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THESE présentée à L’UNIVERSITE BORDEAUX 1 ECOLE DOCTORALE DES SCIENCES CHIMIQUES par Marie BONNET pour obtenir le grade de DOCTEUR SPECIALITE : PHYSICO-CHIMIE DE LA MATIERE CONDENSEE ************************ LIBERATION CONTROLEE DU MAGNESIUM PAR DES EMULSIONS DOUBLES : IMPACT DES PARAMETRES DE FORMULATION ************************ Thèse dirigée par M me Maud CANSELL et co-dirigée par M. Marc ANTON Soutenue le 26 novembre 2008. Devant la commission d’examen formée de : M. Fernando LEAL-CALDERON Professeur, Université Bordeaux 1 Président M. Emanuel BERTRAND Maître de Conférence, ESPCI Rapporteur M. Frank BOURY Professeur, INSERM Rapporteur M me Maud CANSELL Professeur, Université Bordeaux 1 Directrice de thèse M. Marc ANTON Directeur de Recherche, INRA, Nantes Co-Directeur de thèse N° d’ordre : 3669

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  • THESE

    présentée à

    L’UNIVERSITE BORDEAUX 1

    ECOLE DOCTORALE DES SCIENCES CHIMIQUES

    par Marie BONNET

    pour obtenir le grade de

    DOCTEUR

    SPECIALITE : PHYSICO-CHIMIE DE LA MATIERE CONDENSEE

    ************************

    LIBERATION CONTROLEE DU MAGNESIUM PAR DES EMULSIONS DOUBLES : IMPACT DES

    PARAMETRES DE FORMULATION

    ************************

    Thèse dirigée par Mme Maud CANSELL et co-dirigée par M. Marc ANTON

    Soutenue le 26 novembre 2008.

    Devant la commission d’examen formée de : M. Fernando LEAL-CALDERON Professeur, Université Bordeaux 1 Président M. Emanuel BERTRAND Maître de Conférence, ESPCI Rapporteur M. Frank BOURY Professeur, INSERM Rapporteur Mme Maud CANSELL Professeur, Université Bordeaux 1 Directrice de thèse M. Marc ANTON Directeur de Recherche, INRA,

    Nantes Co-Directeur de thèse

    N° d’ordre : 3669

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    THESE

    présentée à

    L’UNIVERSITE BORDEAUX 1

    ECOLE DOCTORALE DES SCIENCES CHIMIQUES

    par Marie BONNET

    pour obtenir le grade de

    DOCTEUR

    SPECIALITE : PHYSICO-CHIMIE DE LA MATIERE CONDENSEE

    ************************

    LIBERATION CONTROLEE DU MAGNESIUM PAR DES EMULSIONS DOUBLES : IMPACT DES

    PARAMETRES DE FORMULATION

    ************************

    Thèse dirigée par Mme Maud CANSELL et co-dirigée par M. Marc ANTON

    Soutenue le 26 novembre 2008.

    Devant la commission d’examen formée de : M. Fernando LEAL-CALDERON Professeur, Université Bordeaux 1 Président M. Emanuel BERTRAND Maître de Conférence, ESPCI Rapporteur M. Frank BOURY Professeur, INSERM Rapporteur Mme Maud CANSELL Professeur, Université Bordeaux 1 Directrice de thèse M. Marc ANTON Directeur de Recherche, INRA,

    Nantes Co-Directeur de thèse

    N° d’ordre : 3669

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    Cette thèse a été effectuée au Laboratoire TREFLE site ISTAB (anciennement

    Laboratoire des Milieux Dispersés Alimentaires dirigé par Fernando Leal-Calderon, président du

    jury).

    Je tiens, dans un premier temps, à remercier le conseil régional de l’Aquitaine pour son

    soutien financier qui a permis le développement de ce projet.

    Je remercie messieurs Emanuel Bertrand et Frank Boury d’avoir accepté d’être

    rapporteurs de cette thèse.

    Je voudrais exprimer ma profonde reconnaissance à ma directrice de thèse, Maud Cansell.

    Il est évident qu’une grande partie de ce travail n’aurait pas vu le jour sans ta rigueur, ta

    disponibilité, ta curiosité et tes yeux qui brillent quand tu as de nouvelles idées ! J’ai énormément

    appris auprès de toi, et je pense que je réaliserai plus tard à quel point cet encadrement m’a été

    profitable. Pour tout cela, MERCI.

    Je remercie mon co-directeur de thèse Marc Anton de l’INRA de Nantes. Grâce à la

    confiance que tu m’as accordée, j’ai pu participer à différents congrès, et j’ai beaucoup apprécié

    ton soutien lors de mes présentations. C’est une jolie rencontre tant au niveau professionnel que

    personnel.

    Mes remerciements vont également à Monsieur « Emulsions », Fernando Leal-Calderon.

    Tes compétences scientifiques ont énormément contribué à la gestion de ce projet. Tu as

    également réussi à me consacrer du temps dans ton emploi du temps très serré, et je t’en suis

    grandement reconnaissante.

    Un très grand merci à mon super collègue Julien Monteil. Non seulement j’ai passé de très

    bons moments avec toi, mais j’ai pu compter sur ta grande disponibilité pour résoudre mes divers

    (et nombreux !) problèmes techniques.

  • 6

    Je remercie Elisabeth David-Briand, qui s’est beaucoup investie dans les mesures de

    tensions de surface et d’ITC, et qui a réalisé ces travaux avec rigueur. Ca a toujours été un plaisir

    de venir travailler à l’INRA. Merci à toi, à Valérie, Geneviève et Oscar pour votre accueil.

    Je n’oublie pas Laurence Fonseca pour sa participation lors des mesures de CPG et de

    l’activité de la lipase pancréatique. Mes passages à l’ITERG ont toujours été très agréables grâce

    à votre chaleureuse équipe, malgré des remarques désobligeantes faites sur mes galettes !

    Merci à tous les stagiaires qui ont participé à ce travail, pour leur aide et leur motivation,

    je pense à Julien S., Déborah, Julien D. Merci également à tous ceux qui m’ont permis de

    travailler dans une ambiance plus qu’agréable, Nico, Julien M., Abdallah, Julien S., Margaux,

    Thomas, Fabrice, Manu, Claire, Samy…

    Je tiens à remercier Frédéric Placin d’avoir pris sur son temps pour concevoir un

    programme informatique qui marche !!

    Merci également au personnel de l’ISTAB pour leur entrain et leur bonne humeur, je

    pense notamment à Laurence, Sandrine, Nathalie, Maya, Bruno, Roland, Elise...

    Je voudrais remercier également mes proches. Tout d’abord mon Nico pour me permettre

    d’être si épanouie aujourd’hui, Charlotte et Anne-Laure pour leur soutien inconditionnel, mes

    parents pour TOUT, et tous les autres : Fil, Finou, Mathieu, le ptit chinois, les chtis, Noémie,

    Pierre & Maïté, mon Momo, mon Lulu, Vincent, Nikolitch, Sara, Jami, an american boy et

    another day… pour tout ce qu’ils me donnent.

    Enfin, merci à Jean-Louis Bobet, qui m’a donné le goût de la recherche il y a déjà

    quelques années, et sans qui je ne me serais peut être pas orientée dans cette voie.

    Encore un grand MERCI à vous tous !!

  • 7

    Table des matières

  • 8

  • Table des matières

    9

    Liste des figures...................................................................................... 13

    Liste des tableaux ................................................................................... 21

    Glossaire ................................................................................................. 25

    Introduction ............................................................................................ 29

    1. Etude bibliographique ..................................................................... 35

    1.1. Propriétés interfaciales des molécules tensioactives ................................ 37

    1.1.1. Tension interfaciale γ ...................................................................... 39 1.1.2. Tensioactifs ....................................................................................... 40

    1.1.2.1. Propriétés générales des tensioactifs .............................................................. 41 a) Modification de la tension interfaciale ................................................................... 41 b) Propriétés rhéologiques des interfaces ................................................................... 43 c) Effet Marangoni ..................................................................................................... 45

    1.1.2.2. Tensioactifs polymériques .............................................................................. 45

    1.2. Stabilité des émulsions .............................................................................. 53

    1.2.1. Forces colloïdales .............................................................................. 55

    1.2.1.1. Forces de van der Waals ................................................................................. 55 1.2.1.2. Interactions de déplétion ................................................................................ 57 1.2.1.3. Stabilisation stérique ...................................................................................... 57 1.2.1.4. Stabilisation électrostatique ............................................................................ 60

    1.2.2. Instabilités dans les émulsions ........................................................... 61

    1.2.2.1. Crémage ou sédimentation ............................................................................. 61 1.2.2.2. Floculation ...................................................................................................... 63 1.2.2.3. Coalescence .................................................................................................... 65 1.2.2.4. Mûrissement d’Ostwald ................................................................................. 67 1.2.2.5. Mûrissement de composition ......................................................................... 69

    1.3. Encapsulation dans les émulsions doubles ............................................... 70

    1.3.1. Formulation des émulsions doubles pour l’alimentaire ...................... 71

    1.3.2. Mécanismes de libération des molécules encapsulées ....................... 73

    1.3.2.1. Mécanisme avec rupture de film .................................................................... 73 1.3.2.2. Mécanismes sans rupture de film ................................................................... 75

    1.3.3. Paramètres régissant la cinétique de libération des molécules

    encapsulées ..................................................................................................... 76

  • Table des matières

    10

    1.3.3.1. Paramètres de structure des émulsions doubles ............................................. 76 a) Taille des globules huileux ..................................................................................... 76 b) Fraction volumique en gouttes d’eau ..................................................................... 77

    1.3.3.2. Paramètres de composition des émulsions doubles ........................................ 78 a) Emulsifiants ............................................................................................................ 78 b) Equilibre osmotique ............................................................................................... 79 c) Phase huileuse ........................................................................................................ 81 d) Nature des espèces encapsulées ............................................................................. 82

    2. Matériel et Méthodes ....................................................................... 83

    2.1. Produits ...................................................................................................... 85

    2.2. Préparation des émulsions doubles .......................................................... 89

    2.2.1. Emulsion inverse E/H ....................................................................... 89

    2.2.2. Emulsion double E/H/E ..................................................................... 91

    2.3. Caractérisation des émulsions inverses et doubles .................................. 98

    2.3.1. Microscopie optique .......................................................................... 98

    2.3.2. Diffusion statique de la lumière ......................................................... 98

    2.3.2.1. Principe de la mesure ..................................................................................... 98 2.3.2.2. Méthode .......................................................................................................... 99

    2.4. Etudes des interfaces huile/eau ............................................................... 101

    2.4.1. Tensiomètre à goutte: principe de la mesure .................................... 101

    2.4.2. Méthode .......................................................................................... 103

    2.5. Quantification du magnésium par spectrométrie de flamme ............... 104

    2.5.1. Principe de la mesure ...................................................................... 104

    2.5.2. Méthode .......................................................................................... 105

    2.6. Quantification de la coalescence des gouttelettes internes à la surface des

    globules gras ................................................................................................... 107

    2.7. Calorimétrie de Titration Isotherme (ITC) ........................................... 108

    2.8. Activité de la lipase pancréatique sur les émulsions doubles ................ 111

    3. Résultats et discussion ................................................................... 113

  • Table des matières

    11

    3.1. Impact de la concentration en caséinate de sodium sur la cinétique de

    libération des ions magnésium encapsulés dans des émulsions E/H/E ........ 115

    3.1.1. Introduction ..................................................................................... 115

    3.1.2. M. Bonnet, M. Cansell, F. Placin, M. Anton, F. Leal-Calderon. Impact

    of sodium caseinate on magnesium release from multiple W/O/W emulsions.

