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n°53 - mars 2016 ex aequ journal des Magasins du Monde Vie du mouvement Visite de Raymisa Un renouveau à Monthey Dossier Le commerce équitable et les migrations Voix des producteurs Créer des perspectives d’avenir sur place au lieu d’émigrer Le commerce équitable et les migrations Photo : J. Brand

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n°53 - mars 2016exaequjournal des Magasins du Monde

Vie du mouvementVisite de Raymisa

Un renouveau à Monthey

DossierLe commerce équitable et

les migrations

Voix des producteursCréer des perspectives

d’avenir sur place au lieu d’émigrer

Le commerce équitable

et les migrations

Photo : J. Brand

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2ex aequo n°53 - mars 2016

EditorialSommaire

Un éclairage édifiant du Mali

« Le déficit de débat d’idées sur les vrais sujets dont les termes du commerceet l’asymétrie des rapports de force entre nations poussent bien des artisans àémigrer » : la voix d’Aminata Traoré résonne dans ce numéro d’ex æquo, consa-cré aux migrations. Elle nous montre que tout est lié, et que l’artisanat local estmis à mal par l’importation de produits à bas prix. Partout, des personnes sonttouchées par les phénomènes migratoires pour différentes raisons.

Les acteurs du commerce équitable contribuent à consolider des perspectivesd’avenir sur place pour des milliers de petits producteurs, comme les éleveursd’alpagas au Pérou, les ouvrières de l’industrie textile ou les cultivateurs decâpres sur l’île de Pantelleria. En payant nos produits de consommation au prixjuste, contribuons, à notre échelle, à soutenir ces démarches essentielles.

L’équipe de rédaction

Impressum Journal des Magasins du Monde ex aequo n°53 - mars 2016Tirage 800 ex. - 4 parutions par anLorsque la forme masculine est utilisée dans ex aequo,elle désigne aussi bien les femmes que les hommes.Le genre masculin est utilisé sans aucune discrimina-tion et dans le seul but d’alléger le texte.

Editeur Association romande des Magasins du MondeRue de Genève 52 - 1004 LausanneTél. 021 661 27 00 [email protected] - www.mdm.ch

CCP 12-6709-5 - Association Romande des Magasinsdu Monde - 1004 Lausanne

Abonnements 2016Bénévole MdM CHF 30.- Ami CHF 70.- Soutien CHF 110.- Parrainage CHF 360.-

L’équipe de rédactionElisabeth Kopp-Demougeot - Christiane Fischer - AnneMonard - Nadia Laden - Andréa Rajman - ClaudeGauthier-Jaques

Ont collaboré à ce journalJannick Badoux - Elisabeth Piras - Adrienne Wavre -Dominica Ferrandes - Marina Martin Curran - ToyaKrummenacher

PhotosJannick Badoux - claro fair trade - Fair Trade TownEZA / MAWI - CADA - Duhou Helga - Sandro MarcacciMercifair - tem pimenta - markatino - Manos yCorazón - Dominica Ferrandes - Girolomoni - FashionRevolution - J.-Brand (couverture)

Maquette et graphismeAtelier Diaphane

Lectorat Daniel et Elisabeth Devaud

ImpressionPapier recycléCentre d'impression Le Pays SA, Delémont

Envois postaux Magasin du Monde Delémont

mercifair vous présente sa nouvelle collection de bijouxréalisés en câble de téléphone, chaque pièce est faite à lamain par les artisans du projet uSiSi Design d’Afrique duSud.

Sur cette photo, la collection de bracelets, funs et colorés :Une bien jolie manière d’être branché !

Editorial 2

La vie du mouvementUn renouveau à Monthey 3Une visite réchauffante des 4hauts plateaux péruviensGlaris Nord est la première 5Fair Trade Town de Suisse !

DossierDes murs, des barbelés 6ou des prix justes ?Ce sont nos enfants 7Plus de justice dans les relations 9commerciales, une solution à la migration

La voix des producteursCréer des perspectives d’avenir 11sur place au lieu d’émigrer

La recetteOrecchiette à la ricotta 13

Le produitDites-le avec du chocolat ! 14

Action citoyenneUne révolution indispensable 15pas comme les autres

Equigeste n° 23 16Agenda

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La vie du mouvement

ex aequo n°53 - mars 2016

A l'occasion de ses 30 ans d'histoire,le magasin de Monthey déménage !

L'histoire du magasin de Monthey dé-bute en 1986 : des dames bénévolesactives tiennent un stand le mercredi etle samedi matin dans une rue piétonnede la ville, une à deux fois par mois. Ellesvont chercher leur marchandise aumagasin de Saint-Maurice, ouvert 7 ansauparavant.Le grand magasin "Placette" donne troiscaddies pour aider au transport de lamarchandise de la voiture jusque sur lestand.L'idée germe dans l'esprit des bénévolesd'ouvrir un magasin. Marie-Noëlles'adresse à la Commune de Montheypour trouver un local. Malheureusementcette dernière ne peut rien lui proposer.Le groupe ne baisse pas les bras etentreprend d'intenses recherches : il dé-nichera un local à la rue du Marché, trèsbien placé. Il nécessite cependant unpetit rafraîchissement.

Une multitude d'idées et d'initiatives per-sonnelles permettront de réunir les fondsnécessaires pour envisager l'ouverturerégulière du magasin. Un plan financierest établi pour pouvoir entreprendre lestravaux (Fr. 2'500.-) et acheter le fondsde commerce (Fr. 1'500.-). Des entreprises font des dons en naturepour la réfection du local. Des mainshabiles et généreuses se mettent au tra-vail. Les premières bénévoles se propo-sent de prêter de petites sommes d'ar-gent pour l'achat du fonds de commerce.Un courrier est envoyé aux associationset commerces régionaux afin de complé-ter le montant.On établit une première liste de béné-voles potentielles, où l'on trouve déjà lesnoms de Célinda et Gerda, ouvrières dela première heure, et toujours présentes.Quelle motivation!

