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La profession infirmière en crise ? Une recherche sur le concept de soi professionnel des infirmiers Projectleiders KUL: Leader du projet UCL Prof. Bernadette Dierckx de Casterlé Prof. Elisabeth Darras Prof. Koen Milisen Projectmedewerkers KUL: Collaborateurs du projet UCL Lic. Tom Braes Lic. Kris Denhaerynck Lic. Katrien Dierickx Lic. Kaat Siebens Lic. Yannick Dubois Sophie Leonard Centrum voor Ziekenhuis- en Verplegingswetenschap Katholieke Universiteit Leuven Unité des Sciences Hospitalières et Médico-sociales Université catholique de Louvain Projet sur demande du Ministère fédéral des affaires sociales, de la santé publique et de l’environnement (2001 – 2003).

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La profession infirmière en crise ?

Une recherche sur le concept de soi professionnel

des infirmiers

Projectleiders KUL: Leader du projet UCL

Prof. Bernadette Dierckx de Casterlé Prof. Elisabeth Darras

Prof. Koen Milisen

Projectmedewerkers KUL: Collaborateurs du projet UCL

Lic. Tom Braes

Lic. Kris Denhaerynck

Lic. Katrien Dierickx

Lic. Kaat Siebens

Lic. Yannick Dubois

Sophie Leonard

Centrum voor Ziekenhuis- en

Verplegingswetenschap

Katholieke Universiteit Leuven

Unité des Sciences Hospitalières et

Médico-sociales

Université catholique de Louvain

Projet sur demande du Ministère fédéral des affaires sociales,

de la santé publique et de l’environnement

(2001 – 2003).

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Remerciements

Et si l'on commençait par certaines conclusions…

Pour les compétences dont ils font preuve chaque jour et qu'ils nous ont dévoilées sans retenue.

Pour l'engagement qui les lie à leur profession et qu'ils ont eu vis à vis de nous.

Pour la collaboration parfois difficile en hôpital, qui a été d'une richesse extrême dans ce cas.

Pour s'être dévoilés et risqués davantage qu'ils ne le savent le faire dans leur pratique.

Pour le temps qu'ils n'ont pas et qu'ils nous ont consacré sans compter.

Pour le soutien qu'ils demandent et celui qu'ils voudraient donner davantage.

Comme eux nous sommes fiers de cette profession et d'avoir pu travailler avec eux.

Merci donc aux infirmiers et infirmières qui ont répondu massivement présents à notre appel.

Merci aux nombreux hôpitaux qui ont fait preuved'un grand intérêt pour ce projet en s'inscrivantpour y participer.

Merci aux hôpitaux et infirmiers ayant participésaux groupes focus de la première phase du projet.

Merci plus particulièrement aux hôpitaux del'échantillon qui ont permis la diffusion desquestionnaires.

Merci aux infirmiers relais qui ont fait du taux deréponses ce qu'il est.

Merci aux différentes commissionsd'accompagnement qui nous ont éclairé de leursexpériences et compétences tout au long du chemin.

Merci enfin au statisticien maison pour l'ensembledu travail effectué.

Merci à tous les autres que j'ai pu oublier…

En résumé… tout simplement… MERCI

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Résumé

Le problème que pose la pénurie d’infirmiers fait aujourd’hui l’objet de nombreux débats et études. Il y a deplus en plus de signes indicateurs concernant à la fois la pénurie d’infirmiers mais également les effets quecela entraîne pour eux et pour la qualité des soins. Par contre, d’autres éléments sont beaucoup moinsévidents : qu’entend-on essentiellement par pénurie, où se situe-t-elle précisément, quelle est son étendue etquels sont les facteurs déterminants à cet égard. Étant donné que l’on souhaite parvenir à une harmonisationefficace de la demande et de l’offre, il semble également indiqué de comprendre comment les infirmierstravaillant à des postes et dans des domaines différents, conçoivent leur place, leur rôle et leur contributionspécifiques dans les soins de santé actuels et à venir.

Aussi, le Centrum voor Ziekenhuis- en Verplegingswetenschap de la KULeuven et l’Unité des scienceshospitalières de l’UCLouvain ont mis sur pied une étude de grande envergure sur l’image qu’ont, de leurprofession, les infirmiers travaillant dans les hôpitaux belges. L’étude Belimage laisse la parole auxinfirmiers et permet de comprendre le problème de la pénurie de leur propre point de vue. Au total, 9.941infirmiers de 22 hôpitaux belges ont participé à cette étude.

Les résultats de l’étude révèlent assurément que le personnel infirmier a une image positive de sa profession.Pour les infirmiers, leur apport consiste essentiellement à poser des actes médico-techniques et plusparticulièrement à guérir le patient et à détecter les problèmes et les complications. Là où les infirmiers sesentent forts, c’est en ce qui concerne les actes diagnostiques et thérapeutiques (préparation médicale, soinsde plaies, prises de sang…) mais également au niveau des soins (soins d'hygiène, alimentation, mobilité…).Prendre ses responsabilités dans les soins d’un patient et être attentif au patient (l’accompagner) viennentrespectivement en troisième et quatrième position. La grande majorité considère la profession infirmièrecomme une profession à grandes responsabilités. Ce regard sur la profession va de pair avec une grandefierté. Parallèlement, le personnel infirmier a conscience qu’il ne peut remplir seul cette mission de soins.Une bonne collaboration avec les médecins et une équipe qui fonctionne bien sont essentielles. Ainsi, 84 %des personnes interrogées trouvent que le bon fonctionnement d’une équipe dépend de la manière dont elleest dirigée et 89% pensent que l’équipe a besoin d’un meneur clairvoyant.

D’un autre côté, les sentiments de frustration, de mécontentement et de fatigue sont énormes. Bien que denombreux infirmiers se considèrent comme des professionnels compétents dans le domaine des soins de santéet que plus de 87% se sentent fiers d’être infirmiers, près de 55% ne conseilleraient pas cette profession àd’autres. 54% disent qu'ils n’iront pas jusqu’à la fin de leur carrière et, si c’était à refaire, 39% ne choisiraientplus la même formation.Les tensions que l’on retrouve à l’intérieur du cadre des soins au sein duquel les professionnels doiventeffectuer leur tâche, jouent ici un rôle important.

Une première tension concerne le management. Presque tous les infirmiers (97%) considèrent qu’il estimportant, pour la direction de l’hôpital, d’avoir un contact avec le terrain. 64% trouvent néanmoins quel’information ne passe pas bien entre la direction et les infirmiers et près d’une personne sur deux (49%) estd’avis que la politique de l’hôpital ne les aide pas suffisamment dans l’accomplissement de leur mission.

Deuxièmement, pour près de 60% des infirmiers, des services d’appui qui permettraient de consacrer dutemps aux patients font cruellement défaut. Plus de 41% ne peuvent, par conséquent, dispenser les soinsqu’ils souhaiteraient dispenser et près de 69% considèrent que le contexte des soins est stressant.

Le problème de l’autonomie des infirmiers est, lui aussi, source de tensions. Près de 60% trouvent qu’il estessentiel, voire prioritaire, de pouvoir prendre, de manière autonome, des décisions dans le domaine dessoins. Plus de 37% ne jouissent toutefois pas de cette liberté.

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Le rapport avec d’autres disciplines est une quatrième source de problèmes. Plus de 91% des infirmiers seperçoivent comme un partenaire égal et plus de 70% estiment qu’une bonne relation de travail avec lemédecin est une priorité. Cependant, un infirmier sur cinq (20%) ne se sent pas ou peu reconnu par leskinésithérapeutes, les logopèdes, les psychologues, etc. Un infirmier sur quatre (25%), même, considère queles médecins reconnaissent peu, voire pas du tout, les interventions des infirmiers. Enfin, la majorité desinfirmiers (79,9%) trouvent que la société n'a pas une image correcte de ce qu’ils font. Plus d’un infirmier sur2 trouvent que c’est dérangeant (28%) ou frustrant (26%).

Les résultats susmentionnés suggèrent que le contexte économique, le management de l’hôpital (et plusparticulièrement, la politique en matière de soins infirmiers et la collaboration multidisciplinaire) et l’imagequ’a, aujourd’hui, la société de l’infirmier, freinent le personnel infirmier au lieu de le soutenir dans sa tâche.De nombreux infirmiers ont le sentiment de ne plus pouvoir dispenser les soins qu’ils souhaiteraient. Il estinquiétant de constater que selon environ 60% des infirmiers, il est rare, voire impossible et ce,principalement par manque de temps, de s’attarder et de développer une relation personnelle avec le patient.Plus de 40% parviennent rarement, sinon jamais, à adapter les soins aux souhaits du patient et près d’un(e)infirmier sur 3, à prêter une oreille attentive et à discuter de problèmes éthiques. Dans un tel contexte, ilsemble difficile de parvenir à dépasser les aspects médico-techniques pour fournir des soins où le patient, entant que personne, est totalement pris en compte. Cela, précisément, explique pourquoi, aujourd’hui,beaucoup d’infirmiers ne se sentent pas tellement heureux dans leur travail.

Les conclusions de l’étude Belimage s’énoncent comme suit : ce n’est pas tant le contenu des soins infirmiersqui est à l’origine de tensions, d’insatisfaction et d’épuisement mais les conditions dans lesquelles doits’effectuer le travail. Pour traiter efficacement cette crise dans le domaine des soins infirmiers, il estnécessaire, selon ce groupe de +/- 10.000 infirmiers, d’investir dans un environnement de soins qui soutientdavantage les infirmiers dans leur travail. Les infirmiers aiment leur profession. Ils sont prêts et tout à faitcapables de prendre leurs responsabilités quant aux soins. Tous ces éléments positifs constituent, pourl’infirmier, une force indéniable et un pouvoir d’attraction potentiel non négligeable. Par conséquent, celarevêt une importance considérable pour l’avenir de la profession. La force nécessaire aux infirmiers pourprendre leurs responsabilités dans les soins du patient et influencer les décisions politiques est, de manièrecomplexe, liée à l’image qu’ils ont de leur propre travail.Les résultats de la présente étude invitent les décideurs, les managers, les chercheurs et les personnes encharge de la formation des infirmiers, notamment, à chercher, avec eux, des moyens en vue de les soutenirdavantage dans leur travail et ainsi, d’utiliser de manière optimale, la grande force présente au sein dupersonnel infirmier.

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Membres du groupe d’experts :

Chris Aubry

Johan Buellens

Patricia Claessens

Luc Dekeyser

Joke Simons

Bernadette Stinglhamber

Gert Peeters

Ann Vandenberghe

Martine Vanschoor

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TABLE DES MATIERES

Remerciements 2Résumé 3Table des matières 6

CHAPITRE 1 : INTRODUCTION ET PROBLEMATIQUE 11

1. Etat de la question...................................................................................................................................................... 11

CHAPITRE 2 : ETUDE DE LA LITTERATURE 13

1. Introduction....................................................................................................................................................................... 13

2. Stratégie de recherche .................................................................................................................................................. 132.1. Préambule 132.2. Critères d’inclusion 14

3. Littérature disponible ................................................................................................................................................... 143.1. Littérature néerlandophone 143.2. Littérature francophone 143.3. Littérature anglophone 14

4. Contenu............................................................................................................................................................................... 144.1. Concepts et définitions 14

4.1.1. Littérature infirmière 144.1.2. Littérature psychologique 174.1.3. Proposition pour le projet 17

4.2. Cadre de pensée théorique 174.2.1. Littérature infirmière 174.2.2. Littérature psychologique 184.2.3. Proposition pour le projet 19

4.3. Instrument de mesure 19

5. Conclusion......................................................................................................................................................................... 23

CHAPITRE 3 : METHODOLOGIE 24

1. Elaboration de l'instrument de mesure : phase 1......................................................................................... 241.1. Groupes focus 241.2. Constitution des groupes focus 241.3. Méthodologie des groupes focus de la KUL 25

1.3.1. Sélection de la population et constitution de l'échantillonnage 251.3.2. Sélection de la méthode de collecte des données 251.3.3. Collecte des données 271.3.4. Analyse des données 27

1.4. Méthodologie des groupes focus de l’UCL 281.4.1. Sélection de la population et construction de l’échantillonnage 281.4.2. Choix de la méthode de collecte de données 281.4.3. Collecte de données et réalisation d’entretiens tests 291.4.4. Analyse des données 29

1.5. Résultats généraux 30

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1.6. Dimensions retenues et élaboration du questionnaire 311.7. Conclusion 34

2. Elaboration de l'instrument de mesure : phase 2 352.1. Structure du questionnaire 352.2. Sélection des questions 35

3. Déroulement de l’enquête.......................................................................................................................................... 363.1. Sélection des hôpitaux 363.2. Critères de constitution de l'échantillon 36

3.2.1. Statut de l'hôpital 363.2.2. Région 373.2.3. Taille de l'hôpital 383.2.4. Nature de l'hôpital 38

3.3. Résumé concernant l'échantillon final 393.4. Collecte des données 393.5. Sélection des répondants 403.6. Taux de réponse 403.7. Analyses statistiques 42

CHAPITRE 4 : RESULTATS 47

1. Description de l’échantillon.................................................................................................................................. 471.1. Age, sexe et statut civil 471.2. Formation de base et formation complémentaire 471.3. Fonction exercée 481.4. Modalités du travail 481.5. Conclusion 48

2. Analyse descriptive des résultats ........................................................................................................................... 492.1. Image de soi des infirmiers en relation avec la compétence 49

2.1.1. Importance des savoirs constitutifs de la compétence 492.1.2. Aptitudes et attitudes spécifiques 492.1.3. Contribution au développement des compétences 502.1.4. Investissements utiles pour optimaliser le niveau actuel de compétence 522.1.5. Résultats quant à la formation permanente 52

2.2. Image de soi professionnelle des infirmie rs par rapport aux soins infirmiers 522.2.1. Aspects prioritaires dans les missions infirmiers 522.2.2. Conditions importantes pour réaliser la mission infirmière 532.2.3. Aspects complémentaires dans les missions infirmières 532.2.4. Influence de l'environnement des soins sur la mission infirmière 542.2.5. Influence des contraintes de temps sur la mission infirmière 542.2.6. Qualité des soins 55

2.3. Image de soi des infirmiers concernant ses relations à l'équipe 552.3.1. Importance de l'équipe infirmière 552.3.2. Place de l'infirmier dans l'équipe 55

2.4. Influence du contexte sur l'image de soi professionnelle des infirmiers 572.4.1. Leadership 572.4.2. Autonomie 572.4.3. Facteurs de contexte 582.4.4. Image de la société perçue par les infirmiers 582.4.5. Image des infirmiers quant à leur profession 582.4.6. Mesures structurelles et financières dans le cadre de la pénurie infirmière 592.4.7. Fierté de la profession 592.4.8. Satisfaction avec le travail actuel 602.4.9. Plan de carrière à venir 60

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3. Analyses par tableaux croisés.................................................................................................................................. 613.1. Différences entre la population masculine et féminine 613.2. Différences entre infirmiers gradués et les autres diplômés 613.3. Différences par rapport aux formations complémentaires 623.4. Différences entre les groupes sur base des postes occupés 633.5. Différences entre les services 63

3.5.1. Sentiment de compétence et importance apportée à certaines capacités ou attitudes 633.5.2. Image de soi et de la société 643.5.3. Image de la société 643.5.4. Perspectives d'avenir 65

3.6. Différences dues au temps de travail 653.7. Différences dues à l'âge et à l'ancienneté 663.8. L’image de la société et le sentiment de compétence en relation avec le désir de quitter la

profession67

CHAPITRE 5 : DISCUSSION 68

1. Regard sur les soins infirmiers dispensés actuellement .......................................................................... 681.1. Valeurs professionnelles et auto-évaluation des compétences infirmières 68

1.1.1. Un haut sentiment global de compétence 681.1.2. Une adéquation entre le sentiment de compétence et l'importance accordée aux attitudes et

aptitudes spécifiques68

1.1.3. Un regard médico-technique au détriment d'un soin plus personnalisé 691.1.4. Un rejet apparent des tâches "moins nobles" 691.1.5. Une dénégation des aptitudes logistiques et administratives 701.1.6. Des différences de vision en fonction des études de base, complémentaires et de l'ancienneté 701.1.7. Des priorités différentes entre régions concernant les domaines de savoirs 711.1.8. Vers un leadership infirmier soutenant le développement du rôle propre 72

1.2. Regard sur la qualité des soins infirmiers 721.3. Autonomie 73

2. Relations avec autrui.................................................................................................................................................... 742.1. Relation avec les médecins 742.2. Relation avec l'équipe pluridisciplinaire 752.3. Relation avec la hiérarchie 75

3. Formations aux compétences en soins infirmiers.......................................................................................... 763.1. Développement des compétences et enseignement 76

3.1.1. Quatre grands domaines contribuent au développement des compétences 763.1.2. Dilemmes et contradictions face à la formation de base en soins infirmiers 773.1.3. Une formation permanente suivie… mais pourquoi ? 773.1.4. Une formation universitaire peu visible et peu reconnue 783.1.5. Une insatisfaction face aux systèmes actuels 78

3.2. Quelles formations pour l'avenir ? 783.2.1. Une formation de base profitant des tensions entre école et hôpital 783.2.2. Une formation permanente infirmier vivante et vivifiante 803.2.3. Une formation universitaire centrée sur le management humain, le leadership et le

développement d'expertises infirmières.81

4. Satisfaction au travail, image de la profession et plan de carrière ........................................................ 824.1. Satisfaction au travail 82

4.1.1 Une impossibilité de donner les soins désirés 824.1.2. Un contexte stressant et peu soutenant 824.1.3. Une insatisfaction importante 83

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4.2. Image de la profession et fierté d'être infirmier 844.2.1 Un sentiment de fierté impressionnant 844.2.2. Des images contradictoires 844.2.3. Un impact sur le désir de quitter la profession 85

4.3. Des désirs de changements mais peu de désertion 86

5. Pistes de réflexions quant à quelques problèmes contemporains .......................................................... 875.1. Introduction de personnel moins qualifié 885.2. Accessibilité aux études facilitée pour les kinésithérapeutes 885.3. Les gardes d'enfants et la mobilité du personnel 895.4. Le résumé infirmier minimum… un outil méconnu ? 89

6. Remarques méthodologiques ................................................................................................................................... 89

CHAPITRE 6 : CONCLUSIONS 91

Bibliographie 96

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Chapitre 1. INTRODUCTION ET PROBLEMATIQUE

1. Etat de la question

Il ressort de plusieurs études internationales (Beckmann et al., 1998; Bednash, 2000; Buerhaus et al.,1997; Buerhaus et al., 2000; Coffman & Spetz, 1999; Plati et al., 1998; Spurgeons, 2000) et des expériencesde terrain une pénurie dans la profession infirmière . Il ne s’agit pas seulement d’un problème quantitatifmais aussi d’une question de personnel qualifié (Johnson, 2000).

Cette dernière remarque nous semble non négligeable eu égard à deux récentes études effectuées enBelgique concernant l'éventuelle situation de pénurie. En effet, dans leur rapport de recherche concernant lapartie francophone du pays, Stordeur, Hubin & Leroy (2002) signalent que "si la pénurie semble frapper lescatégories plus qualifiées de personnel, il semblerait y avoir moins de difficultés de recrutement pour lepersonnel soignant". Ils précisent cependant que "une meilleure structuration des tâches infirmières et desautres professionnels est indispensable si l'on veut éviter le glissement de tâches vers les professionnels nesubissant pas de pénurie de recrutement, auquel cas se poseraient des problèmes évidents de sécurité, dequalité des soins et de responsabilité". Cette structuration des tâches ne peut se faire sans tenir compte del'image que les infirmiers ont de leur propre profession et des valeurs qu'ils y attachent.D'autre part, l'étude flamande de Pacolet et collègues (2002) ne dénonce pas tant une pénurie d'infirmiersqu'une pénurie de personnel soignant à court et à long terme. Une précieuse projection, mais dont les chiffressemblent indiquer que tous les problèmes sont évacués alors que, bien souvent, le personnel perçoit leschoses tout autrement dans la pratique. Cette étude tient peu ou pas compte du contexte dans lequel lesinfirmiers accomplissent leurs tâches de soins. S'il faut ajuster efficacement l'offre et la demande dans lesecteur des soins, il convient aussi d'entendre la voix des intéressés eux-mêmes. La pénurie d'infirmiers nedoit pas seulement être analysée dans une optique économique ou politique, mais également sous l'anglequalitatif. Sous peine de dissocier l'aspect soins de l'aspect technique et scientifique dans l'art infirmier, et dele transférer vers du personnel moins qualifié comme les soignants. D'où le risque de galvauder la professionet de mettre en danger les soins aux patients.

Au-delà de ces études, plusieurs solutions sont avancées pour pallier cette pénurie : le rappel deprofessionnels ayant quitté la profession, l’augmentation des champs de compétences, l’emploi de tempspartiels et plus récemment les tentatives d’attrait des jeunes vers la profession (Bradshaw 1999).En Belgique, l’accord social du 01 mars 2000 avance d’autres conduites à tenir comme l’harmonisation et larévision des barèmes, la diminution et l’adaptation du temps de travail, l’accompagnement des stagiaires etnouveaux professionnels, des projets de formation pour les soignants, etc.. A l’aide de ces mesuresfinancières et structurelles on tente de promouvoir la profession en mettant l’accent sur le recrutement etl’image de celle-ci. La question se pose de savoir si ces règlements permettront à eux seuls de garantir deseffets durables sans engendrer d'effets pervers.En effet, ces règlements doivent être resitués dans un contexte en perpétuelle mutation au sein duquel lesprofessionnels doivent réaliser leurs missions de soins. Les clients sont de plus en plus critiques et attendentdes soins d'une qualité toujours plus grande. L'importance prise par la maîtrise des coûts a introduit des règlesqui vont parfois à l’encontre des valeurs professionnelles (Rapport raad voor volksgezondheid en zorg,Hollande). On attend toujours plus des professionnels infirmiers qui, faute de temps, doivent dès lorsdéléguer des tâches faisant partie de leur rôle à d’autres personnels moins biens formés (Buerhaus et Staiger,1997), ou donner la priorité aux soins techniques. On connaît cependant de plus en plus l'impact de tellessolutions sur la qualité des soins et sur certains de ses indicateurs (augmentation des taux de mortalité)(Aiken, 2002).De plus, le raccourcissement de la durée de séjour et la prise en charge de patients de plus en plus dépendantsengendrent des exigences croissantes pour les soignants. Enfin, les responsabilités des infirmiers augmententsous l’influence de systèmes complexes d’information, des nouvelles technologies, de la délégation des actesmédicaux ou encore de la spécialisation des soins,… (Buerhaus et al, 1997).Cet ensemble, avec les problèmes de pénurie que connaît déjà la profession, mène à un contexteprofessionnel dans lequel les infirmiers ont extrêmement difficile à trouver leur place (Bradshaw, 1999).