    Soumis à Journal of Controlled Release ....................................................... 119

    3.1.3. Principaux résultats et développements ........................................... 155

    3.2. Influence d’une espèce complexante co-encapsulée sur les taux de

    libération d’ions magnésium dans des émulsions doubles E/H/E ................ 160

    3.2.1. Introduction ..................................................................................... 160

    3.2.2. M. Bonnet, M. Cansell, E. David-Briand, M. Anton, F. Leal-Calderon.

    Influence of magnesium complexation on its release rate profiles from multiple

    W/O/W emulsions. Soumis à Food Hydrocolloids. ........................................ 161

    3.2.3. Résumé des principaux résultats ...................................................... 188

    3.3. Encapsulation des émulsions doubles en fonction de la nature de l’huile ..

    .................................................................................................................. 190

    3.3.1. Introduction ..................................................................................... 190

    3.3.2. M. Bonnet, M. Cansell, A. Berkaoui, M.H. Ropers, M. Anton, F. Leal-

    Calderon (2009). Release rate profiles of magnesium from multiple W/O/W

    emulsions. Food Hydrocolloids, 23(1), 92-101 ............................................. 194

    3.3.3. Principaux résultats et développements ........................................... 205

    3.4. Evolution des cinétiques de fuite en fonction de la fraction massique en

    globules gras φg .............................................................................................. 209

    Conclusion et perspectives .................................................................. 221

    Références bibliographiques ............................................................... 227

    Annexes ................................................................................................. 237

  • 12

  • 13

    Liste des figures

  • 14

  • Liste des figures

    15

    Figure 1.1. Représentation schématique des interfaces. 38

    Figure 1.2. Variation de la tension interfaciale avec la concentration en

    tensioactif, où 0γ représente la tension interfaciale sans tensioactif

    (Poré, 1992).

    42

    Figure 1.3. Effet Gibbs-Marangoni. (a) Gradient de tension de surface ; (b)

    Entraînement hydrodynamique (adapté de Becher, 1996).

    44

    Figure 1.4. Structure générale d'un acide aminé et d’une liaison peptidique

    (Gaucheron, 2004).

    46

    Figure 1.5. Structures formées par l’auto association de (A) la caséine β et (B) la

    caséine 1Sα sur la base d’interactions hydrophobe. La caséine β

    forme des structures de type micellaire tandis que la caséine 1Sα

    forme une chaîne de polymère (Horne, 2004).

    48

    Figure 1.6. Représentation hypothétique des 4 états d’agrégation de la caséine β

    en solution à 1 g/L en fonction de la température et de la présence de

    calcium (0 ou 10 mM CaCl2) (Dauphas et al., 2005).

    48

    Figure 1.7. Structures de la caséine β adsorbée à une interface air/eau en

    fonction de la densité surfacique (Rodriguez Niño et al., 1999).

    50

    Figure 1.8. Déformation des protéines adsorbées lorsque l'interface est étirée

    (adapté de Husband & Wilde, 1998).

    50

    Figure 1.9. Représentation schématique des différents types d’émulsion. 52

    Figure 1.10. Définition des principaux rayons de courbure R1 et R2 d’une surface

    en un point (ou d’une manière équivalente des courbures principales

    C1 et C2.

    54

    Figure 1.11. Interaction de déplétion (pour des raisons de clarté, la représentation

    n'est pas à l'échelle) (Asakura & Oosawa, 1958).

    56

    Figure 1.12. Conformations des chaînes de polymères adsorbés aux surfaces ; (a)

    Type "champignon" ; (b) Type "brosse" (adapté de Philip et al., 2003).

    56

    Figure 1.13. Représentation schématique de l’état d’adsorption des caséines. B :

    région hydrophobe ; P : région hydrophile contenant les groupements

    58

  • Liste des figures

    16

    phosphosérines (Horne, 2004).

    Figure 1.14. Potentiel d’interaction DLVO et évolution en fonction de la

    concentration en électrolyte. a) Puits de potentiel ; b) Contrôle de la

    barrière de potentiel (Derjaguin & Landau, 1941).

    62

    Figure 1.15. Mécanismes de rupture d’un film (Leal-Calderon et al., 2007). 64

    Figure 1.16. Schéma de la création d’un trou dans le film d’une émulsion H/E. 66

    Figure 1.17. Représentation schématique des différents mécanismes de coalescence

    pouvant affecter la stabilité d’une émulsion multiple.

    66

    Figure 1.18. Représentation du mûrissement d’Ostwald. 68

    Figure 1.19. Représentations schématiques du mûrissement de composition dans

    les émulsions simples (a) et dans les émulsions doubles (b).

    68

    Figure 1.20. Libération d’un composé hydrosoluble par coalescence des

    gouttelettes internes à la surface des globules dans une émulsion

    E/H/E.

    représente l’espèce encapsulée.

    74

    Figure 1.21. Représentation schématique des différents mécanismes de libération

    sans rupture de film, dans les émulsions doubles E/H/E.

    74

    Figure 1.22. Effet de la pression osmotique sur la déstabilisation d’une émulsion

    double E/H/E (d’après Jager-Lezer et al., 1997).

    80

    Figure 2.1. Schémas de principe de l’émulsificateur « Couette » (adaptés de

    Mabille et al., 2000). 1R représente le rayon du rotor, 2R le rayon du

    stator, ω la vitesse angulaire, V la vitesse de rotation, et e l’entrefer.

    90

    Figure 2.2. Représentation des différentes forces en présence dans l’équilibre

    d’une goutte pendante. 1dF est la force de tension superficielle

    agissant sur l'élément infinitésimal de contour du plan P nommé dl.

    100

    Figure 2.3. Schéma de l’appareillage du tensiomètre à goutte tombante. 1 : le

    banc optique ; 2 : la source lumineuse ; 3 : la cellule de mesure

    thermostatée ; 4 : le pousse-seringue ; 5 : l’optique et la caméra ; 6 :

    ordinateur ; 7 : l’écran de contrôle.

    102

    Figure 2.4. Thermogramme théorique obtenu après titration d’une molécule par

    son ligand. Les données brutes, à gauche, sont intégrées puis lissées

    110

  • Liste des figures

    17

    en une courbe sigmoïde résultante, à droite (Belhomme, 2007).

    Figure 3.1. Libération des ions magnésium à 25°C pour des émulsions doubles

    ‘1,9 / 1,9’, selon le modèle, sans (�) et avec approximation (�).

    154

    Figure 3.2. Libération des ions magnésium à 25°C pour des émulsions doubles

    réalisées à partir d’huile d’olive (a) et de miglyol (b), en présence de 0

    (�), 3,4 (�), 7 (�) et 12 (�) %m de caséinate de sodium dans la

    phase aqueuse externe.

    156

    Figure 3.3. Coefficients de perméation des ions magnésium (× 10-8 L.s-1) en

    fonction de la concentration en caséinate de sodium dans la phase

    aqueuse externe (%m), pour des émulsions doubles à base de miglyol

    (�) et d’huile d’olive (�) à 25°C.

    158

    Figure 3.4. Tracé des données expérimentales pour les formulations à base

    d’huile d’olive, en fonction des variables réduites :

    =

    −=

    ++

    tV

    Pf

    R

    tRLnRY Mg

    m

    Mgm

    m1

    22 )(% . La zone grisée représente l’étendue

    du domaine d’incertitude, sachant que )(% 2+∆ Mg = 10 %.

    158

    Figure 3.5. Hydrolyse des triglycérides par la lipase pancréatique. 192

    Figure 3.6. Coefficients de perméation du magnésium (× 10-8 L.s-1) obtenus après

    modélisation des cinétiques de fuite du magnésium, en fonction de la

    nature de l’huile et de la température de stockage 4°C (�) et 25°C

    (▲).

    206

    Figure 3.7. Tracé des données expérimentales pour les formulations à base

    d’huile de colza, d’huile d’olive, de miglyol et d’oléine, en fonction

    des variables réduites:

    =

    −=

    ++

    tV

    Pf

    R

    tRLnRY Mg

    m

    Mgm

    m1

    22 )(% . La zone

    grisée représente l’étendue du domaine d’incertitude, en supposant

    que )(% 2+∆ Mg = 10 %.

    208

    Figure 3.8. Libération des ions magnésium à 25°C pour des émulsions doubles à

    base d’huile d’olive, en fonction de la fraction massique en globules

    210

  • Liste des figures

    18

    gras : gϕ =10 (�), 30 (�), 50 (�) et 70 (�) %m.

    Figure 3.9. Libération des ions magnésium à 25°C pour des émulsions doubles à

    base de miglyol, en fonction de la fraction massique en globules

    gras : gϕ =10 (�), 30 (�), 50 (�) et 70 (�) %m.