Deux dames déjà actives à Martigny etSion soutiennent de leurs conseils l'ou-verture de l'enseigne montheysanne, quia lieu en novembre 1987. En 1993 lemagasin déménage à la rue du Com-

merce. Local idéalement placé, au centreville, que les bénévoles occuperont pen-dant plus de 20 ans.

En 2015, le propriétaire des lieux leursignifie que le bâtiment sera désaffectél'année suivante, et qu'elles doivent parconséquent trouver un nouveau local.Cette déveine donnera un nouveau souf-fle d'énergie et de motivation à toutel'équipe. La perle rare est dénichée nonloin de là, claire et vaste, et disposantd'une grande cave. Les bénévoles termi-nent l'année dans l'ancien magasin, etprogramment le déménagement après lapériode des fêtes.

On donne un petit coup de peinture colo-rée avant d'emménager progressive-ment dans le nouveau local, le mardi 5janvier. Le mobilier et les articles encom-brants et lourds sont transportés par lacamionnette du fils d'une bénévole. Lereste suivra, peu à peu, au rythme del'inventaire. Encore quelques détails àrégler, une étagère par ci, un spot par là,et le tour est joué !Profitons de remercier chaleureusementles maris pour leur aide super efficace !

Le vendredi 8 janvier les clés de l'ancienlocal sont restituées, et le mardi 12 jan-vier l'équipe de bénévoles était prête àaccueillir les premiers clients dans sonnouveau royaume !

Jannick Badoux

Un renouveau à Monthey

Le nouveau magasin à l’avenue du Crochetan 2Photos : Jannick Badoux

L’ancien magasin à la rue du Commerce 3

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Les alpagas n’ont plus de secret pourOrlando Vasquez, qui en connaît lesdifférents types, les meilleuresméthodes d’élevage, les moindresnuances de couleur et toute la gammede qualité de laines. Il travaille maindans la main avec les éleveurs de larégion de Cuzco, à plus de 4000mètres d’altitude. La première étapede son travail a été d’informer les éle-veurs de la juste valeur de la laine d’al-paga et de leur donner des moyens denégocier leurs prix en toute connais-sance de cause. Car il existe plusieursqualités de laine ayant chacune un prixspécifique, la plus prisée et la pluschère étant la «baby alpaga».Contrairement à ce qu’on pourrait pen-ser, celle-ci ne provient pas de «bébés»alpagas, mais de la première tonte desalpagas adultes. La qualité de la lainedépend aussi de la manière dont lesalpagas sont élevés et tondus, ce quiest enseigné aux éleveurs au traversde formations sur place. La deuxièmeétape a été de soutenir des ateliers decouture pour produire les lainages.Selon la qualité du fil, celui-ci est soitcousu, soit tricoté, soit crocheté. Lesateliers de production sont situés en

périphérie de Lima et ont été consti-tués dès les années 1980 pour donnerun travail décent aux familles ayant fuiles conflits armés. La troisième étapeconcerne la commercialisation des lai-nages dans les circuits du commerceéquitable. Orlando est très actif au seinde l’Organisation mondiale du com-merce équitable et entretient des rela-tions étroites avec claro fair trade etd’autres organisations du commerceéquitable, en Allemagne notamment.

Grâce à son invitation en Suisse parclaro, Orlando a pu partager avecbeaucoup d’enthousiasme son expé-rience et ses connaissances avec lesbénévoles des Magasins du Monde,qui ne voient désormais plus du mêmeœil les articles en alpaga de leurmagasin : il s’agit en effet d’articlesuniques, issus d’un savoir-faire trèspointu et d’une chaîne de production etde commercialisation offrant desconditions de vie digne tant aux éle-veurs qu’aux artisans et couturiers.Des articles qui réchauffent le cœur,même à la fin de l’hiver et lors des fri-mas printaniers !

Christiane Fischer

Au début de l’hiver, les bénévoles des Magasins du Monde ont eu la chance de rencontrer Orlando Vasquez, représentant deRaymisa, une organisation de producteurs de produits en alpaga et en coton à Cuzco, Puno et Ayacucho au Pérou.

Une visite réchauffante des hauts plateaux péruviens

La vie du mouvement

Photos : claro fair trade, Orlando Vasquez en plein travail

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Glaris Nord démontre avec son enga-gement pour le commerce équitable savision en faveur d'une politique dedéveloppement et fait œuvre de pré-curseur pour d'autres communessuisses. Plusieurs villes et communessont déjà en lice pour la distinction. Swiss Fair Trade, l'association faîtièredes organisations suisses du com-merce équitable, a distingué la com-mune de Glaris Nord en tant que FairTrade Town. C'est ainsi qu'est récom-pensée la première Fair Trade Town deSuisse pour son engagement en faveurdu commerce équitable. Avec cette distinction, la communeGlaris Nord soutient la promotion ducommerce équitable ainsi que desachats publics socialement et durable-ment responsables. Désormais, parexemple, les employés de l’administra-tion dégusteront du café ou du thééquitables durant la pause, mais passeulement. L’offre en produits équita-bles s’agrandira également dans lesécoles, les EMS, les associations, lesrestaurants et les magasins. Le secteurprivé va également renforcer son enga-gement pour sa clientèle et ses colla-borateurs. Au final, les habitants deGlaris Nord auront davantage de possi-bilités de s’engager pour le commerceéquitable. En tant que première FairTrade Town de Suisse, cette communede Suisse orientale prend un rôle depionnière en matière de politique dedéveloppement au même titre queRome, Bruxelles, Copenhague ouSaarbrücken. Glaris Nord envoie sur-tout un signal fort pour que d'autrescommunes suisses s'engagent pour lecommerce équitable et briguent la dis-tinction Fair Trade Town.

