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Université René Descartes (Paris V) Faculté de Droit MASTER 2 PROFESSIONNEL « BANQUE ET FINANCE » Responsables Pr. Sylvie de COUSSERGUES Et Pr. Gautier BOURDEAUX Par Katarzyna KOLARSKA Mémoire soutenu En vue de l’obtention Du Master 2 professionnel « Banque et Finance » Année Universitaire : 2005/2006 Session : Oct./Nov. 2006 1 LA REFORME DES SURETES

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Université René Descartes

(Paris V)

Faculté de Droit

MASTER 2 PROFESSIONNEL « BANQUE ET FINANCE »

Responsables Pr. Sylvie de COUSSERGUES

Et

Pr. Gautier BOURDEAUX

Par

Katarzyna KOLARSKA

Mémoire soutenu

En vue de l’obtention

Du Master 2 professionnel

« Banque et Finance »

Année Universitaire : 2005/2006

Session : Oct./Nov. 2006

1

LA REFORME DES SURETES

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ART. L.527-1 : « TOUT CRÉDIT CONSENTI PAR UN ÉTABLISSEMENT DE CRÉDIT À

UNE PERSONNE MORALE DE DROIT PRIVÉ OU À UNE PERSONNE PHYSIQUE

DANS L’EXERCICE DE SON ACTIVITÉ PROFESSIONNELLE PEUT ÊTRE GARANTI

PAR UN GAGE SANS DÉPOSSESSION DES STOCKS DÉTENUS PAR CETTE

PERSONNE. ................................................................................................................................. 37

DE PLUS, À CÔTÉ DU GAGE SUR STOCKS LE LÉGISLATEUR A INSTITUÉ UN

RÉGIME SPÉCIAL DE GAGE AUTOMOBILE, DONT LES CONDITIONS

D’APPLICATION DOIVENT ÊTRE PRÉCISÉES PAR DÉCRET. L’ARTICLE 2351 LE

PRÉVOIT LORSQU’IL PORTE SUR UN VÉHICULE TERRESTRE À MOTEUR OU UNE

REMORQUE IMMATRICULÉS, LE GAGE EST OPPOSABLE AUX TIERS PAR LA

DÉCLARATION QUI EN EST FAITE À L’AUTORITÉ ADMINISTRATIVE DANS LES

CONDITIONS FIXÉES PAR DÉCRET EN CONSEIL D’ETAT. ............................................ 38

L’ORDONNANCE DU 23 MARS 2006 CONSACRE DANS UN NOUVEL ARTICLE 2422 L’HYPOTHÈQUE RECHARGEABLE, PARMI SES INNOVATIONS LES PLUS IMPORTANTES. L'HYPOTHÈQUE RECHARGEABLE A ÉTÉ INSTAURÉE DANS LE DROIT INTERNE DANS UN OBJECTIF DE FAVORISER LE DÉVELOPPEMENT DU CRÉDIT HYPOTHÉCAIRE EN EN DIMINUANT CONSIDÉRABLEMENT LE COÛT. LE MÉCANISME NOUVEAU PERMET D’AFFECTER UNE SEULE HYPOTHÈQUE EN GARANTIE DE PLUSIEURS CRÉANCES SUCCESSIVES AUTRES QUE CELLES VISÉES DANS L’ACTE. EN OUTRE, LA RECHARGE DE L’HYPOTHÈQUE PEUT BÉNÉFICIER AU PRÊTEUR INITIAL OU À UN AUTRE CRÉANCIER. L’HYPOTHÈQUE ORIGINELLE PREND LA FORME D’UN ACTE AUTHENTIQUE. LA CONVENTION DE RENOUVELLEMENT DE L’AFFECTATION HYPOTHÉCAIRE PREND ÉGALEMENT LA FORME D’UN ACTE NOTARIÉ, CEPENDANT L’ACTE EST PUBLIÉ À LA PUBLICITÉ FONCIÈRE EN MARGE DE L’HYPOTHÈQUE INITIALE, À PEINE D’INOPPOSABILITÉ AUX TIERS. LA RECHARGE DE L’HYPOTHÈQUE PEUT BÉNÉFICIER AU PRÊTEUR INITIAL OU À UN AUTRE CRÉANCIER. L’ARTICLE 2422 DU CODE CIVIL PRÉVOIT ENFIN QUE L’ENSEMBLE DE CE RÉGIME EST D’ORDRE PUBLIC, LES CLAUSES CONTRAIRES ÉTANT RÉPUTÉES NON ÉCRITES. . 51

ARTICLE 2422 NOUVEAU : « L’HYPOTHÈQUE PEUT ÊTRE ULTÉRIEUREMENT

AFFECTÉE À LA GARANTIE DE CRÉANCES AUTRES QUE CELLES MENTIONNÉES

PAR L’ACTE CONSTITUTIF POURVU QUE CELUI-CI LE PRÉVOIE

EXPRESSÉMENT. ...................................................................................................................... 51

B. LE PRÊT VIAGER HYPOTHÉCAIRE (OU HYPOTHÈQUE INVERSÉE), NOUVELLE SÛRETÉ FAVORIE DU BANQUIER ? ........................................................................................................................................ 57

ARTICLE 2368 NOUVEAU : « LA RÉSERVE DE PROPRIÉTÉ EST CONVENUE PAR

ÉCRIT. « ...................................................................................................................................... 66

ARTICLE 2370 NOUVEAU : « L’INCORPORATION D’UN MEUBLE FAISANT

L’OBJET D’UNE RÉSERVE DE PROPRIÉTÉ À UN AUTRE BIEN NE FAIT PAS

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OBSTACLE AUX DROITS DU CRÉANCIER LORSQUE CES BIENS PEUVENT ÊTRE

SÉPARÉS SANS SUBIR DE DOMMAGE. » ............................................................................. 67

L’ARTICLE 2371 NOUVEAU ÉNONCE EN EFFET QUE « A DÉFAUT DE COMPLET

PAIEMENT À L’ÉCHÉANCE, LE CRÉANCIER PEUT DEMANDER LA RESTITUTION

DU BIEN AFIN DE RECOUVRER LE DROIT D’EN DISPOSER. LA VALEUR DU BIEN

REPRIS EST IMPUTÉE, À TITRE DE PAIEMENT, SUR LE SOLDE DE LA CRÉANCE

GARANTIE. LORSQUE LA VALEUR DU BIEN REPRIS EXCÈDE LE MONTANT DE

LA DETTE GARANTIE ENCORE EXIGIBLE, LE CRÉANCIER DOIT AU DÉBITEUR

UNE SOMME ÉGALE À LA DIFFÉRENCE. » ........................................................................ 67

ARTICLE 2287 : « LES DISPOSITIONS DU PRÉSENT LIVRE NE FONT PAS

OBSTACLE À L’APPLICATION DES RÈGLES PRÉVUES ENCAS D’OUVERTURE

D’UNE PROCÉDURE DE SAUVEGARDE, DE REDRESSEMENT JUDICIAIRE OU DE

LIQUIDATION JUDICIAIRE OU ENCORE EN CAS D’OUVERTURE D’UNE

PROCÉDURE DE TRAITEMENT DES SITUATIONS DE SURENDETTEMENT DES

PARTICULIERS. » ....................................................................................................................... 70

ARTICLE L 622-7 – MODIFIÉ - : » LE JUGEMENT OUVRANT LA PROCÉDURE

EMPORTE, DE PLEIN DROIT, INTERDICTION DE PAYER TOUTE CRÉANCE NÉE

ANTÉRIEUREMENT AU JUGEMENT D'OUVERTURE, À L'EXCEPTION DU

PAIEMENT PAR COMPENSATION DE CRÉANCES CONNEXES. IL EMPORTE

ÉGALEMENT, DE PLEIN DROIT, INTERDICTION DE PAYER TOUTE CRÉANCE NÉE

APRÈS LE JUGEMENT D'OUVERTURE, NON MENTIONNÉE AU I DE

L'ARTICLE L. 622-17, À L'EXCEPTION DES CRÉANCES LIÉES AUX BESOINS DE LA

VIE COURANTE DU DÉBITEUR PERSONNE PHYSIQUE ET DES CRÉANCES

ALIMENTAIRES. IL FAIT ENFIN OBSTACLE À LA CONCLUSION ET À LA

RÉALISATION D'UN PACTE COMMISSOIRE … ................................................................. 73

IL S’AGIT D’ÉCLAIRER BRIÈVEMENT LE RÉGIME DE LA CLAUSE DE RÉSERVE

DE PROPRIÉTÉ, QUI N’EST QUE PEU MODIFIÉ, MAIS QUI EST DÉSORMAIS

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DÉFINIE DANS LE CODE CIVIL AU SEIN D’UN ARTICLE 2367 AINSI RÉDIGÉ : « LA

PROPRIÉTÉ D’UN BIEN PEUT ÊTRE RETENUE EN GARANTIE PAR L’EFFET D’UNE

CLAUSE DE RÉSERVE DE PROPRIÉTÉ QUI SUSPEND L’EFFET TRANSLATIF D’UN

CONTRAT JUSQU’AU COMPLET PAIEMENT DE L’OBLIGATION QUI EN

CONSTITUE LA CONTREPARTIE. ........................................................................................ 73

ARTICLE 2287 : « LES DISPOSITIONS DU PRÉSENT LIVRE NE FONT PAS

OBSTACLE À L’APPLICATION DES RÈGLES PRÉVUES ENCAS D’OUVERTURE

D’UNE PROCÉDURE DE SAUVEGARDE, DE REDRESSEMENT JUDICIAIRE OU DE

LIQUIDATION JUDICIAIRE OU ENCORE EN CAS D’OUVERTURE D’UNE

PROCÉDURE DE TRAITEMENT DES SITUATIONS DE SURENDETTEMENT DES

PARTICULIERS. » ....................................................................................................................... 75

L'INSCRIPTION NE PRODUIT AUCUN EFFET ENTRE LES CRÉANCIERS D'UNE

SUCCESSION SI ELLE N'A ÉTÉ FAITE PAR L'UN D'EUX QUE DEPUIS LE DÉCÈS,

DANS LE CAS OÙ LA SUCCESSION N'EST ACCEPTÉE QUE SOUS BÉNÉFICE

D'INVENTAIRE OU EST DÉCLARÉE VACANTE. TOUTEFOIS, LES PRIVILÈGES

RECONNUS AU VENDEUR, AU PRÊTEUR DE DENIERS POUR L'ACQUISITION, AU

COPARTAGEANT, AINSI QU'AUX CRÉANCIERS ET LÉGATAIRES DU DÉFUNT,

PEUVENT ÊTRE INSCRITS DANS LES DÉLAIS PRÉVUS AUX ARTICLES 2108, 2109

ET 2111, NONOBSTANT L'ACCEPTATION BÉNÉFICIAIRE OU LA VACANCE DE LA

SUCCESSION. .............................................................................................................................. 75

ENFIN, LE NOUVEAU PRIVILÈGE ATTACHÉ AUX CRÉANCES NÉES APRÈS L'OUVERTURE DE LA PROCÉDURE COLLECTIVE REDISTRIBUE LES RÔLES DES CRÉANCIERS DE LA MASSE. EN EFFET, SOUS L'EMPIRE DU DROIT DES PROCÉDURES

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COLLECTIVES ANTÉRIEUR À LA RÉCENTE RÉFORME, LE DROIT DE PRÉFÉRENCE ACCORDÉ AUX CRÉAN CIERS DONT LA CRÉANCE ÉTAIT NÉE RÉGULIÈREMENT APRÈS L'OUVERTURE DE LA PROCÉDURE COLLECTIVE N'ÉTAIT PAS UN VÉRITABLE PRIVILÈGE, AINSI QUE L'AVAIT AFFIRMÉ LA CHAMBRE COMMERCIALE DANS UN ARRÊT RENDU LE 5 FÉVRIER 2002 (BULL. CIV. N, N° 27; D. 2002, AJ P. 805, OBS. A. LIENHARD), ESTIMANT QUE CE DROIT N'ÉTAIT PAS LIÉ À UNE QUALITÉ INTRINSÈQUE DE LA CRÉANCE MAIS PROCÉDAIT SEULEMENT DE LA DATE DE CELLE-CI. UNE MÊME CRÉANCE POUVAIT, AINSI, BÉNÉFICIER OU NON DE CETTE PRIORITÉ DE PAIEMENT SELON QU'ELLE ÉTAIT NÉE APRÈS OU AVANT LE JUGEMENT D'OUVERTURE, CE QUI AVAIT ENTRAÎNÉ À LA FOIS LE DÉVELOPPEMENT D'UN CONTENTIEUX IMPORTANT RELATIF À LA DÉTERMINATION DE LA DATE DE NAISSANCE DES CRÉANCES. ..................................................... 77

ART. L.527-1 : « TOUT CRÉDIT CONSENTI PAR UN ÉTABLISSEMENT DE CRÉDIT À

UNE PERSONNE MORALE DE DROIT PRIVÉ OU À UNE PERSONNE PHYSIQUE

DANS L’EXERCICE DE SON ACTIVITÉ PROFESSIONNELLE PEUT ÊTRE GARANTI

PAR UN GAGE SANS DÉPOSSESSION DES STOCKS DÉTENUS PAR CETTE

PERSONNE. ................................................................................................................................. 91

LORSQU’IL PORTE SUR UN VÉHICULE TERRESTRE À MOTEUR OU UNE

REMORQUE IMMATRICULÉS, LE GAGE EST OPPOSABLE AUX TIERS PAR LA

DÉCLARATION QUI EN EST FAITE À L’AUTORITÉ ADMINISTRATIVE DANS LES

CONDITIONS FIXÉES PAR DÉCRET EN CONSEIL D’ETAT. AINSI, À LA DATE DU

DÉCRET, SERA ABROGÉ LE DÉCRET N° 53-968 DU 30 SEPTEMBRE 1953 RELATIF À

LA VENTE À CRÉDIT DES VÉHICULES AUTOMOBILES. ................................................ 92

INTRODUCTION

Le Code civil bénéficie d’une présomption favorable : on le dit siège des sûretés

classiques de Droit français, tant ses mécanismes sont liés au droit des obligations et au

droit des contrats. Néanmoins le Code Napoléon, dont le bicentenaire a été récemment

applaudi et commenté1, est aussi empreint par son immobilisme et son inaptitude à offrir,

dans la société moderne, des sûretés simples dans leur constitution et efficaces dans leur

réalisation. Les commentateurs du bicentenaire du Code civil ont fait remarquer qu’à la

différence des droits de la famille, des incapacités, des régimes matrimoniaux ; ceux des

sûretés et des obligations n’ont pas fait l’objet de réflexion nouvelle ni de refonte globale

depuis plus de deux cents ans.

A l’occasion du bicentenaire du Code civil, un groupe de travail présidé par Monsieur

Michel Grimaldi, professeur à l’Université Panthéon Assas Paris 2, ès qualité de président 1 Recueil Dalloz Sirey Numéro spécial « Le bicentenaire du Code civil » ; 08/04/2004 ; Ouvrage collectif de Paris II « Le Code civil, un passé, un présent, un avenir)

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de l’Association Henri Capitant des Amis de la Culture Juridique Française, associé à des

professeurs d’Université et praticiens du Droit (ci-après « groupe de travail »), a présenté

son rapport au Garde des sceaux ; aboutissement de 18 mois d’études, en vue de refondre

le droit des sûretés françaises, tenant compte des évolutions récentes notamment en matière

de pratique bancaire et commerciale.

En parallèle, un groupe de travail dirigé par le professeur Pierre Catala a été mis en place

pour réfléchir à une refonte globale du droit des obligations2, autre chantier à restaurer à

l’occasion du bicentenaire du Code civil.

Les objectifs affichés du groupe de travail sur les garanties françaises consistaient à

redonner aux sûretés une lisibilité et une accessibilité nouvelles en les réorganisant au sein

du Code civil de 1804, qui redevient un siège privilégié de la matière. Ainsi, les praticiens

du droit, les agents économiques sans exclure les théoriciens et praticiens étrangers

peuvent comprendre les mécanismes qui dirigent notre droit des sûretés, notamment à

travers les principes directeurs proposés par le groupe de travail. Il s’agit de donner aux

sûretés françaises et au Code civil un rayonnement nouveau à l’étranger en vue d’une

unification des garanties à l’échelon mondial. A terme, l’objectif clair affiché par le

législateur est de donner aux garanties une meilleure lisibilité pour permettre aux

créanciers de choisir dans une palette de garanties efficaces et de renforcer le

développement du crédit en France. Selon la commission Grimaldi d’ailleurs des solutions

novatrices devaient être adoptées afin de favoriser le développement du crédit et de

sauvegarder la compétitivité juridique du marché français. 3

En matière de sûretés, le Code civil souffre depuis plusieurs dizaines d’années d’une

« décodification », en ce que le législateur n’ordonne plus les garanties au sein du Code

napoléon, mais les éparpille dans des dispositions éparses ou dans d’autres codes. Le droit

des sûretés a beaucoup perdu en lisibilité. D’une part, nombre de garanties sont issues de la

pratique et leurs contours sont précisés de manière prétorienne : il en va ainsi de la lettre

d’intention, du droit de rétention, du cautionnement réel, de la garantie autonome… Des

2« Bref aperçu sur l'avant-projet de réforme du droit des obligations » P. Catala Recueil Dalloz Sirey 23/02/2006 N° 8, Page(s) 535-538 ; « L'avant-projet français de réforme du droit des obligations et du droit de la prescription et les principes du droit européen du contrat : variations sur les champs magnétique dans l'univers contractuel » B.Fauvarque-Cosson ;D. Mazeaud Les Petites Affiches 24/07/2006 N°146, Page(s) 3-11 ; « Présentation de l'avant-projet de réforme du droit des obligations et du droit de la prescription » P.Malaurie, Revue des contrats 01/01/2006 N° 2006/1, Page(s) 7-93 (3) V. page 2 du rapport Grimaldi.

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solutions jurisprudentielles viennent préciser les régimes respectifs de ces garanties issues

de la pratique, mais les solutions manquent parfois de cohérence et de prévisibilité et donc

de sécurité juridique attendue. D’autre part c’est le législateur qui a tenté, dès que les

besoins de la société moderne l’y ont incité, de créer des régimes spéciaux pour de

nouvelles sûretés telles notamment le gage sans dépossession portant sur des véhicules

automobiles, le nantissement sans dépossession de matériel et d’outillage ou encore le

nantissement de fonds de commerce4. Pour les besoins de la pratique financière, le

législateur a introduit le nantissement de comptes d’instruments financiers au sein du Code

monétaire et financier5. Néanmoins l’éclatement incessant de la matière dans divers codes

(Code des marchés publics qui prévoit le régime des garanties autonomes ; Code de la

construction et de l’urbanisme qui prévoit des garanties financières professionnelles, Code

de l’environnement, Code de commerce, Code de la consommation) laisse la place à un

nouveau terrain de réflexion : le Code civil est-il encore le siège de droit commun des

sûretés ?6

C’est en particulier le Code de la consommation qui tend aujourd’hui à devenir le siège

de droit commun du cautionnement, depuis que le législateur y a réformé, par une loi en

date du 1er août 2003 pour l’initiative économique, dite loi « Dutreil »7 presque tout le droit

du cautionnement. Désormais le cautionnement souscrit par une caution personne physique

auprès d’un « créancier professionnel » est régi par les dispositions L.341-2 et suivants du

Code de la consommation, alors même que le texte n’empêche nullement la protection

d’une caution dirigeante8, qui trouve ainsi sa place dans un code qui ne lui est pas

directement destiné !

Ainsi, la juxtaposition des sûretés nouvelles ainsi que les réformes législatives récentes se

sont opérés au détriment de la solidité et de la crédibilité du Code civil. Celui-ci n’est plus

le siège des garanties en France.

4 L. 17 mars 1909, D. 28 août 1909 portant nantissement de fonds de commerce ; L. n°51-59 du 18 janvier 1951, D. 51-194 du 17 février 1951 portant nantissement de matériel et d’outillage ; L. n°81-1 du 2 janvier 1981, D. n°81-862 du 9 septembre 1981 portant nantissement de créances professionnelles ; L. n°53-968 du 30 sept. 1953 portant gage automobile ; L. 22 février 1944 portant nantissement de films…5 Art. L.431-4 du Code monétaire et financier (Ordonnance nº 2005-171 du 24 février 2005 ; art. 1 I Journal Officiel du 25 février 2005)6 « Le code de la consommation siège d'un nouveau droit commun du cautionnement: Commentaire des dispositions relatives au cautionnement introduites par les lois du 1 er août 2003 relatives à l'initiative économique et sur la ville » D. Legeais ; JCP E Semaine Juridique (édition entreprise) 09/10/2003 Numéro 41, Page(s) 1610-16157 Loi n° 2003-706 du 1er Août 2003 pour l’initiative économique ; J.O. 5 Août 2003.8 « Responsabilité de la banque à l'égard de la caution » D.Legeais, Revue de Droit Bancaire et Financier 01/11/2003 Numéro 6, Page(s) 364-364.

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Le professeur Grimaldi a remis, le 31 mars 2005, le rapport de travail sur les sûretés

personnelles et réelles, pour répondre au vœu du Président de la République, qui déclara

lors du colloque du bicentenaire du Code civil en date du 11 mars 2004 que les travaux de

réforme du droit des obligations et des sûretés déboucheraient « dans les cinq ans » sur une

recodification des deux matières au sein du Code civil.9 Par l’article 24 de la loi n°

2005-842 en date du 26 juillet 200510 « pour la confiance et la modernisation de

l'économie », le Parlement a autorisé le Gouvernement à adopter, par voie d’ordonnance

une réforme des sûretés.

Néanmoins, le texte de l’ordonnance définitivement adopté le 26 mars 2005 est

nettement moins ambitieux que le rapport Grimaldi initialement déposé. On peut regretter

que le législateur n'ait pas saisi l'occasion d'entreprendre, comme le suggérait le rapport,

une réforme de certaines sûretés, comme le cautionnement, qui souffre d’incohérences

suite à l’adoption de la loi « Dutreil » en date du 1er Août 2003. Il est en outre regrettable

que le Gouvernement ait paralysé la volonté du groupe de travail d’apporter des

modifications à la loi n°2005-845 du 26 juillet 2005 de « sauvegarde des entreprises »11 qui

a opéré une refonte globale des procédures collectives. En réalité, chacune de ces réformes

a été préparée sans véritable concertation entre ses rédacteurs respectifs, la réforme du

droit des sûretés ayant même été placée dans une position subordonnée.

L’ordonnance a été ratifiée par un projet de loi déposé au Sénat le 21 juin 200612, qui

complète et modifie certaines dispositions de la réforme. Ainsi, des modifications ont été

apportées à certains articles du Code civil13, mais aussi à des règles de fond en matière

d’hypothèques et de privilèges.

Les objectifs principaux affichés par la réforme étaient en premier lieu d’apporter au droit

des sûretés françaises lisibilité et efficacité, vecteurs de sécurité juridique et d’attractivité 9 JCP G 2004, act. 16610 JCP G 2005, act. 44511 J.O n° 173 du 27 juillet 2005 page 1218712 Projet de loi Sénat n° 415, 2005-2006

13 l’alinéa 2 de l’article 2364 du Code civil est modifié : « En cas de défaillance du débiteur de la créance garantie (et non plus « nantie ») et huit jours après une mise en demeure restée sans effet, le créancier affecte les fonds au remboursement de sa créance dans la limite des sommes impayées ».

Aussi, l’article 2428 du Code civil, dont les alinéas 5 à 13 sont remplacés par un unique alinéa, qui renvoie à un décret en Conseil d’État la liste exhaustive des indications devant figurer sur le bordereau.

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de nos sûretés à l’étranger; et en second lieu de consacrer à la fois des sûretés issues de la

pratique (lettre d’intention, garantie autonome, nantissement de solde de compte

bancaire…) tout en apportant des innovations majeures à la plupart des sûretés codifiées

(dépossession, assiette élargie, réalisation des sûretés facilitée par la consécration du pacte

commissoire..).

En premier lieu, l’objectif majeur de l’ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006 relative

aux sûretés résulte de la création d'un livre quatrième du code civil, organisé en 2 titres.

L’intégration des sûretés personnelles et réelles au sein d’un Livre IV nouveau du Code

civil tend à favoriser la lisibilité, l’accessibilité et l’attractivité des sûretés françaises.

Le titre Ier, intitulé « Des sûretés personnelles » insère quelques règles en matière de

cautionnement et de garanties issues de la pratique qui trouvent ainsi leur consécration

dans le Code civil : il s’agit de la lettre d’intention et de la garantie autonome. Le titre

second, qui englobe les « sûretés réelles » réforme dans ses trois sous-titres les dispositions

générales, puis les sûretés mobilières, et enfin les sûretés immobilières.

En ce qui concerne la méthode même de recodification, l’on constate que ce sont les

partisans de l’école de la recodification « à la française » qui se félicitent d’avoir

réaménagé les dispositions du Code civil tout en respectant les fondements de la culture

juridique française, sans s’éloigner des principes qui y sont ancrés, notamment dans le

droit des obligations et des contrats, par opposition aux défenseurs d’une recodification à

l’échelon européen, qui souhaitent plutôt harmoniser les règles à l’échelon européen en

tenant compte des principes de droits transnationaux et en s’appuyant sur les travaux en

cours de recodification du droit des contrats tels le projet Gandolfi pour des principes

européens du droit des contrats, d’influence continentale, le projet Lando pour le droit

européen du contrat ou encore les travaux du professeur Von Bar.

Néanmoins si certains principes généraux sont énoncés, qui reprennent le principe du

droit de gage général14, la consécration du droit de rétention15 et le caractère subalterne des

dispositions du Livre IV du Code civil par rapport aux dispositions d’ordre public du Code

de commerce en cas d’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement

14 Art. 2284 et 2285 nouveaux du Code civil (anciens art. 2092 et 2093)15 Art. 2286 nouveau

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judiciaire, de liquidation judiciaire, ou encore de traitement des situations de

surendettement16, il n’en reste que certains principes n’ont pas été repris par le projet tel le

principe de l’accessoire qui ne trouve plus application en cas de procédure d’insolvabilité,

sauf disposition inverse. (art 2287)

En outre, il faut relever que les rédacteurs du projet n’ont pas fait précéder les principes

généraux d’une définition générale des sûretés, selon eux, afin de permettre une adaptation

et une évolution ultérieures de la matière aux pratiques nouvelles. Ainsi, la définition

traditionnellement opérée par le Professeur Pierre Crocq, qui retient quatre critères

cumulatifs pour définir les sûretés n’est plus, de par l’introduction de certaines garanties

dans le Code civil, adaptée à appréhender la réalité des nouvelles « sûretés » issues du

projet Grimaldi.

La définition des sûretés emporte donc quatre critères cumulatifs. Elles se définissent

ainsi tout d’abord par leur :

- finalité : les sûretés doivent permettre au bénéficiaire d’échapper à la loi du concours

entre créanciers. En effet, la confiance entendue par un créancier à son débiteur lors de

l’octroi d’un crédit passe ne suffit pas toujours à la bonne exécution du contrat de prêt. Le

banquier, ou « le créancier professionnel »17 est dans l’obligeance de demander au débiteur

une sûreté supplémentaire que la surface financière propre de ce dernier, afin d’assurer une

bonne exécution du crédit. S’il est vrai qu’à défaut de garanties demandées par le

professionnel du crédit, ce dernier jouit d’un droit de gage général, privilège accordé par

les articles 2284 et 228518, à tout créancier d’une somme non immédiatement exigible lui

octroyant, en cas d’inexécution ou de mauvaise exécution du contrat, le droit de faire saisir

les biens du débiteur, de les vendre aux enchères afin de se paye sur le prix. Néanmoins, le

privilège créancier chirographaire est d’une efficacité limitée. Pour des raisons de droit ou

de fait, les biens du débiteur peuvent s’avérer insaisissables. Aussi, sauf cas de fraude19 , le

créancier reste paralysé au moment de l’exigibilité par le créancier dont la surface

financière a diminué depuis le moment de la naissance de la dette. Surtout, la finalité

première de la sûreté permet ainsi à un créancier chirographaire d’échapper à son rang 16 Art. 2287 nouveau : « Les dispositions du présent livre ne font pas obstacle à l’application des règles prévues en cas d’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ou encore en cas d’ouverture d’une procédure de traitement des situations de surendettement des particuliers. »17 tel qu’il est défini, en matière de cautionnement régi par la loi Dutreil du 1er Août 2003. 18 Anciennement Articles 2092 et 2093 du Code civil19 La fraude du débiteur fait naître au profit du créancier impayé une action paulienne fondée sur l’article 1167 du Code civil.

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subalterne et à la loi du concours avec d’autres créanciers au cours de l’ouverture de la

procédure collective du débiteur et de se faire payer par rang de préférence par rapport aux

autres créanciers.

