modernes impliquent des potentialiteacutes de changement de comportement

pour elles Par ailleurs la pratique polygamique comporte de seacuterieuses limitation

mateacuterielles pour les hommes qui la souhaitent car dans les pays dorigine deacutejagrave elle symbolise

la reacuteussite sociale et la deacutetention dun capital eacuteconomique pour lentretenir Toucheacutes par la

preacutecariteacute professionnelle et la paupeacuterisation le maintien traditionnel de la pratique polygamique

engendre pour les hommes un risque daccroissement des difficulteacutes financiegraveres

Agrave ce sujet en France la seacutecuriteacute sociale navait pas pour des raisons budgeacutetaires accepteacute la

prise en charge de la maladie et de la materniteacute pour les coeacutepouses bien quen 1978 une

circulaire autorisait une deuxiegraveme femme vivant maritalement avec un homm

Enfin dernier point qui aurait plaideacute en faveur dune lente disparition probable de cette pratique

sans loi dinterdiction et deacutecret dapplication de deacutemembrement des familles polygamiques

lrsquoabsence de lobbying des institutions musulmanes franccedilaises pour cette pratique

En conclusion sur cette section concernant la population ethnique aux Ulis sa quantification

empirique a pu montrer le lien entre les personnes drsquoorigine eacutetrangegravere et leur fragiliteacute socio-

eacuteconomique Une large partie de la population preacutecaire est drsquoorigine immigreacutee et vice et versa

une large partie des populations issues de lrsquoimmigration est preacutecaire Ce qui rejoint le constat

deacutemontreacute des discriminations ethnique

indeacutependamment mecircme des qualifications des personnes surtout en peacuteriode de rareacutefaction du

travail Cela ne veut eacutevidemment pas dire que les actifs ethniques sont tous des preacutecaires

202

Certains peuvent avoir une activiteacute stable et reacuteguliegravere et relever des cateacutegories moyennes voire

supeacuterieures de la population communale

Quel sens alors attribuer agrave lrsquoaccroissement dans certaines villes de populations modestes issues

de limmigration reacutecente et exposeacutees au risque des tensions racistes et de la discrimination

ethnique neacutegative Ne rendent-elles pas manifestes la paupeacuterisation drsquoune partie plus ou moins

commune

meacutediat au pied des tours et des barres dans la deacuteviance et la

deacutelinquance Ce point est tout autant symptomatique du deacuteclassement social de la commune que

les pheacutenomegravenes de sous-moyennisation de la structure sociale de peuplement devenant

riteacute

professionnelle de paupeacuterisation drsquoune partie de sa population et drsquoimportance de la population

grande de certains de leurs espaces socio-reacutesidentiels ainsi qursquoun processus de releacutegation sociale

en cours dans ceux-ci La preacutesence drsquoune population ethnique assez importante dans la

commune est bien le reacutesultat drsquoune seacutegreacutegation socio-spatiale dans les segments dhabitat social

de la ville des actifs preacutecaires issus en grande partie de lrsquoimmigration reacutecente ultra-marine ou

eacutetrangegravere

Ainsi puisque lrsquoon connaicirct les effets potentiels de la deacutegradation des relations de voisinage lieacutee

agrave la paupeacuterisation drsquoun groupe drsquohabitants drsquoorigine immigreacutee on peut estimer que ce

pheacutenomegravene de formation drsquoun ensemble populationnel ethnique important dans la

(entre un tiers et 45 des habitants) traduit non seulement la paupeacuterisation sociale dans

lrsquoespace reacutesidentiel et communal mais contribue aussi au pheacutenomegravene de deacuteclassement ou mecircme

de deacuteclin social de la ville avec des effets probables de tensions interethniques qui srsquoy

manifestent Les pheacutenomegravenes de violence et de deacutelinquance des membres des meacutenages pauvres

dans la ville et notamment des jeunes constituent une confirmation de cette situation

La section suivante constitue le dernier axe drsquoanalyse de lrsquoespace social de la commune des

Ulis les questions drsquoinciviliteacutes de deacutelinquance et de violence voire de criminaliteacute de la part des

jeunes hommes en grande partie Ce pheacutenomegravene est lieacute au regroupement spatial de nombreuses

familles socialement fragiles aux enfants en difficulteacutes eacuteducatives et drsquoinsertion entraicircnant la

formation de bandes de jeunes en laquo galegravere raquo (Dubet Lapeyronnie 1992) srsquoinfluenccedilant dans

lrsquoespace de leur habitat im

majoritaire de son parc drsquohabitat social par des meacutenages preacutecaires drsquoeacutetendue de la preacuteca

ethnique eacutetudieacutes plus haut

203

D- Inseacutecuriteacute eacuteleveacutee de voisinage et dans lrsquoespace public violence preacutedation et drogue

En ce deacutebut des anneacutees 2000 pendant quatre anneacutees dobservation des chiffres et des

connaissances des acteurs locaux dans ce domaine les principaux constats ont eacuteteacute les suivants agrave

partir dun niveau eacuteleveacute agrave la fin des anneacutees 1990 il y a eu une baisse statistique des violences et

des atteintes les plus graves (coups et blessures volontaire homicides) mais une hausse tant

des vols divers au profit desquels la violence sest reporteacutee en partie (les vols avec violence) que

a socieacuteteacute de transport en commun Les Cars dOrsay certains eacutetablissements scolaires

un mouvement citoyen-associatif local (agrave travers son journal associatif Le Phare) les cellules de

tranquilliteacute publique de la Mission de coordination de preacutevention de la deacutelinquance de la mairie

la socieacuteteacute de m es

municipaux ainsi que deux organismes deacutetudes ayant produit un diagnostic social et une

des atteintes agrave la paix publique geacuteneacuteratrices du sentiment drsquoinseacutecuriteacute (les inciviliteacutes multiples

parfois violentes et les usages et trafics de hasch dans beaucoup despaces de la ville) En grande

partie des jeunes sont impliqueacutes formant une grande partie des mis en cause policiers ainsi que

des auteurs de troubles et de deacutesordres plus ou moins violents dans les espaces publics et

collectifs de la ville

Plusieurs donneacutees ont eacuteteacute rassembleacutees et croiseacutees celles des appareils officiels de seacutecuriteacute de

lEacutetat (laquo Eacutetat 4001 raquo de la direction deacutepartementale de la seacutecuriteacute publique et donneacutees dappels agrave

laquo Police secours-17 raquo) avec des informations issues de sources et dacteurs locaux ayant une

connaissance par leur activiteacute des tensions et des problegravemes de deacutelinquance et de seacutecuriteacute dans

la ville l

aintenance de leacuteclairage public un bailleur social des responsables de servic

enquecircte

1 La violence et les preacutedations constateacutees par la police et drsquoautres acteurs locaux

Entre 1996 et 1998 en moyenne sur les trois anneacutees le niveau de deacutelinquance de voie publique

aux Ulis est le troisiegraveme plus eacuteleveacute des villes de lEssonne selon leacutetude Villes-Avenir du Conseil

geacuteneacuteral de 1999 baseacutee sur les statistiques policiegraveres du deacutepartement70 6639 faits reacutepertorieacutes

pour 1 000 habitants derriegravere Corbeil-Essonnes (7768) et Eacutevry (7610) Depuis cette date

lobservatoire social na pu constater quune hausse continue de la deacutelinquance et de linseacutecuriteacute

70 Conseil geacuteneacuteral de lEssonne (1999) Eacutetude Villes-Avenir Mairie des Ulis

204

sur la ville par rapport agrave 1998 le nombre de faits criminels constateacutes en 2002 par la police

nationale (donneacutees de llaquo Eacutetat 4001 raquo de la direction deacutepartementale de la seacutecuriteacute publique) a

augmenteacute de 9 (2 233 faits en 2002 contre 2 052 en 1998)

En 2001 un pic de 2 355 faits est mecircme apparu soit une hausse de pregraves de 20 par rapport agrave

lanneacutee preacuteceacutedente (1 982 faits en 2000) apportant un caractegravere net agrave cette tendance croissante de

la criminaliteacute locale (suivie dune leacutegegravere baisse de 5 de 2001 agrave 2002) On peut y voir une

correacutelation avec la hausse continue de la preacutecariteacute des jeunes adultes ulissiens durant les anneacutees

1990 deacutecennie qui a particuliegraverement toucheacutee les jeunes en matiegravere demploi (Lagrange 2001)

Les manifestations de deacutelinquance et de violence concernent en fait une majeure partie des

eacutequipements et des espaces publics et priveacutes de lensemble de la ville Les preacutedations de biens

priveacutes importantes (voiture biens dans les logements) les trafics de drogues ou les actes de

violence se manifestent variablement en divers lieux de la ville mais en couvrant globalement

aux personnes (de 131 agrave 259

qui est spectaculaire si lon tient compte que les agressions ont un impact direct sur le sentiment

celle-ci complegravetement Depuis 1998 on constate que (cf tableau 17 infra) apregraves une relative

stagnation des faits constateacutes de 1998 agrave 2000 (de 2 052 agrave 1 982 faits) il y a une nette hausse de

2000 agrave 2001 (2 355 soit + 19 ) avec une leacutegegravere baisse de 2001 agrave 2002 (2 233 soit ndash 5 )

Limpression est que la situation seacutecuritaire de la ville deacutejagrave mauvaise sest donc aggraveacutee

globalement dun palier au tournant des anneacutees 2000

Dans le deacutetail le tableau 17 ci-dessous utilisant les donneacutees de la Direction deacutepartementale de la

seacutecuriteacute publique (DDSP) permet de saisir les eacutevolutions des faits de deacutelinquance et de

criminaliteacute constateacutes entre 1998 et 2002 distingueacutes par type drsquoatteintes (aux biens aux

personnes et agrave la paix publique) Les trois cateacutegories datteintes augmentent assez nettement

avec une tregraves forte hausse de pregraves du double pour les atteintes

faits + 98 ) La hausse des atteintes aux biens les plus nombreuses est de pregraves de 11 (de

1 250 agrave 1 384 faits) et celle des atteints agrave la paix publique est un peu plus importante de pregraves de

15 en passant de 498 agrave 572 faits Lrsquoaugmentation totale de ces trois cateacutegories drsquoatteintes est

de pregraves de 18 (alors que celle de tous les faits de la DDSP ie comprenant drsquoautres faits hors

de ces atteintes est moitieacute moins importante soit de pregraves de 9 )

Les eacutevolutions annuelles des faits drsquoinseacutecuriteacute ne sont pas lineacuteaires ce qui relativise la critique

de pur artefact sans inteacuterecirct des chiffres policiers de la deacutelinquance Par exemple de 2000 agrave

2001 il est constateacute une eacuteleacutevation de 335 des atteintes aux personnes (de 218 agrave 291 faits) ce

205

dinseacutecuriteacute des personnes Elles alimentent les peurs directes pour lrsquointeacutegriteacute physique des

personnes peurs qui constituent une des deux composantes du sentiment dinseacutecuriteacute la seconde

tant lensemble des preacuteoccupations sociales pour le crime et leacutevolution de la socieacuteteacute et de sa

coheacutesion qui deacutepend davantage du profil des individus de leur acircge de leur condition socio-

eacuteconom

ombre de f de lin c(de 1998 agrave 2002)

eacute

ique et de leur insertion sociale que de leur exposition reacuteelle au risque drsquoagression

(Rocheacute 1993)

Tableau 17 - N aits deacute quan e et de criminaliteacute aux Ulis selon les cateacutegories drsquoatteintes

Atteintes

1998

1999

2000

2001

2002 Evolution 1 998- 2002

Aux personnes 131 7 199 105 218 125 291 14 259 12 + 978

Aux biens 1 250 66 6 65 6 62 + 108 5 1 299 9 1 152 1 280 15 1 384

A la paix publique 498 265 391 205 396 225 515 25 572 26 + 148

Total 1 879 100 1 889 100 1 766 100 2 086 100 2 215 100 + 178

Ensemble des faits DDSP 2052 2 043 1 982 2 355 2 233 + 88

Les poids relatifs des cateacutegories drsquoatteintes sont modifieacutes en 2002 par lrsquointeacutegration de nouvelles rubriques dans celles-ci les deacutegradations et incendies de biens priveacutes et les deacutelits agrave la police des eacutetrangers pour la paix publique et les violences contre enfant et famille pour les personnes (voir deacutetail page suivante) Cet ensemble de faits comprend drsquoautres faits non inclus dans les trois grandes cateacutegories drsquoatteintes

Drsquoautre part cette mecircme anneacutee 2001 aux Ulis les atteintes agrave la paix publique montent selon un

ordre de grandeur similaire 30 (de 396 agrave 515) Alors que les atteintes aux biens nrsquoaugmentent

que de 11 Ces eacutevolutions ont une incidence sur la structure des parts relatives de chacune des

trois cateacutegories drsquoatteintes malgreacute un retrait de 11 du nombre de faits de 2001 agrave 2002 la part

relative des atteintes aux personnes parmi les autres atteintes a presque doubleacute en quatre ans (+

78 ) elle a mecircme drsquoabord doubleacute en trois ans puis a leacutegegraverement diminueacute lrsquoanneacutee suivante

(12 en 2002) Cette hausse srsquoest essentiellement faite au deacutetriment des atteintes aux biens

les atteintes agrave la paix publique ayant conserveacute leur

iveau de 26

9

dont la part est passeacutee de 665 agrave 62

n

206

Tableau 18 de deacutelinquan et de cr inaliteacute aux Ulis par cateacutegories drsquoatteintes et par rubriques (de 1998 agrave 2002)

ndash Nombre de faits ce im

Catgories drsquoatteintes 1998 1999 2000 2001 2002

Aux personnes

Homicides 2 3 0 1 3

Coups et blessures volontaires 104 44 77 81 62

Menaces 4 13 20 13

Extorsions (racket) 9 13 8 7 34

Vols avec violence 31 50 55 102 114

Mœurs (agressions atteintes) 13 18 3 9 9

Mœurs (viols) 2 3 0 5 2

Violences conjugales 17 36 31 41 50

Infractions contre la famille et lrsquoenfant 9

Aux biens

Cambriolages 121 85 143 156 146

Vols divers 295 253 255 317

Recels 10 22 9 22 410

Vols V A 217 245 157 216 155

Vols de 2 roues 50 40 34 27 25

Vols roulotte et accessoires 557 611 464 447 414

Escroquerie et abus de confiance 31 43 95 95 234

Agrave la paix publique

Trafic 1 1 1 4 0

Usage et revente 74 13 44 44 67

Deacutegradations de biens publics 22 25 24 26 20

Incendies biens publics 5 1 1 6 2

Outrages 1 14 27 41 8 44

Rebellions 2 12 21 31 1 -

Deacutegradations volontaires V A 408 294 274 336 280

Chiens soumis agrave reacuteglementation - - 4 4 -

Destructions ndashdeacutegradations de biens 132

207

priveacutes autres que V A

Incendies de biens priveacutes 11

Deacutelits agrave la police des eacutetrangers 9

Le tableau 18 supra deacutetaille ces cateacutegories drsquoatteintes par rubriques Par exemple pour les

atteintes aux personnes limpression est que la violence physique croissante entre 2000 et 2001

srsquoest reacuteduite drsquointensiteacute apregraves une forte hausse crsquoest le cas pour les laquo coups et blessures

ci selon un mode de relation particulier (Mucchielli 2007) Ces deux rubriques ont

998 des

its de violence des statistiques policiegraveres (coups et blessures volontaires vols avec violence et

s atteintes aux mœurs) Dans les transports en commun par car dailleurs la violence physique

volontaires raquo (1999-2000 +52 2000-2001 +285 2001-02 -40 ) ainsi que les

laquo viols raquo (1999-2000 de 3 agrave 0 2000-2001 de 0 agrave 5 2001-2002 5 agrave 2) Lrsquoimportante baisse

des laquo violences conjugales raquo de 2001 agrave 2002 (de 50 agrave 17 faits soit - 66 ) confirme cette

tendance

En revanche les violences verbales ou gestuelles continuent globalement drsquoaugmenter assez

fortement comme les laquo menaces raquo et laquo extorsions raquo (de 20 en tout en 2001 agrave 34 en 2002 soit +

70 ) ainsi que les atteintes aux laquo mœurs raquo autres que viols (de 9 agrave 18 +100 ) De mecircme une

hausse notable des deacutejagrave nombreux laquo vols avec violence raquo (de 102 agrave 114 faits soit + 12 )

confirme que la violence reste un moyen de plus en plus utiliseacute pour voler En outre limpression

de violence est aussi alimenteacutee par les rubriques des laquo rebellions raquo et des laquo outrages raquo dans les

atteintes agrave la paix publique empecircchant de conclure agrave une baisse de la violence aux Ulis agrave cette

peacuteriode Cette violence contre les deacutepositaires et les repreacutesentants de lordre public est en partie

lieacutee agrave ceux-

dailleurs fortement augmenteacute de 1998 agrave 2001 plus du double pour les laquo outrages raquo (+ 127 ) et

de moins de la moitieacute pour les laquo rebellions raquo (+ 476 ) De 2001 agrave 2002 alors que les

laquo outrages raquo augmentent leacutegegraverement (de 41 agrave 44 faits) le nombre de laquo rebellions raquo nest pas

renseigneacute

Ces eacutevolutions des violences physiques et verbales de 1998 agrave 2002 se trouvent confirmeacutees par

des observations dautres acteurs locaux Par exemple le tableau 19 suivant montre que

conducteurs et controcircleurs des bus de la socieacuteteacute des Cars dOrsay ndash principale socieacuteteacute du reacuteseau

local de bus agrave lrsquoeacutepoque ndash ont eacuteteacute fortement toucheacutes par les agressions physiques en 1999 et 2000

avec 13 et 11 rapports dincidents chaque anneacutee ce qui correspond agrave la remonteacutee apregraves 1

fa

le

208

agrave lencontre des personnels a bien baisseacute en 2001 (3 incidents signaleacutes) et leacutegegraverement remonteacutee

en 2002 (6 faits rapporteacutes) ce qui montre que la tension na pas connu de baisse durable

Tableau sions et deacutegrada ns touc t les bus des Cars dOrsay aux Ulis (de 1998 agrave 2002)

19 - Agres tio han

Agressions ndash deacutegradation

1998 1999 2000 2001 2002 s

Contre le personnel

13 11

8 Verbales

Physiques

- 4

6

3 7

3 6

Entre voyageurs

kets NC NC

NC Verbales

s Physique Vols - rac

NC

- - 4

0 5 -

-

Ensemble des

Lacrymogegravene

Bris de glace

Jet de projectiles

Pitt Bull

2 12 - -

1 13 - -

7 12 2 3

1 5 6 -

1 10 11

occupants du car

TOTAL 4 37 38 22 25

Source Service Interurbain des Cars drsquoOrsay

Les violences verbales contre le personnel se sont dailleurs maintenues et ont mecircme augmenteacute

6 et 3 faits signaleacutes en 1999 et 2000 contre 7 et 8 faits en 2001 et 2002 Drsquoautres chiffres de

violence ont eacuteteacute plus eacuteleveacutes encore pendant ces deux anneacutees 2000 et 2001 entre voyageurs (4

vols-rackets en 1999 5 violences physiques en 2000) et surtout agrave travers des actes laquo aveugles raquo

visant les bus globalement et leur laquo cargaison raquo 13 bris de glace et une utilisation de

lacrymogegravene en 1999 (au mecircme niveau dailleurs que 1998) et le mecircme niveau en 2000 pour les

bris de glace (12 incidents rapporteacutes agrave ce sujet) avec une forte hausse de la lacrymogegravene (7)

209

accompagneacutes de lapparition des caillassages de bus avec 2 laquo jets de projectiles raquo qui ont

augmenteacute en 2001 (6) ces derniers ont atteint un niveau tregraves eacuteleveacute en 2002 avec 11 faits

rapporteacutes

Une premiegravere prudence de lecture du tableau est de savoir si les faits dinseacutecuriteacute ci-dessus

preacutesenteacutes par la socieacuteteacute Les Cars dOrsay sont bien imputables aux Ulissiens puisque les bus

suivent des lignes interurbaines de Massy-Palaiseau aux Ulis en passant par Orsay et Gif-sur-

Yvette par exemple Il se pourrait que des auteurs drsquoinseacutecuriteacute dune commune traverseacutee par cette

ifeste des laquo actes de rebellions sont en hausse lors des controcircles de titres de

source principale des tensions avec le

ligne viennent creacuteer des troubles aux Ulis Cependant pour le responsable de la fourniture des

donneacutees de 2002 entretenu en 2003 les fraudes et les problegravemes rencontreacutes par sa socieacuteteacute de

transport se concentrent bien aux Ulis ou sont le fait dUlissiens sans aucun doute

Il indique que mecircme si les agressions contre le personnel (15 en 2002 contre 13 en 2001 avec un

pic de 19 en 1999) et contre les bus en geacuteneacuteral et les voyageurs en particulier (22 en 2002 contre

12 en 2001 et un pic de 29 en 2000) nrsquoont pas toujours eacuteteacute laquo perpeacutetreacutees sur la commune elles

concernaient malgreacute tout des Ulissiens raquo Par ailleurs une confirmation de la tendance agrave outrage

des autoriteacutes est man

transports obligeant les conducteurs agrave effectuer des deacutetournements de lignes vers le

commissariat des Ulis afin de proceacuteder agrave des veacuterifications drsquoidentiteacute ou faire face agrave des outrages

ou des violences raquo

Entre 1998 et 2002 les taux de fraude constateacutes agrave chaque opeacuteration de controcircle restent les

mecircmes aux Ulis oscillant majoritairement entre 15 et 20 avec parfois une chute agrave 5 et des

pics en soireacutee Lors de ces opeacuterations les tensions avec les publics jeunes de 12-25 ans sont les

plus vives et les reacutesistances sont particuliegraverement fortes Cette reacuteaction face aux controcircles

montre lrsquoampleur et la teacutenaciteacute de la fraude comme

personnel des Cars drsquoOrsay et des forces de lrsquoordre Car par ailleurs la socieacuteteacute ne constate pas

laquo sur le reacuteseau de tensions particuliegraveres et durables pouvant expliquer ces augmentations

drsquoagressions ou de deacutegradations de faccedilon rationnelle raquo

Ces tensions lieacutees agrave la fraude mais aussi les actes de caillassage des bus revecirctent un symbolisme

de la relation conflictuelle entre les jeunes de milieux populaires et la socieacuteteacute Azouz Begag a

deacutecrit cette logique dans un entretien paru dans Le Monde du 29 novembre 1997

laquo Symboliquement les transports collectifs urbains repreacutesentent une des ultimes liaisons de

service public qui relie sans discrimination le quartier sensible au reste de la ville Degraves lors le

210

caillassage et les violences que subissent les bus expriment un deacutesir de couper les ponts avec la

socieacuteteacute drsquoexclusion une revendication du ghetto en tant que territoire de survie Ce sont toujours

des bandes de jeunes acircgeacutes de 12 agrave 14 ans qui sont agrave lrsquoorigine des agressions Leur deacutemarche est

baseacutee sur la provocation de tous les repreacutesentants de lrsquoordre eacutetabli Pour eux agresser un bus

ce symbolique inteacuterioriseacutee par les

jeunes et instrumentaliseacutee dans leurs rapports sociaux avec le reste de la socieacuteteacute (groupes

ormale raquo car chaque anneacutee elle sinverse par rapport agrave lanneacutee

voie de la

preacutedatrice ou eacuteconomique est en forte dynamique aux Ulis en ce deacutebut de milleacutenaire

crsquoest agresser lrsquoEacutetat raquo Begag montre avec Rossini (1999) que crsquoest la distance symbolique et

non la distance physique qui seacutepare de maniegravere deacuteterminante les modes de vie des habitants des

laquo quartiers drsquoexclusion raquo de ceux du reste des villes

Cette distance symbolique est le produit de l laquo exclusion sociale et territoriale raquo qui sanctionne

le plus fortement les moins qualifieacutes dont les immigreacutes et leurs enfants peu ou pas formeacutes Ainsi

un laquo enclavement socioculturel progressif raquo sest manifesteacute dans certains quartiers par le

deacuteveloppement drsquoune culture speacutecifique Elle traduit une distan

institutions meacutedias) soit ils revendiquent le stigmate du quartier dans leur affirmation

identitaire soit ils srsquoen distancient pour leur insertion sociale

Revenons agrave lanalyse du tableau 18 concernant les statistiques de la criminaliteacute selon les

cateacutegories datteintes Pour les atteintes aux biens apregraves une hausse geacuteneacuteraliseacutee de 1998 agrave 2001

on constate de 2001 agrave 2002 un ralentissement des atteintes aux biens priveacutes importants mais les

intentions preacutedatrices restent eacuteleveacutees Il y a eu un arrecirct de la croissance des cambriolages (146

faits soit -6 de 2001 agrave 2002) qui avaient entre 1998 et 2001 augmenteacute de 29 (de 121 agrave

156) Une baisse importante des vols de voiture est aussi notable (155 faits soit - 28 ) celle-ci

sinscrit dans une eacutevolution laquo n

suivante Elle est en 2002 revenue agrave une valeur proche de 2000 (157 faits) Enfin cette derniegravere

anneacutee encore la diminution des vols de deux roues (- 2 faits) et des vols agrave la roulotte et

accessoires (-7 ) se poursuit

Comment expliquer ces baisses concomitantes Cela provient-il dune baisse de la pression

preacutedatrice ou plutocirct dun reacuteel deacuteveloppement de la seacutecuriteacute proteacutegeant les objets volables Crsquoest

plutocirct la deuxiegraveme solution puisque lrsquoon constate par ailleurs que lrsquointention preacutedatrice reste

vive avec la hausse des vols divers et des recels (+ 21 de 2001 agrave 2002) En outre la

ruse est fortement investie cette mecircme anneacutee une hausse de 146 se constate pour les faits

drsquo laquo escroquerie et dabus de confiance raquo (de 95 en 2001 agrave 243 en 2002) La deacutelinquance

211

Pour ce qui est des atteintes agrave la paix publique les croissances du deacutefi aux autoriteacutes et de la

consommation de drogue se sont poursuivies de 2001 agrave 2002 Mais une baisse du vandalisme de

biens publics et de voitures sest eacutegalement observeacutee Avec une leacutegegravere hausse de trois uniteacutes (de

41 agrave 44) les laquo outrages raquo poursuivent tout de mecircme la hausse spectaculaire des deux preacuteceacutedentes

anneacutees (+ 92 de 1999 agrave 2000 et + 52 de 2000 agrave 2001) Cest dans le domaine de la

deacutegradation de biens publics et de veacutehicules que le relacircchement est le plus net de 26 agrave 20

deacutegradations de biens publics ce qui fait passer le niveau au-dessous de celui de 1998 de mecircme

pour la baisse de 30 de deacutegradations de veacutehicules (280 faits) qui atteint le niveau de faits

rejoignant le plus bas de la peacuteriode qui eacutetait en 2000 (274 contre 408 en 1998) Enfin si aucun

fait de trafic de drogue nrsquoest releveacute en 2002 (de 4 faits en 2001 agrave 0 fait en 2002) les faits drsquousage

et de revente de drogue poursuivent leur hausse (de 67 en 2001 agrave 74 en 2002 soit + 10 ) apregraves

le bond de 52 de 2000 (44 uniteacutes) agrave 2001 (67) Ce pheacutenomegravene confirme ainsi les constats

empiriques des acteurs sur la croissance de la consommation de hasch aux Ulis qui seront

s

sociatif communal et des

reacuteunions de conseil de quartier les expressions dattente dune plus grande preacutesence action et

preacutesenteacutes plus loin

En deacutefinitive le niveau de criminaliteacute constateacute aux Ulis parmi les plus hauts des communes du

deacutepartement agrave la fin de lanneacutee 1998 a augmenteacute encore jusquen 2001 notamment dans ses

composantes de violence et de vols touchant les personnes les biens et la paix publique De

2001 agrave 2002 un fleacutechissement notable sest cependant manifesteacute sur les formes physiques de la

violence sauf pour certains vols avec violence les preacutedations de biens priveacutes important

(voitures logements) et le vandalisme mais la violence verbale et gestuelle la consommation

de drogue et les intentions preacutedatrices diverses sont resteacutees aigueumls et ont poursuivi leur hausse

La violence seacuterieuse des jeunes entre eux et envers les institutions la hausse des preacutedations ainsi

que la consommation et le trafic de drogues constituent des grandes tendances de la deacutelinquance

locale Pour les jeunes de milieux populaires et des classes moyennes preacutecariseacutees ces actes

marquent lrsquoeacutechec de leur inteacutegration dans la socieacuteteacute dougrave les comportements agressifs et de mise

agrave distance des symboles de la socieacuteteacute dans des quartiers pauvres En reacuteaction linsatisfaction de

la population locale se montre alors forte agrave travers le journal as

coordination des polices nationale et municipale ont eacuteteacute nombreuses

Par ailleurs la reacuteduction de la violence physique aux Ulis est certainement lieacutee agrave la mise en

œuvre du dispositif de police de proximiteacute agrave partir de 1999 dont la ville fut choisie site pilote

212

national tout en expliquant aussi la hausse des violences contre les laquo agents deacutepositaires de

lrsquoautoriteacute raquo indiqueacutes plus haut (eg hausse des outrages de 92 de 1999 agrave 2000 et de 52 de

2000 agrave 2001 les laquo rebellions ont augmenteacute de pregraves de 50 en trois ans de 1998 agrave 2001)

Laugmentation du nombre de laquo mis en cause raquo71 traduit cet effort de reacutepression et deacutelucidation

des infractions bien que le ratio reste encore faible de 13 mis en cause pour 100 faits en 1998

on passe agrave 22 en 2001 et 23 en 2002 Le tableau 20 suivant repreacutesente les effectifs en valeur

bsolue que repreacutesentent ces ratios annuels ainsi que les effectifs de mineurs puisque le sujet est

Mis en cause dont les mineurs aux Ulis et en France meacutetropolitaine de 1998 agrave 2002

a

souvent source de deacutebats scientifiques et sociopolitiques

Tableau 20 -

Mis en cause (MEC)

1998 1999 2000 2001 2002

Ensemble MEC 265 408 411 524 512 Mineurs 58 126 90 136 133 Mineurs ensem-ble MEC Ulis

22 31 22 26 26

Mineurs ensem-ble MEC en France meacutetropolitaine

28 27 265 27 25

Part des -18 a pop tot Ulis

28

Part des -18 a pop tot France meacutetro

22

Source DDSP Essonne Source INHES OND (2007) Rapport 2007 de lrsquoObservatoire national de la deacutelinquance Fiche theacutematique ndeg

0 laquo Les mineurs mis en cause en 2006 raquo httpwwwinhesinterieurgouvfrLe-rapport-2006-69html

1

Le tableau montre bien la forte hausse de pregraves du double des effectifs de mis en cause entre

1998 et 2001 (+ 259 soit + 97 ) suivi drsquoune stagnation leacuteger infleacutechissement lrsquoanneacutee suivante

(- 12 personnes) Pour les mineurs mis en cause (MEC) la tendance croissante est plus forte que

71 Selon le lexique de lrsquoObservatoire national de la deacutelinquance (OND) les laquo mis en cause raquo dans la statistique institutionnelle de la direction centrale de la police judiciaire (appeleacutee Eacutetat 4001) sont des personnes concerneacutees par une proceacutedure drsquoaudition par procegraves-verbal lieacutee agrave des indices attestant qursquoelle a commis ou tenteacute de commettre une ou plusieurs infractions dans le champ de la criminaliteacute cest-agrave-dire un deacutelit ou un crime Il est preacuteciseacute que lrsquoidentification ne suffit pas pour qursquoune personne soit mise en cause que les aveux ne sont pas neacutecessaires et qursquoune personne entendue comme teacutemoin mecircme gardeacutee agrave vue nrsquoentre pas dans la statistique des personnes mises en cause (httpwwwinhesinterieurgouvfrfichiersOND_Lexique_031208pdf)

213

celle de lrsquoensemble des MEC (+ 134 entre 1998 et 2001) avec un pic en 1999 (31 ) suivi en

2000 drsquoun retour au niveau de 1998 (22 ) drsquoune remonteacutee en 2001 (26 ) et drsquoune stagnation

en 2002 Cette eacutevolution est plus fluctuante que celle observeacutee au plan national qui tend plutocirct agrave

suivre une pente en leacutegegravere baisse pour aboutir en 2001 et 2002 agrave des valeurs similaires (27 et

26 ) Ainsi si lrsquoeacutevolution croissante des mineurs mis en cause est plus forte que celle de

lrsquoensemble des mis en cause leur part parmi lrsquoensemble des MEC ne paraicirct pas deacutemesureacutee par

rapport agrave celle du niveau national elle lrsquoa deacutepasseacutee en 1999 et lrsquoa rejointe en 2001-2002 Si lrsquoon

srsquoen tient agrave lrsquoaction policiegravere aux Ulis la deacutelinquance des mineurs nrsquoest pas surdeacuteveloppeacutee par

line les journeacutees dexclusion et les

ine ont plus que doubleacute (8 agrave 17) les nombres de demi-journeacutees ont

ugmenteacute tregraves fortement en mode laquo interneacute raquo (+238 ) et plus faiblement en mode hors

eacutetablissem

Tab esures disciplinair legrave U 7

rapport au niveau national

Toutefois sans disposer des chiffres ulissiens plus reacutecents on peut conclure que ce tournant des

anneacutees 2000 a bien eacuteteacute pour les mineurs des Ulis et la population drsquoensemble une peacuteriode

difficile Dans ce sens une autre source dillustration locale de la monteacutee de la violence juveacutenile

populaire pendant ces anneacutees aux Ulis apparaicirct avec les mesures agrave caractegravere disciplinaire fournies

par le collegravege des Amonts (tableau 21 ci-dessous) Cest le collegravege de la grande ZUS de la ville

Ces trois indicateurs que sont le nombre de conseil de discip

avertissements ont tous augmenteacute plutocirct fortement de lanneacutee 2000-2001 agrave lanneacutee 2001-2002 Ils

reacutevegravelent une hausse des tensions en un an au sein du collegravege

Les conseils de discipl

a

ent (+16 )

leau 21 ndash M es au col ge des Amonts des lis de 199 agrave 2002

Nombre de 1997-98 1998-99 1999-00 2000-01 2001-02

Conseils de disciplines 8 3 6 8 17

Demi-journeacutees drsquoexclusion

662 770

13 44 Interneacutee Non interneacutee

Avertissements 63 70

Source Coordination REP

214

Enfin les avertissements ont aussi augmenteacute plus faiblement de 11 Encore une fois des

chiffres traduisent au moins autant si ce nrsquoest plus lactiviteacute de la direction et des eacutequipes

peacutedagogiques et administratives du collegravege que leacutevolution propre des actes violents des

colleacutegiens Il nen reste pas moins quils montrent des difficulteacutes auxquelles sont confronteacutees ces

eacutequipes et qui les gegraverent de maniegravere disciplinaire Mais cest lexistence preacutealable de difficulteacutes

et de tensions que nous retenons comme eacuteleacutement significatif sans preacutejuger de la pertinence de la

reacuteaction scolaire qui se manifeste

Au lyceacutee des Ulis LEssouriau ce type de donneacutees na eacuteteacute rapporteacute que pour lanneacutee 2002-2003

Une telle analyse diachronique na donc pas pu ecirctre possible En revanche linformation sur

lrsquousage du cannabis a eacuteteacute fournie en terme comparatif car relevant dune perception non

consigneacutee de la part du coordonnateur du Reacuteseau deacuteducation prioritaire (REP) par rapport agrave

une peacuteriode passeacutee reacutecente la consommation a selon lui augmenteacute aux abords de leacutetablissement

elle sest stabiliseacutee agrave lrsquointeacuterieur de lrsquoeacutetablissement Cette remarque sera agrave relier avec une analyse

plus globale de la consommation de hasch aux Ulis qui est reacutealiseacutee plus bas

2 Violences et deacutesordres nombreux dans la plupart des espaces de la ville

Pour toute une seacuterie de raisons qui tiennent aux habitants et aux agents de police les donneacutees

statistiques policiegraveres reproduites plus haut ne repreacutesentent pas tous les faits drsquoinseacutecuriteacute et de

tensions veacutecus par les Ulissiens Les atteintes agrave la paix publique avec les inciviliteacutes tensions et

conflits de voisinage et les atteintes aux personnes avec les violences interpersonnelles sont en

reacutealiteacute beaucoup plus nombreuses que ce que rapportent les agents au parquet Une source

dapproche de cette reacutealiteacute peu reconnue se manifeste dans les appels au 17 de Police-secours

que peuvent diffuser sur demande les directions deacutepartementales de seacutecuriteacute publique En effet

par jour plus de six appels sur sept en moyenne sont lieacutes agrave la criminaliteacute et concernent des

atteintes aux personnes et agrave la paix publique ce que les services policiers ne relaient pas dans

une proceacutedure peacutenale

En 2001 le service drsquoappel teacuteleacutephonique de secours de la police nationale (le 17) a enregistreacute 2

916 appels parmi lesquels 2 544 soit 87 ont plus directement trait agrave la criminaliteacute (un doute

subsiste cependant sur la signification de la rubrique laquo Blesseacutes voie publique raquo preacutesenteacutee par la

215

direction de la seacutecuriteacute publique mais le relatif faible effectif de celle-ci 144 ne remet pas

fortement en cause lrsquoanalyse suivante) Les 372 appels restants sont des faits lieacutes aux accidents

de la route (soit 13 des appels) Cela fait en tout pregraves de huit appels par jour dont sept pour la

deacutelinquancecriminaliteacute et un pour les accidents

Ce volume de faits indiqueacutes par teacuteleacutephone agrave la police par les Ulissiens correspond agrave pregraves de 125

fois au volume des faits dans les statistiques officielles de la police en 2001 (2 085) On ne peut

cependant pas conclure hacirctivement que les statistiques officielles ne repreacutesentent que trois quarts

de la criminaliteacute reacuteelle puisque des meacuteconnaissances de fonctionnement du 17 subsistent

concernant le mode drsquoenregistrement le statut par rapport aux faits enregistreacutes et surtout lrsquouniteacute

ou les uniteacutes de ces chiffres srsquoagit-il toujours du nombre drsquoappels ou parfois du nombre de faits

deacutesigneacutes par plusieurs appels Quels sont les modes de deacutecompte pour les faits faisant lrsquoobjet de

plusieurs appels ou plusieurs faits deacutecrits par un appel

Ici tout comme les statistiques officielles des difficulteacutes de signification se preacutesentent avec en

plus la question du statut de ces chiffres par rapport aux donneacutees officielles un fait peut ecirctre

certainement doublement compteacute tant en appel au 17 que enregistreacute officiellement srsquoil est traiteacute

par la police et adresseacute agrave la justice Lrsquointeacuterecirct de ces chiffres reacuteside donc plutocirct dans les grandeurs

ou les tendances qursquoils preacutesentent plutocirct que dans une exactitude controcircleacutee En outre les appels

au 17 ont de ce point de vue une part de validiteacute plus nette que les statistiques officielles

puisquils ne subissent pas la deacuteformation des processus de traitement par lrsquoappareil peacutenal

(produisant une importante part de laquo classement sans suite raquo) Les statistiques du 17 sont par

conseacutequent plus repreacutesentatives du veacutecu des habitants bien qursquoil subsiste certainement encore

toute une partie de faits criminels et drsquoinseacutecuriteacute qui nrsquoest pas par lassitude ignorance ou choix

deacutelibeacutereacute drsquoanonymat indiqueacutee par les habitants aux dispositifs de seacutecuriteacute publique

Dans le tableau 22 suivant preacutesentant le nombre dappels au 17 en 2001 et les cateacutegories

datteintes dans lesquelles on peut les ranger par analogie avec les rubriques des statistiques

policiegraveres officielles il apparaicirct clairement que les atteintes aux personnes et agrave la paix publique

sont lrsquoobjet des plus nombreuses atteintes ou peurs datteintes des Ulissiens Ces donneacutees sont

tregraves reacuteveacutelatrices si lrsquoon reconnaicirct lrsquoimpact psychologique et affectif des agressions sur les

individus (Rocheacute 1993) Comparativement au tableau plus haut des faits constateacutes par la police

selon les mecircmes cateacutegories on voit que cette structure des appels au 17 est inverse agrave celle des

faits officiellement constateacutes par la DDSP

216

Ce tableau montre un eacutetat des preacuteoccupations seacutecuritaires des Ulissiens totalement inverse agrave celui

qui pourrait sembler se deacutegager des donneacutees dactiviteacute de la seacutecuriteacute publique locale La paix

publique dans les quartiers et les problegravemes de seacutecuriteacute des personnes vis-agrave-vis des agressions

physiques constituent des objets de plainte bien plus importants que les vols et les cambriolages

Dans ce sens les donneacutees des appels au 17 montrent que les statistiques officielles de la

criminaliteacute sont parcellaires et ne renseignent pas suffisamment sur les objets principaux de

crainte des citoyens

Tableau 22 - Appels au 17 et faits constateacutes par la police selon les cateacutegories datteintes aux Ulis en 2001

Cateacutegorie de faits criminels rapporteacutes au 17 Appels

en 2001

Faits constateacutes par la police en 2001 (Tableau 20)

Atteintes aux personnes (agressions rixes VAMA jets de pierre violences blesseacutes voie publique)

295 14

Atteintes aux biens (vols cambriolages) 10 615

Atteintes agrave la paix publique (perturbateurs diffeacuterends de voisinage tapages deacutegradations nuisances sonores)

605 25

TOTAL 100 100 Source DDSP VAMA Vol agrave main armeacutee

60 des faits signaleacutes du 17 concernent des troubles agrave la paix publique contre seulement un

quart des faits laquo constateacutes raquo par la police cest-agrave-dire faisant lobjet dune transmission agrave la justice

pour traitement peacutenal (tous les autres faits restant dans les mains courantes ne sont pas publieacutes)

Ce plus grand eacutecart entre donneacutees du 17 et donneacutees de faits constateacutes transforme la signification

de cette rubrique des donneacutees officielles Il reacutevegravele la faiblesse des statistiques policiegraveres de

gestion qui sont souvent un peu trop rapidement prises comme des indicateurs complets et

valides des faits criminels sur un territoire

Aux Ulis les faits de perturbation de la paix publique que reacutevegravelent plus largement les appels au

17 suivent lordre drsquoimportance suivant ils proviennent de laction d laquo individus perturbateurs raquo

en majoriteacute (agrave 43 ) puis de laquo diffeacuterends raquo (225 ) de laquo tapages raquo (175 ) de

217

laquo deacutegradations raquo (14 ) et plus faiblement de laquo bruits domestiques raquo (35 ) Ces faits

constituent des troubles de voisinage qui sont autant de difficulteacutes pour les individus agrave vivre en

harmonie avec leur environnement

Agrave titre dexemple certains bailleurs ont fourni des observations sur linseacutecuriteacute qui concordent

avec ces eacuteleacutements Logis-Transport ndash qui gegravere la reacutesidence La Chacirctaigneraie dans le secteur Est

de la ville explique en 2003 que si cette reacutesidence connaicirct une ameacutelioration laquo globale raquo de la

situation car celle-ci eacutetant jugeacutee laquo stable raquo des inciviliteacutes persistent avec les attroupements de

jeunes devant les halls et sur le perron de la loge des gardiens De mecircme pour les deacutegradations de

lrsquoeacuteclairage public aux Ulis Dans un premier temps entre 1995 et 2002 le nombre

drsquointerventions de la socieacuteteacute STPEE en charge de lrsquoentretien a baisseacute continucircment passant de 405

agrave 227 interventions par an ce qui fait une baisse de pregraves de 50 (48 ) en sept ans

Drsquoautre part avec 135 euro par intervention en 2002 contre 111 euro en 1995 la hausse du coucirct de

reacuteparation par armoire a montreacute que la graviteacute des deacutegradations srsquoest accrue (avec une forte

augmentation en 2000 plus de deux tiers en un an de 87 euro agrave 145 euro par intervention) La hausse

du prix du mateacuteriel deacutegradeacute et changeacute y est certainement en partie responsable Cependant la

pression des actes malveillants y ressort donc toujours preacutesente malgreacute une meilleure qualiteacute et

soliditeacute du mateacuteriel urbain (selon le responsable du service Technique de la ville)

Pregraves drsquoun tiers (295 ) des appels au 17 concerne des atteintes aux personnes Dans les

statistiques officielles cette rubrique preacutesente une proportion de moitieacute plus faible (14 ) Le

manque de correspondance entre dun cocircteacute lactiviteacute policiegravere et ses reacutesultats et de lautre les

attentes de protection des individus peut encore se faire questionner par cet eacutecart Les appels

pour cette cateacutegorie datteintes se reacutepartissent de la maniegravere suivante dabord des laquo violences raquo

(255 ) et des laquo agressions raquo (235 ) sans deacutetail de la diffeacuterence entre ces cateacutegories ensuite

des laquo blesseacutes de voie publique raquo (185 ) puis des laquo jets de pierre raquo (15 ) des laquo rixes raquo (10 )

et une derniegravere cateacutegorie intituleacutee laquo VAMA raquo pour Vols agrave main armeacutee (7 )

Les signalements agrave la force publique des actes de violence physique sont donc bien eacuteleveacutes

contrairement agrave lrsquooccurrence qui en faite dans les statistiques officielles Sans analyser plus en

avant les causes et raisons de cet eacutecart certainement multiples celui-ci invite ainsi agrave relativiser la

faible part de ces violences aux personnes rapporteacutee par les statistiques officielles Il sagit en tout

cas de prendre tregraves au seacuterieux ces deacuteclarations de violence vu la diminution de leur repreacutesentation

218

quantitative officielle que produit la proceacutedure statistique policiegravere alors que leur impact

psychologique sur les victimes teacutemoins ou personnes informeacutees de ceux-ci sont fortes

Enfin les atteintes aux biens ne concernent quun dixiegraveme des appels partageacutes pour moitieacute entre

laquo cambriolages raquo et laquo vols raquo Ils reacutevegravelent un eacutecart encore plus important avec les donneacutees de la

seacutecuriteacute publique que celui des atteintes agrave la paix publique mais dans un sens inverse il ne sagit

plus dun poids relatif plus eacuteleveacute que dans la structure des statistiques policiegraveres mais plutocirct

dune quasi-disparition de la victimation signaleacutee pour vols et cambriolages par rapport aux

statistiques policiegraveres dans lesquelles elle apparaicirct comme le problegraveme majeur agrave geacuterer (65 des

atteintes constateacutees) Il y a certainement ici leffet dun meacutecanisme institutionnel dans lequel la

deacuteclaration aux services de police (17 ou commissariat) de ces victimations trouve agrave sinscrire

dans une proceacutedure de deacuteclaration et de prise en charge plus structureacutee et suivie par les services

judiciaires (rapport aux assurances notamment)

Par conseacutequent sur sept appels par jour au 17 lieacutes agrave la criminaliteacute il y a environ

- quatre agrave cinq appels pour des problegravemes lieacutes agrave la paix publique dont 2 pour des

laquo individus perturbateurs raquo 1 agrave 2 pour des laquo diffeacuterends raquo 1 pour du laquo tapage raquo 1 en

alternance entre les laquo deacutegradations raquo et les laquo bruits domestiques raquo avec une occurrence

plus importante pour les laquo deacutegradations raquo

- un agrave deux appels pour des atteintes aux personnes pour laquo violences raquo ou laquo agressions raquo

en alternance reacuteguliegravere et quotidienne puis 1 pour laquo blesseacute de voie publique raquo laquo jets de

pierre raquo laquo rixes raquo ou laquo VAMA raquo en alternance plus espaceacutee

- un appel un peu moins de tous les 2 jours pour des atteintes aux biens laquo cambriolages raquo

ou laquo vols raquo en alternance reacuteguliegravere

Ces donneacutees dappel au 17 apportent une bonne information concernant leacutecart entre les besoins

de seacutecuriteacute et les activiteacutes policiegraveres que reacutevegravelent les statistiques de lEacutetat 4001 fournies par les

directions deacutepartementales de seacutecuriteacute publique Sen servir pour se deacutetourner dun usage exclusif

des donneacutees policiegraveres officielles pour linterpreacutetation des problegravemes criminels locaux est donc

neacutecessaire et permet de comprendre une des causes de la mauvaise image de la ville pouvant

aiseacutement ecirctre perccedilue comme inseacutecure pour certains habitants connaissant ces actes

219

Cela explique par conseacutequence dans un contexte de recherche de seacutecuriteacute et de tranquilliteacute de

lhabitat par les habitants des villes la mauvaise position sociale de la ville dans les

repreacutesentations sociales locales et notamment sa mauvaise reacuteputation voire sa stigmatisation Ce

critegravere de seacutecuriteacute des personnes et de tranquilliteacute dhabitat qui se trouvent ici peu assureacute

contribue au deacuteclassement symbolique de la ville vis-agrave-vis de son statut anteacuterieur et de ses

espaces voisins

En juin 2002 le journal associatif de la ville Le Phare a publieacute un numeacutero eacutevoquant les

problegravemes concernant les habitants Cet article provient du comiteacute de quartier Centre-ouest celui

de la ZUS des Ulis qui comporte le plus grand nombre de logements sociaux de la ville (70

des 4 500 logements sociaux) Les problegravemes du moment auxquels les habitants de cet espace

sont confronteacutes y sont eacutenumeacutereacutes les caddies abandonneacutes les paraboles sur les faccedilades le

stationnement sauvage des voitures et les inciviliteacutes des jeunes envers les adultes

Ces problegravemes qui ne relegravevent pas du grand banditisme illustrent deux tendances des

preacuteoccupations chez les habitants et notamment les plus vulneacuterables et sensibles au deacutesordre

urbain dabord des problegravemes relevant de lordre physique mateacuteriel et estheacutetique mecircme qui

sexpriment avec les remarques sur les caddies et les stationnements sauvages de voitures ainsi

que les paraboles fixeacutees sur les faccedilades ensuite une question dinseacutecuriteacute personnelle avec les

tensions relationnelles entre certains adultes et certains jeunes que traduit le reproche

dinciviliteacutes au quotidien de la part de certains jeunes (attroupements reacutepeacuteteacutes autour de lieux

fonctionnant comme des marcheacutes de drogues appropriation de lespace sans eacutegard agrave

lenvironnement deacutegradation et nuisances sonores)

Drsquoapregraves une femme membre du comiteacute de quartier auteure de cet article dans Le Phare intituleacute

laquo Expression de la deacutemocratie locale le comiteacute de quartier de Centre-ouest raquo cela laquo creacuteeacute un

sentiment drsquoinseacutecuriteacute drsquoautant plus difficile quand on est seul raquo Ce sentiment dimpuissance et

de vulneacuterabiliteacute de lindividu dans les grands sites dhabitat social face au trop grand nombre

dactes et de faits de deacutesordre est une nouvelle manifestation du postulat simmelien sur le lien

entre le nombre des uniteacutes sociales et lintensiteacute et la probabiliteacute des pheacutenomegravenes sociaux qui sen

deacutegagent

Ce climat drsquoinseacutecuriteacute dans la ville concerne lensemble du territoire communal avec des tensions

vives majoritairement dans les relations entre des jeunes et des adultes lieacutees agrave des deacutegradations

220

des nuisances sonores des squats des stationnements gecircnants et des eacutepaves de veacutehicules ainsi

que des trafics de drogue La Mission de coordination de la preacutevention de la deacutelinquance de la

Ville par le biais de lrsquoanimation de reacuteunions drsquohabitants et de professionnels couvrant tout le

territoire (4 Cellules de tranquilliteacute publique) indique que le sujet de la seacutecuriteacute et de la

tranquilliteacute publique (inciviliteacutes deacutegradations nuisances sonores squats deacutelinquance et trafics

divers) sont preacutedominants dans chaque zone ce qui traduit un souci de qualiteacute pour lrsquoespace

urbain son ameacutenagement et ses usages

3 Lrsquousage et la vente de drogue tregraves reacutepandus

Pour terminer sur lanalyse des problegravemes aux Ulis il reste lrsquousage de la drogue et notamment le

haschisch parmi les jeunes Tous les milieux sociaux sont concerneacutes et la proximiteacute avec les

quartiers sociaux ny est pas innocente puisque lintroduction massive du hasch en France

correspond agrave la rencontre dans les quartiers populaires et les villes dune fraction de la jeunesse

des couches moyennes vivant la laquo bohecircme raquo degraves les anneacutees 1970 et des immigreacutes du Maghreb

et notamment du Maroc qui ont deacuteveloppeacute un marcheacute dimportation pour satisfaire les envies de

consommation (Mauger Fosseacute 1977 Mauger 1994)

Aux Ulis lobservatoire social a rencontreacute un accord drsquoacteurs sur la perception de la hausse de

la consommation et le rajeunissement des consommateurs de joints en mecircme temps que se

deacuteveloppe le trafic de cette substance En revanche ils sont aussi unanimes sur la faible prise en

charge socio-sanitaire eacuteducative policiegravere et judiciaire de cette affaire Pour rappel en 2002 les

statistiques de la Seacutecuriteacute publique vues plus haut preacutesentent les donneacutees suivantes relatives agrave la

drogue en 2002 0 fait de trafic de drogue (contre 4 faits en 2001) mais les faits d laquo usage et

revente de drogue raquo poursuivent leacutegegraverement leur augmentation (+ 10 ) qui avait eacuteteacute importante

de 2000 agrave 2001 (+525 ) Cela confirme ainsi les constats empiriques de certains acteurs sur la

croissance du pheacutenomegravene de consommation aux Ulis

Le coordonnateur REP de lrsquoEacuteducation nationale dabord qui comparativement agrave une peacuteriode

passeacutee reacutecente a vu apparaicirctre cette hausse de la consommation aux abords du lyceacutee au tournant

des anneacutees 2000 (agrave lrsquointeacuterieur de lrsquoeacutetablissement la consommation existe et serait laquo stable raquo) Par

ailleurs les animateurs du service municipal de la Jeunesse ont rapporteacute les mecircmes constats et

notamment dans les quartiers Ouest et Est agrave lendroit des quartiers sociaux

221

Ces derniers ont perccedilu une augmentation importante de la consommation entre 1998 et 2002 et

le mecircme rajeunissement des consommateurs avec des colleacutegiens de plus en plus concerneacutes les

filles encore moins que les garccedilons Si les trafics ne srsquoeacutetendent pas agrave tous les quartiers de la

commune ils restent bien visibles et font les ressources de certains jeunes deacutelinquants Ces

trafics concernent plus les lyceacuteens et les jeunes sortis du systegraveme scolaire mais aussi quelques

colleacutegiens utiliseacutes comme intermeacutediaires par les plus grands En revanche ils ne constatent pas

de deacuterapage des drogues laquo douces raquo aux drogues laquo dures raquo En outre les lieux de

consommation de la ville sont connus lrsquointeacuterieur de plusieurs bacirctiments une laquo colline raquo en face

dune reacutesidence les abords deacutetablissements scolaires

Plusieurs eacutechanges informels avec deux autres acteurs de la ville confirment cet eacutetat de

geacuteneacuteralisation et de rajeunissement de la pratique ainsi qursquoune absence de mobilisation drsquoacteurs

eacuteducatifs socio-sanitaires policiers et judiciaires sur le pheacutenomegravene Drsquoabord la responsable du

centre de santeacute des Ulis elle a confirmeacute en 2002 cette augmentation et le rajeunissement des

consommateurs surtout aux abords des eacutetablissements scolaires alors que ce pheacutenomegravene est

plutocirct deacutenieacute selon elle par les eacutequipes peacutedagogiques de ces eacutetablissements Ensuite les

associations speacutecialiseacutees sur la toxicomanie en lien avec le coordonnateur de la Mission du

Conseil communal de preacutevention de la deacutelinquance de la Ville elles sont bien informeacutees de ce

pheacutenomegravene de consommation eacutetendue du hasch et ne sen eacutetonnent pas pour ce qui est des Ulis

Cette eacutevolution concerne dailleurs fortement lrsquoEssonne par son appartenance agrave la reacutegion Icircle-de-

France qui devant lrsquoAquitaine et un peu moins la Bretagne et lrsquoEst de la France est la reacutegion ougrave

la consommation du cannabis est la plus eacuteleveacutee selon lrsquoOffice franccedilais des drogues et des

toxicomanies (OFDT 2002)

En deacutefinitive cette augmentation de la consommation et de sa visibiliteacute accompagneacutee de la

hausse des trafics neacutecessaires aux approvisionnements et de la hausse du nombre des jeunes

trafiquants (jeunes scolariseacutes ou non vivants du trafic) conduisent agrave une banalisation

deacuterangeante de la drogue aux Ulis Le deacuteveloppement de son usage reacutecreacuteatif ou addictif

multiplie les opportuniteacutes pour les jeunes de le rencontrer Non seulement il favorise les

comportements de regroupement de bandes autour de consommations collectives visibles et

reacutepeacuteteacutees sur la voie publique ce qui ne facilite dailleurs pas linsertion sociale individuelle de

leurs membres mais en plus il maximise les possibiliteacutes pour les plus engageacutes dans des

trajectoires deacutelinquantes de se trouver agrave terme dans des usages pathologiques de ceux-ci

222

La conjoncture de forte preacutecariteacute professionnelle pour les jeunes en insertion qui sest deacuteveloppeacutee

dans les anneacutees 1990 en a entraicircneacute beaucoup dans une situation dindeacutetermination sociale

combinant lrsquoabsence de valorisation sociale et celle de ressources moneacutetaires neacutecessaires pour

une relative autonomie ce qui a favoriseacute une consommation intensive de cannabis (Aquatias

1999) En outre si des situations de deacutesœuvrement moral ndash lieacute agrave des situations familiales

deacuteleacutetegraveres ndash peut expliquer lintensification des pratiques de consommation de hasch des plus

jeunes pour les plus acircgeacutes en activiteacute ce sont des situations de preacutecariteacute professionnelle et des

problegravemes relationnels familiaux ou judiciaires parfois aigus qui expliquent une consommation

intense

Enfin le passage eacuteventuel de la consommation de hasch suivie de drogues dures et de la

toxicomanie srsquoinscrit davantage dans une trajectoire deacutelinquante (Cagliero Lagrange Moyses

1999) que dans les usages reacutecreacuteatifs des trajectoires dinsertion normale (eacutetudes travail) Dans

tous les cas lrsquoeffet de deacutesordre social lieacute aux attroupements reacutepeacuteteacutes et continus nombreux et

nuisibles dans plusieurs espaces de la ville ne peut quen ecirctre renforceacute ainsi que les effets

symboliques sur limage sociale de la ville plus neacutegative et repoussante deacutegradations du bacircti

du mobilier des infrastructures et de certains eacutequipements nuisances sonores inciviliteacutes et

tensions avec dautres usagers de lespace qui sen eacutecartent pour cause de menaces ou

dagressions reacuteelles

On remarquera agrave ce stade que la police nationale en charge de la reacutepression de cette eacutevolution a

bien ducirc constater laugmentation de ces pratiques autour de la drogue les faits pour usage-

revente de drogue passant de 13 agrave 74 en quatre ans de 1998 agrave 2002 Toutefois son action sur les

trafics est encore trop faible de 1 agrave 4 affaires releveacutees entre 1998 et 2001 et 0 en 2002 Au vu

des constats preacuteceacutedents sur lusage et la consommation de hasch il paraicirct pourtant plus que

vraisemblable que des sources dapprovisionnement et des circuits et marcheacutes de revente existent

aux Ulis car ils sont agrave lorigine de lopportuniteacute du deacuteveloppement de ces pratiques Par ailleurs

la limitation de la demande de hasch pour usage reacutecreacuteatif ou des autres drogues est une affaire

socio-eacuteducative que les acteurs locaux nont pas encore suffisamment prise en charge dans la

ville

223

En conclusion cette section relegraveve clairement que pendant cinq ans de 1998 agrave 2003 un

ensemble multiple de vols et dactes dinciviliteacutes pouvant user de violence verbale ou aussi se

manifester lors de tensions face aux repreacutesentants de seacutecuriteacute et de controcircle est en hausse La

baisse de la violence physique interpersonnelle (coups et blessures volontaires viols violences

conjugales) agrave partir de 2000 survient apregraves une eacutevolution croissante dans les anneacutees 1990

atteignant un niveau des plus eacuteleveacutes du deacutepartement Et la continuation de la hausse des

laquo rebellions raquo et des laquo outrages raquo reacuteveacuteleacutees par la police nationale ainsi que des violences visant

les bus globalement et leurs utilisateurs montrent aussi le deacutetournement des violences

interpersonnelles les plus graves vers les symboles de la socieacuteteacute

Des habitants reacutepartis sur lrsquoensemble de la ville expriment leur preacuteoccupation face aux

conseacutequences multiples des comportements individuels et collectifs de deacutegradations et

datteintes aux biens aux personnes et agrave la tranquilliteacute publique provenant dune partie de la

jeunesse locale La lassitude et linquieacutetude sont dautant plus vives que cette hausse de

linseacutecuriteacute locale fait suite agrave une preacuteceacutedente peacuteriode passeacutee ougrave se sont deacutejagrave deacuteveloppeacutes ces

pheacutenomegravenes de deacuteviance de violences de deacutesordre et de troubles de lespace public local (cf

eacutetude Ville-Avenir du Conseil geacuteneacuteral de 1998 sur la peacuteriode du milieu des anneacutees 1990) Il

apparaicirct en outre que le risque de remonteacutee en graviteacute des atteintes sur la ville soit reacuteelle surtout

dans les quartiers Grand Ouest et Nord-est la pression de la violence verbale et des tensions

avec les repreacutesentants de lordre reste manifeste et la demande claire de renforcement de la

coordination des actions des deux polices nationale et municipale traduit cette perception locale

de la deacutegradation potentielle

Depuis les anneacutees 1990 avec la preacutecariteacute croissante drsquoinsertion professionnelle des jeunes les

pratiques deacuteviantes et deacutelinquantes orienteacutees aussi agrave des fins eacuteconomiques se sont deacuteveloppeacutees

dans des parties de lrsquoespace communale si nombreuses et disperseacutees que le sentiment

drsquoinseacutecuriteacute semble preacutedominer non seulement dans les quartiers sociaux mais aussi dans les

autres parties de la ville ougrave figurent des eacutequipements et des espaces publics objets de pratiques

de regroupement voire drsquoappropriation ou de deacutelinquance de la part de certains jeunes Crsquoest en

ce sens que la commune dans son ensemble preacutesente une deacutegradation des relations sociales dont

la source se situe principalement dans les quartiers sociaux de la ville De par lrsquoimportance de

leur composition socio-spatiale srsquoils eacutevoluent difficilement la vie sociale dans lrsquoensemble de la

ville en est indissociablement concerneacutee

224

Il est alors constateacute lrsquoinsuffisante intervention sociale et seacutecuritaire des pouvoirs publics qui ont

minoreacute les effets sociaux en termes drsquoanomie et de tensions sociales du chocircmage de masse et

continuel ainsi que ceux de la deacutevalorisation sociale des grands ensembles ce que traduit en

partie le refus de lrsquoinstitution policiegravere en France de se deacutecentrer de ses grands axes de

criminaliteacute et drsquoordre public (Mohammed Mucchielli 2007) Dispositions qui dans lrsquoensemble

aggravent la seacutegreacutegation territoriale de ceux subissant le deacuteveloppement de la violence de la part

de ceux souvent des voisins qui sont les plus exclus de la socieacuteteacute

Lrsquoaccompagnement social des parents des jeunes (Mohammed 2007) et de ceux-ci dans la vie

sociale et eacuteconomique des agglomeacuterations (Pumain 1987) pourrait pourtant avoir des effets

autrement plus beacuteneacutefiques sur les situations sociales des zones de concentration plus eacuteleveacutee de

meacutenages pauvres et fragiles

En conclusion de cette analyse monographique lapplication aux Ulis dun principe de

construction continue de connaissances eacutevolutives et partielles sur des pheacutenomegravenes observeacutes

(Kohn 1998) agrave partir des donneacutees empiriques multiples elles aussi partielles et eacutevolutives se

croisant et senrichissant permet de produire une repreacutesentation multidimensionnelle de lrsquoespace

local En particulier une esquisse de geacuteographie de la preacutecariteacute urbaine a eacuteteacute deacutegageacutee un laquo geacuteo-

diagnostic sociologique raquo srsquoest progressivement constitueacute en constatant les manifestations de

chaque variable eacutetudieacute dans chaque uniteacute spatiale de la commune que sont les reacutesidences

drsquohabitation Pour lrsquoessentiel ce sont les uniteacutes de logements sociaux dans lesquelles srsquoobservent

des difficulteacutes sociales de toute sorte de la part des habitants Plus preacuteciseacutement en 2003 dix

reacutesidences sur un peu plus drsquoune trentaine que compte la ville avec un petit secteur pavillonnaire

au sud-est de celle-ci se retrouvent en tecircte des manifestations de multiples problegravemes

Ces reacutesidences toutes agrave vocation sociale se retrouvent dans deux principaux secteurs

geacuteographiques de la ville de la partie habitation de la commune lrsquoOuest (avec les reacutesidences

Les Hautes Bergegraveres Les Hautes Plaines La Dauniegravere Les Avelines Les Amonts Le Bosquet

et le foyer Sonacotra) et le secteur Nord-est (La Chacirctaigneraie Chanteraine et Le Barceleau)

Ils constituent en partie pour le premier la ZUS de la ville et pour le second le deuxiegraveme

secteur prioritaire de la politique de la ville inscrit dans le Contrat urbain de coheacutesion sociale Il

225

existe donc bien une distribution deacuteseacutequilibreacutee dans lespace des manifestations les plus

nombreuses et aigueumls des difficulteacutes sociales

Sur un moyen terme de pregraves de quatre ans voire plus si lrsquoon considegravere les donneacutees relatives agrave

lrsquoanteacuterioriteacute des situations observeacutees de certaines reacutesidences une certaine stabiliteacute srsquoobserve de

la marginalisation sociale dans certaines reacutesidences parfois indeacutependamment de lrsquoeacutevolution de

certains autres problegravemes et de leur intensiteacute repeacuterable selon les indicateurs identifieacutes (nombre

de beacuteneacuteficiaires du RMI de meacutenages en impayeacutes de loyers tensions de voisinagehellip)

Cependant plusieurs pheacutenomegravenes preacutecis significatifs drsquoune deacutegradation des conditions

drsquoexistence et en partie du malaise des quartiers sociaux se manifestent aussi dans drsquoautres

reacutesidences et secteurs drsquohabitat non seulement social mais aussi priveacute par exemple la

reacutepartition des chocircmeurs et des demandeurs demploi de cateacutegorie 6 (dont 30 drsquoentre eux se

situent dans le parc priveacute de logements) les problegravemes de deacutelinquance ou encore les difficulteacutes

financiegraveres concernant lalimentation (impayeacutes de cantine scolaire eacutepicerie sociale)

Ainsi le processus de sous-moyennisation de la structure sociale de la population et le

deacuteclassement correacutelatif de sa structure urbaine ne se sont pas reacutealiseacutes sans heurts et sans effets

sociaux probleacutematiques la forme dune question sociale locale a eacutemergeacute et constitue un enjeu

pour les politiques publiques et sociales locales Du cocircteacute des groupes sociaux moyens et

supeacuterieurs resteacutes dans la commune tant dans les immeubles sociaux que dans les autres

quartiers dimmeubles priveacutes de la ville crsquoest un enjeu de coexistence de relations sociales

locales voire de cocirctoiement dans lhabitat et les espaces publics (Bordreuil 2000) qui srsquoest

affirmeacute

Ils rencontrent des problegravemes de seacutecuriteacute et de tranquilliteacute publique face aux personnes et aux

groupes paupeacuteriseacutes et deacutesocialiseacutes pour certains victimes heacuteteacuterogegravenes de lrsquoexclusion du travail

et de la preacutecariteacute sociale Car il est un fait que chacun doit laquo se situer par rapport raquo agrave ce que

repreacutesente pour eux socialement les quartiers sociaux de la ville et leurs habitants les plus

fragiles exclus et marginaliseacutes qui circulent et freacutequentent celle-ci (Bourdin Lefeuvre 2002)

Finalement cette analyse monographique rapporte lrsquoobjet de la recherche aux laquo grands

ensembles drsquohabitation raquo qui constituent le cadre principal de manifestation des pheacutenomegravenes

eacutetudieacutes Un tel type spatial dans une commune polarise non seulement lattention sur les

problegravemes sociaux quil recouvre par lrsquoampleur de ceux-ci mais eacutegalement les comportements

226

227

de tous les habitants en son sein et proche de celui-ci et particuliegraverement ceux de la commune

puisquelle est la premiegravere entiteacute collective de responsabiliteacute politique qui la laquo supporte raquo Les

habitants de lrsquoensemble de la ville du grand ensemble de son grand segment social ou encore

ceux en dehors de celui-ci vivent au quotidien dans les espaces publics et collectifs de la

commune avec les eacuteveacutenements et les comportements relatifs aux problegravemes sociaux

qursquoengendre la cohabitation avec des familles en difficulteacutes eacuteconomiques et sociales tensions de

voisinages comportements deacutepressifs violences intrafamiliales deacutelinquance des jeuneshellip

Toutes les dimensions symboliques et sociales des quartiers les plus probleacutematiques de la zone

dhabitat de la ville impriment la majeure partie des eacutevolutions sociales de la commune toute

entiegravere Agrave ce stade la recherche peut donc avancer de maniegravere plus assureacutee vers la

conceptualisation du sens global et des causes principales de la dynamique sociale observeacutee aux

Ulis depuis sa creacuteation jusqursquoau deacutebut des anneacutees 2000 le deacuteclin social urbain deacutecrit dans la

probleacutematique dont les traits peuvent se deacuterouler sous divers aspects relativement aux

caracteacuteristiques des sites sur lesquels il se manifeste

Pour conforter cette analyse visant agrave croiser les reacuteflexions entre lrsquoeacutevolution des laquo quartier-

ghettos raquo et leurs manifestations sociales au niveau des communes drsquoappartenance la partie

suivante preacutesente une comparaison de la situation des Ulis avec six autres communes aux

caracteacuteristiques agrave la fois similaires et varieacutees Elle singularise le rocircle deacuteterminant des grands

ensembles dans le deacuteclin des communes lorsqursquoils sont la partie principale voire exclusive de la

composition du tissu urbain malgreacute des histoires des profils sociaux et des environnements

distincts et ce dans diffeacuterentes reacutegions de France

228

Deuxiegraveme Partie

Des villes de grands ensembles en milieu rural et

peacuteriurbain des situations sociales neacutegatives

Cette partie preacutesente la deacutemarche de caracteacuterisation des situations et des eacutevolutions des

communes partageant la mecircme morphologie immobiliegravere que Les Ulis agrave savoir le caractegravere de

laquo grand ensemble raquo drsquohabitat reacuteunissant logements priveacutes et sociaux lieacute agrave lrsquourbanisme des anneacutees

1950 agrave 1970 Lrsquoeacutetape permet par la suite (cf troisiegraveme partie suivante) drsquoaborder lrsquoanalyse de ces

reacutesultats en termes interpreacutetatifs et explicatifs Il srsquoagit ici drsquoobserver si ces communes

preacutesentent comme les Ulis une eacutevolution marqueacutee par des modifications de structure sociale et le

deacuteveloppement de difficulteacutes et de tensions sociales multiples (preacutecarisation paupeacuterisation

fragilisation sanitaire deacuteveloppement de la violence deacutelinquance) Agrave la diffeacuterence de la

monographie reacutealiseacutee sur Les Ulis lrsquoanalyse sera centreacutee sur un nombre de traits plus restreints

consideacutereacutes comme significatifs vis-agrave-vis de la recherche

Quels ont eacuteteacute les principes drsquoeacutechantillonnage de communes pour cette analyse comparative

Historiquement parmi les productions engendreacutees par lrsquourbanisme fonctionnaliste il y a drsquoabord

eu la creacuteation de quartiers agrave lrsquointeacuterieur et en peacuteripheacuterie des grandes et moyennes villes anciennes

qui agrave lrsquoimage drsquoAix-en-Provence dans les anneacutees 1950 (Lefebvre 1960) a deacutejagrave contribueacute agrave

accentuer la seacutegreacutegation socio-spatiale par lrsquoeffet de la stratification sociale pousseacutee de lrsquoespace

urbain des groupes drsquoimmeubles habitation toujours plus grands ont eacuteteacute installeacutes seacutepareacutes les

uns des autres et fortement diffeacuterencieacutes sur le plan eacuteconomique et de la qualiteacute des

constructions en raison de lrsquointervention de constructeurs varieacutes pour des publics de niveau

social diffeacuterencieacute La dilution de la classe ouvriegravere hors des quartiers populaires socialement

deacutefinis vers des immeubles de cateacutegorie supeacuterieure atteacutenua alors cette organisation urbaine

Dans le mouvement drsquourbanisation du territoire apregraves la Seconde Guerre mondiale il y a eu aussi

lrsquoapparition de laquo villes nouvelles raquo censeacutees ecirctre eacutequipeacutees agrave dessein loin des centres urbains

anciens agrave 20 ou 30 km en moyenne en raison drsquoabord de lrsquoimplantation drsquoindustries diverses qui

229

neacutecessitaient un ameacutenagement du territoire adapteacute (Fourcaut 2002) Ce type drsquourbanisme a eacuteteacute

mis en œuvre par une filiegravere encadreacutee par les organismes eacutetatiques Il est inteacuteressant agrave eacutetudier

puisqursquoil semble plus facile drsquoy mettre en relation des observations ou des donneacutees urbaines et

sociales avec les formes urbaines afin drsquoeacutetudier leurs relations eacuteventuelles tout en nrsquoeacutecartant pas

a priori le rocircle potentiel de la distance aux villes notamment en termes de ressources

eacuteconomiques et sociales pour les habitants et de leurs accegraves aux services urbains Il faut se

garder de penser que la distance eacutequivaut agrave un isolat dans un espace rural preacutedominant Bien au

contraire le territoire portant des voies de circulation meacutelange habitat individuel ou petites

uniteacutes drsquohabitat et drsquoactiviteacutes agricoles bourgs villages voire petites villes En ce sens les

grands ensembles ont le plus souvent servi agrave densifier les peacuteripheacuteries des grandes zones urbaines

en accompagnant lrsquoexternalisation des activiteacutes dans lrsquooptique drsquoapporter des icirclots drsquo laquo urbaniteacute

intermeacutediaire raquo

Les communes eacutechantillonneacutees relegravevent de ce type de production tout en repreacutesentant

eacutevidemment une varieacuteteacute de situations puisqursquoaucun contexte territorial et aucune configuration

de construction ne sont assimilables agrave drsquoautres La seacutelection a eacuteteacute effectueacutee sur la base de listes

de reacutealisation dresseacutees dans les ouvrages ou documents historiques en fonction des critegraveres de

proximiteacute avec le cas ulissien Avec six communes retenues situeacutees en divers points du territoire

national la question est de savoir si leurs diffeacuterences ont eu un effet dans la vie au sein des

grands ensembles ou plutocirct si agrave lrsquoinverse les grands ensembles selon leurs caracteacuteristiques

(taille forme ameacutenagement ou relation avec le tissu preacuteexistant) ont engendreacute des modifications

sociales et urbaines dans les espaces concerneacutes Y-a-t-il des effets partiels ou totaux

observables Drsquoune certaine maniegravere et non sans ironie peut-on constater lrsquoobjectif de laquo table

rase raquo du projet drsquoarchitecture et drsquourbanisme moderne visant agrave eacuteliminer les deacutesagreacutements

supposeacutes de la ville (promiscuiteacute insalubriteacute pollution deacutecadence moralehellip) par la disparition

de ses formes traditionnelles

Les deux chapitres de cette partie abordent dans un premier temps lrsquohistoire de la formation de

ces communes de grands ensembles en milieu rural et peacuteriurbain puis dans un second temps la

comparaison de leurs situations sociales selon des donneacutees les plus reacutecentes de la deuxiegraveme

moitieacute des anneacutees 2000 Elles montrent une similitude avec de fortes diffeacuterences parfois sur

certains aspects tenant agrave leur speacutecificiteacute contextuelle Globalement un mecircme pheacutenomegravene de

deacutegradation des conditions de vie et des rapports sociaux locaux srsquoobserve

230

Chapitre V

Des grands ensembles diffeacuterents dans des contextes spatiaux varieacutes

Comment se preacutesente notre eacutechantillon Il comporte six communes de contexte et de situation

sociale diffeacuterents avant la construction des grands ensembles drsquoun cocircteacute lrsquoabsence quasi totale

drsquoimmeubles drsquohabitation et drsquohabitants comme aux Ulis et de lrsquoautre cocircteacute une petite

agglomeacuteration preacuteexistante Trois communes ont eacuteteacute eacutetablies sur des espaces tregraves faiblement

habiteacutes en 1946 crsquoest-agrave-dire comportant moins de 1 000 habitants et ce depuis au moins 160 ans

selon les donneacutees deacutemographiques exploitant les recensements de population le plus loin dans le

temps passeacute (cf infra) Fareacutebersviller (536 habitants en 1946) et Behren-legraves-Forbach (429) en

Moselle dans lrsquoEst de la France ainsi que Mourenx dans les Pyreacuteneacutees-Atlantiques dans le Sud

(215)

Crsquoest ce village qursquoHenri Lefebvre (19681970 Paquot 2009 Delceux Hess 2009) a vu se

transformer en petite ville construite avec de grands immeubles et agrave partir duquel il a eacutechafaudeacute

la premiegravere critique approfondie sur le caractegravere non urbain de ses formes leur contresens

historique et leurs effets deacutestructurants pour les individus puisque deacutepourvues de potentiel de

sociabiliteacute qui caracteacuterise la ville Les grands ensembles de ces trois communes choisies ont eacuteteacute

construits selon le mecircme mode drsquoameacutenagement que Les Ulis hors des grands centres urbains en

creacuteant une zone urbaine nouvelle ou en faisant passer le territoire drsquoun petit bourg agrave une ville de

taille petite ou moyenne

Deux autres entiteacutes plus volumineuses en 1946 que les preacuteceacutedentes sont incluses dans

lrsquoeacutechantillon Bagnols-sur-Cegraveze dans le Gard et Pierrelatte dans la Drocircme Agrave la date de ce

recensement de population drsquoapregraves-guerre elles sont pregraves de dix fois plus grandes que les

premiegraveres avec lrsquoune deux fois plus importante que lrsquoautre Une premiegravere explication en est que

agrave partir drsquoun bourg rural au Moyen-acircge ces agglomeacuterations se sont deacuteveloppeacutees dans le long

temps de maniegravere leacutegegraverement croissante sur le plan deacutemographique au moins pendant la

derniegravere peacuteriode de 160 ans dont les recensements sont disponibles Bagnols-sur-Cegraveze comptait

deacutejagrave 4 800 habitants en 1793 et 5 216 en 1946 agrave Pierrelatte il en eacutetait deacutenombreacute 2 789 en 1793

et 3 237 en 1946 Cet essor continu est ducirc agrave lrsquoinstallation de premiegraveres industries au XIXe siegravecle

Enfin une troisiegraveme cateacutegorie de territoires drsquoimplantation drsquoun grand ensemble est repreacutesenteacutee

par une sixiegraveme commune situeacutee dans le Rhocircne dans la peacuteripheacuterie lyonnaise Rillieux-la-Pape

231

Sa particulariteacute est que depuis la fin du XVIIIe siegravecle elle eacutetait en deacuteclin deacutemographique

tendanciel jusque dans les anneacutees 1920 passant de 2 789 habitants en 1793 agrave 1 684 en 1921

Cependant lrsquoagglomeacuteration a repris de la croissance dans la deacutecennie 1920 (3 185 habitants en

1931 sans prendre en compte la scission en deux communes intervenue en 1927) Agrave la fin de la

Seconde Guerre mondiale en 1946 lrsquoagglomeacuteration preacutesente 3 716 habitants soit un niveau la

situant entre Pierrelatte et Bagnols-sur-Cegraveze

Ainsi lrsquoeacutechantillon distingue trois cas de situation urbaine avant la construction drsquoun grand

ensemble drsquohabitat lrsquoabsence drsquoagglomeacuteration voire le tregraves faible peuplement (Fareacutebersviller

Behren-legraves-Forbach Mourenx) une petite agglomeacuteration en leacutegegravere croissance tendancielle sur

le long terme ayant donc certainement des traditions culturelles concernant leur vie eacuteconomique

et sociale (Bagnols-sur-Cegraveze Pierrelatte) et un cas de croissance urbaine plus reacutecente (Rillieux-

la-Pape) apregraves un lent deacuteclin sur le long terme preacuteceacutedent laissant entendre que la vie

eacuteconomique et sociale srsquoy est deacuteveloppeacutee de maniegravere plus reacutecente apregraves une lente involution des

activiteacutes pendant pregraves drsquoun siegravecle passeacute Ensuite les eacutevolutions drsquoapregraves-guerre entre 1946 et le

deacutebut de construction des grands ensembles (date variable selon les sites) ont leacutegegraverement

accentueacute ces diffeacuterences de situation preacute-grand ensemble peu de changement pour les trois

communes faiblement peupleacutees (en 1954 Fareacutebersviller compte 600 habitants Behren 524 et

Mourenx 218) et pour Bagnols-sur-Cegraveze (5 546 habitants en 1954) nette progression pour

Pierrelatte (4 252 habitants en 1962 contre 3 237 en 1946 soit une hausse de 31 ) et tregraves forte

pour Rillieux-la-Pape (6 456 habitants en 1962 contre 3 716 en 1946 soit une hausse de 72 )

Pour chaque commune il est preacutesenteacute des caracteacuteristiques deacutemographiques et socio-

eacuteconomiques agrave lrsquoaide drsquoune compilation de textes de cartes et de photos notamment sur les

grands ensembles agrave des moments diffeacuterents juste apregraves leur construction dans leur eacutetat actuel

ou en phase de travaux de reacutenovation (deacutemolition-construction reacutehabilitation) Les sources pour

les eacuteleacutements visuels mais aussi informationnels sont diverses des travaux scientifiques meneacutes

dans ou sur les communes les productions des collectiviteacutes territoriales des organismes ou des

administrations de lrsquoEacutetat aux eacutechelons central et local (Agence nationale de la reacutenovation

urbaine ministegraveres secreacutetariat geacuteneacuteral du Comiteacute interministeacuteriel des villeshellip) dont les fichiers

informatiques sont accessibles le plus souvent par internet lrsquoencyclopeacutedie eacutelectronique libre

Wikipeacutedia sur son site internet ou encore des productions de particuliers ou de groupes sociaux

divers srsquoexprimant par internet ou des publications papiers La diversiteacute des sources expliquent

232

lrsquoineacutegaliteacute du niveau de deacutetail de certaines preacutesentations Les donneacutees statistiques rapporteacutees des

sources non scientifiques ont eacuteteacute veacuterifieacutees avec les productions de lrsquoINSEE

Aussi pour avoir une vision complegravete des territoires de ces communes les grandes eacutetapes et

caracteacuteristiques de leur histoire locale sont rapporteacutees syntheacutetiquement du plus loin point que

les sources consulteacutees le permettent Il srsquoagit de constater lrsquoexistence drsquoidentiteacutes sociales

culturelles politiques et eacuteconomiques extrecircmement varieacutees issues drsquoeacuteveacutenements de traditions et

de pratiques multiples qui semblent toutes avoir eacuteteacute marginaliseacutees avec le deacuteveloppement urbain

par les grands ensembles des anneacutees 1950 agrave 1970 Ces derniers tendant agrave imposer leurs

probleacutematiques lorsque les situations urbaines et sociales concernant leurs communes sont

abordeacutees

Enfin des descriptions relatives aux projets de reacutenovation urbaine des communes lieacutes au

Programme national de reacutenovation urbaine (PNRU) deacutefini par la loi du 1er aoucirct 200372 sont

reacutealiseacutees Lrsquoengagement dans ce programme permet drsquoappreacutecier les probleacutematiques urbaines et

sociales mises en avant ainsi que les solutions proposeacutees en tant qursquoindicateur drsquoune

repreacutesentation drsquoun modegravele de vie urbaine agrave atteindre et du chemin agrave parcourir pour en poser les

conditions de reacutealisation Les eacuteleacutements de diagnostic mis en avant par les maicirctres drsquoouvrage dans

le cadre de ces projets ont eacuteteacute exploiteacutes de mecircme que des cartes du site internet de la DIV et plus

preacuteciseacutement le site internet du systegraveme drsquoinformation geacuteographique (SIG) du Secreacutetariat geacuteneacuteral

du Conseil interministeacuteriel des villes (CIV) qui exploite lui-mecircme les donneacutees de lrsquoINSEE

A- Un grand quartier drsquoune petite ville en croissance continue Pierrelatte (Gard)

Composeacutee de 12 893 habitants en 2008 Pierrelatte commune tregraves eacutetendue de 493 kmsup2 est

situeacutee agrave lextrecircme sud-ouest du deacutepartement de la Drocircme (Drocircme provenccedilale) dans la reacutegion

Rhocircne-Alpes agrave lrsquoouest de la valleacutee du Rhocircne La ville nrsquoappartient agrave aucune intercommunaliteacute

de projet Elle fait partie du bassin drsquohabitat de la Drocircme Sud Adosseacutee agrave un laquo rocher raquo qui la

protegravege du mistral elle se localise agrave respectivement 70 km et 25 km au sud de Valence et de

Monteacutelimar ainsi quagrave 60 km au nord dAvignon Elle est limitrophe des deacutepartements de

lArdegraveche agrave louest et du Vaucluse au sud Entoureacutee de palissades montagneuses recouvertes

72 Le PNRU se deacuteploie depuis 2004 sur environ 400 ZUS parmi les plus peupleacutees ainsi que sur 150 autres quartiers preacutesentant des difficulteacutes socio-eacuteconomiques similaires Cf wwwvillegouvfrterritoires-prioritaires

233

dimmenses forecircts verdoyantes et giboyeuses la plaine tricastine deacutebouche au sud du laquo Robinet raquo

(lieu dit du deacutefileacute du Rhocircne agrave Donzegravere au nord de Pierrelatte) Agrave louest cest une vaste eacutetendue

mareacutecageuse arroseacutee largement par le Rhocircne Pierrelatte dispose dune gare desservie par de

nombreuses lignes reacutegionales dont des trains directs donnant correspondance en gare de

Valence-Ville pour Grenoble avec un accegraves direct aux Universiteacutes pour les eacutetudiants La ville est

traverseacutee par la route nationale 7 (Lyon-Valence Avignon-Aix) et par lautoroute A7 Elle est

eacutegalement desservie par des autocars deacutepartementaux

La ville srsquoest deacuteveloppeacutee agrave partir drsquoun peuplement ancien et drsquoune histoire communale

importante village formeacute vers le IXe siegravecle agrave lrsquoabri du rocher appeleacute Peacutetra-Lata laquo charte

daffranchissement raquo forteresse muraille chacircteau et deacuteveloppement agricole sont soutenus par

les Templiers les seigneurs du Saint Empire romain germanique et les rois de France la

commune sort des guerres de religion laquo racheteacutee raquo par les habitants et offerte en seigneurie au 1er

234

Prince de Conti neveu de Mazarin (principal ministre des rois Louis XIII et Louis XIV de 1643

agrave 1661) Un premier canal de deacuterivation du Rhocircne agrave la fin du XVIIe siegravecle ameacuteliore lrsquoagriculture

par lrsquoirrigation des terres En 1789 les socieacuteteacutes populaires sont creacuteeacutees Les terres sont vendues

aux citoyens La premiegravere mairie est mise en place

La petite ville srsquoindustrialise agrave la fin du XVIIIe siegravecle avec lrsquoapport drsquoeau pour les activiteacutes de

tannerie et de filatures et le deacuteveloppement des communications ce qui entraicircne drsquoune part

lrsquoenrichissement des exploitants (qui construisent des chacircteaux) et drsquoautre part le

deacuteveloppement urbain de la ville (immeubles infrastructures et bacirctiments) En 1814 la

seigneurie est redonneacutee au futur Louis XVIII En 1852 la voie ferreacutee (Avignon-Lyon) marque le

deacutebut de la prospeacuteriteacute eacuteconomique Lrsquoindustrie est renforceacutee et les premiegraveres entreprises

srsquoinstallent en ville au deacutebut du XXe siegravecle

Apregraves la Libeacuteration la renommeacutee de Pierrelatte est eacutetroitement lieacutee agrave la construction du canal du

Rhocircne de Donzegravere-Mondragon et agrave linstallation du site nucleacuteaire du Tricastin Ce sont en effet

de grands chantiers de travaux publics et industriels qui vont en outre marquer lrsquoeacutevolution

urbaine contemporaine de la ville Drsquoabord la construction du canal de Donzegravere-Mondragon

entre 1947 et 1958 deuxiegraveme canal de deacuterivation du Rhocircne (28 km de long) assure en plus des

deacuteboucheacutes drsquoemploi de nouveaux reacuteseaux drsquoassainissement et drsquoeau potable

Centre ville historique (Ville de Pierrelatte 2010) Grand ensemble du Roc jouxtant la ville historique

(Ville de Pierrelatte 2010)

Ensuite agrave partir de 1958 est installeacute le site nucleacuteaire du Tricastin sur le territoire communal et

trois communes limitrophes en raison du beacuteneacutefice apporteacute par les eaux du canal pour les

opeacuterations de refroidissement des reacuteacteurs Les chantiers sont drsquoabord reacutealiseacutes pour Eacutelectriciteacute

235

de France (EDF) et le Commissariat agrave lrsquoEacutenergie Atomique (CEA) Les activiteacutes drsquoexploitation de

lrsquouranium sont croissantes et continues jusqursquoagrave nos jours (fabrication de combustible par

enrichissement drsquouranium drsquoabord puis production eacutenergeacutetique par la centrale nucleacuteaire

construite agrave partir de 1974 et mise en service en 1980)

En 2008 ce site est le premier site franccedilais de concentration des industries nucleacuteaires et le

deuxiegraveme site pour son eacutetendue apregraves celui de la Hague (Le Monde 17 juillet 2008) On y trouve

aussi des entreprises de gestion des deacutechets irradieacutes et des effluents et un centre de recherche du

CEA Cette activiteacute a entraicircneacute une forte croissance urbaine jusqursquoen 1968 La population a tripleacute

entre 1936 et 1968 Le grand ensemble dont la construction deacutebute en 1961 tout comme la

construction de lrsquoautoroute A7 agrave la mecircme peacuteriode srsquoinscrit dans cette dynamique sans toutefois

prendre en charge lrsquoensemble des besoins quantitatifs en logement

La Zone agrave urbaniser en prioriteacute constitue un quartier le Roc avec un centre commercial deux

groupes scolaires et un lyceacutee construit agrave proximiteacute immeacutediate du centre ville (Ville de Pierrelatte

ANRU 2008) Le programme drsquoune eacutetendue faible par rapport agrave la surface tregraves grande de la

commune (031 kmsup2 contre 493 kmsup2 pour la commune) comprenait 1 647 logements dont pregraves

de 70 de logements sociaux construits par Drocircme Ameacutenagement Habitat (Office public de

lrsquohabitat du deacutepartement de la Drocircme) et 30 de coproprieacuteteacutes Cela repreacutesentait plus du double

des logements existants agrave Pierrelatte agrave lrsquoeacutepoque puisqursquoen 1962 la commune comptait 1 263

reacutesidences principales (cf tableau 11 infra)

Plan-masse du quartier du Roc

(1961) ndash Commune de Pierrelatte

De nos jours le secteur du Roc qui constitue la ZUS de la ville deacutecreacuteteacutee en 1996 ne repreacutesente

plus qursquoune part qui srsquoest quasiment reacuteduite de trois-quarts par rapport au reste de la ville

236

puisque de 1968 agrave 2006 apregraves la construction du grand ensemble le nombre de reacutesidences

principales de la ville a presque doubleacute (+ 88 ) ce qui fait que les logements du grand

ensemble ne repreacutesentent plus que 30 des reacutesidences principales et pregraves du quart (248 ) de

la population communale soit 3 058 habitants sur 12 315 y reacutesident (Secreacutetariat geacuteneacuteral du CIV

2010-a) Ce qui montre que la population est drsquoailleurs tregraves ineacutegalement reacutepartie sur le territoire

Le quartier a une image homogegravene et morne de tours et de barres de taille pourtant laquo humaine raquo

contrastant avec lrsquohabitat local (icirclots de taille plus grande que le reste du tissu urbain) avec des

cours qui pourraient ecirctre inteacuteressantes agrave ameacutenager Une spirale de deacutevalorisation a eacuteteacute engageacutee

malgreacute la proximiteacute du centre ville

Le premier point probleacutematique est drsquoordre social puisque les problegravemes sociaux de la ville se

laquo concentrent en majeure partie sur les tours et les barres raquo (Ville de Pierrelatte ANRU 2008

p 5) et notamment dans un bacirctiment Sur le plan urbain les principaux dysfonctionnements

diagnostiqueacutes sont un quartier impeacuteneacutetrable du fait de la coupure par une voie ferreacutee de

lrsquoexistence de voies de contournement et de lrsquoabsence de voie routiegravere distincte relieacutee agrave

lrsquoexteacuterieur un scheacutema viaire labyrinthique et replieacute sur des culs de sac (parking) avec un

cheminement probleacutematique neacutecessitant drsquoemprunter ces parkings priveacutes pour joindre des voies

structurantes du quartier et enfin un centre de quartier avec centre commercial faisant obstacle

aux axes pieacutetons de liaison avec le centre ville et tournant le dos au quartier Crsquoest la partie nord

du quartier qui regroupe les immeubles posant le plus de problegravemes sociaux avec la deacutelinquance

importante et la vacance eacuteleveacutee des logements bien que les espaces publics soient de meilleure

qualiteacute la partie sud comprend la majeure partie des eacutequipements avec une moindre qualiteacute

urbaine mais un meilleur fonctionnement social

Entre la fin des anneacutees 1980 et la fin des anneacutees 1990 la ville srsquoest drsquoailleurs inscrite dans les

dispositifs de la politique de la ville tant dans ses axes sociaux de preacutevention et de seacutecuriteacute

qursquourbain (Ville de Pierrelatte ANRU 2008) la proceacutedure Deacuteveloppement social des quartiers

(DSQ) de 1989 agrave 1994 le contrat de ville de 1994 agrave 1999 le Comiteacute drsquoenvironnement social en

1989 le Conseil communal de preacutevention de la deacutelinquance (CCPD) en 1994 puis le Conseil

local de seacutecuriteacute et de preacutevention de la deacutelinquance (CLSPD) et le Contrat local de seacutecuriteacute

depuis 2003 et enfin la Zone drsquoeacuteducation prioritaire (ZEP) en 1989 et le Reacuteseau drsquoeacuteducation

prioritaire (REP) en 1997 Lrsquoeacutelaboration drsquoun projet de reacutenovation urbaine en 2005 a conduit les

237

eacutelus agrave srsquoengager dans une nouvelle politique de la ville contractualiseacutee avec lrsquoEacutetat par le biais du

CUCS depuis 2007

Le projet de reacutenovation urbaine deacutefendu par la ville est drsquoen faire un laquo quartier comme les

autres raquo pour drsquoune part revaloriser son image aupregraves des habitants et agir sur lrsquoattractiviteacute de la

commune aux niveaux deacutepartemental et reacutegional et drsquoautre part ameacuteliorer la vie quotidienne des

habitants du quartier et les liens entre les diffeacuterents quartiers de la commune Pour cela le projet

preacutevoit deux principaux axes drsquointervention un laquo remodelage et un mixage de la morphologie raquo

du quartier ainsi qursquoune dispersion dans le tissu urbain des logements sociaux pour eacuteviter leur

concentration spatiale et les effets de deacutelinquance des jeunes

Le premier axe est multidimensionnel drsquoabord une deacutemolition de 222 logements (165 de

son parc) drsquoimmeubles stigmatiseacutes et faisant obstacle aux voies de circulation compenseacutee par la

construction de 210 agrave 220 logements en petits immeubles dont au moins la moitieacute de statut social

et mieux disposeacutes par rapport aux frontiegraveres du quartier et agrave ces voies de circulation ensuite la

formation drsquoun maillage viaire interne relieacute et inteacutegreacute dans lrsquoorganisation communale de

circulation et drsquourbanisation (eacutequipements nouvelles voies et alignements urbains) enfin en

lien avec la reacutesidentialisation des icirclots (coupure entre espaces publics et priveacutes fermeture des

parkings reacutesidentiels et creacuteation drsquoaires de jeux pour enfants) le centre et les frontiegraveres avec

certains espaces du quartier sont reacuteameacutenageacutes

Ce reacuteameacutenagement consiste drsquoabord agrave reacutealiser un meacutelange drsquoimmeubles de taille et de statut

divers un eacutetablissement drsquoheacutebergement pour personnes acircgeacutees deacutependantes (EHPAD) de 80 lits

un centre commercial rebacircti renforceacute par une galerie marchande aux abords ameacutenageacutes (parvis

trame verte) et adapteacute agrave la circulation (maillage viaire et trame verte) et un nouveau front bacircti

avec lrsquoEHPAD mixte entre logements et activiteacutes tertiaires (reacutesidence sociale locaux associatifs

services divers) Le tout doit ecirctre inteacutegreacute agrave la ville par une liaison physique avec des

constructions adapteacutees aux normes et pratiques du deacuteveloppement durable concernant lrsquoeacuteclairage

public le chauffage la collecte deacutechets (capteurs photovoltaiumlques normes eacutenergeacutetiqueshellip) Sur

le plan des frontiegraveres internes agrave la ville des espaces verts drsquoouverture entre quartiers sont

programmeacutes

Par ailleurs le deuxiegraveme axe drsquointervention beaucoup plus succinctement preacutesenteacute dans les

programmes afficheacutes est celui de la construction drsquoune centaine de logements sociaux dans le

reste de la ville avec un foyer drsquoheacutebergement de 30 lits

238

Immeubles du quartier du Roc (Ville de Pierrelatte 2010)

B- Une grande Citeacute agrave lrsquoeacutecart des villes et du village communal Fareacutebersviller (Moselle)

Fareacutebersviller comme Behren-legraves-Forbach preacutesenteacute plus bas fait partie du bassin houiller de la

Sarre et de la Lorraine au nord-est du deacutepartement de la Moselle Composeacutee de 5 935 habitants

en 2008 qui occupent 2 232 logements elle appartient agrave la Communauteacute de communes de

Freyming-Merlebach (11 communes et 34 309 habitants en 2008) Agrave partir de 1954-1962 se sont

implanteacutees sur les villages originels de cette reacutegion des grandes citeacutes de logement des Houillegraveres

du Bassin de Lorraine (HBL) pour les ouvriers et leurs familles Sur le plan historique

Fareacutebersviller deacutependait au moyen-acircge de la seigneurie de Hombourg-Saint-Avold avant de

passer aux mains du duc de Lorraine en 1581 puis la commune a eacuteteacute inteacutegreacutee au royaume de

France en 1766 Annexeacutee comme toute la Moselle agrave lrsquoEmpire allemand de 1871-1918 beaucoup

de ses jeunes gens meurent au combat pendant la Premiegravere Guerre mondiale sous lrsquouniforme

allemand sur le Front de lrsquoEst mais aussi agrave lrsquoOuest en France et dans les Flandres Apregraves le

nouveau drame de lrsquoAnnexion de la Moselle pendant la Seconde Guerre et le bombardement

intense de la reacutegion par lrsquoaviation eacutetatsunienne la commune de 600 habitants en 1954 reprend

son essor gracircce agrave lrsquoindustrie du charbon et avec la construction de son grand ensemble

drsquohabitations pour les mineurs

239

Un demi-siegravecle drsquoactiviteacute dans ce domaine plus tard le territoire preacutesente trois aspects socio-

eacuteconomiques et geacuteographiques essentiels la fin de lrsquoactiviteacute drsquoexploitation miniegravere pendant des

deacutecennies de couches de charbon qui a marqueacute de son empreinte les paysages lrsquohabitat la

deacutemographie et les modes de vie (derniegravere fermeture de puits agrave Creutzwald en 2004) le

caractegravere frontalier avec une forte influence sur les dynamiques territoriales puisque le travail

transfrontalier est tregraves important (pregraves de 15 000 Mosellans du Bassin Houiller travaillent en

Sarre en Allemagne) une heacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute paysagegravere comportant deux typologies de communes

les communes urbaines des valleacutees (de La Rosselle du Merle et de la Moselle) et les communes

rurales du plateau

Sur le plan des voies de communication le territoire comporte quatre axes routiers majeurs

deux autoroutes (A4 Metz-Strasbourg et A320 Freyming-Merlebach-Sarrebruck) et deux routes

240

nationales (RN3 Saint-Avold-Forbach et RN56 Saint-Avold vers Strasbourg) Les lignes

ferroviaires principales sont les lignes de la Socieacuteteacute nationale des chemins de fer (SNCF) Paris-

Francfort et Beacutening-Thionville ainsi qursquoune ligne ferroviaire constitueacutee des anciennes voies de

Charbonnage de France (CdF) Les grands axes de communication placent le territoire

intercommunal agrave une demi-heure de lrsquoAgglomeacuteration de Metz agrave un quart drsquoheure de Sarrebruck

et agrave moins drsquoune heure de Strasbourg

Pour faire face au deacuteclin de la mono-industrie du charbon la commune a rejoint en 1989 le

district de Freyming-Merlebach creacuteeacute en 1975 regroupant sept communes pour amorcer la

reconversion et le deacuteveloppement du territoire (Communauteacute de communes de Freyming-

Merlebach 2010) Le Pacte Charbonnier qui a clocirctureacute un siegravecle et demi drsquoexploitation

charbonniegravere a eacuteteacute signeacute en 1994 (Preacutefecture de Moselle 2007-a) Ce district srsquoagrandit en 1990

(Henriville et Beacutening-legraves-Saint-Avold) devient communauteacute de communes en deacutecembre 2001

(se superposant au canton de Freyming-Merlebach) et srsquoagrandit en 2003 avec Hombourg-Haut

Lrsquointercommunaliteacute de 34 309 habitants en 2008 est donc composeacutee drsquoune ville centre

Freyming-Merlebach (13 172 habitants) de deux communes peacuteriurbaines Hombourg-Haut

(7 869 habitants) et Fareacutebersviller et de huit communes rurales qui forment pregraves de 20 de la

population communautaire Barst Beacutening-legraves-Saint-Avold Betting-legraves-Saint-Avold Cappel

Guenviller Henriville Hoste Seinghouse Sur le plan de ses reacutealisations on peut compter en

1975 une zone artisanale et commerciale agrave Betting en 1990 la meacutega zone industrielle de

Moselle Est installeacutee agrave Seinghouse Henriville et Fareacutebersviller ainsi que la mise en œuvre drsquoun

reacuteseau de teacuteleacutedistribution (construction drsquoune station de tecircte drsquoun bacirctiment de videacuteo-

communication et drsquoun pylocircne enfouissement des cacircbles et raccordement des habitations)

Pour le devenir des sites de Charbonnages de France probleacutematiques en raison des effets

environnementaux (affaissements inondationshellip) un projet global drsquoameacutenagement est preacutevu

Enfin le Scheacutema de Coheacuterence Territoriale (SCOT) est porteacute par le Syndicat Mixte de

Coheacuterence du Val de Rosselle creacuteeacute en 2004 avec les trois autres intercommunaliteacutes (Forbach le

Pays Naborien et le Warndt) qui couvrent lrsquoensemble du Bassin Houiller

Comme agrave Fareacutebersviller la population du territoire intercommunal ainsi que celles de deux

autres communes urbaines proches (Freyming-Merlebach et Hombourg-Haut) baissent depuis

1968 (de 17 pour la communauteacute de communes et de 252 et 255 pour les deux villes

proches) Pour rappel Fareacutebersviller a perdu 258 de sa population agrave la mecircme peacuteriode ce qui

241

montre que lrsquoeacutevolution deacutemographique deacutepend davantage du cycle du deacuteveloppement industriel

commun ici agrave plusieurs communes du bassin houiller et notamment de la communauteacute urbaine

que de la forme urbaine drsquohabitation des populations Freyming-Merlebach et Hombourg-Haut

bien que disposant de quartiers ouvriers nrsquoont pas eacuteteacute agrandis par des programmes de grand

ensemble des anneacutees 1950-1970

Avec lrsquoindustrie houillegravere en deacuteclin entraicircnant des pertes drsquoemploi de pregraves de 20 entre le deacutebut

des anneacutees 1990 et celui des anneacutees 2000 dans lrsquoensemble de la communauteacute de communes et

lrsquoabsence drsquoautres activiteacutes suffisamment volumineuses pour la remplacer et offrir des emplois

aux jeunes geacuteneacuterations drsquoactifs la population de la reacutegion suit ainsi un processus de

vieillissement de la population avec lrsquoaccroissement de la part des plus acircgeacutes et de deacute-

densification des logements avec la reacuteduction de la taille des meacutenages lieacutee agrave la deacutecohabitation

des enfants devenus grands et qui quittent la reacutegion En 1999 le taux de chocircmage atteignait deacutejagrave

15 sur lrsquoensemble du territoire communal avec un taux de 27 pour les moins de 25 ans qui

repreacutesentaient 81 des demandeurs drsquoemploi

Si lrsquoafflux de travailleurs migrants avec de nouveaux quartiers et de nouvelles zones drsquohabitat

construits pendant lrsquoapregraves Seconde Guerre mondiale dans la reacutegion a certainement favoriseacute le

maintien drsquoune population active jeune il est perceptible que avec le deacuteclin de lrsquoactiviteacute

eacuteconomique principale la tendance inverse produit un rapprochement voire un deacutepassement de

la situation franccedilaise qui connaicirct un vieillissement global en effet en 2008 la part des plus de

65 ans dans la communauteacute de communes est de 185 contre 17 pour Fareacutebersviller et 167

en France meacutetropolitaine Les populations jeunes en acircge de travailler ont en effet tendance agrave

quitter le territoire qui offre peu drsquoemplois au profit des pays limitrophes et du sillon mosellan

Cette tendance entraicircne des effets en matiegravere drsquoeacutequipement (maisons de retraites foyers

meacutedicaliseacutes soins meacutedicaux et maintien agrave domicile) de services de proximiteacute et drsquohabitat de

petite taille Lrsquohabitat est drsquoailleurs au cœur des enjeux du territoire intercommunal avec des

restructurations urbaines imposant une adaptation du par et le deacuteveloppement drsquouniteacutes pour les

personnes acircgeacutees Le parc locatif des Houillegraveres du Bassin de Lorraine (15 600 logements)

entreprise nationaliseacutee en 1946 pour ecirctre incluse agrave Charbonnages de France (organisme public de

coordination des Houillegraveres de France) et regroupant les compagnies lorraines de Sarre et

Moselle Petite-Rosselle et Faulquemont-Folschviller a drsquoailleurs eacuteteacute ceacutedeacute en 2001 agrave une socieacuteteacute

commerciale la Socieacuteteacute par Actions simplifieacutee (SAS) Sainte Barbe controcircleacute par la Socieacuteteacute

242

Nationale Immobiliegravere (SNI) ancienne Socieacuteteacute de gestion immobiliegravere des Armeacutees (socieacuteteacute

drsquoeacuteconomie mixte agrave but non lucratif) et filiale depuis 2004 de la Caisse des deacutepocircts (eacutetablissement

public drsquoinvestissement dans lrsquoeacuteconomie nationale ayant des activiteacutes de marcheacute)

La Communauteacute de communes de Freyming-Merlebach a engageacute un Programme Local de

lrsquoHabitat (PLH) dont le diagnostic a mis en eacutevidence le fractionnement du territoire en deux

entiteacutes distinctes espaces urbains et espaces ruraux qui fonctionnent et reacuteagissent de maniegravere

ineacutegale et drsquoougrave se deacutegagent des enjeux tregraves diffeacuterents en fonction du type de commune (rurale ou

urbaine) Les trois communes de plus de 5 000 habitants (Fareacutebersviller Freyming-Merlebach et

Hombourg-Haut) srsquoengagent sur lrsquoaccueil des Gens du voyage et sur la reacutenovation urbaine des

trois ZUS La Citeacute de Fareacutebersviller (de prioriteacute 1 deacutecideacutee par les acteurs73) La Citeacute Chapelle agrave

Freyming-MerlebachHombourg-Haut (prioriteacute 2) et La citeacute des Checircnes agrave Hombourg-Haut

(prioriteacute 2) Un quatriegraveme quartier Arc-en-Ciel agrave Freyming-Merlebach est deacutelimiteacute pour y

deacutevelopper des actions sociales et urbaines mais il est de niveau 3 en prioriteacute

La commune est constitueacutee de deux entiteacutes tregraves diffeacuterentes le village lieu originel au sud-

ouest et la Citeacute grand ensemble creacuteeacute agrave partir de 1954 par les HBL pour les mineurs de la valleacutee

de la Moselle toute proche Crsquoest une veacuteritable ville nouvelle eacutetendue sur 85 hectares (ha) et

deux communes Fareacutebersviller pour 74 ha et Theacuteding (2 195 habitants en 2006) pour 11 ha En

2006 5 979 habitants (population municipale) reacutesident dans la ZUS qui deacutelimite la citeacute

(Secreacutetariat geacuteneacuteral du CIV 2010-b) dont 846 agrave Fareacutebersviller (5 057 reacutesidents qui

repreacutesentent 84 des 6 020 habitants de la commune) et 134 agrave Theacuteding (922 qui

repreacutesentent 42 de la population municipale totale)

Sur les 2 313 logements que compte la Citeacute sur les deux communes au deacutebut des anneacutees 2000

(Preacutefecture de Moselle 2007-a) 2 157 sont occupeacutes en 2006 (Secreacutetariat geacuteneacuteral du CIV 2010-

b) soit un taux de vacance de 67 Elle se situe agrave distance des zones urbaniseacutees qui lrsquoont

preacuteceacutedeacutee mais est agrave proximiteacute de la zone dactiviteacutes de la communauteacute de communes de

Freyming-Merlebach La liaison avec la ville mecircme de Freyming-Merlebach se reacutealise par

lrsquoautoroute A4 mais il est agrave peacuteage La Citeacute est seacutepareacutee de lancien village par la voie ferreacutee

73 Une priorisation drsquoaction sur les territoires a eacuteteacute eacutetablie par lrsquoEacutetat pour la reacutepartition des moyens par les acteurs locaux agrave partir drsquoune analyse sur les eacutecarts de revenu meacutedian des meacutenages par IRIS (icirclots regroupeacutes pour lrsquoinformation statistique) et sur propositions des preacutefets Trois niveaux de prioriteacute ont eacuteteacute affecteacutes les deux premiers ont donneacute lieu agrave des listes de sites compleacuteteacutees par les acteurs locaux le troisiegraveme nrsquoa fait lrsquoobjet drsquoaucun recensement national (DIV 2009)

243

Vue globale de la Citeacute et de zones pavillonnaires juxtaposeacutees (Ville de Fareacutebersviller 2010)

Sur le plan de sa conception urbaine son maillage est peu clair de nombreuses voies se

terminant en impasse alors que certains axes sont tregraves emprunteacutes mais peu valoriseacutes Elle est

essentiellement composeacutee dimmeubles collectifs dont les degreacutes de traitement et de

reacutehabilitation sont divers Elle ne donne pas limpression de densiteacute (vastes espaces exteacuterieurs

parc central) sauf agrave proximiteacute de la voie CD 910 La partie nord autour des eacutequipements sportifs

et des eacutecoles paraicirct totalement enclaveacutee du fait de linsuffisance de desserte directe depuis le

centre et de sa localisation en frange du tissu bacircti Malgreacute lrsquoimplantation dimportants nouveaux

eacutequipements structurants (place du marcheacute) la reacutehabilitation agrave lidentique des logements HBL

na pas gommeacute limage neacutegative de la Citeacute

La population est heacuteteacuterogegravene sur le plan culturel et fortement toucheacutee par le chocircmage et la

preacutecariteacute (21 en 2006) surtout parmi les jeunes de moins de 20 ans repreacutesentant 33 de la

population Les diffeacuterentes vagues drsquoimmigration qui ont suivi les besoins de lrsquoindustrie

charbonniegravere ont conduit agrave une composition multiculturelle de la population Les premiers

immigreacutes eacutetaient drsquoorigine italienne ou maghreacutebine suivis de turcs qui repreacutesentent 25 du

total des eacutetrangers selon le diagnostic inscrit dans le CUCS de 2007 de la communauteacute de

communes (Preacutefecture de Moselle 2007-a) sans que lrsquoon sache srsquoil srsquoagit de 1999 ou de 2006

Selon ce mecircme document en 1975 la population eacutetrangegravere repreacutesentait 45 de la population

totale de la Citeacute 365 en 1985 environ 25 laquo aujourdrsquohui raquo Si le quartier est drsquoapparence

calme et bien entretenu les dysfonctionnements rapporteacutes sont les suivants preacutesence de deacutechets

244

et drsquoordures dans certaines rues jeteacutes parfois par les fenecirctres sans compter les piegraveces

meacutecaniques notamment automobiles agrave lrsquoabandon ce qui reacutevegravele un relatif deacutesinteacuterecirct des

habitants pour leur cadre de vie et une inseacutecuriteacute gradueacutee qui srsquoexprime par des deacutegradations

diverses avec une deacutelinquance touchant de plus en plus les preacuteadolescents

Dans ce sens outre le classement en ZEP du collegravege et agrave la mise en place du Reacuteseau laquo Reacuteussite

Scolaire raquo (RRS) de Fareacutebersviller (regroupement dlsquoeacutecoles eacuteleacutementaires et du collegravege pour

favoriser la continuiteacute des parcours drsquoapprentissage) plusieurs dispositifs socio-eacuteducatifs

drsquoinsertion professionnelle et de preacutevention de la deacutelinquance ont eacuteteacute mis en place depuis

plusieurs anneacutees Au centre Franccedilois Rabelais sont recenseacutes un Point emploi des permanences

de la Mission Locale du Bassin Houiller ainsi que lrsquoaction de lrsquoUnion deacutepartementale des

associations familiales (UDAF) concernant le suivi du RSA et lrsquoaccompagnement au quotidien

de ses beacuteneacuteficiaires

Par ailleurs de nombreuses actions drsquoinsertion sont meneacutees comme le chantier drsquoinsertion qui

dispose de douze postes par an De mecircme avec le soutien de lrsquoAssociation Intercommunale de

Preacutevention Speacutecialiseacutee (AIPS) un chantier eacuteducatif a pu ecirctre meneacute en 2006 en partenariat avec le

bailleur Sainte Barbe La ville et le service public de lrsquoemploi sont associeacutes pour des activiteacutes

multiples agrave destination des jeunes comme par exemple en 2006 la Rencontre Emploi et

Diversiteacute un Forum pour lrsquoemploi ou encore un programme drsquoaccompagnement renforceacute dans

la recherche drsquoemploi Cependant lrsquoaction drsquointeacutegration nrsquoest pas suffisante jusqursquoagrave cette fin de

la deacutecennie 2010 En 2007 les pouvoirs publics signataires du CUCS reconnaissent que le centre

social Saint-Exupeacutery qui dispense lrsquoessentiel des interventions sociales ne profite pas beaucoup

agrave de nombreux jeunes

Le document contractuel signale leur hostiliteacute agrave lrsquooccasion de la creacuteation de nombreux emplois

sur la zone eacuteconomique voisine qui ne leur profitent pas ni aux autres habitants de la citeacute Sur ce

point les difficulteacutes drsquointeacutegration nrsquoeacutetaient pas calmeacutees trois ans plus tard puisque le rapport

Bockel (2010 p 63) sur la preacutevention de la deacutelinquance des jeunes rapportait que le 16 feacutevrier

2009 agrave Fareacutebersviller une bande constitueacutee dune vingtaine de jeunes du quartier de La Citeacute a

commis de nombreux deacutelits (deacutegradation de la brigade locale et plusieurs incendies) suite au

diffeacuterend portant sur les horaires douverture du foyer de jeunes qui loppose agrave la gestionnaire

Sur le plan des politiques sociales La Citeacute a connu la proceacutedure DSQ dans les anneacutees 1980 et ses

deux communes supports ont fait partie des deux geacuteneacuterations de contrat de ville drsquoabord

245

seacutepareacutement au sein des communauteacutes de communes (1994-1999) puis au sein du bassin houiller

plus globalement (2000-2006) recouvrant seize communes elles sont depuis chacune inscrite

dans un CUCS intercommunal agrave nouveau distinct celui de la communauteacute de communes de

Freyming-Merlebach pour Fareacutebersviller et celui de la communauteacute de communes Forbach

Porte de France pour Theacuteding

Pour lrsquohabitat lrsquoEacutetat lrsquoAgence nationale drsquoameacutelioration de lrsquohabitat (ANAH) et Sainte Barbe ont

programmeacute une reacutenovationreacutehabilitation drsquoune dureacutee de 15 ans agrave compter de 2001 Pour la

gestion de Proximiteacute Sainte Barbe a embaucheacute une douzaine de gardiens issus de la citeacute Chaque

gardien gegravere entre 15 et 21 entreacutees et une politique de reacutefection systeacutematique des logements

avant relocation a eacuteteacute mise en place depuis 2003 Le bailleur srsquooccupe eacutegalement de

lrsquoenlegravevement des eacutepaves de veacutehicules Les principaux problegravemes restants dans ce domaine

eacutevoqueacutes en 2007 dans le diagnostic du CUCS sont les nuisances sonores et la saleteacute due

essentiellement au non respect du tri seacutelectif et de lrsquoenlegravevement mensuel des encombrants

Concernant le deacuteveloppement eacuteconomique le classement en ZRU en 1996 a eacuteteacute insuffisant pour

creacuteer de nouvelles activiteacutes (non-absorption de la demande drsquoemploi) mais celle-ci favorise la

stabilisation de lrsquoactiviteacute eacuteconomique dans le quartier La preacutesence de la citeacute agrave proximiteacute de la

zone drsquoactiviteacutes mise en place par la communauteacute de communes de Freyming-Merlebach ne

constitue pas non plus une opportuniteacute pour les demandeurs drsquoemploi de la ZUS dans la mesure

ougrave les exigences des entreprises en matiegravere de qualification sont tregraves pointues Cette situation est

veacutecue par les jeunes comme une discrimination et rend les relations entreprisesjeunes encore

plus difficiles sur ce site

C- Une grande Citeacute en peacuteripheacuterie drsquoune petite ville et agrave lrsquoeacutecart du village communale

Behren-legraves-Forbach (Moselle)

Behren-legraves-Forbach (8 514 habitants en 2008) est situeacutee comme Fareacutebersviller agrave quelques

kilomegravetres plus agrave lrsquoest agrave la limite nord-est du deacutepartement de la Moselle dans le bassin houiller

Sarre-Lorraine encore plus proche de la frontiegravere allemande Elle fait partie drsquoune autre

communauteacute intercommunale que Fareacutebersviller la communauteacute drsquoagglomeacuteration de Forbach

246

Porte de France depuis 2003 (21 communes74 dont Theacuteding qui partage le grand ensemble de La

Citeacute avec Fareacutebersviller 80 196 habitants en 2008) issue du district de Forbach creacuteeacute en 1970 et

de la communauteacute de commune de lrsquoAgglomeacuteration de Forbach de 2002

La ville est campeacutee sur le plateau surplombant la ville de Forbach et son habitat est selon le

mecircme scheacutema que Fareacutebersviller caracteacuteriseacute par un village cœur historique et une citeacute

construite agrave lrsquoeacutecart pour les besoins des mines des Houillegraveres du Bassin Lorrain (HBL)

Lrsquoexistence du village est ancienne au deacutebut du XIVe siegravecle elle est mentionneacutee dans un

document sous lrsquoorthographe de laquo Berne raquo et le village appartient entre autres agrave la seigneurie

de Forbach puis agrave la chacirctellenie75 de Sarreguemines Behren fait tour agrave tour partie du ducheacute de

Lorraine ou du comteacute de Nassau-Sarrebruck

Au XVIIe siegravecle la guerre de Trente Ans (1618-1648) nrsquoeacutepargne pas ce qui nrsquoest encore qursquoun

village avec son occupation par lrsquoarmeacutee sueacutedoise (les chacircteaux voisins de Forbach et de

Sarreguemines sont deacutetruits sur lrsquoordre du cardinal de Richelieu) Apregraves la guerre deacutesastreuse de

1870 le village associeacute agrave Kerbach devient allemand Agrave cette mecircme eacutepoque la reacutegion devient un

74 Alsting Behren-legraves-Forbach Bousbach Cocheren Diebling Etzling Farschviller Folkling Forbach Kerbach Metzing Morsbach Nousseviller-Saint-Nabor Œting Petite-Rosselle Rosbruck Schœneck Spicheren Stiring-Wendel Tenteling et Theacuteding 75 Une chacirctellenie (ou mandement) est le plus petit territoire drsquoadministration du Moyen-Acircge sur le quel le maicirctre drsquoun chacircteau le chacirctelain officier comtal ou princier exerce les droits banals lieacutes agrave lrsquoadministration du chacircteau ainsi que par deacuteleacutegation les droits militaire et judiciaire

247

important bassin industriel gracircce notamment agrave ses mines de charbon Durant la Premiegravere Guerre

mondiale les hommes de Behren combattent dans lrsquoarmeacutee allemande la plupart sur le front

russe Apregraves la Libeacuteration en 1927 Behren est deacutefinitivement seacutepareacute de Kerbach et porte le nom

de Behren-legraves-Forbach

Le 1er septembre 1939 tout le village est eacutevacueacute par ordre de lrsquoautoriteacute militaire (zone rouge de

la ligne Maginot) La population prend la route de Gaubiving et agrave Chacircteau-Salins tout le monde

prend le train agrave destination du deacutepartement de la Charente sauf les familles des mineurs qui sont

dirigeacutees sur les diffeacuterents bassins houillers franccedilais (Pas-de-Calais Saocircne-et-Loire) Apregraves son

occupation par les Allemands le 17 feacutevrier 1945 la localiteacute est libeacutereacutee sinistreacutee agrave 80 Elle est

choisie pour ecirctre la deuxiegraveme plus grande citeacute ouvriegravere des HBL avec le grand ensemble Behren-

Citeacute inaugureacute en 1962 qui fait passer le village de 534 habitants en 1954 agrave une ville

champignon de 10 486 habitants en 1962 et 12 512 Behrinois en 1968 Cette Citeacute comporte 2

972 logements (Preacutefecture de Moselle 2007-b) et 7 768 habitants en 2006 (Secreacutetariat geacuteneacuteral

du CIV 2007-b) Ils repreacutesentent 85 des 9 146 habitants de la commune en 2006

Actuellement crsquoest la ville ayant la plus importante part de population habitant en Zone urbaine

sensible hors reacutegion parisienne

Vue globale du grand ensemble de Behren-legraves-Forbach (Communauteacute drsquoutilisateurs et deacuteveloppeurs Piwigo 2010)

248

Commenceacutee en 1957 la Citeacute eacutetait consideacutereacutee comme la banlieue de Forbach (21 801 habitants

en 2007) Son architecture est en morceaux de sucre avec quelques grandes barres construites

en fonction du relief de colline et des forecircts Malgreacute un eacutequilibre reconnu entre bacircti et espaces

exteacuterieurs la reacutehabilitation agrave lidentique des immeubles uniformes nrsquoa pas modifieacute lrsquoimage

neacutegative de lrsquoensemble laquo Citeacute dortoir raquo priveacutee de centre ville dynamique cet espace urbain est

deacuteconnecteacute par rapport au village et au reste de son environnement Il est grossiegraverement composeacute

de quatre secteurs organiseacutes autour drsquoun centre commercial

Les eacutequipements publics existants sont insuffisants et insuffisamment adapteacutes aux besoins des

jeunes notamment Les abords dimmeubles ont eacuteteacute deacutelaisseacutes et les stationnements inorganiseacutes

ce qui rend difficiles les cheminements pieacutetonniers Le bailleur Moselis (nouvelle identiteacute de

lrsquoOffice public drsquoameacutenagement et de construction (OPAC) de la Moselle depuis 2005) signale

une baisse de la demande concernant la tour et une vacance croissante (le bailleur Sainte Barbe

eacutevoqueacute pour Fareacutebersviller est aussi preacutesent agrave Behren avec pregraves de 2 600 logements) Le grand

espace central du quartier nest pas valoriseacute de mecircme que le bacircti implanteacute tout autour Comme

beaucoup dautres citeacutes miniegraveres la Citeacute beacuteneacuteficie de jardins familiaux agrave proximiteacute toutefois ils

sont peu organiseacutes agrave lrsquoexception de ceux du plateau qui ont beacuteneacuteficieacute drsquoune reacutehabilitation agrave la fin

des anneacutees 1990

La Citeacute est aujourdrsquohui marqueacutee par les particulariteacutes suivantes enclavement aggraveacute par de

faibles liaisons routiegraveres vers lrsquoexteacuterieur habitat collectif uniforme effet de remparts lieacute agrave la

disposition de longues barres drsquoimmeubles en peacuteripheacuterie de la Citeacute (lrsquoensemble des bacirctiments a

eacuteteacute disposeacute selon le chemin de grue drsquoune part et en fonction du circuit de ramassage des mineurs

drsquoautre part produisant une morphologie urbaine en forme drsquoescargot) absence de centraliteacute

avec quatre secteurs adosseacutes agrave une limite et organiseacutes autour drsquoun petit centre commercial et

enfin absence de hieacuterarchisation du reacuteseau viaire interne dont les rues sont par ailleurs

implanteacutees agrave trop faible distance des immeubles

Sur le plan sanitaire et social les habitants relevant du reacutegime minier en grande partie ne

connaissent drsquoabord pas de deacuteficit particulier en termes drsquoaccegraves agrave la santeacute Neacuteanmoins comme agrave

Fareacutebersviller le vieillissement de la population et la hausse des personnes deacutependantes nrsquoest pas

ou tregraves peu pris en charge Mais surtout la ville est sinistreacutee socialement avec une population

pauvre peu qualifieacutee et drsquoorigine eacutetrangegravere en grande partie 45 des jeunes (moins de 25 ans)

sont au chocircmage (Preacutefecture de Moselle 2007-b) en 2008 le revenu net moyen de lrsquoensemble

249

des foyers est de 13 073 euro soit presque la moitieacute moins (- 44 ) que la France meacutetropolitaine

(23 450 euro) et en dessous de Fareacutebersviller (13 418 euro) le taux de meacutenages imposeacutes est aussi de

cet ordre de moitieacute moins que celui de la France meacutetropolitaine (273 contre 558 soit un

eacutecart de - 51 ) juste en-dessous aussi du niveau de Fareacutebersviller (287 )

Vues de certaines parties du grand ensemble (Communauteacute drsquoutilisateurs et deacuteveloppeurs Piwigo 2010)

Sur le plan de la composition en immigration la commune compte six fois plus drsquoimmigreacutes de

plus de 55 ans (pregraves de 60 soit 592 ) qursquoen France meacutetropolitaine (93 ) Pour la

geacuteneacuteration descendante le niveau est deux moins haut 193 pour Behren contre 114 en

France et 285 pour Fareacutebersviller Selon le rapport de lObservatoire des ZUS publieacute en 2003

Behren eacutetait la ville la plus pauvre de France parce que disposant de peu de taxes

professionnelles de taxes fonciegraveres (car peu de proprieacutetaires) et un nombre important dexoneacutereacutes

de la taxe dhabitation (Rmistes et faibles revenus) Sur le plan des identiteacutes ethniques le CUCS

2007 eacutevoque trente et une nationaliteacutes drsquoorigine

La Citeacute est drsquoailleurs classeacutee en ZEP avec pregraves de 1 000 enfants eacutetrangers qui connaissent des

difficulteacutes drsquoadaptation dans le milieu scolaire en lien avec la fragiliteacute des parents et la pauvreteacute

des meacutenages La commune est classeacutee en zone drsquoeacuteducation prioritaire (ZEP) et beacuteneacuteficie du

dispositif Reacuteseau Ambition Reacuteussite (RAR) pour son collegravege et les eacutecoles attenantes76 Le

76 Selon le portail internet du gouvernement (wwwgouvernementfr) le Reacuteseau ambition reacuteussite (RAR) est une mesure drsquoeacuteducation prioritaire de lrsquoEacuteducation nationale qui avec le laquo Reacuteseau reacuteussite scolaire raquo (RRS) eacutevoqueacutee pour Fareacutebersviller fait suite aux reacuteseaux drsquoeacuteducation prioritaire (REP) qui avaient en 1999 pris le relais des ZEP Le RAR srsquoapplique aux eacutetablissements concentrant les plus grandes difficulteacutes sur les plans sociaux eacuteconomiques et scolaires (le RRS concerne des eacutetablissements aux publics plus heacuteteacuterogegravenes) Il srsquoagit de deacutefinir des projets collectifs drsquoeacutetablissements drsquoune mecircme zone (collegravege et leurs eacutecoles eacuteleacutementaires associeacutees) et apporter des moyens de reacuteussite scolaire (10 agrave 15 de moyens financiers suppleacutementaires par lrsquoEacutetat pour plus de personnels drsquoactiviteacutes ou de dispositifs de soutien et de suivi individualiseacutes sur le plan scolaire mais aussi sanitaire et social voire financier

250

diagnostic du RAR concernant la Citeacute indique un fort taux de familles deacutefavoriseacutees (plus de 90

) des parents en grande partie inactifs (congeacute charbonnier retraiteacutes beacuteneacuteficiaires du RMI et

chocircmeurs) et drsquoorigine eacutetrangegravere ne maicirctrisant pas la langue ce qui explique les difficulteacutes

scolaires des enfants (en 1999 pregraves de 40 des eacutelegraveves de la ZEP eacutetaient de nationaliteacute

eacutetrangegravere) Les familles sont deacutecrites comme fatalistes et manquant de motivation et drsquoambition

scolaire surtout pour les filles Crsquoest pourquoi les parents concerneacutes auraient des difficulteacutes agrave

poser des exigences aussi bien en termes de regravegles de rythme de vie que de suivi de la scolariteacute

avec agrave la cleacute des problegravemes de comportement de risque de deacutecrochage scolaire et de conduites agrave

risques

10 des eacutelegraveves de 6egraveme ont deux anneacutees de retard Pregraves de 20 des 15-24 ans na aucun

diplocircme De la jeunesse qui eacutechoue agrave la deacuteviance deacutelinquante la distance est parfois courte La

ville engage un CLS pour 2003 avec un diagnostic de seacutecuriteacute eacutetabli par Jean-Yves Treacutepos

sociologue et professeur agrave lrsquouniversiteacute de Nancy II Il a analyseacute 1 que le sentiment drsquoinseacutecuriteacute

eacutetait plus fondeacute sur les inciviliteacutes que sur une veacuteritable deacutelinquance 2 que lrsquoeacuteducation agrave la

citoyenneteacute et lrsquoapprentissage de comportements civils devaient servir agrave la preacutevention en

amont et 3 que de mecircme de nombreux petits litiges pouvaient trouver une reacuteponse autre que

judiciaire ou correctionnelle notamment par lrsquoaccegraves aux droits dont drsquoabord lrsquoinformation sur

les droits quotidiens qui participe activement agrave la preacutevention

Sur le plan de la politique sociale urbaine la commune a participeacute agrave la proceacutedure Deacuteveloppement

social des quartiers du Bassin houiller et a fait partie successivement du Contrat de Ville de

lrsquoAgglomeacuteration de Forbach (8 communes 1994-1999) et de celui du Bassin houiller (16

communes 2000-2006) La Citeacute a eacuteteacute classeacutee en zone de redynamisation urbaine (ZRU) en

1996 et en zone franche urbaine (ZFU) en 2006 Elle neacutecessite un ameacutenagement ambitieux afin

de reacutepondre aux objectifs de deacutesenclavement de centraliteacute et de diversification fonctionnelle

Pour pallier agrave cette carence un projet ANRU est preacutepareacute depuis 2005 pour diverses interventions

urbaines sur lrsquohabitat et les eacutequipements existants comme la reacutehabilitation des deux groupes

scolaires ainsi que la creacuteation drsquoeacutequipements nouveaux tels qursquoune meacutediathegraveque et une maison

pour lrsquoemploi77

comme la bourse au meacuterite de 800 euro suite au brevet des collegraveges) En 2009 on recense 254 RAR qui scolarisent pregraves de 260 000 eacutecoliers et 122 700 colleacutegiens soit 5 environ des eacutelegraveves (15 pour les RRS) 77 Le bulletin municipal de juin 2011 eacutevoque une signature du projet au courant de ce mois-ci