Une deuxième commune, Zweisimmen,sera également bientôt distinguée.Cette commune de l’Oberland bernoisdémontre un sérieux engagement pour

le commerce équitable et la réductionde la pauvreté. En tant que petite com-mune, Zweisimmen montre surtoutque nous pouvons changer les chosesen Suisse et que tous – aussi les com-munes de plus petite taille – peuvent ycontribuer.

Tobias Meier, président de Swiss FairTrade, félicite les deux communes :« Nous sommes très heureux que jus-tement ces deux communes soient dis-tinguées en premier. Glaris Nord etZweisimmen démontrent que la dis-tinction Fair Trade Town s'adresse àtoutes les villes et communes, indé-pendamment de leur taille ou organisa-tion. » Swiss Fair Trade se réjouit de distin-guer de nombreuses autres villes etcommunes en 2016. Près de 15 com-munes sont en lice pour devenir desFair Trade Town, dont des grandesvilles mais aussi des communes pluspetites. En Suisse romande, grâce àl’engagement du Magasin du Mondesitué dans sa vieille ville, Delémont estune sérieuse candidate, tout commeGenève ou Carouge, entre autres !

Toya Krummenacher

La campagne Fair Trade Town a déjà fait des milliers d’adeptes au niveau international. L'idée est de rendre visible et devaloriser l'engagement des villes et des communes pour le commerce équitable. Depuis le 12 février, la Suisse compte elleaussi une Fair Trade Town !

Glaris Nord est la premièreFair Trade Town de Suisse !

La vie du mouvement

Photos : Fair Trade Town

Boules de Berlin à la confiture de mangue équitable

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Dossier

Une multitude de raisons poussent les personnes à migrer à court, moyen ou long terme. Trop souvent, il s’agit de laperte des moyens d’existence qui induit une migration dans le simple but de survivre. En réponse, des murs et des bar-belés de dissuasion sont bien souvent érigés. Or, des alternatives existent. La première consiste à tout faire pour garan-tir une vie décente à tout un chacun, à tout moment et en tout lieu.

Des murs, des barbelésou des prix justes ?

1 Sur les ondes de La 1ère, RTS, 11 novembre 2015

les changements climatiques, lesconflits armés et les instabilités poli-tiques viennent encore exacerber lephénomène.

Dans le commerce qu’ils pratiquent,les Magasins de Monde sensibilisentaux déséquilibres économiques deplus en plus prononcés et donnent desclés de compréhension sur leurscauses. Ils construisent et consolidentdes partenariats commerciaux justeset durables, donnant de nouvellesperspectives à des producteurs et arti-sans pour vivre dignement et envisa-ger leur futur sereinement. En militantpour une répartition juste des valeurssur la chaîne de production, ils cher-chent à réduire les inégalités et lesrapports de pouvoir pour permettre àchacun et chacune de vivre digne-ment. De nombreux exemples voussont présentés en pages 9 et 10.Soutenir ces filières commerciales estune manière de consolider des pers-pectives d’avenir sur place.

Un commerce mondial basé sur l’ex-ploitation n’aboutira qu’à une précari-sation des moyens de subsistance et àla réduction des alternatives autresque la migration. Eriger des murs etdes barbelés tout en continuant àexploiter les populations qui, précisé-ment pour cette raison, entament unemigration n’est pas viable. Œuvrons aucontraire pour des relations commer-ciales justes et rémunératrices pourtous ! Soutenons également la luttecontre les accords de libre-échange etles projets politiques tels que l’initiative«Pour une souveraineté alimentaire»,qui demande entre autres la fin dessubventions à l’exportation de produitsagricoles et de denrées alimentaires sidévastatrices pour les économieslocales des pays du Sud.

Christiane Fischer

Photo : EZA / MAWI

Photo : CADA

« Pour développer un pays, il fautacheter ses matières premières à leurjuste valeur1» observe FrancisKpatinde, ancien porte-parole du Haut-Commissariat de l’ONU aux réfugiés.Or, dans une économie de marchédans laquelle les prix payés aux pro-ducteurs sont simplement trop bas, lavie ne peut être décente.

La course vers les bas prix précarisedes milliers de travailleurs, que ce soitdans les secteurs minier, agricole outextile. L’accaparement des terres et lasurpêche industrielle entraînent laperte des moyens de subsistance pourdes familles entières de paysans et depêcheurs.

Les marchés agricoles locaux sontégalement fragilisés par le déferlementde produits importés à bas prix, du faitdu subventionnement massif des pro-duits d’exportation des pays du Nord :les poulets congelés européens ven-dus à prix cassés sur les marchés afri-cains, ruinant la production locale,n’en sont qu’un exemple. Tous ces élé-ments aggravent la précarisation desmoyens de subsistance de ceux qui enont le plus besoin. Selon les contextes,

Photo : Duhou Helga, Laos tea

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Dossier

Chercheuse en sciences sociales, Aminata Traoré a enseigné à l’Institut d’ethnosociologie et tra-vaillé pour plusieurs organisations régionales et internationales. Militante altermondialiste, elles’engage dans le combat contre le libéralisme, qu’elle considère comme responsable du maintiende la pauvreté au Mali et en Afrique en général. Nous la remercions d’avoir répondu à nos ques-tions sur les migrations.

À la suite du dramatique naufragedu 18 avril 2015 au large de laSicile, vous avez écrit une lettre*émouvante à Yayi Bayam Diouf, quia perdu son fils dans un naufrageil y a quelques années. Deux para-graphes de cette lettre sont titrésconsécutivement : « ce sont nos en-fants » et « ce sont leurs richesses».Il y a une grande injustice qui sedégage de ces évidences. Je dis « ce sont nos enfants » poursituer le combat sur le terrain desfemmes qui voient, malgré elles,partir leurs enfants et en souffrentterriblement.