- effet : les sûretés doivent avoir pour finalité de satisfaire le créancier et entraîner

l’extinction de sa créance. Les sûretés n’ont pour finalité que le désintéressement du

créancier au sens strict et leur montant ne peuvent dépasser celui qui est convenu pour le

remboursement de la dette. La mise en œuvre fructueuse de la sûreté par le créancier en cas

d’impayé est une condition de l’extinction du contrat principal.

- droit d’agir que les sûretés confèrent au bénéficiaire contre le garant ou contre l’un de

ses biens aux fins de se l’attribuer ou de le revendre pour se payer sur le prix. Dans le

premier cas, l’objet des sûretés personnelles est d’adjoindre, au bénéfice du créancier, un

garant supplémentaire par rapport au débiteur principal. Dans le second cas, l’objet de la

sûreté réelle est d’octroyer au bénéfice du créancier un droit sur le bien même du débiteur.

- accessoire : la sûreté est l’accessoire de la créance qu’elle garantit. Le dernier critère

permet de distinguer les sûretés de simples garanties. A titre d’exemple, le caractère

accessoire du cautionnement résulte de ce que l’engagement de la caution est subordonné à

la non exécution par le débiteur du contrat principal. Une des corollaires du principe

résulte en ce que la caution ne peut être tenue à plus que le débiteur principal en vertu du

contrat principal ; et qu’elle peut opposer au créancier certaines exceptions dès lors que ce

dernier aurait failli à certaines de ses obligations envers le tiers débiteur. Au contraire, la

garantie autonome n’est pas soumise au principe de l’accessoire, les engagements

autonomes ne comportant pas de référence au contrat principal. Le projet Grimaldi a fait le

choix de ne pas insérer dans le Code civil les dispositions relatives au caractère accessoire.

Il s’avère donc que la définition même des sûretés nouvelles englobe, selon les vœux du

projet, des réalités diverses et que le nouveau droit des sûretés s’adapte aux engagements

divers nés de la pratique, gage de sa modernité.

En second lieu, par conséquent, le droit des sûretés a pour objectif d’offrir des sûretés

modernes et efficaces, qu’elles soient juste la consécration de garanties issues de la

pratique, ou encore qu’elles soient des sûretés modernisées, simplifiées et de ce fait, plus

attractives.

A ce titre, l’ordonnance insère dans le Code civil certaines garanties issues de la pratique,

notamment en matière de sûretés personnelles : ainsi la garantie autonome, consacrée à

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l'article 2321 est enfin définie et quelques éléments de son régime juridique sont précisés, à

compléter avec les nouvelles dispositions du code de la consommation. Aussi, la lettre

d'intention, dont l'article 2322 donne une définition, qui permet de la distinguer du

cautionnement. Enfin, le droit de rétention, un droit réel rudimentaire utilisé par la pratique

pour son efficacité en cas d’ouverture d’une procédure collective est consacré dans un

nouvel article 2286 au sein des dispositions générales relatives aux sûretés : son régime est

précisé : connexité volontaire, ou juridique, ou matérielle ; le relatif effacement de la

dépossession matérielle et sa disparition par suite d'un dessaisissement volontaire.

Certaines controverses existent de par son introduction dans le Livre relatif aux sûretés : le

droit de rétention exerce-t-il son influence sur toutes les sûretés réelles, tout en étant lui-

même une sûreté ? Il est cependant à noter que les réformateurs du Code ont été paralysés

dans leurs propositions de réformer le droit du cautionnement et que par conséquent celui-

ci reste, pour la majorité de ses dispositions, écarté des dispositions de l’ordonnance et régi

par le droit de la consommation.

Ensuite, en matière de garanties réelles mobilières, les innovations les plus importantes

sont à noter. La réforme consacre notamment le gage sans dépossession qui permet à un

débiteur de conserver l’usage de la chose qu’il met en gage. En effet, le caractère réel du

contrat de gage obligeait par le passé à ne constituer que des gages avec dépossession du

constituant, sauf à citer les exceptions législatives de gages sans dépossession prévus par

un texte spécial, remplaçant la dépossession par une formalité elle-même prescrite à

peine de nullité, ou par une publicité peu efficace. Désormais en les contrats de gage de

meubles corporels, tout comme de nantissement de meubles incorporels ne sont plus des

contrats réels, mais des contrats solennels. Par conséquent, la dépossession, lorsqu'elle est

possible, n'est qu'une formalité d'opposabilité. Le créancier peut choisir entre un gage

traditionnel avec dépossession, ou opter pour un gage sans dépossession du débiteur et

assurer l’opposabilité de ses droits par une publicité sur un registre spécial. Ensuite, la

réforme rend possible le gage par une entreprise de ses stocks sans dépossession, lui

permettant ainsi, tout en conservant l’usage de ces derniers, d’obtenir de la trésorerie

pour continuer l’activité et obtenir des fonds pour de nouveaux investissements. Le gage

portant sur un véhicule automobile dispose d’un nouveau régime décrit aux articles 2351

et suivants du Code civil. Enfin, la réforme facilite la réalisation des sûretés mobilières et

immobilières en mettant notamment fin à la prohibition du pacte commissoire. Les

parties pourront ainsi convenir dès la constitution du gage que le bien deviendra la

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propriété du créancier en cas de défaillance du débiteur. Enfin, le texte final retient, aux

articles 2367 à 2372, des solutions pour l'essentiel acquises, en matière de réserve de

propriété.

En matière de sûretés immobilières, les principales innovations concernent en premier

lieu la modernisation du régime de l’hypothèque conventionnelle, dont l’allègement du

coût, la simplification des règles de mainlevée et de la purge deviennent les principaux

atouts. En outre, la réforme consacre en droit français l’hypothèque rechargeable qui

permet à un débiteur qui a déjà constitué une hypothèque, de ne pas en constituer une

nouvelle pour garantir des crédits successifs dans la limite du montant maximal prévu lors

de l’hypothèque initiale. Aussi, le prêt viager hypothécaire est consacré, qui permet à un

propriétaire d’un bien immobilier d’obtenir une somme d’argent au moyen d’un prêt

garanti sur son immeuble remboursable au décès de l’emprunteur ou lorsqu ’il vend

l’immeuble. L’antichrèse-bail est consacrée à l’article 2390, puisqu’il a été prévu de «

modifier les dispositions du code civil pour améliorer le fonctionnement de l'antichrèse,

en autorisant le créancier à donner à bail l'immeuble dont le débiteur s'est dépossédé à titre

de garantie [...]».

La pratique bancaire, et notamment la Fédération Bancaire Française, consultée par la

Chancellerie et le Ministère des Finances lors de la rédaction du projet d’ordonnance, se

félicite de l’adoption du texte malgré certaines de ses demandes qui n’ont pas été prises en

compte : ainsi la pratique salue le prêt viager hypothécaire et l’hypothèque rechargeable,

mais s’interroge sur les dispositions transitoires relatives à leur application. Ainsi, pour les

hypothèques antérieures à la réforme, il semble que seules les hypothèques

conventionnelles peuvent être transformées en hypothèques rechargeables, et non les

privilèges de prêteurs de deniers ; or la plupart des crédits immobiliers sont actuellement

garantis sous cette forme, en raison des avantages fiscaux qui y sont attachés. Aussi, la

profession bancaire regrette que les dispositions du projet Grimaldi « qui visaient à

transformer les privilèges immobiliers spéciaux en hypothèques légales spéciales soumises

à publicité et ne prenant rang qu’à compter de leur inscription au registre de la publicité

foncière, ont finalement été sorties du champ de l’ordonnance. »20 Enfin, si le pacte

commissoire a été quasiment généralisé, tant dans les sûretés mobilières qu’immobilières, 20 FBF Lettre aux adhérents n° 35 avril 2006

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la clause de voie parée, qui permet à un créancier, en cas d’inexécution du débiteur, de

faire vendre à l’amiable le bien garanti, n’a pas été autorisée. La profession avait pourtant

proposé d’introduire cette option pour les parties, sous certaines conditions21 en ce qu’elle

permet au créancier d’éviter les aléas d’une vente judiciaire.

Il s’agit ici non de développer de manière détaillée les régimes respectifs des sûretés

modernisées, mais d’en dessiner les principaux traits et démontrer les enjeux auxquels ces

sûretés nouvelles sont confrontées et des attraits ou invalidités éventuelles qu’elles

représentent à l’égard des utilisateurs et en particulier du banquier dispensateur du crédit.

La réforme des sûretés a cherché à répondre aux besoins des praticiens du crédit dans la

constitution, l’exécution et la réalisation de sûretés modernes et efficaces. Elle a opéré une

véritable révolution en harmonie avec les objectifs principaux du droit du crédit.

Elle a consacré de nombreuses sûretés issues de la pratique dont elle a clarifié les

définitions et le régime répondant ainsi à l‘objectif de protection du débiteur contre

l’imprévisibilité du droit. La sécurité juridique ainsi assurée trouve son écho dans une

souplesse et une modernité remarquables des sûretés, qu’elles soient nouvelles ou ancrées

dans la pratique, cherchant à rendre le nouveau droit des sûretés efficace et ouvert aux

évolutions. (1e Partie)

Cependant, des imperfections et dissonances apparaissent déjà face aux enjeux collectifs.

En effet, le manque d’harmonisation de la réforme des procédures collectives, en date du

26 juillet 2005 et du droit des sûretés fait déjà apparaître les premières discordances entre

les deux régimes. Or c'est dans les procédures collectives que se mesure, à l’égard du

créancier, toute l’efficacité d’une sûreté. Le défi de l’efficacité des sûretés françaises reste

ainsi en proie à des difficultés. Comment alors, à l’aune des réformes globales annoncées à

l’échelon européen, le droit français des sûretés pourra-t-il prétendre à une attractivité et

une adaptabilité nouvelles ? (2e partie)

21 Les parties pouvant prévoir une vente amiable du bien en subordonnant celle-ci à la fixation préalable du prix par un expert pour tous les biens non cotés sur un marché organisé.

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1e PARTIE : Le nouveau régime des sûretés en France : une recherche

entre souplesse et sécurité juridique.

Si en matière de sûretés personnelles les innovations sont plus limitées, en ce qu’elles

regroupent la consécration des usages en matière de garanties personnelles (TITRE 1er) ;

les innovations les plus importantes sont à rechercher dans le nouveau droit des garanties

réelles mobilières et immobilières. (TITRE 2nd)

TITRE 1er : Sûretés personnelles : de la consécration des usages à la

recherche de la sécurité juridique.

Les innovations en matière de cautionnement et de garantie autonome sont mineures. En

premier lieu, le cautionnement, grand absent de la réforme, n’a pas pu être réformé, le

groupe de travail ayant été censuré dans cette démarche par le gouvernement. En outre, la

garantie autonome, qui se trouve consacrée par l’ordonnance, a été définie dans un souci de

sécurité juridique, mais de par son introduction dans le Code civil, son régime juridique

devient moins autonome qu’auparavant.(Section 1) En outre, la lettre d’intention a été

définie et son régime précisé : des interrogations demeurent cependant sur le régime des

autorisations dans les sociétés anonymes pour garanties prises par les dirigeants. (Section

2)

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Section 1. Une avancée « à petits pas » en matière de cautionnement et de garantie

autonome : entre liberté des parties et sécurité juridique.

La réforme attendue du cautionnement n’a pas eu lieu. L’ordonnance du 23 mars 2006

introduit en tête du titre I, intitulé « Des sûretés personnelles », du Livre IV du code civil

un article 2287-1 ainsi rédigé : « Les sûretés personnelles régies par le présent titre sont le

cautionnement, la garantie autonome et la lettre d’intention ». Chacune de ces sûretés fait

respectivement l’objet de trois chapitres distincts, néanmoins les apports majeurs de la

réforme concernent surtout la réception dans le code civil de techniques reconnues

jusqu’alors dans la jurisprudence, concernent la garantie autonome et la lettre d’intention.

Ainsi, le Code civil introduit en son sein des dispositions en matière de garantie

autonome (§1) qu’il se contente de définir et de distinguer du grand absent de la réforme,

le cautionnement. (§2)

§1. La garantie autonome : d’une définition efficace à un régime imparfait.

A). Une définition claire permettant de distinguer la garantie autonome des garanties

voisines : le cautionnement et la lettre d’intention.

En matière de garantie autonome, le législateur a décidé de mettre fin à des années de

jurisprudence fluctuante et source d’insécurité juridique. Les juges ont en effet cherché à

distinguer la garantie autonome du cautionnement, les effets de la distinction, découlant du

caractère accessoire (cautionnement) ou non (garantie autonome) de la garantie se

répercutant sur les droits du garant à contester la portée de son engagement. En effet, en

vertu du caractère accessoire du cautionnement, la sûreté est l’accessoire de la créance

qu’elle garantit et la caution peut d’une part se prévaloir de la non exécution ou de la

mauvaise exécution par le débiteur du contrat principal et d’autre part opposer au créancier

sa propre « défaillance » envers le débiteur dans ses obligations envers ce dernier, telles

l’obligation d’information ou de conseil. Au contraire, la garantie autonome n’est pas

soumise au principe de l’accessoire, les engagements autonomes ne comportant pas de

référence au contrat principal. La garantie autonome est caractérisée par l’inopposabilité

des exceptions. Le créancier appelle la garantie, sans que le garant ne puisse lui opposer

d’exceptions tenant au contrat principal.

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Les difficultés de distinction entre garantie autonome et cautionnement se présentaient

de manière récurrente, notamment au vu de la difficulté de définition de la garantie

autonome dans ses réalités diverses : la garantie à première demande était susceptible de

degrés variables au regard du principe de l’accessoire. Ainsi, la jurisprudence acceptait,

pour définir l’autonomie, tantôt de retenir les critères de l’objet accompagnée d’une

inopposabilité des exceptions22, tantôt l’étendait à un engagement qui comportait des

références « simples » au contrat de base mais non des références « complexes »

impliquant appréciation des modalités d’exécution de celui-ci pour l’évaluation des

montants garantis ou la détermination des durées de validité.23 Parfois même la

jurisprudence adoptait des termes différents pour englober une réalité similaire, celle de la

garantie autonome qu’elle qualifiait de garantie stipulée « inconditionnelle ou à première

demande », à « demande justifiée » ou encore « documentaire ».

Désormais le nouvel article 2321 du Code civil définit la garantie autonome comme

« (…) l’engagement par lequel le garant s’oblige, en considération d’une obligation

souscrite par un tiers, à verser une somme soit à première demande, soit suivant des

modalités convenues ».

La distinction est ainsi opérée avec le cautionnement, dont la caractéristique principale

est d’être un engagement accessoire à celui du débiteur principal, tandis que la garantie

autonome se limite au versement d’une somme en vertu d’un accord entre le garant et le

bénéficiaire, sans référence au contrat principal. Aussi, la lettre d’intention ne comporte

pas nécessairement le paiement d’une somme d’argent envers le créancier.

Cette définition est empreinte de la théorie de l’autonomie de la volonté et laisse, dans un

libéralisme contractuel le choix aux parties de prévoir leur degré de liberté dans les

engagements pris au travers de cette garantie24. Le régime de la garantie autonome a fait

l’objet de peu de précisions, afin de laisser aux parties le soin de convenir de la meilleure

forme que revêt cette sûreté. Néanmoins, certaines de ses dispositions prévoient des règles

22 Cass. com., 13 déc. 1994, n° 92-12.626, Bull. civ. IV, n° 375, p. 30923 Cass. com., 18 mai 1999, n° 95-21.539, Bull. civ. IV, n° 102, p. 8324 Voir notamment Cass.com. 12 juillet 2005, Bull.civ. IV, n° 161 ; D. 2005, AJ. p. 2214, obs. X. Delpech ; Banque et Droit nov.-déc. 2005, p.80, obs. T. Bonneau ; Dr. Et ptrimoins févr. 2006, p. 132, obs. P. Dupichot ; RTDcom. 2005, p. 823, obs. D. Legeais, concernant une « garantie injustifiée ».

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protectrices, afin de limiter le développement de cette garantie, réservée aux usagers

avertis.

B). La garantie autonome devient moins autonome quant à son régime juridique.

Il en va ainsi en premier lieu du domaine de cette garantie dont les contours sont dessinés

par le législateur.

En premier lieu, en vertu de l’article L.313-10-1 nouveau du Code de la consommation,

« la garantie autonome définie à l'article 2321 du code civil ne peut être souscrite à

l'occasion d'un crédit relevant des chapitres Ier et II du présent titre. ».25 En d’autres

termes, la garantie autonome ne peut être employée aux fins de souscription d’un crédit

régi par le Code de la consommation.

En second lieu, le nouvel article 22-1-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 interdit

l’usage de la garantie autonome en cas de bail d’habitation, à moins que cette garantie ne

soit « souscrite en lieu et place du dépôt de garantie prévu à l’article 22 et que dans la

limite du montant résultant des dispositions du premier alinéa de cet article ».

L’article 2321 alinéas 2,3 et 4 prévoit uniquement les traits principaux de la garantie

autonome, définition qui laisse une large place à la liberté des parties.

L’alinéa 3 de l’article 2321 énonce le principe de l’inopposabilité des exceptions selon

lequel « le garant ne peut opposer aucune exception tenant à l’obligation garantie ».

Néanmoins ce principe est atténué par l’alinéa 2 de l’article 2321 en vertu duquel « le

garant n’est pas tenu en cas d’abus ou de fraude manifeste du bénéficiaire ou de collusion

de celui-ci avec le donneur d’ordre ». L’alinéa 4 énonce enfin que « sauf convention

contraire, cette sûreté ne suit pas l’obligation garantie ».

Enfin, il faut surtout préciser que l’introduction de la garantie autonome dans le Code

civil est accompagnée de l’affaiblissement de cette garantie pourtant traditionnellement

très efficace en raison de l’inopposabilité des exceptions qu’elle procurait au bénéficiaire

de la sûreté : désormais la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2006 sur la sauvegarde des

25 Art. L. 313-10-1 du Code de la consommation, introduit par l’ordonnance nº 2006-346 du 23 mars 2006, art. 39.

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entreprises assimile expressément les personnes ayant consenti une garantie autonome à

celles ayant consenti un cautionnement.26

En effet, le législateur assimile les titulaires d’un cautionnement et celui d’une garantie

autonome que ce soit dans la procédure de conciliation,27 de sauvegarde28, ou de

redressement29.

L’assimilation ainsi opérée n’est pas justifiée depuis la nouvelle définition de la garantie

autonome qui la distingue nettement de celle là.

§2. Le cautionnement, grand absent de la réforme des sûretés.

L’ordonnance du 23 mars 2006 apporte très peu de modifications ne matière de sûretés

personnelles. Elle introduit de nouvelles sûretés personnelles au sein du Livre IV du code

civil, telles la garantie autonome et la lettre d’intention. L’article 2287-1 semble autoriser

la coexistence d’autres techniques juridiques issues pour la plupart du droit des obligations

pouvant être utilisées à des fins de sûretés tels l’engagement de codébiteur solidaire non

intéressé à la dette, délégation simple, promesse de porte-fort, convention de ducroire…).

Néanmoins, le cautionnement, qui reste encore largement régi par la loi Dutreil du 1er août

2003, dont les imperfections ont été abondamment critiquées30 est le grand absent de cette

réforme. Pourtant, le groupe de travail présidé par le professeur Grimaldi avait proposé de

réformer de manière rationnelle tout le droit du cautionnement afin, notamment de mettre

fin aux imperfections de la loi Dutreil, qui insère dans le Code de la consommation des

dispositions en matière de cautionnement des cautions personnes physiques sans en exclure

expressément les cautions-dirigeantes.

A). Absence de réforme du droit du cautionnement.

26 « Les sûretés personnelles à l’épreuve de la loi de sauvegarde des entreprises , Banque et Droit janv-févr. 2006, p.17, Dupichot, Dr. et Patrimoine févr. 2006, p.133. 27 les cautions, coobligés ou garants autonomes peuvent identiquement se prévaloir des dispositions de l’accord homologué (C. com., art. L. 611-10)28 l’arrêt du cours des intérêts, la suspension provisoire des poursuites jusqu’au jugement arrêtant le plan ou prononçant la liquidation (C. com., art. L. 622-28)29 les « garants » personnes physiques ne pourront plus se prévaloir de l’arrêt du cours des intérêts (C. com., art. L. 631-14, II,)30 « Le code de la consommation siège d'un nouveau droit commun du cautionnement : Commentaire des dispositions relatives au cautionnement introduites par les lois du 1 er août 2003 relatives à l'initiative économique et sur la ville »D.Legeais, JCP E Semaine Juridique (édition entreprise) 09/10/2003 °41, Page(s) 1610-1615

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Les dispositions de l’ordonnance relatives au cautionnement relèvent de modifications

purement formelles, dans la mesure où le texte reproduit intégralement les anciennes

dispositions relatives aux principes généraux du cautionnement des articles 2011 à 2043

dans de nouveaux articles 2288 à 2320 du même code.

Le cautionnement reste donc en grande partie défini par la loi Dutreil dès lors qu’il est

conclu par une personne physique ou morale auprès d’un créancier professionnel par un

acte sous seing privé.31 Néanmoins, à défaut de définition précise du « créancier

professionnel »32, ou de précision en faveur de quel type de caution la loi entend étendre

ses effets, caution profane, qui pourrait justifier d’une protection spéciale instaurée par la

loi Dutreil, ou une caution « dirigeante » ou « avertie », qui ne justifie pas de protection en

ces termes, alors même que la jurisprudence opérait quant à elle, non sans difficultés, la

distinction.33

A défaut de la loi, la jurisprudence continue à améliorer le sort du créancier. Ainsi, deux

arrêts de la chambre commerciale en date du 8 novembre 200534 ont apporté des précisions

en cas de fusion-absorption de la société créancière, d’une part, et de la société débitrice,

d’autre part.

Le cautionnement réel a également fait l’objet de redéfinition en jurisprudence suite à

une décision rendue en chambre mixte de la Cour de cassation le 2 décembre 200535. La

décision met un terme aux controverses relatives à la nature juridique du cautionnement

réel. Des arrêts antérieurs avaient consacré la thèse de la nature mixte du cautionnement

réel36. La Cour a jugé que « une sûreté réelle pour garantir la dette d’un tiers n’impliquant

aucun engagement personnel à satisfaire à l’obligation d’autrui et n’étant dès lors pas un

31 voir les articles L. 311-2 et s. du Code de la consommation32 « Qui se cache derrière la qualification de créancier professionnel ? » G. Marraud des Grottes, Revue LAMY droit civil Juillet –Août 2005 , n° 18, p.35.33 « La caution dirigeante peut-elle se prévaloir d'un dol commis par un établissement de crédit dans l'octroi d'un prêt » D.Legeais, Revue de droit bancaire et de la Bourse 01/11/1998 N°70, Page(s) 193-19634 Bull. civ. n° 218e et 219 ; D 2005, AJ p. 2875, obs. A. Lienhard ; JCP 2005, II, 10170, note D. Houtcieff ; JCP E 2006, 1000, note D. Legeais ; RTDCom. 2006, p.145, obs. P. Le Cannu, et p. 179, obs. D.Legeais; JCP 2006, I, 131, n°9, obs. P. Simler ; Banque et Droit, janv-fév. 2006, p.52, obs. N. R. Le premier arrêt énonce : « en cas de fusion absorption d’une société propriétaire d’un immeuble donné à bail, le cautionnement garantissant le paiement des loyers est , sauf stipulation contraire, transmis de plein droit à la société absorbante. » La portée de cette décision est discutée en doctrine : (V. notamment P. Simler, obs. préc.)35 D.2006, Jur p. 729, avis Sainte-Rose, p.733, note L. Aynès, et AJ p.61, obs. V. Avena-Robardet ; JCP 2005,II,10183, note P. Simler ; Banque et Droit, janv-fév. 2006, p. 54, obs. F. Jacob ; Dr et Patrimoine févr. 2006, p. 128, obs. P. Dupichot ; AJ Famille 2006, p. 113, note P. Hilt.36 Cass 1e civ 15 mai 2002, Defrénois 2002, art 37691, n°23, obs. P.Théry ; D. 2002, Jur p. 1780, note C. Barberot, et somm. p. 3337, obs. L. Aynès.

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cautionnement, lequel ne se présume pas, » une cour d’appel a exactement retenu que

l’article 1415 du code civil n’étant pas applicable au nantissement de titres communs

donné par un époux marié sous le régime de la communauté universelle pour garantir le

remboursement d’un prêt accordé à un tiers par une banque.

L’ordonnance précise le régime du cautionnement réel en se fondant sur cette décision de

la Cour de cassation et protège la communauté en complétant l’article 1422 du code civil

par un second alinéa aux termes duquel les époux « ne peuvent non plus, l’un sans l’autre,

affecter l’un de ces biens à la garantie de la dette d’un tiers ».

B). L’insuccès des propositions du projet Grimaldi pour la réforme des sûretés en matière

de cautionnement.

Malgré les propositions novatrices du projet Grimaldi aux fins de réformer le droit du

cautionnement et en réintégrer l’essence au sein du Code civil, en matière de

cautionnement, les rédacteurs du projet ont néanmoins essuyé un refus de la part du

législateur. Pourtant, l’essence du droit du cautionnement, « délocalisé » dans le Code de la

consommation depuis la loi « Dutreil » en date du 1er août 200337, a fait l’objet de plusieurs

réformes et d’une jurisprudence fluctuante, agissant dans un souci toujours croissant de la

protection des cautions.

Néanmoins, le groupe de travail présidé par le professeur Grimaldi a proposé de

moderniser le droit du cautionnement, en réussissant enfin le pari de rendre cette sûreté

efficace pour le créancier, tout en protégeant la caution personne physique.

En premier lieu, le projet souhaitait voir insérée dans le Code civil une définition du

cautionnement défini comme un contrat par lequel une caution s’oblige à payer la dette

d’un débiteur en cas de défaillance de celui-ci. (article 2292) Une typologie a été proposée

pour compléter la définition entre d’une part cautionnement conventionnel, judiciaire,

légal ; d’autre part simple ou solidaire et enfin spécial ou général selon les dettes garanties.

37 L.n° 2003-721 du 1er août 2003, J.O. 5 août, p. 13449, « La réforme inopinée du cautionnement » Dr. Et Patr. 2003, n° 120, p.28. A. Robardet

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En deuxième lieu, le projet proposait enfin d’intégrer dans le régime légal du

cautionnement la distinction entre caution personne physique agissant à titre professionnel

ou personne morale d’une part ; et personne physique agissant à titre non professionnel de

l’autre. Seule cette dernière pourrait prétendre à une protection par le biais d’un certain

formalisme du cautionnement souscrit par un acte sous seing privé. En cas de

cautionnement souscrit par acte authentique, le devoir d’information et de conseil du

notaire, donnant lieu à responsabilité de ce dernier, suffit à garantir la pleine protection de

la caution profane. Le projet proposait en effet d’instaurer un formalisme « simplifié » en

vertu duquel la caution, précisant le montant de son engagement dans un écrit, pouvait

prétendre à une présomption de caducité du cautionnement en cas de mention jugée

insuffisante, dont la preuve devait être rapportée par tout moyen par le créancier impayé.

Enfin, afin de mettre un terme à l’enchevêtrement des dispositions relatives au devoir

d’information du créancier, qui se superposent depuis la loi Dutreil en son article L.341-6

du Code de la consommation (s’agissant de l’obligation annuelle d’information) qui fait

doublon avec l’article L.313-22 du Code monétaire et financier, ou encore avec l’article

2016, alinéa 2 du Code civil, qui impose une telle obligation aux cautions personnes

physiques, par tout créancier38, le groupe de travail avait proposé de substituer à ces

obligations un seul article 2307 en ces termes : « tout créancier est tenu, avant le 31 mars

de chaque année, de faire connaître à toute caution personne physique le montant du

principal de la dette et de ses accessoires restant dus au 31 décembre de l’année

précédente, sous peine de déchéance des intérêts et accessoires échus durant la période de

silence fautif. Dans le cas où le cautionnement serait à durée indéterminée, le créancier

professionnel est, en outre, tenu de rappeler à la caution sa faculté de résiliation ».

Enfin, le principe de proportionnalité serait maintenu, mais seulement au bénéfice de

cautions personnes physiques agissant à titre non professionnel, la réduction de

l’engagement serait prévue en cas de disproportion manifeste entre les revenus et le

patrimoine de la caution, à moins que ceux-ci, au moment où elle est appelée, ne lui

permettent d’y faire face.

Pour restaurer l’efficacité du cautionnement, le caractère accessoire du cautionnement

restant préservé, le groupe de travail comptait retirer à la caution le droit de soulever

certaines exceptions en cas de défaillance du débiteur, tels les délais de paiement,

38 CA Paris 19 nov. 2004 JCPG 2005, I, n°135, obs. Ph. Simler.

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l’extinction totale ou partielle de l’obligation pouvant résulter d’une procédure

d’insolvabilité, sauf disposition contraire de cette législation.