251

Il srsquoagirait de deacutesenclaver la Citeacute par lrsquoameacutelioration des liaisons routiegraveres avec la ville et

lrsquoagglomeacuteration de creacuteer deux pocircles de centraliteacute avec un centre commercial et une nouvelle

mairie une meacutediathegraveque et une maison de lrsquoemploi de laquo reacutesidentialiser raquo diffeacuterents

immeubles comportant 810 logements de diversifier lrsquooffre drsquohabitat avec la reacutehabilitation de

1 440 logements et enfin de deacutemolition 20 de logements sociaux au cœur du quartier (plus de

500 logements dans 8 barres et une tour)

Photo drsquoune partie de la Citeacute apregraves reacutehabilitation (Communauteacute drsquoutilisateurs et deacuteveloppeurs Piwigo 2010)

D- Une petite laquo Ville nouvelle raquo agrave distance des villes et du village communale Mourenx

(Pyreacuteneacutees-Atlantiques)

Mourenx (7 406 habitants en 2008 634 ha ou 634 kmsup2) se situe en Beacutearn au cœur des

Pyreacuteneacutees-Atlantiques dans le Sud-ouest de la France Cette ville qui constitua le premier terrain

drsquoinvestigation des nouvelles formes du deacuteveloppement urbain drsquoHenri Lefebvre se situe au

centre du triangle formeacute par Pau (agrave pregraves de 15 km) Orthez et Oloron-Sainte-Marie Au vieux

bourg formeacute agrave partir du XIIegraveme siegravecle a succeacutedeacute une laquo ville nouvelle raquo commenceacutee en 1957 selon

le modegravele des grands ensembles lieacutee agrave lrsquoexploitation agrave partir de 1949 drsquoun gisement de gaz et de

peacutetrole agrave Lacq situeacutee agrave cinq kilomegravetres de Mourenx

De nos jours la commune fait partie de la plus grande intercommunaliteacute du deacutepartement la

Communauteacute de communes de Lacq qui comprend 47 communes (produit de la fusion le 1er

252

janvier 2011 de quatre communauteacutes de communes preacuteceacutedentes dArthez-de-Beacutearn Lacq

Lagor et Monein) Ce nouvel ensemble de pregraves de 35 400 habitants sur 5342 kmsup2 (ou 53 420 ha)

repreacutesente 25 de la richesse deacutepartementale78 (Communauteacute de communes de Lacq 2011) En

1951 crsquoest la deacutecouverte du gisement de gaz consideacutereacute comme lune des plus importantes poches

du monde qui a deacuteclencheacute la deacutecision drsquoy deacutevelopper un complexe industriel dans un contexte

drsquoeuphorie et drsquoexcitation geacuteneacuterale relayeacutees part les meacutedias79 centrale thermique sur la

commune drsquoArtix et agrave Lacq usine drsquoaluminium uniteacute de production de meacutethanol et de chlorure

de vinyle et usine de fabrication de polyeacutethylegravene puis de polystyregravene par La Socieacuteteacute Nationale

des Peacutetroles dAquitaine (SNPA creacuteeacutee en 1941) est le principal opeacuterateur

78 Abidos Abos Argagnon Arnos Arthez-de-Beacutearn Artix Besingrand Biron Boumourt Cardesse Casteide-Cami Casteide-Candau Castetner Castillon-dArthez Cescau Cuqueron Doazon Hagetaubin Lagravea-Mondrans Labastide-Cezeracq Labastide-Monreacutejeau Labeyrie Lacadeacutee Lacommande Lacq-Audejos Lagor Lahourcade Loubieng Lucq-de-Beacutearn Maslacq Mesplegravede Monein Mont-Arance Gouze-Lendresse Mourenx Noguegraveres Os-Marsillon Ozenx-Montestrucq Parbayse Pardies Saint-Meacutedard Sarpourenx Sauvelade Serres-Sainte-Marie Tarsacq Urdegraves Viellenave-dArthez et Vielleseacutegure 79 Le laquo Bakou pyreacuteneacuteen raquo selon La Reacutepublique des Pyreacuteneacutees ou encore laquo lrsquoegravere du Texas beacutearnais raquo dans drsquoautres supports (Girard 2006)

253

En 1960 7 000 emplois sont creacuteeacutes les travailleurs viennent de toute la France dEspagne du

Portugal et drsquoAfrique du Nord Le grand complexe industriel est construit en cinq ans Lrsquohistoire

urbaine moderne de la commune commence avec la neacutecessiteacute de loger la main drsquoœuvre Cette

ville laquo patronale raquo moderne (Girard 2006) mais aussi drsquoEacutetat dans le cadre de sa politique

industrielle a eacuteteacute creacuteeacutee ex nihilo avant mecircme le deacutecret de 1958 sur les ZUP posant le cadre

administratif opeacuteratoire des grands ensembles Son histoire est originale non seulement parce

que sa construction ne reacutesulte pas drsquoun choix premier et qursquoelle srsquoest trouveacutee comme derniegravere

solution pressante agrave reacutealiser mais aussi en raison de son heacuteteacuterodoxie par rapport au modegravele

classique de ce type drsquoopeacuteration

Tout drsquoabord le choix drsquoune ville pour pregraves de 15 000 ouvriers et cadres agrave loger a eacuteteacute tardif car

impreacutevu initialement Apregraves un premier programme eacutelaboreacute par la SNPA pour ses employeacutes

deux premiegraveres solutions pour loger lrsquoensemble des familles du site ont eacutechoueacute drsquoune part la

solution des nouveaux quartiers dans les deux villes alentours Pau et Orthez a eacuteteacute refuseacutee par

crainte des laquo communistes raquo ou de la laquo racaille raquo (Girard 2006) et drsquoautre part la disseacutemination

dans les villages autour de Lacq que sont Lagor Artix et Abidos (apregraves des premiegraveres

constructions agrave Lagor Arthez et Artix) apparaissait trop coucircteuse en termes drsquoeacutequipement et de

reacuteseaux ainsi que drsquoassainissement sans compter les difficulteacutes de mise en œuvre pour un seul

maicirctre drsquoouvrage

La SNPA et le gouvernement deacutecidegraverent alors drsquoeacutetablir rapidement un ensemble urbain unique

de 3 000 logements pour 12 000 habitants Pour ce faire lrsquoarchitecte Jean-Benjamin Maneval fut

inviteacute agrave proposer un plan-masse Diplocircmeacute de lrsquoEacutecole nationale supeacuterieure des Beaux Arts

membre de lrsquoUrban Land Institut et associeacute agrave Reneacute-Andreacute Coulon et Philippe Douillet il

travaillait agrave ce moment sur le chantier de Sarcelles avec Jacques-Henri Labourdette

Le nouveau projet eacutetait donc de creacuteer une ville nouvelle agrave proximiteacute des industries non

seulement dans un lieu bien exposeacute non inondable de faible valeur agricole et agrave labri des vents

dominants ce qursquooffrent les contreforts de colline de Lagor sur la commune rurale de Mourenx

(Deacuteleacutegation agrave lrsquoArchitecture et agrave la Construction 1980) mais aussi avec toutes les

caracteacuteristiques drsquoune ville autonome sur les plans de lrsquohabitat et de la vie urbaine (Girard

2006) La SNPA et un groupe de grandes entreprises (Pechiney Aquitaine Chimie et EDF) se

sont associeacutes agrave la Caisse des deacutepocircts et consignations (CDC) et agrave sa filiale opeacuterationnelle la SCIC

254

Socieacuteteacute Civile Immobiliegravere de Construction80 pour creacuteer la SCIL Socieacuteteacute civile immobiliegravere de

Lacq Cette derniegravere opeacuteratrice priveacutee agissant avec des capitaux publics (la Caisse des deacutepocircts

deacutetenant 60 du capital sa filiale 20 et les entreprises publiques et priveacutees 20 ) a acquis

directement les terrains aupregraves de trois proprieacutetaires priveacutes

Figure syntheacutetique du traceacute du grand ensemble (C Marti 2010)

Carte postale dune vue aeacuterienne du grand ensemble de Mourenx agrave sa construction (C Marti 2010)

La municipaliteacute et les organismes HLM nrsquoont pas eacuteteacute inclus dans lrsquoopeacuteration et la ville nouvelle

srsquoest implanteacutee agrave lrsquoeacutecart du village de 218 habitants en 1954 Le terrain choisi de 50 hectares sur

la commune domine ainsi les usines de la zone industrielle du Luzoueacute agrave 2 km seacutepareacutee par une

forecirct Apregraves deacutemarrage du chantier en juillet 1957 lrsquoeacutedification et le peuplement des nouveaux

immeubles furent rapides ainsi que lrsquoouverture des services publics un an apregraves les 800

premiers logements eacutetaient occupeacutes en octobre 1958 leacutecole Charles de Bordeu ouvre ses portes

Plus de 3 000 logements ont ainsi eacuteteacute bacirctis entre 1957 et 1961 (270 agrave 280 logements par mois)

En 1962 on deacutenombre 8 660 habitants et lrsquoensemble accueille 10 700 habitants en 1968 Les

80 Celle-ci fut la premiegravere filiale technique de lrsquoEacutetat pour mettre en place les opeacuterations de logement de grande envergure que sont les grands ensembles (Landauer 2008) tout en deacuteposseacutedant les architectes et les collectiviteacutes locales de leurs preacuterogatives elle promouvait un modegravele drsquohabitation centreacute sur la sphegravere individuelle et lrsquoorganisation rationnelle du territoire

255

logements (du F1 au F581) de surfaces un peu en-dessous des normes actuelles (52 msup2 pour un

F3 et 63 msup2 pour un F4) reacutepondent tous agrave un mecircme scheacutema de configuration mecircmes tailles et

emplacements des cuisines salles de bain (toilettes comprises) et salons salles de bain et

cuisines eacutetant regroupeacutes autour des cages drsquoescaliers Un chauffage au sol commun montre la

moderniteacute de la construction Dans les barres chaque cage drsquoescalier dessert deux appartements

par pallier et parmi les tours celle des laquo Ceacutelibataires raquo est atypique avec que des appartements

F1 et un restaurant panoramique en haut

Mecircme si en apparence les architectes ont suivi les principes formels drsquourbanisation abstraite et

fonctionnaliste des grands ensembles ils ont neacuteanmoins introduits une nouveauteacute concernant le

centre civique constitutif de son autonomie politique et urbaine (municipaliteacute services publics)

dimension deacutelibeacutereacutement eacutevacueacutee par les principes de la Charte drsquoAthegravenes qui appelle agrave rompre

avec la tradition urbaine europeacuteenne (Girard 2006) Crsquoest bien drsquoailleurs le laquo tout Eacutetat raquo qui

caracteacuterise ce programme duquel ont eacuteteacute eacutecarteacutes les acteurs locaux

Neacuteanmoins bien que le reacutesultat nrsquoait pas eacuteteacute probant agrave ce niveau Maneval visait explicitement

une densiteacute en vue drsquoassurer une existence urbaine agrave la ville Ainsi paradoxalement avant mecircme

lrsquourbanisation massive en France selon le modegravele des grands ensembles drsquohabitation dans les

ZUP une des premiegraveres reacutealisations pionniegraveres dans ce domaine srsquoest distingueacutee en suivant les

ideacutees de diffeacuterentes productions intellectuelles veacutehiculeacutees agrave lrsquoeacutechelle mondiale la neacutecessiteacute des

civic centers a traverseacute tant les deacutebats des derniers Congregraves internationaux drsquoarchitecture

moderne (CIAM) que ceux de lrsquoeacutevaluation des news towns anglo-saxonnes ou de la peacuteriode de

la Reconstruction drsquoapregraves-guerre en France

Dans cette perspective Mourenx-ville srsquoorganise agrave partir drsquoun centre-ville et avec des quartiers

comportant des places notamment celle de la mairie et celle du marcheacute dont lrsquoespace est

pieacutetonnier (voitures cantonneacutees dans des parkings arriegraveres) ce qui va agrave lrsquoencontre de

lrsquourbanisme fonctionnaliste qui proscrit lrsquoespace public au profit de lrsquoespace de mobiliteacute et celui

de la nature La forme urbaine se compose de cinq icirclots (dont trois autour du centre) constitueacutes

chacun drsquoun ensemble de 300 logements reacutepartis dans une tour et plusieurs barres alentours

81 Le laquo F raquo signifie Fonction F1 est lrsquoappartement de premiegravere fonction comprenant une piegravece commune avec cuisine (seacutepareacutee ou non) et une salle drsquoeau F2 indique une piegravece suppleacutementaire pour une chambre et F3 une deuxiegraveme chambre etc La deacutenomination actuelle plus usiteacutee en T1 T2 T3hellip signifie Type 1 Type 2 Type 3hellip Elle a succeacutedeacute agrave la terminologie preacuteceacutedente en raison drsquoun changement de norme (dont la reacuteduction des surfaces)

256

Ils disposent drsquoune eacutecole eacuteleacutementaire et sont relieacutes agrave un groupe de logements individuels (Girard

2006) Une ouverture formelle caracteacuterise ces espaces reacutesidentiels en raison de lrsquoapplication de

certaines normes urbaines drsquoordre technique rappelle Henri Lefebvre (1960) leur taille devait

ecirctre reacuteduite (5 000 personnes maximum par icirclot) et la proximiteacute des immeubles drsquohabitation

limiteacutee pour eacuteviter la fermeture spatiale et son eacuteventuel corollaire le repli social cependant une

distance jugeacutee suffisante a eacuteteacute appliqueacutee pour faciliter des possibiliteacutes drsquointerconnaissances entre

habitants drsquoun mecircme icirclot ou drsquoicirclots diffeacuterents

Drsquoautres nuances formelles distinguent le programme local des productions de ce type (Marti

2010) les bacirctiments se ressemblent mais laquo ne sont pas identiques raquo ainsi que les intervalles

entre bacirctiments leurs longueurs et leurs hauteurs Bien que les uniteacutes de voisinage au sens de

lrsquoicirclot soient composeacutees de maniegravere identique ces diffeacuterences font qursquoaucune nrsquoest semblable

aux autres La disposition des constructions homogegravene et non tendue induit neacuteanmoins un

laquo eacutequilibre formel raquo qui participe agrave la production drsquoun tissu par lrsquoeffet drsquoune matiegravere homogegravene

et continue Autres diffeacuterences avec les grands ensembles dans leur majoriteacute selon Girard

(2006) drsquoune part une gamme complegravete drsquoeacutequipements collectifs dans la partie est de la ville

nouvelle (laquo Citeacute scolaire raquo regroupant des eacutetablissements du secondaire et des eacutequipements

sportifs diversifieacutes) et drsquoautre part des jardins privatifs aux pieds des immeubles

Vue de Mourenx et des usines de Lacq au loin

(Communauteacute de communes de Lacq 2011)

257

Cependant le modegravele du grand ensemble ne peut pas ecirctre tout agrave fait eacutecarteacute comme le propose

Girard (2006) puisque au-delagrave des formes architecturales identiques (tours et barres) le reacutesultat

ne forme pas une ville dense et diversifieacutee avec des rues nombreuses et eacutetroites Agrave part quelques

maisons accoleacutees et des grandes maisons en peacuteripheacuterie il nrsquoy a pas de nette hieacuterarchie de

densiteacute contrairement agrave lrsquoobjectif iconoclaste de deacutepart la reacutepartition des masses bacircties est

reacuteguliegravere sur lrsquoensemble du territoire

Lrsquoespace social est dilateacute ce que renforce la modestie deacutemographique de lrsquoensemble urbain

conccedilue agrave dessein (Lefebvre 1960) La configuration spatiale de la voirie et des immeubles isoleacutes

de grande taille (barres allongeacutees de quatre agrave cinq eacutetages et tours agrave chaque icirclot) suit une

orientation purement geacuteomeacutetrique abstraite vis-agrave-vis de la topographie ou drsquoune raison plus

fonctionnelle agrave Mourenx la geacuteneacuteralisation de lrsquoemploi de courbes pour dessiner les voiries

nrsquoest appliqueacutee que pour contrebalancer la rectitude geacuteomeacutetrique des constructions (Girard

2006)

Lrsquoambiance urbaine de laquo citeacute-dortoir raquo monotone srsquoapplique tout agrave fait agrave Mourenx avec ces

quarante quasi-exemplaires de la mecircme barre configureacutes en icirclots comportant chacun une vaste

cour-jardin une tour voire quelques commerces et une eacutecole pour certains De toute eacutevidence

les nuances formelles internes apporteacutees par le concepteur du plan-masse nrsquoimpactent pas

significativement la vie humaine et sociale dans cet ensemble Celle-ci deacutepend drsquoune

organisation spatiale seacutegreacutegative mecircme si la centraliteacute affirmeacutee notamment politique autour de

la municipaliteacute a pu constituer une voie de mobilisation collective de la part notamment des

habitants massivement locataires (aux deux-tiers) contre la SCIC deacutenonceacutee pour sa volonteacute

drsquoeacuteponger les dettes de construction via les charges locatives

Enfin ce type drsquohabitat collectif et seacuteriel malgreacute des jardins privatifs rendent difficiles

lrsquoappropriation et lrsquoindividuation de lrsquoespace ce qui justifie sa deacutevalorisation voire sont rejet

spontaneacute Girard (2006) note mecircme que Lefebvre ressent ce type de reacuteaction psychoaffective

lorsqursquoil eacutecrit dans son livre Introduction agrave la moderniteacute (Lefebvre 1962 p 123) laquo La Ville

Nouvelle ne se preacutesente pas mal Le plan drsquoensemble (le plan-masse) ne manque pas drsquoallurehellip

Pourtant chaque fois je mrsquoeffraie devant ces machines agrave habiter raquo

En fait Mourenx-Ville Nouvelle constitue une eacutetape historique essentielle dans le mouvement de

lrsquoarchitecture et de lrsquourbanisme moderne commenceacutee dans les anneacutees 1920 Son eacutedification drsquoun

258

tenant en tant que totaliteacute homogegravene tant bacirctie que spatiale malgreacute ses autres caracteacuteristiques

eacutevoqueacutees plus haut constitue un modegravele dans lrsquohistoire des villes lrsquoobjectif de sa construction

en une seule opeacuteration est devenu un principe fondateur pour la famille de faits urbains qui

suivront celle des grands ensembles (Marti 2010) Dans la plupart des cas leur localisation et

leur configuration visaient drsquoailleurs agrave juguler une croissance soudaine des agglomeacuterations

geacuteneacuterant une surdensiteacute jugeacutee insupportable en raison de nuisances multiples deacutejagrave difficiles

voire impossibles agrave geacuterer

Agrave quoi alors renvoie ce type de spatialiteacute particulier dont les formes ne sont pas seulement

deacutetermineacutees par les contraintes de construction rapide et massive Car la configuration de la

ville mecircme si elle peut paraicirctre ouverte en interne ne confine-t-elle pas agrave un repli agrave lrsquoeacutechelle de

la ville Pour Lefebvre (1960) une mecircme ideacuteologie sociale est agrave lrsquoœuvre dans cette option

urbanistique la volonteacute de produire des citeacutes de type laquo communautaire raquo82 Cette forme

innovante agrave lrsquoeacutepoque entretient donc un risque de fermeture des relations sociales en facilitant

les possibiliteacutes de controcircle social pesant et en entraicircnant des limitations de mobiliteacute sociale et

donc de deacuteveloppement culturel et intellectuel des personneshellip

Ainsi une reacutegression de la vie sociale et personnelle peut se produire alors mecircme qursquoil est

rechercheacute au contraire la formation drsquouniteacutes socio-spatiales dans lesquelles les liens sont de

type laquo communautaire raquo (solidariteacute meacutecanique de Durkheim) crsquoest-agrave-dire denses intenses et

chaleureux et ougrave le collectif prime sur lrsquoindividu Mais le deacutefaut de faible marge de liberteacute que

celui-ci dispose dans ce cas est agrave lrsquoencontre des aspirations sociales et de lrsquoeacutevolution socieacutetale

Cette illusion de pouvoir produire des formes sociales anciennes agrave partir de formes drsquohabitat est

certainement lieacutee agrave une perception et une interpreacutetation erroneacutees ndash nostalgiques des relations

de proximiteacute spatiale et sociale reacuteguliegraveres seule est prise en compte lrsquointensiteacute affective ou

eacutemotionnelle supposeacutee de ce type de fonctionnement collectif en oubliant lrsquoexistence des

normes et des meacutecanismes de controcircle neacutecessaires pour fonctionner En outre un regroupement

spatial nrsquoengendre en rien meacutecaniquement une intensiteacute de relations satisfaisantes sur le plan du

deacuteveloppement individuel de chacun Les relations sociales de type organique en grande majoriteacute

sont plus individualiseacutes et fonctionnelles et elles engendrent localement dans le cadre des

relations personnelles agrave lrsquoinverse de lrsquoutopie communautaire de la distance sociale entre

82 Lefebvre utilise aussi lrsquoexpression drsquo laquo uniteacute de voisinage raquo pour le cas des nouveaux quartiers construits aux abords (crsquoest-agrave-dire laquo au voisinage raquo) des agglomeacuterations anciennes

259

individus car ceux-ci ne partagent plus les mecircmes activiteacutes et repreacutesentations sociales qui en

deacutecoulent (Toumlnnies 1977)

De son enquecircte agrave Mourenx Lefebvre (1960) tira un enjeu central pour la moderniteacute sortir de

lrsquoennui les habitants malheureux de ce type de ville de la monotonie lieacutee au manque drsquointensiteacute

de la vie urbaine et de lrsquoeacuteloignement des grandes villes de la reacutegion Les effets neacutegatifs sur le

plan psychologique de cette situation eacutetant accentueacutes par les tensions voire les neacutevroses multiples

lieacutees agrave la promiscuiteacute interne aux immeubles que produit la sonoriteacute intra et inter-appartements

Mourenx souffre drsquoavoir eacuteteacute conccedilu comme un village de grande taille peu relieacute aux restes des

agglomeacuterations Crsquoest un espace conccedilu en quelque sorte comme un agrandissement par dilation

et eacutecartement de ces eacuteleacutements physiques et sociaux et non par densification contigueuml

Qursquoen est-il aujourdrsquohui de Mourenx et de sa vie sociale Les industries peacutetroliegraveres ont subi la

crise des anneacutees 1970 et en 1980 lrsquousine Peacutechiney (pregraves de 5 000 emplois) a fermeacute La ville a

perdu correacutelativement 3 000 habitants alors mecircme que les bourgs et des villages environnants

srsquoaccroissent Ceci ne signifie pas obligatoirement un deacutepart des employeacutes mis au chocircmage mais

plutocirct un vieillissement de la population avec le deacutepart hors de la ville des enfants ayant grandit

et la faible arriveacutee de nouveaux meacutenages et actifs dans ces industries et donc une faible

augmentation naturelle au sens deacutemographique (naissance moins deacutecegraves) Sur le plan physique la

tristesse des faccedilades srsquoest accentueacutee par leur vieillissement acceacuteleacutereacute de nombreuses fissures sont

apparues par endroits en moins drsquoune dizaine drsquoanneacutees Comme la plupart des grands ensembles

(Peillon 2001) Mourenx a eacuteteacute construit agrave moindre coucirct et surtout peu entretenu malgreacute des

pathologies constructives seacuterieuses (Girard 2006) manque drsquoeacutetancheacuteiteacute des toitures de terrasse

fissures nombreuses des murs exteacuterieurs et menuiseries bois en mauvais eacutetat

En outre la centraliteacute globale notamment socio-eacuteconomique est resteacutee faible puisque le centre

commercial srsquoest peu deacuteveloppeacute tout comme le deacuteveloppement du petit commerce et de

lrsquoartisanat malgreacute la volonteacute politique initiale drsquoune liste laquo lsquoapolitiquersquo mais de gauche raquo

(Lefebvre 1960) qui marquait lrsquoappropriation deacutemocratique de la ville face aux gestionnaires du

grand ensemble dont la SCIC Ce manque de dynamisme de lrsquoespace public est le reacutesultat drsquoune

faible densiteacute (20 de la surface au sol est occupeacute par le bacircti) qui a du mal a ecirctre reconnu alors

mecircme que les habitants constatent des parkings et des espaces verts trop vastes et trop couteux agrave

entretenir et des eacutequipements collectifs qui continuent encore de manquer

260

Dans les anneacutees 1980 la vacance devient importante et la SCIC va alors mener une campagne de

reacutehabilitation (remplacement des tuyaux de reacuteseaux drsquoeau et de gaz ainsi que des menuiseries)

soutenue par les eacutelus et les habitants suivie dans les anneacutees 1990 de travaux drsquoembellissement

du centre-ville drsquoune nouvelles reacutehabilitation des faccedilades exteacuterieures des bacirctiments (avec

restructuration physique interne et externe de deux immeubles importants du centre-ville83) et de

la construction de trois lotissements hors de lrsquoensemble laquo ville-nouvelle raquo Cela ne modifiera pas

sa deacutevalorisation symbolique et son eacutevolution sociale

Le deacuteclin urbain est pleinement engageacute sous lrsquoeffet du deacuteclin du chocircmage et de la paupeacuterisation

drsquoune majeure partie de ses habitants et en raison de la faiblesse structurelle de la qualiteacute de ses

immeubles drsquohabitation et de son entretien et maintien De la ville industrielle proposant un

habitat moderne aux couches ouvriegraveres la ville devient une laquo banlieue raquo de grand ensemble

stigmatiseacutee de Pau la bourgeoise mais aussi drsquoOrthez qui refusent les cateacutegories populaires

fragiles et exclues (Girard 2006)

Avec le manque drsquoattractiviteacute de la forme urbaine lrsquoaccegraves au logement social est devenu le motif

principal drsquoarriveacutee dans la ville pour une population plus preacutecaire eacuteconomiquement et fragile

socialement mecircme si les logements et les eacutequipements neufs et les immeubles reacutehabiliteacutes

peuvent attirer certains jeunes couples inteacutegreacutes Une dualisation sociale srsquoest amorceacutee puisque

pour les reacutesidents des immeubles sociaux le sentiment drsquoune situation de captiviteacute ne trouvant

pas ailleurs de logements deacutecents preacutedomine Lrsquoaccroissement de la part des personnes acircgeacutees

assez pauvre issues des premiegraveres vagues de peuplement industriel renforce le caractegravere preacutecaire

de la population drsquoensemble

En 1996 la ville nouvelle dans sa partie drsquoimmeubles collectifs (le quartier laquo Neuf Coueyto raquo) a

eacuteteacute classeacutee ZUS En 2006 cette zone compte 3 736 habitants soit la moitieacute de la population

communale (495 ) (Secreacutetariat geacuteneacuteral du Comiteacute interministeacuteriel des villes 2010-d) ce qui

montre que les lotissements pavillonnaires hors de la ville nouvelle et le vieux bourg se sont

davantage accru que la Ville Nouvelle

83 Entre 1990 et 1996 la grande tour des Ceacutelibataires (18 eacutetages drsquoappartements F1) est restructureacutee avec des appartements plus grands une ameacutelioration des eacuteleacutements drsquoeacutetancheacuteiteacute drsquoinsonorisation et drsquoisolation une reacutefection des parties communes avec la seacutecuriteacute incendie et enfin un traitement des faccedilades important (variation des percements et des couleurs adjonctions de balcons) De mecircme la barre S est casseacutee en son milieu (suppression de trois appartements et les pignons sont transformeacutes en balcons

261

Les anneacutees 2000 sont celles de lrsquoaccentuation des interventions physiques de renouvellement

urbain sur cette partie avec drsquoune part la loi de 2000 portant sur la Solidariteacute et le

renouvellement urbain et drsquoautre part celle de 2003 sur le Programme national de reacutenovation

urbaine Sans transformation majeure de la forme urbaine ni mouvement de densification

immobiliegravere et de diversification importante de ses fonctions sociales les effets urbains de ce

type drsquoopeacuteration seront ambigus Par exemple la deacutemolition en 2002 drsquoune tour de douze eacutetages

celle de lrsquoAubisque laquo allegravege raquo le centre-ville selon Girard (2006) alors que celui-ci nrsquoest pas

particuliegraverement dense84

Par ailleurs eacutetonnement alors qursquoelle constate la marginalisation sociale de la population du

parc social de logement Girard (2006) qualifie de laquo centraliteacute urbaine favorable raquo (p 107) la

preacutesence des 2 174 logements sociaux qui permettrait selon elle le laquo redressement raquo

deacutemographique de la ville en oubliant de mentionner les effets sociaux neacutegatifs en termes de

concentration de cateacutegories de meacutenages et de personnes exclues preacutecaires et en difficulteacutes

sociales ce qui constitue une situation propice au deacuteveloppement des pheacutenomegravenes de tensions et

de deacutelinquance sociales dans lrsquoespace local Comme cela a eacuteteacute analyseacute et mis en valeur dans la

partie probleacutematique de la thegravese cette analyse comporte un biais de focalisation sur la dimension

deacutemographique pour lrsquoanalyse de lrsquoeacutevolution urbaine au deacutetriment des caracteacuteristiques sociales

de la population et de la dynamique de ses relations se situant sur le plan plus qualitatif du

deacuteveloppement urbain

Sur le plan qualitatif justement la Ville srsquoest engageacutee dans un contrat urbain de coheacutesion sociale

(CUCS) un contrat eacuteducatif local (CEL) En mecircme temps elle poursuit ses efforts de reacutenovation

urbaine dans une perspective plus intercommunale et eacutegalement qualitative en ayant

contractualiseacute en 2008 un projet de reacutenovation avec lrsquoAgence nationale de reacutenovation urbaine

(ANRU) la Communauteacute de commune de Lacq et le Conseil geacuteneacuteral Il vise agrave 1 deacutemolir des

bacirctiments du centre de la ville nouvelle O (108 logements sociaux) dont la barre de cent megravetres

de long (voir photo ci-dessous) 2 reacuteameacutenager et redimensionner les places centrales et quelques

bacirctiments (dont lrsquohocirctel de ville) 3 implanter de nouveaux eacutequipements (dont un centre culturel- 84 Cette conception de Girard (2006) semble davantage srsquoappliquer agrave la dynamique sociale de la population plutocirct qursquoa sa dimension deacutemographique drsquoune part on a vu que la densiteacute deacutemographique reacuteelle de la ville reste tregraves faible par rapport aux villes anciennes et drsquoautre part Giraud (2000) a bien montreacute que la laquo lourdeur raquo drsquoun environnement social deacutesigne en fait les tensions pesanteurs fermetures et contrarieacuteteacutes multiples de relations sociales qursquoimposent aux individus un environnement social deacutemographiquement dense ou pas mais heacuteteacuterogegravene et dans lequel les individus ne trouvent pas de supports de relations sociales propres agrave leur construction et deacuteveloppement identitaires

262

meacutediathegraveque intercommunal agrave la place de la barre O) et des locaux professionnels 4 restructurer

certains autres quartiers 5 laquo reacutesidentialiser raquo 149 logements et reacutehabiliter 909 logements et 6

reacutealiser des constructions dans le secteur de son parc urbain (116 logements sociaux)

Dans ce sens la Ville projette deacutejagrave de nouvelles interventions de transformations dans un plan

laquo ANRU 2 raquo avec la creacuteation drsquoun deuxiegraveme groupe scolaire (Claveacute 2011) Cependant les

travaux sont trop lents pour des attentes fortes de requalification Les eacutelus de la ville ont compris

que le deacuteveloppement urbain doit ecirctre multidimensionnel il ne peut se satisfaire drsquoune seule

action drsquoattraction deacutemographique par le logement social ce qui est par ailleurs difficile agrave

reacutealiser

laquo Les tendances deacutemographiques sont formelles les gens ne veulent plus vivre agrave Mourenx et

notamment dans lhyper-centre ougrave le bacircti est devenu obsolegravete raquo a deacuteclareacute le deacuteputeacute-maire David

Habib en juillet 2011 lors drsquoune visite sur site du preacutefet qui est aussi deacuteleacutegueacute deacutepartemental de

lrsquoANRU drsquoun conseiller geacuteneacuteral et des membres de la SNI Socieacuteteacute nationale immobiliegravere de la

Caisse des deacutepocircts85 (Claveacute 2011) Pourquoi la SNI Une partie du parc HLM a eacuteteacute vendue agrave la

SBHM de Pau (une tour la laquo Tour Habib raquo a eacuteteacute baptiseacutee du nom du preacutesident de la SBMH de

leacutepoquehellip et maire actuel de Mourenx) Celle-ci a reacutenoveacute et mis en vente les appartements sous

la forme de coproprieacuteteacutes

Preacuteparation de la laquo deacuteconstruction raquo de lrsquoimmeuble O (La Reacutepublique des Pyreacuteneacutees 2010)

85 La SNI premier bailleur franccedilais en 2006 selon le rapport annuel de la Caisse des deacutepocircts de la mecircme anneacutee est lrsquoancienne Socieacuteteacute de gestion immobiliegravere des Armeacutees (devenu SNI en 1976) comme vu avec Fareacutebersviller (deacutetentrice des Houillegraveres du Bassin de Lorraine) Elle est filiale agrave 100 de la Caisse des deacutepocircts depuis 2004 et possegravede agrave cette date les douze entreprises sociales pour lrsquohabitat (ESH) de la SCIC (qui eacutetait majoritaire dans la Socieacuteteacute civile immobiliegravere de Lacq agrave la construction de la Ville Nouvelle) ainsi que de la SA HLM en Icircle-de-France (ex-SCIC Habitat Icircle-de-France) Elle possegravede 100 de la SAGI (Socieacuteteacute Anonyme de Gestion immobiliegravere drsquoactiviteacute fonciegravere) et 97 drsquoEFIDIS (groupe de quatre SA HLM drsquoIcircle-de-France creacuteeacute en 1990) La SNI possegravede en outre cinq eacutetablissements et plusieurs filiales de logements locatifs intermeacutediaires trois entreprises de services aux collectiviteacutes (SCET-Services Conseil Expertise et Territoire CD Habitat et CD Citeacutes) ainsi que les 28 de la Caisse des deacutepocircts dans ADOMA (ex-SONACOTRA)

263

Crsquoest la SNI et sa filiale Coligny (dont elle est majoritaire) baseacutee agrave Pau qui ont racheteacute tout le

parc de la SCIC (La Reacutepublique des Pyreacuteneacutees 2011) Quoiqursquoil en soit les propos sont plus que

pressants puisque les travaux devaient ecirctre termineacutes en deacutecembre 2010 (Faure 2010) Le

bacirctiment de 100 megravetres de long et agrave cinq niveaux est situeacute au bord de la place de la mairie Il

constitue la premiegravere opeacuteration visible du programme de reacutenovation urbaine Agrave la place laisseacutee

vide est preacutevu un pocircle urbain consacreacutee agrave la culture une meacutediathegraveque deux salles de cineacutema

une galerie dart lassociation Lacq-Odysseacutee et la compagnie theacuteacirctrale laquo Les pieds dans leau raquo

(Ville de Mourenx 2010) Les preacutemices drsquoune entreacutee dans lrsquourbaniteacute agrave une eacutechelle reacutegionale se

posent avec une certaine lenteur et progressiviteacute ce qui change dans lrsquohistoire urbaine de la ville

mais renoue avec le caractegravere preacutedominant de lrsquoeacutevolution des villes

E- Plusieurs quartiers drsquoune petite ville Bagnols-sur-Cegraveze (Gard)

Drsquoorigine romaine Bagnols (du latin balneacutearius lieu ougrave lon prend des bains) au nord-est du

deacutepartement est un petit centre urbain rayonnant degraves le Moyen-acircge agrave une trentaine de

kilomegravetres au nord drsquoAvignon sur la valleacutee de la Cegraveze au carrefour de la route de Lyon au Midi

par la rive droite du Rhocircne Crsquoest la troisiegraveme ville la plus peupleacutee du deacutepartement apregraves Nicircmes

(agrave pregraves de 50 km au sud-ouest) et Alegraves (pregraves de 60 km agrave lrsquoouest) Depuis lAntiquiteacute le territoire

de la commune avec les celtes drsquoabord est en relation avec Marseille puis inclus dans la citeacute de

Nicircmes et agrave partir du Ve siegravecle dans celle drsquoUzegraves La construction au IVe siegravecle dun sanctuaire agrave

lemplacement de lactuelle eacuteglise teacutemoigne de cette histoire (Ville de Bagnols-sur-Cegraveze 2011)

Par la suite des mouvements religieux se deacuteveloppent et avec eux la construction de chapelles

mais surtout la commune a connu une histoire eacuteconomique et urbaine prospegravere tout au long des

siegravecles jusqursquoagrave la Reacutevolution et malgreacute les conflits politiques les guerres civiles et les grandes

eacutepideacutemies au XIIe siegravecle Bagnols devient seigneurie dans la mouvance des Comtes de

Toulouse en 1208 la premiegravere charte communale est signeacutee et en 1223 un marcheacute est creacuteeacute sur

deacutecision royale

Jusqursquoen 1789 drsquoailleurs la ville est administreacutee par des consuls (ancecirctres des conseils

municipaux doteacutes du pouvoir drsquoadministration et de deacutefense eacutelus au suffrage laquo universel raquo ie

par des chefs de famille ou de laquo feu raquo des chefs des meacutetiers des femmes veuves ou des

marchandes de services) Depuis le XVIIe siegravecle crsquoest lindustrie de la soie (avec eacutelevage du vers

264

agrave soie et artisanat textile) qui a fait la prospeacuteriteacute de la ville (pregraves de 5 000 habitants agrave cette

peacuteriode) et ce sont les tensions sociales dans ce domaine qui ont conduit agrave une eacutemeute populaire

en avril 1789 avant mecircme que la Reacutevolution ne commence en conseacutequence de la hausse du prix

du pain

La ville srsquoest moderniseacutee au XIXe siegravecle et dans la premiegravere moitieacute du XXe siegravecle alors que la

population se maintient entre 4 000 et 5 000 habitants Les portes et remparts meacutedieacutevaux sont

deacutetruits des boulevards et des espaces verts sont creacuteeacutes hors du traceacute preacuteceacutedent de la ville

(boulevard Lacombe et Jardin du Mont-Cotton avec son theacuteacirctre de verdure)

lapprovisionnement en eau est assainie et ameacutelioreacutee les rues sont paveacutees ou recouvertes et le

cimetiegravere deacuteplaceacute Dans les anneacutees 1870 le chemin de fer dessert la commune avec une gare

qui est inaugureacutee en 1881 Le tournant majeur de lhistoire urbaine bagnolaise a lieu au milieu

des anneacutees 1950

265

En 1954 est creacuteeacute agrave quelques kilomegravetres au sud-est de Bagnols le centre nucleacuteaire de Marcoule sur

les communes de Chusclan et de Codolet qui associe recherches sur la bombe atomique avec

construction de reacuteacteurs nucleacuteaires agrave usage militaire et deacuteveloppement de la filiegravere graphite-gaz

par le Commissariat agrave lrsquoeacutenergie atomique (CEA) initialisant les reacuteacteurs nucleacuteaires pour les

centrales franccedilaises de production eacutelectrique86 Cette industrie a entraicircneacute une transformation

spectaculaire de la ville avec la population qui a tripleacute en une quinzaine danneacutees avec 16 500

habitants agrave la fin des anneacutees 1960 contre seulement 5 500 au milieu des anneacutees 1950 Dans la

hieacuterarchie des domaines drsquoactiviteacute lagriculture cegravede la premiegravere place agrave lindustrie et aux

services et Bagnols devient un temps la ville la plus jeune de France Un lyceacutee classique et un

lyceacutee technique prennent le relais du vieux collegravege tandis quun centre hospitalier moderne sort

de terre agrave proximiteacute de lHocirctel Dieu

En fait les premiegraveres opeacuterations principales ont eu lieu entre 1956 et 1961 pour le compte du

CEA par Georges Candilis un des principaux collaborateurs de Le Corbusier dans la promotion

du mouvement drsquoarchitecture moderne et lors de la creacuteation de la Citeacute Radieuse de Marseille

(1945-1952) Il a reacutealiseacute un des quartiers les Escanaux au sud de la ville Et eacutetaleacute sur vingt ans

lrsquoensemble des opeacuterations a constitueacute un paysage urbain transformeacute de faccedilon spectaculaire bien

que la ville ait preacuteserveacute son centre historique aux hocirctels particuliers aujourdhui en partie

pieacutetonnier Plus tard une politique de construction de lotissements pavillonnaires agrave partir des

anneacutees 1980 a eacuteteacute meneacutee en mecircme temps que des zones commerciales aux entreacutees de la ville et

une zone industrielle qui seacutetend sur la route dAvignon Lrsquoensemble est jugeacute eacutequilibreacute entre

urbanisme ancien celui des grands ensembles et les lotissements reacutecents Depuis les anneacutees

1970 la population communale poursuit sa croissance agrave un rythme plus lent de 16 468 habitants

en 1968 agrave 18 506 en 2008 Deacutesormais troisiegraveme ville du deacutepartement la ville affirme un rocircle de

capitale du Gard rhodanien entre Alegraves Nicircmes Avignon et Monteacutelimar

Les 2 700 logements sociaux repreacutesentent pregraves de 40 du parc total des reacutesidences principales

au deacutebut des anneacutees 2000 Ils se concentrent sur quatre quartiers (Escanaux Citadelle Coronelle

et Vigan Braquet) La ville constitue donc une petite agglomeacuteration diversifieacutee et coupeacutee de toute

86 Le site comporte aujourdhui de tregraves nombreuses activiteacutes nucleacuteaires Pheacutenix (reacuteacteur expeacuterimental de la filiegravere agrave neutrons rapides) production de MOX (Mixed Oxyde meacutelange drsquooxyde drsquouranium et de plutonium permettant le recyclage du combustible nucleacuteaire agrave lrsquousine de traitement de La Hague) entreposage traitement et centre deacutetude sur les deacutechets radioactifs laboratoire de traitement des combustibles irradieacutes installation nucleacuteaire militaire exploiteacutee par AREVA (reacuteacteurs arrecircteacutes en 2009 en attente de deacutemantegravelement)

266

autre grande zone urbaine puisque le caractegravere de son environnement dans et hors la commune

est resteacute nettement agricole et naturel avec des collines de garrigues cernant la ville et un

vignoble et des cultures maraicircchegraveres dans une grande partie du territoire communal

Immeuble du quartier des Escanaux agrave Bagnols-sur-Cegraveze (Contributeurs agrave Wikipeacutedia 2010)

Cependant plusieurs territoires internes agrave la ville eacutevoluent selon des logiques de deacuteclin non sans

lien avec la reacuteduction des activiteacutes du site industriel de Marcoule (fermeture de reacuteacteurs

notamment) et lrsquoobsolescence des espaces urbains construits pour y loger la main drsquoœuvre

concerneacutee Les quartiers drsquohabitat social de cette eacutepoque (citeacutes plus haut) proches du centre

ville concentrent une population marqueacutee par lrsquoinstabiliteacute eacuteconomique et un revenu relativement

faible (Ville de Bagnols-sur-Cegraveze 2007)

Au sein de la ZUS deacutefinie en 1996 (quartiers Escanaux Citadelle et Coronelle pour lrsquoessentiel

eacutevoqueacutes infra 3 773 habitants en 2006 hors quartier Citadelle qui fait partie du nouveau

peacuterimegravetre de 2007) qui eacutetait mecircme une ZRU selon le site internet du systegraveme drsquoinformation

geacuteographique du Comiteacute interministeacuteriel des villes87 moins drsquoun meacutenage sur quatre est

imposable En 2002 un meacutenage sur deux y deacuteclare un revenu fiscal annuel par personne

87 httpsigvillegouvff

267

infeacuterieur agrave 5 201 euro (430 euro par mois) soit un revenu meacutedian pregraves de deux fois et demi infeacuterieur agrave

celui de lrsquoensemble de la commune Alors qursquoagrave lrsquoeacutechelle nationale une famille sur dix en ZUS

vit sous le seuil de pauvreteacute agrave Bagnols agrave cette date entre 100 et 150 meacutenages avec enfants qui

vivent avec de tregraves faibles revenus Face agrave la laquo ghettoiumlsation raquo de ces quartiers sociaux proches

du centre ville expliquant la faible attractiviteacute reacutesidentielle globale de la ville selon le document

conventionnel des institutions (Ville de Bagnols-sur-Cegraveze 2007) et les habitants des quartiers

peacuteriurbains aiseacutes paraissent se laquo retrancher raquo afin de tenter de se laquo preacuteserver raquo

En effet la pauvreteacute architecturale du grand ensemble et la brutaliteacute de sa juxtaposition au tissu

preacuteexistant avec un peuplement de cateacutegories en difficulteacutes sociales et eacuteconomiques croissantes

preacutesentent agrave certains eacutegards une image sociale laquo triste et amegravere raquo (Roques 2004) Ce pheacutenomegravene

srsquoinstalle malgreacute une forme urbaine consideacutereacutee comme douce par son respect de la ville

ancienne en consideacuterant sa structure ainsi que la topographie les traces urbaines du passeacute

antique et le climat (Deacuteleacutegation agrave lrsquoArchitecture et agrave la Construction 1980) Drsquoune part le

nouvel espace fonctionnaliste avait pourtant eacuteteacute eacutequipeacute pour toute la ville drsquoun stade de

commerces drsquoun centre culturel et drsquoune piscine et drsquoautre part les bacirctiments entre des petites

barres de cinq eacutetages et six tours preacutesentent une certaine varieacuteteacute formelle au niveau des faccedilades

et des entreacutees et aussi des espaces intermeacutediaires avec les maisons anciennes

Par ailleurs les appartements sont doteacutes de loggias et les espaces de proximiteacute (jardins chemins

drsquoaccegraves parking) sont soigneacutes et encore une fois consideacutereacutes comme appropriables par les

habitants Lrsquoexpeacuterience bagnolaise montre bien qursquoun processus de deacutegradation symbolique de

quartiers de grands ensembles peut srsquoenclencher en raison notamment de lrsquoaccroissement de la

preacutecariteacute au sein de leur peuplement mecircme si les aspects formels et urbains (mixiteacute

fonctionnelle) ne sont pas agrave lrsquoorigine du rejet social Cependant les qualiteacutes mateacuterielles et

physiques restent de certainement moindre valeur en comparaison avec les autres espaces

reacutesidentiels de la commune qui srsquooffrent aux classes moyennes et supeacuterieures ainsi qursquoaux

cateacutegories plus modestes mais stables qui sont inscrits dans une dynamique urbaine globale

positive sur le plan du travail En effet agrave Bagnols lrsquoindustrie et lrsquoenseignement techniques et

industriels assurent lrsquointeacutegration des jeunes et attirent encore des migrants (Roques 2004) En

fait six secteurs en deacuteclin social urbain ont eacuteteacute identifieacutes par les acteurs locaux de la politique de

la ville (Ville de Bagnols-sur-Cegraveze 2007)

268

Drsquoabord le quartier des Escanaux de Candilis principal secteur de la geacuteographie prioritaire de

la Ville Il est classeacute en ZUS depuis deacutecembre 1996 avec le quartier de la Citadelle puis celui de

Coronelle (cf infra) Les 1 250 logements sociaux (3 174 habitants en 1999) repreacutesentent 47

du parc social bagnolais Le taux de chocircmage atteint au milieu des anneacutees 2000 38 des actifs

et 40 pour les moins de 25 ans les non-diplocircmeacutes y repreacutesentent 47 Par ailleurs 38 des

habitants sont des personnes isoleacutees et 22 des familles sont monoparentales La population

eacutetrangegravere y repreacutesente 24 contre 8 pour lrsquoensemble de la ville Malgreacute les eacutequipements

culturels sportifs scolaires et administratifs et les nombreux commerces de proximiteacute les

laquo probleacutematiques raquo de grand ensemble y sont bien identifieacutees une cohabitation parfois difficile

entre les geacuteneacuterations (tensions et conflits de voisinage) des deacuteseacutequilibres sociaux ou ethniques

qui pegravesent sur la vie sociale en conseacutequence drsquoune politique de peuplement peu concerteacutee des

deacutegradations nombreuses dans les halls drsquoimmeubles une faible participation des habitants aux

reacuteunions de quartiers et un manque drsquoassociations une peacutenurie de locaux collectifs et enfin

signe devenue symptomatique lrsquoinciviliteacute de la part de jeunes qui se rassemblent de jour comme

de nuit agrave certains endroits du quartier

Le second secteur est celui des Cegravedres situeacute agrave lrsquoentreacutee sud de la ville Il preacutesente un mecircme

problegraveme de concentration de meacutenages en difficulteacutes socio-eacuteconomiques avec une certaine

surpopulation reacuteveacutelatrice de la difficulteacute des meacutenages agrave trouver des logements adapteacutes agrave leur

taille et de la situation drsquoenfants non suffisamment inseacutereacutee pour acceacuteder au logement

indeacutependant Bien que le bacircti (logements et parties communes) ait fait lrsquoobjet drsquoune reacutenovation

en 1990 et drsquoune opeacuteration drsquoameacutelioration de la qualiteacute de service en 2003 une eacutetude preacutealable agrave

la deacutemolition partielle de ce groupe drsquoimmeubles a eacuteteacute engageacutee en tant qursquolaquo opeacuteration

drsquoinvestissement ANRU isoleacutee raquo

Le troisiegraveme secteur est le quartier de la Citadelle qui comprend 370 logements sociaux au sud

de la ville et qui fait partie du nouveau peacuterimegravetre de la ZUS depuis 2007 Il est proche de deux

grands centres commerciaux La population y est majoritairement issue de lrsquoimmigration et

vieillissante Lrsquoabsence drsquoassociations de quartier et la faible participation des habitants aux

reacuteunions de quartier reacutevegravelent un fort repli social et un deacutefaut drsquointeacutegration sociale Lrsquointervention

urbaine preacutevue a eacuteteacute la reacutealisation de deux opeacuterations drsquoaccession agrave la proprieacuteteacute pour introduire

de la mixiteacute sociale Au nord de ce quartier de la Citadelle se trouve le quatriegraveme secteur en

deacuteclin le quartier de la Coronelle laquo micro-quartier raquo de 20 logements individuels et drsquoun

269

immeuble collectif de 48 logements soit 290 personnes en 1999 Il a eacuteteacute reacutehabiliteacute en 1989 Il

fait aussi partie depuis 2007 de la ZUS La population est essentiellement issue de

lrsquoimmigration et 45 ont moins de 20 ans Ses laquo probleacutematiques raquo sont la veacutetusteacute des pavillons

les deacutegradations de lrsquoimmeuble collectif et lrsquoabsence drsquoaires de jeux pour les enfants et

drsquoespaces verts Le bailleur Habitat du Gard y preacutevoit la deacutemolition des logements individuels et

la reconstruction de logements individuels et collectifs en tant qursquolaquo opeacuteration ANRU isoleacutee raquo

Le cinquiegraveme secteur est agrave lrsquoouest de la ville le quartier Vigan-Braquet il compte 600

logements sociaux avec des tours et des reacutesidences comprenant pregraves de 2 200 personnes

concentreacutees sur lrsquoavenue du mecircme nom agrave cocircteacute drsquoune zone pavillonnaire Malgreacute la preacutesence de

nombreux eacutequipements sportifs et commerces de proximiteacute et les opeacuterations drsquoameacutelioration de

lrsquohabitat et de la qualiteacute de services il est constateacute une augmentation du nombre de familles

monoparentales et de familles en situation preacutecaire peu de mouvements de population dans les

logements sociaux une augmentation des impayeacutes de loyers et une cohabitation parfois

difficile entre les geacuteneacuterations Ici malgreacute lrsquoabsence drsquoassociation de locataires un centre social

municipal favorise une implication des habitants jugeacutee forte Il est aussi observeacute que la

deacutelinquance sur le secteur est stable (20 de la deacutelinquance de la commune) et les deacutegradations

se concentrent autour de lrsquoeacutecole Ce quartier nrsquoeacutechappe pas aux regroupements reacutepeacuteteacutes de

certains jeunes dans certaines parties de lrsquoespace

Un dernier secteur traiteacute deacutenommeacute laquo centre-ville raquo composeacute de nombreux commerces

eacutequipements et logements individuels et collectifs dont une centaine de logements sociaux

concerne environ 2 200 habitants La population y est consideacutereacutee comme vieillissante La

probleacutematique principale concerne lrsquoinadaptation de lrsquohabitat puisqursquoil y est releveacute une forte

vacance de logements dans le parc priveacute au milieu des anneacutees 2000 (20 ) en raison de

lrsquoinadeacutequation de lrsquooffre par rapport agrave la demande (demande de villas et de grands appartements

contre disponibiliteacute de petits appartements) Par ailleurs la rotation dans les logements sociaux

est faible ce qui obstrue lrsquoaccegraves au logement des populations les plus fragiles

Avec des qualiteacutes physiques et mateacuterielles tregraves diffeacuterentes de ces programmes et parfois jugeacutees

bonnes agrave lrsquoorigine ces constats et les diffeacuterentes mesures socio-urbaines indiquent une

geacuteneacuteralisation pour une grande partie des secteurs de grands ensembles des pheacutenomegravenes de

deacutegradation des situations eacuteconomiques et sociales des habitants des espaces mateacuterielles et des

conduites et des rapports sociaux locaux Une convention de gestion urbaine de proximiteacute (GUP)

270

est engageacutee pour ameacuteliorer les conditions drsquohabitat dans tous ces lieux (Ville de Bagnols-sur-

Cegraveze 2007) elle vise agrave inciter la preacutesence des services municipaux sur ces quartiers et lrsquoaction

des associations locales et des habitants Contre les inciviliteacutes la Ville a en outre mis en place un

service drsquoeacutecoute et de meacutediation (depuis juin 2005) et a preacutevu un projet drsquo laquo insertion par le

sport raquo avec le centre social municipal

Ces mesures reacutevegravelent lrsquoengagement de la Ville dans un processus drsquointervention globale et

qualitative tentant de contrer les divers pheacutenomegravenes et problegravemes sociaux de deacuteclin qui se sont

deacuteveloppeacutes dans son espace Il faut ici noter que cette dynamique de crise apparaicirct avec une

croissance deacutemographique un peu comme le montre Pierrelatte (cf supra) Les donneacutees sur

lrsquoeacutevolution annuelle du nombre de reacutesidences principales indiquent qursquoune politique de

construction de logements progressif et continue est agrave lrsquoœuvre (chapitre VI infra) malgreacute

lrsquoaffirmation des autoriteacutes drsquoune faible attractiviteacute reacutesidentielle Il est alors possible de penser

que le peuplement continu en cours concerne davantage des meacutenages en difficulteacutes selon un

processus drsquoentassement des plus pauvres dans les espaces deacutevaloriseacutes Car sans ameacutelioration de

la situation sociale et drsquoemploi des habitants actuels des grands ensembles de Bagnols il est

difficile de saisir alors comment une politique de hausse du parc de logement et de la population

totale pourrait assurer le deacuteveloppement sociale de la ville

F- Une grande laquo Ville nouvelle raquo entre deux villages proche drsquoune grande ville Rillieux-la-

Pape (Rhocircne)

Rillieux-la-Pape 1448 kmsup2 (1 448 ha) et 29 578 habitants en 2008 est une commune du Rhocircne

situeacutee en bordure du deacutepartement et agrave la peacuteripheacuterie nord-est de la Communauteacute Urbaine de Lyon

(COURLY ou Grand Lyon creacuteeacutee en 1969 avec 58 communes et 1 266 059 habitants en 2008

de 52 715 ha ou 52715 kmsup2) La commune dont la limite sud nrsquoest situeacutee qursquoagrave 6 km de lrsquoHocirctel

de Ville de Lyon (Pelletier Delfante 2004) preacutesente cependant un certain isolement

geacuteographique qui srsquoil peut ecirctre perccedilu comme un atout en termes drsquoenvironnement reacutesidentiel

est aussi consideacutereacute comme un handicap en termes de relation avec le centre de lrsquoagglomeacuteration

(Ville de Rillieux-la-Pape ANRU 2005) La preacutesence de lrsquoautoroute A46 nuance neacuteanmoins

cette caracteacuteristique et fait de la ville une entreacutee drsquoagglomeacuteration

271

Le territoire communal a une histoire qui concerne deux villages Rillieux et Creacutepieux seacutepareacutes

en 1927 avec le deacuteveloppement de Creacutepieux et reacuteunis en 1972 par souci de coheacuterence territoriale

avec le deacuteveloppement de lrsquoagglomeacuteration locale acceacuteleacutereacute par la construction de la Ville nouvelle

entre 1958 et 1974 lieacute agrave lrsquoagglomeacuteration lyonnaise de maniegravere de plus en plus nette88

Commune de Rillieux-la-Pape

88 Jusqursquoen 1967 les deux communes faisaient partie du deacutepartement de lrsquoAin le changement eacutetant lieacute agrave la creacuteation de la communauteacute urbaine de Lyon et de son appartenance agrave lrsquoagglomeacuteration en deacuteveloppement qursquoelle recouvrait

272

Ayant connu les Celtes entre 1 300 et 700 avant notre egravere puis les romains en guerre contre les

Helvegravetes (Rilliacum vient de laquo rilla raquo en bas latin signifiant la piste la voie romaine antique) le

territoire appartient par la suite agrave la premiegravere province lyonnaise (Ville de Rillieux-la-Pape

2011) Au Xe siegravecle suite aux pillages des sarrasins et des Ongres (Hongrois) un prieureacute est

formeacute agrave Rillieu89 A partir du XVe siegravecle le pays rentre dans deux siegravecles de guerres entre les

sires de Beaujeu lrsquoArchevecircque de Lyon le dauphin de Viennois et les comtes de Savoie et de

Genegraveve La citeacute deacutepend toujours de lrsquoIsle Barbe et du Franc Lyonnais au plan eccleacutesiastique mais

devient une seigneurie particuliegravere au XVIIIe siegravecle allant de Saint-Maurice de Beynost agrave Lyon

dans le pays de Bresse

Sous la Reacutevolution la vie quotidienne agrave Rillieu est agrave lrsquoimage de nombreuses autres communes de

France domineacutee par les frictions entre la population et les anciens nobles et membres du clergeacute

(un domaine qui sera confisqueacute Vassieux et qui formera un quartier de la ville appartenait deacutejagrave

aux hospices de Lyon) La deacutelimitation de Rillieu qui se trouve alors dans lrsquoAin avec Caluire est

discuteacutee de 1790 agrave 1795 En 1793 en pleine reacutevolte lyonnaise contre sa municipaliteacute reacuteprimeacutee

par la Terreur reacutepublicaine 74 000 hommes formant les troupes reacutepublicaines affluent dans la

reacutegion dont 9 000 soldats posteacutes aux alentours de Caluire et Rillieux En 1813 et 1814 Rillieux90

fait partie du territoire des batailles napoleacuteoniennes contre les troupes autrichiennes (3 000

hommes posteacutes agrave Miribel communes voisines pour occuper Lyon)

Agrave la fin du XIXe siegravecle sur une grande partie de son territoire actuel (un tiers de sa superficie)

un fort de la ceinture deacutefensive de Lyon fut construit constituant le quartier Vancia rattacheacute agrave la

commune en 1968 Une autre partie de la commune a eacuteteacute agrave la base du deacuteveloppement urbain

moderne de la ville le domaine de la Roue du seigneur du mecircme nom depuis au moins 1700

comprenant des terres agricoles une ferme un grand parc une eacutecurie et des remises (25 ha) En

1900 le domaine est racheteacute par un neacutegociant en soieries qui le reconstruit agrave son goucirct puis apregraves

un temps drsquoinoccupation la proprieacuteteacute est acquise en 1956 par une socieacuteteacute de construction la

maison bourgeoise ou chacircteau (Bouvry 1982) fucirct raseacutee et en raison du choix de ce territoire

pour le deacuteveloppement industriel de Lyon des lotissements drsquoimmeubles collectifs et de maisons

individuelles y furent construits Il comptait pregraves de 430 logements avec un centre commercial

89 Un prieureacute est une ferme dirigeacutee par un ou des religieux avec comme objectif de revivifier les campagnes soumises aux invasions barbares et aux guerres (celles des Hongrois ou Ongres au Xe siegravecle en particulier) sources drsquoeacutepideacutemies et de famines 90 Le laquo x raquo agrave la fin de Rillieu et de Creacutepieu apparaicirct agrave la Reacutevolution

273

et un centre social formant le premier quartier moderne de la commune la citeacute de la Roue Elle

visait agrave loger le personnel de la zone industrielle constitueacutee peu avant sur la commune dans le

cadre du plan drsquoexternalisation des activiteacutes industrielles de Lyon Cette opeacuteration a preacutefigureacute agrave

la constitution de la grande ZUP qui suivra instantaneacutement et qui constitua un saut quantitatif

plus eacuteleveacute encore pour le deacuteveloppement deacutemographique et urbain de la ville

En effet lrsquoeacuteloignement relatif du territoire par rapport agrave lrsquoagglomeacuteration lyonnaise a motiveacute dans

les anneacutees 1950 la creacuteation drsquoune premiegravere zone industrielle sur la commune (Lojkine 1974)

Les terrains eacutetaient bon marcheacute et extensibles pour les entreprises ce qui permettait de desserrer

le centre de lrsquoagglomeacuteration lyonnaise La faible distance avec la ville pouvait servir autant au

deacuteplacement de la main drsquoœuvre qui travaillait en centre-ville qursquoau recrutement local une autre

main drsquoœuvre moins concentreacutee et laquo peu revendicative raquo par son eacuteloignement du centre de

lrsquoagglomeacuteration

Pour accroicirctre la population communale la Ville entrepricirct avec lrsquoOffice public deacutepartemental des

HLM (OPDHLM) la Socieacuteteacute drsquoeacuteconomie mixte de construction du deacutepartement de lrsquoAin

(SEMCODA) et la Coopeacuterative deacutepartementale drsquoHLM de creacuteer en 1957 ce premier nouveau

quartier celui de la Roue agrave la place du domaine et de son chacircteau preacuteexistant en 1958 ces

logements sont construits dans dix bacirctiments collectifs agrave usage locatif (petites barres de 5

eacutetages) et 140 pavillons en accession agrave la proprieacuteteacute avec jardin situeacutes au centre du demi-cercle

formeacute par les barres Un centre commercial et un centre social sont associeacutes agrave lrsquoopeacuteration

La production de ce quartier a eacuteteacute un test positif pour la grande ZUP lanceacutee la mecircme anneacutee Il

marque deacutejagrave une certaine moderniteacute conceptuelle puisque se revendiquant explicitement de la

critique urbaine agrave lrsquoencontre de lrsquourbanisme des laquo citeacutes-casernes raquo dont les masses gigantesques

des eacutedifices tendraient agrave eacutecraser les individus agrave leur faire perdre contact avec la multitude des

co-habitants et au sein de laquelle ils srsquoinstalleraient dans lrsquoennui drsquoune ville sans agreacutement

distraction et verdure (Bouvry 1982 p 228)

Il est en effet surprenant de rencontrer lrsquoaffirmation drsquoune rupture aussi nette dans cette

deuxiegraveme moitieacute des anneacutees 1950 alors que le mouvement drsquoopinion sociale et scientifique de

rejet de ces nouveaux cadres reacutesidentiels ne srsquoest deacuteveloppeacute lors de la premiegravere peacuteriode de leur

construction (1951-1957) que progressivement de maniegravere parallegravele avec le sentiment contraire

de leur attrait (Vadelorge 2006 Kaeumls 1963) Lrsquoaspect totalement anarchique de cette premiegravere

peacuteriode de production sur le plan du pilotage des contenus et des modaliteacutes opeacuterationnels

274

(Peillon 2001) avait drsquoailleurs pu contribuer au manque de netteteacute de leurs effets Crsquoest agrave partir

drsquoune succession de premiers grands programmes dans la deuxiegraveme moitieacute des anneacutees 1950 que

les critiques se sont geacuteneacuteraliseacutees au deacutebut des anneacutees 1960 agrave lrsquoencontre des responsables

eacutetatiques des politiques urbaines (Fourcaut 2006)

Pour lrsquoopeacuteration Rillieux-Creacutepieux la creacuteation de la ZUP de 130 ha en 1958 au sud du bourg de

Rillieux sur un grand plateau naturel proceacutedera de cette logique de construction drsquoune laquo Ville

nouvelle raquo selon lrsquoappellation de ses promoteurs Ce projet drsquoensemble est destineacute agrave lrsquointention

de couches modestes et moyennes de lrsquoagglomeacuteration lyonnaise en extension suivant lrsquoextension

des zones drsquoactiviteacutes de celle-ci La reacutealisation du grand ensemble fut affectivement associeacutee agrave

trois zones drsquoactiviteacutes Merciegraveres Industrie Marronniers apregraves la gare de Sathonay-Rillieux

Seuls deux quartiers Alagniers et Velette eacutetaient agrave vocation unique de logements locatifs

implanteacutees loin du centre drsquoagglomeacuteration et pregraves de nouvelles zones industrielles

Crsquoest le quatriegraveme grand ensemble de lrsquoagglomeacuteration lyonnaise 5 500 agrave 6 000 logements pour

pregraves de 20 000 habitants eacutetaient preacutevus avec un centre administratif et commercial complet

mais aussi un marcheacute public un centre social un centre de seacutecuriteacute sociale un dispensaire

drsquohygiegravene sociale un centre de Protection maternelle et infantile une maison des jeunes et de la

culture (MJC) une eacuteglise principale et un parc des sports (Bouvry 1982 Darniegravere 2002) En

1962 un arrecircteacute preacutefectoral signe la creacuteation drsquoun syndicat intercommunal agrave vocation multiple

(SIVOM) ayant comme objet de reacutealiser et de geacuterer les eacutequipements de la ZUP Ceux-ci sont

creacuteeacutes au fil des constructions piloteacutees par la Socieacuteteacute drsquoeacutequipement du deacutepartement de lrsquoAin

(SEDA) ayant eacuteteacute autoriseacutee par cet arrecircteacute de 1962 agrave acqueacuterir les immeubles bacirctis et non bacirctis

dans cette ZUP sur une superficie de 120 ha Parmi les maicirctres drsquoœuvre figurent aussi la Socieacuteteacute

drsquoeacuteconomie mixte de construction du deacutepartement lrsquoOffice deacutepartemental drsquoHLM la

coopeacuterative de construction et le Creacutedit immobilier

La ZUP devait avoir un caractegravere urbain avec ce centre agrave lrsquoossature plus serreacutee et aux

eacutequipements plus denses Le plan masse organiseacute autour drsquoun axe sinueux nord-sud assez banal

(Pelletier Delfante 2004) se compose de cinq icirclots de pregraves de 1 000 logements formeacutes par des

immeubles sous forme de barre de 300 agrave 900 logements disposeacutes de maniegravere variable en parallegravele

et en perpendiculaire avec parfois une tour agrave lrsquointeacuterieur Les icirclots paraissent assez fermeacutes du fait

de la jonction de certains immeubles agrave leur bout formant des angles et des cours inteacuterieurs

275

Des centres commerciaux inteacutegreacutes dans chacun drsquoeux et les groupes scolaires eacuteleacutementaires

renforcent cet effet de fonctionnement collectif seacutepareacute Surtout selon leur emplacement

geacuteographique une diffeacuterenciation de statut de lrsquohabitat srsquoest eacutetablie en suivant la qualiteacute

environnementale de lrsquoespace aux terrains nord du plateau de moindre inteacuterecirct affecteacutes au

secteur social srsquoopposent les terrains sud sur lesquels ont eacuteteacute bacircties des constructions priveacutees

drsquoaccession agrave la proprieacuteteacute situeacutes sur le balcon dominant la valleacutee du Rhocircne autour du ravin de

Castellane avec des plages Globalement la Ville nouvelle paraicirct aeacutereacutee avec de larges avenues et

des immeubles agrave distance plus longue hors centre ville et un grand nombre drsquoespaces verts et de

zones fleuries La construction totale a dureacute pregraves de vingt ans jusqursquoen 1974

Vues du grand ensemble laquo Ville nouvelle raquo en peacuteriode de construction dans la ZUP au nord de Rillieux-la-Pape (Maurice 2010)

Somme toute comme la plupart des grands ensembles cet ensemble urbain nrsquoa pas eacutechappeacute aux

belles promesses jamais tenues en termes drsquoameacutenagement et drsquoeacutequipement (Pelletier Delfante

2004) les jardins privatifs en pied drsquoimmeubles justifiant les hauts immeubles nrsquoont pas ou

276

prou eacuteteacute reacutealiseacutes et le plan masse produit drsquoeacutetudes drsquourbanisme preacuteceacutedentes limiteacutees traduit

une recherche drsquoeacuteconomie domineacutee par le souci de creacuteer un tissu urbain homogegravene et coheacuterent

vu de haut les eacutequipements imposeacutes par les critegraveres quantitatifs (eacutecole collegraveges centres

sociaux commerceshellip) ont eacuteteacute eux aussi malgreacute les reacutealisations indiqueacutees limiteacutes dans leur

application

La commune est de ce fait composeacutee de trois secteurs drsquoune mecircme agglomeacuteration drsquoune part

les deux villages Rillieux et Creacutepieux relieacutes par la citeacute de La Roue et la Ville nouvelle qui a

paracheveacute la continuiteacute urbaine entre les deux villages anciens Cette derniegravere par son eacutechelle et

sa morphologie continue au deacutebut des anneacutees 2000 agrave constitueacute un laquo monde agrave part raquo (Ville de

Rillieux-la-Pape ANRU 2005) Car la ville a une identiteacute rurale sur laquelle srsquoest deacuteveloppeacutee

les grands immeubles et lrsquohabitat individuel non sans dispariteacutes geacuteographiques architecturales et

culturelles (Deacuteleacutegation agrave lrsquoArchitecture et agrave la Construction 1980)

Au nord entre le quartier de la Roue et la Ville nouvelle les deux secteurs drsquoensemble

drsquoimmeubles collectifs srsquoeacutetendent les zones maraicircchegraveres des Merciegraveres Au sud crsquoest le

royaume de lrsquoeau et la partie nord de la grande icircle de la Pape qui fait partie du territoire

communal (reacuteserve naturelle avec espegraveces proteacutegeacutees inaccessible au public) A lrsquoest un parc

drsquoagreacutement (de Sermenaz) srsquoeacutetale sur cent hectares Enfin les trois quartiers Creacutepieux le

Village et Vancia offrent la physionomie la plus pittoresque de la ville avec des sites anciens

typiques rues eacutetroites vieilles maisons fermes agrave cour fermeacutee

Si la ZUP ne couvre que 9 de la superficie communale 60 de la population communale y

reacuteside en 2006 pour pregraves de 55 du parc total de logements de la ville (Ville de Rillieux-la-

Pape 2007) dont une forte population issue de lrsquoimmigration (75 nationaliteacutes se cocirctoient agrave

Rillieux-la-Pape) Mais crsquoest surtout la concentration de meacutenages en difficulteacutes sociales et

eacuteconomiques qui contribue au deacuteveloppement drsquoune ambiance urbaine de deacuteteacuterioration des

comportements et des relations sociales (Secreacutetariat geacuteneacuteral du Comiteacute interministeacuteriel des

Villes 2010) en 1999 avec un chocircmage plutocirct eacuteleveacute agrave 191 dans un contexte local deacutejagrave

difficile (151 pour la commune globalement ainsi que pour lrsquouniteacute urbaine de Lyon) le taux

de familles monoparentales de 235 est non seulement plus important que les taux de la

commune (185 ) et de lrsquoagglomeacuteration lyonnaise (161 ) mais aussi que la moyenne des

ZUS du deacutepartement (215 ) et de celle des ZUS de la reacutegion (218 )

277

Agrave partir de donneacutees provenant de diverses sources administratives (Ville de Rillieux-la-Pape

2007) si le pouvoir drsquoachat disponible moyen semble bien avoir progresseacute jusqursquoau milieu des

anneacutees 2000 au total lrsquoeacutecart entre le niveau moyen de la commune et celui des autres villes du

deacutepartement srsquoest aggraveacute En 2004 les foyers fiscaux disposant drsquoun revenu infeacuterieur agrave 7 500 euro

repreacutesentent 305 du total communal contre 25 pour la moyenne drsquoensemble des communes

du deacutepartement et 289 pour la moyenne nationale (entre 2000 et 2004 le nombre de foyers

non imposeacutes connaicirct une augmentation de 11 8 )

Du fait drsquoune certaine lenteur de sa construction par rapport aux trois autres grands ensembles de

lrsquoagglomeacuteration lyonnaise les difficulteacutes sociales semblent ecirctre apparues avec un certain

deacutecalage par rapport agrave eux En outre sa situation sur le plateau nord sur les terres agricoles de la

Dombes (lieacutees au deacutepartement de lAin) est bien diffeacuterente de Veacutenissieux et Vaulx-en-Velin

appartenant agrave la plaine de lest Lyonnais agrave tradition industrielle Elle diffegravere eacutegalement de la

construction de La Duchegravere dont la continuiteacute urbaine avec Vaise (Lyon 9egraveme) donne un contexte

tregraves diffeacuterent

Suite aux premiegraveres expeacuteriences de Grand Projet Urbain agrave Veacutenissieux et Vaulx-en-Velin dans les

anneacutees 1990 Rillieux-la-Pape srsquoest donc eacutegalement engageacutee avec Lyon dans un Grand Projet de

Ville deacutebuteacute dans le cadre du Contrat de Ville 2000-2006 poursuivi par la convention 2005-2010

avec lrsquoANRU et le Contrat Urbain de Coheacutesion Sociale 2007-2009 Le quartier de La Roue y est

aussi cibleacute ainsi qursquoune autre petite partie de la Ville nouvelle qui nrsquoeacutetait pas comprise dans le

premier peacuterimeacutetrage de la ZUS en 1996 Avec les trois autres grands ensembles de

lrsquoagglomeacuteration compris dans le Grand projet de Ville91 (Vaulx-en-Velin Veacutenissieux et Lyon-

La Duchegravere) des caracteacuteristiques communes drsquoeacutevolution sociale et urbaine ont eacuteteacute observeacutees

drsquoabord une baisse deacutemographique de 7 agrave 12 entre les recensements de 1999 et 2006

deuxiegravemement des indicateurs sociaux supeacuterieurs de 10 agrave 15 points agrave la moyenne de

lrsquoagglomeacuteration lyonnaise (par exemple 14 agrave 187 de beacuteneacuteficiaires du RMI ex-RSA 27 agrave 40

drsquoallocataires de la CAF agrave bas revenus)

91 Les quatre sites retenus au titre du Grand projet de ville srsquoinscrivent dans les conventions drsquoapplication communales du contrat de ville cadre de lrsquoagglomeacuteration lyonnaise Parmi les objectifs geacuteneacuteraux deacutefinis en termes drsquohabitat et drsquourbanisme de deacuteplacement et de deacuteveloppement eacuteconomique on constate lrsquoabsence de la formation et de la qualification domaine essentiel dans le champ de lrsquointeacutegration sociale Ainsi la porteacutee sociale drsquoun tel dispositif drsquoaction sera tregraves certainement limiteacutee dans ce cas

278

Ensuite si la situation de lrsquoemploi a pu parfois nettement srsquoameacuteliorer dans lrsquoagglomeacuteration (- 20

de chocircmage en un an dans les anneacutees 2000) elle reste difficile dans ces zones pour les

chocircmeurs de longue dureacutee en lien avec la concentration de population moins qualifieacutee Enfin ce

qui a contribueacute au deacuteveloppement de lrsquoaction agrave lrsquoeacutechelle de lrsquoagglomeacuteration les eacutevolutions

sociales et urbaines sont preacuteoccupantes selon le bilan du XIe plan (1994-1999) au chapitre des

interventions urbaines et sociales malgreacute des avanceacutees remarquables (reacutehabilitation de 70 du

parc HLM intervention en coproprieacuteteacutes requalification urbaine par les opeacuterations de Grand

projet urbain comportant des deacutemolitions) la vacance augmente dans les zones sensibles la

production de logements sociaux diminue dans le reste de lrsquoagglomeacuteration ce qui accroicirct les

deacuteseacutequilibres sociaux entre les territoires et lrsquoinseacutecuriteacute persiste

Carte du Grand projet de ville de la Communauteacute urbaine de Lyon

Agglomeacuteration de Lyon avec Rillieux-la-Pape au nord Vaux-en-Velin agrave lrsquoest Veacutenissieux au sud et La Duchegravere agrave lrsquoouest

Source Secreacutetariat geacuteneacuteral du Comiteacute interministeacuteriel des Villes (2010)

La Ville affiche drsquoailleurs comme objectif lrsquoeacutetablissement drsquoun cadre de vie plus adapteacute aux

attentes des habitants et aux eacutevolutions qualitatives des modes de vie (Ville de Rilleux-la-Pape

ANRU 2005 Ville de Rillieux-la-Pape 2007) Elle eacutevoque aussi la diversification de lrsquooffre de

logements entre autres par le renouvellement urbain afin de pouvoir appliquer laquo le concept de

279

parcours reacutesidentiel au sein de la commune raquo Plus globalement la Ville vise agrave mieux inteacutegrer le

grand ensemble de la Ville nouvelle au sein de la commune et du plateau nord de

lrsquoagglomeacuteration lyonnaise dont elle souhaite faire partie du pocircle de deacuteveloppement en relation

avec le regroupement de communes de la Cocirctiegravere situeacute dans le deacutepartement de lrsquoAin voisin

En fait Rillieux-la-Pape a progressivement beacuteneacuteficieacute pour son grand ensemble Ville nouvelle

(mais aussi pour la citeacute de la Roue dans une moindre part) au cours des dix derniegraveres anneacutees et

en geacuteneacuteral agrave sa demande de la plupart des dispositifs creacuteeacutes dans le cadre de la politique de la

ville ou des politiques partenariales voisines Ainsi la Ville nouvelle a eacuteteacute drsquoabord classeacutee en

zone urbaine sensible et en zone franche urbaine non sans lien avec les questions seacutecuritaires

qui ont agiteacute la ville dans les anneacutees 1990 puis en Reacuteseau drsquoeacuteducation prioritaire (RER) par le

ministegravere de lrsquoEacuteducation nationale La commune beacuteneacuteficie drsquoun Contrat eacuteducatif local drsquoun

Programme de reacuteussite eacuteducative (PRE) drsquoun Contrat local de seacutecuriteacute drsquoune convention de

Gestion sociale et urbaine de proximiteacute (GSUP) drsquoun Contrat enfance jeunesse (avec la Caisse

dallocations familiales)

Dans le cadre du projet de reacutenovation urbaine en plus de multiples opeacuterations drsquoameacutenagement

de restructuration et de requalification des espaces et voieries avec la construction

drsquoeacutequipements divers il est preacutevu dans la partie renouvellementreacutenovation urbaine de ces

conventions les eacuteleacutements suivants la deacutemolition de pregraves de 200 logements entre 200 et 250

logements construits et la reacutehabilitation de pregraves de 1 000 logements Par rapport aux autres sites

de lrsquoagglomeacuteration lyonnaise crsquoest le plus petit niveau de volume drsquoopeacuterations en uniteacutes de

logement Agrave terme lrsquoobjectif est de constituer Rillieux-la-Pape et sa Ville nouvelle comme pocircle

de deacuteveloppement du nord-est de lrsquoagglomeacuteration

Ce dynamisme territorial est programmeacute essentiellement par le biais eacuteconomique et de lrsquourbain

au sens de lrsquoameacutenagement spatial qui complegravete lrsquoaction sur lrsquoeacuteducation et la gestion urbaine

eacutevoqueacutee plus haut Il srsquoagit de susciter une meilleure image de la ville et un plus grand deacutesir chez

les cateacutegories moyennes de reacutesider agrave Rillieux drsquoabord il est rechercheacute une centraliteacute forte entre

le principal centre commercial de BottetVerchegraveres et le bourg de Rillieux (reacutefection du centre et

des galeries commerciales et maillage reliant les deux espaces) associeacute agrave une centraliteacute de

quartier agrave la Velette censeacutee favoriser une meilleure inteacutegration de la ville nouvelle dans

lrsquoagglomeacuteration rilliarde ensuite le champ eacuteducatif nrsquoest abordeacute que par lrsquointervention physique

sur un des deux collegraveges (Maria Casaregraves) et la MJC et enfin il est preacutevu la reacutesidentialisation

280

drsquoun quartier celui des Semailles (recomposition de son espace reacutesidentiel entre le groupe

scolaire le square et lrsquoavenue drsquoEurope ainsi qursquoun chemin qui le traverse) avec la densification

urbaine drsquoun autre quartier (Sermenaz) ougrave un parc drsquoactiviteacutes y est implanteacute en creacuteant un deacutebut

de nouveau quartier (les Balcons de Sermenaz) et en ameacutenageant un parc qui en fait part (Les

Balmes)

Ainsi cet eacutechantillon de communes de grands ensembles preacutesente indeacutependamment mecircme des

contextes geacuteographiques sociaux et drsquohabitat voire drsquourbanisme de chaque site une gamme

assez large de caracteacuteristiques de constructions reacutealiseacutees toujours selon les mecircmes objectifs de

loger et drsquooffrir un cadre urbain agrave des contingents de main drsquoœuvre attendus en raison du

deacuteveloppement drsquoune industrie importante dans le secteur concerneacute Les formes produites par ces

caracteacuteristiques particuliegraveres de construction sont sur chaque site particuliegraveres dans leur

interaction avec celui-ci laquo grand quartier raquo ou plusieurs quartiers inseacutereacutes dans une petite ville en

croissance ou encore grande citeacute ou laquo Ville nouvelle raquo grande ou petite agrave distance des villes

ou en peacuteripheacuterie drsquoune grande ville et coupeacutee ou non du village originel

Comme cela a eacuteteacute abordeacute pour chaque commune il apparaicirct que malgreacute cette diversiteacute formelle

et de contexte de construction il se trouve dans chaque cas le deacuteveloppement de pheacutenomegravenes

similaires relatifs agrave des problegravemes sociaux ou publics engendrant par eux-mecircmes des reacuteactions

et des interventions institutionnelles en termes drsquoameacutenagement urbain drsquoaction sur le bacircti et

drsquoaction sociale Elles tentent drsquoenrayer les aspects qui paraissent relever drsquoun mecircme processus

par leur concomitance deacutecrochage eacuteconomique et paupeacuterisation des cateacutegories essentiellement

ouvriegraveres deacutepart des cateacutegories supeacuterieures voire moyennes et modestes stables ainsi que

deacuteveloppement de tensions relationnelles et de conduites transgressives et violentes de la part de

certains jeunes en particulier

Pour ecirctre plus preacutecis encore sur ces aspects sociaux en ce qui concerne tant la structure sociale

des populations actuelles de ces communes que leurs situations eacuteconomiques et les conduites

sociales qui srsquoy deacuteveloppent nous consacrons un chapitre de recherche agrave un examen comparatif

des donneacutees agrave ce sujet Il srsquoagit drsquoanalyser les aspects convergents et divergents de ces

diffeacuterentes situations urbaines rassembleacutees

281

Chapitre VI

La similitude des situations et des dynamiques sociales neacutegatives sous des formes varieacutees

Pour reacutealiser lrsquoanalyse comparative de ces communes y compris Les Ulis et de leurs eacutevolutions

avec des donneacutees restreintes et jusque dans la deuxiegraveme moitieacute des anneacutees 2000 deux

principales sources ont eacuteteacute utiliseacutees drsquoune part les diverses productions de lrsquoINSEE lieacutees aux

recensements reacutecolteacutees soit agrave la bibliothegraveque de lrsquoINSEE agrave Paris (fascicules des recensements de

1946 1954 et 1962) soit sur son site internet agrave la rubrique des statistiques locales et

communales exploitant les recensements jusqursquoen 2007 voire 2009 sur certains indicateurs (ont

eacuteteacute utiliseacutes les rubriques Tableaux deacutetailleacutes croisant localiteacutes et thegravemes et Dossiers theacutematiques

plus complets par localiteacute depuis 1949 ou 1968 jusqursquoen 2006) drsquoautre part le site internet du

Laboratoire de Deacutemographie historique de lrsquoEacutecole des hautes eacutetudes en sciences sociales

(EHESS) et du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) intituleacute laquo Des villages

Cassini aux communes drsquoaujourdrsquohui raquo92 sous la direction de Claude Motte et de Marie-

Christine Vouloir Cette derniegravere source regroupe un fonds de cartes anciennes (dites de Cassini)

et contemporaines ainsi que les donneacutees deacutemographiques des communes de France depuis 1793

issues des sources administratives anciennes et des recensements de lrsquoINSEE

Deux types de variables ont pu ecirctre rassembleacutes Les premiegraveres sont drsquoordre deacutemographique et

mateacuteriel les nombres drsquohabitants et de logements habiteacutes (reacutesidence principale) agrave chaque

recensement le solde annuel drsquoentreacutees et de sorties reacutesidentielles des villes (agrave partir de 1968)

les densiteacutes de population par logement (et par kmsup2) enfin la part de logements HLM dans le

parc total de logements Le second type de variables est drsquoordre social et eacuteconomique le niveau

de chocircmage parmi les actifs (depuis 1968) la part des foyers et des meacutenages imposeacutes (1999 et

2008) ainsi que les niveaux de revenus de lrsquoensemble des foyers en moyenne de ceux qui sont

imposeacutes et de ceux qui ne le sont pas

Que permettent de constater ces premiegraveres indications Cinq principales observations sont

deacuteveloppeacutees dans cette partie drsquoanalyse tout drsquoabord la modestie des revenus malgreacute leur

contraste qui situe les communes au-dessous du niveau moyen enregistreacute en France

92 Cf wwwcassiniehessfr

282

283

meacutetropolitaine lieacutee agrave des proportions importantes de faibles qualifications puis une

deacutecroissance deacutemographique post-construction des populations communales qui se manifeste

notamment lorsque le volume du grand ensemble par rapport agrave lrsquoagglomeacuteration preacuteexistante

deacutepasse un certain seuil par ailleurs en tant que facteurs explicatifs du point preacuteceacutedent un

double pheacutenomegravene de deacute-densification rapide des logements et de vieillissement de la population

qui tend agrave rapprocher la structure deacutemographique des communes de grands ensembles de la

moyenne franccedilaise en outre une population active plus fortement deacuteconnecteacutee du travail en

raison de profils ouvriers non qualifieacutes au chocircmage majoritaires ou drsquoemployeacutes et techniciens

plus qualifieacutes sous-employeacutes enfin une violence importante qui paraicirct deacutejagrave repeacutereacutee dans les

anneacutees 1990 et en croissance dans les anneacutees 2000 allant des inciviliteacutes aux tensions

relationnelles entre groupes sociaux en passant par son instrumentation pour des preacutedations et le

trafic de drogues

A- Des univers sociaux et urbains contrasteacutes mais modestes

Une premiegravere preacutesentation des communes a eacuteteacute eacutetablie sous forme de tableau (tableau 23 infra)

En 2008 les tailles de population varient entre 5 935 habitants pour Fareacutebersviller et 29 578 pour

Rillieux-la-Pape Mourenx (7 406 habitants) Behren-legraves-Forbach (8 514) et Pierrelatte (12 894)

constituent les trois autres petites communes de lrsquoeacutechantillon autour des 10 000 habitants

Bagnols-sur-Cegraveze (18 545) et Les Ulis (24 590) se situent au niveau intermeacutediaire et supeacuterieur

Comparativement agrave lrsquoensemble du territoire national franccedilais le niveau moyen de richesse des

populations (revenu net imposable moyen de lrsquoensemble des foyers) est indiqueacute ainsi que le taux

de chocircmage (selon lrsquoINSEE) de la population active des 15-64 ans et les meacutenages fiscaux

imposeacutes

284

Tableau 23 - Profil socio-deacutemographique des communes en 2008 et effets de la construction de leur grand ensemble (GE)

Les Ulis

(91) Fareacutebers-viller (57)

Behren-legraves-Forbach

(57)

Mourenx (64)

Rillieux-la-Pape (69)

Pierrelatte (26)

Bagnols-sur-Cegraveze (30)

France Meacutetropo-

litaine

Population totale 2008 24 590 5 935 8 514 7 406 29 578 12 893 18 506 62 134 866

Nbre Reacutesidences principales 2008

8 990 2 232 3 219 3 392 11 554 5 511 8 235 26 615 476

Revenu net imposable moyen de lrsquoensemble des foyers - 2008

20 786 euro 13 418 euro 13 073 euro 16 915 euro 21 924 euro 19 187 euro 18 981 euro 23 450 euro

chocircmage actifs 15-64 ans (INSEE)

114 (2008)

109 (1999)

282 (2008)

197 (1999)

256 (2008)

219 (1999)

197 (2008)

205 (1999)

153 (2008)

151 (1999)

168 (2008)

18 (1999)

164 (2008)

194 (1999)

111 (2008)

129 (1999)

Meacutenages fiscaux imposeacutes - 2008

615 287 273 451 518 404 474 558

Peacuteriode RGP de construction des GE

1968 - 1982 1954 - 1962 1954 - 1962 1954 - 1962 1962 - 1975 1962 - 1968 1954 - 1962

Population avant construction GE

0 600 524 218 6 465 4 252 5 546

Population apregraves construction GE

28 256 8 453 10 487 8 659 30 894 9 757 12 905

Evolution deacutemographique entre la population apregraves construction GE et 2008

- 13 - 298 - 188 - 145 - 43 + 321 + 434

HLM les reacutesidences principales en 1982

511 de 8 308 lgts

491 de 1 979 lgts

299 de 3 029 lgts

491 de 2 963 lgts

544 de 9 817 lgts

255 de 4 145 lgts

305 6 296 lgts

pop en ZUS et eacutevent en quartiers CUCS 2006

612 993 837 495 636 248 392

Source INSEE- Recensements et Donneacutees locales site internet inseefr et bibliothegraveque de lrsquoINSEE - Paris ZUS (zone urbaine sensible) et laquo quartiers CUCS raquo (contrat urbain de coheacutesion sociale) territoires drsquointervention publique population des laquo quartiers CUCS raquo population des seuls meacutenages (non compris les communauteacutes eacutetablissements peacutenitentiaires abris de fortune et habitations mobiles) selon les services fiscaux

Ce tableau preacutesente aussi les peacuteriodes intercensitaires de construction des grands ensembles les

niveaux de population en deacutebut et en fin de peacuteriode avec lrsquoeacutevolution deacutemographique constateacutee

depuis cette derniegravere jusqursquoen 2008 La part de logements HLM parmi les reacutesidences principales

en 1982 montre que les programmes ne se reacuteduisaient pas agrave des HLM exclusivement (Peillon

2001) Enfin lrsquoindication dans le tableau de la part de la population dans la geacuteographie prioritaire

des pouvoirs publics (ZUS et quartier des CUCS) en 2006 informe sur la non-concordance

automatique entre zone drsquohabitat deacutelimiteacutee pour les difficulteacutes sociales qui srsquoy manifeste et les

zones de logements HLM

Sur le plan des revenus imposables moyens de lrsquoensemble des foyers fiscaux en 2008 toutes les

communes sont en-dessous de la moyenne de la France meacutetropolitaine (23 450 euro) mais

preacutesentent une large reacutepartition allant de la leacutegegravere sous-moyennisation (Rillieux-la-Pape Les

Ulis Pierrelatte et Bagnols) agrave presque la moitieacute de la moyenne nationale (Fareacutebersviller et

Behren) suggeacuterant une pauvreteacute tregraves eacutetendue En effet pour ces deux derniegraveres communes les

revenus moyens sont de 13 418 euro pour Fareacutebersviller et de 13 073 euro pour Behren soit 57 et

557 du revenu moyen franccedilais En haut de la reacutepartition des revenus moyens Rillieux-la-Pape

ne srsquoeacuteloigne pas trop de la moyenne franccedilaise avec 21 924 euro soit un niveau agrave 935 de celle-ci

Les Ulis avec 20 786 euro se situe agrave 88 de ce niveau global moyen alors que pourtant la ville se

situe en reacutegion parisienne dont le niveau global des habitants est plus eacuteleveacute le revenu net

deacuteclareacute moyen est de 30 198 euro pour lrsquoIcircle-de-France et de 28 044 euro pour son deacutepartement

lrsquoEssonne

Ainsi sur ce seul plan eacuteconomique la population ulissienne si on la compare au territoire

reacutegional ce qui est davantage pertinent vu le niveau et le coucirct de vie globalement supeacuterieurs par

rapport au reste du territoire national se situe plus qursquoen-dessous de la position de sous-

moyenne deacutefinie agrave pregraves de 80 des revenus moyens indiqueacutee par Chauvel (1999) puisque le

revenu moyen ulissien est agrave 69 de celui de la reacutegion et agrave 74 de celui du deacutepartement Un

autre point de reacutefeacuterence atteste de ce niveau relativement bas des revenus de population les deux

communes qui lrsquoenvironnent directement et dont elle est le fruit Orsay et Bures-sur-Yvette

preacutesentent des niveaux tregraves supeacuterieurs agrave elle de pregraves du double respectivement 37 866 euro et

43 642 euro

285

Parmi les communes de lrsquoeacutechantillon deux autres communes non franciliennes srsquoinscrivent dans

cette position sous-moyenne par rapport au revenu moyen franccedilais Pierrelatte (18 945 euro agrave 82

) et Bagnols-sur-Cegraveze (18 580 euro 81 ) Mourenx avec 16 915 euro a une situation vis-agrave-vis de

lrsquoensemble du territoire national deacutejagrave plus basse (72 ) ce qui est proche des Ulis par rapport agrave

sa reacutegion Ces eacuteleacutements de richesse moyenne des populations des communes montrent qursquoelles se

situent toutes dans la partie infeacuterieure voire pour les communes mosellanes parmi les plus

pauvres des communes meacutetropolitaines Lrsquounivers social des communes de grands ensembles est

donc en majoriteacute ndash quasi-exclusivement - un univers modeste avec une certaine varieacuteteacute du bas agrave

la moitieacute de lrsquoeacutechelle socio-eacuteconomique

Un critegravere modifie leacutegegraverement ces eacuteleacutements de positionnement eacuteconomique des populations

communales Le taux des laquo meacutenages fiscaux raquo imposeacutes il srsquoattache non pas aux foyers fiscaux

mais aux laquo meacutenages fiscaux raquo et puisque chaque meacutenage recouvre un ou plusieurs foyers

fiscaux ce critegravere indique plus preacuteciseacutement le niveau de richesse des individus puisque lrsquoon

prend en compte les revenus de lrsquoensemble du meacutenage drsquoappartenance Aux Ulis il est agrave 615

soit particulariteacute dans lrsquoeacutechantillon plus qursquoau niveau national (558 ) Il faut certainement

reconnaicirctre lagrave encore un effet reacutegional que ce soit pour des conjoints non marieacutes ou pour des

cohabitants drsquoactifs de la mecircme famille ou non il y a certainement un effet du genre de vie

parisien qui associe mariage tardif des couples et tension sur le marcheacute du logement qui favorise

des cohabitations involontaires prolongeacutees entre enfants et parents et arrangeacutees entre amis ou

connaissances familiales ou non

En revanche dans les autres communes sauf agrave Rillieux-la-Pape (518 ) le taux est bien plus

faible qursquoau niveau national 474 et 451 pour Bagnols et pour Mourenx soit eacutegal ou

leacutegegraverement supeacuterieur agrave 80 du taux national 404 pour Pierrelatte fidegravele agrave sa position

intermeacutediaire dans lrsquoeacutechantillon (725 du taux national) et surtout les deux communes

mosellanes (287 pour Fareacutebersviller et 273 pour Behren) sont agrave la moitieacute du niveau

franccedilais (respectivement 49 et 515 )

En ce qui concerne les taux de chocircmage mesureacutes par le recensement de lrsquoINSEE pour 1999 et

pour 2008 lrsquoimage drsquounivers sociaux tregraves deacutegradeacutes sur le plan du travail est confirmeacutee Le

premier indicateur en est lrsquoensemble des niveaux de taux dans les communes de lrsquoeacutechantillon

assez largement supeacuterieurs agrave ceux de la France meacutetropolitaine (129 en 1999 et 111 en

286

2008) sauf pour Les Ulis (109 et 114 ) dont lrsquoeacutetude monographique de la premiegravere partie a

toute fois montreacute que ces taux ignoraient un autre ensemble drsquoactifs preacutecaires de pregraves de deux

fois supeacuterieur aux chocircmeurs officiels ce qui est peut-ecirctre une speacutecificiteacute de la reacutegion parisienne

qui serait agrave confirmer Quoiqursquoil en soit en 2008 les taux de chocircmage des communes de

lrsquoeacutechantillon hors Ulis varient entre 15 et 28 ce qui est pregraves du triple par rapport au taux

global franccedilais

Le second indicateur apparaicirct dans le sens de lrsquoeacutevolution des taux entre 1999 et 2008 Seules les

communes ayant une situation urbaine leacutegegraverement deacuteveloppeacutee avant lrsquoinstallation drsquoun grand

ensemble (Bagnols-sur-Cegraveze Pierrelatte) et notamment quand ce dernier ne constitue par un

volume trop disproportionneacute par rapport agrave la taille de lrsquoagglomeacuteration preacuteexistante connaissent

une ameacutelioration Celle-ci est ainsi parallegravele agrave lrsquoeacutevolution de la situation franccedilaise globale En

effet Bagnols-sur-Cegraveze affiche une deacutecrue de 194 agrave 164 et Pierrelatte de 18 agrave 168

Alors que les autres communes connaissent une situation soit stable leacutegegraverement croissante (de

151 agrave 153 pour Rillieux-la-Pape) ou deacutecroissante (de 205 agrave 197 pour Mourenx) soit

qui srsquoaccentue assez fortement comme pour les deux communes mosellanes avec de 219 agrave

256 pour Behren et surtout de 197 agrave 282 pour Fareacutebersviller

Les Ulis fait encore exception puisque les taux croissent mais de maniegravere modeacutereacutee (de 109 agrave

114 ) ce qui signifie certainement que les autres actifs preacutecaires non chocircmeurs officiels sont

aussi en croissance Un fait semble confirmer ce point si les actifs occupeacutes sont

proportionnellement plus nombreux que dans les autres communes (car le taux de chocircmage y est

plus bas) les foyers aux Ulis devraient donc avoir des revenus plus eacuteleveacutes en moyenne

qursquoailleurs Cela apparaicirct exact pour Pierrelatte et Bagnols mais pas pour Rillieux-la-Pape qui

pourtant agrave un taux de chocircmage plus eacuteleveacute que celui des Ulis On peut donc en deacuteduire qursquoaux

Ulis une part drsquoactifs non chocircmeurs officiels enregistre un faible niveau de revenus certainement

du fait de la preacutecariteacute socio-eacuteconomique veacutecue

Ainsi lrsquoeacutevolution croissante du chocircmage aux Ulis mecircme progressive (+ 15 point en une

deacutecennie soit une hausse de 138 ) montre une certaine convergence en cours avec les autres

communes de grand ensemble qui peuvent srsquoameacuteliorer leacutegegraverement ecirctre stable ou mecircme encore

que toutes les autres commues sauf Fareacutebersviller et Behren preacutesentent une baisse Ce qui non

seulement traduit une certaine homogeacuteneacuteiteacute des statuts socio-eacuteconomiques dans les

287

agglomeacuterations drsquoappartenance mais aussi pourrait laisser entrevoir agrave terme une

homogeacuteneacuteisation ou un rapprochement progressif des situations socio-eacuteconomiques des

populations des communes Mecircme si pour les deux communes mosellanes les hauts niveaux du

chocircmage en 1999 et 2006 et la forte hausse entre ces deux dates (+ 43 pour Fareacutebersviller +

169 pour Behren) signent une deacuterive socio-eacuteconomique notamment pour la premiegravere

Cette deacuterive qui paraicirct totale pour Fareacutebersviller est confirmeacutee par la deacutelimitation en 2006 de

lrsquoensemble de sa population en ZUS (993 ) Elle est suivie de pregraves par Berhen (837 ) et drsquoun

peu plus loin par Vaulx-en-Velin (745 ) La surprise vient de Rillieux-la-Pape et des Ulis dont

les populations ont des revenus moyens les plus eacuteleveacutes de lrsquoeacutechantillon mais une zone urbaine

sensible qui couvre des parts importantes de population plus de 60 (612 pour les Ulis et

629 pour Rillieux) Cette proportion est similaire agrave celle de la population en HLM aux Ulis

Ce qui laisse accroire que ces communes preacutesentent une certaine dispariteacute sociale entre des

entiteacutes socio-spatiales en difficulteacute en grande partie celle du parc HLM des grands ensembles

mais pas seulement et drsquoautres ougrave les reacutesidents sont en meilleure situation eacuteconomique et sociale

(parc priveacute du grand ensemble ou HLM construit apregraves le grand ensemble et de meilleure

qualiteacute) La deacutefinition drsquoun territoire drsquoaction publique prioritaire rend visible en quelque sorte

une tendance au fractionnement social interne des communes de classes moyennes

Cette vision converge pour Les Ulis tant avec le critegravere indiqueacute plus haut du taux des meacutenages

imposeacutes assez eacuteleveacute en 2008 (618 ) qursquoavec le taux approximatif de population active

preacutecaire ndash pregraves de 25 estimeacutee au deacutebut des anneacutees 2000 dans lrsquoeacutetude monographique

preacuteceacutedente Rillieux-la-Pape semblerait aussi preacutesenter cette configuration duale sur le plan des

revenus et des situations eacuteconomiques des habitants De leur cocircteacute les faibles taux de population

habitant dans les ZUS de Pierrelatte (248 ) et de Bagnols (32 2 ) ainsi que les faibles parts

de logements HLM en 1982 dans ces communes (255 et 355 ) confirment que leur chantier

construction des grands ensembles ne repreacutesentait qursquoune part certes importante mais pas

disproportionneacutee par rapport agrave leur agglomeacuteration preacuteexistante

Cet examen de donneacutees doit pourtant conduire agrave ecirctre prudent quant agrave lrsquointerpreacutetation des parts des

logements HLM dans les parcs totaux de logements Celles-ci ne sont pas systeacutematiquement

significatives des difficulteacutes socio-eacuteconomiques des populations puisque drsquoune part si les parts

de logements HLM dans les communes sont majoritairement proches de la moitieacute de leur parc

288

total de logements elles ne convergent pas neacutecessairement entre elles dans les difficulteacutes

preacutesenteacutees jusqursquoici (eg la situation eacuteconomique tregraves neacutegative agrave Fareacutebersviller) et que drsquoautre

part des proportions plus faibles de logements sociaux comme agrave Behren avec pregraves de 30 (299

) en 1982 peuvent ecirctre associeacutees agrave des situations extrecircmement fragiles proches de celle

Fareacutebersviller

En fait lrsquounivers social de faible niveau eacuteconomique des communes de grand ensemble avec de

grandes diffeacuterences entre elles dans la moitieacute infeacuterieure de lrsquoeacutechelle des revenus moyen de

population des communes srsquoexplique par la surrepreacutesentation de trois cateacutegories diffeacuterentes de

population dont la caracteacuteristique principale est le faible niveau de vie les familles

monoparentales les personnes actives peu ou pas qualifieacutees et enfin les personnes drsquoorigine

immigreacutee Les situations de pauvreteacute relative des niveaux de vie des individus de cette derniegravere

cateacutegorie srsquoexpliquant principalement par la faiblesse des niveaux de qualification de ceux-ci

Avec drsquoautres caracteacuteristiques eacutevoqueacutees dans lrsquoanalyse de maniegravere parfois compleacutementaire la

reacutepartition ineacutegale de ces trois principales cateacutegories de population contribue agrave rendre

heacuteteacuterogegravenes les populations sur les plans sociaux familiaux et culturels

Si la seacuteparation conjugale est le premier facteur drsquoentreacutee dans la pauvreteacute des familles et donc de

leurs membres (Maurin 2002) la forte proportion de familles monoparentales dans une

commune explique alors le niveau de vie reacuteduit de la partie de la population concerneacutee par cette

configuration familiale face aux charges de logement et de vie quotidienne avec des enfants Et

cela mecircme si le revenu moyen de lrsquoensemble des foyers se situe agrave un niveau pas trop eacuteloigneacute de la

moyenne nationale comme aux Ulis Dans ce sens il a eacuteteacute rajouteacute dans le tableau 24 ci-dessous

la part des couples avec enfants parmi les meacutenages afin de saisir un autre indicateur de la

dimension collective du niveau de vie il srsquoagit de compleacuteter lrsquoinformation sur les niveaux de

revenu deacuteclareacutes par les actifs de la ville

Dans ce tableau Les Ulis est drsquoailleurs la commune dans laquelle les taux de familles

monoparentales parmi les meacutenages et les familles sont les plus eacuteleveacutes de lrsquoeacutechantillon et lrsquoeacutecart

supeacuterieur par rapport agrave la moyenne nationale deacutepasse largement les 50 la part parmi les

meacutenages (152 ) est supeacuterieure de 80 agrave celle de la France meacutetropolitaine (85 ) la part

parmi les familles (221 ) deacutepasse de 637 le niveau national (135 ) soit pregraves de ⅔

suppleacutementaire

289

Tableau 24 ndash Part des familles monoparentales parmi les meacutenages et les familles et part des couples avec enfants parmi les meacutenages des sept communes eacutetudieacutees et de France

meacutetropolitaine en 2008

Les Ulis Fareacutebers-

viller

Behren-legraves-

Forbach

Bagnols-sur-Cegraveze

Rillieux-la-Pape

Pierrelatte MourenxFrance

Meacutetropo-litaine

Part des familles monoparentales

Parmi les meacutenages 153 109 132 105 126 89 106 85 Parmi les familles 221 153 191 168 185 139 174 135

Part des couples avec enfants parmi les meacutenages

362 368 347 236 334 295 245 283

Source INSEE

Pour les autres communes les situations sont assez varieacutees Les deux communes mosellanes sont

diffeacuterentes entre elles rendant inassimilables leurs situations respectives Behren est tregraves proche

des Ulis avec des taux tregraves eacuteleveacutes de familles monoparentales (132 parmi les meacutenages et

191 parmi les familles) alors que Fareacutebersviller est plus proche de la moyenne nationale (109

et 153 ) Bagnols et Mourenx ont des parts parmi les meacutenages plus proches du niveau

national (respectivement 105 et 106 ) alors que leurs parts parmi les familles sont plus

eacuteleveacutees que la moyenne nationale (168 et 174 ) ce qui peut signifier que la pauvreteacute ou les

difficulteacutes drsquoexistence lieacutees agrave ce type de situation familiale sont plus nettement reacutepandues parmi

les familles que parmi lrsquoensemble des meacutenages Enfin Pierrelatte preacutesente la situation la plus

proche de la moyenne franccedilaise (89 de familles monoparentales parmi les meacutenages et 139

parmi les familles)

Les parts de couples avec enfants modifient leacutegegraverement la hieacuterarchie des rangs lieacutee aux taux des

familles monoparentales Crsquoest Fareacutebersviller qui preacutesente ici la part la plus eacuteleveacutee de

lrsquoeacutechantillon 368 contre 283 en France meacutetropolitaine soit un eacutecart positif de 30 par

rapport agrave celle-ci Les Ulis preacutesente un eacutecart de cet ordre avec 362 de couples avec enfants

Arrivent ensuite Behren et Rilleux avec 334 et 295 Pierrelatte se situe encore plutocirct pregraves

de la moyenne nationale (295 ) alors que Bagnols et Mourenx sont en-dessous de celle-ci agrave

236 et 245 Pour ces deux villes ces eacuteleacutements reacutevegravelent lrsquoimportance des autres meacutenages

sans enfants et notamment des personnes plus acircgeacutees comme le confirment les statistiques

indiqueacutees dans la section plus bas concernant le vieillissement des populations des communes de

290

grand ensemble Mourenx drsquoabord puis aussi Bagnols ont les taux de population de plus de 65

ans les plus eacuteleveacutes tant parmi lrsquoeacutechantillon que par rapport agrave la moyenne franccedilaise

Un point sur les niveaux de qualification des populations de plus de 15 ans non scolariseacutees

permet de cerner les parts de sans diplocircme ou drsquoactifs faiblement qualifieacutes des communes

eacutetudieacutees (Tableau 25 ci-dessous) Ces deux indicateurs sont reacuteveacutelateurs des faibles potentiels

drsquoemployabiliteacute des personnes actives sur les marcheacutes du travail et de lrsquoemploi (Maurin 2002

2004) Les niveaux spectaculaires de personnes sans aucun diplocircme agrave Fareacutebersviller (525 ) et agrave

Behren (557 ) soit plus de la moitieacute de leur population et pregraves de 3 fois plus que le niveau de

la France meacutetropolitaine (187 ) expliquent en eux-mecircmes que les parts de chocircmeurs parmi les

actifs preacutesenteacutees dans le tableau 23 plus haut sont les plus importantes de lrsquoeacutechantillon des

communes

Tableau 25 ndash Niveaux de qualification des populations de plus de 15 ans non scolariseacutees des communes eacutetudieacutees et de France meacutetropolitaine en 2008

Les Ulis Fareacutebers-

viller

Behren-legraves-

Forbach

Bagnols-sur-Cegraveze

Rillieux-la-Pape

Pierrelatte MourenxFrance

Meacutetropo-litaine

Aucun diplocircme 23 525 557 21 25 262 239 187

Faible qualification dont 482 423 376 586 562 586 658 575

Certificat drsquoeacutetudes primaires 61 61 25 127 94 111 127 115

BEP Brevet des collegraveges 61 34 33 72 74 56 6 64

CAP ou BEP 199 246 233 232 241 273 336 24

Baccalaureacuteat ou brevet professionnel

161 82 85 155 153 146 135 156

Bac + 2 132 34 47 104 95 99 72 115

Diplocircme gt bac + 2 156 17 2 99 93 52 32 124

Source INSEE

Ils expliquent aussi en grande partie les faibles niveaux drsquoemploi et de reacutemuneacuteration associeacutee

des actifs occupeacutes Le cumul des personnes sans diplocircme et de celles faiblement qualifieacutees de

948 pour Fareacutebersviller et de 933 pour Behren contre 762 pour la France

meacutetropolitaine montre que les populations des deux communes sont tregraves fragiles sur le plan de

lrsquoemploi et plus globalement du deacuteveloppement eacuteconomique Ces faibles niveaux de qualification

291

et drsquoemploi expliquent aussi les faibles niveaux de vie constateacutes plus haut (tableau 1 ligne des

revenus imposeacutes moyens)

Pour les autres communes deux groupes se distinguent le premier avec Bagnols Rillieux et

Pierrelatte dont les niveaux de personnes sans diplocircme sont 3 agrave 8 points plus eacuteleveacutes que les

187 de France meacutetropolitaine (respectivement 21 25 et 262 ) alors que les niveaux

de faible qualification sont proches de la moyenne nationale (575 ) lrsquoautre groupe avec

Mourenx et Les Ulis preacutesente des taux de sans diplocircme similaires au premier groupe plutocirct

proches du niveau national (respectivement 239 et 23 ) mais les taux de personnes

faiblement qualifieacutees et de diplocircmeacutes bac + 2 et supeacuterieurs se distinguent fortement des taux

nationaux En effet pour Mourenx drsquoabord lrsquoessentiel de la population se concentre dans la

classe des faibles qualifications avec pregraves de ⅔ (658 ) ce qui constitue un eacutecart supeacuterieur de

pregraves de 20 (196 ) par rapport au taux national des faibles qualifications Les Ulis en

revanche se singularise de lrsquoensemble de lrsquoeacutechantillon et mecircme du niveau national en

preacutesentant des taux de diplocircmeacutes bac + 2 (132 ) et de diplocircmeacutes de niveau supeacuterieur agrave Bac + 2

(156 ) qui sont supeacuterieurs aux taux nationaux (115 et 124 ) ce qui explique un plus

faible taux de personnes faiblement qualifieacutes (482 )

Le tableau 26 ci-dessous preacutesente la derniegravere cateacutegorie de population en surrepreacutesentation dans

les communes les personnes immigreacutees ou eacutetrangegraveres qui apregraves les familles monoparentales et

lrsquoabsence voire les faibles niveaux de qualification renvoie agrave un eacutetat potentiel de preacutecariteacute sociale

drsquoune partie de la population en termes de qualification pour lrsquoinsertion sociale et professionnelle

dans les activiteacutes de la socieacuteteacute locale En effet les caractegraveres laquo eacutetranger raquo et laquo immigreacute raquo sont des

indicateurs de possibiliteacute de discrimination agrave lrsquoembauche et dans lrsquoeacutevolution des carriegraveres et donc

de faible niveau de vie des personnes concerneacutees

Le tableau rapporte des situations tregraves diffeacuterentes au sein de lrsquoeacutechantillon de communes eacutetudieacutees

et en comparaison avec les parts au niveau national Mis agrave part Pierrelatte et Bagnols qui ont des

taux drsquoeacutetrangers et drsquoimmigreacutes un petit peu plus eacuteleveacutes que la moyenne nationale (66

drsquoeacutetrangers et 103 drsquoimmigreacutes pour Pierrelatte et 69 et 106 pour Bagnols contre 58

et 84 pour la France meacutetropolitaine) les taux commencent agrave monter agrave partir de Mourenx son

taux drsquoeacutetrangers (82 ) est encore proche de la France hors deacutepartements et territoires drsquooutre-

292

mer (DOM-TOM) ainsi que le taux drsquoimmigreacutes qui est de 138 pour la ville et de 114 en

France

Tableau 26 ndash Part des eacutetrangers et des immigreacutes dans la population des sept communes eacutetudieacutees et de France meacutetropolitaine en 2008

Les Ulis Fareacutebers-

viller

Behren-legraves-

Forbach

Bagnols-sur-Cegraveze

Rillieux-la-Pape

Pierrelatte MourenxFrance

Meacutetropo-litaine

Part des eacutetrangers dans la population totale

13 196 211 69 93 66 82 58

parmi les 25-54 ans 165 18 18 81 114 78 75 7

parmi les 55 ans et plus 148 364 411 63 95 68 126 51

Part des immigreacutes dans la population totale

204 285 293 106 164 103 138 84

parmi les 25-54 ans 299 301 282 146 243 14 152 114

parmi les 55 ans et plus 286 545 592 11 193 124 21 93

Source INSEE

Ensuite les taux varient jusqursquoagrave Behren qui en preacutesentent de tregraves importants 211 drsquoeacutetrangers

et 293 drsquoimmigreacutes Le taux drsquoimmigreacutes dans la classe des laquo 55 ans et plus raquo augmente mecircme

fortement tant pour Behren qui est de pregraves de 60 (592 ) que pour Fareacutebersviller qui est agrave

pregraves de 55 (545 ) alors que pour cette mecircme classe drsquoacircge le taux franccedilais est de 93 et

de moins de 30 pour les autres communes avec des taux beaucoup plus faibles pour Bagnols

(11 ) et Pierrelatte (124 ) Lrsquoanalyse des taux dans ces deux classes drsquoacircge drsquoadultes les 25-

54 ans et les 55 ans et plus permet drsquoune part drsquoeacutecarter les classes drsquoacircge des enfants dont les

situations peuvent varier par rapport agrave leurs parents avec lrsquoacquisition de la nationaliteacute franccedilaise

lieacutee agrave la naissance possible en France etou agrave la dureacutee de reacutesidence en France mais aussi drsquoautre

part de saisir des diffeacuterences de mouvements migratoires entre les classes drsquoacircge

Agrave Behren et agrave Fareacutebersviller par exemple les taux drsquoimmigreacutes sont plus faibles chez les jeunes

adultes (25-54 ans) avec respectivement 282 et 301 que chez les plus vieux (55 ans et

plus) avec 592 et 545 Agrave lrsquoinverse Rilleux Bagnols et Pierrelatte ont des taux drsquoimmigreacutes

plus eacuteleveacutes chez les jeunes (respectivement 243 146 et 14 ) que chez les plus vieux

293

(193 11 et 124 ) Uniquement concernant les 55 ans et plus apregraves Fareacutebersviller et

Behren dont les niveaux sont les plus eacuteleveacutes il y a Les Ulis qui suit agrave pregraves de 30 (286 ) et

ensuite Mourenx et Rillieux se situent autour des 20 Rien que ces derniers taux sont un peu

plus du double du taux franccedilais (9 3 )

Ainsi ces profils socio-deacutemographiques agrave lrsquoinstar de Behren et de Fareacutebersviller qui lrsquoillustre de

maniegravere pousseacutee sont en reacutesonance avec les caracteacuteristiques eacuteconomiques de la population

drsquoensemble un faible niveau de vie global pour des populations comportant une part importante

drsquoimmigreacutes et de leurs descendants franccedilais avec une part parfois majeure de non diplocircmeacutes

(etou le reste en grande partie de faible niveau de qualification) sans oublier les parts de familles

monoparentales parfois tregraves supeacuterieures aux taux nationaux Les Ulis par exemple comme

identifieacute dans la partie monographique preacuteceacutedente se distingue avec un niveau non neacutegligeable

de population immigreacutee (204 ) et eacutetrangegravere (13 ) Les taux sont les plus eacuteleveacutes apregraves Behren

et Fareacutebersviller largement devant Rillieux dans la peacuteripheacuterie lyonnaise (93 drsquoeacutetrangers et

164 drsquoimmigreacutes) et ensuite Mourenx (82 et 138 ) Bagnols (69 et 106 ) et

Pierrelatte (66 et 103 )

Lrsquoeacutechantillon preacutesente donc des communes de grand ensemble extrecircmement diverses sur ce plan

de lrsquoimmigration Des speacutecificiteacutes peuvent ecirctre noteacutees comme aux Ulis ougrave par rapport agrave Behren

et Fareacutebersviller le taux proche des 30 drsquoimmigreacutes concerne lrsquoensemble de la population

adulte de plus de 25 ans (couvrant les deux classes drsquoacircge 25-54 ans et 55 ans et plus) ce qui

signifie que lrsquoimmigration concerne dans cette ville soit tous les acircges des migrants (des plus

jeunes aux plus acircgeacutes) soit toute la dureacutee de son histoire Une combinaison des deux peut ecirctre

envisageacutee pour lrsquoanalyse preacutecise de son immigration dans le temps

Par ailleurs si les travaux drsquoobservation monographique de la partie preacuteceacutedente ont permis de

montrer que les figures de lrsquoimmigration aux Ulis ont comme caracteacuteristique principale une

origine non-europeacuteenne mettant en valeur une division ethno-raciale de la population qui

concerne une grande partie de la population communale il faut alors reconnaicirctre que dans

drsquoautres communes de grand ensemble comme certaines de lrsquoeacutechantillon (Pierrelatte Mourenx et

Bagnols) une telle division concerne une population beaucoup plus faible Ainsi si celles-ci

deacutepassent les taux nationaux moyens crsquoest davantage lrsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute des parts de composantes

ethno-raciales qui preacutedominent entre les communes

294

Cette situation semble srsquoinstaller dans la dureacutee au moins en reacutegion parisienne reacutegion de forte

immigration en France puisque pour rappel de la partie monographique preacuteceacutedente aux Ulis au

recensement de 1999 20 de la population eacutetait immigreacutee et lrsquoestimation reacutealiseacutee concernant la

population drsquoorigine ethnique ie avec les enfants de parents immigreacutes tant de lrsquoeacutetranger des

anciennes colonies que des DOM-TOM eacutetait pregraves de 40 (entre un tiers et 45 ) au deacutebut des

anneacutees 2000

Avec un taux drsquoimmigreacutes similaire observeacute neuf ans plus tard en 2008 et des taux statistiques

drsquoadultes de plus de 25 ans qui frocirclent les 30 il est possible drsquoenvisager que lrsquoensemble

populationnel grossi des enfants devenant franccedilais agrave leur majoriteacute du fait de la naissance et de

la vie en France avec la naturalisation eacuteventuelle de leur parent ou encore avec une union de

ceux-ci avec un Franccedilais puisse deacutepasser la taille estimeacutee des populations drsquoorigine ethnique

(personnes dont les comportements et lrsquoaspect exteacuterieurs renvoient agrave une perception primaire

drsquoeacutetat proche de lrsquoeacutetranger) au deacutebut des anneacutees 2000 (cf chapitre IV section C) une part de

population proche de 50 de la population totale serait imaginable

B- La deacutecroissance deacutemographique post-construction des grands ensembles

Globalement les eacutevolutions deacutemographiques des communes depuis 1793 hormis Les Ulis

preacutesentent une nette similitude de seacutequences en trois temps (cf seacuterie de graphiques et de tableaux

ci-dessous) drsquoabord pendant pregraves de 160 ans depuis cette date elles ont eacutevolueacute sans fortes

fluctuations prolongeacutees agrave la hausse comme agrave la baisse par rapport agrave leur tendance Puis des

hausses brutales srsquoengagent degraves 1954 avec quelques preacutemisses pendant lrsquoEntre-Deux-Guerres

pour Rillieux-la-Pape dans le Rhocircne avec le peuplement industriel de lrsquoagglomeacuteration

lyonnaise mais la forte urbanisation de la peacuteriode 1954-1962 est une rupture geacuteneacuterale avec les

eacutevolutions anteacuterieures et des hausses tregraves eacuteleveacutees apparaissent degraves le recensement de 1962 avec

des dureacutees variables jusqursquoau recensement de 1982 (Les Ulis srsquoinscrit dans ce second temps de

deacuteveloppement)

Enfin srsquoensuit un mouvement commun drsquoarrecirct des fortes hausses se traduisant majoritairement

(pour six communes sur sept en comptant Les Ulis) par une baisse deacutemographique plus ou moins

marqueacutee avec parfois un leacuteger rebond de croissance dans lrsquoune des deux derniegraveres peacuteriodes

295

intercensitaires ou plus modestement par une reacuteduction de la croissance rapportant lrsquoeacutevolution agrave

une stabilisation deacutemographique (cas pour deux communes)

Les peacuteriodes de construction des grands ensembles ont eacuteteacute identifieacutees de maniegravere assez grossiegravere

agrave travers les recensements de population Cette meacutethode permet drsquoobtenir aiseacutement et assez

rapidement des estimations quantitatives fiables sur les volumes produits en logement et sur les

effets deacutemographiques induits Selon les dates de deacutemarrage des travaux et leur dureacutee les

peacuteriodes de construction peuvent srsquoinscrire dans une peacuteriode intercensitaire ou srsquoeacutetaler sur deux

voire trois drsquoentre elles en tout ou partie notamment lorsque le volume du programme preacutevu est

de grand importance (cas de communes comme Veacutenissieux et Vaulx-en-Velin dans

lrsquoagglomeacuteration lyonnaise qui ne sont pas comprises dans cette analyse)

Agrave titre illustratif le tableau 27 suivant preacutesente les peacuteriodes intercensitaires de plus forte hausse

de chaque commune avec des indicateurs quantificatifs de trois ordres pour en appreacutecier la

mesure eacutecarts en valeur absolue et en pourcentage ainsi que coefficient multiplicateur Ne sont

retenues que les peacuteriodes les plus significatives de lrsquoapport quantitatif consideacuterable que

repreacutesentent ces programmes

Les peacuteriodes intercensitaires retenues sont celles qui font passer les communes agrave des tailles

nettement plus eacuteleveacutees degraves le premier recensement suivant le deacutemarrage des travaux et celles qui

font atteindre aux communes les niveaux deacutemographiques les plus eacuteleveacutes de toute leur histoire

avec le bond quantitatif important commenceacute auparavant mecircme si la peacuteriode intercensitaire

preacuteceacutedente a connu une intensiteacute de croissance plus forte Cependant les derniegraveres peacuteriodes au

cours desquelles les hausses se poursuivent de maniegravere atteacutenueacutee sont eacutecarteacutees puisqursquoelles ne

modifient pas lrsquoordre de grandeur du niveau de population atteint aux recensements preacuteceacutedents

Cette approche doit donc compter avec la limite de ne pas prendre en compte lrsquoensemble de

lrsquoeffet de croissance immeacutediat des opeacuterations de construction des grands ensembles comme agrave

Bagnols-sur-Cegraveze Par exemple la peacuteriode 1962-1968 est marqueacutee par une eacutevolution agrave la hausse

non neacutegligeable (+ 3 517 personnes soit + 272 ) qui est pourtant moins forte croissance que la

peacuteriode preacuteceacutedente (+ 233 ) Crsquoest seulement cette derniegravere peacuteriode qui a eacuteteacute retenue pour

illustrer le bond quantitatif lieacute au grand ensemble bien que le programme ait eacuteteacute reacutealiseacute sur ces

deux peacuteriodes 1954-1962 et 1962-1968 comme le confirme Roques (Roques 2004) En outre agrave

cette deuxiegraveme peacuteriode de phase finale moins volumineuse de travaux se sont ajouteacutes des

296

constructions suppleacutementaires simultaneacutement ou ulteacuterieurement reacutealiseacutees sans lien avec le type

drsquohabitat grand ensemble maisons individuelles immeubles collectifs distinctshellip

Tableau 27 ndash Principale peacuteriode intercensitaire de plus fortes hausses deacutemographiques des communes lieacutees agrave la de construction de leur grand(s) ensemble(s)

Communes Peacuteriode principale de construction des grands ensembles

Valeurs deacutemographiques correspondantes (nbre drsquohabitants)

Indicateurs de hausse

Pierrelatte (26) 1962 - 1968 4 257 ndash 9 757 + 5 500 habitants

x 23 + 130

Bagnols-sur-Cegraveze (30) 1954 - 1962 5 546 ndash 12 951 + 7 405 habitants

x 233 + 133

Behren-legraves-Forbach (57) 1954 - 1962 524 ndash 10 487 + 9 963 habitants

x 20 + 1 901

Fareacutebersviller (57) 1954 - 1962 600 ndash 8 453 + 7 853 habitants

x 141 + 1 308

Mourenx (64) 1954 - 1962 218 ndash 8 659 + 8 441 habitants

x 397 + 3 872

Les Ulis (91) 1968 - 1982 0 ndash 28 256 + 28 256 habitants

Rillieux- la-Pape (69) (fusion avec Creacutepieux-la-Pape en 1972 les donneacutees de cette commune sont compteacutees avant cette date)

1962 - 1975 6 465 ndash 30 894 + 24 429 habitants

x 48 + 378

Source INSEE

Il y a donc un manque de preacutecision quant agrave la signification des volumes de logements et de

populations de cette peacuteriode et qursquoil a eacuteteacute choisi drsquoeacutecarter au mieux Ce tableau traduit ainsi

grosso modo les peacuteriodes les dureacutees et les volumes des constructions ayant commenceacute pendant la

peacuteriode de 1954 agrave 1968 Il vise agrave rendre compte des ordres de grandeur atteints par les

reacutealisations des programmes de grand ensemble que lrsquoon peut saisir de maniegravere la plus exacte

297

sans ecirctre mecircleacutees agrave drsquoautres programmes mecircme si de volume plus modeste Le reacutesultat est que

comparativement aux niveaux et aux dynamiques anteacuterieures et traditionnelles de peuplement de

ces communes les mesures de ces productions frappent lrsquoesprit

Les deux communes mosellanes Behren-legraves-Forbach et Fareacutebersviller ainsi que Mourenx

repreacutesentent drsquoailleurs le mieux ce passage brutal du village agrave la petite ville voire agrave la petite-

moyenne ville Mourenx petit village de 218 habitants en 1954 voit sa population gagner 8 841

habitants en huit ans soit une hausse de 3 872 et une multiplication par 40 Behren-legraves-

Forbach mecircme type de commune rurale de 524 habitants augmente de 9 963 habitants

suppleacutementaires soit + 1 901 en huit ans ce qui correspondant agrave une population multiplieacutee par

20 Fareacutebersviller avec 600 habitants en 1954 a gagneacute 7 852 habitants soit 14 fois plus en huit

ans repreacutesentant ainsi une hausse de 1 308 Bien que peu eacuteleveacutees en termes absolus par

rapport aux autres communes compareacutees ces hausses sont tregraves fortes relativement au peuplement

territorial preacutealable

Pour les communes de taille plus grande avant 1954 les opeacuterations ont eacuteteacute plus longues et plus

importantes en volume Les valeurs absolues de hausse deacutemographique sont importantes

cependant les indicateurs de croissance relative sont moins eacuteleveacutes que ceux des communes ayant

des tailles deacutemographiques avant les grands ensembles beaucoup plus faibles Ces diffeacuterences

de taille entre les communes et de place qursquoy tiennent les grands ensembles dans leur parc total

de logements et leur morphologie urbaine constituent une base inteacuteressante drsquoobservation pour

lrsquoeacutetude meneacutee sur les rapports entre eacutevolutions sociales et spatiales

En effet plus le grand ensemble nrsquoest preacutedominant et le territoire drsquoimplantation preacutealablement

peu peupleacute plus la dynamique sociale et urbaine de la commune ne comporte qursquoun ensemble de

traits plutocirct neacutegatifs directement lieacutes agrave lrsquoeacutevolution du grand ensemble lui-mecircme (deacuteclin

deacutemographique hausse du chocircmage et des tensions socialeshellip) Ce qui est logique puisqursquoil

constitue la forme socio-spatiale quasi exclusive de la commune Ce qui semble ecirctre le cas des

Ulis de Fareacutebersviller de Behren-legraves-Forbach et de Mourenx En revanche plus le grand

ensemble preacutesente une taille relative plus faible par rapport agrave une agglomeacuteration preacuteexistante sur

son site drsquoimplantation plus des dynamiques sociales et urbaines diverses et plus positives

(croissance deacutemographique et du nombre de logements baisse du chocircmagehellip) peuvent

srsquoobserver Crsquoest le cas certainement de Bagnols-sur-Cegraveze et de Pierrelatte

298

Comme lrsquoillustrent les histogrammes drsquoeacutevolution deacutemographique des communes ci-dessous il

apparaicirct pour les cinq communes dont Les Ulis un mecircme net freinage de croissance apregraves les

peacuteriodes de construction avec soit un tassement soit mecircme une inversion de lrsquoeacutevolution tout en

pouvant comporter des sursauts ponctuels de hausse (eg Fareacutebersviller de 1990 agrave 1999)

Graphiquement une forme de crochet inverseacute et tourneacute vers la droite se dessine notamment pour

ces cinq communes qui impriment au moins toute une baisse pendant une peacuteriode intercensitaire

ulteacuterieure agrave la peacuteriode de fin de construction du grand ensemble

Cette baisse srsquoamorce en deux temps soit immeacutediatement apregraves le paroxysme atteint au

recensement preacuteceacutedent (cas pour Fareacutebersviller degraves 1968 et Les Ulis agrave partir de 1990) soit apregraves

une peacuteriode intercensitaire de fort ralentissement de la hausse (Mourenx et Behren-legraves-Forbach

avant 1975 et Rillieux-la-Pape avant 1990) voire mecircme apregraves deux peacuteriodes proches de la

stagnation Par ailleurs les deux communes qui ne connaissent pas de baisse Pierrelatte et

Bagnols-sur-Cegraveze preacutesentent toutefois une forte atteacutenuation des hausses proches de la stagnation

jusqursquoen 2006 crsquoest le cas degraves le recensement suivant le pic de hausse pour Pierrelatte ou

encore apregraves une premiegravere peacuteriode intercensitaire leacutegegraverement plus forte pour Bagnols qui

correspond agrave la finition du programme de construction commenceacute en 1954-1962

Cinq communes sur sept preacutesentent ainsi une baisse deacutemographique agrave partir drsquoune date de

recensement situeacutee dans la peacuteriode entre 1968 (pour Fareacutebersviller) et 1999 Mourenx Behren-

legraves-Forbach Fareacutebersviller Les Ulis et Rilleux-la-Pape Les baisses sont variables eacuteleveacutees ou

parfois proches de la stagnation entre deux recensements et preacutesentent globalement une certaine

continuiteacute drsquoun recensement agrave lrsquoautre A part Rillieux-la-Pape qui ne connaicirct que deux peacuteriodes

de baisse les autres communes preacutesentent des peacuteriodes de baisse assez longue trois

recensements pour Mourenx et Les Ulis et cinq pour Fareacutebersviller et pour Behren

Cette derniegravere ville connaicirct drsquoailleurs une baisse sans arrecirct depuis son engagement en 1975 ce

qui repreacutesente une peacuteriode de 38 ans entre le recensement ougrave la hausse a eacuteteacute la plus forte (1968)

et 2006 Si lrsquoon tient compte de son nouveau chiffre au recensement de 2008 indiqueacute dans le

tableau 1 plus haut soit 8 514 habitants cela fait 40 ans de baisse depuis 1968 La commune des

Ulis est aussi dans ce cas de figure depuis le recensement de 1982 de grande hausse

deacutemographique lieacutee agrave la fin du programme de grand ensemble La ville connaicirct donc une peacuteriode

de 24 ans de baisse continue sans sursaut de hausse Cela fait mecircme 26 ans puisque en 2008 la

299

commune affiche une nouvelle baisse deacutemographique (24540 habitants contre 24 962 deux ans

plus tocirct)