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Des recherches récentes montrent que certaines des évolutions citées précédemment et particulièrement lesmesures structurelles et financières, sont considérées par les professionnels infirmiers comme nuisant à leurstatut professionnel, comme nuisant à la qualité des relations entre soignants et soignés et comme une atteinteà la fierté de la profession (Mills et Blaesing, 2000).Les mesures prises sans tenir compte de ce que les infirmiers considèrent comme fondamental dans l’exercicede la profession ont aussi des conséquences sérieuses sur l’attrait de nouveaux professionnels et sur larétention du personnel en place dans un temps de pénurie (rapport d’avis pour les soins de santé à lapopulation, Hollande, Mills et Blaesing, 2000).

Ce constat est donc très important au moment où la dignité de la profession soignante est atteinte à unlarge niveau (Fabricius, 1999). Le délaissement précoce de la profession (Spurgeon, 2000), la question dutravail à temps partiel (Deschamps et Pacolet, 1998), mais aussi la prise de distance de nombreuxprofessionnels avec la profession (Bradshaw, 1999) sont sans doute des signes du malaise général quitouche la profession infirmière . Encore plus alarmant est la détermination avec laquelle, dans l’étude deMills & Blaesing (2000) près de la moitié des infirmiers ne choisiraient pas à nouveau la professioninfirmière ou ne la conseilleraient pas à d’autres. En outre, le public et la majorité des jeunes ont une imagenégative et une mauvaise connaissance des tâches réelles des infirmiers (Foong et al., 1999). Dès lors, endépit de leur admiration pour la profession, peu rejoindraient le groupe professionnel (ou auraient le souhaitde devenir infirmier) (Hemsley-Brown, 1999).Une image de soi positive et le rayonnement de celle-ci sont donc aussi d’une importance capitale pour lefutur de la profession. Rendre une dignité aux infirmiers va donner la possibilité de jouer positivement surdes circonstances externes de la pénurie (Fabricius, 1999) et aura sans doute une influence aussifondamentale que les mesures structurelles.

L’image de soi des professionnels infirmiers ne dit pas seulement comment ils se voient, mais aussicomment les autres (médecins, autres professionnels de la santé et patients) sont en rapport avec les soignantset quelle est l’importance des responsabilités et du pouvoir des infirmiers (Davidhizard, 1998). La volonté deprendre ses responsabilités dans les soins aux patients et d'influencer les décisions politiques est liée demanière complexe à l’image qu’ont les praticiens de leur profession. L’image de la société, qui limite aussi cepouvoir, est intrinsèquement liée à l’image que donnent les infirmiers (Stille 1992).

Aborder effectivement la crise actuelle dans la profession infirmière, y compris le problème de lapénurie, exige une attention explicite qui permette aux infirmiers d'avoir une emprise sur le contenu et lastructure des leurs activités et leur confère un pouvoir dans cet environnement de soins turbulent (Kitson,1996). La présente étude a pour but de mettre en lumière ces aspects essentiels en étudiant la manière dont lesinfirmiers hospitaliers (dans leurs diverses positions et sur leurs divers terrains d'action) perçoivent leur place,leur rôle et leur contribution spécifiques dans les soins de santé actuels et à venir. Nous espérons ainsicontribuer à une compréhension nuancée de la profession infirmière et formuler des recommandations pourl'avenir de celle-ci.

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Chapitre 2. ETUDE DE LA LITTERATURE

1. Introduction

Le but de cette revue de littérature consiste à présenter un aperçu de la littérature actuelle concernantl’image de soi professionnelle du personnel infirmier et les domaines et concepts s’y rattachant. Cette étudede la littérature est également destinée à faire l’inventaire de tous les instruments existant actuellement etmesurant cette image de soi professionnelle du personnel infirmier ou les concepts apparentés.

2. Stratégie de recherche

2.1. Préambule

Pour faire l’inventaire de la littérature relative à l’image de soi professionnelle du personnelinfirmier, nous avons travaillé de façon systématique.

En premier lieu, les sources de littérature électronique suivantes ont été consultées : Medline(1995-08/2002), Cinahl (1982-06/2002), Antilope (jusque décembre 2000 inclus), Invert (1993-03/2002), Psychlit (1992 jusque 10/2001 inclus) et le Catalogue collectif de Belgique (1986-1999).

Durant la recherche de littérature, tant la littérature anglophone que francophone etnéerlandophone ont été prise en considération. Les articles portugais, italiens, allemands et espagnols(bien que peu nombreux) n’ont pas été examinés compte tenu du manque de connaissances de ceslangues de la part des chercheurs.

Lors de la recherche de littérature différents termes de recherche anglais, français et néerlandaisont été utilisés :? Self-image, self-concept, self-esteem, role, profession, identity, self-perception, self-evaluation,

image. En combinaison avec nurse.? Concept de soi, image de soi, image professionnelle, identité, pénurie, infirmier, évaluation,

représentations.? Zelfbeeld, imago, zelfconcept, identiteit, professie, rolperceptie, rol, perceptie.

A côté de la recherche sur base des mots clés, nous avons réalisé des recherches sur base desnoms d’auteurs les plus souvent rencontrés dans les articles analysés.

Sur base de la revue de littérature, nous avons constaté que deux auteurs, Leanne Cowin etDavid Arthur, avaient une grande expertise concernant le concept de soi professionnel des infirmiers.Ces auteurs ont été contacté dans le cadre de l'élaboration de l'instrument de mesure. Il leur a étédemandé via e-mail s'il était possible d'obtenir la version finale de leurs instruments de mesure pour lesutiliser dans notre recherche. Nous avons reçu l'autorisation des deux auteurs sans aucun problème.

Enfin, nous avons également complété notre recherche via la recherche de références sur dessites internets (par exemle : webnursing, sylvae, infiweb, etc.) et par la consultation d'experts.

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2.2. Critères d’inclusion

Lors de la sélection de la littérature pertinente, un certain nombre de critères d’inclusion ont étéutilisés. Tout d’abord, la littérature devait avoir un rapport avec l’image de soi professionnelle oul’image de soi des professionnels infirmiers.

Au moment des recherches de littérature, nous étions surtout focalisés sur la façon dont leconcept était défini et mesuré. Toutes sortes de sujets de recherche ont été repris. Les articles retenustraitaient tant de recherches qualitatives que de recherches quantitatives ou d’analyses de concept.

3. Littérature disponible

3.1. Littérature néerlandophone

Pour la littérature néerlandophone, seul un article pertinent traitant de l’image de soiprofessionnelle du personnel infirmier a été trouvé (Verhoeven, 1996). Etant donné que cet article estune traduction d’un article en langue anglaise de David Arthur (Measurement of the professional self-concept of nurses : developing a measurement instrument, 1995) nous avons préféré prendre enconsidération les résultats de l’article original de Arthur au lieu des données traduites en néerlandais.

3.2. Littérature francophone

Dans la littérature francophone, un seul article pertinent a été trouvé. Cet article de Bédard etDuquette (1998) concerne ‘le concept de soi professionnel’. Les résultats des 5 recherches que cetarticle résume sont rapportés dans cette étude de la littérature comme d’autres résultats de recherche.

3.3. Littérature anglophone

Dans la littérature anglophone, 13 articles pertinents ont été trouvés. Dans l’étude de lalittérature, les résultats de 12 articles ont finalement été rapportés. Le tableau (A) de la page suivantedétaille, par article, le concept développé, l’auteur, l’année de publication et le sujet de la recherche.

4. Contenu

4.1. Concepts et définitions

4.1.1.Littérature infirmière

Lors de l’analyse de la littérature, il est rapidement apparu qu’il existait une confusionquant à la terminologie concernant l’image de soi et l’image de soi professionnelle.Des concepts différents sont parfois décrits (en terme de définition et de contenu) avec degrandes ressemblances dans certaines recherches alors que dans d'autres, les concepts utilisés nesont même pas décrits.

Les notions suivantes sont retrouvées dans la littérature infirmière (voir tableau B) :? Professional self-concept ? Nurse identity? Nurses self-concept ? Self-image? Self-concept and nurses ? Le concept de soi professionnel

Notons enfin que la littérature relative à l’image de soi professionnelle du personnelinfirmier est très pauvre. Il en existe par contre plus concernant les domaines apparentés telsque : Shortage, turnover, retention, career, career planning, development, future, values, aging,satisfaction, crisis, role, position.

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Tableau A : Principaux articles de la revue de littérature

Auteur & année de publication Concept Sujet de la recherche

D. Arthur, 1992 Revue de littérature

D. Arthur, 1995 Développement de l’instrument

Professional Self-Concept of Nurses Instrument (PSCNI)

D. Arthur & S. Thorne, 1998 Application du PSCNI chez des étudiants infirmiers

D. Arthur, K.Y. Sohng & C.H. Nohet.al., 1998

Application du PSCNI chez des infirmiers coréens

D. Arthur, S. Pang & T. Wonget.al., 1999

Professional self-concept of nurses

Application du PSCNI chez des infirmiers de 11 pays différents

L. Cowin, 2001 Nurses self-concept Développement de l'instrument : Nurses Self-Concept Questionnaire (NSCQ)

E.F. Smith, W.B. Michael & B.Gribbons, 1997

Application de l’échelle self-concept (DOSC-W) à une population d’infirmiers

C.L. Bester, E.C. Richter & A.B.Boshoff, 1997

Application de l'outil : Vrey’s Self-Concept Scale

J.E. Beeken, 1997

Self-concept and nurses

Application de l'outil : Tenessee Self-Concept Scale

R.T. Porter & M.J. Porter, 1991 Application du Porter Nursing Image Scale chez des infirmiers

B. Sivberg & K. Petersson, 1997

Self-image of nurses

Application du Gordon Personality Inventory

J. Öhlén & K. Segesten, 1998 Analyse de concept et développement

I. Fagerberg & M. Kihlgren, 2001

Professional identity of the nurse

Recherche qualitative concernant l'identité des infirmiers

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Tableau B : Définition des principaux concepts utilisés par les auteurs

Auteur Concept Définition

F. Dagenais & A.I. Meleis, 1982 in D.Bédard & A. Duquette, 1998

Le concept de soi professionnel ? La perception qu'a l'individu de lui-même au plan professionnel

J.H. Hoff, 1984 in D. Bédard & A.Duquette, 1998

Le concept de soi professionnel ? Une configuration organisée des perceptions conscientes de soi quant à lacapacité d'accomplir des différentes fonctions de l'infirmier

C. Kelly, 1992 in D. Bédard & A.Duquette, 1998

Le concept de soi professionnel ? L'évaluation que fait l'infirmier de ses valeurs, connaissances et habilitésprofessionnelles

L. Frahm & S. Hyland, 1995 in D. Bédard& A. Duquette, 1998

Le concept de soi professionnel ? Quatre caractéristiques forment le concept de soi: l'image de soi (commentla personne se voit), l'intensité affective, l'évaluation de soi et lecomportement de l'individu

D. Bédard & A. Duquette, 1998. Le concept de soi professionnel ? Perceptions conscientes qu'une personne entretient au sujet d'elle-mêmeau plan professionnel

D. Arthur, 1995 Professional self-concept of nurses ? A set of attitudes towards the self and existing on a continuum? How nurses view themselves as professionals

L. Cowin, 2001 Nurses self-concept ? How nurses perceive themselves within their work environment? Self-concept in light of their professional identity

J. Ohlen & K. Segesten &, 1998 Professional identity of the nurse ? The individual nurse's perception of her/him self in the context of nursingpractice.

? An experience and feeling of being a nurse

I. Fagerberg & M. Kihlgren, 2001 Professional identity and

experiences of nurses

? How the nurse conceptualizes what it means to act and be a nurse

B. Sivberg & K. Petersson, 1997 Self-image of nurses ? Self-perception towards the essentials of nursing care

R.T. Porter & M.J. Porter, 1991 Self-image of nurses ? How nurses perceive themselves

J.E. Beeken, 1997 Self-concept and nurses ? The perception of self and includes input from others, the environmentand the self. The two components of self-concept are self-esteem (howone feels about oneself) and self-image (one's perception of physical self)

C. Bester, E. Richter & A. Boshoff, 1997 Self-concept and nurses ? The perception the individual forms about him or herself

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4.1.2.Littérature psychologique

Dans la littérature psychologique, il existe une grande confusion quant à la terminologieconcernant le "self-concept", "self-esteem" et l’image de soi. Une définition universellementacceptée fait défaut. Pour clarifier cette matière, nous nous sommes basés sur un rapport deJohan et Joke Simons (2000) qui traite cette problématique et clarifie les définitions.

La littérature est globalement unanime sur le fait que l’estime de soi/self-esteem estanalysée comme le pôle affectif lié au sentiment d’estime de soi-même de quelqu’un et quel’image de soi/self-concept renvoie au pôle cognitif.

Verkuyten (1988) et Van der Meulen (1993) définissent l’image de soi comme :? L’ensemble des descriptions qu’une personne peut donner en rapport avec un certain nombre

d'aspects de son fonctionnement.

L’estime de soi peut dès lors être définie comme suit :? La manière dont on évalue positivement ou négativement ses propres caractéristiques et ses

propres qualités.? L’estime de soi globale : les caractéristiques propres sont évaluées dans leur globalité.? L’estime de soi spécifique : différentes composantes sont évaluées séparément.

4.1.3.Proposition pour le projet

Cette étude de littérature nous offre suffisamment d’éléments sur base desquels nouspouvons prendre une décision dans le cadre des concepts et des définitions à développer.

Pour le projet, nous avons décidé de faire référence aux concepts "d’image de soiprofessionnelle du personnel infirmier" et de "concept de soi professionnel" sur base desquelstant le pôle cognitif que le pôle affectif doivent être évalués. Nous emploierons cependantprincipalement la notion d'image de soi professionnelle que nous avons définis comme suit :

L’image de soi professionnelle du personnel infirmier est la perception (cognitive etaffective) qu’un infirmier a de lui-même dans son environnement de travail.

4.2. Cadre de pensée théorique

4.2.1.Littérature infirmière

Les cadres de pensée théoriques et les définitions conceptuelles existant dans les articlesanalysés (lorsqu'ils y sont présentés), présentent nombre des différences.

Arthur ne fait pas mention, de façon explicite, d’un cadre de pensée théorique dans sesarticles. Sur base d’une étude de la littérature détaillée, il opte pour une approchemultidimensionnelle du concept (professional self-concept) dans laquelle celui-ci peut êtremesuré comme une variable continue. De même, il part de deux hypothèses de base pour ledéveloppement de son instrument.1. Professional self-concept can be measured in a manner that has been accepted for the

measurement of self-concept.2. The opinions nurses have of themselves as professional can be translated into a measurement

instrument.

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Cowin par contre, fait bien mention de l’utilisation d’une théorie dans sa recherche. Elles’est basée, pour le développement de son instrument de mesure, sur la "Self-conceptmeasurement theory" de Shavelson, Hubner & Stanton (1976). Ce modèle hiérarchiquehypothétique donne la description suivante du self-concept : Self-concept is a hierarchicalstructure with an apex of general esteem at the pinnacle. The hierarchy contains multipledimensions or facets that become more context specific lower down in the structure. Self-concept is a potential rather than an outcome.

Segesten & Ohlen décrivent dans leur article deux cadres de pensée théorique commerésultat de leur étude de littérature dans le cadre de leur analyse et développement de concept.Elles décrivent le « Symbolic Interactionism » et la « Erikson's Psycho-social DevelopmentTheory ». Ces cadres de pensée théoriques décrivent la "professional identity" comme étant enlien étroit avec l’identité de la personne en général. La théorie d’Erikson donne des directivesconcernant la compréhension du développement professionnel en parallèle avec la croissance etle développement humain.

4.2.2.Littérature psychologique

Dans la littérature psychologique, il existe différents modèles et analyses développés àpropos des concepts d’image de soi, de concept de soi et d’estime de soi. Ces derniers peuventêtre subdivisés en trois grands groupes : une analyse ou un modèle unidimensionnel,multidimensionnel ou hiérarchique (Simons, 1991 ; Simons, 1996).Dans l’analyse unidimensionnelle , les différents domaines de compétence se trouvent les uns àcôté des autres et leur contribution dans l’élaboration de l’estime de soi globale est d’importanceidentique.Dans l’analyse multidimensionnelle , il existe, à côté de l’estime de soi globale, descompétences spécifiques à un domaine. De cette manière, l’estime de soi globale n’est pas lasomme des scores des différents domaines de compétence.Le modèle hiérarchique est le premier modèle proposé par Shavelson, Hubner et Stanton(1976). De cette manière, l’estime de soi générale est divisée en une image de soi académique etune non académique. Ces images de soi académique et non académique sont également diviséesen différents domaines de compétence, qui sont eux-mêmes divisés en plusieurs composants(Byrne, 1996). La notion de hiérarchie fait donc appel à une organisation spatiale du concept etnon réellement à la supériorité ou à l'importance d'un élément par rapport à un autre.

Les points de vue ci-dessus se retrouvent également partiellement dans notre étude de lalittérature. Comme exposé ci-dessus, Arthur (1995) choisi une approche multidimensionnelle duconcept de soi professionnel. Cowin (2001), par contre, se base sur le modèle hiérarchique deShavelson, Hubner et Stanton pour le développement de son instrument de mesure (1976).

De 'Zelfbeeld discrepantietheorie' de Tory Higgins (Higgins, Klein & Strauman, 1985,Higgins, 1987) nous est apparu comme un bon cadre de pensée pour notre projet. Cette théorieest une déduction fondée sur deux hypothèses de base :

La première hypothèse présuppose qu’il existe trois domaines du ‘soi’:Le soi actuel : la représentation des caractéristiques que l’on estime réellement posséder.Le soi idéal : la représentation des caractéristiques que l’on souhaiterait idéalement posséder.Le soi convenable : la représentation des caractéristiques que l’on devrait posséder.

La deuxième hypothèse de base envisage qu’il existe deux analyses de soi : son proprepoint de vue et celui de quelqu’un qui compte pour nous.

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En combinant les trois domaines avec les deux analyses, nous obtenons six modèles debase des images de soi :? L’image actuelle personnelle? L’image actuelle autre? L’image idéale personnelle? L’image idéale autre? L'image convenable personnelle? L'image convenable autre

Enfin, il existe encore deux hypothèses importantes sur base desquelles se fonde lathéorie:1. La discordance entre les deux images provoque un sentiment de malaise.2. L’ampleur du malaise dépend du type de discordance de l’image de soi.

4.2.3. Proposition pour le projet

Pour le projet, nous avons décidé, compte tenu des résultats de l’étude de littérature, deprendre pour point de départ un modèle hiérarchique du concept "image de soi professionnelledu personnel infirmier". Le modèle de Tory Higgins "de zelfbeeld discrepentietheorie" (Higgins,Klein & Strauman, 1995 ; Higgins, 1987) nous semble un modèle intéressant pour ce projet.Nous utiliserons cependant uniquement les concepts d’image de soi actuelle personnelle etd’image de soi idéale personnelle.

4.3. Instrument de mesure

Sur base de l’étude de littérature, deux instruments de mesure récents, développésspécifiquement pour mesurer "le concept de soi professionnel" chez les infirmiers, ont été découverts.

1. Arthur (1985) a développé un instrument pour mesurer "le concept de soi professionnel" chez lesinfirmiers. Son premier instrument comprenait 7 dimensions (85 items). L’instrument finalcomprend 3 dimensions (27 items). Cet instrument de mesure a déjà été appliqué dans 4 études :une étude avec 4 groupes d’étudiants (n=127), une étude avec des infirmiers Australiens (n=170),une étude avec des infirmiers Coréens (n=800) et enfin, une étude avec des infirmiers de 11 paysdifférents (n=1957). Les observations les plus importantes d’Arthur (par communicationpersonnelle) concernant son instrument sont, d’une part, la faiblesse de l’échelle "Communication"et, d’autre part, le manque de sensibilité de l’instrument par rapport aux variations entre les cultures.

2. L’instrument de mesure de Cowin (2001) est développé pour mesurer le concept de soi chez lesinfirmiers. Son instrument initial comptait 6 dimensions (80 items) et son instrument final comptaitégalement 6 dimensions (36 items). L’instrument a été appliqué à un groupe d’étudiants (n=506) etcomparé à un groupe d’infirmiers (n=528). Un résultat appréciable de cette recherche était la grandedifférence de score entre les deux groupes pour la dimension leadership.

3. A côté de ces deux instruments de mesure, il s’ajoute encore dans la littérature un troisièmeinstrument développé spécifiquement pour mesurer l’image de soi du personnel infirmier. Malgré lefait qu’il ne s’agisse pas d’un instrument actuel, il peut quand même former une source importanted’informations et est, pour cette raison, malgré tout exposé dans cette étude de littérature.Porter et Porter ont développé le Porter Nursing Image Scale (1991). Cet instrument comprend 32adjectifs 'matched-pair' et 'bipolar' classés arbitrairement et est composé de trois facteurs : lepouvoir interpersonnel (13 items) – les relations interpersonnelles (10 items) – la capacitéinterpersonnelle (7 items).

A côté de ces trois instruments de mesure spécialisés, 4 autres doivent encore être mentionnés.La contribution de ces instruments de mesure sera plus restreinte mais néanmoins importante.

