L’acteur International, récit cinématographique de Sam Spiegel

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Transcript of L’acteur International, récit cinématographique de Sam Spiegel

Extrait du récit :

Sam Spiegel

L’Acteur

International

Récit

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Copyright / Droits d’auteur © Sam Spiegel 2009, 2012

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Editions Rudolf, 2012

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sans le consentement de l'Auteur ou de ses ayants cause est illicite et

constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L335-2 et suivants

du Code de la propriété intellectuelle. Les personnages et les situations de

ce récit étant purement fictifs, toute ressemblance avec des personnes ou

des situations existantes ne saurait être que fortuite

Résumé :

L’acteur international, un récit cinématographique de Sam Spiegel A Londres et à Paris… Il n’y a pas que Cannes et son tapis rouge ou le lustre de la cérémonie des Oscars, tout n’est pas que glamour et strass... Ce récit est l’histoire vraie d’un comédien parmi tant d’autres à la poursuite de ce grand rôle qui lui apportera gloire et richesse et reconnaissance du public. En attendant cette consécration, de casting en audition, de petit boulot en grande scène, d’un pays à l’autre, nous suivons cet acteur international dans ses pérégrinations dans le milieu impitoyable du show-business et de ses stars. Avec lui, entre la France et l’Angleterre, nous sommes confrontés à la froideur de Madonna lors du tournage de son clip. La bonhomie de Jacques Villeret nous attendrit dans Le Furet sous la direction volcanique de Jean-Pierre Mocky. Le professionnalisme de Steven Spielberg et de Tom Hanks sur le plateau de Il faut sauver le soldat Ryan nous impressionne. L’humour de Michel Galabru au quotidien nous charme... Et puis, à côté de tout cela, loin du cercle vicieux des médias et de la lumière des projecteurs, il y aussi la vie de tous les jours... Et si vous vous imaginez que travailler dans le cinéma et côtoyer les plus grands vous procure piscine et terrain de tennis au fond de votre jardin, vous n’êtes pas au bout de vos surprises ! Un récit autobiographique et cinématographique écrit par Sam Spiegel à ne pas manquer !

Comment se procurer « L’Acteur International» au

complet

Disponibles aux formats

Kindle (eBook), Livre papier, PDF (eBook)

www.samspiegel.com/acteur

Cet ouvrage est dédié à

mes pairs…

L’Acteur International

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Table des matières

Graine de star

Steven Spielberg & Tom Hanks

Madonna

Trois, pas plus !

Galabru

Un métier de P…

Jean-Pierre Mocky & Jacques Villeret

Trois petits tours et puis s’en vont

Un mot sur l’auteur…

Du même auteur, parus ou à paraître

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Graine de star

Dans chaque homme réside un enfant qui veut jouer.

Friedrich Nietzsche

En 1993, je suis un Français à Londres parmi tant

d’autres. Comme beaucoup de mes compatriotes émigrés,

j’occupe laborieusement mes journées. La trentaine, je vivote

grâce à des petits boulots aussi variés qu’inconsistants :

j’enseigne le français à des hommes d’affaires anglais, je fais

la plonge dans des restaurants, je place les spectateurs dans

des théâtres pour de maigres pourboires. Poor-boire, comme

le dit si bien mon ami John. Je me suis essayé à la peinture,

puis à la musique, sans réel succès. Je pensais rester en

Angleterre six mois, j’y végète depuis pratiquement dix ans.

C’est alors que le destin frappe à ma porte. Comme je

possède un peu de matériel d’enregistrement - une table de

mixage, un microphone – un ami comédien, Thierry, français

lui aussi, me demande de réaliser pour lui une démo

(cassette de démonstration). Il souhaite enregistrer divers

aspects de sa voix, interprétant des textes bilingues. Il

envisage ensuite de démarcher auprès des maisons de

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production, sa bande sous le bras, dans le but de décrocher

des rôles à la radio ou de participer à des séances des

doublages.

J’accepte le challenge, et je me débrouille plutôt bien : je

parviens à produire une démo tout à fait honnête. Grisé par

mon exploit, je renouvèle cette expérience, pour moi cette

fois. J’écris quelques sketchs en français et en anglais, imite

quelques accents – allemand, africain, marseillais – et colle

le tout sur une cassette de huit minutes. J’en fais plusieurs

copies que j’envoie par la poste à différentes agences de

postsynchronisation trouvées dans un annuaire spécialisé.

C’est pourtant une amie actrice et auteur qui me met le

pied à l’étrier. Annie me présente au réalisateur d’une

méthode audiovisuelle pour apprendre le français pour

laquelle elle est engagée, lorsqu’un des comédiens se

désiste au dernier moment. Je fais un essai de voix par

téléphone et je suis engagé.

Ensuite, les choses vont plutôt vite. Quelques agences,

après avoir reçu ma cassette, me contactent. On m’engage

pour des pubs radio. Je transforme ma voix pour des jeux

vidéo, comme Driver II ou Dark Omen. Je colore d’accents

français régionaux les personnages de dessins animés, je

L’Acteur International

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prête ma voix à des comédiens anglais lors de séances de

doublage.

Sans trop de mal, je déniche un agent qui m’accepte au

sein de son écurie sans m’avoir vu joué. Et pour cause : je

n’ai encore jamais mis le nez devant une caméra ou posé le

pied sur les planches. Je dois avouer que, pour arriver à mes

fins, j’ai, sans aucune gêne, photocopié le CV d’un pote

comédien et imposé, avec son accord, mon nom à la place

du sien. Une méthode que je ne recommande pourtant pas :

il suffit que l’agent concerné se livre à de petites vérifications

ou soit ami avec l’un des réalisateurs cités, et vous voilà grillé

à jamais. Mais je n’avais pas le choix.