Parmi les cinq communes qui deacuteclinent en deux ans il srsquoagit drsquoun prolongement de tendance

pour quatre drsquoentre elles Les Ulis Behren Fareacutebersviller et Mourenx Seule la commune de

Rillieux-la-Pape poursuit tregraves leacutegegraverement une hausse depuis 1999 agrave 2006 Avec 16 habitants de

plus en 2008 la ville de pregraves de 30 000 habitants est plutocirct en stagnation La cinquiegraveme

commune qui deacutecline est de maniegravere un peu inattendue Bagnols-sur-Cegraveze apregraves sa hausse

continue mecircme si ralentie agrave partir de 1975 cette baisse reste neacuteanmoins tregraves leacutegegravere puisqursquoil

srsquoagit de 39 habitants de moins en 2008 sur 18 545 en 2006 Lrsquoeacutevolution future de la ville sera

donc inteacuteressante agrave observer agrave ce sujet Crsquoest donc Pierrelatte la sixiegraveme commune qui de 2006 agrave

2008 a comme tous les recensements preacuteceacutedents continueacute drsquoaugmenter pregraves de 600 habitants

suppleacutementaires sur pregraves de 12 900 deux ans plus tocirct ce dynamisme est mecircme tout agrave fait

remarquable car en deux ans il deacutepasse en valeur absolu les hausses intercensitaires depuis la fin

de la construction du grand ensemble

Quelles explications apporter aux eacutevolutions diffeacuterentes des deux communes Bagnols-sur-Cegraveze

et Pierrelatte mecircme si contrarieacutees en toute derniegravere peacuteriode pour la premiegravere par rapport aux

communes ayant deacuteclineacute apregraves les constructions des programmes En premier lieu les volumes

relatifs des opeacuterations ont eacuteteacute plus faibles pour les premiegraveres que pour les autres communes Par

exemple les hausses deacutemographiques qui reacutesultaient de la livraison des programmes sont resteacutees

modestes par rapport aux autres communes avec + 130 entre 1962 et 1968 pour Pierrelatte

(soit une population 233 fois plus nombreuse qursquoen 1962) et de maniegravere quasi similaire

+ 133 entre 1954 et 1962 pour Bagnols ce qui repreacutesente un mecircme bond de 23 fois plus

drsquohabitants

Le deuxiegraveme eacuteleacutement drsquohypothegravese est que ces deux communes disposent drsquoun tissu urbain

preacutealable et ancien qui conserve un poids relatif non neacutegligeable dans la formation urbaine qui

suit la construction des grands ensembles Pierrelatte comporte 4 251 habitants en 1962 et

Bagnols 5 546 en 1954 un peu moins de cent ans plus tocirct la premiegravere compte 3 539 habitants en

1856 et la seconde 4 870 la mecircme anneacutee en 1793 160 ans plus tocirct Pierrelatte est un peu moins

peupleacutee avec 2 789 habitants et Bagnols est une petite agglomeacuteration de taille eacutegale agrave celle de

1856 avec 4 800 personnes Apregraves construction des grands ensembles les ensembles

300

populationnels preacuteexistants de ces communes conservent une part deacutemographique non

neacutegligeable dans la nouvelle configuration urbaine 43 si lrsquoon utilise une estimation chiffreacutee

ce qui nrsquoest pas loin de la moitieacute de la population finale93

La recherche de Jean-Luc Roques (2004) sur les conduites juveacuteniles dans les petites villes avec

Bagnols-sur-Cegraveze comme une des villes de terrain le montre la ville qui est devenue laquo citeacute

atomique raquo avec la creacuteation du premier centre nucleacuteaire en France agrave Marcoule est composeacutee de

quartiers anciens et nouveaux depuis les anneacutees 1950 et elle produit des activiteacutes plus

nombreuses et heacuteteacuterogegravenes que des petites villes centreacutees sur un seul type drsquoactiviteacute (ce qui a

analyse lrsquoauteur un effet net sur la dynamique de formation et drsquoinsertion socioprofessionnelle

des jeunes qui peuvent deacutevelopper des projets et compter sur une communauteacute drsquoadultes qui leur

offre des perspectives)

Ainsi entre drsquoune part les baisses deacutemographiques de la plupart des communes de lrsquoeacutechantillon

et drsquoautre part les croissances pour Pierrelatte et Bagnols survenues apregraves les effets immeacutediats

de hausse de population lieacutes au peuplement des grands ensembles livreacutes existe-t-il un seuil

approximatif de taille drsquoopeacuteration de construction relativement agrave la taille de la commune avant

travaux au-dessus duquel une baisse deacutemographique de la commune peut ecirctre attendue et peut se

repeacuterer au recensement suivant la fin des travaux Cela paraicirct probable En termes

deacutemographiques ce seuil pourrait se situer alors entre 23 fois la taille de la population preacuteceacutedant

les travaux coefficient observeacute agrave Bagnols et agrave Pierrelatte et les coefficients agrave partir duquel les

baisses se manifestent dans les villes de lrsquoeacutechantillon ou dans drsquoautres Cependant il importe

moins de fixer preacuteciseacutement un seuil de ce type toujours variable selon des paramegravetres

conjoncturels et contextuels multiples que de comprendre les meacutecanismes pouvant expliquer la

relation que reacutevegravele lrsquoeacuteventualiteacute de ce seuil comme lrsquoeacutevoque Simmel (1894) agrave propos de

lrsquoinfluence des uniteacutes dans les pheacutenomegravenes sociaux

En effet tout drsquoabord le poids relatif que repreacutesentent ces constructions dans un tissu urbain

communal est certainement deacuteterminant pour son devenir et celui de ses habitants en devenant

quasi exclusive dans la formation architecturale et spatiale drsquoune ville la forme grand ensemble

et son homogeacuteneacuteiteacute morphologique imprime une dynamique sociale geacuteo-historiquement situeacutee

93 En confeacuterant une base 100 agrave la taille deacutemographique du recensement avant la construction des grands ensembles on obtient une situation de valeur 230 avec lrsquoapplication du coefficient de 23 (coefficient multiplicateur de Pierrelatte et de Bagnols) La valeur initiale en base 100 repreacutesente ainsi 43 de la valeur finale drsquoeacutevolution de cette base (230)

301

302

comme le montre Giraud (2000) dans son eacutetude sur Veacutenissieux et Bron Indeacutependamment des

ressources socio-eacuteconomiques et culturelles locales lieacutees agrave une histoire et agrave des activiteacutes

anteacuterieures et multiples les eacutevolutions deacutemographiques et sociales propres des grands ensembles

ne sont sans doute pas sans effet sur celles de lrsquoensemble de la commune (Wacquant 2007)

Une baisse deacutemographique dans un grand ensemble par exemple pour des raisons

deacutemographiques (baisse de la feacuteconditeacute vieillissement des habitants deacutecohabitation des enfants

vers des secteurs hors voisinage) ou mateacuterielle (vieillissement ou deacutefauts non reacutepareacutes du bacircti

entraicircnant le deacutepart des occupants) voire eacuteconomiques et sociaux (deacutevalorisation de lrsquohabitat et

de la commune sur le marcheacute du logement) entraicircnerait une baisse deacutemographique pour

lrsquoensemble de la commune mecircme si dans des proportions peut-ecirctre moindres

Il est alors possible dans chaque cas de deacutegager la signification les facteurs et les deacuteterminants

drsquoune eacuteventuelle tendance baissiegravere Pour les deux communes de lrsquoeacutechantillon qui ne preacutesentent

pas de peacuteriodes de hausse depuis la fin de la construction de leur grand ensemble les Ulis et

Behren-legraves-Forbach quelle explication apporter une heacutemorragie sans fin en raison drsquoune

deacutevalorisation spatiale irreacuteversible Ou bien cette orientation nrsquoest-elle pas la marque drsquoune

premiegravere eacutetape drsquoun cycle de stabilisation drsquoun niveau deacutemographique moindre suite au

peuplement maximal des grands ensembles avec des grandes familles dans les logements Dans

ce cas il se peut que la baisse soit la premiegravere phase drsquoun cycle de fluctuations agrave la hausse agrave la

baisse ou de stagnation qui alternent La baisse en cours ne serait qursquoune installation dans un

nouvel ordre de niveau deacutemographique engendreacute par les constructions de grands ensembles

Cependant il reste neacuteanmoins agrave expliquer et agrave interpreacuteter ces eacutevolutions baissiegraveres laquo reacuteactives raquo

qui se sont manifesteacutees avec autant de netteteacute dans les premiers temps suivant la livraison des

grands ensembles En analysant les donneacutees concernant les Ulis une partie de lrsquohypothegravese

formuleacutee pour cet examen comparatif eacutetait que les grands ensembles produisent quelque soit le

lieu de leur contexte drsquoimplantation en raison de leurs caracteacuteristiques spatiales et sociales de

peuplement le mecircme effet deacutepressif sur les deacutemographies urbaines qui pourrait srsquointerpreacuteter

comme le signe de la deacutesaffection preacutedominante des personnes pour ces villes Qursquoen est-il plus

preacuteciseacutement selon un premier examen comparatif des caracteacuteristiques des communes

eacutechantillonneacutees

Eacutevolution deacutemographique des sept communes de lrsquoeacutechantillon de 1793 agrave 2006 (+ commune de Creacutepieux-la-Pape seacutepareacutee puis reacuteunie avec Rillieux-la-Pape) 94

0

2 000

4 000

6 000

8 000

10 000

12 000

1793 1821

0

2 000

4 000

6 000

8 000

10 000

12 000

14 000

1793 1821 1841 1856 1872 1886 1901 1921 1936 1962 1982 2006

Mourenx (64) Behren-legraves-Forbach (57)

303

1841 1856 1872 1886 1901 1921 1936 1962 1982 2006

Nom

bre

dha

bita

nts

Anneacutee Pop 1841 1876 1911 1962 10 4871793 250 1846 1881 1921 1968 12 5121800 244 1851 1886 1926 5191975 12 0151806 291 1856 1891 1931 5021982 11 1521821 1861 1896 1936 4731990 10 2911831 1866 1901 1946 4291999 10 0731836 1872 1906 1954 5242006 9 146

Anneacutee Pop 1841 407 1876 354 1911 3051962 8 659 1793 339 1846 410 1881 362 1921 2801968 10 7341800 326 1851 361 1886 346 1926 2631975 9 469 1806 280 1856 369 1891 310 1931 2701982 9 036 1821 414 1861 345 1896 309 1936 2701990 7 460 1831 383 1866 364 1901 311 1946 2151999 7 572 1836 405 1872 370 1906 319 1954 2182006 7 550

Behren a eacuteteacute reacuteunie en 1812 agrave Kerbach (avec Etzling) puis creacuteeacutee en 1925 agrave partir de Kerbach

94 Diagrammes et tableaux INSEE et site internet EHESS laquo Des villages Cassini aux communes drsquoaujourdrsquohui raquo Les donneacutees des deux derniers recensements sont deacutecaleacutees de quelques uniteacutes (4 habitants pour les Ulis en 1999)

304

Rillieux-la-Pape (69) Creacutepieux-la-Pape (69) Seacutepareacutee de Rillieux-la-Pape en 1927 Reacuteunie agrave Rillieux-la-Pape en 1972

3

0

1 000

2 000

3 000

4 000

5 000

6 000

7 000

8 000

9 000

10 000

1793 1821 1841 1856 1872 1886 1901 1921 1936 1962 1982 2006

30 000

25 000

20 000

0

5 000

10 000

15 000

Anneacutee Pop1841 1876 1911 1962 3 1571793 1846 1881 1921 1968 9 1471800 1851 1886 1926 1975 1806 1856 1891 1931 1 5831982 1821 1861 1896 1936 1 8401990 1831 1866 1901 1946 1 8581999 1836 1872 1906 1954 2 6742006 hellip

Anneacutee Pop 1841 943 1876 1 337 1911 1 608 1962 3 308

5 000

1793 1821 1841 1856 1872 1886 1901 1921 1936 1962 1982 2006

1793 922 1846 1 061 1881 1 267 1921 1 684 1968 18 1521800 686 1851 1 116 1886 1 440 1926 2 230 1975 30 6761806 750 1856 1 113 1891 1 414 1931 1 602 1982 31 5601821 808 1861 1 174 1896 1 406 1936 1 555 1990 30 7911831 958 1866 1 294 1901 1 520 1946 1 458 1999 28 3271836 890 1872 1 314 1906 1 568 1954 1 560 2006 29 562

Inteacutegration de Creacutepieux-la-Pape en 1972

Bagnols-sur-Cegraveze (30) Pierrelatte (26)

0

2 000

4 000

6 000

8 000

10 000

12 000

14 000

16 000

18 000

20 000

1793

0

2 000

4 000

6 000

8 000

10 000

12 000

14 000

1793 1821 1841 1856 1872 1886 1901 1921 1936 1962 1982 2006

1 821 1841 1856 1872 1886 1901 1921 1936 1962 1982 2006

305

Anneacutee Pop 1841 4 090 1876 4 930 1911 4 445 1962 12 9511793 4 800 1846 4 827 1881 4 666 1921 3 918 1968 16 4681800 4 888 1851 4 780 1886 4 458 1926 4 450 1975 17 5341806 4 994 1856 4 870 1891 4 454 1931 4 481 1982 17 6021821 4 921 1861 5 050 1896 4 500 1936 4 669 1990 17 8721831 4 902 1866 5 184 1901 4 461 1946 5 211 1999 18 0991836 4 847 1872 4 876 1906 4 582 1954 5 5412006 18 545

Anneacutee Pop 1841 3 4301876 3 5791911 3 2461962 4 252 1793 2 789 1846 3 5371881 3 2911921 3 1701968 9 757 1800 2 536 1851 3 4831886 3 2231926 3 2521975 9 816 1806 2 462 1856 3 4531891 3 1841931 3 3071982 11 5961821 2 867 1861 3 5121896 3 2181936 3 1761990 11 7701831 3 447 1866 3 5391901 3 1211946 3 2371999 11 9801836 3 409 1872 3 5771906 3 3191954 3 4482006 12 315

306

0

1 000

2 000

3 000

4 000

5 000

6 000

7 000

8 000

9 000

1793 1821 1841 1856 1872 1886 1901 1921 1936 1962 1982 2006

Anneacutee Pop 1841 1876 1911 1962 1793 1846 1881 1921 1968 1800 1851 1886 1926 1975 20 2831806 1856 1891 1931 1982 28 2561821 1861 1896 1936 1990 27 1971831 1866 1901 1946 1999 25 7811836 1872 1906 1954 2006 24 962

Anneacutee Pop1841 9021876 5001911 5101962 8 4531793 451 1846 abs1881 4891921 5921968 8 0011800 492 1851 abs1886 4951926 6431975 7 7831806 186 1856 abs1891 4701931 6081982 7 1221821 675 1861 5391896 4681936 5891990 6 8351831 abs 1866 5291901 4681946 5361999 6 8721836 865 1872 4951906 5081954 6002006 6 020

Les Ulis (91) Fareacutebersviller (57)

0

5 000

10 000

15 000

20 000

25 000

30 000

1793 1806 1831 1841 1851 1861 1872 1881 1891 1901 1911 1926 1936 1954 1968 1982 1999

C- Lrsquoamplification de la deacute-densification et du vieillissement des meacutenages

Aux Ulis la commune connaicirct de vastes mouvements migratoires intercensitaires Selon la

litteacuterature sur les grands ensembles cet habitat est un deacuteterminant preacutedominant de ces

mouvements car il est le cadre de deacutemeacutenagement incessants (Peillon 2001 Giraud 2005) qui

cocirctoient par ailleurs des groupes de reacutesidents laquo captifs raquo dont lrsquoabsence de mobiliteacute sociale

ascendante entraicircne lrsquoimmobiliteacute spatiale contrainte (Lagrange 1995 Lapeyronnie 2008) Les

seules donneacutees de soldes migratoires positifs ou neacutegatifs que publie lrsquoINSEE dans ses

statistiques locales ne peuvent drsquoailleurs pas apporter une ideacutee reacuteelle des mouvements qui

produisent ces soldes Ceux-ci peuvent ecirctre multiples pour un mecircme solde 1 000 habitants de

moins par exemple est un chiffre qui peut provenir drsquoune diffeacuterence entre 5 000 partants et

4 000 arrivants ou entre 11 000 partants et 10 000 arrivants Il suffit agrave chaque fois qursquoil y ait

1 000 partants de plus que les arrivants (19 000 18 000 4 000 3 000hellip)

Ainsi un solde migratoire mecircme srsquoil est fortement neacutegatif ne permet pas de preacutejuger

directement de lrsquoampleur des sorties de territoire et indirectement de leur signification

concernant le rapport entre les habitants et la ville En outre les eacutevolutions deacutemographiques sont

le produit drsquoun solde migratoire mais aussi drsquoun solde naturel (deacutecegraves ndash naissances) Comment

alors interpreacuteter les baisses de la population totale des ZUS de meacutetropole entre 1990 et 1999 de

57 alors que leurs agglomeacuterations augmentaient de 26 et que la population de France

meacutetropolitaine croissait de 335 (Le Toqueux 2002 Fitoussi Laurent Maurice 2004) Selon

ces derniers auteurs la baisse dans les ZUS est plutocirct associeacutee tant agrave la reacuteduction des meacutenages

jeunes qursquoagrave lrsquoatteacutenuation de la taille moyenne des meacutenages tout en restant encore dans des

proportions supeacuterieures par rapport aux agglomeacuterations drsquoappartenance Les baisses constateacutees

dans les grands ensembles signifient alors qursquoun eacutequilibrage du peuplement des logements est en

cours par rapport aux restes des villes sur les plans de lrsquoacircge et de la taille des meacutenages

Par exemple aux Ulis entre 1990 et 1999 le vieillissement du profil geacuteneacuteral de la population a

effectivement eacuteteacute constateacute reacuteeacutequilibrant le rapport des geacuteneacuterations la part des jeunes de moins

de 20 ans a diminueacute de 10 tout en restant encore importante (309 de la population en 1999

contre 271 pour le deacutepartement) un changement quantitatif srsquoest opeacutereacute dans le rapport

intergeacuteneacuterationnel entre les moins de 40 ans et les plus de 40 ans de trois quarts un quart le

rapport est passeacute agrave deux tiers un tiers Cette analyse se confirme aussi agrave travers lrsquoexamen des

307

deux composantes le solde naturel et solde migratoire des variations deacutemographiques Pour le

solde naturel les deacutecegraves sont beaucoup moins nombreux que les naissances drsquoune faccedilon geacuteneacuterale

ces derniegraveres sont le facteur principal de croissance deacutemographique au niveau national et pour

lrsquoensemble des villes Sauf si le solde migratoire devient neacutegatif (plus de sorties que drsquoentreacutees

dans le territoire) et si sa valeur est en terme absolu supeacuterieur agrave la valeur positive du solde

naturel

Crsquoest le cas aux Ulis la preacutedominance du solde migratoire neacutegatif sur le solde naturel positif

infleacutechit agrave la baisse la population Ce solde migratoire neacutegatif eacutetait tregraves important pendant les

deux deacutecennies 1980 et 1990 un taux annuel de - 25 entre 1982 et 1990 et de - 23 entre

1990 agrave 1999 Entre 1999 et 2007 il continue agrave ecirctre neacutegatif quoique leacutegegraverement moins fort agrave - 22

Pour rappel le solde migratoire eacutetait positif entre 1975 et 1982 (+ 4 545 personnes soit un

taux annuel de + 27 ) Ainsi de vastes mouvements deacutemographiques neacutegatifs en si peu de

temps apregraves sa construction ne donnent eacutevidemment pas lrsquoimage drsquoune ville particuliegraverement

rechercheacutee accueillante et dynamique sur le plan deacutemographique mais aussi social Par ailleurs

le solde naturel appuie cette tendance pour la peacuteriode 1990-1999 il renforce lrsquoeffet de baisse

deacutemographique du solde migratoire avec sa propre baisse de 97 (- 431 personnes)

Cette reacuteduction du solde naturel est due aux moindres naissances (- 318 naissances soit une

baisse de 64 ) mais surtout agrave une hausse des deacutecegraves relativement importante (+ 113 soit une

hausse de 217 ) Ce qui signifie globalement que la baisse de la population ulissienne est aussi

deacutependante du vieillissement de sa population et de ses moindres naissances que du profil des

arrivants qui remplacent les partants Les deux types de pheacutenomegravenes ndash mouvement migratoire et

mouvement naturel sont drsquoailleurs certainement lieacutes en partie des nouveaux meacutenages moins

jeunes ne font plus naicirctre de nouveaux enfants sur la commune ou encore les enfants qui y sont

neacutes partent en laissant les parents qui vieillissent dans des logements moins peupleacutes Ainsi dans

cette perspective aux Ulis lrsquoanalyse deacutemographique relativise lrsquoimage du deacutepart de meacutenages

entiers refusant drsquooccuper des logements dans les villes Sans programme particulier de

deacutemolition de logements ou de restructuration drsquoimmeubles entraicircnant leur suppression il srsquoagit

aussi et peut-ecirctre surtout drsquoune eacutevolution des modaliteacutes drsquooccupation des logements avec les

meacutenages qui reacutetreacutecissent par deacutecohabitation des enfants qui ne vont pas neacutecessairement habiter

dans la mecircme commune

308

309

Cette eacutevolution si elle est observeacutee dans les ZUS de France qui couvrent en grande partie les

grands ensembles drsquohabitation construits entre les anneacutees 1950 et 1970 apparaicirct donc aussi

logiquement au niveau des communes formeacutees pour lrsquoessentiel ou en grande partie par ces

grands ensembles En ce qui concerne les communes compareacutees des tableaux ont eacuteteacute constitueacutes

(cf tableaux 28 agrave 34 infra) pour appreacutecier tant lrsquoeacutevolution des occupants par logement depuis

1946 agrave partir des nombres drsquohabitants et de reacutesidences principales qursquoun autre pheacutenomegravene

souvent eacutevoqueacute dans lrsquoanalyse urbaine le taux de vacance des logements et son eacutevolution

Lrsquoexercice a eacuteteacute reacutealiseacute agrave partir des donneacutees des recensements de 1946 agrave 2006

Une premiegravere lecture des tableaux montre que lrsquoeacutevolution du niveau de la population nrsquoest pas

directement lieacutee agrave lrsquoeacutevolution du nombre de reacutesidences ni agrave celle du nombre de logements

vacants Par exemple si la forte baisse de Mourenx entre 1968 et 1975 (- 118 ) coiumlncide drsquoune

part avec une baisse beaucoup plus faible du nombre de reacutesidences principales (- 12 ) mais

aussi drsquoautre part agrave des niveaux eacuteleveacutes de taux de vacance (82 en 1968 et 114 en 1975)

les baisses deacutemographiques des deux communes mosellanes (Behren Fareacutebersviller) se

manifestent au contraire avec une hausse des reacutesidences principales de 1968 agrave 1999 pour

Fareacutebersviller (suivie drsquoune leacutegegravere baisse de 1999 agrave 2006) et de 1968 agrave 2006 pour Behren (avec

une croissance proche de la stagnation de 1999 agrave 2006) Par ailleurs les taux de vacance de ces

villes sont plus faibles qursquoagrave Mourenx oscillant entre 26 et 74 pour la premiegravere et entre 28

et 59 pour la seconde

Ces observations conduisent agrave penser que une fois passeacutee la peacuteriode de construction massive de

logements lrsquoeacutevolution deacutemographique nrsquoest plus automatiquement lieacutee au nombre de logements

occupeacutes Une analyse globale des eacutevolutions de ces deux variables pour lrsquoensemble des

communes lrsquoatteste Le lien majoritaire apparaicirct drsquoailleurs inverse agrave celui penseacute a priori En effet

parmi les 32 peacuteriodes intercensitaires que totalisent les sept communes depuis le recensement qui

suit la phase principale de construction de leur grand ensemble (cf les dates du tableau 27 de la

section preacuteceacutedente) 19 preacutesentent une baisse deacutemographique (ou une baisse proche de la

stagnation) Parmi celles-ci une forte majoriteacute 17 peacuteriodes soit 90 connaissent une hausse du

nombre de reacutesidences principales Seules deux baisses deacutemographiques entre deux recensements

sont donc lieacutees agrave deux baisses du nombre de reacutesidences principales

310

Tableaux 28 agrave 34 ndash Habitants reacutesidences principales peuplement des logements et taux de vacance des sept communes compareacutees entre 1946 et 2006

28- Les Ulis (91) 29- Fareacutebersviller (57)

Recensements Habitants

Reacutesidences principales

Habitants Reacutesidences principales

Nombre Evolution Nombre Eacutevolution

habitants

logement

Taux vacance

Nombre Eacutevolution Nombre Eacutevolution

habitants

logement

Taux vacance

2006 24 962 - 32 9 179 + 0 272 48 6 020 - 124 2 192 -11 275 44 1999 25 781 - 52 9 120 + 14 283 49 6 872 - 0 2 216 + 86 31 29 1990 27 197 - 37 8 993 + 39 302 33 6 835 - 4 2 039 + 39 336 74 1982 28 256 + 391 8 659 + 437 326 52 7 122 - 85 1 962 + 82 363 26 1975 + 20 316 hbts + 6 026 uniteacutes 337 91 7 783 - 25 1 813 + 38 429 47 1968 0 0 - - 8 001 - 53 1 747 - 23 458 57 1962 0 0 - - 8 453 + 1 308 1 799 - 470 156

1954 0 0 - - 600 + 119

- - - -

1946 0 0 - - 536 - - - - -

Sources INSEE Recensements- site internet (statistiques locales) + fascicules papier de la bibliothegraveque du siegravege

Taux de vacance des logements et non des seules reacutesidences principales (les logements comprennent les reacutesidences principales les logements occasionnels les reacutesidences secondaires et les logements vacants)

311

30- Behren-legraves-Forbach (57) 31- Mourenx (64)

Habitants Reacutesidences principales

Habitants Reacutesidences principales

Recensements Nombre Evolution Nombre Eacutevolution

habitants

logement

Taux vacance

Nombre Evolution Nombre Eacutevolution

habitants

logement

Taux vacance

2006 9 146 - 92 3 343 + 0 274 44 7 550 - 03 3 311 + 63 228 21 1999 10 073 - 21 3 314 + 45 304 34 7 572 +15 3 115 + 111 243 58 1990 10 291 - 77 3 170 + 2 325 59 7 460 - 174 2 804 - 54 266 169 1982 11 152 - 72 3 108 + 75 359 37 9 036 - 46 2 963 + 75 305 87 1975 12 015 - 4 2 892 + 39 415 28 9 469 - 118 2 755 - 12 344 114 1968 12 512 + 193 2 783 + 167 45 37 10 734 + 24 2 788 + 20 385 82 1962 10 487 + 1 901 2 385 - 439 21 8 659 + 3 872 2 324 - 376 257 1954 524 + 221 - - - - 218 + 14 - - - 1946 429 - - - - - 215 - - - -

Sources INSEE Recensements- site internet (statistiques locales) + fascicules papier de la bibliothegraveque du siegravege

Taux de vacance des logements et non des seules reacutesidences principales (les logements comprennent les reacutesidences principales les logements occasionnels les reacutesidences secondaires et les logements vacants)

312

32- Bagnols-sur-Cegraveze (30) 33- Pierrelatte (26)

Habitants Reacutesidences principales

Habitants Reacutesidences principales

Recensements Nombre Evolution Nombre Eacutevolution

habitants logement

Taux vacance

Nombre Eacutevolution Nombre Eacutevolution

habitants logement

Taux vacance

2006 18 545 + 25 8 121 + 77 228 86 12 315 + 28 5 342 + 142 230 51 1999 18 099 + 13 7 539 + 77 240 94 11 980 - 18 4 679 + 83 256 101 1990 17 872 + 15 7 000 + 112 255 108 11 770 + 15 4 321 + 102 272 79 1982 17 602 + 04 6 296 + 15 280 63 11 596 + 181 3 919 + 281 296 74 1975 17 534 + 65 5 471 + 127 320 82 9 816 + 06 3 059 + 77 321 89 1968 16 468 + 272 4 855 + 269 339 103 9 757 + 129 2 839 + 125 344 97 1962 12 951 + 135 3 827 + 117 340 81 4 252 + 233 1 263 + 198 337 78 1954 5 541 + 63 1 763 - 314 36 3 448 + 65 1 054 - 327 55 1946 5 211 - - - - - 3 237 - - - - -

Sources INSEE Recensements- site internet (statistiques locales) + fascicules papier de la bibliothegraveque du siegravege

Taux de vacance des logements et non des seules reacutesidences principales (les logements comprennent les reacutesidences principales les logements occasionnels les reacutesidences secondaires et les logements vacants)

313

34- Rillieux-la-Pape (69) (+ Creacutepieux-la-Pape avant 1972)

Habitants Reacutesidences principales

Recensements Nombre Eacutevolution Nombre Eacutevolution

habitants

logement

Taux vacance

2006 29 562 + 44 11 420 + 72 274 44 1999 28 327 - 8 10 654 + 0 304 34 1990 30 791 - 25 10 642 + 53 325 59 1982 31 560 + 29 10 102 + 14 359 37 1975 30 676 + 69 8 858 + 834 415 28 1968 18 152 + 1808 4 830 + 165 45 37 1962 6 465 + 522 1 824 + 35 354 36

1954 4 233 + 276 Env

1 350- - -

1946 3 316 - - - - -

Sources INSEE Recensements- site internet (statistiques locales) + fascicules papier de la bibliothegraveque du siegravege

Taux de vacance des logements et non des seules reacutesidences principales (les logements comprennent les reacutesidences principales les logements occasionnels les reacutesidences secondaires et les logements vacants)

Le nombre total de logements est 1 392 on peut estimer agrave environ 1 350 les seules reacutesidences principales

Agrave quoi lier alors les baisses dans des contextes de hausse du nombre de reacutesidences principales

sans effet net et reacutegulier des taux de vacance Neacutecessairement lrsquoinfluence drsquoune autre variable

preacutedomine dans ces peacuteriodes post-construction de grands ensembles pendant lesquels la

construction de logements est en laquo temps normal raquo plus progressive Cette variable est elle-

mecircme un pheacutenomegravene deacutemographique qui srsquoexplique selon plusieurs facteurs la diminution du

nombre drsquooccupants des logements Les donneacutees agrave ce sujet montrent qursquoen effet les densiteacutes

drsquohabitants par logement diminuent nettement depuis la fin de la seconde guerre mondiale au

niveau national comme dans les communes examineacutees Les donneacutees issues des tableaux 28 agrave 34

sont reprises dans ce tableau 35 qui suit associant lrsquoeacutevolution de la France meacutetropolitaine en la

matiegravere

Tableau 35 ndash Eacutevolution des densiteacutes drsquooccupation des logements (nombre drsquohabitants par logement) en France meacutetropolitaine et dans les sept communes eacutetudieacutees de 1968 agrave 2006

1968 1975 1982 1990 1999 2006

Eacutevolution 1968-2006

France meacutetropolitaine

314 296 276 263 246 236 - 248

Les Ulis - 337 326 302 283 272 - 193

Fareacutebersviller 458 429 363 336 31 275 - 40

Behren-legraves-Forbach 45 415 359 325 304 274 - 391

Mourenx 385 344 305 266 243 228 - 408

Bagnols-sur-Cegraveze 339 320 280 255 240 228 - 327

Pierrelatte 344 321 296 272 256 230 - 331

Rillieux-la-Pape 45 415 359 325 304 274 - 391

Amplitude 144 133 087 073 064 047 - 67

Source Insee- Exploitation RGP 2006 Amplitude diffeacuterence entre la densiteacute la plus forte et la densiteacute la plus faible

Ce tableau indique que le peuplement moyen des logements des communes aboutit agrave partir de

niveaux assez contrasteacutes en 1968 (amplitude de 144 entre la densiteacute la plus forte et la densiteacute la

314

plus faible) agrave des eacutetats moins contrasteacutes avec une amplitude reacuteduite des deux tiers en 2006 (047

soit une reacuteduction de 67 ) Un rapprochement des situations srsquoest opeacutereacute certainement pour

chaque ville de maniegravere diffeacuterente selon des modaliteacutes propres aux caracteacuteristiques des

logements des meacutenages et des dynamiques de peuplement des communes et du deacuteveloppement

de leur reacutegion Les eacutevolutions les plus eacutetonnantes sont celles de Mourenx et de Bagnols les

niveaux de 1968 y deacutepassaient celui de la France surtout Mourenx avec 385 habitants par

logement contre 314 pour la France (339 pour Bagnols) et se retrouvent en 2006 agrave un niveau

plus bas de la moyenne nationale avec le mecircme chiffre de 228 habitants par logement contre

236 pour la France

Ce sont drsquoailleurs les trois plus petites villes de lrsquoeacutechantillon (Mourenx Fareacutebersviller et Behren)

qui connaissent une diminution la plus forte de cette variable en trente-six ans de 40 soit

deux fois plus que les Ulis (197 ) et pregraves 60 de plus que la moyenne nationale (248 )

Malgreacute lrsquoeacutecart initial important entre Mourenx et les deux communes mosellanes en 1968 (458 agrave

Fareacutebersviller et 45 agrave Behren contre 385 agrave Mourenx) les situations se sont reacuteduites pregraves de

quarante ans plus tard entre les communes mosellanes et Mourenx lrsquoeacutecart est passeacute de 073

personne par logement entre Mourenx et Fareacutebersviller et 065 entre Mourenx et Behren en

1968 agrave 047 et 046 en 2006

Ces eacutevolutions srsquoexpliquent certainement de diverses maniegraveres drsquoun cocircteacute les caracteacuteristiques

socio-eacuteconomiques et du marcheacute du logement dans les reacutegions des communes avec une forte

tension chronique en Icircle-de-France qui contraint davantage au prolongement de la cohabitation

des enfants et agrave lrsquoheacutebergement transitoire et des situations plus deacutetendues par ailleurs plus

favorables agrave la deacutecohabitation et agrave une meilleure accessibiliteacute au logement et de lrsquoautre cocircteacute un

effet probable de la taille des villes puisque les pheacutenomegravenes de vieillissement et de

deacutecohabitation des jeunes suivie de leur migration reacutesidentielle hors commune sont

certainement plus homogegravenes et donc plus geacuteneacuteraux dans des parcs de logements de plus petite

taille (dans les grandes villes lrsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute des profils familiaux plus importante suscite des

pheacutenomegravenes divers de peuplement aux effets plus ou moins contraires en termes de niveau de

taille du peuplement avec des meacutenages de grande taille et drsquoautres de taille plus reacuteduite)

De la densiteacute drsquooccupation des logements deacutependent donc en grande partie les effets de la

hausse du nombre de reacutesidences produit sur une commune Cependant mecircme cette variable

deacutepend de plusieurs autres facteurs drsquoune part les caracteacuteristiques et dynamiques propres des

315

populations comme les profils des meacutenages (jeunes couples personnes seules ou couples

acircgeacuteshellip) les eacutevolutions du solde naturel des populations et les caracteacuteristiques eacuteconomiques et

sociales des territoires qui deacuteterminent les migrations reacutesidentielles mais aussi des

caracteacuteristiques propres aux logements produits comme leur qualiteacute architecturale et mateacuterielle

leur eacutequipement et ameacutenagement exteacuterieur leur localisation et relation avec le reste des villes

ainsi que le nombre moyen de piegraveces par logement et la taille de ceux-ci

Dans une commune si le nombre drsquooccupants par logement est faible il faudra pour entraicircner

une hausse de la population (dans lrsquohypothegravese drsquoun taux de vacance peu eacuteleveacute et drsquoun

ameacutenagement urbain adapteacute) soit preacutevoir une forte augmentation du nombre de logements pour

des meacutenages aux profils similaires soit preacutevoir des nouveaux logements agrave destination de

meacutenages de plus grande taille (avec les eacutequipements services ameacutenagements et activiteacutes

correspondants) Quoiqursquoil en soit la seule hausse progressive du nombre de logements par des

nouveaux programmes de petite taille dans la ville ne peut en soi suffire pour la densification

globale de la commune

Par exemple la hausse du nombre de logements agrave Pierrelatte eacutetait assez eacuteleveacutee entre 1990 et

1999 de 83 mais le niveau de population a neacuteanmoins continueacute de baisser de 18 Il est

vrai que cette ville a simultaneacutement connu en 1999 un taux de vacance des plus importants

depuis 1968 (101 ) et que le nombre drsquooccupants par logement un peu plus eacuteleveacute que la

France meacutetropolitaine en 1968 (327 contre 314) a chuteacute agrave un niveau plus faible que celui de la

moyenne nationale en 2006 (230 contre 236) Par ailleurs drsquoautres formes drsquoeacutevolutions

correacutelatives existent dans drsquoautres communes et reacutevegravelent tout autant lrsquoimportance de la densiteacute

drsquooccupation dans la relation entre logements et taille drsquoune population de 1975 agrave 1982

Fareacutebersviller par exemple a eacuteteacute en deacutecroissance deacutemographique eacuteleveacutee (- 85 ) alors que les

reacutesidences principales ont augmenteacute de 82 avec un faible taux de vacance en 1982 (26 )

la forte baisse de la moyenne des occupants par logement de 429 agrave 363 soit - 15 en est donc

le principal deacuteterminant meacutecanique Les parts atteintes en 2008 des cateacutegories de population de

plus de 65 ans de 60 agrave 74 ans de 45-59 ans et de moins de 20 ans indiqueacutees dans le tableau 36

ci-dessous attestent de ce vieillissement chronique des profils des meacutenages qui expliquent une

baisse deacutemographique globale des communes

316

Tableau 36 ndash Parts des personnes de plus de 65 ans de la cateacutegorie des 60-74 ans et des jeunes de moins de 20 ans dans la population totale dans les communes eacutetudieacutees et en

France meacutetropolitaine en 2008

Les Ulis

Fareacutebers-viller

Behren-legraves-

ForbachMourenx

Bagnols-sur-Cegraveze

Pierrelatte Rillieux-la-Pape

France meacutetropo-

litaine

Part des + 65 ans 72 17 163 229 214 194 14 167

Part des 60-74 ans 101 113 115 163 158 153 124 134

Part des 45-59 ans 19 192 206 188 206 209 183 203

Part des - 20 ans 309 266 262 235 233 235 297 246

En effet par exemple si Les Ulis se distingue fortement de lrsquoensemble des communes de

lrsquoeacutechantillon et des moyennes nationales en ce qui concerne la part des plus de 65 ans (ils

forment 72 de la population contre 167 en France meacutetropolitaine et entre 14 et 229

pour les autres communes) les deux parts des 45-59 ans et des 60-74 ans indiquent que le

processus de vieillissement de cette commune comme releveacute dans la premiegravere partie

monographique et tel que le montrent les donneacutees drsquooccupation des logements analyseacutees plus

haut est en cours de rattrapage de la situation nationale et de celle des autres communes Ces

derniegraveres preacutesentent drsquoailleurs deacutejagrave des valeurs en ce qui concerne les plus de 65 ans qui sont

soit du mecircme niveau que la moyenne nationale agrave 167 (Fareacutebersviller agrave 17 Behren-legraves-

Forbach agrave 163 et Rillieux un peu plus bas agrave 14 ) soit sont mecircme nettement plus

importantes comme agrave Pierrelatte avec 194 mais surtout agrave Bagnols-sur-Cegraveze avec 214 et agrave

Mourenx avec 229 (eacutecarts supeacuterieurs respectivement de 14 22 et 27 de la moyenne

nationale)

Selon cet eacutechantillon les villes de grand ensemble ne sont donc plus des villes jeunes dans leur

ensemble La diffeacuterence preacutesenteacutee par Les Ulis peut srsquoexpliquer de deux maniegraveres

compleacutementaires Drsquoune part sa construction est plus reacutecente apregraves 1968 alors que les autres

communes ont leur grand ensemble soit complegravetement termineacute soit en grande partie deacutejagrave livreacute

Ainsi la partie des jeunes meacutenages des premiers peuplements qui est resteacutee dans la ville connaicirct

un vieillissement plus tardif que dans les communes dont le peuplement a commenceacute dix agrave

quinze ans plus tocirct Drsquoautre part il est possible que dans le marcheacute du logement speacutecifique de la

meacutetropole parisienne Les Ulis joue localement un rocircle particulier drsquohabitat de premiegravere eacutetape

car moins cher et plus accessible dans la trajectoire reacutesidentielle des jeunes meacutenages dans ce

317

contexte ceux qui quittent la commune pour des espaces reacutesidentiels plus chers au logement plu

grand ou de meilleure qualiteacute et aux caracteacuteristiques de lrsquohabitat plus adapteacutees agrave leurs attentes

continuent drsquoecirctre remplaceacutes par des meacutenages de jeunes couples (ou jeunes personnes) moins

argenteacutes

En observant les cateacutegories de population des 60-74 ans et des 45-59 ans le constat de la

premiegravere partie monographique concernant le vieillissement des Ulis est tout agrave fait confirmeacute

Tout drsquoabord les eacutecarts pour les plus de 65 ans srsquoatteacutenuent degraves la cateacutegorie drsquoacircge des 60-74 ans

la part de 101 pour Les Ulis est non seulement moins eacuteloigneacutee de celle de la France

meacutetropolitaine (134 ) mais surtout elle rejoint plus sensiblement lrsquoensemble des valeurs de

lrsquoeacutechantillon comprises entre 113 pour Fareacutebersviller et 163 pour Mourenx Avec Les

Ulis la moyenne de lrsquoeacutechantillon dans cette cateacutegorie drsquoacircge est de 132 soit quasiment le

mecircme que celui de la moyenne nationale

Pour les 45-59 ans la situation est tout agrave fait laquo normaliseacutee raquo Les Ulis comporte une part de

19 de niveau similaire et mecircme leacutegegraverement supeacuterieur agrave deux communes Mourenx (188 ) et

Rillieux-la-Pape (183 ) Ces deux communes preacutesentaient pourtant pour les plus de 65 ans des

niveaux tregraves largement supeacuterieurs aux Ulis de pregraves du double pour Rillieux (14 contre 72

pour Les Ulis) agrave plus du triple pour Mourenx (229 ) Dans cette classe des 45-59 ans les

valeurs sont moins disperseacutees la moyenne franccedilaise de 203 est tregraves leacutegegraverement deacutepasseacutee par

celles les plus eacuteleveacutees des communes de lrsquoeacutechantillon 209 pour Pierrelatte et 206 pour

Behren et Bagnols La moyenne de lrsquoeacutechantillon est de 196 soit tregraves leacutegegraverement infeacuterieure agrave

la moyenne franccedilaise

Ainsi lrsquoeacutetude de la reacutepartition des populations des communes dans les classes drsquoacircge les plus

eacuteleveacutees montre qursquoil se forme une sorte de laquo normalisation raquo du profil deacutemographique de la

commune dans le sens drsquoun rapprochement de ses composantes avec la situation globale Par

ailleurs les parts des moins de 20 ans fixeacutees autour des 30 pour Les Ulis (309 ) et pour

Rillieux-la-Pape (297 ) soit pregraves drsquoun quart suppleacutementaire agrave la part nationale (246 )

montrent que le vieillissement nrsquoest pas synonyme de diminution des parts de la jeunesse et de

lrsquoenfance Cependant puisque ces parts sont comprises entre 233 et 266 pour les cinq

autres communes de lrsquoeacutechantillon et que la part moyenne de lrsquoeacutechantillon est de 262 il reste

que la tendance principale de lrsquoeacutevolution deacutemographique des communes de grand ensemble est

318

bien celle drsquoune orientation similaire agrave celui de la socieacuteteacute globale crsquoest-agrave-dire un vieillissement

progressif

Par conseacutequent si la vitaliteacute urbaine se mesure ou mecircme se base sur la croissance

deacutemographique en plus des eacutequipements divers censeacutes rendre attractive une commune la

tendance actuelle agrave la baisse de la densiteacute drsquooccupation des logements implique une politique de

construction de logements qui integravegre cette variable pour produire un reacuteel effet haussier Dans cet

objectif hors politique de diversification des meacutenages du peuplement le niveau de construction

des uniteacutes de logement doit ecirctre particuliegraverement eacuteleveacute comme en 1999-2006 agrave Pierrelatte la

hausse de 142 des logements conforteacutee par une forte reacuteduction du taux de logements

vacants (de 101 agrave 54 ) a bien entraicircneacute une hausse de 29 de la population alors mecircme

que le nombre moyen drsquohabitants par logement a baisseacute de 101 entre 1999 (256) et 2006

(230) En fait pour une hausse continue de population dans une ville de grand ensemble lrsquoeffort

de production de logements suppleacutementaires doit ecirctre important et reacutegulier Ce qursquoillustre

Bagnols-sur-Cegraveze puisqursquoelle est la seule agrave croissance continue entre 1968 et 2006 dont les

hausses importantes de reacutesidences principales agrave chaque peacuteriode intercensitaire entre 77 et

15 ont pu compenser et mecircme deacutepassaient les effets de la forte baisse de la densiteacute

drsquooccupation des logements qui est passeacutee en 206 agrave 228 habitants par logement soit sous le

niveau national (236) de 008 points (soit - 34 )

Plus globalement le manque de dynamisme deacutemographique en termes de taille de population qui

touche la plupart des communes de grand ensemble ne peut donc pas ecirctre interpreacuteteacute comme un

signe de deacutevitalisation urbaine au sens drsquoune deacutesaffection geacuteneacuterale de la part des habitants des

zones consideacutereacutees et mecircme des plus pauvres Au contraire cela peut mecircme signifier une

ameacutelioration des conditions de vie des familles et des meacutenages qui y reacutesident ce qui est aussi une

condition de lrsquourbaniteacute en effet la deacutecohabitation des enfants et lrsquoabsence drsquoheacutebergement

drsquoamis ou de proches des familles qui peut advenir faute drsquooffre suffisante de logements ou de

niveau de vie assez eacuteleveacute sont des processus inverses au tassement des personnes dans des petits

logements motiveacute par le manque de moyens et de logements (Jacobs 1991) Dans ce sens les

eacutevolutions socioculturelles (prolongement des eacutetudes contraception deacutesir drsquoeacutepanouissement

drsquoeacutemancipation et drsquoindividualisation des femmes) qui ont aussi entraicircneacute la limitation de la

feacuteconditeacute des femmes et du nombre drsquoenfants par famille et par meacutenage ont contribueacute avec la

croissance des niveaux de vie (lieacutee agrave la bi-activiteacute des couples) au renforcement de la recherche

319

de conditions optimales de logement eg une chambre par couple par adulte ou par enfant ce

qui srsquooppose au surpeuplement des locaux drsquohabitation

D- Une population plus ouvriegravere et deacuteconnecteacutee du travail

Lrsquoexamen des cateacutegories sociales qui peuplent les communes eacutechantillonneacutees illustrent la

polarisation ouvriegravere du peuplement des grands ensembles Cela constitue agrave vrai dire une reacutealiteacute

depuis leur livraison comme lrsquoa rappeleacute Peillon (2001) contrairement au mythe de lrsquohabitat de la

nouvelle classe urbaine des anneacutees 1950 composeacutee de nombreuses cateacutegories sociales moyennes

associeacutees aux cateacutegories ouvriegraveres inteacutegreacutees partageant un mode de vie uniformiseacute sous lrsquoeffet de

la cohabitation dans le mecircme type drsquoensemble reacutesidentiel En fait sur le plan geacuteneacuteral de

lrsquooccupation au travail les populations sont deacutejagrave plus faiblement actives que la moyenne

franccedilaise sauf pour Les Ulis qui a la part drsquoinactifs parmi les 15-64 ans la plus faible de

lrsquoeacutechantillon (cf Tableau 37 ci-dessous)

Cette situation est lieacutee agrave la part plus eacuteleveacutee aux Ulis des cateacutegories socioprofessionnelles (CSP)

moyennes voire supeacuterieures sous lrsquoeffet certainement des programmes immobiliers preacutevus agrave cet

effet car les cadres moyens et supeacuterieurs sont moins au chocircmage (car plus qualifieacutees) et

certainement plus jeunes que les ouvriers davantage au chocircmage (car moins qualifieacutes) et acircgeacutes des

communes plus ouvriegraveres comme Fareacutebersviller et Behren-legraves-Forbach Ces donneacutees illustrent la

deacuteconnexion entre le travail et le monde ouvrier qui se constate dans les grands ensembles

Lrsquoexception ulissienne sur ce plan de la composition sociale et non des niveaux de vie ne

signifie cependant pas que la deacuteconnection des employeacutes et des cateacutegories moyennes nrsquoexiste

pas elle se manifeste davantage sous une autre forme celle de la preacutecariteacute de lrsquoemploi sous-

emploi ou laquo preacutecariat raquo eacutevoqueacute par Castel (1995) qui ne se deacutecegravele pas dans le chocircmage officiel

Dans un premier temps lrsquoon constate que la population des 15-64 ans en 2008 parmi laquelle les

actifs sont les plus nombreux ne repreacutesente qursquoentre 53 et 70 des populations municipales

totales soit moins de la moyenne franccedilaise qui est de 717 sauf pour Les Ulis qui se situe agrave

738 dont la population ouvriegravere est la moins importante (191 ) de lrsquoeacutechantillon (de 289

pour Bagnols agrave 486 pour Fareacutebersviller) ainsi que par rapport agrave la moyenne nationale (239

)

320

Tableau 37 ndash Structure socioprofessionnelle de la population des 15-64 ans des communes eacutetudieacutees et de la France meacutetropolitaine en 2008

Les Ulis

Fareacutebers-viller

Behren-legraves-

ForbachMourenx

Bagnols-sur-Cegraveze

Pierrelatte Rillieux-la-Pape

France meacutetropo-

litaine

Population en 2008 24 590 5 935 8 514 7 406 18 506 12 893 29 578 62 134 866

Population de 15-64 ans ( population totale)

17 002 (691 )

3 793 (639 )

5 581 (656 )

4 416 (596 )

11 432 (618 )

8 097 (628 )

18 845 (637 )

403 millions(649 )

Dont en de la population des 15-64 ans (100 )

Actifs 738 569 534 689 667 698 699 717

Dont Part au chocircmage 84 161 137 136 109 117 107 8

Part occupeacutes 654 408 397 553 558 581 592 637

PRINCIPALES CSP des actifs 100 100 100 100 100 100 100 100 Agriculteurs exploitants 0 0 0 0 0 0 0 17

Artisans commerccedilants Chefs dentreprises

28 31 23 36 58 55 43 56

Cadres et professions intellectuelles supeacuterieures

161 21 24 43 98 61 111 148

Professions intermeacutediaires 268 109 122 174 229 244 216 24

Employeacutes 341 29 311 323 308 278 318 29

Ouvriers 191 486 469 405 289 341 296 239

Inactifs 262 431 466 311 333 302 301 283 Eacutelegraveves eacutetudiants et stagiaires non

reacutemuneacutereacutes 115 113 128 87 105 84 121 106

Retraiteacutes et preacuteretraiteacutes 67 106 99 85 84 79 68 86

Autres inactifs 81 212 239 139 144 139 112 91

Source INSEE

CSP Cateacutegories socio-professionnelles

Les 15-64 ans des Ulis se compose drsquoailleurs drsquoune part drsquoinactifs (262 ) plus basse que dans

le reste lrsquoeacutechantillon (de 301 pour Rillieux-la-Pape agrave 466 pour Behren) et de la France

meacutetropolitaine (283 ) ce qui confirme le constat reacutealiseacute dans lrsquoeacutetude monographique

preacuteceacutedente de lrsquoimportance de sa population active que lrsquoon retrouve ici avec une part de

chocircmage laquo officiel raquo relativement basse par rapport aux autres communes (84 de lrsquoensemble

des 15-64 ans proche du niveau national agrave 8 contre 107 agrave 167 dans lrsquoeacutechantillon) Il

avait mecircme eacuteteacute poseacute comme hypothegravese que les revenus drsquoactiviteacute des actifs ulissiens devaient

321

ecirctre en moyenne assez faibles par rapport agrave ceux des communes ougrave la population au chocircmage est

plus eacuteleveacutee mais les niveaux moyens des revenus des foyers sont proches les actifs plus

nombreux sont neacutecessairement moins reacutemuneacutereacutes que les autres

Ce constat est compatible avec la part importante du sous-emploi aux Ulis qui ne se perccediloit pas

dans le chocircmage officiel qui ne retient que les demandeurs drsquoemploi sans travail et cherchant un

travail agrave plein temps ou agrave mi-temps95 Cette situation est particuliegravere car dans lrsquoeacutechantillon par

exemple Pierrelatte et Rillieux ont en 2008 des niveaux de revenus moyens de lrsquoensemble de

leurs foyers (21 924 euro et 19 187 euro) proches de celui des Ulis (20 786 euro) Leur part de chocircmeurs

est plus eacuteleveacutee (117 et 107 ) Ce qui signifie que les actifs occupeacutes de ces deux communes

ont des revenus en moyenne plus eacuteleveacutes notamment les professions intermeacutediaires et les

cateacutegories employeacutees et ouvriegraveres les plus nombreuses en raison certainement drsquoemplois

occupeacutes agrave plein temps

En outre la situation en apparence plus favorable des meacutenages ulissiens en raison drsquoun taux de

chocircmage officiel bas est aussi relativiseacutee par lrsquoeffet suppleacutementaire de moindre pouvoir drsquoachat

lieacute au coucirct de la vie plus eacuteleveacute de lrsquoagglomeacuteration parisienne pour des niveaux de revenus

proches des meacutenages des agglomeacuterations des reacutegions non franciliennes Ce qui constitue une

difficulteacute suppleacutementaire pour les conditions de vie des ulissiens de cateacutegories moyennes et

modestes

Par ailleurs concernant les autres communes de lrsquoeacutechantillon un fait notable est celui des parts

tregraves eacuteleveacutees de population inactive parmi les 15-64 ans dans deux communes Fareacutebersviller et

Behren-legraves-Forbach les communes miniegraveres de Moselle respectivement 431 et 466 Ces

niveaux sont supeacuterieurs de plus de 9 points et de 12 points par rapport agrave la moyenne de

lrsquoeacutechantillon (344 ) Et par rapport agrave la moyenne nationale lrsquoeacutecart est plus grand encore de

148 points pour Fareacutebersviller soit un eacutecart de plus de la moitieacute (+ 523 ) et de 183 points

pour Behren soit pregraves de deux tiers suppleacutementaires (+ 647 ) Dans les deux cas les personnes

inactives sont surrepreacutesenteacutees du fait de lrsquoimportance de la cateacutegorie laquo autres inactifs raquo qui

regroupe malades ou handicapeacutes et hommes ou le plus souvent laquo femmes au foyer raquo 212

95 Il avait eacuteteacute estimeacute agrave pregraves de 18 des actifs en 2000 les actifs preacutecaires (notamment les temps partiels et contrats agrave dureacutee deacutetermineacutee subis) autres que les chocircmeurs laquo officiels raquo (69 agrave lrsquoeacutepoque) les preacutecaires et sous-employeacutes ont des niveaux de reacutemuneacuteration globalement plus faibles que ceux travaillant agrave plein temps par la faiblesse du temps de travail passeacute ou lrsquoirreacutegulariteacute des temps drsquoactiviteacute

322

pour Fareacutebersviller et 239 pour Behren soit plus du double de la moyenne nationale (91 )

et pregraves de 50 de plus que la moyenne de lrsquoeacutechantillon (152 )

Pourquoi de tels eacutecarts La premiegravere partie probleacutematique de la thegravese a rappeleacute que parmi les

actifs preacutecaires globalement en France il existe des laquo deacutecourageacutes raquo vis-agrave-vis de la recherche de

travail situation lieacutee agrave un environnement faiblement doteacute en emplois accessibles et surtout lieacutee agrave

un faible niveau de qualification des actifs Les deux communes preacutesentent justement des taux de

sans diplocircme les plus eacuteleveacutes de lrsquoeacutechantillon (cf tableau 26 p 292) avec plus de la moitieacute de

leur population de plus de 15 ans non scolariseacutee soit trois fois plus que le taux national et deux

fois plus que la moyenne de lrsquoeacutechantillon De mecircme ce sont les deux communes les plus

ouvriegraveres de lrsquoeacutechantillon dont les parts (486 pour Fareacutebersviller et 469 pour Behren)

repreacutesentent le double de celle de la France meacutetropolitaine (239 ) et plus drsquoun tiers de la

moyenne de lrsquoeacutechantillon (354 ) Ainsi la preacutesence dans une ville drsquoun nombre important

drsquoinactifs dans des populations agrave forte composante ouvriegravere associeacutee agrave une faible qualification

geacuteneacuterale ne doit pas surprendre dans la France des anneacutees 1990 et 2000

La ville de Mourenx parmi les autres communes est drsquoailleurs aussi marqueacutee par lrsquoimportance de

la couche ouvriegravere (405 ) Elle partage la faiblesse des cadres et professions intellectuelles

supeacuterieures 43 pour Mourenx contre 21 pour Fareacutebersviller et 24 pour Behren alors

que le taux national est de 148 Comme constateacute statistiquement sur des espaces reacutegionaux et

nationaux (Preacuteteceille 2004 2006 2008) et expliqueacute sociologiquement dans le cadre des

processus de seacutegreacutegation urbaine (Maurin 2004) ces trois communes sont reacuteveacutelatrices du

pheacutenomegravene le plus aigu de diffeacuterenciation sociale des localisations reacutesidentielles la distance

geacuteographique entre les cadres notamment du priveacute et les plus doteacutes en capital culturel et

eacuteconomique et les ouvriers surtout les moins qualifieacutes

Il y a effectivement peu voire tregraves peu de cadres et de professions intellectuelles supeacuterieures dans

les trois communes les plus pauvres et ouvriegraveres de lrsquoeacutechantillon Ils apparaissent drsquoailleurs en

plus grande proportion degraves que les ouvriers sont moins nombreux mais aussi lagrave ougrave les employeacutes

et les professions intermeacutediaires sont plus importants comme aux Ulis Dans cette commune la

part des cadres et professions intellectuelles supeacuterieures y est de 161 crsquoest la seule

proportion au-dessus de la moyenne nationale de 148 Au deuxiegraveme et troisiegraveme rang des

villes comprenant le plus de cadres et de professions supeacuterieures Rillieux (111 ) et Bagnols

(98 ) restent neacuteanmoins assez loin de cette moyenne leur taux drsquoouvriers de 296 et de

323

289 des actifs de pregraves drsquofrac14 de plus que la moyenne nationale y est certainement pour quelque

chose

Aux Ulis la part des ouvriers nrsquoest que de 191 soit pregraves de 20 plus basse que la moyenne

nationale et largement plus basse que toutes les autres communes de lrsquoeacutechantillon avec une

fourchette de 289 pour Bagnols agrave 486 pour Fareacutebersviller la moyenne est de 354 soit

pregraves du double de la part ulissienne Pierrelatte de son cocircteacute confirme eacutegalement cette correacutelation

entre la preacutesence ouvriegravere et le retrait des cadres avec un taux ouvriers de 341 supeacuterieur de

pregraves de 13 et de 15 des taux ouvriers de Bagnols (289 ) et de Rillieux (296 ) la

commune de la Drocircme preacutesente un taux de cadres de 61 ce qui est effectivement plus faible

que les deux autres communes (111 et 98 ) et repreacutesente des eacutecarts neacutegatifs respectifs de

pregraves de la moitieacute et de plus drsquoun tiers

En ce qui concerne les situations des autres cateacutegories sociales que sont les employeacutes et les

professions intermeacutediaires Les Ulis marque ici aussi une diffeacuterence bien que ses employeacutes

soient drsquoun volume leacutegegraverement supeacuterieur 341 contre une moyenne de lrsquoeacutechantillon de 31

et une moyenne franccedilaise de 29 ses professions intermeacutediaires repreacutesentent une part

nettement plus forte que les autres 268 contre une moyenne de 196 pour lrsquoeacutechantillon

soit un eacutecart de plus drsquoun tiers alors que la moyenne nationale de 24 est plus proche des

Ulis

Ainsi les peuplements des autres communes que Les Ulis sont plus nettement homogegravenes situeacutes

entre la partie basse de lrsquoeacutechelle sociale et sa partie moyenne avec une variation interne des

poids des sous-cateacutegories Le profil preacutedominant est celui comportant une part ouvriegravere

nettement preacutepondeacuterante par rapport aux donneacutees nationales mecircme si une leacutegegravere diffeacuterence de

degreacute existe dans la reacutepartition des poids deacutemographiques relatifs de toutes les cateacutegories de leur

structure (ouvriegraveres employeacutees professions intermeacutediaires et cateacutegories supeacuterieures) Trois

communes (Fareacutebersviller Behren et Mourenx) sont majoritairement constitueacutees drsquoactifs

ouvriers et employeacutes drsquoexeacutecution entre 73 et 80 avec surtout une forte surrepreacutesentation

des premiers par rapport au taux national Les cateacutegories intermeacutediaires (10 agrave 17 ) mais

surtout les cateacutegories et professions supeacuterieures (de 2 agrave 45 ) de maniegravere plus prononceacutee y

sont faiblement repreacutesenteacutees

324

Les trois autres communes (Bagnols Pierrelatte Rillieux) comprennent une reacutepartition

davantage ouverte aux professions intermeacutediaires et supeacuterieures sans toutefois combler la sous-

repreacutesentation de ces derniegraveres par rapport aux taux nationaux Entre ces deux groupes de trois

communes celui dont les communes sont plus fortement ouvriegraveres est aussi celui dont les tailles

deacutemographiques sont les plus faibles en dessous de 10 000 habitants En quelque sorte la

diversification sociale augmente avec la taille deacutemographique Le groupe des trois communes

plus nombreuses (Bagnols Pierrelatte et Rillieux) ont des profils proches avec des composantes

aux poids relatifs variables voire leacutegegraverement inverseacutes Pierrelatte la plus petite du groupe

(12 900 habitants) est la moins diversifieacutee avec 61 de cateacutegories supeacuterieures et 341

drsquoouvriers contre 98 et 289 pour Bagnols qui est de taille plus importante de pregraves drsquoun

tiers (18 500 habitants) et 111 et 296 pour Rillieux qui est la commune la plus peupleacutee de

lrsquoeacutechantillon (29 500 habitants)

Ainsi en plus de la diversification plus la taille de la commune srsquoagrandit plus la part des

cateacutegories supeacuterieures est importante Les Ulis confirme cette relation Une interpreacutetation serait

que indeacutependamment des agglomeacuterations et des systegravemes urbains drsquoappartenance les cadres

cohabitent dans des communes avec des populations ouvriegraveres agrave condition que celles-ci soit de

taille deacutemographique suffisamment grande et qursquoelles comportent des infrastructures

reacutesidentielles assez diversifieacutees et seacutepareacutees pour leur garantir la limitation souhaiteacutee des contacts

et des interactions dans leur voisinage et dans les structures de socialisation de commerces et

drsquoactiviteacutes de loisirs et de culture de proximiteacute De mecircme la nette preacutesence des professions

intermeacutediaires dans ces trois communes (244 pour Pierrelatte 229 pour Bagnols et 216

pour Rillieux) proche du niveau national (24 ) renforce certainement le caractegravere

drsquoacceptabiliteacute de cette cohabitation en raison de la proximiteacute des valeurs et des modes de vie

que les classes moyennes peuvent avoir avec les cateacutegories supeacuterieures plus que les ouvriers non

ou peu qualifieacutes

Dans lrsquoeacutechantillon Les Ulis apparaicirct comme la seule commune meacutelangeacutee avec des parts

importantes de classes moyennes voire supeacuterieures mais aussi de cateacutegories employeacutees et

ouvriegraveres mecircme si la mixiteacute socio-reacutesidentielle nrsquoest pas manifeste de maniegravere homogegravene dans

lrsquoensemble des reacutesidences de la commune Crsquoest certainement le contraire drsquoailleurs puisque les

quartiers prioritaires de la politique de la ville se confondent pour lrsquoessentiel avec le parc HLM

dans lequel la population preacutecaire y est preacutedominante (cf deuxiegraveme partie monographique

325

preacuteceacutedente) il existe alors une certaine diffeacuterenciation sociale des reacutesidences en fonction du ou

des type(s) de logement qui les constituent (publicsocial ou accession agrave la proprieacuteteacute)

Cependant le critegravere du logement HLM ne peut constituer un indicateur fiable de la composition

sociale drsquoune commune ou drsquoune reacutesidence Par exemple comme lrsquoindique le tableau 23 plus

haut Les Ulis ne dispose pas du parc de logements HLM le plus petit loin de lagrave Avec 51 en

1982 crsquoest-agrave-dire agrave une date prenant en compte la fin de construction des grands ensembles pour

appreacutecier les caractegraveres structurels que ceux-ci impriment agrave leur commune la ville se situe

proche de la limite supeacuterieure de 54 (Rillieux-la-Pape) de la fourchette des parts de logement

aideacute dans lrsquoeacutechantillon La population des Ulis est pourtant plus diversifieacutee que celle des autres

communes de lrsquoeacutechantillon plus que Pierrelatte par exemple qui ne comprend que 25 de

logements HLM soit la limite basse de la fourchette de la part des logements aideacutes dans

lrsquoeacutechantillon

Enfin les deux communes aux extreacutemiteacutes de la fourchette (Pierrelatte et Bagnols) preacutesentent

drsquoailleurs assez sensiblement une mecircme structure sociale des actifs Elle est principalement

modeste et moyenne selon le tableau 37 ci-dessus drsquoabord environ 60 de cateacutegories

ouvriegraveres et employeacutees (avec leacutegegravere preacutedominance de lrsquoune de ces cateacutegories sur lrsquoautre qui

diffegravere entre les communes) ensuite une part comprise entre 20 et 25 de professions

intermeacutediaires et enfin une faible part de cateacutegories supeacuterieures entre 6 et 11 La leacutegegravere

preacutedominance de Rillieux par rapport agrave Pierrelatte en cateacutegories supeacuterieures compense sa leacutegegravere

et plus faible part en professions intermeacutediaires (et vice et versa pour Pierrelatte)

E- Violence et inseacutecuriteacute dans les relations sociales

Dans ce domaine des eacuteleacutements drsquoanalyse et drsquoappreacuteciation de la situation dans les villes ont eacuteteacute

rapporteacutes agrave travers la recherche par internet et lrsquoexamen de documents divers article

scientifique (un) mais surtout documents lieacutes agrave des plans drsquoactions des acteurs publics

comprenant une partie diagnostique etou analytique plus ou moins deacuteveloppeacutee sur la base de

donneacutees issues des institutions de production statistique drsquoacteurs en charge de ces questions ou

encore drsquoeacutetudes sociologiques commanditeacutees Au passage lrsquoexemple de Mourenx rappelle que

les donneacutees sur la deacutelinquance relegraveve speacutecifiquement bien de lrsquoactiviteacute policiegravere de 2002 agrave

2003 le taux de criminaliteacute srsquoest reacuteduit de moitieacute (de pregraves de 60 pour 1 000 habitants agrave pregraves de

326

30 pour 1 000) en mecircme temps la commune perdait son commissariat de policehellip Quoi qursquoil en

soit le recueil la mise en forme et les analyses comparatives des donneacutees de chaque commune

ont eacuteteacute reacutealiseacutees sur la base drsquoun mateacuteriau heacuteteacuterogegravene Le tableau 38 infra rassemble des

informations recueillies pour chaque commune concernant la situation sur le plan de la

deacutelinquance et de la violence Les donneacutees et les constats rapporteacutes sont extrecircmement divers sur

les plans des sources des dates et objets des donneacutees crsquoest pourquoi il ne se preacutesente pas sous

forme drsquoune syntheacutetisation chiffreacutee facilitant la comparaison Il srsquoagit plutocirct ici de deacutegager pour

chaque commune un eacutetat des situations seacutecuritaires en termes de probleacutematique et de modaliteacutes

drsquoaction dans ce domaine et de comparer agrave ce niveau les communes

Drsquoabord les communes partagent une situation de laquo reacuteaction seacutecuritaire raquo proche faisant suite agrave

une peacuteriode de deacutelinquance de criminaliteacute etou de violence suffisamment probleacutematiques pour

y avoir instaurer divers dispositifs institutionnels partenariaux deacuteveloppant des actions de

preacutevention drsquoeacuteducation populaire de police de proximiteacute et drsquointervention reacutepressive Cet

ensemble drsquointerventions sociales multiples constitue une forme de geacuteneacuteralisation dans les

communes de grand ensemble des dispositifs de preacutevention drsquoabord puis plus fortement de

reacutepression policiegravere Ceux-ci ont eacuteteacute initieacutes de maniegravere formelle par les pouvoirs publics degraves le

deacutebut des anneacutees 1980 dans les zones ougrave se sont manifesteacutes les premiers laquo rodeacuteos raquo de voitures

laquo voleacutees aux riches puis brucircleacutees raquo dans les trois communes de la peacuteripheacuterie lyonnaise que sont

Veacutenissieux Villeurbanne et Vaulx-en-Velin

Sur le plan historique (Mohammed Mucchielli 2003) il y a drsquoabord eu des dispositifs preacuteventifs

laquo anti-eacuteteacute chaud raquo laquo opeacuterations preacutevention eacuteteacute raquo (OPE) puis laquo Ville Vie Vacances raquo qui

allient animation locale et deacuteparts en vacances Le deacuteveloppement de lrsquoaction policiegravere et

gendarmique a aussi eacuteteacute important sur le plan preacuteventif (police de proximiteacute officiers de

preacuteventionhellip) mais surtout reacutepressif (brigade anti-criminaliteacute groupement drsquointervention

rapidehellip) afin de chercher agrave obtenir plus de reacutesultats rapides et visibles Et en mecircme temps

aussi se sont mises en place des organisations nouvelles sur les territoires rassemblant les

acteurs de preacutevention et de seacutecuriteacute pour deacutefinir et ameacuteliorer les reacuteponses agrave apporter (conseils de

preacutevention de la deacutelinquance contrats locaux de seacutecuriteacutehellip)

Si dans cette expeacuterience drsquoameacutelioration continue de lrsquoorganisation de la preacutevention et de la

seacutecuriteacute la pression deacutelinquante est parfois encore croissante durant les anneacutees 2000 (Rillieux-la-

327

328

Pape) elle apparaicirct le plus souvent contenue voire reacuteduite pour les autres communes En

revanche cette eacutevolution globale ne semble pas influer sur drsquoune part les niveaux assez eacuteleveacutes

de faits drsquoinciviliteacutes et drsquoautre part la perpeacutetuation de la violence tant pour les actes de

preacutedation que pour le deacuteveloppement du sexisme sur fonds drsquoattitudes communautaristes

Ces faits sont lieacutes agrave deux types de problegravemes reacutecurrents Drsquoabord les trafics de drogue dans

certaines rues dans des espaces exteacuterieurs et aux abords des eacutetablissements scolaires ce qui

engendre des tensions multiples lieacutees agrave lrsquoappropriation de lrsquoespace agrave lrsquoinsu des riverains ou des

usagers de celui-ci avec des conduites drsquoivresse des consommateurs (sans compter les

preacutedations pour pouvoir srsquoapprovisionner) et les rivaliteacutes entre vendeurs pour beacuteneacuteficier des

marcheacutes Ensuite crsquoest tout un ensemble de pressions et de tensions multiples qui se manifestent

dans les relations sociales notamment des actes agrave caractegravere sexiste contre les femmes et drsquoautre

part ceux agrave caractegravere intoleacuterant voire raciste entre individus drsquoorigines ethniques diffeacuterentes

Ces faits ne sont pas sans lien avec la pousseacutee de lrsquointeacutegrisme ou de lrsquoheacuteteacuterodoxie arabo-

musulmane mais aussi avec lrsquoattitude de populations drsquoautres cultures populaires etou

traditionnalistes leacutegitimant lrsquoimposition drsquoune forte hieacuterarchie de genre et drsquoacircge sous-tendue par

la domination masculine et accompagneacutee drsquoune vision racialiste et communautariste de la vie et

des relations sociales Ce qui se retrouve dans certains comportements drsquoenfants qui reproduisent

les discours et visions parentales agrave travers des propos et des actes dans ce sens (adresses ethno-

raciales propos racistes regroupements affinitaires agrave base ethno-racialehellip)

Lapeyronnie (2008) a pu drsquoailleurs montrer agrave quel point ces conduites pouvaient relever drsquoune

reacuteaction plus ou moins consciente agrave la marginalisation et agrave la discrimination sociales lieacutees aux

reacuteactions de racisme de la population franccedilaise vis-agrave-vis des immigreacutes notamment des anciennes

colonies De ce fait selon le degreacute drsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute sociale et culturelle des populations des

communes et selon la diversiteacute fonctionnelle de leur espace qui favorisent la multipliciteacute des

pratiques sociales en son sein des conduites multiples peuvent traduire des conflits drsquointeacutegration

multiformes lrsquoopposition et le refus des valeurs de liberteacute et drsquoeacutegaliteacute attacheacutees notamment aux

femmes ainsi que les reacutesistances vis-agrave-vis de pratiques institutionnelles de socialisation (Les

Ulis) le refus et lrsquoeacutevitement de contacts sociaux et inter-quartiers (Les Ulis Bagnols) ou

encore la deacutelinquance au deacutetriment de certains habitants agents et bacirctiments publics ainsi que

drsquoentreprises et de commerces divers

329

Tableau 38 ndash Informations diverses (rapports administratifs meacutedias eacutetudes-recherche) sur lrsquoeacutevolution de la deacutelinquance et de la violence dans les communes eacutetudieacutees dans les anneacutees 2000

Commune et sources drsquoinformations

Donneacutees et commentaires drsquoacteurs sur la deacutelinquance dans les anneacutees 2000

Les Ulis

Sources Preacutefecture de lrsquoEssonne (2009) Ville des Ulis (2007)

Deacutelinquance geacuteneacuterale (ensemble des faits constateacutes) baisse entre 2003 et 2007 de 336 (hausse de 2003 agrave 2005 puis baisse de 2005 agrave 2007) De 2000 agrave 2005 forte baisse des cambriolages (-293 ) dont ⅔ ont lieu hors ZUS augmentation de 90 des vols et recels et des atteintes aux personnes de 203 (dont 55 ont lieu hors ZUS) dont les coups et blessures volontaires (+ 42 ) et les menaces chantages et extorsions (+ 29 ) et leacutegegraverement plus de vols avec violence hors et dans la ZUS Violence laquo preacuteoccupante raquo dans les eacutetablissements scolaires ainsi qursquoagrave leurs abords (collegraveges et le lyceacutee) et augmentationdes atteintes agrave la paix publique de 252 outrages + 145 infractions agrave la leacutegislation sur les stupeacutefiants + 260 en relation avec perception de lrsquoinseacutecuriteacute lieacutee aux divers points de trafic de drogue dans certains secteurs deacutelits agrave la police des eacutetrangers + 350 556 de ces atteintes ont lieu hors ZUS Dans les Accueils jeunes (freacutequenteacutes en grande majoriteacute par des garccedilons) certains jeunes expriment ce climat drsquoinseacutecuriteacute vols dealers agrave la sortie du collegravege du lyceacutee et dans des squares publics dans et hors ZUS

Deacutelinquance de voie publique (vols et cambriolages en tout genre sauf avec armes agrave feu et de veacutehicules avec fret destructions et deacutegradation sauf incendies et attentats) baisse importante entre 2003 et 2007 de 337

Inciviliteacutes hausse des faits de stationnements gecircnants (entre 2004 et 2005) et des deacutepocircts sauvages drsquoordures meacutenagegraveres et drsquoautres objets (agrave 60 et agrave 65 dans la ZUS) plus de 4 400 caddies de supermarcheacute abandonneacutes sur la ville en 2005 forte hausse 2004-2005 du vandalisme sur lrsquoeacuteclairage public principalement dans la ZUS apregraves baisse 2000-2004 et vols et deacutegradations de bacirctiments et drsquoeacutequipements publics (+ 216 de plaintes agrave ce sujet surtout dans ZUS et quartier prioritaire Nord-est) perpeacutetuation des regroupements de jeunes dans de nombreux halls drsquoimmeubles de la ZUS et du deuxiegraveme secteur prioritaire Nord-est malgreacute des Accueils jeunes bien localiseacutes (pied des immeubles proches des eacutecoles) agrave lrsquoaccegraves ouvert et au contenu de preacutevention et drsquoinformation eacuteducative

Difficulteacutes drsquointeacutegration des immigreacutes manque de respect de garccedilons envers des filles (avec insultes et violence parfois) dans des activiteacutes scolaires et peacuteriscolaires refus de lrsquoautoriteacute des surveillantes de cantine de collegravege par des eacutecoliers refus par certains parents drsquoactiviteacutes exteacuterieures des filles au profit des pratiques religieuses et demande drsquointerdiction drsquoaliments dans les eacutecoles pour raison religieuse avec menace drsquoen arrecircter la freacutequentation rejet de la culture europeacuteenne dans un deacutefileacute de mode (filles en costumes europeacuteens) affrontement de groupes drsquoenfants constitueacutes par origine ethnique dans une cour drsquoeacutecole

Pierrelatte Sources Leacuteonard (2003)

Preacutefecture de la Drocircme (2008 2009)

Taux de criminaliteacute (tous crimes et deacutelits) en 2002 pour 1 000 habitants 4853 avec 1 policier pour 440 habitants (taux national 6930 )

Taux de criminaliteacute (tous crimes et deacutelits) en 2003 pour 1 000 habitants 3854 avec 1 policier pour 312 habitants (taux national 6660 )

Selon Gendarmerie de Pierrelatte hausse de la deacutelinquance laquo de voie publique raquo en 2007 car hausse de celle-ci dans la ZUS notamment les vols et cambriolages tandis que les destructions et deacutegradations y reacutegressent

Selon la preacutefecture (2009) Pierrelatte fait partie de la valleacutee du Rhocircne qui est le secteur du deacutepartement le plus toucheacute par la deacutelinquance La ville srsquoinscrit dans un laquo bassin de deacutelinquance raquo (Donzegravere Saint Paul Trois Chacircteaux Pierrelatte) avec trois autres bassins qui tend agrave se propager parfois agrave lrsquointeacuterieur du deacutepartement (villes de Nyons et Crest) La deacutelinquance agrave Pierrelatte et dans son bassin y est particuliegraverement laquo influenceacutee par le Vaucluse raquo

Bagnols-sur-Cegraveze Sources Leacuteonard (2003)

Cuchot (2006)

Taux de criminaliteacute (tous crimes et deacutelits) en 2002 pour 1 000 habitants 5560 avec 1 policier pour 395 habitants (taux national 6930 )

Taux de criminaliteacute (tous crimes et deacutelits) en 2003 pour 1 000 habitants 5652 avec 1 policier pour 395 habitants (taux national 6660 )

Eacutevolution geacuteneacuterale 2000-2006 et eacutetat favorable de la deacutelinquance en fin de peacuteriode (selon Cuchot 2006) malgreacute des pics en 2003 (fin de la police de proximiteacute) et 2004 (vols de portables) Niveaux des plus bas pour des villes eacutequivalentes du Gard Atteinte des objectifs du CLS preacutevention de la deacutelinquance des mineurs et de la reacutecidive deacuteveloppement de lrsquoaccegraves aux droits seacutecurisation des espaces commerciaux et renforcement du sentiment de seacutecuriteacute (selon deacuteclaration dans des reacuteunions publiques des habitants) reste le problegraveme de lrsquoanimation et de la preacutevention speacutecialiseacutee de certains jeunes se regroupant dans lrsquoespace de proximiteacute de lrsquohabitat sans se lier aux structures drsquoanimation et drsquoactiviteacutes sportives et de loisirs laquo traditionnelles raquo

En outre (Cuchot 2006) eacutechec de lrsquoobjectif de mixiteacute sociale laquo les populations des quartiers ne vont pas vers le centre ville et il est tregraves difficile de faire venir celles du centre ville agrave des spectacles ou animations [dans ceux-ci] mecircme lorsque lrsquoanimation proposeacutee est gratuite raquo

330

Commune et sources drsquoinformations

Donneacutees et commentaires drsquoacteurs sur la deacutelinquance dans les anneacutees 2000

Behren-legraves-Forbach Source Preacutefecture de la Moselle

(2007)

La Citeacute de Behren quartier du Bassin Houiller ougrave la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) intervient le plus fortement et le plus massivement dans le cadrede mesures peacutenales (45 situations suivies en 2006 agrave 95 pour des garccedilons en majoriteacute de 10 agrave 16 ans)

Mourenx Sources Leacuteonard (2003 2004)

Raffestin (2005)

Donneacutees policiegraveres rapporteacutees dans les rapports sur la seacutecuriteacute en preacuteparation des lois de finances 2004 et 2005 de lrsquoAssembleacutee nationale

Taux de criminaliteacute (tous crimes et deacutelits) en 2002 pour 1 000 habitants 6087 avec 1 policier pour 183 habitants (taux national 6930 )

Taux de criminaliteacute (tous crimes et deacutelits) en 2003 pour 1 000 habitants 3180 avec fermeture du commissariat en septembre 2003 (taux national 6660 )

Drsquoapregraves une enquecircte aupregraves de la population en 2005 (Raffestin 2005) 34 des personnes interrogeacutees selon une meacutethode aleacuteatoire par aire drsquoun eacutechantillonstratifieacute (repreacutesentant pregraves de 16 des meacutenages) se disent preacuteoccupeacutees (un peu ou beaucoup) par le manque de seacutecuriteacute dans leur quartier contre 13 enregistreacutees au niveau national par lrsquoObservatoire national de la deacutelinquance Le taux dans la ZUScentre ville (35 de personnes preacuteoccupeacutees) est strictementidentique au score national pour les ZUS Cependant crsquoest dans le quartier VignyBelveacutedegravere que ce sentiment est le plus aigu (45 ) ougrave plus de la moitieacute desenquecircteacutes sont des retraiteacutes et ougrave la correacutelation avec le fait drsquoavoir eacuteteacute victime ou teacutemoin drsquoactes de deacutelinquance au cours des 12 derniers mois est moins forteque dans les 5 autres quartiers de la ville

Rillieux-la-Pape Chichignaud (2004) Ville de

Rillieux-la-Pape (2007) Agence drsquourbanisme de lrsquoagglomeacuteration

lyonnaise (2008)

En 2003 Rillieux fait partie des 23 quartiers ou villes de France les plus dangereuses selon le ministegravere de lrsquoInteacuterieur (26012004) crsquoest-agrave-dire exposeacutes defaccedilon reacutecurrente aux violences urbaines

Alors que lrsquoengagement des acteurs publics en 2004 eacutetait de reacuteduire le nombre de faits de deacutelinquance de 20 les reacutesultats pour 2005 montrent uneaggravation de 30 (dont augmentation la plus importante depuis plusieurs anneacutees pour les violences familiales et constat du rajeunissement des primo-deacutelinquants)

De 1997 agrave 2005 en moyenne annuelle pour 1 000 habitants alors que le nombre de faits de deacutelinquance de voie publique du Grand Lyon (585 faits) auquel appartient Rillieux est supeacuterieur au niveau de cette derniegravere commune (moins de 35 faits) le nombre de faits de violence volontaire (menaces coups et blessures) est agrave lrsquoinverse plus fort agrave Rillieux (de 6 agrave 9 faits pour 1 000 habitants) que dans lrsquoensemble du Grand Lyon (moyenne annuelle de 38 faits pour 1 000 habitants)

Par ailleurs problegraveme des effets ineacutegalitaires de la meacutethode territoriale de la politique de la ville drsquoautres quartiers sont neacutegligeacutes comme les immeubles du square Henri Dunant (agrave Rillieux-village) qui ont les mecircmes caracteacuteristiques sociales que ceux de la ZUS (Ville nouvelle) et sont en tregraves mauvais eacutetat Idem dans les quartiers de la Roue et de Vancia dont certains secteurs accueillent des populations connaissant une situation sociale proche de celle de la Ville nouvelle Crsquoest pourquoi Ville et Eacutetat prolongent dans le nouveau CUCS de 2007 les objectifs des contrats preacuteceacutedents (maintenir une attractiviteacute suffisante pour lrsquoensemble de la Ville nouvelle afin drsquoeacuteviter le regroupement de trop de personnes en situation drsquoexclusion assurer agrave chacun un accegraves aux services publics donnant une eacutegaliteacute de traitement ou de chances dans tous les domaines de la vie quotidienne)

Fareacutebersviller Source Preacutefecture de la Moselle

(2007)

Deacutelinquance geacuteneacuterale en reacutegression de 22 en 2006 (continuiteacute depuis quelques anneacutees) avec un petit nombre drsquoaffaires criminelles (homicides volontairesnotamment) mais une hausse importante du trafic de stupeacutefiants de plus de 50 (principalement sur la partie haute de la citeacute quartier des Hurlevents ainsique sur les deux centres commerciaux) Les atteintes aux biens stagnent (vols agrave la roulotte de portables dans les caveshellip) La baisse globale srsquoexpliquant enpartie par la migration des faits vers les communes avoisinantes (laquo raids raquo de vols agrave la roulotte et agrave lrsquoeacutetalage notamment sur la zone commerciale de Betting)Les mineurs repreacutesentent un quart des mis en cause dans la deacutelinquance globale de la Citeacute

Ce dernier point est plus largement rapporteacute dans le tableau certainement en raison de la plus

grande faciliteacute drsquoaborder ces questions dans les reacuteflexions et projets institutionnels par rapport

aux questions lieacutees agrave lrsquointeacutegration des immigreacutes qui srsquoanalysent et se traitent de maniegravere

multidimensionnelle

Dans cette perspective certaines sources drsquoinformation indiquent que les actes de deacutelinquance

peuvent avoir lieu soit au sein drsquoun de plusieurs ou de la totaliteacute des quartiers drsquoune mecircme

commune soit dans des communes voisines Il est eacutevoqueacute un pheacutenomegravene de report de faits les

plus graves de deacutelinquance voire de criminaliteacute dans les quartiers moins deacutegradeacutes de la

commune ou dans des communes voisines (Les Ulis Fareacutebersviller Mourenx et Pierrelatte)

voire plus loin dans les peacuteripheacuteries ou quartiers internes aux grandes agglomeacuterations voisines

(cas de regraveglements de compte entre bandes de quartiers ou de communes seacutepareacutees parfois de

longues distances entre elles) selon les rapports et lrsquoarticle scientifique exploiteacutes abordant la

deacutelinquance drsquoun deacutepartement ou drsquoune zone interdeacutepartementale dont fait partie la commune

eacutetudieacutee

331331

332332

Troisiegraveme partie

Des milieux soumis agrave la seacutegreacutegation sociale et urbaine

Notre analyse de lrsquoeacutevolution drsquoune commune urbaine comme Les Ulis a drsquoembleacutee chercheacute agrave

aborder la question sociale urbaine sur lrsquoensemble de son territoire de maniegravere eacutelargie par

rapport aux seuls quartiers sociaux qursquoil comprend Degraves lrsquointroduction et le deacuteveloppement

probleacutematique les principaux processus sociaux de preacutecarisation eacuteconomique sociale et

urbaine ont eacuteteacute rappeleacutes pour pouvoir comprendre les situations de preacutecariteacute sociale et la

dynamique de sous-moyennisation sociale et de relations sociales locales deacutegradeacutees qui srsquoy

manifestent Lrsquoobjectif de lrsquoanalyse empirique eacutetait de comprendre ce que en retour les

informations localement recueillies pouvaient apporter sur la particulariteacute des pheacutenomegravenes

comptant dans lrsquointensiteacute des crises socio-urbaines Ceux-ci ont drsquoailleurs bien un caractegravere

global sur le plan national ndash et certainement international puisqursquoils se reacutepegravetent en diffeacuterents

points des espaces urbains

Cette deacutemarche ne se reacuteduit donc pas en eacutecho aux avertissements de Jean-Marc Steacutebeacute et

drsquoHerveacute Marchal (2007 p 14-15) agrave laquo se limiter agrave des eacutechelles spatiales et sociales trop

eacutetroites pour ecirctre en mesure de rendre compte de logiques et de processus globaux raquo car laquo la

sociologie de la ville rappelle dans ce sens que la veacuteriteacute de la ville ne reacuteside pas toute entiegravere

dans la ville elle-mecircme Drsquoautres dimensions (politiques eacuteconomiques sociales) agrave la fois

inheacuterentes et exteacuterieures agrave lrsquourbain ont agrave nrsquoen pas douter un impact sur le monde des villes

Crsquoest pourquoi la ville peut-ecirctre deacutefinie comme un point drsquoarticulation entre des logiques

locales et des dynamiques globales Elle est le lieu ougrave se mateacuterialisent et se concreacutetisent des

processus qui la deacutepassent raquo Reacutealiser une sociologie urbaine neacutecessite donc en eacutevitant des

reacutefeacuterences analytiques trop deacutesincarneacutees et abstraites drsquoidentifier cette rencontre entre des

dynamiques globales et des logiques locales Ainsi une sociologie dans la ville appreacutehende

laquo lrsquoenchevecirctrement des trajectoires individuelles et des espaces la multipliciteacute des acteurs qui

preacutesident drsquoune maniegravere ou drsquoune autre agrave la production de la ville et de lrsquourbaniteacute raquo

333333

Dans ce cadre le rocircle du sociologue urbain est de laquo rendre visible la complexiteacute du lien entre

la ville plus ou moins cristalliseacutee dans les institutions et les bacirctiments et la ville lsquovivantersquo en

mouvement toujours susceptible de deacuteborder les cadres urbains constitueacutes raquo indiquent Steacutebeacute

et Marchal (2007 p 10) En outre ils notent que laquo lrsquoespace reccediloit lrsquoempreinte de la socieacuteteacute

tout autant que lrsquoinverse raquo et ce lien complexe de reacuteciprociteacute eacutecarte toute approche critique

simple de la vision spatialiste des rapports sociaux Ce cadre paradigmatique permet

effectivement drsquoaborder des sujets drsquoanalyse comme le deacuteclin social urbain la ghettoiumlsation

les relations entre les grands ensembles et les tensions sociales ainsi que la deacutecroissance

deacutemographique qui se manifestent aux eacutechelles des communes qui les comportent En outre

la speacutecificiteacute de la sociologie de faits sociaux ayant une relation drsquoinfluence avec les

structures mateacuterielles des espaces urbains neacutecessite certainement de disposer drsquoune

repreacutesentation conceptuelle de la ville et du fait urbain afin de saisir les diffeacuterents effets

possibles des dispositifs ou des cadres urbains sur les pheacutenomegravenes sociaux qui se deacuteploient en

leur sein

Marchal et Steacutebeacute (2008) preacutesentent agrave cet effet une telle conceptualisation utile agrave lrsquoanalyse la

ville se caracteacuterise par un espace urbain dense et diversifieacute doteacute drsquoune centraliteacute par la

concentration des activiteacutes et des interactions sociales qursquoelle permet et qui srsquoeacutetend hors de

ses frontiegraveres en formant des zones peacuteriurbaines composites (immeubles drsquohabitation centres

commerciaux eacutequipements collectifs structures eacuteconomiqueshellip) mais sans la densiteacute et la

diversiteacute qui va avec tout en eacutetant lieacutee agrave sa centraliteacute Ainsi la ville produit de lrsquourbain

comme lrsquourbain peut produire de la ville cest-agrave-dire par la densification et la diversification

de ses fonctions produire des zones urbaines animeacutees devenant des centres drsquoactiviteacutes

multiples avec des interactions diverses offertes agrave ses habitants

Dans cette derniegravere partie de notre thegravese plus analytique nous proposons une reacuteflexion

croisant les constats deacutegageacutes des eacutetudes empiriques preacuteceacutedentes et les productions de travaux

sociologiques ou de disciplines voisines tout en pouvant faire reacutefeacuterence aux mateacuteriaux

empiriques de ceux-ci voire en reprenant des observations drsquoacteurs divers de la ville

notamment des maires de communes urbaines concerneacutees intervenant sur les espaces eacutetudieacutes

et les pheacutenomegravenes qui srsquoy deacuteroulent Le but de cette analyse est de combiner deux objectifs

drsquoune part produire une repreacutesentation des formes typiques et preacutedominantes de vie sociale

dans les grandes zones urbaines de pauvreteacute contemporaines deacuteveloppeacutees au sein et autour

des grands ensembles drsquohabitation ainsi que leurs causes sociales imputables et drsquoautre part

334334

identifier les deacuteterminants endogegravenes et exogegravenes de la deacutevalorisation sociale de lrsquohabitat

grand ensemble

En reacutefeacuterence agrave toute approche sociologique de lrsquoanalyse il est mis en valeur les facteurs

speacutecifiquement sociaux des situations observeacutees qursquoelles relegravevent drsquoattitudes de groupes

sociaux dans les pratiques reacutesidentielles ou encore de responsables des politiques urbaines

sociales et eacuteconomiques Dans ce sens les productions spatiales qui en eacutemanent comme crsquoest

le cas des grands ensembles drsquohabitat sont agrave examiner selon ces deux aspects les

caracteacuteristiques mateacuterielles et physiques avec les dispositifs de gestion suscitant des

reacuteactions drsquoappreacuteciation par les habitants et la signification des deacutecisions et des mesures

prises passeacutees et en cours agrave leur endroit

Chemin faisant il sera proposeacute une notion le deacuteclin social urbain utiliseacutee pour eacutelargir

lrsquoappreacutehension conceptuelle et territoriale des pheacutenomegravenes attribueacutes agrave la laquo ghettoiumlsation raquo

urbaine terme employeacute pour deacutesigner le processus de deacutegradation mateacuterielle et sociale des

zones urbaines de grands ensembles essentiellement srsquoorientant vers la formation de

quartiers-ghettos crsquoest-agrave-dire drsquoespaces de marginaliteacute urbaine et sociale dense comprenant

des populations preacutecaires exclus etou paupeacuteriseacutees releacutegueacutees spatialement et desquelles se

deacuteveloppent des dynamiques de violence et de criminaliteacute eacuteleveacutees Celles-ci pouvant par

moment se manifester dans les espaces voisins de ces zones

Deux chapitres composent cette partie La premiegravere entreprend une formalisation descriptive

des zones de grands ensembles selon des principaux traits significatifs drsquoun processus de

deacuteclin Les milieux formeacutes comportent des tensions dont lrsquoeffet principal est qursquoils suscitent

voire accentuent lrsquoexclusion sociale de leurs habitants alors que ces espaces par leur

deacutepreacuteciation sociale ont adopteacute la fonction drsquoaccueil des groupes sociaux deacutejagrave en difficulteacutes

sociales Le deuxiegraveme chapitre preacutesente les diffeacuterents deacuteterminants endogegravenes et exogegravenes agrave

ces milieux qui contribuent agrave la perpeacutetuation de ces situations de deacuteclin depuis leur livraison il

y a pregraves de quarante ans en moyenne

Il a eacuteteacute rassembleacute une seacuterie drsquoanalyses compleacutementaires et parfois discordantes de statuts

divers entre des travaux de recherche empirique et theacuteorique et des travaux drsquoeacutetudes et de

reacuteflexions drsquoacteurs qui offrent une lecture drsquoensemble aux donneacutees recueillies et mises en

forme dans les parties de recueil de donneacutees preacuteceacutedentes et complegravetent les premiegraveres analyses

reacutealiseacutees Les productions scientifiques contribuent agrave eacuteclairer les ressorts explicatifs et les

relations qui donnent sens aux diffeacuterents pheacutenomegravenes directement observables qui ont eacuteteacute

releveacutes

335335

Et les travaux plus pratiques ou drsquoeacutetudes appliqueacutees qui nrsquoen sont pas moins fiables a priori

sur le plan des donneacutees recueillies teacutemoignent de la reacutealiteacute des situations analyseacutees et

contribuent agrave veacuterifier et illustrer la validiteacute des analyses preacuteceacutedentes tout en apportant des

informations parfois speacutecifiques sur lrsquoobjet qui srsquoest progressivement dessineacute au cours de

cette recherche celui de la production institutionnelle et sociale progressive de ghettos

modernes agrave lrsquoendroit des zones de grands ensembles sous lrsquoeffet des tensions seacutegreacutegatives

accrues dans la socieacuteteacute que le cadre du deacuteveloppement technologique et de la mondialisation

eacuteconomique a conduit les eacutelites politiques agrave choisir plus ou moins consciemment de

deacutevelopper

Chapitre VII

Les communes de grands ensembles eacutetudieacutees des milieux tendus compliquant lrsquointeacutegration sociale

Nous avons montreacute preacuteceacutedemment que la commune des Ulis ainsi que les autres communes

de grands ensembles compareacutees ont pu connaicirctre un changement de statut socio-eacuteconomique

avec lrsquoeacutevolution des populations de leur structure sociale et de leur niveau de richesse

moyenne Les structures sociales se composent davantage et mecircme exclusivement parfois de

cateacutegories populaires et notamment ouvriegraveres avec la possibiliteacute neacuteanmoins comme aux Ulis

de comporter des cateacutegories intermeacutediaires plus nombreuses que dans leur territoire

drsquoappartenance (179 en 2009 aux Ulis contre 163 pour lrsquoagglomeacuteration parisienne)

Cette derniegravere ville a aussi la particulariteacute distinctive drsquoune part non neacutegligeable de cateacutegories

supeacuterieures (105 en 2009) mais ne repreacutesentant que 60 de la part existante dans

lrsquoagglomeacuteration parisienne et se trouvant en perte de valeur depuis 1990 (pregraves de - 125 )

Par ailleurs crsquoest bien dans le domaine eacuteconomique que la sous-moyennisation est la plus

partageacutee niveaux de richesse globale de la population en moyenne et par foyers ou

meacutenages ainsi que situations de travail des adultes actifs Toutes les communes se situent

dans la partie sous-moyenne voire en bas de lrsquoeacutechelle nationale Par exemple Les Ulis

commune qui a le niveau global moyen de richesse de la population le deuxiegraveme plus eacuteleveacute de

lrsquoeacutechantillon (20 789 euro de revenu net imposable moyen en 2008) apregraves Rillieux-la-Pape

336336

337337

(21 924 euro)96 comporte au deacutebut des anneacutees 2000 pregraves de 25 de preacutecaires parmi lrsquoensemble

des actifs et pregraves de 43 parmi ceux du parc drsquohabitat social

Pour cette ville tout comme les autres et a fortiori celles dont la paupeacuterisation est plus

eacutetendue encore cette situation nrsquoest pas sans engendrer de multiples tensions agrave geacuterer pour les

administrations et les acteurs de la ville (preacutecariteacute et exclusion eacuteconomique et sociale

paupeacuterisation violence interpersonnelle deacutelinquance deacutegradationshellip) Celles-ci peuvent

provoquer de la diffeacuterenciation socioculturelle tendant agrave la seacuteparation sociale et agrave la hausse

des rapports sociaux seacutegreacutegatifs dont le communautarisme ethnique et culturel pour des

groupes issus de lrsquoimmigration Comment rendre compte et interpreacuteter ces manifestations

circonscrites dans des zones de concentration de populations pauvres etou exclues De

lrsquoanalyse des caracteacuteristiques de ces zones urbaines croiseacutees avec des approches globales dans

lesquelles ce pheacutenomegravene constitue un trait du fonctionnement urbain parmi drsquoautres il est

possible de deacutegager des significations et des causaliteacutes

Cette premiegravere section montre que le terme de deacuteclin social urbain formaliseacute et expliciteacute

infra agrave la suite des eacutetudes empiriques preacuteceacutedentes ne constitue qursquoun aspect analytique du

changement neacutegatif de statut social drsquoun espace urbain sous lrsquoeffet de la sous-moyennisation

des structures sociales de peuplement et des tensions et violences qui se manifestent dans les

espaces locaux Il laisse ouvert la possibiliteacute drsquoapprofondir lrsquoanalyse de lrsquoeacutetat de lrsquoordre social

plus global qui srsquoest deacuteveloppeacute agrave la suite de ce processus de deacuteclin et qui preacutedomine dans les

espaces publics locaux celui de la segmentation des relations sociales ndash selon les acircges et le

sexe ndash relayeacutee en partie sur un mode exacerbeacute par les jeunes des espaces exteacuterieurs

Cet ordre se base bien sur la paupeacuterisation eacuteconomique et culturelle mais aussi sur la

protestation politique contre la marginalisation socio-spatiale veacutecue Il constitue donc une

reacuteaction et une rupture avec lrsquoordre social de la socieacuteteacute urbaine ordinaire et offre des

conditions de deacuteploiement dans les espaces exteacuterieurs de la deacutelinquance et de la violence agrave

des fins de preacutedation et de protestation

A- Pauvreteacute culturelle preacutecariteacute eacuteconomique et violence dans les grands ensembles

Sur quelles caracteacuteristiques de structure sociale exactes les zones urbaines chargeacutees en

intensiteacute de problegravemes sociaux se preacutesentent-elles Les observations recueillies aux Ulis et

96 Le revenu moyen agrave cette date de la France meacutetropolitaine est de 23 450 euro

aupregraves des six communes compareacutees dans les parties preacuteceacutedentes ainsi que divers travaux

indiquent des parts importantes de populations preacutecaires avec des niveaux de revenus moyens

plutocirct faibles Mais le premier point qui deacutetermine celui-ci est lrsquoimportance de la pauvreteacute des

qualifications qui existe au sein des populations concerneacutees que ce critegravere soit assez eacutetendu

ou mecircme parfois en coexistence avec des cateacutegories sociales plus qualifieacutees dans des

proportions pouvant mecircme ecirctre supeacuterieures aux moyennes nationales preacutefigurant ainsi des

formations sociales assez dualiseacutees sur une petite eacutechelle territoriale

Ces deux paramegravetres eacuteconomiques mais surtout culturels pour les niveaux de formation

atteints contribuent au deacuteveloppement de la violence dans les comportements et les conduites

sociales agrave des fins tant de preacutedation pour la survie eacuteconomique que drsquoexpression drsquoune

opposition de lrsquoordre social drsquoexclusion subi avec la releacutegation dans des espaces ghettoiumlseacutes et

stigmatiseacutes qui srsquoen suit Pour les habitants de toutes cateacutegories sociales inteacutegreacutes ou preacutecaires

lrsquoambiance de ces milieux reacutesidentiels constitue agrave des degreacutes variables selon les contextes

sociaux de chaque site des eacutepreuves identitaires importantes pour trouver des voies

satisfaisantes de reacutealisation de soi Et pour les institutions localement implanteacutees les

structures sont deacutebordeacutees par les charges de problegravemes et drsquoactions agrave reacutealiser ainsi que parfois

par les tensions relationnelles avec les habitants concerneacutes

1 Pauvreteacute eacuteconomique et culturelle dans des contextes urbains diffeacuterents

La diffeacuterenciation socio-spatiale entre les zones de grands ensembles et le reste des villes et

de la socieacuteteacute que reacutevegravelent ces donneacutees srsquoinstalle dans la dureacutee Elle deacutepend drsquoun processus qui

srsquoobserve agrave un niveau spatial tregraves fin des pratiques reacutesidentielles celui des uniteacutes de voisinage

de 30 agrave 40 meacutenages Se distinguant selon le niveau culturel (niveau de diplocircme ou de

qualificationformation) et la nationaliteacute dont la modaliteacute laquo eacutetrangegravere raquo ces petites uniteacutes

reacutesidentielles suivent un processus social sous-jacent plus deacuteterminant la seacutegreacutegation sociale

des plus modestes par les plus aiseacutes afin drsquoeacuteviter une proximiteacute spatiale jugeacutee deacutefavorable

pour leur inteacutegration sociale Ce pheacutenomegravene social explique pourquoi se retrouve dans les

grands ensembles deacutevaloriseacutes une part importante de meacutenages en difficulteacutes aux profils

multiples parfois tregraves eacuteloigneacutes (acircges situation familiale niveau de qualification situation et

cateacutegorie socioprofessionnelle origine et pratiques culturelleshellip) dont la coexistence suscite

une ambiance hostile pour les habitants en raison des obstacles agrave la reacutealisation locale de soi

que ces milieux sociaux produits constituent

338338

Deacutecrire la situation sociale des grands ensembles implique de deacutepasser mais neacuteanmoins de

prendre en compte lrsquoeacutevolution de leur repreacutesentation sociale au cours du temps drsquohabitat de

classes moyennes (Peillon 2001) on est passeacute aux citeacutes-ghettos (Steacutebeacute Marchal 2009) ce

qui caracteacuterise la transformation de leur statut social et symbolique Ces deux images sont

toutes les deux des repreacutesentations mythiques simplistes et deacuteformantes puisque par exemple

degraves le deacutepart et toujours maintenant les situations sociales et physiques des grands ensembles

eacutetaient diffeacuterentes Par exemple leurs formes archeacutetypales en tours et en barres ne

constituaient que 40 des constructions reacutealiseacutees contre une majoriteacute (58 ) de tissu mixte

drsquoimmeubles collectifs et de pavillons (Plouchard 1999) Les situations geacuteographiques

sociales et urbaines des grands ensembles sont en reacutealiteacute bien heacuteteacuterogegravenes ainsi que leur

environnement socio-eacuteconomique et leur genegravese lieacutee agrave leurs maicirctres drsquoouvrage et drsquoœuvre

speacutecifiques Les modaliteacutes de deacutecision de conception et de reacutealisation de leur construction ont

pu ecirctre parfois similaires mais souvent varieacutees tout comme lrsquoeacutetaient les populations initiales

preacutevues agrave leur occupation

De mecircme les eacutevolutions des peuplements ont eacuteteacute eacutegalement variables avec types de

meacutenages des relations sociales des pratiques culturelles et des processus diffeacuterencieacutes

drsquoappropriation des espaces locaux sans oublier des eacutevolutions diverses drsquointeacutegration ou de

participation eacuteconomiques Par exemple Peillon (2001) rapporte une eacutetude parue dans INSEE

Picardie le 7 mai 1999 concernant les profils socio-eacuteconomiques des habitants de cinq

quartiers en contrat de ville agrave Amiens Les variations locales y sont deacutejagrave fortes selon les

thegravemes de 15 agrave 30 pour le taux de chocircmage de 4 agrave 12 pour la part des meacutenages de 6

personnes et plus de 12 agrave 46 pour la part des personnes sans diplocircme et de 3 agrave 19 pour

la part des eacutetrangers Les grands ensembles ne constituent donc pas de masses indiffeacuterencieacutees

Cependant ils ont des points communs

Tout drsquoabord ils renvoient en partie agrave la premiegravere image des grands ensembles lieacutee au mythe

fondateur de lrsquohabitat pour classes moyennes malgreacute la grande varieacuteteacute reacuteelle des

compositions initiales des grands ensembles (Clerc 1967) notamment selon les eacutepoques de

reacutealisation des constructions Ce mythe urbain deacutesigne plusieurs caracteacuteristiques initiales des

peuplements qui ont eacuteteacute favoriseacutees par les modes de financement initiaux beacuteneacuteficiant agrave des

cateacutegories assez homogegravenes de meacutenages mais aussi aux structures spatiales des locaux et aux

conditions drsquoattribution par les bailleurs et les reacuteservataires Lrsquoimage drsquoun peuplement

laquo moyen raquo originel est alors le produit de la preacutedominance de nouveaux meacutenages en

formation avec des adultes jeunes et deacutecohabitants actifs et inseacutereacutes aux revenus reacuteguliers

339339

drsquoorigine rurale essentiellement avec des enfants La perception sociale dominante est alors

que de telles familles ont un laquo sens de lrsquoorganisation domestique et de la vie collective clsquoest-

agrave-dire qursquoelle(s) paye(nt) (leur) loyer respecte(nt) les espaces communs et surveille(nt) (leur)s

enfants raquo (Peillon 2001 p 129) Deux cateacutegories principales sont en surrepreacutesentation au

milieu des anneacutees 1960 des jeunes cadres moyens (39 des occupants par rapport agrave leur

poids relatif dans la population drsquoensemble de 29 des employeacutes) ainsi que des ouvriers

souvent qualifieacutes et des employeacutes des services (56 contre 51 )

Il est vrai que la dominante ouvriegravere a pu ecirctre forte dans certaines opeacuterations quand

lrsquoinstallation a eacuteteacute alimenteacutee par des rejets en banlieue de quartiers populaires urbains ayant

eacuteteacute reacutenoveacutes ou lorsqursquoil srsquoagissait de constructions lieacutees aux creacuteations drsquoindustries

importantes en zone rurale ou peacuteriurbaine En parallegravele les cateacutegories supeacuterieures y sont

fortement sous-repreacutesenteacutees degraves cette premiegravere peacuteriode 45 contre 17 dans la

population totale Avec le temps la forte preacutesence des cateacutegories ouvriegraveres et employeacutees srsquoest

accentueacutee et cela aussi de maniegravere assez homogegravene dans les diffeacuterents grands ensembles en

Icircle-de-France ils repreacutesentent 71 des meacutenages en 1990 contre 52 de la moyenne

reacutegionale les ouvriers seuls y sont 41 En fait face aux critegraveres socio-deacutemographiques

(acircge sexe taille des familles) dont les eacutecarts avec le reste de la population srsquoamenuisent ou se

stabilisent dans les anneacutees 2000 ce sont les critegraveres socioprofessionnels qui voient leur

contraste srsquoaccentuer notamment en Icircle-de-France Crsquoest pourquoi employeacutes et ouvriers peu

qualifieacutes eacutetant les plus preacutecariseacutes une croissance des eacutecarts sur le plan du chocircmage et du

niveau de vie des meacutenages srsquoest manifesteacutee

En effet depuis plus de quarante ans un effet de concentration du chocircmage et de la

pauvreteacute que geacutenegraverent les agglomeacuterations drsquoappartenance se manifeste en raison de

lrsquoeacutevolution diffeacuterencieacutee des secteurs urbains et de la dualisation socio-eacuteconomique entre les

actifs stables et aiseacutes drsquoun cocircteacute et les preacutecaires de lrsquoautre Les grands ensembles remplissent

la fonction drsquoaccueil de plus en plus exclusivement dans les agglomeacuterations de leurs exclus

et preacutecaires eacuteconomiques et sociaux ce qui constitue une rupture avec les quartiers ouvriers

anciens dans lesquels il y avait du travail degraves la jeunesse Depuis la fin des anneacutees 1980 le

diffeacuterentiel de taux de chocircmage entre les quartiers sensibles et lrsquoensemble du pays est arriveacute

au double presque partout Par exemple le taux de chocircmage dans 500 quartiers politique de la

ville en 1990 est de 197 contre 108 de moyenne nationale (recensement INSEE) Une

eacutetude INSEE de 1993-1994 indique de mecircme un taux de 24 contre 135 (Chenu Tabard

340340

341341

1994)97 Cette eacutevolution ne signifie pas que tous les chocircmeurs de lrsquoagglomeacuteration

drsquoappartenance sont meacutecaniquement transfeacutereacutes dans les ZUS puisque la hausse du chocircmage

dans les ZUS est le plus souvent correacuteleacutee agrave celle des zones drsquoemploi drsquoappartenance Par

ailleurs un quart drsquoentre elles en France meacutetropolitaine entre 1990 et 1999 (177 ZUS sur 717)

ont connu une hausse de chocircmage moins forte voire une diminution alors qursquoil augmentait

dans la zone drsquoappartenance (Le Toqueux Moreau 2004) Aux eacutechelles locales les

variations sont larges encore en Icircle-de-France le taux moyen en ZUS est de 145 contre

85 de moyenne reacutegionale mais 30 agrave la Pierre-Collinet agrave Meaux et agrave Chanteloup-les-

Vignes

Ce chocircmage a surtout affecteacute les jeunes Au milieu des anneacutees 1990 ils sont nombreux agrave en

relever 30 des 15-24 ans agrave Rillieux-la-Pape et agrave Bel-Air 33 aux Minguettes 37 et 38

au Val drsquoArgent et dans les quartiers nord drsquoAmiens agrave La Courneuve presque un jeune

sur deux est chocircmeur Lrsquoautre a un travail souvent preacutecaire agrave Reims les deux tiers de la

hausse du chocircmage de la ville se sont produits dans les quartiers sensibles et dans ceux-ci le

taux augmente de 45 points pour la tranche des 17-29 ans quand il diminue de 15 point en

dehors (Ronez 1996) Pour Peillon (2001) les trois causes de ce pheacutenomegravene national de

concentration durable de populations entiegraveres dans les banlieues monofonctionnelles et

frappeacutees de deacutesindustrialisation sont 1 le fort taux de licenciement dans les anneacutees 1970 et

1980 des actifs des industries construites dans les anneacutees 1960 et relevant de secteurs

drsquoemplois faiblement qualifieacutes dont la main drsquoœuvre reacuteside dans les grands ensembles

lrsquoautomobile (effectifs PSA en valleacutee de Seine agrave lrsquoaval de Paris passant de 27 000 en 1970 agrave

7 500 en 1990) et la sideacuterurgie (4 000 licenciements drsquoUsinor touchant les Nouvelles-Synthes

(Grande-Synthe Nord) illustrent ce point 2 le fort taux de manque de qualification qui se

mesure avec lrsquoabsence de diplocircme chez les plus de 14 ans et 3 lrsquoeacuteloignement du marcheacute de

lrsquoemploi rendant toute recherche drsquoemploi difficile avec le coucirct de garde drsquoenfant les

difficulteacutes de mode et de temps de transport les horaires atypiques des emplois peu qualifieacutes

et incompatibles avec les horaires scolaires

Ces facteurs se cumulent souvent Par exemple sur le plan des diplocircmeacutes lrsquoeacutecart en Icircle-de-

France hors Paris entre les quartiers ZUS et la moyenne reacutegionale a drsquoailleurs augmenteacute

97 Ces donneacutees traitent davantage des quartiers de la politique de la ville sous dispositifs contractuels comprenant donc aussi drsquoautres types de quartiers que ceux des grands ensembles (quartiers centraux anciens quartiers ouvriers du Nord et de lrsquoEsthellip) Ce qui preacutesente un leacuteger deacutecalage par rapport agrave lrsquoobjet principal des analyses bien qursquoune grande partie des quartiers de la politique de la ville relegraveve des grands ensembles

342342

entre 1982 et 1990 de 13 alors mecircme que les grands ensembles servent agrave loger

lrsquoexpansion deacutemographique de la meacutetropole Ce qui entraicircne des effets en chaicircne sur la

scolarisation des enfants retards scolaires degraves le cours preacuteparatoire passant rapidement agrave

deux ans de retard taux de scolarisation infeacuterieur aux moyennes et faible part de jeunes

doteacutes drsquoun diplocircme Les jeunes drsquoorigine eacutetrangegravere hors Union europeacuteenne eacutetant les plus

affecteacutes avec un analphabeacutetisme familial des retards scolaires et de sous-qualification chez

les parents ainsi que pour leur insertion une peacutenurie de reacuteseaux amicaux et familiaux pour

trouver un travail dans les secteurs publics et priveacutes Les pratiques discriminatoires venant

renforcer ces handicaps socioculturels drsquoorigine

Les donneacutees de 2005 montrent un durcissement dans les temps de ces eacutecarts et confirment la

place des non diplocircmeacutes comme facteur drsquoexclusion sociale en suscitant un taux eacuteleveacute de

chocircmage au sein de la population concerneacutee le taux de chocircmage global est de 22 dans les

ZUS contre 105 dans le reste de leurs agglomeacuterations et 78 dans les autres uniteacutes

urbaines sans ZUS (et les zones rurales) le taux de chocircmage des 15-24 ans est de 40 Sur

le plan de lrsquoactiviteacute de la population globale lrsquoeacutecart de taux drsquoactiviteacute98 des 25-49 ans est de

72 points ce sont surtout les femmes eacutetrangegraveres qui sont les plus agrave lrsquoeacutecart de lrsquoactiviteacute avec

un taux drsquoemploi99 de 354 pour les 25-49 ans contre dans les uniteacutes urbaines

drsquoappartenance 60 pour les femmes eacutetrangegraveres et 726 pour les femmes franccedilaises

Crsquoest lrsquoabsence et la faiblesse du diplocircme des femmes en ZUS qui sont le plus correacuteleacutees agrave la

forte inactiviteacute de celles-ci Alors que au contraire pour lrsquoensemble des hommes franccedilais et

eacutetrangers le taux drsquoactiviteacute agrave niveau de formation donneacute est tregraves proche en ZUS et dans les

uniteacutes urbaines englobantes Ces eacuteleacutements confirment les enquecirctes de Maurin (2004)

indiquant que la variable la plus deacuteterminante dans les processus de seacutegreacutegation spatiale est le

niveau culturel selon le diplocircme puisque celui-ci influe le plus fortement sur les chances

drsquoaccegraves agrave lrsquoemploi Dans ce domaine globalement entre les ZUS et le reste de leurs

agglomeacuterations lrsquoeacutecart entre 1999 et 2006 a augmenteacute de 26 la moitieacute des habitants des

ZUS nrsquoa pas de diplocircme supeacuterieur au brevet des collegraveges contre un tiers pour ceux des uniteacutes

urbaines drsquoappartenance (Chevalier Lebeaupin 2010)

Ainsi avec la preacutecariteacute preacutedominante et le temps qui passe le chocircmage le travail agrave temps

partiel ou les petits boulots successifs deviennent un eacutetat permanent conduisant agrave la pauvreteacute 98 Le taux dactiviteacute est le rapport entre le nombre dactifs (actifs occupeacutes et chocircmeurs) et lensemble de la population correspondante 99 Le taux demploi dune classe dindividus est calculeacute en rapportant le nombre dindividus de la classe ayant un emploi au nombre total dindividus dans la classe

De la pauvreteacute des revenus du travail on passe agrave la pauvreteacute du meacutenage Crsquoest le sens de la

paupeacuterisation qui se deacuteveloppe de geacuteneacuteration en geacuteneacuteration avec une image de plus en plus

reacuteduite du travail reacutegulier dans les familles et dans certains quartiers entiers Dans lrsquoapproche

statistique europeacuteenne par le biais de lrsquoorganisme EUROSTAT de la Commission

europeacuteenne le salarieacute pauvre est celui qui a un salaire situeacute en-dessous de 60 de la meacutediane

des revenus salariaux et le travailleur pauvre est celui dont le revenu du meacutenage par uniteacute de

consommation (niveau de vie) est infeacuterieur au seuil de pauvreteacute (60 du revenu meacutedian)

La fragiliteacute professionnelle entraicircne des niveaux de revenus des meacutenages nettement infeacuterieurs

aux moyennes geacuteneacuterales Et ces situations sont devenues preacutedominantes dans les grands

ensembles Au milieu des anneacutees 1990 si lrsquoon divise lrsquoensemble des revenus des meacutenages en

quatre quartiles on trouve dans le premier 47 des meacutenages situeacutes dans les quartiers en

politique de la ville repreacutesentant 32 du parc HLM Effectivement dans les ZUS en 1997

selon lrsquoenquecircte drsquooccupation sociale du secteur HLM la moitieacute des meacutenages avait un revenu

infeacuterieur agrave un SMIC net pour une personne (et agrave 15 SMIC pour un couple avec enfant) et 18

beacuteneacuteficiaient des minima sociaux (Peillon 2001) Dans certains quartiers comme agrave la

Grande-Reacutesidence (Lens) pour un quart des meacutenages lrsquoensemble des prestations sociales

repreacutesentent plus de 60 des revenus et plus de la moitieacute des meacutenages est peu ou prou

deacutependante de lrsquoaide sociale dans un grand nombre de quartier

La tension eacutetant maximale lors des cycles positifs drsquoactiviteacute eacuteconomique puisque ceux-ci ne

profitent que peu aux meacutenages des quartiers geacuteographiquement et socialement eacuteloigneacutes de

leur accegraves Ce qui ne manque pas drsquoaccroicirctre le sentiment drsquoexclusion des habitants des

quartiers face au regard deacutesapprobateur pointant lrsquoincapaciteacute de trouver du travail pour les

habitants du reste des villes Les frustrations sociales lieacutees agrave lrsquoaccroissement des ineacutegaliteacutes

sociales augmentent aussi quand la richesse des villes se traduit dans des ameacutenagements de

qualiteacute qui ne beacuteneacuteficient pas aux quartiers De mecircme la deacutefiance envers les institutions

scolaires srsquoeacutetend avec les efforts demandeacutes par elles qui ne sont pas reacutecompenseacutes certains

jeunes justifient ainsi leur entreacutee dans la deacuteviance deacutelinquante La deacuteconnexion consommeacutee

entre lrsquoeacuteconomie et lrsquoemploi fait que le travail et la formation deviennent eacutetrangers agrave la culture

urbaine sectorielle des quartiers de grand ensemble Lrsquoexpeacuterience drsquoeacutechecs accumuleacutes induit

des effets psychologiques sur laquo lrsquoestime de soi raquo et la capaciteacute de deacuteveloppement personnel

alors mecircme que les valeurs des classes moyennes (reacuteussite individuelle confort mateacuteriel

eacuteleveacute) sont partageacutees mais inaccessibles pour les meacutenages paupeacuteriseacutes

343343

En 2006 la situation de proportion importante de pauvreteacute des meacutenages srsquoest maintenue voire

accentueacutee (Chevalier Lebeaupin 2010) ils sont 58 en ZUS agrave ecirctre non imposeacutes contre 38

dans leurs uniteacutes urbaines drsquoappartenance Leurs revenus moyens annuels sont infeacuterieurs agrave

19 000 euro contre 29 527 euro dans les agglomeacuterations drsquoappartenance Ce qui montre bien que les

communes de grands ensembles sur la base de celles eacutetudieacutees dans lrsquoeacutechantillon constitueacute

dans la partie empirique ont des situations globalement proche des ZUS qui reste des zones

deacutelimiteacutees pour le faible niveau richesse de leur population en 2008 Les Ulis (20 786 euro)

Pierrelatte (19 187 euro) et Rillieux-la-Pape (21 924 euro) deacutepassaient leacutegegraverement ce niveau de

revenu moyen de 19 000 euro deacutefini pourtant deux ans auparavant et Fareacutebersviller (13 418 euro)

Behren-legraves-Forbach (13 073 euro) Mourenx (16 915 euro) et Bagnols-sur-Cegraveze (18 981 euro) sont

encore en-dessous

Par ailleurs selon le seuil conventionnel de pauvreteacute en 2005 de 650 euro par mois (par uniteacute de

consommation) les meacutenages pauvres situeacutes sous ce seuil sont presque deux fois plus

nombreux au sein des ZUS (32 des locataires du parc social des ZUS) que dans le reste du

parc social (18 ) Ce qui montre que la marginaliteacute sociale concerne davantage les zones

drsquohabitat selon la morphologie des grands ensembles plutocirct que le seul statut aideacute du

logement de type HLM Un autre signe de paupeacuterisation croissante des habitants des grands

ensembles est que en 2006 la part des meacutenages en mobiliteacute reacutesidentielle depuis cinq ans est

plus faible dans les ZUS que dans les restes des espaces urbains et surtout dans les parcs

locatifs priveacutes (518 contre 632 )

Ces caracteacuteristiques socio-eacuteconomiques eacutevoquent une dualisation urbaine croissante en termes

de deacuteseacutequilibres entre diffeacuterents espaces reacutesidentiels des aires urbaines Sur le plan

sociodeacutemographique les populations preacutesentent eacutegalement des fortes diffeacuterences entre zones

de grands ensembles devenues sensibles et reste des agglomeacuterations Elles ont neacuteanmoins

peu eacutevolueacute entre 1999 et 2006 (Chevalier Lebeaupin 2010) toujours plus de jeunes mecircme

si la surrepreacutesentation des moins de 6 ans et des moins de 20 ans est moins forte et toujours

plus drsquoimmigreacutes avec 175 drsquoeacutetrangers 102 de franccedilais par acquisition et 222

drsquoimmigreacutes soit deux fois plus que dans lrsquoensemble de la population Cette configuration de

rupture avec les espaces urbains environnant existait deacutejagrave anteacuterieurement au deacutebut des

anneacutees 1960 48 des habitants des ZUS avaient moins de 20 ans contre 34 en moyenne

nationale (Clerc 1967)

Agrave Viry-Chacirctillon par exemple 965 de la population avait moins de 40 ans et lrsquoacircge

moyen eacutetait de 33 ans Au deacutebut des anneacutees 1990 les tendances se retrouvent malgreacute les

344344

345345

eacutevolutions nationales et locales diverses (Peillon 2001) dans lrsquoensemble 33 des habitants

ZUS ont moins de 20 ans contre 265 au niveau national 40 agrave Borny (Metz) 46 agrave

Lille-Sud 50 agrave Castellane (Marseille) En Icircle-de-France alors qursquoils repreacutesentent 26 de

la population reacutegionale ils sont 35 dans les quartiers prioritaires et 48 agrave la Pierre-

Collinet (Meaux) De leur cocircteacute les personnes acircgeacutees de plus de 65 ans sont toujours en plus

faible proportion dans les anneacutees 1960 seuls 4 ont plus de 65 ans contre 12 en

moyenne nationale en 1990 9 en moyenne dans les quartiers prioritaires contre 15 de

moyenne nationale Les plus de 60 ans ne sont que 7 dans lrsquoancienne ZUP de Vaulx moins

de 4 aux Tarterecircts (Corbeil) et 25 agrave la Rose-des-Vents (Aulnay-sous-Bois)

Concernant la population eacutetrangegravere elle est du triple en quartiers prioritaires par rapport agrave la

moyenne nationale degraves 1990 (183 contre 63 ) En prenant les seuls eacutetrangers hors Union

europeacuteenne le rapport est de 1 agrave 35 (14 contre 41 ) Les chiffres sont extrecircmement

variables drsquoun quartier agrave lrsquoautre (25 drsquoeacutetrangers dans les quartiers prioritaires en Icircle-de-

France contre 33 en Franche-Comteacute) Il est constateacute que plus le pourcentage drsquoeacutetrangers

est faible dans les reacutegions plus ils sont regroupeacutes dans les quartiers prioritaires Mais la

diversiteacute est plus forte encore selon les secteurs 35 agrave la Courneuve 19 agrave Argenteuil

20 agrave Orly 51 agrave Aulnay contre 15 agrave Bel-Air (Saint-Priest) Deux principaux

deacuteterminants de la seacutegreacutegation ethnique agissent drsquoune part lrsquoattribution principale des

logements aux immigreacutes tend agrave se reacutealiser dans les immeubles les plus deacutegradeacutes ougrave les

candidatures sont plus rares drsquoautre part plus globalement ils suivent lrsquoeffet de mobiliteacute

reacutesidentielle des Franccedilais drsquoascendance dans les flux de partants libeacuterant les grands

logements

Par ailleurs comme cela a eacuteteacute deacutemontreacute dans la partie drsquoanalyse sur les communes

eacutechantillonneacutees et de maniegravere plus approfondie pour Les Ulis avec la disposition de donneacutees

speacutecifiques lieacutees agrave la conduite de lrsquoobservatoire local au deacutebut des anneacutees 2000 la visibiliteacute de

la preacutesence de groupes drsquoorigine immigreacutee est toujours plus forte que la repreacutesentation qursquoen

fournit le taux de population eacutetrangegravere aux Ulis en comptant les enfants et les adultes

drsquoorigine eacutetrangegravere ayant obtenu la nationaliteacute franccedilaise la population immigreacutee (franccedilaise et

eacutetrangegravere) repreacutesente pregraves du triple de la population eacutetrangegravere Des exemples hors eacutechantillon

peuvent ecirctre eacutevoqueacutes Argenteuil qui compte 13 drsquoeacutetrangers parmi les jeunes de 18 agrave 29

ans des quartiers prioritaires et 40 agrave 45 de jeunes drsquoorigine eacutetrangegravere agrave La Courneuve on

passe de 175 agrave 48 ou 55 100

100 Variation selon les deacutefinitions retenues de laquo lrsquoorigine eacutetrangegravere raquo (Marpsat Laurent 1997)

Depuis la fin des anneacutees 1990 les donneacutees drsquoensemble sur les ZUS indiquent un changement

deacutemographique avec la croissance de la part des retraiteacutes comme cela a eacutegalement eacuteteacute eacutetudieacute

dans les communes de grands ensembles de la partie preacuteceacutedente Ce vieillissement tend agrave

eacutequilibrer les parts des moins et des plus de 40 ans Les trois causes de la surrepreacutesentation de

la jeunesse et de la sous-repreacutesentation de la vieillesse restent cependant toujours valables 1

la mobiliteacute reacutesidentielle avec lrsquoarriveacutee permanente de jeunes meacutenages 2 lrsquoimportance de

meacutenages eacutetrangers au nombre moyen drsquoenfants plus eacuteleveacute que les meacutenages franccedilais et 3 la

plus grande taille dans la majoriteacute des cas des logements faisant des grands ensembles des

structures drsquoaccueil speacutecifiques pour les grandes familles Par exemple dans le parc social

drsquoorigine des Minguettes 55 des logements sont des 4 piegraveces et plus contre 27 agrave Lyon-

Villeurbanne et 385 pour lrsquoensemble de lrsquoagglomeacuteration lyonnaise Ainsi en 1990 75

des familles des quartiers prioritaires comptent six personnes et plus contre 32 pour la

moyenne nationale En 2006 sur le plan des meacutenages familiaux les familles de cinq

personnes ou plus sont deux fois plus preacutesentes que dans les uniteacutes urbaines drsquoappartenance

(Chevalier Lebeaupin 2010) avec une part agrave 127 des meacutenages en leacutegegravere baisse depuis

1999 (138 )

Une caracteacuteristique plus reacutecente des meacutenages des ZUS est la surrepreacutesentation des familles

monoparentales Cette donneacutee est importante lorsque lrsquoon considegravere qursquoil srsquoagit du facteur

deacuteterminant de la pauvreteacute des meacutenages bien avant la perte drsquoemploi (Maurin 2002 2004)

En 1990 leur part est de 55 du nombre total de meacutenages en France meacutetropolitaine contre

freacutequemment le triple dans les grands quartiers drsquohabitat social Les situations sont tregraves

variables localement 23 et 25 dans les quartiers drsquohabitat social agrave Montluccedilon 24 agrave la

Grande-Reacutesidence (Lens) et 30 agrave la Houillegravere (Charleville-Meacuteziegraveres) Cette situation des

familles monoparentales nrsquoest pas sans conseacutequence sur la marginalisation des jeunes comme

le faible taux de scolarisation longue (au-delagrave de 18 ans) En 2006 les familles

monoparentales repreacutesentent 257 des familles des ZUS contre 158 dans leurs uniteacutes

urbaines (lrsquoeacutecart est constant depuis 1999) En 2008 les taux de familles monoparentales des

communes compareacutees dans notre recherche eacutetaient supeacuterieurs aux moyennes nationales parmi

les meacutenages et parmi les familles sauf pour Pierrelatte dont le taux eacutetait agrave peu pregraves eacutequivalent

ce qui nrsquoest certainement pas sans lien avec le fait que la part du grand ensemble dans le parc

total de logements est la plus faible de lrsquoeacutechantillon (cf chapitre VI tableau 24 p 289)

Alors que les taux sont de 85 (pour les meacutenages) et de 135 (pour les familles) en France

meacutetropolitaine ils sont de 153 et de 221 aux Ulis soit pregraves du double La ville preacutesente

346346

par ailleurs le deuxiegraveme taux le plus eacuteleveacute de couples avec enfants 362 contre 283 en

France meacutetropolitaine (+ 28 ) Ce qui constitue un aspect important de diffeacuterenciation

sociale interne au sein des Ulis plus nette que dans les autres communes de lrsquoeacutechantillon

eacutetudieacute Dans celles-ci les taux de familles monoparentales parmi les meacutenages et les familles

et le taux de couples avec enfants sont de 132 191 et 347 pour Behren-legraves-Forbach

(indiquant une diffeacuterenciation sociale assez forte eacutegalement sur ce critegravere) de 126 185

et 334 pour Rillieux-la-Pape (profil proche des deux premiegraveres) et de 106 174 et de

seulement 245 pour Mourenx

Cette derniegravere commune indique un profil un peu diffeacuterent malgreacute la preacutesence de familles

monoparentales assez nombreuses du fait de leur part relative plus forte que la moyenne

nationale (174 contre 135 ) la part des meacutenages qursquoelles repreacutesentent nrsquoest pas tregraves

eacuteleveacutee (106 contre 85 au plan national) moins du fait de meacutenages de couples avec

enfants (ne repreacutesentant que 245 seulement des meacutenages contre 283 en France) qursquoen

raison drsquoune part eacuteleveacutee de meacutenages drsquoadultes seuls en couples ou non Comme le montre le

tableau 14 de la troisiegraveme partie ces meacutenages sans enfants sont surtout constitueacutes de

personnes acircgeacutees ou retraiteacutees plutocirct que de jeunes actifs puisque la part des + 65 ans (229

) et mecircme celle des 60-74 ans (163 ) plus globalement sont les plus importantes de

lrsquoeacutechantillon et deacutepassent nettement celles de la France meacutetropolitaine (respectivement 167

et 134 )