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En premier lieu, il y a le DOSC (Dimensions of Self Concept), un instrument de mesureconstruit autour de cinq dimensions (niveau d'aspiration, anxiété, satisfaction au travail, leadership &initiative et identification vs aliénation) permettant d'évaluer le concept de soi académique (Smith,Michael & Gribbons, 1997). Cet instrument a été adapté pour l’application d’un instrument dans lesmétiers de haute technologie. Une sixième dimension, le stress au travail, a été ajoutée à l’instrumentoriginal (DOSC-W). Dans une recherche de Smith, Michael et Gribbons (1997), cet instrument a ététesté sur une population d’infirmiers travaillant en hôpital. Par ailleurs, cet instrument avait déjà étéappliqué auprès de salariés d’une entreprise d’électronique et auprès de militaires pensionnés.L’instrument est composé de 6 sous échelles et de 90 items.

Il est aussi fait mention dans la littérature de la Vrey's Self-Concept Scale (Bester, Richter &Boshoff, 1997). Cet instrument, développé en 1974 pour mesurer le concept de soi chez lesadolescents, a été utilisé dans une recherche de Bester, Richter et Boshoff (1997) et distribué auprès de86 infirmiers d’un hôpital universitaire. Cette application a été utilisée pour établir un pronostic de lasatisfaction au travail.

Dans le cadre d’une recherche sur la pensée critique chez les infirmiers, le concept de soi a étémesuré auprès d'infirmiers au moyen de la Tensesse Self-Concept Scale, 100 items et 5 points dansl’échelle de Likert (J. Beeken, 1997).

Un dernier instrument de mesure qui peut aussi avoir une utilité dans le cadre de notre rechercheest le "Gordon Personality Inventory". Cet instrument a été utilisé dans la recherche de Sivberg etPetersson (1997) c’est à dire une recherche longitudinale chez les étudiants infirmiers (n=506)provenant de 3 collèges différents. Cet instrument comprend le Gordon A (image de soi), le Gordon B(estime de soi), le Gordon C (estime interpersonnelle). Dans le cadre de notre recherche, nous avonsspécialement porté attention à la première partie de l’instrument de mesure.

Malgré le fait qu’il n’y ait pas dans la recherche de Fagerberg et Kihlgren (2001) de mesurecomplète du concept ‘d’identité professionnelle’, les résultats qualitatifs de cette recherche peuventapporter une contribution importante à notre recherche, ce qui explique le court aperçu développé danscette partie. Cette étude est une recherche qualitative longitudinale auprès d’infirmiers, d’une part,lorsqu’ils sont encore aux études et, d’autre part, deux ans après leurs études. Dans cette recherche,aucune mesure de du concept "identité professionnelle" n’a été effectuée, mais il a été exploré lamanière dont les infirmiers vivent le contenu de leur identité comme professionnel infirmier (en tantqu’étudiant et deux ans après les études). Quatre perspectives sont dès lors prises en considération :

- Having the patient in focus - Being a team leader- Perceptorship - Task orientation

Le tableau (C) de la page suivante représente par auteur les dimensions attribuées au conceptconcerné. Les dimensions communes apparaissent en grisé et sont reprises ci dessous :? Empathy? Flexibility? Leadership? Knowledge? Skills? Professionalism? Satisfaction

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Tableau C : Principales dimensions retenues par les auteurs (partie 1)

Concept Auteur Dimensions

Le concept de soiprofessionnel

F. Dagenais & A.Meleis, 1982 inD. Arthur, 1992

Profession-nalisme

Ethique/morale Empathie Flexibilité Leadership Créativité

Le concept de soiprofessionnel

J. Hoff, 1984 inD. Arthur, 1992

Connaissance Compétence Qualification

Le concept de soiprofessionnel

L. Frahm & S.Hyland, 1995 inD. Arthur, 1992

Image de soi Intensitéaffective

Evaluation desoi

Comportementindividuel

Professional self-concept

(PSCNI)

D. Arthur, 1995 Professionalpractice =>leadership-skill-flexibility

Satisfaction Communication

Nurses self-concept

(NSCQ)

L. Cowin, 2001 Caring Communication Staffrelationships

Nursing skills Knowledge Nursing ability

Professionalidentity of thenurse

J. Ohlen & K.Segesten, 1998.

Personnel:

? Self-knowledge

? Curiosity

? Generosity

? Toleranceof stress

? Professionalknowledge

? Trust inone's owncapacity andfeelings

Interpersonnel:

? Professiona-lism

? Scientificapproach

? Empathy

? Discernment(inzicht)

Socio-historique

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Tableau C : Principales dimensions retenues par les auteurs (partie 2)

Concept Auteur Dimensions

Professionalidentity andexperiences ofnurses

I. Fagerberg &M. Kihlgren,2001

Having thepatient in focus

Being a teamleader

Perceptorship Task orientation

Self-image

(Gordonpersonalityinventory)

B. Sivberg & K.Petersson, 1997.

Ascendancy Responsibility Emotionalstability

Sociability Cautiousness Originalthinking

Personalrelations andvigour

Self-image

(Porter NursingSelf ImageScale)

R. Porter & M.Porter, 1991.

Interpersonalpower

Interpersonalrelations

Interpersonalability

Self-concept

(DOSC-W)

E. Smith, W.Michael & B.Gribbons, 1997

Level ofaspiration

Anxiety Job interest andsatisfaction

Leadership andinitiative

Identification vsalienation

Jobstress

Self-concept

(Vrey's self-concept scale)

C. Bester, ERichter & A.Boshoff, 1997

Personal self Family self Social self Self-criticism

Self-concept

(TSCS)

J. Beeken, 1997

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5. Conclusion

Nous pouvons conclure que la littérature apporte une information importante par laquelle nouspouvons prendre des décisions fondées dans le cadre du projet.Différents instruments de mesure apportent une information importante, tant à propos du développement del’instrument de mesure que de la façon de le compléter concrètement.Il y a toutefois seulement un nombre limité d’instruments disponibles qui mesurent de façon spécifiquel’image de soi professionnelle du personnel infirmier. Les instruments qui pourraient être utilisés ontcependant des limites importantes (non actuels, pas assez sensibles aux variations culturelles, etc…) et nesont pas adaptés au contexte belge. Ces facteurs suggèrent la nécessité de développer un instrumentspécifique au contexte belge.

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Chapitre 3 METHODOLOGIE

1. Elaboration de l'instrument de mesure : phase 1

Il ressort des résultats d'une étude approfondie de la littérature qu'il y a lieu de développer uninstrument de mesure de l'image de soi professionnelle des infirmiers propre au contexte belge.Pour mieux comprendre les dimensions sur lesquelles se fonde cette image de soi professionnelle, nous avonsmené une recherche qualitative. Nous en avons alors comparé les résultats à ceux de l'étude de la littératureafin de dégager les dimensions propres au contexte belge.

En concertation avec des experts en matière de recherche qualitative et au terme d'un bref recensementde la littérature, nous avons décidé de mener notre recherche par le biais de groupes focus. Cette forme derecherche qualitative permet d'interroger un « grand » groupe d'infirmiers à court terme. Nous nous sommesainsi attachés à comprendre la manière dont les infirmiers perçoivent leur profession. Avant d'expliquer lefonctionnement des groupes focus, voici une brève présentation de cette technique.

1.1. Groupes focus

Un groupe focus (également appelé groupe de discussion) est un moyen de sonder ce que despersonnes ressentent ou pensent face à un thème, un produit ou un service donné. Cette méthode peutêtre utilisée à différentes fins, par exemple pour tester de nouveaux programmes et idées, apprécier desrésultats, mener une enquête sur les consommateurs et collecter des informations pour la mise au pointd'un questionnaire (Krueger & Casey, 2000).

A la lumière d'une discussion autour d'un thème prédéfini (le focus), une certaine quantité dedonnées qualitatives sont rassemblées. Cette discussion est menée avec un échantillon de la populationà étudier, qui sera composé de personnes présentant une propriété particulière en rapport avec le thèmediscuté par le groupe focus.

Les chercheurs doivent viser à créer un environnement accessible, confortable, sécurisant, denature à encourager les participants à partager leurs points de vue. Il importe pour ce faire de ne pasexercer de pression dans le sens d'un vote ou d'un consensus, puisque c'est précisément l'interaction dugroupe qui est très importante. La discussion de groupe, au cours de laquelle les différents participantss'influencent mutuellement en réagissant aux commentaires, revêt à ce titre une importance essentielle.Elle permet d'affiner, de nuancer et d'approfondir le thème abordé.

Chaque groupe focus est très bien préparé, implique 6 à 10 participants (ce chiffre peut varier de4 à 12) et est encadré par un animateur expérimenté (Krueger & Casey, 2000).

1.2. Constitution des groupes focus

Pour la sélection de l’échantillonnage, différentes directives préliminaires ont été données par legroupe pilote de la recherche. Elles se résument en six points :1) réunir 5 à 7 infirmiers volontaires;2) assurer une hétérogénéité parmi les participants concernant l’ancienneté, l’unité (médecine,

chirurgie, pédiatrie et gériatrie) et le type de patients pris en charge (aigu et chronique) ;3) réaliser les groupes focus de préférence en dehors de l’hôpital ;4) mener le groupe focus avec deux chercheurs ;5) sélectionner des hôpitaux de différentes provinces ;

Hormis ces critères, chaque groupe de chercheur (UCL & KUL) a construit sa propre stratégiepour mener à bien les focus groupes dans sa région.

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1.3. Méthodologie des groupes focus de la KUL

1.3.1. Sélection de la population et constitution de l'échantillonnage

En collaboration avec un groupe d'experts en matière de recherche qualitative et degroupes focus, le groupe de chercheurs de la KUL a mis sur pied un groupe de travail chargéd'élaborer la méthodologie des groupes focus.

Le calcul du nombre de groupes focus fonctionnant au total s'est basé sur le nombreauquel la saturation théorique est atteinte. Dans un premier temps, 6 groupes focus ont étéorganisés dans six hôpitaux différents, dont un hôpital psychiatrique.? Universitaire Ziekenhuizen K.U.Leuven, Leuven? Universitair Ziekenhuis Antwerpen, Edegem? V.z.w. Europa Ziekenhuizen St. Elisabeth, Brussel? Ziekenhuis Oost-Limburg – St. Jan, Genk? Universitair Centrum St. Jozef, Kortenberg? Algemeen Ziekenhuis Maria Middelares, Sint-Niklaas

Il s'agit ici d'un échantillon de convenance dont le choix est justifié par deux motifs.D'abord le fait que les données collectées sont destinées à confirmer, infirmer ou compléter lesdonnées de la littérature. Il ne s'agit donc pas de données qui requièrent un échantillon aléatoiremais un échantillon multiple ou varié. Ensuite, il est essentiel que la participation se fasse surune base volontaire, de manière à ce que les groupes de discussion puissent générer unmaximum d'informations.

1.3.2. Sélection de la méthode de collecte des données

Le groupe de recherche de la KUL a résolu d'adopter une approche structurée des groupesfocus. Ce choix a donné lieu à l'élaboration d'un questionnaire à 5 questions ouvertes. Cequestionnaire a été soumis pour évaluation à 5 chercheurs infirmiers. Les questions ont étéretravaillées en fonction des remarques des chercheurs infirmiers pour aboutir à un questionnairedéfinitif.

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Tableau D : Aperçu des questions posées aux groupes focus

Question 1: Donnez au moins trois éléments qui constituent l'essence de la profession infirmière.

Question 2: Qu'est-ce qui manquerait au patient et à sa famille s'il n'y avait plus d'infirmiers dans les

hôpitaux?

Question 3: Dernièrement, les autorités fédérales ont lancé une campagne relative à l'image et au recrutement

du personnel infirmier sous le titre 'Infirmier: j'ai ça dans le sang'. Cette campagne donne une description de

l'infirmier actuel en 5 mots clefs. Les Nuits blanches font allusion aux nuits de garde et/ou au nombre

important d'heures prestées par les infirmiers. Hightech renvoie aux appareils modernes, sophistiqués qu'ils

doivent utiliser. Rythme d'enfer ne renvoie pas seulement aux battements de cœur du patient mais aussi à

ceux de l'infirmier face au stress engendré par son environnement de travail. L'esprit d'équipe désigne la

collaboration permanente qui existe avec les collègues du personnel infirmier, mais aussi avec les médecins

et autres collaborateurs des soins de santé. Enfin, le terme adrénaline renvoie aux situations auxquelles un

infirmier doit faire face dans l'exercice de sa profession: situations de détresse, événements tragiques,

moments joyeux. Qu'évoque pour vous, en tant qu'infirmier, cette campagne concernant l'image et le

recrutement ?

Question 4: Qu'est-ce qui vous motive actuellement à continuer d'exercer la profession infirmière?

Question 5: Supposons qu'une personne de votre entourage envisage d'entamer des études d'infirmier et

vienne vous demander conseil. Quelle serait votre réaction?

Le groupe de recherche a émis certains critères pour la constitution du premier groupefocus qui se déroulerait aux Universitaire Ziekenhuizen Leuven.? 6 participants? infirmiers des Universitaire Ziekenhuizen Gasthuisberg? mélange de formations A1 et A2? mélange en termes d'ancienneté? exclusion des infirmiers titulaires d'un diplôme de licencié(e)? exclusion des infirmiers occupant une fonction dans le staff ou la direction? représentation proportionnelle des départements médicaux? encadrement du groupe par deux chercheurs

Le thème du groupe de discussion portait sur la question de savoir quels sont actuellementles aspects essentiels de la profession infirmière.Quelques jours avant la tenue du groupe focus, les participants ont reçu les 5 questions quiallaient servir à la discussion de groupe, et ont été invités à les préparer brièvement par écrit.

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1.3.3. Collecte des données

Le groupe de chercheurs a procédé à l'évaluation de la méthodologie du premier groupefocus avant de passer à l'organisation des autres groupes focus. Dans leur évaluation, ils ontproposé de limiter à 7 le nombre maximal de participants au groupe focus et de veiller à ce queles différents participants ne proviennent pas du même service. Ils ont en outre plaidé en faveurd'un animateur indépendant.

Plusieurs tentatives ont été menées pour trouver un animateur indépendant chargéd'encadrer les groupes focus, mais personne ne s'est avéré disponible dans la période proposéepour assurer cette tâche. Par conséquent, ce sont les collaborateurs du projet qui ont animé eux-mêmes les groupes focus.

Au terme de cinq groupes focus, la saturation était atteinte, de sorte que le sixième groupefocus, prévu au Maria Middelares ziekenhuis de St.-Niklaas, n'a pas eu lieu.

Les données ont donc été rassemblées sur la base de cinq groupes focus. Deux groupesfocus ont eu lieu dans un hôpital universitaire, deux autres dans un hôpital général et lecinquième dans un hôpital psychiatrique.

1.3.4. Analyse des données

La discussion menée au sein des groupes focus a été enregistrée au moyen d'unenregistreur Minidisk puis retranscrite mot à mot. Ces textes dactylographiés ont fait l'objetd'une analyse de contenu approfondie. Dans ce cadre, un groupe de travail a été constitué, avecdeux experts en matière de recherche qualitative, un collaborateur de projet et l'animateur desgroupes focus.

Dans un premier stade de l'analyse des données, tous les collaborateurs du groupe detravail ont reçu une version entièrement dactylographiée des deux premiers groupes focus, quechacun a lue dans l'optique d'y découvrir les dimensions de l'image de soi professionnelle.Le deuxième stade a consisté en une session d'évaluation en équipe (peer-debriefing). Il s'agitd'une session au cours de laquelle le chercheur confronte ses données et analyses à celles depersonnes dotées d'une expérience dans la recherche qualitative et/ou le sujet à l'étude. Cettesession a consisté en une analyse préliminaire du contenu des données de ces deux groupesfocus. Une analyse plus approfondie des données par le groupe d'experts a été organisée aprèsque la version entièrement dactylographiée des troisième, quatrième et cinquième groupes focuseut été disponible également.

Finalement, les résultats du groupe focus dans l'hôpital psychiatrique n'ont pas été inclusdans les analyses. Ces résultats se révélaient trop divergents de ceux des groupes focus organisésdans les hôpitaux généraux.

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1.4. Méthodologie des groupes focus de l’UCL

1.4.1.Sélection de la population et construction de l’échantillonnage

Dans un premier temps, nous avons animé des groupes focus (groupes tests) avec desétudiants puis avec des infirmiers des Cliniques Universitaires Saint-Luc. Dans un second temps,après une évaluation des groupes tests réalisés, nous avons répété le même scénario dans cinqautres hôpitaux dont un hôpital psychiatrique1 :Clinique Sainte-Elisabeth, NamurClinique Notre-Dame et Saint-Georges, TournaiClinique Saint-Pierre, OttigniesClinique Saint-Vincent, RocourtInstitut Psychiatrique Saint-Martin, Dave

Il s’agit d’un échantillon de convenance. Deux raisons justifient ce choix. Premièrement,les données à recueillir ne nécessitent pas un échantillon aléatoire car nous désirons confirmer,infirmer ou compléter les données de la littérature ce qui n’exige qu’un échantillon diversifié.Ensuite, pour retirer un maximum d’informations et mener à bien ces groupes de discussion, uneparticipation sur base volontaire est primordiale.

Après avoir demandé une participation de vive voix à la direction du départementinfirmier des cinq institutions mentionnées ci-dessus, nous avons confirmé cette demande par uncourrier. Chaque direction nous a constitué le groupe de discussion en tenant compte desimpératifs établis par le groupe pilote de la recherche (voir point 1.2. p24)

1.4.2.Choix de la méthode de collectes de données

Le procédé de collecte de données choisi (groupe focus) doit permettre à des groupes de 6à 15 personnes de s’exprimer sur un sujet donné, en l’occurrence, l’image de soi professionnelle.La technique de la ‘chaise vide’ issue du drama est celle que nous avons adoptée pour la partiefrancophone du pays. Cette technique nous permet d’accéder rapidement à une multituded’informations qui ne sont pas autrement accessibles de façon aussi approfondie, nuancée etpersonnelle.

Le drama est une méthode pédagogique d’origine britannique qui vise à développer, grâceà des exercices généralement ludiques, la recherche des émotions, l’échange, la créativité, laconsolidation du groupe et un travail sur les valeurs.

Plus largement, cette méthode a pour objectif la découverte de potentialité, deconnaissances et d’aptitudes par un processus collectif, de nature artistique et ludique. Au traversde ses propres sensations et sentiments, vécus dans un jeu dramatique et codifié, ces processusmènent à des découvertes dans des champs éducatifs (langue, histoire, géographie,…) sociaux(évaluer, écouter, parler, s’exprimer, vivre en groupe) et culturels (Quinet, 2001).

Dans la technique de la chaise vide, un nombre de chaises égal au nombre de personnesprésentes dans la salle plus une est disposé en cercle dans une pièce. Deux personnes encadrentle groupe : un animateur et un observateur. L’animateur est le premier à intervenir. Il seprésente, explique l’objectif du groupe focus et précise les thèmes qui seront abordés : l’imagevoulue, l’image déposée et l’image diffusée. La technique utilisée consiste à faire passer, demanière volontaire, chaque infirmier sur une chaise vide pour permettre au reste du groupe de lui

1 Seuls les hôpitaux généraux sont concernés par cette étude. Si les résultats obtenus dans les hôpitauxpsychiatrique ne semblent pas spécifiques à cette spécialité, l’étude sera étendue aux hôpitaux psychiatriques.

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poser trois questions. Les consignes données au groupe stipulent de poser des questionspermettant de construire, petit à petit et au travers de chaque infirmier passant sur la chaise, uninfirmier fictif qui parle de lui, de son travail, de ce qu’il vit, de la façon dont il se voit dans sapratique et dans l’idéal. Cette technique est utilisée pendant près de deux heures ; chaqueinfirmier peut retourner sur la chaise vide autant de fois qu’il le désire. Le but de cette techniqueest de créer un infirmier fictif à partir de l’expérience de chacun, sans que l’on puisse identifiercet infirmier fictif à l’un des membres du groupe. Le rôle de l’animateur est de veiller à ce quepersonne ne s’écarte du sujet et d’éventuellement reformuler certains propos pour approfondir lacompréhension d'un thème particulier. L’observateur, lui, prend des notes. A la fin de ladiscussion, les grands points abordés sont retranscrits sur un tableau et sont directement validéset complétés ou nuancés par le groupe.

Cette technique présente plusieurs avantages. Ainsi, elle :- crée une ambiance favorable qui permet au groupe, par cet aspect ludique, de rentrer

rapidement dans le vif du sujet et d’apporter une information pertinente ;- permet de commencer à traiter le sujet de façon assez large et de l’approfondir

progressivement et rapidement ;- préserve la liberté de chacun par une construction collective de l’image ;- permet une intervention minimum du chercheur de façon à laisser le terrain le plus ouvert

possible et ne pas influencer (non-directivité) ;- inclut la retranscription immédiate ce qui permet de valider directement l’information et de

faciliter et accélérer le traitement de l’information ;- offre une plus grande facilité à gérer le groupe car chacun a la parole et plusieurs personnes

ne parlent pas en même temps ;- fait émerger des questions posées par le groupe qui peuvent être intéressantes à retenir pour la

constitution du questionnaire.

A posteriori, au regard des avantages décrits ci-dessus, de la satisfaction des participantset du peu d’inconvénients rencontrés, cette méthodologie était effectivement bien adaptée afind'investiguer ce thème. Elle a en effet a permis de libérer la parole et d’aborder rapidement desthèmes sensibles et difficilement verbalisables.

1.4.3.Collecte de données et réalisation d’entretiens tests

Avant d’animer les groupes de discussion avec les infirmiers des hôpitaux sélectionnés,une formation préliminaire de l’animateur et un pré-test de la méthode utilisée étaientnécessaires. Pour ce faire, nous avons rassemblé deux groupes d’étudiants en soins infirmiers etun groupe d’infirmiers. Le premier groupe était composé de l'animateur (un chercheur del'équipe) et de 6 étudiants de licence en sciences de la santé publique ayant déjà une petiteexpérience de travail en milieu hospitalier. Le second était composé de 6 étudiants enspécialisation psychiatrique ayant peu d’expérience hospitalière (stages et jobs). Le troisièmegroupe était constitué de 5 infirmiers. Ces tests ont été concluants. D'une part, il ont permis uneformation de l'animateur et, d'autre part, une atteinte de nos objectifs de recherche (faire émergerchez les infirmiers leur concept de soi professionnel et les éléments influençant celui-ci).