Je dis « ce sont nos richesses » pourrappeler que ceux et celles qui émi-grent dans les conditions épouvan-tables que nous déplorons auraientpu vivre dignement chez eux sil’Europe forteresse et inconséquenten’était pas dans une logique deconvoitise des richesses du conti-nent à travers le modèle d’un déve-loppement économique mortifèrequ’elle impose à nos États et desinterventions militaires qui aggra-vent la situation. Les migrants saventpeu de choses de ces réalités. Ilspassent beaucoup de temps devantle petit écran, où les médias leurenvoient les images d’un monded’abondance auquel ils voudraientavoir accès. Totalement déboussolés,nombreux sont ceux qui disent qu’iln’y a pas d’alternative au départ.

Pillage des ressources par lessociétés transnationales, accapa-rement des terres, surpêcheindustrielle, et sur le plan écono-mique, dette, plans d’ajustementstructurels, accords de libre-échange qui tuent le marchélocal: par quoi commencer pourbriser cette spirale infernale ?

Il faut commencer par changer deparadigme de développement et departenariat au développement. Enavons-nous le droit ? Nos pays sontendettés au-delà de leur capacité deremboursement dans le cadre d’unmodèle économique qui enrichit lesmultinationales et prend les peupleset leurs dirigeants en otages Nosefforts d’industrialisation ont étéétouffés dans l’œuf. Tel a été le casdu Mali.

Le phénomène inédit du chômagemassif des jeunes qui a commencédans les années 80 est allé de pairavec l’émigration qui, avant d’êtreclandestine, est d’abord forcée. J’ensuis le témoin oculaire : au fur et àmesure que la fonction publique,sous la houlette du Fonds MonétaireInternational, cessait de recruter lesjeunes diplômés, ceux-ci ont consti-tué la catégorie des jeunes diplôméssans emploi pendant que ceux qui,venus du milieu rural où l’agriculturene nourrit pas son homme, atten-daient aussi d’avoir du travail. Alors,ils ont commencé à émigrer, enmajorité, vers d’autres pays africainsdont la Libye. L’agression et la des-truction de ce pays est pour beau-coup dans le gonflement des fluxmigratoires vers l’Europe qui devraitse poser davantage de questions surelle-même au lieu de montrer dudoigt les passeurs qui ne font queprofiter du chaos engendré par lesfauteurs de guerre.

Au lieu de reconnaître sa part consi-dérable de responsabilité dans lacrise migratoire, l’Europe laisse éga-lement entendre que l’Afrique a étéaidée en vain alors que « l’aide » dontil s’agit, elle, a souvent servi à cor-rompre et à baliser la voie aux entre-prises étrangères.

*Paru dans «Le Monde diplomatique» septembre 2015, p.28

Photos : libres de droit

Ce sont nos enfants

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Le commerce équitable est néavant les années 80, avant lesplans de restructuration. Dès 1964,à la conférence des Nations-Uniespour le développement, des acteursrevendiquaient déjà «du commerce,pas de l’aide».Est-ce que vous avez des exem-ples de commerce équitableautour de vous et que pensez-vousde cette solution alternative ?Le souci d’équité, l’éthique enmatière de commerce, sont desnotions très importantes. Je regrettetout simplement que cette approchereste marginale. Elle est très peuconnue ici, mis à part les milieuxmilitants. Quand je suis en visite enEurope je vois des boutiques rem-plies de produits d’ici et d’autresrégions du sud. J’en suis contente.Je me suis investie moi-même dansla création à partir de matériauxlocaux et ai ouvert une galerie-res-taurant. Je l’ai fait d’abord pour ren-dre compte de la possibilité d’amé-liorer la qualité des produits et decréer un environnement où il fait bonvivre. L’éducation du regard desMaliens sur eux-mêmes et sur leurpays est l’objectif que je vise.

« Trade not aid » est, certes, impor-tant, mais en termes de solidaritéses promoteurs auraient pu lui don-ner un ancrage local plus solide encoopérant davantage avec lesacteurs sociaux et culturels locaux,soucieux d’équité et d’alternativesau modèle économique dominant. Lapublicité mensongère et l’inondationdes marchés africains de produitsmanufacturés bas de gamme entra-vent les initiatives solidaires. Lastructure du marché national estessentiellement composée, surtout àBamako, de fripes, de déchets despays industrialisés, avec tout ce quecela comporte comme asphyxie del’artisanat local et de la créativité. Le

commerce équitable, depuis sacréation et pendant 40 ans, auraitpu être une alternative à cette ten-dance, s’il avait pu trouver unancrage local plus solide.

Ici, en Suisse romande, il y a millebénévoles qui travaillent dans 40magasins qui vendent du café, duriz, du chocolat, et les projetsfonctionnent, même si cela restecertainement anecdotique auniveau de la quantité.Non ! Ce n’est pas anecdotique sur-tout dans le contexte actuel où ledéveloppement inégalitaire engen-dre tant de malheurs et de souf-frances. Il faut juste se donner lesmoyens d’un ancrage local plus fortdont le temps est assurément venu.

Le déficit de débat d’idées sur lesvrais sujets dont les termes ducommerce et l’asymétrie des rap-ports de force entre nations pous-sent bien des artisans à émigrer ouà rejoindre les rangs de BokoHaram, d’AQMI ou d’autres réseauxdjihadistes. Tout est lié. Mais lesacteurs politiques n’ont pas envied’aller si loin dans l’analyse del’état du monde global.

Au lieu de se fourvoyer sur ladéchéance de nationalité, la Franceaurait dû poser la question de l’insé-curité sous l’angle du modèle dedéveloppement qu’elle nous imposeet qui exclut et humilie.

Le silence sur la dimension écono-mique des questions migratoires etsécuritaires vise à entretenir l’illu-sion d’une économie africaine enpleine croissance, alors que toutprouve qu’il s’agit d’une dynamiquequi n’a pas d’incidence sur l’emploi,la première bombe à désamorcer.