Cependant, le législateur n’a pas autorisé le groupe de travail d’apporter des

modifications en matière de cautionnement, manquant ainsi une opportunité de rendre ce

droit plus cohérent et efficace. Désormais, le Code de la consommation reste le siège

privilégié du droit du cautionnement, tandis que les garanties personnelles issues de la

pratique prennent leur place au sein du Code civil. Il en va ainsi de la lettre d’intention,

engagement donné le plus souvent par un dirigeant d’entreprise pour garantir les dettes de

sa filiale et dont la portée incertaine faisait l’objet d’une jurisprudence fluctuante. Laissant

la place à une liberté des signataires de ces lettres, l’ordonnance accueille néanmoins une

nouvelle définition de cette sûreté et en précise la portée.

Section 2. Une lettre d’intention définie au service de la sécurité juridique et de la

souplesse d’utilisation.

De la pratique est née la lettre d’intention, forme la plus simple d’engagement pour

garantir la dette d’une société filiale dans le monde des affaires. Cependant, la

jurisprudence ne se prononçait pas clairement sur le régime de cette garantie et ouvrait la

voie à des discussions juridiques pour déterminer clairement le contenu d’une telle

stipulation.39

Le groupe de travail a considéré opportun d’introduire la lettre d’intention dans le Code

civil de manière à assurer l’attractivité du Droit français à l’échelon international, et d’en

préciser par la même occasion clairement les particularités.

La lettre d’intention est un instrument d’engagement personnel surtout utilisé dans le

contexte du droit des sociétés et des affaires, par lequel le plus souvent une Société mère se

porte garante des engagements de sa filiale, notamment en vue de l’obtention de crédits

bancaires. Sa consécration en tant que sûreté dans le Code civil a fait l’objet de débats par

la commission Grimaldi40.

39 Cass. Com. 21 déc. 1987, Bull. civ. IV. N° 281; Rev. sociétés 1988, p. 398, note H. Synvet ; D. 1989 Jur. p. 112, note J-P. Brill.40 Rapport du Groupe de Travail relatif à la réforme des sûretés, II,B, b, p.8, et P. Simler, Les sûretés personnelles, in rapport Grimaldi : pour une réforme globale des sûretés, Dr. Et Patrimoine sept. 2005, p.55, spéc. II, A, p.59.

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C’est en son article 2322 que le Code civil consacre désormais la lettre d’intention

comme un « engagement de faire ou de ne pas faire ayant pour objet le soutien apporté à

un débiteur dans l’exécution de son obligation envers son créancier ».

Il s’agit ainsi pour le débiteur de l’obligation d’adopter envers, le cas échéant, la société

débitrice, un certain comportement (veiller à l’exécution de ses obligations, faire ses

meilleurs efforts pour qu’elle puisse satisfaire à ses engagements…) afin de permettre au

débiteur de s’acquitter de ses engagements envers le créancier.

La définition de la lettre d’intention laisse aux parties une grande souplesse dans la

fixation de l’étendue de leurs engagements.

L’obligation du souscripteur consiste en un engagement de faire ou ne pas faire, qui se

résout en vertu de l’article 1142 du Code civil en une obligation de payer des dommages et

intérêts au créancier en cas de défaillance du débiteur. Il ne s’agit nullement de se

substituer au débiteur dans l’exécution de l’obligation garantie. Le garant ne prend pas un

engagement accessoire de se substituer au débiteur défaillant dans l’exécution de

l’obligation par celui-ci. L’article 2322 marque ainsi la différence avec le cautionnement.

En outre, le montant des dommages et intérêts ne correspond pas nécessairement à celui de

la dette garantie. En cela, l’article 2322 marque une distinction avec la garantie autonome

qui consiste pour le garant à verser une somme d’argent qui a pour objectif de désintéresser

en totalité le créancier qui exerce son droit.

Néanmoins, en dehors des décisions telles que l’arrêt rendu le 13 décembre 2005, la

difficulté majeure qui concerne les lettres d’intention en jurisprudence consiste en la

distinction, au sein des lettres d’intention portant engagement de « comportement », celles

qui ne donnent lieu qu’à une obligation de moyens à charge du souscripteur et celles qui

constituent de véritables engagements de résultat. La Cour de Cassation, se prononçant au

cas par cas, n’a pas donné des contours nets à la distinction.

En effet, les obligations de moyens et de résultat, qui résultent respectivement de la

lecture des articles 1137 et 1147 du Code civil, dont l’intérêt de distinction repose sur la

charge de la preuve, sont traditionnellement fondées sur des critères d’aléa ou d’absence

d’aléa dans l’exécution de l’obligation.

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Ainsi, la jurisprudence, à la lecture de divers engagements contenus dans une lettre

d’intention a distingué celles qui ne mettent à charge du signataire que des engagements de

moyens et ceux qui font naître de véritables engagements de résultat.

A titre d’exemple, des engagements visant à mettre en œuvre les « moyens possibles »,

de « s’efforcer » de tenir ses engagements traduisent une volonté atténuée de se porter

garant41. Il est clair que l’ordonnance du 23 mars 2006 n’appréhende pas les lettres

d’intention recouvrant une obligation de moyens qui auraient été souscrites avant l’entrée

en vigueur de la loi en ce qu’elles ne nécessitent pas l’autorisation du Conseil

d’Administration ou du Conseil de Surveillance de la Société qui se porte garant, en ce

qu’elles ne constituent pas de véritables garanties au sens de l’article L. 225-35 alinéa 4 du

Code de commerce. .

En revanche, la jurisprudence a mis en évidence deux types d’engagements constitutifs

de garantie, en ce qu’ils recouvrent de véritables obligations de résultat : il s’agit d’une part

des obligations de faire ou de ne pas faire, par opposition aux obligations de payer qui sont

appréhendées désormais par la garantie autonome42, et d’autre part des engagements de se

substituer au débiteur ou à la filiale défaillants. Ces derniers engagements, proches du

cautionnement par leur caractère accessoire, sont de véritables garanties. Ils contiennent

des formules caractérisant une volonté réelle de se trouver lié en cas d’inexécution du

débiteur telles que « faire le nécessaire pour », « prendre toutes les dispositions pour »,

« faire en sorte que ». Dès lors que le résultat n’est pas atteint, le débiteur de l’obligation

ne peut s’exonérer que par la force majeure ou le cas fortuit.

Néanmoins, pour les sociétés anonymes, la société qui souscrit une lettre d’intention

génératrice constitutive de garantie, doit, au sens de l’article L. 225-35 alinéa 4 du Code de

commerce, obtenir, au préalable, l’autorisation du conseil d'administration de la société.43

41 V. par exemple Cass. com. 18 avr. 2000, Bull. civ. IV, n° 78; Banque et Droit juill.-août 2000, p. 53, obs. N. R; D. 2000, AJ p. 257, obs. J. Faddoul, et 2001, Somm. p. 700, obs. L. Aynès; RTD com. 2000, p. 664, obs. C. Champaud et D. Danet; Rev. sociétés 2000, p. 520, obs. A. Constantin; Cass. com. 18 mai 2005, RD banc, et fin. 2005, n' 173, obs. A. Cerles; Dr. et patrimoine févr. 2006, p. 131, obs. P. Dupichot42 article 2321 alinéa 1er du Code civil 43 Cass.com. 19 avril 2005 : «la société qui s'oblige à faire le nécessaire pour que sa filiale respecte ses engagements envers un tiers contracte à l'égard de celui-ci une obligation de faire s'analysant en une obligation de résultat». Une telle obligation est « constitutive d'une garantie nécessitant l'autorisation du conseil d'administration de la société» en application de l'article L. 228-35, alinéa 4, du code de commerce. »

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La consécration des lettres d’intention comme de véritables sûretés par leur introduction

dans le Livre Quatrième du Code civil sans distinction entre les degrés du caractère

contraignant de l’engagement ne permet désormais plus de distinguer là où la loi ne

distingue pas.

La définition nouvelle des lettres d’intention de l’article 2232 du Code civil suscite donc

de nouvelles interrogations quant à leur avenir.

En premier lieu, comment la Cour de cassation mettra-t-elle en exergue quelles lettres

d’intention sont constitutives de garanties, pouvant le cas échéant être appréhendées par les

exigences de l’article L. 225-35 du Code de commerce et celles qui n’ont qu’une portée

relative, voire dépourvue de conséquences juridiques (engagements d’honneur…) ?

La définition de l’article 2322 du Code civil recouvre-t-elle les lettres d’intention

reconnues par la Cour de Cassation comme constituant de véritables engagements de porte-

fort soumis à l’exigence d’une mention manuscrite du porte-fort conformément aux

exigences de l'article 1326 du code civil ?44

44 Cass. com. 13 déc. 2005, : «celui qui se porte-fort de l'exécution d'un engagement par un tiers s'en gage accessoirement à l'engagement principal souscrit par le tiers à y satisfaire si le tiers ne l'exécute pas lui-même»D. 2006, A1 p. 298, obs. X. Delpech; JCP 2006, II, 10021, 2e espèce, note P. Simler; JCP E 2006, 1342, note P. Crosser; Defrénois 2006, p. 414, note E. Savaux; Contrats, conc., consom. 2006, n° 63, note approbative L. Leveneur; Banque et Droit mars-avr. 2006, p. 17, obs. N. R.; adde sur cet arrêt I. Riassetto, Le porte-fort d'exécution, une garantie à la recherche de son caractère, Rev. Lamy Droit civil, avr. 2006, p. 26. ; « Les lettres d’intention se portent-elles fort ? » P. Dupichot Lamy Droit civil 2006

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La pratique bancaire fait mention d’une acceptation relative des nouvelles sûretés

personnelles, garanties issues de la pratique dont des définitions légales ont été insérées

dans le Code civil. Ainsi, la profession bancaire reste défavorable à la définition de la

garantie autonome ou la lettre d’intention pour diverses raisons.

En premier lieu, des raisons juridiques viennent modérer l’accueil des nouvelles sûretés

personnelles par la profession bancaire : selon l’avis de la Fédération Bancaire Française,

ce type de garantie n’a pas vocation à faire partie des dispositions du droit civil et du droit

des obligations, la meilleure place pour ces garanties aurait été le Code des sociétés ou le

Code de commerce, puisque ces sûretés, lettre d’intention et garantie autonome ne sont pas

souscrites par des particuliers pour leurs besoins personnels mais par des dirigeants

d’entreprises.

En deuxième lieu, la FBF considère la définition de ces garanties comme

« contreproductive »45. En effet, la jurisprudence française et étrangère, dans le cadre des

transactions internationales impliquant ce type de garanties a déjà défini et précisé les

contours de ces sûretés.

Aussi, en l’absence de réforme du cautionnement, les définitions de ces garanties sont

encore moins compréhensibles puisqu’elles visaient avant tout, dans le projet de réforme, à

distinguer ces deux types de garanties du cautionnement lui-même.

Enfin, les banques s’interrogent outre mesure encore sur la place de la lettre d’intention

dans le chapitre réservé aux sûretés et se demandent s’il faudra de ce fait la soumettre,

quelle que soit sa rédaction, à l’autorisation préalable du conseil d’administration ou du

conseil de surveillance. Cela ferait perdre aux lettres d’intention une bonne partie de leur

intérêt, puisque selon les distinctions opérée par la jurisprudence entre lettres donnant lieu

à un engagement de moyens u de résultat, seules ces dernières sont, dans les SA,

45 « La position de la Fédération bancaire française sur le projet de réforme du droit des sûretés » A. Bac Droit et Patrimoine n° 140 septembre 2005 p 98

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subordonnées à l’exigence d’autorisation préalable.

En ce qui concerne le cautionnement, les critiques de la FBF viennent de ce que les

propositions du rapport Grimaldi en matière de cautionnement ont été retirées par le

Parlement du champ d’habilitation de la loi.

Il est en effet dommageable que les propositions du groupe de travail aient été non

validées, dans la mesure où la profession bancaire se félicitait des nouvelles dispositions

qui étaient envisagées. Ainsi de la distinction entre caution avertie et de la caution profane,

qui mérite une protection accrue, distinction qui n’entre pas dans le champ de la loi Dutreil

du 1er août 2003.

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TITRE 2nd : La souplesse du nouveau régime très novateur en matière de

sûretés réelles.

En matière de sûretés réelles les innovations sont au contraire très marquées par

l’introduction du gage sans dépossession en droit des sûretés françaises (Section 1),

l’accueil dans notre droit de l’hypothèque rechargeable et du prêt viager hypothécaire,

mais aussi dans les assouplissements considérables des règles en matière de sûretés

mobilières ou immobilières préexistantes telle la quasi généralisation de la validité du

pacte commissoire et l’assouplissement des règles en matière d’hypothèque

conventionnelle afin d’en faciliter la constitution et l’exécution.(Section 2)

Section 1. Les sûretés mobilières : une révolution en cours.

La principale nouveauté concerne l’introduction en droit français du gage de meubles

corporels sans dépossession du débiteur, (§1), bien que le banquier soit également

directement intéressé par les nouvelles dispositions en matière de nantissement de meubles

incorporels et en particulier du nantissement de solde de compte bancaire. (§2)

§1. L’accession en droit français du gage de meubles corporels sans dépossession du

constituant, une souplesse d’utilisation à toute épreuve.

A coté du gage de meubles corporels de droit commun, qui coexiste avec le traditionnel

gage avec dépossession (A) ; la réforme a laissé subsister des sûretés sans dépossession

archaïques dépourvues d’intérêt en la présence de ces deux principaux gages de droit

commun. (B)

A. Le gage de meubles corporels de droit commun peut être conclu sans dépossession du

constituant: une révolution en cours.

1. Le nouveau gage sans dépossession du constituant de droit commun, une révolution

en cours.

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Le Livre 4 du Code civil tel que modifié par l’ordonnance du 23 mars 2006 introduit

dans le nouveau droit des sûretés une distinction sémantique fondamentale, une summa

divisio entre le gage de meubles corporels et le nantissement de meubles incorporels. Le

nouveau régime préfère désormais retenir une appellation traditionnelle entre le « gage »,

appellation réservée aux biens corporels et « nantissement » dont l’usage revient aux biens

incorporels.

Il est permis de se poser la question, dans la mesure où les cas de nantissements régis par

des textes spéciaux particuliers sans dépossession du constituant tels par exemple le

« nantissement de matériel et d’outillage »46, qui n’ont point été modifiés ou supprimés

pour être refondus par le groupe de travail, si l’appellation continuera en pratique à être

employée selon la volonté du législateur de 1951.

Néanmoins ce n’est point dans la sémantique qu’il faille rechercher les innovations

majeures en matière de gage de meubles corporels, mais dans l’innovation la plus

importante, l’institution d’un gage sans dépossession qui devient le gage de droit commun.

Une nouvelle révolution a été consacrée dans le nouveau chapitre 2 du Titre 2 consacré

aux « sûretés réelles » du Code civil, qui est désormais consacré au gage de meubles

corporels. Parmi les innovations les plus importantes, il faut noter que le gage devient dans

la loi non plus un contrat réel reposant sur la dépossession47, mais un contrat

consensuel48dont la conséquence directe est l’option des parties d’en faire une sûreté avec

ou sans dépossession.

Régi par les articles 2333 à 2354, le gage de meubles corporels se définit comme « (…)

une convention par laquelle le constituant accorde à un créancier le droit de se faire

payer par préférence à ses autres créanciers sur un bien mobilier ou un ensemble de biens

mobiliers corporels, présents ou futurs.

Les créances garanties peuvent être présentes ou futures ; dans ce dernier cas, elles

doivent être déterminables. »49

46 Loi du 18 janvier 1951 relative au » nantissement de l'outillage et du matériel d'équipement » et décret d’application n°51-194 du 17 février 1951.47 En réalité, le contrat de prêt « consenti par un professionnel du crédit » avait déjà perdu son caractère réel depuis un arrêt en date du 28 mars 2000, (Bull 2000 I N° 105 p. 70 ; Semaine juridique, 2000-04-26, n° 17, p. 753, conclusions J. SAINTE-ROSE. Dalloz, 2000-06-08, n° 22, p. 482, note S. PIEDELIEVRE.) 48 qu’il s’agisse par ailleurs d’un gage civil (abrogation de l’article 2076 du Code civil) ou commercial (abrogation de l’article L.521-2 du Code de commerce).49 Art. 2333 du code civil

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Nul n’est désormais question de dépossession de la chose du constituant entre les mains du

créancier pour la formation du contrat. Désormais le contrat est parfait entre les parties par

l'établissement d'un écrit désignant la ou les dettes garanties et le ou les biens donnés en

gage.50 Le gage n’est plus un contrat réel.51

Or la condition de dépossession, qui était une condition de validité du gage, soumise en

outre à certains caractères, lorsqu’il était un contrat réel, devient désormais l’une des

conditions d’opposabilité du contrat de gage aux tiers.

En effet, désormais les conditions de validité du gage de meubles corporels sont

énoncées dans les articles 2333 et suivants du Code civil et comprennent la nécessité de

rédaction d’un écrit comportant la désignation de la dette garantie et la quantité et espèce

des biens gagés. En effet, les règles de constitution du gage n’ont nullement été

bouleversées, abstraction faite de l’éventuelle publicité aux fins d’opposabilité aux tiers ou

du caractère consensuel du contrat qui donne plein effet au contrat dès la signature de

celui-ci. D’ailleurs, aucun formalisme n’a été prévu de manière à encadrer le consentement

du constituant profane lors de la constitution du gage, qui prend désormais effet dès la

signature de la convention.

Néanmoins le contrat de gage de meubles corporels doit être consigné dans un écrit signé

par le créancier et le constituant52, contenant certaines mentions obligatoires à peine de

nullité, telles la désignation de la dette garantie, la quantité des biens donnés en gage et

leur espèce et nature.53 Il peut être en revanche constitué par le débiteur ou un tiers (Art.

2324 nouveau). Un époux ne peut accorder en gage un bien commun sans accord de l’autre

époux (Art. 1422 modifié).

Dès la signature, le gage devient parfait entre les parties. Afin d’avertir les tiers, un

enregistrement sur un registre spécial sera organisé par voie réglementaire, afin de

centraliser toutes les publicités de gages sans dépossession. Désormais donc le choix est

50 Art. 2336 : « Le gage est parfait par l’établissement d’un écrit contenant la désignation de la dette garantie, la quantité des biens donnés en gage ainsi que leur espèce ou leur nature. » 51 A l’exception des gages spéciaux nécessitant la dépossession 52 Art. 2074 ancien du Code civil.53 Art. 2336 nouveau « Le gage est parfait par l’établissement d’un écrit contenant la désignation de la dette garantie, la quantité des biens donnés en gage ainsi que leur espèce ou leur nature. «

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offert au créancier : le gage avec dépossession ou laisser le débiteur en possession de la

chose tout en l’inscrivant au registre prévu.

D’ailleurs en matière d’entrée en vigueur des dispositions concernant le gage de meubles

corporels, les dispositions concernant le gage avec dépossession sont entrées en vigueur le

25 mars 2006, tandis que celles relatives au gage sans dépossession sont subordonnées à

l’entrée en vigueur du décret d’application organisant le système de publicité. La pratique

juridique a néanmoins commencé l’application des dispositions relatives à ce gage dès

l’entrée en vigueur de l’ordonnance, conformément aux principes de droit commun de

l’applicabilité directe de la réforme aux contrats en cours.

En revanche, les conditions d’opposabilité du gage ne sont plus à trouver dans les

formalités contenues dans l’écrit du contrat, mais se reportent à la publicité (dans le cas

traditionnel d’un gage avec dépossession), ou dans la dépossession elle-même entre les

mains du créancier ou d'un tiers convenu.

En outre, parmi les principales innovations de l’ordonnance, il faut mentionner la

possibilité de constituer un gage de choses fongibles corporelles et surtout de choses (et de

créances) futures, pourvu que ces dernières soient au moins déterminables54, ces précisions

autorisant, sans le dire expressément, le gage sur stocks, auquel des dispositions

particulières sont cependant consacrées dans le Code de commerce. En revanche le gage

n’est possible que sur des biens appartenant au constituant, le gage du bien d’autrui étant

nul. Le créancier dispose d’un droit d’action en responsabilité en cas de violation à ladite

règle. (Art. 2335 du Code Civil). En outre le gage sur choses fongibles emporte obligation

pour le créancier de tenir ces choses séparées des choses de même nature qu'il détient, sauf

dispense expresse, qui l'autorise, alors, à disposer des choses gagées, à charge de restituer

la même quantité de choses équivalentes.

2. Le nouveau gage de droit commun et la place du créancier gagiste.

a). Les nouvelles conditions d’opposabilité et de préservation de ses droits sur le gage.

54 Art 2333 nouveau « Le gage est une convention par laquelle le constituant accorde à un créancier le droit de se faire payer par préférence à ses autres créanciers sur un bien mobilier ou un ensemble de biens mobiliers corporels, présents ou futurs. Les créances garanties peuvent être présentes ou futures ; dans ce dernier cas, elles doivent être déterminables. »

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La publicité permet de régler les conflits entre créanciers gagistes. Lorsqu’un même bien

a fait l’objet de plusieurs gages successifs sans dépossession, l’article 2339 alinéa 1

organise leurs rangs respectifs en fonction de la date d’inscription de la sûreté. En cas de

constitution d’un gage sans dépossession sur un bien suivi d’un gage avec dépossession, le

droit de préférence du premier créancier régulièrement publié sera opposable au second

nonobstant le droit de rétention du second créancier. (Art. 2339 alinéa 2 nouveau).

L’on constate que le droit de rétention perd de son efficacité avec l’institution du gage

sans dépossession. Il était autrefois la prérogative la plus efficace du créancier gagiste. Il

tombe désormais devant la publicité antérieure d’un gage sans dépossession.

Pendant l’exécution du contrat, les parties sont tenues à certaines obligations. Celles-ci

diffèrent selon que le gage est constitué avec ou sans dépossession. En cas de gage avec

dépossession, le créancier ou le tiers convenu qui possède la chose entre ses mains, doit

conserver le bien et engager toutes dépenses utiles pour la conservation du bien (Art.

2243). Les fruits éventuellement tirés du bien sont perçus par le créancier et amputés sur

les intérêts ou, à défaut, sur le capital de la dette (Art. 2345). Le débiteur a une action en

restitution du bien gagé, notamment des choses fongibles, au cas où le créancier n’aurait

pas satisfait à son obligation de conservation (Art. 2344 alinéa 1). Une possibilité du

créancier d’inter changer les biens fongibles est prévue, à condition de les restituer sous la

forme et quantité équivalentes. (Art. 2341 al. 2). En cas de gage sans dépossession, toutes

les obligations de conservation incombent au constituant, le créancier pouvant agir en

déchéance du terme ou en demande de complément du gage en cas de non satisfaction du

débiteur à ses obligations. (Art. 2344)

La réalisation du gage reste, en cas d’inexécution de l'obligation garantie la possibilité du

créancier de demander la vente en justice ou l'attribution judiciaire du gage (Art. 2078

ancien) remplacé par les articles 2346 et 2347 nouveaux), moyennant évaluation par

expert. Si la clause de voie parée, qui permettrait au créancier de se faire justice à soi-

même en s'affranchissant des procédures d'exécution, reste prohibée (Art. 2346 nouveau),

le pacte commissoire est au contraire autorisé (Art. 2348)., sauf en matière de crédit à la

consommation (Art. L.311-32 al.3 nouveau). Il s’agira pour les parties de convenir, dès la

convention de gage ou postérieurement, qu'à défaut d'exécution le créancier deviendra pro-

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priétaire du bien gagé, dont la valeur est estimée, à défaut d'accord, par voie d'expertise

judiciaire.

b). La summa divisio gage avec ou sans dépossession repose sur une notion aux contours

flous : celle de la « dépossession du constituant ».

La dichotomie nouvelle entre le gage traditionnel avec dépossession et le gage sans

dépossession, repose sur une distinction aux contours flous : il s’agit de la notion de

dépossession du créancier.

Traditionnellement, la jurisprudence exige des caractéristiques précises et fermes pour

admettre l’idée de dépossession dans le gage. La dépossession doit être effective en vertu

de l’article 2076 ancien du Code civil. A défaut de la loi, la jurisprudence est venue

également fixer les caractéristiques de la dépossession du constituant. La dépossession doit

ainsi être « effective, apparente et permanente ».

Si l’étude des caractéristiques de la dépossession semble primordiale, c’est parce que

c’est de la dépossession que dépend l’opposabilité du gage aux tiers : ainsi, comme il a été

énoncé plus haut, le gage avec dépossession est opposable aux tiers par une mise en

possession effective entre les mains du créancier, tandis que le gage sans dépossession est

rendu opposable aux tiers par la publicité du gage sur un registre spécial. La jurisprudence

antérieure s’appliquant au gage avec dépossession sera-t-elle transposable à celle du gage

sans dépossession ?

De l’opposabilité du gage dépend l’efficacité de la sûreté aux yeux des tiers. Il s’agit

donc d’étudier les contours, souvent flous, de la dépossession effective ou non effective du

constituant, pour déterminer de quel type de gage il s’agit ! Il faut espérer que la

distinction, entre gage avec ou sans dépossession, qui repose sur une notion aussi

controversée en jurisprudence, ne nuira pas au succès escompté des nouveaux gages en

droit français.

Il faut retenir que selon la jurisprudence, la dépossession doit être cumulativement

« effective, apparente et permanente », caractères qui relèvent de l’appréciation souveraine

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des juges du fond. Le droit de rétention du créancier gagiste qui possède le bien entre ses

mains ne se perd, a priori que par dessaisissement volontaire.

En premier lieu, la dépossession doit être effective : à savoir « réelle et exclusive,

semblable à celle qu’exigent les articles 1141 et 2279 anciens du Code civil ». Ainsi il est

exclu pour le constituant de continuer à avoir un droit sur la chose, par exemple au titre

d’un contrat de louage, voire de conserver une maîtrise sur la chose pour cause de

détention d’un droit sur l’endroit où est entreposé le bien garanti. Cass.com. 13 février

1990)

En deuxième lieu elle doit être apparente : la dépossession du constituant vise à avertir

clairement les tiers sur l’identité du nouveau possesseur de la chose et la dépossession

corrélative du constituant.(exemple Cass.com. 3 novembre 1980)

Enfin la dépossession doit être permanente : le créancier gagiste ou le tiers convenu

doivent détenir la chose donnée en gage de manière permanente, continue. Si le créancier

gagiste se dépossède volontairement de la chose soit de manière générale, soit pour le

remettre entre les mains du propriétaire, le contrat de gage devient caduc. Il en va de même

lorsque le créancier, en matière maritime, remet au débiteur le connaissement, titre

permettant de prendre livraison des biens livrés.

Les caractères de la dépossession fermement reconnus par la jurisprudence ne sont

cependant pas sans exceptions. En effet, des exceptions sont de longue date reconnues par

quelques arrêts d’espèce visant de manière générale à permettre au constituant, dans un

gage avec dépossession, de reprendre en possession le bien de manière momentanée,

lorsqu’il est le seul à même de procéder à un tel soin, afin de valoir des droits sur le bien

ou de fournir des soins particuliers à l’assiette du gage. Les exceptions revêtent différentes

formes :

- tantôt de permettre au banquier gagiste de conserver les marchandises dans un local

jusqu à la vente prévue de celles-ci. (Cass civ 25 nov 1891)

- ou encore de permettre de réaliser des traitements sur des sacs de riz. (Cass requetes 11

avril 1933).

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En outre, la jurisprudence avait reconnu, dans le gage avec dépossession, une action en

revendication exerçable par le créancier et prescriptible dès la 30ème année contre le

constituant de mauvaise foi pour le bien perdu ou volé. Il ets permis de se demander si le

jurisprudence appliquera les mêmes décisions vis-à-vis du créancier de mauvaise foi :

Ainsi une décision en date du 28 novembre 1989, nous renseigne sur le caractère

apparent de la mise en possession et sur la mauvaise foi du débiteur. Dans cette espèce, des

graines sont entreposées dans un silo détenu par une société tierce qui gère le stock pour le

compte d’une banque constituant du gage. La Cour retient que la banque, dont la mauvaise

foi n’est pas rapportée selon l’appréciation souveraine des juges du fond, ne peut faire

échec à l’application de l’article 2279 du Code civil qui profite au détenteur de la chose

présumé de bonne foi.

Une décision en date du 18 janvier 2000 de la 1e chambre civile de la Cour de Cassation

en matière de warrant agricole apporte de s précisions sur l’appréciation de la mauvaise foi

dans cette sûreté dont le régime est souvent calqué sur celui du gage en jurisprudence.