1.4.4.Analyse des données

Pour la Wallonie et Bruxelles, les résultats des quatre groupes focus et du troisièmegroupe test ont été analysés par deux chercheurs différents utilisant des modes d’analysedifférents. Ceci a permis une triangulation de l’analyse des données et l’atteinte d’un consensussur les dimensions à retenir. Comme nous l’avons mentionné plus haut, la Flandre a utilisé uneapproche légèrement différente pour animer ses groupes focus. Recueillir des données via desméthodes différentes a permis une seconde triangulation source d’une meilleure cohérence et

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pertinence dans l’élaboration des dimensions du concept analysé. Les résultats du groupe focusmené dans l’hôpital psychiatrique étant trop spécifiques à cette spécialité, nous n'en avonspas tenu compte dans l'analyse suivante2.

1.5. Résultats généraux

Avant d’analyser plus en détail les différentes dimensions retenues, il est intéressant de constaterque les propos des infirmiers ayant participé aux groupes focus nous ont également permis deconfirmer la pertinence de nos hypothèses de départ.

? L’influence du contexte sur le concept de soi professionnel semble bien réel aux dires desinfirmiers. En effet, lorsque nous leur demandons de parler de ce qu’ils font et de ce qu’ils sont, ceux-ci éprouvent de grandes difficultés. Leurs réponses glissent rapidement sur des éléments de contexte etchacun sait combien les revendications actuelles sont nombreuses au niveau de la profession. Se définiret dire ce qu’ils font semble terriblement difficile ; les infirmiers ne commencent à y penser qu’une foisle contexte mis de côté… ce qui n’empêche pas l’image donnée de rester bien souvent floue et délicateà préciser. Les infirmiers ont difficile à se dire, à se montrer, à dévoiler ce qu’ils font. Ce n’est pasnouveau certes et nombre de recherches s’attaquent actuellement à ce défi qu’est la définition du(des)soin(s) infirmier(s).

? Le contexte ne sert pas seulement d’excuse à une difficulté de se dire. Il se vit aussi comme un murqu’on ne peut franchir, qui empêche d’accéder à cet idéal de soins infirmiers qui semble si difficile àatteindre. En effet, les groupes focus montrent combien la situation est difficile au niveau du vécu desinfirmiers. Ils sont visiblement frustrés, déçus de ne pas pouvoir exercer leur profession comme ilsl’ont toujours rêvé. L’idéal semble bien loin… loin derrière ce mur qu’ils ne peuvent franchir. Un murqui pourrait mener certains à faire demi-tour et à quitter la profession (« Soigner ne doit pas êtrequ’exécuter les ordres médicaux, je ne le supporterais pas »3).

? Outre l’influence de ce contexte qui semble terriblement pesant aux professionnels infirmiers, nouspouvons noter de nombreuses tensions entre le concept de soi professionnel et l’image qu’ils pensentque les autres professionnels ont de la profession infirmière. L’exemple le plus classique concerne bienentendu ce que les infirmiers pensent de l’image que certains médecins peuvent encore avoir de leursrôles («ils croient qu’on est juste là pour exécuter leurs ordres»). Cependant, nous percevons bien dansle discours des soignants que le problème de méconnaissance des rôles ne concerne pas seulement lemédecin. Les infirmiers pensent aussi que les autres professionnels, et même les patients, ne savent pastoujours réellement ce qu’ils peuvent attendre des infirmiers («Les autres professionnels ne savent pasvraiment ce qu’on fait, souvent cela se résume aux toilettes»). Reste qu’il s’agit là des perceptions desinfirmiers et non réellement de celles des médecins ou des patients. Cependant, si de telles imagesexistent encore actuellement (ce qui serait certainement utile à analyser), nous pouvons comprendrecertaines tensions qui rendent le travail difficile et peuvent, là aussi, mener les infirmiers à vouloirquitter la profession. Le constat n’est certes pas réjouissant, mais comment pourrait-il l’être si lesinfirmiers ont tant de difficultés à se dire, à exprimer qui ils sont, à dévoiler ce qu’ils font et quelle estleur contribution spécifique au système de soins de santé actuel.

2 Suite à cette spécificité, il a été décidé de ne pas prendre en compte les hôpitaux psychiatriques pour la suite

de l’étude.3 Les phrases en italiques reprennent des propos d’infirmières participant aux groupes cibles.

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Quatre dimensions principales ont finalement été retenues comme constituant le concept de soiprofessionnel : la compétence et la formation, les soins infirmiers et l’équipe. La notion de satisfaction,fort présente, a finalement été considérée comme un élément inclus dans les autres dimensions. Outreces dimensions, il est également apparu utile d’intégrer dans le questionnaire la notion deresponsabilité. N’étant apparue de manière explicite que du côté francophone du pays, cette notion n’apas été retenue comme dimension principale.

1.6. Dimensions retenues et élaboration du questionnaire

Après la mise en commun des résultats de l'UCL et de la KUL, un consensus a été trouvé quantaux dimensions constitutives du concept de soi professionnel. Un accord a également été trouvé quantaux variables de contexte devant être prises en compte dans l’étude. Une validation des résultats a étéréalisée de manière indirecte lors du pré-test du questionnaire. Le temps alloué pour la recherche nenous a pas permis de valider directement les dimensions et sous-dimensions retenues auprès desgroupes focus d’où venait l’information ou auprès d’un grand nombre de professionnels de terrain. Ils’agit probablement là d’une des limites de l’étude. Notons cependant que le groupe de chercheurs acréé une commission d’encadrement (constituée d’experts dans le domaine des soins infirmiers maisaussi de psychologues, de sociologues et d'un pédagogue) afin d’assurer la qualité du processus et desrésultats de la recherche. Cette commission a été consultée afin de valider l’interprétation réalisée.

Les dimensions développées ci-dessous sont issues d’une triple réflexion provenant de l’étude dela littérature, des résultats des groupes cibles et des discussions du groupe pilote de la recherche.

Ces dimensions ont été cernées via des définitions qui, loin d’être formelles ou exhaustives,permettent surtout à l’équipe de recherche de bien comprendre le concept tel qu’il apparaissait dans lesgroupes focus. Ces définitions ont également permis de décomposer les différentes dimensions ensous-dimensions à investiguer au niveau du questionnaire. Voyons à présent plus en détail lesdimensions retenues.

La compétence

La compétence peut se définir comme étant la capacité spontanée d’intégrer, de mobiliser et detransférer un ensemble de ressources (connaissances, savoirs, aptitudes, raisonnements et attitudes)dans un contexte donné pour faire face aux différents problèmes rencontrés ou pour réaliser une tâche(Le Bortef, 1997). C’est en résumé une combinatoire entre connaissance, aptitude et attitude dans uncontexte donné. L’analyse des données montre en effet combien la compétence, et surtout sa dimensionde connaissances, est centrale dans la pratique des soins infirmiers.

«Il faudrait plus de trois ans pour acquérir les compétences nécessaires à l’exercice de laprofession». «Il faut des connaissances, mais sans le savoir-faire, cela ne sert à rien».

«Kwaliteit van zorg kan je alleen geven als je een professioneel opgeleide verpleegkundigebent». ‘«Theoretische kennis heb je nodig om te weten wat je gaat vertellen aan de patiënt»’

Nous reprenons la compétence comme première dimension, non pas pour son importance dans lediscours des infirmiers, mais parce qu’elle est un préalable essentiel à une pratique professionnelle dequalité. Il semble en effet impensable pour les infirmiers de pratiquer sans posséder un certain nombrede connaissances. Les interviews posent cependant la question du type de connaissances utilisées, carsi les connaissances médicales sont régulièrement citées, les connaissances spécifiquement infirmièresle sont beaucoup moins.

«On a augmenté le niveau de connaissances intellectuelles, mais on déborde parfois sur le rôledu médecin. On apprend des choses auxquelles on n’aura jamais accès».

«In het algemeen zijn wij uitvoerders van gedelegeerde medische handelingen».

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Notons enfin que certains infirmiers ne considèrent pas la connaissance seulement comme unpréalable mais aussi comme devant faire l’objet de perfectionnements réguliers. Si la connaissance estessentielle, elle ne suffit pas à l’exercice de la profession. Un infirmier compétent semble aussi avoirbesoin de développer certaines attitudes (de responsable, de leader, d’assurance, …) et aptitudes(intellectuelles et cognitives, instrumentales et techniques, sociales et communicatives). Ces troiséléments (connaissances, attitudes et aptitudes) sont repris comme sous-dimensions.

«L’infirmière a un esprit de synthèse important. Elle sait faire le topo d’un patient en moins detrois minutes». «On a du feeling, on sent les choses quand cela ne tourne pas rond avec un patient».

Les soins infirmiers

La seconde dimension qui transparaît au niveau des groupes focus concerne la dimension dessoins. Les définitions nous ayant permis d’aborder ce concept sont premièrement celle du «skilledcompanionship» qui définit les soins infirmiers comme «une pratique fondée sur l’exigence morale defavoriser le bien-être des patients en prenant soin d’eux dans le cadre d’une relation personnelle entrele patient et l’infirmière. Cette relation a pour but d'apporter au patient l'aide dont il a besoin poursupporter l'impact de la maladie et des traitements. Les actes infirmiers posés sont inspirés par le soucihumain du bien-être du patient et ce au sens le plus large du terme (physique, psychique, relationnel,social, moral, spirituel). Les soins sont donc une intégration harmonieuse des compétences et de lasollicitude et demandent un haut degré d'implication de la part des infirmière qui à la fois exécutentcertaines tâches et accompagnent le patient» (Bishop et Scudder, 1990). La seconde définition est cellede Watson «Les soins infirmiers consistent en un processus intersubjectif d’humain à humain quinécessite un engagement au caring en tant qu’idéal moral et de solides connaissances. Le but des soinsinfirmiers est d’aider la personne à atteindre un plus haut niveau d’harmonie entre son âme, son corpset son esprit. Le soin commence quand l’infirmière entre dans le champ phénoménal d’une autrepersonne et perçoit, ressent et répond au vécu de l’autre de manière à lui permettre de laisser aller dessentiments ou des pensées qu’il rêvait de laisser aller» (Watson, 1998). Les groupes focus réalisésmontrent en effet combien la notion d’accompagnement du patient éclaire la pratique. Ils montrentaussi que soigner ne se limite pas à cela, à l’interaction avec le patient. Soigner c’est aussi unemultitude d’autres actions qui concourent indirectement au bien-être du patient.

«Soigner, c’est accompagner le patient pendant la vie, les épreuves à surmonter et jusqu’à lamort». «On se décharge de beaucoup de choses sur les infirmières. Nous, nous le faisons pour que lepatient soit bien ou le mieux possible. On pallie la désorganisation des autres car on se sentresponsable du patient».

«Verpleegkundige zorg is professionele zorg aan hulpbehoevenden. Het is het zinvol zorgbesteden, het is niet zomaar deelnemen aan het proces van het maken van een product, marketing enzorgen dat het verkocht raakt. Het is een zinvolle activiteit , werken met mensen. Het is socialecontacten hebben met patiënten, familie en uw team»

Outre la notion d’accompagnement, différentes sous-dimensions ont été retenues pour laconstruction du questionnaire. Elles se basent sur le discours des infirmiers mais aussi sur desréférentiels d’évaluations utilisés dans un établissement d’enseignement en soins infirmiers (ISSIG,2001). Les principales sous-dimensions retenues sont présentées à la figure 1. Elles ont guidé larecherche d’items pertinents à intégrer dans le questionnaire.

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Fondementsthéoriques

Collecte de donnéesAnalyse et interprétation

PlanificationEvaluation

Démarchede soins

Poser un jugement diagnostique,thérapeutique et éthique

Continuité des soins

Equipe

Communicationhors patient

Processus de soins

Rôle de collaborationSoins techniques

Communication & relationPatient au coeur des soins

Participation à la rechercheQualité des soins

Manager dans l'équipeFormation des étudiants

Flexibilité - créativitéDimension éthique

Tâches diverses

Rôles infirmiers

ExpertiseActeur du système de santé

Investissement professionnelResponsabilité

Spécificité professionnelleAutonomie

Engagement professionnelRéalisation de soi

Caring ou prendre soins

Figure 1 : Sous-dimensions de la dimension "soins infirmiers"

L’équipe

La troisième dimension s’intéresse à l’infirmier comme membre d’une équipe pluri- ouinterdisciplinaire. La définition retenue est la suivante : «L’équipe est le groupe de professionnelstravaillant avec le bénéficiaire de soins et unissant leurs efforts et leurs compétences pour répondre auxproblèmes de santé, aider ou soulager la personne»4. Deux niveaux sont à distinguer : l’équipeinfirmière et l’équipe pluri(inter)disciplinaire. Les membres de l’équipe poursuivent un but commun,des objectifs de rendement communs et une même façon d’aborder la situation, pour lesquels ils sesentent mutuellement responsables et interdépendants5. Pour pouvoir parler d’équipe, il faut un espritd’équipe, un sentiment d’appartenance, du soutien et du respect de la part des collègues ainsi quepouvoir compter les uns sur les autres6». Ces définitions combinées aux résultats des groupes focuspermet aisément de retirer les différentes sous-dimensions qui sont : l’esprit d’équipe, le sentimentd’appartenance, le soutien et le respect des collègues. Si ces éléments devraient pouvoir rendre comptede la manière dont l’infirmier se perçoit comme membre d’une équipe, il semble déjà important denoter que les groupes focus ont permis de nuancer fortement cette notion d’équipe en fonction dedifférents niveaux. En effet, lorsqu’il parle d’équipe, l’infirmier pense essentiellement à l’équipeconstituée par les infirmiers et autres préposés au bénéficiaire, mais n’y inclut pas spontanément lesacteurs de ce que l’on pourrait appeler l’équipe pluridisciplinaire. Si nous lui demandons d’aller plusloin dans sa perception de l’équipe, l’infirmier y inclut tout d’abord le médecin, ensuite le kiné, et enfinles autres paramédicaux. En outre, il apparaît clairement que l’infirmier ne se perçoit pas spontanémentcomme faisant partie d’une institution ou d’un groupe professionnel au sens large du terme.

«On collabore dans une équipe avec les médecins, chacun a quelque chose à dire et est sur lemême pied (…) l’infirmière est une composante d’une équipe mais en fait, il n’y a pas de réel travaild’équipe».

«Teamwerk is heel belangrijk. Het is belangrijk dat je als team goed samenhangt. Ik vind hetbelangrijk dat je een goede werksfeer hebt. Ook met de dokters, maar vooral zelf, onder onzecollega’s»

4 Adaptation de la définition du dictionnaire Larousse5 L’équipe. Comment en tirer les avantages, Guide, Affaires indiennes et du Nord Canada surhttp://www.ainc-inac.gc.ca/ai/ldr/th2a_f.pdf6 Résultats tirés des groupes focus KUL

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La satisfaction

Enfin, la quatrième dimension touche au concept de satisfaction. Au sens le plus large du terme,nous pouvons la considérer comme le sentiment de plaisir que l’infirmier éprouve globalement face àson travail ou par rapport à certains aspects de celui-ci. Il sera donc intéressant d’analyser cela autravers des tensions pouvant exister entre le concept de soi des professionnels infirmiers et l’imageidéale qu’ils ont ; ceci pour toutes les dimensions et sous-dimensions de leur travail (ici apparaît bien lecaractère transversal de la satisfaction). Nous pouvons en effet identifier dans des propos exprimés quede nombreuses tensions existent entre la réalité et l’idéal ou encore entre ce qui est vécu et souhaité.Reste à vérifier si l’intensité de ces tensions est telle qu’elle influence négativement la satisfactiongénérale face à la profession exercée et suscite l’envie de quitter celle-ci. Les résultats quantitatifspermettront certainement d’affiner cette première analyse.

«C’est usant, car il y a toujours un rapport de force, rarement de confiance et de collaboration».«Dans la pratique, on manque de temps, on doit laisser tomber des choses, notamment tout le dialogueavec le patient».

La responsabilité

Parallèlement à la notion d'équipe, nous voyons également émerger la notion de responsabilité.L’infirmier se sent responsable de nombreux éléments : du patient, de sa famille et de sonenvironnement, de lui-même et de la mise à jour de ses connaissances, de son comportement vis-à-visde l’équipe infirmière, parfois de l’organisation, mais presque jamais de la vie associative assurant lareprésentativité de la profession. Cette responsabilité semble donc d’autant plus importante (etpesante ?) qu’on touche aux intérêts du patient. Elle l’est d’autant moins qu’on s’éloigne de celui-ci.Rappelons cependant que cette notion de responsabilité est apparue de façon plus explicite dans lesgroupes cibles francophones que dans les groupes cibles néerlandophones.

«Les soins infirmiers sont des actions que je pose de manière autonome et avec responsabilitépour la prescription, l’action et l’évaluation». « N’importe qui ne peut pas faire ce métier car il y a unminimum de responsabilités et de choses à savoir».

«Sommige dagen ga ik gefrustreerd naar huis. Want dan ga je naar huis en denk je van, ik hebzo hard gewerkt en toch heb ik de zaken die echt had willen doen niet kunnen doen».

1.7. Conclusion

Cette approche qualitative fut sans conteste d’un grand apport pour cette recherche. Outre le faitqu’elle nous a permis d’affiner les concepts relevés dans la littérature, elle nous a surtout apporté lesdimensions culturelle et contextuelle qui nous faisaient défaut. Ces groupes focus ont non seulementvalidé l’information issue de la littérature mais l’ont également complétée et affinée. La longue périodeque nous avons consacrée à l’organisation et la réalisation de cette approche qualitative sera valoriséepar la qualité, la précision, la pertinence et la fiabilité du futur questionnaire.

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2. Elaboration de l'instrument de mesure : phase 2

2.1. Structure du questionnaire

Le questionnaire a été mis au point sur la base des résultats de l'étude de la littérature et de larecherche qualitative, et en concertation avec un groupe de travail constitué d'experts (commissiond'encadrement interne).

Le questionnaire se structure en cinq volets:Volet 1: Données démographiquesVolet 2: Formation & compétenceVolet 3: Soins infirmiersVolet 4: EquipeVolet 5: Contexte des soins

Le premier volet propose une série de questions générales relatives aux données personnelles(données démographiques, niveau de formation, caractéristiques du département, …). Le deuxièmevolet du questionnaire comporte des questions relatives à la formation et à la compétence desinfirmiers. Les questions ayant trait à la tâche soignante des infirmiers et aux soins prodigués par lesinfirmiers constituent le troisième volet du questionnaire. Ce volet sonde également la qualité des soinsdonnés. Les questions du volet quatre s'intéressent au fonctionnement de l'équipe. Le questionnaire setermine par une série de questions liées au contexte de soins (management infirmier, mesurespubliques, image de la société, …). Notons enfin que les notions de satisfaction et de responsabilitésont été introduites de manière transversale dans l'outil de recherche.

2.2. Sélection des questions

L'implémentation du questionnaire s'est appuyée sur l'étude de la littérature (instrumentsexistants), les résultats de la recherche qualitative ainsi que certains schémas de pensée en matière d'artinfirmier. Ce qui a débouché dans un premier temps sur un questionnaire de 210 questions.Cette version du questionnaire a été soumise pour validation à une série d'experts. Il a tout d'abord étéfait appel à l'expertise des membres de la commission d'encadrement interne. La diversité desdisciplines (infirmiers, sociologue, psychologue, …) et de l'expertise (chercheurs, professeurs,responsables de la politique, …) au sein de ce groupe faisait de cette commission d'encadrement unforum intéressant pour la validation de cet instrument.Parallèlement, le questionnaire a été soumis à quatre chercheurs infirmiers. Tandis qu'un premier testpilote était déjà organisé avec 6 infirmiers/ères des Universitaire Ziekenhuizen Gasthuisberg.

Tant les experts que les chercheurs infirmiers ont émis les deux mêmes grandes remarques. Toutd'abord, le questionnaire a été jugé trop long. Le temps de remplissage s'étendait de trois quarts d'heureà une heure. De plus, la formulation de certaines questions a été qualifiée de trop abstraite.

Sur la base du feed-back des experts et des infirmiers, le questionnaire a été sensiblementmodifié et réduit à 67 questions.

Un nouveau test pilote a été organisé. Cette fois, le questionnaire a été soumis à une infirmière,une infirmière cadre et un chercheur infirmier.Suite au feed-back du deuxième test pilote, le groupe de chercheurs a remanié une dernière fois lequestionnaire. Ce remaniement a débouché sur un questionnaire final de 52 questions. Le questionnairefinal figure en annexe 1.

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3. Déroulement de l’enquête

3.1. Sélection des hôpitaux

Tous les hôpitaux belges (à l'exception des hôpitaux psychiatriques) ont été invités par écrit àparticiper au projet. La lettre d'accompagnement envoyée aux hôpitaux expliquait brièvement l'enquêteet proposait, en annexe, un bulletin-réponse permettant à chaque hôpital de poser sa candidature.

76 hôpitaux ont retourné leur bulletin de participation, dont 66 souhaitaient participer àl'enquête. Il s'agissait respectivement de 37, 23 et 6 hôpitaux des Régions flamande, wallonne etbruxelloise.

Pour la constitution de l'échantillon, nous avons choisi de nous concentrer sur les hôpitauxgénéraux. Ceci a entraîné l'exclusion des hôpitaux spécialisés et gériatriques. Concrètement, cela s'esttraduit, au sein du pool d'hôpitaux candidats, par l'exclusion de respectivement 8 et 3 hôpitaux pour lesRégions flamande et wallonne.

3.2. Critères de constitution de l'échantillon

La constitution de l'échantillon s'est fondée autant que possible (et selon le taux de réponse) surles quatre critères de sélection suivants : statut de l'hôpital, région, taille et nature de l'hôpital.