Quelques mois plus tard, le téléphone sonne, et ce n’est

plus pour une proposition de voice-over (voix-off en français)

cette fois. Il s’agit d’un casting pour interpréter un trafiquant

de drogues français, dans un long métrage intitulé A quiet

(Une journée tranquille). Je rencontre le réalisateur, Michael

Jaeffer, un Anglais d’une petite trentaine et, à ma grande

surprise et sans grandes difficultés, j’obtiens le rôle.

Ensuite, les auditions se succèdent ; j’en réussis

quelques-unes, mais j’en loupe lamentablement beaucoup

d’autres. Il fallait s’y attendre : je n’ai aucune formation.

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Les comédiens rencontrés au hasard des tournages me

filent des adresses, me recommandent des classes d’art

dramatique. Je prends des cours de théâtre dans l’école

privée d’un Français immigré à Londres, The International

Theater School (l’école internationale de théâtre) de Philippe

Gaulier, un disciple de Jacques Lecoq. Sa technique est

originale : pour développer une complicité entre les

comédiens, les acteurs s’adonnent à des jeux semblables à

ceux pratiqués dans les cours des écoles primaires. C’est

une bonne base de travail, mais il me faut approfondir le

sujet, découvrir les motivations qui animent les comédiens.

Je fréquente l’Actor Center, le temple des acteurs

londoniens, où s’échangent castings, plans et combines. Des

producteurs, réalisateurs et artistes connus y organisent des

stages. J’en fais le plus possible. Là, je rencontre Tony

Greco, acteur et professeur de l’Actor Studio de New York,

coach de Dustin Hoffmann. Tony, qui prône la méthode

Stanislavski, est de passage à Londres et y crée une cellule

de travail semblable à celle de L.A., continuant ainsi l’œuvre

de Lee Strasberg, fondateur du mythique Actor Studio. Je

m’inscris au concours d’admission et je suis retenu.

L’enseignement de Greco est à l’opposé de celui reçu lors de

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mon passage dans l’International Theater School : Philippe

Gaulier détestait Stanislavski et le rabâchait à qui voulait bien

l’écouter. C’est un bon exercice : il est bénéfique pour un

acteur, lors de sa formation, d’explorer différentes techniques

afin d’élargir son champ d’activité et de développer sa

personnalité, sa propre façon de jouer. Il lui appartiendra,

ensuite, de faire lui-même sa petite cuisine.

Mieux armé, j’obtiens de meilleurs résultats lors des

castings. Les emplois se succèdent et mon CV se remplit de

rôles qui remplacent petit à petit ceux empruntés à mon ami.

Un beau jour de juillet 1997, la BBC me sélectionne pour

incarner au petit écran le compositeur Franz Schubert pour

l’un de ses programmes les plus prestigieux, The BBC

Proms, diffusé en prime time. Mon nom apparaît pour la

première fois dans Radio Times (le Télérama anglais).

Grâce à ce rôle, je deviens membre de la British Actors’

Equity Association (association professionnelle d’acteurs,

comme l’Adami en France) et on m’accorde une carte

professionnelle.

L’aventure commence !

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Steven Spielberg & Tom Hanks

Faire un film, c’est inventer un monde

que les acteurs habitent le temps du tournage.

Benoît Jacquot

Jeudi, le 7 août 1997. Le casting pour la nouvelle publicité

Coca-Cola se déroule au premier étage d'un immeuble

ancien, dans le quartier chaud de Soho, près de Wardour

Street. Une agence m'a contacté ce matin à 10 heures pour

un rendez-vous à 11 heures.

- Soyez à l'heure Sam Spiegel, a-t-on précisé au

téléphone. Et surtout portez un costume et une cravate.

Je trouve dans ma garde-robe une veste grise en tweed,

achetée chez H&M, et une paire de pantalons assortis, de

Mark & Spencer. Ce n’est pas un costard, mais c’est ce que

je peux faire de mieux. Ma cravate bleue à pois blancs

m'étrangle, trop serrée sur une chemise blanche au coton

épais.

J'arrive sur les lieux à 10 heures 45. On entre dans le

bâtiment par une porte ouverte jour et nuit qui donne sur un

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couloir mal éclairé. Une pancarte minable, écrite à la main,

nous signale la présence d'une young model on the first floor,

ce qui signifie qu'une prostituée plus ou moins jeune négocie

ses charmes dans un studio loué au premier étage. Cela ne

surprend personne : après tout, nous sommes à Soho.

Au second étage, une salle d’attente sans air conditionné

se remplit de comédiens endimanchés appâtés par les

sommes mirobolantes annoncées par leurs agents respectifs.

100 000 livres sterling (environ 150 000 euros, et c’était en

1997) pour le rachat des droits à l’image pour le cinéma, la

télévision et Internet dans le monde entier et pour une

période de cinq ans. C’est, il est vrai, un joli pactole.

D’après les potins, Coca-Cola recherche un personnage

atypique et maladroit, entre trente et quarante ans, look

agent d’assurance ou employé de bureau. Rien de bien

précis. C’est le coup classique : quand les clients ne savent

pas ce qu’ils veulent, ils auditionnent le plus de gens

possible, espérant que l’inspiration jaillira au détour d’un

visage inconnu.