Ainsi, la Cour de Cassation retient que si la mauvaise foi de l’acheteur des graines peut

être retenue sur des marchandises identifiables en cas de connaissance par celui-ci de

l’existence du warrant, le seul fait de publier le warrant n’est pas une condition suffisante

pour renverser la présomption de bonne foi du débiteur en application de l’article 2268 du

Code civil.

De plus, des distinctions doctrinales ajoutent des interrogations quant à la notion de

dépossession, réflexions fondées sur la théorie de la possession corpore alieno, selon

laquelle la possession de manière générale pourrait se décomposer en deux prérogatives

distinctes. La possession impliquerait le pouvoir de disposer matériellement de la chose

(corpus) d’une part, combiné avec la conviction de posséder la chose (animus) de l’autre.

La théorie reçoit des applications concrètes en jurisprudence, notamment dans le régime du

gage ou de l’antichrèse.

Dans cette hypothèse la perte de la possession peut s’analyser en la perte des deux

prérogatives simultanément ou seulement d’une d’entre elles. En perdant l’animus, le

possesseur détient encore le corpus de la chose. En revanche en perdant uniquement le

corpus, le possesseur a été dessaisi de la chose de manière involontaire (par exemple par

vol ou perte) dans le cas où la chose est un meuble.

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Il faut attendre des applications concrètes en jurisprudence pour voir de quelle manière,

saisie d’une contestation, la jurisprudence déterminera les caractères de la possession

effective dans le gage afin d’en déterminer la nature, à défaut des parties.

B. Le gage de stocks : une sûreté dénuée d’utilité.

L’ordonnance du 23 mars 2006 prévoit la constitution d’un gage sans dépossession qui

peut porter notamment sur des biens corporels fongibles, lesquels peuvent en outre être

futurs à condition d’être au moins déterminables.55 De là découle la possibilité de

constituer un gage sur des stocks de marchandises, prévue expressément par un chapitre

VII nouveau (art. L. 527-1 à L. 527-11 du Code de commerce). Il eût été possible de faire

l'économie de ces textes, dans la mesure où le gage sans dépossession permet déjà de

réaliser une telle sûreté sur des biens meubles corporels. Néanmoins le régime du gage de

stocks doit être brièvement exposé : réservé aux établissements de crédit, le gage sur stocks

peut être consenti par toute personne morale ou toute personne physique dans l'exercice de

son activité professionnelle. Il doit être passé par écrit et doit contenir un certain nombre de

mentions à peine de nullité.56 Il doit être inscrit sur un registre public tenu au greffe du

tribunal du ressort du débiteur. Il est renvoyé aux dispositions du Code civil pour les

modes d'exécution : vente forcée ou attribution judiciaire. Mais, paradoxalement, le projet

prohibe, pour le gage commercial sur stocks, le pacte commissoire, autorisé pour le gage

civil de droit commun.

Certaines critiques peuvent être apportées à l’introduction du dispositif nouveau relatif au

gage sur stocks. Il eut été possible de faire l’économie de ces dispositions dans la mesure 55 L’entrée en vigueur des dispositions sur le gage des stocks entrent en vigueur dès la publication d’un décret d’application (Art. 527-11 nouveau du Code de commerce)

56 Art. L.527-1 : « Tout crédit consenti par un établissement de crédit à une personne morale de droit privé ou à une

personne physique dans l’exercice de son activité professionnelle peut être garanti par un gage sans dépossession des stocks détenus par cette personne. Le gage des stocks est constitué par acte sous seing privé. A peine de nullité, l’acte constitutif du gage doit comporter les mentions suivantes : 1° La dénomination : “acte de gage des stocks ; 2° La désignation des parties ; 3° La mention que l’acte est soumis aux dispositions des articles L. 527-1 à L. 527-11 ; 4° Le nom de l’assureur qui garantit contre l’incendie et la destruction ; 5° La désignation de la créance garantie ; 6° Une description permettant d’identifier les biens présents ou futurs engagés, en nature, qualité, quantité et valeur ainsi que l’indication du lieu de leur conservation ; 7° La durée de l’engagement. Les dispositions de l’article 2335 du code civil sont applicables. Un gardien peut être désigné dans l’acte de gage. »

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où le gage sans dépossession permet déjà, au vu de l’extension de l’assiette du gage, de

constituer une telle sûreté sur un ensemble de biens fongibles. En outre, étant de nature

commerciale, un régime dérogatoire du gage sur stocks plus formaliste encore que le gage

ne se justifie guère. Il est peu probable que le gage sur stocks rencontre le succès escompté

dans la pratique commerciale, notamment au vu des mentions obligatoires devant figurer

dans l’acte constitutif du gage de stocks ou encore des délais brefs (15 jours à compter de

l’acte) imposés pour l’inscription qui sont imposées à peine de nullité.

De plus, sans justification aucune, le pacte commissoire n’est pas autorisé en la matière

alors qu’il le devient dans le gage sans dépossession.

Vu son caractère pénalisant, un établissement de crédit peut-il soumettre le gage des

stocks au droit commun? Il semble que la réponse soit négative. Dans le cas contraire, il

serait possible de contourner les dispositions protectrices édictées en faveur du constituant.

De plus, à côté du gage sur stocks le législateur a institué un régime spécial de gage

automobile, dont les conditions d’application doivent être précisées par décret. L’Article

2351 le prévoit lorsqu’il porte sur un véhicule terrestre à moteur ou une remorque

immatriculés, le gage est opposable aux tiers par la déclaration qui en est faite à l’autorité

administrative dans les conditions fixées par décret en Conseil d’Etat.57

Les dispositions relatives au gage automobile, enfin, sont intégrées au Code civil,

l'opposabilité aux tiers restant subordonnée à une déclaration à la préfecture ; son régime

s'en trouve corrélativement modifié, les voies d'exécution étant celles du Code civil ci-

dessus esquissées, et non plus celles prévues au Code de commerce.

§2. Le nantissement de meubles incorporels, un assouplissement considérable au profit

du banquier.

A côté du nantissement de meubles incorporels réformé par l’ordonnance,(A) le banquier

intéresse surtout l’accueil de sûretés redéfinies telles le nantissement de solde de compte

bancaire. (B)

57 A la date qui sera ainsi fixée, sera abrogé le décret n° 53-968 du 30 septembre 1953 relatif à la vente à crédit des véhicules automobiles

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A.Le nantissement meubles incorporels.

Le nantissement de meubles incorporels est désormais régi par les nouveaux articles

2355 à 2366, et peut être conventionnel ou judiciaire. Pour celui constitué par le juge à titre

conservatoire, il est renvoyé aux dispositions relatives aux procédures civiles d'exécution.

Une distinction est faite, s'agissant du nantissement conventionnel, entre celui ayant pour

objet les créances et celui portant sur d'autres biens incorporels. Pour ce dernier, il est

renvoyé, sauf dispositions spéciales, à celles du gage. En revanche, le nantissement de

créance fait l'objet de dispositions novatrices. Il doit être conclu par écrit à peine de nullité.

Il doit désigner les créances nanties ou du moins, s'ils 'agit de créances futures, permettre

leur individualisation. S'il porte sur un compte, il a pour objet le solde, provisoire ou

définitif, sous réserve des opérations en cours, au jour de la réalisation de la sûreté ou, dans

l'hypothèse d'une procédure collective, au jour du jugement. Il est opposable de plein droit

aux tiers à la date de l'acte et son opposabilité au débiteur est seulement subordonnée à une

notification ou à son intervention à l'acte, et non plus à une signification par voie d'huissier.

Seul le créancier nanti peut alors valablement recevoir paiement, qui s'impute sur la

créance si elle est exigible ou qui, dans le cas contraire, est porté sur un compte ouvert

auprès d'un établissement habilité. En cas de défaillance du débiteur, la créance nantie

peut, comme le gage, faire l'objet d'une attribution judiciaire, à moins que les parties soient

convenues d'un pacte commissoire. La solution de la vente judiciaire est écartée.

Faute d'habilitation, l'ordonnance est muette sur le nantissement d'instruments financiers

et de monnaie scripturale, que l'avant-projet du groupe de travail souhaitait réintégrer dans

le Code civil, de tels actifs figurant dans le patrimoine de nombreux Français, auxquels un

Code monétaire et financier est plus difficilement accessible qu'un Code civil.

B. Le nantissement de solde compte : des innovations opportunes.

Le nantissement de compte joue un rôle considérable en matière de pratique bancaire.

Pratiquement toutes les sûretés réelles prises par le banquier, et en particulier en ce qui

concerne les grands projets internationaux dans lesquels les banques françaises tiennent le

rôle de créancier bénéficiaire ou de garant, sont prises sur le compte bancaire des sociétés

en cause.

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Il faut rappeler que le nantissement de solde de compte bancaire est bien un

nantissement de solde du compte et non des sommes qui y figurent prises individuellement.

Il s’agit en effet d’une affectation en garantie des sommes sur un compte par un

constituant, étant donné que le plus souvent la banque bénéficiaire est aussi teneur du

compte, qui peut être bloqué ou courant.

La nature juridique du nantissement de solde de compte bancaire a en effet été

controversée quant à cette distinction en fonction de la nature du compte, qui rejaillit sur

celle de la nature (corporelle ou incorporelle) de la monnaie, réelle ou scripturale ; ainsi

que son mode de fonctionnement. En effet, si le compte est bloqué, le nantissement

deviendrait alors un nantissement de monnaie scripturale, une créance sur le solde du

compte qu’il fallait soumettre à la formalité contraignante de la signification en vertu de

l’article 2075 du Code civil, la banque devant souvent en pratique se signifier à elle-même.

Lorsque les conditions de la connexité étaient remplies au jour de l’ouverture de la

procédure collective, la compensation des sommes pouvait s’opérer au profit du créancier.

Une seconde analyse a été proposée pour échapper à ce formalisme ; la monnaie scripturale

serait alors un bien corporel, obéissant au régime du gage de droit commun (le gage

antérieur avec dépossession), et la garantie serait constituée, en raison du caractère réel du

gage par simple inscription en compte des sommes. Le banquier pourrait alors se faire

attribuer le solde créditeur sans évaluation judiciaire. La jurisprudence a semblé consacrer

la théorie selon laquelle le nantissement de solde de compte bancaire serait proche de la

fiducie-sûreté, la propriété des sommes sur le compte étant transférée au créancier en

garantie qui les restitue. Le dénouement s’opère par compensation ou par un droit de

propriété acquis définitivement. Néanmoins dans cette décision un doute planait sur la

nature du compte en l’espèce.58

Désormais s'il porte sur un compte, le nantissement de solde de compte bancaire a pour

objet le solde, provisoire ou définitif, sous réserve des opérations en cours, au jour de la

réalisation de la sûreté ou, dans l'hypothèse d'une procédure collective, au jour du

jugement. Il gagne ainsi en souplesse en cas d'ouverture d'une procédure de redressement

judiciaire. En effet, en cas d’ouverture d’une procédure collective, l’article 2360 énonce

que les droits du créancier nanti portent sur le solde du compte à la date du jugement

58 Cass com. 3 juin 1997

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d’ouverture. Le nantissement est constitué par la signature par le constituant d'une

déclaration de gage59. Toutefois, des doutes subsistent sur la date de la constitution du gage

à retenir : est-ce celle mentionnée sur la déclaration de gage ou celle de la réception de la

déclaration par le teneur de compte?

La réforme entérine le doute en matière de solde de compte bancaire bloqué et estime

que le nantissement de compte bloqué s'analyse comme un nantissement de créances60. Les

formalités prévues à l'article 2075 du code civil s'appliquent. Contrairement au gage-

espèces, le créancier gagiste doit attendre la fin de la période d'observation avant de

réaliser son gage. Le créancier titulaire d’un gage espèces est en effet mieux loti : le

banquier devient propriétaire des sommes déposées en vertu de la cession fiduciaire61. La

réalisation du « gage» s'effectue par compensation entre la créance du banquier sur le

constituant au titre de l'obligation garantie et celle en restitution du constituant du gage à

l'encontre de la banque au titre du gage-espèces62. Cette compensation est valable, même

en cas d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire. Le créancier «gagiste» n'est

donc pas soumis à la règle de la suspension des poursuites.

Section 2. Les sûretés immobilières : des innovations majeures .

Si les sûretés traditionnelles ont été assouplies de manière considérable, soit en

consacrant des usages issus de la pratique notariale ou bancaire, soit en rénovant leurs

régimes respectifs (§1), de nouvelles sûretés réelles immobilières ont été introduites dans

le droit des sûretés françaises, dont le succès escompté doit faire ses preuves du côté des

praticiens comme des consommateurs (§2)

59 La forme de la déclaration est établie par le décret n" 97-509 du 21 mai 199760 V. Lamy Droit des sûretés, préc., n' 269-57. Une partie de la doctrine moderne assimile la monnaie scripturale à un bien corporel. Pour Simler et Delebecque, op. cit., n° 635, le banquier teneur de compte bloqué est propriétaire des sommes inscrites au compte et peut donc réaliser le gage par voie de compensation61 V Cass. com. 3 juin 1997, Bull. civ. IV, n° 165; D. 1998, Jur. p. 61, note J.. François, et Somm. p. 104; obs. S. Piedelièvre; JCP 1997, 11,_ 22891, rapport J: R. Rémery; V. aussi Lamy, Droit des Sûretés, «Gage sur sommes d'argent», n° 269-2962 V. Cass. com. 3 juin 1997, préc

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§1. De la consécration des pratiques notariales en matière d’hypothèque conventionnelle

aux innovations majeures de l’antichrèse : un droit épousseté.

A. L’hypothèque conventionnelle : le recul du principe de spécialité pour une sûreté souple et moins coûteuse.

La réforme des sûretés s’est donnée pour défi de faire de l’hypothèque une sûreté plus

souple et favoriser sa constitution et sa réalisation, mais tout en conservant la protection du

constituant contre un engagement irréfléchi ou indéfini. Par conséquent, deux

assouplissements ont été apportés au principe de spécialité de l’hypothèque quant à la

créance garantie. (l’hypothèque sur créances futures et l’hypothèque rechargeable)

Le groupe de travail dirigé par le professeur Grimaldi a souhaité avant tout moderniser la

pratique notariale en matière d’hypothèque, tout en rendant cette sûreté souple et efficace.

Il a souhaité «développer le crédit hypothécaire (...) en simplifiant la mainlevée de

l'inscription hypothécaire et en diminuant son coût, et en veillant à protéger les intérêts des

personnes qui en bénéficient»63.

Ainsi le législateur fait reculer le principe de spécialité de l’hypothèque afin de la doter

d’une efficacité et d’une souplesse bienvenues, (1) tout en protégeant le constituant de la

garantie.(2)

1. Le recul du principe de spécialité de l’hypothèque pour une sûreté souple et efficace.

Le projet Grimaldi s’est fixé un objectif ambitieux : rendre l’hypothèque plus souple,

tout en autorisant, dans les limites fixées par la loi, qu’elle soit constituée sur des biens

immobiliers présents comme futurs et en autorisant le pacte commissoire. Ces mesures ont

été accueillies favorablement par la pratique notariale, mais également bancaire, qui

privilégie souvent cette forme de sûreté pour sa solidité juridique.

Les propositions du rapport Grimaldi en matière de privilèges ont été cependant, pour la

plupart écartées. Bien qu’il ne sera pas traité dans cet ouvrage des règles sur les privilèges

mises en place par l’ordonnance, en ce qu’elles ne sont que très peu modifiées, les

63 Art. 24, loi n° 2005-842 du 26 juill. 2005

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propositions les plus entreprenantes en matière de privilèges ont été rejetées par le

gouvernement. Ainsi, la proposition de remplacer les privilèges immobiliers spéciaux par

des hypothèques légales spéciales a été censurée par le Conseil d’Etat. Le groupe de travail

avait en effet proposé de réformer le droit des privilèges immobiliers spéciaux en

requalifiant les principaux d’entre eux, qui sont le privilège du vendeur d’immeuble et le

privilège du prêteur de deniers, en hypothèques légales spéciales, tout en préservant

l’efficacité des privilèges à l’identique. Pour l’instant, la qualification de ces privilèges se

justifie par une rétroactivité des effets de leur inscription, qui leur permet dans certaines

hypothèses de primer certaines sûretés antérieurement inscrites. Ainsi, le privilège du

vendeur inscrit dans les deux mois de la vente d’immeuble prend rang à la date de la vente

et prime ainsi l’hypothèque qui aurait été inscrite dans l’intervalle du chef de l’acquéreur.

Cette règle de l’antériorité peut être supprimée au profit d’un mécanisme plus simple

proposé par le groupe de travail. En premier lieu, tout en conservant la règle de l’effet

relatif de la publicité foncière, suivant laquelle un créancier hypothécaire ne peut prendre

inscription si le constituant n’a point publié son droit. Le créancier hypothécaire de

l’acheteur ne peut publier son hypothèque tant que la vente n’a pas été publiée. En

deuxième lieu, la règle de l’antériorité du rang du titulaire d’une hypothèque légale qui

aurait publié son droit le même jour que le titulaire d’une hypothèque judiciaire ou

conventionnelle relativement à un même immeuble. Ainsi, si le vendeur et le créancier

hypothécaire accomplissent le même jour les formalités de publicité, le vendeur titulaire

d’une hypothèque légale l’emportera. En dernier lieu, en cas de refus de dépôt du

bordereau, la formalité est rejetée. La rétroactivité, à la date du dépôt, de la régularisation

du bordereau ne peut jamais attribuer un rang à une date antérieure à celle de la publication

du titre de propriété du débiteur. (Code civil, Article 2434). Le créancier hypothécaire de

l’acheteur qui dépose le bordereau avant la publication de la vente bénéficie par régulation

rétroactive d’un rang préférable à celui de l’hypothèque légale du vendeur. )

Il est regrettable que le projet ait été censuré par le Conseil d’Etat à la lecture du projet

de loi. La mesure proposée permettait d'unifier le droit hypothécaire en faisant de

l'hypothèque une sûreté spéciale unique qui ne prend rang que du jour de son inscription,

ce qui aurait notamment pour effet de favoriser les crédits transfrontaliers : un créancier

ayant prêté sous l'empire d'une loi étrangère n'est en effet pas éligible au bénéfice du

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privilège de prêteur de deniers sur un immeuble sis en France de sorte qu'il doit acquitter la

taxe de publicité foncière afférente à toute publication d'hypothèque conventionnelle64.

Mis à part ce refus, les propositions du rapport Grimaldi ont été accueillies et

s’inscrivent dans un régime souple et cohérent de l’hypothèque organisée dans un Chapitre

III à VII du Code civil (Articles 2393 à 2488) organisés en sept sections :

- Section préliminaire contenant les principes généraux

- Section 1 : Hypothèques légales : hypothèques générales (hypothèque légale des époux et

hypothèque légale des mineurs ou des majeurs sous tutelle, hypothèque légale attachée

aux jugements de condamnation) et Hypothèques spéciales (Privilèges généraux

immobiliers)

- Section 2 : Hypothèques judiciaires

- Section 3 : Hypothèques conventionnelles

- Section 4 : Classement des Hypothèques

- Section 5 : Inscription des Hypothèques

- Section 6 : Effet des Hypothèques (Droit de préférence et Droit de suite ; La Purge)

- Section 7 : Transmission et Extinction des Hypothèques.

La définition de l'hypothèque a été elle-même modifiée : c’est «un droit réel sur les

immeubles affectés à l'acquittement d'une obligation» en vertu de l'article 239365.

L’hypothèque gagne de son efficacité grâce à la réforme. Ses règles ont été assouplies,

même si un acte notarié est toujours nécessaire. Néanmoins le recours à deux notaires ou à

un notaire et deux témoins est supprimé. Cependant il faut rappeler que ce n’est là qu’une

consécration de la pratique notariale déjà établie.

L’hypothèque ne peut être consentie que sur des immeubles présents, cependant l’article

2420 énumère 3 exceptions des anciens articles 2130, alinéa 2, 2131 et 2133, alinéa 2.

Ainsi,

- l’absence ou l’insuffisance de biens présents et libres (article 2420, 1°) ;

- la perte ou la dégradation de l’immeuble assujetti à l’hypothèque de manière à ne pas

satisfaire la créance dans sa totalité;64 M. Revillard, obs. sous Cass. 1 re civ. 19 janv. 1999, Defrénois 1999, art. 36976, p. 523 s.65 La définition de l'art. 2398 de l'avant-projet comme a l'affectation d'un immeuble à l'acquittement en garantie d'une obligation, sans dépossession de celui qui la constitue » était plus précise

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- les constructions commencées ou projetées sur le bien d’autrui.

L’hypothèque peut être consentie également pour sûreté d’une ou plusieurs créances

futures pourvu qu’elles soient déterminables (Article 2421), voire pour une durée

indéterminée, résiliable à tout moment par le constituant sauf à respecter un préavis de

trois mois (Article 2423). Une fois résiliée, l’hypothèque ne demeurera que pour la

garantie des créances nées antérieurement (article 2423, alinéa 3). La solution était dégagée

par la jurisprudence de longue date.66 Cette option nouvelle concerne les relations

prolongées entre des agents économiques liés par une relation durable tels la banque et son

client.

La cause de la créance garantie est indiquée au stade de l'acte constitutif lui-même67 et

non seulement à l'inscription (art. 2421). Toute hypothèque conventionnelle68 doit être

consentie, à peine de nullité de l’acte notarié qui la constate, pour le capital, à hauteur

d'une somme déterminée (art. 2423, al. 1er). Enfin l'hypothèque s'étend de plein droit aux

intérêts et aux autres accessoires69...

L’hypothèque, légale, judiciaire ou conventionnelle ne prend rang qu’à la date de son

inscription. Il y a en outre un allongement de la durée minimale d’inscription : elle passe

de trente cinq à cinquante ans.

Les innovations majeures concernent entre autres l’admission du pacte commissoire en

matière d’hypothèque, soumis à certaines conditions.

Mais l'innovation la plus emblématique de cette réforme du droit hypothécaire procède

de l'idée que l'immeuble devient, à certains égards, un actif patrimonial comme les autres

ne justifiant plus un traitement «de faveur» : c'est pourquoi la faculté d'attribution

judiciaire, jadis unanimement refusée hors de la matière mobilière, est aujourd'hui octroyée

au créancier hypothécaire par l'article 2458. Aussi, les parties pourront même convenir,

dans l'acte constitutif ou postérieurement, d'une attribution conventionnelle sans besoin

d'autorisation du juge, en concluant un pacte commissoire : il semblerait que la 66 Cass. civ. 21 nov. 1849, D. 1849, 1, p. 275; S. 1850, 1, p. 91; Cass. req. 13 août 1855, OP 1855, 1, p. 341; 5. 1855, 1, p. 214.67 V. déjà Cass. civ. 6 févr. 1939, DP 1939, 1, p. 53, note J. Plassard; S. 1941, 1, p. 145, note R. Rodière68 Rechargeable ou non, consentie en garantie de créances futures ou même présentes69 Art. 2423, al. 2, c. civ.; comp larègle connue en matière de cautionnement (art. 2293 c. civ.).

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consécration du pacte commissoire en matière hypothécaire ait été déjà entamée grâce à

une évolution jurisprudentielle récente. 70

Ainsi, la réalisation de l’hypothèque est simplifiée, l’attribution judiciaire ou

conventionnelle (pacte commissoire) étant possibles dès lors que l’immeuble ne constitue

pas la résidence principale du débiteur (Article 2458 et 2459) et sous réserve d’une

expertise (Article 2460). Ainsi, l’attribution judiciaire de l’immeuble hypothéqué (Art.

2458) évite au créancier hypothécaire inscrit de recourir à la saisie et à la vente forcée de

l’immeuble, en lui permettant de se faire attribuer judiciairement le bien en cas de

défaillance du débiteur. Lorsque la valeur du bien excède le montant de la dette garantie, la

différence sera versée au débiteur ou sera consignée en cas de présence d’autres créanciers

inscrits. Comme pour le pacte commissoire, l’attribution judiciaire du bien sera

subordonnée à son estimation préalable par un expert. Elle est exclue lorsque l’immeuble

hypothéqué constitue la résidence principale du débiteur, mais également le pacte

commissoire ne peut être conclu ou réalisé pendant les phases de sauvegarde et de

redressement du constituant (art. L 622-7 et 631-14 c. com.).

La faculté ainsi offerte au créancier de se faire attribuer judiciairement le bien immeuble

est une nouveauté majeure de la réforme. De plus, outre l’attribution judiciaire, une

attribution conventionnelle est autorisée entre les parties, sans autorisation du juge, par

pacte commissoire.

Un des garde fous retenus pour ces modes de réalisation efficaces mais expéditifs : le

créancier hypothécaire de verser une soulte au débiteur représentant l'excédent de la valeur

de l'immeuble attribué sur celle de la créance garantie, soulte qui devrait être consignée par

le créancier attributaire en présence d'autres inscriptions (art. 2460 in fine). Aussi, la

réalisation de la sûreté ne peut porter sur l'immeuble qui constitue la résidence principale

du débiteur : celui-ci ne peut être que vendu sur saisie et non attribué, même

judiciairement, en propriété.

La mainlevée de l’inscription d’hypothèque conventionnelle a été également

simplifiée : désormais la pratique quotidienne notariale est consacrée à l'article 2441,

70 Cass. civ. 1er juill. 1844, S. 1845, 1, p. 17; 26 févr. 1856, S. 1856, 1, p. 667; D. 1856, 1, p. 116; 13 juill. 1891, S. 1892, 1, p. 570; Cass. 1ere civ. 25 mars 1957, Bull. civ. I, n° 149; 5 févr. 1958, Bull. civ. I, n° 78; 26 déc. 1961, Bull. civ. I, n° 622; D. 1962, Jur. p. 381, note P. Voirin.

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alinéa 3 nouveau. Il s’agit de ne pas faire apparaître les parties à l’acte notarié qui constate

la mainlevée. La mainlevée est constatée par dépôt, au bureau du conservateur, d’une copie

du certificat attestant de l’acceptation par le créancier de la radiation de l’hypothèque

demandée par le débiteur. Le contrôle du conservateur se limite à la régularité formelle de

l’acte, à l’exclusion de sa validité au fond.

Par parallélisme des formes et procédures, il est probable que l'usage de ce nouveau

certificat de mainlevée ne sera pas réservé aux seules inscriptions d'hypothèques

conventionnelles71.

Enfin la purge amiable hypothécaire, pratiquée depuis un certain nombre d’années par

les notaires a été consacrée par le texte de l’article 2475 du Code civil. Ce texte permet au

débiteur de convenir, avec l’accord de ses créanciers, d’affecter le prix de revente de

l’immeuble au désintéressement exclusif de ces derniers. Il s’agit en d’autres termes de

paralyser le jeu du droit de suite du créancier hypothécaire contre l'acquéreur et d’éviter les

lourdeurs d’une procédure de purge judiciaire en cas d’échec de l’accord.

Ce paiement a pour effet de purger l’immeuble du droit de suite.

A défaut des créanciers, c’est le tiers acquéreur qui a la possibilité de purger, en notifiant

aux créanciers inscrits une offre de paiement à concurrence du prix, ou, en cas

d’acquisition par donation, de la valeur de l’immeuble. Sauf surenchère du dixième,

l’immeuble est alors libéré par paiement de la somme offerte. Dans l’hypothèse inverse,

l’immeuble est vendu aux enchères à la requête du créancier.

L'article 2424 prévoit deux modes de transmission à titre principal de l'hypothèque.

En premier lieu, la subrogation à l'hypothèque, par laquelle le créancier cède son

hypothèque mais conserve sa créance. La convention porte sur le bénéfice même de la

sûreté, droit de préférence et de suite.

En second lieu, la cession d'antériorité, par laquelle il cède son rang d'inscription à un

créancier de rang postérieur, dont il prend la place.

Enfin, il est important de noter qu’un projet de loi Sénat n° 415, 2005-2006 prévoit de

simplifier d’avantage encore le régime de l’hypothèque et d’étendre, à toutes les

71 Comp. art. 2448 de l'avant-projet qui ne distinguait nullement suivant la source des hypothèques

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hypothèques et non plus seulement aux seules hypothèques conventionnelles ainsi qu’aux

privilèges les dispositions relatives à la simplification de la mainlevée, à la purge amiable

et à l’attribution judiciaire.

Enfin, les privilèges de prêteurs de deniers, qui garantissent près de 60 % des crédits

immobiliers, pourront être transformés en hypothèques conventionnelles rechargeables, et

ce, pendant un délai de deux ans à compter de la promulgation de la loi de ratification.

Cette option de substitution, réservée au prêteur ayant déjà publié son privilège avant

l’entrée en vigueur de la réforme, devra recueillir l’accord du débiteur et être réalisée par

acte authentique, sans coût supplémentaire à la charge du premier. Davantage

d’emprunteurs seront ainsi susceptibles de bénéficier des dispositions récentes sur

l’hypothèque rechargeable.