    210

    Figure 3.10. Evolution théorique du paramètre mR en fonction de la fraction

    massique en globules gras gϕ , pour des émulsions doubles

    comportant un complexant (�) ou non (▲) dans leur phase aqueuse

    externe. Caractéristiques des émulsions : 0,1 M de MgCl2 encapsulé ;

    0,3 M de lactose et éventuellement 12 %m de caséinate de sodium

    dans la phase aqueuse externe ; +2MgP = 2 × 10-8 L.s-1 ; K= 1200 M-1 ;

    s = 5 ; zP= -25.

    211

    Figure 3.11. Evolution du ratio entre le nombre total de sites ligands dans la phase

    aqueuse externe et le nombre initial d’ions magnésium encapsulés, en

    fonction de gϕ . Caractéristiques des émulsions : 0,1 M de MgCl2

    encapsulé et 12 %m de caséinate de sodium dans la phase aqueuse

    externe ; s = 5.

    212

    Figure 3.12. Coefficients de perméation du magnésium (× 10-8 L.s-1) permettant

    les meilleures modélisations des fuites en fonction des fractions

    massiques en globules gras, pour les émulsions à base de miglyol (�)

    et d’huile d’olive (�), à 25°C.

    212

    Figure 3.13. Données expérimentales obtenues pour les formulations à base d’huile

    d’olive et de miglyol et présentant différentes valeurs de gϕ , tracées

    en variables réduites:

    =

    −=

    ++

    tV

    Pf

    R

    tRLnRY Mg

    m

    Mgm

    m1

    22 )(%. La zone

    grisée représente l’étendue du domaine d’incertitude, en considérant

    )(% 2+∆ Mg = 10 %.

    214

    Figure 3.14. Données expérimentales obtenues pour les formulations à base d’huile

    d’olive (�) et de miglyol (�) et présentant différentes valeurs de gϕ ,

    216

  • Liste des figures

    19

    tracées en variables réduites :

    =

    −=

    ++

    tV

    Pf

    R

    tRLnRY Mg

    m

    Mgm

    m1

    22 )(%.

    Figure 3.15. Evolution du ratio entre le nombre d’ions magnésium libérés et le

    nombre total de sites de complexation accessibles, pour des émulsions

    doubles à base de miglyol à 25°C, en fonction de la fraction massique

    en globules gras : gϕ = 10 (�), 30 (�), 50 (�) et 70 (�) %m.

    218

    Figure 3.16. Données expérimentales obtenues pour les formulations à base d’huile

    d’olive et de miglyol et présentant différentes valeurs de gϕ , tracées

    en variables réduites:

    −=

    −=

    ++

    tV

    ktPf

    R

    tRLnRY Mg

    m

    Mgm

    m1

    0 )(exp)(% 22. La

    zone grisée représente l’étendue du domaine d’incertitude, en

    considérant )(% 2+∆ Mg = 10 %.

    218

    Figure 3.17. Evolution du coefficient de perméation (× 10-8 L.s-1) pour des

    émulsions à base d’huile d’olive (a) et de miglyol (b), et en fonction

    de la fraction massique en globules gras :gϕ =10 (�), 30 (�), 50 (�)

    et 70 (�) %m.

    219

    Figure 4.1. Tracé de l’ensemble des données expérimentales obtenues pour les

    émulsions doubles formulées : )()(%

    0

    2

    tSfR

    tRLnRY

    m

    Mgm

    m =

    −=

    +

    La zone grisée représente l’étendue du domaine d’incertitude, en

    considérant )(% 2+∆ Mg = 10 %.

    224

  • 20

  • 21

    Liste des tableaux

  • 22

  • Liste des tableaux

    23

    Tableau 1.1. Principales caractéristiques des différentes caséines (d’après

    Gaucheron, 2004 ; Horne, 2004).

    46

    Tableau 1.2. Relation entre le paramètre de forme, la courbure spontanée 0C , la

    forme de la molécule de tensioactif et les structures formées en

    émulsion (d’après Israelachvili, 1991). a0 est la surface optimale de la

    tête polaire, lc est la longueur de la chaîne aliphatique, et v est le

    volume de la molécule.

    54

    Tableau 1.3. Exemples de formulation d’émulsions doubles à visée alimentaire. 72

    Tableau 2.1. Caractéristiques physico-chimiques des huiles utilisées. 86

    Tableau 2.2. Composition molaire (et pourcentages massiques %m) des différentes

    espèces dans les phases aqueuses internes (40 %m) des émulsions

    inverses diluées.

    88

    Tableau 2.3. Taux de cisaillement appliqués (en s-1) pour les formulations des

    émulsions inverses, en fonction des phases aqueuses dispersées et des

    phases huileuses.

    92

    Tableau 2.4. Pressions osmotiques des phases internes et externes pour les émulsions

    doubles.

    93

    Tableau 2.5. Taux de cisaillement appliqués (en s-1) pour les formulations des

    émulsions doubles, en fonction des phases aqueuses dispersées et des

    phases huileuses.

    94

    Tableau 2.6. Emulsions doubles étudiées en fonction de la composition finale en

    caséinate de sodium dans la phase aqueuse externe et de la fraction

    massique en globules gras.

    96

    Tableau 2.7. Pourcentages massiques des différentes espèces dans les émulsions

    doubles finales concentrées (gϕ = 70 %m).

    97

    Tableau 3.1. Composition des émulsions doubles. 117

    Tableau 3.2. Tensions de surface obtenues en fonction de la nature de la phase

    huileuse mesurées en présence de PGPR et/ou de caséinate de sodium.

    206

  • 24

  • 25

    Glossaire

  • 26

  • Glossaire

    27

    Symboles

    a Absorption atomique

    A Aire

    C Concentration molaire

    d4,3 Diamètre moyen des gouttes en volume

    e Entrefer

    ε Coefficient d’absorption atomique

    iϕ Fraction massique ou volumique de la phase i

    γ Tension interfaciale .

    γ Taux de cisaillement

    g Accélération de la gravité

    K Constante d’association du ligand

    l Longueur du trajet optique

    m Masse

    iN Nombre de moles de l’espèce i

    ρ Masse volumique

    p Pression

    iP Coefficient de perméation de l’espèce i

    R Constante des gaz parfaits

    iR Rayon des gouttes i

    mR Pourcentage maximal d’espèces libérées (∞=t )

    0S Vitesse initiale de libération

    T Température

    iµ Potentiel chimique de l’espèce i

    v Vitesse de rotation

    V Volume

    ω Vitesse angulaire

  • Glossaire

    28

    )(% tMg Pourcentage d’ions magnésium libérés à l’instant t

    Abréviations

    CMC Concentration micellaire critique

    CPG Chromatographie en phase gazeuse

    E/H Emulsion eau-dans-huile

    H/E Emulsion huile-dans-eau

    E/H/E Emulsion eau-dans-huile-dans-eau

    IA Indice d’acide

    IP Indice de peroxyde

    PGPR Polyricinoléate de polyglycérol

    SDS Dodécyl sulfate de sodium

    TTAB Tétradécyltriméthyl ammonium

    RMN Résonance magnétique nucléaire

  • 29

    Introduction

  • 30

  • Introduction

    31

    L’encapsulation est une technique qui consiste à inclure un principe actif liquide, solide

    ou gazeux dans une structure spécifique. Cette technologie est utilisée dans des domaines variés

    pour des applications diversifiées : en chimie pour optimiser la dispersion des encres, des

    adhésifs ou des pigments ; en pharmacie car l’encapsulation permet d'améliorer le transport de

    substances hydrophobes à travers les divers compartiments de l'organisme et de diminuer leur

    toxicité vis-à-vis des tissus normaux ; en agriculture pour minimiser les doses d’herbicides ou de

    fertilisants utilisées. En agroalimentaire, l’encapsulation d’arômes et de vitamines est réalisée de

    manière courante. D’autres molécules hydro ou liposolubles, telles que des lipides insaturés ou

    des minéraux, sont aussi encapsulés. Dans ce cas, les objectifs sont variés : protection des actifs

    contre des facteurs délétères (température, lumière, réactifs du milieu…), masquage de goût ou

    d’odeur, amélioration de la biodisponibilité au sein de l’organisme.

    Différents vecteurs d’encapsulation sont utilisés. Les hydrogels sont composés d’un

    réseau de polymères, dont les propriétés dépendent de leur réticulation. Ils peuvent se présenter

    sous une forme filamenteuse, par une suite linéaire d’agrégats ; ou sous une forme particulaire,

    constitués d’agrégats sphériques. Ces systèmes agissent comme des ligands, établissant diverses

    interactions avec les espèces encapsulées. Cependant, les propriétés des hydrogels sont difficiles

    à contrôler sur des échelles de temps variant entre quelques secondes et quelques mois, et sur des

    tailles évoluant de l’échelle nanométrique à l’échelle microscopique. D’autres types de micro ou

    nanoparticules encapsulent des espèces actives en formant une structure cœur-écorce plus ou

    moins complexe. L’intérêt principal de ces matériaux est leur capacité à contrôler la libération

    des substances encapsulées en jouant sur la taille des particules et la nature de la matrice de

    l’écorce. Néanmoins, leur formulation nécessite souvent l’utilisation d’agents organiques ou de

    traitements thermiques, et peut conduire à des problèmes de toxicité ou de destruction des

    espèces encapsulées. Les liposomes, quant à eux, sont des vésicules constituées de bicouches

    phospholipidiques. Ce sont des vecteurs en général biocompatibles qui sont faciles à préparer.

  • Introduction

    32

    Vis-à-vis des actifs hydrophiles, les liposomes présentent cependant l’inconvénient majeur de

    comporter un faible taux d’encapsulation et une faible capacité de rétention de ce type de

    molécules au cours du temps.