Bagnols-sur-Cegraveze preacutesente un profil similaire avec un nombre important de personnes acircgeacutees

(214 de plus de 65 ans) qui cohabitent avec une part certes assez eacuteleveacutee de familles

monoparentales (168 contre 135 au niveau national) mais qui ne constitue qursquoune

leacutegegravere surrepreacutesentation parmi lrsquoensemble des meacutenages (105 contre 85 ) Fareacutebersviller

de ce point de vue comporte une structure proche sur le plan des parts de meacutenages et de

familles monoparentales (deacutepassant leacutegegraverement les parts nationales avec 109 et 153 )

mais la proportion de meacutenages de couples avec enfants est tregraves eacuteleveacutee deacutepassant mecircme

leacutegegraverement celle des Ulis (368 contre 362 ) Reste Pierrelatte qui preacutesente une structure

des meacutenages tregraves proche de la structure nationale (89 de part de meacutenages de familles

monoparentales 139 de part de familles monoparentales parmi les familles et 295 de

meacutenages de couples avec enfants)

Ces observations deacutemographiques srsquoajoutent aux preacuteceacutedentes pour illustrer des situations de

diffeacuterenciation sociale des espaces de grands ensembles parties de ville ou communes

complegravete avec le reste des agglomeacuterations Que signifient ces situations ou plutocirct que

347347

reacutevegravelent-elles Si des meacutenages en difficulteacutes sociales et eacuteconomiques se retrouvent

concentreacutes dans les mecircmes espaces crsquoest qursquoun mouvement srsquoexerce qui les y conduit tout en

laissant les autres espaces agrave disposition des cateacutegories plus aiseacutees

Plus preacuteciseacutement ce mouvement agrave lrsquoorigine de lrsquoaccentuation des diffeacuterences socio-spatiales

peut srsquoobserver agrave lrsquoeacutechelle fine des uniteacutes de voisinages dans lesquelles se deacuteveloppent les

relations sociales de proximiteacute et lrsquoaccegraves aux eacutequipements de socialisation aux freacutequentations

diffeacuterencieacutees selon ces voisinages et notamment les structures drsquoaccueil de la petite enfance

voire les eacutecoles pour les enfants et adolescents Eacuteric Maurin (2004) a reacutealiseacute et rassembleacute une

seacuterie de travaux sur ce thegraveme ils deacutemontent les effets et les causes du pheacutenomegravene qui en est agrave

lrsquoorigine et que nous abordons plus bas de maniegravere plus explicite la seacutegreacutegation sociale dans

lrsquoespace et lrsquohabitat urbain (cf chapitre VIII section B)

Lrsquoanalyse se base sur les enquecirctes Emploi annuelles nationales de lrsquoINSEE agrave partir drsquoun

eacutechantillon repreacutesentatif de 4 000 voisinages de 30 agrave 40 logements dans lesquels toutes les

personnes de plus de 15 ans sont interrogeacutees (choix pour le faible coucirct de deacuteplacement des

agents) La reacutepartition de chaque cateacutegorie sociale dans ces voisinages offre une mesure de la

diffeacuterenciation sociale de ces derniers et de son eacutevolution Bien que la mixiteacute soit majoritaire

dans les voisinages depuis plus de 20 ans ce qui limite la porteacutee des clivages territoriaux

apparents les mouvements drsquoagreacutegation des eacutelites sur la base de la richesse culturelle (les

diplocircmeacutes du supeacuterieur) sont croissants Lrsquoineacutegaliteacute de reacutepartition spatiale des cateacutegories

sociales est drsquoampleur importante depuis au moins le deacutebut des anneacutees 1990 Dans les

territoires deacutevaloriseacutes et eacuteviteacutes par les classes supeacuterieures et moyennes stables dans lesquels

se trouvent releacutegueacutes les meacutenages les plus en difficulteacutes sociales la concentration la plus nette

relegraveve de la pauvreteacute culturelle (absence de diplocircmes) devant la pauvreteacute eacuteconomique et

mateacuterielle car le manque de diplocircme et de qualification entraicircne les formes de pauvreteacute les

plus permanentes et les plus peacutenalisantes sur les marcheacutes reacutesidentiels

Ainsi dans les voisinages de grande couronne peacuteripheacuterique comportant des parcs drsquoHLM

importants il mesure la mise agrave distance de la pauvreteacute des cateacutegories ouvriegraveres par les classes

moyennes en mettant en eacutevidence drsquoun cocircteacute la marginalisation des zones HLM (leur

peuplement comportant des parts importantes et croissantes de cateacutegories socialement

preacutecaires) et de lrsquoautre cocircteacute lrsquohomogeacuteneacuteisation sociale du parc peacuteriurbain pavillonnaire

autour des classes moyennes et supeacuterieures En 1991 1996 et 2002 les adolescents de 15 ans

dont lrsquoun des parents est diplocircmeacute du supeacuterieur (diplocircme supeacuterieur agrave bac + 2) vivent dans des

voisinages ougrave la proportion drsquoadultes diplocircmeacutes du supeacuterieur est 35 agrave 44 fois plus forte (18

348348

238 et 229 ) que celle des voisinages des adolescents aux parents sans diplocircme du

supeacuterieur (46 54 et 65 )

Dans ce sens les donneacutees sociales reacutecentes concernant la qualification des actifs des

communes de grands ensembles eacutetudieacutees montrent que effectivement celles-ci ont des

niveaux de taux de non-diplocircmeacutes plus eacuteleveacutes que la moyenne nationale en 2008 la France

meacutetropolitaine compte 187 de non-diplocircmeacutes parmi les plus de 15 ans non scolariseacutes

contre 21 pour Bagnols-sur-Cegraveze 23 pour Les Ulis 239 pour Mourenx 25 pour

Rillieux-la-Pape 262 pour Pierrelatte et surtout 525 pour Fareacutebersviller et 557 pour

Behren-legraves-Forbach (cf chapitre VI tableau 25 p 290)

Ce qui ne signifie cependant pas que les populations dans leur ensemble soient faiblement

qualifieacutees Par exemple aux Ulis le taux de diplocircmeacutes agrave un niveau supeacuterieur agrave bac + 2

(156 ) deacutepasse la moyenne nationale (124 ) Crsquoest eacutegalement vrai pour les diplocircmes de

niveau bac + 2 (115 pour la France contre 132 pour Les Ulis) et le baccalaureacuteat ou le

brevet professionnel (156 contre 161 ) Cette commune semble assez isoleacutee dans

lrsquoeacutechantillon eacutetudieacute puisque les autres communes ont toutes des parts infeacuterieurs agrave la moyenne

nationale sur ces trois niveaux de diplocircme les plus eacuteleveacutes mecircme si crsquoest tregraves proche pour

certaines comme Bagnols-sur-Cegraveze qui preacutesente 155 de deacutetenteurs du baccalaureacuteat ou du

brevet professionnel 104 drsquoun bac + 2 et 99 drsquoun diplocircme supeacuterieur agrave bac + 2

Rillieux-la-Pape et Pierrelatte sont un peu dans cette situation (sauf que Pierrelatte compte

moins de la moitieacute de diplocircmeacutes supeacuterieurs agrave bac + 2 par rapport au niveau national 52

contre 124 )

Ainsi sur ce plan de la structure culturelle de la population (au regard du niveau de

qualification indiqueacutee par les diplocircmes obtenus) Les Ulis est la seule commune qui preacutesente

une heacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute assez nette au regard des normes nationales en associant plus de

populations sans diplocircme moins de cateacutegories faiblement diplocircmeacutees (487 pour Les Ulis

contre 575 en France meacutetropolitaine) et davantage de diplocircmeacutes du supeacuterieur Toutes les

autres communes sont plus homogegravenes agrave des degreacutes divers forte homogeacuteneacuteiteacute agrave

Fareacutebersviller et Behren-legraves-Forbach avec 95 des actifs non et faiblement diplocircmeacutes (dont

pregraves de 55 de non-diplocircmeacutes et pregraves de 40 de faibles qualifications) et pregraves de 5

seulement de diplocircmeacutes de niveaux bac + 2 et plus (contre pregraves de 24 en France) et

homogeacuteneacuteiteacute plus relative pour Rillieux Bagnols Pierrelatte et Mourenx qui comptent entre

20 et 26 de non-diplocircmeacutes et 56 agrave 65 de faiblement qualifieacutes soit 80 agrave 90 en tout et

pregraves de 10 de diplocircmeacutes du supeacuterieur La division sociale plus nette existante aux Ulis est

349349

350350

certainement tant lieacutee agrave la segmentation du parc de logements de son grand ensemble (51

de logements HLM en 1982) qursquoau processus de releacutegation spatiale des cateacutegories non

qualifieacutees de lrsquoespace parisien dans les zones les plus deacutevaloriseacutees de son parc de logement

Sur le plan de la composition ethnique les eacutecarts sont du mecircme ordre Selon Maurin (2004)

en France meacutetropolitaine en 1991 1996 et 2002 la proportion de familles dont lrsquoun des

parents est eacutetranger est de 186 221 et 192 dans les voisinages des adolescents ayant

au moins un parent eacutetranger et de 48 41 et 46 pour ceux nrsquoayant pas de parents

eacutetrangers Lrsquoindicateur deacutepasse par endroit trois et demi fois plus que la reacutepartition eacutegale

theacuteorique Pregraves de la moitieacute des 4 000 voisinages ne preacutesentent drsquoailleurs quasiment aucun

parent eacutetranger

Cette diffeacuterence a pour origine selon lui autant la discrimination agrave lrsquoemploi et au logement

que le manque drsquoaccegraves agrave la fonction publique pouvant garantir la solvabiliteacute des meacutenages Ce

qui signifie que ce processus concerne agrave nrsquoen pas douter lrsquoensemble des cateacutegories immigreacutees

(comprenant les immigreacutes eacutetrangers et franccedilais) potentielles victimes de discrimination

ethno-raciale agrave chaque eacutetape de lrsquointeacutegration et de la participation sociale Maurin (2004)

rapporte une eacutetude de Borjas101 reacutealiseacutee aux Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique et publieacutee au milieu des

anneacutees 1990 qui montre un ordre de grandeur drsquoeacutecart de voisinage comparable les immigreacutes

de la premiegravere geacuteneacuteration ont des voisinages comportant 153 drsquoimmigreacutes de premiegravere

geacuteneacuteration soit 25 fois plus que leur part geacuteneacuterale dans la population eacutetatsunienne (57 )

Les formes extrecircmes de seacutegreacutegation spatiale ne sont donc plus speacutecifiques agrave ce dernier pays

Faiblesse des niveaux de vie et des qualifications et hausse nationaliteacute eacutetrangegravere sont les

critegraveres principaux des regroupements contraints dans les espaces urbains les plus deacutegradeacutes

dont en premier chef certains voisinages dans les parties les moins appreacutecieacutees des grands

ensembles drsquohabitat Cette eacutevolution des peuplements est tout agrave fait compreacutehensible du fait

des tregraves nombreux deacutefauts qui caracteacuterisent cet habitat drsquoEacutetat qui lrsquoont rendus de faible valeur

socio-eacuteconomique comme nous le verrons plus bas (Chapitre VIII section A)

Il est surtout important de consideacuterer que ce processus commence assez tocirct degraves le deacutebut des

anneacutees 1970 agrave Sarcelles ou aux Minguettes agrave Veacutenissieux par exemple des enquecirctes

multiples montrent des meacutenages aux consommations difficiles et aux revenus modestes par

exemple le fait que 80 des meacutenages aux Minguettes nrsquoa pas drsquoautres possibiliteacutes pour se

101 Borjas G J (1995) ldquoEthnicity Neighborhoods and Human-Capital Externalitiesrdquo The American Economic Review vol 85 ndeg 3

loger que le logement actuel illustre la reacutealiteacute des conditions des meacutenages (Peillon 2001) Ce

qui renvoie lrsquoaffirmation du caractegravere laquo moyen raquo ou encore tregraves laquo composite raquo sur le plan

social du peuplement des grands ensembles agrave un statut cognitif de mythe urbain

Ce caractegravere des peuplements initiaux ou qui ont eacutevolueacute dans ce sens drsquohomogeacuteneacuteisation

sociale sur les plans culturel eacuteconomique et de la nationaliteacute eacutetrangegravere est fondamental pour

comprendre les pheacutenomegravenes de tensions sociales qui caracteacuterisent les modes de vie dans les

grands ensembles Il est drsquoailleurs inteacuteressant de saisir pleinement la notion de peuplement

pour appreacutehender ces pheacutenomegravenes selon Giraud (2000 p 15) le peuplement laquo peut ecirctre

conccedilu comme le produit de la dynamique drsquoun ensemble de strates ldquodrsquoeacutepaisseurrdquo variable

[qursquoil nomme aussi ldquostrates drsquoitineacuterairesrdquo] depuis les plus anciennes jusqursquoaux plus reacutecentes

Ces strates sont actives dans la dynamique du milieu [reacutesidentiel] par la vitesse de leur

rotation par leur inertie par les diffeacuterentes maniegraveres drsquooccuper lrsquoespace produites au cours

du temps avant et ailleurs autant qursquoici et maintenant raquo Ces mouvements de peuplement

produisent la population reacutesidente qui peut se deacutefinir comme un ensemble socio-historique

stratifieacute complexe et diffeacuterencieacute

Lrsquoauteur use drsquoune terminologie geacuteologique et eacutecologique comme la meacutetaphore de la

laquo strate raquo pouvant renvoyer agrave la seacutedimentation dans le temps des eacuteleacutements ici humains cela

teacutemoigne de lrsquoimportance du temps dans les usages de lrsquoespace et de la vie collective de tout

eacutetablissement social Plus preacuteciseacutement ce temps est celui de lrsquoincorporation reacuteciproque de soi

agrave lrsquoespace et de lrsquoespace agrave soi aux niveaux individuel et collectif comme lrsquoeacutetymologie

grecque du mot laquo maison raquo lieu du laquo deacutepocirct de soi raquo lrsquoindique Ce processus de laquo deacutepocirct raquo

drsquoappropriation ou de familiarisation de lrsquoespace immeacutediat est complexe chaque individu

eacutevalue les composantes mateacuterielles et sociales de celui-ci selon sa position sociale et

reacutesidentielle et selon son histoire qui comporte une repreacutesentation laquo ubiquiste raquo de lrsquoespace

crsquoest-agrave-dire une meacutemoire inteacutegrant les diffeacuterents espaces reacutesidentiels occupeacutes au cours de son

itineacuteraire passeacute Crsquoest pourquoi chaque surface investie prend un sens diffeacuterent pour chaque

occupant puisqursquoil le relie agrave cette repreacutesentation meacutemorielle globale qui comporte des

connotations particuliegraveres pour chaque caracteacuteristique des espaces passeacutes Les caracteacuteristiques

de tout espace nouvellement occupeacute sont ainsi eacutevalueacutees en fonction des connotations

attacheacutees aux caracteacuteristiques similaires des espaces passeacutes

Ainsi lrsquoeacutevolution des peuplements par une dynamique de peuplement des voisinages de plus

en plus homogegravene sur les critegraveres culturels socio-eacuteconomiques et de nationaliteacute combineacutes agrave

351351

de tregraves fortes heacuteteacuterogeacuteneacuteiteacutes sur drsquoautres plans (acircge activiteacute situation familiale revenus

culture drsquooriginehellip) nrsquoest pas sans influence sur le deacuteveloppement de rapports de voisinage

tendus et de conduites personnelles violentes lieacutees agrave des pratiques transgressives mais aussi

subversives Ces problegravemes dans les relations sociales locales reacutevegravelent des difficulteacutes de deacutepocirct

de soi des habitants de reacutealisation drsquointeractions souhaitables favorables agrave leurs attentes Les

caracteacuteristiques du voisinage social ne permettent pas drsquoinvestissement et de projection

satisfaisants pour la participation et lrsquointeacutegration sociale des individus en raison des

frustrations du repli ou des conduites violentes que la partie des plus pauvres

eacuteconomiquement et culturellement expriment Crsquoest le point eacutevoqueacute dans la section suivante

2 Une ambiance laquo lourde raquo drsquohabitation

En effet malgreacute la faiblesse socio-eacuteconomique des meacutenages qui se geacuteneacuteralise les diffeacuterences

de perception de lrsquoespace de la part des meacutenages et donc de leur usage sont tregraves variables

deacutependant de leurs caracteacuteristiques socio-deacutemographiques et culturelles multiples Elles

changent drsquoailleurs avec la rotation importante de lrsquooccupation des logements ce qui rend

justement les usages de cohabitation difficiles Mais ces difficulteacutes de cohabitation se

traduisent par une ambiance de laquo lourdeur raquo lieacutee moins au gigantisme des constructions qursquoau

poids des laquo signes de fermeture aux habitants de lrsquoespace physique et social raquo pour reprendre

la terminologie de Michel Giraud (2000)

Ces signes sont multiples promiscuiteacute interne dans les bacirctiments drsquohabitation collective

exposition brutale dans le vide des espaces et contrainte drsquoadaptation agrave la rigiditeacute du bacircti agrave

la diversiteacute changeante continue du voisinage ainsi qursquoaux difficulteacutes sociales multiples

drsquoun grand nombre de meacutenages dont les problegravemes persistants de la violence dans les

relations sociales avec notamment la deacutelinquance et les inciviliteacutes des jeunes en difficulteacutes

familiales et sociales Lrsquoimage neacutegative de ces zones drsquohabitat par accumulation des signes

de tensions renforce en retour les freins agrave des dynamiques relationnelles satisfaisantes agrave

lrsquointeacuterieur des quartiers drsquohabitation et hors de ceux-ci dans les autres parties de lrsquoespace

environnant

Ce paragraphe aborde les problegravemes du veacutecu drsquohabitation dans les grands ensembles lieacutes agrave

leur eacutetat mateacuteriel agrave la population reacutesidente et au mode drsquooccupation reacutesidentielle que geacutenegraverent

leurs caracteacuteristiques spatiales et mateacuterielles Quels que soient leurs formes ces problegravemes

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produisent une ambiance commune agrave tous les lieux preacutesentant les mecircmes caracteacuteristiques Les

deacutefauts conceptuels et constructifs des espaces agrave lrsquoorigine en partie de cette eacutevolution sociale

sont plus speacutecifiquement abordeacutes dans le chapitre VIII infra car consideacutereacutes comme

deacuteterminants dans ces problegravemes ayant abouti agrave la deacutevalorisation-stigmatisation des grands

ensembles Il est plutocirct abordeacute ici ce que repreacutesente pour les individus lrsquohabitation en

immeuble de grand ensemble pour en identifier les principales difficulteacutes ayant constitueacute les

premiers motifs de leur critique

En premier lieu se manifeste la promiscuiteacute dans les espaces internes et externes des

immeubles collectifs Celle-ci est drsquoabord lieacute tant agrave des cloisons sonores drsquoappartements et de

couloirs qursquoau vide des espaces collectifs inteacuterieurs et exteacuterieurs agrave lrsquohabitat mecircme si des

habitants drsquoappartements voisins partagent les caracteacuteristiques sociales et culturelles la

perception auditive et visuelle permanente et contrainte des actes quotidiens les plus intimes

de ceux-ci dans le deacuteroulement de sa propre vie personnelle est une source de tensions tregraves

forte sur le plan psychologique et des relations de voisinage Elle eacutetait drsquoailleurs la principale

source de deacutenigrement des grands ensembles par les jeunes meacutenages de classes moyennes au

deacutemarrage des grands ensembles Porositeacute des cloisons et vide des espaces limitent les usages

de lrsquohabitat imposent ce que Michel Giraud (2000) deacutenomme une laquo flexure de soi raquo crsquoest-agrave-

dire une contrainte drsquoadaptation ici agrave la diversiteacute des modes drsquohabiter drsquoautrui mecircme lorsque

les valeurs morales et les pratiques sont proches

Dans ce sens drsquoautres proprieacuteteacutes spatiales et physiques de lrsquohabitat renforcent ce deacutefaut de

confort primordial en contrariant la perception drsquoune image positive uniformiteacute spatiale et

fonctionnelle rigiditeacute structurelle et reacuteplication des parties Ces caracteacuteristiques contribuent

mecircme avec la promiscuiteacute intense au risque drsquoune laquo perte de soi raquo selon Giraud (2000)

crsquoest-agrave-dire une alieacutenation des personnes de leur identiteacute qui srsquoexplique par la dissolution de

la conscience lieacutee agrave lrsquoeffacement des traces du passeacute que geacutenegravere la gecircne de lrsquoexposition intime

et brutale aux autres il devient en effet dans cette situation difficile de mobiliser des

ressources mentales qui se trouvent dans la meacutemoire des habitations passeacutees pour se creacuteer un

mode de vie adapteacute aux caracteacuteristiques preacutesentes de lrsquohabitat

Lrsquoeacutechec de laquo lrsquoincrustation spatiale du soi raquo selon Michel Giraud crsquoest-agrave-dire de

lrsquoappropriation personnelle des lieux et qui est le symptocircme de la laquo maladie des grands

ensembles raquo vient aussi en raison de lrsquoextrecircme difficulteacute agrave se connecter avec la diversiteacute des

caracteacuteristiques sociales et culturelles des voisins avec leurs multiples modes drsquoecirctre dans

lrsquoespace et leur relation agrave autrui La difficulteacute de mise en relation est drsquoautant plus frustrante

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que le rapport sensible aux autres est tregraves eacuteleveacute en raison non seulement de la promiscuiteacute

geacuteneacuteraliseacutee qursquoaccroicirct la compaciteacute ou la densiteacute des habitants drsquoun mecircme grand bacirctiment

(voire de plusieurs immeubles proches) Car la densiteacute de copreacutesence augmente le nombre de

situations de promiscuiteacute et de difficulteacutes relationnelles

De surcroicirct lrsquointensiteacute particuliegravere des rotations drsquooccupation des appartements compliquent

en les empecircchant de se deacuteployer les processus relationnels qui consistent en une

laquo qualification et une identification de soi et drsquoautrui raquo selon Giraud autrement dit agrave laquo faire

connaissance raquo Ces rotations drsquooccupants complexifient drsquoailleurs lrsquointeacutegration locale par la

surcharge de lrsquohistoire des lieux sous lrsquoeffet de lrsquoaccumulation dense des signes de preacutesence

des diffeacuterentes cohortes drsquohabitants passeacutes Les grands ensembles constituent en effet des

carrefours drsquoitineacuteraires tregraves volumineux et eacutevolutifs dans lrsquoespace et le temps Le

rapprochement social en leur sein est alors complexe en raison de la difficulteacute de mobilisation

adeacutequate et opportune de ses propres repegraveres rencontreacutes dans drsquoautres milieux drsquohabitation

Giraud (2000) deacutefinit drsquoailleurs chaque milieu comme un point de convergence drsquoune

population drsquoorigine varieacutee qui contraint les individus par ses formes ses densiteacutes de

logements et drsquohabitants et ses dispositions spatiales agrave composer avec autrui En effet chacun

deacutepose dans lrsquoespace sa preacutesence physique son identiteacute sociale et ses attitudes qui sont autant

de signes sociaux du temps dans lrsquoespace pour comprendre les logiques de penser et drsquoagir de

lrsquoespace Les conflits et les tensions sont alors lieacutes agrave cette juxtaposition drsquoitineacuteraires contrasteacutes

qui est agrave lrsquoorigine de la densiteacute des laquo signes inadeacutequats au deacutepocirct de soi raquo (nuisances

inciviliteacutes incompreacutehensions violence) Ces signes de non appropriation possible constituent

le sens de la laquo lourdeur raquo drsquoun milieu Ils en signifient sa non-appartenance

Crsquoest drsquoailleurs assez tocirct que les diffeacuterences de modegraveles culturels de sociabiliteacute entre

cateacutegories sociales sont apparues comme un obstacle contre de lrsquoideacuteologie de lrsquoarchitecture

laquo moderne raquo promouvant la formation de couches urbaines nouvelles rassemblant les diverses

cateacutegories sociales (Peillon 2001) les comportements moins privatiseacutes et de socialisation

plus intense chez les ouvriers ne conviennent pas agrave la distance et agrave la seacutelectiviteacute des cateacutegories

moyennes Drsquoougrave des problegravemes relationnels et des conflits drsquousage et drsquoappropriation des

espaces collectifs engendrant un retrait des familles et le rejet de lrsquoexteacuterieur Le brassage

contraint suscite des tensions plus que des eacutechanges et un enrichissement reacuteciproque La

preacutesence des jeunes dans les espaces communs exacerbe en conflits plus ou moins ouverts ces

problegravemes

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Crsquoest pourquoi les repreacutesentations et les pratiques des quartiers drsquohabitation (positives ou

neacutegatives) sont eacutetroitement lieacutees agrave lrsquoeacutetat drsquoadeacutequation des personnes avec lrsquoespace crsquoest-agrave-

dire agrave leur inteacutegration dans celui-ci ou encore agrave leur participation agrave sa densiteacute sociale ou

morale au sens durkheimien (agrave sa coheacutesion sociale dirait-on aujourdrsquohui) Ecirctre en adeacutequation

avec lrsquoespace signifie ecirctre en coheacuterence avec autrui ecirctre inscrit dans la densiteacute relationnelle

drsquoun milieu Celui-ci est cependant laquo lourd raquo (Giraud 2000) lorsqursquoil nrsquoy a pas de

multipliciteacute drsquointensiteacute et de diversiteacute possibles drsquointeractions sociales puisque les autres sont

perccedilus en tant que laquo non soi raquo les eacutechanges avec eux sont alors faibles du fait de barriegraveres de

limitation des rapprochements restreignant laquo lrsquoeacutetendue spatiale et sociale de soi raquo

Lrsquoimpossibiliteacute de trouver des formes adapteacutees drsquousage et drsquooccupation du milieu a des effets

psychologiques neacutegatifs (neacutevroses anxieacuteteacutehellip) Le manque de laquo jeux raquo et drsquolaquo ouvertures raquo de

lrsquoenvironnement et du peuplement influe sur lrsquoeacutetat psychologique et moral des personnes Ce

qui renforce la dynamique de changement du peuplement avec de nombreux deacuteparts vers des

milieux plus ouverts Dans ce sens les deacutemeacutenagements ne sont pas uniquement motiveacutes par

un deacutesir de trajectoire reacutesidentielle ascendante vers de nouveaux espaces attractifs Ils

procegravedent aussi drsquoune crainte sur le devenir de soi et des siens au sein de milieux perccedilus

comme inaptes agrave assurer durablement lrsquoavenir de soi et des jeunes geacuteneacuterations mecircme parmi

ceux qui se sont suffisamment approprieacutes les lieux et qui en perccediloivent les entiteacutes

diffeacuterencieacutees et ajustables agrave soi Il eacutemerge alors un sentiment de menace identitaire avec la

domination quantitative dans lrsquoespace de cohortes de reacutesidents preacutecaires qui engendrent une

uniformisation qualitative du milieu Eacuteric Maurin (2002 2004) a confirmeacute cet effet reacuteel et

repreacutesenteacute du voisinage sur les destins individuels motivant les conduites de seacutegreacutegation

reacutesidentielle de la part des cateacutegories les plus aiseacutees

Il importe de souligner que lrsquoeacutevaluation de la qualiteacute de lrsquoespace local par chaque individu

toujours veacutecu de maniegravere utopique et uchronique (Giraud 2000) est reacutealiseacutee autant agrave lrsquoaune

de son adeacutequation agrave ses projets et agrave ses attentes sociales qursquoen fonction de repreacutesentations

produites au fil de lrsquoexpeacuterience accumuleacutee dans les autres contextes drsquohabitation passeacutes

Quelque soit lrsquoacircge et le motif drsquoune implantation reacutesidentielle le passeacute socio-spatial contribue

agrave appreacutehender de maniegravere toute particuliegravere les eacuteleacutements drsquoun nouvel espace drsquohabitation

(physiques sociaux culturelshellip) en tant que signes et indices multiples de significations

eacutelaboreacutees subjectivement en fonction de ressources cognitives deacuteveloppeacutees dans le temps

Ces eacuteleacutements sont compareacutes agrave des laquo reacutefeacuterents raquo selon une nomenclature plus ou moins

explicite repreacutesentant une qualification optimale de lrsquoespace Lrsquoensemble des eacutevaluations

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drsquoindices aboutit agrave sentir une convergence ou une divergence de soi avec lrsquoespace (accord ou

deacutesaccord avec la situation optimale de reacutefeacuterence) Ainsi tout reacutesident deacuteveloppe une activiteacute

ineacutegale drsquoajustement de lrsquoespace agrave soi et de soi agrave lrsquoespace selon un capital de ressources

variables et des motivations diverses Ceci est drsquoailleurs pour Giraud (2000) la cleacute de

compreacutehension du mode de vie urbain des tensions et conflits qui en deacutecoulent et de

lrsquoeacutepuisement psychologique parfois de la reacutealisation spatiale de soi

Puisque les multiples objets environnants sont lieacutes chez chacun par une logique unitaire en

deacutereacutealisant lrsquounivers trivial du grand ensemble et en en reacuteveacutelant sa porositeacute les repegraveres

personnels de chaque individu ne peuvent ne pas ecirctre compatibles et les diffeacuterents modes

drsquoappropriation de lrsquoespace peuvent geacuteneacuterer laquo des conflits et des tensions drsquoitineacuteraires raquo

(Giraud 2000) La diversiteacute des modes de fermeture au et du milieu (blindage des portes

occultation de coursives cloisonnement des galeries fragmentation des bacirctis

laquo reacutesidentialisation raquo confinement craintif dans lrsquoespacehellip) deacutevoile les craintes

drsquoantagonismes latents et menaccedilants agrave partir drsquoune forte sensibiliteacute agrave la densiteacute des indices de

preacutesence proche drsquoitineacuteraires divergents Le sentiment drsquoinseacutecuriteacute repose drsquoailleurs aussi sur

la sensation larveacutee de cette divergence drsquoitineacuteraires constitutive drsquoune sensibiliteacute aux signes

drsquoeacutetrangeteacute

La perception diffeacuterentielle des signes de convergence et de divergence entre les personnes et

leur entourage qui modegravele la qualification et lrsquoappropriation de lrsquoespace par chaque reacutesident

est drsquoabord lieacutee au mode de reacutepartition de la population et donc de chacun des types

drsquoitineacuteraires par paliers immeubles et quartiers Crsquoest cette perception subjective drsquoun

contexte particulier de proximiteacute sociale qui conditionne un mode drsquoecirctre au milieu ie

lrsquointensiteacute de son appropriationdeacutepossession qui est drsquoautant plus favorable que les

laquo ouvertures raquo de connexion de soi aux autres et agrave lrsquoespace sont plus nombreuses Cette

disposition de lrsquoespace vis-agrave-vis drsquoune relation agrave soi eacuteclaire la signification de lrsquoexpression

laquo le sens de lrsquoespace raquo Elle exprime la perception claire qursquoa lrsquoindividu des indices qursquooffre

lrsquoespace de sa relation possible avec ses eacuteleacutements Giraud (2000 p 371) deacutefinit drsquoailleurs le

quartier de cette maniegravere laquo lieu (de peacuterimegravetre et de densiteacute sociale variable) ougrave est focaliseacutee

la perception la plus distinctive de lrsquoespace selon les indices repreacutesenteacutes comme significatifs

de lrsquointerconnexion des lsquosignes eacutecologiquesrsquo drsquoautrui avec soi-mecircme au quotidien raquo

Concregravetement trois domaines sont sources drsquoantagonisme dans les relations de voisinage

(Lapeyronnie 2008) 1 les modegraveles drsquoeacuteducation des parents (suivi plus ou moins important

des conduites juveacuteniles) 2 lrsquoeacutetat de propreteacute et la qualiteacute de lrsquoentretien des parties communes

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et des espaces publics (souci plus ou moins net de la propreteacute pour les visiteurs et la

coexistence imposeacutee) et 3 les modes de vie qui diffegraverent aussi en fonction des rythmes lieacutes

au travail effectif ou non des individus (deacutecalages pour les heures de coucher et de lever

usage bruyant du palier ou de la cage drsquoescalier) ce qui pose des problegravemes dans les

bacirctiments agrave isolation phonique meacutediocre Plus globalement les rapports de cohabitation se

nouent agrave partir du registre imaginaire au travers de jeux drsquoidentification positive ou neacutegative

et non sur les seules occurrences drsquointeractions veacutecues Crsquoest pourquoi par exemple des

familles en difficulteacutes aux parents seacutepareacutes sans emploi reacutegulier peu qualifieacutes aux enfants

peu eacuteduqueacutes par eux-mecircmes notamment parfois quand elles sont drsquoorigine eacutetrangegravere peuvent

jouer un rocircle drsquoobjet social neacutegatif pour des meacutenages de classes moyennes et modestes

stables en devenant un indicateur de deacuteclassement social des lieux cristallisant des conduites

de rejet par refus drsquoecirctre assimileacutees agrave celles-ci

Crsquoest mecircme tout un ensemble drsquoeffets sur les usages exteacuterieurs et inteacuterieurs de lrsquohabitat qui

sont craints la deacutelinquance des jeunes et violence dans leur conduite personnelle les

difficulteacutes dans les rapports de gestion de la cohabitation (usages et entretien du bacircti et des

services conduites dans les espaces communs et priveacuteshellip) la faible image sociale du

voisinage ou encore la vacance potentielle du parc de logements lieacute au refus drsquoinstallation

dans lrsquoespace disqualifieacute Les craintes portent sur lrsquooccurrence de pratiques sapant lrsquoordre

civil preacutedominant et la cohabitation sociale notamment par les enfants en ce qui concerne

lrsquoeacutetat physique de lrsquohabitat et lrsquousage des espaces exteacuterieur et inteacuterieur et surtout par des

jeunes garccedilons auteurs de nombreux incidents deacutegradations multiples jeux bruyants squats

encombrants de halls mais parfois aussi vandalisme affrontements avec la police

intimidations et agressions trafics divershellip

En fait les problegravemes psychosociologiques de cohabitation se sont amplifieacutes agrave mesure que la

preacutesence de familles pauvres et preacutecaires srsquoest accrue avec les problegravemes de vols de

deacutegradation et de violence multiples qursquoils peuvent geacuteneacuterer La crise socio-eacuteconomique ouvre

la voie agrave lrsquoilleacutegaliteacute pour combler la scission entre travail et ressources peacutecuniaires mais aussi

agrave lrsquoeffacement des interdits et des regravegles de civisme avec une rupture de communication

jeunesadultes Les agacements se sont transformeacutes parfois en inquieacutetudes en frictions en

conflits voire en affrontements multiples pouvant alimenter une heacuteteacuterophobie

Par exemple le sentiment drsquoinseacutecuriteacute srsquoest fortement deacuteveloppeacute (Rocheacute 1993

Khosrokhavar 2000 Peillon 2001 Robert 2002) autant en raison de la hausse des faits

reacuteels drsquoinseacutecuriteacute (comportements incivils deacutesordres agressions volshellip) que de la hausse de

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la fragiliteacute reacuteelle et perccedilue par les individus de leurs caracteacuteristiques personnelles (physique

mentale sociale professionnelle et eacuteconomique) ndash et donc de leur fragiliteacute perccedilue face agrave la

violence Crsquoest aussi vrai pour ceux qui perccediloivent un abandon de lrsquoenvironnement par

drsquoautres habitants et les institutions Dans ce sens les personnes acircgeacutees en raison de la

fragiliteacute accrue de leur condition physique et parfois mentale inteacuteriorisent lrsquoinseacutecuriteacute au-delagrave

du niveau de laquo violence moyenne raquo que perccediloivent les autres reacutesidents

Par exemple le tableau 16 du chapitre VI (p 193) rapporte une enquecircte aupregraves de la

population en 2005 agrave Mourenx (Raffestin 2005) qui indique que 34 des personnes

interrogeacutees (selon une meacutethode aleacuteatoire par aire drsquoun eacutechantillon stratifieacute) se disent

preacuteoccupeacutees (un peu ou beaucoup) par le manque de seacutecuriteacute dans leur quartier contre 13

enregistreacute au niveau national par lrsquoObservatoire national de la deacutelinquance Crsquoest dans un

quartier que ce sentiment est le plus aigu (45 ) ougrave plus de la moitieacute des enquecircteacutes sont des

retraiteacutes et ougrave la correacutelation avec le fait drsquoavoir eacuteteacute victime ou teacutemoin drsquoactes de deacutelinquance

au cours des 12 derniers mois est pourtant moins forte que dans les cinq autres quartiers de la

ville

Puisque cela constitue un thegraveme central des difficulteacutes sociales associeacutees aux grands

ensembles il peut ecirctre abordeacute les raisons de la hausse des faits drsquoinseacutecuriteacute en leur sein Dans

un contexte de laquo galegravere raquo ie de situation drsquoattente drsquointeacutegration sans perspectives lieacute agrave la

deacutestructuration du monde ouvrier et pousseacutes par des familles deacutefaites ou en difficulteacutes

eacuteducatives (Lapeyronnie 2008) certains des jeunes surtout errent et se retrouvent entre

pairs dans des bandes fugitives en divers points de lrsquoespace local qursquoils srsquoapproprient

(groupes hieacuterarchiseacutes selon les acircges et diffeacuterencieacutes parfois selon les sous-parties de lrsquoespace et

les groupes ethniques) Ils peuvent srsquoengager dans des conduites asociales transgressives et

contestatrices en usant de la violence interpersonnelle pour imposer leur respect mutuel

Lrsquoappartenance agrave un collectif fonctionnant sur le mode de lrsquointerconnaissance leur donne la

force drsquoimposer dans lrsquoespace public leurs activiteacutes et leur mode de comportement

Trois facteurs de la deacutelinquance persistante de jeunes peuvent ecirctre rapporteacutes 1 des

difficulteacutes familiales et lrsquoinadaptation de modegraveles eacuteducatifs parfois complaisants avec les

pratiques deacutelinquantes 2 lrsquoespace urbain avec des lieux inanimeacutes indiffeacuterencieacutes et mal geacutereacutes

(dalles parking impasses espaces libres non surveilleacutes favorables aux comportements

deacutelictueux) 3 lrsquoinadaptation de la reacuteponse policiegravere traditionnelle centreacutee sur des opeacuterations

deacutemonstratives laquo coup de poing raquo non seacutelectives renforccedilant le sentiment anti-policier la

logique drsquoaction est plus axeacutee sur la grande criminaliteacute et la contestation politique menaccedilant

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lrsquoordre public que sur lrsquoeacutelucidation de la petite deacutelinquance (Mucchielli 2001 Montjardet

1999 Mohammed Mucchielli 2007) Souvent drsquoailleurs ce sont bien la deacutelinquance

persistante et la perception drsquoimpuniteacute pour des laquo petits deacutelits raquo classeacutes sans suite qui

suscitent le rejet et la volonteacute drsquoeacuteloignement de ces zones ougrave le sentiment de

laquo pourrissement raquo de lrsquoambiance preacutedomine

La deacutelinquance et la violence de certains jeunes en difficulteacutes srsquoinscrivent dans des contextes

locaux drsquoanomie de contestation de la seacutegreacutegation sociale et raciale parfois et drsquoinversion des

normes de hieacuterarchie et de relation sociales Dans lrsquoespace public crsquoest la norme de lrsquo laquo argent

facile raquo qui peut ecirctre promue avec les trafics de drogue et autres et les vols et cambriolage Il

faut aussi percevoir les conduites drsquoautoritarisme eacuteducatif et lrsquoinstauration de hieacuterarchies

laquo traditionnelles raquo entre les sexes (infeacuteriorisation par controcircle des conduites deacutesexualisation

des apparences et enrocirclement dans les tacircches meacutenagegraveres) et entre les acircges que les tenues

religieuses rendent visibleshellip Ces normes constituent une reacuteaction agrave la disqualification

sociale et agrave la menace identitaire voire agrave lrsquoeffectiviteacute de la deacutecheacuteance des personnes exclues

notamment celles drsquoorigine immigreacutee Ce contexte de segmentation sociale et morale et de

lutte pour lrsquoimposition de normes inverses agrave celles de la socieacuteteacute favorisent alors le

deacuteveloppement des violences interpersonnelles Hugues Lagrange (1995) a montreacute que degraves le

deacutebut des anneacutees 1990 lrsquoinseacutecuriteacute est quatre agrave cinq fois plus eacuteleveacutee dans les ZUS que dans

les autres quartiers urbains la violence en zone pauvre est huit agrave neuf fois plus eacuteleveacutee qursquoen

zone riche et les viols et les drogues deux fois plus Le plus souvent drsquoailleurs les victimes

sont pauvres eacuteprouvent les mecircmes sentiments drsquoinjustice et drsquoabandon que les auteurs et ont

une moindre reacuteactiviteacute que les riches (plainte assurance protection seacutecurisation) (Robert

2002)

Cependant tous les habitants et notamment tous les jeunes ne sont pas dans cette mecircme

logique Certains inteacuteriorisent et accumulent des frustrations qui peuvent entraicircner des

reacuteactions violentes alors qursquoils eacutetaient jusqursquoalors sans agressiviteacute particuliegravere Drsquoautres

encore suivent une voie de retrait dans une identiteacute communautaire de distanciation et de

rationalisation de leur eacutechec drsquointeacutegration sociale aggravant parfois le malaise dans les

relations avec la population franccedilaise (pratiques laquo traditionalistes raquo religieuses et

deacutemonstrativeshellip) Le refuge intellectuel culturel moral et affectif dans des groupes et des

pratiques communautaires en quecircte de modegraveles diffeacuterents de comportements pour faciliter

leur insertion est compreacutehensible mais elle comporte neacuteanmoins un risque drsquoenfermement

culturel et social

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Dans lrsquoensemble les conduites juveacuteniles relatives agrave lrsquoexclusion socio-eacuteconomique subie

renforcent le stigmate des quartiers drsquohabitat au deacutetriment des adultes eacutevoluant

individuellement dans les espaces locaux Ces eacuteleacutements alimentent le registre des relations

intergeacuteneacuterationnelles sur lrsquousage de certains espaces marquant lrsquoimage du quartier Le plus

souvent lrsquoincapaciteacute drsquoagir des plus fragiles comme les retraiteacutes les femmes ou les autres

individus isoleacutes entraicircne une forme drsquo laquo individualisme passif raquo encourageant les auteurs de

violence agrave poursuivre leurs meacutefaits Et contre leur greacute ils en sont socialement laquo punis raquo en

eacutetant rejeteacutes dans les rapports sociaux avec le reste des habitants des villes (exclusion du

travail et des activiteacutes sociales meacuteprishellip) De plus la meacutediatisation sur la violence amplifie

leur crainte de celle-ci

Ainsi le thegraveme des conflits de cohabitation repeacutereacutes degraves le cours des anneacutees 1960 au sein des

premiers grands ensembles traduit la manifestation multiforme de tensions aigueumls dans les

rapports sociaux reacutesidentiels (Chamboredon Lemaire 1970) Une dynamique neacutegative des

relations sociales traduit la laquo mal-cohabitation raquo crsquoest-agrave-dire une laquo cohabitation peacutenible et

malaiseacutee raquo entre ceux qui sont laquo dissemblables et meacutelangeacutes raquo selon les mots de Jean-Claude

Kaufmann (1983 p 93) Les deacutesordres qursquoils reacutevegravelent et la crainte qursquoils suscitent coupent

encore plus ces milieux de lrsquoexteacuterieur puisque la ville comme espace public et organisation

collective apparaicirct incapable drsquoy apporter seacutereacuteniteacute et tranquilliteacute La violence constitue ainsi

une norme dans des contextes ougrave le peuplement antagonique nrsquoest pas compenseacute par une

localisation spatiale positive des liens directs avec lrsquoactiviteacute eacuteconomique un nombre et une

qualiteacute confortable drsquoeacutequipements fonctionnels une gestion adapteacutee et efficace de lrsquohabitat

ou encore des repreacutesentations sociales positives de lrsquoespace dans lrsquoensemble urbain plus large

Les deacuteviances individuelles les replis identitaires les frustrations accumuleacutees les tensions et

les violences personnelles multiples expriment des situations drsquoeacutecart par rapport agrave la socieacuteteacute

et drsquoaffaiblissement des normes collectives dans les rapports sociaux familiaux et de

voisinage Les institutions de controcircle de preacutevention de reacutegulation et drsquoeacuteducation ne

parviennent pas agrave atteacutenuer ces pheacutenomegravenes qui continuent voire srsquoaggravent comme cela est

abordeacute plus bas aussi parce que les actions entreprises nrsquoen atteignent pas les meacutecanismes

originaires reacuteels Quoiqursquoil en soit jusqursquoici la concentration drsquoune grande partie de situations

individuelles preacutecaires constitue de ce fait un laquo puissant facteur de deacutesinteacutegration sociale et

drsquoexclusion collective raquo des occupants (Peillon 2001) Et dans un contexte de deacuteclin

symbolique et social drsquoimage de deacutecheacuteance et de marginaliteacute sociale preacutedominante tous les

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jeux de deacutemarcation et de deacutefausse du discreacutedit des plus pauvres et preacutecaires sont alors

possibles

Avec le temps les deacutefauts formels et mateacuteriels des grands ensembles les usages et les modes

de vie marqueacutes par les tensions et la violence dans les grands ensembles ont constitueacute par leur

constance et leur freacutequence des traits communs drsquoune cateacutegorie drsquolaquo ambiance urbaine raquo

particuliegravere pour reprendre lrsquoexpression de Lyliane Voyeacute (2002) Sa repreacutesentation srsquoest assez

rapidement diffuseacutee drsquoune part en raison de la proximiteacute des expeacuteriences sociales

individuelles et collectives de leur pratique et de leur observation directe ou meacutediatiseacutee et

drsquoautre part sous lrsquoeffet des mecircmes sentiments affectifs susciteacutes comme la crainte la

meacutefiance voire la compassion ou la reacutevolte Lrsquoambiance est une notion utile pour qualifier

des territoires agrave partir des interactions et des pratiques qursquoils comportent

Plus preacuteciseacutement lrsquoambiance est selon Voyeacute (2002) une laquo modaliteacute transitoire de vie sociale

supposant un support temps crsquoest-agrave-dire un moment privileacutegieacute drsquoexpression un support

espace crsquoest-agrave-dire un lieu speacutecifique drsquoexpression en permettant le repeacuterage et la

diffeacuterenciation une gamme plus ou moins eacutetendue drsquoactiviteacutes distinctes mais productrices

lrsquoune pour lrsquoautre drsquoeacuteconomies externes une certaine densiteacute de population pouvant ecirctre

rassembleacutee sans contraintes sans formalisation et sans neacutecessairement un but deacutefini mais

entrant dans des relations drsquointensiteacute de types divers tout ceci geacuteneacuterant une connotation

affective positive ou neacutegative et eacutetant soutenu par une composition spatiale particuliegravere

favorisant le deacuteveloppement drsquoun sentiment drsquoappropriation et drsquoautonomie drsquoautant plus fort

qursquoil peut srsquoinscrire sur un fond combinant agrave des degreacutes divers anonymat et seacutecuriteacute raquo

Autrement dit lrsquoambiance drsquoun lieu est lieacutee aux moments et aux modaliteacutes des activiteacutes

collectives diverses qui srsquoy manifestent et auxquelles prennent part des populations aux

profils speacutecifiques Cette approche confirme lrsquointeacuterecirct heuristique de la notion drsquo laquo effet de

milieu raquo crsquoest-agrave-dire drsquoinfluence des choses et des personnes socialement produites sur les

comportements sur les possibiliteacutes drsquointeraction de reacutealisation de soi de participation et

drsquointeacutegration agrave la vie sociale en geacuteneacuterale et agrave celle du secteur concerneacute en particulier De ce

fait les eacuteleacutements eacutevoqueacutes plus hauts concernant la lourdeur des milieux de grands ensembles

(promiscuiteacute intense et eacutetendue deacutegradations mateacuterielles nombreuses divergence

preacutedominante des itineacuteraires et des conduites spatiales et sociales importante de lrsquoinseacutecuriteacute

lieacutee agrave la deacuteviance deacutelinquante des jeunes) constituent une description drsquoambiance neacutegative

pour les habitants

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La forte densiteacute des problegravemes multiples faisant obstacle aux relations des individus avec leur

environnement institue un mal-ecirctre des occupants dans leur espace drsquohabitat Pour certains

crsquoest mecircme le sentiment de vivre une expeacuterience de captiviteacute dans un ghetto qui se manifeste

car lrsquoeffet drsquolaquo occlusion raquo du cocirctoiement des itineacuteraires est bien perccedilu comme lieacute agrave la

reacutegression sociale des voisins ou agrave la sienne propre Et lrsquoaffaiblissement des relations sociales

pour cette raison geacutenegravere un isolement social et une anxieacuteteacute ou une preacuteoccupation quant agrave sa

place dans la socieacuteteacute La sensibiliteacute aux diverses nuisances mateacuterielles et sociales

environnantes est alors renforceacutee Crsquoest lrsquohumeur seacutegreacutegative variable et instable eacutevoqueacutee

par Cyprien Avenel (2001)

Plouchard (1999) a mesureacute lrsquoeffet de cette fragilisation sociale agrave travers lrsquoeacutetude des

dynamiques associatives dans les grands ensembles Agrave cocircteacute de ceux qui partent la plupart de

ceux qui restent deacuteveloppent des opinions neacutegatives sur leur quartier et sur les relations de

voisinage avec la hausse des habitants en difficulteacutes sociales Ces derniers ayant alors eux-

mecircmes en partie des repreacutesentations et des pratiques de sociabiliteacute neacutegatives et reacuteduites ce qui

traduit lrsquoeffet drsquoalourdissement des milieux eacutevoqueacute par Giraud (2000) il srsquoagit drsquoune laquo force

polymorphe raquo deacutetestable qui apparaicirct agrave travers de multiples signes qui srsquoaccumulent et se

dressent comme autant drsquoobstacles agrave la relation de soi des individus avec le monde que cela

soit dans les rapports sociaux les usages de lrsquoespace mateacuteriel ou le comportement des autres

dans les espaces communs

Cette laquo lourdeur raquo du milieu deacutepend alors globalement de lrsquoattitude des autres vis-agrave-vis de soi

des modaliteacutes et du sens des dynamiques de relations sociales preacuteexistantes et des qualiteacutes

drsquousage de lrsquoespace physique local Les blattes les bruits externes et internes aux immeubles

les odeurs drsquourines et meacutenagegraveres les comportements deacuterangeants ou incompreacutehensibles et

bien sucircr les deacutegradations multiples des lieux de lrsquohabitat constituent autant de signes de

lrsquoespace en tant que lieu drsquoabandon de paupeacuterisation voire de releacutegation sociale Bien que la

sensibiliteacute aux nuisances multiples soit variable selon les individus de lrsquoabsence de prise en

compte du fait drsquoune harmonie avec ses propres pratiques (sonores culinaires

relationnelleshellip) agrave la perception aigueuml de leur densiteacute ces signes symbolisent une barriegravere

au deacutepocirct sur lrsquoespace des eacuteleacutements de lrsquohistoire personnelle pour favoriser son appropriation

Avec lrsquoinstabiliteacute des composantes sociales des grands ensembles (des strates de peuplement)

ce contexte reacutesidentiel impose un laquo stress reacutesidentiel raquo selon Giraud crsquoest-agrave-dire une intensiteacute

particuliegravere drsquoeffort de reacutealisation spatiale de soi effort variable selon la morphologie et la

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dynamique de peuplement du milieu et surtout selon lrsquoeacutenergie et des ressources disponibles

des habitants accumuleacutees ailleurs et dans drsquoautres temps

Un poids suppleacutementaire limitant les relations des habitants agrave leur espace habiteacute est la

reacuteputation mauvaise de celui-ci (Dulong et Paperman 1992) Sa fonction est lrsquoinformation sur

la qualiteacute drsquoambiance des espaces urbains agrave des fins de guidage des mobiliteacutes spatiales mais

aussi des interactions sociales Lorsqursquoelle est deacutevalorisante elle constitue un handicap

suppleacutementaire agrave la reacutealisation de soi dans et hors les grands ensembles puisque les habitants

endossent lrsquoimage homogegravene et dense en signes neacutegatifs de leur espace malgreacute la diversiteacute de

ces lieux internes aux attributs variables et parfois positifs Chaque individu a alors le choix

de diffeacuterentes maniegraveres drsquoecirctre au milieu drsquohabitation relieacutees agrave des perceptions oscillant entre

lrsquohomogeacuteneacuteiteacute globalement neacutegative de celui-ci et des distinctions plus fines La laquo reacutealisation

spatiale de soi raquo (Bordreuil 2000) peut donc varier entre une attitude critique et deacutenigrante

lieacutee agrave une perception homogegravene du milieu (se rapprochant ainsi du pheacutenomegravene de la

reacuteputation) et justifiant une volonteacute de le quitter et une appropriation des lieux associeacutee agrave une

repreacutesentation nuanceacutee de lrsquoespace en de multiples entiteacutes diffeacuterencieacutees (chaque uniteacute ayant

un sens particulier) selon la preacutesence ou non de signes drsquoadeacutequation ou de nuisances pour soi

On retrouve ici dans un type drsquoespace urbain particulier avec son ambiance et les conduites

drsquoadaptation de ses habitants le facteur social originel des pheacutenomegravenes de seacutegreacutegation

sociale la rivaliteacute symbolique dans les rapports sociaux accrue dans un contexte de preacutecariteacute

eacuteconomique et sociale (Clavel 1999) Les jeux de deacutefausse sur les cateacutegories de reacutesidents

jugeacutees responsables de la deacutegradation mateacuterielle sociale et symbolique des lieux et les

reacuteactions de fermeture dans les rapports sociaux de voisinage traduisent un processus social

drsquoenfermement symbolique de lrsquoespace dans une position deacutevaloriseacutee Ce processus est lieacute au

rapport social global drsquoexclusion symbolique des plus faiblement qualifieacutes qui se traduit par

divers pheacutenomegravenes de seacutegreacutegation Cette situation ne survient pas sans contexte axiologique

favorable celui drsquoune socieacuteteacute libeacuterale portant les logiques drsquoindividualisme de distinction et

de compeacutetition sociale au-dessus des valeurs de protection et drsquointeacutegration sociales Ce qui

rend difficile drsquoatteacutenuer de reacuteguler voire de supprimer les pheacutenomegravenes seacutegreacutegatifs Le

paragraphe suivant illustre cet effet de dispositions et de moyens structurels des institutions

sociales insuffisants pour juguler les pheacutenomegravenes de ce type et leurs effets probleacutematiques

363363

3 Des institutions laquo deacutepasseacutees raquo par les difficulteacutes et la violence

Un des angles drsquoanalyse peu abordeacutes par les sociologues au sujet des secteurs en tensions

mais plus souvent eacutevoqueacute non seulement par les habitants mais aussi par de multiples

observateurs non scientifiques (acteurs politiques et administratifs surtout) est celui des

actions institutionnelles et collectives (associatives souvent) face aux demandes nombreuses

drsquoaide et de soutien social Le volume de ces derniegraveres dans les grands ensembles les rend

depuis longtemps impossibles agrave honorer et entraicircne les pouvoirs publics agrave produire un flux

incessant de mesures et de dispositifs divers visant agrave ameacuteliorer la situation des laquo quartiers

sensibles raquo Les eacutechecs continus tendent agrave mettre en cause le niveau des moyens engageacutes sans

aborder les objectifs et la meacutethode Car dans la rencontre entre les populations domineacutees et

releacutegueacutees et les institutions eacutetatiques et les services publics se manifeste lrsquoerreur de diagnostic

de la crise drsquointeacutegration des territoires marginaliseacutes (Tissot 2007) erreur des reacuteformateurs

sociaux politiques et savants ayant initieacute et conduit la politique du deacuteveloppement social

urbain avec lrsquoaide des modernisateurs des services et de lrsquoorganisation de lrsquoEacutetat pour qui la

manifestation spatiale des problegravemes sociaux induit des reacuteponses localiseacutees drsquointeacutegration par

de lrsquoanimation sociale en visant le laquo reacutetablissement du lien social dans les quartiers raquo comme

remegravede principal des processus drsquoexclusion sociale pourtant diagnostiqueacutes (Tissot 2007)

Occultant les leviers structurels sur le plan juridique et politique pour agir sur les

probleacutematiques centrales des cateacutegories ouvriegraveres chocircmage et sous-emploi logement

eacuteducation formation et qualification professionnelles protection sociale contre les

licenciements et face aux seacuteparations familiales discrimination agrave lrsquoemploi ils agissent

impuissants en renouvelant peacuteriodiquement des thegravemes prioritaires drsquoaction appliqueacutes sur des

territoires locaux (lien social seacutecuriteacute adaptation des services reacutehabilitationhellip) selon les

mecircmes modaliteacutes (projets locaux concerteacutes avec la population partenariat eacutevaluationhellip) et

malgreacute lrsquointensiteacute et la diversiteacute des problegravemes individuels et collectifs qui deacutepassent toujours

la porteacutee des diffeacuterentes actions mises en place

Agrave titre illustratif nous avons choisi de prendre en compte les teacutemoignages reacutealiseacutes par deux

maires dans la deuxiegraveme moitieacute des anneacutees 2000 concernant leur expeacuterience dans des

communes embleacutematiques de la probleacutematique urbaine (Veacutenissieux agrave la peacuteripheacuterie lyonnaise

et Clichy-sous-Bois dans la reacutegion parisienne) distinctes des communes de lrsquoeacutechantillon

eacutetudieacute dans la partie empirique preacuteceacutedente Ces responsables publient un reacutecit drsquoexpeacuterience

bien documenteacute qui eacutevoque la difficulteacute des problegravemes sociaux deacutebordants sujet rapporteacute deacutejagrave

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depuis pregraves de trente ans dans la sphegravere politico-administrative par divers travaux officiels

comme celui au deacutebut des anneacutees 1980 du maire de Grenoble Hubert Dubedout (1983) ou

celui une deacutecennie plus tard du haut fonctionnaire Jean-Marie Delarue (1991) Quelles

formes et caracteacuteristiques prennent alors les problegravemes sociaux dans ces deux communes de

grands ensembles depuis leur construction jusqursquoau milieu des anneacutees 2000

Le premier teacutemoignage pris en compte concerne Veacutenissieux (58 000 habitants troisiegraveme ville

du Rhocircne) Son maire de longue date Andreacute Gerin (2007) rappelle que la ville srsquoest

fortement transformeacutee avec la construction des Minguettes plateau agricole ameacutenageacute pour

une laquo ville nouvelle raquo dans les anneacutees 1950 et comportant maintenant 35 000 habitants avec

7 200 logements sociaux 11 gestionnaires drsquohabitat social et huit quartiers En 1981 des

eacutemeutes les premiegraveres les plus meacutediatiseacutees de lrsquohistoire urbaine contemporaine se

soulevegraverent dans les huit quartiers des Minguettes (avec par exemple 16 voitures brucircleacutees dans

le quartier Monmousseau) Vingt-cinq ans plus tard apregraves des anneacutees de deacuteveloppement

incessant de la violence les eacutemeutes laquo des nuits de novembre 2005 raquo ont atteint un

paroxysme 500 agrave 800 voitures ont brucircleacute Et cela continue En 2006 il en est compteacute 400 dont

116 en octobre et novembre pour lrsquoanniversaire des eacutemeutes de 2005 Dans toute la ville

rapporte lrsquoeacutelu en 2007 chaque nuit une voiture brucircle et sur le plateau des Minguettes le

caillassage des pompiers et de la police est quotidien Les eacutemeutes ont en fait eacuteteacute continues en

2006 dans cette zone urbaine tous les jours agrave chaque fois dans un des huit quartiers Des

inscriptions racistes anti-blancs se lisent dans toute la ville De 1995 agrave 2007 (en 12 ans) 2 800

voitures ont brucircleacute Le maire ajoute que cette dramatique situation existe malgreacute la deacutemolition

de 17 tours entre 1983 et 1985 pourtant livreacutees en 1974 seulement Il y voit le reacutesultat du

deacuteveloppement de la laquo paupeacuterisation sociale morale et culturelle raquo de la population depuis les

anneacutees 1980 engendrant de fortes laquo tensions sociales ethniques et politiques raquo

Au sentiment drsquoeacutemeute continue srsquoajoute un sentiment de laquo deacutepassement raquo des capaciteacutes

drsquoaction et drsquo laquo asphyxie raquo de la vie quotidienne locale avec une omnipreacutesence dans celle-ci

de lrsquoinseacutecuriteacute pour une majoriteacute drsquohabitants conflits de voisinage insultes et destructions de

boites aux lettres bris de glaces crevaisons de pneus vols de radios et incendies de voitures

deacuteteacuteriorations drsquoascenseurs poubelles brucircleacutees jets de pierre contre la police les bus et les

pompiers trafics de drogue drsquoobjets voleacutes et autre eacuteconomie souterraine importants Les

inciviliteacutes et les atteintes aux personnes (violences rackets) et agrave la paix publique (tapage

sonore squats drsquoespaces de passage outrages aux agents drsquoautoriteacute) sont nombreuses Chaque

jour dans les collegraveges des rackets des actes drsquohumiliation et des petits trafics sont reacuteveacuteleacutes

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Certains meacutedecins ne pratiquent plus dans la ville toute entiegravere et plusieurs magasins ne

livrent pas dans certains quartiers Cette situation de forte deacutegradation sociale a produit une

image neacutegative qui concerne lrsquoensemble de Veacutenissieux En fait si les Minguettes repreacutesentent

60 de la population de Veacutenissieux crsquoest mecircme toute la ville avec les quartiers hors des

Minguettes qui connaissent des manifestations eacuteleveacutees de deacutelinquance et drsquoinseacutecuriteacute ainsi

que des slogans drsquoordre politique sous forme de graffitis anti-blancs et anti-policehellip La

remarque de Paul Clerc (1967) au laquo deacutemarrage raquo des grands ensembles concernant la place et

le rocircle des jeunes dans les dynamiques urbaines en circulant dans toutes les parties des

agglomeacuterations drsquoappartenance prend ici tout son sens mecircme si crsquoest de nos jours les

transgressions et les actes de violence sociale apparaissent plus eacuteleveacutes qursquoau milieu des

anneacutees 1960

De son cocircteacute Claude Dilain (2006) est maire de Clichy-sous-Bois drsquoougrave deacutemarrent les eacutemeutes

nationales de 2005 apregraves la mort par eacutelectrocution de deux jeunes fuyant la police agrave leurs

trousses La commune comprend 28 000 habitants dont 50 ont moins de 25 ans et pregraves de

35 drsquoeacutetrangers Le grand ensemble de 15 000 habitants environ est la partie clichoise de la

zone Grand ensemble de Clichy-Montfermeil (commune voisine) construite sur le plus haut

plateau du deacutepartement de Seine Saint-Denis agrave la fin des anneacutees 1950 et transformant le

village de 5 000 habitants en ville de 25 000 habitants 70 de la population de la commune

est en ZUS La ville est eacuteloigneacutee de Paris priveacutee drsquoaccegraves par autoroute ndash preacutevue mais jamais

construite et de transport en commun direct puisque le reacuteseau ferreacute eacutetait penseacute comme

deacutepasseacute par lrsquoessor de lrsquoautomobile

Le Grand ensemble a eacuteteacute reacutealiseacute selon les modaliteacutes standards agrave lrsquoeacutepoque rapiditeacute

drsquoexeacutecution sans projet de ville refusant toute reacutefeacuterence haussmannienne agrave la rue et aux

trottoirs au beacuteneacutefice drsquoespaces incertains et enfin preacutepondeacuterance drsquoune urbanisation par

quartier en privatisant les voiries (appartenant aux bailleurs sociaux ou aux coproprieacuteteacutes) au

deacutetriment drsquoune ville de type traditionnel Une spirale de deacutegradation srsquoest tregraves vite instaureacutee

tant dans les groupes drsquoimmeubles de logements sociaux que dans les grandes coproprieacuteteacutes de

500 agrave 800 logements du fait des charges importantes drsquoeacutequipements communs et drsquoespaces

collectifs

En effet lrsquoaccroissement de la preacutecariteacute eacuteconomique des meacutenages a entraicircneacute un deacutefaut

drsquoentretien et de maintien des reacutesidences meacutenage moins fait ampoules moins changeacutees

ascenseurs non reacutepareacuteshellip Ce qui a instaureacute une spirale de deacutegradation implacable les

habitants voyant les deacutegradations arrecirctent de payer et quittent les lieux le plus souvent en

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vendant mecircme parfois agrave perte (moins-value) agrave des plus pauvres et moins exigeants sur la

qualiteacute de lrsquoespace collectif une qualiteacute de vie meacutediocre srsquoinstaure alors pour les habitants

avec de nombreuses pannes drsquoascenseurs un deacutefaut de gardiennage et des boicirctes aux lettres

endommageacutees ce qui produit un effet de coupure de relation avec les administrations

Globalement une majoriteacute de Clichois est mal logeacutee avec des sur-occupations de logements

traduisant des besoins importants de logements (700 demandeurs pour 60 logements libres par

an en mairie 250 enfants environ par an heacutebergeacutes agrave scolariser)

Enfin et surtout le maire signale la faible vie sociale lieacutee selon lui agrave trois causes drsquoabord

des comportements influenceacutes par la logique contraignante de quartier deacutelimitant lrsquoespace

public local sans espace public de ville preacutedominant et entraicircnant le repli dans les

appartements surtout par les familles investissant dans la reacuteussite scolaire de leurs enfants

ensuite la preacutesence nombreuse agrave lrsquoexteacuterieur drsquoenfants et drsquoadolescents sans parents

commettant des inciviliteacutes en impuniteacute ainsi que de jeunes adultes oscillant entre convivialiteacute

et hostiliteacute et parlant bruyamment sous les fenecirctres des habitants enfin le deacuteveloppement de

lrsquoimmigration modifiant les modes de vie collective dans les quartiers et suscitant

lrsquoindiffeacuterence voire le rejet par rapport aux festiviteacutes traditionnelles de la ville (deacutefileacute de

chars par exemple)

Il eacutevoque drsquoailleurs des pratiques troubles dans ce domaine des pheacutenomegravenes drsquoappropriation

communautaire de parties drsquoimmeuble (familles de mecircme origine) qui incitent parfois au

deacutepart de meacutenages drsquoascendance franccedilaise par des troubles de jouissance volontaires voire un

laquo racisme anti-blanc raquo faisant comprendre qursquoils ne sont plus chez eux En outre des activiteacutes

de marchands de sommeil srsquoy sont deacuteveloppeacutes (reacuteveacuteleacutes par une enquecircte drsquoun grand quotidien)

comme dans drsquoautres zones de HLM drsquoailleurs qui consiste agrave lrsquoachat agrave bas prix

drsquoappartements avec location chegravere agrave des familles nombreuses immigreacutees irreacuteguliegraveres sans

ressources officielles non eacuteligibles au logement social Un pheacutenomegravene drsquoentassement des

pauvres dans des conditions drsquoexploitation se deacuteveloppe donc

Sur le plan de lrsquoinseacutecuriteacute il rapporte les problegravemes lieacutes la deacutelinquance dans le cadre du trafic

et de la consommation de drogue occupation agressive de halls drsquoimmeubles vandalisation

des boicirctes aux lettres des ascenseurs des eacuteclairages et des compteurs eacutelectriques ou agrave gaz

rendant la vie impossible aux habitants Drsquoautant plus que la population jeune est nombreuse

(14 000 ont moins de 25 ans) Il critique par ailleurs le taux de laquo deacutelinquance classique raquo

(vols agressions trafic de stupeacutefiants) preacutesenteacute comme infeacuterieur agrave la moyenne

deacutepartementale et agrave celle du Raincy (commune voisine) mais qui reste une mauvaise

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traduction de la reacutealiteacute avec des faits non rapporteacutes comme la petite deacutelinquance ou les

laquo inciviliteacutes raquo arrecirct long en double file appropriation drsquoun hall pour le squat prolongeacute et

bruyant avec deacutegradation de celui-ci et engendrant des rapports parfois tendus avec les

habitants avec menaces et repreacutesailles sur les voitures et les boicirctes aux lettres tapage

nocturne et diurne du fait de discussions fortes et tardives de maniegravere reacutepeacuteteacutee et dans

plusieurs lieux deacutepocircts de deacutetritus multiples et varieacutes en continu sur la voie publique gacirctant

lrsquoespace public et ternissant son image comportements agressifs et insultants accompagneacutes

drsquoun sentiment drsquoimpuniteacute avec usages des motos cross et de quads extrecircmement bruyants

dans les zones pieacutetonniegraveres et sur les pelouses agrave proximiteacute des logements ou dans les parcs

urbains

Le tout sans oublier les relations policejeunes qui sont tendues drsquoun cocircteacute une police

controcirclant tregraves largement et qui se trouve parfois victime drsquoinsultes et de violence par jets de

pierres mais qui est parfois insultante envers les jeunes dont ils ne distinguent pas les

deacutelinquants des autres et de lrsquoautre cocircteacute des jeunes qui mecircme srsquoils nrsquoont rien agrave se reprocher

deacuteveloppent des propos anti-policiers du fait du laquo harcegravelement raquo parfois subi De ce fait les

deacutelinquants vivent souvent impuneacutement dans les quartiers et les policiers y sont mal reccedilus

mecircme par les laquo honnecirctes gens raquo Ce qui constitue des conditions drsquoun affrontement et drsquoune

deacutefiance reacuteciproque permanents avec une tension montante facilement une deacutelinquance

impunie et des reacuteponses judiciaires jugeacutees souvent insuffisantes Agrave lrsquoinstar de la situation

deacutecrite par son homologue de Veacutenissieux le problegraveme principal tant de la deacutelinquance que

des problegravemes sociaux entre individus est moins leur graviteacute que leur reacutepeacutetition continue

Ainsi crsquoest un sentiment de submersion que ressentent les habitants et les acteurs avec des

problegravemes multiples nombreux et continus Les agents de socialisation (professeurs

travailleurs sociaux eacuteducateurs commerccedilants membres drsquoassociations ou simples adultes

habitants) sur le terrain vivent un eacutetat de deacutepassement de leurs capaciteacutes drsquoaction en raison de

la quantiteacute de jeunes violents ce que deacutecrit Jean-Marie Delarue en 1991 dans son rapport

Banlieues en difficulteacutes la releacutegation commandeacute pour deacutefinir les contours drsquoune politique de

la ville adapteacutee aux problegravemes de terrain Agrave partir drsquoune enquecircte aupregraves de deacutecideurs

politiques locaux et de professionnels du deacuteveloppement social lrsquoanalyse des deacutesordres

probleacutematiques qui est eacutetablie est deacutejagrave la mecircme que celle des maires quinze ans plus tard

Les jeunes violents sont eux-mecircmes en difficulteacute victimes de nombreuses tensions

sociales dont les problegravemes familiaux en premier chef ce qui nrsquoest pas sans lien avec les

eacutechecs dans les principales sphegraveres de socialisation et drsquoinsertion que sont lrsquoeacutecole et le travail

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Les situations familiales en cause sont les seacuteparations et les tensions conjugales les difficulteacutes

drsquoemploi des parents leurs difficulteacutes non seulement eacuteducatives mais aussi pour les parents

immigreacutes ou autochtones peu cultiveacutes drsquoacculturation aux valeurs et aux normes sociales Le

souci est que deacutejagrave deacutepasseacutes par le niveau des interventions agrave reacutealiser les habitants impliqueacutes

ont eacuteteacute de moins en moins nombreux avec les effets de la mobiliteacute reacutesidentielle et de la crise

eacuteconomique Le deacutepart des plus fortuneacutes et parfois des plus anciens signifie une disparition

des laquo meacutemoires raquo et une limitation des ressources de mobilisation possible Les nouveaux

habitants parfois plus pauvres sont incapables faute de connaissances neacutecessaires et souvent

non deacutesireux de srsquoimpliquer

Par ailleurs le rapport de J-M Delarue (1991) rappelle les premiegraveres leccedilons des

reacutehabilitations et mecircme des reacutenovations urbaines des anneacutees 1980 elles accentuent la

deacutevitalisation sociale en augmentant les loyers devenus non supportables par les meacutenages ne

touchant pas les APL crsquoest-agrave-dire surtout les plus acircgeacutes (les laquo meacutemoires des quartiers raquo) qui

deacutecident alors de quitter les lieux Les meacutenages remplaccedilants du fait notamment du beacuteneacutefice

des aides au logement sont alors moins capables et disposeacutes agrave srsquoimpliquer dans leur nouveau

quartier Le deacuteclin associatif signe de la reacuteduction de la dynamique sociale locale traduit

drsquoailleurs lrsquoeacutemergence drsquoune impuissance sociale agrave influer sur les relations sociales agrave

deacutevelopper des activiteacutes socialisantes et un cadre de vie seacutecure de quartier

Crsquoest dans ce sens que les quartiers ont une incapaciteacute croissante agrave socialiser les jeunes sur

les plans eacuteducatif de leur formation ou encore du controcircle de leur deacuteviance (trafic inciviliteacutes

deacutelinquance) Cette incapaciteacute agrave faire face de la part drsquoacteurs restants suscite souvent

deacutecouragement et baisse des enthousiasmes En outre les projets deacutefinis selon des objectifs

externes agrave leur veacutecu par les nouveaux professionnels du laquo deacuteveloppement local raquo ou du

laquo deacuteveloppement social urbain raquo geacutenegraverent un sentiment de deacutepossession de leur destin qui

accentue leur deacutemobilisation et lrsquoimpuissance collective locale

Cette section a montreacute la nature des nombreuses difficulteacutes et tensions sociales dans les zones

de grands ensembles et que les services institutionnels et les organismes drsquoaction sociale ne

suffisent pas agrave reacutesoudre emploi eacuteducation et formation professionnelle accegraves au logement

adapteacute problegravemes sanitaires et sociaux des familles et des enfants sans oublier la seacutecuriteacute

lieacutee agrave la deacutelinquance des jeunes En raison des reacutealiteacutes des difficiles situations sociales drsquoune

partie croissante des habitants des grands ensembles et notamment leur pauvreteacute culturelle et

eacuteconomique les modes de vie y sont particuliegraverement tendus par la violence des rapports

sociaux de voisinage Ces probleacutematiques ne peuvent se confondre avec une difficulteacute agrave faire

369369

communauteacute (lien social local entre voisins) ou faire socieacuteteacute (lien social avec les institutions

et les structures drsquointeacutegration sociales des villes) de la part de personnes nrsquoayant pas de souci

personnel drsquointeacutegration par ailleurs comme le sous-entend les objectifs des promoteurs de la

politique de deacuteveloppement social des quartiers

La section suivante de ce chapitre aborde plus speacutecifiquement les approches conceptuelles

permettant de qualifier cette eacutevolution sociale multidimensionnelle Cette situation qui

apparaicirct bien reacutepandue dans lrsquoensemble des territoires de grands ensembles de mecircme

cateacutegorie morphologique et historique comporte des principes explicatifs premiers lieacutes agrave la

persistance du chocircmage de masse notamment des cateacutegories ouvriegraveres et agrave leur releacutegation

spatiale dans des espaces urbains Ces principes permettant de penser les eacutevolutions sociales

similaires constateacutees dans les grands ensembles y compris ceux doteacutes drsquoun appareil

administratif communal autonome selon un mecircme type de processus social drsquoensemble qui

peut porter des deacutenominations diffeacuterentes selon lrsquoeacutechelle territoriale drsquoobservation la

ghettoiumlsation des zones drsquohabitat au sens de lrsquoaggravation des situations des usages et des

modes de vie des habitants dans leur espace drsquohabitation sous lrsquoeffet de la preacutecariteacute sociale et

des politiques contraignante du logement ou encore le deacuteclin social pour les territoires plus

larges et plus eacutequipeacutes que sont les communes

B- laquo Ghettoiumlsation raquo des espaces et des conduites sociales un processus affectant les

zones de grands ensembles

Ainsi les grands ensembles les plus deacutegradeacutes et notamment les ZUS sont des espaces de

regroupement principal de personnes et de meacutenages en difficulteacutes sociales (chocircmeurs

meacutenages pauvres en deacutefaut drsquoeacuteducationqualification ou de santeacute) en 2006 leur preacutesence est

pregraves du double par rapport au reste de leurs agglomeacuterations ou du territoire national et mecircme

pregraves de 25 fois plus importante que dans les zones urbaines sans ZUS ou les zones rurales

(Chevalier Lebeaupin 2010) Les effets de ces regroupements ont une double dimension sur

les plans spatial et social qui se rejoignent souvent mais peuvent aussi diverger par exemple

lorsque des conduites violentes ou anomiques drsquohabitants se manifestent dans divers espaces

hors grands ensembles ou autres zones de releacutegation spatiale en lien avec leur mobiliteacute

geacuteographique

370370

Cette section srsquoappuie sur divers analyses et deacutebats drsquointerpreacutetation concernant les processus

sociaux deacuteterminant les situations sociales des grands ensembles deacutecrites plus haut les

termes de laquo ghettoiumlsation raquo et de ghetto sont eacutevoqueacutes pour deacutesigner tant un processus social

dans des espaces qursquoun type de conduite sociale adopteacutee par moment par des habitants

subissant ce processus ces deux dimensions se deacutecrivent et se comprennent de maniegravere

eacutetroitement lieacutee mecircme si cela nrsquoest pas toujours systeacutematique Des signes voire des

indicateurs de cette orientation conceptuelle sont rapporteacutes agrave titre illustratif avec les donneacutees

sociales recueillies pour chaque commune de grands ensembles eacutetudieacutee dans la partie

empirique preacuteceacutedente Dans cette veine il est proposeacute en fin drsquoanalyse une deacutenomination

nouvelle de la manifestation de ce processus de deacutegradation agrave lrsquoeacutechelle des communes de

grands ensembles le deacuteclin social urbain

1 Un processus structurel la laquo ghettoiumlsation des ghettos raquo traditionnels

et des espaces marginaliseacutes

En 2006 44 millions de personnes vivent dans les ZUS soit 7 de la population de France

meacutetropolitaine Si cette population est globalement en diminution depuis 1990 et entre 1999

et 2006 avec une baisse de 23 dans les 717 ZUS meacutetropolitaines ce nrsquoest pas le cas en Icircle-

de-France Languedoc-Roussillon Aquitaine Provence-Alpes-Cocircte drsquoAzur (PACA) et Corse

en raison de la forte augmentation de la population totale dans ces reacutegions La hausse du

nombre de personnes par logement y est drsquoailleurs sensible sauf en Aquitaine Cette

explication de la hausse deacutemographique dans certaines ZUS par lrsquoeacutevolution du contexte

reacutegional atteacutenue ainsi lrsquointerpreacutetation socio-urbaine du rejet massif des populations pauvres

dans les ZUS

Neacuteanmoins le pheacutenomegravene de laquo tassement raquo socio-spatial des plus pauvres dans les grands

ensembles nrsquoest pas tout-agrave-fait agrave eacutecarter puisque une hausse de la part des grandes familles

srsquoy observe malgreacute une part relative plus faible drsquoappartements de grande taille (supeacuterieurs agrave 4

piegraveces) par rapport aux restes des agglomeacuterations Plus globalement les donneacutees montrent

que les pheacutenomegravenes de diversification et drsquointensification des problegravemes sociaux se

manifestent dans les espaces marginaliseacutes en raison davantage de lrsquoaccroissement des

meacutenages en difficulteacutes que de la deacutemographie dans son ensemble Crsquoest donc bien ce

processus drsquoaccumulation des groupes de reacutesidents en difficulteacutes qui geacutenegravere un pheacutenomegravene de

ghettoiumlsation des espaces concerneacutes

371371

372372

Lrsquoaccroissement des problegravemes sociaux dans les grands ensembles est constateacute en de

multiples points sur le plan national et international Par exemple une eacutetude de la preacutefecture

de la reacutegion Nord-Pas-de-Calais publieacutee en 1993102 a deacutemontreacute que plus une zone cumule des

difficulteacutes sur un nombre important de critegraveres plus le niveau de difficulteacute attacheacute agrave chacun

de ces critegraveres est important (Peillon 2001) Cette situation se retrouve mecircme agrave des eacutechelles

plus petites comme celle des communes avec les quartiers ou reacutesidences qui les composent

Aux Ulis par exemple la premiegravere partie monographique de la thegravese a rapporteacute cette

correacutelation entre le cumul des indicateurs de preacutecariteacute sociale et eacuteconomique (difficulteacutes de

paiement de loyers et de cantine scolaire deacutelinquance chocircmage et preacutecariteacute eacuteconomique

tensions de voisinagehellip) et les niveaux de graviteacute de lrsquoun ou de plusieurs de ceux-ci ce qui

donne lrsquoimpression drsquoun effet spirale ou plutocirct drsquoun effet drsquointensification des problegravemes dans

lrsquoespace social local

Pour rappel la commune se divise en deux parties territoriales distinctes lrsquohabitation de la

commune agrave lrsquoouest et la zone drsquoactiviteacute de Courtabœuf agrave lrsquoest Dans la partie habitation

deux secteurs sont les theacuteacirctres reacuteguliers de manifestation nombreuse et aigueuml des difficulteacutes

sociales le secteur Ouest dont les six reacutesidences de groupes drsquoimmeubles collectifs et un

foyer de travailleurs constituent la ZUS de la ville et le secteur NordNord-est composeacute de

trois reacutesidences formant le second secteur prioritaire de la politique de la ville locale Cette

distribution spatiale deacuteseacutequilibreacutee des problegravemes sociaux et de leur intensiteacute sur la commune

malgreacute les eacutevolutions offre une certaine stabiliteacute dans le temps

Sur le plan international Loiumlc Wacquant (2007) a eacutegalement analyseacute cette intensiteacute et cette

multipliciteacute des problegravemes en reacutealisant une comparaison de la marginaliteacute urbaine dans les

banlieues franccedilaises notamment leurs grands ensembles et dans les centres urbains aux Eacutetats-

Unis drsquoAmeacuterique Agrave partir drsquoune deacutemarche ethnographique et drsquoanalyse politico-

institutionnelle il a analyseacute lrsquoeacutevolution de lrsquoorganisation interne de ces zones urbaines

pauvres en articulation avec leur position dans la structure socio-spatiale et lrsquoordre

symbolique de leur meacutetropole Il deacutecrit une commune laquo atmosphegravere de grisaille drsquoennui et de

deacutesespoir raquo reacutegnant dans les quartiers pauvres des grandes villes occidentales du fait de

lrsquoexclusion socio-eacuteconomique lieacutee agrave la reacutetractation du marcheacute et au retrait de lrsquoEacutetat-

providence

102 Preacutefecture de la reacutegion Nord-Pas-de-Calais (1993) les Quartiers en difficulteacutes Eacuteleacutements de cadrage sociodeacutemographique pour la politique de deacuteveloppement social urbain en Nord-Pas-de-Calais 1994-1998

Le veacutecu social drsquoeacutechec de deacuteclin de misegravere et de deacutelinquance affecte neacutegativement tous les

domaines de lrsquoexistence rejet meacutefiance meacutepris et indiffeacuterence en ce qui concerne lrsquoemploi

les relations amoureuses et amicales les interactions avec les institutions et services publics et

sociaux ainsi que les eacutechanges avec lrsquoentourage et les commerccedilants On y retrouve les mecircmes

reacuteactions de colegravere et drsquoindigniteacute de deacutemoralisation et de repli avec de la honte parfois ainsi

qursquoune conscience aigueuml de la deacutegradation symbolique Tous ces eacutetats de conscience

surviennent en raison des mecircmes situations de domination socio-eacuteconomique et politique que

la releacutegation spatiale dans les territoires marginaliseacutes signifie ouvertement Globalement les

situations des deux types drsquoentiteacute de marginaliteacute urbaine grands ensembles de banlieue

franccedilaise et centre urbain ancien et deacutegradeacute aux Eacutetats-Unis sont le produit de meacutecanismes

geacuteneacuteriques lieacutes agrave des matrices historiques dans chaque pays des rapports entre classes Eacutetat et

espace de la socieacuteteacute Cependant dans les deux cas un mecircme pheacutenomegravene de polarisation

socio-spatiale par le bas srsquoest manifesteacute induit par lrsquoinstabiliteacute et lrsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute croissante du

salariat et produisant une paupeacuterisation continue de certaines cateacutegories sociales

indeacutependamment des cycles de fluctuation eacuteconomique

Thomas Kirszbaum (2008) dans le mecircme exercice comparatif entre les deux pays deacutecrit

eacutegalement des pheacutenomegravenes au caractegravere plus ou moins explicitement probleacutematique qui

touchent les deux types drsquoespaces urbains en indiquant les convergences et les

ressemblances 1 la concentration de pauvreteacute et lrsquohomogeacuteneacuteisation sociale avec

lrsquoassignation agrave reacutesidence et lrsquoidentification collective forte au quartier 2 la multi-

ethnicisation progressive des secteurs de noir-ameacutericains avec la lente mais constante

deacuteseacutegreacutegation depuis une quarantaine drsquoanneacutees des noirs lieacutee agrave la mobiliteacute reacutesidentielle

spatiale des cateacutegories moyennes (ce qui ne signifie pas que les tendances agrave leur

discrimination sociale et agrave leur seacutegreacutegation spatiale dans drsquoautres lieux soient atteacutenueacutees) 3

lrsquoethnicisation des relations sociales par le deacuteveloppement de cateacutegories ethno-raciales

drsquoidentification et de stigmatisation par les populations et 4 la mise en œuvre de politiques

publiques drsquointeacutegration des immigreacutes en France rejoignant les probleacutematiques eacutetatsuniennes

du racisme et de la politique antiraciste agrave la base de la lutte contre la seacutegreacutegation sociale et

spatiale des quartiers et de leurs habitants

Agrave lrsquoorigine de ces pheacutenomegravenes une probleacutematique causale similaire recouvre de ses traits les

deux types de territoires internes aux deux pays malgreacute leurs histoires et leurs caracteacuteristiques

distinctes (Wacquant 2007) drsquoune part la modification des rapports sociaux dans le

processus de mondialisation de lrsquoeacuteconomie moderne au deacutetriment des cateacutegories sociales les

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moins qualifieacutees drsquoautre part la concentration territoriale des plus exclus preacutecaires et donc

des plus pauvres dans les espaces les plus marginaux Ces deux processus probleacutematiques

eacuteprouvent tant certains groupes sociaux plus exposeacutes agrave lrsquoexclusion ce qui renforce leurs

mauvaises conditions drsquoexistence que les institutions sociales en charge de la socialisation et

de lrsquointeacutegration les populations fragiles et de la reacutegulation des difficulteacutes et des problegravemes

sociaux lieacutes agrave leurs situations sociales (cf partie plus haut sur le deacutepassement des institutions

locales)

Dans les socieacuteteacutes drsquoeacuteconomie mondialiseacutee les groupes eacutevinceacutes se concentrent dans des

territoires abandonneacutes par les Eacutetats non sans lien avec lrsquoadoption de lrsquoideacuteologie libeacuterale par

les eacutelites politiques et bureaucratiques Celles-ci refusent notamment drsquoenrayer

laquo lrsquoaccumulation socio-spatiale des difficulteacutes eacuteconomiques de la deacuteliaison sociale et du

deacuteshonneur culturel au sein des enclaves ouvriegraveres en deacutesheacuterence de la meacutetropole dualiseacutee raquo

(Wacquant 2007 p10) Les victimes de cette attitude politique seacutegreacutegative reacuteagissent de

diverses maniegraveres agrave lrsquoaccumulation et lrsquointensification des problegravemes sociaux auxquelles elles

sont alors quotidiennement confronteacutees Par moment agrave cocircteacute de lrsquoaccablement et de la lutte

pour lrsquointeacutegration conforme aux normes attendues certains reacuteagissent de deux maniegraveres plus

violentes drsquoune part la reacutevolte et drsquoautre part la criminaliteacute preacutedatrice pour acqueacuterir des

biens de consommation puisque la participation sociale via surtout la consommation est la

condition sine qua non de la digniteacute sociale Ces conduites peuvent prendre corps degraves que le

stigmate de la releacutegation spatiale laquo ampute gravement les chances de reacuteussite scolaire et

professionnelle raquo (Wacquant 2007 p 3) Deacutesordres publics preacutedations et vandalisme

constituent drsquoailleurs des formes directes et spontaneacutees de laquo protestation infra-politique raquo non

canaliseacutee par des formes organiseacutees de pression sur lrsquoEacutetat du fait du deacuteclin des organisations

meacutediatrices de repreacutesentation politique des classes populaires

Certaines de ces conduites critiques des plus passives au plus violentes comme deacutecrites plus

haut ont pu ecirctre releveacutees dans lrsquoeacutetude des communes des grands ensembles de notre

recherche comme le tableau 16 (p 193) sur la deacutelinquance et lrsquoinseacutecuriteacute aux Ulis le rapporte

Les diagnostics effectueacutes indiquent au chapitre des difficulteacutes drsquointeacutegration un ensemble

drsquoexemples de faits qui montrent ces eacutevolutions manque de respect de garccedilons envers des

filles (avec insultes et violence parfois) dans des activiteacutes scolaires et peacuteriscolaires refus de

lrsquoautoriteacute des surveillantes de cantine de collegravege par des eacutecoliers refus par certains parents

drsquoactiviteacutes exteacuterieures des filles au profit des pratiques religieuses et demande drsquointerdiction

drsquoaliments dans les eacutecoles pour raison religieuse avec menace drsquoen arrecircter la freacutequentation

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rejet de la culture europeacuteenne dans un deacutefileacute de mode (filles en costumes europeacuteens)

affrontement de groupes drsquoenfants constitueacutes par origine ethnique dans une cour drsquoeacutecole Agrave

Bagnols-sur-Cegraveze lrsquoeacutechec de lrsquoobjectif de mixiteacute sociale des politiques de la ville est pointeacutee

laquo les populations des quartiers ne vont pas vers le centre ville et il est tregraves difficile de faire

venir celles du centre ville agrave des spectacles ou animations [dans ceux-ci] mecircme lorsque

lrsquoanimation proposeacutee est gratuite raquo (Cuchot 2006)

Sur un plan plus geacuteneacuteral cette eacutevolution drsquoaccentuation des difficulteacutes des espaces deacutejagrave

marginaliseacutes de la peacuteriode industrielle preacuteceacutedente notamment dans les ghettos traditionnels

noir-ameacutericains constitue un eacuteveacutenement majeur Wacquant (2007) lrsquoappelle lrsquolaquo hyper-

ghettoiumlsation raquo et eacutevoque une laquo marginalisation avanceacutee raquo Dans la description des formes

territoriales et sociales produites sous cet effet il eacutevoque deux traits mettant en avant la

violence sous diffeacuterentes formes dans les conduites sociales drsquoune part la fixation agrave effet de

concentration de cateacutegories preacutecaires dans des espaces circonscrits deacutevaloriseacutes connus pour

leur violence et leur criminaliteacute et stigmatiseacutes pour ces raisons et drsquoautre part laquo lrsquoalieacutenation

spatiale raquo qui peut se traduire comme la confiscation de le rue aux habitants sous lrsquoeffet de la

compeacutetition et de la violence entre preacutedateurs deacutelinquants une dissolution du lieu se produit

avec lrsquoabsence de ressources et la division intra-communautaire dans les quartiers concerneacutes

Lrsquoirruption de la violence de la ghettoiumlsation des ghettos a engendreacute des coupures radicales

avec la socieacuteteacute drsquoune part la laquo perte de lrsquolsquoarriegravere-paysrsquo raquo car lrsquoordre social criminel induit la

disparition de ressources et drsquoune base arriegravere pour srsquoy plier en cas de chocircmage (soutien de

parentegravele drsquoassocieacutes de voisins eacuteglises reacuteseaux denses drsquoorganisationhellip) et drsquoautre part la

marginalisation durable des deacutelinquants par rapport au monde du travail ce qui renforce les

structures drsquoineacutegaliteacute car les circuits parallegraveles et les activiteacutes criminelles et de deacutebrouille

nrsquooffrent que peu drsquoentreacutee dans le monde du travail En fait la laquo modernisation raquo des

eacuteconomies a geacuteneacutereacute aux Eacutetats-Unis depuis au moins les anneacutees 1990 une laquo modernisation de

la misegravere raquo en raison du nouveau reacutegime drsquoineacutegaliteacutes croissantes et de marginaliteacutes urbaines

persistantes en deacuteconnexion de lrsquoeacuteconomie

Puisque ce changement de reacutegime est deacutetermineacute par lrsquoorganisation mondiale des systegravemes de

production la comparaison des deux situations franccedilaises et eacutetatsuniennes montre que le

processus de ghettoiumlsation srsquoapplique eacutegalement au cas franccedilais groupement reacutesidentiel

contraint pour des ouvriers et employeacutes preacutecaires et modestes deacutejagrave constateacute en France au

deacutebut des anneacutees 1980 (Peacutetonnet 1982) malgreacute les opeacuterations de reacutehabilitation des citeacutes

HLM depuis le milieu des anneacutees 1970 (proceacutedure Habitat et vie sociale) Au deacutebut des

375375

anneacutees 1980 le bilan de la cinquantaine drsquoopeacuterations reacutealiseacutees montre qursquoelles sont resteacutees

centreacutees sur le confort des logements sans en ameacuteliorer lrsquoameacutenagement exteacuterieur

lrsquoimplantation des eacutequipements collectifs et des activiteacutes drsquoemploi et en apportant de faibles

activiteacutes drsquoanimation sociale (Dubedout 1983) Avec les premiegraveres violences eacutemeutiegraveres

fortement meacutediatiseacutees de lrsquoeacuteteacute 1981 aux Minguettes un tregraves grand ensemble de Veacutenissieux

dans la banlieue lyonnaise la classe politique les meacutedias et une partie croissante de la

population commencent agrave parler de laquo ghettos formeacutes drsquoindividus et de familles rejeteacutes de la

ville et de la socieacuteteacute dans un cadre de vie monotone deacutegradeacute et sans acircme raquo (Dubedout 1983

p 5) Cette repreacutesentation reacutesulte du cumul progressif et incessant drsquohandicaps eacuteconomiques

de comportements de rupture sociale et drsquoimages deacutevaloriseacutees et ethniciseacutees de zones

drsquohabitat notamment les grands ensembles

Selon Wacquant (2007) des diffeacuterences trop fortes empecirccheraient lrsquoassimilation des

situations franccedilaise et eacutetatsunienne Sur le plan de lrsquoeacutechelle drsquoabord comme avec la taille ou

le peacuterimegravetre des entiteacutes territoriales concerneacutees avec drsquoun cocircteacute 400 000 habitants sur

plusieurs centaines de kilomegravetres carreacutes au ghetto de Chicago pregraves drsquoun million de noirs dans

les secteurs ghettoiumlseacutes de New York et des centaines de milliers de personnes agrave Los Angeles

et drsquoun autre cocircteacute un dixiegraveme de ces tailles en France avec par exemple 35 000 habitants aux

Minguettes et 13 000 aux Quatre mille de La Courneuve Cependant ces donneacutees datent du

milieu des anneacutees 1990 et Chevalier et Lebeaupin (2010) indiquent qursquoen 2006 si une

quarantaine de ZUS comptent moins de 1 000 habitants les deux plus grandes laquo Centre

Nordraquo agrave Marseille et laquo Roubaix Nord raquo comportent chacune autour de 50 000 habitants (celle

de Saint-Denis agrave la Reacuteunion concerne pregraves de 40 000 habitants)

De surcroicirct ces tailles ne sont pas deacutefinitives en raison du caractegravere socio-politiquement

construit des frontiegraveres leur localisation peut eacutevoluer et donc les peacuterimegravetres des espaces Par

ailleurs et surtout dans les grandes agglomeacuterations il peut ecirctre pertinent drsquoassocier des zones

non contigueumls pour avoir une ideacutee de la quantiteacute des habitants des zones urbaines

marginaliseacutees leur situation eacutetant similaire agrave celle drsquohabitants de grande zone continue de

marginalisation comme aux Eacutetats-Unis (quoique Wacquant nrsquoindique pas si les secteurs

ghettoiumlseacutes de New York dont il indique le nombre drsquohabitants sont contigus ou non) Par

exemple sur les 21 ZUS de plus de 20 000 habitants de France meacutetropolitaine les 11

exclusivement drsquoIcircle-de-France (Chevalier et Lebeaupin 2010) regroupent au moins 220 000

habitants et surtout lrsquoensemble des 157 ZUS de la reacutegion forme en 2006 13 million de

personnes (1 278 000) soit un dixiegraveme de la population avec une proportion de 20 mecircme

376376

dans le deacutepartement de la Seine-Saint-Denis (Musiedlak 2011) Les ordres de grandeur sont

ainsi davantage proches de ceux indiqueacutes par Wacquant pour les zones des grandes

agglomeacuterations eacutetatsuniennes

Par ailleurs Wacquant reacutecuse eacutegalement le terme ghetto pour deacutesigner les situations

franccedilaises au regard de la comparaison sur les speacutecificiteacutes structurelles et les conditions et les

modes de vie Si des niveaux de graviteacute restent diffeacuterents sa deacutemarche montre neacuteanmoins que

le processus de ghettoiumlsation est bien en cours dans les grands ensembles Son premier

argument central est qursquoil nrsquoexiste pas en France le mecircme retrait radical de lrsquoEacutetat dans les

ghettos noir-ameacutericains entraicircnant avec la suppression des subventions la deacutecomposition des

structures organisationnelles parallegraveles agrave celles de la socieacuteteacute exteacuterieure blanche dont les noirs

avaient explicitement eacuteteacute eacutecarteacutes et la deacutecreacutepitude des quartiers avec lrsquoabsence de politiques

drsquoentretien et de reacutenovation urbaine

Cependant degraves le milieu des anneacutees 1990 la force et la reacutegulariteacute de la violence en milieu

populaire urbain franccedilais ont eacuteteacute analyseacutees comme reacutesultant de la dissolution ou de lrsquoabsence

lorsque la collectiviteacute est nouvelle drsquoinstitutions sociales notamment populaires ritualisant

les violences selon des formes de sociabiliteacute speacutecifiques (Roman 1996) Les grandes

associations et les mouvements drsquoeacuteducation populaire et drsquoencadrement social drsquoinspirations

politiques confessionnelles ou syndicales qui se sont retireacutes des quartiers populaires et

surtout qui ne se sont pas installeacutes dans les grands ensembles sont bien pour la plupart

financeacutes par lrsquoEacutetat

Par ailleurs lrsquo laquo anomie collective raquo qui se manifeste dans les zones marginaliseacutees est imputeacutee

agrave la vulneacuterabiliteacute psychologique et sociale des individus qui est bien diagnostiqueacutee comme

eacutetant socialement deacutetermineacutee par leur preacutecarisation socio-eacuteconomique et leurs faibles liens de

solidariteacute de classe sociale mais aussi selon Roman (1996) par le zonage ayant seacutepareacute

lrsquohabitat des pratiques et des activiteacutes de socialisation Ce qui signifie que les structures de

socialisation destineacutees aux habitants mecircme si situeacutees agrave lrsquoexteacuterieur de leur zone drsquohabitat ne

jouent pas un rocircle adapteacute agrave ces situations urbaines De ce fait depuis la creacuteation des grands

ensembles qui ont une histoire plus courte que les ghettos traditionnels eacutetatsuniens lrsquoenjeu en

France nrsquoest tant le problegraveme du retrait des moyens anteacuterieurs apporteacutes par lrsquoEacutetat que de celui

de la venue des moyens neacutecessaires et suffisants pour les meacutecanismes drsquointeacutegration en plus

des politiques de solidariteacute voire des dispositifs de fonctionnement normal des quartiers

(ameacutenagement entretien des infrastructures et du bacircti reacutehabilitation et reacutenovation des

immeubles transports services de proximiteacutehellip)

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Surtout par rapport au deacutebat sur la leacutegitimiteacute de la meacutethode drsquointervention territoriale et son

concept la discrimination positive tant les recherches (Donzelot 1991 1994 Dubet en

2002) que les enquecirctes administratives (Delarue 1991 Sueur 1998) ont montreacute que agrave cocircteacute

de la volonteacute et des moyens apporteacutes sur le plan des politiques et des dispositifs de solidariteacute

(aide sociale et deacuteveloppement social urbain) les services publics communs implanteacutes dans

les ZUS ou destineacutes agrave celles-ci lorsqursquoils existent encore ne disposent pas des mecircmes

moyens que dans les autres espaces des villes et mecircme dans des domaines ministeacuteriels

deacuteveloppant une politique prioritaire speacutecifique comme lrsquoeacuteducation nationale

Lrsquoaggravation ou lrsquoameacutelioration de la situation des pauvres dans les enclaves urbaines isoleacutees

sont bien principalement lieacutees agrave la capaciteacute des services et des institutions publics agrave former un

tampon organisationnel contre lrsquoexclusion (Simon 1992) Crsquoest pourquoi la perpeacutetuation de

marginaliteacute urbaine depuis quarante ans signifie que lrsquoaction eacutetatique drsquointeacutegration socio-

eacuteconomique est un eacutechec constant en raison de lrsquoinsuffisance des moyens et de la meacutethode

pour ecirctre efficace Avec les niveaux eacuteleveacutes de chocircmage les politiques sociales et urbaines

visant speacutecifiquement les zones de concentration des plus pauvres ne peuvent pas agrave elles

seules apporter le bien-ecirctre social aux meacutenages subissant lrsquoexclusion socio-eacuteconomique

En France ainsi le manque drsquoinvestissement institutionnel de lrsquoEacutetat pour lrsquointeacutegration est de

ce fait moins visible qursquoaux Eacutetats-Unis en raison des politiques urbaines et sociales

drsquoanimation des populations marginaliseacutees socio-spatialement Ce qui ne signifie pas que les

moyens soient suffisants et adapteacutes pour une inteacutegration reacuteelle dans les sphegraveres eacuteconomique et

sociale et une participation complegravete agrave la vie sociale et urbaine avec la preacutesence de services

publics neacutecessaires

Un second point nuance lrsquoaffirmation de lrsquointeacutegration socio-urbaine suffisante des quartiers en

France la preacutesence drsquoinstitutions sociales indigegravenes dans les zones marginaliseacutees

(Lapeyronnie 2008) formeacutees sur le registre territorial et socioculturel (imams

locatairescoproprieacutetaires jeunes deacutelinquantshellip) et qui cohabitent sans se substituer avec les

structures institutionnelles drsquoEacutetat dont elles pallient les carences Cette eacutevolution est expliqueacutee

par la faiblesse ou la reacuteduction du nombre et des activiteacutes des structures laquo normales raquo mais

aussi par leur rejet par les populations locales en raison des frustrations subies et du meacutepris

qursquoelles peuvent parfois ressentir

Les organisations indigegravenes en deacuteveloppement produisent et distribuent des biens et des

services divers voire font de la meacutediation avec des structures institutionnelles (travailleurs

378378

sociaux policiers et agents de deacuteveloppement des institutions) puisque les conflits sont

importants entre les publics des services intervenants et les agents de ceux-ci Ce

fonctionnement nrsquoest pas rapporteacute partout et il reste encore implicite ou du moins non-officiel

en France alors que pour les ghettos noirs ameacutericains ce il eacutetait explicite Ce qui explique le

degreacute supeacuterieur drsquoanomie que deacuteveloppe leur deacuteclin puisqursquoils sont le plus souvent assez

eacuteloigneacutes physiquement des autres quartiers des agglomeacuterations (et des reacuteseaux de transport en

commun) et que surtout les rapports fonctionnels avec eux (emplois structures

institutionnelles services publics et sociaux) mais aussi la vie sociale et culturelle

(commerces expositions concertshellip) sont quasi-inexistants

En France la force deacutesorganisatrice preacutedominante de lrsquoexclusion socio-eacuteconomique et de la

releacutegation socio-urbaine sur les conditions de vie et la vie sociale des plus pauvres reste aussi

preacutedominante dans les observations rapporteacutees depuis les anneacutees 1980 Les relations sociales

de voisinage sont peu deacuteveloppeacutees ou organiseacutees du fait de lrsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute des profils sociaux

et eacuteconomiques des habitants des flux de rotation dans les peuplements par endroits ou au

contraire pour drsquoautres de lrsquoimmobiliteacute forceacutee deacuteprimante de lrsquoabsence drsquoactiviteacutes centrales

structurant la vie sociale locale de faibles relations sociales extra-locales et de lrsquoeacutepuisement

des mouvements ouvriers et drsquoeacuteducation populaire encadreacutes par les couches moyennes Les

capaciteacutes locales drsquoorganisation drsquoentraide voire de reacuteseaux drsquoactiviteacute en sont eacuteprouveacutees En

outre cette incapaciteacute sociale est renforceacutee par lrsquoinefficaciteacute de lrsquoaction publique et de lrsquoEacutetat

ce qui accentue le deacutesordre et le sentiment drsquoimpuissance

Un troisiegraveme point de diffeacuterence empecircchant la qualification de ghetto aux situations des

grands ensembles franccedilais selon Wacquant (2007) serait un plus faible niveau de violence et

drsquoinseacutecuriteacute Lagrave encore la comparaison et le rapport des diffeacuterentes donneacutees pour la France

montrent une accentuation qui plaide en faveur drsquoun mouvement de ghettoiumlsation Il est

effectivement compreacutehensible que avec la hausse du chocircmage et de lrsquoexclusion socio-

eacuteconomique parfois durable de familles ouvriegraveres et de leurs ligneacutees il srsquoobserve dans les

deux pays au cours du demi-siegravecle et de maniegravere plus forte les trente derniegraveres anneacutees en

France la neacutecessiteacute et lrsquointeacuterecirct du vol Et plus la socieacuteteacute srsquoen protegravege plus la violence sest

deacuteveloppeacutee pour y parvenir arrachage coups et blessures volontaires racketshellip

Globalement Wacquant (2007) signale que la deacutelinquance la preacutedation et lrsquoagressiviteacute des

jeunes dans les quartiers deacutesheacuteriteacutes franccedilais certes croissantes nrsquoatteignent pas la freacutequence

des viols des vols agrave main armeacutee et des homicides aux Eacutetats-Unis Ces derniers en viennent agrave

supprimer mecircme lrsquoespace public par endroit les affrontements armeacutes incessants entre gangs

379379

et trafiquants de drogues imposent lrsquoeacutevitement de sorties dans les lieux et les transports

publics et une forte protection des portes et fenecirctres le taux drsquohomicide dans le ghetto de

Chicago en 1990 est drsquoun pour mille habitants soit dix fois la moyenne nationale et soixante-

quinze fois le taux pour la France agrave Harlem lrsquoespeacuterance de vie moyenne drsquoun noir de 35 ans

est infeacuterieure agrave celle drsquoun habitant du Bengladesh En fait la violence signe de lrsquoeacuteconomie

criminelle et moyen dans les rapports de force avec les rivaux les policiers et drsquoautres

habitants est le trait drsquoune culture de la terreur geacuteneacuteraliseacutee dans lrsquoespace public des hyper-

ghettos

En outre la violence exprime aussi et surtout un message dans un autre registre social le

champ politique Ici la convergence est plus nette entre les situations compareacutees Par

exemple en France au Royaume-Uni et aux Eacutetats-Unis les diffeacuterentes eacutemeutes de jeunes de

quartiers paupeacuteriseacutes expriment deux reacuteactions face agrave la violence structurelle du chocircmage et de

la releacutegation drsquoune part la protestation contre lrsquoinjustice ethnique et sociale

(discrimination) drsquoautre part lrsquoinsurrection contre les privations eacuteconomiques et les

ineacutegaliteacutes sociales croissantes Ces reacuteactions se deacuteveloppement sur un mode eacutemotionnel et

collectif immeacutediat drsquoaffrontements agrave lrsquooccasion drsquoune intervention policiegravere brutale voire de

la mort drsquoune personne souvent un jeune (Mucchielli Le Goaziou 2007)

Elles ne sont drsquoailleurs pas les seules conduites drsquoopposition envers la socieacuteteacute et ses

institutions le deacuteveloppement de deacutesordres crsquoest-agrave-dire la perturbation multiforme du cours

normal de lrsquoactiviteacute sociale dans les quartiers et hors drsquoeux en est un moyen plus ordinaire

mais non moins significatif de contestation de lrsquoinjustice perccedilue de lrsquoordre social en cours De

mecircme les conduites deacutelinquantes sont deacutetermineacutees par les mecircmes causes de plus en plus

structurelles en France comme aux Eacutetats-Unis entreacutee dans la vie active sans qualification

valorisante pouvant deacuteboucher sur un emploi repegraveres familiaux lieacutes au travail seacuterieusement

eacutecorneacutes diminution du controcircle parental des conduites juveacuteniles ou perte de la leacutegitimiteacute aux

yeux des enfants de lrsquoautoriteacute des parents ou encore transmission des frustrations des aicircneacutes

aux cadets

On a eacutevoqueacute plus haut les observations en France de la hausse des vols et des agressions au

cours des anneacutees 1980 et 1990 ainsi que des deacutegradations de biens publics et priveacutes En tout

les deacutelits ont globalement eacuteteacute multiplieacutes par quatre depuis les anneacutees 1940 jusqursquoagrave la fin des

anneacutees 1990 et les vols et les cambriolages par onze depuis les anneacutees 1960 anneacutees de

deacuteveloppement de la socieacuteteacute de consommation (Robert 1999 2002) Le passage agrave lrsquoacte

deacutelinquant repose sur des intentions marqueacutees par la privation et la frustration et neacutecessite non

380380

seulement pour son empecircchement des conditions situationnelles (surveillance et protection

de la cible) mais aussi et surtout des reacuteactions familiales (surveillance parentale des

conduites) et sociales (Rocheacute 2001) qui ne srsquoimposent pas ou plus dans les zones drsquohabitat

populaires

En outre lrsquoimmobiliteacute forceacutee des pauvres soit leur assignation territoriale signe fort de

ghettoiumlsation accentue le mal-ecirctre speacutecifique et explique le deacuteveloppement de la criminaliteacute

dans les lieux drsquohabitation des plus exclus et preacutecaires (Lagrange 1995) Ce pheacutenomegravene se

distingue de celui qui preacutevalait avec les flux deacutestabilisateurs des arrivants dans les quartiers

pauvres avant les anneacutees 1970 (dans les espaces urbains populaires des villes industrielles

depuis la fin du XIXe siegravecle) La probleacutematique principale eacutetait celle de lrsquoencadrement et de la

reacutegulation des peuplements instables mecircme si assureacutes par divers acteurs (associations

eacuteglises syndicats patronat et partis politiques de gauche) qui rivalisaient ou coopeacuteraient pour

communaliser structurer organiser la vie sociale des nouveaux quartiers Depuis pregraves de

trente ans au contraire cette probleacutematique srsquoest transformeacutee avec la disparition de la plupart

de ces acteurs et la frustration croissante drsquoune population preacutecaire agrave la faible mobiliteacute Celle-

ci vit lrsquoenclavement le repli et le refuge dans la sphegravere priveacutee et se trouve en continu prise

dans les conflits et les tensions de la cohabitation non deacutesireacutee avec des inconnus et des

eacutetrangers venant de toute part du monde La mal-ecirctre social qui se manifeste alors est un bon

terreau pour laisser libre cours aux conduites deacutelinquantes voire criminelles

Les reacuteactions sociales des habitants mais aussi des institutions agrave la deacuteviance deacutelinquante ne

se manifestent pas beaucoup Et plus globalement les reacuteponses politiques aux pheacutenomegravenes de

preacutecariteacute et de seacutegreacutegation socio-urbaine qui touchent en grande partie les segments les plus

fragiles de la jeunesse populaire ne parviennent pas agrave modifier structurellement les situations

veacutecues agrave lrsquoorigine des motivations agrave la deacutelinquance Crsquoest pourquoi la preacutecariteacute socio-

eacuteconomique et la concentration captive dans les quartiers deacutegradeacutes de releacutegation produisent

des problegravemes de seacutecuriteacute qui se reacutepercutent souvent dans leurs agglomeacuterations Ceci est

indiqueacute assez tocirct dans les rapports administratifs (Delarue 1991) et apparaicirct sur certains sites

peacuteriurbains aux aspects parfois eacuteloigneacutes de lrsquoimage traditionnelle des grands ensembles (tours

et grandes barres) mais soumis aux mecircmes de regroupement de familles en difficulteacutes

sociales (Chichignoud 2004)

En fait la deacutelinquance des jeunes peut prendre plusieurs aspects en fonction de la graviteacute de

la nature des faits exerceacutes agrave des acircges globalement diffeacuterents par les auteurs (Chichignoud

2004) Drsquoabord une deacutelinquance de proximiteacute par les plus jeunes degraves 13-14 ans concernant

381381

des vols dans les voitures des vols agrave lrsquoeacutetalage dans les commerces des vols de portable ainsi

que de petits cambriolages Cette forme de deacutelinquance qui sert essentiellement agrave financer la

consommation de haschich ou agrave payer du petit mateacuteriel hi-fi ou des vecirctements srsquoeacutetend deacutejagrave

parfois dans des espaces deacutepassant les limites strictes de lrsquohabitat reacutesidentiel lagrave ougrave se

pratiquent les courses les deacuteplacements scolaires et les sorties en ville

Une seconde forme de deacutelinquance qursquoon pourrait qualifier de semi-proximiteacute se commet deacutejagrave

principalement hors des quartiers drsquohabitation celle accomplie avec une voiture ou un deux

roues avec ou sans permis de conduire pour des vols et des cambriolages dans les environs

de la ville drsquoappartenance de la zone drsquohabitation Les zones pavillonnaires et les communes

plus aiseacutees sont viseacutees Les auteurs semblent plus dangereux car moins retenus pour leurs

meacutefaits pouvant ecirctre armeacutes et reacutealiser des actes plus violents (vols agrave main armeacutee) Lrsquoessentiel

reste des petits vols rapides agrave reacutepeacutetition pour prendre du mateacuteriel peu lourd Une troisiegraveme

forme de deacutelinquance plus avanceacutee se manifeste plus nettement agrave lrsquoeacutechelle des

agglomeacuterations voire plus reacutegionalement ou plus encore la grande deacutelinquance voire le

grand banditisme plus organiseacute et discret agrave lrsquoeacutecart des zones surveilleacutees Il srsquoagit des activiteacutes

de trafics divers (drogues objets voleacuteshellip) qui se commettent en liaison avec ou contre

drsquoautres deacutelinquants drsquoautres reacutegions

Au deacutebut des anneacutees 2000 si apregraves une forte hausse dans les anneacutees 1980 et 1990 les vols et

la violence ont leacutegegraverement deacuteclineacute avec des variations locale il reste que la violence na pas

disparu mais quelle sest deacuteveloppeacutee de maniegravere plus instrumentale au service des vols pregraves

de 70 des violences subies par les individus le sont pour des vols (Robert 2002) et elles

ne sont cependant pas classeacutees dans les agressions ce qui diminue leur visibiliteacute

Agrave linstar des conduites violentes des blousons noirs dans les anneacutees 1960 cette violence

contemporaine reacutesulte de la persistance et de lrsquoaccroissement par peacuteriode des pheacutenomegravenes de

preacutecariteacute et de fragilisation eacuteconomique et sociale des meacutenages dans une socieacuteteacute moderne

drsquoabondance et de tregraves grande richesse des plus riches chocircmage de masse et de longue dureacutee

en grande partie pour les jeunes et les acircgeacutes peu pas ou plus suffisamment qualifieacutes

deacuteveloppement institutionnaliseacute des emplois preacutecaires ndash CDD temps partiel inteacuterim

marquant le sous-emploi drsquoactifs surqualifieacutes pheacutenomegravenes multiples de discriminations agrave

lrsquoembauche ou de licenciements abusifshellip

Un autre thegraveme de nette diffeacuterenciation des situations eacutetatsunienne et franccedilaise serait les

niveaux de pauvreteacute des meacutenages et des personnes ainsi que la part de populations pauvres

382382

Au cœur du ghetto de Chicago par exemple au milieu des anneacutees 1980 la moitieacute des

meacutenages est en-dessous du seuil de pauvreteacute et en-dessous de la moitieacute de la moyenne

municipale 60 agrave 80 de familles monoparentales y reacutesident selon le secteur (contre 6 agrave la

Courneuve au milieu des anneacutees 1990) 57 drsquohabitants vivent principalement de

lrsquoassistance publique 60 ont recours agrave des coupons alimentaires 12 seulement

possegravedent un compte-chegraveques 17 un compte drsquoeacutepargne et deux tiers des meacutenages nrsquoont pas

de voiture en deacutepit de carences criantes en transports en commun Des milliers de familles

sont sans domicile fixe malgreacute les appartements vides du parc HLM de la Ville de Chicago

la mortaliteacute infantile y est de 30 pour mille trois fois plus que pour les enfants de lrsquoIllinois

contre 8 pour mille en Icircle-de-France avec des mortaliteacutes infantiles dans les citeacutes faiblement

plus eacuteleveacutees

Wacquant (2007) rapporte que des enquecirctes drsquoeacutecologie urbaine et meacutedicale agrave New York ont

drsquoailleurs mis agrave jour la hausse correacutelative des ineacutegaliteacutes drsquoaccegraves aux soins de mortaliteacute

violente drsquoincidence du sans-abrisme de diffusion du sida et drsquousage des drogues Ce qui

srsquoexplique par un lien de causaliteacute directe entre drsquoune part la deacutesertification urbaine des

services municipaux de preacutevention des incendies de protection policiegravere et drsquoeacutequipement

municipal et drsquoautre part la deacuteteacuterioration sanitaire et sociale des quartiers Partout ougrave sont

reacuteduits les services municipaux srsquoobserve une hausse des taux de morbiditeacute et de deacutereacuteliction

sociale Il eacutevoque un laquo cycle auto-entretenu de deacutelabrement urbain et de violence mortifegravere ()

jet[ant] les quartiers dans une spirale de deacuteteacuterioration raquo (Wacquant 2007 p 96) Enfin cette

intensiteacute de pauvreteacute et de difficulteacutes sociales expliquent aussi les diffeacuterences de deacutelinquance

et de criminaliteacute entre les deux pays

Ces donneacutees et ces constats pour le cas ameacutericain ne doit pas ici laisser penser que les

situations drsquoexclusion et de preacutecariteacute sociale et de marginalisation urbaine sont en France plus

envieuses en raison du fait qursquoun filet de protection sociale soit plus important contre la

pauvreteacute et que des politiques de deacuteveloppement social et urbain existent depuis les anneacutees

1970 La partie probleacutematique de notre thegravese a bien montreacute en quoi ce filet de protection

restait teacutenu au regard des difficulteacutes existantes (revenu minimum infeacuterieur au seuil de

pauvreteacute chocircmage de masse et de longue dureacutee important et jamais juguleacute creusement des

ineacutegaliteacutes de revenus inefficaciteacute du systegraveme eacuteducatif et de formationhellip) et que lrsquoEacutetat restait

encore au cours des anneacutees 2000 en-dessous des besoins de sortie de la pauvreteacute eacuteconomique

et drsquoameacutelioration des conditions sociales et urbaines de vie

383383

Pour rappel eacutegalement la partie monographique sur les Ulis et celle drsquoeacutetude de lrsquoeacutechantillon

comparatif de communes de grands ensembles ont montreacute des niveaux plutocirct eacuteleveacutes de

concentration spatiale de pauvreteacute et de difficulteacutes socio-eacuteconomiques intenses comme par

exemple en 2008 lrsquoexistence de deux villes autonomes de grand ensemble de 6 000 agrave

8 500 habitants (Fareacutebersviller et Behren-legraves-Forbach en Moselle) qui preacutesentent des niveaux

de richesse de leur population (revenu net imposable moyen de lrsquoensemble des foyers) de

presque 50 (respectivement 57 et 55 ) du niveau moyen de France meacutetropolitaine

(23 450 euro)

Drsquoautres eacuteleacutements pourraient ecirctre eacutevoqueacutes comme par exemple les parts importantes de

familles monoparentales situation deacuteterminant le plus directement lrsquoentreacutee en pauvreteacute

eacuteconomique malgreacute les systegravemes de seacutecuriteacute sociale et les politiques familiales consideacutereacutees

comme geacuteneacutereuses Ces exemples parmi drsquoautres montrent bien que le processus de

preacutecarisation croissante des populations des grands ensembles en termes drsquoeacutetendue de la part

des preacutecaires et des pauvres dans la population globale voire drsquointensiteacute de leur mauvaises

conditions de vie particuliegraveres ne sont pas si plus favorables comme le suggegravere Wacquant

Il eacutevoque enfin une derniegravere dimension de diffeacuterenciation entre les ghettos aux Eacutetats-Unis et

les zones de grands ensembles en France le racisme qui nrsquoaurait pas drsquoeacutequivalence en

Europe Lrsquouniformiteacute raciale des ghettos noirs lieacutee agrave un cloisonnement laquo traditionnel raquo des

Noirs en milieu urbain depuis la fin du XIXe siegravecle jusqursquoaux anneacutees 1960 eacutetait lrsquoœuvre drsquoun

racisme institutionnaliseacute agrave cette eacutepoque et encore tregraves vivace dans les pratiques sociales De

leur cocircteacute les quartiers populaires europeacuteens ne prennent pas la forme drsquoespaces ethniquement

homogegravenes et clos au sein desquels une cateacutegorie laquo neacutegativement privileacutegieacutee raquo est contrainte

de deacutevelopper ses institutions propres en reacuteaction au rejet de la socieacuteteacute dominante comme les

afro-ameacutericains laquo les concentrations drsquoimmigreacutes [hellip] en Europe ne sont pas le produit de

lrsquoenfermement organisationnel drsquoun groupe fondeacute sur un confinement socio-spatial [] mais

ce qui caracteacuterise les quartiers de releacutegation europeacuteens crsquoest bien plutocirct leur extrecircme diversiteacute

ethnique et leur incapaciteacute institutionnelle agrave satisfaire les besoins eacuteleacutementaires de leurs

habitants deux proprieacuteteacutes parmi drsquoautres qui en font des anti-ghettos raquo (Wacquant 2007 p

281) Crsquoest ainsi en ce sens que la marginalisation urbaine en Europe nrsquoest pas en laquo voie

drsquoameacutericanisation raquo mecircme srsquoil reconnait que cela peut eacutevoluer

Il est effectivement vrai que le mode de marginalisation de la banlieue ouvriegravere franccedilaise dans

les grands ensembles srsquoest opeacutereacute agrave lrsquoorigine via une logique de classe ndash et non une logique de

laquo race raquo ndash par la mise agrave lrsquoeacutecart des plus preacutecaires En outre la logique drsquoattribution des

384384

offices HLM contre les laquo ghettos immigreacutes raquo aurait favoriseacute la dispersion des eacutetrangers et des

minoriteacutes ethniques dans lrsquoensemble du parc social Cependant la surrepreacutesentation des

immigreacutes dans la classe ouvriegravere a bien conduit agrave des pratiques seacutegreacutegatives de peuplement

formant par endroit de fortes concentrations (Lapeyronnie Frybes 1990 Barou 1992) Par

ailleurs la diversification ethnique dans les ghettos noir-ameacutericains en mecircme temps que la

preacutesence des noirs dans les classes moyennes se sont accrues (Kirzsbaum 2008)

Crsquoest pourquoi les situations franccedilaises et eacutetatsuniennes convergent sur le plan de la

composition ethnique des zones marginaliseacutees Enfin la distinction entre racisme anti-noir

drsquoun cocircteacute et discrimination xeacutenophobie voire racisme selon drsquoautres caracteacuteristiques

physiques ou culturelles (Maghreacutebins Arabes Asiatiques Musulmanshellip) de lrsquoautre cocircteacute

nrsquoinvalide pas le constat drsquoune mecircme attitude excluante et deacuteshumanisante sur critegravere

physique quel qursquoil soit Celle-ci seacutevit dans les rapports sociaux des deux populations

eacutetatsunienne et franccedilaise de maniegravere suffisamment importante pour qursquoelle soit prise en

compte dans les politiques publiques pour la combattre sans la juguler complegravetement

Tous ces diffeacuterents eacuteleacutements de comparaison entre les situations sociales et urbaines des

espaces urbains marginaux en France et aux Eacutetats-Unis montrent agrave quel point les grands

ensembles franccedilais sont autant porteacutes par une logique de ghettoiumlsation que les ghettos

traditionnels ameacutericains Les deacuteterminants eacuteconomiques et politiques drsquoabandon des

cateacutegories ouvriegraveres peu qualifieacutees sont les mecircmes associeacutes agrave un meacutecanisme de leur

releacutegation dans les mecircmes zones urbaines deacutegradeacutees preacuteexistantes Malgreacute des diffeacuterences

dans les modaliteacutes une mecircme insuffisance drsquoaction drsquointeacutegration sociale agrave partir de ces lieux

srsquoobserve bien que les politiques de reacutenovation de ceux-ci apparaissent en France plus

deacuteveloppeacutes ainsi que les pratiques institutionnelles de protection minimale et drsquoanimation

pour aider agrave supporter la situation drsquoexclu Ces processus de ghettoiumlsation qui srsquoobservent

dans chaque pays de maniegravere speacutecifique conduisent agrave faire eacutevoluer les traits de situations

urbaines qui dans le cas de la France amegravene agrave penser que le terme mecircme de ghetto peut

srsquoappliquer aux espaces concerneacutes Ceci en raison de certains caractegraveres tout en prenant une

forme socio-historique inassimilable aux formes traditionnels des ghettos anciens Crsquoest le

point traiteacute dans la partie suivante

385385

1 Une redeacutefinition du ghetto adapteacutee monde contemporain

Si lrsquoanalyse des effets sociaux de lrsquoaccroissement des meacutenages marginaliseacutes dans les mecircmes

espaces reacutesidentiels en termes de laquo ghettoiumlsation raquo est de plus en plus reacutepandue les

divergences sur lrsquoapplication de la notion de ghetto aux situations urbaines concerneacutees ont eacuteteacute

plus importantes Les deacutebats portent sur les critegraveres agrave prendre en compte et partant sur la

leacutegitimiteacute drsquoun usage scientifique du terme pour lrsquoanalyse drsquoentiteacutes socio-spatiales distinctes

des reacutealiteacutes de contextes et de peacuteriodes historiques diffeacuterents Entre usages communs

simplificateurs et instrumentalisant et reacutealiteacutes nouvelles y-t-il la place pour un usage

scientifique marqueacute par le besoin drsquoeacutevolution conceptuelle

La redeacutefinition sociologique du ghetto peut passer par deux parameacutetrages particuliers drsquoune

part la caracteacuterisation des espaces urbains actuels socialement consideacutereacutes comme tels en

preacutecisant les critegraveres pertinents par rapport aux paramegravetres centraux lieacutes aux usages passeacutes de

la notion mais aussi aux usages communs plus symboliques et drsquoautre part la description

des pratiques sociales preacutedominantes qui srsquoy observent selon une logique directement lieacutee au

processus conduisant agrave la formation de zones de ghetto Ici encore sont rapporteacutees quelques

donneacutees de la partie empirique de la thegravese pour illustrer la reacuteflexion qui se base davantage sur

drsquoautres travaux de recherche rassembleacutes et confronteacutes

Lrsquousage scientifique de plus en plus central de la notion nrsquoest pas sans lien et sans influence

reacuteciproque avec le champ politique et institutionnel couvrant les zones concerneacutees Le terme

de ghetto a effectivement eacuteteacute publiquement promu agrave partir du milieu des anneacutees 2000 par

diffeacuterents acteurs politiques des territoires urbains dont des maires de communes de grands

ensembles en premier chef (cf plus haut concernant le deacutepassement des institutions locales

par les problegravemes et la violence des habitants des communes de grands ensembles) Ces

maires souvent communistes nrsquoont pas trouveacute les reacuteponses politiques agrave la violence

drsquoexclusion (Bertho 1997)

Ils nrsquoheacutesitent plus agrave adopter cette notion selon deux sens drsquoune part un sens drsquoordre

mythique (Steacutebeacute Marchal 2009) en se reacutefeacuterant agrave des repreacutesentations sociales steacutereacuteotypeacutees

confondant les figures historiques des territoires deacutesigneacutes auparavant comme tels (quartiers

juifs ou noirs-ameacutericains pour lrsquoessentiel) et proceacutedant ainsi agrave une reacuteduction cognitive sur la

reacutealiteacute des espaces concerneacutes drsquoautre part un sens relevant drsquoune deacutemarche plus scientifique

en deacuteveloppant un discours plus analytique sur des pheacutenomegravenes divers caracteacuteristiques selon

eux drsquoun processus et drsquoune situation de ghetto

386386

Ces positions publiques ont marqueacute une eacutevolution culturelle assez nette par rapport aux

anneacutees 1990 ougrave preacutevalait le refus ou le tabou de la part de nombreux chercheurs sauf pour

ceux inscrits dans la deacutemarche politique de reacuteforme des quartiers sur le mode participatif en

deacutefendant une vision de lrsquoexclusion sociale comme paradigme preacutedominant de la question

sociale (Tissot 2007) drsquoassimiler certaines zones de grands ensembles agrave des ghettos en

raison de leur diffeacuterence avec les signifieacutes laquo traditionnels raquo circonscrits agrave des contextes

historiques et socioculturels inassimilables aux situations urbaines franccedilaises eacutetudieacutees De

surcroicirct la crainte drsquoaccentuer la stigmatisation deacutejagrave existante par amalgame grossier seacutevit

alors que plusieurs critegraveres de reacutefeacuterence lieacutes aux figures historiques des ghettos peuvent faire

deacutefaut ou ne pas ecirctre totalement effectifs dans les territoires concerneacutes homogeacuteneacuteiteacute ethnique

ou culturelle reacutegulation interne de substitution aux normes geacuteneacuterales ou encore contrainte

forte de confinement (Peillon 2001 Deacutesigaux 1996 Vieillard-Baron 1990)

Jean-Marc Steacutebeacute et Herveacute Marchal (2008) ont pourtant justifieacute la leacutegitimiteacute de lrsquousage

scientifique du terme pour deacutesigner les zones urbaines laquo sensibles raquo par la correspondance de

la reacutealiteacute de ces zones aux caracteacuteristiques du ghetto comme notion commune drsquoordre

mythique ayant des reacutefeacuterences objectales varieacutees dans le temps et lrsquoespace et fluctuants au

greacute des contextes drsquoeacutenonciation Ils eacutevoquent lrsquointeacuterecirct heuristique de la notion en consideacuterant

lrsquoeacutevolution similaire mais opposeacutee de speacutecialisation sociale des deux types extrecircmes de

territoire urbain drsquoun cocircteacute les quartiers aiseacutes les plus fermeacutes parfois ougrave lrsquohomogeacuteneacuteisation

sociale est la plus forte et de lrsquoautre cocircteacute les zones de grands ensembles drsquohabitat social

deacutegradeacutees physiquement socialement et eacuteconomiquement devenues laquo zones urbaines

sensibles raquo le plus souvent Les frontiegraveres les entourant srsquoaccentuent bien que diffuses et peu

visibles ainsi que les situations socio-eacuteconomiques des habitants les peuplant richesse et

inteacutegration socio-eacuteconomique contre pauvreteacute et exclusion du travail

Marchal et Steacutebeacute (2009) rappellent surtout que parmi les repreacutesentations sociales de la ville et

notamment celles qui en ternissent lrsquoimage le thegraveme des laquo citeacutes-ghettos raquo relegraveve drsquoune

construction mythique consistant en une repreacutesentation caricaturale et geacuteneacuteraliseacutee drsquoun type

drsquoespace urbain et dont les proprieacuteteacutes limiteacutees permettent une application freacutequente agrave des

reacutealiteacutes diverses afin de leur donner un sens Ici les ghettos ont une fonction reacutepulsive dans

lrsquoidentification sociale des espaces urbains deacutevaloriseacutes Par leur deacutegradation mateacuterielle et la

preacutesence concentreacutee de populations rejeteacutees marginales et violentes ils sont une figure de

mauvaise reacuteputation la vie sociale y est perccedilue comme dangereuse pour lrsquointeacutegriteacute physique

et morale ou plutocirct pour lrsquoidentiteacute sociale des citoyens ordinaires En effet comme lrsquoa