2. Les mesures de protection du constituant d’une hypothèque conventionnelle.

Outre l’encadrement des conditions du pacte commissoire tel qu’énoncé ci-dessus, lequel

reste prohibé pour l’immeuble à usage d’habitation du constituant, la réforme entame une

série de mesures aux fins de protection du constituant.

Ainsi, en premier lieu, elle prohibe la clause de voie parée en matière d’hypothèque. Le

créancier qui poursuit la réalisation du bien hypothéqué devra se conformer aux règles de

la saisie immobilière, notamment dans le respect de l'ordonnance n° 2006-461 du 21 avril

2006. La prohibition de la clause de voie parée72 est prévue par l'article 2458 : la

convention d'hypothèque ne peut en effet déroger aux modalités de vente du bien

hypothéqué prévues par les lois sur les procédures civiles d'exécution. Néanmoins l’on

peut penser que les parties restent libres de stipuler ultérieurement une clause de voie

parée, ou d’y renoncer.

Elle diminue le coût de l’hypothèque : le Conseil Supérieur du Notariat s’est en effet

engagé à diminuer le prix de certains émoluments prévus pour le tarif des notaires. Ces

émoluments seront revus à la baisse. L’on peut espérer une baisse totale du coût des

hypothèques de 500 millions d’euros aujourd’hui à 260 millions.

Enfin, elle précise, pour plus de sécurité le régime de l’hypothèque d’un bien indivis. Le

régime complexe de l'hypothèque de l'immeuble indivis est précisé par les alinéas 2 et 3 de

72 Clause qui prétendrait autoriser le créancier à vendre le bien à l'amiable, avec le risque que celui-ci se contente d'un prix juste suffisant pour le désintéresser

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l'article 2414: l'hypothèque échappe à l'aléa du partage lorsqu'elle est consentie par tous les

indivisaires. L’article distingue en outre l'hypothèque de la seule quote-part indivise, d'une

part, et celle, conditionnelle, de l'immeuble tout entier, d'autre part. Dans les deux cas, le

sort de l'hypothèque restera certes tributaire de l'effet déclaratif du partage ; toutefois,

l'hypothèque d'une quote-part indivise conservera son effet dans toute la mesure de

l'allotissement du constituant, sans plus être limitée à sa seule quote-part.

B. L’antichrèse et l’antichrèse-bail : des innovations en demi-ton.

1. L’antichrèse.

L’antichrèse présente le double avantage de permettre au créancier d’appréhender les

fruits de l’immeuble (loyers) tout en lui conférant un droit de rétention. Mais la réforme

consacre ici la jurisprudence qui a admis l’efficacité de l’antichrèse-bail pour permettre au

constituant de conserver la détention de l’immeuble. (Article 2390)

L’antichrèse est définie comme l’affectation d’un immeuble à la garantie d’une

obligation avec dépossession du constituant. L’antichrèse offre au créancier le double

avantage de lui permettre d’appréhender les fruits de l’immeuble, en particulier les loyers,

et de lui conférer un droit de rétention.

Son régime n’est que peu modifié, surtout en ce qui concerne la rédaction des articles,

qui ne font que reprendre des solutions jurisprudentielles bien établies. Ainsi des droits et

obligations prévues à l’article 2389 qui incombent aux parties : en vertu de ce texte Le

créancier perçoit les fruits de l’immeuble affecté en garantie à charge de les imputer sur

les intérêts, s’il en est dû, et subsidiairement sur le capital de la dette.

Il est tenu, à peine de déchéance, de pourvoir à la conservation et à l’entretien de

l’immeuble et peut y employer les fruits perçus avant de les imputer sur la dette. Il peut à

tout moment se soustraire à cette obligation en restituant le bien à son propriétaire.

En outre le créancier peut, sans en perdre la possession, donner l’immeuble à bail, soit à

un tiers, soit au débiteur lui-même.(Art 2390) Il ne peut en revanche réclamer la

restitution de l’immeuble avant l’entier acquittement de sa dette.(Art 2391) L’antichrèse

est régie par les articles 2387 à 2392 du Code civil, une partie de son régime juridique étant

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commun aux dispositions de l’hypothèque conventionnelle des articles 2397 in fine, mais

aussi des articles 2413, 2414, 2416, 2417 et 2421.

2. La consécration de l’antichrèse bail.

Un des apports du projet Grimaldi est de consacrer dans le droit interne l’antichrèse-bail,

qui permet au constituant de conserver la détention de l’immeuble : le créancier pourra,

sans en perdre la possession, donner l’immeuble à bail, soit à un tiers, soit au débiteur lui-

même (Code civil, Article 2395). Est ainsi consacrée la notion de dépossession juridique.

§2. L’hypothèque rechargeable et le prêt viager hypothécaire : des institutions nouvelles

en matière de sûretés immobilières : un succès escompté dans la pratique du droit des

sûretés.

L’instauration en France de l’hypothèque rechargeable vise à assouplir les règles en

matière de constitution de cette sûreté solide et efficace, en permettant à un constituant

d’affecter un même bien immobilier à la garantie de plusieurs créances consécutives (A) ;

le prêt viager hypothécaire vise une clientèle de la banque plus âgée, afin que celle-ci

puisse affecter en remboursement de son prêt bancaire son bien immobilier à usage

d’habitation et d’en conserver l’usage jusqu’à son décès, en cas d’impayé le

remboursement s’effectuant par exemple par ses héritiers. (B)

A. L’hypothèque rechargeable

1. La souplesse de l’hypothèque rechargeable, nouvelle sûreté consacrée par

l’ordonnance du 23 mars 2006.

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L’ordonnance du 23 mars 2006 consacre dans un nouvel article 242273 l’hypothèque

rechargeable, parmi ses innovations les plus importantes. L'hypothèque rechargeable a été

instaurée dans le droit interne dans un objectif de favoriser le développement du crédit

hypothécaire en en diminuant considérablement le coût. Le mécanisme nouveau permet

d’affecter une seule hypothèque en garantie de plusieurs créances successives autres que

celles visées dans l’acte. En outre, la recharge de l’hypothèque peut bénéficier au prêteur

initial ou à un autre créancier. L’hypothèque originelle prend la forme d’un acte

authentique. La convention de renouvellement de l’affectation hypothécaire prend

également la forme d’un acte notarié, cependant l’acte est publié à la publicité foncière en

marge de l’hypothèque initiale, à peine d’inopposabilité aux tiers. La recharge de

l’hypothèque peut bénéficier au prêteur initial ou à un autre créancier. L’article 2422 du

Code civil prévoit enfin que l’ensemble de ce régime est d’ordre public, les clauses

contraires étant réputées non écrites.

La faculté de « rechargement » consiste en une possibilité offerte dans une hypothèque

conventionnelle de substituer ou d’adjoindre une créance garantie par l’hypothèque et cela

au cours de la vie de l’hypothèque, lorsque le débiteur peut garantir d’autres créances au

moyen de cette hypothèque. Le rechargement doit être prévu dans l’acte constitutif et

résulter d’un accord conclu en la forme authentique entre le créancier et le débiteur.

En outre, le constituant n’est pas retenu à l’exclusivité de son créancier. La convention

de recharge peut être passée avec un créancier différent du créancier originaire (art. 2422,

al. 2).

73 Article 2422 nouveau : « L’hypothèque peut être ultérieurement affectée à la garantie de créances autres que celles

mentionnées par l’acte constitutif pourvu que celui-ci le prévoie expressément. Le constituant peut alors l’offrir en garantie, dans la limite de la somme prévue dans l’acte constitutif et mentionnée à l’article 2423, non seulement au créancier originaire, mais aussi à un nouveau créancier encore que le premier n’ait pas été payé.

La convention de rechargement qu’il passe, soit avec le créancier originaire, soit avec le nouveau créancier, revêt la forme notariée. Elle est publiée, sous la forme prévue à l’article 2430, à peine d’inopposabilité aux tiers. Sa publication détermine, entre eux, le rang des créanciers inscrits sur l’hypothèque rechargeable. Les dispositions du présent article sont d’ordre public et toute clause contraire à celles-ci est réputée non écrite.( art. 59 ORD : L’article 2422 peut s’appliquer à la dernière hypothèque inscrite avant publication de l’ordonnance, dès lors qu’un avenant prévoit que l’hypothèque peut être affectée à la garantie d’autres créances dans les conditions dudit article 2422 et publié dans les formes prévues à l’article 2428. L’avenant est toutefois inopposable aux créanciers qui ont inscrit une hypothèque avant publication de l’ordonnance et à ceux qui ont procédé à une inscription entre cette date et celle de l’inscription de l’avenant.) »

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La définition de l’article 2422 permet ainsi expressément de distinguer l’hypothèque

rechargeable de l’hypothèque ordinaire et de l’hypothèque consentie pour sûreté de

créances futures, prévue par le nouvel article 2427 du Code civil. En premier lieu, les deux

hypothèques se distinguent quant à l’objet de la dette garantie. En effet, les créances

futures visées par l’article 2427 sont les créances qui ne sont pas nées, mais sont

appréhendées dans leur cause, leur source, dans l'acte constitutif de l'hypothèque. Il s’agit

des créances qui sont au moins déterminables. Au contraire, l'hypothèque rechargeable

garantit des créances qui ne sont ni nées, ni même déterminables dans l’acte constitutif

d’hypothèque. L’hypothèque rechargeable appréhende aussi bien les créances présentes

que les créances futures : tant que la garantie ne sera pas éteinte, elle pourra être affectée à

la garantie d'une créance, qui était déjà née lors de sa constitution ou qui ne sera née

qu'après. Ainsi, l’hypothèque, consentie pour garantir l'emprunt contracté pour acquérir un

immeuble pourra être ensuite affectée à la garantie ab initio d'un emprunt à la

consommation postérieurement souscrit. Le constituant dispose de l’affectation de

l’hypothèque selon son gré. En second lieu, la distinction se reflète dans les intérêts

recherchés dans l’une et l’autre garantie. L’hypothèque consentie pour sûreté de créances

futures privilégie le créancier, qui en tire la garantie de créances à venir (précisées dans

l'acte), l’hypothèque rechargeable, elle, est de l'intérêt du constituant, qui y gagne la liberté

de réutiliser la garantie.

Pour les hypothèques conclues avant l’entrée en vigueur de la réforme, il est possible de

faire signer la convention de rechargement dans un avenant à l’hypothèque originelle, en

marge de l’acte constitutif. Cependant il faut respecter la forme authentique et les

conditions de la publication des actes authentiques.

L’hypothèque rechargeable possède un domaine large : elle peut être souscrite par toute

personne morale ou physique, y compris le consommateur pour ses besoins personnels.

Néanmoins, l’hypothèque rechargeable est strictement encadrée par un formalisme

informatif pénalement sanctionné (art. L. 313-14-1 et L. 313-14-2 c. consom.) lorsqu'elle

garantit un crédit relevant du code de la consommation (crédit à la consommation ou crédit

immobilier), et elle est purement et simplement exclue en matière de crédit revolving régi

par l’article L. 313-14 du Code de la consommation.

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Le domaine de l’hypothèque rechargeable est cependant fortement limité dans son

utilisation pratique : de nature exclusivement conventionnelle, l’hypothèque rechargeable

n’a pas été prévue par la loi dans le cas d'une hypothèque légale ou d'un privilège spécial

immobilier. Cette exclusion est de nature à sérieusement diminuer la portée de la réforme,

car les crédits consentis pour l'acquisition d'un immeuble sont le plus souvent garantis, non

par une hypothèque conventionnelle, mais par le privilège du vendeur ou le privilège du

prêteur de deniers. Il faudra attendre la pratique notariale et celle des emprunteurs, des

banquiers, pour mesurer le succès de l’hypothèque rechargeable conventionnelle au profit

des privilèges généraux.

Par conséquent, l'hypothèque rechargeable est soumise aux conditions requises pour la

validité de toute hypothèque conventionnelle. Parmi ces conditions, l’une a été rajoutée par

la réforme, il s’agit de l'exigence, formulée par l'article 2423, que l'hypothèque soit «

toujours consentie, pour le capital, à hauteur d'une somme déterminée, que l'acte

mentionne à peine de nullité». La convention d'hypothèque prend pour condition de

validité une condition qui jusqu’à présent n’était qu'une condition de l'inscription du droit

d'hypothèque.

Cette question de la limitation du montant de l’hypothèque rechargeable à la hauteur de

la créance garantie afin de pouvoir servir, avant même tout remboursement de la première

créance, à l’affectation à la sûreté d'une seconde créance pose des difficultés pratiques. En

théorie, dès lors que le droit d'hypothèque est détachable de la créance garantie, leurs

montants devraient pouvoir être différents à condition d’être mentionnés à l’acte.

Néanmoins, le texte même de l’article semble se référer à une « somme déterminée», ce

qui suppose que le montant de la créance soit connu à l’avance, les parties pouvant

réévaluer les accessoires qui s’y attachent.74

Cependant, lorsque l’on étudie les dispositions du Code de la consommation en matière

d’hypothèque rechargeable dans le crédit mobilier ou immobilier, les documents qui

doivent être présentés en annexe de l’offre de crédit doivent comporter une «situation

hypothécaire » avec « le montant maximal garanti prévu par la convention constitutive

d'hypothèque», «le montant de l'emprunt initial souscrit» et, «le cas échéant, le montant du

74Art 2423 du Code civil : « Le cas échéant, les parties évaluent, à cette fin, les rentes, prestations et droit indéterminés, éventuels ou conditionnels»

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ou des emprunts ultérieurement souscrits» (art. L. 313-14-t, c. consom.). Ainsi, l’on en

déduit que le montant de la garantie peut être différent de celui de la créance initiale. De

même, l'article 2428, al. 3(3°), qui exige la «mention expresse» sur le bordereau «de la

clause de rechargement prévue à l'article 2422», pourrait signifier que cette mention

expresse doit préciser l'indication du montant maximal garanti.

Enfin et surtout, une convention de recharge peut être passée alors même que la première

créance n’a pas été payée. L’article 2423 énonce que «Le constituant peut [...] l'offrir en

garantie, dans la limite de la somme prévue dans l'acte constitutif et mentionnée à l'article

2423, non seulement au créancier originaire, mais aussi à un nouveau créancier encore que

le premier n'ait pas été payé» (2422, al. 2). Simplement, le nouveau créancier se trouvera,

par rapport au premier, dans la situation d'un créancier de second rang.

Une autre conséquence de l’assimilation des règles de l’hypothèque rechargeable à celles

requises pour la validité d’une l'hypothèque rechargeable concerne les règles de

publication de l’hypothèque rechargeable.

En effet il a toujours été dans l'intention législative de ne point modifier les solutions

antérieurement acquises, notamment quant à la publication de l’hypothèque dont découlent

les règles relatives au classement des créanciers inscrits.

Ainsi, l’article 2422, al. 3 et 4 du code civil prévoit que la convention doit être notariée et

publiée, mais sous la forme d'une mention en marge (art. 2422, al. 4, et 2430, al. 3), donc à

un moindre coût et ce à peine d’inopposabilité aux tiers. (art. 2422, al. 4). Le coût réel de

l’hypothèque s’en trouvera diminué, en conformité avec les promesses du Conseil des

Notaires.75

En effet, la publication de la convention originaire d’hypothèque détermine le rang des

créanciers.

L’hypothèque rechargeable est publiée avant l’acte de recharge passé pour garantie une

autre créance ultérieure, le cas échéant souscrite au profit d’un autre créancier.

75 à ce propos voir les développements en matière d’hypothèque simple ci-dessus.

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L’hypothèque rechargeable permet d’attribuer aux créanciers un rang égal avec les

créanciers titulaires d'une autre hypothèque, tandis que la convention de rechargement est

attributive de rang dans les relations réciproques des parties. Le créancier hypothécaire qui

a publié une convention de recharge est dépassé par celui qui a publié une hypothèque

rechargeable à une date antérieure. Le créancier qui a publié une convention de recharge

prime les créanciers ayant antérieurement publié une hypothèque ordinaire. Le créancier

auquel est offert en garantie un immeuble déjà grevé d'une hypothèque rechargeable doit

préférer une convention de recharge à une hypothèque de second rang. Ainsi, pour autant,

l'hypothèque rechargeable ne permet nullement de mettre la valeur de l'immeuble à l’abri

de ses créanciers chirographaires, lesquels peuvent faire vendre l’immeuble et de se payer

sur le prix au cas où il n'existe plus de créance garantie par l'hypothèque.

Une exception doit être soulignée. Le créancier qui inscrit une hypothèque conservatoire

sur un immeuble déjà grevé d'une hypothèque rechargeable prime les créanciers qui

publieraient ultérieurement une convention de recharge : au regard d'une hypothèque

conservatoire, une convention de recharge prend donc rang à la date de sa publication (art.

2425, al. 5).

On ne saurait nier néanmoins que l'affectation hypothécaire d'un immeuble à la garantie

de crédits successifs tempère sérieusement des principes aussi traditionnels que la

spécialité de la sûreté - appliquée, non point à l'immeuble grevé, mais à la créance garantie

ainsi que son accessoriété. Étant observé que ces principes gouvernent les sûretés réelles

conventionnelles (mobilières et immobilières), et non point l'hypothèque en général

(nombre d'hypothèques légales y échappant largement).

Comment s’opère l’extinction de l’hypothèque rechargeable ? La convention de

rechargement peut être signée alors même que la première créance n’a pas été éteinte. Par

conséquent, selon la volonté du législateur, l’hypothèque rechargeable ne s'éteint pas par

l'extinction de la première créance (art. 2488, 1° in fine) : elle survit à celle-ci et reste

disponible entre les mains du constituant qui peut l'offrir en garantie à de nouveaux

créanciers.

En revanche une hypothèque rechargeable est sujette à renonciation de la part du

constituant, sans porter préjudice aux créanciers inscrits. Dès lors, on applique les règles de

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l'hypothèque consentie en garantie de créances futures (art. 2423, al. 3) : l'hypothèque

cesse d'être rechargeable, et continue de garantir des créances antérieures. Les règles

propres à l’hypothèque rechargeable tombent : point n’est nécessaire que l'hypothèque soit

à durée indéterminée, ni un délai de préavis n’est requis. La renonciation s’opère soit par

une mention en marge, soit par une radiation pure et simple.

2. L’enjeu de l’efficacité de la sûreté et de la protection du constituant reste à mesurer

dans la pratique bancaire.

Comme il a été énoncé ci-dessus, le législateur a instauré des garde fous en matière de

protection du constituant d’une hypothèque rechargeable afin de garantir, dans cette sûreté

qui peut de par son assiette large et ses modalités d’affecter la sûreté à plusieurs créances

successives, la solvabilité du débiteur ainsi que sa protection patrimoniale.

Ainsi, la convention doit être notariée ce qui garantit au constituant le conseil légal de la

part du notaire dont ce dernier est tenu vis-à-vis de son client. En outre, si l’hypothèque

rechargeable peut être souscrite par toute personne morale ou physique, y compris le

consommateur pour ses besoins personnels, elle est strictement encadrée par un formalisme

informatif pénalement sanctionné (art. L. 313-14-1 et L. 313-14-2 c. consom.) lorsqu'elle

garantit un crédit relevant du code de la consommation (crédit à la consommation ou crédit

immobilier), et elle est exclue en matière de crédit revolving régi par l’article L. 313-14 du

Code de la consommation.

Aussi, la loi prévoit une limitation du montant de l’hypothèque rechargeable à la hauteur

de la créance garantie afin de pouvoir servir, avant même tout remboursement de la

première créance, à l’affectation à la sûreté d'une seconde créance. Cette limitation dans le

montant constitue une sûreté supplémentaire pour le constituant.

Néanmoins il faut attendre la pratique notariale et bancaire en la matière pour mesurer les

chances de l’hypothèque rechargeable d’être utilisée largement et répondre à son objectif

premier, celui du développement du crédit.

Enfin, afin de garantir la sécurité juridique du constituant, mais également des autres

signataires à l’acte, les dispositions de l’article 2422 sont réputées d’ordre public.

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En effet, l’alinéa in fine de l’article 2422 dispose que : «Les dispositions du présent

article sont d'ordre public et toute clause contraire à celles-ci est réputée non écrite. »

Il faut cependant nuancer la généralité de cet alinéa.

L’alinéa précité renforce l’application de l’alinéa 2 du même article qui énonce que

l'hypothèque rechargeable peut être offerte en garantie à un nouveau créancier. La présence

de l’alinéa précité a été insérée afin de préserver la concurrence entre les établissements de

crédit et de laisser ainsi au constituant la liberté de ne pas se voir imposer un seul créancier

unique pendant toute la vie de l’hypothèque rechargeable mais de pouvoir, au contraire,

affecter le même immeuble à la garantie d’autres créances auprès de créanciers différents.

Une telle clause de renonciation à l’affectation de la garantie auprès de tiers prêteurs serait

réputée non écrite.

L’affirmation que les règles qui régissent l’hypothèque rechargeable sont d’ordre public

doit être cependant atténuée quant à l'alinéa 5, qui classe les créanciers inscrits sur

l'hypothèque rechargeable suivant la date de la publication des conventions de recharge. En

effet, l’article 2424 les autorise expressément de signer une éventuelle cession d'antériorité.

B. Le prêt viager hypothécaire (ou hypothèque inversée), nouvelle sûreté favorie du

banquier ?

Régi par les articles L.314-1à L.314-20 du Code de la consommation, le prêt viager

hypothécaire est une hypothèque, qui affecte en garantie exclusivement l’immeuble à

usage d’habitation de l’emprunteur - personne physique, et qui ne se dénoue qu’au jour du

décès de celui-ci.

L’objectif affiché du législateur a été de permettre aux personnes d’un certain âge de

pouvoir se voir octroyer un crédit afin de pouvoir jouir de leur immeuble d’habitation tout

en mobilisant ce dernier par le biais d’une hypothèque inversée pour pouvoir faire face à

des engagements pris de leur vivant. Le remboursement par l’emprunteur incombera en

réalité aux successeurs, mais la dette garantie ne pourra en aucun cas excéder la valeur de

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l'immeuble à la date du décès de l’emprunteur le cas échéant. En outre, le créancier peut

bénéficier d’une attribution judiciaire ou d’un pacte commissoire.

L’introduction dans le Code de la consommation des dispositions concernant ce que l’on

appelle également une « hypothèque inversée », est justifié par la nature même du prêt

viager hypothécaire, qui emprunte aux techniques des crédits consentis aux particuliers et

non aux sûretés. Le code civil ne vise le prêt viager hypothécaire que dans une disposition,

pour aménager la durée pendant laquelle l'inscription de l'hypothèque conserve les intérêts

de la créance garantie.

Quant aux conditions de fond, le prêteur doit être un établissement de crédit ou un

établissement financier, et l'emprunteur une personne physique (art. L. 314-1 0, consom.).

Quant aux garanties, le prêt doit être conforté par une hypothèque consentie sur un

immeuble appartenant à l'emprunteur et affecté à un usage exclusif d'habitation (ce qui

n'exclut pas l'habitation par un tiers). Quant aux modalités du remboursement, d'une part, il

doit s'agir d'un prêt in fine, le capital et les intérêts n'étant exigibles qu'à l'échéance du

terme; d'autre part, le terme ne peut être que le décès de l'emprunteur ou, dès avant ce

décès, soit l'aliénation de l'immeuble (à titre onéreux: vente, échange, apport en société; ou

à titre gratuit: donation), soit le démembrement de sa propriété (qui équivaut à une

aliénation partielle, pouvant s'épanouir en une aliénation complète: par exemple, donation

avec réserve d'usufruit) (même texte). Quant à sa cause subjective, le prêt ne peut être

destiné à financer une activité professionnelle, mais les besoins personnels du

consommateur (art. L. 314-2 c. consom.).

Les conditions de forme qui affectent ce prêt sont nombreuses au vu du caractère

« consumériste » des dispositions du prêt viager hypothécaire. Le formalisme qui entoure

la signature et l’exécution du prêt viager hypothécaire est particulièrement protecteur afin

que le consommateur soit averti de manière solennelle et complète sur la portée de son

engagement.

En premier lieu l’offre de prêt doit contenir des informations obligatoires (art. L. 314-5):

notamment, la valeur du bien à hypothéquer, estimée par un expert. L'offre est maintenue

pendant un délai de trente jours (art. L. 314-6) et ne peut être acceptée qu'au terme d'un

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délai de réflexion d'au moins dix jours à compter de sa réception (art. L. 314-7). Jusqu'à

cette acceptation, tout versement de fonds, à quelque titre que ce soit, est exclu (art. L.

314-7).

Le non-respect de ces règles relatives à l'offre expose le prêteur à des sanctions civiles et

pénales : à la déchéance totale ou partielle du droit aux intérêts (art. L. 314-15) et à une

amende de 3 750 euros (art. L. 314-16).

Le contrat de prêt doit revêtir la forme notariée (art. L. 314-7).

En outre, des dispositions spéciales régissent la pratique commerciale de publicité du prêt

viager hypothécaire. L’article L.314-3 du Code de la consommation exige une publicité

«loyale et informative» comportant certaines mentions obligatoires, le démarchage étant

interdit (art. L. 314-4).

Néanmoins, l’application de l’article L.314-3 du Code de la consommation risque de

poser des difficultés d’interprétation de la qualification de la publicité «loyale et

informative», caractères que la jurisprudence viendra confirmer.

Tout au long de l’exécution du contrat de prêt, le prêteur doit remplir certaines

obligations : remettre les fonds selon les modalités convenues, le capital pouvant être

payable en une seule fois ou par versements périodiques (art. L. 314-I), de répondre à toute

demande de suspension ou de rééchelonnement des versements périodiques par le

constituant (art. L. 314-12).

Avant l’échéance du terme, à savoir le décès de l’emprunteur ou la vente de l’immeuble,

l'emprunteur est tenu d'entretenir l'immeuble en bon père de famille, de ne pas changer sa

destination et de permettre au prêteur, pourvu d'un droit d'inspection, d'accéder à

l'immeuble pour en vérifier l'état (art. L. 314-8). Le tout, sous peine de déchéance du terme

(même texte).

Le constituant doit rembourser le capital du prêt et les intérêts dus à échéance (ou sa

succession), néanmoins ce montant total ne doit pas excéder la valeur de l'immeuble à

l'échéance du terme (art. L. 314-9), sauf si la déchéance du terme résulte des prérogatives

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de l’emprunteur de demander un un remboursement anticipé, total ou partiel76 , puisqu'il

doit alors «la totalité des sommes versées en principal et intérêts» (art L. 314-10, al. 1er)77.

L’expert doit procéder à une estimation de l'immeuble afin de déterminer la valeur de la

créance selon les modalités de l’article L. 314-13.

A l'échéance du terme, les héritiers ou l'emprunteur sont tenus de payer la dette. En cas

de défaut de paiement ou paiement incomplet, le prêteur peut poursuivre la saisie de

l'immeuble, en demander l'attribution judiciaire ou, le cas échéant, se prévaloir du pacte

commissoire qui aurait été stipulé.

Il se pourrait que le prêt viager hypothécaire devienne une sûreté privilégiée du banquier

pour ses transactions avec le client, notamment celui d’u certain âge, qui recherche une

sûreté sans dépossession de son bien immobilier, sans que celle-ci ne soit encadrée dans un

formalisme pénalisant pour les deux parties. La présence du notaire rassure le constituant

de la sûreté, et lui assure le conseil tout au long de l’exécution de la sûreté.

TRANSITION : 76 Le remboursement partiel ne semble permis que dans le cas où le capital a été versé en une seule fois, et il peut être refusé en deçà d'un certain seuil (art. L. 314-10, al. 2).77 L'exercice de ce droit peut donner lieu au paiement d'une indemnité (art. L. 314-10, al. 3).

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La pratique bancaire se félicite de l’accueil en droit français de sûretés modernes et

efficaces telles le gage de meubles corporels sans dépossession, qui devient à côté du

traditionnel gage de meubles corporels avec dépossession un gage de droit commun ; mais

également de l’assouplissement des règles en matière d’hypothèque.

En revanche le banquier, qui requiert très souvent des privilèges immobilières tels le

privilège du prêteur de deniers, regrette que la proposition du groupe de travail ait été

retirée de remplacer tous les privilèges immobiliers spéciaux par des hypothèques légales

spéciales, soumises à publicité et ne prenant rang qu’à la date de leur inscription au registre

de la publicité foncière.

En premier lieu en matière de gage le banquier se félicite de l’accueil du gage sans

dépossession, qui viendra répondre aux problèmes rencontrés en pratique du fait de

l’absence d’une telle sûreté en France. Le gage sans dépossession permet en effet aux

constituants de disposer des biens donnés en gage et de consentir plus facilement ce type

de garantie. Il en va ainsi d’un propriétaire de locomotives de trains, qui souhaite donner

ces dernières en gage, sans en être dépossédé. L’ancien régime ne permettait pas de

soumettre ces biens, ni au gage, ni aux régimes spéciaux de nantissement sans

dépossession de matériel et d’outillage, les locomotives ne tombant pas dans cette

catégorie. L’actuel gage de droit commun élargira considérablement le gage en matière de

financements internationaux, d’autant plus que le gage sur biens futurs est désormais

admis.