3.2.1.Statut de l'hôpital

La constitution de l'échantillon a respecté la répartition des hôpitaux privés et publics tellequ'elle existe au niveau des Régions. En Wallonie, 53% des hôpitaux sont privés, contre 55% àBruxelles et 68% en Flandre. Nous retrouvons approximativement cette répartition dansl'échantillon pour la Flandre et la Wallonie, avec une légère déviation pour Bruxelles en faveurdes hôpitaux privés (voir tableau E). De même, la proportion de lits d'hôpitaux privés et publicsest bien respectée en ce qui concerne la Flandre et la Wallonie, avec à nouveau un léger écart enfaveur des lits d'hôpitaux privés pour Bruxelles.

Tableau E : Vue d'ensemble des hôpitaux (et du nombre de lits) privés et publics en Belgique et dansl'échantillon

HOPITAUX GENERAUX EN BELGIQUEeWALLONIE FLANDRE BRUXELLES

Nb 25 59 11(%) (53%) (68%) (55%)Lits 8673 18497 5571

PRIVE

(%) (51%) (61%) (65%)Nb 22 28 9(%) (47%) (32%) (45%)Lits 8382 12034 2942

PUBLIC

(%) (49%) (39%) (35%)Nb 47 87 20TOTALLits 17001 30531 8513

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ECHANTILLONWALLONIE FLANDRE BRUXELLES

Nb 4 7 2(%) (50%) (64%) (67%)Lits 1545 4280 1287

PRIVE

(%) (47%) (61%) (89%)Nb 4 4 1(%) (50%) (36%) (33%)Lits 1741 2779 154

PUBLIC

(%) (53%) (39%) (11%)Nb 8 11 3TOTALLits 3286 7059 1441

3.2.2.Région

L'échantillonnage s'est voulu représentatif de chaque région. Ce qui implique que lasélection des hôpitaux par province et pour la Région Bruxelloise a tenu compte autant quepossible (selon le taux de réponse) du nombre effectif d'hôpitaux dans ces régions (voirtableau F).

Tableau F : Vue d'ensemble des hôpitaux volontaires et sélectionnés dans l'échantillon par région

WALLONIE

Hainaut Liège Luxembourg Namur BrabantWallon

Volontaires 7 9 1 2 1

Nombre d'hôpitauxdans l'échantillon

2 3 1 1 1

FLANDRE

Anvers Limbourg Flandreorientale

BrabantFlamand

Flandreoccidentale

Volontaires 11 2 7 4 5

Nombre d'hôpitauxdans l'échantillon

3 1 3 2 2

BRUXELLES

Volontaires 6

Nombre d'hôpitauxdans l'échantillon

3

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3.2.3.Taille de l'hôpital

La taille de l'hôpital est un autre critère qui a été pris en compte dans la constitution del'échantillon. Selon leur taille, les hôpitaux ont été subdivisés en trois catégories:- Catégorie 1: 250 – 400 lits- Catégorie 2: 400 – 600 lits- Catégorie 3: > 600 litsLa constitution de l'échantillon visait une représentation aussi équitable que possible deshôpitaux des trois catégories respectives (voir tableau G).

Tableau G : Vue d'ensemble de l'échantillon en fonction de la taille des hôpitaux

Taille des Hôpitaux

Nombre de lits Wallonie Flandre Bruxelles

250 – 400 lits 3 4 2

400 – 600 lits 3 3 -

> 600 lits 2 4 1

3.2.4.Nature de l'hôpital

Le dernier critère utilisé pour la constitution de l'échantillon tenait compte de la nature del'hôpital (voir tableau H). Une distinction a été opérée entre:- Hôpital universitaire- Hôpital général à caractère universitaire -Hôpital général

La constitution de l'échantillon visait à inclure ces trois catégories dans chaque région.

Tableau H : Vue d'ensemble de l'échantillon en fonction de la nature des hôpitaux

NATURE DES HOPITAUX

Nature de l'institution Wallonie Flandre Bruxelles

Hôpital général 6 7 1

Hôpital général à caractèreuniversitaire

1 2 1

Hôpital universitaire 1 2 1

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3.3. Résumé concernant l'échantillon final

Au total, l'échantillon comporte 22 hôpitaux répartis sur les trois régions du pays.

Pour la Flandre :

A.Z. Middelheim (Antwerpen), Antwerpen, O.C.M.W., 987 litsKliniek Heilig Hart (Mol), Antwerpen, V.Z.W., 180 litsA.Z. Klina (Brasschaat), Antwerpen, V.Z.W., 436 litsVirga Jesse Ziekenhuis (Hasselt), Limburg, Autonome Verzorgingsinstelling, 567 litsUniversitair Ziekenhuis (Gent), Oost-Vlaanderen, Openbare Universiteit, 1059 litsA.Z. St.-Elisabeth (Zottegem), Oost-Vlaanderen, V.Z.W., 304 litsA.Z. Maria Middelares – St. Jozef (Gent), Oost-Vlaanderen, V.Z.W., 554 litsUniversitair Ziekenhuis K.U.L.(Leuven), Vlaams-Brabant, Vrije Universiteit, 1667 litsA.Z. H. Hart – Mariëndal (Tienen), Vlaams-Brabant, V.Z.W., 352 litsH.-Hartziekenhuis (Roeselare), West-Vlaanderen, V.Z.W., 674 litsKliniek O.L.Vr. Van Lourdes (Waregem), West-Vlaanderen, V.Z.W., 279 litsTOTAL Flandre : 7059 lits (60%)

Pour la Wallonie

Centre Hospitalier Régional du Val de Sambre (Auvelais), Hainaut, Intercommunale, 407 litsCentre Hospitalier de Jolimont – Lobbes (Haine-Sainte-Paul), Hainaut, A.S.B.L., 714 litsCentre Hospitalier Universitaire de Liège, Liège, Etat Communauté, 729 litsSt.-Nikolaus Hospital (Eupen), Liège, Association d'util. Public, 177 litsClinique André Renard (Herstal), Liège, A.S.B.L., 160 litsI.F.A.C. - Princesse Paola (Marche-en-Famenne), Luxembourg, A.S.B.L., 246 litsCentre Hospitalier Régional de Namur (Namur), Namur, Organisme de droit public, 428 litsClinique St-Pierre (Ottignies), Brabant Wallon, A.S.B.L., 425 litsTOTAL Wallonie: 3286 lits (28%)

Pour Bruxelles

Cliniques Universitaires St.-Luc, Bruxellles, A.S.B.L., 944 litsInstitut Jules Bordet, Bruxelles, C.P.A.S., 154 litsAlgemene Kliniek St. Jan, Brussel, V.Z.W., 343 litsTOTAL Bruxelles : 1441 lits (12%)

3.4. Collecte des données

Une fois connue la composition définitive de l'échantillon, tous les hôpitaux ont été informés parlettre de leur inclusion ou non dans l'échantillon.Ce courrier invitait également les hôpitaux sélectionnés pour l'enquête à une réunion d'information etde rencontre organisée par le groupe de chercheurs.

Cette réunion s'est tenue début juillet 2002. Au cours de cette réunion, les collaborateurs duprojet ont été présentés. Les objectifs de l'enquête, son organisation ainsi que le développement del'instrument de mesure ont été également exposés.Cette réunion fut également l'occasion de préciser les modalités de collaboration avec les hôpitauxrespectifs.

La collecte effective des données a eu lieu pendant les trois premières semaines de septembre2002. A titre de promotion de l'enquête, un poster a été distribué dans les hôpitaux participants par legroupe de chercheurs.

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Le groupe de chercheurs n'a pas imposé de méthode de travail bien précise pour l'organisationconcrète de la collecte des données, laissant les hôpitaux participants libres de choisir leur méthode decollecte des données.Il a été proposé que les coordinateurs du projet élaborent avec chaque hôpital individuel une méthodede travail pour la collecte des données.Le planning complet de la collecte des données est illustré schématiquement dans le tableau I.

Tableau I : Planification de la collecte de données

Planification Période Août Septembre Octobre

Prise de contact avec leshôpitaux

19 au 30 août 2002

Recueil des données 2 au 20 sept. 2002

Retour des questionnairescomplétés à Leuven

23 au 27 sept. 2002

Encodage des données 30 sept. Au 18 oct. 02

3.5. Sélection des répondants

La sélection des répondants s'est basée sur les critères d'inclusion suivants:? Infirmiers (A1 et A2) en contact direct avec les patients? Infirmiers cadres

Et sur les critères d'exclusion suivants:? Assistants infirmiers et apparentés

3.6. Taux de réponse

Il a été demandé à chaque hôpital participant combien d'infirmiers étaient susceptibles departiciper à l'enquête. Ce chiffre est repris pour chaque hôpital dans la deuxième colonne du tableau J.Les questionnaires complétés ont été recueillis dans chaque hôpital par le coordinateur de projet. Cenombre figure pour chaque hôpital dans la troisième colonne. Le taux de réponse a ensuite été calculépar hôpital. La moyenne nationale du taux de réponse s'élève à 71,22%, avec une moyenne respectivede 75,09%, 71,58% et 51,57% pour la Flandre, la Wallonie et Bruxelles.

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Tableau J : Vue d'ensemble des taux de réponse

Nom de l'institution Potentiel Nombre dequestionnaires

remplis

Taux deréponse del'institution

FLANDRE

A.Z. Heilig Hart Mariëndal 285 191 67,02%A.Z. Klina 468 283 60,47%A.Z. Maria Middelares – St. Jozef 589 534 90,66%A.Z. Middelheim 1060 798 75,28%A.Z. St. Elisabeth 269 243 90,33%Heilig Hartziekenhuis 980 866 88,37%Kliniek Heilig Hart 190 166 87,37%Kliniek O. L. Vr. Van Lourdes 285 268 94,04%Universitair Ziekenhuis Gent 1519 1086 71,49%Universitair Ziekenhuis K.U.L. 2661 1827 68,66%Virga Jesse Ziekenhuis 640 456 71,25%TOTAL FLANDRE 8946 6718 75,09%

WALLONIE

Centre hospitalier Jolimont-Lobbes 483 350 72,46%Centre Hospitalier Régional de Namur 487 305 62,63%Centre hospitalier Régional de Val de Sambre 240 173 72,08%Centre Hospitalier Universitaire de Liège 1125 837 74,40%Clinique André Renard 124 92 74,19%Clinique Saint-Pierre 285 191 67,02%I.F.A.C. 295 252 85,42%St. Nikolaus-Hospital 142 77 54,23%TOTAL WALLONIE 3181 2277 71,58%

BRUXELLES

Cliniques Universitaires Saint-Luc 1187 484 40,78%Institut Jules Bordet 219 137 62,56%Algemene Kliniek Sint Jan 425 325 76,47%TOTAL BRUXELLES 1831 946 51,57%TOTAL NATIONAL 13958 9941 71,22%

Sur un total de 9941 questionnaires reçus, 9638 étaient utilisables pour l'analyse des réponses.Les chiffres respectifs sont donc de 6477 (67%), 2233 (23%) et 928 (10%) pour la Flandre, la Wallonieet Bruxelles.

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3.7. Analyses statistiques

Dans un premier temps, une analyse descriptive ainsi que des tests paramétriques et nonparamétriques ont été réalisés sur l'ensemble des données au niveau national et régional (voirannexe 2).

Afin d'obtenir une image plus nuancée pour certains sous-groupes dans la profession, lesvariables pertinentes (l'âge, le sexe, le niveau de formation, les formations complémentaires, lafonction, le service, le pourcentage de temps de travail, l'ancienneté et le sentiment de compétence) ontfait l'objet d'analyses croisées avec certains items du questionnaire. Cette analyse a été uniquementréalisée sur base des données nationales (voir annexe 2).

Pour les questions 27a "En tant qu'infirmière, à quel point vous sentez-vous compétente pour lesaptitudes suivantes…" et 27b "Chez une infirmière, quelle importance accordez-vous en général auxaptitudes suivantes…", une analyse factorielle a été réalisée. En supprimant les item concernant lesaptitudes logistiques et administratives, l'analyse factorielle nous donne un modèle clair etcorrectement interprétable de 6 facteurs. Le détail de ces facteurs et l'arrangement des items constitutifssont proposés dans les tableaux des pages suivantes.

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Tableau k : Question 27a " En tant qu'infirmière, à quel point vous sentez-vous compétente pour les aptitudes suivantes…?"’

Facteur1 Facteur2 Facteur3 Facteur4 Facteur5 Facteur6

Capacités sociales et communicatives

Communiquer avec les partenaires médicaux 0.77727 0.15932 0.12149 0.08664 0.16608 0.19355

Communiquer avec les médecins 0.76863 0.21545 0.00392 0.11972 0.17754 0.17494

Communiquer avec les collègues infirmiers 0.74308 0.13595 0.21925 0.14829 -0.07282 0.12898

Reformuler (traduire les explications du médecin au patient et à sa famille) 0.60165 0.17764 0.16636 0.14381 0.36301 0.07105

Communiquer avec les familles 0.60110 0.03373 0.41826 0.05154 0.16565 0.13355

Informer et éduquer 0.51415 0.13383 0.20282 0.12532 0.49325 0.09344

Capacités intellectuelles et cognitives

Créativité 0.14773 0.78880 0.11464 0.08522 0.23422 0.17309

Flexibilité 0.20874 0.77644 0.19501 0.07131 0.08334 0.16697

Transfert de connaissances 0.18637 0.70037 0.08572 0.25315 0.21835 0.14005

Attitude de Caring

Sollicitude 0.16727 0.14481 0.83340 0.16211 0.04010 0.07349

Construire une relation professionnelle avec le patient 0.21225 0.09880 0.73314 0.02473 0.34217 0.09617

Assumer la responsabilité des soins 0.25284 0.28119 0.52759 0.35043 0.11823 0.08480

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Capacités instrumentales et techniques

Aptitudes à dispenser des soins thérapeutiques et diagnostiques 0.13941 0.21981 0.00129 0.80334 0.14187 0.05013

Aptitudes à dispenser les soins de base 0.11949 0.05688 0.22104 0.79677 -0.05292 0.08789

Rédiger un rapport écrit 0.12532 0.06144 0.12362 0.51208 0.20774 0.41160

Attitude critique et scientifique

Attitude scientifique 0.17185 0.23376 0.05101 0.08461 0.76284 0.15157

Attitude critique 0.16915 0.20833 0.31694 0.06315 0.68383 0.15705

Capacités d'organisation

Déléguer des soins 0.20332 0.17637 0.08430 0.12444 0.13113 0.82382

Organiser le travail en fonction de la collaboration avec les autres professionnels 0.25974 0.27011 0.10778 0.11330 0.14352 0.74735

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Tableau l: Question 27b " Chez une infirmière, quelle importance accordez-vous en général aux aptitudes suivantes…?"

Facteur1 Facteur2 Facteur3 Facteur4 Facteur5 Facteur6

Capacités sociales et communicatives

Communiquer avec les médecins 0.82412 0.15230 0.07067 0.17000 0.11887 0.11333

Communiquer avec les paramédicaux 0.76763 0.13284 0.11142 0.09131 0.19728 0.26012

Communiquer avec les collègues infirmiers 0.76723 0.14882 0.18743 0.19219 0.01821 0.08277

Communiquer avec la famille 0.61209 0.12767 0.40469 0.08113 0.07087 0.11397

Reformuler (traduire les explications du médecin au patient et à sa famille) 0.61028 0.16456 0.27207 0.06699 0.28342 0.07548

Informer et éduquer 0.57661 0.15048 0.28229 0.05770 0.34669 0.09859

Capacités intellectuelles et cognitives

Créativité 0.15288 0.81962 0.13264 0.04664 0.17910 0.20814

Flexibilité 0.23095 0.79501 0.15073 0.09676 0.12345 0.13386

Transfert de connaissances 0.15743 0.74516 0.17467 0.18601 0.10706 0.13735

Attitude de caring

Sollicitude 0.20902 0.14346 0.82275 0.13715 0.10799 0.12594

Construire une relation professionnelle avec le patient 0.26999 0.15521 0.73607 0.06226 0.28301 0.12535

Prendre ses responsabilités dans les soins 0.26319 0.20013 0.63913 0.28296 0.08947 0.00796

Capacités instrumentales et techniques

Aptitudes à dispenser des soins thérapeutiques et diagnostiques 0.14648 0.13556 0.11946 0.82271 0.06061 -0.01049

Aptitudes à dispenser les soins de base 0.11153 0.02847 0.18618 0.77950 -0.06329 0.05665

Rédiger un rapport écrit 0.14768 0.16040 0.02199 0.57493 0.25185 0.29362

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Attitude critique et scientifique

Attitude scientifique 0.23181 0.18731 0.10749 0.11337 0.80520 0.14429

Attitude critique 0.25325 0.19261 0.33478 0.01433 0.70405 0.14450

Capacités d'organisation

Déléguer des soins 0.13685 0.19247 0.10098 0.09854 0.12609 0.84200

Organiser le travail en fonction de la collaboration avec les autresprofessionnels

0.27296 0.22897 0.12304 0.09948 0.12836 0.75080

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Chapitre 4. RESULTATS

1. Description de l’échantillon

Le texte qui suit présente uniquement les principales données descriptives de l'échantillon.Des données plus précises concernant l'échantillon sont disponibles à l'annexe 2.

1.1. Age, sexe et statut civil

L’échantillon de cette étude est constitué d’environ un homme pour six femmes (voir tableau 1).Nous constatons donc que la présence masculine tend à croître dans une profession traditionnellementfort féminine. Notons que cette tendance semble plus prononcée en Flandre (17,1% d'hommes) qu'enWallonie (14,4%) ou à Bruxelles (13,2%) et qu'elle ne concerne ici qu'un échantillon exclusivementhospitalier.

Les personnes interrogées sont âgées de 20 à 65 ans. L'âge moyen est de 37 ans(SD ? 9 ans et demi) (voir tableau 2) et la carrière moyenne d'environ 15 ans (SD ? 9 ans et demi) (voirtableau 19). Ce chiffre de 15 ans semble contredire une idée largement répandue concernant la courte"durée de vie" dans la profession. En étudiant les classes d'âges, on se rend compte que les personnessont moins nombreuses surtout après 45 ans. L’âge le plus souvent rencontré est de 23 ans. Aucunedifférence significative n'est à signaler en fonction des régions.

L'idée d'une profession constituée essentiellement de femmes célibataires n'est plus en accordavec les chiffres rencontrés actuellement sur le terrain. En effet, seuls 21% des infirmiers sontactuellement célibataires alors que 72% d'entre eux vivent en couple. Notons également que 60% despersonnes interrogées vivent avec un enfant au moins sous le même toit. Signalons enfin qu'àBruxelles, un plus grand nombre de personnes célibataires sont présentes (27,6% vs 19% pour laFlandre et 23,8% pour la Wallonie) et vivent sans enfant (près de 46,5%) (voir tableau 4).

1.2. Formation de base et formation complémentaire

L'échantillon est constitué essentiellement d'infirmiers gradués et/ou d'accoucheuses (environ ¾de l'échantillon) et d'un nombre plus faible d'infirmiers brevetés (environ ¼). Notons que cesproportions varient fortement d'une région à l'autre (voir tableau 5).

Parmi les infirmiers ayant participé à cette étude, environ un tiers (31,3%) a suivi une formationcomplémentaire faisant suite au diplôme infirmier de base. Ce chiffre varie fortement d'une région àl'autre. Il est près de deux fois plus élevé à Bruxelles (49,5% vs 27,5% en Flandre et 34,7% enWallonie). La spécialisation en soins infirmiers est la formation complémentaire la plus suivie (15,7%)avec une forte variation entre les régions (13,6% pour la Flandre, 17,6 en Wallonie et 25,4 àBruxelles). Viennent ensuite l’école des cadres (8,9%), la formation complémentaire non universitaire(6,6%), la licence en sciences de la santé publique (3,8%) et enfin, les autres formations universitaires(1,6%). Notons cependant que, hormis l'école des cadres pour laquelle la différence statistique n'est passignificative, l'ensemble des formations connaît un plus grand succès à Bruxelles qu'en Wallonie et enFlandre (voir tableau 5).

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1.3. Fonction exercée

82,2% des personnes constituant l'échantillon exercent une fonction d’infirmier de chevet et4,5% sont accoucheuses (voir tableau 7). Pour le reste, nous retrouvons essentiellement des infirmierschefs de service (5,7%) ou chefs adjoints (2%), des infirmiers de référence pour l'institution (3,3%) oudes infirmiers relais pour le service (4,1%). Un certain nombre de postes nouvellement "réglementés"sont également présents : cadre infirmier (1%), infirmier en hygiène hospitalière (0,3%) et coordinateurqualité (0,2%). Ces chiffres nous montrent notamment l'importance de l'émergence de nouvellesfonctions dans la profession (infirmier de référence pour l'institution ou le service). Hormis pour lenombre de cadres intermédiaires (0,7% en Flandre, 1,3% en Wallonie et 1,8% à Bruxelles ; p=0,001),le nombre d'infirmiers en santé communautaire (0,7% en Flandre, 0,2% en Wallonie et 0,1% àBruxelles ; p=0,001) et le nombre d'infirmiers chercheurs (1,2% en Flandre, 0,2% en Wallonie et 1,7%à Bruxelles ; p=0,000), il n'y a aucune différence significative entre les régions.

1.4. Modalités du travail

57,4% du personnel infirmier interrogé dans cette étude travaille à temps plein (voir tableau 9).Ici aussi des différences apparaissent entre les régions. En effet, ce pourcentage est de 63,1% enWallonie contre 58,2% à Bruxelles et 55,3% en Flandre. Quoi qu'il en soit, on voit apparaître icil'importance du phénomène du travail à temps partiel qui touche entre 36,9% et 44,7% des personnesselon les régions.

D'autres données concernant les modalités de travail nous apprennent qu'environ 41,1% despersonnes travaillent exclusivement de jour et 50,1% sont amenées à travailler de jour et de nuit (voirtableau 10). Il n'y a pas de différence significative à ce niveau entre les régions (p=0,072). Trois quartdes personnes interrogées travaillent au moins un week-end par mois (80% en Wallonie) (voir tableau12) et près de 15% font encore des horaires coupés (voir tableau 13). Ce dernier chiffre varie fortemententre les régions étant donné qu'il n'est que de 4,1% à Bruxelles contre 11,4% en Wallonie et 16.8% enFlandre (p=0,000).