387387

rappeleacute Maurin (2004) corroborant lrsquoanalyse des effets seacutegreacutegatifs de la diffeacuterenciation

sociale des espaces et des logements (Clavel 1998) le statut social de lrsquoespace reacutesidentiel

devient preacutedominant pour lrsquoexpression de lrsquoidentiteacute sociale des individus puisque dans la

peacuteriode actuelle de fragilisation des parcours eacuteconomiques les positions professionnelles ne

suffisent plus agrave la garantir

Ce mythe du ghetto est constitueacute par un ensemble de repreacutesentations associeacutees de diverses

entiteacutes urbaines depuis la figure archeacutetypale du secteur ou du quartier juif meacutedieacuteval en Europe

occidentale dont la deacutenomination de ghetto srsquoest geacuteneacuteraliseacutee agrave partir du XVIe siegravecle depuis

lrsquoutilisation du mot italien gietto deacutesignant le quartier de Venise agrave proximiteacute drsquoune fonderie

de canons portant ce nom Ensuite srsquoest ajouteacute le cas des secteurs de Noirs aux Eacutetats-Unis

drsquoAmeacuterique se formant suite agrave lrsquoabolition de lrsquoesclavage et agrave la migration des Noirs dans les

villes du nord du pays Enfin agrave ces deux reacutealiteacutes socio-historiques diffeacuterentes couvertes

drsquoune mecircme appellation deux autres formes historiques de zones urbaines marginaliseacutees ont

contribueacute agrave ce ferment ideacuteel du mythe des citeacutes-ghettos les camps nazis drsquoextermination des

juifs durant la Seconde guerre mondiale ainsi que la laquo zone raquo autour des villes pendant le

moyen-acircge comportant les faubourgs aux activiteacutes illicites et agrave lrsquoorigine du deacuteveloppement

des banlieues

Le ghetto est ici une notion mythique de sens commun qui appartient aux repreacutesentations

sociales urbaines Lrsquousage scientifique de la notion qui srsquoest deacuteveloppeacute dans les travaux de

sciences sociales pour analyser les pratiques et les conduites sociales en cours dans les

diffeacuterentes enclaves socialement consideacutereacutees comme des ghettos ne vaut qursquoen raison du jeu

social et politique et non scientifique qui a deacutesigneacute ces zones avec le terme de ghetto Cette

deacutenomination srsquoest reacutealiseacutee en reacutefeacuterence agrave cette imaginaire urbain qui offre des grandes

caracteacuteristiques steacutereacuteotypeacutees permettant de percevoir et de caracteacuteriser des espaces Les deux

premiegraveres entiteacutes sociales eacutevoqueacutees ghetto juif et ghetto noir ont servi de reacutefeacuterence socio-

historique pour en distinguer les principaux traits communs des communauteacutes territoriales

homogegravenes sur le plan culturel (et ethnique ou racial) occupant un espace reacuteglementairement

circonscrit sous la domination drsquoun pouvoir exteacuterieur coercitif et discreacutediteacutees dans leur

environnement

Depuis une trentaine drsquoanneacutees plusieurs quartiers paupeacuteriseacutes en France et mecircme parfois par

amalgame lrsquoespace plus geacuteneacuteral de la banlieue sont socialement deacutesigneacutes comme des ghettos

en raison de la proximiteacute de leur repreacutesentations sociales avec lrsquoimage caricatureacutee des formes

388388

socio-historiques preacuteceacutedentes des ghettos Le critegravere favorisant cet amalgame est la perception

drsquoune mecircme cause de seacutegreacutegation ethnique ou sociale agrave support territorial (Marchal Steacutebeacute

2009 p 12) Par leur marginaliteacute dans lrsquoespace urbain en raison de leurs caracteacuteristiques

formelles et sociales les zones de grands ensembles drsquohabitat srsquoinscrivent dans cette

deacutefinition sociale simplifieacutee constitutive du mythe des laquo citeacutes-ghettos raquo Ce dernier est activeacute

par divers acteurs qui en font plusieurs usages sociaux les meacutedias le personnel politique les

individus dans les rapports sociaux quotidiens mais aussi des experts non scientifiques pour

des institutions diverses

Cette extension de lrsquousage social de la notion de ghetto aux formes contemporaines de

marginaliteacute urbaine justifie ainsi une redeacutefinition scientifique des reacutealiteacutes deacutesigneacutees ainsi de

maniegravere simple et deacuteformeacutee pour faciliter la communication sociale selon le proceacutedeacute de

mythification Mais il srsquoagit alors de se deacuteprendre de la deacutefinition construite agrave partir des

formes plus laquo traditionnelles raquo des ghettos juifs et ghettos noirs et de leurs repreacutesentations

sociales Lrsquousage scientifique de la notion de ghetto est fondeacute agrave eacutevoluer avec son usage social

Cette approche de Steacutebeacute et Marchal (2009) apparaicirct relever drsquoune approche constructiviste sur

deux plans celui de lrsquoorientation paradigmatique en deacutefinissant le ghetto comme

repreacutesentation mythique socialement construite par effet drsquoagreacutegation de proprieacuteteacutes simples agrave

assimiler deacuteconnecteacutees ou du moins reacuteduisant les reacutealiteacutes deacutesigneacutees et sur le plan

eacutepisteacutemologique en postulant que la formation des notions et des concepts nrsquoest pas en

rupture initiale avec les notions du sens commun qui deacutesignent certains pheacutenomegravenes mais au

contraire elle srsquoen sert pour deacutevelopper une objectivation des pheacutenomegravenes analyseacutes quitte agrave

produire une deacutefinition plus rigoureuse des reacutealiteacutes des entiteacutes nouvelles deacutesigneacutees comme

tels

Ainsi les ZUS deacutelimiteacutees par lrsquoEacutetat ont-elle une visibiliteacute forte par les constructions formelles

qursquoelles recouvrent et par la crainte que suscite la meacutediatisation des tensions qursquoelles

comportent et des politiques diverses mises en œuvre pour y remeacutedier Elles constituent une

forme drsquoexpeacuterience collective socio-historique et contemporaine qui rejoint les formes

passeacutees des ghettos selon certains critegraveres seacutelectionneacutes par les repreacutesentations sociales Cette

association agrave une image mythifieacutee des ghettos remplit une fonction drsquoalerte affective et

cognitive sur les proprieacuteteacutes sociales des espaces urbains Les indicateurs sont multiples

concernant les manques et les difficulteacutes en matiegravere de revenus drsquoemploi de seacutecuriteacute de

scolariteacute et de santeacute par rapport au reste des villes Les eacutetudes empiriques sur Les Ulis et les

six autres par comparaison ont effectivement montreacute le renforcement de la diffeacuterenciation

389389

sociale des espaces de communes de grand ensemble avec le reste de leur bassin drsquohabitat ou

de la socieacuteteacute globalement

La nette distinction architecturale de structures et de formes de vie collective par rapport aux

diffeacuterents secteurs communaux ou intercommunaux des agglomeacuterations ou des bassins

drsquohabitat environnants favorise lrsquoassimilation des zones de grands ensembles au ghetto

mythique comme lieu urbain de releacutegation sociale dense et homogegravene (mecircmes populations

pauvres preacutecaires et immigreacutees) distincte du peuplement des secteurs pavillonnaires de

collectifs priveacutes ou mixtes Ce pheacutenomegravene de deacutesignation sociale en termes de ghetto traduit

une segmentation symbolique de la morphologie urbaine sous lrsquoeffet de la marginalisation

sociale et spatiale de ces zones

La deacutemesure architecturale des grands ensembles la mauvaise qualiteacute du bacircti (produit pour

des dureacutees provisoires souvent) lrsquouniformiteacute lrsquoisolement urbain encore parfois ainsi que

lrsquoabsence de diversiteacute fonctionnelle et drsquoanimation sociale conseacutequente contribuent agrave la

perpeacutetuation du mythe des ghettos sous des formes spatiales et mateacuterielles nouvelles

(Marchal Steacutebeacute 2009) Mecircme si en fait assez tocirct apregraves les premiers peuplements dans les

anneacutees 1960 des grands ensembles les populations reacutesidentes eacutetaient composeacutees de

nombreuses cateacutegories sociales releacutegueacutees dans des habitats deacutegradeacutes (Peillon 2001)

Crsquoest donc agrave partir de certains traits drsquoanalogie situationnelle avec les ghettos juifs anciens et

actualiseacutes avec le nazisme (ghettos de Varsovie et drsquoautres villes mais aussi camps

drsquoextermination) ou encore avec les diffeacuterentes formations urbaines et sociales de la zone

peacuteriurbaine des villes du moyen-acircge ayant preacuteexisteacute aux grands ensembles reacutesidentiels que

ces derniers sont devenus les laquo derniers avatars urbains raquo franccedilais mais aussi internationaux

des ghettos au sens mythique Et cela bien qursquoils aient eacuteteacute reacutealiseacutes dans des contextes de

construction agrave chaque fois particulier et pour des cateacutegories de population diverses

Selon Marchal et Steacutebeacute (2009) la reacutefeacuterence preacutegnante aux ghettos noirs eacutetatsuniens pour

qualifier la situation des quartiers laquo sensibles raquo franccedilais se base sur les quatre mecircmes critegraveres

de rapprochement grossier avec les autres figures historiques des citeacutes-ghettos et des zones

drsquohabitat marginaliseacutees la releacutegation socio-eacuteconomique la discrimination ethno-raciale des

habitants le stigmate territorial et enfin la violence et la criminaliteacute intenses et multiformes

que les ghettos noirs traditionnels formeacutes degraves la fin du XIXe siegravecle dans la socieacuteteacute blanche

eacutetatsunienne connaissent de plus en plus intenseacutement

390390

Le lien entre drsquoun cocircteacute les situations franccedilaises voire europeacuteennes et de lrsquoautre cocircteacute les

zones de ghettos aux Eacutetats-Unis existe donc bien par simplification de la diversiteacute et de la

complexiteacute des reacutealiteacutes dans les deux cas mais aussi en raison drsquoune destineacutee commune lieacutee agrave

lrsquoeacutevolution eacuteconomique sociale et politique les zones reacutesidentielles de moindre qualiteacute et

confort deviennent les lieux de releacutegation spatiale des exclus et preacutecaires socio-eacuteconomiques

qui sont maintenus dans des conditions faibles drsquoexistence sans dispositifs drsquointeacutegration

sociale suffisamment efficace

Ainsi divers recherches travaux et observations meneacutes soit au sein mecircme des zones

drsquohabitat de grands ensembles soit dans les communes globalement comprenant ces zones

convergent pour eacutevoquer une mecircme ambiance marqueacutee par la concentration de pauvres et de

groupes drsquoorigine immigreacutee ainsi que par la violence sociale de certains habitants et par la

faiblesse des relations sociales internes voire les tensions entre groupes et individus voisins

La similariteacute la netteteacute et la dureacutee dans le temps de ces pheacutenomegravenes observeacutes dans les divers

sites conduisent agrave geacuteneacuteraliser le constat du lien entre les grands ensembles deacutevaloriseacutes et la

nature particuliegravere du mode de vie sociale qui srsquoy instaure

Didier Lapeyronnie (2008) deacutesigne ce dernier par lrsquoexpression drsquolaquo ordre social inverseacute raquo par

contraste avec lrsquoordre des relations des conduites et des activiteacutes sociales ordinaires ayant

cours en milieu urbain instaureacute notamment par les classes moyennes marqueacute par lrsquoanonymat

et lrsquoeacutevitement des conflits Lrsquoordre social des milieux populaires eacutetant deacutefini par des logiques

drsquoaffirmation de soi dans un cadre drsquointerconnaissance eacutetendu sur des petits espaces mecircme

celui-ci est investi par des conduites parmi drsquoautres plus conformes agrave la culture des classes

moyennes ou populaires inteacutegreacutees exprimant violemment lrsquoopposition agrave la seacutegreacutegation sociale

et spatiale veacutecue Les individus marginaliseacutes dans les espaces de releacutegation spatiale sont

enclins agrave manifester individuellement et aussi parfois collectivement des attitudes de survie

eacuteconomique mais aussi sociale face au rejet et notamment pour les groupes immigreacutes face agrave

la xeacutenophobie et parfois au racisme

La repreacutesentation des quartiers pauvres et marginaliseacutes en France qursquoapporte Lapeyronnie

(2008) agrave lrsquoissue de ses travaux au milieu des anneacutees 2000 confirme les propos drsquoensemble de

Wacquant (2007) qui rapportent des observations commenceacutees pregraves de dix ans auparavant

Cependant elle les enrichit sur le plan des pratiques sociales qui srsquoy manifestent de maniegravere

plus reacutecente et conduisent lrsquoauteur agrave une conception diffeacuterente de la notion de ghetto par

rapport agrave celle utiliseacutee en reacutefeacuterence aux ghettos historiques juifs et noir-ameacutericains deacutefinis en

termes spatialiste racialiste et communautariste

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Tout en conservant le paramegravetre de la contrainte sociale comme condition du regroupement

spatial cette approche privileacutegie davantage lrsquoanalyse des pratiques indigegravenes qui srsquoy

deacuteveloppent avec les valeurs et les normes qursquoelles reacutevegravelent En effet la violence par

exemple nrsquoest plus le signe drsquoune deacutesorganisation conjoncturelle des structures drsquoencadrement

social et moral mais plutocirct lrsquoindicateur drsquoune logique drsquoaction transgressive et subversive

srsquoappuyant deacutelibeacutereacutement sur lrsquousage de la violence La notion de ghetto est ainsi renouveleacutee

tout en maintenant un lien avec les situations des ghettos juifs et noirs-ameacutericains par la

reconnaissance de formes drsquoorganisation sociale lieacutees agrave des modes de vie et des

repreacutesentations propres deacuteveloppeacutes en reacuteaction agrave la contrainte externe de seacutegreacutegation socio-

spatiale

Lrsquoattribution de ce sens reacuteactif aux pheacutenomegravenes que recouvre le terme de ghetto ne signifie

pas que ce pheacutenomegravene est nouveau Il semble plutocirct que le pheacutenomegravene ayant ce sens existait

deacutejagrave et que par la suite Lapeyronnie propose de le deacutenommer ghetto en le deacutecentrant en

quelque sorte de son acception historique anteacuterieure En effet par exemple Clavel (1998) qui

a reacutealiseacute sa thegravese de sociologie agrave partir drsquoune enquecircte sur les citeacutes de transit de 1975 agrave 1979

(La question de llsquoexclusion sociale le cas des citeacutes de transit sous la direction de Philippe

Lucas Lyon Universiteacute Lyon II 1979) a pu assez tocirct relier comportements speacutecifiques de

transgression et de subversion drsquoune part et exclusion urbaine drsquoautre part mecircme srsquoil srsquoest

davantage consacreacute agrave theacuteoriser le pheacutenomegravene drsquoexclusion sociale globalement plutocirct que de

deacutecrire la gamme des comportements manifestes dans ce domaine Il eacutecrit cependant assez

clairement laquo le marquage de certains quartiers dits deacutesheacuteriteacutes est lrsquoexpression finale du

pheacutenomegravene drsquoexclusion urbaine qui engendre des comportements sociaux speacutecifiques

(comportements de type sous-proleacutetarien manifestations de reacutevoltes sporadiques de

deacutelinquance ou de violenceshellip) raquo (Clavel 1998 p 82)

Les anneacutees 1980 et 1990 sont celles du deacuteveloppement de lrsquoexclusion et de la preacutecariteacute

eacuteconomique conduisant agrave des situations de plus en plus nettes drsquoexclusion sociale avec des

actifs durablement eacutecarteacutes de lrsquoemploi stable et reacutegulier notamment les moins qualifieacutes dont

les immigreacutes non ou peu scolariseacutes dans leur pays etou en France Cette violence du rejet et

du meacutepris ne peut ecirctre que durement ressentie par les groupes concerneacutes qui se retrouvent

rassembleacutes dans les mecircmes espaces reacutesidentiels La stigmatisation raciste des populations

issues de lrsquoimmigration notamment des jeunes hommes est tregraves forte (Khosrokhavar 2000)

Face agrave la mise agrave distance agrave la meacutefiance et au meacutepris des entreprises des administrations des

structures commerciales et de loisirs la haine et la hargne gagnent des individus notamment

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les jeunes mecircme les moins deacuteviants laquo la violence du jeune deacuteviant est veacutecue par lui en

lrsquooccurrence comme une contre-violence doteacutee drsquoun sens autant eacuteconomique que lsquomoralrsquo raquo

(Khosrokhavar 2000 p 429) Une fois regroupeacutes dans des espaces de releacutegation laquo les jeunes

garccedilons de ces quartiers inteacuteriorisent cette stigmatisation en supportent les conseacutequences

qursquoils soient drsquoorigine immigreacutee ou non

Drsquoougrave les reacuteactions en chaicircne ougrave lrsquoon se reacutevolte contre la stigmatisation en accentuant les traits

neacutegatifs qursquoon est censeacute incarner en prenant acte de sonrsquo indigniteacutersquo en la cultivant et surtout

en rejetant les cateacutegories lsquomoralesrsquo de la socieacuteteacute que lrsquoon identifie deacutesormais agrave un rsquoeuxrsquo

lointain sinon diabolique agrave lrsquoeacutegard de qui on peut agir selon un code moral diffeacuterent ougrave les

entorses (drogues deal multiples formes de deacuteviance) sont autoriseacutees voire encourageacutees raquo

(Khosrokhavar 2000 p 428) Crsquoest cette cateacutegorie drsquoaction de reacutevolte contre le meacutepris le

deacuteni moral et le preacutejugeacute neacutegatif exprimeacute par des regards des gestes des paroles diverses

drsquoimpatience et de deacutepit que Lapeyronnie (2008) deacutenomme ghetto

Le cas de Rillieux-la-Pape peut ecirctre appreacutecieacutee au regard de cette analyse (cf tableau 16

p 193) en 2003 la commune fait partie des 23 quartiers ou villes de France les plus

dangereuses selon le ministegravere de lrsquoInteacuterieur car exposeacutee de faccedilon reacutecurrente aux violences

urbaines Alors que lrsquoengagement des acteurs publics en 2004 eacutetait de reacuteduire le nombre de

faits de deacutelinquance de 20 les reacutesultats pour 2005 montrent une aggravation de 30 avec

une augmentation la plus importante depuis plusieurs anneacutees pour les violences familiales et

le constat du rajeunissement des primo-deacutelinquants De 1997 agrave 2005 en moyenne annuelle

pour 1 000 habitants alors que le nombre de faits de deacutelinquance de voie publique du Grand

Lyon (585 faits) auquel appartient Rillieux est supeacuterieur au niveau de cette derniegravere

commune (moins de 35 faits) le nombre de faits de violence volontaire (menaces coups et

blessures) est agrave lrsquoinverse plus fort agrave Rillieux (de 6 agrave 9 faits pour 1 000 habitants) que dans

lrsquoensemble du Grand Lyon (moyenne annuelle de 38 faits pour 1 000 habitants)

Drsquoun point de vue de lrsquoanalyse des comportements ou plutocirct de lrsquoaction le ghetto reacutevegravele ainsi

une logique ou une cateacutegorie drsquoaction individuelle et collective qui amegravene au deacuteveloppement

de trois principales pratiques sociales dans les rues les logements et les espaces semi-publics

ougrave reacutesident des exclus sociaux (Lapeyronnie 2008) la culture de rue des jeunes garccedilons

avec leur preacutesence continue dans lrsquoespace exteacuterieur pour les relations entre pairs hors des

foyers familiaux la rupture de communication entre les sexes et lrsquoeacuteconomie souterraine et

les trafics divers avec lrsquousage endeacutemique de la violence Pour Lapeyronnie (2008 p 23) ces

pratiques de ghetto constituent une laquo creacuteation collective originale pour reacutesoudre lrsquoeacutecart et les

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contradictions entre la structure sociale et la culture raquo faisant suite agrave la laquo galegravere raquo des anneacutees

1980 des blancs et des immigreacutes dans les quartiers laquo drsquoexil raquo Il srsquoagit en fait drsquoune sorte de

radicalisation de la conduite du galeacuterien qui se caracteacuterise par une absence de lien avec

organisation collective deacutetermineacutee par une exclusion sociale subie et geacuteneacuterant de lrsquoamertume

voire de la rage vis-agrave-vis de la socieacuteteacute en geacuteneacuteral (Dubet 1987)

La logique drsquoaction de ghetto est inscrite dans celle de la galegravere elle en est une des issues sans

qursquoelle eacutetait auparavant deacutenommeacutee de cette maniegravere par des membres du courant drsquoanalyse

des mouvements sociaux drsquoAlain Touraine dont relegraveve Franccedilois Dubet et Didier Lapeyronnie

mais aussi Adil Jazouli et Michel Wieviorka tous membres du Centre drsquoanalyse et

drsquointervention sociologique (CADIS) Galegravere et ghetto coexistent et srsquoarticulent en

srsquoimposant agrave drsquoautres logiques comme la reacutesignation (avec lrsquoinscription dans les relais

drsquoassistance et drsquoaction sociale) ou des conduites plus conformes aux valeurs et aux normes

dominantes telles que la recherche de travail et de formation la participation agrave la socieacuteteacute de

consommation et de loisirs

Depuis les anneacutees 1960 et de maniegravere plus nette depuis les anneacutees 1980 la violence sans

objet la deacutelinquance ou la solidariteacute entre pairs de la situation drsquoexclu se manifestent de plus

ne plus ouvertement en eacutetant plus reacutepandues et faisant lrsquoobjet drsquoune accumulation

drsquoexpeacuteriences multiples Cette orientation a favoriseacute le deacuteveloppement drsquoorganisations

criminelles et des niveaux de violence de plus en plus importants La signification de ces

comportements transgressifs ou subversifs comme reacuteponse ou laquo solution de lutte raquo agrave la

situation sociale drsquoineacutegaliteacute en est apparue que de plus en plus nette Ils peuvent drsquoailleurs se

manifester dans nrsquoimporte quel lieu hors des espaces habiteacutes agrave tout moment selon les

situations drsquointeractions sociales quand lrsquoopportuniteacute ou la neacutecessiteacute de contester les

contraintes de lrsquoordre seacutegreacutegatif se preacutesentent

Pour les familles immigreacutees qui les vivent ces contraintes srsquoapparentent drsquoailleurs agrave un

rapport de pouvoir laquo neacuteocolonial raquo du fait du prolongement au-delagrave des indeacutependances drsquoun

veacutecu de seacutegreacutegation Ce rapport eacutetant particuliegraverement vicieux puisque sous lrsquoeffet

drsquoinjonctions drsquointeacutegration sans les moyens apporteacutes de la reacutealiser le pouvoir attribue un

deacuteficit permanent de civilisation aux populations concerneacutees Crsquoest le mecircme proceacutedeacute

ideacuteologique et discursif revenant agrave deacutefinir les pauvres en raison de leur culture de leur moral

et de leur psychologie en eacutevinccedilant les logiques sociales drsquoentreacutee et de maintien dans la

pauvreteacute et hors des systegravemes drsquointeacutegration et de protection sociale Crsquoest pourquoi la logique

de lutte politique du ghetto srsquoincarne dans lrsquoadoption de valeurs et de normes de conduites

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transgressives et criminelles tant pour la survie eacuteconomique quotidienne que pour la

contestation de lrsquoordre social seacutegreacutegatif qui seacutevit

Agrave chaque situation individuelle et collective constituant une eacutepreuve lieacutee de pregraves ou de loin

aux processus drsquoexclusion drsquointensiteacute variable les individus deacuteveloppent des comportements

de lutte geacuteneacuterant des pratiques sociales plus ou moins reacuteguliegraveres selon les buts poursuivis En

ce sens les langages des formes reacuteactives se distinguent du langage commun des institutions

qui eacutechappe aux habitants Le ghetto en tant qursquoaction favorise ainsi la formation de

laquo contre-mondes raquo avec un fort climat de violence banaliseacutee comme norme dominante Par

exemple entre jeunes des rues les agressions physiques et verbales les vols et les conflits

violents ainsi que les laquo embrouilles raquo au quotidien constituent une partie importante des

modes relationnels et de contacts dans les espaces publics ou semi-publics

Ces conduites incitent au repli dans la sphegravere priveacutee pour les cateacutegories drsquohabitants nrsquoy

prenant pas part et laissent ainsi la place aux actes de deacutelinquance agrave la malveillance aux

embrouilles et aux meacutefaits Cette situation peut ecirctre illustreacutee avec le grand ensemble de la Citeacute

de Behren-legraves-Forbach (qui repreacutesentant 85 des pregraves de 10 000 habitants de la commune)

au milieu des anneacutees 2000 crsquoest le quartier du Bassin Houiller ougrave la Protection judiciaire de la

jeunesse (PJJ) intervient le plus fortement et le plus massivement dans le cadre de mesures

peacutenales avec 45 situations suivies en 2006 Ce sont agrave 95 des garccedilons ayant en majoriteacute de

10 agrave 16 ans

Cette logique comportementale de ghetto qursquoadoptent certains individus est agrave relier avec les

deux aspects objectifs et subjectifs drsquoun processus de ghettoiumlsation qursquoils subissent donc au

niveau individuel (Mucchielli Aiumlt-Omar 2007) lrsquoaspect objectif est relatif au

deacuteveloppement des difficiles conditions eacuteconomiques et sociales de vie qursquoils rencontrent et agrave

leurs difficulteacutes drsquoinsertion reacuteguliegravere lrsquoaspect subjectif concerne les repreacutesentations qursquoont

les personnes concerneacutees drsquoeux-mecircmes et des diffeacuterents groupes sociaux de la socieacuteteacute (et de

leurs relations) dans leurs situations de mise agrave lrsquoeacutecart socio-eacuteconomique et spatiale

Crsquoest drsquoailleurs par des eacuteleacutements objectifs sur le plan socio-eacuteconomique qursquoun sentiment de

laquo diffeacuterence raquo par rapport au reste des villes srsquoinstaure chez les personnes concerneacutees Cette

repreacutesentation de la diffeacuterence srsquoobjective en fait dans les rapports mecircme aux institutions dont

lrsquoeacutecole degraves la maternelle qui institue les ineacutegaliteacutes de destin social pour les enfants des

familles ndash surtout issues de lrsquoimmigration qui ne partagent pas la culture scolaire

(redoublement orientation dans les filiegraveres deacutefavoriseacutees sorties sans diplocircmes) Lrsquoabsence de

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diplocircme et de reacuteussite scolaire renforce la diffeacuterence objective et sa perception subjective sur

le plan des qualifications sociales Les discriminations fortes sur le marcheacute du travail

confirment ces repreacutesentations objectives des diffeacuterences sociales et leurs repreacutesentations

subjectives par les acteurs sociaux comme les sentiments de honte drsquohumiliation et

drsquoinjustice ainsi que des images neacutegatives de soi diverses lieacutees aux frustrations et agrave la non-

reconnaissance

Et lorsque la non-insertion des jeunes par exemple entraicircne la non-inteacutegration sociale en tant

qursquoadulte indeacutependant et aux droits reconnus la crise et la deacutesespeacuterance qursquoelle produit

atteignent leur paroxysme Lrsquointeacuteriorisation de cette situation est agrave lrsquoorigine de la disposition agrave

se retourner dans un accegraves de colegravere et de violence ou de maniegravere plus reacutefleacutechie parfois

contre les institutions ou leur symbole Ainsi lrsquoimpact psychologique et moral des processus

de seacutegreacutegation sociale comme celui de la releacutegation spatiale voire de la ghettoiumlsation drsquoun

espace se traduit par la formation drsquoun habitus au sens bourdieusien de systegraveme de

dispositions objectivant lrsquoeacuteloignement des conditions de vie et des destins des diffeacuterents

groupes sociaux et pouvant deacuteterminer ainsi des conduites tendant agrave le reproduire voire agrave

lrsquoaccentuer

Lapeyronnie (2008) a deacuteceleacute dans ce processus une dimension de reacutevolte dans plusieurs

domaines drsquoaction qui trouve depuis les anneacutees 1970 les conditions sociales pour se

deacutevelopper Il eacutevoque drsquoailleurs lrsquoinstitutionnalisation de quatre types de pratiques sociales

la deacutelinquance des jeunes dans la laquo rue raquo la famille laquo traditionnelle raquo selon une conception

rigide des positions statutaires et des rocircles des parents et des enfants la forte domination

masculine des femmes comme reacuteaction des hommes au racisme subi pour affirmer leur

identiteacute raciale ou ethnique et pour deacutesexualiser et controcircler les femmes et enfin les formes

drsquoidentification ethno-raciale entre les individus qui renforcent les steacutereacuteotypes et enferment

les identiteacutes personnelles

Ces pratiques contribuent agrave lrsquoorganisation sociale des ghettos ce qui ne signifie pas que tous

les habitants notamment les inscrits dans une situation drsquoexclusion sociale en partagent

exclusivement les valeurs culturelles Au contraire la logique du ghetto srsquoimpose agrave eux car

elle est exprimeacutee pour la survie ou la neacutecessiteacute de parade face au meacutepris du monde

environnant pourtant deacutesireacute (pour le travail la consommation les rapports sexuelshellip) Ainsi

bon greacute mal greacute le partage drsquoune culture drsquoune forme locale de ghetto unit les habitants au-

delagrave de la diversiteacute parfois inconciliable de leur culture propre et de leur culture de la

pauvreteacute eacuteconomique Car rappelle Lapeyronnie (2008) il nrsquoy a pas de culture de la pauvreteacute

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geacuteneacuteraliseacutee au sens drsquoun ensemble de normes et de valeurs diffuseacutees au sein des habitants du

ghetto Crsquoest davantage une expeacuterience partageacutee de la pauvreteacute qui impose des formes

drsquoorganisation sociale commune comme le ghetto bien que celle-ci soit veacutecue selon des

modes diffeacuterents en fonction de leurs caracteacuteristiques eacuteconomiques et sociales propres et de

la perception qursquoils ont drsquoeux-mecircmes

En ce sens lrsquoengagement de certains groupes familiaux dans une sous-culture de pauvreteacute

speacutecifique comme systegraveme rationnaliseacute et de deacutefense stable et persistant est un mode

drsquoadaptation agrave la marginalisation agrave la privation et agrave lrsquoexclusion subie dans la socieacuteteacute comme

peut lrsquoecirctre le mode reacutevolutionnaire Il signifie moins un handicap mais plus une faculteacute

drsquoadaptation neacutecessitant des ressources et une capaciteacute drsquoaction et de rationalisation complexe

et eacutelaboreacutee digne de respect103 Chaque sous-culture de pauvreteacute mise en œuvre par des

groupes familiaux est speacutecifique selon des caracteacuteristiques propres et distinctes des autres et

notamment selon le capital social posseacutedeacute agrave lrsquoexteacuterieur des zones de ghetto

Crsquoest pourquoi les attitudes publiques et priveacutees sont ambivalentes entre le rejet violent de la

socieacuteteacute et la forte deacutependance agrave celle-ci Ainsi si lrsquoespace public est reacuteguliegraverement approprieacute

par les jeunes laquo galeacuteriens raquo et trafiquants il reste ouvert agrave la vie ordinaire et domineacute par les

reacutefeacuterences de la socieacuteteacute et de sa culture dominante qui constituent le fond de deacutecor culturel du

ghetto Lrsquoespace social est lui distordu entre culture exteacuterieure et structures et cultures

internes avec le sentiment que laquo le ghetto empecircche de vivre raquo qursquoil accentue lrsquoisolement

social et la difficulteacute drsquoaccegraves agrave la reacutealiteacute exteacuterieure En fait si lrsquoon suit Lapeyronnie (2008) le

ghetto complexifie voire brouille le reacuteel

Sur le plan social et politique par exemple trois types drsquoacteurs majeurs organisent sa vie

sociale et les liens avec lrsquoexteacuterieur les institutions sociales nationales dont la police et les

services sociaux mais aussi les eacutecoles les trafiquants avec leurs activiteacutes multiformes et le

monde neacuteo-communautaire des pegraveres drsquoorigine immigreacutee inscrit dans une religiositeacute

musulmane steacutereacuteotypeacutee Ce laquo systegraveme politique raquo du ghetto est constitueacute par le dialogue entre

ces instances avec des alliances variables entre les parties Neacuteanmoins dans la vie

quotidienne les habitants sont davantage contraints agrave la solitude en raison de lrsquoabsence ou de

la faiblesse des relations ordinaires autres que la solidariteacute de la lutte contre lrsquoexclusion qui se

manifeste agrave chaque situation et action orienteacutee dans ce sens Le ghetto constitue une

laquo communauteacute agrave lrsquoenvers raquo dans laquelle coexiste la limitation des relations de voisinage et

paradoxalement en apparence une morale de lrsquointerconnaissance et de lrsquohonneur des 103 Lapeyronnie eacutevoque les ouvrages drsquoOscar Lewis agrave ce sujet tel que La Vida Paris Gallimard 1969

personnes surtout des jeunes hommes et des familles preacutecaires orienteacutee vers la recherche de

relations sociales pour exister recherche de respect et de reconnaissance solidariteacute entre

individus et familles activation des liens drsquoappartenance et surtout mise en scegravene publique

des individus suscitant le sentiment drsquoexister

Ce type de comportement mais aussi de laquo relation drsquoexistence raquo est constitutif des embrouilles

et conflits drsquohonneur constants Il est agrave la base du modegravele drsquointeacutegration locale et drsquoeacutequilibre

des forces sociales composant le ghetto La coheacutesion et lrsquounification des quartiers populaires

se produisent selon cette logique des rapports sociaux Chaque individu porte ainsi une morale

de la fideacuteliteacute au groupe ie de solidariteacute individuelle et collective Il peut ainsi tester ses

solidariteacutes assoir sa reacuteputation notamment pour les jeunes par la violence et enfin trouver

une occasion drsquoagir et de se battre

Cet univers conflictuel et deacuteveloppant des codes des normes et des valeurs propres agrave chaque

contexte isole du reste du monde social dont la logique lui est incompreacutehensible Cette

logique du conflit incessant entraicircne souvent les institutions et les agents divers qui sont au

contact des jeunes (chauffeurs de bus enseignants animateurshellip) dans des rapports tendus agrave

partir drsquoincidents peu graves a priori mais deacutebouchant sur des repreacutesailles des agressions et

des destructions de biens mateacuteriels leur appartenant Lrsquoenchaicircnement de violence eacutetant

impossible voire difficile agrave stopper

Cette logique de lrsquointerconnaissance sur le territoire constitue plus globalement une norme

habituelle de classes populaires notamment dans des univers clos il srsquoagit de renforcer

lrsquouniteacute des territoires chaque individu connaicirct des individus qui se connaissent entre eux

Dans les quartiers-ghettos ougrave seacutevit la deacutelinquance cela se passe en grande partie sous

lrsquoinfluence de certains jeunes qui controcirclent ainsi lrsquoespace par des conversations et des

commeacuterages continus Il est agrave rebours du mode de vie urbain des classes moyennes qui

suppose drsquoune part lrsquoanonymat pour des interactions qui ouvrent sur de nouveaux reacuteseaux qui

ne se connaissent pas et drsquoautre part des codes drsquointeraction eacutevitant les conflits lors des

rencontres et des rapports sociaux Au contraire les jeunes imposent leurs normes

drsquoaffirmation identitaire sur un mode violent au sein de reacuteseaux forts drsquointerconnaissance

mais limiteacutes territorialement tout en eacutetant simultaneacutement vulneacuterabiliseacutes par lrsquoexposition

quotidienne des comportements et de ses obligations de fideacuteliteacute aux groupes connus

La culture de lrsquointerconnaissance est aussi faciliteacutee par lrsquoidentification et la reacutefeacuterence au

groupe Les embrouilles et la violence relegravevent drsquoailleurs de la deacuteviance et des sanctions lieacutees

agrave cet ordre de relations sociales intenses et de comportements drsquohonneur Ceux-ci servent

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drsquoailleurs agrave laquo obliger raquo la compliciteacute active ou tacite de la population vis-agrave-vis de lrsquoeacuteconomie

souterraine selon une logique drsquoeacutechange constant et de liens de dons et de dettes entre

habitants Cet ordre social renforce lrsquoisolement des quartiers car les relations avec lrsquoexteacuterieur

doivent ecirctre reacuteduites pour des activiteacutes sans risques drsquoailleurs les gros trafics sont organiseacutes

strictement dans le cercle familial pour srsquoappuyer sur un reacuteseau plus fort de confiance

mutuelle La preacutesence importante de cette forme de sociabiliteacute deacutelinquante est une source

drsquoinseacutecuriteacute pour les reacutesidents des espaces concerneacutes et voisins

Les effets de cette culture intense de lrsquointerconnaissance contribuent paradoxalement en

apparence agrave la segmentation de lrsquoordre social des ghettos104 agrave lrsquoinverse de celui de la vie

urbaine des classes moyennes les comportements sont reacutegleacutes selon des meacutecanismes

drsquoidentification et de seacuteparation des groupes sociaux selon lrsquoacircge le sexe et lrsquoethniciteacute les

relations sociales interpersonnelles srsquoaccompagnent drsquoun rejet du monde exteacuterieur et drsquoune

faiblesse des relations avec celui-ci similaire agrave lrsquoordre social laquo provincialiste raquo le monde

moral du ghetto repose alors sur lrsquointercompreacutehension priveacutee et partageacutee opposeacutee aux regravegles

publiques lrsquoeacuteducation des enfants est orienteacutee dans ce sens de la protection et de la meacutefiance

vis-agrave-vis du monde exteacuterieur enfin la freacutequentation des services publics suit cette logique de

regroupement cateacutegoriel Ce type de fonctionnement par segmentation des activiteacutes et des

relations selon le sexe lrsquoacircge et lrsquoethnie favorise le sexisme et le racisme chaque individu

eacutetant identifieacute personnellement mais aussi par reacutefeacuterence au groupe et agrave la place qursquoil y

occupe ce qui accroicirct les processus de seacutegreacutegation sociale et raciale interne agrave la communauteacute

reacutesidentielle

Un point important selon Lapeyronnie (2008) est la forte violence masculine des milieux

populaires sur les femmes agrave lrsquoexteacuterieur et agrave lrsquointeacuterieur des logements il srsquoagit de controcircler

leur conduite de limiter leur deacuteplacement de les fixer dans des rocircles traditionnels en

eacutevacuant leur feacuteminiteacute ce qui les dissocie drsquoelles-mecircmes en tant que femme en plus de la

confiscation de leur liberteacute individuelle de circulation et drsquoaction Lrsquoexplication en est que les

hommes usent de la violence pour contraindre femmes et enfants agrave respecter les

repreacutesentations rigides qursquoils ont des rocircles traditionnels de la famille agrave les faire entrer dans les

normes familiales de diffeacuterenciation selon les acircges et les sexes

Cette violence conjugale et familiale exacerbeacutee en milieu populaire et dans les ghettos est

lieacutee agrave un laquo trop-plein raquo de repreacutesentations de la famille et de la place de la femme dans celle-

104 Lapeyronnie prend cette expression ndash ldquolrsquoodre social segmenteacuterdquo agrave Suttles in Suttles G (1968) The Social Order of the Slum Ethnicity and Territory in the Inner City Chicago The University of Chicago Press

ci agrave un refus des relations et agrave une peur de la trahison dans la construction de lrsquoidentiteacute

masculine Lrsquoordre social de seacuteparation entre les sexes et les groupes ethniques sert agrave preacutevenir

la trahison amoureuse et sexuelle des femmes La socialiteacute aide agrave reacuteguler les conduites pour

srsquoy conformer rumeurs conversations reacuteputations forte pression sur les jeunes femmes et

les adolescentes pour rester agrave lrsquointeacuterieur des logements et du ghetto

Lapeyronnie (2008) analyse que le racisme subi dans la socieacuteteacute franccedilaise accroicirct dans les

familles immigreacutees maghreacutebines marginaliseacutees les seacutegreacutegations de genre et traditionnelles

existantes deacutejagrave dans les milieux ouvriers franccedilais La marginalisation sociale et spatiale

entraicircne une conformation au fonctionnement du ghetto qui impose une polarisation spatiale

et identitaire des individus Cela porte les hommes immigreacutes discrimineacutes agrave revendiquer leur

ethniciteacute dans un espace de solidariteacute identitaire raciale pour atteacutenuer lrsquohumiliation Pour

eacuteviter que les femmes srsquoeacutemancipent et les laquo trahissent raquo ils leur imposent une mise en valeur

drsquoattributs de lrsquoethniciteacute dans lrsquoespace public renvoyant agrave des eacuteleacutements traditionnels

communautaires et steacutereacuteotypeacutes au deacutetriment de leur feacuteminiteacute individuelle

Les hommes puisent alors dans des reacutefeacuterences traditionnelles ou religieuses des arguments

drsquoautoriteacute pour imposer des codes vestimentaires et de conduite traditionnelle aux

femmes Ainsi le racisme dominant induit une cristallisation des conceptions des rocircles

sociaux traditionnels par contrainte de laquo srsquooublier raquo dans les steacutereacuteotypes du racisme subi

quitte agrave se couper encore plus de lrsquoaccegraves agrave la vie laquo normale raquo Cette adoption de conduites

steacutereacuteotypeacutees imposeacutees agrave tous sur les plans familiaux sociaux et de relations entre les sexes

sert agrave proteacuteger une inteacutegriteacute psychique et culturelle en se conformant aux normes des

laquo citeacutes raquo

Ces eacuteleacutements soulignent que la violence du ghetto renvoie eacutegalement agrave des facteurs

familiaux deacutetermineacutes en partie par le processus social de formation mecircme des ghettos un

modegravele eacuteducatif populaire tend agrave socialiser agrave la violence en lui attribuant le rocircle de moyen

efficace de reacutesolution des problegravemes que les enfants reproduisent Celui-ci deacutecoule drsquoune

conception autoritaire de lrsquoeacuteducation dont lrsquoobjectif est le controcircle comportemental et moral

des enfants en les rendant respectueux des parents et des autoriteacutes Il srsquoagit de les proteacuteger de

leurs propres deacuterives et des influences neacutegatives de lrsquoenvironnement par des actes punitifs

brutaux et violents sur un mode impulsif Ce qui srsquooppose aux meacutethodes des classes

moyennes avec la recherche drsquoautonomie et drsquoeacutepanouissement personnels pour la reacuteussite

sociale srsquoappuyant sur une forte communication enfant-parent et sur une prise en charge

importante avec de nombreuses stimulations des enfants par les parents

400400

Lapeyronnie (2008) eacutevoque drsquoailleurs agrave ce sujet le paradoxe de la moindre liberteacute des enfants

de classes moyennes ils sont plutocirct en neacutegociation permanente pour des espaces de liberteacute

contre des gages de bonne reacuteussite scolaire et personnelle Le modegravele eacuteducatif populaire est

lieacute agrave un modegravele de vie familiale centreacutee sur les adultes et non plus sur lrsquoenfant dont le rocircle est

de se comporter en mini-adultes disciplineacutes dans le monde des adultes pour assurer la stabiliteacute

de la famille Un autoritarisme et une distance du pegravere sont compenseacutes par une surprotection

et une proximiteacute maternelles

Cette diffeacuterence de modegraveles eacuteducatifs entraicircne des malentendus et un hiatus entre drsquoun cocircteacute

des familles de milieu populaire et de lrsquoautre cocircteacute des travailleurs sociaux et drsquoautres agents

et institutions des classes moyennes Les premiers peuvent ressentir une deacuteception de leurs

attentes drsquoautoriteacute sur les enfants vis-agrave-vis de lrsquoeacutecole et les seconds deacutevelopper une

perception critique du mode autoritaire drsquoeacuteducation de ces parents et de leur manque de suivi

du deacuteveloppement personnel de leurs enfants

La violence eacuteducative peut avoir deux conseacutequences psychologiques et sociales chez les

enfants qui la subissent La premiegravere est un deacutesir et une pratique drsquoeacuteloignement des enfants de

lrsquoespace familial notamment des garccedilons avec un report de la vie juveacutenile des besoins

affectifs et drsquoautonomie sur le groupe de pairs et dans la rue degraves lrsquoacircge de 10-12 ans ougrave srsquoy

construit son identiteacute masculine en parallegravele et en renforcement du modegravele familial centreacute sur

les adultes La vie adolescente srsquoorganise agrave lrsquoexteacuterieur entre preacutesence longue dans la rue et

seacutejours dans la famille reacuteduits aux repas au dormir et aux liens avec la megravere Cette vie est

ignoreacutee par la famille et mecircme perccedilue comme menaccedilante pour elle

La deuxiegraveme conseacutequence comportementale chez les enfants de la violence eacuteducative est le

deacuteveloppement drsquoun caractegravere meacutefiant vis-agrave-vis des adultes des acteurs de la socieacuteteacute

(enseignants travailleurs sociaux journalisteshellip) et des institutions en geacuteneacuteral ils portent

une attention plus forte sur les actes que les paroles dont le sens est mal perccedilu Ils craignent

drsquoailleurs lrsquoutilisation des mots drsquoougrave un usage deacutetourneacute et moqueur de ceux-ci La rue et le

groupe de pairs constituent alors un sous-milieu de prise de distance de socialisation intense

Il offre un espace social de collectivisation des conflits lieacutes drsquoune part agrave la pression agrave la

reacuteussite sociale par la famille et les institutions et drsquoautre part aux blocages racistes de la

socieacuteteacute urbaine Ce qui induit alors parfois une preacutefeacuterence notamment par les garccedilons pour

lrsquoeacutechec scolaire afin de reacuteduire les humiliations et proteacuteger la digniteacute personnelle De leur

cocircteacute les filles projettent cette pression familiale agrave la reacuteussite dans le monde scolaire qui leur

est plus adapteacute Il nrsquoy a donc pas laquo deacutemission raquo des parents ou de difficulteacutes lieacutees agrave une

401401

double culture mais plutocirct une forte difficulteacute agrave geacuterer la contradiction drsquoune situation entre les

projets parentaux pour les enfants et lrsquoimpossibiliteacute de leur mise en œuvre en lrsquoabsence des

compeacutetences parentales pour le faire

Car lrsquoheacuteritage familial lieacute agrave la migration et agrave lrsquoabsence de formation et de qualification des

parents bloque les perspectives de mobiliteacute sociale Les eacutechecs et les problegravemes des enfants

peuvent alors renforcer la crispation autoritaire des pegraveres qui se replient sur des rocircles

traditionnels au sein de la famille en coupure avec la socieacuteteacute exteacuterieure Ce qui augmente

lrsquoignorance parentale de la vie dans les rues et dans le quartier et leur manque

drsquoinvestissement dans lrsquoaccompagnement des enfants dans leurs eacutetudes leur formation

professionnelle et leur autonomie La mise agrave lrsquoeacutecart de la famille par les enfants pour leur

liberteacute et la vie dans le quartier est faciliteacutee par ce manque de connaissance des familles sur le

monde exteacuterieur ce qui drsquoailleurs renforce lrsquoattache affective qursquoont les enfants vis-agrave-vis des

parents et deacuteveloppe un sentiment de protection qursquoils leur doivent

Ainsi lrsquoorganisation de la vie sociale marginale du ghetto constitue un monde de liens forts

peu nombreux et de comportements cateacutegoriels steacutereacuteotypeacutes et violents (megraveres eacutepouses

hommes pegraveres enfantshellip) structureacutes selon une forte seacutegreacutegation des genres et une faible

communication entre eux et emplis de reacutefeacuterences normatives traditionnelles concernant les

rocircles sociaux qui srsquoimposeraient agrave tous La violence des hommes agrave imposer le conformisme

aux femmes par peur de lrsquoabandon communautaire et de la dissolution identitaire a pour

origine la violence de la marginalisation sociale et spatiale et du racisme de la socieacuteteacute globale

Lrsquoordre social produit dans les zones de releacutegation urbaine seacutecregravete une matiegravere culturelle et un

mode de vie agrave la deacuterive et auto-excluant (Begag Rossini 1990)

Le travail de Lapeyronnie (2008) a pu enrichir le caractegravere conceptuel du terme ghetto par

rapport agrave diffeacuterents travaux et diffeacuterentes reacuteflexions meneacutes jusqursquoici en apportant une

signification et en mecircme temps une explication agrave un ensemble de pratiques et de conduites la

reacuteaction agrave la releacutegation socio-urbaine et la volonteacute drsquoopposition agrave lrsquoordre social qui la geacutenegravere

Ce renouvellement de lrsquoanalyse des situations de zones urbaines marginales par Lapeyronnie

reconfigure en les valorisant les maintenant ou les relativisant et nuanccedilant le statut cognitif

de leurs proprieacuteteacutes seacutemantiques traditionnelles

Trois proprieacuteteacutes conservent un caractegravere fondamental sur les plans des meacutecanismes de

creacuteation et de la fonction des ghettos Drsquoabord la mise agrave lrsquoeacutecart du systegraveme social et

eacuteconomique dominant et son effet de paupeacuterisation des groupes sociaux concerneacutes Puis la

402402

releacutegation dans un espace reacutesidentiel marginal sous eacutequipeacute en structures institutionnelles et

regroupant une population aux mecircmes caracteacuteristiques sociales Enfin lrsquoeffet de maintien et

de renforcement des ineacutegaliteacutes sociales par le sous-investissement institutionnel dans ces

zones ce que partagent drsquoautres auteurs (Steacutebeacute Marchal 2010)

En revanche un aspect devient preacutedominant qui est aussi eacuterigeacute en symptocircme de laquo lrsquohyper-

ghetto raquo (les anciens ghettos traditionnels noirs paupeacuteriseacutes) chez Wacquant (2007) la

violence et la crispation identitaire en reacuteaction agrave la domination socio-eacuteconomique et politique

ainsi qursquoagrave la releacutegation spatiale Pour Lapeyronnie ce caractegravere est davantage significatif il

le rapporte mecircme agrave une cateacutegorie ou une logique drsquoaction individuelle ou collective alors que

Wacquant le range agrave eacutegal importance avec drsquoautres eacutetats de conscience comme la

deacutemoralisation le repli la colegravere la honte et lrsquoindignation

En outre Lapeyronnie (2008) attribue une forme plus atteacutenueacutee agrave deux proprieacuteteacutes

traditionnelles des ghettos Le premier est lrsquoenfermement dans un espace geacuteographique sous

contrainte institutionnelle forte Le regroupement spatial des plus pauvres et fragiles se reacutealise

en effet davantage sous lrsquoeffet drsquoune contrainte plus indirecte que celle drsquoune disposition

leacutegale explicitement discriminatoire celui du manque de mobiliteacute reacutesidentielle possible dans

les zones urbaines mixtes ou valoriseacutees en raison des faibles ressources disponibles et des

valeurs fonciegraveres eacuteleveacutees lieacutees aux tendances agreacutegatives des plus riches et de certaines

cateacutegories moyennes stables dans des espaces les mieux situeacutes eacutequipeacutes et surtout freacutequenteacutes

crsquoest-agrave-dire comportant dans la mesure du possible des laquo pairs sociaux raquo Ce qui abouti

parfois agrave la creacuteation drsquoespaces reacutesidentiels clos et fermeacutes aux passages exteacuterieurs ainsi que

tregraves seacutelectifs sur le plan eacuteconomique (Steacutebeacute Marchal 2008) Le regroupement contraint des

plus pauvres est donc une conseacutequence du rapprochement spatial des plus aiseacutes et qualifieacutes agrave

des fins identitaires et de protection des biens et des reacuteseaux et destins sociaux

Lrsquoautre atteacutenuation drsquoune caracteacuteristique traditionnelle des zones de ghettos est le caractegravere

laquo racial raquo et son homogeacuteneacuteiteacute preacutesupposeacutee speacutecifique Le regroupement drsquoindividus

drsquoorigines ethniques multiples relativise cet aspect sans oublier la preacutesence des couches

ouvriegraveres deacuteproleacutetariseacutees drsquoascendance franccedilaise qui subissent une nette mise agrave distance en

raison de leurs modes de comportements distincts de ceux des cateacutegories discriminantes

(cateacutegories supeacuterieures et moyennes du priveacute surtout) et de leur faible culture scolaire et

intellectuelle

403403

La reconfiguration argumenteacutee et coheacuterente de la notion par plusieurs auteurs qui finissent par

partager des eacuteleacutements centraux agrave la notion de ghetto deacutenote sa plasticiteacute certaine en

correspondance avec la diversiteacute et lrsquoeacutevolution dans le temps et dans lrsquoespace des formes

sociales et spatiales de seacutegreacutegation urbaine En outre cette souplesse de lrsquoappreacutehension

scientifique des reacutealiteacutes susceptibles drsquoecirctre couvertes par ce terme fait bien eacutecho agrave lrsquoeacutevolution

de son usage social Dans ce sens il nous apparaicirct tout agrave fait inteacuteressant de pouvoir trouver

une notion approprieacutee pour repreacutesenter les effets de la ghettoiumlsation sur des territoires plus

larges que les parties les plus deacutegradeacutees des grands ensembles zone complegravete de grands

ensembles ou communes drsquoappartenance voire territoire intercommunal qui comprend un ou

plusieurs grands ensembles

En raison drsquoune preacutedominance des pheacutenomegravenes du processus de ghettoiumlsation qui se

reacutepandent dans lrsquoensemble des territoires environnant les quartiers ghettoiumlseacutes il peut ecirctre

possible drsquoanalyser et de qualifier ces effets agrave des eacutechelles drsquoobservation plus larges Crsquoest

cet exercice qui est reacutealiseacute dans la section suivante

2 Du ghetto au deacuteclin social urbain des communes de grands ensembles

Agrave lrsquoissue des diffeacuterentes parties preacuteceacutedentes de multiples variables ont pu ecirctre

identifieacutees dans la description des espaces et des populations des grands ensembles subissant

la ghettoiumlsation ainsi que dans la compreacutehension de leurs modes de vie structures sociales et

niveaux de qualification et de vie situeacutes dans la partie infeacuterieure de la hieacuterarchie sociale

larges et intenses difficulteacutes drsquoemploi nombreuses familles monoparentales groupes

ethniques releacutegueacutes en raison de leur faibles qualifications et de leur exposition agrave la

discrimination au travail et dans le logement niveau eacuteleveacute de deacutelinquance et de violence

voire de conduites seacutegreacutegatives internes en raison de lrsquoopposition agrave la marginalisation sociale

et urbaine subie

Dans les espaces voisins dans les parties drsquohabitat ou les lieux et les eacutequipements publics et

collectifs ces traits de vie eacuteconomique et sociale des quartiers-ghettos srsquoatteacutenuent ou

disparaissent de maniegravere isoleacutee ou en nombre Par exemple les habitants des communes

voisines de grands ensembles peuvent ne pas connaicirctre de problegravemes importants de chocircmage

mais elles peuvent subir une mauvaise reacuteputation en raison de la freacutequentation intense de ses

espaces publics par des jeunes du grand ensemble pour des trafics divers voire des actes de

404404

preacutedation ou drsquoagression Cependant drsquoautres aspects peuvent ecirctre saillants ou effectifs tout

autant que dans les zones plus speacutecifiques de ghetto alors que par ailleurs les autres

dimensions de la vie sociale ne sont pas fortement deacutegradeacutees (chocircmage accueil de

populations pauvres peu qualifieacutees ou immigreacutees ou encore des familles monoparentaleshellip)

Les effets subis sur la vie sociale et par leurs habitants nrsquoy sont certainement pas neacutegligeables

mecircme si moins intenses et eacutetendues que dans les parties les plus deacutegradeacutees des grands

ensembles de releacutegations Pour appreacutehender la diffusion des effets des pheacutenomegravenes

composant le processus de ghettoiumlsation plus disperseacutes dans les territoires plus larges (comme

ceux des communes de grands ensembles) il est proposeacute de deacutevelopper la notion de deacuteclin

social urbain

Le but est de chercher agrave deacutenommer ce que des observations reacutealiseacutees degraves mes travaux de DEA

concernant la communalisation des populations issues de lrsquoimmigration dans les espaces du

travail social (Chebroux 1997) mrsquoont permis de pressentir et que des travaux comme ceux de

Lapeyronnie (2008) ont confirmeacute agrave savoir la diffusion hors champ meacutediatique dans les

espaces urbains et par les deacuteplacements en leur sein de pheacutenomegravenes sociaux et de pratiques

sociales qui se rapportent agrave la formation des quartiers ghettos et des conduites sociales qui les

caracteacuterisent Les pheacutenomegravenes et les pratiques sont multiples concernant des champs

diversifieacutes de la vie sociale chocircmage et de sous-emploi conseacutequences reacutesidentielles

eacuteconomiques et sociales des seacuteparations conjugaleshellip La fragilisation psychologique sociale

et eacuteconomique ne reste pas concentreacutee dans certains espaces reacutesidentiels et surtout les effets

des problegravemes sociaux lieacutes au regroupement des plus pauvres et fragiles ne restent pas

cantonneacutes aux quartiers drsquohabitation des personnes concerneacutees

Par exemple la conduite des individus srsquoengageant dans des orientations communautaristes

parfois tregraves traditionnalistes et de deacutevotions pousseacutees drsquoorigine arabe etou de confessions

musulmanes aux rapports antagoniques avec la socieacuteteacute franccedilaise dans son ensemble (Tietze

2002) peut se manifester en de nombreux lieux hors de quartiers-ghettos ougrave ils reacutesident

mairies locaux administratifs divers eacutequipements publics services et commerces multiples

situeacutes agrave distance variable du domicile Plus geacuteneacuteralement agrave une eacutechelle plus large que celles

des grands ensembles ou alors quand ceux-ci forment un eacutechelon territorial communal

crsquoest-agrave-dire associant secteurs reacutesidentiels structures et services-commerces de proximiteacute

mais aussi bacirctiments et activiteacutes publics comment analyser lrsquoimpact global de la

405405

ghettoiumlsation de certains segments spatiaux sur la vie sociale et les modes de vie de

lrsquoensemble urbain consideacutereacute

Car des pheacutenomegravenes sociaux mais aussi physiques (deacutegradation mateacuterielle et deacutefaut

drsquoentretien de maintien et de reacutenovation) peu nombreux mais suffisamment nets peuvent

deacutevelopper un processus de deacutevalorisation sociale ou un maintien de faible valeur sociale de

territoires plus larges de nature moins intense que tout ou partie des grands ensembles qursquoils

supportent Crsquoest drsquoailleurs agrave partir de la notion de valeur sociale que lrsquoeffort de

conceptualisation peut ecirctre reacutealiseacute En effet elle est au cœur de la connotation plutocirct neacutegative

du terme laquo deacuteclin raquo dans lrsquoexpression deacuteclin social urbain Car le deacuteclin qui peut deacutesigner des

changements sociaux marqueacutes par la reacuteduction quantitative ou qualitative de certains faits ou

de certaines caracteacuteristiques sociales nrsquoest pas exempte drsquoenchevecirctrement possible avec des

jugements de valeurs implicites ou encore des jugements de faits ambivalents

Le deacuteclin selon le Larousse 2005 deacutesigne la diminution de grandeur ou de valeur Pour un

espace urbain que qualifie-t-on par cette notion Par exemple quelle signification peut-on

attribuer agrave la proleacutetarisation drsquoune zone urbaine primitivement composeacutee de couches sociales

moyennes du fait des changements drsquoordre eacuteconomique ou urbain en termes de constructions

de fonctions et drsquoactiviteacutes composant la zone Ce changement reacutevegravele-t-il la fin drsquoune peacuteriode

laquo heureuse raquo pour la zone elle-mecircme ou plutocirct une eacutevolution positive de promotion pour les

couches modestes lrsquoinvestissant Tout deacutepend donc du point de vue pris en compte pour

reacutealiser cette eacutevaluation Ce qui signifie qursquoil faille ecirctre preacutecis sur la deacutemarche de qualification

et sur les critegraveres utiliseacutes pour juger drsquoun deacuteclin social urbain drsquoune ville ou drsquoune partie de

celle-ci

Par ailleurs lrsquoexpression laquo deacuteclin social urbain raquo comportant deux adjectifs juxtaposeacutes sans

eacuteleacutement de liaison est certainement aussi eacutequivoque deacutesigne-t-elle un laquo deacuteclin social dans

lrsquourbain raquo ou un laquo deacuteclin social et urbain raquo En effet les eacuteleacutements fonctionnels et physiques

drsquoun espace construit peuvent ne pas eacutevoluer alors mecircme que des changements sociaux

lrsquoaffectent structures des meacutenages types de relations sociales culture et mode de vie mode

drsquousage et de perception des eacuteleacutements et des fonctions de lrsquoespacehellip Cependant

lrsquointerdeacutependance forte et multiforme des deux matiegraveres le social et lrsquourbain porte agrave

consideacuterer que le deacuteclin de lrsquoun ne va pas sans celui de lrsquoautre et vice et versa Enfin cette

expression ne semble pas avoir eacuteteacute lrsquoobjet drsquoune deacutefinition preacutecise entre le deacuteclin urbain des

urbanistes ou drsquoautres analystes (historiens eacuteconomistes sociologueshellip) srsquointeacuteressant agrave la

ville et le deacuteclin deacutemographique des villes des deacutemographes une deacutefinition plus preacutecise du

406406

deacuteclin social urbain existe-t-elle ou encore une formulation de sa signification a-t-elle eacuteteacute

entreprise

Il existe effectivement une certaine polyseacutemie qui caracteacuterise drsquoabord la seule notion de deacuteclin

urbain Une premiegravere approche est celle de Jacques Beauchard (1993) qui met plutocirct en avant

des paramegravetres politico-institutionnels et eacuteconomiques qui reacuteduisent la capaciteacute des villes agrave

constituer des uniteacutes politiques drsquointeacutegration sociale La dispersion des eacuteleacutements fonctionnels

mateacuteriels et sociaux des villes enteacuterineacutee par le deacutepart de populations et drsquoentreprises vers les

zones peacuteripheacuteriques engendrerait une impression laquo drsquoeacuteclatement raquo de celles-ci ce que de

nombreux observateurs rapportent degraves la fin des anneacutees 1980 selon un mode meacutetaphorique

avec une multiplication de termes synonymes (laquo coupures raquo laquo clivages raquo laquo fragmentations raquo

laquo divisions raquohellip) Jacques Brun (2008) eacutevoque agrave ce sujet un effet drsquo laquo hysteacuterisation raquo du

discours analytique sur les transformations urbaines exigeant drsquoexaminer plus preacuteciseacutement les

notions utiliseacutees

En fait selon un ouvrage collectif de reacutefeacuterence ayant mis en avant ce qualificatif (Haumont

Levy 1998) il srsquoagissait de rendre compte des effets rapides et forts des changements

eacuteconomiques sociaux et urbains sur la notion de ville au profit de la notion drsquourbain le

fractionnement ou la mosaiumlque des espaces urbains mis en avant par lrsquoexpression laquo eacuteclatement

de la ville raquo peut paraicirctre abusif pour signifier le mouvement de deacutestructuration des formes

drsquouniteacute urbaine anteacuterieures les diffeacuterences et les conflits nrsquoentraicircnent pas neacutecessairement la

deacutesagreacutegation des socieacuteteacutes urbaines et ils peuvent masquer des structures et des reacutegulations

nouvelles mal identifieacutees Ainsi cette expression se reacutefegravere agrave un processus de fragmentation

morphologique crsquoest-agrave-dire de dislocation de lrsquouniteacute mateacuterielle fonctionnelle et politique des

villes entraicircnant ainsi une perte drsquoidentiteacute en tout cas une destruction de leur coheacutesion

sociale (Brun 1998) La vitesse de deacuteveloppement des villes aurait un effet drsquoaugmentation

des problegravemes sociaux et des tensions entre les groupes effet perccedilu comme signe de

laquo menace raquo sur le laquo lien social raquo

Il est mecircme poseacute en postulat pour limiter la taille des villes nouvelles afin drsquoassurer

lrsquointeacutegration la mixiteacute sociale et lrsquoharmonie entre emplois consommation et habitat Ainsi le

thegraveme de la ville laquo eacuteclateacutee raquo reacuteveacutelerait en creux une vision ideacutealiste de la ville moyenne sans

seacutegreacutegation (ou faible) aux parties solidement unies sans contradictions ni ineacutegaliteacutes sociales

et spatiales En reacutealiteacute les problegravemes drsquointeacutegration et drsquoexclusion y apparaissent tout autant

que dans les grandes villes Lrsquoexemple des communes de grands ensembles de notre

recherche le confirme qursquoelles appartiennent agrave des grandes agglomeacuterations (Les Ulis

407407

Rillieux-la-Pape) ou qursquoelles en soient plus eacuteloigneacutes (Mourenx Behren-legraves-Forbach

Fareacutebersviller Pierrelatte et Bagnols-sur-Cegraveze)

Par ailleurs ce thegraveme ne reacutevegravele-il pas les questions que se posent les responsables politiques

les technocrates voire les chercheurs alors que les citoyens ne se posent pas ou peu la

question de lrsquoidentiteacute de la ville notamment les plus pauvres ayant une faible mobiliteacute

spatiale et ne se sentant souvent mecircme pas citoyens de leur propre commune De leur cocircteacute

les plus aiseacutes et plus mobiles qui srsquoaccommodent de la fragmentation architecturale

fonctionnelle et sociale de lrsquoespace agrave lrsquoaise dans leur quartier et dans la ville ont-ils une

image plus claire de celle-ci et quelle signification lrsquohabitation dans tel ou tel quartier a-t-elle

pour eux En outre srsquoil nrsquoapparaicirct pas de reacuteelle laquo crise de la ville raquo ou laquo des quartiers raquo au

sens de rupture qualitative systeacutematique et globale il reste inteacuteressant selon Jean-Pierre Leacutevy

(1998) qui a eacutecrit la postface du mecircme ouvrage collectif drsquoappreacutecier les reacuteels changements et

lrsquouniversaliteacute de certains drsquoentre eux tout en ne surestimant pas les conseacutequences sociales de

ceux-ci

Il faut donc reconnaicirctre la laquo transformation fragmentaire raquo de la morphologie des villes

causeacutee par les changements eacuteconomiques politiques et sociaux reacutecents Celle-ci geacutenegravere des

pheacutenomegravenes de laquo pathologie sociale raquo comme la releacutegation de populations deacutefavoriseacutees la

compeacutetitiviteacute accrue de groupes sociaux pour lrsquooccupation de bons quartiers dont la

gentrification ndash ie lrsquoembourgeoisement des zones drsquoaccessibiliteacute maximale est une forme

Mais ce ne sont pas les formes urbaines qui expliquent en majoriteacute les problegravemes sociaux et

politiques comme la perte drsquoidentiteacute et drsquouniteacute de la ville Ce sont plutocirct les comportements et

les rapports sociaux qui ont une dimension urbaine et peuvent mecircme se manifester agrave travers

elle

En ce sens les conduites des cateacutegories sociales moyennes aiseacutees et modestes deacuteterminent

chacun variablement les cycles de valorisation ou de deacutevalorisation des zones urbaines selon

des dureacutees jamais deacutefinitives Les pratiques reacutesidentielles deacutependent elles-mecircmes drsquoune part

des cycles socio-eacuteconomiques qui agissent de maniegravere complexe sur le marcheacute du travail et

sur celui du logement drsquoautre part des politiques sociales et eacuteconomiques en cours Crsquoest

pourquoi Leacutevy (1998) eacutevoque la forte laquo flexibiliteacute sociale de lrsquoespace raquo crsquoest-agrave-dire lrsquoextrecircme

souplesse drsquousage des lieux mecircme si demeure laquo lrsquoesprit raquo des lieux pour la meacutemoire

collective

Quoiqursquoil en soit pour revenir aux propos de Beauchard (1993) lrsquoeacutemigration reacutesidentielle des

cateacutegories supeacuterieures et la deacutelocalisation drsquoactiviteacutes eacuteconomiques vers les peacuteripheacuteries

408408

urbaines ont entraicircneacute deux conseacutequences neacutegatives pour les villes non seulement

lrsquoaffaiblissement de leur fonction politique inteacutegratrice mais aussi la reacuteduction des services

publics Le premier point souligne que la reacuteduction de lrsquouniteacute des villes par les mouvements

drsquoexternalisation et de diffeacuterenciation eacutevoqueacutes affaiblit leur urbaniteacute et donc leur capaciteacute

drsquointeacutegration crsquoest-agrave-dire leur fonction politique Cette eacutevolution constitue une eacutetape nouvelle

de deacutetachement de la ville par la citeacute politique dont lrsquoextension agrave la nation et aux institutions

multinationales depuis la fin des citeacutes-Eacutetats grecs en eacutetaient les premiegraveres eacutetapes

Lrsquoaffaiblissement du politique geacutenegravere outre une sur-appropriation de lrsquoespace public par le

champ eacuteconomique ndash agrave travers la publiciteacute et la privatisation de lrsquoespace ndash la hausse du repli

communautaire ou drsquounions proches de la famille pour reacuteduire la multipliciteacute jugeacutee menaccedilante

des grandes citeacutes ouvertes Lrsquoespace public devient un espace socioculturel et est davantage

menaceacute de divisions et de conflits territoriaux de toute sorte entre groupes sociaux et

ethniques regroupeacutes (Semprini 1997) Lrsquoeacuteclatement sociopolitique de la ville renvoie alors agrave

une composition sociale territoriale exalteacutee par les risques de conflits la territorialisation

possible des communauteacutes rend impossible des cohabitations physiques et le pays pourrait

alors se diviser en laquo cantons nationalistes raquo (Beauchard 1993)

La deuxiegraveme conseacutequence de lrsquoeacutemigration hors des centres-villes des classes moyennes et

supeacuterieures et des activiteacutes eacuteconomiques est la reacuteduction de la capaciteacute des villes agrave fournir des

services au public ce qui renforce les divisions sociales par le recours neacutecessaire agrave la

solidariteacute sociale territoriale et ethnique entre individus Lrsquoextension urbaine avec le vidage

de ses eacuteleacutements internes vers la peacuteripheacuterie deacutevitalise la ville sur le plan des activiteacutes et donc

de ses recettes fiscales pour les administrations avec des risques drsquoendettement Les capaciteacutes

drsquooffre de services de biens et drsquoeacutequipements communs et publics sont donc reacuteduites limitant

ainsi la participation sociale aux sphegraveres de la production et de la reproduction de la socieacuteteacute

Les villes subissant ce deacuteclin marginalisent socialement leur population en tout ou partie

Marie-Christine Jaillet-Roman (2006) preacutecise drsquoailleurs que ces effets de deacuteclin socio-

politique de lrsquoextension urbaine srsquoobservent geacuteographiquement aux deux points du

mouvement dans lrsquoespace drsquoune part au niveau des villes-centres de deacutepart laissant des

secteurs abandonneacutes et deacutegradeacutes que ne peut ou ne veut investir le champ eacuteconomique

drsquoautre part au niveau des communes peacuteripheacuteriques drsquoarriveacutee ougrave des regroupements

intercommunaux socialement homogegravenes fragmentent lrsquoespace peacuteriurbain avec le refus de la

participation de communes ayant un profil social majoritaire infeacuterieur Ainsi lrsquoextension

urbaine avec la migration des cateacutegories supeacuterieures et moyennes et la deacutelocalisation des

409409

activiteacutes industrielles modernes en peacuteripheacuterie des villes signifie aussi un transfert de

centraliteacute sociale dans certaines banlieues et certains espaces peacuteriurbains anciens Cette

eacutevolution en dispersion des centres meacutetropolitains produit un effet laquo archipel raquo sur le plan de

la reacutepartition spatiale des composantes urbaines Les espaces peacuteripheacuteriques se recomposent

selon des modaliteacutes seacutelectives et compeacutetitives de collaboration intercommunale traduisant la

tendance accrue agrave la quecircte drsquoentre-soi territorial des classes moyennes et supeacuterieures (Maurin

2004)

De leur cocircteacute les communes peacuteripheacuteriques et les secteurs centraux des villes les plus deacutegradeacutes

et deacutevaloriseacutes constituent les supports territoriaux drsquoorientation des seacutegreacutegations socio-

urbaines Ces espaces marginaliseacutes par les cateacutegories dirigeantes comportent les structures

drsquohabitat et les structures sociales les moins valoriseacutees grands ensembles drsquohabitation et

lotissements pavillonnaires deacutegradeacutes ou encore quartiers centraux veacutetustes Jaillet-Roman

(2006) confirme ainsi que ce meacutecanisme de deacuteveloppement urbain accentue les ineacutegaliteacutes

territoriales et geacutenegravere pour les espaces deacutevaloriseacutes de faibles capaciteacutes eacuteconomiques

drsquointeacutegration et drsquooffre de services publics ce qui contribue au sein des populations reacutesidentes

au malaise au deacutenuement et agrave la frustration Selon lrsquoauteure la hausse des votes protestataires

(Front National) ou de la violence individuelle et collective en sont des signes

Ces deux approches sociopolitique et geacuteographique de lrsquourbain convergentes sur les constats

drsquoeacutevolution des qualiteacutes sociales des espaces consacrent en partie le lien entre cadre urbain et

cadre politique et identitaire drsquointeacutegration sociale par lrsquointermeacutediaire des rapports sociaux

locaux Crsquoest bien lrsquoeacutechelon communal drsquoabord puis dans une moindre mesure le niveau

intercommunal qui offre un exercice maicirctrisable du pouvoir et du controcircle deacutemocratique

pouvant reacutesister drsquoailleurs agrave lrsquoeacutevolution laquo chaotique raquo des meacutetropoles drsquoappartenance Celles-

ci en effet ne comportent pas souvent une assembleacutee eacutelue au suffrage direct pouvant

maicirctriser leur deacuteveloppement eacuteconomique et social et donc leur identiteacute (Beauchard 1993)

Quoiqursquoil en soit les deux approches reacutevegravelent les effets seacutegreacutegatifs des conduites

reacutesidentielles et eacuteconomiques les flux priveacutes de capitaux dans lrsquoespace public coiumlncident

avec les mouvements de division sociale de lrsquoespace deacutetermineacutes par des processus de

seacutegreacutegation crsquoest-agrave-dire de diffeacuterenciation de la reacutepartition spatiale de lrsquohabitat des diffeacuterents

groupes sociaux deacutefinis notamment par leur positions sociales mais aussi par leur identiteacute

sociale et ethnique en fonction de rapports sociaux etou drsquoineacutegaliteacute de place dans la

hieacuterarchie des structures sociales (Brun 2008)

410410

Cette approche du deacuteclin urbain en tant que pheacutenomegravene geacuteneacuterant un affaiblissement de la

capaciteacute de lrsquoespace agrave reacutealiser de lrsquointeacutegration sociale est aussi celle de Wacquant (2007) Il en

deacutecrit quatre critegraveres dans lrsquoanalyse du passage des ghettos laquo traditionnels raquo noir-ameacutericains agrave

des laquo hyper-ghettos raquo il mecircle drsquoabord deux dimensions plus geacuteographiques et macro-urbaine

que sont la configuration spatiale et la position structurale et fonctionnelle des quartiers des

secteurs ou des zones concerneacutes dans la socieacuteteacute urbaine puis il invoque deux aspects plus

politiques et sociaux crsquoest-agrave-dire leur composition institutionnelle et deacutemographique

(structure sociale des peuplements guideacutee par les meacutecanismes institutionnels et de marcheacutes

immobiliers de logement) et le veacutecu de leurs habitants (les expeacuteriences et les relations

sociales quotidiennes)

Les changements dans ses domaines ont drsquoailleurs des causes essentiellement externes selon

lui par la transformation du systegraveme de forces eacuteconomiques sociales et politiques modelant

les territoires sociaux et symboliques des habitants Les effets internes de ces changements

concernent lrsquoordre social de la collectiviteacute concerneacute avec une organisation sociale diffeacuterente

du fait de lrsquoinseacutecuriteacute eacuteconomique et sociale de la forte hostiliteacute raciale et de la constante

stigmatisation publique Il eacutetablit ainsi une liste de pheacutenomegravenes caracteacuteristiques du deacuteclin des

ghettos reacuteveacutelant la laquo transformation du tissu eacuteconomique et social raquo (p 64) agrave plusieurs

niveaux et selon plusieurs aspects deacutegradation physique (deacutelabrement) et commerciale des

espaces et difficulteacutes sociales des meacutenages (seacuteparation eacutechec scolaire isolementhellip)

favorisant la violence de rue et lrsquoinseacutecuriteacute multiforme des habitants Ces eacuteleacutements poussent

les personnes dans une eacuteconomie de survie mais aussi de lutte dans les rapports sociaux pour

plus drsquoautonomie sociale ce qui neacutecessite parfois de la violence pour la conserver (logique de

protestation politique valoriseacutee par Lapeyronnie (2008))

Agrave titre illustratif des difficulteacutes et de la violence croissantes pour reprendre le cas de Clichy-

sous-Bois eacutevoqueacute par son maire (Dilain 2007) celui-ci peacutediatre de meacutetier a consigneacute la

laquo peur panique raquo des Clichois envers les trois collegraveges de la ville qui ont des parts importantes

drsquoeacutelegraveves redoublants jusqursquoagrave 24 drsquoeacutelegraveves en classe de 3egraveme contre 12 en Seine-Saint-

Denis Et pour reacutegler les troubles du caractegravere et du comportement de certains jeunes en

difficulteacutes le seul centre meacutedico-psychologique (CMP) pour enfant et jeunes de la ville qui

demandait trois agrave six mois de deacutelai pour un rendez-vous a fermeacute pour des raisons

laquo mysteacuterieuses raquo alors que trois CMP sur la ville seraient neacutecessaires selon lui Le repli vers

les CMP de communes voisines preacutesentent maintenant des deacutelais drsquoattente plus grands encore

De mecircme pour le dialogue entre les eacutecoles et les parents eacutetrangers les traducteurs manquent

411411

ainsi que du temps aux enseignants souvent jeunes et inexpeacuterimenteacutes Comment alors dans

ces conditions limites prendre en charge des souffrances familiales leur agressiviteacute et lrsquoeacutechec

scolaire des enfants

Ce teacutemoignage deacutemontre lrsquointerdeacutependance des eacutevolutions des composantes sociales et

institutionnelles des territoires par exemple la ghettoiumlsation de lrsquoeacutecole renforce celle des

quartiers et inversement aussi le contexte geacuteographique et social nrsquooffre pas drsquointeacuterecirct agrave

lrsquoinstallation drsquoactiviteacutes eacuteconomiques sur le territoire cette absence rend de ce fait le territoire

peu attractif socialement ou encore lrsquoabsence drsquoameacutelioration des reacuteseaux de transports en

commun faute drsquoactiviteacutes eacuteconomiques entraine reacutetroactivement des difficulteacutes de

deacuteveloppement eacuteconomique faute justement de reacuteseau jugeacute adapteacute et efficace La

dynamique drsquoun territoire se mesure donc bien agrave sa capaciteacute politique de deacutevelopper des

activiteacutes socio-eacuteconomiques pour ses habitants en organisant leur implantation leur

accessibiliteacute et en favorisant leur deacuteveloppement

Lrsquoaspect deacutemographique du deacuteclin urbain de Wacquant (2007) se reacutefegravere agrave la structure sociale

des peuplements des zones concerneacutees Celle-ci est deacutetermineacutee par les meacutecanismes

institutionnels drsquoattribution des logements sociaux et par les logiques de marcheacute immobiliers

dans le secteur priveacute En outre les eacutevolutions de situation professionnelle et familiale des

reacutesidents ont eacutegalement des effets sur les caracteacuteristiques drsquoensemble des peuplements et leur

vie sociale Un point notable releveacute est la faiblesse des niveaux de vie moyens avec un eacutecart

croissant par rapport agrave celui de la socieacuteteacute ce qui est signe drsquoune speacutecialisation sociale par le

bas de lrsquoespace comme le rappellent Marchal et Steacutebeacute (2008) qui souvent reacutesiste aux

opeacuterations de reacutenovation urbaine (Wacquant 2007)

Cette eacutevolution sociale affaiblit la structure institutionnelle interne ou celle implanteacutee agrave

lrsquoexteacuterieur mais deacutedieacutee agrave ces espaces pour leur inteacutegration sociale Par exemple une des

conseacutequences structurantes de la ghettoiumlsation pour les populations reacutesidentes est lrsquoineacutegaliteacute

croissante drsquoaccegraves aux soins par rapport aux autres quartiers qui srsquoobserve agrave travers des taux

de morbiditeacute et de deacutereacuteliction sociale en hausse (mortaliteacute violente incidence du sans-

abrisme croissante de lrsquousage des drogues et de la preacutevalence du sida) En effet la

deacutesertification urbaine comportant une reacuteduction des services de preacutevention et de protection

est une cause directe de la deacuteteacuterioration sanitaire et sociale des quartiers (Wacquant 2007

p 96)

Degraves le deacutebut des anneacutees 1990 le rapport Delarue (1991) avait eacutegraineacute des indicateurs de

deacutegradation de la vie des habitants dans les quartiers laquo sensibles raquo Au nombre de cinq ils

412412

complegravetent lrsquoapproche de la ghettoiumlsation par Wacquant (2007) et celle du deacuteclin urbain par

Beauchard (1993) Jaillet-Roman (2006) er Maurin (2004) Les formes urbaines sont

davantage mises en avant autant que le manque de dynamisme eacuteconomique pris comme une

donneacutee indeacutependamment de toute orientation politique qui y preacuteside et que les difficulteacutes des

familles paupeacuteriseacutees et de leurs enfants livreacutes agrave la deacutelinquance 1 les deacutefauts de lrsquohabitat et

de son urbanisme proche produit de lrsquoEacutetat qui aggravent les difficulteacutes sociales et

eacuteconomiques de chacun 2 lrsquourbanisme plus large agrave lrsquoeffet drsquoisolement dans le sens

drsquoenclavement et de rupture urbanistique et relationnelle des habitants par rapport au reste

des villes 3 la fragiliteacute eacuteconomique lieacutee agrave la baisse des emplois industriels et agrave la faiblesse

des commerces 4 les nombreux jeunes dont une partie subit des crises familiales et

drsquoinsertion importantes et se tournent vers la violence et 5 la paupeacuterisation des meacutenages et

le processus de deacutepart des plus fortuneacutes engendrant lrsquoarriveacutee des plus pauvres avec

lrsquoaggravation de la situation sociale globale par le prolongement de la crise eacuteconomique

Ces approches de la ghettoiumlsation et du deacuteclin urbain peuvent servir de base agrave une formulation

drsquoensemble et plus preacutecise du deacuteclin social urbain en inteacutegrant aussi les observations

empiriques et les analyses des communes de grands ensembles de la partie preacuteceacutedente De

maniegravere reacutecapitulative cinq types de pheacutenomegravene souvent interdeacutependants contribuent agrave

engendrer et caracteacuteriser un changement social de deacuteclin ou de ghettoiumlsation si les

pheacutenomegravenes se manifestent de maniegravere intense et concomitante 1 le deacutelabrement physique

de lrsquohabitat et de lrsquourbanisme proche avec un enclavement jamais corrigeacute du reste des villes

2 la reacuteduction lrsquoinadaptation voire la disparition des activiteacutes des institutions des

organisations et des structures drsquointeacutegration sociale et eacuteconomiques diverses 3 la

diffeacuterenciation de la structure sociale vers le bas de lrsquoeacutechelle sociale par les migrations

reacutesidentielles les meacutecanismes drsquoattributions de logements sociaux et de marcheacutes immobiliers

locaux et la preacutecariteacute eacuteconomique avec la paupeacuterisation drsquoune grande partie des meacutenages et

par endroit lrsquoentassement des personnes les plus pauvres dans les logements deacutegradeacutes alors

qursquoune grande partie des meacutenages stables sur le plan de lrsquoemploi quittent le secteur 4

lrsquoaccroissement des difficulteacutes sociales multiples des habitants des problegravemes sociaux ainsi

que de la deacutelinquance des plus jeunes dont une violence multiforme dans les relations

sociales et envers les institutions et 5 la deacuteteacuterioration de lrsquoeacutetat sanitaire des populations

reacutesidentes

Ces eacuteleacutements ne constituent pas un scheacutema explicatif du deacuteclin social urbain comme

Lapeyronnie (2008) a pu le faire en mettant en exergue le lien entre marginalisation sociale et

413413

rigiditeacute des relations sociales dans les familles et agrave lrsquoexteacuterieur dans les rapports sociaux

quotidiens Puisque de multiples causes externes et internes ont deacutejagrave pu ecirctre rapporteacutees dans

les parties preacuteceacutedentes notamment agrave travers lrsquoanalyse des processus croissants de

diffeacuterenciation socio-eacuteconomique politique et urbaine la formalisation conceptuelle qui est

ici proposeacutee se situe davantage au niveau drsquoune deacutefinition de la notion de deacuteclin social urbain

applicable agrave des villes-communes qui constituent des territoires deacutepassant les seuls secteurs

drsquohabitation pouvant relever de la citeacute-ghetto avec les formes les plus extrecircmes des

pheacutenomegravenes deacutecrits plus haut

Agrave lrsquoeacutechelle des villes-communes ougrave des secteurs deacutegradeacutes peuvent cocirctoyer quelques lieux

reacutesidentiels publics ou institutionnels dont les interactions sociales peuvent ecirctre plus

conformes agrave lrsquoordre social dominant les pheacutenomegravenes propres agrave la ghettoiumlsation sont moins

importants visibles et exclusifs que dans les secteurs drsquohabitation de plus petite taille

concerneacutes Crsquoest pourquoi une deacutefinition eacuteventuelle du deacuteclin social urbain visant agrave

appreacutehender les effets de la ghettoiumlsation agrave une eacutechelle territoriale plus large que les petits

secteurs drsquohabitation en difficulteacutes doit prendre en compte la population communale

drsquoensemble les eacutevolutions de ses diffeacuterents groupes drsquohabitations et de ses espaces publics

les activiteacutes des diverses structures institutionnelles eacuteconomiques et sociales destineacutees agrave la

population ainsi que les manifestations sur lrsquoensemble du territoire voire agrave lrsquoexteacuterieur de la

violence et des activiteacutes transgressives et subversives qui srsquoy manifestent Cette notion se veut

un outil drsquoappreacutehension de territoires urbains assez larges concerneacutes par les pheacutenomegravenes lieacutes

la ghettoiumlsation

Ainsi elle peut ecirctre deacutecrite comme un processus de perte de valeur symbolique drsquoune localiteacute

urbaine structureacutee en deux principaux points 1 la deacutegradation physique par le manque

drsquoentretien et de maintenance des immeubles et de lrsquoensemble mateacuteriel et infrastructurel de

lrsquohabitat faute de moyens propres des habitants et drsquoinvestissements de solidariteacute suffisants

par les gestionnaires et les pouvoirs publics et 2 une deacutegradation sociale selon trois aspects

possibles a) la paupeacuterisation et la fragilisation sociale et sanitaire de la population

reacutesidante lieacutees soit au deacutepart des cateacutegories supeacuterieures vers drsquoautres localiteacutes (pour se

rapprocher du travail des eacutequipements et des services publics etou rechercher une meilleure

qualiteacute drsquohabitat) soit agrave la preacutecarisation eacuteconomique des diffeacuterentes cateacutegories sociales (en

raison du deacuteclin du bassin local drsquoactiviteacute(s) principale(s) drsquoune qualification insuffisante

etou du racisme ou de la discrimination ethnique et sociale) ou encore agrave la faiblesse des

transferts et revenus de solidariteacute ainsi que des politiques drsquointeacutegration socio-eacuteconomique b)

414414

la reacuteduction en son sein et aux alentours des activiteacutes institutionnelles (socialisation

eacuteducation santeacute police bailleurs autres services publics) eacuteconomiques (commerces services

priveacutes et banques) culturelles et sociales (associations diverses drsquoactiviteacutes culturelles de

sport et de loisirs et sociabiliteacute de voisinage dans les espaces exteacuterieurs) c) le deacuteveloppement

drsquoactiviteacutes transgressives et subversives avec des tensions et des violences croissantes dans

les interactions sociales internes et dans les relations sociales avec lrsquoexteacuterieur deacutepassant la

capaciteacute des structures drsquointeacutegration restantes agrave y remeacutedier (eacutecole police poste associations

de quartierhellip)

Le deacuteclin social urbain peut donc se manifester selon les contextes territoriaux sur un ou

plusieurs aspects deacutecrits Plus les pheacutenomegravenes seront concomitants et intenses plus le deacuteclin

est fort et complet Agrave lrsquoinstar de lrsquoanalyse des ghettos cette deacutefinition met en eacutevidence des

pheacutenomegravenes lieacutes agrave la concentration territoriale socialement deacutetermineacutee drsquoune pauvreteacute

socialement produite Aux traits structurels et objectifs principaux deacutecrits il est aussi possible

drsquoy associer des aspects drsquoordre subjectif le repli sur soi lrsquoanomie individuelle et collective

et la deacutevalorisation identitaire en raison drsquoun manque de supports spatiaux et sociaux

favorable agrave la reacutealisation agrave la deacutefinition et agrave la reconnaissance positive de soi (Giraud 2000

Lapeyronnie 2008 Marchal Steacutebeacute 2010)

Ces attitudes peuvent coexister chez diffeacuterents individus mais aussi ecirctre adopteacutees par les

mecircmes en alternance avec des comportements et des eacutetats de conscience plus conformes aux

valeurs et normes dominantes en milieu urbain Surtout les pheacutenomegravenes deacutecrits de deacuteclin

social urbain peuvent ne srsquoaveacuterer effectifs que dans certains secteurs drsquoune ville-commune et

pas dans drsquoautres voire agrave lrsquoexteacuterieur de celle-ci puisque ce processus qui se manifeste plus

speacutecifiquement dans certaines zones comporte des pheacutenomegravenes qui pourraient ecirctre qualifieacutes

drsquolaquo a-spatiaux raquo crsquoest-agrave-dire qui ne concernent pas ou ne deacutependent pas directement de

lrsquoespace physique et mateacuteriel comme la logique drsquoaction violente de ghetto deacutecrite par

Lapeyronnie (2008)

Par exemple selon les donneacutees reacutecolteacutees dans la partie empirique de la thegravese Pierrelatte fait

partie drsquoun laquo bassin de deacutelinquance raquo (DonzegravereSaint Paul Trois ChacircteauxPierrelatte)

influenceacute selon le rapport preacutefectoral consulteacute par le deacutepartement voisin le Vaucluse Avec

trois autres bassins de mecircme nature dans le deacutepartement celui de Pierrelatte tend agrave se

propager agrave lrsquointeacuterieur de celui-ci (dont les villes de Nyons et Crest) Il est notamment eacutevoqueacute

des regraveglements de compte entre bandes de quartiers ou de communes seacutepareacutees parfois de

longues distances entre elles

415415

Dans une autre commune de lrsquoeacutechantillon eacutetudieacute Fareacutebersviller en Moselle alors que la

deacutelinquance geacuteneacuterale releveacutee est en reacutegression annuelle de 22 en 2006 cette baisse qui

semble srsquoinstaller dans la dureacutee est en partie expliqueacutee par la migration des faits deacutelinquants

vers les communes avoisinantes comme des laquo raids raquo de vols agrave la roulotte et agrave lrsquoeacutetalage

notamment sur la zone commerciale de Betting une commune voisine (non sans lien avec la

hausse du trafic de drogue jugeacutee importante sur le secteur) Une donneacutee illustre cet eacutecart

dans lrsquoensemble les mineurs repreacutesentent un quart des mis en cause dans la deacutelinquance

globale de la Citeacute

Il faut donc rappeler le caractegravere laquo contingent raquo des pheacutenomegravenes de deacuteclin comme de la

situation de ghetto (Marchal Steacutebeacute 2008 p 129) signifiant que lrsquoidentification statistique de

personnes et de meacutenages pauvres et en difficulteacutes sociales ne preacutesuppose pas neacutecessairement

lrsquoexistence de pheacutenomegravenes de violence dans la vie sociale locale ou encore de coupure et de

cloisonnement entre les sexes et les acircges par exemple Les traits eacutevoqueacutes dans la deacutefinition du

deacuteclin social urbain agrave lrsquoinstar du ghetto constituent des variables agrave renseigner dans ce sens

(deacutelinquance criminaliteacute et eacutemeutes ou violences sur les femmes et sur les enfants ou

difficulteacutes de paiement multiples voire de consommation de produits de basehellip)

Cette approche met volontairement de cocircteacute lrsquoassociation spontaneacutee entre deacuteclin urbain et

deacutecroissance deacutemographique qui nrsquoest pas eacutevidente Elle srsquoobserve le plus souvent agrave lrsquoeacutechelle

des grandes agglomeacuterations lorsque les activiteacutes eacuteconomiques sont en deacuteclin engendrant perte

drsquoattractiviteacute et de capaciteacute drsquoemploi des habitants De leur cocircteacute les petites et moyennes villes

ont plus de probabiliteacute de connaicirctre une hausse avec lrsquoaccumulation de pauvres de retraiteacutes et

de meacutenages marginaliseacutes par la cherteacute des grandes villes mecircme si elles sont aussi

notamment en France fortement exposeacutees au risque de baisse de population du fait de la

faiblesse de leur tissu eacuteconomique de leurs reacuteserves fonciegraveres ou encore de leur mauvaise

liaison aux reacuteseaux de transport et de communication (Sallez Veacuterot 1993)

La croissance par regroupement des plus pauvres reste aussi probable pour les villes

monofonctionnelles agrave activiteacutes eacuteconomiques limiteacutees sans base arriegravere de deacuteboucheacutes

alternatifs et anciens lieacutee aux activiteacutes anteacuterieures pour compenser le deacuteveloppement du

chocircmage et lrsquoexclusion des reacuteseaux sociaux pour lrsquoemploi Enfin si la laquo deacutevitalisation

urbaine raquo de grandes villes voire de reacutegions urbaines avec une baisse deacutemographique est

bien souvent lieacutee au cycle de leurs industries (Sallez Veacuterot 1993) il faut neacuteanmoins

consideacuterer que lrsquoinverse nrsquoest plus vrai la croissance de la valeur ajouteacutee est doreacutenavant

deacuteconnecteacutee de lrsquoemploi dans lrsquoeacuteconomie moderne drsquoautres facteurs sociaux et politiques

416416

drsquoinclusion et de mise agrave lrsquoeacutecart des sphegraveres productive et de reproduction sociale sont

effectivement autant si ce nrsquoest plus deacuteterminants (reconnaissance politico-institutionnelle

utiliteacute sociale discrimination sociale ou ethno-socialehellip)

La releacutegation des meacutenages les plus fragiles dans les secteurs deacutegradeacutes ne relegraveve pas

exclusivement drsquoun deacuteclin drsquoactiviteacutes eacuteconomiques speacutecifiques agrave ces zones mais aussi drsquoune

organisation sociale et spatiale plus geacuteneacuterale qui concerne la socieacuteteacute dans son ensemble mais

aussi les niveaux reacutegionaux comportant bassins drsquohabitat et bassins eacuteconomiques ougrave se jouent

lrsquointeacutegration et la reacutepartition des populations plus fragiles dans lrsquoespace global

Lrsquoanalyse des situations sociales des communes de grands ensembles de lrsquoeacutechantillon de la

troisiegraveme partie avait reacuteveacuteleacute une probleacutematique particuliegravere concernant le dynamisme

deacutemographique une tendance agrave la deacutecroissance post-construction pour lrsquoensemble de la

population communale notamment lorsque la part des grands ensembles dans le parc total de

logements est majoritaire ou quasi-exclusif Cela a eacuteteacute eacutevoqueacute aux Ulis avec par exemple les

fortes migrations reacutesidentielles de sortie et le constat de beaucoup de retraiteacutes seuls sans

leurs enfants qui ont deacutecohabiteacute ce qui a engendreacute une baisse numeacuterique notable de la

population par rapport agrave un environnement drsquohabitat pourtant en forte croissance

deacutemographique

En effet aux Ulis il a eacuteteacute releveacute un mouvement drsquoeacutemigration reacutesidentielle hors de la ville

important de 4 agrave 5 000 habitants tous les huit-neuf ans dans les deacutecennies 1980 1990 et

2000 En parallegravele le flux dimmigration reacutesidentielle aussi tregraves important dans la ville est

drsquoun niveau juste un peu infeacuterieur Il est certainement lieacute au prix de lrsquoimmobilier communal

plus bas que dans lenvironnement reacutegional composeacute drsquoespaces reacutesidentiels de maisons

individuelles plutocirct aiseacutes Le constat de baisse deacutemographique pour la troisiegraveme deacutecennie

avait drsquoailleurs eacuteteacute publiciseacute dans un article du Parisien-Essonne du 17 janvier 2007 agrave propos

des 30 ans de la creacuteation de la commune

Le journaliste reprend les propos dune publication de lINSEE laquo (la ville) est la seule (du

deacutepartement) selon les statistiques deacutevoileacutees hier par lINSEE agrave perdre une partie de sa

population De 1995 agrave 2005 la commune a perdu environ 200 habitants tous les ans raquo Et il se

demande quelle est le sens ou la signification de ce pheacutenomegravene laquo Le deacutebut dun cycle Le

signe dune mauvaise image pour cette commune-citeacute raquo Ne sait-il pas que cette tendance a

commenceacute degraves le deacutebut des anneacutees 1980 En revanche les eacutelus locaux de la majoriteacute comme

de lrsquoopposition se voient dans la neacutecessiteacute drsquoavancer des explications multiples face agrave ce qui

apparaicirct comme une caracteacuteristique originale si ce nrsquoest anormale Pour une eacutelue de la

417417

majoriteacute il srsquoagit drsquoun effet laquo pyramide des acircges raquo avec la deacutecohabitation des enfants des

premiers habitants de la ville pour un eacutelu de lopposition cherchant agrave eacuteviter le discours

stigmatisant il srsquoagit drsquoabord drsquoeacutecarter toute explication par la mauvaise reacuteputation due agrave une

deacutelinquance cest laquo relativement calme raquo une autre explication reacutesiderait en fait du cocircteacute du

manque doffre de logements priveacutes

Pour ces eacutelus une seule action devrait suffire la deacutecision de construire 700 logements priveacutes

laquo pour retrouver un solde positif dici cinq agrave huit ans raquo Cette projection est-elle raisonnable

et argumenteacutee ou ne reflegravete-t-il pas un scheacutema de penseacutee emprunt de fantasmes collectifs et

de mythes urbains de beaucoup deacutelus locaux en but avec les problegravemes sociaux

contemporains entraicircnant le deacuteclin de leur commune (Duprez Hedli 1992 Steacutebeacute 1995) Un

an plus tard les propos du maire de la ville Paul Loridant sont plus mesureacutes et plus preacutecis

quant aux actions et au projet mis en œuvre Il eacutevoque dans un entretien agrave la revue Urbanisme

dans ses laquo Chroniques de la reacutenovation urbaine raquo (Loubiegravere 2008) laquo le deacutepart des couches

moyennes et la paupeacuterisation drsquoune partie de la population raquo en deacuteplorant que les communes

avoisinantes ont un laquo pourcentage de HLM [] ridicule raquo agrave qui on nrsquoarrive pas agrave leur

laquo imposer raquo la construction alors que les Ulis en comporte laquo 53 raquo (ce qui paraicirct leacutegegraverement

excessif selon les chiffres de lrsquoINSEE qui en preacutesente 47 en 2007) Il indique un enjeu de

laquo tirer la population vers le haut drsquooffrir la possibiliteacute drsquoun parcours reacutesidentiel aux couches

moyennes raquo Les travaux de reacutenovation paraissent alors drsquoampleur reacutehabilitation

reacutesidentialisation deacutemolition et construction de logements (220 logements sociaux et 480

priveacutes) mais aussi intervention de restructuration voire de deacutemolition des centres

commerciaux de proximiteacute et du centre reacutegional Les Ulis 2

Cependant mise agrave part lrsquoameacutelioration qualitative de lrsquoexistant avec une leacutegegravere diversification

des statuts drsquooccupation dans la partie HLM du grand ensemble la seule modification

structurelle qui rompt avec ses principes morphologiques est le projet de reacuteserver des

commerces en rez-de-rue de chaque nouvelle construction ce qui engage une diversification

des fonctions dans les espaces reacutesidentiels Sur le plan urbain en reacutefeacuterence aux travaux de

Jacobs (1991) le problegraveme est qursquoil srsquoagit plutocirct drsquoeacutequipements secondaire inseacutereacutes dans un

tissu majoritairement monofonctionnel pour les habitants les moins qualifieacutes puisque la zone

drsquoactiviteacute Courtaboeuf agrave lrsquoest de la commune est centreacutee prioritairement sur le high-tech et

de lrsquoindustrie de pointe destineacutee agrave une main drsquoœuvre qualifieacutee

Il manque de nouvelles grandes fonctions primaires autre que lrsquohabitat (en production

eacutechanges ou loisirs) qui attirent les principaux flux de freacutequentation et drsquoinvestissement des

418418

espaces Lrsquoimplantation drsquoactiviteacutes eacuteconomiques beacuteneacuteficiant aux habitants pas ou peu

qualifieacutes nrsquoest pas particuliegraverement eacutevoqueacutee alors que crsquoest bien drsquoabord leur marginalisation

socio-eacuteconomique qui entraicircne la deacutegradation des structures physiques de leur habitat comme

lrsquoindiquait degraves les anneacutees 1980 Jean-Paul Lacaze (1987) ancien directeur de lrsquoAgence

nationale pour lrsquoameacutelioration de lrsquohabitat ainsi que la fermeture des commerces de

proximiteacutes pourrait-on ajouter mecircme si reacutecemment implanteacutes

Ces propos drsquoeacutelus ne relegravevent-ils pas drsquoune illusion collective telle que lrsquoa eacutevoqueacutee Norbert

Elias (1997) que les hommes deacuteveloppent pour parer aux incertitudes et angoisses des

situations preacutesentes Leur projet ne les aide-t-il pas plutocirct agrave supporter une situation difficile agrave

maicirctriser tout en favorisant le renforcement de la coheacutesion de groupe mecircme entre eacutelus

opposeacutes du conseil municipal Effectivement ils produisent un effet drsquoobjectivation des

ideacutees ndash parce que partageacutees apportant lillusion drsquoune exactitude drsquoune veacuteraciteacute ou drsquoune

rationaliteacute Face au deacuteclin symboliseacute par la deacutecroissance deacutemographique anormale dans un

environnement en croissance ces projets ne servent-ils pas agrave initier des pratiques et des

actions de caractegravere laquo semi-magique raquo pour qursquoils regraveglent les problegravemes concerneacutes

Quoiqursquoil en soit plus globalement les pheacutenomegravenes de ghettoiumlsation et de deacuteclin social

urbain doivent ecirctre compris dans leurs modaliteacutes et leurs deacuteterminants pour espeacuterer trouver

des solutions drsquoameacutelioration des situations sociales Crsquoest lrsquoobjet du deuxiegraveme chapitre

suivant de cette troisiegraveme grande partie de thegravese

Chapitre VIII

Les deacuteterminants productifs et sociaux du deacuteclin des grands ensembles

Les motivations et la vocation premiegravere des grands ensembles sur le plan ideacuteologique et

politique eacutetaient la construction de masse aux normes drsquohygiegravene et de laquo nature raquo Cependant

suite aux reacutealisations concregravetes et aux eacutemois qursquoils ont susciteacutes une reacuteaction politique

instantaneacutee srsquoest opposeacutee degraves la deuxiegraveme moitieacute des anneacutees 1950 commissions politiques et

directives du ministegravere de la Construction ont tenteacute de redresser les orientations vers plus

drsquohumaniteacute dans les zones concerneacutees jusqursquoagrave interdire ce type de production en 1973

Pregraves de quarante plus tard lrsquourbanisation fonctionnaliste de masse dans un contexte de

creusement des ineacutegaliteacutes sociales par lrsquoexclusion eacuteconomique et sociale des meacutenages les plus

419419

fragiles geacutenegravere toujours autant une mecircme fonction drsquoaccueil principal de ces derniers dans

des espaces Les communauteacutes reacutesidentes vivent ainsi dans des ambiances de ghetto dans le

sens drsquoespaces ougrave se manifestent freacutequemment des conduites transgressives et subversives

face agrave lrsquoordre social en cours rendant difficile les relations sociales internes et les possibiliteacutes

de reacutealisation de soi des habitants

Ce chapitre srsquoengage dans lrsquoanalyse des pheacutenomegravenes producteurs de ce processus de

deacutegradation perpeacutetuelle sous deux principaux aspects Le premier souvent neacutegligeacute est celui

des facteurs de la deacutevalorisation territoriale de ce type drsquohabitat apparaissant chroniques et

laquo endogegravenes raquo Ils recouvrent des eacuteleacutements formels techniques mateacuteriels et drsquoameacutenagement

mais aussi de gestion eacutetatique et priveacutee qui expliquent lrsquoeacutetat du cadre physique et fonctionnel

de lrsquoespace habiteacute Le rejet ou la deacutesaffection de ce type drsquohabitat preacuteceacutedant le deacuteclin des

industries dont deacutependait souvent leur construction (Peillon 2001) srsquoexplique drsquoabord par cet

aspect

Ces proprieacuteteacutes participent de lrsquoorientation de la reacutepartition reacutesidentielle des grandes cateacutegories

sociales aux niveaux des reacutegions urbaines ou des grandes agglomeacuterations voire des bassins

drsquohabitat Par rapport aux profils drsquoautres espaces reacutesidentiels elles influencent eacutegalement les

mouvements de seacutegreacutegation spatiale des plus pauvres en leur sein ainsi que leur

stigmatisation La deuxiegraveme partie de ce chapitre traite des divers aspects de la seacutegreacutegation

sociale engendrant un flux de peuplement des grands ensembles par les meacutenages les plus

preacutecaires ainsi qursquoune stigmatisation territoriale de ceux-ci Agrave lrsquoanalyse il apparaicirct que la

seacutegreacutegation sous ses formes drsquoapplication varieacutees constitue un paradigme drsquoanalyse

primordiale pour comprendre lrsquoeacutevolution sociale des grands ensembles et des communes qui

les comportent

A- Constructions deacutefectueuses urbanisme inadapteacute et deacuteveloppement urbain deacutefavorable

aux grands ensembles

Cette section preacutesente apregraves une introduction historique de la construction des grands

ensembles deux principaux points Le premier est le caractegravere deacutefectueux et lacunaire sur les

plans physiques spatiaux et mateacuteriels de cet habitat avec des formes architecturales et

urbaines inestheacutetiques deacutemesureacutees et peu pratiques (dans les immeubles et agrave leur exteacuterieur)

ainsi qursquoun vide drsquoeacutequipements et de services tregraves difficile agrave combler en raison drsquoune rigiditeacute

420420

reacuteglementaire des ameacutenagements et une insuffisance de densiteacute neacutecessaire agrave leur

freacutequentation Associeacutes aux caracteacuteristiques principales des meacutenages occupants souvent des

familles de jeunes couples avec de jeunes enfants et agrave lrsquoabsence des parents travaillant agrave

lrsquoexteacuterieur ce qui contribue agrave une faible freacutequentation des espaces exteacuterieurs ces eacuteleacutements ont

induit degraves les premiers peuplements une vie sociale tregraves faible peu dynamique tregraves frustrante

pour les adultes restants et les enfants grandissants concernant leur possibiliteacute de

deacuteveloppement personnel ou de reacutealisation de soi

Le second point concerne la dynamique drsquoeacutevolution des espaces urbains ou des bassins

drsquohabitat drsquoappartenance des grands ensembles dont un double mouvement a geacuteneacutereacute une

deacutevalorisation statutaire et un changement fonctionnel de ceux-ci En premier lieu il srsquoest

deacuteveloppeacute des espaces reacutesidentiels de meilleure qualiteacute mateacuterielle fonctionnelle de

localisation urbaine et de forme architecturale (habitat individuel notamment) ouvert agrave

lrsquoaccession agrave la proprieacuteteacute ce qui a inciteacute les cateacutegories aiseacutees et modestes mais stables agrave

quitter les grands ensembles pour cette offre diversifieacutee En second lieu la disparition

progressive ou la limitation des segments priveacutes et publics du parc de logement aideacute et

drsquoaccompagnement social pour les plus deacutemunis et en difficulteacutes sociales ce pheacutenomegravene a

favoriseacute une convergence des flux de logement de ces derniers vers les parties les moins

appreacutecieacutees des grands ensembles

Ces eacuteleacutements expliquent le processus de deacutevalorisation sociale qursquoa subi ce type drsquohabitat aux

yeux des citadins facilitant sa deacutegradation acceacuteleacutereacutee un deacutelaissement institutionnel relatif de

sa gestion et des relations sociales internes de cohabitation tendues en raison de la preacutesence

croissante de groupes sociaux en difficulteacutes sociales y deacuteveloppant des conduites

transgressives et subversives Ce sont ces facteurs drsquoordre constructif (lieacute agrave la construction)

urbanistique et politico-institutionnel qui ont entraicircneacute le deacuteclin social urbain des secteurs

produits et la formation de territoires perccedilus comme des laquo citeacutes-ghettos raquo tel que deacutecrits plus

haut

1 Historique sociale et politique de la construction des grands ensembles

Avant de deacutecrire les facteurs de deacutegradation physique et de deacutevalorisation sociale des espaces

reacutesidentiels de grands ensembles il est rappeleacute les eacutetapes historiques du processus

ideacuteologique politique eacuteconomique et social de leur conception de leur mise en chantier et de

421421

leur suppression dans la politique eacutetatique du logement et de lrsquourbanisme Ces eacuteleacutements

montrent la trajectoire rapide et quasi-geacuteneacuterale de la deacutesapprobation de leur production apregraves

une phase de forte adheacutesion de la classe politique au niveau national et des milieux

professionnels du logement aux principes constructifs et drsquoameacutenagement de lrsquoarchitecture

moderne des anneacutees 1920-1940

Entre drsquoune part la fin de la Seconde Guerre mondiale dont les conseacutequences mateacuterielles

deacutemographiques et financiegraveres sont avec lrsquoaction gouvernementale de Reconstruction centreacutee

sur lrsquoappareil productif agrave lrsquoorigine drsquoune crise du logement qui fucirct plus grave que celle

survenue apregraves la Premiegravere Guerre mondiale et drsquoautre part la fin effective de la construction

des grands ensembles agrave la fin des anneacutees 1970 cet urbanisme est passeacute drsquoune image ideacuteale

promue par des hauts responsables politico-administratifs et des organismes de construction

censeacutee pallier les inconveacutenients du deacuteveloppement urbain depuis lrsquoessor industriel du XIXe

siegravecle agrave des reacutealisations deacutepreacutecieacutees et rejeteacutees de plus en plus fortement au fil de leur livraison

et de leur usage

Pour rappel degraves le deacutebut des anneacutees 1950 apregraves avoir eacuteteacute deacutelaisseacutes par le premier plan de

reconstruction (Plan Monnet de 1944-1952) le mal et le mauvais logement renouvelant la

peacuteriode des taudis du XIXe siegravecle ont entraicircneacute une peacutenurie critique de logements dignes

associeacutee souvent aux principaux problegravemes sociaux et sanitaires du pays (alcoolisme

laquo inadaptation raquo et deacutelinquance juveacutenile tuberculose) (Fourcaut 2002) Le Commissariat

geacuteneacuteral au Plan chiffra alors les besoins de logements agrave construire en 1951 agrave 320 000

logements par an pendant trente ans contre 70 agrave 75 000 logements construits annuellement agrave

cette peacuteriode

Planification urbaine et organisation des diffeacuterentes entreprises de bacirctiment furent donc

engageacutees pour mettre fin agrave cette crise du logement et pour industrialiser le secteur de la

construction La voie choisie fucirct celle des logements collectifs notamment des grands

ensembles (Spinetta 1953) et la rapiditeacute de leur exeacutecution Lrsquoeacutechec par deacutepeacuterissement en un

agrave deux ans des petites citeacutes de Logements eacuteconomiques de premiegravere neacutecessiteacute (LEPN) sous

forme de maisons individuelles (pavillons en bandes) construites en 1955 dans lrsquoeacutelan de

lrsquoappel de lrsquoabbeacute Pierre lrsquohiver 1954 a renforceacute le rejet du pavillonnaire chez les acteurs

eacutetatiques contrairement pourtant aux attentes de maisons individuelles des Franccedilais reacuteveacuteleacutees

par la premiegravere enquecircte de lrsquoInstitut national des eacutetudes deacutemographiques (INED) en 1947 agrave ce

sujet

422422

Les organismes constructeurs drsquoHabitation bon marcheacute (HBM) puis drsquoHabitation agrave loyers

modeacutereacutes (HLM agrave partir de 1950) furent presseacutes par les communes et lrsquoEacutetat de bacirctir partout

ougrave les terrains disponibles le permettaient indeacutependamment de leur constructibiliteacute fixeacutee par

les normes des plans drsquourbanisme et des scheacutemas drsquoameacutenagement drsquoavant-guerre qui

deacutefendaient la preacuteservation des espaces agricoles autour des villes et la restriction de

lrsquoextension urbaine (Merlin 2010) Cette orientation constituait une reacuteaction aux abus du

lotissement pavillonnaire par des socieacuteteacutes fonciegraveres qui investissaient de vastes terrains hors

des villes et les divisaient en lots individuels sans les viabiliser et les eacutequiper comme elles le

promettaient pourtant dans leur publiciteacute Plusieurs lois de reacutegulation destineacutees agrave preacutevenir et

corriger cet urbanisme avaient drsquoailleurs eacuteteacute trop inefficaces ou trop lentes loi Cornudet de

1919 sur les premiers plans communaux drsquoameacutenagement pour eacuteviter les lotissements des

zones rurales proches des villes loi de 1924 imposant le deacutepocirct drsquoun plan de lotissement en

mairie et un quart des surfaces agrave des eacutequipements et loi Sarraut de 1928 imposant la

viabilisation des lotissements deacutefectueux

Les besoins impeacuterieux en reconstruction et en production de nouveaux logements au sortir de

la Seconde Guerre mondiale rendaient obsolegravetes non seulement la norme de limitation

spatiale mais aussi les proceacutedures reacuteglementaires opeacuterationnelles (Merlin 2010) Lrsquourgence

srsquoest imposeacutee tant pour les deacutecideurs nationaux que pour les eacutelus locaux ayant des listes

drsquoattente nombreuses de familles pauvres agrave loger Il fallait construire rapidement de tregraves

nombreux logements Une urbanisation de masse devait srsquoinstituer dans un contexte par

ailleurs marqueacute par une conception hygieacuteniste de lrsquourbanisme qui srsquoest deacuteveloppeacutee en mecircme

temps que le souci drsquoune production de masse dans lrsquoentre-deux-guerres mondiales

En 1935 lrsquourbaniste Maurice Rotival (1935) publia drsquoailleurs un article intituleacute laquo Les grands

ensembles raquo pour deacutesigner la construction de groupes drsquoHBM avec des plans drsquoameacutenagement

de grandes villes reacutepondant au souci drsquohygiegravene (laquo grandes citeacutes eacuteclaireacutees par le soleil raquo) et de

laquo nature raquo pour rompre avec la ville dense et sale (laquo au milieu de grands espaces boiseacutes (avec)

des enfants propres qui jouent sur le gazon et non pas sur le trottoir raquo)

Avec les retards accumuleacutes les destructions nombreuses et les besoins lieacutes aux mouvements

de population dans les anneacutees 1950 les caracteacuteristiques objectales des grands ensembles ne

reacutesident pas seulement dans leur aspect dimensionnel en programmant agrave un faible coucirct des

ensembles drsquoimmeubles collectifs sur un mecircme site formant plus de 500 logements seuil

devenu critegravere de la loi de 1959 creacuteant les zones agrave urbaniser en prioriteacute mais pouvant aller

jusqursquoagrave plusieurs milliers Il srsquoagit surtout de produire vite Yves Lacoste (1963) a drsquoailleurs

423423

souligneacute ce caractegravere temporel des opeacuterations par le pleacuteonasme laquo un assez bref laps de

temps raquo Cette volonteacute politique confinant agrave la preacutecipitation a autoriseacute toutes les deacuterogations

aux regravegles drsquourbanisme et de construction qui preacutevalaient

La justification se reacutefeacuterait aux difficulteacutes drsquoessor de la production drsquoHBM pour tous les

meacutenages laquo peu fortuneacutes raquo que des lois entre 1919 et 1921 visaient agrave augmenter en organisant

le secteur et en deacuteveloppant les moyens de financement qui se reacuteveacutelaient insuffisants depuis

la loi Siegfried de 1894 fondatrice en la matiegravere (precircts de la Caisse des deacutepocircts et

consignation CDC aux organismes drsquoHLM) malgreacute lrsquoaccroissement des organismes

constructeurs et la multiplication des modaliteacutes de financement aideacute par lrsquoEacutetat pour tous types

de logement individuel ou collectif en accession agrave la proprieacuteteacute et locatif les niveaux de

creacutedits restaient trop faibles pour atteindre les volumes souhaiteacutes de logements

Pour reacuteagir agrave la hauteur des enjeux mesureacutes plusieurs dispositions furent prises (Merlin

2010) La premiegravere fut lrsquoeacutedification pendant la guerre drsquoun dispositif administratif et leacutegislatif

drsquoorganisation centralisatrice de lrsquourbanisme avec drsquoune part la creacuteation drsquoune Deacuteleacutegation

geacuteneacuterale agrave lrsquoeacutequipement national en 1941 inteacutegreacutee en 1944 au ministegravere de la Reconstruction

et de lrsquoUrbanisme et drsquoautre part la loi du 15 juin 1943 approuveacutee par le Conseil drsquoEacutetat et

valideacutee agrave la Libeacuteration avec lrsquoOrdonnance du 27 octobre 1945 qui reacuteforme les regravegles

drsquourbanisme afin de privileacutegier lrsquoaction eacutetatique et de reacuteduire les pouvoirs des collectiviteacutes

locales et des particuliers La loi institua un comiteacute national et des commissions

deacutepartementales drsquourbanisme avec des circonscriptions drsquourbanisme dirigeacutees par un

inspecteur geacuteneacuteral Elle supprima le droit agrave indemniteacute des dispositions limitatives de

lrsquoutilisation du sol quand lrsquoeacutetat anteacuterieur des lieux nrsquoest pas modifieacute (empecircchant les

contestations des proprieacutetaires des lieux) Et surtout elle preacutevicirct la creacuteation de projets

drsquoameacutenagement agrave lrsquoeacutechelle communale et intercommunale agrave lrsquoinitiative des services de lrsquoEacutetat

pour lesquels les institutions locales ne sont que consulteacutees avant approbation par le Conseil

drsquoEacutetat Cette prise en main et le dirigisme qui en deacutecoule furent rendus possibles et justifieacutes

par la deacutetention des compeacutetences de lrsquoexpertise et des moyens financiers que ne posseacutedaient

pas les structures communales pour des opeacuterations de grande ampleur comme lrsquoavait montreacute

leur incapaciteacute drsquoapplication des premiers plans drsquoameacutenagement de la loi Cornudet de 1919

puis de la loi Sarraut de 1928 tentant de juguler et de viabiliser lrsquoessor du lotissement

pavillonnaire deacutefectueux drsquoapregraves la Premiegravere Guerre mondiale

424424

Une deuxiegraveme disposition de reacuteorganisation de la construction de logements sociaux et

priveacutes fut de poser les conditions financiegraveres pour le passage agrave un reacutegime industriel de

production (Merlin 2011) Une premiegravere mesure tregraves importante dans ce sens a eacuteteacute la loi du 3

septembre 1947 qui dans une peacuteriode de forte inflation (60 en 1947-1948 14 en 1948-

1949 et 10 en 1949-1950) octroya des precircts aux organismes drsquoHBM (puis drsquoHLM) avec

un taux agrave 2 sur une dureacutee de 65 ans couvrant 90 du prix plafond fixeacute par deacutecret (puis 1

sur 45 ans et 85 du prix plafond) Ces precircts drsquoEacutetat srsquoajoutant aux precircts pour les HBM

ordinaires (HBMO devenus HLMO en 1950) les HBM ameacutelioreacutes (HBMA) et les HBM-

accession (devenus HLM-accession) de la loi Loucheur de 1928 ont fortement accru les

moyens de financement du secteur et ont favoriseacute la diversification des produits laquo logement raquo

Une deuxiegraveme mesure drsquoaccroissement des moyens de financement du logement social a eacuteteacute

la mise en place en 1950 de primes et de precircts agrave la construction par le Creacutedit foncier de France

pour une autre cateacutegorie de logement social

Ceux-ci eacutetaient plus oneacutereux avec des taux supeacuterieurs agrave ceux des precircts HLM mecircme si

infeacuterieurs agrave ceux du marcheacute et beacuteneacuteficiant drsquoexoneacuterations fiscales ce mode de financement a

permis de reacutealiser par des promoteurs priveacutes ou des particuliers des produits drsquoaccession agrave la

proprieacuteteacute ou en location libre Deux autres modes de financement ont renforceacute la

diversification en introduisant de nouveaux opeacuterateurs financiers drsquoune part la loi du 24 mai

1951 autorisa les caisses drsquoeacutepargne agrave precircter aux organismes drsquoHLM et aux socieacuteteacutes de creacutedit

immobilier et drsquoautre part en 1953 deacutecision fut prise de convertir en obligation leacutegale la

libre participation des employeurs agrave lrsquoeffort de construction existant depuis 1943 (1 des

salaires des entreprises priveacutees non agricoles de plus de 10 salarieacutes cette part fut plusieurs

fois reacuteduite et a eacuteteacute fixeacute en 1992 agrave 045 )

Une troisiegraveme disposition fut neacutecessaire pour dynamiser ce secteur de la construction

lrsquoencouragement agrave lrsquoinvestissement priveacute mais aussi institutionnel dans le logement locatif et

drsquoaccession agrave la proprieacuteteacute L premiegravere mesure a eacuteteacute le renouvellement des regravegles de loyer

celles-ci ayant une incidence directe sur la production du logement locatif Contrairement agrave

lrsquoideacutee reacutepandue sur son orientation principale (Merlin 2010 p 55) crsquoest bien la loi du 1er

septembre 1948 qui a rendu la liberteacute des loyers pour les nouveaux logements (acheveacutes agrave

partir de 1949) mecircme si elle fixe toujours drsquoune part des faibles loyers (selon les surfaces

corrigeacutees par des eacuteleacutements de confort) pour des logements anciens (construits avant 1948) et

le plus souvent inconfortables (les loyers des logements plus confortables devant se

rapprocher progressivement de ceux du secteur libre) et drsquoautre part des loyers leacutegegraverement

425425

supeacuterieurs aux logements locatifs sociaux Cette valorisation leacutegislative du secteur locatif

libre aux loyers eacuteleveacutes en raison de la moderniteacute de lrsquoeacutequipement des logements est le

premier pas de lrsquoencouragement agrave lrsquoinvestissement priveacute plus geacuteneacuteral comme cela a pu

apparaicirctre degraves la loi de 1955 facilitant la coproprieacuteteacute priveacutee mais aussi agrave travers des

dispositifs leacutegislatifs successifs visant agrave lrsquoeacutequilibre des rapports entre locataire et proprieacutetaire

pour soutenir la promotion reacutesidentielle des meacutenages (eg la loi Quilliot du 22 juin 1982

drsquoeacutelargissement des droits des locataires)

En fait cette orientation de la politique du logement agrave cette eacutepoque est fondamentale plus

importante encore que la forte aide du secteur HLM qui ne fucirct que transitoire en raison de la

neacutecessiteacute drsquoeacutelever quantitativement lrsquooffre immobiliegravere mais aussi de lrsquoadapter agrave la

multipliciteacute des besoins des meacutenages modestes et moyens Globalement la finaliteacute intrinsegraveque

de lrsquoaide publique au logement depuis ses origines est centreacutee sur lrsquoaide agrave lrsquoaccession agrave la

proprieacuteteacute y compris lrsquoaccession sociale agrave celle-ci quelles que soient les formes

drsquoaccompagnement agrave la promotion reacutesidentielle des meacutenages (Beacutehar Ballain 1997 Croizeacute

2009-b) aide directe de lrsquoinvestissement priveacute dans la construction de lrsquooffre immobiliegravere ou

soutien de la solvabiliteacute des meacutenages par un systegraveme drsquoaides personnelles agrave lrsquoaccegraves et au

maintien dans le logement (allocations diverses) qui incite les promoteurs agrave deacutevelopper une

offre dans le secteur libre

Une quatriegraveme disposition favorable agrave la dynamisation de la construction a eacuteteacute drsquoenclencher

lrsquoadaptation moderne du secteur opeacuterationnel celui du bacirctiment et de ses meacutethodes (Merlin

2010) LrsquoEacutetat a encourageacute la constitution de grandes entreprises industrielles de construction

et a soutenu agrave travers des organismes parapublics speacutecifiques (Comiteacute scientifique des

Travaux et du bacirctiment CSTB Institut technique du bacirctiment et des travaux publics

ITBTP) le deacuteveloppement de meacutethodes standardiseacutees et innovantes pour lrsquoaccroissement

quantitatif du niveau de production usage geacuteneacuteraliseacute du beacuteton construction de bacirctiments en

barres par une grue sur rail normalisation des surfaces et dispositions internes des logements

ainsi que des eacutequipements internes et exteacuterieurs aux immeubles

Globalement ainsi le champ des acteurs politico-administratifs financiers et techniques de ce

champ srsquoest eacutelargi et davantage organiseacute entre la fin de la guerre et le deacutebut des anneacutees 1950

Sa structure est devenue assez complegravete et diversifieacutee Tout Drsquoabord un pocircle drsquoinstances

publiques deacutecisionnelles relieacutees au MRU le Commissariat geacuteneacuteral au Plan (dont sa

commission Construction) le MRU ses directions les organismes parapublics srsquooccupant

drsquoaspects techniques et industriels et aussi drsquoautres ministegraveres concerneacutes chacun

426426

427427

partiellement par lrsquourbanisation et ses conseacutequences (Travaux publics et transports Industrie

et commerce Postes et teacuteleacutecommunication Justice Inteacuterieurhellip)

Puis se trouvent un pocircle financier avec des organismes publics et priveacutes multiples comme

des banques traditionnelles et surtout la Caisse des deacutepocircts et consignations Il faut aussi

compter dans ce champ sur lrsquoexistence drsquoautres grands maicirctres drsquoouvrage de la construction

indeacutependant de lrsquoEacutetat mecircme si celui-ci les finance en partie lrsquoUnion des feacutedeacuterations

drsquoorganismes HLM (dont la filiale de la CDC la Socieacuteteacute centrale immobiliegravere la SCIC

depuis 1954 speacutecialiseacutee dans les logements sociaux et devenue Icade en 2003) et les

organismes de lrsquoOffice central interprofessionnel du logement (constructeurs des entreprises

priveacutees) ainsi que drsquoautres associations patronales de financement du logement ouvrier Par

ailleurs un rocircle influent dans lrsquoeacutevolution du champ de la construction est tenu par les grandes

associations de professionnels drsquoeacutelus et drsquoindustriels qursquoelles soient speacutecifiques (architectes

urbanistes distributeurs drsquoeau Feacutedeacuteration nationale du bacirctimenthellip) ou mixtes regroupant

des eacutelus et des hauts fonctionnaires (comme le Centre national pour lrsquoameacutelioration de

lrsquohabitat)

Par ailleurs un pocircle drsquoacteurs est tout autant structurel dans le champ urbain mecircme si son

rocircle a eacuteteacute affaibli par lrsquoEacutetat les collectiviteacutes locales (communes et deacutepartement) surtout

celles situeacutees au sortir de la Seconde Guerre mondiale dans les reacutegions les plus urbaniseacutees

(reacutegions parisienne lyonnaise et marseillaise) etou dans les deacutepartements du nord et de

lrsquoouest du pays ayant subi le grand nombre de destructions pendant la guerre Elles peuvent

participer fonciegraverement ou financiegraverement aux projets et entendent ainsi peser dessus

notamment quand des proceacutedeacutes techniques expeacuterimentaux peuvent apparaicirctre hasardeux et

menacer le creacutedit politique des eacutelus

Enfin une derniegravere partie drsquoacteurs indeacutependants interviennent indirectement mais de maniegravere

structurelle sur les orientations du champ les instances internationales qui produisent et

valident des normes constructives qursquoelles soient des structures drsquoencadrement du Plan

Marshall (Organisation europeacuteenne de coopeacuteration eacuteconomique OECE et Organisation des

nations-unies ONU105) ou qursquoil srsquoagisse de pays voisins voire plus eacuteloigneacutes et inscrits dans

les mecircmes processus (lrsquoUnion des Reacutepubliques socialistes sovieacutetiques URSS par exemple)

Cette architecture renouveleacutee du champ a permis au MRU malgreacute la prioriteacute du premier Plan

de modernisation et drsquoeacutequipement national (1947-1951) sur les industries lourdes de

105 En effet les premiers programmes de construction de groupes de logements collectifs selon des meacutethodes de production industrialiseacutee suivirent les recommandations du Comiteacute de lrsquoHabitat de lrsquoONU

commencer degraves 1951 des programmes de construction deacutenommeacutes drsquoabord laquo secteur

industriel raquo (Legoullon 2005)

Par la suite de multiples proceacutedures et laquo produits logements raquo apparurent notamment agrave partir

du Plan Courant de 1953 (du nom du ministre de la Construction de lrsquoeacutepoque Pierre Courant

qui ficirct voter la loi correspondante cette anneacutee) Ce plan institua la pratique de la

programmation normaliseacutee de la production de logements avec des plans types de groupes

drsquohabitation (les plans-masses) ainsi que des normes standardiseacutees de mateacuteriaux de

configuration spatiale et drsquoeacutequipements techniques et fonctionnels souvent inspireacutees de la

part des architectes et des responsables politico-administratifs nationaux de normes morales et

politiques reacutefeacutereacutees agrave des modes de vie de communauteacutes ou drsquoinstitutions reacutegleacutees (militaires

religieuses hospitaliegravereshellip) (Croizeacute 2009-a) Il y eut drsquoabord les logements eacuteconomiques

normaliseacutes (LEN) agrave cocircteacute des Logements eacuteconomiques (LOGECO) eux-mecircmes compleacuteteacutes agrave

partir de 1955 par des Logements populaires et familiaux (LOPOFA)

Ces deux derniers produits qui ont constitueacute un mode de financement des premiers grands

ensembles de qualiteacute de construction plutocirct meacutediocre (Merlin 2010 p 154) eacutetaient drsquoailleurs

destineacutees agrave de lrsquoaccession agrave la proprieacuteteacute ou de lrsquoinvestissement locatif priveacute avec des

financements hors systegraveme HLM par le biais de primes et de precircts du Creacutedit foncier de

France (CFF) (taux infeacuterieurs agrave ceux du marcheacute mais supeacuterieurs agrave ceux des precircts HLM

ouvrant droit par ailleurs agrave des exoneacuterations fiscales) Les proceacutedures suivantes ont plutocirct

concerneacute principalement le secteur HLM Logements de premiegravere neacutecessiteacute (LPN) en 1954

Logements-foyers agrave partir de 1960 Immeubles agrave loyer normal (ILN) Programmes sociaux de

relogement (PSR) et Programmes agrave loyer reacuteduit (PLR) en 1961 Programmes sociaux

speacuteciaux (PSS) en 1964 et Programmes de reacutesorption de lrsquohabitat insalubre (PRI) ainsi que

les logements laquo precircts agrave construire raquo en 1970

Cette eacutevolution rapide de la construction ne srsquoexerccedila pas que dans le secteur HLM Degraves 1966

lrsquoEacutetat diminua partiellement son financement en le remplaccedilant par la mobilisation de fonds

priveacutes des caisses drsquoeacutepargne et des comptes courants postaux qui furent rassembleacutes avec des

creacutedits publics dans une caisse de precircts aux HLM (fondue en 1986 dans la CDC) Sur le plan

de la production la part du secteur HLM a eacuteteacute somme toute minoritaire dans cette peacuteriode de

forte construction des anneacutees 1955-1975 par exemple si entre 1953 et 1957 le logement

aideacute toutes cateacutegories confondues (HLM locatives ou en accession agrave la proprieacuteteacute Logecos

primes et precircts du CFF reconstruction) dominait avec 92 des 274 000 logements acheveacutes

en 1957 (contre 84 000 en 1953) le secteur speacutecifique des HLM locatives eacutetait faible 55 000

428428

429429

logements en 1957 soit 22 du total des logements aideacutes et 18 du total de la construction

(Merlin 2010 p 66)106

Au cours des anneacutees 1960 dans un rythme plutocirct effreacuteneacute de construction avec un doublement

des logements produits entre 1957 (274 000) et 1973 (556 000) si les parts de logements

sociaux deviennent importantes avec par exemple 138 000 HLM en 1967 dont 107 000

HLM locatives celles-ci restent encore mineures par rapport agrave la construction totale (422 000

agrave la mecircme date) 33 pour lrsquoensemble des HLM dont 25 pour les seules locatives Et

pendant les anneacutees 1970 ces derniegraveres ne repreacutesenteront plus que 225 de la construction

alors que les HLM-accession passeront de 8 agrave 11 et le secteur libre agrave 41 contre 8 en

1957 Entre 1959 et 1967 celui-ci eacutetait passeacute de 28 000 agrave 93 0000 logements prenant aussi la

suite des Logecos supprimeacutes en 1963 agrave lrsquooccasion de la reacuteforme du CFF (87 000 uniteacutes

construites en 1959)