L’hypothèque conventionnelle rencontrera de nouveau un vif succès tant auprès des

consommateurs, qui voient son coût allégé, et des banquiers, qui se félicitent de pouvoir

introduire dans les contrats de garantie par le biais de l’hypothèque du pacte commissoire,

et malgré la persistance de l’interdiction de la clause de voie parée.

L’instauration de l’hypothèque rechargeable constitue une des innovations importantes

du texte. Elle permet à un emprunteur, personne physique ou morale, qui a déjà constitué

une hypothèque conventionnelle sur un bien immobilier de recharger celle-ci, le cas

échéant au profit d’une autre banque, afin de garantir un nouveau crédit. Ce dispositif

souple, qui permet de constituer une hypothèque pour garantir des créances futures est

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aussi protecteur du consommateur qui le souscrit. Un régime particulier dans le code de la

consommation protège particuliers, mais aussi aux entrepreneurs individuels et professions

libérales n’ayant pas constitué de société.

Les dispositions qui permettent de souscrire une hypothèque rechargeable auprès du

même créancier ou d’un créancier différent permet de favoriser le choix du consommateur

de se diriger vers la banque de son choix et préserve totalement la libre concurrence entre

les banques.

Le prêt viager hypothécaire intéressera enfin le banquier, puisqu’il permet d’affecter en

garantie d’un prêt un immeuble à usage d’habitation de son client, tout en se garantissant le

paiement de celui-ci en cas de revente du bien ou du décès du constituant.

Cependant la Fédération Bancaire Française s’interroge encore sur les règles à appliquer

de manière transitoire en matière de ces sûretés immobilières. « Les banques saluent la

création de l’hypothèque rechargeable et du prêt viager hypothécaire, tout en s’interrogeant

sur leur impact concret et les limites de ces dispositifs. Par exemple, pour les hypothèques

antérieures à la réforme, seules les hypothèques conventionnelles peuvent être

transformées en hypothèques rechargeables et non les privilèges de prêteurs de deniers. Par

ailleurs, le régime fiscal des privilèges de prêteurs de deniers reste à ce jour plus

avantageux que celui des hypothèques. » (FBF Lettre aux adhérents, n° 35, Avril 2006 )

Des critiques sont en outre avancées, avant même l’application concrète du dispositif,

notamment par la Banque de France, notamment en matière d’hypothèque rechargeable.

En effet, celle-ci craint un usage répété de l’hypothèque rechargeable de nature à favoriser

le surendettement des particuliers. Ainsi que l’a fait remarquer la Banque de France78, le

mécanisme de « recharge » présente un risque particulier de surendettement malgré la

présence d’un montant plafond de garantie prévu à peine de nullité dans la convention. Le

groupe de travail a proposé des mécanismes de protection de l’emprunteur, qui sont

codifiés dans le Code de la consommation. Parmi ces mécanismes, il faut citer :

- l’interdiction de recharger une hypothèque pour garantir un « crédit revolving » ;

- l’obligation faite au créancier d’annexer à l’offre préalable de crédit un document intitulé

« situation hypothécaire », qui devra notamment comporter l’identification du bien

78 J.C.P. 2006, n°8, act. 208

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immobilier en cause et sa valeur estimée à la date de la convention constitutive d’une

hypothèque ;

- le montant de l’emprunt initial souscrit ;

- le montant des emprunts ultérieurement souscrits.

Aussi, les banques s’interrogent sur l’articulation de l’hypothèque rechargeable avec

l’article L.650-1 du Code de commerce, nouveauté de la réforme des procédures

collectives du 26 juillet 2005, dont l’application à l’hypothèque rechargeable entraînerait

ipso facto la responsabilité du banquier pour prise de garanties disproportionnées par

rapport au montant du crédit consenti.79

C’est justement l’interaction obligatoire avec le régime des procédures collectives qui est

en effet contestée par la profession bancaire : le manque de coordination des deux réformes

qui vont de pair, et la subordination de la place du créancier muni de sûretés face

procédures collectives enlèvent à nos sûretés une partie de leur attractivité, pourtant un des

enjeux majeurs affichés par le législateur.

DEUXIEME PARTIE :

79 voir la 2nde partie du mémoire, développements consacrés à l’article L 650-1 du Code de commerce

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L’attractivité du régime des sûretés en France à l’aune des

nouveaux enjeux collectifs et internationaux.

La fonction première d’une sûreté efficace est d’offrir à son bénéficiaire une garantie de

paiement juridiquement efficace : à cet effet, aussi bien le garant qui se substitue au

débiteur pour désintéresser le créancier en cas d’inexécution du débiteur à régler sa dette,

que le « bien » donné en garantie pour payer le bénéficiaire sont l’essence même du

fonctionnement d’une économie dans laquelle le crédit occupe une place privilégiée. C’est

encore d’avantage le cas dans l’hypothèse où le débiteur est touché par une procédure

collective que la garantie doit jouer son rôle de manière pleine, tout en préservant chacun

des autres créanciers de la masse dans leurs droits vis-à-vis du débiteur..

Les rédacteurs du projet ont été cependant dans l’impossibilité, pendant les travaux de

recherche sur les sûretés d’apporter des modifications à la réforme des procédures

collectives opérée par la loi n°2005-845 du 26 juillet 2005. Le même jour le Parlement

habilitait le Gouvernement à réformer le droit des sûretés par voie d'ordonnance. Les deux

réformes majeures ont donc été opérées à un an d’intervalle sans qu’une interaction totale

entre les deux matières ait été prévue. Les deux projets parallèles ne sont cependant par

conséquent pas sans zones « manquées », des incohérences sont visibles dans la mise en

jeu de la sûreté dans les procédures collectives nouvelles, les règles encadrant la faillite du

débiteur empêchant parfois le créancier de mettre en jeu ses nouvelles prérogatives ! Une

chance a été manquée de réfléchir globalement à préserver l’efficacité des sûretés dans les

procédures collectives.

C’est donc à l’efficacité des intérêts collectifs et donc dans l’utilisation pratique de nos

sûretés en France que se mesure l’attractivité du système français des sûretés au regard des

nouveaux enjeux internationaux.

En effet, face au succès de la floating charge britannique, qui offre une souplesse

d’adaptation dans les contrats internationaux, le gage sans dépossession français arrivera-t-

il à séduire la pratique transfrontière en matière de sûretés mobilières ?

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Cautionnement, sûretés mobilières prévues par des textes spéciaux tels le nantissement

de fond de commerce ou de matériel et d’outillage, le gage sur stocks… certains point de la

réforme laissent subsister un régime archaïque, qui risque fort de ne point résister aux

nouveaux enjeux internationaux et européens qui prévoient, entre autres, de réformer le

système des procédures d’insolvabilité (directive européenne en date du 29 mai 2000).

Le régime des sûretés a trouvé un nouveau défi, celui de prouver son attractivité face aux

nouveaux enjeux collectifs (TITRE 1) et internationaux. (TITRE 2)

TITRE 1 : L’efficacité des sûretés à l’épreuve des procédures collectives.

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Lorsque s’ouvre une procédure collective à l’encontre du débiteur, le créancier muni de

sûretés espère pouvoir mettre en action sa garantie aux fins de son désintéressement. Les

sûretés, telles que modifiées par l’ordonnance du 23 mars 2006 doivent pouvoir démontrer

désormais leur efficacité dans les procédures collectives affectant le débiteur. Néanmoins,

en premier lieu, l’admission en droit français de sûretés nouvelles consacrées par le Code

civil au Livre IV, telles la réserve de propriété et le droit de rétention laisse place le

créancier muni de ces sûretés face à des enjeux nouveaux. (Section 1) En outre, la lecture

combinée avec les textes réformant les procédures d’insolvabilité laisse apparaître

quelques incohérences flagrantes, l’ouverture d’une procédure collective empêchant dans

certaines circonstances de mettre en jeu ses prérogatives nouvelles. (Section 2)

Section 1. L’admission de nouvelles sûretés en procédure collective : réserve de

propriété et droit de rétention.

La réserve de propriété érigée au rang de sûreté est dotée d’un régime de droit commun

complété par un régime nouveau en cas de procédure collective (§1) ; tandis que

l’élévation du droit de rétention au rang de sûreté se ferait au détriment de son efficacité

dans les procédures collectives. (§2)

§1. La réserve de propriété dotée d’un régime de droit commun complété par un régime

nouveau en cas de procédure collective.

La réserve de propriété, de par son introduction dans le Livre IV du Code civil, est hissée

au rang de sûreté. Elle est définie par l’article 2367 comme : « la propriété d’un bien peut

être retenue en garantie par l’effet d’une clause de réserve de propriété qui suspend l’effet

translatif d’un contrat jusqu’au complet paiement de l’obligation qui en constitue la

contrepartie.

La propriété ainsi réservée est l’accessoire de la créance dont elle garantit le paiement. «

En effet, la réserve de propriété s’entend comme une convention, nécessairement écrite80

par laquelle les parties suspendent l'effet translatif d'un contrat au complet paiement de

80 Article 2368 nouveau : « La réserve de propriété est convenue par écrit. «

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l'obligation qui en constitue la contrepartie. La propriété ainsi réservée est l'accessoire de la

créance dont elle garantit le paiement. Ainsi, la clause de réserve de propriété est

d’application générale pour les biens meubles et s’étend à tous types de contrats,

notamment de prestations de services. Les mandataires de justice, administrateurs

judiciaires ou mandataires judiciaires devront vérifier que la clause de réserve a bien été

publiée au-delà d'une somme qui serait fixée par décret. En l'absence de publication les

ayants cause à titre particulier du débiteur et donc le groupement des créanciers ou

l'administration judiciaire pourrait se prévaloir de l'article 2279 du Code civil.

Aussi, une extension de l’assiette de la clause de réserve quant est insérée à l’article 2385

du Code civil aux biens fongibles, même mélangés avec d'autres biens de même espèce et

de même qualité. Est ainsi consacrée la réserve de propriété prolongée, ou trust, puisque le

produit du mélange est commun aux deux créanciers à raison de la quantité qui revient à

chacun d'eux, ces biens se trouvant collectés à l'ensemble du patrimoine du ou des

créanciers ayant financé l'opération. La réserve de propriété peut porter sur des biens

incorporés à d’autres biens sous certaines conditions, déjà reconnues en jurisprudence.81

Il faut attendre les applications concrètes de ces dispositions en cas d’ouverture d’une

procédure collective du débiteur.

L’article 2371 nouveau énonce en effet que « A défaut de complet paiement à

l’échéance, le créancier peut demander la restitution du bien afin de recouvrer le droit d’en

disposer. La valeur du bien repris est imputée, à titre de paiement, sur le solde de la créance

garantie. Lorsque la valeur du bien repris excède le montant de la dette garantie encore

exigible, le créancier doit au débiteur une somme égale à la différence. »

Les dispositions de cet article ne doivent cependant pas faire obstacle à l’application des

dispositions régies par les règles du Livre 6 du Code de commerce, en cas d’ouverture

d’une procédure collective du débiteur.

§2. L’élévation du droit de rétention au rang de sûreté se ferait au détriment de son efficacité dans les procédures collectives.

81 Article 2370 nouveau : « L’incorporation d’un meuble faisant l’objet d’une réserve de propriété à un autre bien ne

fait pas obstacle aux droits du créancier lorsque ces biens peuvent être séparés sans subir de dommage. »

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Le droit de rétention se définissait sous l’ancien régime comme étant un « droit réel,

opposable à tous, y compris aux tiers non tenus à la dette et peut être exercé pour toute

créance qui a pris naissance à l’occasion de la chose retenue. »82

L’arrêt du 3 mai 2006 mettait en cause un garagiste, qui en vertu de son droit de rétention

a retenu la voiture au garage tant que le client veuille régler la facture. Ce dernier agit en

restitution. La cour d’appel condamne le propriétaire au paiement des prestations du

garagiste, en refusant toutefois de le rendre débiteur des frais de gardiennage demandés par

lui par voie reconventionnelle. La Cour de cassation retient que la créance était opposable

au prêteur et en profite pour définir le droit de rétention : « le droit de rétention est un

droit réel, opposable à tous, y compris aux tiers non tenus à la dette et peut être exercé

pour toute créance qui a pris naissance à l’occasion de la chose retenue ». En

conséquence, « la créance de frais de gardiennage du véhicule (ayant) pris naissance à

l’occasion de la détention du véhicule par (le garage) (...), il (en) résulte que cette dernière

était en droit, en exerçant son droit de rétention, d?en exiger le paiement à la société (de

location) ».

Ainsi, la nature de droit réel du droit de rétention consacrée, ceci explique le succès de

cette garantie qui ne trouvait pas sa place dans le Code civil, la Cour de cassation lui ayant

refusé expressément la qualification de sûreté83. En outre, le droit s’exerce sur toute

créance née à l’occasion de la rétention de la chose, car le bien doit répondre des dettes

qu’elle engendre. À charge pour le rétenteur de prouver l’existence d’une connexité,

matérielle ou juridique, entre la créance et la rétention.84

Le succès du droit de rétention en procédures collectives a été total : le détenteur matériel

de la chose pouvait en disposer et refuser de le restituer jusqu’au complet paiement du prix

issu du contrat principal. Le droit de rétention ne faiblissait pas devant l’ouverture d’une

procédure collective du débiteur.

82 Cass. com., 3 mai 2006, n° 04-15.262,83 Cass. com., 20 mai 1997, n° 95-11.915, Bull. civ. IV, n° 141, D. 1998, jur., p. 439, note Heinderian F., D. 1998, somm., p. 102, obs. Piedelièvre S., D. 1998, jur., p. 115, note Libchaber R., RTD civ. 1997, p. 707, obs. Crocq P. ; qui énonce dans son attendu de principe que « le droit de rétention n’est pas une sûreté et n’est pas assimilable au gage »84 Cass. 1re civ., 22 mai 1962, n° 58-12.486, Bull. civ. I, n° 258, D. 1965, jur., p. 58, note Rodière R. ; disposant que « le droit de rétention peut être exercé dans tous les cas où, la créance ayant pris naissance à l?occasion de la chose retenue, il existe entre cette créance et cette chose un lien de connexité matérielle »

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Désormais, le projet consacre le droit de rétention dans le nouvel article 2286 du Code

civil85 en en énumérant les bénéficiaires et en précisant que le seul mode de

dessaisissement de ce droit est la dépossession volontaire. Au contraire, lorsque le

créancier se dépossède de son droit de manière involontaire, par vol ou perte, le droit de

rétention lui est toujours rattaché. Ce sont les dispositions générales en revanche qui

précisent les caractères généraux de ce droit, à savoir la connexité volontaire, ou juridique,

ou matérielle, mais également le relatif effacement de la dépossession matérielle.

C’est surtout, en tant que sûreté de par sa place dans le Livre IV du Code civil que le

droit de rétention, autrefois prérogative rudimentaire sous forme d’un droit réel du

créancier, érigé désormais au rang de sûreté, vis-à-vis de l'article 2286 du code civil perd

de son efficacité.

Ceci constituerait une limite remarquable aux prérogatives du créancier titulaire du droit

de rétention, autrefois infaillible, désormais en concurrence avec les autres créanciers

munis de sûretés.

Section 2. Une harmonisation manquée de la réforme des sûretés en cas

d’ouverture d’une procédure collective.

Le droit des sûretés et le droit des procédures collectives sont liés, puisque c'est au

moment où le débiteur fait l'objet d'une procédure collective que les sûretés sont censées

offrir toute leur efficacité pour le créancier.

D’une part donc, l’harmonisation avec les procédures collectives n’a cependant pas été

complète et des incohérences subsistent dans le nouveau régime dans la mise en œuvre des

sûretés en procédures collectives.

D’autre part, la réforme en date du 26 juillet 2005 instituant le nouveau régime des

procédures collectives a instauré une irresponsabilité de principe du banquier dispensateur

de crédit, principe grevé d’exceptions, notamment la prise de garanties excessives. Au vu 85 Article 2286 : « Peut se prévaloir d’un droit de rétention sur la chose : 1° Celui à qui la chose a été remise jusqu’au paiement de sa créance ; 2° Celui dont la créance impayée résulte du contrat qui l’oblige à la livrer ; 3° Celui dont la créance impayée est née à l’occasion de la détention de la chose. Le droit de rétention se perd par le dessaisissement volontaire »

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de la souplesse apportée à la constitution et l’extension possible du montant de certaines

garanties dans le nouveau régime des sûretés, la mesure de l’article L.650-1 du Code de

commerce risque de prendre toute son ampleur et mettre la jurisprudence à l’épreuve,

nouvelle, de la définition nouvelle du « soutien abusif du banquier au crédit consenti ».

D’une part la mise en œuvre des sûretés, traditionnelles ou celles érigées au rang de

sûreté apparaît souvent paralysée par le jeu des règles sur les procédures collectives, (§1)

d’autre part, c’est le banquier dispensateur de crédit qui souffre de l’imprécision des textes

quant à sa responsabilité éventuelle pour prise de garanties disproportionnées. (§2)

§1. L’action du créancier muni de sûretés à l’épreuve de l’incohérence des textes

nouveaux en cas d’ouverture d’une procédure collective.

L’harmonisation manquée du nouveau régime des sûretés avec le droit des procédures

collectives prive le créancier de certaines de ses prérogatives nouvellement acquises au

moment où il en a le plus besoin.

En premier lieu, le principe énoncé par l’article 2287 du Code civil86 semble énoncer, de

par sa place dans le Code, (Livre IV énonçant des dispositions générales) une règle de

principe qui vient s’appliquer à toutes les sûretés sans exception.

De par la rédaction de l’article 2287, certaines garanties se trouvent privées d’efficacité

en cas d’ouverture d’une procédure collective du débiteur.

L’introduction de l’article 2287 a pour effet de donner au Code civil une place

dérogatoire par rapport au code de commerce. Néanmoins c’est surtout dans les effets de la

combinaison de certains articles que les incohérences sont visibles, rendant certaines

sûretés traditionnellement efficaces inefficaces au profit d’autres sûretés.

a. Le droit de rétention consacré au rang de sûreté…perd d’autant plus de son efficacité

en cas d’ouverture d’une procédure d’insolvabilité du débiteur.

86 Article 2287 : « Les dispositions du présent livre ne font pas obstacle à l’application des règles prévues encas

d’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ou encore en cas d’ouverture d’une procédure de traitement des situations de surendettement des particuliers. »

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C’est surtout en matière de droit de rétention que cet article pourrait remettre totalement

en cause l'efficacité de la sûreté si la jurisprudence acceptait de le combiner avec l'article

2286 du code civil. En effet, l’article 2286 introduit pour la première fois dans un texte

légal la prérogative reconnue du droit de rétention. Sans la définir totalement, cet article

énonce les principales hypothèses dans lesquelles un créancier peut être titulaire de cette

prérogative. Il énonce que « Peut se prévaloir d’un droit de rétention sur la chose :

1° Celui à qui la chose a été remise jusqu’au paiement de sa créance ;

2° Celui dont la créance impayée résulte du contrat qui l’oblige à la livrer ;

3° Celui dont la créance impayée est née à l’occasion de la détention de la chose.

Le droit de rétention se perd par le dessaisissement volontaire ».

De par sa place dans le Livre IV consacré aux sûretés, c’est au rang de sûreté véritable

que se hisse désormais cette prérogative rudimentaire accordée au créancier qui est en

possession de la chose de refuser de la restituer au débiteur tant que celui-ci n’a pas

exécuté l’obligation.

Outre l’obligation désormais reconnue de déclarer la sûreté à la procédure collective du

débiteur, le droit de rétention une prérogative privilégiée pour son efficacité totale en cas

d’ouverture d’une procédure collective du débiteur. Néanmoins depuis la réforme des

sûretés, le droit de rétention est consacré dans le nouvel article 2286 du Code civil qui en

énumère les bénéficiaires et précise que le seul mode de dessaisissement de ce droit est la

dépossession volontaire. Au contraire, lorsque le créancier se dépossède de son droit de

manière involontaire, par vol ou perte, le droit de rétention lui est toujours rattaché. Ce sont

les dispositions générales en revanche qui précisent les caractères généraux de ce droit, à

savoir la connexité volontaire, ou juridique, ou matérielle, mais également le relatif

effacement de la dépossession matérielle.

C’est en effet la confrontation directe des articles 2287 et 2286, qui a pour conséquence

de priver le droit de rétention de toute efficacité ! L’article 2286 énumère les cas où il est

possible pour un créancier de se prévaloir d'un droit de rétention, et, les deux articles étant

réunis en tête du livre IV du code civil, la confrontation avec l'article 2287 fait perdre au

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droit de rétention son intérêt premier, celui d’être une prérogative opposable à la procédure

collective en dehors des cas où cette opposabilité a été expressément admise par un article

du livre VI du code de commerce, remettant ainsi en cause la jurisprudence antérieure qui

avait généralisé cette opposabilité !

En effet, un arrêt en date du 20 mai 1997, de la chambre commerciale de la Cour de

cassation avait énoncé la portée absolue dans la procédure collective du débiteur et a

assimilé ce droit à un droit réel.87

Désormais, le droit de rétention est hissé au rang de sûreté, néanmoins sa portée est

amoindrie. Il ne s’entend plus que comme le droit de ne pas délivrer la chose en cas

d’impayé.

Désormais il faut attendre de nouvelles décisions qui viendront consacrer la nature de

cette sûreté et surtout, de sa portée en cas de procédure collective du débiteur.

b) Le conflit entre créancier gagiste et un titulaire d’une clause de réserve de propriété.

Il faut souligner que le nouveau droit du gage a été vivement acclamé par la pratique :

assiette élargie, consécration du gage sans dépossession, mise en œuvre facilitée et

consécration du pacte commissoire entre signataires de la sûreté.

Néanmoins, c’est dans la lecture combinée des textes relatifs au gage et ceux relatifs aux

procédures collectives que l’on retrouve les plus fortes disparités, notamment compte tenu

du conflit entre titulaire d’une clause de réserve de propriété et un créancier gagiste.

En premier lieu, il faut remarquer que le pacte commissoire, rendu possible dans

certaines sûretés, dont le gage, est rendu totalement inefficace en cas d'ouverture d'une

procédure collective puisque le nouvel article L. 622-7 du code de commerce88 fait

obstacle à sa réalisation. La modification de l’article apparaît comme étant une entrave

majeure du créancier à l’utiliser au moment où il en a besoin le plus, à savoir lors de

87 Cass.com. 20 mai 1997 ; Bulletin 1997 IV N° 141 p. 126 Petites Affiches, 1998-06-01, n° 65, p. 8, note P. Remy-Corlay. Dalloz, 1998-10-01, n° 34, p. 479, note F. Kenderian. Droit et patrimoine, 2000-04, n° 81, p. 42, note S. Piedelièvre.

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l’ouverture d’une procédure collective, à ce que les réformateurs du Code ont voulu

comme une prérogative révolutionnaire et généralisée..

En outre, l’enjeu nouveau du créancier gagiste est précisément de défendre ses droits

face au titulaire d’une clause de réserve de propriété, garantie rudimentaire érigée au rang

de sûreté au sein du Code civil.

Il s’agit d’éclairer brièvement le régime de la clause de réserve de propriété, qui n’est

que peu modifié, mais qui est désormais définie dans le Code civil au sein d’un article

2367 ainsi rédigé : « La propriété d’un bien peut être retenue en garantie par l’effet d’une

clause de réserve de propriété qui suspend l’effet translatif d’un contrat jusqu’au complet

paiement de l’obligation qui en constitue la contrepartie.

La propriété ainsi réservée est l’accessoire de la créance dont elle garantit le paiement. »

Jusqu'à présent, la clause de réserve de propriété, très utilisée en pratique, n’était régie que par

quelques articles éparses traitant de ses effets dans des cas particuliers (par exemple en cas

d'ouverture d'un procédure collective à l'encontre de l'acheteur ; C. com. art. L 621-22).

Désormais définie aux articles 2367 à 2372 nouveaux, son régime n’est point modifié.

Traditionnellement reconnue dans tous types de contrats par la jurisprudence89, à savoir

translatifs ou non translatifs de propriété sa définition nouvelle large au sein de l’article 2367

n’en restreint nullement la portée. Consignée dans un écrit, (art. 2368 nouveau), la publicité

n’est toujours pas obligatoire mais confère l’avantage au titulaire de la clause d’être averti de

déclarer sa créance en cas d’ouverture d’une procédure collective à l’encontre du débiteur dans

un délai qui court à compter de l'avertissement et non, comme pour les autres créanciers, à

compter de l'ouverture de la procédure (C. com. art. L 622-24). En outre, par ailleurs, le

créancier peut agir en restitution du bien (art. 2371), sans être tenu de respecter la procédure de

revendication beaucoup plus contraignante. Enfin, l'article 2372 nouveau précise que le droit

de propriété se reporte sur la créance du débiteur à l'égard du sous-acquéreur ou sur

88 Article L 622-7 – modifié - : » Le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute

créance née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception du paiement par compensation de créances connexes. Il emporte également, de plein droit, interdiction de payer toute créance née après le jugement d'ouverture, non mentionnée au I de l'article L. 622-17, à l'exception des créances liées aux besoins de la vie courante du débiteur personne physique et des créances alimentaires. Il fait enfin obstacle à la conclusion et à la réalisation d'un pacte commissoire …89 Cass. com. 19-11-2003 n° 1580 : RIDA 4/04 n° 449 rendu à propos d'un contrat d'entreprise

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l'indemnité d'assurance subrogée au bien. Le créancier peut en cas de revente du bien

réclamer le prix au sous-acquéreur qui n'a pas encore réglé le débiteur ou, en cas de destruction

du bien et, comme l'avait déjà admis la jurisprudence90.

En cas d’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation

judicaire à l’encontre du débiteur, en revanche, les articles L 624-16 à L 624-18 du Code de

commerce ont été modifiés en supprimant les mentions suivantes : « ... qui subordonne le

transfert de propriété au paiement intégral du prix » et « nonobstant toute clause contraire,

la clause de réserve de propriété est opposable à l'acheteur et aux autres créanciers, à

moins que les parties n'aient convenu par écrit de l'écarter ou de la modifier ». Ainsi, la clause

doit être convenue par les parties dans un écrit au plus tard au moment de livraison ou dans un

écrit régissant un ensemble d'opérations commerciales convenues entre les parties. Il s’agissait

pour le législateur d’harmoniser les textes, vis-à-vis de l’article 2368 du Code civil qui exige

que la clause de réserve de propriété soit « convenue ».91

Cependant, lors de l’ouverture d’une procédure collective affectant l’acheteur, voire dans

une procédure de conciliation, telles que modifiées par la loi dite « Breton » sur la

sauvegarde des entreprises en date du 26 Juillet 2005, le vendeur avec clause de réserve de

propriété peut se trouver en conflit avec un créancier gagiste. Il doit alors prendre certaines

mesures afin de préserver ses droits sur le bien lui-même ou sa valeur.

Cependant, une importante distinction doit être opérée. Lorsque les biens ne sont pas en

possession du vendeur avec clause de réserve de propriété, c’est le créancier gagiste (dans

l’hypothèse d’un gage avec dépossession), voire tout tiers muni d’un droit de rétention,92

qui a la disposition effective des biens gagés, peut en vertu de l’article 2279 se prévaloir de

son droit de rétention sous réserve de sa bonne foi et prime donc, sur le vendeur avec

réserve de propriété.93

90 Cass. com. 6-7-1993 n° 1288: RJDA 10/93 n° 84091 Pour l’état antérieur de la jurisprudence en la matière, voir Cass. com. (12-7-1994 n° 1695: RJDA 2/95 n° 211 ; Cass. com. 11-7-1995 n° 1543, 1545, 1554: RIDA 3/96 n° 425, trois arrêts ; cf. B. Soinne, Rev. proc. coll. 1997/2 p. 199 n° 9) , qui a décidé « qu'en cas de contradiction sur la date du transfert de propriété entre les conditions générales de vente et les conditions générales d'achat, il convenait d'en revenir au droit commun du transfert immédiat et inconditionnel de la propriété.92 un garagiste qui retient la voiture en attendant règlement du prix de la réparation prime sur le vendeur avec clause de réserve de propriété (CA Paris 4 février 2000)93 Cass com : 28 novembre 1989, CA Angers 26 mars 1985.