    Enfin, une autre voie d’encapsulation possible concerne les émulsions doubles eau-dans-

    huile-dans-eau (E/H/E), encore appelées « émulsions d’émulsions ». Des gouttelettes d’eau sont

    dispersées dans des globules gras, eux-mêmes dispersés dans une phase aqueuse externe. Grâce à

    leur structure compartimentée, les émulsions doubles sont rapidement apparues comme des

    systèmes intéressants de par leur taux d’encapsulation élevé vis-à-vis des composés

    hydrosolubles. Ainsi, de nombreuses études ont été menées sur ces systèmes pour des

    applications cosmétiques et pharmaceutiques, afin d’encapsuler des hormones, des stéroïdes ou

    des antiseptiques. Plus récemment, leur utilisation potentielle dans le domaine agroalimentaire a

    mis en évidence leur intérêt pour l’encapsulation de vitamines ou de probiotiques. Cependant,

    peu de produits à base d’émulsions doubles sont commercialisés à ce jour. En effet, les émulsions

    sont des matériaux métastables qui évoluent vers la séparation complète de la phase huileuse et

    de la phase aqueuse. La destruction des émulsions doubles s’effectue selon différents

    mécanismes, parfois non maîtrisés, qui entraînent la libération des espèces encapsulées et rendent

    l’utilisation industrielle de ces matériaux difficile. De plus, la structure compartimentée nécessite

    l’utilisation de deux tensioactifs de nature différente, ce qui augmente la complexité de leur

    formulation et de leur stabilité.

    L’objectif de cette thèse est donc de maîtriser la stabilité des émulsions doubles au niveau

    morphologique (maintien de la structure compartimentée, diamètres des gouttelettes internes et

    des globules gras inchangés) et au niveau de la libération de l’actif encapsulé. Pour cela, l’impact

    de divers paramètres de formulation, i.e., la nature d’huile, la concentration de l’émulsifiant

    hydrophile, la présence de chélatant, la concentration du magnésium encapsulé et la fraction

    volumique en globules gras, est étudié. Le secteur d’application ciblé étant l’alimentaire, la

    formulation des émulsions doubles passe par l’utilisation d’ingrédients de grade alimentaire. Une

    stabilité sur une période d’un mois et à deux températures couramment utilisées dans l’industrie

    alimentaire (4 et 25°C) est visée. L’actif nutritionnel encapsulé est l’ion magnésium. Cet oligo-

    élément minéral a été choisi car il joue un rôle très important dans de nombreuses réactions

    enzymatiques intracellulaires, dans la synthèse des protéines, la contraction musculaire et la

  • Introduction

    33

    régulation du rythme cardiaque. Actuellement, en France, on estime que 50 à 60 % de la

    population serait déficitaire en magnésium. Les carences en magnésium se manifestent par une

    variété de troubles : faiblesse musculaire, crises tétaniques, diarrhée ou encore vomissements. La

    supplémentation en magnésium est possible par des comprimés, mais il serait intéressant

    d’enrichir directement les aliments. Cependant, l’ajout de cet ion dans la formulation peut

    entraîner des dégradations chimiques par réaction avec d’autres ingrédients du milieu (protéines

    par exemple) ou un goût déplaisant. L’encapsulation du magnésium dans des émulsions doubles

    permettrait de pallier ces inconvénients.

    Ce mémoire se décompose en trois chapitres. Dans une première partie, l’étude

    bibliographique décrit les notions de physicochimie des surfaces, en particulier l’adsorption des

    tensioactifs. Puis, les différentes instabilités des émulsions sont détaillées, suivies d’une

    présentation des mécanismes de libération des espèces encapsulées dans les émulsions doubles.

    Dans la partie Matériel et Méthodes, les diverses méthodes et techniques expérimentales

    utilisées au cours de cette thèse sont présentées. La technique d’émulsification utilisée permet

    d’obtenir des émulsions doubles calibrées assurant ainsi une réponse reproductible des milieux

    dispersés. La caractérisation des émulsions s’effectue à différents niveaux : les interfaces

    huile/eau (tensions interfaciales statique et dynamique), les gouttes et les globules (tailles

    caractéristiques) et la phase aqueuse externe (composition en ions magnésium). Les résultats

    expérimentaux de la partie Résultats et Discussion sont rassemblés dans quatre parties

    distinctes. La première partie porte sur l’impact de la concentration et de la localisation du

    tensioactif hydrophile dans la phase aqueuse interne et/ou externe. La cinétique de libération du

    magnésium est modélisée par un mécanisme de diffusion/perméation et le modèle est confronté

    aux résultats expérimentaux. La deuxième partie met en évidence le rôle de la complexation des

    espèces encapsulées lors de leur libération : trois agents chélatants du magnésium sont utilisés.

    La troisième partie décrit l’impact de la nature de l’huile sur l’encapsulation des substances

    hydrophiles. La stabilité des émulsions doubles suite à des traitements thermiques est abordée,

    ainsi que leur déstabilisation dans des conditions mimant celles du milieu gastro-intestinal. Enfin,

    la dernière partie montre l’influence de la concentration en globules gras sur les cinétiques de

    libération. Les résultats relatifs aux trois premières parties sont présentés dans des articles.

  • Introduction

    34

    Chaque article est au préalable introduit par un résumé des principaux résultats obtenus et suivi

    de résultats complémentaires non publiés.

  • 35

    1. Etude bibliographique

  • 36

  • Etude bibliographique

    37

    De nombreux produits alimentaires se présentent sous la forme d’émulsions huile-dans-

    eau (H/E). Le contrôle de la structure de ces produits passe par la dispersion de la phase huileuse

    et la stabilisation de l’interface huile/eau formée. Cette stabilisation nécessite l’utilisation de

    molécules tensioactives qui, du fait de leur nature amphiphile, vont s’adsorber à l’interface et

    interagir avec la phase huileuse. Ce chapitre présente, dans une première partie, les propriétés

    interfaciales de tensioactifs, notamment celles de tensioactifs polymériques, tels que les protéines

    laitières et le polyricinoléate de polyglycérol (PGPR) qui sont communément utilisés dans la

    formulation des émulsions alimentaires. Dans une deuxième partie, les grands principes de

    déstabilisation des émulsions sont décrits. La troisième partie est focalisée sur un type d’émulsion

    particulier : les émulsions doubles eau-dans-huile-dans-eau (E/H/E) et leurs applications

    potentielles comme vecteurs de molécules hydrosolubles.

    1.1. Propriétés interfaciales des molécules tensioa ctives

    Les systèmes colloïdaux finement divisés, tels que les émulsions, sont caractérisés par la

    surface développée entre deux milieux non miscibles, l’huile et l’eau. La formation de

    gouttelettes d’un liquide dans l’autre conduit à un accroissement de l'interface entre les deux

    phases et s'accompagne d'une augmentation de l'énergie libre totale du système. Les émulsions

    sont donc des systèmes thermodynamiquement instables. Les propriétés de l'interface jouent un

    rôle fondamental dans l'évolution cinétique et les propriétés macroscopiques de ces systèmes.

    Nous allons donc rappeler dans cette partie quelques concepts de physico-chimie des interfaces

    qui seront utiles dans la suite du manuscrit. Nous verrons en particulier les modifications induites

    par l'adsorption de molécules amphiphiles, en focalisant notre attention sur quelques tensioactifs

    couramment utilisés dans la formulation de produits alimentaires.

  • Etude bibliographique

    38

    a) Système réel b) Modèle de Gibbs

    σ interface virtuelle

    Couche interfaciale

    Phase ββββPhase ββββ

    PhaseααααPhaseαααα

    a) Système réel b) Modèle de Gibbs

    σ interface virtuelle

    Couche interfaciale

    Phase ββββPhase ββββ

    PhaseααααPhaseαααα

    Figure 1.1. Représentation schématique des interfaces.

  • Etude bibliographique

    39

    1.1.1. Tension interfaciale γ

    La coexistence de deux phases non miscibles à l'équilibre n'est possible que si l'interface

    de séparation est stable. Le traitement thermodynamique des surfaces et des interfaces a été

    introduit pour la première fois par Gibbs (Gibbs, 1931). L’interface est caractérisée par son

    énergie libre, SF , associée à la formation d'une surface de contact A entre les deux phases :

    AAA

    FFS γ=∂

    ∂= (1.1)

    La quantité notée γ , appelée tension interfaciale, représente l’énergie qu’il faut fournir

    au système pour augmenter d’une quantité dA une interface d’aire A. La tension interfaciale γ

    est indifféremment définie comme une énergie par unité de surface ou comme une force par unité

    de longueur. Il s'agit d'une contrainte tangentielle qui tend à minimiser l'aire interfaciale.

    L’interface réelle de séparation entre deux phases homogènes α et β a une épaisseur non

    nulle : il s'agit de toute la zone qui est le siège de gradients de concentration. Le modèle

    d'interface de Gibbs remplace cette interface par une surface théorique d’épaisseur nulle (Figure

    1.1).

    Les propriétés extensives du système (F , S , n , V , respectivement énergie libre,

    entropie, nombre de moles et volume) sont définies dans chaque phase. Ainsi, on obtient :

    - pour l'énergie libre : σβα FFFF ++=

    - pour l'entropie : σβα SSSS ++=

    - pour le nombre de moles de l'espèce i : σβα iiii nnnn ++=

    - pour le volume : βα VVV +=

    Les symboles α et β font référence respectivement aux phases α et β et σ à l'interface

    virtuelle.

    En thermodynamique des phases volumiques, la relation de Gibbs-Duhem établit que :

    0=++− ∑i

    ii dndPVdTS µ (1.2)

  • Etude bibliographique

    40

    où iµ est le potentiel chimique de l'espèce i.

    Dans la phase interfaciale strictement bidimensionnelle, cette relation s'écrit :

    0=++− ∑ ii

    i dndAdTS µγσσ (1.3)

    A température constante, la relation (1.3) se réduit à :

    ii

    iii

    i ddA

    nd µµγ σ

    σ

    ∑∑ Γ−=−= (1.4)

    connue comme étant l'équation d'adsorption de Gibbs. Cette équation reflète l'influence des

    espèces adsorbées sur la tension interfaciale. La quantité A

    nii

    σσ =Γ correspond à la

    concentration surfacique ou à l'excès interfacial du composé i . Elle est encore appelée

    adsorption du composé i .

    1.1.2. Tensioactifs

    Les tensioactifs sont des composés qui modifient la tension interfaciale entre deux

    surfaces. Au niveau chimique, il s’agit de molécules amphiphiles présentant au sein d’une même

    entité deux parties de polarité différente : l’une à caractère hydrophile, l’autre à caractère

    hydrophobe. Il existe plusieurs milliers de tensioactifs naturels ou de synthèse disponibles sur le

    marché et destinés à des usages variés (détergence, émulsification, propriétés moussantes, etc...).