Propos recueillis par Nadia Laden

Photos : libres de droit

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Au Burkina Faso, en Thaïlande, en Inde, en Colombie ou au Pérou, les fournisseurs des Magasins du Monde donnent des pers-pectives d’avenir à des milliers de producteurs. Acteurs importants d’une chaîne commerciale véritablement rémunératrice,ils consolident, à leur échelle, des alternatives à une potentielle migration vers les centres urbains ou vers des destinationsplus lointaines. Voici de quelle manière.

ex aequo n°53 - mars 2016

Dossier

Plus de justice dans les relations commerciales,

une solution à la migration

AU BURKINA FASODans les années 1980, le BurkinaFaso a connu une importante migra-tion vers les régions où s’est déve-loppé un marché du travail rémunérécomme dans les grandes villes duBurkina Faso et de la Côte d’Ivoire.Les femmes sont de plus en plusimpliquées dans la migration de tra-vail, la migration pour l’éducationfait son apparition et l’urbanisationrégulière est alimentée par la migra-tion rurale-urbaine. Depuis lesannées 2000, on assiste à un impor-tant mouvement de retour dû auxdifficultés politiques en Côted’Ivoire.Le Centre Ecologique AlbertSchweizer (CEAS) et le Comptoir desartisans d’ici et d’ailleurs (CADA),sont deux associations qui, à leuréchelle, contribuent à créer et main-tenir des emplois sur place auBurkina Faso. Depuis 1980, le CEASinnove pour proposer en Afrique destechniques et des formations créa-trices d’emplois respectueux del’environnement. Avec leur appui,des milliers de paysans, d’artisanset de micro-entrepreneurs peuventbâtir un avenir durable pour leurfamille. Leurs projets reposent surdes recherches appliquées inno-vantes, développées avec les popu-lations locales, telles que le séchagede fruits, la production de beurre dekarité ou l’énergie solaire.L’objectif du CADA est de créer unréseau de distribution commercialqui valorise le travail des artistes etartisans des pays du sud vers lenord. Ainsi, le CADA soutient l’artisa-nat et le savoir-faire de nombreuxpays du Sud actuellement mis à malpar de nombreux facteurs liés à lamondialisation. Le CADA soutientpar exemple des artisans qui réali-sent des meubles et des articlesdécoratifs très originaux au BurkinaFaso.

EN THAILANDEJusque dans les années 1990, laThaïlande est un pays stable entermes de migration, avec de petitesvagues d’émigration (-100'000 per-sonnes) et plus grandes vaguesd’immigration (+1'000'000 per-sonnes), pour arriver aujourd’hui àune nouvelle stabilité. Si l’émigrationn’est pas importante, c’est parceque la Thaïlande est un pays riche,qui a connu peu de conflits. Parmiles immigrés, il y a par exemple denombreux représentants de la mino-rité ethnique des Karen, persécutésen Birmanie. Pour offrir des pers-pectives économiques et d’intégra-tion à cette population, dont 10%vivent en Thaïlande, Mercifair et sonpartenaire Südsinn, ont perpétué unprojet de formation à l’argenterie quiavait été mis en place par la reine deThaïlande. Ce sont essentiellementdes femmes qui sont formées et quiréalisent de magnifiques bijoux enargent, importés par Südsinn partouten Europe et distribués en Suissepar Mercifair.Quant à claro, ils travaillent avec lacoopérative Green Net, pour produireavec environ 675 petits agriculteursdes variétés de riz certifiées bio, dulait de coco et des noix de cajou.Green Net permet aux petits produc-teurs de s’adapter aux nouvellesconditions climatiques et d’augmen-ter la productivité de leurs parcellesde façon à pouvoir subvenir à leurspropres besoins, tout en produisantpour le marché local. Par un revenustable et décent et le développementd’une agriculture biologique, lespopulations rurales trouvent ainsiune alternative à la migration versles centres urbains.

Photo : Sandro Marcacci, formation à la vente du CEAS

Photo : CADA, un meuble pas comme les autres

Photo : Mercifair, bijoux de Südsinn

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EN INDEL’Inde est le deuxième pays le pluspeuplé du monde après la Chineavec 17.5% de la population mon-diale. La migration a été très impor-tante à la fin du 19e et au début du20e siècle vers les Etats-Unis etl’Angleterre, puis a diminué. Nousassistons aujourd’hui de nouveau àune forte émigration, essentielle-ment vers l’Angleterre, ainsi qu’àune importante migration interne.tem pimenta, notre nouveau fournis-seur de textiles, travaille en Indeavec l’atelier Jacobswell certifié parla World Fair Trade Organisation, quigarantit le respect des principes ducommerce équitable. Cet atelier per-met à de nombreuses femmes dedevenir indépendantes financière-ment, d’aider leur famille et d’avoirde meilleures perspectives d’avenir.Certaines sont originaires de la côteouest, à quelques centaines de kilo-mètres de Bangalore, près deMadras. Elles ont migré à Bangaloresuite aux ravages du tsunami 2004.A l’époque, Jacobswell a organiséune formation professionnelle enbroderie à Chennai pour les femmesfragilisées par cette catastrophenaturelle. Certaines sont retournéesdans leur village de la côte, enrichiesde ce savoir-faire qui leur a permisune nouvelle source de revenu, alorsque d’autres ont migré à Bangaloreafin de travailler pour Jacobswell quileur a offert de bonnes conditions detravail.

EN COLOMBIELa Colombie connaît une longuepériode d’émigration entre 1960 et1992, due à des facteurs écono-miques et des conflits intérieurs. Lesprincipaux pays d’accueil sont leVenezuela, les Etats-Unis, ainsi quel’Espagne, l’Equateur et le Panama.Actuellement, 5% des Colombiensvivent à l’extérieur de leur pays. Un des fournisseurs des Magasinsdu Monde, markatino, travaille avecl’artisanat colombien et garantit des

conditions de travail équitables surle long terme. markatino commer-cialise notamment des articles encuir et des bijoux en Tagua (ou ivoirevégétal). La revalorisation de cettematière première a des consé-quences majeures pour la région,comme la préservation des palmiersà tagua de la déforestation et l’assu-rance d’un revenu vital à d’innom-brables personnes.