Résultat des courses : tous les comédiens et mannequins

mâles de Londres dans cette tranche d'âge se disputent

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quinze chaises disposées en cercle dans une chambre de dix

mètres carrés.

Dès mon arrivée, le ton est donné : il faut faire la queue et

s'inscrire auprès d'une hôtesse peroxydée et rebutante qui

mâchouille sans conviction : name, age, telephone number,

agent’s name (nom, âge, numéro de téléphone, nom de votre

agent). Ensuite, il convient d’ajouter son nom à la suite d'une

liste interminable et prendre son mal en patience.

J'attends depuis plus d'une demi-heure quand enfin une

place assise se libère. Quarante-cinq minutes plus tard, je

patiente encore et, à en juger le nombre de noms avant le

mien sur une liste qui s’allonge de minute en minute, je ne

suis pas prêt de serrer la main du directeur de casting. Je

maudis mon agent pour m’avoir fourré dans cette galère, et

je me demande s’il ne vaut pas mieux prendre la poudre

d’escampette avant la tombée de la nuit. Soyons réalistes,

quelles sont mes chances d’être choisi ?

Mon voisin, assis à ma droite, un rouquin aux yeux verts à

qui l’on donne facilement cinquante ans, fringué comme l’as

de pique, m’apprend que ce casting se déroule sur trois jours

et simultanément à Londres, Paris, Milan et New York. Et ils

n’ont besoin que d’une seule personne. Autant jouer au

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Loto ! Pourtant, je décide de tenter ma chance, aussi infime

soit-elle.

Vers midi trente, il ne reste plus que deux types avant moi.

Les séjours des candidats dans la salle de torture s’avèrent

de plus en plus courts. Bref, tout le monde en a marre, moi y

compris. La porte s’ouvre.

- Au suivant !

Un beau brun s’engouffre dans la pièce et en ressort cinq

minutes plus tard. Mon tour va venir. Et c’est à cet instant

que mon portable se manifeste. Je réponds.

- Oui ?

- Allô, c’est Sam ?

- Lui-même.

- Bonjour, c’est Alison.

Alison est une booker (personne qui vous envoie sur les

castings) dans une agence de comédiens pour laquelle il

m’arrive de cachetonner de temps à autre.

- Bonjour Alison.

- Sam, tu fais quoi aujourd’hui ?

- Je perds mon temps dans un casting de pub.

- Tu es libre cet après-midi ?

- Oui. Maintenant, ça a l’air d’aller plutôt vite.

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- Tant mieux ! Spielberg veut te voir.

- Qui ?

- Steven Spielberg. Il veut te rencontrer.

- Oui, bien sûr ! Pour le rôle du requin dans Les dents de

la mer 5 ?

Cette farce-là, le coup de Spielberg ou du directeur

américain célèbre, on ne me la fait plus. Je suis rodé : un ami

comédien, John, passe son temps à me téléphoner et

emprunte un accent américain dès qu’il me tient au bout du

fil.

- Je peux parler à Sam Spiegel ? demande John

invariablement.

Dupe, je réponds à chaque fois :

- Oui, c’est moi.

- C’est Francis Ford Coppola, continue-t-il, je tourne le

deuxième volet d’Apocalypse Now. Sam, pouvez-vous

reprendre le rôle de Marlon Brando ? Il faudra maigrir un peu,

par contre.

- Très drôle ! C’est toi, John ?

Un autre de ces favoris est Spielberg, justement.

- Sam Spiegel ? Allô, c’est Steven Spielberg à l’appareil.

En ce moment, je tourne E.T, le retour. J’ai pensé à vous

L’Acteur International

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pour le rôle de l’extraterrestre : on n’aura pas besoin d’utiliser

beaucoup de maquillage.

- Non, c’est sérieux Sam, insiste Alison. Spielberg a vu ta

photo, il souhaite te rencontrer le plus vite possible et te faire

tourner dès aujourd’hui si tu lui conviens… et si tu ne te

pointes pas trop tard.

Je n’en crois pas un traître mot.

- Ah oui ? Et mon avion pour Hollywood part à quelle

heure ?

- Next, please (Au suivant !)

Le directeur de casting ouvre la porte de son bureau et

réclame le postulant suivant. C’est moi. J’ai attendu si

longtemps, je ne peux pas laisser passer mon tour.

- Alison, je dois te laisser, c’est à moi.

- OK. Rappelle-moi aussi vite que possible. J’informe

l’assistant de Spielberg que tu es d’accord.

- Oui, oui, c’est ça. À plus !

- C’est moi, le suivant ! m’écrié-je, à la grande déception

de l’un de mes camarades, un grand écossais qui, n’ayant vu

personne se lever, se précipite déjà dans le bureau à ma

place, alors qu’il n’est que parmi les derniers arrivants.

L’Acteur International

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- Tu es sûr ? me lance-t-il d’un ton méfiant avec un accent

à couper au couteau.

- Certain. Tu n’as qu’à consulter la liste si tu ne me crois

pas.

- Ah ! Il y avait une liste ? Je ne savais pas. Personne ne

m’a rien dit. Mais je crois que j’étais là avant toi.

- Oh non ! Je t’ai vu entrer, et c’était bien après moi.

Heureusement, mon voisin, le rouquin, prend mon parti, et

confirme mes dires.

- Ah ? Bon, ben, vas-y, se résigne l’usurpateur.

Le milieu artistique est malheureusement rempli de gens

de la sorte.