    En raison de leur diversité, les tensioactifs sont classés en fonction de la charge portée par la tête

    polaire. On distingue ainsi les tensioactifs anioniques (e.g., Dodécyl Sulfate de Sodium (SDS)),

    cationiques (e.g., Bromure de Tétradécyltriméthyl Ammonium (TTAB)), non ioniques (e.g.,

    monostéarate de glycérol) et amphotères (e.g., phospholipides). En agroalimentaire, on fait aussi

    la distinction entre les tensioactifs de bas poids moléculaire (e.g., mono- et di-glycérides,

    sucroesters) et les tensioactifs de haut poids moléculaire qui sont des polymères naturels (e.g.,

    protéines) ou synthétiques (e.g., PGPR).

  • Etude bibliographique

    41

    1.1.2.1. Propriétés générales des tensioactifs

    Du fait de leur structure amphiphile, les tensioactifs ont tendance à s'adsorber aux

    interfaces huile/eau et confèrent aux interfaces de nouvelles propriétés.

    a) Modification de la tension interfaciale

    L'évolution de la tension interfaciale γ avec la concentration surfacique du tensioactif σTAΓ est donnée par l'équation d'adsorption de Gibbs (équation (1.4)), qui s'écrit dans le cas d’un

    tensioactif non ionique :

    TATA dd µγσΓ−=

    où TAµ est le potentiel chimique du tensioactif :

    TATATA aRTln0 += µµ (1.5)

    avec TAa l'activité du tensioactif.

    En solution diluée, l'activité est égale à la concentration volumique TAc , ce qui permet

    d'écrire, à température constante :

    TATA cdTRd ln=µ (1.6)

    En combinant les équations (1.4) et (1.6), on obtient :

    TRcd

    dTA

    TA

    σγ Γ−=ln

    (1.7)

    L'équation (1.7) décrit la variation de la tension interfaciale γ entre deux phases non

    miscibles avec la concentration surfacique du tensioactif, en régime dilué. La figure 1.2

    représente l'évolution de γ classiquement obtenue en fonction de la concentration du tensioactif,

    dans la phase dans laquelle il est solubilisé.

    Aux faibles concentrations, la tension interfaciale diminue conformément à l'équation

    (1.7). L'énergie d'adsorption des tensioactifs est de l'ordre de kT (énergie thermique), de sorte

  • Etude bibliographique

    42

    Figure 1.2. Variation de la tension interfaciale avec la concentration du tensioactif, où 0γ

    représente la tension interfaciale sans tensioactif (Poré, 1992).

    0

    σ

  • Etude bibliographique

    43

    qu'il existe un équilibre d'adsorption/désorption. On observe expérimentalement qu'au-dessus

    d'une concentration seuil, γ reste quasi-constante et l'équation précédente ne s'applique plus.

    Cette concentration appelée Concentration Micellaire Critique (CMC) correspond à la limite

    de solubilité des tensioactifs sous forme de monomère. Au-delà de cette concentration, les

    molécules tensioactives s'auto assemblent dans le volume et forment des micelles, ou agrégats

    supramoléculaires.

    b) Propriétés rhéologiques des interfaces

    Les propriétés des monocouches, constituées par les tensioactifs adsorbés à l’interface, ne

    peuvent pas être décrites et interprétées uniquement à partir des grandeurs à l’équilibre, telles que

    la tension interfaciale ou la concentration surfacique des espèces adsorbées. Les interfaces

    possèdent des propriétés mécaniques propres (élasticité et viscosité) qui répondent de manière

    spécifique à différentes sollicitations (cisaillement, compression…). Il est intéressant de

    caractériser la réponse d’une interface à de petites perturbations autour de son état d’équilibre, ou

    encore la manière dont l’interface évolue vers son état d’équilibre.

    Gibbs (Gibbs, 1931) a été le premier à définir pour un film liquide stabilisé par des

    tensioactifs une élasticité de surface E , comme l’augmentation de la tension interfaciale en

    réponse à une augmentation relative de la surface A :

    Ad

    dE

    ln

    γ= (1.8)

    De nombreuses expressions sont employées pour désigner le paramètre E défini par

    l’équation (1.8). Lorsque E décrit un comportement élastique pur, E est appelée « élasticité de

    surface », « élasticité de Gibbs », « module de compression ou de dilatation », ou « élasticité de

    film ». Le terme « module dilatationnel de surface » est utilisé lorsque la surface a un

    comportement viscoélastique. Le module E est une mesure de la vitesse de relaxation des

    gradients de tension interfaciale lorsque le système évolue vers l’équilibre.

  • Etude bibliographique

    44

    Figure 1.3. Effet Gibbs-Marangoni.

    (a) Gradient de tension de surface ; (b) Entraînement hydrodynamique (adapté de Becher, 1996).

    1 2

  • Etude bibliographique

    45

    c) Effet Marangoni

    Lors de l'étirement d'une interface, les tensioactifs se répartissent de façon non uniforme.

    La différence de concentration des tensioactifs à l'interface engendre des gradients de tension

    interfaciale. Si 1γ et 2γ sont les valeurs de tension interfaciale dans les zones, respectivement,

    fortement et faiblement concentrées en molécules, le gradient de tension interfaciale génère une

    force F par unité de longueur d'amplitude 12 γγ − (Figure 1.3 (a)). Les molécules de tensioactif

    migrent des zones fortement concentrées vers les zones faiblement concentrées, entraînant avec

    elles des molécules de la phase continue (Figure 1.3 (b)). Cet entraînement hydrodynamique

    est appelé effet Marangoni ou effet Gibbs-Marangoni dans le cas particulier des systèmes de

    tensioactifs. Ce phénomène va jouer un rôle fondamental dans la stabilité de la zone de phase

    continue confinée qui sépare deux surfaces (deux gouttes d'émulsion ou deux bulles dans une

    mousse). Le flux central de phase continue contribue à séparer les surfaces ou à retarder leur

    rapprochement, et cela d’autant plus efficacement que l’élasticité de Gibbs E est élevée. Cet

    effet stabilise notamment les films lors de l'émulsification, au moment où les films sont fragiles

    car insuffisamment recouverts de tensioactifs.

    1.1.2.2. Tensioactifs polymériques

    Parmi les très nombreux tensioactifs naturels ou de synthèse disponibles sur le marché,

    nous allons décrire en détail les propriétés tensioactives des caséines, protéines naturellement

    présentes dans le lait et constituant le caséinate de sodium.

    Le caséinate de sodium est couramment utilisé comme agent émulsifiant dans divers

    produits alimentaires (crèmes glacées, crèmes fouettées, liqueurs). Ses propriétés de solubilité,

    d’activité de surface, ou encore de résistance aux traitements thermiques sont largement étudiées

    (Dalgleish, 2006).

    Les protéines sont des bio-polymères élaborés à partir de la même série de 20

    monomères : les acides aminés. Les acides aminés sont constitués d’un groupement carboxyle,

    d’une fonction amine et d’une chaîne latérale appelée radical R (Figure 1.4 (a)) le tout porté par

  • Etude bibliographique

    46

    Figure 1.4. Structure générale d'un acide aminé et d’une liaison peptidique (Gaucheron, 2004).

    Tableau 1.1. Principales caractéristiques des différentes caséines (d’après Gaucheron,

    2004 ; Horne, 2004).

    Type de caséines

    1Sα 2Sα β κ

    Nombre de résidus

    aminés de la structure

    primaire

    199 207 209 169

    Nombre de résidus

    phosphosérine 8 11 5 1

    Structure secondaire

    Hélice α 8 à 13 % nd* 9 à 12 % 14 %

    Feuillet β 20 à 23 % nd* 11 à 25 % 31 %

    Structure tertiaire Flexible Flexible Flexible Flexible

    Masse molaire (kDa) 23 25 23 - 24 19 *nd : non déterminé.

  • Etude bibliographique

    47

    un atome de carbone, généralement asymétrique (carbone α ). Les propriétés physiques et

    chimiques de l'acide aminé sont déterminées par la nature de la chaîne R. La polymérisation des

    acides aminés en protéines se fait par une réaction de condensation entre les groupements

    carboxyle et amine de deux résidus aminés : les résidus aminés sont liés par une liaison covalente

    appelée liaison peptidique (Figure 1.4 (b)). La chaîne linéaire d'acides aminés ainsi formée

    correspond à la structure primaire de la protéine.

    Les protéines présentent aussi une structure secondaire formée par l’enroulement ou le

    repliement de certains segments de la chaîne polypeptidique par le biais de liaisons faibles

    (essentiellement des liaisons hydrogène). Les deux motifs les plus couramment observés sont

    l'hélice α , correspondant à un enroulement de la chaîne, et le feuillet β dans lequel le fragment

    se plisse en accordéon.

    La structure tertiaire d'une protéine correspond à l'ensemble des contorsions irrégulières

    de la chaîne polypeptidique. Les interactions hydrophobes entre les radicaux des acides aminés

    entraînent un rapprochement des acides aminés portant un segment hydrophobe au coeur de la

    protéine, minimisant ainsi les interactions avec la phase aqueuse. La conformation d'une protéine

    peut aussi être stabilisée par des liaisons covalentes : les ponts disulfures qui se forment entre

    deux résidus aminés soufrés. La structure tertiaire confère à la protéine un caractère plutôt

    globulaire (compact) ou plutôt flexible (désordonné).

    Le caséinate est composé d’un mélange de quatre protéines présentes en grande quantité

    dans le lait : les caséines 1Sα / 2Sα / β /κ , en proportion 4/1/3,7/1,4 (Gaucheron, 2004 ; Surh et al.,

    2006). Le caséinate se présente souvent sous la forme d’un sel de sodium ou de calcium. Le

    tableau 1.1 présente les principales caractéristiques des différentes caséines. La masse molaire

    moyenne du caséinate est de l'ordre de 23 kDa (Rodrίguez Niño et al., 1999).