AU PEROUL’émigration a commencé au Péroudans les années 70 pour atteindreson apogée en 2007 avec 300'000personnes. Les Péruviens ont com-mencé par fuir la guerre civile duSentier Lumineux, pour ensuite sim-plement fuir la pauvreté et aller versdes pays qui leur offrent de meil-leures conditions économiques etsociales. 11% des Péruviens viventhors des frontières du Pérou, princi-palement en Argentine et aux Etats-Unis.Le projet Manos y Corazón, créé en2014, est de développer des rela-tions commerciales justes et dura-bles entre certaines régions ruralesdu Pérou et la Suisse romande etainsi améliorer la qualité de vie deses artisans-partenaires. Ce projetinclut la création d’un fond finançantdes primes aux artisans et des for-mations encourageant le regroupe-ment d’artisans péruviens, souventtentés de délaisser leur métier pourtrouver un meilleur revenu ailleurs.

Tous ces projets et bien d’autres quesuivent les Magasins du Mondedémontrent que la pratique d’uncommerce juste influe sur la migra-tion. La revalorisation des filièresartisanales et l’assurance de débou-chés commerciaux stables et rému-nérateurs offrent une alternative autravers de projets concrets et a pourconséquence de diminuer la ten-dance de migrer vers d’autresrégions ou pays.

Adrienne Wavre

Photo : tem pimenta, collection printemps-été 2016

Photo : markatino, noix et bijoux de tagua

Photo : Manos y Corazón, hiboux en céramique

Photo : tem pimenta, la couturière Kanchana de l’atelier Jacobswell

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La voix des producteurs

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Créer des perspectives d’avenir sur place

au lieu d’émigrerDepuis une vingtaine d’années, claro fair trade importe des câpres BIO produites à Pantelleria, une toute petite île admi-nistrée par la province sicilienne de Trapani. Plus proche des côtes tunisiennes que de l’Italie, elle ne se situe pas sur la route habituelle des migrants. A part quelquesTunisiens, en général de jeunes hommes qui se voient renvoyés immédiatement dans leur pays, seuls 200 rescapés d’unbateau provenant de Libye y ont accosté en 2011. Après avoir été accueillis pendant un mois, la plupart sont repartis versd’autres horizons.

Pantelleria, une île anciennementprospère et autonome…Pantelleria doit son origine et sa configu-ration à des éruptions volcaniques pré-historiques. Faute de grandes surfacescultivables, les habitants ont construit,sur les pentes des cratères éteints, d’in-nombrables champs en terrasses, abritésdes vents par de petits murs de pierresèche. Malgré la sécheresse due auxpluies trop rares et aux vents omnipré-sents, la bien nommée “fille du vent”bénéficie d’une fertilité extraordinaire etprésente une très grande diversité deplantes : céréales, légumes, divers typesde raisins dont la variété Zibibbo particu-lièrement douce et savoureuse, câpriers,oliviers, arbres fruitiers… Appréciés pour leur excellente qualité,les produits agricoles de Pantelleria ontconstitué pendant longtemps la princi-pale source de revenu de la population.Mais suite au développement de l’agri-culture industrielle dans d’autres régionsd’Italie et de l’Union européenne, à lachute des prix agricoles ainsi qu’à ladévalorisation sociale du travail agricole,la plupart des familles ont abandonné lemétier d’agriculteur ; quelques-unes gar-dent leurs terres par respect de leursancêtres, d’autres comme source derevenu complémentaire. Mais de nom-breuses personnes, surtout des jeunes,ont quitté – et continuent de quitter –l’île. Ainsi, la population de Pantelleriacompte aujourd’hui quelque 7’800 per-sonnes; à la fin de la deuxième guerre onen dénombrait encore plus de 12’000…

... qui s’est muée en terre d’exil Certes, depuis quelque temps, l’essor dutourisme sur cette île encore peu connuemais prisée par qui souhaite découvrirune destination insolite, semble ouvrir denouvelles opportunités de revenu et, parconséquent, des perspectives d’avenir.

Mais ces opportunités sont de très courtedurée car les touristes n’affluent qu’enjuillet et août, et pour le reste de l’année,il faut vivre de ses réserves ou chercherson gagne-pain ailleurs... Miser sur letourisme pour “booster“ l’économielocale s’avère donc – ici comme ailleurs– un leurre et non pas une échappatoireà l’exode. Longtemps prospère et autonome, l’îlede Pantelleria est désormais une desrégions les plus défavorisées d’Italie etdu Sud de l’Europe. Paradoxalement, lavie y coûte bien plus cher qu’ailleurs enItalie, car la grande majorité des biens deconsommation doivent être importés parbateau ou par avion bien que l’île disposede ressources nourricières. Mais fauted’être entretenus, les murs et terrassesqui protégeaient les champs s’effon-drent, et les terres en friche sontgagnées par le maquis.De plus, les prix immobiliers et fonciersont excessivement augmenté. La créa-tion d’infrastructures touristiques en estune des causes, l’implantation de plu-sieurs grandes entreprises vinicoles sici-liennes qui se sont mises à exploiter desvignobles de l’île, une autre. Par ailleurs,le prix du Zibbibo, le raisin prestigieux del’île dont on tire un vin blanc liquoreux dumême nom, a énormément chuté, ce quipousse ceux qui ont gardé quelquesvignobles pour bénéficier d’un revenucomplémentaire, à émigrer à leur tour...