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Lorsque en revanche les biens sont en possession du vendeur avec clause de réserve de

propriété, l’article 2279 protège ce dernier.94

Néanmoins, au regard du moindre sort réservé aux titulaires d’un droit de rétention à la

lecture combinée des articles 2287 et ceux relatifs au droit de rétention, il est permis de se

poser la question sur les prérogatives réelles d’un créancier gagiste face au vendeur avec

réserve de propriété.95

Enfin, à la lecture de l’article 2335 qui énonce que « Le gage de la chose d’autrui est

nul », le conflit avec un créancier gagiste prend une toute autre ampleur. Ainsi, si un bien

vendu au constituant avec clause de réserve de propriété, le vendeur avec clause de réserve

de propriété prime-t-il le créancier gagiste ? Le vendeur avec clause de réserve de propriété

pourrait, au regard de cette disposition se prévaloir de ses droits en invoquant la nullité du

gage. Il faut attendre les solutions jurisprudentielles pour appréhender les solutions

envisageables par la réforme…

c. L’inefficacité du droit d’attribution judiciaire des immeubles hypothéqués ou objet

d’une antichrèse.

Il est saisissant de prime abord de voir dans quelle mesure la lecture combinée du texte

de l’article 2287 du Code civil, dont il s’agit de rappeler les termes96 avec les dispositions

concernant la faculté d'attribution judiciaire de l’immeuble objet d’une l'hypothèque et

d’une antichrèse rendue possible depuis la réforme, à l’exception de l’immeuble

d’habitation du débiteur. En effet, la lecture de l’article 242797 du code civil affirmant

94 Cass com 5 avril 1994 95 Voir infra (c)

96 Article 2287 : « Les dispositions du présent livre ne font pas obstacle à l’application des règles prévues encas

d’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ou encore en cas d’ouverture d’une procédure de traitement des situations de surendettement des particuliers. »97 Article 2427 modifié : « Les créanciers privilégiés ou hypothécaires ne peuvent prendre utilement inscription sur le précédent propriétaire, à partir de la publication de la mutation opérée au profit d'un tiers. Nonobstant cette publication, le vendeur, le prêteur de deniers pour l'acquisition et le copartageant peuvent utilement inscrire, dans les délais prévus aux articles 2108 et 2109, les privilèges qui leur sont conférés par l'article 2103.

L'inscription ne produit aucun effet entre les créanciers d'une succession si elle n'a été faite par l'un d'eux que depuis le décès, dans le cas où la succession n'est acceptée que sous bénéfice d'inventaire ou est déclarée vacante. Toutefois, les privilèges reconnus au vendeur, au prêteur de deniers pour l'acquisition, au copartageant, ainsi qu'aux créanciers et légataires du défunt, peuvent être inscrits dans les délais prévus aux articles 2108, 2109 et 2111, nonobstant l'acceptation bénéficiaire ou la vacance de la succession.

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qu'en cas d'ouverture d'une procédure collective l'inscription des hypothèques produit les

effets réglés par les titres II, III et IV du livre VI du code de commerce, titres qui ne

rendent pas possible une attribution judiciaire semblent paralyser l’action du créancier

(l'art. L. 642-25, al. 3, C.com. ne prévoyant l'attribution judiciaire en cas de liquidation

judiciaire que dans le cas du créancier gagiste). La même paralysie semble toucher le

créancier muni d’une hypothèque, dont l’action est entravée par l’article 2287 du Code

civil.

d) Les autres dispositions faisant obstacle à une pleine efficacité des sûretés dans

les enjeux collectifs.

En premier lieu, la généralisation de l’interdiction des paiements et l’obstacle à la

conclusion et la réalisation du pacte commissoire (Art. L 622-7 du C.com) dans les

procédures collectives nuit, comme il a été spécifié ci-dessus, à la pleine efficacité des

sûretés dont l’admission du pacte commissoire a été une opportunité privilégiée (en

particulier l’hypothèque).

En deuxième lieu, l’article L 622-13 du Code de commerce prévoit une absence de

déchéance du terme et le pouvoir de l’administrateur d’exiger la poursuite des contrats en

cours (Art L 622-13 du C.com). Ainsi, la mise en œuvre des sûretés peut être freinée par le

pouvoir de l’administrateur de continuer les contrats en cours. Selon l’optique de la

réforme des procédures collectives, les créanciers, y compris ceux minis de sûretés,

devront se plier à la poursuite des contrats, l’objectif du législateur étant de privilégier

avant tout le redressement du débiteur et la viabilité de l’entreprise dans la mesure du

possible.

Ensuite, les nullités de la période suspecte affectent enfin les actes, paiements, saisies, et

surtout les sûretés (Art L 632-1 et L 632-2 du C.com).

En cas de saisie immobilière ou de procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ou encore en cas de procédure de traitement des situations de surendettement des particuliers, l’inscription des privilèges et hypothèques produit les effets réglés par les dispositions du code de procédure civile et par celles des titres II, III ou IV du livre sixième du code de commerce. Dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, en cas d’exécution forcée immobilière, l’inscription des privilèges et hypothèques produit les effets réglés par les dispositions de la loi du 1er juin 1924. »

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Enfin, le nouveau privilège attaché aux créances nées après l'ouverture de la procédure

collective redistribue les rôles des créanciers de la masse. En effet, sous l'empire du droit

des procédures collectives antérieur à la récente réforme, le droit de préférence accordé aux

créanciers dont la créance était née régulièrement après l'ouverture de la procédure

collective n'était pas un véritable privilège, ainsi que l'avait affirmé la Chambre

commerciale dans un arrêt rendu le 5 février 2002 (Bull. civ. N, n° 27; D. 2002, AJ p. 805,

obs. A. Lienhard)98, estimant que ce droit n'était pas lié à une qualité intrinsèque de la

créance mais procédait seulement de la date de celle-ci. Une même créance pouvait, ainsi,

bénéficier ou non de cette priorité de paiement selon qu'elle était née après ou avant le

jugement d'ouverture, ce qui avait entraîné à la fois le développement d'un contentieux

important relatif à la détermination de la date de naissance des créances.

Aujourd’hui le droit de préférence attaché aux créances nées après l'ouverture de la

procédure est appréhendé par deux textes distincts, l'article L. 622-17 du code de

commerce, qui est relatif à la procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, et

l'article L. 641-13 du code de commerce, qui concerne la liquidation judiciaire. Or, ces

deux textes délimitent le domaine d'application du droit de préférence non seulement en

fonction de la date de naissance de la créance, mais aussi en fonction de son utilité pour

l'entreprise ou pour le déroulement de la procédure et, donc, par référence à une qualité

intrinsèque de la créance.

Ainsi le droit de préférence devient un véritable privilège, qui aura plein effet à condition

de déclarer la créance au plus tard dans un délai d'un an à compter de la fin de la période

d'observation, en cas de sauvegarde ou de redressement judiciaire, et, en cas de liquidation

judiciaire, soit dans un délai de six mois à compter du jugement d'ouverture de la

procédure, soit, s'il y a cession de l'entreprise, dans un délai d'un an à compter du jugement

arrêtant le plan de cession.

L’harmonisation des sûretés avec les procédures collectives est donc encore perfectible,

néanmoins il faut prendre en compte les finalités même des procédures d’insolvabilité.

Celle de la réforme en date du 26 juillet 2005 est marquée certainement par un souci de

préserver la viabilité de l’entreprise du débiteur autant que possible. Le pr. Grimaldi a fait

lui-même remarquer que « légiférer sur les sûretés n’est pas légiférer sur les procédures 98 Bull. civ. N, n° 27; D. 2002, AJ p. 805, obs. A. Lienhard

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d’insolvabilité. Quant à savoir si légiférer sur les procédures d’insolvabilité c’est légiférer

sur les sûretés, tout dépend de la finalité de la procédure collective. Si celle-ci n’est qu’une

procédure collective d’exécution, ce qu’elle a longtemps été, elle n’atteint point les

sûretés ; mais si elle est une procédure collective de concours au redressement ou au

sauvetage de l’entreprise, ce qu’elle est devenue (…), les sûretés tombent naturellement

peu ou prou sous son emprise (…). »99.

Néanmoins, curieusement, le législateur a fait le choix de ne pas laisser le groupe de

travail légiférer en la matière, tout en reportant la problématique de sauvetage de

l’entreprise sur un autre terrain, celui de la responsabilité du banquier pour octroi abusif de

crédit à un débiteur en difficulté. Afin de sauver les entreprises, le législateur a fait le choix

de déclarer, pour la première fois, à l’article L.650-1 du Code de commerce,

l’irresponsabilité de principe du banquier dans ce cas précis, à quelques exceptions près.

Néanmoins, là aussi, au vu de l’imprécision du texte, l’harmonisation de la disposition

avec la réforme des sûretés n’est pas évidente.

L’article L.650-1 du Code de commerce a été l’une des innovations les plus remarquées de

la réforme des procédures collectives en date du 26 Juillet 2005. L’article a instauré une

irresponsabilité de principe du banquier dispensateur de crédit, tout en prévoyant un certain

nombre d’exceptions au principe, dont la prise de garanties excessives. Des dispositions de

l’article L.650-1 du Code de commerce dépend donc la responsabilité du banquier

dispensateur de crédit pour « soutien abusif ». Face à la réforme des sûretés, qui rend les

sûretés plus souples et plus importantes encore quant à leur assiette ou à leur montant, le

banquier titulaire de garanties se heurte à une responsabilité mal définie par le législateur,

aux contours flous et incertains. L’article L.650-1 du Code de commerce risque de mettre

la jurisprudence face à une épreuve nouvelle, celle de la redéfinition des contours de la

responsabilité du créancier dans la prise de garanties excessives, en particulier dans

l’hypothèse d’une procédure collective de l’emprunteur.

§2. L’article L.650-1 du Code de commerce ou la limitation de principe de la

responsabilité du banquier dispensateur de crédit au débiteur en difficulté.

99 RJC 2005 p. 467 « Vers une réforme des sûretés » par Michel Grimaldi.

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L’article L.650-1 du Code de commerce issu de sa rédaction de la Loi n° 2005-845 en

date du 26 Juillet 2005, portant sauvegarde des entreprises100 a été inséré dans un chapitre 5

du Livre 6 du Code de commerce, intitulé « Des responsabilités et sanctions ».

L’article L.650-1 du Code de commerce énonce (art. 126 de la loi du 26 Juillet 2005) :

« les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des

concours consentis, sauf les cas de fraude, d’immixtion caractérisée dans la gestion du

débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées

à ceux-ci.

Pour les cas où la responsabilité d’un créancier est reconnue, les garanties prises en

contrepartie de ses concours sont nulles ».

Cet article s’inscrit dans l’objectif premier du législateur dans le cadre de la réforme des

procédures collectives, celui de soutenir l’activité économique et de permettre au débiteur

de redresser sa situation financière dans les meilleures conditions, et surtout à inciter, à

cette fin, les établissements de crédit à prêter aux débiteurs en difficulté. En effet, la

tendance est désormais annoncée à limiter la jurisprudence antérieure qui visait les banques

et les fournisseurs pour soutien abusif de crédit aux entreprises en difficulté. Désormais la

loi accorde aux créanciers des rangs privilégiés de paiement en cas de défaut du débiteur et

leur octroie, en son article 126, une irresponsabilité de principe pour les « concours »

consentis au débiteur en difficulté. La constitutionnalité de la disposition a été contestée,

mais le Conseil Constitutionnel a reconnu la validité de la disposition car la responsabilité

civile délictuelle du créancier pour soutien abusif continue à être retenue, par exception,

dans trois hypothèses: la fraude, l’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur et la

disproportion des garanties prises en contrepartie des concours.

Pourtant, la doctrine majoritaire relève les difficultés d’interprétation du texte, en

particulier le caractère disproportionné des garanties par rapport aux concours consentis,

notion dont la jurisprudence devra une fois de plus préciser les contours. En outre, lorsque

le créancier exige des garanties « disproportionnées », la responsabilité du créancier

s’accompagne d’une nullité automatique des garanties prises en sa faveur.

100 J.O. n° 173 du 27 juillet 2005 page 12187, entrée en vigueur le 1er janvier 2006 sous réserve de l’article 109

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Certains auteurs déplorent ainsi la situation dans laquelle le texte, par ses dispositions

« lacunaires », ne servira ni le vœu du législateur, ni la confiance des banques à accorder

des crédits. Les établissements de crédit pourraient devenir encore plus « frileux »

qu’auparavant.

La présente étude vise à comprendre, en partant de la genèse du texte (1), quels contours la

jurisprudence pourrait donner à la disposition commentée en matière de domaine, de

régime, de sanctions prévues et surtout de définition des termes employés (2). La

définition de la disproportion sera particulièrement étudiée. En outre, un rappel de la

jurisprudence antérieure en matière de soutien abusif sera nécessaire pour appréhender

l’évolution possible de cette notion au vu des dispositions actuelles de l’article L.650-1 du

Code de commerce.

1. La genèse de l’article L.650-1 du Code de commerce.

La disposition nouvelle a été introduite lors des débats parlementaires afin de « mettre fin

aux querelles sur la notion de soutien abusif » en en précisant la portée et de rapprocher

notre législation de celles des autres Etats européens, moins exigeantes en matière de

responsabilité des créanciers. Appuyée par le Garde des Sceaux qui estime que « s’il y a

bien un problème en France c’est bien celui du soutien abusif (…) il s’agit précisément

d’éviter cette frilosité », les objectifs nouveaux du législateur sont clairement affichés.

En effet, s’inscrivant dans l’objectif global de la réforme, l’article L.650-1 du Code de

commerce vise à « éviter que les personnes susceptibles d’aider financièrement

l’entreprise, mais soucieuses de prévenir toute action contentieuse, s’abstiennent de lui

apporter un concours financier alors que sa situation financière pourrait malgré tout être

redressée » et de limiter « le risque juridique encouru par les banques pour encourager la

prise de risque économique qui consiste à apporter un soutien financier à une entreprise

en difficulté »101

En outre, lors des débats parlementaires, l’opposition a souhaité voir l’article L.650-1

cantonné à la seule procédure de conciliation. Le texte définitif, qui insère cet article dans

un chapitre V lui donne en revanche une portée générale. 60 députés et sénateurs, qui y

voient une anéantissement du droit constitutionnel de l’action en responsabilité à

l’encontre du dispensateur de crédit, saisissent le Conseil Constitutionnel afin d’annuler

101 Rapport Hyest du Sénat n° 335, page 137

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cette disposition102 au regard des articles 4 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du

Citoyen de 1789, au motif que la loi « annihile quasiment toute faculté d’engager la

responsabilité délictuelle des créanciers » pour crédits octroyés ; et 16 de la DDHC de

1789 en ce que l’article 126 supprimerait tout droit au recours. Le Conseil Constitutionnel

rejette néanmoins l’action et déclare l’article L.650-1 conforme à la Constitution.

2. Elements d’interprétation de l’article L.650-1 du Code de commerce.

Selon une partie de la doctrine (D.Legeais), le texte n’offre pas la clarté annoncée par le

législateur. Son domaine d’application très large risque certes d’en faire un texte phare en

matière de sûretés, de crédit et de procédures collectives, mais les questions en suspens

quant à son interprétation risquent d’en faire un « cadeau empoisonné ».(M. David Robine)

a). Le domaine de l’article L.650-1 du Code de commerce.

Le domaine d’application du texte n’a pas été défini par le législateur. Il s’agit donc d’y

voir un texte de portée très large s’appliquant à toutes les sûretés consenties au banquier.

D’un point de vue temporel, l’article s’applique à toutes les entreprises en difficulté103 au

profit desquelles une des procédures d’insolvabilité décrites dans la loi du 26 juillet 2005

est ouverte après le 1er janvier 2006 et qui ont bénéficié de l’ouverture d’un crédit soit

antérieurement soit postérieurement à cette date. Ce peut être une procédure de

conciliation, de sauvegarde, de redressement ou liquidation, voire la nomination d’un

administrateur ad hoc. En cela l’article offre l’avantage de s’appliquer aux concours pour

lesquels la date de départ du crédit n’est pas certaine, telles les avances en compte, les

découverts en compte courant.

Du point de vue des acteurs et des crédits concernés, les dispensateurs de crédit sont à

entendre au sens large: le crédit interentreprises, les crédits consentis par les fournisseurs à

leurs clients sont concernés, les concédants, les crédits accordés au sein d’un même groupe

(cass com 25 mars 2003) voire les crédits octroyés par l’Etat pour les entreprises en

difficulté. Sur la notion de « créanciers », les « concours » visés englobent notamment les

102 Décision n° 2005-522 DC – du 22 Juillet 2005103 Ainsi que les professions libérales en vertu des articles L 620-2, L 631-2 et L 640-2 du Code de commerce

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prêts, escomptes, découverts, crédits, crédits garantis par une cession de créances

professionnelles, voire probablement les délais de paiement.

En revanche le texte ne s’applique pas aux concours consentis pour financer des créations

ou acquisitions d’entreprises.

L’article s’applique enfin à toutes les « garanties » : il englobe aussi bien les sûretés

classiques (sûretés personnelles et réelles) que les autres garanties telle la Garantie à

première demande, le crédit-bail, la délégation, la lettre d’intention…. Il englobe donc tous

types de garants, sans distinction faite entre garant profane ou « averti ».

Lorsque les conditions de l’article sont remplies, la responsabilité des fournisseurs de

crédit est écartée à l’égard de l’entreprise, des créanciers ainsi que du débiteur et des

cautions.

Le régime de l’irresponsabilité du banquier appelle quelques précisions : sur la nature de

la responsabilité encourue d’une part (i); et sur les conséquences de la prise de garanties

excessives d’autre part (ii).

b). Le régime de l’article L.650-1 du Code de commerce.

i). La nature de la responsabilité encourue.

L’article L.650-1 du Code de commerce vise à prévenir les actions en responsabilité

délictuelle menées à l’encontre des banques pour soutien abusif d’une entreprise104 en

difficulté. L’action fondée sur les articles 1382 et 1383 du Code civil peut émaner du

liquidateur, des créanciers ou du garant.

L’élément générateur du dommage est la faute du banquier. Celle-ci s’apprécie de

manière objective, comme une simple appréciation par le juge d’une disproportion entre le

montant des crédits lors de la mise en place des sûretés et le montant global de ces sûretés

elles mêmes.

104 ou de surcroît, si l’on est dans le cadre d’une procédure de conciliation, des personnes physiques exerçant une profession indépendante règlementée, à l’exception des agriculteurs.

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Le préjudice réside dans la privation abusive des actifs donnés en garantie voire dans

l’aggravation du passif du débiteur. En revanche, le préjudice matériel doit résulter en une

situation irrémédiablement compromise du débiteur, les exceptions étant d’interprétation

stricte. Tous les préjudices (individuel, collectif souffert par la masse des créanciers),

moral comme matériel sont réparables.

Le lien de causalité entre le fait générateur du dommage et le dommage, est établi lorsque

le débiteur se trouve dans l’impossibilité de lever d’autres fonds et doit solliciter

l’ouverture d’une procédure préventive d’insolvabilité ou une procédure de redressement

judiciaire.

Il semblerait que le débiteur dispose en outre d’une action contractuelle à l’égard du

dispensateur de crédit fondée sur l’absence de devoir de vigilance ou de loyauté lors de la

conclusion du contrat résultant de la prise de garanties disproportionnées. Aussi, les

recours fondés sur le manquement au devoir d’information du banquier peuvent aboutir

lorsque le prêteur est un professionnel et que par suite de circonstances exceptionnelles, ce

dernier avait des informations sur la situation de son partenaire que lui-même aurait

ignorées.105

La caution pourrait elle aussi invoquer par voie d’exception la responsabilité du créancier

sur le fondement des articles 1382 du Code civil et L.650-1 du Code de commerce pour les

trois hypothèses envisagées mais seulement lorsqu’elle souffre d’un préjudice lié aux

concours consentis au débiteur tel l’octroi de crédits ruineux ou inappropriés. En outre elle

continue de pouvoir agir pour manquement au devoir d’information donné au débiteur qui

a eu pour conséquence pour elle de « limiter l’obligation de règlement par une révocation,

ou de prendre des mesures conservatoires ».

En revanche l’article se référant à la disproportion entre le montant du concours et celui

des garanties qui sont octroyées pour ces concours, et non celle entre le montant de la

garantie et les biens et revenus de la caution, la jurisprudence traditionnelle et la Loi

Dutreil du 1er août 2003 en matière de disproportion dans cette dernière hypothèse sont peu

utiles.

105 Cass 1 12 juill 2005 note JCPE n° 1359

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ii) Le régime de la responsabilité : le cas de la prise de garanties disproportionnées.

En son alinéa 1er l’article commenté énonce : « les créanciers ne peuvent être tenus pour

responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude,

d’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en

contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci. » Il s’agit d’apprécier ces

éléments, qui sont a priori d’appréciation stricte par la jurisprudence en ce qu’ils

constituent des exceptions au principe de non responsabilité ainsi posé.

Si l’on s’attache uniquement à l’étude de la prise de garanties disproportionnées par

rapport au montant du crédit, l’on constate qu’il s’agit de l’hypothèse qui soulève le plus

de difficultés. La construction prétorienne sur le caractère disproportionné du

cautionnement par rapport aux biens et revenus de la caution est de peu d’intérêt. Quant à

la jurisprudence sur la disproportion entre précisément le montant des concours octroyés et

les garanties données en faveur dudit concours est assez rare. Notamment, un arrêt en date

du 10 mai 1994 de la chambre commerciale de la Cour de Cassation retient la

responsabilité d’un « créancier qui se fait consentir abusivement des sûretés pour le

préjudice financier résultant de l’indisponibilité, pour des montants excessifs, de la valeur

des biens donnés en garantie. » En l’espèce, le bien assiette de la sûreté réelle concernée

atteignait une valeur dépassant de 200% le crédit consenti. Le garde des sceaux et les

commentateurs ont considéré que la disproportion recouvrira les concours excessifs par

rapport à la pratique.

Le principe de proportionnalité est pris en compte par les juges aussi bien dans l’octroi

de crédits ruineux, qualifiés par la jurisprudence de « politique de crédits ruineux pour

l’entreprise devant nécessairement provoquer une croissance continue et insurmontable

de ses charges »106 et dans le soutien abusif d’une entreprise en difficulté, « soutien

artificiel à une entreprise dont elle connaissait, ou aurait dû connaître si elle s’était

informée, la situation irrémédiablement compromise ».107

Quant à la date à laquelle s’apprécie la disproportion, la doctrine énonce que c’est celle

de la prise de garanties. Cependant, cette date est difficile à déterminer pour des garanties

telles les ouvertures de lignes de crédit.106 Cass com 22 mars 05107 cass com 22 mars 2005, n° 03-12922

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Les crédits « consentis » englobent-ils les crédits promis ou ceux effectivement encaissés

et utilisés par l’entreprise ? Le choix de la seconde solution paraît plus justifié.

Aussi, il semble que l’expression « prises en contrepartie de ces concours » subordonne

les garanties à ces concours. Ainsi, les garanties conclues postérieurement au concours sont

exclues du champ d’application du texte dès lors qu’elles ne procèdent pas d’une promesse

liée à ces derniers.

En revanche sur l’appréciation qualitative et chiffrée de la disproportion, pour l’instant la

doctrine s’attache seulement à en soulever les difficultés qui se posent a priori : les crédits

« consentis » englobent-ils les crédits promis ou ceux effectivement encaissés et utilisés

par l’entreprise ? Le choix de la seconde solution paraît plus justifié.

Néanmoins c’est avant tout l’évaluation du montant des garanties prises et jugées comme

« excessives » qui est importante compte tenu de l’assiette élargie de certaines sûretés mais

aussi de leur montant. L’évaluation du montant des garanties consenties pose moins de

problème lorsqu’elles sont des cautions personnelles limitées dans leur montant ou des

sûretés réelles car le bien peut être facilement évalué. (En revanche M. Dammann souligne

la difficulté lorsque la valeur de l’assiette des garanties réelles évolue à la baisse. Ex : Les

instruments financiers qui sont sur un compte nanti). Les sûretés personnelles illimitées

dans leur montant poseront problème.

Le montant des garanties peut être supérieur au montant des crédits consentis mais dans

quelle proportion ? Le texte n’exige pas que la « disproportion » soit manifeste. Pour

apprécier l’excès, il faut additionner les garanties, ce qui n’est pas aisé lorsqu’elles sont de

natures différentes, ou lorsque plusieurs cautions s’engagement envers un même créancier.

Dans cette dernière hypothèse également, en cas de cumul de cautionnements solidaires, la

disproportion (qui n’a pas à être manifeste) est rapidement atteinte.

En matière d’hypothèques, le principe est déjà inscrit dans la loi des sûretés réelles. Par

exemple, les articles 2161 et 2162 du Code civil autorisent la réduction des hypothèques

excessives. Mais ce cumul de garanties peut mener à des solutions étonnantes puisqu'il a

pour conséquence qu'une hypothèque conventionnelle constituée sur des immeubles d'une

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valeur supérieure au montant du concours consenti mais inférieure au double plus un tiers

de ce montant pourrait, éventuellement, être annulée sur le fondement de l'article L. 650-1

du code de commerce alors qu'une hypothèque légale ou judiciaire sur les mêmes

immeubles ne serait, dans un cas identique, même pas susceptible d'un simple

cantonnement sur le fondement de l'article 2444 du code civil.

La jurisprudence sur la disproportion entre précisément le montant des concours

octroyés et les garanties données en faveur dudit concours est assez rare : notamment, un

arrêt en date du 10 mai 1994 de la chambre commerciale de la Cour de Cassation qui

retient la responsabilité d’un « créancier qui se fait consentir abusivement des sûretés pour

le préjudice financier résultant de l’indisponibilité, pour des montants excessifs, de la

valeur des biens donnés en garantie. » En l’espèce, le bien assiette de la sûreté réelle

concernée atteignait une valeur dépassant de 200% le crédit consenti.

Enfin, un auteur a proposé, pour apprécier la disproportion, de se référer au montant

maximum autorisé dans la convention de crédit, majoré des intérêts stipulés et des frais, car

cette somme correspond au risque réel du banquier. En outre il propose de se référer non à

la valeur immédiate des sûretés mais plutôt à leur valeur future en cas d’ouverture d’une

procédure collective.

Le banquier fautif dispensateur de crédit est condamné à des dommages et intérêts pour

tout type de préjudice soufferts par l’une des victimes. Seule la caution (ou tout autre

garant) n’aura plus droit à agir, pour absence d’intérêt à agir dès lors que la caution (ou

toute garantie) sera annulée par le juge. En outre une sanction pénale pour octroi de crédits

ruineux est envisageable. En tout état de cause, la nullité sanctionne la prise de garanties

disproportionnées et non « manifestement » disproportionnées. La sanction est sévère pour

le créancier : la nullité est « constatée » par le juge de plein droit et le juge n’a pas de

pouvoir d’appréciation.

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Face aux enjeux collectifs, les réformateurs du Code ont été contraints de laisser passer

une opportunité historique de réfléchir globalement à une refonte du droit du crédit en

harmonisant les règles d’insolvabilité et celles régissant les sûretés. En conséquence des

incohérences subsistent, qui rendent difficile voire inutile la mise en œuvre de certaines

prérogatives nouvelles offertes au créancier muni de sûretés par la réforme du 23 mars

2006 ! Ainsi, l’article 2287 du Code civil, placé en tête du Livre 4 du Code civil, prévoit de

manière généralisée que les dispositions dudit livre ne font pas obstacle à l’application des

règles prévues encas d’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement

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judiciaire ou de liquidation judiciaire ou encore en cas d’ouverture d’une procédure de

traitement des situations de surendettement des particuliers. Le Code civil reçoit une place

dérogatoire par rapport aux dispositions régissant les procédures d’insolvabilité se trouvant

dans le Code de commerce. Par exemple, le pacte commissoire, rendu possible dans

certaines sûretés, dont le gage ou encore l’hypothèque, est rendu totalement inefficace en

cas d'ouverture d'une procédure collective puisque le nouvel article L. 622-7 du code de

commerce fait obstacle à sa réalisation. Aussi, dans l’optique de la réforme des procédures

collectives, l’Administrateur judiciaire peut ordonner la poursuite des contrats en cours

afin de préserver dans la mesure du possible, la viabilité de l’entreprise du débiteur. Le

banquier dispensateur de crédits ne peut dans cette hypothèse demander à mettre à

exécution sa sûreté.

Bien au contraire, c’est l’article L.650-1 du Code de commerce, issu de la réforme sur les

procédures collectives en date du 26 juillet 2005 qui encadre désormais la responsabilité du

banquier. Par ce texte, le législateur a limité la possibilité d'engager la responsabilité d'un

créancier pour fourniture d'un crédit abusif à trois hypothèses particulièrement

répréhensibles parmi lesquelles figure la prise de garanties disproportionnées, lesquelles

sont alors annulées sur le fondement de l'alinéa 2 de ce texte. Le banquier n’est désormais

plus responsable pour octroi de « soutien artificiel à une entreprise dont [il] connaissait,

ou aurait dû connaître [s’il] s’était informée, la situation irrémédiablement compromise ».