    La présence dans les caséines de zones plutôt hydrophiles et de zones plutôt hydrophobes

    leur confère à la fois un caractère amphiphile et une propriété d’auto association (Figure 1.5).

  • Etude bibliographique

    48

    Figure 1.5. Structures formées par l’auto association de (A) la caséine β et (B) la caséine 1Sα

    sur la base des interactions hydrophobes. La caséine β forme des structures de type micellaire

    tandis que la caséine 1Sα forme une chaîne de polymère (Horne, 2004).

    Figure 1.6. Représentation hypothétique des 4 états d’agrégation de la caséine β en solution à 1

    g/L en fonction de la température et de la présence de calcium (0 ou 10 mM CaCl2) (Dauphas et

    al., 2005).

  • Etude bibliographique

    49

    Par ailleurs, les caséines α et β , d’une part, α et κ , d’autre part, peuvent s’associer

    pour former des submicelles (Walstra, 1999 ; Horne, 2004). Les caséines, à l’exception de la

    caséine κ , présentent une forte affinité pour les cations du fait de la présence de plusieurs groupements phosphosérines. La formation de ponts phosphocalciques favorise la précipitation

    des caséines et le regroupement des submicelles pour former des micelles (Dauphas et al., 2005 ;

    Dickinson, 2006) (Figure 1.6). Ainsi, les caséines en solution sont un mélange de monomères, de

    submicelles et d’agrégats supramoléculaires (Husband & Wilde, 1998 ; Farrer & Lips, 1999 ;

    Horne, 2004 ; Fox & Brodkorb, 2008).

    Adsorption des caséines aux interfaces

    L'adsorption des caséines aux interfaces huile/eau ou eau/air est gouvernée par des

    interactions hydrophobes (Horne, 2004 ; Dalgleish, 2006). Le temps caractéristique

    d'adsorption est bien plus grand dans le cas des protéines que dans le cas des tensioactifs de faible

    poids moléculaire en raison de la masse moléculaire des protéines qui réduit leur mobilité (Garti

    & Aserin, 1996 ; Garti, 1997a ; Miller et al., 2004 ; Dalgleish, 2006). De plus, l'adsorption à une

    interface implique un changement dans la conformation des caséines qui entraîne un déploiement

    progressif des molécules. Ce changement de conformation, aussi appelé dénaturation, est souvent

    associé à une barrière d'énergie. Les caséines s'adsorbent alors de manière irréversible ; il n'y a

    pas d'équilibre adsorption/désorption comme pour les tensioactifs (Dickinson, 1999).

    La conformation des caséines à l'interface dépend des conditions du milieu (pH,

    température, salinité) (Dickinson & Davies, 1999 ; Dalgleish, 2006 ; Dauphas et al., 2008). Par

    exemple, la quantité de caséines β adsorbées à l’interface air/eau est plus importante à pH 5 qu’à

    pH 7. Ceci pourrait être relié à un empilement plus compact des acides aminés de la caséine à

    l’interface en milieu acide rendu possible par le fait que le point isoélectrique de la protéine est

    situé entre pH 4,9-5,2. Donc à pH 5, il existe une diminution des interactions répulsives entre les

    acides aminés chargés négativement (Rodriguez Niño et al., 1999). L’ajout de sels favorise

    l’adsorption des agrégats de caséines à l’interface, par la diminution des interactions répulsives

    ioniques ce qui augmente la couverture surfacique des protéines et crée un film plus compact

    (Srinivasan et al., 1999 ; Ye & Singh, 2001).

  • Etude bibliographique

    50

    Figure 1.7. Structures de la caséine β adsorbée à une interface air/eau en fonction de la densité

    surfacique (Rodriguez Niño et al., 1999).

    Figure 1.8. Déformation des protéines adsorbées lorsque l'interface est étirée (adapté de Husband

    & Wilde, 1998).

    Concentration de la caséine β

    Chaînes d’acides aminés de la caséine β à

    l’interface eau-air

    Boucles d’acides aminés de la caséine β dans la solution aqueuse

    Caséine β pressée dans la phase inférieure : Formation

    de multicouches.

  • Etude bibliographique

    51

    Lorsque la concentration surfacique et/ou la pression de surface augmentent, la

    monocouche de caséines β adsorbées à l’interface subit des torsions et forme des boucles, ce qui

    conduit à une augmentation de l’épaisseur du film, voire à la formation de multicouches pour des

    concentrations de protéines importantes (Rodriguez Niño et al., 1999) (Figure 1.7).

    Propriétés rhéologiques aux interfaces

    Les caséines, par le jeu d'interactions entre les différentes molécules, vont former une

    couche solidaire à l'interface et lui conférer des propriétés viscoélastiques (Carrera Sánchez et

    al., 2005 a-b). Du fait des interactions latérales attractives entre protéines, la diffusion des

    molécules à l'interface est inhibée. Quand l'interface est étirée, les protéines suivent les

    déformations de l'interface (Husband & Wilde, 1998) (Figure 1.8). Les variations d'énergie de

    surface sont dissipées à travers la couche de protéines.

    Le module élastique des caséines à l’interface définit leur résistance face à une

    déformation et à un changement de surface. Ainsi, une valeur d’élasticité élevée est associée à

    une structure fortement compacte à l’interface (Rodriguez Niño et al., 1999). Le module élastique

    dépend donc de la concentration surfacique en caséines et du pH.

    La viscosité d’une solution de caséinate de sodium évolue peu dans une gamme de pH

    comprise entre 6,5 et 7,5 (aux environs de 3 Pa.s) et atteint un maximum de 12 Pa.s à pH 9,5

    (Carr et al., 2002). A pH neutre, la viscosité augmente exponentiellement avec la force ionique du

    milieu dans le cas d’ions monovalents (Carr et al., 2002). Par exemple, dans le cas des ions Na+, à

    25°C et à un taux de cisaillement de 91,2 s-1, la viscosité est de 1 Pa.s lorsque la force ionique est

    négligeable, et évolue à environ 330 Pa.s lorsque la force ionique atteint 1,5 mol/L. Dans le cas

    d’ions divalents, la viscosité augmente exponentiellement jusqu’à un maximum et décroît ensuite

    exponentiellement.

  • Etude bibliographique

    52

    Figure 1.9. Représentation schématique des différents types d’émulsion.

    Emulsions simples Emulsions doubles

    Directe (H/E) Directe (E/H/E)Inverse (E/H) Inverse (H/E/H)

    Huile Eau

    Emulsions simples Emulsions doubles

    Directe (H/E) Directe (E/H/E)Inverse (E/H) Inverse (H/E/H)

    Huile Eau

  • Etude bibliographique

    53

    1.2. Stabilité des émulsions

    Une émulsion est une dispersion colloïdale de deux liquides non miscibles tels que l’eau

    et l’huile. Les gouttelettes du liquide dispersé sont caractérisées par leur interface, généralement

    stabilisée par des molécules amphiphiles. Le procédé de dispersion consiste à cisailler l’une des

    phases dans l’autre de manière à former des gouttes dont la taille peut varier de 0,1 à 10 µm.

    On distingue différents types d’émulsion (Figure 1.9) :

    - les émulsions simples directes (H/E) ou inverses (E/H), formées de gouttes liquides

    dispersées dans une phase continue ;

    - les émulsions doubles (directes E/H/E, ou inverses H/E/H), appelées aussi multiples, qui

    sont des dispersions de gouttes internes dans des globules, eux-mêmes dispersés dans une

    phase continue.

    Selon leur solubilité préférentielle dans la phase aqueuse ou huileuse, les agents de

    surface favorisent la formation d’une émulsion directe ou d’une émulsion inverse respectivement,

    en accord avec la règle de Bancroft (Bancroft, 1913). Il est intéressant de noter que cette

    solubilité préférentielle dans un milieu hydrophile ou lipophile résulte, en partie, de la géométrie

    de la molécule qui conditionne elle-même, la compétition entre l’attraction hydrophobe des

    chaînes aliphatiques et les répulsions ioniques et stériques des têtes polaires. La géométrie d’une

    molécule de tensioactif peut être décrite par un « paramètre de forme » égal à cla

    v

    0

    qui prend en

    considération la surface optimale de la tête polaire 0a , la longueur de la chaîne aliphatique cl , et

    le volume v de la molécule (Tableau 1.2) (Israelachvili, 1991). Parallèlement, en tout point de

    l’interface, on définit deux courbures principales égales à ± 1

    1

    R et à ±

    2

    1

    R (Figure 1.10). Par

    convention, le signe + s’applique pour une courbure orientée vers une phase polaire et le signe −,

    pour une courbure orientée vers une phase lipophile. La courbure spontanée 0C est définie

    comme la somme des deux courbures principales d’une surface constituée par l’empilement

    compact des molécules de tensioactifs. Ainsi, un tensioactif présentant une courbure spontanée

  • Etude bibliographique

    54

    Tableau 1.2. Relation entre le paramètre de forme, la courbure spontanée 0C , la forme de la

    molécule de tensioactif et les structures formées en émulsion (d’après Israelachvili, 1991).

    a0 est la surface optimale de la tête polaire, lc est la longueur de la chaîne aliphatique, et v est le

    volume de la molécule.

    Figure 1.10. Définition des principaux rayons de courbure 1R et 2R d’une surface en un point

    (ou d’une manière équivalente des courbures principales 1C et 2C ).

    Système stabilisé

    Emulsions H/E

    Emulsions H/E

    Monocouche plane

    Emulsions E/H

    Système stabilisé

    Emulsions H/E

    Emulsions H/E

    Monocouche plane

    Emulsions E/H

    Paramètre de forme

    Courbure spontanée

    Forme de la molécule de tensioactif

    Système stabilisé

  • Etude bibliographique

    55

    positive stabilise les émulsions H/E. A l’inverse, un tensioactif présentant une courbure

    spontanée négative stabilise les émulsions E/H.

    1.2.1. Forces colloïdales

    L'équilibre thermodynamique d'un système composé de deux phases non miscibles

    correspond à la séparation macroscopique de phase, état dans lequel la surface de contact est

    minimale. La métastabilité des émulsions met en jeu des forces colloïdales ainsi que les

    propriétés d'interface. Les émulsions sont donc des systèmes qui évoluent irrémédiablement vers

    cette séparation macroscopique. Il est possible de retarder ce déphasage, notamment, par

    l'incorporation d'agents de surface, sans toutefois l’éliminer.