“Nous souhaitons donner un exem-ple” (Dominica Ferrandes)Pourtant, il est possible de changer ladonne, d’autant plus quand le commerceéquitable apporte son soutien...L’exemple de la famille Ferrandes en estla preuve! De fait, une des seules familles surPantelleria qui continuent à vouloir vivresur place et à assurer sa subsistance par

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le travail de la terre, c’est la familleFerrandes qui produit les câpres BIOimportées par claro. Depuis la fin desannées 80, ces „irréductibles“ cherchentà faire face à la situation économiqueextrêmement difficile, et aux contraintesdes politiques agricoles.Pratiquant, depuis longtemps, lesméthodes de l’agriculture paysanne BIO,ils produisent sur leurs trois hectaresaussi bien des aliments nécessaires àleur subsistance que des „cultures derente“, en particulier des câpres et desraisins Zibibbo destinés à la productiondu vin homonyme. Dans le but de béné-ficier aussi de la plus-value du produitfini, ils transforment leurs récoltes parleurs propres soins, sur la base desanciens savoir-faire et avec des infra-structures conformes aux normes euro-péennes de plus en plus exigeantes enmatière d’hygiène. Au fil des ans, les Ferrandes ont réussi,grâce à leur persévérance, à leur cou-

rage et à leur détermination à montrerl’exemple, à consolider et à élargir – len-tement mais sûrement – leur projet. Lescommandes de claro – en lente maisconstante augmentation – et le prixrémunérateur du commerce équitable ycontribuent de façon décisive. Car si lesFerrandes devaient se limiter à vendreleurs produits au prix faible imposé par lecommerce conventionnel, en l’occur-rence par la coopérative locale ou parquelques grossistes étrangers, leursefforts ne seraient pas payés à leur justevaleur…

Récemment, un jeune de la région arejoint la famille pour partager sa passionde travailler la terre, s’initier au métier etlancer son propre projet. L’espoir desFerrandes de donner l’exemple porte,enfin, des fruits !

Elisabeth Piras avec la collaboration etles photos de Dominica Ferrandes

Les câpres, c’est quoi au juste ? Le câprier – un arbrisseau épineux au tronc très court et pourvude nombreuses branches touffues, aimant les murs ensoleillés etl’aridité des rochers – pousse dans tout le bassin de laMéditerranée à l’état sauvage; depuis l’antiquité, il est cultivé dansplusieurs régions puisque ses boutons floraux, les câpres, sont fortappréciés pour leur saveur et leur arôme et utilisés dans de nom-breux plats de la cuisine méditerranéenne. La récolte se fait de mai à fin juillet, sous un soleil de plomb. Lesboutons floraux qui n’ont pas encore éclos sont délicatement enle-vés à la main. Tous les 2, 3 jours, de nouveaux boutons sont prêtsà être récoltés.

Qu’implique la certification BIO des “Capperi di Pantelleria” ?Pour la production des câpres des Ferrandes, seuls des engrais etinsecticides BIO sont utilisés. La certification BIO est assurée parCODEX. En tant que membre d’IFOAM (International Federation ofOrganic Agriculture Movements), cette organisation italienne decertification effectue ses contrôles selon des critères aussi bienécologiques que sociaux.

Que se passe-t-il après la récolte ? Une fois cueillies, les câpres doivent être rapidement traitées; enséchant, elles perdent en effet une bonne partie de leurs qualitésgustatives. Aujourd’hui, les câpres que l’on trouve dans le com-merce, sont en général conservées soit dans du sel ou dans unesaumure soit dans des solutions contenant des agents de conser-vation. Il en va tout autrement pour la production des câpres dePantelleria, vendues dans les Magasins du Monde suisses. Afin desauvegarder et de valoriser un ancien savoir-faire, les Ferrandesutilisent une méthode laborieuse (salage, lavage, tri, égouttage)transmise de génération en génération, qui requiert beaucoup detravail, de temps et de patience mais qui permet de consommerles câpres pendant au moins un an, même si aucun agent deconservation n’a été employé.

Comment arrivent-elles en Suisse ? Suite à une commande de claro, les câpres sont acheminées, envrac, par voie maritime puis terrestre. Leur mise en bocaux estassurée en Suisse par un atelier de personnes handicapées.

Photos : libres de droit

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Orecchiette à la ricotta

Recette pour 4 personnes

Les produits notés en gras sontdisponibles dans les Magasins du Monde

400g d'Orecchiette de semoule de blé dur Girolomoni®

4 feuilles de basilic150g de ricotta300g de coulis de tomates une moitié d'oignonhuile d'oliveselpiment

PréparationHacher la moitié d'oignon et le faire revenirdans une poêle avec de l'huile d'olive.Ajouter le coulis de tomates, le basilic etlaisser bouillir une dizaine de minutes enajoutant sel et piment. Ajouter la ricotta etbien mélanger avec la sauce. Cuire les orecchiette pendant 9 minutesdans de l'eau salée, les égoutter et lesmélanger dans la poêle avec la sauce.Laissez-les s'imbiber de sauce pendantquelques minutes. Servir chaud etsaupoudrer de parmesan.

OptionsAjouter à la sauce les câpres de Pantelleria !

La recette

Le blé dur bio utilisé pour les pâtes Girolomoni est cultivé exclusivement par despetits paysans. Pour préserver tous les nutriments et substances sapides, leséchage s'effectue lentement et en douceur, à des températures basses. Grâceà leur structure rugueuse, ces pâtes Bronze retiennent particulièrement bien lasauce et prennent davantage de goût.

Photo : Girolomoni, orecchiette alla ricotta

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Le produit

Source et photo : claro fair trade

Les occasions de dire « merci » ne manquent pas. Etpourquoi pas avec le chocolat MERCI de claro ? Ce déli-cieux chocolat noir bio et équitable, saupoudré d’éclatsde framboises, est un excellent moyen d’exprimer votregratitude. La tablette est moulée à la louche chez un arti-san chocolatier de l’Emmental, puis saupoudrée de fram-boises avant d’être soigneusement emballée à la main.Les meilleurs ingrédients du commerce équitable, alliésau savoir-faire suisse, donnent un chocolat de premièrequalité, sans conservateurs ni lécithine de soja. Sousforme de tablette de 80 grammes, il se glisse aisémentdans une enveloppe et peut, si le chocolat à lui seul n’estpas assez explicite, être accompagné d’une jolie carteissue du commerce équitable sur laquelle vous pourrezinscrire tous les mots de remerciement de votre choix.Car un mot – et un chocolat – aimables sont comme unjour de printemps !