En 1967 57 du financement du logement venait deacutejagrave du secteur priveacute et ce taux a crucirc

depuis Cet accroissement de la part de lrsquoinvestissement priveacute et du secteur dit libre dans

lrsquooffre immobiliegravere doit eacutevidemment agrave des choix politiques continus dans ce sens comme le

plafonnement des subventions publiques et lrsquoencouragement des financements priveacutes

bancaires et drsquoeacutepargne surtout vers lrsquoaccession agrave la proprieacuteteacute pour les classes moyennes

(creacuteation de lrsquoeacutepargne-logement en 1970 pour les particuliers avec des primes doublant

lrsquoeacutepargne constitueacutee et precirct agrave un taux inteacuteressant et precircts immobiliers conventionneacutes creacuteeacutes

degraves 1971 pour les constructeurs) Ces mesures ne furent efficaces en termes drsquoinitiatives de

programmes de logements priveacutes locatifs et drsquoaccession qursquoen raison du fait que les attentes

sociales ont pu ecirctre viseacutees comme avec les projets de maisons individuelles drsquoaspect

laquo traditionnel raquo bon marcheacute et regroupeacutees en hameaux sur de petites parcelles (tel que promu

par laquo Villagexpo raquo en 1966 agrave Saint-Michel-sur-Orge dans lrsquoEssonne)

Agrave lrsquoinverse drsquoautres orientations ont pu eacutechouer faute drsquoune analyse tourneacutee vers la demande

comme les laquo chalandonnettes raquo en 1969 du ministre Albin Chalandon de lrsquoEacutequipement et du

Logement de lrsquoeacutepoque crsquoest-agrave-dire des maisons de type plus standard industrialiseacutees La

principale conseacutequence de lrsquoessor du secteur immobilier marchand a eacuteteacute outre son expansion

quantitative lrsquoindiffeacuterenciation cateacutegorielle des produits crsquoest-agrave-dire lrsquoatteacutenuation de la

106 En recalculant les parts relatives agrave partir des chiffres absolus de logements rapporteacutes par Merlin (274 000 logements totaux dont 92 de logements aideacutes et 55 000 logements sociaux locatifs en 1957) on a pu constater une leacutegegravere erreur de sa part il indique 18 au lieu de 22 de la part des 55 000 HLM locatives parmi les 92 de logements aideacutes des 274 000 logements produits en tout (soit 252 080 logements aideacutes) et 20 au lieu de 18 de la part des HLM locatives sur la construction totale

segmentation de lrsquooffre (Ballain Beacutehar 1997) La raison principale en a eacuteteacute la diminution des

financements de produits destineacutes agrave des cateacutegories particuliegraveres qui eacutetaient appreacutehendeacutees soit

selon un reacutefeacuterentiel-type de parcours reacutesidentiel lieacute aux besoins drsquoespace induit par

lrsquoagrandissement familial (du logement priveacute ancien petit et peu confortable agrave lrsquoaccession agrave la

proprieacuteteacute en passant par les logements aideacutes HLM ou non) soit selon une repreacutesentation

diversifieacutee des cateacutegories en mobiliteacute promotionnelle (travailleurs individuels retraiteacuteshellip)

La peacuteriode actuelle illustre et prolonge cette caracteacuteristique de la politique du logement elle

se base sur la reacuteforme du financement du logement de la loi Barre de 1977 Celle-ci a drsquoabord

reacuteduit les precircts aux organismes constructeurs (aide agrave la pierre) agrave deux types le Precirct agrave

lrsquoaccession agrave la proprieacuteteacute (PAP) et le Precirct locatif aideacute (PLA) Si elle a aussi creacuteeacute des

subventions pour la reacutehabilitation des logements sociaux (Prime agrave lrsquoameacutelioration des

logements agrave usage locatif et agrave occupation sociale PALULOS) et priveacutes (Prime agrave

lrsquoameacutelioration de lrsquohabitat PAH) elle a surtout adopteacute une nouvelle aide agrave la personne lrsquoAide

personnaliseacutee au logement (APL)

Celle-ci srsquoajoute aux deux aides personnelles existantes lrsquoAllocation de logement agrave caractegravere

familial (ALF) institueacutee par la loi du 1er septembre 1948 et lrsquoAllocation de logement agrave

caractegravere social (ALS) mise en place par la loi du 16 juillet 1971 pour les meacutenages non

familiaux (personnes acircgeacutees handicapeacutees jeunes travailleurs puis eacutetudiants) En 1978 en

montants de deacutepenses par lrsquoEacutetat lrsquoaide eacutetatique agrave la construction eacutetait encore deux fois

supeacuterieure agrave lrsquoaide aux personnes (ALF ALS) en 1993 elle eacutetait deux fois moins importante

(Beacutehar Ballain 1998)

Crsquoest dans ce contexte politique et historique que apregraves la Seconde Guerre mondiale malgreacute

les restrictions drsquoextension urbaine des divers plans drsquoameacutenagement nationaux et reacutegionaux

comme en reacutegion parisienne les premiers grands ensembles ont eacuteteacute construits par deacuterogation

sur des terrains non affecteacutes (Sarcelles Gennevilliers Pantin-Bobigny) Degraves 1955 en fait

lrsquoEacutetat pucirct srsquoengager dans une politique drsquourbanisation massive pour reacutepondre aux inquieacutetudes

face au redeacuteveloppement de taudis et aux besoins massifs de logement Le choix du collectif

sans forte reacuteflexion sur ses modaliteacutes et ses conseacutequences est alors opeacutereacute dans la neacutecessiteacute

pressante drsquoagir eacutevoqueacutee plus haut

Et crsquoest une loi-cadre en 1957 programmant pour cinq ans le financement de la construction

de 300 000 logements par an qui a placeacute lrsquoEacutetat au centre de lrsquoarticulation entre construction

de logements ameacutelioration de la productiviteacute du secteur du bacirctiment programmation des

430430

eacutequipements et ameacutenagement du territoire Par exemple le deacutecret du 31 deacutecembre 1958 sur

les Zones agrave urbaniser en prioriteacute (ZUP) a attribueacute au preacutefet le choix de lrsquoachat des terrains agrave

urbaniser de la localisation des groupes de plus de 100 logements et de la programmation des

eacutequipements

Les productions et les localisations effectives ont drsquoailleurs eacuteteacute varieacutees Fourcaut (2002) en a

dresseacute une typologie En premier lieu des projets ont constitueacute des villes nouvelles sur des

terrains non ou peu construits eacuteloigneacutees de tout grand centre urbain Ce cas de figure

correspondant assez nettement agrave trois communes de lrsquoeacutechantillon de notre eacutetude comparative

elles ne comportaient pas plus de 600 habitants avant les premiers travaux (voire partie 3 de la

thegravese) et elles se situaient agrave plusieurs kilomegravetres des limites des plus proches grandes

agglomeacuterations Mourenx avec 2 500 nouveaux logements construits pregraves du gisement de

gaz de Lacq Behren-legraves-Forbach et Fareacutebersviller dont les 3 000 logements des grands

ensembles sont destineacutes aux mineurs de Lorraine

Dans cette cateacutegorie Fourcaut (2002) inscrit Bagnols-sur-Cegraveze qui fait partie de notre

eacutechantillon mais qui bien que situeacutee agrave une cinquantaine de kilomegravetres de Nicircmes et seacutepareacutee

par un espace rural et agricole comprend pourtant avant les nouveaux grands ensembles pregraves

de 5 000 habitants et un petit tissu urbain ancien et de qualiteacute en lien avec une histoire

eacuteconomique seacuteculaire lieacutee aux grandes agglomeacuterations voisines (dont Marseille aussi)

Agrave partir du milieu des anneacutees 1950 pendant vingt ans 2 500 logements y ont eacuteteacute eacutedifieacutes par

grands quartiers autour de la ville pour loger les personnels du centre nucleacuteaire de Marcoule

(recherche sur le nucleacuteaire militaire et deacuteveloppement de la filiegravere graphite-gaz par le

Commissariat agrave lrsquoeacutenergie atomique) Ce cas de figure est plutocirct en position intermeacutediaire avec

la deuxiegraveme cateacutegorie de la typologie des lieux et contextes drsquoimplantation des grands

ensembles selon Fourcaut (2002) celle des quartiers entiegraverement neufs de villes ou de

communes de banlieues et qui dans lrsquoesprit de Fourcaut sont certainement de plus grande

taille deacutemographique que Bagnols (exemple Strasbourg avec le grand ensemble de la

Canardiegravere Lyon avec celui de La Duchegravere ou encore lrsquoagglomeacuteration formeacutee par Pantin et

Bobigny pour les Courtiliegraveres) Enfin troisiegraveme type de contexte drsquoimplantation des grands

ensembles celui des tissus anciens drsquoagglomeacuteration ougrave des citeacutes nouvelles ont eacuteteacute bacircties

comme agrave Bagneux agrave Eacutepinay-sur-Seine ou agrave la Courneuve dans lrsquoeacutelan parfois drsquoopeacuterations de

reacutenovation urbaine drsquoicirclots insalubres avec pour effet drsquoimplanter des tours de logements en

pleine grande ville comme lrsquoicirclot de la Biegravevre agrave Paris et ceux de Saint-Joseph et des

Aygalades agrave Marseille

431431

Les trois autres communes de notre eacutechantillon partagent la position intermeacutediaire de

Bagnols-sur-Cegraveze dans cette typologie geacuteographique En effet pour Pierrelatte et Rillieux les

sites bien qursquoagrave quelques distances des grandes agglomeacuterations dont elles sont proches

(Monteacutelimar et Avignon pour la premiegravere Lyon pour la seconde) sont sur des territoires

ayant un peuplement et une histoire urbaine ou de gros village anciens lrsquoessor drsquoactiviteacutes

commerciales artisanales ou de production voire industrielles les a transformeacute en petite ville

Pierrelatte connucirct 3 200 habitants en 1946 et 3 400 en 1954 3 300 et 4 200 pour Rillieux-la-

Pape qui est agrave lrsquoeacutepoque encore scindeacutee en 2 avec une partie devenue Creacutepieux en 1927 (avant

drsquoecirctre reacuteunie en 1972)

Pour Les Ulis la situation intermeacutediaire est autre bien qursquoappartenant agrave la reacutegion parisienne

et inclut dans le systegraveme productif de la capitale elle ne se situe qursquoagrave quelques kilomegravetres au

sud de Palaiseau dans le nord de lrsquoEssonne agrave la limite des territoires communaux

pavillonnaires voisins de Gif-sur-Yvette et drsquoOrsay sur un plateau agricole deacutesert

drsquohabitation au sortir de la guerre Son caractegravere est celui drsquoune ville creacuteeacute ex nihilo isoleacutee

bien que deacutependante de la dynamique parisienne sur les plans deacutemographiques socio-

eacuteconomiques et politiques Elle nrsquoest pas un quartier drsquoune grande commune ou drsquoune

agglomeacuteration de banlieue existante

Quoiqursquoil en soit une fois commenceacutes les diffeacuterents chantiers de grands ensembles selon des

multiples modaliteacutes les critiques techniques et sociales sur cet urbanisme furent tregraves rapides

En septembre 1957 une commission sur laquo Les problegravemes de la vie dans les grands ensembles

drsquohabitation raquo est installeacutee sous la preacutesidence de Pierre Sudreau encore commissaire agrave la

Construction et agrave lrsquoUrbanisme pour la reacutegion parisienne avec diffeacuterents experts et

repreacutesentants de la vie sociale Heacutelegravene Gordon-Lazareff directrice du Journal Elle Jacques

Henri-Labourdette architecte de Sarcelles ou encore des repreacutesentants de la SCIC de

lrsquoUnion nationale des associations familiales (UNAF) et des HLMhellip Deacutejagrave les questions

drsquoeacutequilibre social des groupes drsquohabitation de 5 000 agrave 15 000 habitants se posent lorsque la

majoriteacute de ces derniers est issue de programmes drsquoeacuteradication des taudis composeacutee de

familles ouvriegraveres et employeacutees souvent nombreuses

Devenu ministre de la Construction et de lrsquoUrbanisme en 1958 Pierre Sudreau forma un

groupe de reacuteflexion sur les grands ensembles En octobre 1958 le ministegravere de la

Construction reacutedigea agrave lrsquoaide drsquoexperts (geacuteographes sociologues deacutemographeshellip) une

premiegravere laquo Note relative agrave lrsquooptimum deacutemographique et social des grands ensembles

drsquohabitation raquo Des eacutetudes statistiques sont aussi demandeacutees pour deacuteterminer une laquo juste

432432

reacutepartition des familles [hellip] des cateacutegories socioprofessionnelles voire des nationaliteacutes et des

races raquo ce dernier terme eacutetant reacuteveacutelateur des repreacutesentations de la diversiteacute humaine dans la

sphegravere politico-administrative franccedilaise agrave cette eacutepoque voire parmi les scientifiques socio-

humains

Ici prend forme la genegravese contemporaine de lrsquoideacutee de mixiteacute sociale dans le champ des

politiques urbaines qui perdure jusqursquoagrave nos jours Deacutejagrave agrave cette eacutepoque elle est souhaiteacutee par

les deacutecideurs et maicirctres drsquoœuvre alors mecircme qursquoil est su qursquoelle nrsquoest pas deacutesireacutee par les

habitants reacuteactions et observations sociales multiples puis recherches plus meacutethodiques et

approfondies cumuleacutees montrent les mecircmes reacuteticences au meacutelange social lorsque celui-ci

impose une promiscuiteacute avec des eacutecarts de valeurs et de modes de vie trop larges pour les

personnes

La thegravese de Clavel (1998) concernant les seuls groupes de cateacutegories ouvriegraveres et employeacutees

dans leur rapport aux reacutesidents de citeacutes de transit montre lrsquoextrecircme sensibiliteacute des meacutenages agrave

se distinguer symboliquement des cateacutegories immeacutediatement infeacuterieures sur le plan social et

les tensions qui se produisent dans les rapports sociaux en raison de cette lutte symbolique

pour les apparences Cette volonteacute de distinction eacutetonne puisque certains reacutesidents des citeacutes de

transit occupent des positions sociales similaires agrave leurs voisins deacutedaigneux ont des activiteacutes

professionnelles et des modes de vie tregraves proches de ceux-ci hormis leur type de logement

Lrsquohabitat constitue donc un paramegravetre drsquoimportance sur le plan de la formation des identiteacutes

sociales ce qui nrsquoa pas eacuteteacute pris en compte dans la production des grands ensembles En outre

plusieurs questions ont eacutemergeacute successivement et simultaneacutement au cours des diffeacuterentes

opeacuterations urbaines et touchent indirectement agrave la question de la mixiteacute sociale et

fonctionnelle dans ces espaces drsquoabord la taille des logements et la place des ceacutelibataires

dans les grands ensembles ensuite le logement des Nord-Africains laquo rapatrieacutes raquo vivant

depuis leur arriveacutee en garnis et en cantonnements comme celui des habitants des taudis agrave

laquo reacuteeacuteduquer raquo

Et surtout le problegraveme des eacutequipements et services drsquoanimation en tout genre pour laquo faire

communauteacute raquo et eacuteviter les risques laquo psychologiques et sociaux raquo (locaux collectifs cregraveches

maisons de jeunes citeacute paroissiale jardins drsquoenfants parcs aires de jeux commerces de

premiegravere neacutecessiteacute bureaux drsquoaide sociale maison pour personnes acircgeacutees services

administratifshellip) Ce dernier aspect en particulier nrsquoa jamais trouveacute drsquoachegravevement

satisfaisant faute de moyens reacuteels investis ce qui nrsquoest pas sans disconvenir agrave lrsquoideacuteologie de

433433

la ville moderne des architectes-urbanistes fonctionnalistes car ceux-ci la promeuvent

deacutelivreacutee des rues et de ses activiteacutes

Contre les difficulteacutes drsquoordre social qui se font jour (tensions relationnelles faible vie

communautaire et refus de la mixiteacute sociale) entre octobre 1960 et juillet 1961 le ministre

adressa quatre directives au commissaire agrave la Construction et agrave lrsquoUrbanisme pour la reacutegion

parisienne aux preacutefets aux directeurs deacutepartementaux de son ministegravere et aux architectes-

conseils Il srsquoagit de srsquoopposer agrave certaines constructions relevant drsquoerreurs laquo graves raquo qui

laquo subsisteront pendant plusieurs geacuteneacuterations raquo et de demander un soin particulier pour la

creacuteation de laquo lieux ougrave lrsquoon aime vivre ougrave lrsquoon se sente vraiment chez soi raquo Lrsquoobjectif est

drsquoorienter les constructions de maniegravere plus harmonieuse et adapteacutee aux paysages et aux

modes de vie des reacutegions concerneacutees

Il est recommandeacute la creacuteation de laquo zones sensibles raquo agrave lrsquoinverse du sens actuel de cette

expression pour y interdire les projets aberrants Guy Houist repreacutesentant de lrsquoUNAF

membre du Conseil eacuteconomique et social et des commissions drsquoeacutetude des grands ensembles

du ministegravere de la Construction relaya cette critique dans son rapport du 29 juin 1960 au

Conseil eacuteconomique et social intituleacute laquo Groupes drsquohabitation urbanisme et vie sociale raquo

choix hacirctif drsquoemplacements deacutesespeacutereacutement plats plans orthogonaux monotones forte

insuffisance drsquoeacutequipements communs et nombreuses difficulteacutes de transport manque de

finition et drsquoisolation des logements ainsi qursquoexiguiumlteacute de certaines surfaces carences drsquoun

accueil humain et habitat deacuteplorable Les conditions et les caracteacuteristiques du peuplement ont

vite rendu ces problegravemes tregraves sensibles familles nombreuses surpeuplant les logements et

uniformiteacute sociale des meacutenages geacuteneacuterant un manque de diversiteacute de ressources sociales et

culturelles en termes de milieu social drsquoorigine de niveau de qualification de domaine

drsquoactiviteacute et de statut drsquooccupation des logements

Pour Fourcaut (2002) les efforts du ministre au deacutebut des anneacutees 1960 pour laquo humaniser le

beacuteton raquo pour instaurer une vie sociale dynamique au milieu des grands ensembles furent agrave la

fois laquo utopiques raquo dans le sens drsquoirreacutealistes puisqursquoil srsquoest aveacutereacute impossible de produire des

vies sociales laquo harmonieuses et adapteacutees raquo par des seuls regraveglements et schizophreacuteniques

puisque malgreacute les inquieacutetudes le ministegravere continua agrave laisser se construire les grands

ensembles agrave eacutechelle industrielle 7 millions de logements sont construits en pregraves de 25 ans

avec pregraves de 450 000 par an dans le deacutebut des anneacutees 1970

434434

Dans ce sens le dispositif de ZUP en 1958 fut creacuteeacute pour remeacutedier aux deacutefauts de localisation

des sites (mauvaise qualiteacute des terrains et absence de desserte en transport et voie de

communication) et surtout des plans eux-mecircmes drsquourbanisation (eacutequipements ameacutenagement

spatial des immeubles et des espaces collectifs et des voierie) Globalement depuis les

premiegraveres reacutealisations aucun site nrsquoa preacutesenteacute une laquo uniteacute reacutesidentielle eacutequilibreacutees et

complegravete raquo sous-entendue comportant les eacutequipements et activiteacutes suffisantes pour lrsquoemploi

des reacutesidents ou drsquoune partie drsquoentre eux telle que deacutefinie par Maurice Rotival dans son

article fondateur en 1935 sur les grands ensembles dans LrsquoArchitecture drsquoaujourdrsquohui (ndeg 6)

La focalisation sur la fonction logement et ses eacutequipements internes et aussi sur la recherche

prioritaire de disponibiliteacutes fonciegraveres eacutevacua cet aspect pourtant primordial Crsquoest pourquoi la

creacuteation des ZUP en 1958 fut lrsquooccasion drsquoeacutetablir une grille drsquoeacutequipements dite laquo grille

Dupont raquo pour tous les grands ensembles agrave venir et ceux en voie drsquoachegravevement Elle constitua

une base de fixation drsquoeacutequipements neacutecessaires (et en surface) en fonction des nombres de

logements et drsquohabitants preacutevus LrsquoInstitut drsquourbanisme et drsquoameacutenagement de la reacutegion

parisienne en eacutetablicirct une seconde en 1967 et la publia en 1974 (Cahiers de lrsquoIAURP 1974)

plus deacuteveloppeacutee pour la planification des villes nouvelles projeteacutees

Mais les ZUP ne reacuteussirent pas agrave infleacutechir les projets vers plus de mixiteacute

fonctionnelle (Merlin 2010) les eacutequipements les plus banals commerces eacutecoles services

de proximiteacute (poste services administratifs centre social etou culturelhellip) ont toujours eacuteteacute

retardeacutes et les programmes de modernisation et drsquoeacutequipement (PME) des IVe Ve et VIe Plans

(1962-1975) programmes de rattrapage en reacutealiteacute furent pour certains supprimeacutes et pour la

plupart reacuteduits dans le contexte de la crise peacutetroliegravere de 1973

Le sous-eacutequipement srsquoinstalla sous des formes parfois de structures inteacutegreacutees polyvalentes et

modulables pour srsquoadapter agrave lrsquoeacutevolution des besoins notamment dans les communes les plus

pauvres Et cette faiblesse drsquoeacutequipements publics et de moindre qualiteacute engendre par effet

drsquoentraicircnement moins drsquoeacutequipements priveacutes commerces santeacute priveacutee (meacutedecins pharmacie

infirmiers) deacutebits de boisson et services (banques assurances voyages droithellip) La carence

des drsquoeacutequipements eacutetant conforteacutee par la faiblesse de liaison avec les autres communes ou

quartiers des communes avoisinantes susceptibles de fournir des clientegraveles suppleacutementaires

Cependant ces deacutefauts se reproduisirent imperturbablement au fil des projets continus de

lrsquoEacutetat et de ses laquo partenaires raquo qui nrsquoeurent en deacutefinitive pas de reacuteticences pour des

reacutealisations drsquoun laquo gigantisme excessif raquo (Merlin 2010 p63) Plusieurs cas deacutepassent la

435435

dizaine de milliers de logements Aulnay-Sevran Creacuteteil Vitry-sur-Seine Saint-Dizier-le-

Neuf Grenoble Toulouse ou Heacuterouville-Saint-Clair Les Ulis en comptera 9 170 en 1982

(9 414 en 1990 9 679 en 1999 et 9 475 en 2008) et Rillieux-la-Pape 10 475 degraves 1982 (11 079

en 1990 11 307 en 1999 et 11 946 en 2008) Avant les ZUP un grand ensemble avait eacuteteacute

engageacute dans cette dimension celui de Sarcelles commenceacute en 1954 preacutevu drsquoabord pour 440

logements agrave la demande du gouvernement agrave la SCIC et eacutetendu tregraves rapidement agrave de

nombreuses reprises pour atteindre plus de 12 300 logements en 1976 Degraves 1960 un plan-

masse fut drsquoailleurs commandeacute agrave Jacques Henri-Labourdette pour maintenir une uniteacute agrave

lrsquoensemble en deacuteveloppement

Celui-ci nrsquoeut pas de crainte de rompre avec les principes de la Charte drsquoAthegravenes pour reacutealiser

ce qui ne fut plus avec le changement drsquoeacutechelle qursquoune simple zone drsquohabitation mais une

ville nouvelle en creacuteant des rues en densifiant les espaces entre immeubles et en introduisant

des commerces et des services de proximiteacute (poste mairie annexehellip) ainsi que des espaces de

regroupements pour des activiteacutes culturelles cineacute-club club de lecture centre drsquoart

dramatique club des Temps nouveauxhellip avant la creacuteation drsquoun grand centre commercial en

son sein agrave partir de 1964

Toute cette programmation urbaine visait le deacuteveloppement drsquoune vie sociale satisfaisante

alors mecircme que le mal lieacute agrave son absence du fait drsquoun manque drsquoeacutequipements et drsquoactiviteacutes

sociales la laquo sarcellite raquo avait eacuteteacute deacutenonceacute en 1962 dans La vie franccedilaise (eacutedition du 22

mars) Parfois des eacutelus locaux ont pu srsquoopposer agrave ce mouvement eacutecrasant par exemple le

conseil municipal de Valenciennes et son maire Pierre Carous en 1960 avaient malgreacute les

arguments financiers de lrsquoEacutetat repousseacute le projet de grandes tours en bordure de voie rapide

des architectes Lemaresquier et Vergnaud en arguant des habitudes de logement individuel en

coron

Mise en œuvre afin de garantir des projets urbains complets et coheacuterents sur le plan de la

mixiteacute du logement des activiteacutes et des eacutequipements publics et priveacutes (pour eacuteviter les

deacuteplacements et lrsquoisolement geacuteographique des habitants) la proceacutedure ZUP nrsquoa pas reacuteussi en

sept anneacutees agrave produire une urbanisation plus correcte (Merlin 2010) la concertation entre

instances publiques (Eacutetat collectiviteacutes locales) organismes constructeurs et proprieacutetaires

fonciers priveacutes pour le financement des opeacuterations srsquoest aveacutereacutee insuffisante de mecircme que lrsquoa

eacuteteacute lrsquoinstallation drsquoactiviteacutes et drsquoeacutequipements Ce qui a conduit agrave concevoir une nouvelle

proceacutedure la zone drsquoameacutenagement concerteacute (ZAC) creacuteeacutee par la loi du 30 deacutecembre 1967

srsquoeacutetendant drsquoailleurs agrave une multipliciteacute drsquoopeacuterations drsquoameacutenagement (activiteacute tourismehellip)

436436

Neacuteanmoins tout en visant agrave renforcer le processus de pilotage des opeacuterations celle-ci nrsquoeffaccedila

pas toutes les dispositions permettant de deacuteroger de maniegravere souvent abusive au cadre

reacuteglementaire de lrsquourbanisme classique (plan drsquooccupation des sols et plan local drsquourbanisme)

Ainsi dans la continuation des opeacuterations des grands ensembles des questions et des

problegravemes multiples se sont accumuleacutes entraicircnant le renversement de leur perception Leur

systegraveme de construction et leur forme drsquourbanisation sont mecircme devenus les symboles drsquoune

crise sociale voire politique ayant conduit agrave des deacutemolitions programmeacutees degraves la premiegravere

moitieacute des anneacutees 1980 (eg 17 tours aux Minguettes entre 1983 et 1985 Gerin 2007)

En une ou deux deacutecennies drsquoexistence seulement leur qualiteacute reacuteduite et leur deacutegradation

rapide ont engendreacute le deacutepart des plus aiseacutes notamment lorsque ceux-ci y ont eacuteteacute encourageacute

par la reacuteforme de 1977 et son aide personnelle au logement pour lrsquoaccegraves agrave la proprieacuteteacute Des

plus pauvres ont pris leur place rendant theacuteorique toute forme de mixiteacute sociale durable dans

cet habitat Et pour ceux-lagrave les caractegraveres probleacutematiques de cet habitat pour les plus riches

le sont tout autant pour eux si ce nrsquoest plus manque de transports et drsquoeacutequipements

eacuteclairages chiches et absence de rues animeacutees (cafeacutes commerces lieux de distractions) et

aussi des deacutefauts structurels au niveau des appartements comme la sonoriteacute des murs et la

conception inhabituelle des espaces internes Cet eacutetat de lrsquohabitat explique pourquoi les

enfants et les adolescents ne pouvant ou ne voulant ni rester dans les appartements ni

srsquoamuser agrave lrsquoexteacuterieur se sont cantonneacutes aux cages drsquoescalier devenus terrains de jeu et de

rencontre

Ces ruptures formelles et sociales apporteacutees par les grands ensembles avec la ville

traditionnelle furent deacutenonceacutees (Merlin 2010) drsquoune part plus rapidement que la banlieue

industrielle dont le deacuteveloppement fut progressif agrave partir du XIXe siegravecle (tissu urbain

deacutesordonneacute sans quartiers ni secteurs clairs habitat pauvre en qualiteacute mais cher) et drsquoautre

part plus fortement que les vastes lotissements pavillonnaires autour des villes mode

drsquourbanisation commenceacute au milieu du XIXe et preacutedominant entre les deux guerres mondiales

(prix cher des parcelles non viabiliseacutees situeacutees agrave grande distance des reacuteseaux de transport et

techniques)

La fin de la peacuteriode de construction des grands ensembles a eacuteteacute sonneacutee par les circulaires du

30 novembre 1971 et du 21 mars 1973 du ministegravere de lrsquoAmeacutenagement du territoire de

lrsquoEacutequipement du Logement et du Tourisme Les opeacuterations en cours ne preacutesentaient plus aux

yeux des responsables de justification eacuteconomique seacuterieuse comme la ZUP de Montereau

437437

ainsi que les projets de Nantes-Buchelay et de Cormeilles-en-Parisis ont mecircme eacuteteacute arrecircteacutees

(Fourcaut 2002) Ce qui ne veut pas dire que les opeacuterations constructives se soient arrecircteacutees

sur les sites produits

Contre le gigantisme des opeacuterations anteacuterieures et leurs effets de laquo seacutegreacutegation sociale dans

lrsquoespace par le logement raquo des seuils quantitatifs ont eacuteteacute indiqueacutes pour les prochaines

opeacuterations par projets 1 000 logements maximum dans les villes de moins de 50 000

habitants et 2 000 dans celles de plus de 50 000 habitants les opeacuterations ne doivent pas

deacutepasser cinq ans ne pas comprendre plus de 40 des logements de la ville et les logements

sociaux locatifs doivent repreacutesenter entre 20 et 50 de la programmation de logements

Enfin pour une plus grande reacutepartition spatiale du logement social et sans eacutevocation encore

de sanction comme le preacutevoit la loi Solidariteacute et renouvellement urbain de 2000 il est deacutejagrave

eacutenonceacute lrsquoobjectif souhaitable drsquoun minimum de 20 de logements sociaux par communes

mecircme agrave Paris

Ainsi malgreacute les aspects positifs pour beaucoup drsquoopeacuterateurs des vingt anneacutees de

construction des grands ensembles reacuteponse agrave la crise du logement accegraves au confort et au

neuf dans le logement et mecircme habitat novateur cherchant agrave former des nouvelles uniteacutes

reacutesidentielles logeant des cateacutegories sociales varieacutees et inteacutegreacutees les inquieacutetudes sociales et

politiques concernant les rapports de voisinage et lrsquointeacutegration sociale et urbaine de ces

ensembles ont fini par srsquoimposer au plus haut niveau de lrsquoEacutetat (Voldman 2002) Les

interrogations ont en fait eacuteteacute rapides dans la sphegravere politique (Merlin 2011) degraves la premiegravere

reacutealisation en 1953 drsquoun grand ensemble de ce type (la Citeacute Rotterdam agrave Strasbourg 800

logements conccedilue par Edouard Baudouin) les critiques sociales et politiques du cadre formel

et spatial furent nombreuses malgreacute la satisfaction apporteacutee par les eacutequipements de confort

dans les appartements

Cette morphologie mateacuterielle contraignant les formes de vie sociale et la psychologie

individuelle en son sein est bien ici la cause de la deacutesaffection sociale qursquoelle connaicirct Il

existait mecircme une reacutealisation qui pucirct servir de contre-exemple agrave ce mode drsquourbanisme lrsquoun

des plus anciens grands ensembles rappelle Merlin (2010 p 75) La Plaine agrave Clamart (2005

logements sur 34 ha) commenceacute degraves 1947 sous la conduite de Robert Auzelle constitueacute selon

drsquoautres normes formelles celles des citeacutes-jardins qui avaient preacutevalu pendant lrsquoentre-deux-

guerres il eacutetait formeacute de petits immeubles collectifs aligneacutes en grande partie le long de rues

438438

et alternant avec les eacutequipements et les espaces drsquoactiviteacutes et les espaces verts cette

production fut totalement eacutepargneacutee par les critiques

Lrsquoaction publique reacuteagissant aux effets de lrsquourbanisme fonctionnaliste ne pucirct se limiter agrave

arrecircter ce type de production et agrave lrsquointerdire au plan leacutegal Tout drsquoabord des propositions

urbanistiques nouvelles furent porteacutees par les eacutelus et des hauts fonctionnaires de lrsquoeacutepoque

pour trouver drsquoautres voies drsquourbanisation et de production de logements reacutenover les centres-

villes et lrsquohabitat ancien deacutevelopper des villes nouvelles ainsi que encore favoriser

lrsquoacquisition drsquoune maison individuelle En ce qui concerne les zones de grands ensembles

puisqursquoune grande partie drsquoentre elles apparaicirct de plus en plus fragiles au deacutebut des anneacutees

1970 tant mateacuteriellement (deacutegradation physique) que socialement certains en lien avec des

milieux de reacuteformateurs catholiques sociaux des militants associatifs plus reacutevolutionnaires

ainsi que des travailleurs sociaux et socio-eacuteducatifs se mobilisent pour deux types de

solutions plus drsquoeacutequipements drsquoun cocircteacute et plus drsquoanimation voire du laquo deacuteveloppement

communautaire raquo de lrsquoautre Agrave partir drsquoune revue puis drsquoun groupe de ces diffeacuterents

intervenants srsquoest constitueacutee une commission interministeacuterielle laquo Habitat et vie sociale raquo

(1973-1977) qui appliquent ces solutions

Cette commission mit en place un programme drsquointervention physique et sociale impulseacute et

piloteacute par lrsquoEacutetat principal pourvoyeur de fonds (le Fonds drsquoameacutenagement urbain FAU creacuteeacute

en 1976 financcedilant la reacutehabilitation et la reacutenovation des quartiers anciens et nouveaux) Il fut

le premier drsquoune longue seacuterie drsquoautres jusqursquoagrave nos jours combinant ou alternant entre drsquoune

part des opeacuterations physiques et mateacuterielles sur lrsquohabitat et lrsquoameacutenagement urbain pour

entretenir maintenir corriger compleacuteter normaliser et mieux inteacutegrer lrsquoespace agrave son

environnement et drsquoautre part des interventions sociales et eacuteconomiques afin drsquoaider les

populations en difficulteacutes sociales (distance aux eacutequipements tensions de voisinage violence

et chocircmage croissant) et de renforcer leur inteacutegration sociale

Cette meacutethodologie drsquoactions multiples laquo action globale raquo selon ses promoteurs associe

des laquo partenaires raquo selon la terminologie politico-administrative heacuteriteacutee de la planification du

deacuteveloppement national (les collectiviteacutes locales et les diffeacuterents acteurs et opeacuterateurs des

champs urbains et socio-eacuteconomiques) et est centreacutee sur des sites deacutelimiteacutes pour y produire

des efforts particuliers drsquoaction publique et priveacutee Elle sera promue agrave lrsquooccasion des

laquo Assises de lrsquohabitat raquo plus preacuteciseacutement des laquo Assises pour lrsquoavenir des citeacutes drsquohabitat

social raquo organiseacutees en octobre 1981 par lrsquoUnion des feacutedeacuterations des organismes drsquoHLM avec

lrsquoappui de lrsquoEacutetat (Commissariat geacuteneacuteral du Plan) et la preacutesence des organismes concerneacutes

439439

(Feacutedeacuteration nationale des Socieacuteteacutes drsquoeacuteconomie mixte Union interprofessionnelle du

logement Association des maires de France Feacutedeacuteration nationale des agences drsquourbanisme

Caisse nationale des allocations familiales et autres associations de professionnels et

drsquoopeacuterateurs divers)

Ce mode drsquointervention signifie que srsquoinstitue une politique nouvelle drsquourbanisme et du

logement prenant le contrepied de lrsquoideacuteologie de lrsquourbanisme moderne lieacutee aux principes de

la Charte drsquoAthegravenes eacutelaboreacutee en 1933 au IVe Congregraves international drsquoarchitecture moderne

(CIAM) publieacutee par Le Corbusier en 1941 (anonymement puis sous son nom en 1943)

Contre la division de lrsquoespace par fonction justifiant la creacuteation de grands ensembles

drsquohabitation seacutepareacutes des zones de travail des espaces de circulation et des centres culturels et

ameacutenageacutes afin drsquoy former un cadre hygieacutenique et naturel drsquohabitat selon des normes plutocirct

strictes drsquoorganisation interne et de relation avec les fonctions externes lrsquoaction reacuteparatrice

de ces zones en rapide deacuteclin a poseacute le principe drsquoune approche plus laquo humaine raquo et solidaire

agrave lrsquoeacutecoute des besoins des habitants comme source premiegravere de production de la ville

Les dispositifs dans ce domaine suivant ce principe drsquoaction globale se sont succeacutedeacutes et

enchevecirctreacutes jusqursquoagrave nos jours ce sont les contrats urbains de coheacutesion sociale (CUCS) pour

le volet social les zones du Pacte de relance pour la ville du 14 novembre 1996 (ZUS ZRU

ZFU) pour lrsquoaspect eacuteconomique et lrsquoactuel programme national de reacutenovation urbaine

(PNRU) des secteurs construits dans le scheacutema fonctionnaliste (loi du 1er aoucirct 2003

concernant actuellement 564 ZUS ou secteurs assimileacutes) Leur efficaciteacute nrsquoest pas sucircre si lrsquoon

considegravere le bilan de non reacuteduction du chocircmage voire sa hausse dans de nombreuses ZUS et

la croissance des autres difficulteacutes sociales (violence et tensions familiales et entre les

personnes deacutelinquance de jeunes et trafic de drogueshellip)

Cependant sur le plan physique les opeacuterations de reacutenovation se limitent agrave des constructions

de nouveaux immeubles principalement sur les mecircmes sites de deacutemolitions des anciens

immeubles comme le rapporte reacuteguliegraverement le Comiteacute drsquoeacutevaluation et de suivi de ce

programme Agrave lrsquoinstar de la plupart des deacutemolitions ayant pu avoir lieu avant le PNRU le

comiteacute drsquoeacutevaluation (2011) conclue entre autres aspects que les divers chantiers de

deacutemolition-construction de reacutehabilitation et drsquoameacutenagement ne parviennent pas agrave modifier

lrsquoaspect geacuteneacuteral voire lrsquoambiance urbaine de ces quartiers les quartiers restent laquo lsquofroidsrsquo pas

toujours penseacutes comme des lieux de vie selon les grands principes globalisants de

lrsquourbanisme actuel parfois appliqueacutes sans prise en compte des speacutecificiteacutes des contextes

locaux raquo (p 19) Il reste donc encore agrave se centrer plus nettement sur lrsquoaccroissement et

440440

lrsquoadaptation de divers services collectifs priveacutes et publics (Comiteacute drsquoeacutevaluation et de suivi de

lrsquoANRU 2011)

Dans cette perspective afin drsquointensifier les fonctions urbaines neacutecessitant une nette

diversification des types drsquohabitat le rapport du comiteacute propose de localiser la reconstruction

de 75 des logements deacutemolis hors site Car sans changement de densiteacute urbaine de ces

zones en termes de varieacuteteacute de population de logements et drsquoeacutequipements sur la mecircme

surface et donc drsquointensiteacute urbaine conseacutequente en termes de concentration des eacutequipements

des services des logements des transports des commerces et des activiteacutes favoriseacutes par la

densiteacute deacutemographique lrsquoobjectif premier du PNRU qursquoest la reacuteduction des eacutecarts de

deacuteveloppement avec le reste des agglomeacuterations (en termes de chocircmage de qualification de

niveau de vie de santeacutehellip) nrsquoest jamais atteignable Car les habitants dont les conditions

srsquoameacuteliorent quittent ces quartiers et sont remplaceacutes par des nouveaux en difficulteacute Le critegravere

du niveau drsquoeacutequipements essentiel sur le plan de la morphologie urbaine reste toujours autant

en deacutefaut Ce constat avait eacuteteacute deacutejagrave rappeleacute par Jean-Marie Delarue (1991) vingt ans plus tocirct

Tant sur les plans quantitatifs que qualitatifs la faiblesse des eacutequipements et des services

locaux est toujours drsquoactualiteacute

Agrave quoi ce deacutefaut structurel est-il ducirc Agrave la varieacuteteacute ou agrave la lenteur effective des

programmations qui peuvent se mettre en place agrave lrsquoeacutechelle drsquoune geacuteneacuteration En effet

lrsquoensemble des services drsquoune agglomeacuteration moderne est important lignes de bus ou de

trams bureaux de poste bacirctiments drsquoactiviteacutes de services administratifs commerciaux et de

santeacute publique eacutetablissements scolaires et drsquoactiviteacutes sportives culturelles et de loisirs

services de petite enfance et drsquoaccueil eacuteducatif et de loisirs des enfants et des adolescents

services drsquoemplois et drsquoorientation voire de formation professionnelle services juridiques et

policiers services drsquoentretien de voierie et de gestion urbaine de la propreteacutehellip

Comme les rapports Delarue (1991) puis Sueur (1998) lrsquoavaient montreacute les deacutepenses

geacuteneacuterales par habitant pour les services publics preacutesents dans les grands ensembles (eacutecole

notamment) sont de maniegravere reacuteguliegravere dans le temps moindre qursquoen centre-ville malgreacute les

volonteacutes afficheacutees de discrimination positive Et de leur cocircteacute les nouveaux produits

reacutesidentiels reacutealiseacutes pour les cateacutegories moyennes ne sont pas deacutenonceacutes pour leur manque

drsquoeacutequipements Ce qui signifie qursquoagrave cocircteacute drsquoune sur-administration de solidariteacute drsquoassistance et

de transferts dans les grands ensembles la mise agrave niveau reacuteel des moyens de service public agrave

la hauteur des besoins des habitants restent encore loin du compte en comparaison avec le

reste des villes

441441

Ces questions et constats ouvrent la voie drsquoune recherche drsquoexplication sociologique

concernant lrsquooccurrence et la persistance de la marginalisation institutionnelle des zones de

grands ensembles malgreacute des actions sur le lien social ou de reacutenovation urbaine modifiant agrave

la marge la morphologie des espaces pour y attirer des classes moyennes Ce point est traiteacute

plus bas La section suivante eacutetudie plus preacuteciseacutement les deacuteterminants spatiaux et mateacuteriels

qui expliquent la deacutevalorisation drsquousage dont ces reacutealisations ont eacuteteacute lrsquoobjet degraves leur livraison

2 Des deacutefauts multiples de production urbaine et drsquohabitat

Les donneacutees historiques preacuteceacutedentes montrent comment srsquoest progressivement deacuteveloppeacutee

une conscience sociale eacutethique et politique relative aux groupes drsquohabitation construits sous

le joug de lrsquourbanisme fonctionnaliste moderne et des besoins impeacuterieux de logements en

grande quantiteacute apregraves la guerre Au lieu de contribuer agrave la creacuteation drsquoune ville drsquoun type

nouveau crsquoest un processus de deacutevalorisation sociale qui srsquoest engageacute vis-agrave-vis de ces espaces

et qursquoil apparaicirct tregraves difficile de renverser tant que les conditions structurelles drsquointeacutegration

sociale par la participation au travail la redistribution sociale et lrsquoorganisation des activiteacutes

eacuteconomiques ne sera pas modifieacutee

Quels sont les facteurs et les deacuteterminants de ce processus qui relegravevent particuliegraverement des

caracteacuteristiques de ces espaces au-delagrave de leur diversiteacute formelle et contextuelle Pourquoi

les populations les plus preacutecaires drsquoune agglomeacuteration ou drsquoun bassin drsquohabitat y sont-ils en

partie conduits voire contraints agrave y reacutesider alors que les classes moyennes stables et les

cateacutegories ascendantes tendent agrave choisir drsquoautres espaces reacutesidentiels plus valoriseacutes et priseacutes

par leurs pairs

Avant de reacutepondre agrave ces questions il est possible voire neacutecessaire drsquoailleurs de reconnaicirctre

certains points positifs aux grands ensembles (Merlin 2010) drsquoabord la contribution agrave la

reacutesolution de la gigantesque crise du logement de lrsquoapregraves-guerre avec un million de meacutenages

logeacutes et un niveau de confort sanitaire et un espace habitable importants (une piegravece par

personne une salle drsquoeau un W-C et le chauffage central) qui devinrent des normes pour

lrsquoensemble du secteur de la construction et dans lrsquoarchitecture de lrsquoeacutepoque que ce soit pour

les HLM drsquoautres cateacutegories de logements aideacutes ou encore le secteur libre ensuite la

preacutesence drsquoassociations nationales se consacrant au cadre de vie de plus lrsquoaction de

travailleurs sociaux favorisant la vie de quartier et la sociabiliteacute mecircme si les relations sociales

442442

sont parfois tendues et faible et la vie associative fragile et enfin un rocircle reconnu dans lrsquoart

et la culture contemporaine ainsi que des reacuteussites et des talents reacuteveacuteleacutes dans divers domaines

eacuteconomiques et sociaux

Cependant la reacutealiteacute objective du laquo mal des banlieues raquo nrsquoen est pas pour autant atteacutenueacutee

Pour quelles raisons Les deacutefauts de situation geacuteographique et de liaisons souvent lacunaires

avec lrsquoespace urbain etou les eacutequipements environnants ne sont pas les seuls facteurs en

cause Drsquoautres caracteacuteristiques communes drsquoordre architectural drsquoameacutenagement urbain et de

gestion sont en jeu drsquoabord la faiblesse des qualiteacutes mateacuterielles et techniques accentueacutee par

des malfaccedilons constructives et drsquoameacutenagement spatial et que les pratiques institutionnelles de

gestion ont du mal agrave reacutegler mais aussi des caracteacuteristiques formelles et de structure des

bacirctiments et des ameacutenagements exteacuterieurs reacutedhibitoires agrave lrsquousage (sur-dimension des

bacirctiments indeacutetermination et illisibiliteacute des espaces communs internes et externes densiteacute

des logements faiblesse des eacutequipements fonctionnels de proximiteacute)

Ces eacuteleacutements ont faccedilonneacute des espaces reacutesidentiels dont lrsquoeacutetat physique et mateacuteriel est

majoritairement rebutant et non les seuls traits formels (tours et barres) qui ne suffisent pas agrave

eux seuls agrave condamner les reacutealisations Les communauteacutes reacutesidentielles qui srsquoy sont formeacutees

sont marqueacutees par des tensions internes et une faiblesse concomitante de la vie collective en

leur sein ce qui constitue le pendant social des deacutefauts drsquoordre physique et fonctionnel que

preacutesente cet habitat Il offre de ce fait une faible capaciteacute drsquointeacutegration sociale notamment sur

le plan eacuteducatif avec les problegravemes de deacuteviance deacutelinquante des jeunes et sur le plan de

lrsquointeacutegration territoriale ce que des pratiques de diffeacuterenciation sur les marcheacutes immobiliers

montrent

Pour commencer cette analyse il nrsquoest pas inutile de rappeler que les choix de lieu

drsquoimplantation des grands ensembles suivaient des critegraveres de terrains preacutecis faible coucirct et

disponibiliteacute immeacutediate surface eacutetendue pour plan-masse drsquoenvergure et aussi distances

laquo raisonnables raquo aux zones drsquoactiviteacutes pourvoyeuses de main drsquoœuvre estimeacutees selon des

trajets essentiellement automobiles puisque lrsquoessor de ce mode de transport pendant la

Reconstruction le faisait privileacutegier par rapport aux circulations ferroviaires En outre dans

plusieurs cas les lieux de construction ont pu ecirctre drsquoembleacutee neacutegativement connoteacutes du fait de

fonctions ou drsquousages anteacuterieurs souvent marginaux voire subversifs bidonvilles preacuteceacutedente

citeacute sociale deacutefectueuse secteur de deacutelinquance de chiffonniers de marginaux ou encore

secteurs isoleacuteshellip

443443

Par exemple le maire de Clichy-sous-Bois (Dilain 2007) a montreacute en quoi la ville se trouvait

isoleacutee en enclavement par rapport agrave Paris aux bassins drsquoemploi aux pocircles drsquoattraction et aux

eacutequipements divers du reste de la Seine-Saint-Denis et de la Seine-et-Marne voisine Crsquoest

selon lui une des causes de la fuite des classes moyennes Ces distances et les temps de

parcours imposeacutes pour srsquoy rendre constituent une source de tension psychologique et sociale

pour les personnes qui doivent souvent reacuteduire les dureacutees ou les freacutequences des activiteacutes pour

les reacutealiser

Ce qui a un impact eacutegalement dans les relations familiales en termes de temps de preacutesence

suffisant aupregraves des enfants de la part des parents En effet si la commune est situeacutee agrave 15 km

de Paris elle nrsquoest accessible qursquoen 1h30 en transports collectifs aux heures de pointe Le

transport par bus entre Clichy et Le Raincy (4-5 km) pour joindre la gare de la ligne

ferroviaire pour Paris est non seulement bondeacute et encombreacute mais aussi tellement malaiseacute

avec les petites rues que le temps de trajet est plus long que celui du trajet par train entre Le

Raincy et Paris

De mecircme les deacuteplacements aux eacutequipements structurants en banlieue sont laborieux voire

impossibles agrave certaines heures par exemple 1h en transports collectifs pour la preacutefecture

pour lrsquoaeacuteroport Roissy-Charles de Gaulle les universiteacutes de Seine-Saint-Denis les cineacutemas ou

encore pour les grands bassins drsquoemplois deacutepartementaux les correspondances sont

nombreuses sans compter les absences de liaisons apregraves certaines heures Cette laquo galegravere des

transports raquo est bien entendue aussi vraie pour la voiture avec les nombreux embouteillages

sur les autoroutes A3 A4 (autoroutes de lrsquoEst) et A86 (la Francilienne) Ainsi ce type de

situation urbaine dont on a vu dans la partie preacuteceacutedente que Les Ulis en relevait aussi en

grande partie (eacuteloignement des gares de transport ferroviaire et des autres bassins drsquoemploi

deacutepartementaux) engendre une forme potentielle assez pousseacutee drsquoeacuteclatement spatio-temporel

des activiteacutes quotidiennes des habitants concerneacutes source de tensions multiples pour les

individus eux-mecircmes et dans les relations qursquoils entretiennent

Mis agrave part ce problegraveme deacuteterminant de localisation peu strateacutegique il existe toute une seacuterie

drsquoautres caracteacuteristiques formelles drsquoeacutetat et de gestion qui ont deacutetourneacute lrsquointeacuterecirct des

destinataires originels des grands ensembles Tout drsquoabord sur le plan mateacuteriel et du bacircti de

multiples problegravemes de production se sont reacuteveacuteleacutes avec une certaine acuiteacute par endroits

(Peillon 2001) Des malfaccedilons et des deacutefauts techniques de bacirctiment ont souvent eacuteteacute

rapporteacutes lieacutes agrave des insuffisances au niveau des proceacutedeacutes de construction mais aussi agrave la

maicirctrise drsquoouvrage sans compter les revues agrave la baisse freacutequentes de prestations initialement

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conccedilues Une certaine grossiegravereteacute caracteacuterise la majoriteacute de ses opeacuteration pas uniquement au

sens propre drsquoeacutetat de ce qui est laquo gros raquo crsquoest-agrave-dire de grande dimension mais aussi au sens

figureacute de manque de finesse voire de reacutegulariteacute

Les proceacutedures contentieuses conseacutequentes ont eacuteteacute nombreuses dans lesquelles se sont

souvent deacutefileacutes les opeacuterateurs dans leurs responsabiliteacutes (architectes promoteurs

entrepriseshellip) et en secteur priveacute des syndics ont davantage deacutefendu les inteacuterecircts des

promoteurs que des coproprieacutetaires Ainsi usure et vieillissement ont-ils eacuteteacute rapides entre

drsquoune part des mateacuteriaux et une reacutealisation de moindre qualiteacute et drsquoautre part des usages et

des deacutegradations parfois plus eacuteleveacutes accentueacutes par endroit avec des appartements des espaces

et des eacutequipements communs sur-occupeacutes

La meacutediocre qualiteacute de construction de conception architecturale et drsquoameacutenagement urbain

nrsquoa pas produit que des effets repoussoirs vis-agrave-vis des usagers mais a eacutegalement constitueacute

une source de complexiteacute sur le plan de leur gestion ce qui agrave son tour prolonge voire amplifie

les problegravemes drsquousage pour les occupants (Peillon 2001) Tout drsquoabord les organismes HLM

constructeurs de logements agrave lrsquoorigine disposaient de meacutethodes de gestion locative inadapteacutees

agrave des ensembles heacuteteacuterogegravenes de meacutenages organisation centraliseacutee regravegles geacuteneacuterales et

aveugles anonymat et impersonnaliteacute dans les relations bailleurs - locataires avec une nature

reacutepressive de certains regraveglements processus bureaucratique drsquoattribution et incapaciteacute agrave

participer aux dispositifs partenariaux de deacuteveloppement social pour geacuterer les problegravemes

publics qui les concernent Un point central est celui des faibles moyens budgeacutetaires lieacutes agrave la

politique gouvernementale de fixation des plafonds de loyers qui peut favoriser les retards

drsquoentretien Ce qui est particuliegraverement contraignant si lrsquoon estime que les organismes HLM

ont pu eux-mecircmes reconnaicirctre au milieu des anneacutees 1990 que doreacutenavant la gestion de ce

type de quartiers (bacirctiments espaces et eacutequipements exteacuterieurs compris) comporte du fait des

deacutegradations drsquousure et de vandalisme un coucirct suppleacutementaire par logement du tiers par

rapport au reste du parc (Peillon 2001 p 163)107

Les bailleurs ne sont donc pas toujours en capaciteacute drsquointervenir sur la deacutegradation geacuteneacuterale du

bacircti et des rapports sociaux (monteacutee de la violence) qursquoils contribuent indirectement agrave

entretenir En effet les deacutefauts drsquoentretien induisent un manque drsquoattention agrave lrsquoeacutegard des

parties collectives traiteacutees comme eacutetrangegraveres par certains locataires puisqursquoils sont perccedilus

107 Lrsquoauteur cite un rapport de lrsquoUnion nationale des feacutedeacuterations drsquoorganismes HLM (UNFOHLM) preacutesenteacute au congregraves HLM de Lille en 1997 UNFOHLM (1997) Les moyens de la coheacutesion sociale rapport introductif au congregraves de Lille p 8 LrsquoUNFOHLM est devenu lrsquoUnion sociale pour lrsquohabitat (USH) en 2002

comme un manque de consideacuteration des habitants de la part des gestionnaires De mecircme les

gestions de coproprieacuteteacute sont affecteacutees par les deacutefauts de recettes lieacutes agrave la paupeacuterisation des

meacutenages Et srsquoil est facile de quitter le secteur locatif social lorsque lrsquoon en a les moyens des

difficulteacutes de vente limitent la mobiliteacute des habitants des coproprieacuteteacutes priveacutees entraicircnant

parfois la mise en location agrave moindre prix et limitant les capaciteacutes drsquoinvestissement dans

lrsquoentretien (processus de deacutequalification et de deacutegradation)

En outre agrave ces problegravemes de gestion de lrsquohabitat propre aux organismes HLM ou aux syndics

de coproprieacuteteacute srsquoest ajouteacute un problegraveme de gestion urbaine de la part de lrsquoEacutetat et des

collectiviteacutes leur rapport institutionnel variable dans lrsquoespace et le temps a pu produire des

effets de ralentissement et drsquoobstacle agrave la reacutealisation des eacutequipements et agrave la gestion des

territoires Par exemple au niveau financier et organisationnel la gestion des nouveaux

espaces construits eacutetait deacutepourvue drsquooutils et de ressources importants conduisant agrave de

nombreuses improvisations des formes de gestion administrative Ce qui explique en partie le

manque de concertation avec les habitants Par ailleurs si le deacuteclin urbain se deacuteclenche dans

une zone en reacutecession eacuteconomique en raison du deacuteclin drsquoune mono-industrie ou drsquoactiviteacutes

peu diversifieacutees crsquoest aussi en partie en raison des choix des ameacutenageurs et des deacutecideurs

publics qui nrsquoont pas assureacute une politique de deacuteveloppement aux multiples activiteacutes en

srsquoappuyant sur des innovations mais aussi sur des expeacuteriences et des relations passeacutees du

territoire avec drsquoautres activiteacutes

Plus geacuteneacuteralement drsquoautres points probleacutematiques des grands ensembles sont apparus au fil

de leur livraison et de leurs premiegraveres occupations au niveau mecircme de leurs caracteacuteristiques

architecturales et urbaines Degraves les anneacutees 1950 sur le seul plan formel le gigantisme

eacutedifiant la monotonie et lrsquoanonymat lieacutes agrave lrsquouniformiteacute des eacuteleacutements bacirctis dans des espaces

exteacuterieurs vides drsquoactiviteacutes et de rues freacutequenteacutees ont susciteacute des interrogations et se sont mus

en veacuteritables problegravemes au fur et agrave mesure que des plans de plus en plus importants et

steacutereacuteotypeacutes geacuteomeacutetriques et avec des vastes bacirctiments et espaces exteacuterieurs se sont accumuleacutes

(Merlin 2010)

Puisque la majoriteacute des grands ensembles a eacuteteacute bacirctie hors des villes leur morphologie srsquoest

trouveacutee en rupture avec le reste des villes et surtout avec le tissu pavillonnaire ou le monde

rural environnant Cela a pu susciter chez les reacutesidents des effets psychologiques deacuteleacutetegraveres

avec des sentiments de marginalisation accompagnant la sensation drsquoeacutecrasement voire

drsquoincarceacuteration que peuvent procurer les formes monolithiques des grandes tours et des

longues barres (Peillon 2001) Avec des plans laissant peu de place agrave la diversiteacute des formes

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mais plutocirct agrave la reacutepeacutetition des aspects eacutevoqueacutes plus haut un effet de froideur inhibant les

conduites sociales caracteacuterise ces zones territoriales de grande dimension Elles deacutepassent le

simple quartier au sens drsquoespace de proximiteacute connu et freacutequenteacute intenseacutement autour de son

logement drsquohabitation Il est alors difficile de se deacutegager de cette ambiance urbaine peu

conviviale

Par ailleurs la pauvreteacute du systegraveme symbolique de lrsquoarchitecture et de lrsquourbanisme (absence

de repegravere culturel ou de signe de meacutemoire collective positive dans les espaces exteacuterieurs et

communs pour la fondation ou la valorisation drsquoune identiteacute locale) eacutevoque la mecircme

monotonie mais surtout induit une certaine anomie agrave une eacutepoque ougrave les supports de diffusion

culturelle et de communication sociale sont peu deacuteveloppeacutes dans les inteacuterieurs (teacuteleacutevision

journaux municipauxhellip) Il est alors difficile de srsquoidentifier agrave ces lieux laquo sans acircmes raquo agrave partir

drsquoexpeacuteriences passeacutees drsquohabitat et de logement sauf agrave consideacuterer certains eacuteleacutements de

laquo nature raquo qui permettent parfois agrave des meacutenages drsquoorigine rurale drsquoy retrouver des cadres

identitaires salutaires (familiariteacute avec le passeacute possibiliteacute de continuer ou de reprendre des

activiteacutes lieacutes agrave ces eacuteleacutements) et de se deacutegager des difficulteacutes relationnelles de ce type de

milieu (Giraud 2000)

Ces caracteacuteristiques eacutetaient deacutelibeacutereacutement deacutefinies par les concepteurs avec lrsquoobjectif de

rompre sur les plans urbain et symbolique avec le reste des villes et leurs formes anteacuterieures

Cependant pour qui est-il possible de les consideacuterer positivement Les couches moyennes

ont drsquoailleurs vite ressenti cette inadeacutequation entre les aspects et les formes exteacuterieurs de ce

cadre drsquohabitat et leur univers culturel composeacute autant de symbolisme drsquoestheacutetisme et de

fonctionnaliteacute Les nouveaux occupants de couches modestes qui partagent en grande partie

les signes exteacuterieurs de cet univers le ressentent tout autant mais ont moins de capaciteacute de

srsquoen eacuteloigner en quittant ces immeubles

Deux autres points deacutefinissant cette forme urbaine et drsquohabitat ont eacuteteacute assez tocirct critiqueacutes

(Peillon 2001) Le premier point concerne la rigiditeacute ou le fixisme des grands ensembles ils

ont eacuteteacute conccedilus comme des objets finis et ideacuteaux agrave lrsquoimage de projets artistiques ou drsquoutopies

urbaines non sans lien avec la conception des citeacutes-jardins au tournant du XXe siegravecle avec

lesquels ils ont une filiation certaine (Merlin 2010) Ils ont eacuteteacute penseacutes comme parfaits par

leurs concepteurs afin de reacutealiser des laquo villes deacutefinitives raquo agrave la maniegravere drsquoarchitecte

produisant des objets figeacutes Une ville ou un quartier nrsquoest pourtant pas un vaste projet

architectural ni une œuvre drsquoart De mecircme les regraveglements drsquourbanisme comme le principe

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de non-division fonciegravere des grands tegravenements empecircchant toute dynamique urbaine parcelle

par parcelle ont contribueacute agrave une peacutetrification des formes produites

Avant la Loi drsquoorientation pour la ville (LOV) de 1991 ces zones eacutetaient drsquoailleurs proteacutegeacutees

(code de lrsquourbanisme) pour preacuteserver leur uniteacute urbanistique et architecturale figeant ainsi les

espaces non bacirctis et interdisant lrsquoeacutevolution des constructions et de leur fonction hors deacutecision

eacutetatique ou leacutegislative La LOV a mis fin agrave cette laquo glaciation urbaine raquo creacuteant des droits agrave

construire visant agrave la diversification des fonctions notamment par lrsquoimplantation drsquoactiviteacutes

Si les grands ensembles ont pu rentrer dans le droit commun des sols urbains il reste que la

complexiteacute des situations fonciegravere et immobiliegravere nrsquoa pas contribueacute agrave favoriser rapidement

leur transformation

Le deuxiegraveme point est le manque de lisibiliteacute interne des espaces exteacuterieurs produits en lien

mais pas toujours avec les grands volumes bacirctis de maniegravere souvent uniforme Alors que la

signification ou le symbolisme des constructions avait pu ecirctre soigneacute au niveau des laquo plans-

masses raquo avec souvent des figurations abstraites symboliques il apparaicirct que au niveau du

sol ces caractegraveres sont insaisissables Peillon (2001) eacutevoque par exemple lrsquoarchitecte Lods

eacutedifiant des barres et des tours ceintureacutees drsquoun reacuteseau de voies courbes en suggeacuterant

laquo lrsquointimiteacute de lrsquoœuf raquo perccedilu sur un plan ou une image deacutefinie de haut Pire il a souvent eacuteteacute

confondu transparence ou vide des espaces drsquoun cocircteacute et leur lisibiliteacute de lrsquoautre Parfois

mecircme la maladresse accentue cet effet de deacutesorientation par des dispositifs labyrinthiques

censeacutes tromper des formes trop monotones comme Les Aubiers agrave Bordeaux laquo ougrave les chiens

se perdent raquo selon des responsables drsquoassociation teacutemoignant agrave un journaliste du Monde en

1981 (Peillon 2001)

Cette absence de lisibiliteacute exteacuterieure ainsi qursquoau niveau des espaces communs et

intermeacutediaires renforce alors lrsquoeffet drsquoinseacutecuriteacute psychologique des constructions eacutedifiantes

En effet puisque tout lieu est en theacuteorie un cadre drsquointeractions sociales (Giddens 1985)

lrsquoindeacutetermination deacutefavorable agrave lrsquoinstitution de celles-ci de maniegravere reacuteguliegravere et

eacutepanouissante pour les individus geacutenegravere non seulement un sentiment drsquoinseacutecuriteacute voire de

deacutetresse psychologique mais aussi une reacuteelle inseacutecuriteacute sociale lieacutee agrave lrsquoabsence de possibiliteacute

de relations drsquointerconnaissance drsquoentraide et drsquoactiviteacutes collectives deacutesireacutees

Agrave ces caracteacuteristiques formelles exteacuterieures peut se rajouter un paramegravetre central eacutevoqueacute

supra (chapitre VII section A paragraphe 2) geacuteneacuterant une forte contrainte drsquoadaptation pour

les usagers la rigiditeacute constructive des appartements (Croizeacute 2009-a) Celle-ci a eacuteteacute

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appliqueacutee dans de nombreux programmes avec des configurations spatiales et des

eacutequipements inteacuterieurs laissant peu de marges agrave leur appropriation diversifieacutee petite cuisine

distribution des piegraveces non pratique absence de piegraveces et drsquoespaces de rangement sonoriteacute

des cloisonshellip Cette eacutetroitesse normative et le manque de seacuteparation nette des piegraveces tendent

agrave induire une standardisation restrictive des usages et des maniegraveres de vivre dans la vie

personnelle familiale et sociale des occupants

Par exemple les choix reacutealiseacutes de la suppression ou de la reacuteduction des espaces de renvoi

(rangements divers) et leur exteacuteriorisation dans les espaces collectifs (Croizeacute 2009-a) cette

limitation peut susciter autant de la frustration chez les occupants priveacutes de ces espaces dans

les appartements que des problegravemes de gestion des espaces communs dans lesquels sont

deacuteposeacutes les objets (deacutegradation et deacutevalorisation de paliers et de couloirs transformeacutes en

garage agrave veacutelo ou des balcons devenus entrepocircts permanents) La grande taille de ces espaces

communs tout comme les halls drsquoentreacutee invite paradoxalement agrave cette pratique de

deacutetournement en raison de leur faible dynamisme vital lrsquoobjectif de geacuteneacuterer une sociabiliteacute

nouvelle par le seul effet de croisement des voisins ayant eacutechoueacute leur vide peut

partiellement constituer des espaces de rangement drsquoobjets qui ne trouvent pas de place dans

les inteacuterieurs

Srsquoil est essentiel de prendre en compte les caracteacuteristiques principales des aspects

immobiliers physiques et spatiaux des grands ensembles il ne faut pas oublier que cette

focalisation reacutesulte aussi drsquoun effet en creux de la faible preacutesence des eacutequipements collectifs

et des services publics en raison mecircme du principe fonctionnaliste de seacuteparation spatiale des

fonctions sociales dans lrsquoespace urbain Les eacutequipements sont peu nombreux et se reacuteduisent

mecircme parfois avec le temps De mecircme lrsquoameacutenagement de supports drsquoactiviteacutes collectives et

de services publics est faible mecircme en ce qui concerne des besoins de proximiteacute

Cette absence reacutesulte de la speacutecialisation fonctionnelle strictement appliqueacutee agrave la seule

habitation qui comporte en majoriteacute des immeubles drsquoappartements et des ameacutenagements

drsquoaccegraves et de circulation pieacutetonniers et automobiles en lien avec ceux-ci Le laquo vide raquo des lieux

entre immeubles engendre drsquoabord une faiblesse drsquoutilisation des espaces une aneacutemie des

flux drsquoanimation Mis agrave part les flux drsquoaller-retour des enfants aux eacutecoles et des adultes au

travail ou en sortie pour les courses reacuteguliegraveres cette absence drsquousagers et de clients

drsquoeacutequipements contribue en compleacutement avec le chocircmage de certains adultes et lrsquoabsence de

formation de certains jeunes agrave lrsquoambiance drsquoennui et de morositeacute des lieux Ainsi

449449

lrsquooccupation des espaces exteacuterieurs nrsquoest pas encourageacutee sauf pour certains jeunes qui y

deacuteveloppent leurs activiteacutes hors des regards des adultes absents des espaces

De surcroicirct ce vide preacutedominant dans un tel contexte territorial qui peut ecirctre tregraves vaste

instaure la perception drsquoune situation de deacutelaissement institutionnel par lrsquoEacutetat favorisant les

sentiments drsquoisolement et de marginalisation sociale En effet au regard du nombre

drsquohabitants les grands ensembles ne disposaient pas agrave la fin des anneacutees 1990 des mecircmes

ressources publiques que la moyenne des villes (Peillon 2001 p 246) alors que les

caracteacuteristiques particuliegraveres de victimes de la crise eacuteconomique et sociale exigeraient une

preacutesence accrue de moyens de solidariteacute et surtout drsquointeacutegration sociale Cette situation est

certainement tout aussi valable de nos jours

Les carences drsquoemploi et drsquoactiviteacutes et les deacutefauts mateacuteriels spatiaux et drsquoameacutenagement

devraient pourtant rendre plus importante qursquoailleurs la place de services collectifs et publics

notamment des services ordinaires drsquointeacutegration sociale Sans compter que les personnels des

services existants sont souvent moins qualifieacutes et expeacuterimenteacutes que dans les zones plus aiseacutees

et riches En outre lrsquoinadaptation des services aux horaires drsquoactiviteacutes des habitants est

souvent patente sans que des changements soient reacutealiseacutes agrave ce sujet Enfin le changement de

logique drsquoaction de certains organismes comme la Poste basculant du service public au

service commercial limite davantage les services aux habitants Un effet neacutegatif de

lrsquoinsuffisance de ses services est que cela entraicircne des demandes mal cibleacutees drsquoinformation

drsquoaides diverses de seacutecuriteacute et drsquoanimation agrave drsquoautres acteurs et personnels des services

restants (bailleurs enseignants agents de deacuteveloppement travailleurs sociaux policiershellip)

ce qui encombre leur propre service mecircme

Ce deacuteficit de preacutesence institutionnelle de droit commun (Sueur 1998) a des effets de preacutecariteacute

juridique relevant du domaine de la citoyenneteacute (Bertho 1997) En plus des seacutegreacutegations

sociales agrave lrsquoœuvre avec le regroupement spatial des exclus et preacutecaires de la sphegravere socio-

eacuteconomique les situations sociales srsquoaccentuent avec le deacuteficit de droits sociaux drsquoaccegraves au

service public et de participation agrave la vie sociale Srsquoajoute de plus en plus depuis le milieu des

anneacutees 1970 une logique drsquoapplication ineacutegale de regravegles particuliegraveres ou drsquoexpeacuterimentations

eacutetatiques sur des territoires speacutecifiques qui deacuteteacuteriorent lrsquoesprit des lois reacutepublicaines Les

pauvres les immigreacutes et leurs descendants en sont les premiegraveres victimes

Crsquoest ici une conseacutequence neacutegative de la spatialisation des problegravemes sociaux de la part de

lrsquoEacutetat (ou territorialisation des actions sociales eacuteconomiques et autres) le cadre territorial de

450450

la nation leacutegitime dans la production et lrsquoapplication du droit est remis en cause par ce

mouvement de localisation systeacutematique drsquoexpeacuterimentations multiples de mesures sociales et

eacuteconomiques car si des territoires pertinents drsquoaction infranationale peuvent se dessiner

selon des donneacutees eacuteconomiques et sociales (pocircles urbains bassin drsquoemploihellip) cela ne justifie

pas de reacuteduire localement le droit agrave base territoriale nationale

Ainsi sur le plan social et spatial le vide fonctionnel et institutionnel des espaces exteacuterieurs

associeacute agrave la forte visibiliteacute externe des formes drsquohabitat par rapport aux restes des villes

produisent un effet drsquoenclavement et de non-inteacutegration agrave lrsquoespace urbain englobant Ce que la

faiblesse de la vie sociale exteacuterieure souligne aussi Peillon (2001) eacutevoque la dalle

drsquoArgenteuil ougrave lrsquoabsence drsquoeacutequipements administratifs drsquoanimation socioculturelle et de

services publics ainsi que drsquoameacutenagement drsquoespaces collectifs comme des jardins publics

des squares ou des rues entraicircne lrsquoabsence de vie sociale et donc de vie urbaine par

disparition des possibiliteacutes de contacts fortuits et publics plus ou moins spontaneacutes agrave lrsquoorigine

du sentiment drsquoappartenance collective agrave un quartier

Degraves 1956 le mouvement laquo Eacuteconomie et humanisme raquo relayeacute ensuite par des responsables

politico-administratifs lors de la preacuteparation du deacutecret de 1958 portant creacuteation des ZUP

eacutemailleacutee par un colloque organiseacute par la revue Habitation (Vieillard-Baron 2001) srsquoinquieacuteta

des effets drsquoanonymat et drsquoisolement dans les espaces reacutesidentiels produits Les milieux

professionnels et associatifs favorables au logement social puis les meacutedias eacutemirent

progressivement des reacuteserves sur le manque de vie communautaire susciteacute tant par la

conception architecturale et urbaine de cet habitat que par le manque drsquoeacutequipements (eacutecole

services administratifs et bancaires rues terrains de sport lieux de culte cineacutema et autres

lieux culturelshellip) et de commerces de proximiteacute que lrsquoessor des super et hypermarcheacutes a

contribueacute agrave limiter (Merlin 2010)

Cependant le peuplement mecircme de grands ensembles et le mode de vie des habitants jouent

un rocircle tout aussi deacuteterminant dans le manque drsquoimplication dans la vie locale drsquoabord dans

les premiers temps surtout la majoriteacute des meacutenages avec des enfants en bas acircge restait sans

aires de jeux adapteacutes agrave lrsquoexteacuterieur le plus souvent dans les appartements puis de maniegravere

plus geacuteneacuterale les parents actifs srsquoabsentaient longuement en journeacutee pour rejoindre leur

travail dont ils eacutetaient eacuteloigneacutes avec des longs temps de deacuteplacement peu de motorisation

personnelle dans les anneacutees 1950-1960 et surtout des reacuteseaux de transport en commun tregraves

lacunaires (eacuteloignement des stations faible freacutequence et irreacutegulariteacute des lignes inconfort des

modes de transport avec des veacutehicules surchargeacutes)

451451

Ainsi les usages des diffeacuterentes cateacutegories de meacutenages occupants ont des effets sur le plan de

la vie sociale Ils peuvent involontairement contribuer agrave lrsquoabsence dynamique locale qui

favorise la symbolisation neacutegative de ces zones La carence en termes de sociabiliteacute et de

meacutemoire collective locale notamment pour les cateacutegories populaires aux pratiques urbaines

plus restreintes geacuteographiquement que celles des cadres accentue lrsquoeffet drsquoalieacutenation du

milieu sur ses habitants ainsi que les effets sociaux et symboliques de la coupure

morphologique avec les villes ou les espaces ruraux voire pavillonnaires environnants

Le dernier point morphologique agrave eacutevoquer a eacuteteacute abordeacute dans la partie empirique de la thegravese

si la sur-dimension le vide fonctionnel et lrsquoindeacutetermination des espaces exteacuterieurs rendent

ceux-ci particuliegraverement vides de freacutequentions multiples hors appropriation par une partie de

la jeunesse crsquoest eacutegalement en raison de la faible densiteacute deacutemographique relative de ces

espaces Celle-ci est un facteur de frein agrave lrsquointensiteacute urbaine ou tout simplement agrave lrsquourbaniteacute

(Jacobs 1991) ie agrave la densiteacute relationnelle qui deacutecoule de la concentration drsquoune diversiteacute

des fonctions des eacutequipements et des immeubles

Et vice et versa la densiteacute et lrsquointensiteacute urbaines permettent drsquoassurer la diversification de

lrsquohabitat difficile agrave obtenir dans les quartiers-ghettos des grands ensembles sans passer par un

ameacutenagement suppleacutementaire de parcelles disponibles (Comiteacute drsquoeacutevaluation et de suivi de

lrsquoANRU 2011) Cependant sans jamais pouvoir mesurer un seuil deacutemographique suffisant

pour obtenir cette densiteacute relationnelle il peut neacuteanmoins en ecirctre ressenti le manque lorsque

drsquoune part les structures et les eacutequipements de proximiteacute sont absents ou connaissent une

faible freacutequentation et drsquoautre part la population preacutesente nrsquoy est pas suffisamment dense La

faible preacutesence drsquoadultes dans les espaces exteacuterieurs est bien un des effets sociaux du parti

pris architectural et urbain de la doctrine fonctionnaliste

En effet malgreacute des opeacuterations de grande taille par le nombre de logements et lrsquoeacutetendue des

surfaces ameacutenageacutees les zones preacutesentegraverent degraves lrsquoorigine des densiteacutes moyennes de logements

Peillon (2001 p 117-118) eacutevoque une fourchette de 50 agrave 110 logementsha alors que lrsquoon est

pregraves des 300 dans le VIe arrondissement de Paris comprenant le Jardin du Luxembourg Il est

vrai que les espaces verts parcs jardins lacs drsquoagreacutement bois ou autres eacuteleacutements naturels

ameacutenageacutes ont eacuteteacute nombreux dans les diffeacuterents plans-masses afin drsquoapporter le maximum de

confort aux habitants

Il a cependant eacuteteacute ignoreacute que pour ecirctre freacutequenteacutes ils doivent disposer drsquoune forte attractiviteacute

et drsquoun environnement urbain dense comprenant des eacutequipements ou bacirctiments de fonctions

452452

453453

diffeacuterentes de celle de lrsquohabitation (Jacobs 1991) Bien que lrsquoon ne sache si les zones

drsquoactiviteacutes qui ont pu ecirctre ameacutenageacutees en mecircme temps agrave proximiteacute des zones drsquohabitation sont

eacutegalement comprises dans ces mesures Peillon (2001) indique quelques densiteacutes de

logements par hectare de plusieurs sites agrave leur livraison pour illustrer cette faiblesse

constructive 105 logements par hectare aux Ulis 40 agrave 50 agrave la grande Borne (Grigny) aux

Minguettes et agrave Vaulx-la-grande-Icircle ou encore 90 agrave Ris-Orangis et au Haut-du-Liegravevre agrave

Nancy

Des exceptions pouvaient exister comme agrave Clichy-sous-Bois ougrave selon lui 240 logements par

hectare ont eacuteteacute construits Merlin (2010) confirme la fourchette moyenne de 50 agrave 100

logements par hectare pour lrsquoensemble des grands ensembles (p 155) et aborde cette question

de la densiteacute avec un autre indicateur celui du coefficient drsquooccupation des sols (COS)108 il

est de 1 en moyenne dans les grands ensembles drsquoIcircle-de-France (contre 016 pour les

lotissements pavillonnaires de lrsquoentre-deux-guerres) et infeacuterieur agrave 1 dans les autres

agglomeacuterations (contre 010 agrave 015 pour les lotissements pavillonnaires)

Les citeacutes-jardins ont une densiteacute similaire (06 agrave 115) et les immeubles haussmanniens

preacutesentent les densiteacutes les plus eacuteleveacutees un ordre de 3 en moyenne (p 94 et p 199) Ces

faibles densiteacutes repreacutesentent donc potentiellement des reacuteserves fonciegraveres substantielles dans

les agglomeacuterations tendues ce que souligne le Comiteacute drsquoeacutevaluation et de suivi de lrsquoANRU

(2011) rappelant le coefficient drsquooccupation des sols moyen de 08 pour les quartiers

drsquohabitat social en France contre 3 agrave Paris

Cependant ces indicateurs quantitatifs restent partiels dans lrsquoanalyse des variables

deacuteterminantes de la vie sociale des espaces concerneacutes puisque drsquoune part ils ne distinguent

pas la part relative agrave lrsquohabitation et celle relative au travail et agrave lrsquoactiviteacute (bureaux

commerces services publics et priveacuteshellip) et drsquoautre part ils ne tiennent pas compte de

lrsquoadaptation de ces eacutequipements agrave la population reacutesidente Le quartier de la Plaine agrave Clamart

(Merlin 2010 p 75) le montre avec 39 logements par hectare seulement et un faible

coefficient drsquooccupation des sols eacutequipements compris de 05 son climat social est reacuteputeacute

favorable non sans lien avec une morphologie proche du modegravele des citeacutes-jardins avec de

nombreux petits immeubles aligneacutes le long de rues tout en maintenant une veacutegeacutetation

108 Cette notion juridique eacutevoque la quantiteacute de construction admise sur une proprieacuteteacute fonciegravere en fonction de la superficie de celle-ci Crsquoest une limite maximale non obligatoire exprimeacutee en megravetres carreacutes de surface de plancher Elle remplace depuis le 1er mars 2012 la surface hors œuvre nette (SHON) qui eacutetait un peu moins restrictive dans les surfaces agrave prendre en compte Un COS de 04 sur un terrain de 1 000 msup2 eacutequivaut agrave une somme de surfaces de plancher construites de 400 msup2 (1 000 msup2 x 04) Agrave Paris le nouveau Plan local durbanisme a abaisseacute le COS agrave 3 dans la zone UG (Urbaine Geacuteneacuterale) Il eacutetait auparavant agrave 325

abondante entre immeubles mais surtout avec des eacutequipements collectifs accessibles et

adapteacutes agrave la taille de lrsquoensemble (eacutecoles centre commercial et terrains de sports)

En lrsquoabsence de rues animeacutees par divers commerces et services mais aussi drsquoeacutequipements

adapteacutes dans les espaces exteacuterieurs les relations sociales et la sociabiliteacute de proximiteacute

disposent de peu de supports sociaux pour leur deacuteveloppement Au contraire la forte et

brutale exposition au regard exteacuterieur des personnes suscite une distance sociale dans les

croisements et les cocirctoiements Cette situation est renforceacutee par la preacutesence de groupes

drsquohabitants replieacutes sur leur sphegravere familiale et domestique en raison de ces effets inhibiteurs

des dispositions spatiales et mateacuterielles des espaces exteacuterieurs et de circulation interne aux

bacirctiments (halls drsquoentreacutee couloirs) Ainsi agrave la finesse des cloisons des appartements qui

geacutenegravere de la distanciation avec les voisins pour proteacuteger la vie priveacutee srsquoajoute cette faiblesse

des dispositifs ou des supports drsquointeractions qui lrsquoamplifie

Dans lrsquoensemble ces principaux griefs sur le cadre physique des grands ensembles relegravevent

certainement drsquoune application politique trop restrictive des principes fonctionnalistes

drsquourbanisme et drsquoarchitecture deacutejagrave trop rationnels (Merlin 2010) En effet la seacuteparation des

fonctions prive des activiteacutes et des eacutequipements de base Lrsquoindustrialisation de la construction

permet la reacutepeacutetition monotone et anonyme des immeubles et leur gigantisme eacutecrasant aux

effets renforceacutes par la disparition des rues et le vide formel des nombreux espaces

intermeacutediaires Cette inhumaniteacute sensible peut ecirctre accentueacutee par le manque de seacutecuriteacute

physique en cas drsquoagression ou drsquoaccident neacutecessitant aide se deacutegageant des espaces

exteacuterieurs en raison de leur faible freacutequentation conforteacutee par la seacuteparation des circulations

selon leur mode (veacutehicules bicyclettes pieacutetons) ce qursquoillustre la creacuteation de dalles

pieacutetonniegraveres au-dessus de voies de circulation et drsquoaires de stationnement de voitures

Un des effets sociaux majeurs de ces dispositions urbanistiques concerne lrsquoabsence de

fonction socialisatrice voire eacuteducative des espaces reacutesidentiels alors mecircme que la

deacutemographie des grands ensembles est marqueacutee par une surrepreacutesentation depuis leur

premier peuplement de meacutenages avec des enfants en bas acircge (anneacutees 1960-1970) puis des

adolescents (anneacutees 1970-1980) et enfin de jeunes adultes (1990-2000) avec une leacuteger

tassement progressif lieacute agrave la diversification des meacutenages (Merlin 2010) Une partie de cette

jeunesse freacutequente intenseacutement les espaces exteacuterieurs en raison le plus souvent de difficulteacutes

familiales qui les privent drsquoeacuteducation parentale eacutepanouissante (Lapeyronnie 2008) Les

faibles activiteacutes eacuteconomiques et sociales dans les espaces de proximiteacute avec un manque

drsquoeacutequipements etou drsquohabitants qui les freacutequentent voire aussi le faible niveau de services

454454

publics et priveacutes conduisent agrave laisser la possibiliteacute agrave des conduites transgressives et violentes

de se manifester

Les espaces exteacuterieurs sont les plus freacutequenteacutes par les jeunes agrave lrsquoeacutecart de leurs foyers qui

monopolisent les lieux en y deacuteveloppant des activiteacutes souvent lieacutees aux trafics divers et agrave

lrsquooccasion desquelles ils produisent des souillures diverses marquant leur appropriation

(deacutechets urines deacutegradations graffitishellip) jamais nettoyeacutees ou reacutepareacutees par eux Cet usage

speacutecifique entraicircne une deacutegradation rapide des lieux sans entretien approprieacute possible par les

modaliteacutes complexes drsquoentretien et de gestion des espaces (surfaces importantes domanialiteacutes

enchevecirctreacutees) Les autres habitants peuvent ressentir un abandon drsquoeux-mecircmes et de leur

quartier par les pouvoirs publics et les gestionnaires mais aussi de lrsquoinseacutecuriteacute et de la

vulneacuterabiliteacute Leurs relations entre eux se tendent avec des pheacutenomegravenes de meacutefiance mutuelle

et drsquoinciviliteacute croissante qui se deacuteveloppent Ainsi avec des conditions drsquoentretien difficiles

et des moyens neacutecessaires eacuteleveacutes par rapport agrave ce qui eacutetait preacutevu il est possible que plus les

lieux se deacutegradent plus les contacts sociaux aussi

En fait plus que des soucis de socialisation pour les plus jeunes les deacutefauts formels et

drsquoeacutequipements des grands ensembles ont le plus souvent geacuteneacutereacute des contextes drsquointeraction

sociale peu favorables Degraves les anneacutees 1960 les insuffisances de la vie communautaire et

sociale lieacutees agrave lrsquoanonymat et agrave lrsquoisolement des choix urbanistiques ont eacuteteacute deacutenonceacutees (Merlin

2010) Indeacutependamment du deacutebat sur le sens des eacutequipements publics et priveacutes

laquo disciplinarisation raquo ou non des couches populaires par les eacutelites (Tissot 2007) ndash dans les

anneacutees 1960 et 1970 leur manque est ressenti par la population des peacuteripheacuteries ou plutocirct des

nouveaux grands quartiers voire des villes nouvelles bacircties agrave cette eacutepoque

Lrsquoabsence de centre-ville plurifonctionnel (hocirctel de ville culture eacutecoles centre de

santeacutehellip) nrsquoest pas compenseacutee malgreacute des reacuteactions parfois inteacuteressantes comme le plan de

rattrapage et de reacuteeacutequipement de Paul Delouvrier de 1963-1975 pour la banlieue parisienne

avec des centres polyvalents ou des structures inteacutegreacutees agrave plusieurs fonctions pour des

eacuteconomies financiegraveres mais aussi pour favoriser les rencontres En outre la faiblesse des

usages sociaux exteacuterieurs fut au deacutepart en partie preacutedeacutetermineacutee par drsquoune part un peuplement

majoritairement composeacute de jeunes meacutenages avec enfants en bas acircge pour qui les sorties sont

limiteacutees et drsquoautre part par les longues dureacutees drsquoabsence des parents souvent les pegraveres

drsquoabord travaillant agrave lrsquoexteacuterieur dans des agglomeacuterations ou des zones drsquoactiviteacutes parfois

longues drsquoaccegraves avec des systegravemes de transport en commun mal constitueacute pendant que les

megraveres ou les femmes seules srsquoy ennuyaient le plus souvent

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Cependant agrave partir des anneacutees 1970 et 1980 trois pheacutenomegravenes sont venus rendre plus

probleacutematiques les situations sociales locales (Merlin 2010) 1 la paupeacuterisation des

meacutenages notamment de cateacutegories populaires avec drsquoune part le deacuteveloppement du chocircmage

de masse du sous-emploi et de la preacutecariteacute et drsquoautre part la croissance des seacuteparations

conjugales faciliteacutee par lrsquoindeacutependance des femmes actives et les tensions geacuteneacutereacutees par la fin

du plein emploi 2 la croissance de la deacutelinquance et de la violence des jeunes et donc de

lrsquoinseacutecuriteacute dans et autour des zones de grands ensembles en particulier ougrave avec les

changements drsquooccupation les meacutenages vieillissants aux enfants partis se confrontent aux

jeunes de nouveaux meacutenages plus pauvres (e premier Comiteacute drsquoeacutetudes sur la violence la

criminaliteacute et la deacutelinquance fut drsquoailleurs installeacute en 1976 par Jacques Chirac Premier

ministre) et 3 les politiques drsquoattribution des logements sociaux de la part des organismes

bailleurs conduisant agrave des concentrations de preacutecaires et drsquoimmigreacutes peu ou non qualifieacutes dans

des secteurs de grands ensembles les moins valoriseacutes la politique de regroupement familial

des immigreacutes des anneacutees 1970 a rajouteacute au pheacutenomegravene de surpeuplement avec des effets

importants en termes drsquousure et de deacutegradation des appartements et des parties communes et

aussi de difficulteacutes drsquointeacutegration sociale des familles et surtout des enfants (probabiliteacutes plus

fortes drsquoeacutechec scolaire et drsquoentreacutee en deacutelinquance)

Ainsi moins que la paupeacuterisation des peuplements qui ne signifie pas neacutecessairement

relations sociales tendues mais au contraire parfois organisation drsquoune communauteacute

solidaire la vie sociale des grands ensembles srsquoest trouveacutee affecteacutee par deux grands types de

pheacutenomegravenes que sont lrsquoaccroissement speacutecifique de populations immigreacutees et le

deacuteveloppement croissant de la deacutelinquance de la violence et de lrsquoinseacutecuriteacute (Merlin 2010)

Le premier point est celui de la forte proportion drsquoimmigreacutes dans les peuplements qursquoils

soient eacutetrangers naturaliseacutes ou issus des DOM-TOM Elle est le signe du processus de

releacutegation existant agrave lrsquoencontre des meacutenages plus fragiles dont les immigreacutes peu ou non

qualifieacutes

Cette preacutesence renforce le caractegravere speacutecifique et marginal des espaces et introduit une

heacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute culturelle qui nrsquoest pas sans ecirctre source de renforcement des difficulteacutes de

communalisation des voisinages voire de constitution de divisions ethniques dans les

relations sociales et aussi drsquoaccentuation des problegravemes drsquointeacutegration des personnes et des

familles concerneacutees Car en lrsquoabsence de dispositifs drsquoaccompagnement social speacutecifiquement

mis en place en ce sens lrsquoeacutecart srsquoaccroicirct entre les besoins eacuteleveacutes des populations en actions

institutionnelles et sociales drsquointeacutegration et les manques de structures et de dispositifs effectifs

456456

qui les mettent en œuvre (activiteacutes eacuteconomiques et sociales eacutequipements publics et priveacutes

regroupements associatifs ameacutenagements spatiaux)

Le deuxiegraveme pheacutenomegravene devenu structurel dans les grands ensembles deacutegradeacutes a eacuteteacute traiteacute

tant dans la partie empirique (Chapitre VI section E) que dans le chapitre VII preacuteceacutedent

(sections A et B) la violence de certains habitants surtout des jeunes tant en reacuteaction agrave

lrsquoordre social en cours que dans le domaine de la transgression des regravegles de proprieacuteteacute et de

respect des personnes Les atteintes aux biens et aux personnes ont souvent nettement

augmenteacute au cours des trente derniegraveres anneacutees ainsi que la violence des relations avec les

policiers les pompiers les conducteurs drsquoautobus et les enseignants Surtout ce sont les

violences entre jeunes et au sein des voisinages avec des rackets des incendies de veacutehicules

des intimidations des provocations voire des agressions physiques et sexuelles qui se sont

multiplieacutees

Ces comportements apparaissent avec la preacutesence de nombreuses familles en difficulteacutes

drsquointeacutegration notamment en ce qui concerne les jeunes souvent drsquoorigine immigreacutee qui

connaissent lrsquoeacutechec scolaire etou le chocircmage persistant et des parents parfois en seacuteparation

conjugale etou en preacutecariteacute eacuteconomique et sociale Ces types de situation sociale et familiale

peuvent conduire pour certains agrave des choix de conduites et de valeurs transgressives et

violentes dans les relations interpersonnelles familiales et entre les sexes Le problegraveme est

que si la deacutelinquance constitue deacutejagrave une reacuteaction de violence face agrave une situation injuste ou

socialement eacuteprouvante elle contribue en retour agrave lrsquoaccroicirctre dans les relations sociales

ordinaires

Un point qui accentue le caractegravere neacutefaste de ce problegraveme et qui pousse agrave en faire une

dimension structurelle et symbolique est que le deacuteveloppement de la violence se reacutealise dans

un cadre spatial qui deacutepasse le seul peacuterimegravetre des zones drsquohabitation Le rapport 2009 de

lrsquoObservatoire national des ZUS en fournit un exemple reacutecent Il indique qursquoen 2008 les

atteintes aux biens sont de 5065 pour 1 000 dans les circonscriptions contenant une ZUS

contre 4343 pour 1 000 dans les ZUS mecircmes et pour les vols speacutecifiquement de 3787 pour

1 000 contre 2957 pour 1 000 Seules les atteintes aux personnes sont leacutegegraverement supeacuterieures

dans les ZUS (1221 contre 1138 pour 1 000 dans les circonscriptions) ainsi que les

destructions et deacutegradations (1386 contre 1278 pour 1 000)

Qursquoune grande partie des atteintes ne soit pas signaleacutee par les habitants des ZUS par peur

etou reacutesignation ou que les quartiers voisins soient plus atteints par les conduites violentes de

certains jeunes des quartiers sensibles ces eacuteleacutements signifient drsquoabord que la violence ne

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srsquoarrecircte pas aux frontiegraveres physiques des espaces de grands ensembles et que ce sont bien les

espaces plus larges qui les comprennent qui en sont affecteacutee Il est alors compreacutehensible que

le sentiment drsquoinseacutecuriteacute gagne alors autant les habitants des grands ensembles que ceux de

leurs environnements reacutesidentiels

Un type de conduite speacutecifique symbolise plus fortement encore les problegravemes drsquointeacutegration

sociale qui se manifeste dans les grands ensembles les soulegravevements eacutemeutiers impulsifs

Ceux de novembre 2005 qui se sont reacutepandus dans la plupart des zones urbaines sensibles de

meacutetropole sont particuliegraverement significatifs les variables laquo quartier drsquohabitat social raquo et

surtout laquo zone franche urbaine raquo (ZFU) sont nettement correacuteleacutees agrave la survenue des eacutemeutes

(Lagrange 2007) Les ZFU pour rappel constituent les ZUS les plus grandes (plus de 10 000

habitants) et les plus deacutesoleacutees en termes de diplocircmes de qualification et drsquooccupation

professionnelle des habitants et notamment des jeunes La faiblesse des activiteacutes

eacuteconomiques et donc de lrsquoemploi local est le critegravere qui justifie une politique drsquoexoneacuteration

drsquoimpocircts et de cotisations sociales pour encourager toute implantation ou extension locale

drsquoentreprise avec recrutement drsquohabitants des zones concerneacutees

Lagrange (2007) montre que crsquoest surtout la concentration des grandes familles (6 personnes

et plus) qui est le plus correacuteleacutees aux eacutemeutes notamment celles noir-africaines dont les larges

fratries constituent un frein important agrave la socialisation en comparaison avec drsquoautres familles

migrantes de taille plus petite Il est drsquoailleurs statistiquement constateacute que en ZUS les

familles nombreuses notamment eacutetrangegraveres sont en surrepreacutesentation par rapport aux restes

des agglomeacuterations tout comme les familles monoparentales (Pan Keacute Shon 2007)

Dans les deux cas (famille nombreuse et famille monoparentale) une variable explicative des

conduites deacutelinquantes des enfants peut se manifester plus facilement que dans drsquoautres

configurations familiales le modegravele de relation familiale et drsquoeacuteducation des enfants En effet

si crsquoest lrsquoautoritarisme etou le manque drsquoaccompagnement agrave lrsquoautonomie des enfants par les

parents qui preacutedomine ce cadre incite les premiers agrave srsquoeacutecarter du foyer familial pour vivre

dans la rue des relations agrave caractegravere identitaire et familial dans un groupe de pairs

Plus globalement aussi Lagrange (2007) a montreacute que les eacutemeutes et a fortiori les inciviliteacutes

et la deacutelinquance quotidienne eacutemergent dans un cadre de vie sociale locale peu deacuteveloppeacutee

sur le plan des relations entre les institutions et la population reacutetractation des associations

laiumlques et drsquoeacuteducation populaire distanciation des relations entre des associations agrave caractegravere

identitaire communautaire et religieuse et des services municipaux peu amegravenes par crainte

458458

des protestations drsquoextrecircme droite deacutesengagement de lrsquoEacutetat dans le soutien financier des

collectiviteacutes locales affaiblissement de la capaciteacute drsquoaction des collectiviteacutes par lrsquoarriveacutee de

jeunes chefs de projet en politique de la ville sans expeacuterience et creacutedit aupregraves des

associations absence drsquoengagement de celles-ci dans les programmes de reacuteussite eacuteducative

ou encore absence de politique drsquointeacutegration des immigreacutes dans les institutions municipales

locales

Lrsquoabsence drsquoune telle politique de reconnaissance et drsquointeacutegration locale eacutetant drsquoailleurs

correacuteleacutee avec les eacutemeutes les plus dures agrave calmer Cette eacutetude a drsquoailleurs mis en lumiegravere le

lien entre la dureacutee des eacutemeutes (et non leur deacuteclenchement qui a surtout eacuteteacute lieacute agrave la preacutesence

de groupes de jeunes deacutefavoriseacutes de familles nombreuses) et la faiblesse de lrsquoaction

municipale et associative deacuteteacuteriorant la coheacutesion sociale locale Drsquoautres variables associeacutees

au pheacutenomegravene eacutemeutier ont eacuteteacute mises en avant le surcroicirct de chocircmage dans la ville par

rapport au reste de lrsquoagglomeacuteration la deacutemolition drsquoimmeubles et le relogement dans le cadre

de la reacutenovation urbaine (geacuteneacuterant inquieacutetudes incompreacutehensions frustrations et amertumes)

la seacutegreacutegation reacutesidentielle des eacutetrangers dans les zones urbaines sensibles selon lrsquoindice de

dissimilariteacute de leur part par rapport aux restes des villes et le taux de familles eacutetrangegraveres et

de non diplocircmeacutes dans les quartiers lorsque ceux-ci ne sont pas cateacutegoriseacutes en ZUS

Quoiqursquoil en soit de maniegravere plus geacuteneacuterale pour toutes les cateacutegories drsquohabitants des zones

de grands ensembles lrsquoexpeacuterience de la deacutegradation de la deacutejagrave tregraves faible vie sociale locale

suscite certainement des tensions psychologiques et sociales nombreuses avec les difficulteacutes

relationnelles et la fatigue voire lrsquoeacutepuisement des personnes srsquoengageant dans des luttes

personnelles et collectives parfois pour ameacuteliorer la situation locale souvent en vain Ce qui

geacutenegravere des rapports drsquoindiffeacuterence de mise agrave distance ou encore drsquoirritation si ce nrsquoest

drsquoagressiviteacute Giraud (2000) eacutevoque aussi le misoneacuteisme geacuteneacuteraliseacute chez les plus anciens

pour qui chaque changement envisageacute de lrsquoenvironnement est appreacutehendeacute comme une

deacutegradation suppleacutementaire

Dilain (2006) pour Clichy teacutemoigne de cette humeur seacutegreacutegative que cette expeacuterience peut

produire il rapporte le refus drsquoappartenance communale de la part des quartiers

pavillonnaires situeacutes en peacuteripheacuterie de la commune dont il est maire alors que le grand

ensemble est au centre de la ville Cela peut srsquoobserver dans drsquoautres communes comme aux

Ulis ou bien drsquoautres Les habitants des pavillons tregraves exigeants sur leur cadre de vie megravenent

volontiers des luttes symboliques contre la deacutevalorisation commerciale de leur ville sur les

marcheacutes immobiliers Dans ce sens les agences immobiliegraveres reacutepercutent ces tendances et

459459

eacutevitent aussi de nommer les villes de grands ensembles en indiquant les noms des communes

voisines mieux reacuteputeacutees (Le Raincy Livry-Gargan et Gagny pour Clichy-sous-Bois)

Ainsi les conditions physiques drsquohabitat mais aussi sociales au sens de preacutesence de

structures de dispositifs et drsquoeacutequipements institutionnels sociaux eacuteconomiques et culturels

sont agrave lrsquoorigine de lrsquoeacutevolution des opinions progressivement plus critiques des habitants au-

delagrave de la satisfaction quant au confort des logements Agrave lrsquousage en quelque sorte les

habitant ont deacutecouvert que les conceptions architecturales et urbaines des grands ensembles

induisaient une laquo disciplinarisation raquo des modes de vie des occupants en conformiteacute avec les

thegraveses du mouvement drsquoarchitecture et drsquourbanisme moderne (Merlin 2010) celui-ci attribue

au cadre de vie un rocircle dans la formation drsquoun mode de vie urbain conccedilu comme modegravele

privileacutegieacute agrave inculquer aux citoyens de maniegravere abrupte voire autoritaire sans libre choix de

leur part

La laquo nociviteacute raquo de cette production urbaine sur les personnes et leur vie sociale srsquoest

rapidement aveacutereacutee notamment lorsque la deacuteconnexion durable au travail srsquoest geacuteneacuteraliseacutee

par lrsquoeacuteloignement spatial mais aussi social de celui-ci avec une place de plus en plus reacuteduite

dans la vie quotidienne des habitants la vie sociale de ces derniers tend agrave se confiner

speacutecifiquement au quartier drsquohabitation Ils sont alors davantage sensibles agrave leur cadre

drsquohabitat ainsi qursquoau nombre et agrave la qualiteacute des structures spatiales et sociales favorables aux

dynamiques drsquointeacutegration et de relations sociales

De ce fait les grands ensembles deacutegagent la speacutecificiteacute de posseacuteder des proprieacuteteacutes physiques

drsquoabord mais aussi sociales par effet de conseacutequence qui influencent les attitudes et les

usages de ces occupants Ce cadre physique et social drsquohabitat constitue un type spatial

structurant (Remy 1998 Bourdin Lefeuvre 2002) qui deacutetermine la vie sociale qui srsquoy

deacuteroule Cette relation speacutecifique entre lrsquoespace et le social agit drsquoailleurs de maniegravere presque

indeacutependante par rapport agrave la variable laquo type de logement raquo (ou laquo statut de la construction raquo)

se deacuteclinant en logement aideacute de type HLM ou non En effet ici la relation entre les

logements HLM la speacutecialisation sociale par le bas du peuplement la paupeacuterisation la

violence et la deacutelinquance dans lrsquoenvironnement reacutesidentiel concerneacute nrsquoexiste qursquoen raison de

lrsquoappartenance des immeubles agrave une configuration drsquoordre fonctionnaliste de lrsquoespace urbain

constitueacute

Parmi les grands ensembles qui comportent des parts majoritaires de logements sociaux ceux-

ci ne preacutesentent pas de destineacutees sociales diffeacuterentes de ceux qui ont une mixiteacute plus forte en

460460

termes de type drsquoimmeuble selon leur statut constructif Par exemple si effectivement la

grande zone de La Villeneuve agrave Grenoble composeacutee de trois quartiers de grands ensembles

assez eacutequipeacutes et soigneacutes sur le plan de lrsquoameacutenagement urbain a pu voir ses classes moyennes

en sortir assez rapidement crsquoest bien en raison de la speacutecialisation en logements de type

HLM-locatives de la majoriteacute de ses immeubles drsquohabitation qui nrsquooffre pas de perspectives

drsquoaccession agrave la proprieacuteteacute (Merlin 2010)

En revanche il a eacuteteacute constateacute dans lrsquoeacutechantillon de communes de grands ensembles eacutetudieacute

dans la troisiegraveme partie que la baisse deacutemographique lieacutee en grande partie agrave lrsquoeacutemigration

reacutesidentielle des plus aiseacutes ou encore la paupeacuterisation la deacutelinquance et la violence

apparaissent nettement dans le cas de parts importantes de logements en accession agrave la

proprieacuteteacute Les Ulis ougrave les logements sociaux ne repreacutesentent que 51 des reacutesidences

principales en 1982 mais aussi agrave la mecircme date Fareacutebersviller (49 ) et Behren-legraves-Forbach

(30 ) en Moselle et Mourenx (49 ) en Pyreacuteneacutees-Atlantiques

De ce fait la variable laquo type de logement raquo (HLM-locative ou accession agrave la proprieacuteteacute surtout)

apparaicirct comme dissoute par la nature de lrsquoespace reacutesidentiel (grand ensemble ou pas) la

preacutesence de logements en accession agrave la proprieacuteteacute agrave pregraves de 50 du parc de logements ne

constitue donc pas de garantie a priori tant pour lrsquointeacutegration et la participation sociale de la

population locale que par ricochet une image positive de la ville dans les repreacutesentations

sociales

De nombreux promoteurs priveacutes srsquoeacutetaient drsquoailleurs souvent retireacutes au deacutemarrage des

opeacuterations de construction apregraves un engagement programmatique initial au vu des premiegraveres

reacuteactions sociales plutocirct critiques des difficulteacutes drsquoorganisation avec les instances et les

organismes publics et de lrsquoaccroissement au sein des patrimoines sociaux des cateacutegories

pauvres et en difficulteacutes sociales (Peillon 2001) Pour lrsquoessentiel le secteur priveacute srsquoest alors

effectivement orienteacute vers le deacuteveloppement drsquooffres de logements et drsquoespaces de meilleure

qualiteacute notamment en accession agrave la proprieacuteteacute

Ainsi la deacutevalorisation sociale des grands ensembles a drsquoabord traduit un rejet global de ses

principes fonctionnalistes de construction et drsquoameacutenagement (Merlin 2010) qursquoavaient

pourtant adopteacutes une majoriteacute des diffeacuterents acteurs de la construction en France autour de la

Seconde Guerre mondiale Cependant dans lrsquoeffort de reconstruction et dans le

deacuteveloppement des politiques drsquourbanisme et du logement ceux-ci ont aussi contribueacute agrave

461461

lrsquoeacutevolution des autres parties des villes et de lrsquooffre de logement selon drsquoautres conceptions et

approches concurrentes de construction et drsquourbanisation

Les reacutesultats de ces eacutevolutions urbaines et architecturales hors zones de grands ensembles ne

sont pas sans lien avec leur eacutetat actuel chaque agglomeacuteration ou bassin drsquohabitat comportent

de multiples secteurs reacutesidentiels qui eacutevoluent de faccedilon diffeacuterencieacutee selon les eacutepoques et dans

un jeu drsquoinfluences multiples sur le statut et la fonction de chacun des autres secteurs

constitutifs de lrsquoespace urbain global La partie suivante preacutesente les grands traits de ces

eacutevolutions qui forment en tant que deacuteterminants exogegravenes lrsquoorigine en quelque sorte

speacutecifiquement urbaine de la deacutevalorisation des grands ensembles

3 Eacutevolution des espaces reacutesidentiels et de la fonction des grands ensembles

On a vu preacuteceacutedemment que tout un ensemble drsquoeacuteleacutements se cumulant reacutesonne comme des

signes de statut social neacutegatif des espaces et des attributs de la marginaliteacute urbaine niveau

eacuteleveacute de bas revenus et proportion drsquoimmigreacutes laquo anormalement raquo eacuteleveacutee signes importants de

deacutesordre social faible sociabiliteacute locale Sans identiteacute anteacuterieure positive forte des territoires

ainsi que sans adaptation des choix drsquoimplantation de formes de construction drsquoimmeubles et

drsquoeacutequipements force est de constater que la disqualification sociale a tregraves vite peseacutee sur les

grands ensembles constituant des supports meacutediocres pour les identiteacutes sociales entraicircnant

plus des replis et des conflits que des sociabiliteacutes appreacutecieacutees

Ce paragraphe montre que avec des attributs vite deacutepreacutecieacutes pour les classes moyennes et

modestes stables ces espaces sont passeacutes au second rang si ce nrsquoest au dernier dans les

agglomeacuterations ou bassins drsquohabitat vis-agrave-vis des autres espaces reacutesidentiels internes Ce point

est central pour comprendre la dimension urbaine ou territoriale des processus de seacutegreacutegation

puisque les grands ensembles constituent bien en milieu urbain des localiteacutes de releacutegation que

drsquoautres ne sont pas

Avec tous les eacuteleacutements drsquoanalyse rapporteacutes plus haut sur lrsquoeacutetat physique et social des grands

ensembles il est possible de les qualifier drsquolaquo habitat socialement disqualifieacute raquo comme deacutefini

par Serge Paugam (1995) il reacutesulte de lrsquoarticulation drsquoune deacutegradation agrave lrsquointeacuterieur de

lrsquoespace reacutesidentiel suite agrave lrsquoaccentuation de situations de preacutecariteacute avec lrsquoimage de laquo zone agrave

risques raquo renvoyeacutee par drsquoautres citadins via les meacutedias et que finissent par inteacuterioriser les

habitants ce qui est antinomique drsquoun sentiment drsquoidentiteacute collective du lieu habiteacute et de la

462462

possibiliteacute de mobilisation collective la visibiliteacute de la paupeacuterisation renforce les processus

drsquoexclusion et de disqualification sociales alteacuterant ainsi lrsquoexpeacuterience veacutecue des habitants en

les empecircchant de srsquoarrimer agrave une identiteacute locale positive Cette notion de disqualification

sociale de lrsquoespace nrsquoest pas sans lien avec la seacutegreacutegation sociale des espaces reacutesidentiels

concerneacutes Cette forme de seacutegreacutegation peut se manifester en raison de lrsquoexistence drsquoun

processus plus large drsquoeacutevolution diffeacuterentielle des espaces reacutesidentiels des villes qui deacutepend

des mobiliteacutes territoriales des diverses cateacutegories sociales de la ville

Effectivement les eacuteleacutements spatiaux physiques institutionnels et sociaux ne sont pas seuls agrave

expliquer le changement de statut socio-symbolique des grands ensembles dans lrsquoespace

urbain Lrsquolaquo obsolescence raquo physique et la deacutevalorisation sociale rapides des grands ensembles

sont aussi lieacutees agrave un ensemble de changements intervenus dans le champ du logement et des

espaces reacutesidentiels qui a entraicircneacute une nette modification de statut des grands ensembles dans

les systegravemes reacutesidentiels des aires urbaines auxquels ils appartiennent

Selon A Leacutevy (1998) un systegraveme reacutesidentiel est un ensemble signifiant et coheacuterent drsquoespaces

reacutesidentiels (quartier secteur reacutesidence) deacutependant les uns des autres et entretenant des

rapports associatifs mettant en valeur les ressemblances qui les unissent et les diffeacuterences qui

les opposent chaque espace reacutesidentiel possegravede ainsi un sens ou encore une connotation

sociale axiologique eacutevolutive selon le jeu drsquooppositions et de diffeacuterences qursquoil tire de la

comparaison avec les autres espaces et lrsquoensemble des discours connotatifs valorisant et

deacutevalorisant sur les espaces reacutesidentiels deacutependent des perceptions sociales des habitants de

chaque espace mais surtout des autres espaces composeacutees de formules steacutereacuteotypeacutees multiples

et souvent mythifieacutees

De ce fait les facteurs et les deacuteterminants drsquoordre laquo ontologique raquo deacutecrits plus haut

concernant la deacutegradation physique et le deacuteclin social des grands ensembles (formes spatiales

mateacuteriaux ameacutenagements gestion eacutequipements usages des espaces peuplement et rapports

sociaux) doivent srsquoanalyser dans la relation drsquointerdeacutependance par rapport agrave la structure des

espaces reacutesidentiels du reste des aires urbaines Chaque eacutevolution des parties de cette structure

(deacutegradationdisparition creacuteationameacuteliorationreacutenovation drsquoespaces reacutesidentiels) et de leur

statut social a des effets sur le statut et lrsquoeacutevolution physique et sociale de chaque espace

seacutepareacutement

Preacuteciseacutement en ce qui concerne les grands ensembles deux mouvements doivent ecirctre pris en

compte drsquoun cocircteacute le deacuteveloppement de nouveaux espaces reacutesidentiels non accessibles aux

plus deacutemunis favoriseacute par la mobiliteacute des classes moyennes vers des logements et des espaces

463463

464464

plus confortables et de plus grande qualiteacute de lrsquoautre cocircteacute lrsquoeacutevolution reacutegressive des

diffeacuterents secteurs publics et priveacutes de logement et drsquoheacutebergement des plus pauvres et en

difficulteacutes sociales du fait notamment de politiques de reacutehabilitation et de suppression de

certains segments de seacutegreacutegation du parc

Ces deux mouvements transforment le statut et la fonction sociale des grands ensembles dans

leurs agglomeacuterations dans un sens drsquohabitat meacutelangeacute pour les plus fragiles Ils constituent une

modification de la structure en espaces reacutesidentiels des aires urbaines franccedilaises degraves la fin des

anneacutees 1960 agrave la fin de la grande peacutenurie de logement drsquoapregraves guerre que la production des

grands ensembles avait justement permis drsquoatteindre Dans les diverses agglomeacuterations ceux-

ci occupent progressivement le bas de la hieacuterarchie des types drsquohabitat et des espaces

reacutesidentiels puisqursquoils srsquoeacutecartent deacutesormais le plus des normes qualitatives et fonctionnelles

des nouveaux espaces priveacutes en endossant le rocircle principal de reacuteceptacle de concentration des

pauvres et de preacutecaires qui se trouvaient avant reacutepartis de maniegravere disperseacutee dans lrsquoespace

urbain Ces deux mouvements peuvent ecirctre deacutecrits dans le deacutetail

Le premier mouvement est celui de lrsquoaccroissement important du logement individuel ou

encore de lrsquohabitat collectif priveacute notamment en accession dans lrsquoespace peacuteriurbain pour

lrsquoessentiel Ces changements se repegraverent dans les chiffres de production de logements depuis

les anneacutees 1970 Ils se sont fortement reacuteduits depuis le deacutebut des anneacutees 1970 de

555 000 logements en 1972 agrave une fourchette de 300 000 agrave 340 000 dans les anneacutees 1985-

1990 En 1973 le locatif social repreacutesentait 23 de lrsquoensemble des constructions annuelles

(127 500 sur 555 000 uniteacutes) en 1980 il ne repreacutesentait plus que 15 (60 000

logements)109

Ainsi lrsquoaccession agrave la proprieacuteteacute et le locatif priveacute repreacutesentaient pregraves de 350 000 logements

construits par an dans les anneacutees 1970 et pregraves de 250 000 dans les anneacutees 1980 en 1973

lrsquoindividuel repreacutesentait 45 puis plus de 65 au milieu des anneacutees 1980 (entre 1973 et

1981 les effectifs de construction annuelle de lrsquoindividuel sont resteacutes constants alors que les

effectifs drsquoensemble se reacuteduisaient) et les chiffres du collectif ont eacuteteacute diviseacutes par 25 ou 3

109 En 2005 avec lrsquoeacutelan du Programme national de reacutenovation urbaine commenceacute en 2004 le nombre de logements sociaux repreacutesente 195 (80 000 logements) de la production totale de logements (410 000) Si lrsquoon tient compte qursquoun tiers drsquoentre eux relegravevent de la cateacutegorie des logements financeacutes par des PLS crsquoest-agrave-dire des logements aux loyers les plus eacuteleveacutes par rapport aux autres cateacutegories de logement social (PLUS logement social laquo de base raquo et PLA I pour les plus faibles ressources) le taux descend agrave 13 (53 300 logements PLUS et PLA I) (Robert 2006)

Cette orientation de logements construits (plus drsquoindividuels et drsquoaccession ou de locatif

priveacute) plus la reacutehabilitation de lrsquohabitat ancien ont eacuteteacute pleacutebisciteacute par les meacutenages moyens

voire plus modestes (ouvriers) mais stables Deacutesireux de quitter les grands ensembles en

raison des problegravemes de cohabitation et plus largement de relations sociales mais aussi des

deacutefauts techniques et de gestion existants ils lrsquoont eacuteteacute encourageacutes par lrsquoaide personnaliseacutee au

logement (APL) instaureacutee avec la reacuteforme du financement du logement par la loi du 3 janvier

1977

Le deuxiegraveme mouvement ayant modifieacute les systegravemes reacutesidentiels urbains se compose drsquoune

seacuterie de pheacutenomegravenes ayant abouti agrave la quasi-disparition des solutions de logement et

drsquoheacutebergement pour les meacutenages pauvres et en difficulteacutes sociales Dans un premier temps un

tassement du parc locatif priveacute accessible aux meacutenages modestes srsquoest manifesteacute le reflux du

parc couvert par la loi de 1948 (plafonnement des loyers) lrsquoillustre pleinement avec 1

400 000 logements en 1970 passeacutes agrave 350 000 en 1996 soit une perte de frac34 des logements en

Icircle-de France avec 95 000 logements ils sont dix fois moins que les logements agrave loyer libre

Cependant ce sont les logements locatifs anciens dans leur ensemble qui ont progressivement

disparu qursquoils soient ou non couverts par la loi de 1948 entre 1978 et 1988 30 de ce parc

est concerneacute (soit 930 000 logements de moins) Dans un second temps plusieurs formules

drsquoheacutebergement preacutecaires constituant un parc laquo infra-social raquo pour les plus deacutemunis ont aussi

fortement reacutegresseacute (vieux hocirctels meubleacutes garnis chambres de bonnehellip) drsquoavant guerre

(220 000) agrave la fin des anneacutees 1990 (20 000) ce parc a eacuteteacute diviseacute par dix le restant cohabite

drsquoailleurs souvent avec un patrimoine priveacute renouveleacute dont lrsquoindice des loyers entre 1985 et

1997 a crucirc presque deux fois plus vite que lrsquoindice geacuteneacuteral des prix

Dans cet eacutelan les dispositifs de logement social agrave normes reacuteduites ou drsquoaccueil drsquourgence et

temporaire de population comme les citeacutes de transit pour lutter contre les taudis et les

bidonvilles de populations essentiellement immigreacutees furent aussi progressivement supprimeacutes

(agrave partir seulement de 1982 pour les citeacutes de transit) Lrsquoobjectif eacutetant agrave chaque fois de tenter

de juguler les effets seacutegreacutegatifs du regroupement des plus pauvres ou en difficulteacutes sociales

ou familiales dans des espaces seacutepareacutes de moindre qualiteacute par rapport agrave drsquoautres secteurs

reacutesidentiels leur destineacutee accumule malgreacute les nombreuses actions de type socio-eacuteducative

(alphabeacutetisation enseignements meacutenagers pueacutericulture actions et aide socialehellip) conflits de

voisinage croissants part importante drsquoinactifs de chocircmeurs et drsquoassisteacutes deacutegradation et

deacutelabrement des locaux et des parties communes deacutesengagement des gestionnaires et

reacuteactions de protestation des locataires et enfin deacuteveloppement des problegravemes de

465465

deacutelinquance de drogue (et de sida) voire de criminaliteacute organiseacutee plus ou moins fantasmeacutee

(Cohen David 2012)

Tous ces eacuteleacutements de reacuteduction massive des parcs priveacutes et publics veacutetustes ou de faibles

normes drsquohabitat ont entraicircneacute un large mouvement de mobiliteacute des meacutenages modestes vers le

logement social le plus deacutegradeacute crsquoest-agrave-dire celui des grands ensembles en premier chef en

raison de son eacutetat drsquoachegravevement souvent lacunaire et drsquousure rapide Ils ont eacuteteacute les outils de la

reacutesorption des diffeacuterents types drsquohabitat de moindre voire de faible qualiteacute ayant pour certains

conduit agrave accentuer la seacutegreacutegation sociale de leurs occupants par le renforcement de leur

marginaliteacute voire par le deacuteveloppement de leur deacuteviance La localisation en quelques espaces

speacutecifiques mais tregraves visibles des agglomeacuterations de populations multiples en difficulteacutes

sociales et parfois bien stigmatiseacutees a donc eacuteteacute accompagneacutee drsquoun transfert aux grands

ensembles deacutegradeacutes drsquoun regard agrave la fois miseacuterabiliste et stigmatisant (Cohen David 2012)

En combinaison avec lrsquoaccroissement de lrsquooffre priveacutee attractive des nouveaux produits pour

les cateacutegories moyennes et supeacuterieures ce mouvement a entraicircneacute la speacutecialisation sociale des

quartiers drsquohabitat social ougrave il est bon de ne pas trop y rester Dans cette perspective degraves la

seconde moitieacute des anneacutees 1970 le rapport Mayoux (1979) sur lrsquohabitat individuel constata la

fonction de bien laquo drsquohabitat drsquooccasion raquo des grands ensembles Lrsquoune des laquo suggestions raquo de

ce rapport est drsquoinviter pour justifier le deacuteveloppement du peacuteriubain individuel les

intellectuels et militants agrave habiter les grands ensembles puisque ils reacutealisent un laquo intense

brassage social raquo ce que justement critiquait le rapport

Ainsi avec une speacutecialisation croissante dans lrsquoaccueil des plus deacutemunis et avec la hausse des

coucircts grevant les budgets drsquoentretien les grands ensembles sont affecteacutes drsquoun processus

deacutepressif qui deacutepasse la temporaliteacute normale de la veacutetusteacute technique Les diverses opeacuterations

de reacutehabilitation des grands ensembles mises en œuvre entre la fin des anneacutees 1970 et le deacutebut

des anneacutees 1990 nrsquoont fait que rendre plus visibles leurs difficulteacutes sociales sans les reacuteduire

pour autant puisque lrsquointervention sur le bacircti nrsquoa aucun effet sur le chocircmage la

marginalisation sociale et les comportements reacuteactifs de transgression sociale et drsquoopposition

sociopolitique des habitants (Plouchard 1999) En fait la visibiliteacute du traitement technique

sans effet sur le contenu social des grands ensembles renforce la deacutevalorisation sociale en

eacutelargissant le cercle des populations informeacutees des opeacuterations

Ce processus peut se mesurer avec la moindre valeur des logements neufs dans et proches des

quartiers de grands ensembles sur les marcheacutes immobiliers Ils participent aux mouvements

466466

drsquoeacutevolution des eacutetats des diffeacuterents secteurs urbains en fonction de la mobiliteacute des cateacutegories

sociales qui les freacutequentent laquo Par effet de contiguiumlteacute pauvreteacute et richesse se diffusent et

tendent agrave se geacuteneacuteraliser sur un territoire eacutelargissant la maille geacuteographique de la seacutegreacutegation

en utilisant les canaux que sont les valeurs fonciegraveres la reacuteputation des eacutecoles et les images

sociales des populations dont la preacutesence se renforce raquo (Peillon 2001 p 190)

Un pheacutenomegravene de diffusion des eacutetats de valeur se manifeste dans les espaces publics et les

eacutequipements de proximiteacute des ville dans lrsquoenvironnement des grands ensembles il srsquoagit de

deacutegradation physique de disqualification sociale et de stigmatisation avec la deacutegradation des

rapports reacutesidentiels en tant que rapports de voisins mais aussi rapports au logement agrave

lrsquoimmeuble et au quartier (Authier 2002) Pour les communes de grands ensembles crsquoest

effectivement comme on lrsquoa vu avec Les Ulis les communes de lrsquoeacutechantillon eacutetudieacute et aussi

drsquoautres cas eacutevoqueacutes tels que Veacutenissieux et Clichy-sous-Bois le territoire drsquoensemble de la

collectiviteacute qui est affecteacute par les problegravemes de deacutelinquance et de violence ainsi que par la

segmentation des relations selon les sexes et les communauteacutes ethniques Le maire de Clichy-

sous-Bois nrsquoexprime-t-il pas le sentiment dominant des populations lorsqursquoil eacutevoque le

laquo basculement dans lrsquoexclusion et la ghettoiumlsation raquo (Dilain 2006 p 206) de sa commune de

classes moyennes et populaires dans les anneacutees 1970

Les grands ensembles ont donc progressivement endosseacute un rocircle drsquoaccueil speacutecifique des

populations les plus fragiles socialement pour le compte de lrsquoEacutetat Drsquoougrave lrsquoeffet seacutegreacutegatif de

ce processus drsquoassignation En plus des opeacuterations de relogement des populations issues des

bidonvilles et des types drsquohabitat drsquourgence de transit de logement social agrave normes reacuteduites

ou de logements veacutetustes du parc priveacute Clavel (1998) fait remonter cette orientation agrave

lrsquoinstauration du systegraveme drsquoaide agrave la personne pour lrsquoaccegraves au logement social des plus

pauvres

Il a contribueacute agrave lrsquoeacutemergence drsquoune forme de seacutegreacutegation sociale marqueacutee par la mise agrave

distance sociale au sein des mecircmes espaces reacutesidentiels agrave la diffeacuterence de celle agrave lrsquoœuvre

dans les relations sociales entre occupants de cateacutegories drsquohabitats distincts seacutepareacutes

geacuteographiquement laquo si dans le systegraveme drsquoaide agrave la pierre lrsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute de la construction

(programmes sociaux de relogement citeacutes de transit HLM ordinairehellip) conduisait agrave la

seacutegreacutegation dans le systegraveme APL (allocation personnaliseacutee au logement) crsquoest lrsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute

des populations (ressources mode de vie aspirationshellip) qui induit ce mouvement dans un

bacircti apparemment uniforme raquo (Clavel 1998 p 73-74)

467467

La seacutegreacutegation qui se manifeste ne se reacutealise donc pas uniquement par lrsquoassignation ou la

releacutegation de meacutenages en difficulteacutes sociales dans diffeacuterents espaces drsquohabitat social ou aideacute

Elle deacuterive aussi drsquoune cohabitation forceacutee des meacutenages moyens et supeacuterieurs avec des

meacutenages aideacutes en grand nombre ce qui incite les premiers soucieux de meilleur confort

mateacuteriel drsquoentre-soi social et culturel et de protection identitaire et drsquoeacuteducation non

seulement de marquer de la distance dans les relations de voisinage (eacutevitement reacuteserve voire

indiffeacuterence critiques systeacutematiques voire conflits ouverts) mais aussi agrave quitter le logement

social qui a ainsi perdu de la valeur statutaire agrave leurs yeux

Cette reacuteaction est lrsquoexemple mecircme drsquoune action politique laquo bien intentionneacutee raquo mais suscitant

un effet seacutegreacutegatif important dans la reacutepartition spatiale des groupes sociaux En effet le

rapport de la commission Barre avait poseacute les bases de la reacuteforme de 1977 deacuteveloppant les

aides personnelles au logement et reacuteduisant les aides aux constructeurs afin de faciliter la

mixiteacute sociale dans les villes Il deacutenonccedilait drsquoailleurs laquo la seacutegreacutegation des hommes par la

localisation de lrsquohabitat raquo (Barre Jeancourt-Galignani 1976)hellip

Ces eacutevolutions urbaines deacuteterminent un sens agrave lrsquohabitat des habitants marginaliseacutes qui restent

dans ou pregraves des grands ensembles Ils doivent composer avec lrsquoexistence de cette identiteacute

spatiale neacutegative Crsquoest pour cela que Didier Lapeyronnie eacutevoque la neacutecessiteacute de

laquo spatialiser raquo lrsquoanalyse des problegravemes des habitants (Lapeyronnie 2008 p 137) et non celle

des problegravemes sociaux comme le critiquent plusieurs auteurs (Baudin Genestier 2002

2006 Tissot Poupeau 2005 Garnier 2010) La spatialisation des problegravemes sociaux crsquoest

leur attribuer des causes spatiales en en oubliant les deacuteterminations sociales principales

alors que la spatialisation des problegravemes des habitants crsquoest consideacuterer la place de lrsquoespace

dans les problegravemes des habitants ie comprendre leur assignation agrave un espace seacutegreacutegueacute un

espace de concentration des pauvres dans la ville qui devient ainsi une dimension essentielle

de la pauvreteacute Habiter dans ou proche drsquoun tel espace induit drsquoen porter le stigmate comme

une identiteacute exteacuterieure subie ce qui peut ecirctre perccedilu comme une situation individuelle drsquoeacutechec

social sans en voir la dimension collective et sans conscience de classe

Vivre dans un quartier de releacutegation deacuteveloppe le sentiment drsquoune vie anormale par la mise agrave

lrsquoeacutecart spatiale de la ville par les cateacutegories supeacuterieures ou moyennes du centre-ville ou des

beaux quartiers de lrsquoagglomeacuteration Lrsquo laquo exil raquo veacutecu dans un territoire seacutepareacute et rejeteacute

contribue agrave enclaver et agrave renforcer lrsquoisolement relatif car le quartier devient une laquo aire

urbaine raquo speacutecifique identifiable et repeacuterable distinct de la ville La population peut y

apparaicirct homogegravene Les caractegraveres urbains relevant du fonctionnalisme sont pauvres

468468

immeubles de mauvaise qualiteacute et deacutegradeacutes disposeacutes sans forme logique peu ou pas de

commerces et drsquoespaces publics espaces verts transformeacutes en terrain vague bacirctiments agrave

lrsquoabandon Et les quartiers sont non passants

Degraves le deacutebut de leur peuplement les espaces publics des grands ensembles sont

principalement occupeacutes par un grand nombre de jeunes de conditions modestes sans preacutesence

drsquoautres adultes plus acircgeacutes pour reacuteguler les comportements de deacutesœuvrement La laquo galegravere raquo

qursquoils vivent est vite devenue une caracteacuteristique structurelle de peuplement des grands

ensembles visible de lrsquoexteacuterieure et alimentant neacutegativement leur reacuteputation

Crsquoest donc degraves lrsquoorigine que ces espaces ont preacutesenteacute une image laquo inverseacutee raquo de la ville

traditionnelle par rapport aux critegraveres de densiteacute de proximiteacute de mixiteacute et de sociabiliteacute qui

forment des quartiers divers et animeacutes Par leur apparent manque drsquourbaniteacute ces espaces

signifient une position de faiblesse occupeacutee par les habitants La rupture urbaine spatiale et

sociale que constituent ces espaces produit des frontiegraveres claires et des liaisons difficiles par

rapport aux autres quartiers urbains Lapeyronnie (2008) indique en fait que cette image

externe des zones drsquohabitat de releacutegation est drsquoailleurs laquo plus reacuteelle raquo que sa non-validiteacute

interne sous lrsquoeffet du poids de la domination des repreacutesentations sociales construites sur une

meacuteconnaissance de leur reacutealiteacute

Les peuplements ne sont pas reacuteductibles agrave un univers de pauvres et de deacutelinquants ceux-ci

sont en fait laquo sur-visibiliseacutes raquo physiquement dans ces espaces par rapport agrave leur propre laquo sous-

visibiliteacute raquo sociale Cette image est laquo tant source que conseacutequence de la seacutegreacutegation urbaine

pour les habitants raquo (Lapeyronnie 2008 p 142) Crsquoest pourquoi les habitants souhaitent ne

pas endosser cette identiteacute sociale laquo pieacutegeacutee raquo par lrsquoimage neacutegative du ghetto dans les relations

sociales dans la ville Celle-ci geacutenegravere un a priori de handicap social etou un soupccedilon voire

une suspicion permanente de comportements neacutegatifs Les habitants des citeacutes laquo invisibles raquo

perccediloivent drsquoailleurs cette heacuteteacutero-eacutevaluation neacutegative baseacutee sur les normes dominantes de la

vie urbaine et ils en souffrent chroniquement comment se deacutemarquer de la disqualification

sociale et symbolique tant agrave lrsquointeacuterieur du ghetto qursquoagrave lrsquoexteacuterieur

Lrsquoidentiteacute pieacutegeacutee est lieacutee agrave lrsquoassociation entre drsquoune part la reacutesidence dans le quartier qui est

caricatureacutee dans ses aspects neacutegatifs et drsquoautre part les cateacutegories de reacutesidants consideacutereacutes

comme deacuteviants incapables ou deacutependants Drsquoougrave la meacutefiance la crainte lrsquohostiliteacute le meacutepris

lrsquoeacutevitement voire le malaise dans les zones de cocirctoiement obligeacute (transports en commun

institutions sociales eacutequipementshellip) tant dans les discours que dans les comportements

469469

Ces discours connoteacutes dans lrsquoespace urbain ont une fonction sociale drsquoexpression des craintes

sur ce type de zones Ils justifient la seacutegreacutegation urbaine agrave leur encontre en plus de deacutenoncer

des faits drsquoinseacutecuriteacute souvent reacuteels La seacutecuriteacute joue un rocircle central dans la geacuteographie et le

deacuteveloppement urbain pour diviser la ville en bons et mauvais quartiers Les citeacutes sont

reacuteputeacutees pour leurs aspects neacutegatifs steacutereacuteotypeacutes mais elles sont ignoreacutees pour la reacutealiteacute de

leurs habitants et de leur vie sociale ce sont des laquo citeacutes invisibles raquo (Lapeyronnie 2008)

Leur image et leur destin urbain sont pourtant maicirctriseacutes par les classes moyennes et

supeacuterieures du reste des agglomeacuterations Cette domination est drsquoailleurs souvent guideacutee par

une volonteacute de seacutegreacutegation

La section suivante montre que la marginalisation urbaine et la stigmatisation territoriale

relegravevent drsquoune logique seacutegreacutegative qui se manifeste tant dans les rapports sociaux locaux

qursquoau niveau de politiques institutionnelles mises en œuvre

B- Deacuteclin des grands ensembles et logiques politiques et sociales seacutegreacutegatives