    1.2.1.1. Forces de van der Waals

    Les interactions attractives de van der Waals regroupent toutes les interactions

    moléculaires d'origine dipolaire :

    - les interactions de Keesom qui s'exercent entre dipôles permanents (molécules polaires) et

    qui dépendent de l'orientation des dipôles,

    - les interactions de Debye qui s'exercent entre le dipôle induit d'une molécule non polaire

    et un dipôle permanent,

    - les interactions de London qui s'exercent entre dipôles induits et qui sont toujours

    présentes, quelle que soit la nature chimique des espèces.

    Le potentiel d'interaction entre deux sphères de rayon R et de densité ρ , distantes de r

    (centre à centre), c'est-à-dire le travail à fournir pour amener les deux objets de l'infini à une

    distance r l'un de l'autre, peut être calculé selon l’expression suivante :

    )2(12)(

    Rr

    RArU vdW −

    −= (1.9)

    où 22 ρπ CA = est la constante de Hamaker ( JAJ 1921 1010 −− ≤≤ ) ; C est une constante

    représentative des propriétés moléculaires du matériau, pouvant être exprimée en fonction des

    constantes diélectriques et des indices de réfraction.

  • Etude bibliographique

    56

    Figure 1.11. Interaction de déplétion (pour des raisons de clarté, la représentation n'est pas à

    l'échelle) (Asakura & Oosawa, 1958).

    Figure 1.12. Conformations des chaînes de polymères adsorbés aux surfaces.

    (a) Type "champignon" ; (b) Type "brosse" (adapté de Philip et al., 2003).

  • Etude bibliographique

    57

    L'interaction de van der Waals est généralement d'une portée effective de quelques

    dizaines de nanomètres et présente une évolution divergente au contact ( Rr 2= ).

    1.2.1.2. Interactions de déplétion

    L'interaction attractive de déplétion est induite par la présence en très grand nombre, dans

    la suspension de gouttes de rayon R , d'une autre population de particules de rayon a (des

    micelles de tensioactifs par exemple). Les particules de rayon a ( aR 〉〉 ) peuvent s’apparenter à

    la constitution d’un gaz et exercent, en conséquence, une pression osmotique sur les gouttes de

    rayon R . Tant que les gouttes sont suffisamment éloignées les unes des autres, la pression est

    isotrope. Si celles-ci s'approchent d'une distance inférieure à a2 , il se crée une zone dite de

    volume exclu, dans laquelle les petites particules ne peuvent plus pénétrer (Figure 1.11). La

    pression osmotique devient anisotrope et conduit à l’agrégation des gouttes. Le potentiel attractif

    ( dU ) au contact, dépend du rapport des tailles entre les deux populations et s'écrit :

    a

    RTkU d ϕ2

    3= (1.10)

    où ϕ représente la fraction volumique en petites particules, R le rayon des gouttes et T la

    température. Cette expression est valable dans la limite aR 〉〉 .

    1.2.1.3. Stabilisation stérique

    Les polymères présents à l’interface stabilisent des systèmes colloïdaux en développant

    des interactions stériques. Ces forces répulsives sont d'origine entropique et dépendent du degré

    de couverture de la surface et des caractéristiques de la phase continue. Pour un taux de

    couverture assez faible, les chaînes polymériques sont isolées les unes des autres et prennent une

    conformation de type « champignon » (Figure 1.12 (a)). Lorsque la densité en chaînes est élevée,

    les interactions latérales modifient l'extension des chaînes ; elles s'interpénètrent et prennent une

    conformation de type « brosse » (Figure 1.12 (b)). L'état d'étirement des chaînes a une influence

  • Etude bibliographique

    58

    Figure 1.13. Représentation schématique de l’état d’adsorption des caséines.

    B : région hydrophobe ; P : région hydrophile contenant les groupements phosphosérines

    (Horne, 2004).

  • Etude bibliographique

    59

    sur l'amplitude et la portée des répulsions stériques (portée plus longue dans le cas de chaînes

    étirées (cas b) que dans le cas de polymères en pelote (cas a)).

    La nature de la phase continue influence également les interactions stériques répulsives :

    lorsque la phase continue est un « bon solvant » des polymères, les contacts polymère-solvant

    sont favorables, deux gouttelettes entourées de polymère préfèrent baigner dans la phase continue

    plutôt que de floculer. A l'inverse, lorsque la phase continue est un « mauvais solvant » des

    polymères, les répulsions stériques sont minimisées, les polymères s’interpénètrent et la

    floculation des gouttelettes est favorisée.

    Nous avons vu que dans le cas des protéines, selon leur concentration, l’adsorption à

    l’interface peut entraîner un changement de conformation pouvant aller jusqu’à un ancrage partiel

    dans la phase dispersée (§ 1.1.2.2). Dans le cas des protéines flexibles, telles que les caséines, les

    molécules peuvent être représentées sous la forme d’une succession de trains de résidus aminés

    adsorbés à l’interface, de boucles et queues protubérant vers la phase aqueuse. Néanmoins, en

    fonction du type de caséines, la conformation de la protéine adsorbée à l’interface peut varier et

    influencer la stabilisation de l’interface.

    Ainsi, la caséine β présente, au niveau de son extrémité N-terminale, une suite de 40 à 50

    résidus aminés correspondant à une zone hydrophile (faible proportion de résidus aminés

    hydrophobes et forte proportion de résidus chargés). Une fois adsorbée, cette partie de la protéine

    se déploie à l’interface sur une épaisseur d’environ 5 nm tandis que la partie de la chaîne

    polypeptidique très hydrophobe (75 à 80 % de la séquence de résidus aminés) s’étend à la surface

    formant une couche dense très fine. Cette conformation de la protéine à l’interface engendre une

    stabilisation stérique efficace (Dickinson, 1999 ; Horne, 2004 ; Figure 1.13).

    La caséine 1Sα composée d’une séquence d’acides aminés assez proche de la caséine β ,

    possède 3 régions hydrophobes distinctes. La partie hydrophile située en milieu de chaîne forme

    une boucle ancrée à la surface par deux régions hydrophobes. L’extension de cette boucle dans la

    phase aqueuse étant inférieure à 3 nm, la caséine 1Sα se déploie moins que la caséine β (Figure

    1.13) : la couverture de l’interface étant plus faible que dans le cas de la caséine β , la

    stabilisation stérique est moins efficace (Dickinson, 1999 ; Horne, 2004).

  • Etude bibliographique

    60

    1.2.1.4. Stabilisation électrostatique

    Des répulsions électrostatiques apparaissent lorsque, en solution aqueuse, les gouttes

    sont stabilisées par un tensioactif ionique. Les gouttes sont alors chargées en raison de l'ionisation

    partielle des fonctions polaires des agents de surface. La présence de cette charge de surface crée

    une organisation spatiale des ions (présents dans la phase continue) au voisinage de la surface.

    Les ions de même signe que la surface (co-ions) s'en écartent tandis que les ions de signe

    contraire (contre-ions) sont attirés. Cette distribution spatiale est communément appelée double

    couche électrique et son extension caractéristique correspond à la longueur de Debye notée 1−κ :

    2

    1

    0

    221 )(

    −− ∑= TkZce

    r

    ii

    εεκ (1.11)

    où la somme est effectuée sur l'ensemble des espèces ioniques i présentes dans le système ; ic

    est la concentration en ions i à une distance "infinie" de la surface, e est la charge de l'électron,

    iZ est la valence de l'espèce ionique i , et 0ε et rε , sont les perméabilités diélectriques du vide et

    du milieu, respectivement.

    Le potentiel électrostatique de répulsion elU entre deux gouttes sphériques chargées de

    rayon R et distantes de r (centre à centre) est obtenu par la résolution de l'équation de Poisson-

    Boltzman :

    )2(2

    2

    )64

    ()( Rriel ecTkR

    rU −−= κκ

    ξπ (1.12)

    avec ic la concentration en électrolytes dans la phase continue, et )4(tanh 0

    kT

    zeψξ = , où 0ψ est le

    potentiel de surface des objets. Ce dernier paramètre dépend de la densité des molécules chargées

    à l'interface. L'équation (1.12) est obtenue en supposant que le potentiel de surface est

    indépendant de r .

    La longueur de Debye 1−κ est caractéristique de la portée des répulsions électrostatiques.

    Elle varie typiquement du micromètre à quelques nanomètres en fonction de la concentration en

    électrolytes dans la phase continue. Faire varier la force ionique via la concentration d'un

    électrolyte présent dans la phase continue (équation (1.11)) est un moyen très simple de contrôler

  • Etude bibliographique

    61

    la portée de la répulsion électrostatique et donc de modifier l'état d'agrégation d'une dispersion

    colloïdale.

    En conclusion, il apparaît que différentes forces colloïdales agissent sur les gouttes

    dispersées et ce, via la phase continue. Les interactions attractives de van der Waals et de

    déplétion concourent à l'agrégation des gouttes tandis que les interactions répulsives,

    électrostatiques ou stériques, contribuent à maintenir les gouttes dans un état dispersé en limitant

    leur rapprochement.

    1.2.2. Instabilités dans les émulsions

    1.2.2.1. Crémage ou sédimentation

    Dans le cas d'une émulsion directe H/E la phase dispersée est en général moins dense que

    la phase continue. Cette différence de densité entraîne la migration des gouttes d'huile vers le

    haut. D'après Archimède, la force de poussée gF , dirigée du bas vers le haut, exercée sur une

    sphère immergée de rayon R est donnée par :

    )(3

    4 3DCg RgF ρρπ −= (1.13)

    où les indices C et D font référence aux phases continue et dispersée respectivement, ρ est la

    masse volumique et g est l'accélération de la pesanteur.

    En se déplaçant à la vitesse relative v dans le liquide, une goutte isolée va subir une force

    de friction VF qui, d'après Stockes, prend la forme :

    vRF CV ηπ6= (1.14)

    où Cη est la viscosité de la phase continue.