- Bonjour, m’accueille un homme d’une quarantaine

d’années aux cheveux déjà gris.

Autour de lui s’agite une ribambelle d’individus : une

jeune femme qui gribouille sur son carnet, un barbu cravaté

qui ne fait strictement rien, une autre nana dont l’occupation

consiste probablement à faire bouillir l'eau pour le thé, et un

technicien derrière une caméra, les oreilles cachées sous un

casque énorme qui le fait ressembler à Mickey Mouse.

- Hi ! Je suis Paul, le réalisateur, se présente l’homme à la

chevelure grisonnante.

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Puis, après avoir consulté ses fiches :

- Hm ! Sam Spiegel ? C’est un nom célèbre, ça.

- Oui. Il n’y a que le nom qui le soit, malheureusement.

- Bah, ça viendra… ou pas. Bien, Sam, on vous a expliqué

le topo ?

- Pas vraiment.

- C’est une pub pour Coca-Cola, qui sera diffusée dans le

monde entier. Câble, satellite, cinéma, télévision, Internet.

D’où la forte rémunération. Bon, on y va tout de suite. Je vais

vous demander de vous placer au fond de la pièce, devant le

mur, bien en face de la caméra. Je vous dirai ce qu’il faut

faire au fur et à mesure, ce sera plus simple.

- Ok, ça marche.

- Bien ! Alors, toujours face à la caméra, vous allez nous

dire qui vous êtes en trois mots. Surtout ne mentionnez pas

votre âge. On y va ? Moteur ! Comment vous appelez-vous et

quelle est votre occupation ?

- Sam Spiegel, comédien.

Trois mots, pas un de plus, pas un de moins. Jusqu’ici,

tout va bien.

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- Avez-vous tourné dans une publicité pour des produits

similaires ou concurrentiels au cours de ces trois dernières

années ?

- Non.

C’est toujours bon.

- Êtes-vous libre mardi, mercredi et jeudi de la semaine

prochaine?

- Oui.

Décidément, ça gaze. Je vais avoir le rôle, je le sens.

- Bien ! Levez vos mains devant votre visage, doigts bien

écartés, toujours pour la caméra. Ok, vous pouvez les

baisser. Profil droit, maintenant. Bien ! Le gauche, à présent.

Ok ! De trois-quarts. C’est ça ! Tournez-vous. Bon ! Marchez

de long en large, dans le fond. Voilà ! Merci. On vous

rappellera.

- C’est tout ?

- Oui, c’est suffisant.

- Il n’y a pas de dialogue ?

- Si, mais je ne pense pas vous fassiez l’affaire de toute

façon. Vous n’êtes pas le type de personne que nous

recherchons. Excusez-nous de vous avoir dérangé pour rien.

L’Acteur International

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Inutile de préciser que je suis d’une humeur massacrante

quand je quitte le casting. Comme si je n’ai rien de plus

intéressant à faire que de glander dans des salles

surpeuplées en plein mois d’août ! Bon, ok, je n’ai rien de

mieux à faire. Mais ce n’est pas une raison.

Dans la rue, après avoir arraché la cravate qui garrotte

mon cou, je m’apprête à contacter l’agent qui m’a envoyé

dans ce traquenard, afin de lui révéler ma façon de penser.

C’est son boulot, merde, de s’assurer que je corresponds

bien au profil demandé ! Mon portable à peine rebranché, je

constate que j’ai manqué deux appels. On verra ça plus tard.

Avant que je ne puisse composer le numéro de l’agent, mon

Nokia vibre entre mes mains. Je prends l’appel.

- Allô, Sam ? C’est encore Alison.

Cette fois, je pense à vérifier le nom qui s’inscrit sur le

cadran du téléphone. Cette personne est bien Alison. C’est

étrange : une agence aussi réputée que la sienne n’a

pourtant pas le loisir de s’amuser à faire des blagues à ses

propres comédiens.

- Sam, je t’ai laissé deux messages. Tu es libre

maintenant ?

L’Acteur International

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- Alison, il faut que tu m’expliques : c’est quoi cette histoire

de Spielberg ?

- Steven Spielberg est en Angleterre, il tourne un long

métrage dont le thème est la seconde guerre mondiale et qui

s’intitule Saving Private Ryan .

- OK. Et alors?

- L’équipe de tournage s’est installée à Hatfield, dans le

Hertfordshire, où se trouve l’ancienne base aérienne

désaffectée de British Aerospace. C’est à quarante-cinq

minutes de Londres en voiture. Ils filment le bombardement

d’un village français et quelques scènes du débarquement de

Normandie. Spielberg veut des gars avec des tronches,

capables de jouer des soldats. On lui a déjà envoyé d’autres

comédiens, mais Spielberg les trouve trop jeunes. Ses

assistants ont consulté tous les books de toutes les agences

de Londres, et ils sont tombés sur ta photo. Maintenant,

Spielberg veut te voir en chair et en os. Si tu es sélectionné,

tu auras une ou deux journées de tournage, quelques lignes

de texte que tu apprendras une fois sur place.

- Ce n’est pas des conneries ?

- Sam, tu crois vraiment que j’ai le temps de faire des

canulars téléphoniques ?

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- Non, bien sûr. Excuse-moi.

- Pas de mal. Ah ! Oui, j’oubliais : on te coupera les

cheveux là-bas.

- Non, ça ira : ils sont déjà courts.

- Pas assez, crois-moi. Et apprête-toi à être trempé

jusqu’aux os !