En revanche, le banquier s’expose au risque d’annulation des garanties excessives

sollicitées, par rapport au montant du crédit.

Malheureusement, le législateur n’a pas défini le caractère « disproportionné » des

garanties sollicitées par le banquier dispensateur de crédit. Ainsi, la proportionnalité entre

le montant des garanties prises et celui du crédit ne peut s’apprécier qu’en calculant le

montant global cumulé des garanties. Ainsi, si pour un cautionnement limité dans son

montant ou pour un gage portant sur un bien dont la valeur est estimée le calcul est

aisément possible, comment apprécier en revanche la disproportion d’un cautionnement

illimité et solidaire, ou encore d’un gage portant sur des biens futurs. Il faudra attendre les

applications jurisprudentielles pour apprécier le caractère disproportionné des garanties

prises.

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En tout état de cause, le législateur a souhaité voir la responsabilité du banquier limitée

pour soutien abusif au débiteur en difficulté afin de rapprocher notre législation de celles

des autres Etats européens, moins exigeantes en matière de responsabilité des créanciers.

Cependant, l’attractivité des sûretés françaises est encore au stade « expérimental ».

L’utilisation massive de la floating charge, sûreté britannique largement répandue et

couronnée de succès de par sa souplesse d’utilisation, notamment en ce qu’il permet

d’appréhender sans difficulté les garanties dans les grands projets de financement

nécessitant la rédaction de plusieurs dizaines de contrats simultanés ou consécutifs,

démontre les enjeux auxquels le gage français est confronté.

En outre, les sûretés françaises s’avèreront-t-elles efficaces et aux nouveaux textes

européens sur les procédures d’insolvabilité, tout comme aux projets internes à venir, telle

la réforme de la fiducie ?

De leur souplesse dépend l’attractivité future et le rayonnement à l’étranger des sûretés

face aux nouveaux enjeux internationaux.

TITRE 2 : L’attractivité du régime français des sûretés à l’aune des

enjeux internationaux.

L’attractivité des sûretés personnelles et réelles passe par leur simplicité d’utilisation et

de réalisation, mais aussi à répondre à des besoins de projets complexes, s’inscrivant dans

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un ensemble de contrats qui ont besoin de sûretés réduites à un nombre minimum tout en

offrant une sécurité au créancier. Cependant, il demeure aujourd’hui dans le droit français

certaines sûretés tout à fait archaïques, par choix des rédacteurs du projet, ou pour des

raisons indépendantes de leur volonté.(Section 1) La souplesse d’une sûreté constitue

l'atout pour son attractivité et son rayonnement à l’étranger. (Section 2)

Section 1. Un régime des sûretés qui laisse subsister certains archaïsmes.

Certaines garanties n’offrent pas la modernité requise pour constituer des sûretés

efficaces. Certaines d’entre elles n’ont pu être incluses dans le projet afin d’être refondues

et époussetées, d’autres, trop formalistes et contraignantes auront en pratique une faveur

limitée. Il en va ainsi en particulier du gage sur stocks. (§1) Néanmoins, le nouveau gage

sans dépossession offrira-t-il une alternative efficace face à la floating charge britannique ?

(§2)

§1. Une réforme incomplète laissant subsister certaines sûretés archaïques.

1). Le gage sur stocks : un régime formaliste, une lourdeur incommodante dans la

pratique commerciale.

L’ordonnance du 23 mars 2006 prévoit la constitution d’un gage sans dépossession qui

peut porter notamment sur des biens corporels fongibles, lesquels peuvent en outre être

futurs à condition d’être au moins déterminables.108 De là découle la possibilité de

constituer un gage sur des stocks de marchandises, prévue expressément par un chapitre

VII nouveau (art. L. 527-1 à L. 527-11 du Code de commerce).

Il eût été possible de faire l'économie de ces textes, dans la mesure où le gage sans

dépossession permet déjà de réaliser une telle sûreté sur des biens meubles corporels.

Néanmoins le régime du gage de stocks doit être brièvement exposé : réservé aux

établissements de crédit, le gage sur stocks peut être consenti par toute personne morale ou

toute personne physique dans l'exercice de son activité professionnelle. Il doit être passé

108 L’entrée en vigueur des dispositions sur le gage des stocks entrent en vigueur dès la publication d’un décret d’application (Art. 527-11 nouveau du Code de commerce)

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par écrit et doit contenir un certain nombre de mentions à peine de nullité.109 Il doit être

inscrit sur un registre public tenu au greffe du tribunal du ressort du débiteur. Il est renvoyé

aux dispositions du Code civil pour les modes d'exécution : vente forcée ou attribution

judiciaire.

Mais, paradoxalement, le projet prohibe, pour le gage commercial sur stocks, le pacte

commissoire, autorisé pour le gage civil de droit commun.

Certaines critiques peuvent être apportées à l’introduction du dispositif nouveau relatif au

gage sur stocks. Il eut été possible de faire l’économie de ces dispositions dans la mesure

où le gage sans dépossession permet déjà, au vu de l’extension de l’assiette du gage, de

constituer une telle sûreté sur un ensemble de biens fongibles. En outre, étant de nature

commerciale, un régime dérogatoire du gage sur stocks plus formaliste encore que le gage

ne se justifie guère. Il est peu probable que le gage sur stocks rencontre le succès escompté

dans la pratique commerciale, notamment au vu des mentions obligatoires devant figurer

dans l’acte constitutif du gage de stocks ou encore des délais brefs (15 jours à compter de

l’acte) imposés pour l’inscription qui sont imposées à peine de nullité.

De plus, sans justification aucune, le pacte commissoire n’est pas autorisé en la matière

alors qu’il le devient dans le gage sans dépossession.

Vu son caractère pénalisant, un établissement de crédit peut-il soumettre le gage des stocks

au droit commun? La doctrine semble partagée. D’une part, certains soutiennent que le

régime du gage sur stocks étant un régime spécial, la pratique sera contrainte de l’utiliser

chaque fois que le gage portera sur un stock ou un élément du stock d’une entreprise. Dans

109 Art. L.527-1 : « Tout crédit consenti par un établissement de crédit à une personne morale de droit privé ou à une

personne physique dans l’exercice de son activité professionnelle peut être garanti par un gage sans dépossession des stocks détenus par cette personne. Le gage des stocks est constitué par acte sous seing privé. A peine de nullité, l’acte constitutif du gage doit comporter les mentions suivantes : 1° La dénomination : “acte de gage des stocks ; 2° La désignation des parties ; 3° La mention que l’acte est soumis aux dispositions des articles L. 527-1 à L. 527-11 ; 4° Le nom de l’assureur qui garantit contre l’incendie et la destruction ; 5° La désignation de la créance garantie ; 6° Une description permettant d’identifier les biens présents ou futurs engagés, en nature, qualité, quantité et valeur ainsi que l’indication du lieu de leur conservation ; 7° La durée de l’engagement. Les dispositions de l’article 2335 du code civil sont applicables. Un gardien peut être désigné dans l’acte de gage. »

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le cas contraire, il serait possible de contourner les dispositions protectrices édictées en

faveur du constituant.

En revanche, il semble qu’une thèse inverse doit être retenue, et que, dans la mesure où

rien dans le Code civil n’oblige expressément à utiliser le gage sur stocks, les signataires

doivent pouvoir choisir le régime qui leur convient, notamment le gage sans dépossession.

Il semble que la réponse soit négative. En outre, si le gage de stocks est choisi, il

n’empêche nullement l’application des dispositions du régime général compatibles, ce qui

exclut notamment le pacte commissoire.

2). Le gage de véhicule automobile.

Le gage de véhicule automobile est soumis à l’article 2351 nouveau du Code civil. Les

dispositions relatives au gage automobile, sont intégrées au Code civil, l'opposabilité aux

tiers restant subordonnée à une déclaration à la préfecture. Le régime du gage de véhicule

automobile est corrélativement modifié, les voies d'exécution étant celles du Code civil ci-

dessus esquissées, et non plus celles prévues au Code de commerce.

Lorsqu’il porte sur un véhicule terrestre à moteur ou une remorque immatriculés, le gage

est opposable aux tiers par la déclaration qui en est faite à l’autorité administrative dans les

conditions fixées par décret en Conseil d’Etat. Ainsi, à la date du décret, sera abrogé le

décret n° 53-968 du 30 septembre 1953 relatif à la vente à crédit des véhicules

automobiles.

3). La subsistance de certaines garanties archaïques.

Le nantissement de fond de commerce110, le nantissement de nantissement et

d’outillage…111, sont des sûretés anciennes, régies par des lois spéciales et pour lesquelles

le législateur a estimé utile de prévoir un régime dérogatoire au droit commun. Il s’agit en

110 Loi du 17/03/1909 relative à la vente et au nantissement de fond de commerce, texte partiellement codifié par l’ordonnance 2000-912 du 18 septembre 2000 relative à la partie législative du code de commerce ; Journal officiel “Lois et Décrets” du 19/03/1909 page 2809111 Décret n°51-194 du 17 février 1951 ; Publication au JORF du 22 février 1951 ; décret pris, en ce qui concerne les formalités d'inscription des privilèges, pour l'application de la loi du 18 janvier 1951 relative au nantissement de l'outillage et du matériel d'équipement

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réalité la plaupart du temps de gages spéciaux avec dépossession réelle ou fictive, sans

dépossession. Ces sûretés n’ont point été appréhendées par la réforme, puisqu’une telle

modification impliquerait de modifier les lois existantes. Le groupe de travail n’a pas été

en mesure de pouvoir les modifier.

En tous les cas, les appellations mêmes de ces sûretés sont désuètes au regard de la

nouvelle distinction opérée entre le gage, terme employé pour s’appliquer aux meubles

corporels et nantissement, réservé aux meubles incorporels.

Il est dommageable de constater que ces sûretés aient été préservées, alors qu’elles

démontraient leurs limites à l’usage de la pratique commerciale. Il en va ainsi

particulièrement du nantissement de matériel et d’outillage de par son formalisme gênant.

§2. Le nouveau gage sans dépossession face aux sûretés issues de la Common law :

une efficacité à démontrer.

Force est de constater que, sous l’ancien régime, pour mener à bien un projet

international avec la France, régi par le droit français des contrats, il était nécessaire de

rédiger plusieurs contrats consacrés uniquement à la partie sûretés ! Les sûretés françaises

obéissaient à des règles d’assiette précises, avaient toutes leurs contraintes, sans oublier

leur dispersion dans divers codes français. Les rédacteurs de ces projets préféraient par

conséquent, le plus souvent, faire obéir l’ensemble des contrats au régime de la Common

Law, dont les garanties, notamment la floating charge, offre une souplesse incomparable.

A titre d’exemple, un seul contrat suffit pour appréhender toutes les sûretés du projet

quelque soit la diversité des biens donnés en garantie !

Le droit américain prévoit dans l' Uniform Commercial Code (UCC) toute une gamme de

sûretés réelles sous l'appellation de security interest112. Celui-ci porte sur tout bien meuble

corporel ou incorporel, un ensemble de biens, comme un stock de marchandises, ou de

droits. Les conditions d’opposabilité sont limitées à un enregistrement sur un registre

centralisé, valable cinq ans. De plus, pour certains biens, le créancier gagiste doit avoir la

possession ou le contrôle du bien donné en garantie. En cas d'ouverture d'une procédure de

réorganisation prévue par le chapter 11, il existe une suspension des poursuites, qui

112 V. UCC § 9

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concerne l'ensemble des créanciers bénéficiant d'un security interest, y compris des gages

portant sur des sommes d'argent, comme le gage-espèces (cash collatéral). La

compensation n'est donc pas permise pour permettre à un créancier de réaliser sa sûreté. En

cas de liquidation, le créancier gagiste a une priorité par rapport aux créanciers sur le

produit de la vente du bien gagé,

Néanmoins c’est surtout la floating charge britannique, qui permet une utilisation des

plus souples, portant sur un ensemble d’actifs mobiliers, ou de créances. En matière de

droit du gage, le droit anglais distingue entre le pledge qui implique une dépossession,

mais qui est peu usité dans les transactions courantes et la charge113. Cette dernière est

comparable au nouveau gage sans dépossession du droit français. En règle générale, la.

charge fait l'objet d'une publicité dans un registre central appelé the Companies house114. II

est possible que la charge porte sur toutes sortes de biens individualisés, corporels ou

incorporels (fixed charge), ou encore sur un ensemble de biens, présents comme futurs,

comme la fameuse floating charge. L’on dit qu’elle vole au dessus des actifs qu’elle

appréhende de manière globale. L’intérêt de la distinction entre la fixed charge et la

floating charge concerne surtout la priorité des créanciers en cas d’ouverture d’une

procédure collective du débiteur.

En effet, en droit anglais, l'ouverture d'une procédure d'insolvabilité sous la forme d'une

«administration » (qui est comparable au redressement judiciaire de droit français) entraîne

la suspension des poursuites. Elle concerne tous les créanciers, y compris ceux bénéficiant

d'une charge. L'administrateur, qui est en pratique souvent choisi par le principal créancier,

doit dans la mesure du possible poursuivre l'activité de l'entreprise et peut disposer des

actifs compris dans une floating charge sans le consentement du créancier gagiste ou du

juge. En revanche pour céder les actifs contenus dans une charge il doit être autorisé par le

juge.

Le succès du nouveau gage sans dépossession dépend donc d’une part de la possibilité de

constituer plusieurs gages sur le même bien, le rang des créanciers étant réglé par l'ordre

des inscriptions sur le registre spécial, et d’autre part de la place du créancier gagiste 113 Appropriation of an asset in discharge of a liability114 L'inscription n'est pas une condition de validité. Toutefois, une charge, qui n'a pas fait l'objet d'une publication dans un délai de vingt et un jours après la signature de l'acte, n'est pas opposable aux tiers et tout particulièrement à l'administrateur ou au liquidateur nommé dans le cadre d'une procédure d'insolvabilité. Une réforme est en cours. Selon le projet de loi en discussion, il est envisagé, à l'instar du droit américain, que l'inscription soit une condition de validité

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devant une procédure d’insolvabilité. Néanmoins, comme il a été souligné ci-dessus, le

pacte commissoire, gelé par l’ouverture d’une des procédures prévues au Livre 6 du Code

de commerce, empêche manifestement le créancier d’obtenir la propriété du bien gagé au

moment où il en a le plus besoin.

Néanmoins, d’autres projets de réformes en cours, tant à l’échelon européen qu’interne

viennent s’inscrire en défi pour le nouveau régime des sûretés. Le règlement européen CE

n° 1346-2000 du 29 Mai 2000115sur les procédures d’insolvabilité ou encore l’instauration

de la fiducie en France seront des indicateurs de la pérennité de nos sûretés et par voie de

conséquence de leur attractivité au niveau international.

Section 2. Les sûretés françaises en quête d’attractivité face aux nouveaux

enjeux internationaux.

La problématique nouvelle des sûretés françaises est d’offrir une souplesse et une facilité

d’utilisation, afin de permettre au nouveau droit des garanties françaises de rayonner à

l’étranger, aussi bien vis-à-vis des universitaires que des praticiens. C’est essentiellement

face au nouvel enjeu issu du règlement européen sur les procédures d’insolvabilité que les

sûretés françaises devront prouver leur efficacité. (§1) Néanmoins, l’instauration de la

fiducie, à l’étude en France depuis quelques années permettra certainement de séduire des

rédacteurs de projets internationaux et de répondre au besoin d’attractivité des sûretés

françaises.(§2)

§1. Le règlement communautaire sur les procédures d’insolvabilité, un enjeu

nouveau, en particulier pour les banques.

Les praticiens du droit et rédacteurs de projets internationaux ont une connaissance

élargie des divers régimes des sûretés internationaux et n’hésitent pas à localiser leurs

actifs et leurs activités en fonction de l'efficacité des règles matérielles nationales qui sont

les mieux adaptées à leurs besoins116. Le constat est tout particulièrement vérifié en matière

du droit des sûretés mobilières qui est dominé en droit international privé par la règle de

rattachement de la lex rei sitae. Les biens meubles corporels, les créances et autres meubles 115 JOCE L 160, 30 juin 2000, p. 1; D. 2000, Lég. p. 374, mod. par le règlement (CE) n° 603/2005 du 12 avr. 2005, JOCE L 100, 20 avr. 2005, p. 1116 V. R. Dammann, Mobilité des sociétés et localisation des actifs, Cah. dr. entr., mars-avr. 2006, p. 4

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incorporels peuvent en effet faire l'objet d'une localisation volontaire dont dépendra la loi

applicable au contrat en cours. C’est surtout dans les procédures collectives frappant le

débiteur que les créanciers souhaitent voir les biens donnés en gage préservés et en

sécurité.

Les enjeux sont primordiaux en particulier pour les banques, en tant que bénéficiaires ou

garantes, d’autant plus à l’aune de l’entrée en vigueur du nouveau ratio de solvabilité de

Bâle II qui donne une prime aux sûretés particulièrement efficaces. Or, la rentabilité des

établissements de crédits est fixée sur la base d'un pourcentage de retour sur fonds propres.

Il est constaté dès lors que l'efficacité des sûretés pourrait avoir une incidence sur le

comportement des banques et sur le choix de la localisation des financements

internationaux et de la loi applicable aux sûretés.

Le règlement européen en date du 29 mais 2000 sur les procédures d'insolvabilité

facilite la constitution de sûretés en ce qu’il prévoit des règles de localisation et de

reconnaissance automatique des sûretés constituées en Europe117. Pour la localisation de

créances, l'article 2g) se réfère à l'État membre sur le territoire duquel se trouve le centre

des intérêts principaux du tiers débiteur, tel qu'il est déterminé à l'article 3 (1). Très

rapidement, des difficultés d'interprétation de cette notion sont apparues118.

Il existe cependant une règle générale pour localiser les biens et les droits que le

propriétaire ou le titulaire doit faire inscrire dans un registre public en faveur de l'État

membre sous l'autorité duquel ce registre est tenu. Etant donné que, en règle générale, la

loi applicable à la constitution et à la réalisation des sûretés est la loi de l'État de la

situation du bien (lex rei sitae), les règles relatives à la localisation des biens déterminent la

loi applicable. Par conséquent, les États membres qui organisent un registre centralisé pour

publier l'ensemble des sûretés mobilières, comme c'est le cas en Angleterre, disposent d'un

avantage concurrentiel important sur les autres États ayant un système plus rudimentaire.

En cela le nouveau gage sans dépossession français, qui prévoit également la formation

d’un registre centralisé pour la publicité des gages et leur opposabilité aux tiers par voie de

décret, constitue enfin une avancée majeure de la réforme des sûretés. Néanmoins, face aux

procédures collectives, le législateur a failli dans sa mission de rendre le droit de rétention

117 V. R. Dammann, Banque et Droit mai-juin 2005, p. 36.118 V. CA Versailles, 13e ch., 15 déc. 2005, D. 2006, Jur. p. 379, note R. Dammann; T. com. Nanterre 15 févr. 2006, D. 2006, Jur. p. 793, note J.-L. Vallens

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opposable à la procédure collective du débiteur ou encore de donner les moyens efficaces

pour le créancier de faire jouer certaines de ses prérogatives comme le pacte commissoire.

Ainsi, les objectifs du groupe de travail présidé par le professeur Michel Grimaldi de

rendre les nouvelles sûretés plus attractives et efficaces, ont été globalement une réussite.

Cependant, faute d’une réflexion globale, d’une cohérence avec la réforme antérieure des

procédures collectives et donc de l’efficacité des sûretés dans les procédures

d’insolvabilité, la réforme apparaît comme incohérente et inapte à satisfaire les créanciers,

notamment étrangers.

§2. Le défi de l’harmonisation des sûretés réelles avec le projet d’instauration de la

fiducie en France.

La généralisation de la fiducie-sûreté en droit français est un vieux débat qui a pris la

forme d’un avant-projet de texte présenté le 8 février 2005 en Conseil des ministres.

L'Allemagne a adopté la fiducie de longue date en ce qu’elle s’inscrit dans son système

juridique et se conforme à ses principes juridiques. De la même manière, le trust en droit

anglo-saxon a déjà présenté ses avantages, tant il est largement utilisé, même en France,

pour des contrats régis par le droit issu de la Common Law. Elle permet à une personne, le

constituant (settlor), de transférer la propriété de droits lui appartenant à un « trustee »,

afin de les administrer, non dans l'intérêt propre de ce trustee mais pour réaliser un objet

déterminé.

Le droit français n’a jamais institué une sûreté équivalente au « trust » des pays de droit

anglo-américain, tandis que le principe a déjà été consacré dans de nombreux pays,

notamment en Amérique latine, en Chine ou au Luxembourg qui l’a adopté le 3 septembre

2003 ou le Québec, lors de la modification de son Code civil le 1er janvier 1994. Pourtant,

les évolutions du droit français le permettraient.119

Selon M. Philippe Marini, « La France ne peut pas rester insensible à la globalisation

de cet instrument juridique ».120 Instaurer une seule fiducie dont le régime serait clarifié

entraînerait une sécurité juridique et moderniserait le droit des garanties en France, rendant

119 Toledo-Wolfsohn A.-M., Le trust et le droit civil français, RLDC 2004/8, n° 338 et RLDC 2004/9, n° 375120 discours à la séance du 8 février 2005, assemblée nationale

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notre droit plus attractif et concurrentiel vis-à-vis des pays étrangers. Dans le cadre d’une

globalisation juridique, la fiducie apparaît comme un instrument dont la France devrait se

doter, notamment dans la lancée des réformes engagées lors du bicentenaire du Code civil.

La fiducie, ou le trust représente un avantage pour les banques, qui profitent ou qui

prennent le rôle du garant dans l’exécution de la garantie. C’est en particulier le « trust

volontaire » qui intéresse la titrisation et la syndication bancaire, dans lequel une personne,

le constituant du trust (settlor ou grantor), crée un trust selon deux procédés : il peut se

déclarer lui-même trustee de certains de ses biens dans l’intérêt d’une ou plusieurs

personnes, appelées bénéficiaires (beneficiaries) ou opter pour le transfert de ses biens à

une ou plusieurs personnes, appelées trustee(s) qui les détiennent en trust au profit des

bénéficiaires. Le trustee bénéficie alors de la propriété des biens en trust, qu’il peut

administrer et en disposer. L’equity lui ajoute des obligations : si le trust a aliéné à titre

onéreux en violation de ses obligations (breach of trust) les biens constitués en trust, la

contrepartie qu’il reçoit se substitue aux biens aliénés et le trustee sera désormais considéré

trustee des sommes provenant de leur vente et des biens acquis en remploi. De son côté, le

bénéficiaire du trust a un droit de propriété particulier , un droit de suite sur les biens se

trouvant dans le patrimoine d’un tiers qui les a acquis à titre gratuit ou de mauvaise foi.

Ainsi, la syndication bancaire constitue le meilleur exemple de l’utilisation du trust : Les

banques, pour réaliser un grand projet de financement s’organisent en un pool bancaire, qui

consiste en « la réunion de deux ou plusieurs banques, ayant pour objet la répartition de

la charge d?un crédit octroyé à un emprunteur »121. Certaines des banques étant anglo

saxonnes, et même en l’absence de ce paramètre, les contrats sont souvent rédigés en

anglais et sont régis par le droit de la common law. Une banque peut être simple

participant au financement en tant que prêteur, arrangeur ou agent. Seule, la qualité d’agent

intéresse les sûretés puisque c’est lui qui met en place les sûretés. L’agent récolte les fonds

auprès des différents prêteurs et les redistribue à l’emprunteur.

En droit français la qualification qui correspondrait au trustee serait le mandataire.

Néanmoins cette qualification présente des limites quant à son aspect gestion des sûretés.

En effet, un trustee agit en son nom et engage sa propre responsabilité dans ses actes

passés avec les tiers, contrairement à un mandataire qui agit dans les limites de ses

fonctions. Aussi, le trustee a la propriété des biens donnés en trust. Enfin, un mandat peut

121 Zein Y., Les pools bancaires : aspects juridiques, préf. Larroumet Ch., Economica, 1998

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être révoqué contrairement au trust, ce qui nuirait à la sécurité du syndicat.

Néanmoins, la généralisation de la fiducie, dont le principe a été envisagé par le rapport

Grimaldi, bouleverserait notre droit des procédures collectives122. Ce dernier pourrait

néanmoins être adapté, comme en Allemagne: les actifs cédés en pleine propriété, dont le

débiteur conserve l'usage, seraient réputés rester dans le patrimoine de ce dernier.

En procédures collectives, à prévoir que les dispositions régissant la fiducie ne « font pas

obstacle à l’application » des dispositions en cas d’ouverture d’une procédure collective du

ou des débiteurs, ne réglerait pas toutes les questions de l’harmonisation de la fiducie dont

les aspects avantageux sont évidents avec les autres sûretés et le classement du rang des

créanciers, ceux du pool bancaire agissant « ensemble » par l’intermédiaire de leur trustee.

Ainsi, l’harmonisation des sûretés françaises afin de les rendre attractives avec les autres

législations n’est pas encore à proprement parler engagée. Le rayonnement du Code civil

se trouve largement concurrencé par la Common Law, en matière de sûretés efficaces et

largement utilisées, comme le Trust, mais également au regard de la responsabilité du

banquier dispensateur de crédit en cas d’ouverture d’une procédure collective du débiteur.

De la même manière, le manque d’harmonisation de nos propres législations internes, à

savoir la réforme des procédures collectives et celle des sûretés, nuit d’avantage à

l’attractivité de nos garanties. Les participations des banques françaises aux grands projets

internaitonaux, voire internes, régis par des dispositions de droit issu de la common law ont

encore de beaux jours devant elles. Ce n’est qu’en assouplissant encore d’avantage le droit

des sûretés française et en introduisant des dispositions relatives à la fiducie que la loi

française pourrait de nouveau gagner en influence.

BIBLIOGRAPHIE COMPLETE:

Ouvrages:

- Dominique Legeais « Sûretés et garanties du crédit » Ed. L.G.D.J. 5eme édition

Textes de lois, Chroniques et commentaires :

122 En ce sens R. Dammann, Lamy Droit des affaires, juin 2005. (58) Art. 2335 et s

99

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- Loi d’habilitation n°2005-842 du 25 juillet 2005, art. 24 ; JORF du 27 juillet 2005

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Revue bimestrielle LexisNexis Jurisclasseur – Revue de droit bancaire et financier Mai-

Juin 2005 p. 67

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19 p. 1291

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- « La consécration légale des droits de rétention » A.Aynès Dalloz 2006 n° 19 p. 1301

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2006 n° 19 p. 1303

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- « La garantie de la dette d’autrui et le droit du régime matrimonial » J.Revel Dalloz

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- « Le droit des sûretés français des sûretés réelles en quête d’un second souffle » M.

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M. Routier Dalloz 2005 n° 22, p. 1478

- « Le cantonnement de la responsabilité pour soutien abusif » R. Routier GP 9-10

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- « Premiers regards sur la loi de sauvegarde des entreprises » Dalloz droit des affaires

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- « L’asymétrie d’information, cause de responsabilité du banquier dispensateur de crédit

« Dalloz 2005, n° 37 p. 2588

- « La situation des banques, titulaires de sûretés, après la loi de sauvegarde des

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- « La réforme des procédures collectives : commentaire de la loi de sauvegarde des

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- « Le sort des créanciers après la loi de sauvegarde des entreprises : entre renforcement

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- C.F.P.N.P. Préparation à l’examen d’entrée par la voie professionnelle au C.F.P.N.P.

CONTRATS SPÉCIAUX ET SÛRETÉS Conférence d’actualisation du 22 avril 2006

- « Le nouveau droit de l’Hypothèque » Dossier Les éditions du Cridon »7 Juin 2006

- Articles parus sur internet :

- « France’s Half-finished Revolution » IFLR MAY 2006 ; www.ifrl.com

- Bulletin d’informations de la Mission pour la Réforme des Systèmes et Moyens de

Paiement novembre 2001

- FBF lettre aux adhérents n° 35, avril 2006 www.extranet.fbf.fr

- AB Lettre de la profession bancaire n° 505, février 2006 FBF

104

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REMERCIEMENTS :

Je tiens à remercier Madame Sylvie de Coussergues et Monsieur Gautier Bourdeaux,

directeurs du Master 2 professionnel « Banque et Finance » au cours de l’année

universitaire 2005-2006 sans qui le mémoire n’aurait pas vu le jour. Je souhaite les

remercier tout particulièrement pour leurs qualités pédagogiques et leur investissement

personnel, gages de leur volonté d’assurer la réussite des étudiants du Master dans leurs

carrières professionnelles.

Je tiens aussi à remercier toute l’équipe de professeurs du Master et de professionnels de

la banque et de la finance intervenants, pour leur enseignement exceptionnel et pour nous

avoir fait partager leurs expériences et passion du métier de la banque et de la finance.

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