Dans les communes de lrsquoeacutechantillon eacutetudieacute ainsi que sur drsquoautres territoires de grands

ensembles observeacutes des pheacutenomegravenes de tensions de deacutelinquance et de violence sociale se

sont deacuteveloppeacutes de maniegravere plus ou moins eacuteleveacutee depuis leur occupation Le regroupement

spatial de populations marginaliseacutees a pu contribuer agrave une segmentation des relations

reacutesidentielles (Lapeyronnie 2009) et leur difficile inteacutegration suscite des ambiances tendues

peu propices agrave une dynamique de vie sociale satisfaisante

Cette eacutevolution sous forme drsquoeffet-spirale expansive est lieacutee agrave lrsquoexistence de pheacutenomegravenes de

seacutegreacutegation dans les relations entre composantes sociales des milieux urbains actifs sur le

plan des repreacutesentations sociales Ils se manifestent parfois en des termes speacutecifiquement

urbains critegravere spatial de jugement neacutegatif sur les personnes (lieu drsquohabitation) refus vis-agrave-

vis des cateacutegories sociales distinctes et mal jugeacutees de participation agrave des activiteacutes ou de

freacutequentation drsquoespaces urbains ou agrave lrsquoinverse eacutevitement par les groupes excluant de

certains lieux de certains contacts ou de certaines activiteacutes jugeacutees inutiles voire menaccedilants

pour leur identiteacute ou leur inteacutegriteacute Une conseacutequence de ces pheacutenomegravenes est drsquoaccentuer les

meacutecanismes drsquoexclusion eacuteconomique et sociale existants ou en drsquoautres termes de freiner

voire bloquer lrsquointeacutegration sociale des cateacutegories victimes de ces actes discriminants

470470

Ces conduites visent agrave favoriser lrsquoentre-soi identitaire des cateacutegories sociales de la socieacuteteacute vis-

agrave-vis des cateacutegories infeacuterieures et drsquoeacutecarter tout risque de conflit ou drsquoeffet de laquo contagion

morale raquo neacutegative lieacute surtout agrave une cohabitation reacutesidentielle En partant de lrsquoaction publique agrave

lrsquoorigine des grands ensembles et qui conduit les politiques de traitement de leur difficulteacute les

deacuteveloppements ci-dessous preacutesentent en quoi ses deacutemarches relegravevent de cette logique

seacutegreacutegative sous-jacente agrave lrsquoorigine de la laquo crise raquo des grands ensembles Cette logique

deacutecoule drsquoattitudes individuelles inscrites dans les rapports sociaux marqueacutes par les effets de

preacutecarisation eacuteconomique et sociale de la mutation des modes de production et des

insuffisances de la protection sociale agrave les contrer

Cette section termine par un exemple de forme reacutecente et speacutecifique de seacutegreacutegation urbaine

reacutealiseacutee de maniegravere non explicitement consciente agrave lrsquooccasion du programme gouvernemental

de reacutenovation (PNRU) des espaces deacutegradeacutes dont pour la plupart drsquoentre eux les grands

ensembles Les opeacuterations concernant les communes de lrsquoeacutechantillon eacutetudieacute dans la partie

empirique preacuteceacutedente sont rapporteacutes agrave cet effet

1 La deacutetermination politique et eacutetatique de la laquo crise raquo des grands ensembles

Il a deacutejagrave eacuteteacute eacutevoqueacute plus haut les reacuteticences agrave ne consideacuterer la laquo crise urbaine raquo qui est

associeacutee au destin des grands ensembles que drsquoun seul point de vue spatialiste urbanistique

et architectural Il srsquoagit maintenant de tenir compte de la dimension politique de cette

eacutevolution qui est essentielle et preacutedominante pour sa pleine compreacutehension (Bertho 1997

Garnier 2010) En effet les grands ensembles deacuteveloppeacutes agrave la croiseacutee des politiques

industrielles urbaines et du logement srsquoinscrivent en partie dans lrsquohistoire sociale et politique

de la classe ouvriegravere et des banlieues rouges des grandes villes dont Paris en premier chef

Les municipaliteacutes communistes des communes peacuteripheacuteriques avaient en grande partie

souhaiteacute leur construction dans lrsquoeacutelan du deacuteveloppement drsquoun maximum de biens et de

services divers afin de faire acceacuteder les ouvriers agrave la laquo vie normale raquo et drsquoameacuteliorer leurs

conditions de vie quotidienne Et si lrsquohistoire ouvriegravere nrsquoest pas tant urbaine que politique les

grands ensembles drsquohabitation ne constituegraverent dans ce sens qursquoun laquo produit urbain raquo drsquoun

compromis conflictuel entre des projets politiques municipaux drsquoaccegraves agrave des conditions de vie

deacutecentes et lrsquoaction des planificateurs eacutetatiques depuis le XIXe siegravecle

471471

En effet apregraves la Seconde Guerre mondiale alors que lrsquoEacutetat avait renforceacute son intervention

face au deacuteficit important de logements les grands ensembles ont eacuteteacute accueillis pour moitieacute

dans des communes communistes et agrave un dixiegraveme par des communes socialistes Les

administrations et les associations de gauche deacutefendaient alors des revendications de bien-ecirctre

voire de normaliteacute sociale eacutequipements divers reacuteduction des logements insalubres services

de santeacute et drsquoanimation construction et deacutefense drsquoidentiteacute collective ainsi que soutien agrave

lrsquoopposition au patronat local Ce niveau eacuteleveacute de mobilisation politique faisait suite aux

transferts des usines polluantes hors les murs des villes degraves la fin du XIXe siegravecle et au

deacuteplacement des ouvriers dans les banlieues par rapport aux villes-centres Le processus

drsquointeacutegration sociale par le conflit politique dans le champ du travail srsquoexerccedila aussi dans le

cadre de lrsquoaction municipale gracircce aux liberteacutes communales acquises au XIXe siegravecle

Les grands ensembles furent perccedilus comme le modegravele reacutealiseacute de lrsquohygieacutenisme et du collectif

ouvrier en sortant les familles des bidonvilles et en leur donnant accegraves agrave la laquo normaliteacute raquo

associant confort de lrsquohabitat et projets familiaux de mobiliteacute reacutesidentielle Pour lrsquoEacutetat et les

promoteurs divers de cet habitat celui-ci eacutetait conccedilu comme provisoire devant beacuteneacuteficier agrave

une geacuteneacuteration de reacutesidents en attendant le deacuteveloppement de nouveaux produits reacutesidentiels

avec leur obsolescence que la logique culturelle de la socieacuteteacute de consommation imposait de

prendre en compte

Du cocircteacute des responsables politiques et sociaux des mouvements ouvriers cette forme urbaine

constituait drsquoailleurs un type drsquohabitat transitoire pour chaque geacuteneacuteration drsquoouvriers Elle eacutetait

un point drsquoeacutetape un laquo tremplin raquo avant lrsquoaccegraves au logement priveacute notamment individuel

Cette aspiration a drsquoailleurs eacuteteacute principalement suivie en 1973 deacutejagrave la moitieacute des meacutenages

ouvriers habitent une maison individuelle ou un immeuble agrave deux logements et deux tiers

des candidats au deacutemeacutenagement souhaitent le faire dans une maison individuelle un tiers des

meacutenages sont deacutejagrave proprieacutetaires (Bertho 1997)

Pourquoi notamment dans les collectiviteacutes geacutereacutees par la gauche avoir alors maintenu et

continuer agrave maintenir les grands ensembles dans leur eacutetat jusqursquoaux anneacutees 2000 marqueacutees

par le programme national de reacutenovation urbaine de 2003 initieacute par le ministre deacuteleacutegueacute agrave la

Ville et agrave la Reacutenovation urbaine Jean-Louis Borloo (Parti radical) du gouvernement de

lrsquoUnion pour la majoriteacute preacutesidentielle de droite Un malentendu srsquoest-il alors installeacute entre

lrsquoEacutetat concevant bien le caractegravere provisoire de ces constructions et les collectiviteacutes locales

qui en font plutocirct des espaces durables de points drsquoeacutetape reacutesidentielle provisoires Crsquoest en

tout cas un des tregraves nombreux autres eacuteleacutements de la crise de lrsquoEacutetat vis-agrave-vis de ses espaces de

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logements mais aussi de la crise de mobilisation et de revendications politiques que

rencontrent les territoires concerneacutes

En effet agrave partir du milieu des anneacutees 1970 la crise-mutation de la sphegravere productive et du

travail ajouteacutee agrave la promotion collective et individuelle des plus anciennes geacuteneacuterations

drsquoouvriers aboutit agrave la deacutesagreacutegation des espaces ouvriers pourtant deacutejagrave deacutestabiliseacutes par les

soucis de cohabitation et les caracteacuteristiques morphologiques et fonctionnelles de leur habitat

Les meacutenages ascendants se sont souvent spatialement disperseacutes contribuant agrave lrsquoeacutevidement de

la conflictualiteacute politique passeacutee du territoire Drsquoune reacutealiteacute de contestation sociale et politique

en faveur des cateacutegories ouvriegraveres et employeacutees des industries on est passeacute agrave des

significations nouvelles de la banlieue dans les discours sociopolitiques et meacutediatiques le

laquo deacutesordre social raquo dans certains lieux est le reacutesultat de lrsquoattitude des structures de lrsquoEacutetat vis-agrave-

vis de ce type drsquohabitat pourtant promu mais sans srsquoadapter suffisamment au changement de

peuplement qursquoil rencontre Car la preacutecariteacute qui touche les moins qualifieacutes et les plus jeunes

entraicircne une paupeacuterisation des grands ensembles deacuteserteacutes par les cateacutegories les plus stables et

accentueacutee par la hausse des loyers lieacutee aux diverses reacutehabilitations et opeacuterations de

valorisation des espaces concerneacutes

Au lieu de srsquoestomper la preacutecariteacute et la marginaliteacute se sont durablement installeacutees Les

bastions rouges sont devenus des laquo ghettos raquo ougrave la deacutemobilisation et lrsquoabstention politique ont

remplaceacute les mouvements collectifs intenses qui srsquoy manifestaient Signes cleacutes du changement

opeacutereacute le patronat y est retenu et non plus combattu les habitants sont perccedilus comme des

charges et non comme une richesse les immigreacutes pauvres notamment ne sont plus

consideacutereacutes comme des travailleurs car menaccedilant pour les charges communales et les mairies

issues du peuple en arrivent agrave se retourner contre les exclus et preacutecaires et appellent agrave un

reacuteeacutequilibrage sociale de lrsquoagglomeacuteration alors que crsquoest ce deacuteseacutequilibre originel qui par le

conflit a permis aux ouvriers de forger un espace drsquoidentiteacute et de digniteacute un espace drsquoaccegraves agrave

la normaliteacute crsquoest-agrave-dire au mode de vie des classes moyennes (Bertho 1997) La culture

politique ouvriegravere srsquoest donc affaiblie symboliquement mais aussi pratiquement en laissant le

champ libre agrave lrsquoEacutetat et aux autres forces politiques

Agrave partir des anneacutees 1980-1990 la forme et la place des questions de banlieue dans le champ

politique eacutevoquent clairement une crise du politique et de lrsquoEacutetat sur ce sujet Sous couvert de

modernisation ce dernier se montre balbutiant agrave apporter les reacuteponses institutionnelles

attendues Au lieu de soulager la pauvreteacute il laquo territorialise raquo son action pour laquo recoudre raquo le

social en menant des laquo expeacuterimentations raquo territoriales seacutelectives pour y mener des actions

473473

474474

globales agrave la place de la redistribution et de lrsquoaction sociale en tout lieu ie aveugle

territorialement Il innove sur le plan du fonctionnement institutionnel avec des

administrations de mission leacutegegraveres et provisoires ne reacutepondant plus agrave la sollicitation sociale

mais aux laquo besoins sociaux raquo analyseacutes et eacutevaluant moins ses reacutesultats que ses intentions

La deacutecentralisation administrative a eacutegalement favoriseacute ce type drsquoaction contraignant agrave

constituer des commissions nationales interministeacuterielles et des eacutequipes de terrain

intersectorielles locales et agrave des actes de contractualisation entre lrsquoEacutetat et les collectiviteacutes

locales Ainsi dans ce cadre reacuteformeacute qui donne aux compromis sociaux issus des conflits de

classe une leacutegitimation universaliste lrsquoEacutetat devient consensuel crsquoest un animateur politique

au lieu de prescripteur de droit (Donzelot Estegravebe 1994)

Pour rappel lrsquoEacutetat-Providence jusqursquoaux anneacutees 1970 eacutetait le seul support de la solidariteacute et

des progregraves sociaux assureacute par ses taux de preacutelegravevements obligatoires dans une optique de

compromis social keyneacutesien (redistribution) Mais lrsquoaffaiblissement du taylorisme (eacuteconomie

industrielle de plein emploi) a mis le systegraveme eacuteconomiquement en crise ce qui neacutecessiterait

de transformer les rapports entre Eacutetat et socieacuteteacute De la fin des anneacutees 1960 au milieu des

anneacutees 1970 le concept et des pratiques drsquoanimation socioculturelle se sont deacuteveloppeacutes agrave

partir de discours savants militants et institutionnels faisant de lrsquoespace local un lieu de

conflit dont lrsquoeacutepicentre restait dans lrsquoentreprise

Cette notion de local constituait drsquoailleurs plus une cateacutegorie eacutetatique et savante que partisane

comme objet ou cadre de lutte politique Elle est axeacutee sur lrsquoanalyse des besoins de la

population comme source de prescription de lrsquoEacutetat Lrsquointeacuterecirct sur laquo lrsquoobjet local raquo comme

srsquointitule un colloque de 1975110 est devenu le moyen drsquoune meilleure appreacutehension de la

totaliteacute sociale par un gouvernement de prescription et qui fait donc appel aux savants pour en

reacuteveacuteler les laquo besoins innovants raquo agrave travers ou mecircme en lieu et place de leur expression

politique et deacutemocratique

En ameacutenagement urbain les reacutehabilitations sont le champ privileacutegieacute de ces expeacuteriences

drsquoanalyse lrsquoexpeacuterience de mobilisation des habitants et des professionnels du quartier de

lrsquoAlma-Gare agrave Roubaix correspond aux preacutemices drsquoune nouvelle gestion du social avec des

professionnels militants et des habitants se professionnalisant Crsquoest drsquoailleurs lrsquoeacutepoque de la

110 Sfez L eacuted (1977) LrsquoObjet local colloque du 30-31 mai 1975 Paris Paris Union geacuteneacuterale drsquoeacuteditions coll laquo 10-18 raquo 445 p Bertho relie cette approche au deacuteveloppement du champ de la vie quotidienne en sociologie cf le colloque de Montpellier laquo La vie quotidienne en milieu urbain raquo (1978) Annales de la recherche urbaine Centre de recherche drsquourbanisme Paris 1980

pousseacutee associative pour lrsquoameacutelioration du cadre de vie inteacuteressant les eacutelus le local est perccedilu

comme source de relations sociales laquo authentiques raquo drsquoune proximiteacute deacutemocratique et drsquoune

efficaciteacute de laquo reacuteseaux concrets raquo

La meacutethode de laquo deacuteveloppement social des quartiers raquo mise en œuvre dans les zones en

difficulteacute pendant les anneacutees 1980 obeacuteit agrave cette logique Sauf qursquoavec le temps passeacute le

peuplement des zones urbaines concerneacutees a changeacute de caractegravere les meacutenages moyens et

modestes inteacutegreacutes disposeacutes agrave srsquoinvestir dans le champ associatif pour lrsquoameacutelioration du cadre

de vie se sont reacuteduits en effectifs remplaceacutes par des meacutenages pauvres et preacutecaires et ceux

qui sont preacutesents se replient dans la sphegravere priveacutee ne trouvant pas de points drsquoinvestissement

possible

En outre ce modegravele drsquoaction sociale originale a pu heurter certains principes du droit

administratif classique la territorialisation conforteacutee par la deacutecentralisation et les pratiques

contractuelles internes agrave lrsquoEacutetat entraicircne un processus de deacuteterritorialisation de la prescription

et du droit national puisque les mesures fiscales sociales financiegraveres et de contenu ne sont

plus les mecircmes selon les territoires Plus speacutecifiquement la territorialisation du social ne

semble plus srsquoappliquer qursquoagrave la laquo banlieue raquo terme flou deacutesignant les espaces urbains

peacuteripheacuteriques incertains deacutesordonneacutes et craints sur le mode de la repreacutesentation mythique

des citeacutes-ghettos (Steacutebeacute Marchal 2009)

Les politiques sociales laquo de la ville raquo srsquoinvestissent alors dans cet imaginaire des espaces de

pauvres et drsquoexclus dont le laquo quartier raquo est devenu la notion phare depuis la deacutecennie 1985-

1995 eacutepoque drsquoinstitutionnalisation politique maximale des objectifs et meacutethodes des

reacuteformateurs qui srsquoinscrivent dans cette ligneacutee philosophique de lrsquoanimation et de lrsquoaction

sociale globale sur des espaces locaux avec lrsquoappui de la deuxiegraveme gauche triomphante avec

lrsquoaccession de Michel Rocard agrave la fin des anneacutees 1980 agrave la tecircte du gouvernement (Tissot

2007) En reacuteaction agrave la perception drsquoune perte de coheacutesion sociale anteacuterieure en reacutefeacuterence au

paradigme durkheimien du lien social des interventions drsquoordre social et urbanistique sont

engageacutees pour restaurer laquo le lien social raquo ou laquo la coheacutesion sociale raquo qui se seraient deacutesagreacutegeacutes

Contre lrsquolaquo exclusion raquo ou la laquo fracture sociale raquo lrsquoobjectif institutionnel est alors lrsquo laquo insertion

sociale raquo des hors-la-ville mais aussi des sans-emploi sans-abris ou encore des sans-papiers

en laquo retissant du lien social raquo

En fait la fin de la classe ouvriegravere a marqueacute un retour sous une autre forme au courant

reacuteformateur plus ancien du paupeacuterisme du XIXe siegravecle mecircme recherche de coheacutesion de paix

475475

voire drsquoordre social dans des contextes urbains de vie sociale briseacutee du fait de problegravemes

causeacutes non plus par lrsquoexploitation eacuteconomique et la domination sociale mais doreacutenavant par

lrsquoexclusion sociale et la releacutegation spatiale de populations ignoreacutees car sans utiliteacute et

abandonneacutee voire meacutepriseacutee Au lieu drsquointerroger le systegraveme social dans son ensemble pour

pouvoir le modifier en favorisant davantage les populations les moins bien traiteacutees les

reacuteformateurs insistent sur une logique drsquoinsertion au systegraveme actuel qui est normalisante et

stigmatisante en direction de la masse de personnes perccedilues comme deacutesocialiseacutees elles

doivent adopter les bons comportements pour rentrer dans le rang alors que leur condition

sociale preacutecaire (pauvreteacute souffrances) ne leur permettent pas de le faire du fait justement de

leur position domineacutee dans les rapports sociaux producteurs des ineacutegaliteacutes

Parmi des meacutethodes alternatives drsquoaction sociale certainement plus efficientes Bertho (1997)

suggegravere une inversion de logique ne niant pas la recomposition reacutecente des modes de

production (mondialisation reacuteinvention permanente de lrsquousage de la force de travail

multiplication des sous-traitances et des coopeacuterations forte place agrave la creacuteativiteacute agrave lrsquoautonomie

et agrave la responsabiliteacute des employeacutes) mais srsquoy adaptant valoriser des compeacutetences plus

subjectives que les qualifications formaliseacutees centreacutees sur lrsquointelligence pratique en passant

par lrsquoincitation agrave leur acquisition et leur reconnaissance par des proceacutedures institutionnelles

diverses et favoriser des mobilisations collectives au lieu de chercher agrave reacuteinseacuterer des

individus isoleacutes par une logique individualisante et localiseacutee dans un systegraveme eacuteconomique et

social trop eacutetroit Il srsquoagit plutocirct drsquoassurer une place agrave tous par lrsquoeacutelargissement du systegraveme

Quoiqursquoil en soit historiquement agrave la conjoncture sociale nouvelle la politique socialiste de

1981 a redeacutefini lrsquoespace et les cateacutegories du social pour une approche plus globale et locale

des problegravemes sociaux opposeacutee aux interventions publiques sectorielles anteacuterieures Le

problegraveme est que les actions locales partenariales sont difficiles agrave mettre en œuvre Crsquoest

pourquoi lrsquoEacutetat srsquoen tient agrave des prescriptions de proceacutedures administratives et financiegraveres

drsquoexpeacuterimentations multiples aux termes neacutegocieacutes localement avec les collectiviteacutes locales

plutocirct que des contenus de politiques publiques Crsquoest pourquoi drsquoailleurs les eacutevaluations de la

politique de la ville portent plus sur les proceacutedures que sur les reacutesultats compareacutes aux objectifs

annonceacutes De ce fait ce sont les communes qui produisent lrsquoaction locale drsquoEacutetat en geacuterant les

compromis amortissant la violence et en assumant ses responsabiliteacutes dont la fonction de

base de maintien de lrsquoordre public

476476

Ainsi la feacutebriliteacute et le polymorphisme de lrsquoactiviteacute publique et semi-publique en banlieue

reacutevegravele une laquo crise de la normativiteacute raquo de la part de lrsquoEacutetat (Bertho 1997) crsquoest-agrave-dire une

incapaciteacute agrave deacutefinir des normes car les objectifs de la politique de la ville restent incertains

Et puisqursquoelle ne produit pas de reacuteponse agrave une preacutetendue crise de la ville elle est davantage le

lieu drsquoexpression de la crise de lrsquoEacutetat oscillant entre accumulation disperseacutee de proceacutedures et

de financements et reacutesignation continue devant la persistante des problegravemes de reacutegulation

sociale qui se manifestent dans les zones de grands ensembles

Avec cette poursuite sans reacutesultats tangibles de la politique de la ville nrsquoassiste-t-on pas agrave une

crise de la socieacuteteacute Bertho (1997) critique le consensus intellectuel agrave son sujet avec des

chercheurs appliqueacutes agrave utiliser les cateacutegories de lrsquoaction publique (laquo insertion raquo laquo exil raquo

laquo exclusion raquo laquo ghettos raquo agrave lrsquoameacutericaine) sans reacutefeacuterence aux seacutegreacutegations sociales issues

drsquoune vive lutte de classes sous-jacente et agrave centrer des deacutebats sur les moyens financiers au

lieu de contribuer au deacuteveloppement des termes de la lutte politique Il constate qursquoagrave la place

une nouvelle penseacutee du social srsquoest eacutechafaudeacutee apregraves celle de la lutte sociale de la libeacuteration

de lrsquoengagement les nouvelles cateacutegories sont la laquo fracture sociale raquo lrsquo laquo insertion raquo la

laquo participation citoyenne raquo dans un cadre laquo spatial raquo crsquoest-agrave-dire celui des territoires

releacutegueacutes agrave partir desquels les rapports sociaux sont penseacutes entre ces territoires et le reste des

villeshellip

Cette penseacutee a drsquoailleurs eacuteteacute alimenteacutee par la recherche tout au long des anneacutees 1980 et 1990

par commande publique interposeacutee Le thegraveme du laquo lien social raquo y est utiliseacute comme outil

drsquoopeacuterateur drsquoordre pour lier de lrsquoexteacuterieur des groupes et des personnes qui ne le seraient

pas entre ceux qui ont une place et ceux qui nrsquoen ont pas la socieacuteteacute eacutetant ici perccedilue comme

une addition de groupe et non comme une production contradictoire (Bertho 1997)

Avec les changements du peuplement des grands ensembles le lieu des rapports de tensions

ne seraient plus les entreprises mais lrsquoespace urbain ougrave les pauvres et les immigreacutes surtout

deviennent dangereux vecteurs de problegravemes sociaux Le laquo deacuteseacutequilibre raquo de certaines villes

se doit drsquoecirctre reacuteeacutequilibreacute au risque de deacuteseacutequilibrer les autres On continue drsquoailleurs agrave ne

vouloir y faire que du deacuteveloppement social pour faire du lien alors que les problegravemes

relegravevent de la participation au systegraveme eacuteconomique et social en eacutelargissant son accegraves Le

surnombre de pauvres et de preacutecaires par endroit empecirccherait la solidariteacute envers eux drsquoougrave les

logiques de bouclage de controcircle voire drsquoexclusion parfois par des politiques drsquoattribution de

logements sociaux visant la mixiteacute sociale du peuplement des zones concerneacutees

477477

Il en est de mecircme des immigrants de banlieues en majoriteacute dont la perception relegraveve drsquoune

racialisation geacuteneacuteraliseacutee et drsquoune classification sociale par les statuts le statut drsquoimmigreacute

preacutedomine celui drsquoouvrier drsquoemployeacute ou de chocircmeur et ce premier nrsquoest pas penseacute dans une

logique de participation agrave la production collective de normes mais de soumission agrave des

normes culturelles Les analyses sur leur diffeacuterence culturelle pour expliquer les tensions

sociales ou lrsquoethnicisation des rapports sociaux relegravevent drsquoune conception racialiste des

diffeacuterences sociales et statutaires de la socieacuteteacute et tendent ainsi agrave ignorer les processus

politiques de production de la normativiteacute sociale en reportant lrsquoorigine des maux et des

tensions aux victimes du systegraveme actuel qui les marginalisent

Crsquoest pourquoi lrsquoappel agrave la participation aux politiques publiques par des dispositifs de

deacutemocratie de proximiteacute eacutechoue car elle offre une association des forces vives agrave lrsquoaction

publique plus qursquoun deacutebat frontal sur des choix Pour Bertho (1997) drsquoailleurs la crise de la

politique dans sa version drsquoabstentionnisme et de repli xeacutenophobe parmi les classes populaires

vient de ce que le communisme srsquoest deacutecreacutedibiliseacute agrave leurs yeux en ne saisissant pas les

nouveaux enjeux drsquoorganisation du travail et de valorisation des compeacutetences centreacutes sur

lrsquointelligence pratique agrave des fins drsquoadaptation avec ses conseacutequences sur lrsquoemploi

Ce qui remet en cause la thegravese reacutepandue de la fin de la centraliteacute du travail dans la

conflictualiteacute et la politisation sociale Lrsquoutiliteacute sociale du travail et de lrsquoactiviteacute reste en fait

au centre du rapport de lrsquoindividu agrave la socieacuteteacute que des groupes meacutediants notamment

politiques doivent repreacutesenter pour favoriser les deacutefinitions identitaires et la leacutegitimiteacute

potentielle de normes nouvelles correspondantes agrave leurs besoins Sur quelle base deacutevelopper

la force de la mobilisation individuelle et collective des cateacutegories ouvriegraveres La seule

possible est celle du travail reacuteel en cours qui se trouve agrave lrsquoeacutecart du travail prescrit

Ainsi lrsquoinefficaciteacute de lrsquoaction polymorphe de lrsquoEacutetat reacutevegravele une crise de socieacuteteacute plus

largement puisqursquoelle agit sur des territoires traiteacutes comme vides de mobilisation et

drsquoexpression politiques crsquoest-agrave-dire sans activiteacute collective conflictuelle de production de

normes politiques Ne peut-on alors avancer que la dynamique preacuteceacutedente de lutte politique

pour lrsquoaccegraves agrave la vie normale srsquoappuyant sur la seacutegreacutegation socio-urbaine subie pour la

deacutepasser semble se reacutealiser diffeacuteremment sous de nouvelles formes visant une laquo autre

moderniteacute raquo Celle-ci doit alors dans ce cas prendre en compte les nouvelles contraintes

seacutegreacutegatives dans le champ du travail et du marcheacute de lrsquoemploi que sont les effets

drsquoimposition des normes drsquoinsertion et drsquointeacutegration inadeacutequate qui produisent une nouvelle

normativiteacute sociale excluante

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Lrsquoobjectif nrsquoest pas de fournir de meilleures reacuteponses institutionnelles aux laquo besoins de la

population raquo mais de prendre en compte les demandes et les prescriptions politiques relevant

des subjectiviteacutes individuelles et collectives qursquoil faut pouvoir identifier agrave partir des cateacutegories

de perception de discours et drsquoaction agrave recenser et comprendre Ce que Lapeyronnie (2008) a

pu mettre en œuvre en conceptualisant la logique laquo drsquoaction ghetto raquo qui combine protestation

contre lrsquoexclusion et usages transgressifs pour la survie quotidienne La partie suivante montre

que sans cette action drsquointeacutegration adapteacutee les processus sociaux drsquoexclusion et de

seacutegreacutegation agrave lrsquoencontre des cateacutegories sociales en difficulteacutes dans lrsquoeacuteconomie et le systegraveme

social contemporains

2 La logique seacutegreacutegative des rapports sociaux aux grands ensembles

Les parties preacuteceacutedentes ont rapporteacute que les processus de deacutevalorisation et de disqualification

sociales qui ont couvert les grands ensembles proviennent de trois grands causes 1 leurs

caracteacuteristiques morphologiques deacutecaleacutees de constitution mateacuterielle fragile drsquoeacutetat

drsquoachegravevement lacunaire et de gestion inadapteacutee 2 leur position statutaire et leur fonction

sociale relative deacutevaloriseacutees dans le champ des espaces reacutesidentiels en eacutevolution et 3

lrsquoinefficaciteacute du mode de traitement politique et institutionnel des problegravemes qui srsquoy

manifeste en raison drsquoune conception parcellaire de la repreacutesentation de leur origine et de leur

solution centreacutee sur un laquo lien social raquo indeacutefini agrave renouer sans prise en compte des expressions

politiques propres des habitants concerneacutes ni des compeacutetences pratiques pour srsquoadapter aux

modes modernes de production

Cette inefficaciteacute politico-institutionnelle geacutenegravere un pheacutenomegravene reacutetroactif en quelque sorte

de seacutegreacutegation urbaine agrave lrsquoencontre des habitants de ces espaces de marginaliteacute urbaine La

deacutevalorisation sociale des espaces reacutesidentiels et le deacuteveloppement continu de problegravemes

sociaux en leur sein et dans leur environnement mal traiteacutes politiquement renforcent les

perceptions sociales neacutegatives des lieux et donc la stigmatisation des personnes qui y habitent

en raison de leur seule reacutesidence

Une seacutegreacutegation sociale (mise agrave lrsquoeacutecart des activiteacutes positives) est donc active de la part tant

des individus que des structures institutionnelles ou eacuteconomiques et sociales non plus

seulement sur la base de la non-adaptation aux systegravemes de production et de reproduction en

mutation mais selon le critegravere drsquoappartenance agrave un territoire de problegravemes sociaux dangereux

479479

pour les individus et menaccedilant pour lrsquoordre social dominant Lrsquoattitude seacutegreacutegative motiveacutee

par un critegravere urbain peut ecirctre deacutenommeacute speacutecifiquement seacutegreacutegation urbaine Il srsquoagit de

montrer qursquoelle nrsquoest de nos jours pas marginale et qursquoelle srsquoeacutetend au fil de la non-reacutesolution

des problegravemes drsquointeacutegration sociale des exclus du systegraveme eacuteconomique et social moderne

La seacutegreacutegation urbaine consiste non seulement agrave la mise agrave lrsquoeacutecart drsquoune population ndash ici

pauvre et fragile socialement ndash dans lrsquoespace urbain mais aussi agrave lrsquoeacutevitement de lrsquoespace

reacutesidentiel des exclus dans les pratiques urbaines des citadins ordinaires ainsi qursquoagrave la

seacutegreacutegation des habitants des espaces de releacutegation dans la vie urbaine ordinaire en raison

mecircme de leur appartenance agrave ce type drsquoespace Lrsquoespace est devenu facteur de seacutegreacutegation

comme lrsquoeacutevoquait le thegraveme de la privation du droit agrave la ville de Lefebvre (1968) mais moins

en raison du manque de qualiteacutes urbaines des nouvelles zones drsquohabitation et de leur

eacuteloignement et des difficulteacutes drsquoaccegraves aux eacutequipements du reste des villes que du fait de la

stigmatisation spatiale de lrsquoespace craint et deacutenigreacute qui porte malheur agrave ses habitants dans la

participation aux activiteacutes socialement valoriseacutees Cette analyse aborde les diffeacuterents sens et

les logiques sociales de la seacutegreacutegation sociale en milieu urbain

Tout drsquoabord concernant la notion de seacutegreacutegation il convient drsquoen reconnaicirctre une certaine

incertitude conceptuelle lieacutee agrave des usages fluctuants que tente agrave chaque fois de deacutefinir de

maniegravere rigoureuse lrsquoanalyse scientifique Dans le domaine des pratiques reacutesidentielles en

milieu urbain depuis le milieu des anneacutees 1990 (Grafmeyer 1994) jusqursquoaux anneacutees 2000

(Madoreacute 2004 Avenel 2004) la notion deacutesigne principalement lrsquoineacutegale distribution de

groupes sociaux dans lrsquoespace urbain

Elle est lieacutee agrave leur mobiliteacute reacutesidentielle deacutependante notamment de leur position sociale mais

aussi de leur identiteacute sociale et ethnique deacutefinie dans le cadre des rapports sociaux etou de la

lutte des places dans la hieacuterarchie des structures sociales (Brun 2008 Preacuteteceille 2008)

Cette conception est plus large et geacuteneacuterale que lrsquoapproche plus restrictive des anneacutees 1970

apparue dans lrsquoeacutelan de la critique des opeacuterations de grands ensembles elle deacutesignait la

pratique de regroupement spatial explicite de populations preacutecaires agrave lrsquoeacutecart des eacutequipements

des services et des fonctions sociales de la ville (Preacuteteceille 2008)

Lrsquoapproche eacutelargie de la notion nrsquoest pas sans lien avec la discipline historique qui se tient agrave

distance des conjonctures politiques du moment et srsquoattache aux mouvements de longue dureacutee

sous des formes plus constantes telle la vision de la partition sociale en classes lieacutee agrave la

division sociale du travail Dans ce sens un rocircle est reconnu agrave chaque groupe social dans la

480480

production lrsquooccupation et lrsquoeacutevolution de lrsquoespace agrave lrsquoinstar des classes sociales dans agrave la

sphegravere productive Cet usage seacutemantique large du terme existait en fait avant mecircme les

anneacutees 1970 pendant lesquelles le sens est devenu plus strict pour deacutesigner des pratiques

volontaires conscientes et reconnues voire afficheacutees et institutionnaliseacutees parfois de mise agrave

lrsquoeacutecart spatiale de certaines cateacutegories de population

Il srsquoagit de se proteacuteger du meacutelange et du contact avec elles et de faccedilon leacutegitime pour une

fraction dominante de la population Les fractions les plus preacutecaires du salariat industriel ou

encore des populations urbaines non inteacutegreacutees dans les grandes industries font partie de ces

cateacutegories logeacutees dans des habitats tenus volontairement agrave distance dans des programmes

institueacutes et controcircleacutes agrave cette fin citeacutes de transit programmes agrave loyer reacuteduit programmes

sociaux de relogementhellip (Clavel 1998)

Jean-Marc Steacutebeacute (2007) citant Grafmeyer (1994) rapporte les trois modes drsquousage de la

notion de seacutegreacutegation pour lrsquoanalyse des reacutealiteacutes qursquoelle est censeacutee recouvrir 1 la description

des eacutecarts physiques de localisation dans lrsquoespace urbain de groupes sociaux avec des indices

multiples lieacutes agrave des meacutethodes diffeacuterentes 2 lrsquoanalyse des effets de ces eacutecarts en termes

drsquoineacutegal accegraves aux biens mateacuteriels et symboliques de la ville relieacute agrave des logiques collectives

comme la hieacuterarchie des places des groupes sociaux dans lrsquoeacutechelle des prestiges et des

positions dans les structures sociales concerneacutees (approche weacutebeacuterienne) ou encore comme le

jeu des rapports de force entre classes sociales dont les localisations reacutesidentielles et lrsquoaccegraves

aux biens et aux ressources de la ville constituent un aspect de production des ineacutegaliteacutes

sociales (approche marxienne) et 3 la deacutesignation des situations speacutecifiques drsquoespaces

enclaveacutes et peupleacutes de populations homogegravenes socialement ou ethniquement se rapprochant

des figures des ghettos ou des quartiers sensibles

Parmi les trois options les diffeacuterences sociales de localisation reacutesidentielle en milieu urbain

sont plus souvent interpreacuteteacutees comme le fruit drsquoune volonteacute drsquoeacutevitement du meacutelange

reacutesidentiel de la part des plus riches et aiseacutes vis-agrave-vis des plus pauvres et fragiles que comme

une simple ineacutegaliteacute sociale drsquoaccegraves ou de participation aux activiteacutes dominantes de la vie

sociale Notamment parce qursquoun processus de regroupement des plus pauvres et preacutecaires

dans des espaces speacutecifiques des agglomeacuterations est observable Marchal et Steacutebeacute (2007

p 84) indiquent dans ce sens que lrsquoobservation des seacutegreacutegations socio-urbaines se reacutealise

depuis les anneacutees 1990 selon une laquo approche plus globale sur les diffeacuterentes fractures socio-

spatiales dans les villes centres-villes embourgeoiseacuteslotissements peacuteriurbains moyenniseacutes

quartiers grand standingciteacutes HLM Lrsquoaccent est porteacute sur les principaux meacutecanismes

481481

drsquoeacutevitement et de seacutegreacutegation spatiale agrave lrsquoorigine de lrsquoenfermement des plus pauvres dans une

spirale de preacutecariteacute raquo

Apregraves la sociologie marxiste des anneacutees 1970 la vigueur de ce thegraveme dans la deacutecennie 1990

est lieacutee au rapprochement et agrave lrsquoaugmentation des relations entre les chercheurs et les

administrations en charge de la ville et du logement Degraves les anneacutees 1980 des seacuteminaires

chercheurs-deacutecideurs ont eacuteteacute organiseacutes avec la creacuteation du reacuteseau Socio-eacuteconomie de

lrsquohabitat La revue Esprit a instaureacute des Entretiens de la ville au deacutebut des anneacutees 1990 alors

mecircme que la seacutegreacutegation urbaine devicircnt une question politique afin de creacuteer une loi contre

elle visant agrave reacuteduire ou agrave supprimer les contrastes de peuplement dans la composition sociale

des villes (Brun 2008) Il srsquoagissait de reacutepondre aux craintes geacuteneacuterales de laquo crise de la ville raquo

lieacutees aux tensions et au malaise dans les grands ensembles drsquohabitat social notamment La

volonteacute politique drsquointervention directe sur les causes et les manifestations de ce qui est

deacutenommeacute seacutegreacutegation appela une hausse de savoir sur cette question

Des travaux ont eacuteteacute conduits suivant quatre thegravemes (Brun 2008) Un premier type drsquoanalyse

vise les diffeacuterentes configurations formelles possibles de la seacutegreacutegation urbaine comme

ineacutegaliteacute drsquoaccegraves aux modes de vie urbaine standard (consommation usages urbains) et les

comportements laquo asociaux raquo comme la monteacutee du laquo communautarisme raquo et la violence et la

deacutelinquance des jeunes surtout ce qui menacerait ainsi la coheacutesion sociale Cette approche

pose eacutegalement la deacutefinition des habitants laquo isoleacutes raquo dans les zones en difficulteacute et enfin elle

met en avant la relation entre les eacutechelles spatiales drsquoobservation et les principes

drsquointerpreacutetation des relations causales

Le deuxiegraveme type drsquoanalyses deacuteveloppeacutees au cours des anneacutees 1980 relegraveve drsquoune entreacutee

speacutecifiquement spatiale et est scindeacute en deux approches cloisonneacutees drsquoune part celle portant

sur les laquo quartiers raquo telle que lrsquoont souhaiteacute les hauts-fonctionnaires chargeacutes de mission et

eacutelus reacuteformateurs de la politique de la ville acquis agrave lrsquoanalyse tourainienne du paradigme de

lrsquoexclusion et dans la continuiteacute des approches des anneacutees 1970 sur lrsquoespace local de son

pendant interventionniste du laquo lien social raquo agrave renouer (Tissot 2007) drsquoautre part celle sur la

laquo division sociale de lrsquoespace raquo au niveau plus large des agglomeacuterations Dans ce cadre les

eacutetudes des laquo quartiers sensibles raquo passent de la seacutegreacutegation aux rapports et aux usages sociaux

dans les zones en marge La marginalisation devient le vecteur drsquoanalyse du veacutecu de la

seacutegreacutegation (origine processus conseacutequences) et des reacuteactions politiques qui y apparaissent

(mouvements sociaux) alors que les eacutetudes agrave lrsquoeacutechelle globale des villes tentent drsquoobjectiver

482482

les meacutecanismes seacutegreacutegatifs agrave travers notamment les donneacutees urbaines eacuteconomiques et

sociales des marcheacutes immobiliers (prix regravegles drsquoattribution structures du parchellip)

Le troisiegraveme type drsquoeacutetude est celui de lrsquoapprofondissement de lrsquoanalyse des relations entre

marcheacute du logement et seacutegreacutegation Car le premier a neacutecessairement un rocircle dans les eacutecarts de

localisation reacutesidentielle des groupes de population Enfin le quatriegraveme type drsquoeacutetude concerne

la relation entre mobiliteacute reacutesidentielle et seacutegreacutegation Les motifs drsquoagreacutegation dans des

quartiers homogegravenes qui produisent indirectement de la seacutegreacutegation sont ici mis en valeur

Cela permet de comprendre les mouvements opposeacutes et compleacutementaires de territorialisation

des groupes sociaux dans diffeacuterentes parties de lrsquoespace urbain En suivant des strateacutegies

reacutesidentielles multiples ils agissent sur les configurations de peuplement de lrsquoensemble des

espaces reacutesidentiels ce qui induit des mouvements dans la division sociale de lrsquoespace

Selon Brun (2008) ces multiples approches de la seacutegreacutegation socio-spatiale nrsquoavaient pas et

ne concluent toujours pas agrave lrsquointensification de la seacutegreacutegation urbaine depuis les anneacutees 1970

agrave lrsquoeacutechelle des agglomeacuterations Crsquoest le contraire de ce qursquoaffirmaient certains hauts-

fonctionnaires comme Gilbert Santel directeur de cabinet du ministre de lrsquoEacutequipement du

Logement des Transports et de la Mer Louis Besson (Parti socialiste) dans le gouvernement

de Michel Rocard lors du seacuteminaire deacutecideurs-chercheurs de mars 1991 preacuteparatoire agrave la loi

drsquoorientation laquo anti-ghetto raquo (Tissot 2007) La principale raison du hiatus entre chercheurs et

deacutecideurs ou autres acteurs est qursquoils ne se sont pas entendus sur la nature et lrsquoorigine exactes

des problegravemes agrave analyser ainsi que sur les conseacutequences de la seacutegreacutegation (Brun 2008)

Par exemple Il eacutetait postuleacute sans preuve que la seacuteparation des aires drsquohabitation des

laquo groupes raquo a des effets neacutegatifs mais dans quel sens Lrsquohistoire particuliegravere du mouvement

ouvrier dans les banlieues favorisant lrsquoaccegraves agrave la normaliteacute sociale empecircche de penser ce

pheacutenomegravene de cette maniegravere (Bertho 1997) En outre il existe bien un effet seacutegreacutegatif partiel

croissant qui nrsquoavait pas eacuteteacute releveacute dans les eacutetudes des anneacutees 1980 et 1990 rappeleacutees par

Jacques Brun la bipolarisation concerne les ouvriers drsquoun cocircteacute et les hauts-cadres

drsquoentreprises priveacutees de lrsquoautre Elle est lrsquoaxe central drsquoeacutecart croissant de la distribution

spatiale des cateacutegories sociales notamment dans la meacutetropole parisienne (Preacuteteceille 2008)

ce qui srsquoinscrit dans une continuiteacute historique logique avec lrsquohistoire industrielle et urbaine de

Paris et de la division sociale de son espace qui en deacutecoule Ce constat de distance

structurelle croissante mecircme si pas tout agrave fait systeacutematique entre les deux cateacutegories sociales

des extrecircmes de lrsquoeacutechelle sociale nrsquoautorise cependant pas de scheacutema geacuteneacuteral de dualisation

spatiale entre riches et proleacutetaires notamment du tertiaire et encore bien moins de tripartition

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spatiale entre les cateacutegories supeacuterieures les classes moyennes et les preacutecaires (Donzelot

2004)

Pour Brun (2008) et Preacuteteceille (2008) le sentiment drsquoune hausse plus radicale de la

seacutegreacutegation nrsquoa pas de fondement objectif mais il relegraveve de la monteacutee de ses effets

publiquement probleacutematiques avec le deacuteveloppement de la violence de la deacutelinquance et de la

criminaliteacute dans les quartiers de grands ensembles lieacutes agrave la preacutesence accrue de populations

exclues en leur sein La perception sociale de la hausse de la seacutegreacutegation socio-spatiale

srsquoexplique selon eux par lrsquoassociation des chercheurs aux deacutecideurs dans la lutte contre ses

effets spectaculaires Les premiers ayant contribueacute agrave identifier et rendre visible une cause agrave

ses problegravemes pour leur deacutenonciation publique et y apporter une solution Cependant selon

Brun (2008) lrsquoabsence de proceacutedure preacutevue et reacutealiseacutee de mesure des effets des dispositifs

engageacutes sur drsquoune part le pheacutenomegravene de troubles sociaux dans les banlieues (politique de

deacuteveloppement social des quartiers puis de deacuteveloppement social urbain et enfin de la ville)

et drsquoautre part la seacutegreacutegation qui en serait la cause pour en deacuteterminer des reacuteductions

eacuteventuelles (loi drsquoorientation pour la Ville de 1991 puis loi Solidariteacute et renouvellement

urbain de 2000 promouvant la mixiteacute fonctionnelle et sociale des espaces des grands

ensembles) reacutevegravele lrsquoincertitude des connaissances et des choix politiques qui regravegne dans ce

domaine

Par ailleurs si la seacutegreacutegation socio-spatiale au niveau des agglomeacuterations nrsquoest pas la cause

directe du deacuteveloppement des problegravemes sociaux dans les espaces de grands ensembles

plusieurs observations confirment cependant lrsquoacuiteacute drsquoune variable ideacuteologique et culturelle

expliquant la logique excluante qui seacutevit dans les rapports sociaux au deacutetriment des plus

pauvres et qui entraicircne leur regroupement dans un habitat deacutevaloriseacute Crsquoest sa traduction en

termes drsquoattitude seacutegreacutegative dans plusieurs champs sociaux (eacuteconomie politique culturehellip)

qui srsquoest accrue Les conduites seacutegreacutegatives se sont accrues dans tous ces champs dont celui

de la reacutesidence agrave des eacutechelles territoriales plutocirct petites qui ne modifient pas les reacutesultats en

termes de grande division sociale de lrsquoespace Un exemple de la geacuteneacuteralisation de cette

attitude au sein des espaces mixtes voire populaires le plus souvent est le constat de la

critique du pheacutenomegravene de concentration spatiale par ceux-lagrave mecircme dont lrsquoattitude le favorise

en raison du rejet des signes de pauvreteacute et de deacutecheacuteance sociale qui constituent une menace

identitaire agrave leur image de soi Cette attitude sociale est eacutegalement deacuteveloppeacutee par des agents

des institutions agrave lrsquoeacutegard des pauvres et des groupes vulneacuterables

484484

Le teacutemoignage rapporteacute plus haut du maire de Clichy-sous-Bois (Dilain 2007) le montre Il

eacutevoque la preacutedominance depuis une trentaine drsquoanneacutees de lrsquoindiffeacuterence voire de lrsquoignorance

deacutelibeacutereacutee de beaucoup de personnes vis-agrave-vis des pauvres et des personnes en difficulteacutes Par

esprit drsquoindividualisme de libeacuteralisme et de compeacutetition dans le travail pour lrsquoaccegraves aux

richesses le reacuteflexe est de tenir les pauvres le plus loin possible de chez soi afin drsquoeacuteviter par

leur proximiteacute de gacirccher les chances de reacuteussite sociale des familles et notamment des

enfants Il remarque que dans leurs comportements concrets face agrave des pauvres immigreacutes les

Franccedilais se deacutefont des valeurs de solidariteacute et drsquoeacutegaliteacute

Ces observations subjectives sont corroboreacutees par les enquecirctes de Maurin (2004)

quantitatives et micro-locales sur les conduites reacutesidentielles des meacutenages pour les familles

la trajectoire reacutesidentielle est principalement inspireacutee par une repreacutesentation des effets

drsquoinfluence des voisinages sur le destin scolaire des enfants Il a pu veacuterifier scientifiquement

le bien-fondeacute de ces perceptions en partie intuitives Agrave moyen terme diverses enquecirctes

statistiques quantitatives mais aussi qualitatives montrent que les interactions sociales drsquoun

enfant de classes moyennes avec des enfants de familles aux parents non diplocircmeacutes srsquoils sont

majoritaires dans leur voisinage immeacutediat (30 agrave 40 voisins drsquoimmeubles collectifs) entraicircnent

une reacuteduction des performantes scolaires

Drsquoautres eacutetudes deacutemontrent lrsquoinfluence des contextes drsquointeractions sociales sur la reacuteussite

scolaire ou sociale des enfants contextes que les familles ne peuvent justement pas maicirctriser

dans leur choix (Maurin 2004) en quartier HLM dont la mixiteacute sociale est deacutetermineacutee par

les attributions des bailleurs le risque est bien croissant soit drsquoeacutechec scolaire soit de

deacutelinquance lorsque les immeubles sont peupleacutes drsquoune majoriteacute drsquoenfants en eacutechec au

niveau des eacutecoles en primaire aux Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique les performances sont

neacutegativement influenceacutees avec une majoriteacute de garccedilons et de noirs sous-entendus issus de

familles pauvres en France les adolescents de 15 ans ont une plus forte probabiliteacute drsquoecirctre en

retard srsquoils sont entoureacutes drsquoenfants majoritairement neacutes au second semestre de lrsquoanneacutee en

Israeumll lrsquointeacutegration de pregraves de 15 000 enfants de familles juives eacutethiopiennes a montreacute que la

qualiteacute de lrsquoeacutetablissement scolaire selon le niveau des eacutelegraveves en matheacutematiques expliquait un

tiers des ineacutegaliteacutes de reacuteussite scolaire enfin pour certains eacutetudiants du supeacuterieur leur

performance deacutepend aussi de celui de leur colocataire

Ces eacuteleacutements confirment le postulat du programme Moving to opportunity aux Eacutetats-Unis au

milieu des anneacutees 1990 en aidant les familles de quartiers pauvres (ougrave le taux de pauvreteacute est

supeacuterieur agrave 40 ) agrave se loger dans le secteur priveacute des quartiers riches (taux de pauvreteacute

485485

infeacuterieur agrave 10 ) les enfants sont en meilleure santeacute plus disciplineacutes agrave lrsquoeacutecole ou agrave la maison

aves une meilleure reacuteussite scolaire sans effet neacutegatif sur les enfants des riches (le taux

drsquoeacutelegraveves pauvres dans les eacutecoles de riches passant de 7 agrave 12 )

Comme Clavel (1998) mais de maniegravere encore plus complegravete et inteacutegreacutee semble-t-il Maurin

(2004) a apporteacute agrave Brun la raison de la critique qursquoil peut ecirctre faite agrave la seacutegreacutegation que celle-

ci soit en hausse ou pas drsquoailleurs Tout drsquoabord Clavel avait deacutejagrave indiqueacute agrave quel point les

rapports sociaux notamment en milieu urbain procegravedent drsquoune symbolisation consistant agrave

interpreacuteter les proprieacuteteacutes des personnes et des espaces selon des jeux drsquoidentification et

drsquoopposition dans la compeacutetition pour le prestige et le meilleur statut social (Clavel 1998)

Chaque caracteacuteristique des personnes qui peut ecirctre son espace reacutesidentiel peut faire lrsquoobjet

drsquoune deacutevalorisation dans les discours ou par un traitement neacutegatif afin de srsquoen distinguer et

de montrer une appartenance sociale plus eacuteleveacutee Les images neacutegatives produites

neacutecessairement grossiegraveres aident agrave justifier les pratiques discriminatoires Elles sont drsquoautant

plus partageacutees qursquoelles reacutepondent agrave une large motivation de supprimer les grandes angoisses

sociales lieacutees agrave lrsquoemploi agrave la seacutecuriteacute agrave la reacuteussite des enfants aux valeurs drsquoeacutemancipationhellip

Le plus important est que pour les habitants des espaces disqualifieacutes le stigmate social et

eacutegalement territorial entraine une reacuteduction voire une fermeture des relations sociales avec les

habitants et les structures du reste des agglomeacuterations (Peillon 2001) Cette logique de

compeacutetition symbolique qui structure les rapports sociaux engendre une fermeture de lrsquoaccegraves

aux chances sociales dans chaque domaine de la vie sociale (logement et espace reacutesidentiel

consommation travail loisirhellip) Crsquoest donc agrave ce titre que la seacutegreacutegation sociale inseacuteparable

de la logique drsquoexclusion sociale dans les rapports sociaux symboliques et pratiques ne peut

ecirctre consideacutereacutee comme une pratique sociale exempte de toute critique sociale et politique ce

que reconnaicirct Brun (2008)

Maurin (2004) preacutecise en quoi alors la seacutegreacutegation influe neacutegativement et de maniegravere marqueacutee

sur les individus et leur destin social elle marginalise durablement et injustement les

personnes peu qualifieacutees en les eacutecartant des activiteacutes sociales valoriseacutees et surtout pour les

enfants agrave travers les ineacutegaliteacutes territoriales de scolarisation en reacuteduisant leurs chances de

reacuteussite sociale qui doit pourtant leur ecirctre garanti Le systegraveme scolaire comporte en effet des

puissants meacutecanismes drsquoenfermement des individus dans des laquo destins eacutecrits drsquoavance raquo degraves

lrsquoenfance au travers de ses pratiques de seacutelection preacutecoce et irreacuteversible Lrsquoeacutechec scolaire ou

la faible qualification qui peut en sortir a des conseacutequences directes sur la preacutecarisation voire

lrsquoexclusion du travail

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Ce rapport au travail est la cause principale de lrsquoanxieacuteteacute sociale crsquoest pourquoi les territoires

reacutesidentiels ayant les meilleures chances de fournir une bonne scolarisation aux enfants ainsi

qursquoune socialisation des familles aux groupes les plus inteacutegreacutes sont les plus socialement

convoiteacutes Ils apparaissent alors comme une ressource essentielle laquo drsquoune concurrence

geacuteneacuteraliseacutee pour les meilleurs destins raquo (Maurin 2004 p 8) ce qui explique la tendance au

durcissement de leurs frontiegraveres que ce soit par la seacutelectiviteacute eacuteconomique et sociale des

marcheacutes immobiliers ou par des barriegraveres physiques et ou des dispositifs de filtrage des

visiteurs En tout cas des strateacutegies multiples de distanciation et drsquoeacutevitement des cateacutegories

infeacuterieures sont parfois mises en œuvre

Les travaux de Maurin (2004) indiquent clairement que le critegravere principal de la logique

drsquoexclusion reacutesidentielle est le niveau culturel repreacutesenteacute par le niveau de diplocircme il est

central dans le deacuteploiement geacuteneacuteraliseacute du processus social seacutegreacutegatif il oriente et justifie la

logique de lrsquoentre-soi des plus eacuteduqueacutes pour compenser les risques de preacutecariteacute du milieu du

travail afin drsquoeacuteviter le deacuteclassement symbolique En effet le lieu de reacutesidence prend une

valeur de marqueur et de ressource sociale pour beaucoup de familles dont la stabiliteacute de la

position nrsquoest plus assureacutee avec la preacutecarisation geacuteneacuteraliseacutee du travail La recherche de

cocirctoiement reacutesidentiel des cateacutegories sociales similaires a une fonction de reacuteassurance face agrave

la peur du deacuteclassement

Dans ce processus lrsquoeacutecole reflegravete et deacutetermine en mecircme temps la qualiteacute de la socialisation de

ces contextes reacutesidentiels les profils sociaux des eacutelegraveves reacutevegravelent lrsquoenvironnement social des

eacutetablissements Ainsi tant les relations extrascolaires dans lrsquohabitat que celles dans les

eacutetablissements scolaires favorisent chez les enfants une culture positive des eacutetudes Agrave cet

eacutegard les donneacutees sont assez frappantes 70 des enfants modestes sont dans les 10 des

collegraveges les plus populaires et seuls 10 drsquoentre eux sont dans les 10 des collegraveges les plus

bourgeois Si dans les collegraveges populaires 16egraveme des eacutelegraveves sont en retard soit 4 agrave 5 eacutelegraveves

par classe ils sont reacutesiduels voire inexistants dans les collegraveges bourgeois Aussi la

seacutegreacutegation sociale entre eacutetablissements se double de seacutegreacutegation potentielle forte au sein des

eacutetablissements avec des filiegraveres et des classes de releacutegation ce qui peut constituer une double

peacutenalisation pour le destin social de certains eacutelegraveves

Les jugements des classes moyennes et supeacuterieures concernant les effets directs du contexte

reacutesidentiel sur les performances et les attitudes scolaires des enfants sont confirmeacutes par les

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enquecirctes (Maurin 2004)111 Les variations drsquoeacutechec scolaire drsquoenfants dont les parents ont des

niveaux de diplocircmes et de scolariteacute similaires montent jusqursquoagrave 50 selon lrsquoimportance de

lrsquoeacutechec scolaire dans leur voisinage Avec le temps qui passe les interactions avec le

voisinage immeacutediat induisent une convergence des performances deacutepassant les effets des

ressources priveacutees (niveau de diplocircme et capital social) et de lrsquoorigine geacuteographique des

familles La justification de la seacutegreacutegation socio-spatiale de la part des familles les plus riches

preacutesente bien un fondement objectif probant Ces effets deacuteprimants du voisinage concernent

une eacutechelle tregraves petite du niveau mecircme du petit immeuble ou du petit quartier Lrsquoentre-soi

social a donc non seulement une fonction identitaire mais aussi une utiliteacute instrumentale pour

lrsquooptimisation du capital social et de la socialisation dans lrsquohabitat

Ainsi le contexte de preacutecarisation geacuteneacuterale de toutes les cateacutegories sociales dans la sphegravere

productive et notamment priveacutee (affaiblissement de la porteacutee inteacutegratrice du travail et de

lrsquoemploi avec la dislocation du marcheacute et des relations de travail) explique la recherche par

compensation drsquounivers urbains de socialisation privileacutegieacutee notamment pour les enfants Ce

motif passe avant mecircme la recherche de la plus grande proximiteacute ou du meilleur accegraves

geacuteographique aux eacutequipements les plus prestigieux ou pratiques de la ville Lrsquoineacutegaliteacute des

chances de reacuteussite scolaire et sociale qui pegravese sur les enfants des classes modestes justifie de

ce fait la critique sociopolitique de la seacutegreacutegation socio-spatiale Elle constitue une entorse

fortement probleacutematique aux valeurs reacutepublicaines et au fonctionnement social qui doit subir

et geacuterer les contrecoups sociaux de la production durable drsquoune couche drsquoexclus du systegraveme

eacuteconomique et social

Bertho (1997) confirment que lrsquoeacutecole est devenue le haut lieu de la seacutegreacutegation et de

lrsquoexclusion sociale avec la recherche freacuteneacutetique des bons parcours et des bons eacutetablissements

pour placer les enfants dans le systegraveme et les proteacuteger du chocircmage dans le laquo marasme de la

scolarisation de masse raquo alors mecircme que celle-ci reacutesultait drsquoune mobilisation politique et

familiale contre les ineacutegaliteacutes sociales et leur reproduction Les modifications de peuplement

des territoires de releacutegation entraicircnent des publics nouveaux mais la neacutecessiteacute de changer les

laquo formes sociales du savoir raquo nrsquoa pas eacuteteacute perccedilue selon lui Lrsquoeacutecole se limite agrave porter le

soupccedilon drsquo laquo inenseignabiliteacute raquo de laquo handicaps (ethno)culturels raquo sur certains comme

lrsquo laquo inemployabiliteacute raquo de certains chocircmeurs deacutenonceacutes par les employeurs Elle exige une

normalisation sociale des comportements au lieu drsquoadapter lrsquoapprentissage des normes

libeacuteratrices des savoirs 111 Goux D Maurin E (2004) laquo Neighborhood Effects and Performance at School raquo Document du CREST

Lrsquoeacutecole a donc un rocircle actif dans la deacutequalification sociale des individus ce que renforcent les

laquo arrangements raquo institutionnels avec les objectifs programmatiques comme lrsquoabaissement

localiseacute du niveau des exigences le passage par le concret ou encore la finalisation

professionnelle de lrsquoapprentissage Ces subterfuges atteignent-ils le sens du savoir Au lieu

de srsquointerroger sur le rapport entre savoir et subjectiviteacute en comptant sur lrsquouniversaliteacute de la

culture les politiques partielles territorialiseacutees et compensatrices de lutte contre lrsquo laquo eacutechec

scolaire raquo nrsquoont-elles pas marqueacute leurs limites

Dans ce contexte de production institutionnelle par le biais eacuteducatif des ineacutegaliteacutes sociales

qui aiguise la rivaliteacute entre les groupes sociaux suscite une culture de la seacutegreacutegation socio-

territoriale et normalise la pratique de lrsquoexclusion sociale il reste agrave identifier agrave quel niveau

srsquoobservent concregravetement les pratiques de seacutegreacutegation bien que celle-ci ne se distingue pas agrave

lrsquoeacutechelle des grandes divisions sociales des agglomeacuterations Les travaux rapporteacutes par Maurin

(2004) suggegraverent que la reacutealiteacute des conduites reacutesidentielles seacutegreacutegatives se mesure plus

nettement agrave lrsquoeacutechelle du territoire de vie des meacutenages lieacute agrave la localisation geacuteographique de

leurs activiteacutes eacuteconomiques et agrave la place qursquoils tiennent dans les rapports sociaux de

production

Chaque meacutenage dispose drsquoun laquo territoire drsquoimplantation potentielle raquo pour son habitation en

fonction de ses lieux drsquoactiviteacutes et de son statut social ou plutocirct de ses revenus qui sont plus

deacuteterminants rappelle Brun (2008) qui lui offrent une certaine diversiteacute des choix de

produits reacutesidentiels et une eacutetendue territoriale qui correspond Chaque voisinage a un statut

ineacutegal selon la structure des cateacutegories sociales drsquoappartenance des meacutenages deacutefinies avant

tout par leur niveau culturel que deacutetermine leur diplocircme Les voisinages les plus valoriseacutes et

convoiteacutes sont lieacutes agrave la carte des eacutetablissements scolaires composeacutes des eacutelegraveves de familles au

plus haut niveau culturel

Entre voisinages les frontiegraveres se durcissent sous lrsquoeffet drsquoune volonteacute accrue drsquoexclusion

consistant agrave eacuteviter tout lieu et tout moment drsquointeraction possible avec les cateacutegories sociales

infeacuterieures vivant agrave proximiteacute de crainte drsquoy perdre son identiteacute voire son statut social Le

sentiment de hausse de la seacutegreacutegation ne correspond donc pas seulement agrave des eacuteleacutements

qualitatifs comme la radicalisation drsquoune ideacuteologie de distinction et drsquoexclusion sociales sous

lrsquoeffet de la geacuteneacuteralisation de la preacutecarisation du travail Il existe des effets quantitatifs

statistiquement observables agrave des eacutechelles infra-agglomeacuterations des pratiques de seacutegreacutegation

reacutesidentielle qui sont croissantes agrave ce niveau

489489

Dans la partie probleacutematique de notre thegravese il a eacuteteacute eacutevoqueacute comment les conduites de

seacutegreacutegation reacutesidentielle ont quantitativement augmenteacute selon un double effet drsquoune part la

geacuteneacuteralisation au sein drsquoune grande partie des cateacutegories sociales de lrsquoadoption drsquoune logique

drsquoexclusion dans les pratiques reacutesidentielles au deacutetriment des cateacutegories infeacuterieures et

drsquoautre part la hausse dans la structure sociale du volume des cadres drsquoun cocircteacute et de celui

des actifs preacutecaires et exclus de lrsquoautre en raison de la dualisation sociale depuis les anneacutees

1970 Les premiers notamment les cadres du priveacute se caracteacuterisent speacutecifiquement par une

nette seacutegreacutegation vis-agrave-vis des seconds Avec les cadres qui sont en hausse numeacuterique et qui

constituent la cateacutegorie la plus disposeacutee agrave mettre en pratique cette ideacuteologie qui se geacuteneacuteralise

en leur sein la hausse des pratiques seacutegreacutegatives est donc meacutecanique

Les comportements de seacuteparation dans les pratiques reacutesidentielles et dans les rapports sociaux

se sont de ce fait geacuteographiquement et socialement eacutetendus du fait tant du renforcement de la

divergence des modes de vie entre ces deux cateacutegories pour une cohabitation reacutesidentielle

Mecircme plus la compeacutetition entre les cadres mecircmes notamment du priveacute soumis agrave une forte

concurrence interne dans le systegraveme eacuteconomique avec des risques eacuteleveacutes de preacutecariteacute

eacuteconomique et sociale renforce cette tendance agrave des conduites seacutelectives drsquoentre-soi pour

accumuler les plus grandes chances sociales de reacuteussite et drsquoaccegraves aux positions eacuteconomiques

et sociales favorables

Les regroupements reacutesidentiels autour des eacutecoles publiques et priveacutees les plus prestigieuses

notamment rendent compte de cette logique identitaire distinctive et seacutelective Ces eacuteleacutements

doivent donc conduire agrave relativiser lrsquoaffirmation drsquoune non-croissance de la seacutegreacutegation au

niveau des agglomeacuterations en termes de grandes divisions sociales des espaces Preacuteteceille

(2006 2008) a drsquoailleurs reconnu cette tendance au renforcement des polarisations aux

extreacutemiteacutes de lrsquoeacutechelle des espaces reacutesidentiels lieacute agrave la seacutegreacutegation accrue dans les rapports

sociaux reacutealiseacutee par les cateacutegories supeacuterieures des classes moyennes laissant de plus en plus

les classes moyennes en stagnation voire en deacuteclin dans des zones de meacutelange avec les

couches modestes Alors que les secteurs meacutelangeacutes connaissent des pheacutenomegravenes de

cloisonnement spatial entre entiteacutes sociales de voisinage de petite taille et de plus en plus

homogegravene les secteurs pauvres de concentration de pauvres sont drsquoailleurs de plus en plus

peupleacutes majoritairement de pauvres alors que les plus riches srsquoeacutecartent davantage des espaces

meacutelangeacutes Ce qui constitue un triple signe tangible de lrsquoaccroissement de la seacutegreacutegation

sociale et spatiale

490490

Sur ce plan de la distribution spatiale des cateacutegories sociales drsquoautres chercheurs comme

Jean-Pierre Leacutevy (1998) avait drsquoailleurs conclut degraves la fin des anneacutees 1990 lrsquoinverse de

Preacuteteceille En consideacuterant lrsquoensemble des meacutecanismes sociaux (choix individuels

reacutesidentiels) eacuteconomiques (marcheacutes du logement) et politico-institutionnels (politiques

urbaines et du logement) producteurs drsquoineacutegaliteacutes socio-spatiales il affirme que celles-ci se

sont accentueacutees Il est en effet difficilement contestable que le deacuteveloppement urbain preacutesente

depuis les anneacutees 1970 drsquoune part une diversification des produits reacutesidentiels collectif et

individuel en accession agrave la proprieacuteteacute surtout et drsquoautre part un mouvement de regroupement

des populations des segments priveacutes et publics vers le logement social disqualifieacute dans les

grands ensembles drsquohabitat (comme vu plus haut avec Peillon) La bipolarisation sociale des

espaces que mecircme Preacuteteceille reconnaicirct induit des eacutevolutions spatiales tregraves visibles

multiplication et extension des secteurs aiseacutes drsquoun cocircteacute et restriction forte des segments

drsquohabitat pour les plus fragiles avec regroupement spatial dans les zones de mecircme type

Sur le plan theacuteorique en effet les enquecirctes de Maurin (2004) ont montreacute que les niveaux

micro-geacuteographiques de voisinage (immeubles reacutesidenceshellip) ne sont pas que des espaces

drsquoanalyse des relations de cohabitation et de socialisation Ils permettent drsquoobserver la

seacutegreacutegation spatiale avec le mecircme raisonnement que celui de lrsquoeacutechelle des agglomeacuterations

eacutetudieacutees selon le paradigme macrosociologique marxien de la seacutegreacutegation mise en œuvre par

acteurs institutionnels et macroeacuteconomiques les choix individuels de localisation

srsquoeffectuent dans un champ territorial de contraintes lieacutees aux ameacutenagements institutionnels

dominants et aux marcheacutes du logement Les logiques et les jeux drsquoacteurs individuels et

cateacutegoriels tels qursquoeacutevoqueacutes selon lrsquoapproche microsociologique de Maurin ne deacuteterminent pas

les grands meacutecanismes de production des ineacutegaliteacutes territoriales (marcheacutes opeacuterations

institutionnelles) mais reacutevegravelent les bases et les dynamiques sociales qui les favorisent les

leacutegitiment et les utilisent ou les subissent

Effectivement la dynamique de territorialisation seacutelective en fonction des voisinages entraicircne

dans les diffeacuterentes aires urbaines des configurations de systegravemes reacutesidentiels selon trois pocircles

correspondant aux trois grandes cateacutegories socioculturelles de la socieacuteteacute les quartiers

laquo huppeacutes raquo ougrave se regroupent les classes supeacuterieures les espaces peacuteriurbains pavillonnaires

pleacutebisciteacutes par les couches moyennes de la population et les quartiers populaires (Marchal

Steacutebeacute 2009) Les grandes lignes de configuration reacutesidentielle tripartite sont lieacutees aux trois

processus de mobiliteacute qui modifient les eacutetats anteacuterieurs des espaces reacutesidentiels (Donzelot

2004) la gentrification avec le retour des cateacutegories aiseacutees dans les centres-villes anciens la

491491

peacuteriurbanisation lieacutee au deacuteveloppement de lrsquohabitat pavillonnaire par les classes moyennes et

la releacutegation des cateacutegories sociales les plus deacutemunies dans des quartiers pauvres

Cependant Marchal et Steacutebeacute (2009) nuancent ces repreacutesentations de tendances globales car

drsquoune part des choix atypiques multiples de reacutesidence sont reacutealiseacutes selon drsquoautres facteurs que

la seule position sociale et drsquoautre part il existe des dynamiques microsociales de mobiliteacute

spatiale vers les lieux drsquointeraction sociale ougrave se joue la coheacutesion sociale du moins la mixiteacute

sociale ce qui relativise les conclusions de seacuteparatisme spatial que reacutevegraveleraient les tendances

agrave la seacuteparation reacutesidentielle des cateacutegories sociales Si cette relativisation suggegravere en creux

que lrsquoanalyse de la seacutegreacutegation suppose de descendre au niveau infra-agglomeacuteration pour

observer les pratiques effectives il nrsquoen demeure pas moins qursquoelle reacutevegravele que lrsquoobjet et la

meacutethode de mesure de ce pheacutenomegravene notamment sa hausse ou sa diminution ne sont pas

encore largement partageacutes en recherche urbaine Plusieurs exemples drsquoauteurs eacutevoquant cette

question montrent des constats assez proches sans analyse drsquoensemble coheacuterente permettant

de statuer sur cette question

Par exemple lrsquoanalyse des logiques de distinction sociale et symbolique des grandes

cateacutegories socioculturelles pour lrsquooccupation de lrsquoespace tend agrave occulter la virulence des

antagonismes au sein des espaces reacutesidentiels meacutelangeacutes entre drsquoune part les classes moyennes

et ouvriegraveres traditionnelles et drsquoautre part les populations encore plus deacutefavoriseacutees (Clavel

1998) En effet Epstein et Kirszbaum (2003) confirment que crsquoest aux eacutechelles locales que

srsquoobserve la seacutegreacutegation sociale et non aux eacutechelles plus larges de la reacutegion du deacutepartement

voire de lrsquoaire urbaine Ils ont en effet observeacute que les revenus des habitants des communes

les plus riches augmentent alors que baissent ceux des communes les plus pauvres ce qui

renforce cette impression drsquohomogeacuteneacuteisation sociale du territoire aux deux extrecircmes de

lrsquoeacutechelle sociale selon des ressorts opposeacutes embourgeoisement des zones aiseacutees (agreacutegation

choisie) et accentuation de la concentration des plus pauvres et preacutecaires dans drsquoautres

quartiers (regroupement subi) Crsquoest agrave cette eacutechelle qursquoapparaissent les rivaliteacutes les tensions

et les conflits lieacutes agrave la volonteacute drsquoeacuteviter de la part des plus inteacutegreacutes tant des amalgames que

des interactions indeacutesireacutees avec les cateacutegories les plus fragiles

Cette attitude nrsquoest pas sans ecirctre disproportionneacutee le plus souvent au regard des diffeacuterences

objectives de positions sociales et de qualiteacute de logement et drsquoespace reacutesidentiel

Lrsquoexaspeacuteration qui peut se manifester est fondeacutee sur une volonteacute de distinction symbolique

qui est tout autant significative que les grands prises de distance territoriale des cateacutegories

492492

supeacuterieures et moyennes dans des espaces exclusifs mecircme si lrsquoobjectivation statistique en est

moins aiseacutee

Les nombreux travaux exclusivement statistiques ne tiennent donc pas compte de ce

paramegravetre social ou interactionnel agrave lrsquoinstar de ceux de Preacuteteceille (2008) sur la meacutetropole

parisienne La preacutesentation de sa reacutepartition socio-spatiale nrsquoindique pas dans les situations

de communes ou drsquoicirclots de profils sociaux intermeacutediaires pourtant majoritaires selon lui

(70 ) les eacuteventuels rapports antagoniques au sein de celles-ci Ce qui tend agrave suggeacuterer qursquoil

nrsquoy a pas de problegravemes de cohabitation ou mecircme de comportements seacutegreacutegatifs observables

entre voisinages internes agrave ces uniteacutes drsquoanalyse En outre les autres uniteacutes spatiales preacutesentant

les deux cas extrecircmes et opposeacutes de composition sociale domineacutee par une cateacutegorie sociale

cateacutegories supeacuterieures dans les quartiers riches drsquoun cocircteacute meacutenages preacutecaires et pauvres dans

les espaces de releacutegation de lrsquoautre cocircteacute ndash sont elles-mecircmes des territoires meacutelangeacutes avec les

autres cateacutegories sociales Preacuteteceille signale bien qursquoaucune zone nrsquoest complegravetement

occupeacutee par une seule cateacutegorie sociale drsquohabitants et qursquoaucune cateacutegorie sociale nrsquooccupe

le mecircme type de zone En revanche il ne se demande pas qursquoelle est la nature de leurs

relations sociales et quelle est la conduite reacutesidentielle de chaque cateacutegorie dans la

configuration locale des voisinages de leur uniteacute drsquoappartenance

En fait plusieurs auteurs partagent une limite de cet ordre dans lrsquoidentification formelle des

variables de la seacutegreacutegation et de leur articulation logique Certains eacutevoquent par exemple trois

laquo facteurs de processus de seacutegreacutegation reacutesidentielle raquo (Jaillet Perrin Meacutenard 2008) en les

mettant au mecircme niveau les meacutecanismes eacuteconomiques concernant laquo le fonctionnement du

marcheacute du logement raquo les acteurs sociaux que sont les meacutenages deacutesigneacutes sans autre

preacutecision et sans connaicirctre leur motivation en indiquant qursquoils agissent selon leurs

laquo aspirations raquo et enfin lrsquoaction eacutetatique dans le secteur des politiques drsquoeacutequipement urbain

sans autre preacutecision eacutegalement sur ses deacuteterminants

Il semble que soit deacutecrits ici plutocirct des paramegravetres de meacutecanisme de seacutegreacutegation en oubliant

que lrsquoun lrsquoaspiration de certains meacutenages preacutedomine dans son agencement avec les autres

pour lrsquoactivation de meacutecanismes seacutegreacutegatifs qui ne sont effectifs qursquoen raison de son

existence Par exemple dans lrsquohistoire des grands ensembles la volonteacute eacutetatique qui est celle

des groupes sociaux qui conduisent lrsquoEacutetat nrsquoa-t-elle pas eacutechoueacute agrave produire des espaces

collectifs mixtes agrave lrsquoencontre des attentes des couches moyennes et supeacuterieures Celles-ci en

raison des heurts de cohabitation ont eu le deacutesir et ont choisi de quitter les lieux pour des

493493

espaces plus conformes agrave leurs attentes et agrave leur mode de vie hors zones mal fameacutees certains

participent agrave lrsquoeacutevitement des lieux et agrave leur deacutenigrement explicite en usant des images

neacutegatives du champ connotatif des espaces urbains

De mecircme Preacuteteceille (2008) a eacutevoqueacute trois types de laquo logique raquo qui peuvent laquo deacuteterminer des

processus de diffeacuterenciation sociale nette de lrsquoespace raquo drsquoabord des logiques politiques

directes avec des dispositifs seacutegreacutegatifs ou au contraire anti-seacutegreacutegatifs ensuite des

logiques socio-eacuteconomiques structurelles avec drsquoun cocircteacute les eacutecarts de revenus lieacutes aux

ineacutegaliteacutes de position dans le systegraveme eacuteconomique et de lrsquoautre cocircteacute le marcheacute du logement

qui influence la distribution spatiale des cateacutegories sociales enfin des logiques drsquoacteurs

individuels pour se rapprocher ou se tenir agrave distance de certains groupes et espaces

environnants Cette eacutenumeacuteration comporte la mecircme limite analytique que celle eacutevoqueacutee

preacuteceacutedemment dans le sens ougrave elle ne distingue pas clairement la logique sociale (volonteacute de

protection statutaire et de socialisation seacutelective garantie aux enfants) au fondement des

pratiques seacutegreacutegatives qursquoelle soit ensuite mise en œuvre par les groupes sociaux au pouvoir

dans les institutions eacutetatiques (politiques fonciegraveres du logement et drsquourbanisme et de

reacutegulation des marcheacutes) ou bien appliqueacutee au niveau individuel avec des effets collectifs dans

les rapports sociaux et les pratiques sociales qui deacuteterminent la valeur sociale de lrsquoespace

(itineacuteraires reacutesidentielles des meacutenages marcheacutes immobiliers)

Renaud Epstein et Thomas Kirszbaum (2003) ont neacuteanmoins preacutesenteacute une plus grande

preacutecision en la matiegravere Ils indiquent bien que la speacutecialisation socio-reacutesidentielle est un trait

structurel du fonctionnement urbain directement issu de laquo lrsquoagreacutegation spontaneacutee des

individus et drsquoeffets de seacutegreacutegation raquo ie de mise agrave lrsquoeacutecart plus ou moins volontaire de

certains groupes Ils distinguent ensuite les trois modaliteacutes drsquoaction qui contribuent agrave produire

cette speacutecialisation spatiale et qui sont clairement lieacutees agrave des volonteacutes originelles de reacutealiser

ou de favoriser lrsquoagreacutegation ou la seacutegreacutegation des groupes socio-urbains Ces actions sont

reacutealiseacutees soit par des habitants agrave titre individuel soit par des deacutecideurs de politiques

drsquoameacutenagement ou de peuplement reacutesidentiel des espaces Ces trois modaliteacutes rejoignent en

partie les propositions de formalisation preacuteceacutedentes mais sont formuleacutees de maniegravere plus

nette en reacutefeacuterence agrave la logique sociale au fondement des pratiques seacutegreacutegatives identifieacutees

La premiegravere modaliteacute concerne les politiques urbaines comme les reacutenovations de centre ville

et lrsquourbanisation planifieacutee apregraves la Seconde Guerre mondiale (plans drsquooccupation des sols

zones agrave urbaniser en prioriteacute zones drsquoameacutenagement concerteacutehellip) Leurs effets seacutegreacutegatifs sont

le fruit de deacutecisions drsquoacteurs politiques et administratifs qui au pire en ont conscience ou au

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mieux visent en toute bonne foi lrsquoeffet inverse Au passage la prise de conscience des effets

seacutegreacutegatifs lorsqursquoils ne sont pas volontaires relegraveve drsquoune veacuteritable laquo politique sociale raquo de

lrsquoespace urbain et du logement qui se distinguerait de la politique habituelle de logement

social et de zonage (Clavel 1998 p 255)

Quoiqursquoil en soit la reconnaissance de la causaliteacute deacutecisionnelle entre une politique publique

et des groupes de personnes au pouvoir rejoint lrsquoexercice de transposition reacutealiseacute dans la

partie probleacutematique de thegravese du paradigme simmelien drsquoanalyse de la pauvreteacute dans le

champ urbain lrsquoeacutetat de pauvreteacute de cateacutegories sociales et drsquoespaces urbains est lieacute au rapport

de deacutependance entre ces cateacutegories sociales et spatiales pauvres et les cateacutegories sociales

riches etou au pouvoir car ce sont ces derniegraveres qui deacutefinissent les aspects des conditions de

vie agrave soulager des plus marginaliseacutes et des caractegraveres urbains agrave ameacuteliorer des secteurs

deacutelaisseacutes pour eacuteviter le soulegravevement reacutevolutionnaire Il est ainsi neacutecessaire que les deacutecideurs

integravegrent dans leurs choix deacutecisionnels les effets seacutegreacutegatifs eacuteventuels afin de modifier leur

choix ou de supprimer ces effets possibles ou probables

La deuxiegraveme modaliteacute possible de seacutegreacutegation sociale selon Epstein et Kirszbaum (2003) se

situe au niveau du simple jeu des preacutefeacuterences de choix reacutesidentiels des meacutenages entre

diverses localisations et en fonction des ameacuteniteacutes du cadre de vie des services locaux dont

notamment lrsquoeacutecole pour les familles etou la composition sociale culturelle ou ethnique du

quartier Ces choix laquo affinitaires raquo de regroupement autoriseacutes ou non selon le jeu des

ressources eacuteconomiques et sociales et selon des positions lieacutees agrave la diffeacuterenciation sociale

(transmission patrimoniale reacuteseaux de recommandation regravegles du marcheacute immobilierhellip) ont

des effets seacutegreacutegatifs vis-agrave-vis drsquoautres meacutenages plus deacutemunis (Schelling 1980) ils ne

peuvent reacutealiser leur choix et se retrouvent dans des espaces disqualifieacutes sur les marcheacutes

immobiliers

Une troisiegraveme modaliteacute drsquoaction seacutegreacutegative est aussi lrsquoœuvre des groupes sociaux au pouvoir

ou des institutions de gestion du peuplement des territoires La discrimination sociale et

politique dans la mobiliteacute reacutesidentielle des pauvres relegraveve le plus souvent des organismes

bailleurs de logements sociaux mais aussi des municipaliteacutes des communes les plus riches

qui soit srsquoopposent agrave lrsquoaccegraves agrave des programmes de logements sociaux soit se refusent drsquoen

preacutevoir la construction malgreacute des besoins importants Ce souci de distance dans lrsquohabitat

provient drsquoune crainte du deacuteveloppement de problegravemes sociaux et de la fronde des habitants

Certains organismes ont drsquoailleurs organiseacute une reacutepartition seacutegreacutegative interne en accord avec

les collectiviteacutes locales et les reacuteservataires selon un objectif de laquo partage du feu raquo entre des

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groupes immobiliers laquo proteacutegeacutes raquo et drsquoautres laquo sacrifieacutes raquo (Peillon 2001 Plouchard

1999) La part preacutedominante du logement social dans les grands ensembles a drsquoailleurs

apporteacute du volume et de la visibiliteacute agrave ces pratiques de peuplement alors mecircme que les

organismes HLM deacutenonccedilaient degraves 1968 les laquo risques de seacutegreacutegation sociale de lrsquohabitat raquo en

eacutetant souvent les seuls agrave construire dans les zones de grands ensembles112 Ces pratiques

constituent bien des cas de coupure spatiale intentionnelle entre groupes sociaux de la part des

institutions publiques deacutecrits aussi par Schelling (1980) Il y a en fait une forme de

reproduction au niveau local drsquoun type de pratique deacutenonceacute au niveau des systegravemes centraux

de deacutecision

Ainsi agrave partir de ces modaliteacutes drsquoaction individuelles et institutionnelles ayant des effets

volontaires ou non de seacutegreacutegation socio-spatiale il est possible de recenser les caracteacuteristiques

objectives de lrsquoespace qui en reacutesultent comme le propose Yankel Fijalkow (2002) qui en

deacutenombre cinq le prix du foncier les reacuteseaux de transport en commun et lrsquoeacuteloignement

reacutesidentiel par rapport aux lieux de travail les zones prestigieuses drsquohabitat les zones

scolaires et enfin la polarisation socio-spatiale lieacutee agrave la mondialisation eacuteconomique Le

caractegravere seacutegreacutegatif de ces dispositions est probleacutematique lorsqursquoelles proviennent

directement ou lorsqursquoelles sont accompagneacutees de maniegravere plus ou moins explicite par les

institutions publiques agrave lrsquoopposeacute souvent des ideacuteaux de mixiteacute et de coheacutesion sociales

qursquoelles peuvent promouvoir dans certaines politiques ou communications politiques

LrsquoEacutetat deacutetient bien un rocircle central et preacutedominant dans ce domaine alors mecircme que

lrsquoeacutenumeacuteration drsquoexemples multiples peut laisser croire agrave la diversiteacute sans ordre des pratiques

de seacutegreacutegation de leurs auteurs et des meacutethodes ou des moyens utiliseacutes Ces eacuteleacutements ne

correspondent en fait qursquoaux aspects diffeacuterents et exteacuterieurs des processus de divisions

sociales et fonctionnelles internes des villes processus qui ont toujours existeacute depuis lrsquoorigine

de lrsquourbanisation (Marchal Steacutebeacute 2008)

Ces diffeacuterents deacuteveloppements montrent bien la responsabiliteacute eacutetatique du niveau central et

des collectiviteacutes locales dans lrsquoeacutetat des zones reacutesidentielles fonctionnaliste et la seacutegreacutegation

sociale de leurs habitants les politiques drsquohabitat et drsquourbanisme ainsi que les autres

politiques sectorielles ont creacuteeacute faccedilonneacute et geacutereacute les zones de grands ensembles leurs

insuffisances accentuent pour les habitants concerneacutes les conseacutequences mateacuterielles morales et

sociales de la crise eacuteconomique (Dubedout 1983 Delarue 1991 Sueur 1998) et

112 HLM ndeg 76 septembre 1968 p 126 note citeacutee par Peillon (2001)

notamment nous le verrons plus bas leur exclusion sociale Ayant permis drsquoabsorber en

grande partie les besoins en logement depuis la Seconde Guerre mondiale (Merlin 2010) les

grands ensembles sont rapidement passeacutes drsquoune fonction de tremplin agrave une situation de laquo cul-

de-sac raquo pour les pauvres degraves les anneacutees 1960-1970 prenant ainsi le relais fonctionnel des

bidonvilles (Voldman 2002)

En pleine euphorie des Trente Glorieuses cette eacutevolution a rapidement perceacute les illusions de

la mixiteacute sociale Le deacuteveloppement de la crise de cet habitat depuis ses deacutebuts a rappeleacute aux

pouvoirs publics que le logement agrave un coucirct celui de lrsquoameacutenagement et de la gestion durable et

qualitative de son habitat et que les pauvres ne peuvent le supporter que srsquoils beacuteneacuteficient

drsquoune action volontaire drsquoallocation de moyens publics Crsquoest une condition essentielle de leur

inteacutegration sociale et ne pas le reacutealiser agrave un niveau suffisant eacutequivaut agrave entretenir ou renforcer

les processus de seacutegreacutegation sociale qursquoils subissent

Un des effets de cette marginalisation institutionnelle est la faible participation agrave la vie

politique selon les normes institueacutees ce qui ne signifie pas comme cela a eacuteteacute deacutecrit plus haut

concernant les conduites sociales des zones ghettoiumlseacutees qursquoil nrsquoy ait pas de revendications de

la part des populations concerneacutees LrsquoEacutetat et les collectiviteacutes locales ne sont pas dans un

rapport drsquoeacutechange avec les quartiers laquo difficiles raquo mais drsquoassistance deacutetermineacute selon un souci

de solidariteacute et de crainte de tensions sociales violentes car ils sont perccedilus comme des

problegravemes et des risques pour lrsquoimage exteacuterieure des territoires (Bertho 1997) Cette situation

constitue une impasse si lrsquoon tient compte du lien manifeste entre drsquoune part la

deacutecomposition de la solidariteacute sociale via la mise en œuvre de politiques sociales aveugles

territorialement et drsquoautre part les comportements de seacutegreacutegation de la part des groupes

inteacutegreacutes agissant individuellement ou dans le cadre des institutions qursquoils dirigent

Ces derniers drsquoautant plus lorsqursquoils relegravevent de formations politiques qui confortent les

attitudes seacutegreacutegatives srsquoinvestissent peu dans la revalorisation des espaces reacutesidentiels de

releacutegation des plus preacutecaires et surtout dans leur inteacutegration sociale en ameacuteliorant leur statut

en accroissant les allocations de soutien eacuteconomique ainsi que les possibiliteacutes drsquoaccegraves aux

activiteacutes valoriseacutees

Si ces attitudes institutionnelles reflegravetent bien les conduites individuelles de seacutegreacutegation que

peuvent manifester certaines cateacutegories les plus aiseacutees et occupants les places dirigeantes des

structures institutionnelles et eacuteconomiques elles peuvent eacutegalement ecirctre reproduites par les

couches moyennes et modestes agrave lrsquoencontre des espaces stigmatiseacutes en raison des problegravemes

497497

sociaux et de leur eacutetat physique et mateacuteriel Celles-ci cherchent aussi agrave eacuteviter les effets drsquoune

seacutegreacutegation sociale pour motif territorial qui risquerait de peser sur leur localisation

reacutesidentielle La vacance locative peut alors constituer un indicateur de cette mise agrave distance

des grands ensembles deacutegradeacutes de la part des couches moyennes et modestes

significativement lorsque les contextes de marcheacute du logement sont par ailleurs tendus (offre

faible par rapport agrave une forte demande) comme dans les grandes agglomeacuterations

meacutetropolitaines contemporaines

Pour rappel les chiffres de vacance dans les communes de grands ensembles de la partie

empirique preacuteceacutedente srsquoinscrivent dans une fourchette de 21 agrave 17 (Tableaux 6 agrave 12)

avec des niveaux plus eacuteleveacutes pour les trois communes du sud de la France qui nrsquoappartiennent

pas agrave des grands bassins drsquohabitat ou des grandes agglomeacuterations 88 en moyenne agrave

Mourenx depuis 1968 866 agrave Bagnols depuis 1975 et 79 agrave Pierrelatte depuis 1975 (dates

de recensement apregraves la fin de la construction des grands ensembles) Dans les grandes

agglomeacuterations lyonnaise et parisienne en forte expansion depuis lrsquoapregraves-guerre malgreacute leur

positionnement tregraves peacuteripheacuterique Rillieux (44 en moyenne depuis 1975) et Les Ulis (455

depuis 1982) preacutesentent des taux similaires qui quoique faibles en apparence et proches

des communes mosellanes (46 depuis 1968 pour Fareacutebersviller et 38 depuis 1968 pour

Behren) ne sont pas tout agrave fait neacutegligeables Ce qui signifie que certainement certains

immeubles ou groupes drsquoimmeubles sont assez fortement concerneacutes

Peillon (2001) rapporte effectivement des taux assez eacuteleveacutes degraves que lrsquoon observe les seuls

immeubles des grands ensembles (donneacutees 1999) par exemple 15 aux Minguettes agrave

Veacutenissieux (95 pour lrsquoensemble de la ville) et 215 au grand ensemble de Vaulx-en-

Velin (133 sur lrsquoensemble de la commune) Il indique aussi agrave titre de comparaison que agrave

cette date lrsquoEnquecircte drsquooccupation sociale de lrsquounion des organismes HLM (UNFOHLM)

indique un taux de vacance 25 fois plus eacuteleveacute en ZUS qursquoagrave lrsquoexteacuterieur de celles-ci (Peillon

2001 p 244)

Cependant la vacance eacuteleveacutee dans un contexte de manque chronique de logements nrsquoest pas

neacutecessairement lieacutee au refus de la part de demandeurs de logement elle peut eacutegalement ecirctre

lorsque la pression politique agrave ce sujet nrsquoest pas trop forte le fruit drsquoune non attribution

volontaire de la part drsquoeacutelus et de gestionnaires qui souhaitent laquo normaliser raquo certains espaces

en y eacutevitant la concentration des plus pauvres (Baudin Genestier 2002) Ce qui nrsquoest pas sans

effet pervers puisque cela peut constituer un indice de deacutevalorisation incitant des clients

appreacutecieacutes par les gestionnaires agrave les refuser Ce qui risque drsquoentraicircner une stigmatisation

498498

sociale involontaire avec lrsquoeacutevitement et le deacutenigrement des lieux par les habitants

environnants Cette gestion seacutegreacutegative de lrsquoattribution des logements peut drsquoailleurs ecirctre

suivie ou ecirctre compleacutementaire avec drsquoautres pratiques de seacutegreacutegation plus ou moins

directe comme des comportements de repli reacutesidentiel avec cloisonnement des zones

drsquohabitat vis-agrave-vis des immeubles voisins parfois deacutefendu par des gardiens afin de limiter les

intrusions de leurs habitants ou des passants

Lrsquoeffet est ici net du stigmate exteacuterieur qui attise les rivaliteacutes entre composantes internes agrave un

territoire Les images de lieux drsquoabomination et de criminaliteacute aigueuml peuvent mecircme ecirctre

relayeacutees par des habitants eux-mecircmes Peillon (2001) eacutevoque une ancienne eacutetude de Lagrange

(1986) agrave ce sujet dans laquelle il rapporte les rumeurs deacutevalorisantes internes aux quartiers

opposant des parties entre elles deacuteformant des histoires et des images collectives passeacutees et

preacutesentes Et cela alors mecircme que les principaux critegraveres de jugement de ces habitants eacutetaient

encore centreacutes sur lrsquousage et la qualiteacute du logement ce dont ils se sont montreacutes satisfaits

Ce qui rejoint la dualiteacute intrinsegraveque des grands ensembles enregistreacutee degraves le milieu des

anneacutees 1960 par lrsquoenquecircte deacutemographique et psychosociologique de Paul Clerc (1967) de

lrsquoInstitut national des eacutetudes deacutemographiques (INED) plus de trois quarts des habitants

estimaient que les avantages des logements lrsquoemportaient sur les inconveacutenients drsquoordre urbain

(distance agrave lrsquoemploi et au centre des villes insuffisance des transports en commun et des

eacutequipements collectifs et uniformiteacute architecturale) notamment par rapport au logement

preacuteceacutedent Cependant sur du long terme avec une situation sociale qui se deacutegrade le cadre de

vie est de plus en plus difficile agrave vivre

Ce reacutesultat drsquoenquecircte de 1967 peut drsquoailleurs ecirctre relativiseacute car tous les grands ensembles ne

partagent pas les mecircmes caracteacuteristiques et notamment les mecircmes inconveacutenients urbains avec

la mecircme acuiteacute Pierre Merlin (2010 p 82) pense agrave ce sujet qursquoil existe certainement deux

sous-groupes de grands ensembles drsquoun cocircteacute les plus affecteacutes et de lrsquoautre cocircteacute les moins

concerneacutes par ces difficulteacutes bien qursquoil ne dresse pas de listes nominatives pour chacun

drsquoentre eux Au vu des reacutesultats assez proches drsquoeacutevolution sociale probleacutematique des

communes de grands ensembles observeacutes dans lrsquoenquecircte empirique il est probable que

lrsquoeacutechantillon eacutetudieacute nrsquoappartienne pas drsquoembleacutee agrave la cateacutegorie les moins en difficulteacutes

Ce seraient alors les caracteacuteristiques exteacuterieures et communes premiegraveres de ces communes

ayant preacutesideacute agrave leur seacutelection pour la constitution de lrsquoeacutechantillon drsquoeacutetude qui pourraient

servir agrave deacutecrire les grands ensembles les plus deacutegradeacutes par rapport agrave drsquoautres mieux

499499

construits geacutereacutes et entretenus voire moins deacutegradeacutes par des peuplements moins marginaliseacutes

il y aurait drsquoune part le relatif eacuteloignement par rapport aux agglomeacuterations denses

environnantes et drsquoautre part leur urbanisation nettement marqueacutee par lrsquoapproche

fonctionnaliste

La marginalisation urbaine de ces espaces reacutesidentiels et la seacutegreacutegation territoriale qursquoelle

suscite seraient alors lieacutes agrave lrsquointensiteacute de problegravemes sociaux speacutecifiquement deacuteveloppeacutee dans

un contexte drsquoisolement urbain relatif et de net deacutecalage morphologique avec des voisinages

drsquohabitat individuel disseacutemineacute ou de quelques petits immeubles collectifs (lotissement

pavillonnaire ou peacuteri voire suburbanisation en maisons individuelles villages ou bourg

ruraux traditionnels habitat rural ou rurbain) Crsquoest bien le cas des communes de lrsquoeacutechantillon

eacutetudieacute mecircme pour Les Ulis et Rillieux-la-Pape qui appartiennent agrave de grandes reacutegions

urbaines en eacutetant situeacutees en peacuteripheacuterie de grandes agglomeacuterations

Le paragraphe suivant deacutecrit plus en avant le processus drsquoaccentuation en retour de la

seacutegreacutegation sociale par ce pheacutenomegravene de seacutegreacutegation speacutecifiquement urbaine qui srsquoest

deacuteveloppeacute agrave lrsquoencontre des grands ensembles deacutegradeacutes

3 La spirale des seacutegreacutegations sociales et urbaines

Pour commencer il faut rappeler que les pheacutenomegravenes plus ou moins importants de

seacutegreacutegation et drsquoagreacutegation sociales dans les pratiques sociales hors champ du travail et

notamment sur le plan des choix reacutesidentiels ont toujours existeacute la mise agrave distance est

ancienne pour eacuteviter les contacts sociaux lieacutee agrave la protection des ressources et de lrsquoidentiteacute

sociale correspondant agrave une position sociale le fait que des institutions ou que diffeacuterents

groupes drsquointeacuterecircts accompagnent et soutiennent ces dynamiques agreacutegatives et seacutegreacutegatives

eacutegalement Dans ce sens la notion de seacutegreacutegation urbaine couvrant les usages sociaux en

milieu urbain et notamment les pratiques reacutesidentielles ne possegravede-t-elle pas agrave la diffeacuterence

de la notion de seacutegreacutegation sociale discuteacutee plus haut une deacutefinition comportant plus

clairement lrsquointention seacutegreacutegative de la part de certains acteurs

La mise agrave lrsquoeacutecart reacutesidentielle de la part des plus riches notamment des cadres supeacuterieurs du

priveacute en majeure partie vis-agrave-vis des ouvriers et des immigreacutes est aiseacutement reacutealiseacutee dans une

finaliteacute seacutegreacutegative (Maurin 2004) Ce type de reacutealiteacutes ne peut pas ecirctre consideacutereacute comme seul

laquo produit non voulu raquo de meacutecanismes agreacutegatifs plus ou moins inconscients de groupes

500500

sociaux Les rapprochements socio-spatiaux relegravevent drsquoune volonteacute de seacuteparation de rejet ou

drsquoexclusion par diffeacuterents moyens possibles pour reacutepondre agrave des enjeux identitaires

drsquoappartenance et de distinction sociale (Marchal Steacutebeacute 2008)

Crsquoest cette volonteacute de seacutegreacutegation speacutecifique dans la vie urbaine parfois agrave des petites eacutechelles

territoriales qui constitue un facteur drsquoaggravation des situations drsquoexclusion sociale Cette

derniegravere renforceacutee expose ainsi davantage ceux qui en sont victimes agrave une accentuation des

actes de mise agrave lrsquoeacutecart reacutesidentielle et relationnelle dans lrsquoespace urbain Cette spirale des

seacutegreacutegations est particuliegraverement active et menaccedilante concernant les grands ensembles et le

destin de leurs habitants

Aborder plus speacutecifiquement les conduites de seacutegreacutegation urbaine semble davantage que

pour la seacutegreacutegation sociale de maniegravere plus geacuteneacuterale renvoyer agrave un champ assez bien identifieacute

et limiteacute de pratiques motiveacutees par des acteurs relevant mecircme drsquoopeacuterations strateacutegiques

socialement Ces comportements sont drsquoailleurs bien analyseacutes par les approches socio-

anthropologiques et psychosociologiques de la formation des groupes les pheacutenomegravenes

drsquoexclusion sociale deacutependant en grande partie de la rigidification des frontiegraveres entre groupes

sociaux (Xiberras 1994)

La question est alors de constater ou de savoir quelle sont les capaciteacutes organisationnelles et

symboliques des exclus pour deacutefendre leurs inteacuterecircts et obtenir des biens collectifs Car la

seacutegreacutegation urbaine ne signifie pas toujours marginalisation socio-spatiale et paupeacuterisation

eacuteconomique (Bertho 1997) par exemple le confinement des ouvriers dans les banlieues

rouges en peacuteriode drsquoemplois industriels eacuteleveacutes apregraves guerre a eacuteteacute le vecteur principal de

deacuteveloppement drsquoune culture de classe politique permettant lrsquoaccegraves agrave la normaliteacute sociale

crsquoest agrave-dire aux normes et standards mateacuteriels et eacuteconomiques de confort individuel des

classes moyennes et supeacuterieurs y compris lrsquoaccegraves agrave lrsquohabitat socialement valoriseacute celui du

pavillon individuel

Les situations sociales sont par ailleurs tregraves eacutevolutives Dans le cas des ouvriers industriels le

deacuteclin de leur secteur drsquoactiviteacute traditionnel a geacuteneacutereacute un chocircmage important une preacutecariteacute

voire une paupeacuterisation des meacutenages Une fracture sociale srsquoest instaureacutee au sein des

cateacutegories ouvriegraveres et employeacutees entre les inteacutegreacutes et les exclus ce qui a reacuteduit les systegravemes

de revendication et de repreacutesentation politique dans les champs du travail et par voie de

conseacutequence de lrsquourbain (Dubet 1996) Les espaces populaires agrave forte solidariteacute et

communauteacute drsquointeacuterecirct ont ceacutedeacute la place agrave des peuplements de communauteacute difficile agrave se

501501

deacutevelopper et agrave se maintenir en raison de lrsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute des profils socioculturels et des

expeacuteriences de la pauvreteacute chacun deacuteveloppant ses parades ses accommodations et ses

ressources (Lapeyronnie 2008) ce qui suscite de la meacutefiance mutuelle du deacutesordre social et

laisse la place libre agrave des manifestations de violence interpersonnelle

La vie quotidienne des anciens espaces ouvriers est souvent marqueacutee par une logique de

survie un repli sociable et une recherche drsquoautonomie vis-agrave-vis du voisinage alors que des

pratiques et des normes deacuteviantes illeacutegales violentes et donc parfois ineacutegalitaires dans les

relations sociales se sont reacutepandues Lrsquoamertume le deacutecouragement et parfois la protestation

se diffusent et se manifestent agrave de nombreuses occasions Ce type de vie sociale peu

coopeacuteratif contribue agrave rendre plus visible la hieacuterarchie socio-spatiale ainsi que la logique

seacutegreacutegative des pratiques reacutesidentielles par rapport agrave ce que pouvait faire apparaicirctre des

configurations seacutegreacutegatives anteacuterieures (Donzelot 2004) les distances geacuteographiques entre

zones drsquohabitat se sont accrues faciliteacutees par les reacuteseaux de communication et les moyens de

transport et surtout les dispositifs mateacuteriels et organisationnels de seacuteparation et de fermeture

des espaces reacutesidentiels se sont diversifieacutes et largement reacutepandus comme normes pour la

seacutecuriteacute reacutesidentielle rechercheacutee agrave tous les niveaux de lrsquoeacutechelle sociale Ces eacuteleacutements ont

favoriseacute un processus tripartite de reacutepartition spatiale des grandes cateacutegories sociales

gentrification des espaces centraux par les plus aiseacutes peacuteriurbanisation des couches

moyennes et releacutegation dans les zones drsquohabitat deacutegradeacutes comme les grands ensembles des

cateacutegories sociales les plus preacutecaires

Par ailleurs les pratiques reacutesidentielles ne constituent pas les seuls usages structurant lrsquoeacutetat et

le deacuteveloppement des villes Ces derniegraveres sont aussi le lieu des meacutelanges et des contacts

sociaux de classes distinctes pour des activiteacutes multiples hors sphegravere speacutecifique du travail

(Marchal Steacutebeacute 2008) elles comprennent des espaces publics des eacutequipements et des

structures de rencontre et drsquoeacutechange tout comme le renforcent les outils modernes de

communication et drsquoeacutechanges qui recomposent les espaces et les formes physiques et

meacutediatiques de vie sociale il faut aussi compter sur les espaces de mobiliteacute spatiale souvent

eacutemailleacutes de dispositifs drsquousages et de services collectifs agrave lrsquooccasion desquels le cocirctoiement

peut susciter des eacutechanges des liens symboliques et parfois des eacutechanges interpersonnels plus

forts

En outre mecircme sur le plan reacutesidentiel la speacutecialisation socio-spatiale lieacutee aux logiques

seacutegreacutegatives porteacutees par certains groupes sociaux nrsquoest pas preacutedominante des choix

reacutesidentiels atypiques assez nombreux complexifient et produisent une heacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute courante

502502

dans la majoriteacute des zones de reacutesidence mecircme celles ougrave preacutedominent certaines cateacutegories

sociales certains cadres pouvant par exemple aimer habiter pregraves de leurs lieux de travail dans

des espaces plutocirct moyens ou populaires et certains employeacutes et ouvriers peuvent pour

diverses raisons strateacutegiques sentimentales sociales ou culturelles vouloir se maintenir

dans des zones en reacutenovation avec de forte hausse de loyers et srsquoorganiser ainsi pour geacuterer ce

surcoucirct eacuteconomique

Les villes conservent ainsi encore globalement une preacutedominance de lieux drsquointeractions et

drsquohabitation socialement meacutelangeacutes les lieux les plus fermeacutes eacutetant les quartiers de grande

bourgeoisie drsquoaffaires La mixiteacute sociale et la production de la socieacuteteacute ou du moins des

communauteacutes locales se reacutealisent en fait dans tout une gamme de lieux intermeacutediaires entre le

logement et la ville dans lrsquoespace du quartier (Marchal Steacutebeacute 2008) drsquoabord les

immeubles les cours et les parkings de lrsquohabitat lieux des relations de voisinage ougrave se

construisent des compromis de civiliteacute ensuite les rues et places comme lieux publics de

sociabiliteacute et drsquoidentification sociale permettant la formation spontaneacutee de collectifs

eacutepheacutemegraveres agrave partir drsquousages deacutependant des personnes en preacutesence ou dans le cas drsquousages

plus reacuteguliers lrsquoinstitutionnalisation drsquoun ordre social implicite de vivre-ensemble dans lequel

srsquoexpriment les identiteacutes individuelles et collectives enfin le quartier comme eacutechelle

spatiale drsquoidentiteacute sociale pertinente lieacutee agrave drsquoautres espaces significatifs de support de sens

dans les villes ougrave par le jeu des rapports entre groupes sociaux locaux se reacutealisent des

strateacutegies de distinction et drsquoagreacutegation sociales

Crsquoest bien drsquoailleurs au niveau des quartiers reacutesidentiels que se deacuteveloppe la carte symbolique

des connotations sociales des espaces urbains agrave partir des perceptions collectives simplifieacutees

et deacuteformeacutees des peuplements des identiteacutes sociales qui les composent et des activiteacutes

diverses qui se produisent dans leurs espaces (Khosrokhavar 2000)

Tous ces espaces intermeacutediaires de cocirctoiement social de proximiteacute servent de points

drsquoancrage spatiaux des identiteacutes sociales de laquo deacutepocirct de soi raquo dans lrsquoespace comme lrsquoeacutecrit

aussi Giraud (2000) en se reacutefeacuterant agrave lrsquoeacutetymologie du mot laquo maison raquo Sans cette adeacutequation

identitaire dont on a vu les grandes difficulteacutes drsquoapplication dans les espaces de grands

ensembles du fait de la multipliciteacute des barriegraveres de lrsquoenvironnement au soi des reacutesidents ces

derniers investissent drsquoautres lieux ce qui constitue un certain handicap spatial Car le climat

de deacutegradation de violence et de deacutelinquance plus ou moins deacuteveloppeacutees engendre une

stigmatisation territoriale pour ces espaces et leurs habitants

503503

Ce stigmate est alors un motif de seacutegreacutegation agrave leur encontre qui srsquoajoute pour certains agrave

drsquoautres motifs ou stigmates plus sociaux (niveau de qualification conditions de vie culture

drsquooriginehellip) En effet des discours geacuteneacuteraux neacutegativement connoteacutes et meacutediatiquement

diffuseacutes se sont deacuteveloppeacutes sur les grands ensembles comme zones repoussoirs lieux

drsquoabomination et de criminaliteacute aigueuml tregraves vite exprimeacutes majoritairement par les habitants

eux-mecircmes dans les quartiers agrave partir des anneacutees 1980 (Peillon 2001 Khosrokhavar 2000)

Crsquoest dans les rapports sociaux internes aux quartiers drsquohabitation mais aussi entre espaces

reacutesidentiels des agglomeacuterations qursquoa eacutemergeacute ce pheacutenomegravene particulier de la seacutegreacutegation

urbaine de mise agrave lrsquoeacutecart pour motif drsquoappartenance agrave un espace mal fameacute Il a pour effet

principal de pouvoir potentiellement accentuer la situation drsquoexclusion eacuteconomique et sociale

de certains habitants Le stigmate attribue spontaneacutement et plutocirct indistinctement aux

habitants les caracteacuteristiques de deacutegradation de deacutelinquance-violence et de peuplement

marginal des laquo citeacutes-ghettos raquo Les effets sur les interactions sociales sont nombreux refus

reacutepeacuteteacutes drsquoembauche de creacutedits agrave la consommation de souscription drsquoassurances voire de

deacutelivrance de chegraveques par les commerccedilants ou encore discriminations drsquoaccegraves aux

eacutequipements de rencontre et de loisirs voire aux services publics Depuis une quarantaine

drsquoanneacutees cette seacutegreacutegation tend agrave exclure de la vie urbaine partiellement ou fortement selon

les personnes les groupes et les lieux en raison du lieu de reacutesidence dans lrsquoespace urbain

Le risque de meacutepris ou de rejet social dans les lieux publics drsquoeacutechange et de cocirctoiement se

manifeste avec la laquo cacotopie raquo drsquoune partie de lrsquoespace urbain (Khosrokhavar 2000) crsquoest-agrave-

dire la mauvaise reacuteputation qui stigmatise un quartier par sa concentration de pauvres et des

deacutesordres divers plus ou moins aigus Les habitants reacuteagissent chacun de maniegravere diverse et

selon les situations personnelles peuvent adopter des comportements tant transgressifs et

deacutemonstratifs que des conduites plus conformes aux normes dominantes Selon Wacquant

(2007) lrsquoindissociabiliteacute de lrsquoexclusion eacuteconomique et sociale et de la releacutegation spatiale

forme un laquo reacutegime nouveau de releacutegation socio-spatiale raquo en ce qursquoil geacutenegravere une fermeture

excluante de la socieacuteteacute selon la terminologie weacuteberienne aux cateacutegories sociales les moins

utiles agrave lrsquoordre socio-eacuteconomique dominant

La fermeture aux activiteacutes et aux biens valoriseacutes concerne eacutevidemment aussi lrsquohabitat Un

principe de contrainte reacutesidentielle dans des espaces drsquohabitat circonscrits apparaicirct clairement

sans se confondre avec de lrsquoassignation obligatoire dans un secteur clos par rapport au reste

des villes Ce pheacutenomegravene eacutemane du jeu des rapports sociaux dans une socieacuteteacute aux positions

fragiliseacutes par la crise-mutation eacuteconomique et lrsquoorientation neacuteolibeacuterale des eacutelites politiques

504504

Alors que de leur cocircteacute les situations historiques de reacutefeacuterences des ghettos traditionnels (juifs

et noir-ameacutericains) se caracteacuterisaient par une prescription politico-juridique explicite et

leacutegalement formuleacutee Avenel (2007) eacutevoque aussi un laquo systegraveme seacutegreacutegatif raquo non formaliseacute

comme tel par la socieacuteteacute mais qui existe bien sous la forme de processus sociaux et politiques

qui entraicircnent le regroupement spatial forceacute des plus pauvres et des groupes drsquoorigine

immigreacutee les plus en difficulteacutes sociales Les populations concerneacutees ont drsquoailleurs la

conscience aigueuml de ces pheacutenomegravenes Dans ce contexte un ensemble drsquoacteurs alimente les

repreacutesentations sociales des espaces dont la symbolisation seacutegreacutegative des espaces

deacutevaloriseacutes

Ces acteurs au nombre de cinq cateacutegories mobilisent un mecircme imaginaire mythique

concernant les citeacutes-ghettos eacutevoqueacute plus haut agrave des fins varieacutees (Steacutebeacute Marchal 2009) Les

meacutedias qui cherchent agrave dramatiser ou agrave mettre en scegravene de faccedilon spectaculaire les faits et les

eacuteveacutenements qursquoils rapportent Les laquo experts raquo issus de professions speacutecialiseacutees (consultants

fonctionnaires de policehellip) qui produisent des analyses discutables sur le plan scientifique

(fiabiliteacute et validiteacute des donneacutees des meacutethodes et des interpreacutetations) et qui ont un inteacuterecirct

eacuteconomique ou symbolique agrave la perpeacutetuation du mythe La classe politique avec la rheacutetorique

seacutecuritaire qui joue un rocircle dans lrsquoorientation des politiques de seacutecuriteacute au deacutetriment des

politiques de preacutevention police municipale videacuteosurveillance controcircle de veacutehicules et de

piegraveces drsquoidentiteacute organisation de la police nationale) Les classes moyennes qui souhaitent se

deacutemarquer des zones drsquohabitat social dont le contact est craint par la recherche de protection

statutaire et de socialisation des enfants ils eacutecoutent les meacutedias et le personnel politique par

le biais du prisme meacutediatique politique et mythique sur lrsquoappreacutehension des populations et des

espaces concerneacutes Et enfin certains habitants eux-mecircmes des zones cacotopes qui adoptent

une logique de distinction et de deacutefausse sur drsquoautres habitants concernant la responsabiliteacute de

la deacutegradation physique et de la deacutevalorisation sociale de leurs quartiers

Crsquoest donc un large ensemble drsquoacteurs plus ou moins interdeacutependants qui produit un

systegraveme de stigmatisation des espaces deacutevaloriseacutes et renforce symboliquement les situations

drsquoexclus des habitants Dans leur communication sociale et les interactions quotidiennes ils

contribuent agrave diffuser des images drsquoordre mythologique deacutefavorables concernant un ou

plusieurs quartiers malfameacutes de leur aire urbaine Celles-ci se reacutepandent et se geacuteneacuteralisent

rapidement Merlin (2010) eacutevoque par exemple une enquecircte de la socieacuteteacute drsquoeacutetudes SOFRES

reacutealiseacutee en 2002 sur lrsquoopinion des Franccedilais agrave lrsquoeacutegard des HLM Mecircme si celles-ci ne sont pas

toutes inscrites dans des grands ensembles alors que la plupart des grands ensembles sont

505505

constitueacutes de logements HLM leurs repreacutesentations neacutegatives est drsquoimportance 70 des

Franccedilais interrogeacutes estiment que les logements HLM ne sont pas agreacuteables agrave habiter mais 68

des habitants de ceux-ci pensent le contraire 57 des Franccedilais affirment qursquoils

regroupent beaucoup de deacutelinquants (44 des habitants des HLM) et 55 considegraverent

qursquoils ne sont pas propres ce qui rejoint ici lrsquoeacutetat de lrsquoopinion des habitants des HLM

interrogeacutes (54 )

Cet imaginaire des citeacutes-ghettos (habitat deacutesagreacuteable lieu de deacutelinquance de violence et de

deacutegradation) srsquoinscrit dans les meacutemoires individuelles et collectives par le biais drsquoun travail

socialiseacute de reacuteduction de la diversiteacute des repreacutesentations possibles (Steacutebeacute Marchal 2009)

Celles-ci preacutedisposent par la suite au deacuteveloppement de conduites seacutegreacutegatives dans lrsquoespace

urbain Pour les cateacutegories moyennes et supeacuterieures drsquoabord il srsquoagit drsquoeacutecarter les moins

qualifieacutes et les plus pauvres des espaces et des processus de socialisation seacutelective dans

diffeacuterents lieux qursquoils freacutequentent La seacutegreacutegation urbaine sur le plan reacutesidentiel du moins est

donc agrave la fois cause et effet de lrsquohomogeacuteneacuteisation et de la hieacuterarchisation des espaces urbains

et la reacuteduction de lrsquohabitat des plus pauvres agrave quelques types socio-reacutesidentiels dont

principalement les grands ensembles srsquoinscrit dans cette logique

Ce pheacutenomegravene drsquoinfluence reacuteciproque aggravant entre la seacutegreacutegation sociale et la seacutegreacutegation

urbaine la seacutegreacutegation sociale geacutenegravere des pratiques urbaines de seacutegreacutegation speacutecifiques

(seacuteparation reacutesidentielle eacutevitement des lieux de reacutesidence drsquousages et de socialisationhellip) et

les pratiques urbaines seacutegreacutegatives geacutenegraverent de la seacutegreacutegation sociale (volonteacute de se distinguer

socialement de groupes stigmatiseacutes aux pratiques urbaines diffeacuterentes) peut ecirctre compareacute

au pheacutenomegravene des deacutenonciations publiques de lrsquoinseacutecuriteacute elles geacutenegraverent une crainte ou une

distance suppleacutementaire vis-agrave-vis de certains lieux alors que la violence qui en est agrave lrsquoorigine

est lieacutee en partie agrave une mise agrave lrsquoeacutecart des moins doteacutes en capitaux culturels eacuteconomiques

sociales et politiques de la part drsquoune partie des cateacutegories sociales dirigeantes qui nrsquoarrivent

pas ou ne souhaitent pas modifier le systegraveme drsquointeacutegration sociale

Un autre exemple est celui de la reacutenovation urbaine qui produit le plus souvent des effets nuls

voire inverses en termes de reacuteduction de la stigmatisation territoriale puisque les travaux

reacutevegravelent aux citadins une situation urbaine particuliegraverement toucheacutee par lrsquointensiteacute de

problegravemes sociaux importants Crsquoest ce cas appliqueacute aux grands ensembles qui est traiteacute dans

le paragraphe suivant

506506

4 Reacutenovation des grands ensembles de lrsquoobjectif de mixiteacute aux effets de la

seacutegreacutegation urbaine

Qursquoapporte ce point agrave la deacutemonstration passeacutee de la dynamique croissante de seacutegreacutegation

sociale et urbaine qui est agrave lrsquoorigine du deacuteclin social des grands ensembles Au regard de

lrsquoampleur du Programme national de reacutenovation urbaine (PNRU) tant en termes financiers

qursquoen termes drsquoespace et de temps consideacutereacute cette action du deacutebut du XXIe illustre le

caractegravere fondamentalement politique de la seacutegreacutegation urbaine agrave partir drsquoune action deacutegageacutee

de toute intention volontaire dans ce sens et qui en produit neacuteanmoins faute de prise en

compte des effets pervers pourtant connaissables Elle fait suite et se deacuteploie en parallegravele aux

diverses interventions drsquoordre multiple techniques physiques spatiales sociales et fiscales

qui sont appliqueacutees sur les territoires des grands ensembles stigmatiseacutes depuis plus de trente

ans (Steacutebeacute Marchal 2008)

Dans leur ensemble celles-ci tentent drsquoapporter des reacuteponses et des solutions aux critiques

sociales et savantes qui concernent leur deacutegradation Il srsquoagit ici de rappeler quel est lrsquoobjectif

poursuivi de ces interventions et notamment celles qui avec un contenu urbain sont

appliqueacutees dans les zones de releacutegation spatiale tout en soulignant en quoi cet objectif

confine agrave une illusion de la capaciteacute de lrsquoaction spatiale agrave produire des effets sociaux qui ne

sont pas reacutealiseacutes par des mesures politiques drsquoordre eacuteconomique et social

Agrave partir des anneacutees 1970 divers dispositifs ont eacuteteacute mis en œuvre pour revaloriser socio-

eacuteconomiquement et symboliquement ces espaces afin notamment drsquoy attirer les classes

moyennes programme laquo Habitat et vie sociale raquo par la commission ministeacuterielle du mecircme

nom laquo Banlieues 89 raquo pour le droit agrave la beauteacute urbaine pour tous les habitants et aussi

proceacutedures de laquo Deacuteveloppement social des quartiers raquo inspireacute du deacuteveloppement eacuteconomique

local en milieu rural avec la promotion de lrsquoauto-deacuteveloppement et de la deacutemocratisation de

la gestion de la ville eacutelargie agrave des actions diverses sur la composition sociale du peuplement

lrsquoaction socio-eacuteducative lrsquoanimation et la preacutevention de la deacutelinquance ainsi que lrsquoinsertion

socioprofessionnelle

En 1988 avec un bilan constatant lrsquoeffet de stigmatisation territoriale de ces proceacutedures qui

aggrave la marginalisation des zones drsquohabitat et des habitants concerneacutes (sans compter la

complexiteacute organisationnelle et lrsquoimpreacutecision des objectifs par leur multipliciteacute) le dispositif

gouvernemental srsquoest transformeacute en laquo deacuteveloppement social urbain raquo il srsquoagissait en theacuteorie

et au deacutepart de deacutevelopper des actions au niveau des agglomeacuterations drsquoappartenance des

507507

zones en deacuteclin et non plus seulement au seul niveau des laquo quartiers raquo comme dans les anneacutees

1980 La creacuteation du ministegravere de la Ville en 1990 a consacreacute cette monteacutee en puissance des

moyens des domaines institutionnels et des peacuterimegravetres drsquoaction de lrsquoEacutetat

En plus de la valorisation des laquo quartiers raquo comme axe drsquoaction historique sont viseacutees les

pratiques seacutegreacutegatives hors de ceux-ci dans les agglomeacuterations drsquoappartenance (transport en

commun localisation des activiteacutes eacuteconomiques sociales et culturelleshellip) Le problegraveme est

que ce changement drsquoeacutechelle nrsquoest pas accompagneacute de meacutethodes approprieacutees puisqursquoil ne peut

y ecirctre appliqueacutee lrsquoanimation socioculturelle qui correspond agrave des petits peacuterimegravetres drsquoespaces

reacutesidentiels cette approche dite drsquolaquo action sociale globale raquo dans les collectiviteacutes locales

concerneacutees eacutetait impulseacutee degraves la fin des anneacutees 1960 par des hauts-fonctionnaires

reacuteformateurs chreacutetiens-sociaux et des acteurs syndicalistes plutocirct reacutevolutionnaires afin

drsquoagir contre lrsquoexclusion et la deacutegradation du lien social (Chevalier 2005) La probleacutematique

des relations sociales entre individus groupes et institutions de mecircmes quartiers ne srsquoassimile

pas agrave celle des pratiques seacutegreacutegatives mises en œuvre agrave lrsquoeacutechelon supeacuterieur des

agglomeacuterations

Ce dernier axe a donc eacuteteacute en deacutefinitive peu investi en comparaison avec les actions dans les

laquo quartiers raquo en raison drsquooptions meacutethodologiques pris par Jean-Marie Delarue le deacuteleacutegueacute

interministeacuteriel agrave la Ville nommeacute en 1991 selon un consensus intellectuel avec le champ des

reacuteformateurs sociaux inteacuteresseacutes par cette politique qui excluait toute action sur les

meacutecanismes structurels lieacutes au conflit de classes ou au monde du travail Des chercheurs

journalistes hauts-fonctionnaires et responsables politiques associatifs et sociaux srsquoeacutetaient

en effet retrouveacute au tournant des anneacutees 1990 autour de la revue Esprit et de lrsquo laquo eacutecole

tourainienne raquo centreacutee sur le paradigme de lrsquoexclusion sociale dans le champ de lrsquohabitat agrave

penser le deacutepassement de la question de lrsquointeacutegration eacuteconomique (Tissot 2007)

En mecircme temps des travaux de statisticiens de lrsquoINSEE dans les directions reacutegionales mais

aussi agrave la direction geacuteneacuterale au deacutebut des anneacutees 1990 avaient expeacuterimenteacute la cateacutegorisation

statistique des laquo quartiers raquo pour finir par lrsquoabandonner faute drsquointeacuterecirct ou de sens explicite

pour lrsquoanalyse de la pauvreteacute ou des ineacutegaliteacutes sociales Lrsquoapproche initiale consistant agrave

localiser les pauvres pour connaicirctre leurs conditions de vie notamment leur environnement

social et geacuteographique dont leur cadre drsquohabitat avait deacuteriveacutee vers une analyse de lrsquoeacutetat

sociodeacutemographique drsquoentiteacutes territoriales deacutenommeacutees laquo quartier raquo en standardisant des

indicateurs drsquoeacutevaluation permettant de deacutefinir des eacutecarts relatifs agrave la moyenne des villes

508508

Malgreacute cette impasse intellectuelle lrsquoorientation laquo quartiers raquo de lrsquoaction sociale vis-agrave-vis des

pauvres srsquoest renforceacutee selon la dynamique de rationalisation impulseacutee par les responsables

de cette politiques dans les anneacutees 1990 Les programmes nationaux de renouvellement urbain

(1999) et de reacutenovation urbaine (2003) ont accentueacute cette deacutemarche afin de reacutehabiliter etou

de deacutemolir les immeubles les plus contesteacutes pour creacuteer de nouvelles possibiliteacutes

drsquoameacutenagement des lieux De ce fait les travaux de valorisation urbaine de secteurs deacutelimiteacutes

et creacuteeacutes par les pouvoirs publics ont contredit lrsquoattente de leur laquo deacutesenclavement raquo en

marquant agrave lrsquoinverse un certain handicap territorial surtout si les points de vue des habitants

ont eacuteteacute neacutegligeacutes comme dans les deacutemarches similaires passeacutees de reacutehabilitation et de

reacutenovation dans les anneacutees 1960 puis 1990

Les risques drsquoeffets pervers de stigmatisation se sont donc renforceacutes sauf eacutevidemment lorsque

les deacutemolitions vident les lieux de la population laquo indeacutesirable raquo supprimant ainsi le stigmate

des lieux (Faure 2006) Cependant la dispersion des plus pauvres agrave reloger en prioriteacute sur

drsquoautres secteurs de logements reacutehabiliteacutes ou construits ce qui constitue drsquoailleurs un aveu

drsquoeacutechec pour la politique de la ville qui existe depuis plus de trente ans est source

drsquoexacerbation de tensions sociales avec la perception de cette prioriteacute comme une

provocation par les autres personnes en difficulteacutes de logement Enfin et surtout

lrsquoinachegravevement devenu laquo traditionnel raquo de ce type drsquoopeacuterations notamment de construction de

logements pour les plus pauvres rajoute de lrsquoeacutetrangeteacute et des doutes au sentiment

drsquoinefficaciteacute lieacute au coucirct important et agrave la dimension spectaculaire de ces opeacuterations

Plus globalement agrave lrsquoinstar de lrsquoanimation sociale promue depuis les anneacutees 1960 pour palier

les insuffisances de vie communautaire lieacutees aux conditions mateacuterielles et sociales drsquohabitat

ce type drsquointervention urbaine se base sur des scheacutemas de perception anciens concernant les

questions sociales de la part des deacutecideurs et du milieu des organismes professionnels

drsquohabitat social Lrsquoinsistance agrave promouvoir la notion de mixiteacute sociale pour justifier le besoin

et lrsquoobjectif de ces opeacuterations en est une nette illustration Il est vrai que cette question de la

mixiteacute dans les situations urbaines et leur repreacutesentation sociale nrsquoest pas nouvelle

Pour rappel (Steacutebeacute Marchal 2008) le logement social institutionnaliseacute par les pouvoirs

publics agrave la fin du XIXe siegravecle portait deacutejagrave un ideacuteal de mixiteacute sociale Plus tard degraves les anneacutees

1960 la speacutecialisation sociale du peuplement des grands ensembles drsquohabitation a engendreacute

une forte reacuteaction sociale mais aussi politico-administrative comme vu plus haut en

reacutefeacuterence agrave cette notion La plupart des discours officiels ont critiqueacute la seacutegreacutegation en marche

509509

agrave lrsquoorigine des pheacutenomegravenes drsquohomogeacuteneacuteisation sociale par le bas Les mesures preacuteconiseacutees

restent cependant des domaines urbanistiques et du logement sans effet net sur lrsquointeacutegration

sociale des meacutenages victimes du chocircmage des seacuteparations familiales et du manque de

qualification

Par exemple pour introduire de la mixiteacute sociale dans ces espaces le ministre de

lrsquoEacutequipement Chalandon au Congregraves HLM de 1968 avait annonceacute la fin du controcircle sur

lrsquoarchitecture et le retour de la reacutehabilitation selon lrsquourbanisme classique (et notamment les

rues) En 1969 un concours de maisons individuelles avait drsquoailleurs enteacuterineacute cette fin du

laquo tout collectif raquo preacutefigurant la politique de lrsquoaccession en peacuteriubain et la fonction drsquoaccueil

des plus pauvres dans les grands ensembles Degraves la circulaire du 30 novembre 1971 relative

aux formes drsquourbanisation adapteacutees aux villes moyennes lrsquoarrecirct des grands ensembles sur le

plan du bacircti a eacuteteacute deacutecideacute et la circulaire du 15 deacutecembre de la mecircme anneacutee a renieacute

formellement le dogme fonctionnaliste pour les raisons proches des critiques preacutesenteacutees plus

haut nociviteacute de la rigiditeacute des plans reacutepeacutetition monotone des structures architecturales

agressiviteacute de tours ou de barres deacutemesureacutees impersonnaliteacute des faccedilades absence de lieux de

rencontre et pauvreteacute des espaces communs

Le discours du ministre Guichard agrave lrsquoAssembleacutee nationale en 1973 appuya cette

condamnation du fonctionnalisme (laquo blocs fonctionnels pauvres appauvrissant lrsquohomme raquo)

ayant creacuteeacute des structures urbaines laquo deacuteformantes raquo comme les citeacutes ouvriegraveres les quartiers

HLM et les banlieues reacutesidentielles laquo lieux drsquoapprentissage de la seacutecession sociale raquo Il y

prononccedila lrsquoexpression laquo droit agrave la ville raquo en reacutefeacuterence agrave lrsquoouvrage drsquoHenri Lefebvre (1968)

portant ce titre Dans cette perspective la circulaire du 21 mars 1973 laquo relative aux formes

drsquourbanisation dites lsquogrands ensemblesrsquo et agrave la lutte contre la seacutegreacutegation sociale dans

lrsquohabitat raquo preacutesenta deux objectifs le controcircle des conditions de formation des peuplements

de ces ensembles et lrsquoextension agrave lrsquoensemble des agglomeacuterations de lrsquoarrecirct complet des

constructions de ce type Neacuteanmoins dans la reacutealiteacute socio-eacuteconomique des quartiers ou villes

fonctionnalistes se construisirent encore quelques anneacutees plus tard comme agrave Sarcelles

jusqursquoen 1976 et Les Ulis jusqursquoen 1981 (fin du mandat de la socieacuteteacute drsquoeacuteconomie mixte en

charge des opeacuterations)

La suite de cet eacutepisode srsquoengagea avec la volonteacute de mieux reacutepartir lrsquohabitat social dans les

agglomeacuterations et drsquoeacutequilibrer son peuplement Trois dispositions reacuteglementaires dans ce

sens sans fortes contraintes furent eacutemises dans la circulaire du 3 mars 1977 relative au

laquo fonctionnement du groupe interministeacuteriel Habitat et vie sociale raquo il srsquoagissait drsquoabord de

510510

reacuteformer la politique drsquoattribution dans les agglomeacuterations puis drsquoeacutetablir eacutegalement une

convention Eacutetat et Union des organismes HLM (UNFOHLM) visant agrave reacuteorienter les deacutecisions

drsquoattribution pour une reacutepartition plus eacutequilibreacutee des familles en difficulteacutes dans le parc HLM

et enfin de creacuteer des laquo opeacuterations programmeacutees drsquoameacutelioration de lrsquohabitat raquo dans le secteur

priveacute

Globalement crsquoest agrave la mixiteacute sociale dont il est fait appel comme objectif mais aussi comme

moyen de reacuteduire les problegravemes sociaux Ainsi lrsquoapparition dans les discours politiques et

meacutediatiques de la mixiteacute comme neacutecessiteacute tient agrave ce que des configurations urbaines

preacuteceacutedemment produites ont pu preacutesenter une reacuteduction de cette vocation tant originelle que

mythique de la ville agrave savoir le rassemblement drsquohabitants de cateacutegories diffeacuterentes (Eleb