- Trempé ?

- Ben oui, c’est le débarquement.

- Euh… Bon ! Remarque, ça me rafraîchira, avec la

chaleur qu’il fait. C’est payé combien ?

- On n'a pas encore négocié l’affaire, ça dépendra. Alors,

tu es partant ?

- Oui, bien sûr. Bosser avec Spielberg, tu penses !

- Ok ! Tu as une voiture ?

- Non.

- Non ? Alors écoute-moi bien. Fonce jusqu’à la gare de

King’s Cross, saute dans le premier train en partance pour

Leeds. Ensuite, tu m’appelleras pour me faire savoir à quelle

heure tu arrives à Hatfield. C’est le premier arrêt. Je

contacterai la production pour qu’on t’envoie quelqu’un te

récupérer à la gare et te conduire jusqu’au plateau.

- OK ! C’est bon.

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- Vas-y, cours. Si tu arrives trop tard, tu ne tourneras plus

aujourd’hui et peut-être même pas du tout.

- Et si je n’étais pas pris ?

- Tu serais dédommagé, bien entendu, et on te paierait tes

heures passées dans le train et sur le plateau de tournage.

- Ok, je file et je te rappelle dès que j’ai les infos.

- Ok ! Break a leg ! (NDR : Casse-toi une jambe, ce qui

signifie bonne chance !)

Quelle histoire ! King’s Cross est trop éloigné du centre de

Londres pour m’y rendre à pied. Je saute dans le métro, qui,

à cette heure, ressemble à une boîte de sardines. Lorsque je

descends à King’s Cross, je suis en nage. Je dois retirer de

l’argent, car je n’ai pratiquement rien sur moi. C’est un

calvaire : impossible de trouver un distributeur de billets dans

l’enceinte de la gare. Je cours, haletant, jusqu’à la banque la

plus proche, pour découvrir qu’elle ne possède pas de

distributeur automatique. Tant pis, je réglerai mon titre de

transport avec ma carte bancaire.

- On n’accepte pas les cartes pour les achats de moins de

quinze Livres, m’informe un employé obtus de British

Railway, protégé, heureusement pour lui, derrière un écran

de plexiglas.

L’Acteur International

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Mais il n’est pas mauvais bougre, et, face à mon

insistance, m’indique l’adresse d’une banque Barclays, à cent

mètres de là. J’en rage car je perds du temps.

- De toute façon, il n’y a pas de train pour Leeds avant une

demi-heure, me rassure-t-il.

Trente-cinq minutes plus tard, affalé sur une banquette

inconfortable, j’ouvre toutes les fenêtres du compartiment

vide pour créer un courant d’air. Enfin seul, je peux retirer ma

veste et dégrafer ma chemise.

- Allô ! Alison ? C’est Sam. Je serai à la gare à 14 heures

15.

- OK ! Je préviens la production et je te rappelle.

Je ferme les yeux. Je suis déjà épuisé et je n’ai pas

encore commencé ma journée de travail. Mon téléphone

sonne cinq minutes plus tard.

- Sam, c’est Alison. Personne n’est disponible pour venir

te récupérer. Tu as du liquide sur toi ?

- Oui, grâce à l’entêtement d’un vendeur de billets.

- Pardon ?

- Oui, j’ai de l’argent sur moi.

- Bon ! Dès que tu descends du train, prends un cab (taxi)

et demande que l’on te conduise sur le lieu de tournage.

L’Acteur International

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Toute la petite ville ne parle plus que de ce film, le taxi saura

où aller. On te remboursera tes frais de transport.

- Ok.

Arrivé à Hatfield, je n’aperçois aucun taxi. Je me

renseigne auprès d’un employé des chemins de fers, qui

m’apprend que le bâtiment sur ma gauche héberge un

service de limousines avec chauffeurs. C’est un peu onéreux,

mais je n’ai pas le choix.

Je prends place dans une élégante Mercedes noire,

conduite par un gentleman d’une soixantaine d’années, un

black distingué aux cheveux blancs. Portant l’uniforme et la

casquette, il ressemble à Morgan Freeman dans le film

Driving Miss Daisy avec Jessica Tandy. Pas de problème,

Morgan connaît le chemin.

- Vous êtes déjà allé là-bas ? s’enquiert-il.

- Non, c’est la première fois. Et vous ?

- Man, des milliers de fois, quand cette base était en

service. Mais là, depuis que ces gens de cinéma occupent

les lieux, je ne veux plus y mettre les pieds. On se croirait de

retour au temps de la guerre. Je vous laisserai descendre un

peu avant, je n’ai pas envie de me chopper un obus sur le

capot. Vous devrez marcher un peu.

L’Acteur International

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Mister Freeman me laisse à quelques centaines de mètres

d’une énorme bâtisse rectangulaire au toit plat qui ne

ressemble à rien, si ce n’est à un amas de béton gris de

quatre-vingts mètres de long, percé de fenêtres alignées et

carrées. D’immenses hangars l’entourent.

Au-delà de ces gigantesques entrepôts, dans le ciel bleu

de la campagne anglaise, monte une fumée noire et épaisse.

Attiré par des bruits de foule, je m’approche d’un hangar

dont les monstrueuses portes coulissantes sont ouvertes. Je

suis accueilli par un jeune homme à l’accent américain et aux

cheveux longs, couvert de câbles et criant dans un walkie-

talkie.

- Attendez un instant ! hurle-t-il en me considérant. Ok, je

m’en occupe, affirme-t-il dans son émetteur. Je peux vous

aider ?