1.5. Conclusion

Pour conclure, le profil type d’un infirmier de notre échantillon est assez simple à se représenter.Nous sommes face à une population majoritairement féminine, de moins de 45 ans et présentant 15 ansde carrière en moyenne. Les infirmiers d'aujourd'hui vivent en ménage, souvent avec un enfant aumoins vivant sous le même toit. Ils possèdent un diplôme d’infirmier gradué et ont souvent suivi uneformation complémentaire (de 30% à 50% selon les régions). Ils travaillent autant à temps partiel qu'àtemps plein, combinent (un fois sur deux) des horaires de jours et de nuit et travaillent au moins unweek-end par mois.

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2. Analyse descriptive des résultats

On envisagera successivement l'image professionnelle des infirmiers concernant leurs compétences, lessoins infirmiers et l'équipe. Pour terminer on analysera l'impact du contexte de soins sur cette imageprofessionnelle.

Le texte qui suit présente uniquement les principaux résultats. Des données plus précises sontdisponibles à l'annexe 2.

2.1. Image de soi des infirmiers en relation avec la compétence

Les infirmiers se trouvent très compétents dans l'exercice de leur profession. En effet, 85% desrépondants au niveau national se trouvent compétents à très compétents pour faire face à leur travailquotidien contre seulement 0,9% s'estimant incompétents ou plutôt incompétents (tableau 28). Lemême constat peut être fait au niveau des trois régions du pays.Ci-dessous nous présentons les aspects les plus importants de cette compétence en reprenant lescapacités et attitudes dans lesquelles les infirmiers se trouvent le plus ou le moins compétents. Nousprésentons également les capacités et attitudes qu'ils estiment prioritaires ou les moins importantes.Ensuite, nous analyserons quels sont les éléments constitutifs de la compétence et quels sont leséléments dans lesquels il semble nécessaire (aux yeux des infirmiers) d'investir pour favoriser ledéveloppement et l'optimalisation des compétences. Pour finir, un certain nombre d'élémentsconcernant la formation permanente seront envisagés.

2.1.1.Importance des savoirs constitutifs de la compétence

41,8% des répondants trouvent que le savoir-faire pratique et technique est prioritairepour travailler comme infirmier. Le savoir (31,6%) et le savoir-faire intellectuel (30,5%)viennent respectivement en deuxième et troisième places. Le savoir-être (27,6%) vient endernière position (tableau 25a).On perçoit ici un certain nombre de différences entre les régions (tableaux 25a et b). En Flandre,le savoir est perçu comme une priorité par un nombre plus important d'infirmiers (35,2%) encomparaison avec la Wallonie (21,5%) et Bruxelles (30,3%). Par contre les infirmiers wallons etbruxellois donnent plus d’importance au savoir-faire pratique et technique (respectivement49,7% et 47% vs 38,3%), au savoir-faire intellectuel (respectivement 44,1% et 44,2% vs 23,9%)et au savoir être (respectivement 38,8% et 39,7% vs 22%) que les infirmiers flandriens.

2.1.2.Aptitudes et attitudes spécifiques

Les personnes interrogées devaient spécifier à quel point elles se sentaient compétentespar rapport à un certain nombre d'aptitudes et d'attitudes spécifiques. Ensuite, elles devaientdéfinir quelle importance elles accordaient à ces mêmes aptitudes et attitudes.Suite à ces questions, nous pouvons voir au niveau national que les infirmiers se sentent le plussouvent "très compétents" au niveau des aptitudes à dispenser des soins de base (41,5%) et desaptitudes à dispenser des soins thérapeutiques et diagnostiques (37,4%). Assurer laresponsabilité des soins (34,1%), la sollicitude (34,0%) et la communication avec le patient(30,8%) viennent respectivement en troisième, quatrième et cinquième positions (tableau 27a).En ce qui concerne l'importance accordée aux différents items, les cinq items prioritaires pourles répondants sont les aptitudes thérapeutiques et diagnostiques (49,1%), le fait d'assumer laresponsabilité des soins (45,7%), la communication avec le patient (44,9%), les aptitudes àdispenser des soins de base (36,5%) et la démarche systématique en soins infirmiers (31,6%).Cela montre que quatre des cinq aptitudes ou attitudes estimées comme prioritaires sontégalement celles pour lesquelles les soignants se sentent "très compétents". Néanmoins, il

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apparaît que les pourcentages pour le sentiment de compétence et l'importance accordés à unemême capacité ne sont pas nécessairement aussi élevés. Ainsi, par exemple, 49,1% desinfirmiers trouvent les aptitudes diagnostiques et thérapeutiques prioritaires alors que seulement37,4% se trouvent "très compétents" à ce niveau (tableau 27a).Les aptitudes techniques propres aux différents appareillages (8,0%), la délégation d'activitésde soins (8,1%), l'attitude scientifique (8,2%) et les aptitudes administratives (7,0%) sont lesaptitudes ou attitudes pour lesquelles les répondants se disent le plus souvent “incompétents" ou"plutôt incompétents". Les aptitudes logistiques (34,6%), administratives (15,7%) et ladélégation d'activités de soins (8,9%) sont les aptitudes ou attitudes perçues comme les "moinsimportantes" par les répondants (tableau 27a).Lorsque nous comparons les résultats pour les trois régions, il y a un certain nombre dedifférences à prendre en compte (tableaux 27b, c et d). Seuls certains exemples sont repris ci-après. Davantage d'infirmiers bruxellois se sentent "très compétents" dans les aptitudes àdispenser des soins de base (respectivement 50,8% vs 41,7% pour la Wallonie et 40,1% pour laFlandre) et dans les aptitudes diagnostiques et thérapeutiques (46,1% vs 39,2% pour la Wallonieet 35,5% pour la Flandre). A côté de cela, les infirmiers bruxellois et les wallons accordent plusd'importance que les flandriens aux aptitudes à dispenser des soins de base (respectivement45,5% et 43,5% vs 32,2%) et aux aptitudes diagnostiques et thérapeutiques (respectivement57,5% et 54% vs 45,5%). Contrairement à Bruxelles (23,5%) et à la Wallonie (20,3%),davantage d'infirmiers flandriens (41,1%) trouvent les aptitudes logistiques “peu importantes".Pour terminer, les infirmiers wallons se trouvent plus souvent (11,9%) "très incompétents" à"incompétents" que les infirmiers bruxellois (6,8%) ou flandriens (5,4%) concernant lesaptitudes administratives.

2.1.3.Contribution au développement des compétences

Les trois principaux éléments qui, selon les infirmiers interrogés, ont une contribution"grande" à "très grande" sur le développement de leur niveau de compétence actuel sont leurpropre pratique et réflexions (90%), la formation de base d'infirmier ou d'accoucheuse (73,2%)et l'échange d'expériences et de connaissances avec les collègues infirmiers (67%) (tableau 23a).L'échange de connaissances et d'expériences avec les étudiants infirmiers (57,8%), l'échange deconnaissances et d'expériences avec des collèges d'autres disciplines (39,9%) et une formationcomplémentaire qui mène à un certificat (38,3%) sont les trois éléments les plus importants quin'ont "pas de contribution" ou une "faible contribution" sur le niveau de compétence actuel(tableau 23a).Pour les items concernant l'apport de la formation universitaire, des spécialisations et de lalecture de littérature spécialisée, nous avons analysé s'il existait des différences entre lesinfirmiers avec ou sans formations complémentaires (universitaire ou non). Concernant laformation universitaire, il apparaît que seulement 47,3% des personnes ayant une licence ensciences de la santé publique et 48,2% des personnes ayant suivi d'autres formationsuniversitaires trouvent que la formation universitaire a un impact "grand" ou "très grand" surleur niveau de compétence actuel. Davantage d'infirmiers universitaires (respectivement 45,6%et 48,3% pour les licenciés en sciences médico-sociales et hospitalières et pour les autresformations universitaires) trouvent que la lecture de la littérature spécialisée a un impact"grand" ou "très grand" sur le développement de leurs compétences actuelles. Pour les personnessans formation complémentaire, ce chiffre est de 24,0% alors qu'il est de 30,8% pour lespersonnes avec une formation complémentaire non-universitaire (tableau 23a).

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Les questions en relation avec la contribution des spécialisations en soins infirmiers et de laformation universitaire ont été remplies par un certain nombre de personnes ne possédant pas cesdiplômes. Ils nous donnent probablement ainsi un regard indirect sur la contribution qu'ilspensent que de telles formations peuvent avoir. Ainsi, 89,2% des personnes sans formationcomplémentaire et 73% des personnes avec une formation complémentaire non universitaireestiment que la formation universitaire n'a "pas" ou "peu" d'impact sur le niveau de compétence.Ces pourcentages élevés contrastent nettement avec ceux des personnes ayant réellement suivices formations. En effet, seul 22,1% d'infirmiers licenciés en sciences médico-sociales ethospitalières et 27,2% d'infirmiers possédant une autre licence sont de cet avis (tableau 23a).Enfin, les infirmiers avec ou sans formation complémentaire (universitaire ou non) on égalementdes avis différents quant à l'impact des spécialisations en soins infirmiers. En comparaison avecles 41,8% d'infirmiers sans formation complémentaire, 71% des personnes avec une formationcomplémentaire non universitaire et 62,1% et 68,6% des personnes avec formation universitaire(respectivement licenciés en sciences médico-sociales et hospitalières et autres licenciés)trouvent que les spécialisations en soins infirmiers ont un impact "grand" à "très grand" sur ledéveloppement des compétences.Un autre résultat important concerne le fait que 85,3% des répondants trouvent que l’essentiel dela formation s’acquiert à l’hôpital, au chevet du patient (tableau 46). Moins positif est le faitque 66,3% des infirmiers au niveau national disent n'être "pas du tout d'accord" ou "plutôt pasd'accord" avec le fait que les nouveaux infirmiers qui sortent de l’école sont aptes à exercerconvenablement leur métier (tableau 46).Entre les différentes régions, il y a un certain nombre de différences à prendre en considération(tableaux 23b, c et d). En comparaison avec les wallons (53,5%), les infirmiers licenciés ensciences médico-sociales et hospitalières de Flandre (66,1%) et de Bruxelles (66,6%) trouventdavantage que les spécialisations en soins infirmiers ont une contribution “grande” à “trèsgrande” sur le niveau actuel de compétence.A Bruxelles, davantage de personnes avec une formation complémentaire non universitaire(79,5%) trouvent que les spécialisations en soins infirmiers ont une contribution "grande" ou"très grande" sur leur niveau de compétence actuel. En comparaison, ce chiffre est de 70% enFlandre et de 69,4% en Wallonie. Pour finir, comparé à la Flandre (52%), on trouve plusd'infirmiers avec formation universitaire (hors sciences de la santé publique) en Wallonie(79,2%) et à Bruxelles (77,7%) qui trouvent que les spécialisations en soins infirmiers ont unecontribution "grande" à "très grande" sur le niveau de compétence actuel.Toujours en lien avec la contribution d'une formation universitaire au développement descompétences, on retrouve deux fois plus de personnes sans formation complémentaire àBruxelles (comparé à la Flandre et à la Wallonie) qui trouvent que la formation universitaire aune "grande" ou "très grande" contribution au développement des compétences. Lespourcentages sont respectivement de 10,7% versus 4,9% et 4,4%. De plus, en Flandre, onretrouve davantage d'infirmiers licenciés en sciences médico-sociales et hospitalières (54,7%)qui pensent que la formation universitaire a une "grande" ou "très grande" contribution audéveloppement des compétences. A Bruxelles et en Wallonie, les chiffres sont respectivement de44% et 38,2%. Pour finir, on retrouve davantage d'infirmiers bruxellois avec une autre formationuniversitaire (62,9%) qui pensent que la formation universitaire a une "grande" ou "très grande"contribution au développement des compétences. Les chiffres sont de 42,9% en Wallonie et de40,9% en Flandre (tableau 23 b, c en d).Une dernière différence est à prendre en compte lorsqu'on regarde la contribution de la lectureprofessionnelle au développement des compétences. On retrouve à Bruxelles (51,3%) et enFlandre (48,8%) d'avantage d'infirmiers licenciés en sciences médico-sociale et hospitalières quiestiment que la lecture de la littérature professionnelle a une "grande" ou "très grande"contribution au développement des compétences. Ce chiffre est de 36,9% pour la Wallonie(tableau 23 b, c en d).

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2.1.4.Investissements utiles pour optimaliser le niveau actuel de compétence

95,2% des répondants au niveau national sont d'avis qu'il existe certains domaines danslesquels il faut investir afin d'améliorer le niveau de compétence des infirmiers (tableau 24a).Concernant cette question, il n'y a pas de différence à prendre en considération entre lesdifférentes régions (tableau 24a).Parmi les domaines dans lesquels il faudrait investir, un domaine est bien plus demandé que lesautres : la formation permanente (60%). Les autres domaines importants soulignés sont laformation de base en soins infirmiers ou d'accoucheuse (43,1%), l'échange de connaissances etd'expériences avec les collègues infirmiers (31,6%) et les spécialisations en soins infirmiers(30,0%). Des résultats plus détaillés sont fournis au niveau du tableau 24b.Lorsqu'on compare les résultats entre les différentes régions, trois grandes différencesapparaissent (tableau 24b). Premièrement, il y a davantage d'infirmiers bruxellois (66,6%) ouwallons (64,1%) qui trouvent qu'il est important d'investir dans les formations permanentes(contre 58,3% en Flandre). Deuxièmement, davantage d'infirmiers flandriens (32,4%) accordentune priorité aux spécialisations en soins infirmiers comparé aux infirmiers wallons (25,6%) etbruxellois (23,9%). Troisièmement et pour conclure, il y a une différence à prendre enconsidération concernant l'échange de connaissances et d'expériences avec les collèguesinfirmiers. En Wallonie, on trouve qu'il faut davantage y investir (36,8%) qu'en Flandre (30,2%)et à Bruxelles (29,7%).

2.1.5.Résultats quant à la formation permanente

85,8% des infirmiers interrogés sont "plutôt d'accord" ou "entièrement d'accord" avec lefait que la possibilité de pouvoir participer régulièrement à des formations permanentes leurdonne beaucoup de satisfaction et 85,2% trouvent que les formations permanentes auxquelles ilsparticipent contribuent à améliorer la qualité des soins qu'ils donnent (tableau 26a). De plus,73,7% des répondants signalent que, pour eux, la formation permanente est une priorité .Cependant, environ un infirmier sur quatre (26,7%) trouve que la formation permanente a une"faible contribution" voir "pas de contribution" sur son niveau actuel de compétence (tableau 23)et 34,4% disent qu'ils ne cherchent pas eux-mêmes des possibilités de se former (tableau 26 a).Enfin, relevons que 40,8% des infirmiers disent qu'ils ne consultent pas régulièrement lalittérature professionnelle (articles, livres,…). Il n'y a pas de différence à relever ici entre lesrégions (tableaux 26 b, c et d).

2.2. Image de soi professionnelle des infirmiers par rapport aux soins infirmiers

Cette partie reprendra successivement un certain nombre de points ayant un lien direct avec lamission soignante des infirmiers. Nous présenterons d'abord les aspects prioritaires de la missioninfirmière et nous analyserons un certain nombre de conditions importantes pour la réalisation de celle-ci. Ensuite, après avoir analysé certains aspects complémentaires, nous étudierons l'influence del'environnement de travail et de la pénurie sur le travail infirmier. Enfin, un certain nombre de résultatsconcernant la qualité des soins clôtureront cette partie.

2.2.1.Aspects prioritaires dans la mission infirmière

Au niveau national, les infirmiers voient principalement leur contribution aux soins d'unpoint de vue médico-technique et, plus particulièrement, dans le fait de viser la guérison dupatient (40,2%) et dans la détection des problèmes de santé et des complications éventuelleschez le patient (36,2%) (tableau 29a). A la troisième place vient le fait de vouloir adapter lessoins en fonction de chaque patient (35,4%) (tableau 29a). Ensuite, plus d'un infirmier surquatre trouve prioritaire de favoriser le bien-être du patient à travers une bonne relation d'aideet de soins (28,8%), le fait de dispenser les soins de bases strictement nécessaires (26,8%) et

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d'apporter au patient l’aide dont il a besoin pour vivre avec sa maladie et son traitement(26,8%).Aux yeux des infirmiers, les aspects les moins importants concernent le fait de chercher, avec lepatient, une réponse créative à ses soucis et problèmes (15,9%) et de défendre les intérêts dupatient auprès des autres professionnels et de l’organisation hospitalière (16,9%).Pour les trois régions, les classements effectués au niveau des domaines prioritaires ne montrentpas de différence (tableaux 29b, c et d). Une exception par rapport à cela concerne le fait de viserla guérison du patient. Cet aspect est davantage décrit comme prioritaire par les infirmierswallons (49,8%) que par les infirmiers bruxellois (39,8%) ou flandriens (37%).

2.2.2.Conditions importantes pour réaliser la mission infirmière

Comme résultat important au niveau national, notons que 72,9% des répondants trouvent"très important" ou "prioritaire" le fait de discuter des problèmes de soins avec les collèguesinfirmiers (tableau 31a). Ensuite viennent respectivement avec 70,6%, 63,8% et 62,5% le faitd'entretenir une bonne relation de travail avec les médecins, entretenir une bonne relation detravail avec les supérieurs hiérarchiques et se concerter avec l'équipe interdisciplinaire. Lesaspects signalés le plus souvent comme "peu importants" sont : le fait de soigner régulièrementles mêmes patients (12,6%) et le fait d'agir selon ses propres valeurs étiques (10,4%).Il est à noter cinq grandes différences entre les trois régions (tableaux 31b, c en d). Ainsi, lenombre d'infirmiers qui trouvent "très important" ou "prioritaire" de prendre librement desdécisions en matière de soins et le fait de soigner régulièrement les mêmes patients est beaucoupplus grand en Flandre et à Bruxelles qu'en Wallonie. Les pourcentages pour la Flandre etBruxelles et la Wallonie sont respectivement de 62%, 62,1% et 48,3% pour le fait de prendrelibrement des décisions en matière de soins et de 58,2%, 57,6% et 49,2% pour le fait de prendreen charge régulièrement les mêmes patients. Une autre différence à prendre en compte concernele fait d'entretenir une bonne relation avec les médecins et avec les supérieures hiérarchiques.On retrouve beaucoup plus d'infirmiers en Flandre qui trouvent ces aspects "très importants" ou"prioritaires". Les chiffres pour la Flandre, Bruxelles et la Wallonie sont respectivement de77%, 66,5% et 54% pour le fait d'entretenir de bonnes relations de travail avec les médecins etde 75,1%, 52,2% et 36,1% pour le fait d'entretenir de bonnes relations avec les supérieurshiérarchiques. Pour terminer, les infirmiers bruxellois (56%) et flandriens (51,6%) sont plusnombreux que les infirmiers wallons (41,6%) à trouver "très important" ou "prioritaire" le faitd'agir selon ses propres valeurs éthiques.

2.2.3.Aspects complémentaires dans les missions infirmières

95,1% des répondants au niveau national sont "plutôt d'accord" ou "entièrement d'accord"avec le fait qu'aider les autres membres de l'équipe soignante à progresser professionnellementfasse partie de la mission infirmière (tableau 30a). 89% sont "plutôt d'accord" ou "entièrementd'accord" avec le fait que contribuer à la formation des étudiants en sois infirmiers fasseégalement partie de leur mission et 83,6% que les infirmiers doivent participer à des recherchesen soins infirmiers. En outre, 68,5% des répondants sont "pas du tout d'accord" ou "plutôt pasd'accord" avec le fait qu'exécuter des tâches administratives fasse partie de la mission infirmière.Cet item présente de grandes différences suivant les régions du pays (tableaux 30b, c et d).Comparé à la Flandre (34,1%), moins d'infirmiers wallons (26,5%) et bruxellois (25,2%) sont"plutôt d'accord" ou "entièrement d'accord" avec le fait que les tâches administratives fassentpartie de la mission infirmière.

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2.2.4.Influence de l'environnement de soins sur la mission infirmière

Des informations importantes apparaissent lorsqu'on analyse l'influence du contexte desoins sur le fonctionnement des infirmiers et des services infirmiers (tableau 32a).88,9% des infirmiers interrogés au niveau national disent qu'ils peuvent “souvent” ou “toujours”travailler de façon autonome. Ensuite, viennent respectivement avec 85,4% et 81,1% le fait deposséder l'information nécessaire pour prodiguer de bons soins et le fait de pouvoir justifier lesdécisions prises en matière de soins. L'analyse par région permet de donner les mêmes tendancespar rapport à ces résultats. Néanmoins, les flandriens sont plus nombreux que les wallons etbruxellois à dire qu'ils peuvent "souvent" ou "toujours" réaliser ces activités au cours de leurdernière journée de travail. Ainsi, par exemple, les infirmiers bruxellois et wallons disentrespectivement pour 79,7% et 78% avoir "souvent" ou "toujours" les informations nécessairespour prodiguer de bons soins (contre 88,8% en Flandre).

Regardons maintenant les tâches que les infirmiers ont le moins l'occasion d'effectuer.Respectivement 62,9% et 60,9% des infirmiers au niveau national ne savent “jamais” ou“rarement” discuter des problèmes éthiques des patients au sein de l'équipe et consacrer dutemps à discuter avec les étudiants. En outre, 57,4% et 44,4% des répondants ne savent “jamais”ou “rarement” consacrer du temps à établir une relation personnelle avec le patient et adapterleur organisation aux souhaits personnels des patients. Aussi, il apparaît que 34,5% del'échantillon ne sont “jamais” ou “rarement” créatifs dans leurs pratiques de soins. Pour finir,respectivement 31,4% et 30,6% des personnes interrogées ne savent “jamais” ou “rarement”évaluer systématiquement le résultats de leurs soins et prendre le temps de recueillir les donnéesnécessaires concernant les patients.