Dites-le avec du chocolat !

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Action citoyenne

Fashion Revolution est un mouvement s’étendant à 81 pays à travers le monde.Il s’agit d’une plate-forme mondiale ouverte à tous pour poser des questions,relever les normes et aider l’industrie de la mode à établir ce que « mieux »signifie.

Une révolution

indispensable

Fashion Revolution, c’est quoi ?Le mouvement est composé de créa-teurs de mode, marques et griffes,magasins, fabricants, presse, universi-taires, organisations et ONG plaidanttous pour une réforme systématique dela chaîne de manufacture des vête-ments. Fashion Revolution met en com-mun les meilleures pratiques au niveaude chaque maillon de la chaîne demanufacture. Consciente des contrain-tes et de la complexité de l’industrie dela mode, Fashion Revolution veut être lavitrine pour des solutions durables etréalistes.

Et le Fashion Revolution Day ?Chaque année, Fashion Revolutionlance une nouvelle campagne abordantcertains des problèmes les plus pointusde l’industrie de la mode. FashionRevolution veut donner une visibilitéaux travailleurs les plus vulnérables dela chaîne de manufacture et sommerl’industrie de faire MIEUX, en donnantl’exemple de ceux qui ont déjà com-mencé à créer un futur meilleur pour lamode.

Fashion Revolution Day, le 24 avril, ras-semblera des magasins, des boutiques,les créateurs de mode et les marques,la clientèle, la presse et les journa-listes, les activistes et de nombreuxautres acteurs. Après le succès obtenul’an dernier, Fashion Revolution Day estdestiné à devenir un évènement annuelet mondial de grande portée.

Pourquoi cette date ?Le 24 avril 2013, 1133 personnes ontété tuées lors de l’effondrement del’usine de Rana Plaza à Dacca,Bangladesh. Un nombre encore plusimportant fut blessé. Malgré l’horreurdu désastre, peu d’améliorations ontété apportées depuis et il y a toujoursaujourd’hui un très grand nombre de

travailleurs qui souffre directement desméthodes et moyens utilisés dans lachaîne de manufacture des vêtements.

Fashion Revolution Day proclame “Çasuffit comme ça”! Nous voulons mon-trer au monde qu’un changement de lacondition des travailleurs est possible.

Qu’essayons-nous de changer ?Nous ne connaissons pas le véritablecoût des vêtements que nous achetons.La chaîne de manufacture n’est pastransparente et les fabricants sont deplus en plus anonymes. Tout autour duglobe, des vies et l’environnement sontmis en péril. Le but de FashionRevolution est de rendre meilleure laqualité de vie de tous ceux qui, deschamps de coton aux ateliers de cou-ture, travaillent de longues heures etsont peu rémunérés, souvent dans desconditions malsaines et dangereuses.

Nous voulons que les gens se posentla question : Qui a fait mes vêtements ?#whomademyclothes ?La réponse devrait être simple, maisune enquête récente indique que 48%des marques ne pouvaient remonter lachaîne et retrouver les usines où leursvêtements étaient fabriqués et 91%ignoraient l’origine des matières pre-mières utilisées. Nous devons reconsti-tuer les connections brisées de lachaîne de manufacture, car une plusgrande transparence est la conditionpréalable pour améliorer le sort des tra-vailleurs.

Marina Martin Curran

Nous vous encourageons à suivre nosactivités sur les réseaux sociaux, nousvous ferons part des activités qui aurontlieu pendant la semaine du 18 avril 2016par ce biais. N’hésitez pas à prendrecontact avec nous si vous souhaitez vousimpliquer dans Fashion Revolution Day.tem pimenta, marque partenaire desMagasins du Monde et de FashionRevolution, présentera sa nouvellecollection lors d’un défilé le 23 avril auThéâtre les Halles à Sierre. Plus d’in-formations sur www.tempimenta.com

Rejoignez-nous le 24 avril 2016 pour Fashion Revolution DayTrouvez plus d’infos sur : fashionrevolution.org/country/switzerland/ www.facebook.com/fashionrevolutionsuisseTwitter @fash_revsuisse Instagram @fash_rev_suisse

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Equigeste n° 24

ex aequo n°53 - mars 2016

Le commerce équitable permet à plus de 10 millions de personnes de vivre décemment,dans plus de 70 pays.

Abonnement 2016 : je m’abonne à ex æquo à titre de Bénévole 30 CHF Membre soutien 110 CHFAMI des Magasins du Monde 70 CHF Parrain/Marraine 360 CHF

Je règle la somme au moyen d’un bulletin de versement à l’adresse suivante :Association romande des Magasins du MondeRue de Genève 52, 1004 Lausanne, CCP 12-6709-5

Nom ______________________________________________________

Prénom ____________________________________________________

Adresse ____________________________________________________

Code postal - Localité __________________________________________

Bulletin à retourner à l’adresse ci-dessus avec votre règlement. 53

1-31 mars : Festival du Film Vert www.festivaldufilmvert.chStands Magasins du Monde à Orbe 12 et 13 mars et à Monthey 19 et 20 mars

8 mars : Journée mondiale de la femme

15-22 mars : Festival du Sud à Neuchâtel et à La Chaux-de-Fonds avec stands Magasins du Monde www.passioncinema.ch/festival-du-sud/

14 mai : Journée mondiale du commerce équitable

Agenda

Je participe !Photo : claro fair trade