- Oui, je m’appelle Sam Spiegel et je suis comédien. Je

suis là pour un rôle de GI et…

- Votre nom, vous m’avez dit ?

- Sam…

- Sam ? répète-t-il, la bouche collée contre son appareil.

- Spiegel.

- Beagle ? Comme la race de chien ?

L’Acteur International

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- Non, Spiegel.

- Pardon, Spiegal.

Une voix incompréhensible s’évade de son récepteur.

- Ok ! On vous attend, suivez-moi ! m’invite-t-il. Hi Sam !

Il me tend la main.

- Je suis Howard, l’un des nombreux assistants. Welcome

to World War II, Sam (bienvenue dans la seconde guerre

mondiale, Sam !).

Nous traversons une cantine démesurée peuplée de

tables et de chaises. Au-dessus de nos têtes, un pont roulant

titanesque, probablement immobile depuis la fermeture

officielle de la base, attire mon regard. Nous ne sommes pas

dans une cafétéria géante, comme on pourrait le penser,

mais dans un hangar gigantesque capable d’abriter de

grands avions.

Tout autour de nous, s’affairent runners (hommes à tout

faire) , maquilleurs, stagiaires et secrétaires mêlés à des

soldats hagards et couverts de boue. Les GIs sont là par

centaines. Tous paraissent fatigués, sales ; certains sont

blessés, portant des bandages crasseux maculés de sang

autour de leurs crânes ou de leurs bras. J’ai beau savoir que

L’Acteur International

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nous sommes dans le monde de l’illusion, l’effet est

saisissant.

- Ok, Sam ! Direction : le coiffeur, ordonne Howard.

- On ne fait pas le casting d’abord ? Si je ne suis pas pris,

ça ne sert à rien de me faire couper les cheveux.

- Hm, malheureusement, ça ne marche pas comme ça. Ici,

c’est comme à l’armée.

Je souris, mais Howard garde son sérieux.

- On va te raser le crâne, et t’habiller. Ensuite, quand tu

seras dans la peau du personnage, on demandera l’avis du

patron.

Nous longeons un couloir éclairé par des néons. Des

messages inintelligibles fusent de la radio de mon guide.

Nous entrons dans une salle aux murs tapissés de miroirs.

De hauts tabourets tout en métal sont alignés en face d’un

comptoir jonché de peignes, ciseaux et tondeuses. Un grand

gaillard musclé, la clope au bec, T-shirt blanc et pantalons de

combat, m’invite à prendre place à côté d’une autre victime

venue elle-aussi se faire tondre.

- J’suis Nigel, l’coiffeur, baragouine le type à la cigarette.

Tu t’appelles ?

- Sam.

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- Ok, Sam ! J’suis à toi dans cinq minutes, j’m’occupe

d’abord de c’t’autre gentleman.

Il ne lui faut que deux minutes pour décimer de sa

tondeuse la tête de mon voisin. Je ravale ma salive en

observant les mèches blondes tomber en touffes épaisses

sur le sol.

Sa besogne faite, le bourreau m’observe en souriant.

- J’ai deux nouvelles pour toi, Sam, une bonne et une

mauvaise. La bonne, c’est qu’tu porteras un casque pour

toute la durée du tournage, et qu’on ne verra pas la longueur

de tes tifs.

- Ouf !

- Et la mauvaise, c’est que je vais t’raser la caboche

quand même, s’esclaffe-t-il. Par souci de réalisme.

Trois minutes plus tard, je peux, à mon tour, admirer dans

la glace mon crâne plumé comme un poulet. Howard vient

me chercher. J’ai du mal à détacher mon regard de l’image

désolante que me renvoie le miroir.

- T’inquiète pas, ça repoussera, rigole Howard en se

passant ses doigts dans sa longue chevelure pour me

narguer. On va choisir les fringues maintenant. Ensuite, on

ira à l’armurerie.

L’Acteur International

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Je traîne derrière l’assistant, désormais moins convaincu

de vouloir tourner dans ce film. Je frotte du revers de ma

main la peau rugueuse de mon crâne glabre. Nous croisons

dans les couloirs d’autres soldats et des techniciens de

plateau. Nous débarquons dans une salle rectangulaire, tout

en longueur, avec, sur le côté droit, un comptoir qui s’étale

sur plus de cinq mètres. Derrière celui-ci, un homme et une

femme vont et viennent, les bras chargés d’uniformes, de

casques et de chaussures.

L’homme m’interpelle :

- Taille, tour de tête et de poitrine.

Comme j’hésite, on me mesure rapidement. On me

demande de tendre les bras, et on dépose dans mes mains

T-shirt, chaussettes, caleçon, deux paires de pantalons,

veste, manteau, casque et bottes. On me passe autour du

cou une chaîne en métal avec, comme médaillon, une plaque

sur laquelle est gravé un matricule. On me fait signer un

registre. Où suis-je ? Sur un plateau de cinéma ou dans les

antichambres de la mort, un jour de juin de l’année 1944 ?

Comme un somnambule, ma pile de vêtements militaires

sur les bras, j’emboîte le pas à Howard jusque dans une

remise spacieuse. Là, bruyamment, une dizaine d’hommes

L’Acteur International

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se dépouillent de leurs identités et habits civils. Je suis

convié à en faire de même.

- Hi ! Moi, c’est Peter, m’annonce joyeusement un petit

bonhomme replet debout devant moi en slip et en

chaussettes, alors que je m’apprête à retirer mes pantalons.