Au niveau des régions, il y a de grandes différences à prendre en considération (tableaux32b, c et d). Comparés à la Flandre, les wallons et les bruxellois se situent systématiquementplus souvent dans les catégories "jamais" ou "rarement" lorsqu'on leur demande s'ils ont eul'occasion de réaliser certaines activités particulières au cours de leur dernière journée de travail.La différence la plus importante se situant entre la Flandre et la Wallonie. Ainsi, par exemple,65,5% des infirmiers wallons et 57,2% des bruxellois disent qu'ils ne savant "jamais" ou"rarement" adapter leur organisation aux souhaits du patient (contre 35% en Flandre). Un autreexemple montre que beaucoup plus d'infirmiers wallons (76,9%) ou bruxellois (71,7%) queflandriens (56,9%) disent qu'ils ont "jamais" ou "rarement" le temps de discuter des problèmeséthiques concernant les patients.

2.2.5.Influence des contraintes de temps sur la mission infirmière

On a demandé aux infirmiers de signaler, dans une liste proposée à priori, quelles étaientles tâches qu'ils auraient du exercer durant leur dernière journée de travail et qu'ils n'ont puréaliser par manque de temps. 32,4% des infirmiers interrogés ont signalé ne pas avoir eu letemps pour écouter les préoccupations du patient et 30,6% pour répondre à un souhait ou unedemande spécifique d’un patient (tableau 37). Pour les massages de confort et l'éducation dupatient et de sa famille, les pourcentages sont de 23,4% et 19,9%.Il y a trois grandes différences entre les régions (tableau 37). La première concerne les tâchesd'éducation du patient et de sa famille. Deux fois moins d'infirmiers en flandriens (14,9%) quewallons (31%) ou bruxellois (27,4%) rapportent ne pas avoir su réaliser ces soins. La secondedifférence a été enregistrée concernant la prévention des escarres. A Bruxelles (5,3%) et enFlandre (3,4%), les infirmiers disent mois souvent ne pas avoir le temps de se préoccuper de ceproblème. Le pourcentage pour cet item est de 7,9% pour la Wallonie. Enfin, les infirmiersbruxellois (21%) et wallons (20,4%) disent plus souvent ne pas avoir le temps d'adapter lesplans de soins que les infirmiers flandriens (12,3%).

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2.2.6.Qualité des soins

91% des répondants au niveau national décrivent la qualité des soins qu'ils ont donnédurant leur dernière journée de travail comme “excellente” ou “bonne” (tableau 33). Il n'y a pasde grande différence en fonction des régions. Lorsqu'on regarde au niveau de la qualité de soinsdonnés au niveau du service, 89,3% des infirmiers au niveau national signalent que celle-ci est“excellente” ou “bonne” (tableau 34). Ici non plus on n'observe pas de différence importanteentre les trois régions du pays (tableau 34).A la question demandant si les infirmiers pensent que les patients sont prêts à se prendre encharge lorsqu'ils quittent l'hôpital on remarque que 44,3% en sont "peu convaincus" ou "pas dutout convaincus" (tableau 35). Il n'y a aucune différence importante à relever entre les régions(tableau 35).Pour finir, on a également demandé dans quelle mesure le fait d’avoir fait appel à des aidesinfirmiers et/ou du personnel non infirmier pour soigner les patients influence la qualité dessoins dispensés dans l'unité. Selon 43,3% des répondants au niveau national la qualité s'estaméliorée, selon 41,6% elle est restée la même et selon 15,1% elle a été détériorée (tableau 36).Pour ces résultats, il y a une différence importante entre les différentes régions. Seulement22,2% des infirmiers wallons et 30,6% des bruxellois qui ont répondu trouvent que la qualités'est améliorée contre 50,8% en Flandre. La différence est aussi importante au niveau de ladétérioration : seulement 10% en Flandre estiment que la qualité s'est détériorée contrerespectivement 27,1% et 27,8% en Wallonie et à Bruxelles.

2.3. Image de soi des infirmiers concernant ses relations à l'équipe

Pour les infirmiers, l'équipe semble être un élément prioritaire par rapport à leur fonctionnementquotidien. Nous analyserons donc ci-dessous quelle importance les infirmiers accordent à cette notiond'équipe, comment ils s'y sentent et quelle est la place qu'ils y occupent actuellement.

2.3.1.Importance de l'équipe infirmière

La majorité des infirmiers au niveau national se sentent responsables des actes qu'ilsdélèguent (96,1%) et co-responsables du bon fonctionnement de l'équipe (95,4%). Pour 96,1%le sentiment d'appartenance à l'équipe infirmière est important et 89,3% des répondants ontbesoin d'un bon chef d'équipe qui partage sa vision des soins infirmiers. Pour finir, 83,9% desrépondants trouvent que le bon fonctionnement de l'équipe dépend du leadership du chefd'équipe (tableau 38a). Lorsque l'on analyse les différences entre les régions, on ne note aucunedifférence en relation avec ces items (tableaux 38 b, c en d).

2.3.2.Place de l'infirmier dans l'équipe

91,5% des infirmiers interrogés au niveau national se considèrent comme un partenaire àpart entière de l'équipe pluridisciplinaire, 88,6% peuvent compter sur leurs collègues dans dessituations de soins difficiles et 88,4% savent précisément ce que leur supérieur hiérarchiqueattend d'eux. Néanmoins, 49% des répondants ne se voient pas comme ayant une place centraledans la coordination des soins au sein de l'équipe pluridisciplinaire (tableau 38a). Cettedernière donnée a été analysée en fonction du niveau de formation des infirmiers et de lafonction occupée dans l'institution (voir annexe 2 tableau 57a-h). Il apparaît ainsi que 47,3% desinfirmiers sans formation complémentaire trouvent que dans leur pratique actuelle ils ont uneplace centrale dans la coordination des soins au sein de l'équipe pluridisciplinaire. Ce chiffreest plus élevé dans les autres catégories. Il est respectivement de 58,0% pour les personnes avecune formation complémentaire non universitaire et de 64,9% pour les personnes ayant uneformation complémentaire universitaire (voir tableau 57e).

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Concernant la place dans l'équipe, 89,3% des infirmiers du groupe 3 (infirmiers en chef, adjointset cadres intermédiaires) trouvent que dans leur pratique actuelle ils ont une place centrale dansla coordination des soins au sein de l'équipe pluridisciplinaire. Seulement 47,7% des infirmiersdu groupe 1 (infirmiers, accoucheuses, infirmier sociale,…) et 53,6% des infirmiers du groupe 2(infirmiers spécialistes, hygiéniste, coordinateur qualité) sont de cet avis (voir tableau 57a).Si l'on analyse ces résultas en fonction des régions, un certain nombre de différencesapparaissent également. Davantage d'infirmiers sans formation complémentaire à Bruxelles(59,1%) trouvent que dans leur pratique actuelle ils ont une place centrale dans la coordinationdes soins au sein de l'équipe pluridisciplinaire. Seuls 43,2% d'infirmiers flandriens et 46,7% dewallons sont de cet avis. Par contre, autant d'infirmiers sans formation complémentaire ou avecune formation complémentaire non universitaire estiment que dans leur pratique actuelle ils ontune place centrale dans la coordination des soins au sein de l'équipe pluridisciplinaire(respectivement 59,1% et 58,9%). Cet équilibre ne se retrouve ni en Flandre (respectivement43,2% et 56,1%), ni en Wallonie (respectivement 46,7% et 62,1%). Pour finir, les infirmiersuniversitaires wallons et bruxellois estiment davantage que les flandriens que dans leur pratiqueactuelle ils ont une place centrale dans la coordination des soins au sein de l'équipepluridisciplinaire. Les chiffres sont respectivement de 71,2%, 70,2% et 58,1% (voir tableau 57f,g et h). Nous remarquons aussi qu'en Wallonie (55,6%) et à Bruxelles (56,7) davantaged'infirmiers du groupe 1 (infirmiers, accoucheuses,…) pensent que dans leur pratique actuelleils ont une place centrale dans la coordination des soins au sein de l'équipe pluridisciplinaire.En Flandre, seul 43,7% pensent de même. Cela concerne également les infirmiers du groupe 2(respectivement 62,7%, 64,2% et 50,0% pour la Wallonie, Bruxelles et la Flandre) et, dans unemoindre mesure, les infirmiers du groupe 3 (respectivement 94,6%, 89,1% et 87,1% pour laWallonie, Bruxelles et la Flandre) (voir tableau 57b, c et d).

Outre ces résultats, notons également qu'un infirmier sur quatre (25%) n'est "pas du toutd'accord" ou "plutôt pas d'accord" de dire que les médecins avec lesquels il travaillereconnaissent l'utilité de ses interventions et 20,6% disent que les autres disciplines(kinésithérapeutes, logopèdes, psychologues, …) n'ont pas de respect quant à la contribution desinfirmiers dans les soins. Pour finir 17,9% ne sont "pas du tout d'accord" ou "plutôt pasd'accord" de dire que l'équipe infirmière est d'accord sur les objectifs de soins à poursuivre.Des résultats importants en lien avec les relations entre médecins et infirmiers montrent que43,3% des infirmiers au niveau national trouvent qu'il n'y a pas beaucoup de travail d'équipeentre les médecins et les infirmiers. Pour finir, un peu plus d'un infirmier sur quatre trouve queles médecins et les infirmiers n'ont pas de bonnes relations de travail (29,1%) (tableau 40a).En relation avec ces résultats, trois grandes différences existent entre les régions (tableaux 38 b,c et d). Ainsi, le nombre d'infirmiers qui trouvent qu'ils n'ont pas une place centrale dans lacoordination des soins au sein de l'équipe pluridisciplinaire est plus grand en Flandre (53,2%)qu'en Wallonie (40,9%) et à Bruxelles (39,7%). A côté de cela, davantage d'infirmiers wallons(89%) et bruxellois (87%) que flandriens (79,1%) trouvent que l'équipe infirmière est d'accordsur les objectifs de soins à poursuivre. Pour finir, les infirmiers flandriens trouvent davantage(91,3%) qu'ils savent précisément ce que leur supérieur hiérarchique attend d'eux. Lespourcentages pour cet item sont seulement de 84,2% à Bruxelles et 81,9% en Wallonie. Aucunedifférence entre les régions n'apparaît cependant concernant les relations entre infirmiers etmédecins (tableau 40b, c et d).

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2.4. Influence du contexte sur l'image de soi professionnelle des infirmiers

Dans cette partie différents facteurs contextuels seront envisagés successivement. Certainsconcerneront directement les pratiques au sein des institutions hospitalières (le leadership, l'autonomie,les relations infirmiers-médecins et infirmiers-paramédicaux et l'image des infirmiers) d'autres, plusgénéraux, concerneront l'image de la société ou encore les mesures structurelles et financières prises oupouvant être prises dans le cadre de la pénurie en soins infirmiers. Enfin, différents points serontenvisagés. Ils évoqueront la fierté des infirmiers face à leur profession, la satisfaction au travail et lesperspectives de carrière.

2.4.1.Leadership

Presque tous les infirmiers au niveau national (97,1%) estiment qu'il est important que ladirection des soins infirmiers soit en contact avec la réalité du terrain . En outre, 63,8% desinfirmiers trouvent que la transmission de l’information de la direction vers les infirmiers ne sepasse pas très bien.Un autre élément à prendre en considération concerne les "feed-back" donnés par le supérieurhiérarchique. 84,2% des infirmiers pensent qu'un feed-back régulier de la part des supérieurshiérarchiques est important pour la qualité du travail. A côté de cela, il est utile de noter queprès de la moitié des infirmiers (48,9%) se disent "plutôt pas d'accord" ou "pas du tout d'accord"avec la proposition disant qu'ils se sentent soutenus dans leur travail par la politique des soinsinfirmiers suivie au sein de leur institution.On voit également que 43% ne sont "pas d'accord" ou "plutôt pas d'accord" avec la propositionsuivante « Je parle régulièrement de problèmes professionnels avec mon responsable ». En outreles relations qu'ils entretiennent avec leurs supérieurs hiérarchiques ne constituent pas unsoutien pour 36,1% des personnes interrogées (tableau 39a). Entre les trois régions, il existe unegrande différence à prendre en considération. Les infirmiers wallons trouvent moins (55,5%)que les relations qu'ils entretiennent avec leurs supérieurs hiérarchiques constituent un soutienpour eux en tant qu'infirmiers (contre 67,1% en Flandre et 61,3% à Bruxelles (tableaux 39 b, cet d).

2.4.2.Autonomie

87,2% des infirmiers au niveau national ont le sentiment de contrôler leur propre pratique(tableau 40a). 88,9% des infirmiers interrogés au niveau national disent qu'ils peuvent "souvent"ou "toujours" travailler de manière autonome (tableau 32a). Cependant, 37,4% d'entre euxrapportent qu'ils sont "plutôt pas d'accord" ou "pas du tout d'accord" de dire qu'ils ont la libertéde prendre des décisions importantes en matière de soins aux patients et dans leur travail. Pourfinir, un peu plus d'un quart (27,2%) signalent qu'on les met dans des positions dans laquelle ilssont contraints d'agir contre leurs convictions d'infirmiers (tableau 40a).Entre les régions on peut remarquer une différence importante (tableaux 40 b, c et d).Contrairement aux infirmiers bruxellois (78,9%) ou wallons (80,3%), les infirmiers flandrienssont davantage (90,7%) d'accord de dire qu'ils ont le sentiment de contrôler leur proprepratique.

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2.4.3.Facteurs de contexte

Il est intéressant de remarquer que 59,3% des infirmiers au niveau national ne sont "pas dutout d'accord" ou "plutôt pas d'accord" de dire que des services de soutien adéquats leurpermettent de consacrer du temps aux patients (tableau 40a). A côté de cela, 51,1% desrépondants trouvent qu'il n'y a pas suffisamment de temps et d’occasions pour discuter avecd’autres infirmiers des problèmes de soins rencontrés avec les patients et 50,9% trouvent qu'iln'y a pas suffisamment d’infirmiers qualifiés pour prodiguer des soins de qualité aux patients(tableau 40a).De grandes différences apparaissent entre les régions lorsqu'on regarde ces différents aspects(tableaux 40b, c en d). Davantage d'infirmiers wallons et bruxellois estiment que ceux-ci sontproblématiques actuellement. Ainsi, 71,3% des répondants en Wallonie et 57,1% à Bruxelles(contre 43% en Flandre) sont d'accord avec l'affirmation disant qu'il n'y a pas suffisammentd'infirmiers qualifiés pour prodiguer des soins de qualité aux patients. A côté de cela, lesinfirmiers wallons et bruxellois estiment de façon plus marquée que leurs collègues flandriensque les services de soutien ne les supportent pas suffisamment (respectivement 71,5% et 68,5%versus 53,8%) et qu'ils n'ont pas suffisamment de temps et d’occasions pour discuter avecd’autres infirmiers des problèmes de soins rencontrés avec les patients (respectivement 63,2% et56,1% versus 46,3%).

2.4.4.Image de la société perçue par les infirmiers

Lorsqu'on demande aux infirmiers (au niveau national) quelle est l'image que la société sefait de leur profession, 73,4% répondent que la société voit la profession comme une vocation(tableau 41a). Etre infirmier c'est faire des toilettes et des pansements, les infirmiers sont lespetites mains des médecins et le métier d'infirmier est dur viennent respectivement en deuxième,troisième et quatrième positions (49,2%, 37,3% en 35,5%). Seulement 7,7% des répondantsestiment que la société les voit comme faisant partie d'une profession à grandes responsabilités.En outre, 40,1% des répondants pensent que l'image globale que la société se fait des infirmiersest “plutôt négative" ou "négative" (tableau 42). 79,6% des infirmiers pensent que cette imageest "plutôt fausse" ou "fausse" (tableau 43) et plus d'un infirmier sur deux se sent frustré oudérangé par cette image (tableau 44). Notons encore que 83% des infirmiers estiment que lesinfirmiers professeurs ont une image de la profession différente de la leur (tableau 46a).Un certain nombre de différences sont à considérer entre les régions. En Wallonie et à Bruxellesles infirmiers pensent davantage que la société a une image d'un infirmier qui ne fait qu'exécuterdes instructions (respectivement 22,8% et 20% contre 11,7% pour la Flandre) et d'un métierdifficile (respectivement 44% et 43,2% contre 31,5%). Par contre, davantage d'infirmiersflandriens (31,2%) que wallons (21,3%) ou bruxellois (23,7%) pensent que la société estime quele métier d'infirmier force l'admiration. A côté de cela, d'avantage d'infirmiers flandriens(34,2%) pensent également que la société trouve leur métier mal payé (contre 33,2% à Bruxelleset 24,1% en Wallonie). Enfin, notons que les infirmiers flandriens pensent davantage que lasociété a une image "plutôt négative" ou "négative" de leur profession (46,2% pour la Flandre,35,4% pour Bruxelles et 23,9% pour la Wallonie) (voir tableau 43).

2.4.5.Image des infirmiers quant à leur profession

En contraste avec l'image perçue de la société, on voit que les infirmiers au niveaunational voient majoritairement (82,5%) leur profession comme étant à hautes responsabilités.Aux seconde et troisième places viennent respectivement le fait que le métier d'infirmier est dur(71,8%) et mal payé (61,9%) (tableau 41b).Pour ces résultats, on voit apparaître de grandes différences entre les trois régions du pays(tableau 41b). Ainsi, 20,9% des infirmiers flandriens trouvent que le métier d'infirmier forcel'admiration contre seulement 7,6% en Wallonie et 11,9% à Bruxelles. Autre différence, 23,5%

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des infirmiers flandriens trouvent qu'un infirmier exécute son travail en toute autonomie contre17,7% à Bruxelles et 11,7% en Wallonie. D'un autre côté, les infirmiers wallons trouventdavantage que la profession d'infirmière est une vocation (35,3% pour la Wallonie, 29,2% pourla Flandre et 23,6% pour Bruxelles) et que les infirmiers sont les petites mains des médecins(12,3% pour la Wallonie contre 6,7% pour la Flandre et 9,2% pour Bruxelles). Finalement, lesinfirmiers bruxellois (72,8%) pensent davantage que la profession est mal payée (pour 71,5% enWallonie et 57% en Flandre).

2.4.6.Mesures structurelles et financières dans le cadre de la pénurie infirmière

On a proposé aux infirmiers de se positionner quant à l'effet d'un certain nombre demesures déjà prises ou potentielles pour répondre au problème de la pénurie infirmière(tableau 45a). La majorité des infirmiers au niveau national trouvent qu'une revalorisationgénérale des salaires (95,7%), une augmentation des primes pour prestations irrégulières(94,1%), une réduction du temps de travail en fin de carrière sans perte de salaire (90,6%), lapromotion de mesures pour faciliter la garde des enfants (85,1%) et l'amélioration de lamobilité des membres du personnel (remboursement intégral des frais de déplacement entre ledomicile et le lieu de travail, facilités de parking,…) (83,9%) ont ou pourraient avoir un "effetpositif" sur le futur de la profession infirmière.La comparaison des résultats entre les régions n'amène aucune différence particulière (tableaux40 b, c et d). Le recrutement d'infirmiers étrangers (44,8%), l’accessibilité à la professioninfirmière pour le personnel peu qualifié (aides soignantes) moyennant une formationrémunérée (42,9%), l’accessibilité à la profession infirmière pour les kinésithérapeutesmoyennant une formation rémunérée (35,4%) et l'exploitation des données du Résumé InfirmierMinimum (RIM) pour déterminer les effectifs infirmiers à prévoir au sein des unités de soins(22,4%) sont les quatre mesures les plus citées comme pouvant avoir un "effet négatif" surl'avenir de la profession.Pour deux de ces mesures, des différences importantes apparaissent entre la Flandre, la Wallonieet Bruxelles (tableaux 45b, c en d). En Flandre, seulement 23 % des répondants pensent quel’accessibilité à la profession infirmière pour les kinésithérapeutes moyennant une formationrémunérée aurait un effet négatif contre 59,2% à Bruxelles et 61,3% en Wallonie. En outre,seulement 36% des infirmiers flandriens trouvent que l’accessibilité à la profession infirmièrepour le personnel peu qualifié (aides soignantes) moyennant une formation rémunérée aurait uneffet négatif contre respectivement 56,7% et 58,3% pour les wallons et les bruxellois.Pour finir, plus de 30% des infirmiers interrogés trouvent qu'un certain nombre de mesuresn'auront pas d'effet sur l'avenir de la profession : les campagnes d’amélioration de l’image de laprofession organisées par les autorités gouvernementales (45,2%), le dégagement de budgetspour la recherche scientifique (38,6%), une formation de base en soins infirmiers gratuite(35,7%) et l'utilisation des informations du Résumé Infirmier Minimum (RIM) pour déterminerles effectifs infirmiers à prévoir au sein des unités de soins (32,2%) (tableau 45a). Concernant lacampagne sur l'image des infirmiers, il est intéressant de noter que davantage d'infirmiersflandriens (51,9%) trouvent que cette mesure n'a pas d'effet sur l'avenir de la profession (contre36,4% à Bruxelles et 29,5% en Wallonie) (tableaux 45 b, c et d).Ensuite, il a été demandé aux infirmiers de statuer sur l’importance de faire partie d’uneassociation professionnelle. 56,6% des répondants au niveau national trouvent cela nonimportant (tableau 46a).

2.4.7.Fierté de la profession

87,1% des infirmiers au niveau national disent, de façon générale, être fiers d'êtreinfirmiers et 60,8% choisiraient à nouveau la même profession (tableau 47a). De plus, 87,3%des infirmiers disent qu’en tant qu’infirmiers ils sont bien considérés par leur entourage direct(famille, amis, connaissances, …) (tableau 46a). Malgré ces résultats positifs, 41,3% des

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infirmiers disent que dans le contexte de soins actuel ils ne sont pas en mesure de donner lessoins qu’ils voudraient donner et 68,6% trouvent aussi que dans l’environnement où ilstravaillent, ils trouvent le métier d’infirmier stressant (tableau 47a). Pour finir, 54,7% desrépondants ne recommanderaient pas les études en soins infirmiers à leurs enfants ou à leursamis (tableau 47a).Ces derniers chiffres sont plus élevés en Wallonie et à Bruxelles qu’en Flandre (tableaux 47b, cen d). Ainsi, 55% des infirmiers wallons et 52,1% des infirmiers bruxellois disent ne pas savoirdonner les soins qu’ils voudraient donner contre seulement 35% en Flandre. En outre, 85,9%des infirmiers wallons et 84,5% des infirmiers bruxellois trouvent le travail infirmier stressantcontre 60,2% en Flandre. Pour finir, davantage d’infirmiers wallons (69,6%) ou bruxellois(63,8%) ne conseilleraient pas à un enfant ou à leurs amis d’entreprendre des études en soinsinfirmiers. Ce chiffre est seulement de 48,3% en Flandre.