    A l'équilibre, les deux forces, gF et vF , sont égales et opposées. La vitesse de migration

    de la goutte est alors donnée par :

    C

    DC Rgvη

    ρρ 2)(9

    2 −= (1.15)

  • Etude bibliographique

    62

    Figure 1.14. Potentiel d’interaction DLVO et évolution en fonction de la concentration en

    électrolyte.

    (a) Puits de potentiel ; (b) Contrôle de la barrière de potentiel (Derjaguin & Landau,

    1941).

  • Etude bibliographique

    63

    La différence de densité entre l'huile et l'eau entraîne nécessairement le phénomène de crémage.

    Sa vitesse peut être diminuée en réduisant la taille des gouttes, en diminuant la différence de

    masse volumique entre les deux phases ou en augmentant la viscosité de la phase continue.

    1.2.2.2. Floculation

    Le terme floculation traduit une transition entre un système dispersé et un état non

    dispersé où apparaissent des agrégats, nommés flocs. Cette transition intervient lorsque

    l'interaction entre gouttes devient significativement attractive avec un puits de potentiel minU

    (Figure 1.14 (a)). Trois cas de figure sont alors envisageables :

    - si kTU 〈〈min , l'agitation thermique permet aux gouttes de sortir spontanément du puits. Il

    n'y a pas d'agrégation,

    - si kTU ≈min , les gouttes forment des agrégats qui coexistent durablement avec les

    gouttes libres. L'énergie thermique permet d'atteindre un état d'équilibre avec échange

    permanent entre gouttes libres et flocs,

    si kTU 〉〉min , les gouttes s'agrègent dans tout le volume et ne peuvent être redispersées

    par la seule énergie thermique.

    Cette vision thermodynamique du phénomène de floculation doit être complétée par une

    approche cinétique. En effet, le rapprochement entre gouttes peut être ralenti par la présence

    d'une barrière de potentiel (Figure 1.14 (b)).

    Le modèle DLVO établi par Derjaguin et Landau (Derjaguin & Landau, 1941) puis par

    Verwey et Overbeek (Verwey & Overbeek, 1948) permet d'expliquer la cinétique d'agrégation

    lorsque les particules colloïdales sont chargées, en calculant le potentiel d'interaction entre deux

    colloïdes, sur la base des interactions de van der Waals et des forces de répulsion électrostatiques.

    Le puits de potentiel primaire est toujours profond ( kTU 〉〉min ). La répulsion électrostatique

    engendre une barrière d'énergie susceptible d'empêcher les particules colloïdales de se rapprocher

    à une distance où les interactions attractives de van der Waals dominent.

  • Etude bibliographique

    64

    Figure 1.15. Mécanismes de rupture d’un film (Leal-Calderon et al., 2007).

  • Etude bibliographique

    65

    Le modèle prend aussi en considération l'interaction stérique qui éventuellement s'exerce

    à très courte portée, lorsque les nuages électroniques des atomes ou molécules constitutifs des

    surfaces entrent en contact (interaction de type « sphères dures »).

    Trois cas limites se présentent pour l'amplitude bE de la barrière d’énergie :

    - kTEb 〉〉 ; l'agrégation est impossible,

    - kTEb ≅ ; l'agrégation est lente,

    - kTEb 〈〈 ; l'agrégation est rapide et limitée par la diffusion.

    La barrière de potentiel peut être modulée en modifiant la longueur de Debye. Les

    colloïdes chargés sont en général dispersés à faible salinité ( kTEb 〉〉 ) afin de maintenir

    durablement l’état dispersé. L'agrégation rapide et irréversible se produit au delà d'une

    concentration seuil en électrolyte. Cette concentration critique de coagulation correspond à la

    situation où l'amplitude de la barrière bE devient faible devant kT (Figure 1.14 (b)).

    1.2.2.3. Coalescence

    La coalescence est un mécanisme qui consiste en la fusion irréversible de deux gouttes

    adjacentes de phase dispersée. Elle peut mener à la destruction de l’émulsion, et donc à la

    séparation de deux phases non miscibles. A l’échelle de deux gouttes, ce phénomène se

    décompose en trois étapes (Figure 1.15) :

    1) les deux interfaces couvertes de tensioactifs se mettent au contact l’une avec l’autre

    et forment un film plat, par drainage du liquide séparant les deux phases,

    2) un trou se forme entre les gouttes,

    3) le diamètre du trou croît jusqu’à la fusion complète des deux gouttes.

    Des études récentes décrivent la coalescence comme un phénomène thermiquement activé

    (Pays et al., 2002). Une énergie d’activation est nécessaire pour ouvrir un trou dans le film

    séparant les deux gouttes. La fréquence de coalescence, c’est-à-dire le nombre d’événements de

    coalescence par unité de surface et de temps, s’écrit en général comme une loi d’Arrhenius :

  • Etude bibliographique

    66

    Figure 1.16. Schéma de la création d’un trou dans le film d’une émulsion H/E.

    Figure 1.17. Représentation schématique des différents mécanismes de coalescence pouvant

    affecter la stabilité d’une émulsion multiple.

    Huile

    Eau Huile

    Tensioacif hydrophile Tensioacif lipophile

    Huile EauHuile

    Eau HuileHuile

    Tensioacif hydrophile Tensioacif lipophile

    HuileHuile Eau

    Mg

    Mg

    Globule-Globule

    Goutte-Goutte Goutte-Globule

  • Etude bibliographique

    67

    )exp(0 kT

    Ea−= ωω (1.16)

    où 0ω est la fréquence propre de nucléation d’un trou, c’est à dire le nombre total de trous formés

    dans le film par unité de temps et de surface. Le terme )exp(kT

    Ea− correspond à la proportion de

    trous « efficaces », c’est à dire conduisant à un événement de coalescence.

    L'énergie de courbure de la monocouche de tensioactifs influence l'énergie d'activation

    (Kabalnov & Wennerström, 1996). Dans un film séparant deux gouttes d'huile, si le tensioactif

    est essentiellement soluble dans l'eau, il possède une tête polaire volumineuse et une petite chaîne

    aliphatique. La courbure spontanée de la monocouche, qui correspond à l'empilement le plus

    compact possible des molécules, se fait alors vers l'huile et est positive (Figure 1.16). Pour former

    un pore dans le film, il est nécessaire que la monocouche de tensioactifs se courbe dans le sens

    opposé à sa courbure spontanée. La rupture du film (i.e., que les gouttes coalescent) a lieu

    uniquement si la barrière d'énergie imposée par la courbure de la monocouche est dépassée. Si au

    contraire le tensioactif est essentiellement liposoluble, la formation du pore se fera sans passage

    de barrière d'énergie car elle permettra à la monocouche de retrouver sa courbure spontanée vers

    l'huile. Cette explication permet de comprendre la règle empirique proposée par Bancroft

    (Bancroft, 1913) qui peut s'énoncer : "la phase continue de l'émulsion sera celle qui solubilise

    préférentiellement le tensioactif".

    Dans les émulsions multiples, la coalescence peut se produire à différents niveaux : entre

    deux gouttes internes, entre deux globules et également entre une goutte interne et un globule

    (Figure 1.17). Ce dernier cas conduit à la destruction de l’émulsion double en provoquant la

    transformation irréversible d’une émulsion double E/H/E en une émulsion simple H/E (Pays et

    al., 2001a et 2002 ; González Ochoa et al., 2003).

    1.2.2.4. Mûrissement d’Ostwald

    Le mûrissement d’Ostwald est une instabilité qui résulte de la tension interfaciale γ existant

    entre deux milieux non miscibles. La différence de pression entre l’intérieur et l’extérieur d’une

    goutte sphérique de rayon R , appelée pression de Laplace LP , est égale à

  • Etude bibliographique

    68

    Figure 1.18. Représentation du mûrissement d’Ostwald.

    Figure 1.19. Représentations schématiques du mûrissement de composition dans les émulsions

    simples (a) et dans les émulsions doubles (b).

    A+B

    A+B

    A+B

    A+B

    A+B

    A+B A+B

    A+B A+B

    A+B

    A

    A A

    A

    A

    B B

    B

    B B

    a)

    A B A + B A + B

    A+B

    A+B

    A+B

    A+B

    A+B

    A+B A+B

    A+B A+B

    A+B

    A

    A A

    A

    A

    B B

    B

    B B

    A+B

    A+B

    A+B

    A+B

    A+B

    A+B A+B

    A+B A+B

    A+B

    A

    A A

    A

    A A

    B B

    B

    B B

    (b)

    (a)

    A B A + B A + B

  • Etude bibliographique

    69

    RPL

    γ2= .

    La pression étant supérieure dans les gouttes de faible rayon, la matière diffuse

    spontanément des plus petites gouttes vers les plus grosses (Figure 1.18). Le mûrissement

    d'Ostwald se traduit donc par la diminution du diamètre des petites gouttes jusqu'à leur

    disparition complète et par l'augmentation du diamètre des plus grosses. Le diamètre moyen des

    gouttes ayant une croissance du type αtR ∝ , avec 1〈α , le processus s'auto ralentit. En

    pratique, le mûrissement d'Ostwald devient très lent dès que le diamètre moyen des gouttes

    dépasse 1 µm. Lors de ce processus, la distribution de taille des gouttes devient étroite (Kabalnov

    et al., 1987 et 1990).

    Il est possible de limiter, voire de stopper, le mûrissement d’Oswald en ajoutant dans la

    phase dispersée une espèce totalement insoluble dans la phase continue. La diffusion de l’espèce

    la plus soluble est alors inhibée puisqu’elle entraînerait une réduction de l’entropie de mélange

    (Davis et al., 1981; Kabalnov et al., 1987 ; Aronson & Petko, 1993).

    1.2.2.5. Mûrissement de composition

    Le mûrissement de composition intervient lorsqu’il existe une différence de composition

    entre les gouttes de phase dispersée (Figure 1.19 (a)). Il y a alors une uniformisation des

    compositions par diffusion des molécules d’une goutte de composition A vers une goutte de

    composition B et vice-versa (Matsumoto & Kang, 1989). Dans le cas des émulsions doubles, on

    assiste à un transfert de matière entre les gouttes de phase interne et la phase continue (Figure

    1.19 (b)).

    En conclusion, la déstabilisation d'une émulsion peut survenir via des phénomènes