Violeau 2008) ces situations inspirent une crainte sur le plan sociopolitique en ce qursquoelles

concreacutetisent le risque de deacutefaut de socialisation urbaine ou drsquourbaniteacute Les opeacuterations

drsquourbanisme fonctionnaliste sont alors critiqueacutees par lrsquoeffet drsquoaccentuation des seacuteparations

socio-spatiales qursquoont geacuteneacutereacute les flux de releacutegation en leur sein de population en difficulteacutes

sociales

Depuis les anneacutees 1980 cet objectif de mixiteacute sociale est devenu un axe majeur des politiques

contre toute forme drsquoexclusion urbaine et sociale un principe de reacuteorganisation urbaine

(Marchal Steacutebeacute 2007) Et pourtant son appreacuteciation est difficile sur un territoire car elle

suppose un seuil de proportion normatif qui deacutepend du niveau drsquoobservation retenu (Epstein

Kirszbaum 2003) par exemple la mixiteacute peut ecirctre assureacutee dans une agglomeacuteration alors

qursquoune forte seacutegreacutegation aux eacutechelles infeacuterieures peut seacutevir La mixiteacute preacutesente donc un ideacuteal

de quartier ou de ville socialement diversifieacutee sans preacutecision dans les textes leacutegislatifs sur la

proportion et la nature des cateacutegories sociales des seuils et des eacutechelles geacuteographiques

(Leleacutevrier 2005) Ce qui ne signifie pas que cela soit une situation sociale irreacutealiste et non

souhaiteacutee bien au contraire

En effet malgreacute cette difficulteacute drsquoappreacutehension concregravete la mixiteacute sociale a une longue

histoire dans les villes europeacuteennes (Eleb Violeau 2008) agrave chaque grande peacuteriode de

lrsquohistoire urbaine correspondent drsquoailleurs des types drsquohabitat qui composent des formes

speacutecifiques de mixiteacute au sens de proximiteacute entre habitants de niveaux de cateacutegories de

statuts voire de classes sociales distincts Ainsi agrave lrsquoinstar de Simmel (1894) qui indique que

lrsquooccurrence des pheacutenomegravenes sociaux ne deacutepend pas uniquement de la quantiteacute des uniteacutes

sociales qui y prennent part mais aussi de leur qualiteacute et de leurs relations on peut soutenir

que lrsquoimpreacutecision quantitative quant au nombre drsquouniteacutes de chaque cateacutegorie sociale ou au

511511

nombre des diffeacuterentes cateacutegories sociales en preacutesence dans un espace reacutesidentiel

(groupement drsquoimmeubles voire immeuble) nrsquoest pas plus deacuteterminante que lrsquoexistence

objective drsquoune diversiteacute de statuts et de revenus des meacutenages qui permettent agrave une vie

sociale de se deacutevelopper La qualiteacute drsquoune vie sociale dans un milieu socialement diversifieacute

peut-ecirctre perccedilue et rechercheacutee indeacutependamment de la possibiliteacute drsquoen deacutefinir avec exactitude

des proportions de cateacutegories ou des seuils (Jacob 1991)

Les eacutetapes de la mixiteacute sociale dans lrsquohistoire urbaine occidentale montrent drsquoailleurs que

celle-ci se preacutepare et neacutecessite des conditions sociales drsquoacceptabiliteacute auxquelles porter

attention agrave chaque projet urbain et architectural (Eleb Violeau 2008) Tout drsquoabord la mixiteacute

est agenceacutee par des dispositions architecturales internes agrave certains immeubles maisons de

ville du Moyen-acircge hocirctels particuliers aristocratiques du XVIIe siegravecle immeubles collectifs agrave

structure tripartite au XVIIIe siegravecle (soubassement quatre eacutetages carreacutes couronnement

mansardeacute) ou encore immeubles haussmanniens du XIXe siegravecle Cependant ces derniers

marquent le deacutebut de lrsquohomogeacuteneacuteisation sociale de lrsquooccupation des immeubles en en

distinguant trois types pour chaque classe sociale avec des dispositifs architecturaux

correspondant aux modes de vie preacutesumeacutes de celle-ci Des gravures analogues agrave leurs

diffeacuterentes faccedilades banalisaient pourtant lrsquoexistence du meacutelange social dans les rues Ainsi la

mixiteacute sociale dans les villes europeacuteennes eacutetait traditionnellement preacutesente et jusqursquoagrave une

peacuteriode preacutesente dans la plupart des territoires urbains agrave lrsquoeacutechelle plus large de lrsquohabitat avec

plusieurs immeubles plus ou moins regroupeacutes ou seacutepareacutes de bacirctiments et drsquoeacuteleacutements urbains

fonctionnels (cours rues commerceshellip)

Cependant avec la croissance deacutemographique et la diversification sociale des meacutetiers et des

positions les proximiteacutes sociales ont pour des raisons identitaires et de distinction sociale

engendreacute des reacuteactions de distanciation et drsquoexacerbation des diffeacuterences sociales Elles ont

deacutetermineacute le deacutebut de la seacutegreacutegation geacuteographique (Eleb et Violeau 2008) au XIXe siegravecle

avec la creacuteation des quartiers neufs plus homogegravenes dans lrsquoouest parisien destineacutes aux plus

riches bien que les immeubles reproduisaient en partie le dispositif haussmannien de mixiteacute

entre le rez-de-chausseacutee et le couronnement drsquoun cocircteacute et les eacutetages courants de lrsquoautre cocircteacute

qui preacutesentaient des logements plus identiques

De mecircme toujours agrave Paris les destructions drsquoimmeubles et de quartiers taudis ou encore mi-

bourgeois et mi-ouvriers nrsquoont constitueacute qursquoune acceacuteleacuteration momentaneacutee des processus de

deacuteplacement des populations vers la peacuteripheacuterie de la ville (Faure 2008) les citadins ont

plutocirct preacutesenteacute une forte capaciteacute de reacutesistance et drsquoadaptation aux plans drsquoameacutenagement

512512

selon leurs propres inteacuterecircts avec certains quartiers centraux qui sont resteacutes industrieux et

certains laquo nids raquo de marginaliteacute ont subsisteacute Les deacuteparts ne se sont pas faits par la hausse des

loyers mais plutocirct faute drsquoemploi et drsquoactiviteacute agrave proximiteacute Ainsi les actions et les situations

de seacuteparation spatiale nette des cateacutegories sociales sont toujours parcellaires et incomplegravetes

Au XXe siegravecle si la programmation architecturale et urbaine de la mixiteacute sociale dans

lrsquohabitat srsquoest poursuivie crsquoest de plus en plus nettement dans des cadres limiteacutes de

variabiliteacute des revenus et de statuts immeubles de logements hieacuterarchiseacutes drsquoemployeacutes et

drsquoouvriers comme ceux du Groupe des Maisons ouvriegraveres (1908) meacutelange de types

drsquoappartement dans des immeubles mecircme de luxe dans des beaux quartiers bien eacutequipeacutes et

enfin juxtaposition drsquoimmeubles de populations diffeacuterentes dans les grands ensembles

drsquohabitation sociale et parfois priveacutee lrsquohomogeacuteneacuteisation des structures de logement assurant

la rentabilisation Crsquoest pourquoi le plus souvent les conceptions architecturales srsquoefforcent de

produire des faccedilades masquant les diffeacuterences de cateacutegories drsquoimmeubles eacutevitant de deacutevoiler

le statut ou la position sociale des habitants Par exemple lrsquoobjectif de la loi fonciegravere de 1967

creacuteant les zones drsquoameacutenagement concerteacutees (ZAC) eacutetait bien de creacuteer des ensembles

coheacuterents drsquoimmeubles de cateacutegories diffeacuterentes en signature proportion et mode de

financement pour des cateacutegories sociales distinctes

Ainsi en France la tradition urbaine agrave la mixiteacute preacutedomine elle constitue un vecteur de

construction mais aussi de deacutefinition identitaire par comparaison et classement et indique

offrir des perspectives de changement de mobiliteacute et de projection sociale Cependant cette

tradition est apparue comme socialement vivable au sens premier de possibiliteacute de la vivre

dans les conditions drsquoune proximiteacute de valeurs etou de mode de vie Eleb et Violeau (2008)

rapportent des enquecirctes sur des programmes architecturaux innovants en la matiegravere la bonne

entente et le plaisir de pouvoir se reconnaicirctre mutuellement sont deacuteterminants pour que se

reacutealisent des processus drsquoacculturation en fonction de lrsquohistoire sociale des personnes de leur

acircge et de leur situation familiale et professionnelle ces critegraveres sont neacutecessaires agrave la creacuteation

drsquoun modus vivendi selon des normes consensuelles drsquousages collectifs En fait les relations

drsquoentraide et amicales deacutepassent les classements sociaux quand ceux-ci ne sont pas trop

extrecircmes

Ces eacuteleacutements historiques ne rendent alors pas surprenant que depuis les anneacutees 1970

(Marchal Steacutebeacute 2007 2008) soit reacuteguliegraverement entonneacute lrsquoobjectif de brassage des

composantes physiques et sociales de la ville comme condition drsquoune laquo coheacutesion sociale et

territoriale raquo voire drsquo laquo eacutequiteacute territoriale raquo selon le texte de la loi du 1er aoucirct 2003 lanccedilant le

513513

programme national de reacutenovation urbaine Mecircme si la notion de mixiteacute sociale nrsquoest jamais

deacutefinie le discours politique le met particuliegraverement en avant pour les territoires pauvres

notamment les grands quartiers drsquohabitat social dans le champ de la politique de la ville agrave des

fins de normalisation des zones urbaines sensibles selon les eacutecarts agrave lrsquoenvironnement il srsquoagit

de reacuteduire la surrepreacutesentation des pauvres des ouvriers des employeacutes et des personnes

inactives voire des personnes issues de lrsquoimmigration

Le but de la reacutenovation est alors de contrer les effets du fonctionnalisme des anneacutees 1955-

1975 alors que celui-ci visait la mixiteacute dans lrsquohabitat selon une repreacutesentation urbaine

utopique des anneacutees 1930 diffuseacutee dans la Charte drsquoAthegravenes de 1936 du mouvement

drsquoarchitecture moderne Il a eacuteteacute vu plus haut les raisons pour lesquelles cet habitat ne

convenait pas aux classes moyennes du fait de ces deacutefauts conceptuels des malfaccedilons et des

problegravemes de gestion ainsi que drsquoune trop forte rupture avec lrsquoespace les formes et les modes

de vie urbain Par le vide drsquoactiviteacutes et drsquoeacutequipements des espaces exteacuterieurs le repli

contraignant de la sociabiliteacute dans les parties communes des immeubles drsquohabitation ne

pouvait susciter que des eacutevitements avec la promiscuiteacute des voisinages Le deacutepart massif des

classes moyennes degraves que de nouveaux produits reacutesidentiels ont eacuteteacute construits montrent agrave quel

point cet habitat ne correspondait pas agrave leurs aspirations

Pour reacuteagir agrave cette eacutevolution si les textes des lois laquo anti-ghettos raquo de 1991 (loi drsquoOrientation

pour la ville) et 2000 (loi Solidariteacute et renouvellement urbains) ne deacutefinissent pas la mixiteacute

sociale ils srsquoaccordent neacuteanmoins sur la neacutecessiteacute drsquoeacuteviter lrsquohomogeacuteneacuteiteacute sociale des espaces

du fait des conseacutequences neacutefastes pour les populations reflet des ineacutegaliteacutes sociales elle les

accentue par la stigmatisation et lrsquoineacutegaliteacute territoriale induites et par le deacuteveloppement de

problegravemes sociaux Les lois eacutevoquent le laquo deacuteseacutequilibre raquo la laquo concentration raquo ou encore le

risque de laquo ghettoiumlsation raquo des quartiers Cette rheacutetorique du ghetto dans le discours politique

agrave lrsquoeffet de dramatisation des situations tend aussi agrave condamner les regroupements

reacutesidentiels drsquoimmigreacutes consideacutereacutes comme abusifs ce qui participe de la stigmatisation

territoriale

En outre ces regroupements entraveraient la cohabitation des reacutesidents des quartiers avec

ceux des autres quartiers en deacutepassant un certain seuil drsquoacceptabiliteacute notamment en ce qui

concerne la preacutesence immigreacutee pour le coup tregraves heacuteteacuterogegravene Pour Epstein et Kirszbaum

(2003) la crainte des effets laquo pathogegravenes raquo de la concentration territoriale des pauvres et des

minoriteacutes ethno-raciales constitue le fondement ideacuteologique des politiques de mixiteacute

reacutesidentielle Mais ce scheacutema interpreacutetatif que suggegravere ce reacutefeacuterentiel outre la menace

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symbolique agrave lrsquoordre reacutepublicain que produit la visibiliteacute des minoriteacutes ethniques par leur

regroupement spatial ne se meacuteprend-il sur la nature des facteurs de deacuteviance des jeunes et des

tensions de voisinage moins que drsquoune strateacutegie de classe etou drsquoune deacutetermination ethno-

raciale agrave se regrouper et agrave srsquoopposer agrave la socieacuteteacute franccedilaise les ressorts des conduites

transgressives et subversives actuelles sont davantage lieacutes aux effets de lrsquoexclusion sociale et

eacuteconomique ainsi que parfois par des comportements clairement racistes et xeacutenophobes

La loi drsquoOrientation et de programmation sur la ville et la reacutenovation urbaine du 1er aoucirct

2003 affiche cette mecircme rheacutetorique de la mixiteacute suggeacuterant un eacutetat drsquoeacutequilibre ideacuteal des

populations (acircges sexes classes sociales cultureshellip) en opposition avec la notion de

seacutegreacutegation elle serait la garantie de laquo lrsquoharmonie sociale raquo permettant drsquoatteacutenuer tout agrave la

fois la deacutelinquance et lrsquoeacutechec scolaire et drsquoeacuteviter les replis communautaires (Marchal Steacutebeacute

2007 p 98-100) Lrsquoideacutee sous-jacente illusion urbanistique selon Christine Leleacutevrier (2005)

est que le meacutelange reacutesidentiel favoriserait la diffusion des normes sociales des groupes

inteacutegreacutes ce qui faciliterait lrsquointeacutegration des exclus et des preacutecaires et reacutesoudrait les questions

sociales

Il est ici inverseacute le rapport de causaliteacute probable entre les deux pheacutenomegravenes lrsquointeacutegration

constitue effectivement une condition de la mixiteacute sociale en procurant agrave diffeacuterentes

cateacutegories sociales des eacutecarts reacuteduits de niveaux de vie la possibiliteacute drsquoune certaine proximiteacute

de normes et de valeurs entre elles ainsi qursquoun potentiel de reconnaissance mutuelle et de

coproduction de regravegles de cohabitation cependant la mixiteacute organiseacutee sous la contrainte nrsquoa

aucun effet sur lrsquointeacutegration surtout lorsque les groupes sociaux divergent dans leur niveau

culturel et leur mode de vie et mecircme dans leur rapport agrave la socieacuteteacute en raison de la preacutecariteacute et

de lrsquoexclusion socio-eacuteconomiques qui engendrent des antagonismes plus ou moins eacuteleveacutes agrave

ses valeurs et agrave ses normes Ce problegraveme est reacuteel alors mecircme que des groupes inteacutegreacutes par leur

insertion dans lrsquoactiviteacute eacuteconomique mais de positions leacutegegraverement diffeacuterentes entre eux au

sein des couches populaires peuvent manifester une forte virulence dans leurs rapports de

cohabitation (Clavel 1998)

La notion de mixiteacute est alors ambigueuml car elle se preacutesente agrave la fois comme un moyen de

reacuteduction des problegravemes sociaux et des stigmates territoriaux et comme une fin ou un ideacuteal de

socieacuteteacute urbaine locale harmonieuse Lrsquoorientation politique des travaux de reacutenovation dans ce

sens reflegravete certainement lrsquointeacuterecirct speacutecifique des bailleurs et des communes qui en cherchant

agrave preacuteserver les secteurs qui laquo fonctionnent bien raquo peuvent ecirctre ameneacutes par endroit agrave refuser la

preacutesence de familles pauvres grandes et immigreacutees et agrave les destiner systeacutematiquement aux

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immeubles deacutegradeacutes La quecircte drsquoeacutequilibre local entraicircne le risque drsquooublier le reste des parcs

de logement notamment les secteurs plus sociaux dans les agglomeacuterations (Leleacutevrier 2005)

Quoiqursquoil en soit la mixiteacute sociale a une place preacutepondeacuterante dans les politiques urbaines et

trois modaliteacutes de sa mise en œuvre sont geacuteneacuteralement engageacutees (Marchal Steacutebeacute 2007) en

oubliant toujours la condition drsquointeacutegration des groupes en preacutesence la diversification du

peuplement des ensembles immobiliers sociaux lrsquoextension spatiale du logement social par

la construction drsquoimmeubles HLM ou le report de leurs locataires dans le secteur priveacute

drsquoautres quartiers reacutesidentiels des agglomeacuterations et enfin la reacutenovation urbaine des secteurs

drsquohabitat social notamment les grands ensembles

La diversification du peuplement des grands ensembles est reacutealiseacutee agrave partir des anneacutees

1980 selon deux types de mesure de controcircle de lrsquoattribution des logements sociaux par les

bailleurs et les institutions partenaires (Eacutetat collectiviteacutes locales autres reacuteservataires HLM)

Le premier se reacutefegravere agrave des expeacuterimentations locales visant au laquo reacuteeacutequilibrage social du parc

HLM raquo consacreacutees par la loi Besson du 31 mai 1990 relative agrave la mise en œuvre du droit au

logement il srsquoagit drsquoeacutetablir dans des protocoles drsquooccupation du patrimoine social (POPS)

des objectifs chiffreacutes de logement dans le parc social des personnes et des familles

deacutefavoriseacutees non seulement dans chaque quartier mais aussi dans chaque commune et chaque

deacutepartement

Par la suite agrave la fin des anneacutees 1990 avec la loi relative agrave la lutte contre les exclusions du 29

juillet 1998 les POPS sont remplaceacutes par des accords collectifs deacutepartementaux comportant

des objectifs chiffreacutes drsquoaccueil des familles deacutefavoriseacutees dans le respect de lrsquoobjectif de

laquo mixiteacute sociale des villes et des quartiers raquo En outre la loi a consacreacute un autre type de

mesure pour controcircler lrsquoeacutevolution du peuplement la hausse des plafonds de ressources afin

de maintenir les meacutenages laquo moyens raquo dans le parc social ce qui rejoint lrsquoexoneacuteration des

surloyers dans les zones urbaines sensibles deacutefinies par le Pacte de relance pour la ville de

1996 En termes de bilan cette orientation srsquoest heurteacutee aux proceacutedures drsquoattribution des

logements sociaux neacutegocieacutees localement lrsquoideacuteal de mixiteacute a pu par endroit apparaicirctre comme

un principe supeacuterieur au droit au logement Comment faciliter lrsquoaccegraves des meacutenages

laquo indeacutesirables raquo aux secteurs laquo proteacutegeacutes raquo du parc HLM tout en eacutevitant leur concentration

dans les secteurs plus deacutevaloriseacutes

La deuxiegraveme modaliteacute de meacutelange social des espaces drsquohabitat est la construction de

logements sociaux dans les communes qui en ont peu ou encore le report sur le marcheacute priveacute

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drsquoune partie des locataires du parc social solution peu envisageacutee en France La mixiteacute peut

drsquoabord srsquoatteindre avec lrsquoextension de lrsquoimplantation du logement social dans les

agglomeacuterations Crsquoest la loi drsquoorientation pour la Ville (LOV) du 13 juillet 1991 qui porte

cette orientation tout en constituant un acte de deacutecegraves officiel des ZUP lrsquoobjectif de

coexistence de diverses cateacutegories sociales dans chaque agglomeacuteration au nom du laquo droit agrave la

ville raquo est affirmeacute

La mixiteacute est inciteacutee sous lrsquoangle de la diversification des types drsquohabitat agrave lrsquoeacutechelle des

agglomeacuterations et des communes Deux obligations sont eacutedicteacutees la reacutealisation de logements

sociaux dans les communes drsquoagglomeacuterations de plus de 200 000 habitants dont le parc de

logements en comporte moins de 20 (ou moins de 18 de beacuteneacuteficiaires drsquoaide agrave la

personne ce qui revient agrave prendre en compte le parc social de fait dans le secteur priveacute) et

lrsquoobligation drsquoeacutelaboration des Plans locaux pour lrsquohabitat (PLH) institueacutes en 1983 et

facultatifs jusqursquoalors avec une contribution financiegravere annuelle pour les communes ne

reacutealisant pas de constructions minimales fixeacutees par la loi (verseacutee agrave un organisme chargeacute de

proceacuteder agrave des acquisitions fonciegraveres et immobiliegraveres ou de construire des logements sociaux

sous le controcircle du preacutefet)

La leacutegislation qui a suivi dans ce domaine a eacutevolueacute en alternant assouplissement et

renforcement de la coercition tout en maintenant le principe central de mixiteacute sociale par la

construction nouvelle de logements sociaux En effet la loi du 21 janvier 1995 relative agrave la

diversiteacute de lrsquohabitat a drsquoabord assoupli ces dispositions drsquoune part les obligations ont eacuteteacute

imposeacutees aux seules communes de plus de 3 500 habitants avec une extension des cateacutegories

de logements sociaux pour appreacutecier lrsquoeffort de construction des communes et drsquoautre part le

domaine drsquoutilisation de la contribution financiegravere a eacuteteacute eacutelargie Ensuite la loi Solidariteacute et

renouvellement urbain (SRU) du 13 deacutecembre 2000 est revenue sur la coercition en la

renforccedilant avec une sanction du deacuteficit de logements sociaux non plus subordonneacutee agrave

lrsquoexistence drsquoun PLH car sa creacuteation peut ecirctre ralentie mais calculeacutee sur le nombre de

logements sociaux manquant chaque anneacutee Ce texte a eacutelargi le champ drsquoapplication agrave de

nouvelles communes celles de plus de 3 500 habitants ndash 1 500 en Icircle-de-France ndash dans les

agglomeacuterations de plus de 50 000 habitants

Le champ des logements consideacutereacutes est eacutelargi il y a les logements dits laquo conventionneacutes raquo

crsquoest-agrave-dire percevant une aide agrave la construction (y compris donc une partie du parc priveacute) le

parc HLM construit avant la reacuteforme du logement de 1977 et le patrimoine agrave vocation sociale

de certaines socieacuteteacutes non HLM (socieacuteteacutes issues des activiteacutes miniegraveres socieacuteteacutes immobiliegraveres

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des DOM) Les places de logement dans les foyers conventionneacutes et les centres

drsquoheacutebergement et de reacuteadaptation sociale sont prises en compte trois places correspondant agrave

un logement Le deacutenombrement de ces logements fait lrsquoobjet drsquoune proceacutedure contradictoire

annuelle entre le preacutefet et les communes

Le problegraveme est que depuis 2000 les gouvernements et certains parlementaires conservateurs

de centre-droit et chreacutetiens-deacutemocrates ont passeacute des mesures assouplissant ces dispositions

de la loi SRU drsquoabord la loi de programmation pour la coheacutesion sociale du 18 janvier 2005 a

donneacute la possibiliteacute agrave certains maires dans le cadre dune communauteacute dagglomeacuteration de

laquo deacuteplacer raquo de lhabitat social dune commune vers une autre dans le cas dune commune au-

dessus du quota des 20 vers une commune en deccedilagrave ensuite apregraves une premiegravere tentative

en 2006 la loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre lexclusion

a autoriseacute la comptabilisation de lrsquohabitat en accession aideacutee agrave la proprieacuteteacute et non plus le seul

logement social113

Enfin la troisiegraveme modaliteacute drsquoinstauration de la mixiteacute sociale est la transformation des

secteurs drsquohabitat social et notamment des grands ensembles Il srsquoagit de reacuteduire le poids du

logement social dans les quartiers et drsquoaccroicirctre leur attractiviteacute Crsquoest agrave ce niveau que sont

mises en œuvre les opeacuterations de reacutehabilitation et de reacutenovation urbaine Il srsquoagit drsquointroduire

une diversiteacute drsquohabitat pour constituer des laquo quartiers comme les autres raquo afin drsquoy enraciner

ou accueillir des laquo petits meacutenages salarieacutes stables raquo et de freiner lrsquoarriveacutee de populations non

deacutesireacutees Il est aussi viseacute de favoriser en aval des parcours reacutesidentiels entre les immeubles

sociaux et le reste des agglomeacuterations gracircce au reacuteeacutequilibrage du parc de logements agrave cette

eacutechelle Pour atteindre un laquo eacutequilibre social raquo de ce type de quartier il est engageacute une

mutation radicale de la fonction drsquoaccueil de populations pauvres et immigreacutees en les

diversifiant laquo par le haut raquo et en diminuant voire en eacuteradiquant le parc social jugeacute obsolegravete

En 1992 deacutejagrave une douzaine de Grands projets urbains agrave titre expeacuterimental fut lanceacutee Puis en

1999 un Programme national de renouvellement urbain est entrepris avec 50 Grands projets

de ville 30 Opeacuterations de renouvellement urbain augmenteacutees de 40 suppleacutementaires en 2001

Ce sont des opeacuterations lourdes et spectaculaires avec des financements importants pour les

reacutehabilitations les deacutemolitions les constructions nouvelles ainsi que des interventions sur les

coproprieacuteteacutes deacutegradeacutees

113 Contributeurs de Wikipeacutedia Loi relative agrave la solidariteacute et au renouvellement urbains Wikipeacutedia lencyclopeacutedie libre [Page consulteacutee le 22 feacutevrier 2011]

Agrave la diffeacuterence des grandes opeacuterations de reacutenovation des anneacutees 1960 il est offert et garanti

aux habitants de rester sur place si souhaiteacute En outre la logique de transformation des

quartiers pour accroicirctre leur attractiviteacute par la rupture avec la mono-fonctionnaliteacute

reacutesidentielle ndash pour leur laquo banalisation urbaine raquo nrsquooublie pas non plus la mixiteacute des

fonctions urbaines en y inteacutegrant des eacutequipements et des services Lrsquoobjectif vise tant agrave

reacutetablir de lrsquourbaniteacute dans ces espaces que de les ouvrir au reste des villes en reacuteduisant les

effets de coupure et de deacutesenclavement et en permettant le ralliement des groupes sociaux

modestes dans les espaces publics et centraux des agglomeacuterations

Les opeacuterations meneacutees dans le cadre du Programme national de reacutenovation urbaine depuis

2003 dans les communes de grands ensembles de lrsquoeacutechantillon illustrent ces traits Mises agrave

part Fareacutebersviller et Bagnols-sur-Cegraveze qui nrsquoont pas engageacute de projets les diffeacuterentes

opeacuterations preacutesenteacutees recouvrent toutes un champ varieacute drsquoactions visant agrave accroicirctre

lrsquoattractiviteacute notamment reacutesidentielle par le laquo remodelage et le mixage de la morphologie

urbaine raquo comme lrsquoeacutevoque un document projet de la Ville de Pierrelatte

Des principes et des aspects communs agrave presque tous les projets des communes sont mis en

application Mecircme si des besoins speacutecifiques de chaque site paraissent respecteacutes un mecircme

scheacutema de doctrine urbaine semble ecirctre agrave lrsquoœuvre la mise en valeur de centraliteacutes

fonctionnelles existantes et la creacuteation de nouvelles avec une requalification des secteurs

drsquohabitat Dans les deux types drsquoespace (centre et habitat) il est indiqueacute proceacuteder selon les

mecircmes meacutethodes drsquoune part la reacutehabilitation et la reacutesidentialisation de certains immeubles

deacutegradeacutes et la diversification des types et des formes drsquoimmeubles par deacutemolition -

construction afin de deacuteconcentrer le logement social dans certains secteurs et le reacutepartir dans

drsquoautres et drsquoautre part lrsquoameacutenagement des espaces publics exteacuterieurs ou de voierie

Cependant les faibles quantiteacutes relatives drsquouniteacutes de logement construites et deacutemolies par

rapport aux parcs de logement existant (cf tableau 39 ci-dessous) reacutevegravelent des opeacuterations de

laquo reacutenovation quasi agrave lrsquoidentique raquo ce que souligne drsquoailleurs les segments plus importants en

geacuteneacuteral consacreacutes aux logements reacutehabiliteacutes La majoriteacute des communes cinq ont preacutevu de

deacutemolir entre 17 (Rillieux-la-Pape) et 38 (Pierrelatte) de leur parc de logements avec

trois communes entre 3 et 4 Pierrelatte (38 ) Les Ulis (31 ) et Mourenx (32 )

Seule la commune de Behren-legraves-Forbach preacutesente une part de pregraves de 15 (148 ) avec

ces 500 logements preacutevus agrave la deacutemolition Ces chiffres sont dans la tendance geacuteneacuterale puisque

par exemple la reacutenovation des Minguettes agrave Veacutenissieux concerne 3 de logements agrave deacutemolir

519519

(710 logements sur 23 070 en 2006) avec un peu plus agrave construire Autre exemple Vaulx-en-

Velin les deacutemolitions concernent 55 de logements (843 sur 15 153 en 2006)

Tableau 39 ndash Indications sur les projets de reacutenovation urbaine des communes de grands

ensembles eacutetudieacutees dans lrsquoeacutechantillon comparatif (volet Habitat des projets)

Communes

Nbre logements 2006

Logements agrave deacutemolir

parc de logements

Logements agrave construire

Solde deacutemolitions -constructions

parc de logements

Logements reacutehabiliteacutes

Logementslaquo reacutesiden-tialiseacutes raquo

Pierrelatte 5 721 220 38 320 100 + 17 - - Les Ulis 9 179 282 31 700 + 418 + 45 675 1 734 Behren-legraves-Forbach

3 497 500 148 338 - 162 - 46 1 440 -

Mourenx 3 393 108 32 116 + 8 + 02 909 149 Rillieux-la-Pape

11 809 200 17 225 + 25 + 02 977 -

Sources Documents programmatiques des communes les chiffres sont parfois approximatifs

Avec un nombre somme toute assez limiteacute de logements preacutevus agrave la construction en raison du

temps et des moyens neacutecessaires le solde des deacutemolitions et des constructions preacutevues

constitue un apport plutocirct faible voire une diminution du volume de logements par rapport

aux parcs de logements existants en 2006 (reacutesidences principales plus logements occasionnels

et vacants) pour Behren avec plus de deacutemolition que de construction ce solde reacuteduit de 46

le niveau des logements deux communes frisent la stagnation (autour des 0 ) Mourenx

et Rillieux Pierrelatte nrsquoen est pas loin non plus son solde forme une hausse de 17 de son

parc de logements

Les Ulis preacutesente avec son programme de 700 logements agrave construire un solde preacutevisible de

418 logements suppleacutementaires soit une hausse de 47 des logements en 2006 Crsquoest la

seule opeacuteration avec un solde de hausse un peu eacuteleveacutee Parmi les deux autres communes citeacutes

en plus de lrsquoeacutechantillon eacutetudieacute (Veacutenissieux et Vaulx-en-Velin) Vaulx-en-Velin est tout de

mecircme agrave + 76 car un important contingent de construction est preacutevu (1 157 logements)

alors que le projet de Veacutenissieux comporte une hausse finale de 03 de son parc preacuteexistant

Ainsi la densification deacutemographique dans la reacutenovation urbaine nrsquoest pas perccedilue comme

facteur ou une condition de deacuteveloppement de lrsquourbaniteacute des communes Ce nrsquoest pas un

objectif explicite au service de la dynamisation et de lrsquoattractiviteacute des communes En fait

520520

mecircme aux Ulis la hausse du nombre de logements ne garantit pas la hausse deacutemographique

puisque la population connaicirct une baisse deacutemographique avec une deacutedensification des

logements au regard des eacutevolutions 1999-2006 des nombres de reacutesidence principale et de

population municipale (respectivement 0 et - 52 aux Ulis) si laquo toute chose eacutegale par

ailleurs raquo lrsquoeffet de lrsquoopeacuteration de reacutenovation urbaine sur la population reacutesidente ne sera pas

neacutecessairement une croissance quantitative celle-ci peut rester stable voire continuer agrave

leacutegegraverement deacutecroicirctre si le nombre drsquooccupants des nouveaux logements ne compensent pas la

baisse deacutemographique lieacutee agrave la deacutedensification des meacutenages

Cette projection deacutepend de lrsquoeacutevolution drsquoun grand nombre de paramegravetres taux de vacance

taille des logements neufs et des meacutenages occupants solde naturel des populations (deacutecegraves

naissances) et des migrations reacutesidentielles rythme de deacutecohabitation des enfants acircgeacutes ou

encore possibiliteacute drsquoautres projets de construction drsquoimmeubles collectifs ou individuels sur le

territoire

Si ce nrsquoest sur la densification des logements et de la population les projets misent sur la

diversification fonctionnelle et le soutien aux activiteacutes eacuteconomiques drsquoordre secondaire

(commerces de proximiteacute) pour augmenter lrsquoattractiviteacute et la dynamique urbaine des

communes Parfois ce but paraicirct difficile agrave atteindre comme agrave Mourenx ougrave la mairie eacutevoque

des reacuteameacutenagements de places et une diversification de certains secteurs (avec la deacutemolition

et la construction de bacirctiments) mais pas de restructuration viaire explicite Cela sera-t-il

suffisant pour favoriser les flux Cet axe est pourtant assez commun aux diverses opeacuterations

de reacutenovation urbaine pour la hausse des circulations et des liaisons aux restes des villes

comme signe de deacutesenclavement geacuteographique Il est vrai qursquoil ne peut seul contribuer agrave la

modification des flux

La question principale nrsquoest-elle pas de savoir si la hausse de lrsquoattractiviteacute et celle des flux de

freacutequentation des espaces constituent des leviers de modification des situations des habitants

en difficulteacutes ainsi que des repreacutesentations neacutegatives agrave lrsquoencontre de leur habitat Ces

interventions de vitalisation urbaine apportent-elles un changement des conditions sociales et

eacuteconomiques de vie des habitants et notamment des jeunes en insertion Il est en fait certain

que des eacutequipements culturels comme un projet de cineacutema ou socio-sanitaires comme un

pocircle santeacute preacutesenteacutes pour diversifier lrsquooffre fonctionnelle dans une commune ne pourront pas

reacutepondre au problegraveme central de reacuteussite scolaire et drsquoaccegraves au travail stable des moins

qualifieacutes La frustration lieacutee aux eacutechecs et au rejet les sentiments drsquoexclusion ou de

discrimination agrave lrsquoorigine des dynamiques de deacutelinquance et des tensions relationnelles ne

521521

peuvent se dissiper sans srsquoassurer de la participation des inteacuteresseacutes agrave ces projets en termes

drsquoemploi ou de perspectives drsquoemploi via la formation pour y acceacuteder

Au passage il faut indiquer que cette strateacutegie rejoint en partie celle de lrsquourbanisation de la

peacuteripheacuterie parisienne des anneacutees 1960 avec le Plan drsquoAmeacutenagement et drsquoOrganisation

Geacuteneacuterale de la reacutegion parisienne (PADOG) commenceacute en 1960 puis le Scheacutema Directeur

drsquoAmeacutenagement et drsquoUrbanisme de la Reacutegion parisienne (SDAURP) de 1965 agrave 1969 qui

entreprirent lrsquoeacutequilibrage de la vie sociale en banlieue par la densification et la diversification

fonctionnelle de lrsquoespace et par la creacuteation de centraliteacutes agrave petites eacutechelles Les reacutesultats ne

furent efficaces que lorsque la mono-fonctionnaliteacute reacutesidentielle mais aussi commerciale fut

suffisamment diversifieacutee Car les notions de laquo centre urbain raquo et de laquo pocircle restructurateur raquo

recouvraient des travaux tregraves diffeacuterents dont certains se traduisaient par la seacuteparation des

fonctions et la preacutedominance drsquoune mono-fonctionnaliteacute (Rousset-Deschamps 1974)

La laquo puissance inteacutegratrice raquo sur le plan social de ces centres urbains mecircme intermeacutediaires se

manifestait agrave une peacuteriode de moindre chocircmage et de stabiliteacute eacuteconomique des meacutenages et des

actifs lorsqursquoils eacutetaient situeacutes proches de lrsquoagglomeacuteration et lorsqursquoils assuraient la

copreacutesence de plusieurs fonctions (services artisanats production de biens en petites uniteacutes)

avec des eacutequipements collectifs publics ou priveacutes agrave large ouverture pour des flux de

freacutequentation importants Ces centres sont en outre des lieux privileacutegieacutes de la reconnaissance

drsquoune collectiviteacute sociale en plus de lrsquoanimation qursquoentraicircnent les flux de produits et de

personnes

Avec la situation eacuteconomique et sociale drsquoensemble la reacutenovation contemporaine des

quartiers de grands ensembles posent deux types de problegravemes lrsquoillusion de la reacutegulation

sociale voire de lrsquointeacutegration sociale par la seule transformation spatiale sans changement

significatif sur le plan des fonctions urbaines mais aussi de lrsquointeacutegration sociale des habitants

concerneacutes et lrsquoeffet pervers de transformation de la situation de seacutegreacutegation subie par les

habitants en de nouvelles situations seacutegreacutegatives diffeacuterentes dans de nouveaux espaces

reacutesidentiels voire sur le mecircme site de reacutenovation

Dans un premier temps la reacutenovation urbaine veacutehicule souvent une croyance en des vertus

theacuterapeutiques de la transformation urbaine sur les comportements des meacutenages et la

reacutegulation des questions sociales notamment avec la laquo reacutesidentialisation raquo des immeubles et

groupes drsquoimmeubles de logements sociaux (clocircture et seacutecurisation clarification des statuts

des sols par rapport au domaine publique et aux coproprieacuteteacutes) ou encore la deacutemolition de tours

522522

denses et concentreacutees surtout en nombre de familles immigreacutees Ces reacuteponses ne sont pas

forceacutement adapteacutees ou du moins pas les seules envisageables Drsquoabord parce que srsquoil apparaicirct

agrave beaucoup qursquoil est impossible de tout conserver il reste aussi peu concevable qursquoil faille

tout deacutetruire en raison de la crise du logement notamment et en se rappelant que des grands

ensembles en coproprieacuteteacute fonctionnent bien (Fortin 2010 Leacuteger 2010)

Surtout les projets de reacutenovation sont certainement illusionneacutes par un effet dynamisant sur les

espaces et leurs habitants de travaux ayant un objectif de diversiteacute et de vitaliteacute urbaine Par

exemple certains architectes (Fortin 2010) eacutevoquent la laquo reconstruction raquo des grands

ensembles ou leur reacutenovation laquo critique raquo en conservant leurs eacuteleacutements de permanence

(respect des traces construites) tout en concevant de nouveaux espaces publics mis en valeur

pour geacuteneacuterer des interactions sociales alors mecircme que le caractegravere laquo sans lieux ni bornes raquo de

cette forme urbaine est preacuteserveacute Il srsquoagirait en fait aussi de rompre symboliquement avec le

principe naturaliste de conception des grands ensembles (Tufano 2010) crsquoest-agrave-dire la

situation de lrsquohabitat au sein de la laquo Nature raquo bienfaitrice que repreacutesentent les espaces vides

libres et verts en leur sein et aux alentours non sans volonteacute moralisatrice de rappeler agrave

lrsquoHomme sa finitude face aux vastes eacutetendues de la nature sans marques drsquoappropriation par

celui-ci (jardins parcs fermeacutes espaces agricoles)

Cependant sans inteacutegration sociale reacuteelle des habitants sans accroissement de la densiteacute

deacutemographique et drsquoimmeubles de types et de statuts varieacutes et sans implantation nette des

autres grandes fonctions urbaines (travail eacutechanges loisirs) les territoires de grands

ensembles parviendront-ils agrave la dynamique urbaine viseacutee Rien nrsquoest moins sucircr

Lrsquoameacutenagement spatial ne suffit pas agrave susciter lrsquoenvie de contacts sociaux dans un contexte

de seacutegreacutegation sociale reacutepandue comme lrsquoindique deuxiegraveme type de problegravemes poseacute par la

reacutenovation urbaine concernant lrsquoeacutemergence de nouvelles micro-seacutegreacutegations dans les espaces

urbains environnants par un laquo effet plumeau raquo pour deacutesigner la dispersion des meacutenages

preacutecaires dans plusieurs secteurs drsquohabitat eacutegalement deacutevaloriseacutes mais de plus petite taille ougrave

ils srsquoy forment des petites concentrations de preacutecaires et drsquoexclus

Pour ces meacutenages lrsquoaccegraves au reste plus stable du parc social reste fermeacute car comme eacutevoqueacute

plus haut les relogements se heurtent encore souvent agrave la logique de laquo preacuteservation raquo des

immeubles et des quartiers qui laquo fonctionnent bien raquo sans problegraveme de gestion en raison drsquoun

peuplement laquo eacutequilibreacute raquo crsquoest-agrave-dire le plus souvent qui ne comportent pas de grandes

familles en difficulteacutes (Leleacutevrier 2004) Ainsi il apparaicirct plus difficile que les annonces le

laissent supposer drsquoorganiser le meacutelange des diffeacuterentes cateacutegories sociales dans les diffeacuterents

523523

quartiers reacutesidentiels des villes Lrsquoobjectif de mixiteacute apparaicirct alors comme une rheacutetorique non

suivie drsquoeffets reacuteels dans la pratique

Plus globalement quelle que soit la meacutethode de mixiteacute mise en œuvre (diversification par les

attributions de logement extension spatiale du logement social dans des espaces sans parc

HLM reacutenovation urbaine) les reacutesultats sont majoritairement deacutecevants et contre-productifs

car plusieurs effets pervers se sont deacuteveloppeacutes (Steacutebeacute Marchal 2009) 1 des pratiques

seacutegreacutegatives continues de la part des bailleurs sociaux concernant la gestion du peuplement de

leur patrimoine en appliquant des quotas raciaux etou ethniques drsquoeacutetrangers ou encore

eacuteconomiques (revenus) pour rester proche de moyennes nationales ce qui empecircche les

familles eacutetrangegraveres etou les plus pauvres et en difficulteacutes sociales drsquoacceacuteder aux logements

sociaux 2 la diffusion drsquoune attitude seacutegreacutegative au sein de la population contrainte de

cohabiter avec des groupes sociaux relogeacutes notamment autour des quelques poches de

pauvreteacute et de regroupement des laquo cas sociaux raquo dans des segments de parcs de logements

sacrifieacutes agrave cet effet et 3 des effets drsquo laquo invisibilisation raquo de la dimension identitaire et

culturelle des individus mais aussi de deacuteni de la conflictualiteacute sociale entre groupes

antagonistes

Tous ces effets contribuent agrave faire vivre difficilement les changements reacutesidentiels aux

habitants concerneacutes Lrsquoeacutechec des tentatives preacuteceacutedentes dans lrsquohistoire urbaine de

rapprochement volontariste de groupes ne deacutesirant pas cohabiter du fait de valeurs et de

trajectoires divergentes semble avoir eacuteteacute oublieacute En outre la reacuteduction mythique de la

laquo mixiteacute plurielle raquo de la complexiteacute sociale agrave ses seules caracteacuteristiques eacuteconomiques au

deacutetriment des autres traits identitaires accentue les risques de survenue des effets pervers des

opeacuterations indiqueacutees ci-dessus

En fait les raisons drsquoeacutechec preacutedominant des opeacuterations de reacutenovation urbaine comme des

autres deacutemarches de mixiteacute sociale se trouvent dans la double contrainte qui les caracteacuterise

drsquoune part les preacutefeacuterences propres des meacutenages et drsquoautre part la logique des systegravemes

locaux drsquoacteurs Il apparaicirct drsquoabord quasi-geacuteneacuteraliseacute que les preacutefeacuterences des meacutenages ne

constituent que dans tregraves peu de cas une reacutefeacuterence pour les politiques urbaines de mixiteacute des

quartiers sociaux en raison de lrsquoabsence de mouvement social ou de repreacutesentation politique

organiseacutee des habitants des quartiers Mecircme plus ceux-lagrave ne vivent pas toujours comme une

contrainte le partage de caracteacuteristiques communes avec leurs voisins En effet la

speacutecialisation sociale ne constitue pas systeacutematiquement une situation neacutegative pour certains

habitants Crsquoest pourquoi contre lrsquoimposition automatique drsquoune dispersion le maintien de

524524

regroupements peut ecirctre choisi en ameacuteliorant la qualiteacute des services et du cadre de vie

(Epstein Kirszbaum 2003)

De leur cocircteacute les acteurs locaux de lrsquohabitat (organismes HLM) attribuent rarement les

logements en fonction de lrsquoobjectif de mixiteacute comme vu plus haut par crainte de

deacutestabilisation de secteurs tranquilles ils disposent de larges marges de manœuvre malgreacute

les exigences de transparence et de controcircle des attributions de logement par les mairies et

lrsquoEacutetat pour la maicirctrise des peuplements Car les eacutelus ont des strateacutegies de protection des

quartiers ou plutocirct ils suivent des logiques clienteacutelistes qui srsquoopposent agrave lrsquoarriveacutee de meacutenages

en difficulteacutes dans des secteurs tranquilles En ce qui concerne les preacutefets ceux-ci ne peuvent

imposer la mixiteacute du fait de leur position complexe dans les systegravemes locaux drsquoacteurs

soucieux drsquoarrangement et drsquoeacutevitement de conflit avec les eacutediles Plus globalement crsquoest

lrsquoensemble des agents de lrsquoEacutetat qui doute de lrsquoefficaciteacute de la mixiteacute et du modegravele

assimilationniste qui la sous-tend (dispersion spatiale et inteacutegration individuelle des

immigreacutes) crsquoest pourquoi ils ne poussent pas veacuteritablement les deacutecideurs dans ce sens

Ainsi entre des meacutenages qui ne sont pas tous demandeurs de mixiteacute et des acteurs locaux

nrsquoimposant pas la mixiteacute comme dispersion spatiale dans drsquoautres quartiers les politiques de

mixiteacute sociale ne srsquoappliquent pas franchement et font plutocirct la part belle aux effets pervers

drsquoune part la discrimination indirecte croissante des immigreacutes selon des critegraveres comme

laquo familles nombreuses raquo ou laquo mode de vie diffeacuterent raquo ils peuvent parfois mecircme ecirctre perccedilus

comme une cateacutegorie agrave risque dans la gestion immobiliegravere ce qui freine objectivement leur

mobiliteacute professionnelle voire sociale drsquoautre part le faible impact de la construction de

logements HLM en secteurs valoriseacutes sur la distribution spatiale des meacutenages modestes

puisque les loyers y restent importants en raison du prix du foncier et que le coucirct de la vie

locale y est plus eacuteleveacute

Enfin faute de relocalisation sur site des logements sociaux les opeacuterations de reacutenovation

urbaine vont geacuteneacuterer des espaces drsquohabitat plus reacuteduits et disperseacutes susceptibles selon Epstein

et Kirszbaum (2003) de transformer en micro-seacutegreacutegations les grandes divisions sociales de

lrsquoespace Cependant si lrsquoon tient compte des travaux de Maurin (2002) cet effet de

substitution ne fait que srsquoinscrire dans un processus drsquoensemble le plus geacuteneacuteral crsquoest aux

eacutechelles laquo micro-locales raquo des voisinages de trente agrave quarante uniteacutes drsquohabitation que se

manifeste le plus nettement lrsquoagreacutegation des plus qualifieacutes et aiseacutes et donc la seacutegreacutegation

reacutesidentielle des plus modestes et des moins qualifieacutes

525525

Globalement la contrainte au brassage occultant les divisions les conflits et les divergences

sociales et culturelles dans la ville peut renforcer les classes dominantes par rapport aux

classes domineacutees qui se trouvent disperseacutees Elle reacuteduit voire empecirccherait selon Epstein et

Kirszbaum (2003) les possibiliteacutes de mouvements sociaux De ce fait la mixiteacute mise en

œuvre comme moyen drsquointeacutegration socio-territoriale plutocirct qursquoune fin ne beacuteneacuteficierait pas

aux populations deacutefavoriseacutees et agrave leur mobiliteacute sociale Cet ordre social par la diversiteacute

contrainte des gens dans les lieux porterait en lui les germes de tensions futures sauf encore

une fois agrave consideacuterer comme les eacutetudes de Maurin le montre (2002 2004) que les chances de

reacuteussite scolaire et donc drsquointeacutegration des plus jeunes de familles modestes soient plus eacuteleveacutees

dans un voisinage et des eacutecoles plus mixtes socialement

Il reste vrai cependant que lrsquoautonomie dans les parcours reacutesidentiels des parents nrsquoest

assureacutee que par lrsquoaccegraves au travail stable et reacutegulier ce qui demande des efforts tangibles de

politiques eacuteconomiques et sociales dans ce sens Sinon ce sont des tensions internes aux

familles qui vont srsquoinstaller entre les chances de reacuteussite scolaire des plus jeunes enfants et

les eacutechecs des parents et des plus grands enfants agrave la scolariteacute deacutejagrave reacutealiseacutee sans beacuteneacutefice drsquoun

environnement social drsquohabitat et de classe drsquoeacutecole tregraves favorable Car effectivement la

stagnation de lrsquoexclusion ou de la preacutecariteacute socio-eacuteconomique des parents suite aux

opeacuterations de reacutenovation est aveacutereacutee dans le cas du principal programme de revalorisation des

grands ensembles deacutegradeacutes aux Eacutetats-Unis (programme HOPE VI) les parcours et

comportements en termes drsquoinsertion socio-eacuteconomique et drsquointeacutegration des normes sociales

ne se sont pas ameacutelioreacutes (Kirszbaum 2008) Difficile dans ce cas drsquoassurer un investissement

scolaire suffisant pour les enfants qui risquent de rencontrer des problegravemes de suivi de

scolariteacute et de rejet par rapport aux autres enfants de parents plus inteacutegreacutes voire plus aiseacutes

Par ailleurs les programmes de reacutenovation urbaine comportent un autre risque important de

reacuteduction du parc de logements abordables pour les plus en difficulteacutes sociales ce que montre

aussi le cas nord ameacutericain (Kirszbaum 2008) Cette reacuteduction de lrsquooffre de logements

abordables aggrave leur situation sur les marcheacutes immobiliers en contradiction avec toutes les

dispositions leacutegislatives de droit au logement et tous les objectifs drsquointeacutegration et de

promotion des groupes minoritaires Ce reacutesultat est lieacute agrave lrsquoincapaciteacute de coordination de la

part des opeacuterateurs des deacutemolitions avec la restitution drsquoune offre sociale satisfaisante

Il existe donc des conditions neacutecessaires agrave la reacuteussite des deacutemarches de mixiteacute selon

Kirszbaum (2008) le souci drsquoeacutequiteacute vis-agrave-vis des habitants en difficulteacutes sociales et surtout

lrsquoadaptation en but et en meacutethode agrave chaque contexte particulier Plusieurs modaliteacutes de

526526

reacutenovation sont alors souhaitables lier lrsquoaction sur la seacutegreacutegation urbaine agrave lrsquoaction sur la

seacutegreacutegation scolaire srsquoassurer de lrsquoeacutequiteacute fiscale entre les communes permettre

lrsquoengagement civique des classes moyennes valoriser lrsquoimage de soi des habitants permettre

des choix drsquoimplantation aux habitants qui en ont le moins en conciliant des reacuteponses au

souhait de vie dans un quartier bien reacuteputeacute et lrsquoaspiration agrave en changer Une telle reacutenovation

eacutequitable ne peut se faire qursquoavec lrsquoapplication de projets penseacutes et mise en œuvre par les

habitants et non une simple association agrave des projets deacutejagrave monteacutes selon des proceacutedures mal

geacutereacutes sur le plan du rocircle donneacute aux habitants de leur organisation globale et du deacuteroulement

des eacutechanges lors des rencontres

Cette approche demande de se deacutepartir de la recherche exclusive drsquoattraction des cateacutegories

supeacuterieures dans les quartiers pauvres pour se focaliser sur lrsquoeacutegaliteacute des chances agrave donner agrave

chacun Cet appel agrave la reacutenovation laquo douce raquo et social converge avec le plaidoyer pour une

transformation mesureacutee des villes de Jacobs (1991) afin drsquoeacuteviter leur basculement dans

lrsquoasphyxie et le deacuteclin que risquent de geacuteneacuterer deux types drsquoorientation drsquoune part la

planification et lrsquoameacutenagement urbain de grande envergure faisant table rase des fonctions

passeacutees et drsquoautre part une programmation oubliant les critegraveres drsquourbaniteacute des villes comme

la diversiteacute sociale et des fonctions la densiteacute deacutemographique la copreacutesence de types et de

cateacutegories drsquoimmeubles variables et le maillage en petites rues croiseacutees autour des blocs

drsquoimmeubles pour multiplier les circulations internes

Ainsi si la seacutegreacutegation procegravede drsquoun processus social de marquage spatial des individus

entraicircnant leur discrimination sociale diverse il apparaicirct que les logiques sociales de

seacutegreacutegation reacutesidentielle observables ne sont pas supprimeacutees avec des deacutemarches de

reacutenovation urbaine puisque 1 le stigmate spatial que portent les habitants subsiste voire est

accentueacute pour les sites viseacutes 2 le parc de logements abordables se restreint et 3 en grande

partie les difficulteacutes drsquointeacutegration des adultes actifs et des parents ne sont pas ameacutelioreacutees sans

politiques sociales drsquoaccegraves au travail efficientes

Les risques de rejet de la part des voisinages nouveaux de classes moyennes voire supeacuterieures

sont eacuteleveacutees et donc les conduites de seacutegreacutegation sociale dans la sociabiliteacute les usages et les

lieux de socialisation locaux Cette forme drsquointervention sur le bacircti pour controcircler et modifier

le peuplement des grandes zones drsquohabitat deacutegradeacutees comporte un travers assez geacuteneacuteraliseacute de

reacuteduction des individus aux caracteacuteristiques de lrsquoespace en pensant ameacuteliorer les conditions

de vie des premiers par la transformation de ce dernier (Brun 2008)

527527

Cette repreacutesentation concerne drsquoailleurs les dimensions tant physique et mateacuterielle que social

de lrsquoespace avec la recherche de preacutesence des cateacutegories sociales moyennes pour des

pratiques et des usages sociaux plus valoriseacutes Ce sont bien ces cateacutegories qui sont censeacutees par

leur preacutesence garantir la gentrification des lieux et leur mixiteacute sociale avec un effet attendu

quasi-meacutecanique drsquoune meilleure vie pour les pauvres sans prendre en compte les

pheacutenomegravenes de seacutegreacutegation sociale ni celui de lrsquointeacutegration socio-eacuteconomique qui srsquoeffectue

indeacutependamment du voisinage reacutesidentiel sauf en ce qui concerne le stigmate territorial

eacuteventuel

Crsquoest justement sur cet effet stigmatisant des repreacutesentations socio-urbaines neacutegatives que

lrsquoEacutetat central et les repreacutesentants locaux doivent agir puisque la seacutegreacutegation sociale

notamment urbaine touche des centaines de milliers drsquohabitants qui ne sont pas tous des

deacutelinquants tout en eacutetant victimes de meacutecanismes macro et micro sociaux drsquoexclusion et de

seacutegreacutegation qui les deacutepassent Ces processus minent la coheacutesion drsquoensemble de la socieacuteteacute Il

apparaicirct en outre que restent insuffisantes voire inefficaces les tentatives de prolonger les

meacutethodes de deacuteveloppement social valables pour lrsquoanimation de peuplements composeacutes de

meacutenages certes peu en relation entre eux mais inteacutegreacutes agrave la socieacuteteacute ou encore les mesures de

localisation des activiteacutes eacuteconomiques agrave proximiteacute ou au cœur des secteurs drsquohabitation de

pauvres car ne pouvant absorber toutes les cateacutegories drsquoactifs preacutesentes notamment du fait

drsquoun manque de qualification

En outre lrsquoaction eacutetatique de reacutenovation destineacutee agrave supprimer ou agrave atteacutenuer les stigmates

eacutecologiques des zones stigmatiseacutees tant sur les plans physiques et spatiaux que sociaux

nrsquoatteint pas les deacuteterminants et les effets sociaux de lrsquoexclusion sociale et de la seacutegreacutegation

socio-spatiale excepteacute en ce qui concerne les conseacutequences neacutegatives de la socialisation des

enfants dans les contextes speacutecifiques de grande concentration de populations preacutecaires

Enfin par leur seacuteparation spatiale dans le cadre de relogements celles-ci perdent la possibiliteacute

de deacutevelopper des mobilisations collectives fortes aupregraves des pouvoirs publics pour atteacutenuer

leurs difficulteacutes de conditions de vie ou favoriser leur inteacutegration sociale

En conclusion de cette derniegravere partie de notre thegravese il a pu ecirctre identifieacute les principaux

deacuteterminants des caractegraveres de preacutecariteacute et de violence qui marquent une grande partie de

lrsquoeacutevolution des peuplements et des usages sociaux des sites et plus globalement des

communes de grands ensembles selon un processus de ghettoiumlsation ou de deacuteclin social

urbain La deacutegradation la deacutevalorisation et finalement la seacutegreacutegation sociale de ce type

528528

drsquohabitat reacutesidentiel du deacutebut de leur livraison agrave nos jours malgreacute une politique explicite

drsquointerventions sur les plans physiques et sociaux proviennent drsquoabord des caracteacuteristiques

formelles et mateacuterielles des constructions lieacutees agrave un processus socio-historiquement situeacute En

outre lrsquoeacutevolution de cet habitat vers la fonction sociale preacutedominante dans les espaces

urbains drsquoaccueil des meacutenages en difficulteacutes sociales montre le facteur politique de la gestion

institutionnelle des grands ensembles et des autres aspects des politiques sociales urbaines et

du logement en accord avec la dimension seacutegreacutegative croissante des rapports sociaux

globaux Ce qui explique la faible valeur sociale des territoires concerneacutes dans le systegraveme

eacutevolutif des espaces reacutesidentiels des agglomeacuterations contemporaines

Lrsquoattitude progressivement ou plus rapidement deacutefavorable des couches moyennes voire

modestes stables vis-agrave-vis des grands ensembles nrsquoest pas lieacutee au seul deacuteveloppement de

nouveaux produits reacutesidentiels (immeubles collectifs et maisons individuelles priveacutes) qui leur

correspondent davantage sur le plan fonctionnel et qualitatif avec des niveaux de finition de

confort et de gestion supeacuterieurs ainsi qursquoen raison de lrsquoaccegraves au statut drsquoacceacutedant agrave la

proprieacuteteacute favoriseacute par la hausse des niveaux de vie Cette conduite est en fait une conseacutequence

drsquoune disposition psychosociologique qui srsquoest aviveacutee avec le contexte eacuteconomique et social

jusqursquoagrave nos jours la seacutegreacutegation de groupes urbains estimeacutes en position sociale infeacuterieure agrave

soi dans la compeacutetition pour lrsquoaccegraves aux meilleures places sociales et urbaines mais aussi

pour la garantie drsquoun regroupement affinitaire apportant ressources sociales et eacuteconomiques

importantes pour la participation agrave la sphegravere productive

Cette attitude srsquoest geacuteneacuteraliseacutee avec la gestion politique libeacuterale du processus de

mondialisation eacuteconomique par les eacutelites qui ont reporteacute sur les actifs employeacutes par leur

preacutecarisation eacuteconomique et sociale les incertitudes des marcheacutes eacuteconomiques auxquels sont

confronteacutees les entreprises Certaines places valoriseacutees tant dans la sphegravere de production que

dans celle de reproduction sociale sont ainsi moins stables moins accessibles plus

eacutepheacutemegraveres et plus disputeacutees De mecircme la lutte sociale pour les positions exeacutecutives valoriseacutees

dans les services srsquoest accrue au sein du monde ouvrier employeacute et des cateacutegories

intermeacutediaires notamment techniciennes avec un fort chocircmage lieacute agrave la deacutesindustrialisation

par le jeu des deacutelocalisations et des importations de produits concurrents aux coucircts non

majoreacutes par des taxes douaniegraveres

Quasiment toutes les cateacutegories de lrsquoeacutechelle sociale peuvent se sentir menaceacutees par le

cocirctoiement de celles estimeacutees infeacuterieures pour deux raisons compleacutementaires la premiegravere

raison est la crainte de la dissolution identitaire par la perte de reacuteseaux de relations et le

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changement drsquoun mode de vie qui garantissaient les ressources socioculturelles pour lrsquoaccegraves

aux places convoiteacutees et le maintien aux positions sociales souhaiteacutees dans cette perspective

le domaine reacutesidentiel a endosseacute le rocircle drsquoespace support et promoteur de relations sociales agrave

une fin identitaire que la sphegravere du travail nrsquoassure plus comme auparavant avec la

geacuteneacuteralisation de la preacutecariteacute professionnelle la deuxiegraveme raison est le risque de deacutefaut de

socialisation des enfants ndash dans les relations scolaires et extrascolaires notamment de

voisinage ndash pouvant compromettre les deacutesirs de parcours scolaires et drsquoeacutetudes drsquoaccegraves aux

statuts et aux positions sociales prestigieuses

Globalement cette eacutevolution sociale a geacuteneacutereacute de lrsquoanxieacuteteacute face au risque de chocircmage et du

repli identitaire entre cateacutegories les plus qualifieacutees Ce systegraveme drsquoorganisation sociale est agrave la

base de la geacuteneacuteralisation des processus de seacutegreacutegation sociale et spatiale qui se produisent

dans chaque contexte sociogeacuteographique selon les cateacutegories sociales en preacutesence En effet la

dynamique historique depuis le XIXe siegravecle de la seacuteparation geacuteographique de lrsquoespace

reacutesidentiel des cateacutegories supeacuterieures drsquoaffaires deacutejagrave en rupture avec la mixiteacute sociale

traditionnelle des quartiers des villes occidentales srsquoest trouveacutee accentueacutee et modifieacutee sous

lrsquoeffet de lrsquointensification des pratiques contemporaines de seacutegreacutegation socio-spatiale elles

sont en effet en cours de geacuteneacuteralisation au sein de la classe croissante en quantiteacute de cadres

supeacuterieurs du priveacute et de cateacutegories moyennes supeacuterieures vis-agrave-vis des simples classes

moyennes et modestes et surtout des anciennes cateacutegories ouvriegraveres preacutecariseacutees en voie elles-

mecircmes de croissance quantitative La croissance de ces deux cateacutegories dans la structure

sociale et dans les espaces urbains engendre une augmentation des pratiques seacutegreacutegatives

dans tous les espaces reacutesidentiels et de leur visibiliteacute Ces pratiques de diffeacuterenciation sociale

de lrsquoespace srsquoobservent tant agrave lrsquoeacutechelle des agglomeacuterations avec les processus drsquoextension et

de croissance urbaine qui redessinent les contours des grandes divisions sociales de lrsquoespace

qursquoau niveau plus fin des communes voire de leurs quartiers et mecircme des voisinages en

tenant compte des groupes de logements de statut plutocirct homogegravene qui eacutevoluent en fonction

de lrsquoimplantation des groupes sociaux de reacutefeacuterence qui organisent leur agreacutegation et leur

ouverture aux groupes distincts Le niveau de qualification scolaire des parents dans les

familles est dans cette pratique un critegravere preacutedominant chez les cateacutegories supeacuterieures

notamment

Ce jeu de territorialisation sociale seacutelective ne srsquoest pas deacuteveloppeacute sans fortement

deacutesavantager les sites de grands ensembles mais aussi leur environnement urbain que

pratiquent leurs habitants comme les communes drsquoappartenance voire les zones urbaines

530530

multi-communales Lrsquoeacutevolution drsquoun peuplement vers lrsquohomogeacuteneacuteisation sociale mais aussi

vers la diversification culturelle ainsi que les problegravemes publics de violence et de

comportements socioculturels antagoniques agrave la socieacuteteacute urbaine dominante et excluante ont

geacuteneacutereacute une telle laquo cacotopie raquo agrave leur eacutegard une telle stigmatisation que dans le cadre de la

geacuteneacuteralisation drsquoune attitude seacutegreacutegative dans les rapports sociaux qui se reproduit au niveau

des politiques publiques un renforcement de la seacutegreacutegation urbaine srsquoest manifesteacute

Lrsquoinsigne spatial symbolique du grand ensemble est devenu irreacuteversiblement neacutegatif dans les

repreacutesentations sociales qui lrsquoassocient aux figures mythiques des ghettos drsquoautant plus

facilement que les autres secteurs reacutesidentiels de logement des pauvres et preacutecaires dans les

villes ndash logements sociaux logements aideacutes et heacutebergement transitoire des parcs public et

priveacute ndash se sont fortement reacuteduits voire ont pu disparaicirctre pour certains drsquoentre eux Le

regroupement spatial de meacutenages en difficulteacutes a accru lrsquooccurrence et la visibiliteacute des

conduites de violence et de transgression face agrave lrsquoordre social seacutegreacutegatif Cette visibiliteacute tend agrave

renforcer en retour les pratiques de seacutegreacutegation sociale de la part des classes urbaines

moyennes anxieuses et apeureacutees agrave lrsquoencontre des espaces concerneacutes et de leurs habitants dans

leurs pratiques sociales

Cela signifie que territoires les plus mal reacuteputeacutes des agglomeacuterations en raison de leurs

habitants en difficulteacutes sociales plus nombreux qursquoailleurs et de la violence des plus jeunes

sont le plus possible eacuteviteacutes et les habitants sont tout autant ignoreacutes et eacutecarteacutes dans les

interactions et les organisations sociales ainsi que dans les activiteacutes culturelles dominantes de

la vie urbaine Lrsquoincompreacutehension des plus rabroueacutes leur amertume voire leur haine de

lrsquoordre social de la socieacuteteacute en sont aiguiseacutees Un pheacutenomegravene de fracture sociale se produit

alors de maniegravere continue du fait de lrsquoexclusion sociale dans les pratiques urbaines que

peuvent subir des habitants aux conditions de vie socio-eacuteconomiques et culturelles deacutejagrave

preacutecaires

On peut deacuteduire de cette description que le degreacute de conscience et de volonteacute drsquoaction des

individus subissant cette expeacuterience sociale deacuteleacutetegravere deacutepend de la dureacutee pendant laquelle ils la

vivent de lrsquointensiteacute de ses modaliteacutes drsquoaccomplissement et surtout de leurs ressources

familiales et sociales pour y faire face Les reacuteactions sont multiples et les plus violentes et

deacutemonstratives relegravevent une moindre protection familiale et sociale mais aussi une nette

conscience et une moindre reacutesignation alors que certains srsquoenferment dans un

laquo individualisme neacutegatif raquo ie un passeacuteisme apregraves une longue peacuteriode de marginalisation

sociale pour qui lrsquoordre des choses dont la mauvaise reacuteputation du quartier et les actes reacuteels

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qui srsquoy deacuteroulent ne peuvent ecirctre changeacutes Drsquoautres choisissent lrsquoengagement dans un espace

culturel de vie communautaire religieuse et orthodoxe permettant de rationnaliser la situation

drsquoexclusion socio-urbaine et de trouver des ressources diverses pour y faire face

Les opeacuterations de reacutenovation urbaine qui srsquoappliquent depuis 2004 et mecircme degraves les anneacutees

1990 aux sites de grands ensembles les plus deacutevaloriseacutes tentent non sans ambiguiumlteacute de

restaurer de la mixiteacute sociale que les cateacutegories supeacuterieures ne pratiquent pourtant pas eux-

mecircmes dans leurs espaces reacutesidentiels Deacutemolir les immeubles et modifier les espaces

exteacuterieurs les plus embleacutematiques de la deacutegradation sociale et des usages deacutetourneacutes par la

jeunesse deacuteviante et protestataire entraicircnent la dispersion des familles les plus preacutecaires dans

drsquoautres segments des parcs de logement alentours Ce qui risque de seacutecreacuteter agrave terme de

nouvelles concentrations de plus petite taille de populations en difficulteacutes sociales des

nouveaux laquo nids raquo de preacutecariteacute-marginaliteacute urbaine

On saisit ici pourquoi toute politique urbaine correctrice nrsquoa drsquoeffets que partiels Tant que les

conditions sociales drsquointeacutegration au systegraveme eacuteconomique et sociale et de participation agrave la vie

sociale urbaine ne sont pas assureacutees agrave ces meacutenages ils porteront toujours le stigmate spatial

de la reacutesidence dans des zones de pauvreteacute de deacuteviance de deacutesordre et de criminaliteacute Les

fantasmes urbains lieacutes aux citeacutes-ghettos continueront agrave srsquoen alimenter de maniegravere grossiegravere

induisant ainsi agrave lrsquoencontre de leurs habitants un risque perpeacutetuel de seacutegreacutegation urbaine agrave

lrsquoopposeacute des valeurs et des normes des institutions politiques et sociales actuelles

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Communes en deacuteclin et seacutegreacutegation en hausse la logique sociale drsquoune forme drsquoineacutegaliteacute

spatiale

Soucieuse de comprendre les pheacutenomegravenes agrave lrsquoorigine de la production des problegravemes qui se

manifestent au sein et aux alentours des zones laquo sensibles raquo de grands ensembles cette

recherche doctorale a essayeacute de saisir le caractegravere singulier de ce type drsquohabitat en analysant

ses deacuteterminants et ses effets en relation avec la socieacuteteacute et plus preacuteciseacutement les rapports

sociaux globaux et ceux qui se deacuteveloppent dans les agglomeacuterations Par le croisement entre

les faits sociaux et leur cadre urbain entre le social et le spatial cette analyse srsquoinscrit dans un

type de recherches qui ne srsquoattache pas agrave lrsquoeacutechafaudage de grands modegraveles explicatifs du

deacuteveloppement urbain Il srsquoest agit plutocirct en observant les structures et les pratiques de

srsquointeacuteresser aux processus qui deacuteterminent la qualiteacute des espaces en geacuteneacuteral puisque dans le

mode de vie moderne leurs attributs physiques et sociaux deacutenotent et influencent agrave la fois

lrsquointeacutegration et la promotion sociale des individus quelle que soit la localiteacute dans lrsquoensemble

spatial consideacutereacute ici les agglomeacuterations

De ce point de vue srsquointeacuteresser agrave la marginaliteacute des grands ensembles amegravene agrave les analyser en

lien avec leurs caractegraveres constructifs et de gestion institutionnelle mais aussi en articulation

avec lrsquoeacutevolution des rapports sociaux et de leur dimension seacutegreacutegative car celle-ci se retrouve

tant dans les pratiques sociales des citadins que dans les mesures et les dispositifs

institutionnels de toute sorte (urbaines eacuteconomiques sociales culturelshellip) Elles reflegravetent les

aspirations sociales des groupes dominants dans lrsquoordre productif et social Cette recherche

reacutealiseacutee agrave partir drsquoune premiegravere commune de grand ensemble prenant en compte les

informations et les points de vue drsquoacteurs sur les situations sociales des habitants et les

rapports sociaux locaux qui srsquoy manifestent puis eacutetendue agrave un eacutechantillon de six autres

communes de ce type nous a permis de deacuteboucher sur un objet plus large et plus preacutecis agrave la

fois celui de la production sociale agrave lrsquoendroit des grands ensembles notamment des zones

franccedilaises de ghetto moderne ce dernier terme pouvant srsquoentendre comme lieu drsquoassignation

sociale des exclus et des preacutecaires socio-eacuteconomiques qui concerne une grande partie des

populations issues de lrsquoimmigration peu qualifieacutee et dont lrsquoinsuffisante prise en charge

institutionnelle drsquointeacutegration sociale contribue au deacuteveloppement drsquoinstitutions indigegravenes

autour de lrsquoeacuteconomie informelle et transgressive de la violence des rapports sociaux et de

modes traditionnalistes de reacutegulation sociale sous lrsquoeffet global des mutations de lrsquoeacuteconomie

et surtout du libeacuteralisme eacuteconomique chez les responsables de la gestion de lrsquoEacutetat

Notre investigation a ainsi convergeacute avec une des orientations des recherches urbaines

consistant agrave lrsquoeacutetude de petits espaces et de leurs dimensions multiples neacutecessitant un recours agrave

une pluraliteacute des champs de compeacutetence theacutematique Notre probleacutematique srsquoest deacuteveloppeacutee

sur le lien entre drsquoun cocircteacute les processus drsquoexclusion eacuteconomique et sociale sous de multiples

formes et notamment dans la sphegravere du travail avec une politique seacutelective de gestion de la

main drsquoœuvre qui ne srsquoembarrasse pas des surnumeacuteraires et de lrsquoautre cocircteacute le deacuteveloppement

des meacutenages en difficulteacutes sociales dans les grands ensembles en raison de la preacutecarisation

professionnelle eacuteconomique et sociale des cateacutegories de leur peuplement les moins qualifieacutees

subissant cette exclusion et de la releacutegation spatiale des meacutenages preacutecaires de leur

environnement en leur sein quel processus social cette situation reacutevegravele-t-elle pour quels

raisons et facteurs et selon quelle(s) modaliteacute(s)

Apregraves la Seconde Guerre mondiale la construction de grands espaces reacutesidentiels en de

courtes opeacuterations agrave lrsquoeacutechelle traditionnelle du deacuteveloppement des villes a pu ecirctre motiveacutee agrave

la conception par lrsquoambition de produire des laquo villes nouvelles raquo eacuteloigneacutees ou en peacuteripheacuterie

de grandes villes parfois pour en repreacutesenter un laquo noyau raquo secondaire de structuration spatiale

Ces nouveaux espaces se sont pourtant aveacutereacutes pour diverses raisons avoir eacutevolueacute de maniegravere

neacutegative peuplement de plus en plus composeacute de meacutenages de cateacutegories sociales modestes

voire moyennes et tregraves rarement supeacuterieures en tout cas en dessous des proportions moyennes

nationales niveau moyen de richesse de la population globale peu eacuteleveacute voire tregraves faible en

raison de cette structure sociale de lrsquoeacutetendue des situations de preacutecariteacute et drsquoexclusion socio-

eacuteconomique des actifs de faible qualification technique ou discrimineacutes en raison de leurs

caracteacuteristiques (jeunes acircgeacutes femmes immigreacutes) et enfin de la part de plus en plus eacuteleveacutee

des familles monoparentales pauvres faiblesse de la densification de lrsquohabitat qui laisse la

diminution structurelle de la taille des meacutenages dans le temps produire une stagnation voire

une reacuteduction de la population drsquoensemble et enfin deacuteveloppement de pheacutenomegravenes sociaux

reacuteveacutelateurs de lrsquoimportance de la preacutecariteacute sociale comme la preacutesence drsquoun important

ensemble populationnel issu de lrsquoimmigration et le deacuteveloppement de conduites violentes et

transgressives multiples et incessantes dont le trafic et lrsquousage de drogue non sans lien avec

une partie des jeunes les plus en difficulteacutes sociales et familiales

De maniegravere variable selon les contextes ces traits deacutefinissent les espaces eacutetudieacutes quelle que

soit la forme des grands ensembles et de leur place dans lrsquourbanisation des communes

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drsquoimplantation drsquoun cocircteacute un ou plusieurs grands quartiers centraux reacutesidentiels drsquoune petite

agglomeacuteration preacuteexistante (Pierrelatte Bagnols-sur-Cegraveze) drsquoun autre cocircteacute laquo villes

nouvelles raquo plus meacutelangeacutees sur le plan fonctionnel construites sur une terre vierge

drsquohabitation (Les Ulis) agrave lrsquoeacutecart drsquoun village historique (Mourenx Behren-legraves-Forbach

Fareacutebersviller) ou agglomeacuterant deux villages proches (Rilleux-la-Pape) Lrsquohistoire et lrsquoeacutetat

actuel de leurs peuplements sont varieacutes tout en concernant essentiellement les mecircmes grandes

cateacutegories sociales de population les plus modestes et moyennes excepteacute lorsque des

segments des parcs immobiliers ont eacuteteacute preacutevus pour des cateacutegories supeacuterieures habitat

majoritairement drsquoouvriers qualifieacutes ou non et employeacutes de grandes industries de lrsquoindustrie

moderne de lrsquoeacutenergie dans le Sud miniers sans qualification des bassins houillers du Nord ou

encore logements drsquoemployeacutes et de professions techniques et intermeacutediaires voire supeacuterieurs

des eacutequipements industries et activiteacutes externaliseacutes des grandes agglomeacuterations (reacutegion

parisienne agglomeacuteration lyonnaise)

Les comparaisons de donneacutees sociales concernant ces situations urbaines montrent une

diversiteacute au sein drsquoune ambiance similaire modestie des univers sociaux sur les plans des

cateacutegories socioprofessionnelles des niveaux de qualification et de richesse des meacutenages de

lrsquoinsertion dans le travail justifiant le beacuteneacutefice des mesures de protection sociale visant les

plus exclus preacutecaires et pauvres et pheacutenomegravenes de violence et drsquoinseacutecuriteacute lieacutee agrave la

deacutelinquance juveacutenile qui geacutenegravere un climat drsquoinseacutecuriteacute quotidienne plus ou moins prononceacute

selon les lieux et dans le temps agrave des degreacutes varieacutes selon diverses caracteacuteristiques des

habitants Des observations plus centreacutees sur les pratiques culturelles et la religion montrent

une forte heacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute des populations avec la preacutedominance des cultures immigreacutees

africaines antillaises (immigration inteacuterieure) et musulmanes Agrave la pluraliteacute des difficulteacutes

sociales (chocircmage sous-qualification tensions familiales pauvreteacute discriminationhellip)

srsquoajoute cette multipliciteacute culturelle aux tonaliteacutes parfois radicalement antagoniques avec les

valeurs et normes de la socieacuteteacute (en raison de diffeacuterentes formes de fondamentalisme) qui

contribuent agrave la production de communauteacutes reacutesidentielles plutocirct segmenteacutees et atomiseacutees

Lrsquoendossement de lrsquoimage du ghetto ne favorise pas au deacuteveloppement spontaneacute drsquoactes de

solidariteacute ou de lutte collective malgreacute les bonnes intentions institutionnelles de produire du

lien et de la mixiteacute sociale mais qui ne srsquoattachent pas prioritairement agrave lrsquoaccegraves agrave lrsquoemploi agrave la

formation et agrave un niveau deacutecent de protection sociale

Sur le plan local les structures eacutequipements divers et services administratifs qui sont dans les

territoires ou agrave proximiteacute autres que ceux du deacuteveloppement social ou des organismes drsquoaide

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et drsquoaction sociale sont geacuteneacuteralement deacutebordeacutes par les besoins drsquoaccompagnement et

drsquointeacutegration sociale et eacuteconomique ainsi que par le niveau quantitatif de violences multiples

des habitants Ces conduites sont drsquoailleurs geacuteneacuteralement centreacutees sur des preacutedations et des

trafics de toute sorte ainsi que sur la deacutegradation drsquoespaces et de bacirctiments publics sans

oublier les attitudes deacutemonstratives adopteacutees dans le cadre drsquoune sociabiliteacute

drsquointerconnaissance et de lrsquohonneur (de la consideacuteration drsquoexistence) qui srsquoimpose dans

lrsquoespace public entre jeunes qui srsquoy trouvent agrave la marge de leur foyer familial

Ces effets sociaux de la concentration de la misegravere contemporaine en raison de la

speacutecialisation sociale des grands ensembles au sein de leurs agglomeacuterations ou de leurs

reacutegions drsquoappartenance produisent un pheacutenomegravene de deacutegradation physique social et

symbolique des espaces ghettoiumlsation pour les secteurs de petit peacuterimegravetre comportant les

stigmates les plus aigus des difficulteacutes et tensions sociales deacuteclin social des espaces plus

larges comme les communes de grands ensembles eacutetudieacutees Dans les deux cas lrsquoespace subit

une perte de valeur en raison de la deacutegradation plus ou moins forte de ses eacuteleacutements physiques

de la structure sociale de la situation eacuteconomique et de la santeacute de sa population et enfin de

maniegravere concomitante une reacuteduction multiforme des activiteacutes institutionnelles eacuteconomiques

sociales et culturelles preacuteceacutedentes alors que les activiteacutes et les conduites transgressives et

subversives se deacuteveloppent et srsquoexpriment par endroit de maniegravere aigueuml Ce pheacutenomegravene peut

connaicirctre un rythme variable dans le temps et lrsquoespace en fonction des eacutevolutions de plusieurs

paramegravetres deacuteterminants le peuplement et sa structure sociale la gestion et les interventions

institutionnelles en faveur de lrsquoentretien et du deacuteveloppement de lrsquohabitat lrsquointeacutegration

sociale et la participation eacuteconomique des populations concerneacutees ainsi que les pratiques

sociales de lrsquoespace Dans le cadre des observations effectueacutees sur les communes de grands

ensembles il semble bien qursquoelles aient subi un deacuteclin social drsquoensemble plus ou moins

prononceacute selon des traits lieacutes agrave des agencements particuliers inheacuterents agrave leur contexte

territorial de ces diffeacuterents paramegravetres

La notion de deacuteclin social urbain complegravete les outils drsquoanalyse de lrsquoespace en eacutelargissant

lrsquoeacutechelle territoriale drsquoobservation des pheacutenomegravenes de ghettoiumlsation des laquo quartiers

sensibles raquo et en prenant en compte la nature imbriqueacutee des diffeacuterents secteurs contigus des

espaces urbains expliquant leur influence reacuteciproque en raison de leur ouverture et du partage

drsquoattributs physiques et sociaux agrave leur frontiegravere mais aussi en leur centre (mecircmes cateacutegories

de population ameacutenagements et architectures lieacutes eacutequipements communshellip) Dans ce sens

puisque les espaces publics et collectifs sont des parties essentielles du support territorial des

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ambiances urbaines ces derniegraveres peuvent srsquoeacutetendre sur des lieux bien diffeacuterents aux formes

spatiales et sociales parfois tregraves dissemblables qui peuvent mecircme inteacutegrer des enclaves

reacutesidentielles (groupes drsquoimmeubles collectifs ou lotissements de maisons individuelles

fermeacutes) dans le cadre des relations sociales et spatiales de celles-ci avec leur environnement

En raison de la convergence des situations sociales observeacutees les facteurs et les modaliteacutes

deacuteterminantes de celles-ci sont neacutecessairement globaux et transversaux malgreacute des

caracteacuteristiques locales drsquoordre geacuteographique eacuteconomique social et culturel bien diffeacuterentes

Il y a drsquoabord un mecircme mode eacutetatique de production urbaine et drsquohabitat inspireacute de lrsquoideacuteologie

du mouvement moderne drsquoarchitecture et drsquourbanisme fonctionnaliste des anneacutees 1920-1940

La politique de construction massive de logements dans les anneacutees 1950-1970 en a eacuteteacute un

domaine drsquoapplication non pas des plus fidegraveles aux principes de la Charte drsquoAthegravenes de 1933

mais plus souvent caricatural et neacutegligeacute La seacuteparation ideacuteale des fonctions dans lrsquoespace

(travail habitation loisirs circulation) ne signifiant pas radicaliteacute pratique de sa mise en

œuvre et il nrsquoa jamais eacuteteacute professeacute la faiblesse des qualiteacutes mateacuterielles conceptuelles et de

gestion des bacirctiments construits et des espaces ameacutenageacutes justifieacutee parfois par un caractegravere

transitoire attribueacute agrave ces produits selon une logique industrielle drsquoobsolescence rapide (une

geacuteneacuteration) correspondante agrave lrsquoesprit du temps Des conditions historiques eacuteclairent sur cet

eacutetat de production une prise en charge sans preacuteceacutedent des importants besoins en matiegravere de

logement apregraves-guerre en se centrant sur les logements collectifs sociaux neacutecessitant de

modifier les conditions juridiques institutionnelles et eacuteconomiques du secteur de la

construction et drsquoorganiser le champ des opeacuterateurs et des professionnels concerneacutes

Lrsquoobjectif eacutetant de produire des gros volumes sur une courte dureacutee

La rapiditeacute drsquoexeacutecution ainsi que la nouveauteacute de la situation dans les choix programmatiques

organisationnels et opeacuterationnels ont entraicircneacute des pertes de qualiteacute agrave toutes les eacutetapes de la

conception avec des plans-masses souvent standards inadapteacutes aux sites agrave des vices et autres

neacutegligences opeacuterationnels non sans lien avec les difficulteacutes drsquoachegravevement des projets en

raison des cumuls nombreux de tensions entre acteurs des oppositions et critiques des

populations et des problegravemes budgeacutetaires et financiers Surtout en se centrant sur les

logements agrave produire les ameacutenagements et les eacutequipements internes et externes ont eacuteteacute moins

investis Ces eacuteleacutements ne peuvent cependant pas occulter le bond qualitatif indeacuteniable de

confort qursquoont repreacutesenteacute les normes produites de logement alors tregraves avanceacutees degraves le

deacutemarrage des grands ensembles au deacutebut des anneacutees 1950 par rapport agrave lrsquoeacutetat tregraves faible de

confort des locaux anciens dans lesquels srsquoentassait une grande partie des populations

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urbaines jusqursquoalors Le problegraveme reste que toutefois lrsquoobjectif geacuteneacuteral de ce mouvement de

table rase des villes du passeacute a bien contribueacute agrave lrsquoeacutecarter des attentes sociales en matiegravere

drsquourbanisme agrave savoir la densiteacute relationnelle la diversiteacute et la mixiteacute sociales et

fonctionnelles mecircme si le critegravere de choix reacutesidentiel des citadins est de moins en moins lieacute agrave

la place qursquoils occupent dans un espace urbain pour beacuteneacuteficier de ces caracteacuteristiques qursquoagrave la

qualiteacute sociale de leur habitat

En parallegravele agrave cette urbanisation de masse et surtout apregraves lrsquoEacutetat a drsquoailleurs encourageacute la

production priveacutee pour lrsquoaccession agrave la proprieacuteteacute favorisant la multiplication des espaces

reacutesidentiels plus confortables et adapteacutes aux attentes sociales (maisons individuelles petits

collectifs priveacutes proximiteacute des eacutequipements et services urbains nouveaux eacutequipements et

configuration drsquohabitathellip) et contribuant dans lrsquoespace urbain en plein essor agrave transformer la

fonction des grands ensembles Drsquohabitat pour les cateacutegories drsquoexeacutecution parfois qualifieacutees et

drsquoencadrement des industries et des institutions en deacuteveloppement pendant les Trente

glorieuses ils sont devenus sous lrsquoeffet de lrsquoorientation libeacuterale de gestion de lrsquoEacutetat de ses

missions sociales et de ses politiques de deacuteveloppement (eacuteconomie-industrie ameacutenagement-

urbanisme eacuteducation-formation protection socialehellip) les lieux drsquohabitation de toutes les

cateacutegories de population en difficulteacutes sociales et eacuteconomiques La reacuteduction des autres

dispositifs drsquoheacutebergement et de logement social dans le reste des agglomeacuterations expliquent

en partie cette situation Il est drsquoailleurs possible qursquoen mecircme temps drsquoautres parties des

grands ensembles continuent de remplir des rocircles diffeacuterents selon leurs caracteacuteristiques

physiques sociales et de gestion rocircles plus anciens comme lrsquoaccueil de la premiegravere eacutetape

reacutesidentielle des jeunes meacutenages occupeacutes plutocirct de cateacutegories sociales moyennes ou rocircles

plus nouveaux comme lrsquoaccueil de meacutenages de profils non familiaux (retraiteacutes eacutetudiants

personnes actives seules) Ces autres parties cependant subiront la mauvaise reacuteputation

externe par analogie ou association formelle simplificatrice

La derniegravere eacutetape de deacuteveloppement de notre recherche a eacuteteacute de comprendre et drsquoexpliquer ce

pheacutenomegravene de disqualification sociale des espaces qui stigmatise les habitants concerneacutes dans

leurs pratiques sociales Les eacutetats psychoaffectifs les conduites et les pratiques sociales les

plus laquo atypiques raquo (deacutesœuvrement laquo galegravere raquo neacutevrose deacutelinquance violencehellip) qui peuvent

srsquoy deacutevelopper ne sont plus perccedilus comme les symptocircmes de deux premiers points de critique

sociale des grands ensembles degraves les anneacutees 1950 et 1960 lrsquoennui et le stress que geacutenegravere ce

type drsquohabitat en raison de la faiblesse des animations des activiteacutes et des fecirctes ainsi que de

la cohabitation gecircneacutee par la promiscuiteacute interne et externe aux bacirctiments drsquohabitation

538538

Alors que les pouvoirs publics commenccedilaient agrave prendre en compte les attentes des habitants

en termes de jeux voire de culture en deacuteveloppant des politiques drsquoanimation socioculturelle

lrsquoennui correspondait de plus en plus agrave la conseacutequence drsquoun eacutetat drsquoexclusion de la sphegravere du

travail voire des politiques sociales avec le deacuteveloppement du chocircmage et du sous-emploi

massif Au stress qui lrsquoaccompagnait dans les immeubles les moins biens produits srsquoest

ajouteacutee lrsquoangoisse quant agrave lrsquoavenir comme symptocircme de la crise drsquointeacutegration individuelle et

collective lieacutee au monde du travail se reacutepercutant dans la vie urbaine avec toute une seacuterie de

comportements sociaux reacuteveacutelateurs La situation drsquoexclusion et de preacutecariteacute eacuteconomique est

alors devenue un paramegravetre preacutedominant des conditions drsquoexistence des populations des

grands ensembles Lrsquoangoisse se renforccedilant avec la dynamique de plus en plus nette de

production des ghettos modernes dans certains segments les plus deacutevaloriseacutes des grands

ensembles signe drsquoaccentuation de la seacutegreacutegation spatiale

Lrsquoeacutetendue du non et du sous-emploi parmi les cateacutegories actives des habitants devient presque

une norme comme par exemple au deacutebut des anneacutees 2000 aux Ulis avec 43 drsquoactifs du

parc drsquohabitat social qui sont sans emploi stable Les quartiers de chocircmeurs de geacuteneacuteralisent

dans tous les espaces sociaux excepteacutes au sein de ceux des classes dirigeantes de lrsquoeacuteconomie

Doreacutenavant la deacutevalorisation sociale et eacuteconomique des grands ensembles est non seulement

lieacutee agrave des facteurs drsquoordre urbanistique architectural et de faible histoire sociale mais aussi agrave

des causes eacuteconomiques et sociales qui accroissent le nombre des pheacutenomegravenes agrave lrsquoorigine des

difficulteacutes drsquoexistence de leurs habitants ainsi que la lourdeur de lrsquoambiance en leur sein

(tensions sociales pratiques deacuteviantes et incivils)

Dans notre recherche lrsquoeacutetude drsquoun pheacutenomegravene quasi commun aux communes eacutetudieacutees la

deacutecroissance deacutemographique post-construction des grands ensembles a reacuteveacuteleacute en creux la

faible intervention sociopolitique pour densifier ces zones (assouplir les regravegles cadastrales

deacutevelopper des programmes drsquohabitation et de deacuteveloppement eacuteconomique en rupture avec le

fonctionnalisme primitif) et favoriser leur attractiviteacute alors mecircme que des demandes de

logements sont geacuteneacuteralement fortes dans les agglomeacuterations notamment pour des logements

accessibles Ce sujet avec ce pheacutenomegravene de deacuteclin social lieacute surtout au manque drsquointeacutegration

sociale de la partie preacutecaire et en difficulteacutes sociales des habitants nous a ameneacute agrave reacutefleacutechir

sur la ou les causes de ces diffeacuterentes situations et leur modaliteacute drsquoaction La notion de

seacutegreacutegation sociale dans les rapports sociaux est apparue comme la cleacute drsquoanalyse des

situations observeacutees Les attitudes seacutegreacutegatives par les groupes dominants permettent de

539539

comprendre loccurrence et la convergence des pheacutenomegravenes indiqueacutes plus haut comme

constitutifs des processus de deacuteclin social et de ghettoiumlsation

Une partie des habitants des grands ensembles les plus deacutegradeacutes subit non seulement des

modaliteacutes sociales de seacutegreacutegation comme lrsquoexclusion ou la preacutecariteacute du travail ou encore la

faible action des dispositifs drsquoaccompagnement de soutien et de qualification sociale mais

aussi ses modaliteacutes spatiales comme lrsquoeacuteloignement reacutesidentiel par rapport aux secteurs de

production drsquoeacutechanges et de socialisation ou comme le manque drsquoinvestissement

institutionnel pour le maintien en eacutetat lrsquoentretien et le deacuteveloppement des espaces

drsquohabitation Plusieurs faits en sont le symptocircme la deacutegradation des conditions drsquohabitat et

plus largement un traitement peu favorable dans les politiques urbaines du logement et

sociales

Parmi les diffeacuterents champs possibles des conduites seacutegreacutegatives (travail loisirs formation

eacuteducationhellip) les pratiques reacutesidentielles sont nettement concerneacutees la mise agrave distance

physique ou spatiale produit une forme de marquage territorial neacutegatif une stigmatisation agrave

lrsquoeffet spirale de renforcement des attitudes seacutegreacutegatives qui lrsquoont deacutetermineacutee en premier lieu

Dans ce processus de renforcement cumulatif de la seacutegreacutegation et de ses effets lrsquoespace

urbain est une variable intermeacutediaire deacuteterminante agrave la fois instrument et reacutesultat des

conduites identifieacutees Apregraves que les marcheacutes et les institutions ont eacutecarteacute les plus en difficulteacutes

sociales dans des espaces deacutegradeacutes de logement la visibiliteacute sociale de la localisation des

problegravemes sociaux de cette marginalisation socio-spatiale suscite du rejet et de lrsquoeacutevitement

non seulement vis-agrave-vis des espaces deacutegradeacutes mais aussi de leurs habitants Pour les

cateacutegories sociales moyennes et supeacuterieures des populations urbaines crsquoest la dimension

sociale et identitaire du territoire qui permet de comprendre leurs pratiques seacutegreacutegatives

notamment sur le plan reacutesidentiel

Plus preacuteciseacutement dans un contexte socieacutetal de risque eacuteleveacute de chocircmage et de deacuteclassement

symbolique des individus geacuteneacuteraliseacute agrave toutes les cateacutegories sociales lrsquoangoisse quant agrave

lrsquoavenir avive une volonteacute de se constituer et de se garantir un moyen de socialisation

seacutelective avec des ressources sociales proches si possible pour lrsquoaccegraves et le maintien aux

positions et aux activiteacutes favoriseacutees Cette attitude reacutevegravele un enjeu fondamental qursquoest

lrsquoinfluence du statut social preacutedominant des voisinages sur les destins personnels via les

valeurs les normes de conduites ainsi que les ressources disponibles qursquoils peuvent preacutesenter

ou non Ceci est notamment vrai pour les parcours scolaires des enfants (influence des voisins

de reacutesidence mais aussi des groupes deacutelegraveves dans les classes) qursquoelles que soient leurs

540540

cateacutegories sociales drsquoappartenance Cet effet dinfluence est dailleurs ressenti de maniegravere plus

ou moins consciente par les individus et notamment les cateacutegories aiseacutees attentives agrave la

preacuteservation de leur position sociale

La volonteacute de prise de distance spatiale et sociale eacutetait deacutejagrave patente dans des situations de

proximiteacute spatiale entre les premiers groupes de reacutesidents de niveau social diffeacuterent dans les

grands ensembles (Chamboredon Lemaire 1970) Une perception drsquoeacutecarts trop grands de

valeurs et de normes exerce un effet repoussoir notamment quand les places stables et

valoriseacutees de travail se reacuteduisent ce qui geacutenegravere une compeacutetition accrue et une toleacuterance plus

faible quant agrave la diffeacuterence culturelle Le contexte croissant de seacutelectiviteacute dans les

recrutements et la promotion au travail eacutelegraveve lrsquoattitude seacutegreacutegative dans les choix de lieu

reacutesidentiel et dans les relations de voisinage Cette attitude est de ce fait relayeacutee dans les

politiques urbaines drsquoameacutenagement et de logement mises en œuvre par les groupes sociaux

au pouvoir qui partagent cette disposition

De ce fait le champ des repreacutesentations symboliques se charge drsquoimages caricaturales des

espaces marginaliseacutes en termes de laquo citeacutes-ghettos raquo (Steacutebeacute Marchal 2009) en raison de

lrsquoanalogie agrave certains traits propres aux figures historiques des ghettos tregraves largement connues

(ghettos noirs et juifs) ainsi quagrave leurs eacutevolutions reacutecentes homogeacuteneacuteisation sociale et

culturelle distincte de la socieacuteteacute densemble (plus de populations ethniques mecircmes tregraves

diffeacuterentes parfois et de faibles niveaux de qualification) contrainte reacutesidentielle mecircme

indirecte par les politiques et les marcheacutes du logement sous lrsquoeffet drsquoune volonteacute ressentie

drsquoeacutevitement des contacts sociaux institutions speacutecifiques dorganisation sociale propre

(trafics deacutelinquants reacuteseaux et structures de communauteacutes drsquoorigine immigreacutee ou de culture

drsquoorigine eacutetrangegravere) et enfin accumulation de situations et de conduites sociales neacutegatives

multiples comme lrsquoexclusion et la preacutecariteacute socio-eacuteconomiques la paupeacuterisation la

deacutelinquance lrsquoaddiction et le trafic de drogue ou lrsquoalcool la violence interpersonnelle et le

deacutesordre social et mateacuteriel

La seacutegreacutegation urbaine au sens de seacutegreacutegation dans les pratiques sociales en milieu urbain et

dans les politiques drsquoameacutenagement de construction de logements et drsquoimplantation des

eacutequipements et des services sur les territoires urbains joue alors un rocircle majeur dans les

eacutevolutions urbaines Tous les niveaux des uniteacutes sociales et de leurs relations sont concerneacutes

personnes et meacutenages groupes sociaux des mecircmes espaces territoriaux ou drsquoactiviteacutes

sociales grandes cateacutegories sociales et culturelles de la structure sociale organismes et

541541

institutions publics et priveacutes divers organisant la structuration fonctionnelle et lrsquoameacutenagement

de lrsquoespace urbain Dans chaque agglomeacuteration ndash ou chaque aire comportant plusieurs espaces

urbains interdeacutependants dont les structures sociales sont assez diffeacuterencieacutees des systegravemes

seacutegreacutegatifs (Avenel 2004) se constituent et agissent sur le plan symbolique mais aussi aux

niveaux des interactions sociales et des politiques institutionnelles agrave la faveur des cateacutegories

moyennes et supeacuterieures angoisseacutees par les incertitudes de la mondialisation eacuteconomique et

acquises agrave lrsquoideacuteologie libeacuterale pensant neacutecessaire de restreindre les deacutepenses de protection

sociale des groupes les moins qualifieacutes

Cette orientation danalyse nous paraicirct conforteacutee par les principales theacuteories des

transformations urbaines (Marchal Steacutebeacute 2009 Kaufmann 2009) dont la plus reacutecente

lrsquoapproche par la mobiliteacute et lrsquoinvestissement des acteurs individuels et collectifs suivant leurs

aptitudes variables vers des espaces plus ou moins attractifs selon leur mateacuterialiteacute (formes

sensibles et attributs physiques) La seacutegreacutegation sociale et les espaces de grands ensembles

srsquoinscrivent alors dans les modaliteacutes de gestion des relations entre acteurs aux projets et aux

dynamiques divers de mobiliteacute en attribuant aux plus faibles les espaces deacutesinvestis par les

classes moyennes et supeacuterieures du fait de leur faible qualiteacute sensible perccedilue y compris

drsquoordre social Dans ce cadre la tendance au deacuteclin des communes urbaines de grands

ensembles constitue un signe social et spatial de lrsquoaccroissement de la seacutegreacutegation sociale

sous des modaliteacutes multiples gouvernance urbaine et politiques nationales sociales et de

lrsquoespace relations et pratiques sociales dans les villes

Les groupes dominants deacuteveloppent des attitudes et des actions persistantes agrave lrsquoencontre des

groupes peu qualifieacutes ce qui geacutenegravere en permanence des formes diffeacuterentes drsquoineacutegaliteacutes

sociales En termes drsquohabitat parmi les situations dans ce sens la reacutesidence dans une

commune de grand ensemble en son sein dans les parties internes les plus deacutevaloriseacutees ou

dans celles occupeacutees par des meacutenages stables ou encore agrave proximiteacute tend agrave constituer une

ineacutegaliteacute sociale Habiter cette commune signifiant devoir vivre drsquoune maniegravere ou drsquoune autre

des aspects de deacutesordre de violence et de deacutelinquance dans les pratiques locales tout en

subissant en partie les deacutefauts drsquoaction institutionnelle et le deacutesavantage du stigmate territorial

dans les relations sociales et les usages hors de lrsquohabitat

Les diffeacuterentiels de mobiliteacute urbaine et les tendances seacutegreacutegatives dans ce cadre ne peuvent se

comprendre sans rapport avec la structure sociale lrsquointeacutegration sociale et les eacutevolutions des

ineacutegaliteacutes sociales Car comment ecirctre pauvre exclu ou preacutecaire et mobile Favoriser

structurellement lrsquointeacutegration constituerait les termes mecircmes dune strateacutegie de

542542

laquo deacuteseacutegreacutegation sociale raquo (Maurin 2002) et de deacutemocratisation de la mobiliteacute en changeant de

modegravele de socieacuteteacute par une reacuteforme complegravete du systegraveme eacuteducatif et de classement social avec

une adaptation aux cateacutegories modestes pour eacuteviter les effets de marginalisation irreacuteversibles

agrave chaque eacutetape de formation Ce type de transformation systeacutemique vise agrave apporter les

conditions psychologiques et sociales de lrsquoacceptation du meacutelange social dans les voisinages

urbains et donc agrave juguler les attitudes seacutegreacutegatives dans les pratiques reacutesidentielles et

sociales ainsi que dans les politiques eacuteconomiques sociales et urbaines Dans ces chantiers

que nous pouvons esquisser lrsquoaction sur les grands ensembles nrsquoest pas neacutegligeable

Globalement face aux eacutepreuves agrave la coheacutesion sociale que geacutenegraverent les pheacutenomegravenes

drsquoexclusion et de seacutegreacutegation il faut concevoir un objectif strateacutegique de changement des

repreacutesentations sociales concernant les positions sociales des groupes exclus La reacuteduction

voire la suppression de lrsquoangoisse sociale quant au risque de chocircmage et de deacutecheacuteance sociale

agrave lrsquoorigine de lrsquoattitude seacutegreacutegative peut se reacutealiser en agissant simultaneacutement sur plusieurs

aspects Il est possible tout drsquoabord de deacutevelopper des marques de lrsquoutiliteacute sociale aux

positions drsquoexclusion (nouvelles fonctions productives et de services) et en instituant des

formes de mobiliteacute de protection et de promotion sociale les concernant formation

qualifiante eacuteleveacutee revenu de protection important notamment pour les charges eacuteducatives

larges moyens drsquoaccueil et drsquoaction agrave lrsquoeacutecole maternelle et financement du prolongement des

eacutetudes des enfants drsquoorigine modeste Ensuite il est neacutecessaire de supprimer les processus qui

produisent une diffeacuterenciation sociale rigide degraves le systegraveme de socialisation seacutelectiviteacute trop

forte du systegraveme eacuteducatif cloisonnement des filiegraveres de formation supeacuterieure drsquoaccegraves aux

positions et aux statuts sociaux privileacutegieacutes et irreacuteversibles et faiblesse de la formation

continue assurant le lien avec lrsquoeacutevolutiviteacute des besoins de la sphegravere productive (Maurin

2002) Dans ce sens les institutions devant engager ces processus drsquoouverture de promotion

et de protection doivent pouvoir favoriser les identiteacutes baseacutees sur des histoires et des cultures

drsquoorigine immigreacutee Enfin ces eacuteleacutements divers de strateacutegie de changement social relegravevent

drsquoun choix politique imposant la neacutecessiteacute drsquoune reconnaissance par les eacutelites non pas

seulement de lrsquoutiliteacute historique et permanente des cateacutegories ouvriegraveres et drsquoexeacutecution mais

aussi du caractegravere seacutegreacutegatif du poids des statuts sociaux en France et des effets indirects

produits comme celui de la transformation des secteurs drsquohabitat socialement deacutepreacutecieacutes en

ghettos

Sur cet axe plus speacutecifiquement urbain des reacuteformes peuvent aussi aller dans le sens de

lrsquointeacutegration sociale des citadins preacutecariseacutes Cela passe globalement par des conditions

543543

drsquohabitat reacutepondant aux attentes de qualiteacute et de fonctionnaliteacute des classes moyennes

accessibles aux cateacutegories plus modestes ouvriegraveres et employeacutees Une reacuteelle reacutenovation des

grands ensembles et donc la disparition des ghettos devraient srsquoinscrire outre les possibiliteacutes

de patrimonialisation partielle agrave des fins de valorisation symbolique et sociale non neacutegligeable

(Bertier 2010) dans une vision globale de production de la ville en reacutepondant aux enjeux de

reacuteduction eacutenergeacutetique de respect de lrsquoenvironnement de manque de logements et de mixiteacute

sociale reacutesidentielle (Merlin 2010) Lrsquourbanisme durable (densiteacute et compaciteacute constructive)

doit alors srsquoadapter aux enjeux de mixiteacute sociale et de mobiliteacute spatiale des plus modestes en

instaurant des mesures diverses lrsquoinstauration drsquoune laquo aide agrave la pierre personnaliseacutee raquo aux

constructeurs innovante ayant effet de supprimer la segmentation entre logement aideacute et non

aideacute lrsquoeacuteleacutevation des contraintes drsquoobligation de construction de logements accessibles dans

les communes en manquant la diversification sociale et ethnique des attributions de

logement social et enfin la promotion drsquoun modegravele moderne de forme urbaine la ville

compacte diversifieacutee comportant des petites formes serreacutees (petits immeubles collectifs et

maisons individuelles avec jardins aligneacutees et deacutetacheacutees mais proches avec les eacutequipements

multiples et les transports en commun)

Sur le plan des perspectives qursquooffre la fin de notre recherche doctorale il existe plusieurs

directions possibles partant de lrsquoobjet qui a pu ecirctre progressivement construit tout au long des

analyses deacuteveloppeacutees Il peut srsquoagir dans un premier temps de travaux sur le processus de

production sociale et politique des ghettos franccedilais depuis le dernier quart du XXe siegravecle Les

acteurs concerneacutes peuvent ecirctre preacuteciseacutement identifieacutes (eacutelus concepteurs urbains architectes

constructeurs commanditaires usagers) et leur trajectoires leurs motivations leurs strateacutegies

drsquoaction et drsquoalliance leurs pratiques concregravetes et leurs repreacutesentations drsquoaction peuvent ecirctre

analyseacutes afin de cerner la part drsquointentions conscientes ou non dans la mise en œuvre de ce

processus Il y aurait par exemple lieu de srsquoinscrire dans la continuiteacute de lrsquoenquecircte de Sylvie

Tissot (2007) sur les laquo reacuteformateurs des quartiers raquo des anneacutees 1980 et 1990 dont lrsquoeffet

pervers de lrsquoaction centreacutee sur la restauration du laquo lien social raquo entre les exclus entre eux et

entre eux et la socieacuteteacute a mis de cocircteacute la reacuteforme des deacuteterminations structurelles de la

production moderne des ineacutegaliteacutes sociales et de la marginaliteacute urbaine avanceacutee Il pourrait

ecirctre interrogeacute les responsables politiques et administratifs centraux les acteurs techniques et

les intellectuels ayant forgeacute et appliqueacute les politiques sociales eacuteconomiques et urbaines des

anneacutees1970 agrave 2000 marqueacutees par la preacutedominance des politiques libeacuterale en France en

matiegravere eacuteconomique et sociale

544544

En outre il nous paraicirct important drsquoobserver lrsquoactualiteacute de la situation des ghettos actuels sous

le quinquennat du nouveau preacutesident de la Reacutepublique Franccedilois Hollande socialiste

reacuteformateur proche de lrsquoancien Premier ministre Michel Rocard ayant au tournant des anneacutees

1990 reacutealiseacute lrsquoinstitutionnalisation de la politique de la ville (creacuteation du ministegravere de la Ville

et creacuteation de la Deacuteleacutegation interministeacuterielle agrave la ville) dans sa version de lutte contre

lrsquoexclusion sociale au niveau local Alors que les situations sociales se sont radicaliseacutees dans

les ZUS ghettoiumlseacutees au cours des anneacutees 2000 au regard de lrsquoemploi du niveau de vie et de la

santeacute et que les effets de la crise financiegravere de 2008 se poursuivent encore quelle sera

lrsquoaction gouvernementale en la matiegravere Quelles seront les eacutevolutions sociales dans les zones

ayant deacuteclineacute radicalisation des tensions et des laquo conduites de ghetto raquo ou en parallegravele ou en

substitution solidariteacutes eacutetendues et fortes capables de socialisation innovante et drsquointeacutegration

sociale

Dans un deuxiegraveme temps des perspectives de recherche peuvent srsquoengager en termes de

comparaison internationale concernant la formation de ghettos drsquoexclus et de preacutecaires au

moins au niveau europeacuteen et au plus dans un plus grand nombre de grandes socieacuteteacutes urbaines

agrave eacuteconomie avanceacutee et ouverte (Japon Canada Australiehellip) selon des modaliteacutes tant

speacutecifiques qursquoarticuleacutees entre elles notamment par le biais des institutions et des organismes

internationaux de coopeacuteration Dans chacun de ces pays quelles sont les formes historiques

sociales et spatiales plus ou moins reconnues des espaces urbains marginaliseacutes ou en deacuteclin

social proches de la notion de ghetto moderne et quelles en sont les modaliteacutes de production

en lien avec la domination de lrsquoideacuteologie libeacuterale

Sur un plan plus fondamental il serait possible de se demander si ce nrsquoest pas en raison de

lrsquourbanisation quasi complegravete de toutes les socieacuteteacutes modernes jusque dans les modes de vie

hors milieu urbain que les ghettos apparaissent comme une modaliteacute drsquoordre spatial de plus

en plus significative des rapports et des formes de domination des classes ouvriegraveres et

employeacutees crsquoest-agrave-dire des groupes peu qualifieacutes dans des systegravemes sociaux ouverts agrave

lrsquoeacuteconomie mondialiseacutee En drsquoautres termes est-ce en fonction de lrsquourbanisation croissante

que les ghettos se deacuteveloppent de plus en plus nettement dans les pays inscrits dans

lrsquoeacuteconomie mondiale Le pendant de ses formes urbaines dans les pays moins avanceacutes mais

inscrits dans lrsquoeacuteconomie mondialiseacutee seraient les bidonvilles en expansion (Marchal Steacutebeacute

2008) forme de ghetto urbain du bas de lrsquoeacutechelle socio-spatiale avec lrsquoexistence agrave lrsquoautre

bout de zones reacutesidentielles riches et closes de cadres du priveacute ou de fonctionnaires de haut

niveau inscrits dans les activiteacutes mondiales de production Plus largement on peut aussi se

545545

poser la question de savoir srsquoil existe des pays modernes sans ghettos et pour quelles raisons

drsquoordre social et politique (place du libeacuteralisme chez les responsables nationaux degreacute de

seacutegreacutegation dans le modegravele social niveau eacuteleveacute de protection sociale formes urbaineshellip)

La part des institutions internationales dans les orientations politiques en cause pourrait ecirctre

eacutegalement eacutetudieacutee en identifiant les acteurs individuels et collectifs leurs actions et leurs

repreacutesentations vis-agrave-vis de cette question

Certainement lrsquoensemble de ces axes de questionnement se chevauchent srsquoenglobent en

partie et se croisent en des points multiples Ils permettent autant drsquoenrichir les theacuteories

urbaines cherchant agrave apporter des grilles de lecture aux pheacutenomegravenes observeacutes que de

srsquointeacuteresser agrave aborder sous des formes nouvelles les grandes questions drsquoanalyse

sociologique qui se croisent ou se distinguent avec lrsquoeacutevolution des formes et des modes de vie

sociale Certaines peuvent ecirctre citeacutees en lien avec cette recherche produite sans exclusive sur

drsquoautres questions lieacutees agrave drsquoautres objets en appreacutehendant les relations entre le local et le

global ideacuteologies politiques et modaliteacutes des rapports sociaux en geacuteneacuteral et dans le

deacuteveloppement des villes systegraveme drsquointeacutegration sociale mode de production eacuteconomique et

urbain et mode de vie locale relations entre les territoires locaux les groupes sociaux

lrsquoEacutetat et les institutions internationales ou encore gouvernance des villes organisation

politico-administrative nationale et internationale et processus drsquourbanisation Tous ces

exemples de thegraveme reacutevegravelent en partie lrsquoimportance du lien entre les processus drsquoorganisation

et drsquointeacutegration sociales et les formes spatiales et notamment urbaines des parcours

individuels et collectifs qui en deacutecoulent si les dynamiques urbaines deacutependent en grande

partie des dynamiques sociales globales ou locales les premiegraveres peuvent en ecirctre lrsquoenjeu

preacutedominant en lien avec des enjeux globaux et locaux diffeacuterents comme le rapport agrave

lrsquoenvironnement la deacutepense eacutenergeacutetique lrsquoefficaciteacute du systegraveme productif et de la protection

sociale et lrsquoeacutegaliteacute des chances sociales

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547547

Liste des Sigles

ALE Agence locale pour lrsquoemploi

ALF Allocation logement agrave caractegravere familial

ALS Allocation logement agrave caractegravere social

AME Aide meacutedicale drsquoEacutetat

ANAH Agence nationale drsquoameacutelioration de lrsquohabitat

ANPE Agence nationale pour lrsquoemploi

ANRU Agence nationale de la reacutenovation urbaine

APL Aide personnaliseacutee au logement

ASSEDIC Association pour lrsquoemploi dans lrsquoindustrie et le commerce

BAC Brigade anti-criminaliteacute

BIT Bureau international du travail

CDC Caisse des deacutepocircts et consignations

CDD Contrat agrave dureacutee deacutetermineacutee

CDI Contrat agrave dureacutee indeacutetermineacutee

CEA Commissariat agrave lrsquoeacutenergie atomique

CESR Conseil eacuteconomique et social reacutegional

CFF Creacutedit foncier de France

CIAM Congregraves international drsquoarchitecture moderne

CIV Comiteacute interministeacuteriel des villes

CUCS Contrat urbain de coheacutesion sociale

CCAS Centre communal drsquoaction sociale

CMP Centre meacutedico-psychologique

CMU Couverture meacutedicale universelle

CNIS Conseil national de lrsquoinformation statistique de lrsquoINSEE

COS coefficient drsquooccupation des sols

DATAR Deacuteleacutegation interministeacuterielle agrave lrsquoAmeacutenagement du Territoire et agrave lAttractiviteacute Reacutegionale

DGF Dotation globale de fonctionnement

DIV Deacuteleacutegation interministeacuterielle agrave la ville

DSQ Deacuteveloppement social des quartiers

DSU Deacuteveloppement social urbain

EPCI Eacutetablissement public de coopeacuteration intercommunale

EHPAD Eacutetablissement drsquoheacutebergement pour personnes acircgeacutees deacutependantes

FAU Fonds drsquoameacutenagement urbain

FIAT Fonds interministeacuteriel agrave lrsquoameacutenagement du territoire

GPV Grand projet de ville

GPU Grand projet urbain

HBL Houillegraveres du Bassin de Lorraine

HBM Habitation bon marcheacute

HLM Habitation agrave loyer modeacutereacute

ILN Immeuble agrave loyer normal

INED Institut national des eacutetudes deacutemographiques

INSEE Institut national de la statistique et des eacutetudes eacuteconomiques

IRIS Icirclots regroupeacutes pour lrsquoinformation statistique

LEN Logements eacuteconomiques normaliseacutes

LEPN Logements eacuteconomiques de premiegravere neacutecessiteacute

LOV Loi drsquoorientation pour la ville

LOADT Loi drsquoorientation pour lrsquoameacutenagement et le deacuteveloppement du territoire

LOGECO Logements eacuteconomiques

LOPOFA Logements populaires et familiaux

LPN Logements de premiegravere neacutecessiteacute

MJC Maison des jeunes et de la culture

MPT Maison pour tous

MRU Ministegravere de la Reconstruction et de lrsquoUrbanisme

OCDE Organisation pour la coopeacuteration et le deacuteveloppement eacuteconomique

ODAS Observatoire national de lrsquoaction sociale deacutecentraliseacutee

OER Observatoire eacuteconomique reacutegional

OPAC Office public drsquoameacutenagement et de construction

ONU Organisation des Nations-Unies

ORU Opeacuteration de reacutenovation urbaine

PADOG Plan drsquoAmeacutenagement et drsquoOrientation Geacuteneacuterale (de la reacutegion parisienne)

PALULOS Prime agrave lrsquoameacutelioration des logements agrave usage locatif et agrave occupation sociale

PAH Prime agrave lrsquoameacutelioration de lrsquohabitat

PAP Precirct agrave lrsquoaccession agrave la proprieacuteteacute

PNRU Programme national de reacutenovation urbaine

PIB Produit inteacuterieur brut

PLA Precirct locatif aideacute

PLH Programme local de lrsquohabitat

PLIE Plan local drsquoinsertion par lrsquoeacuteconomi(qu)e

PLR Programme agrave loyer reacuteduit

PNRU Programme national de reacutenovation urbaine

PRI Programme de reacutesorption de lrsquohabitat insalubre

PSS Programme social speacutecial

PSR Programme social de relogement

RAR Reacuteseau ambition reacuteussite

RLA Reacuteseau local drsquoappui (suivi du RMI)

RMI Revenu minimum drsquoinsertion

REP Reacuteseau drsquoeacuteducation prioritaire

548548

RER Reacuteseau express reacutegional

RSS Reacuteseau laquo reacuteussite scolaire raquo

SCET Socieacuteteacute centrale drsquoeacutequipement du territoire

SCIC Socieacuteteacute centrale immobiliegravere de la Caisse des deacutepocircts et consignations

SCIC Socieacuteteacute civile immobiliegravere de construction

SDAURP Scheacutema directeur drsquoameacutenagement et drsquourbanisme de la reacutegion parisienne

SGAR Secreacutetariat geacuteneacuteral aux affaires reacutegionales

SHON Surface hors œuvre nette

SMIC Salaire minimum interprofessionnel de croissance

SNPA Socieacuteteacute nationale des peacutetroles aquitains

SRU (loi de) Solidariteacute et renouvellement urbains

UDAF Union deacutepartementale des associations familiales

UNAF Union nationale des associations familiales

UNFOHLM Union nationale des feacutedeacuterations des organismes HLM

USH Union sociale pour lrsquohabitat

ZEP Zone drsquoeacuteducation prioritaire

ZFU Zone franche urbaine

ZRU Zone de redynamisation urbaine

ZUP Zone agrave urbaniser en prioriteacute

ZUS Zone urbaine sensible

549549

550550

Annexe

Les onze minima sociaux en France en 2011

(Peacuterigord 2011) Ce sont des revenus conditionnels selon ressources ou contreparties compleacutetifs des autres prestations sociales

- le Revenu de solidariteacute active (RSA)- laquo socle raquo qui remplace depuis 2009 le Revenu minimum drsquoinsertion (RMI) et lrsquoAllocation de parent isoleacute (API) crsquoest ce volet laquo RSA-socle raquo qui est consideacutereacute comme un minimum social il garantit des ressources minimales agrave toute personne active acircgeacutee drsquoau moins 25 ans ou de 18 ans sous condition preacutealable drsquoactiviteacute professionnelle (lrsquoeacutequivalent de deux anneacutees travailleacutees au cours des trois derniegraveres)

- le Revenu de solidariteacute (RSO) speacutecifique aux deacutepartements drsquooutre-mer (DOM) pour les personnes drsquoau moins 55 ans beacuteneacuteficiaires du RSA depuis au moins deux ans qui srsquoengagent agrave quitter deacutefinitivement le marcheacute du travail

- lrsquoAllocation adulte handicapeacute (AAH) pour handicapeacutes au taux drsquoincapaciteacute entre 50 et 80 ne pouvant preacutetendre ni agrave un avantage vieillesse ni agrave une rente drsquoaccident du travail

- lrsquoAllocation de solidariteacute speacutecifique (ASS) pour chocircmeurs aux droits drsquoassurance chocircmage eacutepuiseacutes et qui justifient drsquoau moins cinq anneacutees drsquoactiviteacute salarieacutee au cours des dix derniegraveres anneacutees preacuteceacutedant la rupture de leur contrat de travail

- lrsquoAllocation temporaire drsquoattente (ATA) allocation de chocircmage qui remplace lrsquoallocation drsquoinsertion (AI) reacuteserveacutee aux demandeurs drsquoasile aux apatrides aux anciens deacutetenus libeacutereacutes aux salarieacutes expatrieacutes non couverts par lrsquoassurance chocircmage ainsi qursquoaux beacuteneacuteficiaires de la protection subsidiaire ou temporaire et aux victimes eacutetrangegraveres de la traite des ecirctres humains ou du proxeacuteneacutetisme

- lrsquoAllocation veuvage pour conjoints survivants conjoints survivants drsquoassureacutes sociaux deacuteceacutedeacutes ayant un enfant agrave charge ou eacuteleveacute

- le Minimum invaliditeacute pour les salarieacutes agrave capaciteacute de travailde gain reacuteduite aux 23 au moins

- lrsquoAllocation suppleacutementaire drsquoinvaliditeacute (ASI) pour les titulaires drsquoune pension drsquoinvaliditeacute servie par le reacutegime de seacutecuriteacute sociale au titre drsquoune incapaciteacute permanente

- lrsquoAllocation speacutecifique drsquoattente (ASA) pour chocircmeurs de moins de 60 ans beacuteneacuteficiaires du RSA et de lrsquoASS ayant 40 annuiteacutes drsquoassurance vieillesse

- lrsquoAllocation eacutequivalent retraite (AER) allocation de chocircmage pour les demandeurs drsquoemploi de moins de 60 ans beacuteneacuteficiaires de lrsquoASS ou du RSA pouvant preacutetendre agrave une pension de retraite agrave taux plein (160 trimestres de cotisations verseacutees agrave lrsquoassurance vieillesse) sans pouvoir la liquider lrsquoAER est supprimeacutee au 1er janvier 2011 et continue drsquoecirctre verseacutee aux beacuteneacuteficiaires jusqursquoagrave expiration des droits

- lrsquoAllocation de solidariteacute aux personnes acircgeacutees (ASPA) en remplacement de lrsquoAllocation suppleacutementaire vieillesse pour les personnes acircgeacutees de plus de 65 ans ou de 60 ans en cas drsquoinaptitude au travail et leur assure un niveau de revenu eacutegal au minimum vieillesse

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Reacutesumeacute

En France depuis les anneacutees 2000 des eacutemeutes urbaines hebdomadaires et quasi quotidiennes parfois signent lrsquoaccentuation tant quantitative que qualitative de la ghettoiumlsation des secteurs marginaliseacutes des villes Crsquoest notamment dans les grands ensembles de lrsquourbanisation massive des anneacutees 1950-1970 que le pheacutenomegravene de ghetto moderne peut se deacutefinir Malgreacute des qualiteacutes indeacuteniables de confort et de taille des logements par rapport aux normes drsquoAvant-guerre de nombreuses caracteacuteristiques de production de peuplement et de gestion ont engendreacute un habitat deacutefectueux et dysfonctionnant dont la vie sociale srsquoest caracteacuteriseacutee drsquoabord par lrsquoennui le stress et la marginalisation par rapport agrave lrsquoenvironnement puis agrave partir des anneacutees 1970 par des tensions sociales croissantes relatives agrave la concentration spatiale des meacutenages les plus en difficulteacutes socio-eacuteconomiques Lrsquoanalyse du destin de territoires de grands ensembles agrave une eacutechelle plus large que celle de secteurs internes les plus deacutegradeacutes comme celui de leurs communes drsquoappartenance (sept communes de grands ensembles eacutetudieacutees) montre que les divers aspects de la ghettoiumlsation se mesurent sous des formes convergentes agrave ces secteurs malgreacute des attributs urbains plus eacuteleveacutes (activiteacutes ameacutenagements et eacutequipements divershellip) Les processus de deacutegradation mateacuterielle eacuteconomique sociale et symbolique que connaissent ces petites villes eacutevoquent un deacuteclin social urbain notion agrave partir de laquelle est abordeacutee la seacutegreacutegation sociale qui en est un pheacutenomegravene causal multiforme Lrsquoeacutelargissement du peacuterimegravetre drsquoappreacutehension de la deacutegradation sociale des espaces permet drsquoaborder le concept de deacuteclin social urbain entre son cadre ideacuteologique et politique ses ressorts psychosociologiques et la multipliciteacute de ses manifestations au niveau institutionnel et des pratiques sociales La seacutegreacutegation sociale et urbaine des cateacutegories les moins qualifieacutees signifient alors leur marginalisation du systegraveme socio-eacuteconomique leur releacutegation spatiale dans des zones peu valoriseacutees et mal geacutereacutees leur ineacutegal accegraves aux eacutequipements drsquointeacutegration et de promotion sociale ainsi que la stigmatisation de leur habitat et leur eacutevitement par les cateacutegories supeacuterieures notamment du priveacute en recherche drsquoentre-soi pour se preacuteserver du deacuteclassement social Ce qui contribue agrave eacutetendre le champ des manifestations des ineacutegaliteacutes sociales de lrsquoespace tant que le deacuteclin social des espaces reacutesidentiels les moins valoriseacutes continuera agrave se produire en raison de la hausse des conduites seacutegreacutegatives en milieu urbain

  • Avertissement
  • Thegravese
    • Introduction
    • Des exclus dans les grands ensembles cause de leur deacuteclin ou modaliteacute spatiale de la seacutegreacutegation sociale
      • Chapitre I
      • Lrsquoexclusion socio-eacuteconomique depuis les anneacutees 1970 un premier signe de la seacutegreacutegation sociale moderne
        • A- Le contexte de lrsquoexclusion un reacutegime politique neacuteolibeacuteral
        • B- Analyses sociales politiques et sociologiques de lrsquoexclusion
        • C- Les effets eacuteconomiques et sociaux de lrsquoexclusion
          • Chapitre II
          • Le deacuteclin des grands ensembles effet et modaliteacute spatiale de la seacutegreacutegation sociale persistante des moins qualifieacutes
            • A- Exclusion releacutegation spatiale et laquo ghettoiumlsation raquo dans les grands ensembles
            • B- Des politiques de la ville et sociales territorialiseacutees inefficaces
            • C- Lacunes institutionnelles ghettoiumlsation et deacuteclin social urbain
            • D- Le deacuteclin social des communes de grands ensembles un effet drsquoune modaliteacute spatiale de la seacutegreacutegation sociale
                • Les Ulis au tournant des anneacutees 2000 les signes du deacuteclin social au sein drsquoun espace de classes moyennes
                  • Chapitre III
                  • Les Ulis du grand ensemble pour une laquo ville nouvelle raquo au peuplement en difficulteacutes
                    • A- Preacutesentation geacuteneacuterale de la commune
                    • B- Lrsquoobservatoire local un dispositif strateacutegique de recueil de donneacutees multiples
                    • C- La structure sociodeacutemographique et eacuteconomique deacuteclinante de la population
                      • 1 La dynamique de deacutecroissance deacutemographique plus de deacuteparts faibles deacutecegraves et naissances et vieillissement
                      • 2 La sous-moyennisation de la population
                          • Chapitre IV
                          • Des signes importants de preacutecariteacute drsquoexclusion et de tensions sociales
                            • A- La demande de logement social indicateur de releacutegation socio-spatiale locale
                            • B- Preacutesence importante de la preacutecariteacute socio-eacuteconomique
                              • 1 Un chocircmage laquo officiel raquo faible et fluctuant selon les sources
                              • 2 Une estimation de lensemble des sans emploi et sous-employeacutes de la ville
                                • C- Une importante population issue de lrsquoimmigration
                                  • 1 De lrsquoimmigration agrave la population ethnique
                                  • 2 La laquo population ethnique raquo aux Ulis une population preacutecaire de lrsquoimmigration surtout dans lrsquohabitat social
                                    • D- Inseacutecuriteacute eacuteleveacutee de voisinage et dans lrsquoespace public violence preacutedation et drogue
                                      • 1 La violence et les preacutedations constateacutees par la police et drsquoautres acteurs locaux
                                      • 2 Violences et deacutesordres nombreux dans la plupart des espaces de la ville
                                      • 3 Lrsquousage et la vente de drogue tregraves reacutepandus
                                        • Des villes de grands ensembles en milieu rural et peacuteriurbain des situations sociales neacutegatives
                                          • Chapitre V
                                          • Des grands ensembles diffeacuterents dans des contextes spatiaux varieacutes
                                            • A- Un grand quartier drsquoune petite ville en croissance continue Pierrelatte (Gard)
                                            • B- Une grande Citeacute agrave lrsquoeacutecart des villes et du village communal Fareacutebersviller (Moselle)
                                            • C- Une grande Citeacute en peacuteripheacuterie drsquoune petite ville et agrave lrsquoeacutecart du village communale Behren-legraves-Forbach (Moselle)
                                            • D- Une petite laquo Ville nouvelle raquo agrave distance des villes et du village communale Mourenx (Pyreacuteneacutees-Atlantiques)
                                            • E- Plusieurs quartiers drsquoune petite ville Bagnols-sur-Cegraveze (Gard)
                                            • F- Une grande laquo Ville nouvelle raquo entre deux villages proche drsquoune grande ville Rillieux-la-Pape (Rhocircne)
                                              • Chapitre VI
                                              • La similitude des situations et des dynamiques sociales neacutegatives sous des formes varieacutees
                                                • A- Des univers sociaux et urbains contrasteacutes mais modestes
                                                • B- La deacutecroissance deacutemographique post-construction des grands ensembles
                                                • C- Lrsquoamplification de la deacute-densification et du vieillissement des meacutenages
                                                • D- Une population plus ouvriegravere et deacuteconnecteacutee du travail
                                                • E- Violence et inseacutecuriteacute dans les relations sociales
                                                    • Des milieux soumis agrave la seacutegreacutegation sociale et urbaine
                                                      • Chapitre VII
                                                      • Les communes de grands ensembles eacutetudieacutees des milieux tendus compliquant lrsquointeacutegration sociale
                                                        • A- Pauvreteacute culturelle preacutecariteacute eacuteconomique et violence dans les grands ensembles
                                                          • 1 Pauvreteacute eacuteconomique et culturelle dans des contextes urbains diffeacuterents
                                                          • 2 Une ambiance laquo lourde raquo drsquohabitation
                                                          • 3 Des institutions laquo deacutepasseacutees raquo par les difficulteacutes et la violence
                                                            • B- laquo Ghettoiumlsation raquo des espaces et des conduites sociales un processus affectant les zones de grands ensembles
                                                              • 1 Un processus structurel la laquo ghettoiumlsation des ghettos raquo traditionnels et des espaces marginaliseacutes
                                                              • 1 Une redeacutefinition du ghetto adapteacutee monde contemporain
                                                              • 2 Du ghetto au deacuteclin social urbain des communes de grands ensembles
                                                                  • Chapitre VIII
                                                                  • Les deacuteterminants productifs et sociaux du deacuteclin des grands ensembles
                                                                    • A- Constructions deacutefectueuses urbanisme inadapteacute et deacuteveloppement urbain deacutefavorable aux grands ensembles
                                                                      • 1 Historique sociale et politique de la construction des grands ensembles
                                                                      • 2 Des deacutefauts multiples de production urbaine et drsquohabitat
                                                                      • 3 Eacutevolution des espaces reacutesidentiels et de la fonction des grands ensembles
                                                                        • B- Deacuteclin des grands ensembles et logiques politiques et sociales seacutegreacutegatives
                                                                          • 1 La deacutetermination politique et eacutetatique de la laquo crise raquo des grands ensembles
                                                                          • 2 La logique seacutegreacutegative des rapports sociaux aux grands ensembles
                                                                          • 3 La spirale des seacutegreacutegations sociales et urbaines
                                                                          • 4 Reacutenovation des grands ensembles de lrsquoobjectif de mixiteacute aux effets de la seacutegreacutegation urbaine
                                                                            • Communes en deacuteclin et seacutegreacutegation en hausse la logique sociale drsquoune forme drsquoineacutegaliteacute spatiale
                                                                              • Liste des Sigles
                                                                              • Annexe
                                                                              • Les onze minima sociaux en France en 2011
                                                                              • Bibliographie
                                                                                • Reacutesumeacute
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