- Salut ! Je m’appelle Sam.

- Je ne t’ai pas vu hier, Sam.

- Non, c’est mon premier jour. Peter, c’est ça ton nom ? Je

peux te demander quelque chose ?

- Vas-y, ne te gêne pas.

- Vous êtes traités comme ça tout le temps ?

- Bah ! On n’a pas à se plaindre. Ceux qui souffrent le

plus, ce sont les acteurs principaux et les figurants. Nous, les

petits rôles, nous avons du bol.

- Ah bon ?

- Ben oui ! Spielberg, tu sais, c’est un perfectionniste. Tu

as vu le village ?

- Le village ? Non, pas encore.

- Quand tu le verras, tu pigeras. La semaine dernière,

toute l’équipe se trouvait en Irlande pour filmer le

débarquement d’Omaha Beach…

L’Acteur International

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- En Irlande ? Omaha Beach est une plage de

Normandie…

- Les uns par-dessus les autres !

- Pardon ?

- Les falzars, tu dois les enfiler les uns par-dessus les

autres. Les pantalons imperméables couleur sable en

dernier.

- Ah ! Merci.

- Pas de quoi. Ouais, Omaha Beach est peut-être en

Normandie, comme tu dis, mais les plages du débarquement

sont des sites historiques, donc protégés. Spielberg n’a pas

obtenu l’autorisation de filmer là-bas. Ah, ça, ce sont des

têtus, les Français. Alors l’équipe de repérage nous a dégoté

une plage en Irlande en tout point identique à celle de

France.

- Ah ?

- C’est comme pour les chars amphibies : la production les

cherchait partout en Europe... Eh bien, ils les ont trouvés… tu

sais où ? En Californie ! Et ils ont dû faire construire des

nacelles assez grandes pour les transporter par voie

maritime jusqu’à Southampton. Ensuite, il fallait les transférer

dans d’autres bateaux pour les emmener jusqu’en Irlande.

L’Acteur International

35

Spielberg ne voulait pas entendre parler de reproductions :

tout devait être le plus réaliste possible. C’est pour ça que,

même si tu n’es à l’écran que quelques secondes, tu dois te

coltiner tout l’uniforme, du slibard jusqu’aux chaussettes ! se

marre-t-il en exhibant une paire de caleçons kaki.

- Tu ne crois pas que c’est un peu exagéré ?

- Exagéré ? On voit que tu ne sais pas ce que Spielberg a

fait subir à Vin Diesel, Adam Goldberg, Edward Burns et

toute la clique. Figure-toi qu’il a demandé à un ancien

marine, Captain Dale Dye, de préparer les comédiens

comme on prépare au combat de vrais GIs. Dye les a fait

courir avec tout leur barda et leur fusil sur le dos, plus de

vingt kilos, bouffer des rations militaires, ramper dans la

boue, patauger dans la flotte et dormir sous des tentes. Leur

entraînement a duré dix jours, et pendant tout ce temps, Dye

n’appelait les comédiens que par le nom de leur personnage

dans le film. Il leur a même appris à assembler leurs armes

les yeux bandés, pour pouvoir le refaire en pleine nuit. Tu

vois quand je te disais qu’on avait de la chance !

- Et aux figurants, qu’est-ce qu’on leur a fait ?

- Pour les scènes du débarquement, Spielberg voulait de

vrais soldats. L’armée de terre irlandaise lui a prêté sept cent

L’Acteur International

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cinquante durs à cuire, des vrais de vrais. Et je te jure qu’ils

n’en menaient pas large, les bidasses, avec toutes ces

bombes qui éclataient tout autour d’eux. Spielberg a tourné

les mêmes scènes encore et encore, jusqu’à ce que les

types soient crevés. Il multipliait les explosions, ça sautait de

tous les côtés. On s’y croyait, et je t’assure qu’ils avaient les

foins, les buveurs de Guinness.

Tout cela n’est pas très rassurant, et je commence à me

demander si j’ai bien fait d’accepter ce rôle, Spielberg ou pas

Spielberg. Dans un vieux miroir taché, se tient en face de moi

un GI plus vrai que nature. J’ai du mal à reconnaître mon

propre reflet. Mes trois couches de vêtements me donnent

l’air beaucoup plus balaise que je ne le suis en réalité.

Ma transformation est cependant loin d’être terminée : il

me faut encore passer par une maquilleuse qui me barbouille

le visage et salit mes mains. Elle pousse le vice jusqu’à me

noircir sous les ongles.

Dans une autre salle, on m'équipe d’un fusil.

- Tu ne dois jamais te séparer de ton arme, me précise-t-

on.

C’est certainement ce genre de recommandation

auxquelles avaient droit les pauvres diables qui partaient au

L’Acteur International

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casse-pipes. Et cette carabine qu’on vient de me refiler,

croyez-moi, n’est pas en plastique.

Ainsi affublé, je sors du hangar. Trois marches me

séparent d’une route de terre. Howard m’a prévenu qu’une

voiture passerait me prendre. J’espère que ce ne sera pas

trop long, car, avec ces habits et ce flingue qui pèsent une

tonne, je fonds littéralement sous le soleil.

Une jeep lancée à vive allure freine devant moi. Lorsque le

nuage de poussière se dissipe, j’aperçois, au volant, un

homme d’environ cinquante balais, coiffé d’un casque blanc

comme en portent les mineurs de fond ou les manœuvres

sur les chantiers. Derrière, sur la banquette, un GI, fringué

exactement comme moi, ouvre la portière arrière et m’invite

d’un geste à m’asseoir à côté de lui.

Les pneus de la jeep patinent, projetant une pluie de

gravillons, et nous voilà partis. Je m’informe auprès du

chauffeur :

- Où va-t-on ?

- Quoi ?

- Vous nous conduisez où ?

- Hein ?

L’Acteur International

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C’est inutile : le moteur de la jeep fait un boucan d’enfer.

Je m’adresse à mon voisin.

- Tu sais, toi, où on va ?

- Parle plus fort. Tu disais ?

La jeep ralentit et on peut enfin s’entendre parler.

- Tu sais où on va ?

- Au village, répond-il évasivement.

- Ah ! Je vais enfin le voir, ce fameux décor dont tout le

monde parle.

- Tu ne l’as pas encore vu ? C’est assez extraordinaire. Tu

viens d’arriver ?

- C’est mon tout premier jour. Je ne sais même pas s’il y

en aura d’autres. J’ignore même si Spielberg va me garder

aujourd’hui.

- Ah bon ?

Je lui raconte brièvement mon histoire qu’il écoute d’une

oreille distraite. Il sourit.

- Eh oui ! C’est comme ça, dans le cinéma, conclut-il. On

ne sait jamais ce qu’on fera le lendemain.

- Ou, dans mon cas, le jour même. Je m’appelle Sam. Et

toi ?

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Mon voisin considère ma main tendue ; il hésite en

regardant mes ongles crasseux.

- Oh ! Ne t’inquiète pas : ce n’est que du maquillage.

- Oui, j’en sais quelque chose, soupire-t-il.

Et il me présente ses doigts aussi bruns que les miens.

Nous éclatons de rire en nous serrant la paluche.

- Moi, c’est Tom, annonce-t-il enfin.

- Comme Tom Cruise ?

Ma plaisanterie semble l’amuser : il se marre.

- Oui, comme Tom Cruise.

- Tu es sur ce tournage depuis longtemps ?

- Depuis le début… et même avant.

- Tu as du bol, Tom. Tu dois avoir un rôle important.

- Oui, l’un des principaux.

- C’est quoi ton nom de famille ? Peut-être que je te

connais ?

- Hanks.

Je tousse. Je suis vraiment un imbécile. À cause de tout

son maquillage, je n’ai pas reconnu Tom Hanks. Personne

ne m’avait prévenu. Alison ne m’a pas parlé de lui, Howard

non plus. Ni même Peter, qui m’a pourtant cité toute une liste

de comédiens. J’essaie de rattraper le coup.

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- Oh ! Je… J’aime beaucoup ce que vous faites, Mister

Hanks.

- Merci. Mais c’est Tom, s’il te plaît. Pas de Mister entre

nous : on fait le même boulot.

- OK, Mist… je veux dire :Tom.

Mon illustre voisin se penche vers le conducteur qui

ralentit encore pour entendre ce que Mister Hanks essaie de

lui dire.

- Je descends ici : je vais rejoindre mon peloton.

Tom désigne un groupe de soldats sur notre droite.

- Très bien, Mister Hanks.

La jeep freine, dérape, puis s’immobilise. Tom saute du

véhicule.

- Bye, Sam ! See you around (A bientôt !)

- Au revoir, Mist… Tom.

J’observe la star s’éloigner. Nous redémarrons...

Fin de l’extrait

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Comment se procurer « L’Acteur International» au

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Disponibles aux formats

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www.samspiegel.com/acteur

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Un mot sur l’auteur…

Né à Metz, en Lorraine, d’une famille de professeurs et de

cultivateurs, Sam Hervé Spiegel poursuit des études

secondaires aux Beaux-arts de Metz. Après une courte

carrière dans l’enseignement, il part pour l’Angleterre. Là-

bas, il devient acteur.

Après avoir suivi des cours dramatiques à Londres et à Paris,

Sam apparaît dans de nombreuses séries télévisées outre-

manche, ainsi que dans des films internationaux.

De retour en France, à Paris cette fois, on le voit au théâtre

et aussi en tournée avec la pièce de Schiller, Marie Stuart.

Sam vit désormais dans une petite ville du Kent, baptisé le

jardin de l'Angleterre, entre Londres et Douvres...

Le point de départ de l’action de ces romans (jeunesse ou

autres) et récits se situe toujours dans des endroits et lieux

où l'auteur a vécu ou grandi, souvent en Angleterre, où il

puise son inspiration.

La plupart de ses personnages existent ou ont réellement

existé, seuls les noms ont été changés. La géographie des

lieux est toujours scrupuleusement respectée.

L’Acteur International

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Il est aussi l’auteur de romans pour la jeunesse où il entraîne

ses lecteurs autour du monde et dans de profonds mystères

et aventures extraordinaires.

Pour plus d’information sur :

Sam Spiegel l’acteur :

www.samspiegel.com

Sam Spiegel et ses livres :

http://litterature.samspiegel.com

Les Éditions Rudolf :

www.editionsrudolf.com

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Du même auteur

L’acteur international (récit)

Le medium de Londres (Série - romans – nouvelles)

Le Jazz du Diable

L’incroyable Miss Pilkinson (Série – romans jeunesse)

Panique à Oxford Street

Grande sècheresse à Venise

La Treizième Fée (roman jeunesse)

The Adventures of buying and selling Properties in Paris

and London (récit, en Anglais)