2.4.8.Satisfaction avec le travail actuel

Lorsqu’on demande aux infirmiers de décrire leurs sentiments à la fin d’une journée detravail, 69,5% rapportent être fatigués mais contents (tableau 48). Deux fois plus d’infirmiersflandriens (16,7%) que d’infirmiers wallons (8,4%) ou bruxellois (7,6%) disent, en fin dejournée, être satisfaits d’avoir bien accompli leur travail.Elément positif : 12,1% des répondants disent être très satisfaits de leur travail actuel et 72,1% sedisent satisfaits (tableau 51). Lorsqu’on pose aux infirmiers la même question en leur demandantde faire abstraction du contexte actuel, le nombre d’infirmiers “très satisfaits” passe de 12,1% à25,8% ; soit deux fois plus (tableau 52). On retrouve à Bruxelles et en Wallonie un nombre plusimportant d’infirmiers qui se disent insatisfaits ou très insatisfaits de leur travail actuel qu'enFlandre. Les chiffres sont respectivement de 24,7%, 23,1% et 12% (tableau 51).

2.4.9.Plan de carrière à venir

La majorité des répondants au niveau national (67,4%) signalent qu’ils ne comptent rienchanger à leur situation actuelle dans l’année à venir (tableau 49). Par contre, 10,6% desinfirmiers rapportent que dans l'année qui vient, ils comptent diminuer leur temps de travail,9,8% qu’ils vont tenter d’améliorer leur position au sein de l’institution et 4,6% qu’ils vonttenter de changer de service tout en restant dans la même institution. Seulement 2,6% desrépondants pensent quitter la profession pour travailler dans un domaine où le diplôme infirmiern’est pas strictement nécessaire (tableau 49).A long terme, moins de la moitié des infirmiers (45,7%) pensent qu’ils pourront travaillerjusqu’à la fin de leur carrière (tableau 50). La majorité des infirmiers pensent donc, à moyen ouà long terme, quitter la profession. En effet 33,2% répondent qu’ils vont encore travailler unpetit temps mais probablement pas jusqu’à a fin de leur carrière et 16,2% qu’ils vont encoretravailler un petit temps mais certainement pas jusqu’à la fin de leur carrière (tableau 50).Enfin, notons qu'environ 5% cherchent actuellement autre chose et quitteront la profession sil’occasion se présente (tableau 50).Entre les régions, cinq différences essentielles apparaissent. Premièrement, les infirmiersflandriens sont plus nombreux (71%) que les wallons (60,8%) et les bruxellois (56,3%) à ne rienvouloir changer à leur situation de travail actuelle (tableau 49). Deuxièmement, les infirmiersflandriens (47,1%) et wallons (46,7%) pensent davantage être certain, à ce moment, de travaillerjusqu’à la fin de leur carrière. A Bruxelles, seulement 33,4% sont de cet avis (tableau 50).Troisièmement et quatrièmement, deux fois plus d’infirmiers bruxellois que wallons ouflandriens pensent changer de profession (pour travailler dans un autre domaine que les soinsinfirmiers) (respectivement 6,1% contre 2,0% et 2,9%). Finalement, 24,9% des infirmiersbruxellois disent encore vouloir travailler pendant un petit temps mais certainement pas jusqu’àla fin de leur carrière. Seules 18,1% des infirmiers wallons et 14,4% des flandriens pensent demême (tableau 50).

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3. Analyses par tableaux croisés (annexe 3)

Note générale sur les résultats présentés ci-dessous : Ces résultats sont uniquement descriptifs et permettentd'avoir une vue d'ensemble des caractéristiques générales propres à certaines catégories d'acteurs. Ils nepermettent en rien de tenir un discours prescriptif. En effet, lorsqu'on dit que les hommes se sententgénéralement plus compétents que les femmes on ne peut conclure que le fait d'être un homme augmente lesentiment de compétence. En effet, d'autres facteurs peuvent intervenir et expliquer l'observation réalisée.Analyser le poids et l'influence de chaque facteur spécifique n'ont pu être réalisé dans cette phase de l'étude.Cela devrait faire l'objet d'analyses statistiques complémentaires.

3.1. Différences entre la population masculine et féminine

En comparaison avec les femmes, les hommes voient leur profession davantage comme étantmal payée (70,7% vs 60,4% ; voir tableau 58a). Ils tentent davantage d'améliorer leur position au seinde l'hôpital (1,95 fois plus que les femmes ; respectivement 16,6% vs 8,5% ; voir tableau 62a) et sontplus souvent amenés à vouloir changer de profession (2,27 fois plus que les femmes ; respectivement4,8% et 2,1% ; voir tableau 62a) ou à dire qu'ils cherchent autre chose actuellement et que si l'occasionse présente, ils quitteraient la profession (1,99 fois plus que les femmes ; respectivement 8,3% et4,2% ; voir tableau 62.a).

En comparaison avec les hommes, les femmes voient davantage le métier comme une vocation(31,8% vs 21,5% ; voir tableau 58a). En outre, les infirmières pensent davantage que la sociétéconsidère la profession comme étant une profession difficile (37,2% vs 27,3%; voir tableau 58a).

3.2. Différences entre infirmiers gradués et les autres diplômés

Il n'y a pas de différence majeure entre les infirmiers gradués et brevetés concernant leurssentiments de compétence en regard des différents domaines explorés dans le questionnaire. Par contre,on peut noter un certain nombre de petites différences à prendre en compte en ce qui concerne la façondont les personnes envisagent leur plan de carrière pour l’année à venir. Il est cependant nécessaire deprendre ces données avec beaucoup de prudence étant donné le faible pourcentage de personnesconcernées dans l’échantillon. Les infirmiers gradués ont davantage tendance à vouloir changerd'hôpital pour garder la même fonction (2,65 fois plus que les infirmiers brevetés ; respectivement1,2% et 0,5%) ou améliorer leur position (2,24 fois plus que les brevetés ; respectivement 1,1% et0,5%). Ils ont également davantage tendance à vouloir quitter le milieu hospitalier pour continuer àtravailler comme infirmier (2,19 fois plus que les brevetés ; respectivement 2,0% et 0,9%). Enfin, ilsont moins tendance à vouloir arrêter de travailler définitivement (2,37 fois moins ; respectivement0,6% et 1,3%) (voir tableau 62c).

En comparaison avec les infirmiers gradués, les infirmiers brevetés voient davantage leur métiercomme une vocation (37,3% vs 27,4% ; voir tableau 58c). Ils sont plus confiants dans l'image que lasociété a d'eux. Ils trouvent cette image plus positive (65,6% vs 57,5% ; voir tableau 59c), plus exacte(24,2% vs 18,8% ; voir tableau 60c) et se sentent donc logiquement davantage valorisés (21,8% vs13,4% ; voir tableau 61c) et moins dérangés par celle-ci (22,7% vs 30,3% ; voir tableau 61c).

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3.3. Différences entre les personnes sans formation complémentaire, avec formationcomplémentaire non universitaire et avec formation complémentaire universitaire.

Les personnes sans formation complémentaire (PSFC) se sentent plus valorisées par l'imagede la société (18,1% vs 11,8% pour les personnes ayant une formation complémentaire nonuniversitaire (PAFNU) et 7,5% pour les universitaires ; voir tableau 61c).Les personnes avec une formation complémentaire universitaire verront leur métier moins commeune vocation (19,1% vs 26,7% pour les PAFNU et 32,2% pour les PSFC). Ces personnes ont moins deconfiance dans l'image que la société se fait de leur profession. Elles trouvent cette image moinspositive (48,5% vs 55,8% et 62,4% ; voir tableau 59c), moins exacte (10,8% vs 16,1% et 22,8% ; voirtableau 60c) et se sentent donc moins valorisées (7,5% vs 11,8% et 18,1% ; voir tableau 61c). Cetteimage les indiffère moins (22,4% vs 29,5% et 30,2%). Ils se sentent alors davantage dérangés (40,5%vs 30,1% et 26,5%) et frustrés (29,6% vs 28,6% et 25,2%) par celle-ci (voir tableau 61c). Pour finir, ily a une différence importante par rapport à l’image que se font les infirmiers de l’image de la société.En effet, les infirmiers possédant une formation universitaire pensent beaucoup moins que les autresque la société se fait une image de l’infirmier comme étant une personne qui ne fait que des toilettes etdes pansements (2,3% vs 51,3%) (voir tableau 58d).

La formation universitaire a une influence certaine sur les intentions des personnes quant au fait demodifier leur situation de travail. Près de la moitié des personnes avec une formation universitaire(49,9%) disent vouloir changer leur situation de travail actuelle ( contre 35,8% pour les PAFNU et30,1% pour les PSFC). Les personnes possédant une formation universitaire désirent davantageaméliorer leur position au sein de l'hôpital (3,4 fois plus que les PSFC et 2 fois plus que les PAFNU ;respectivement 25,3% vs 7,5% et 12,8%), changer d'hôpital pour améliorer leur position (4,2 fois plusque les PSFC et 2,5 fois plus que les PAFNU ; respectivement 3,0% vs 0,7% et 1,2%) ou,éventuellement, à quitter le milieu hospitalier (2,1 fois plus que les PSFC et les PAFNU ;respectivement 3,3% vs 1,6% et 1,5%), voire même à changer de profession (2,6 fois plus que lesPSFC et 1,7 fois plus que les PAFNU ; respectivement 5,4% vs 2,1% et 3,2%) (voir tableau 62c). Cestrois derniers résultats doivent être pris avec prudence étant donné le nombre peu élevé de personnessur lesquels ils se basent. Les universitaires disent moins souvent qu'ils travailleront jusqu'à la fin deleur carrière ( respectivement 37,8% vs 46,9% pour les PSFC et 44,1% pour les PAFNU), mais plusfréquemment qu'ils continueront un certain temps mais certainement pas jusqu'au bout de leur carrière(1,6 fois plus souvent que les PSFC et 1,5 fois plus souvent que les PAFNU ; respectivement 24,5% vs15,6% et 16,3%) ou qu'ils cherchent actuellement autre chose et sont prêts à quitter la profession (2,2fois plus souvent que les PSFC ou 1,5 fois plus souvent que les PAFNU ; respectivement 9,1% vs 4,1%et 6,0%) (voir tableau 63c).

Pour conclure cette partie, notons encore que les moyennes des tableaux 55c et 55d semblent mettre enavant certaines tendances. Ainsi il apparaît que le sentiment de compétence pour les différentsdomaines de compétences explorés dans le questionnaire augmente avec le niveau de formation. Ceciest particulièrement vrai pour les capacités d’organisation, l’attitude critique et scientifique et lescapacités sociales et communicatives (voir moyennes tableau 55c). En outre, il apparaît quel’importance que l’on accorde à un certain nombre de capacités est également reliée au niveau deformation. Ainsi, il apparaît que les infirmiers possédant une formation universitaire semblentaccorder davantage d’importance aux capacités intellectuelles et cognitives, à l’attitude critique etscientifique et aux capacités d’organisation (voir tableau 55d).

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3.4. Différences entre les groupes sur base des postes occupés.

Pour cette partie, le groupe 1 reprendra les infirmiers, les accoucheuses, les infirmiers sociaux,les infirmiers relais pour le service et les infirmiers chercheurs. Le groupe 2 rassemblera les infirmiersde référence pour l'institution, les infirmiers en hygiène hospitalière et les coordinateurs qualité. Enfin,le groupe 3 sera constitué des infirmiers chefs (et adjoints) et des cadres intermédiaires.

Les infirmiers du groupe 1 ont moins l'impression d'utiliser la totalité de leurs compétencesacquises lors de formations complémentaires (66,6% vs 81,6% pour le groupe 2 et 85,0% pour legroupe 3 ; voir tableau 53). Ils ont davantage que les autres l'image d'une profession à vocation (31,2%vs 24,2% pour le groupe 2 et 21,5% pour le groupe 3 ; voir tableau 58e) et ont plus tendance à direqu’ils veulent changer de service au sein de la même institution (4,9% vs 2,5% pour le groupe 2 et2,9% pour le groupe 3; voir tableau 62d).

Les infirmiers du groupe 2 possèdent un sentiment de compétence plus élevé que les infirmiersdes groupes 1 et 3 concernant l'attitude critique et scientifique (3,95 vs 3,90 pour le groupe 3 et 3,62pour le groupe 1 ; voir tableau 55e).Ce groupe a une image plus marquée d'une profession mal payée (69,3% vs 62,4% pour le groupe 1 et56,7% pour le groupe 3 ; voir tableau 58e) et désire davantage changer de position afin de l'améliorerau sein de l'institution (18,6% vs 16,7% pour le groupe 3 et 8,7% pour le groupe 1 ; voir tableau 62d).

Les infirmiers du groupe 3 se sentent plus souvent compétent ou très compétent comparé auxinfirmiers des groupes 1 et 2 (respectivement 92,4% vs 84,1% et 89,6%). Concernant l'image de laprofession, ce groupe exprime le moins appartenir à une profession mal payée (56,7% vs 62,4% pour legroupe 1 et 69,3% pour le groupe 2; voir tableau 58e). Ils trouvent davantage que l'image de la sociétéest fausse (84,5% vs 82% pour le groupe 2 et 79,1% pour le groupe 1 ; voir tableau 60d) et se sententdavantage dérangés par celle-ci (36,7% vs 28,5% pour le groupe 2 et 27,3% pour le groupe 1 ; voirtableau 61d).

Les moyennes présentées dans les tableaux 55e et 55f montrent deux tendances positives. Ainsiil apparaît que le sentiment de compétence pour les différents domaines de compétences explorés dansle questionnaire diffère en fonction du type de fonction. Ceci est particulièrement vrai pour lescapacités d’organisation, l’attitude critique et scientifique et les capacités sociales et communicatives(voir moyennes tableau 55e). En outre, il apparaît que l’importance que l’on accorde aux différentescapacités spécifiques est également reliée à la fonction que l’on occupe. Ainsi, il apparaît que le groupedes infirmiers chefs accorde plus d’importance aux capacités intellectuelles, cognitives etd’organisation (voir moyennes du tableau f).

3.5. Différences entre les services

Concernant les différences existant entre les services, nous allons analyser les différentesvariables une à une.

3.5.1.Sentiment de compétence et importance apportée à certaines capacités ouattitudes (voir tableaux 55g et 55h)

Il n’y a pas de grandes différences à prendre en compte entre les différents services. Ilapparaît seulement un certain nombre de tendances sur base des moyennes des tableaux 55g et55h. Ainsi, il semble que les services de soins palliatifs et de psychiatrie dans les hôpitauxgénéraux se distinguent à plusieurs reprise des autres services tant au niveau de leur sentiment decompétence par rapport à un certain nombre de capacités spécifiques que par rapport àl’importance qu’ils accordent à ces mêmes capacités.

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Ainsi, il apparaît que les infirmiers des services de soins palliatifs se sentent davantagecompétents que les infirmiers des autres services en ce qui concerne l’attitude de caring (4,36 vs4,26 et moins ; voir tableau 55g). A côté de cela, on note que les infirmiers des servicespsychiatriques ont le sentiment de compétence le plus bas concentrant les capacitésinstrumentales et techniques (3,96 vs 4,04 et plus pour les autres services ; voir tableau 55g) etaccordent également le moins d’importance à ces capacités (2,96 vs 3,05 et plus ;voir tableau55g). Ils ont par contre le plus haut sentiment de compétence concernant les capacitésintellectuelles et cognitives, les capacités d’organisation et les capacités sociales etcommunicatives (respectivement 4,05 vs 4,0 et moins pour les autres services, 3,84 vs 3,79 etmoins, 4,05 vs 4,01 et moins ; voir tableau 55g). Les infirmiers des services psychiatriquesaccordent également le plus d’importance aux capacités intellectuelles et cognitives et àl’attitude critique et scientifique (respectivement 3,03 vs 2,98 et moins et 2,91 vs 2,77 et moins ;voir tableau 55h. Pour finir, les infirmiers des services psychiatriques et de soins intensifsaccordent le plus d’importance aux capacités d’organisation, aux capacités sociales etcommunicatives et à l’attitude de caring (respectivement 2,63 et 2,61 vs 2,55 et moins, 3,17 et3,14 vs 2,37 et moins et 3,41 et 3,36 vs 3,23 et moins ; voir tableau 55h).

Globalement, les infirmiers se trouvent compétents ou très compétents. Le sentiment decompétence qu'ont les infirmiers par rapport à leur travail est le plus élevé chez les infirmierstravaillant dans les services de soins palliatifs (87,8%) et le plus bas dans les servicespsychiatriques (81,3%) (voir tableau.g).

3.5.2.Image de soi et de la société (voir tableaux 58f et 58 g)

Globalement, on se rend compte que l'image que l'infirmier a de son travail diffèrefortement de l'image qu'il pense que la société s'en fait. Concernant l'image personnelle,différents écarts apparaissent en fonction du type de service. Ainsi l’image :- d'une vocation est moins présente dans les services d'urgences, médico-techniques et de

psychiatrie (respectivement 26,5%, 28,2% et 25,5% vs 32,1 et plus pour les autres services),d'un métier dur est moins présente dans les services de psychiatrie (63,4 vs 6,1 et plus),

- d'un métier mal payé est davantage présente dans les services d'USI et médico-techniques(respectivement 67,7 et 67,6 vs 59,7 et moins),

- d'un métier à hautes responsabilités est moins présente chez les infirmiers travaillant dans unservice médico-technique (74,9 vs 80,6 et plus),

- d'un métier où l'on est les petites mains des médecins est plus fréquente chez les infirmierstravaillant dans un service médico-technique ou en maternité (respectivement 13,2 et 11,8 vs8,5 et moins),

- d'une profession autonome est davantage présente en psychiatrie (31,5 vs 21,2 et moins).

3.5.3.Image de la société (voir tableaux 58G ? 59e, 60e et 61e)

Ce que perçoivent les infirmiers de l'image que la société se fait de leur profession varieégalement fortement entre les services.

Ainsi, les infirmiers des services de soins palliatifs pensent plus souvent que la sociétévoit la profession infirmière comme une vocation, comme étant difficile et mal payée(respectivement 82,3% vs 75,5% et moins , 47,3% vs 39,8% et moins et 38,2% vs 35,6% etmoins). En outre, ils pensent le moins que la société les considère comme les petites mains desmédecins (25,8% vs 34,7% et plus). Les infirmiers des services d’urgence et de soins intensifstrouvent davantage que la société voit la profession infirmière comme se limitant à faire destoilettes et des pansements (56,7% vs 50,3% et moins). Pour finir, les infirmiers des servicesmédico-techniques pensent le moins que la société estime que les infirmiers ne font qu’exécuterdes instructions (10,8% vs 14,5% et plus) (voir tableau 58g).

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Les deux services qui perçoivent le plus l’image de la société comme étant négative sontla gériatrie et les services d'USI (respectivement 44,6% et 43,8% des infirmiers de ces servicestrouvent l'image plutôt négative ou négative). A l'opposé, nous trouvons les services de soinspalliatifs et de maternité (respectivement 33,1% et 34,7%).

Les infirmiers des services de soins palliatifs, de maternité et de psychiatrie sont lesinfirmiers qui pensent le moins que l’image de la société est fausse ou plutôt fausse(respectivement 75,4%, 75,5% et 75,5% ; voir tableau 60e). Les infirmiers des services de soinspalliatifs se sentent plus valorisés par l’image de la société que les infirmiers travaillant dans lesautres services (19,7%) et sont les moins frustrés par celle-ci (22,4%). Ils sont cependant fortdérangés par cette dernière (29,5%; voir tableau 61e).

Les infirmiers des services d'USI sont les plus nombreux à penser que l'image que lasociété se fait de la profession est inexacte (84,4%). Ils se sentent les moins valorisés par cetteimage (11,4%) et le plus dérangés (29,8%). En outre, ils sont également fort frustrés par rapportaux autres services (27,2%; voit tableau 61e).

3.5.4.Perspectives d'avenir (voir tableaux 62h et 63h)

Trois constats principaux :

- Les personnes pensant le plus souvent pouvoir travailler jusqu'à la fin de leur carrière sesituent dans les services médico-techniques et de maternité (46,7% et 47,3%). D'un autrecôté, les personnes travaillant en psychiatrie sont les moins nombreuses à le dire (38,4%)

- Les personnes des services de psychiatrie sont les plus nombreuses à vouloir améliorer leurposition au sein de l'institution (12,1%) ou dans une autre institution (1,9%). Les personnesdésirant le moins améliorer leur position dans l’institution ou hors de l’institution sont situéesdans les services de maternité (respectivement 7,9% et 0,8%). Les personnes travaillant enpsychiatrie sont par contre les moins nombreuses à vouloir changer de service (1,9%) oud'hôpital (0,5%) pour exercer une même fonction. En outre, les personnes de psychiatrie sontles moins nombreuses à vouloir arrêter définitivement de travailler (0% contre 1,3% engériatrie) mais sont les plus nombreuses à chercher actuellement un autre emploi (7,6%) et àvouloir quitter la profession (3,9%)

- Les personnes travaillant en soins palliatifs sont les moins nombreuses à vouloir changer deprofession (0,6%) ou à dire qu'en ce moment elles cherchent un autre emploi et que sil'occasion se présente elles quitteraient la profession ( 2,7%). Elles sont cependant les plusnombreuses à vouloir changer de service tout en restant dans le même hôpital (7,1%) ou àvouloir réduire leur temps de travail (13,6%).

3.6. Différences dues au temps de travail (voir tableaux 62e et 63e)

Les personnes travaillant à temps partiel ont davantage tendance à ne pas vouloir modifierleur situation que les personnes travaillant à temps plein (73,4% vs 62,9%) mais ont moins le désird'améliorer leur position au sein de l'hôpital (6% vs 12,7%) ou dans un autre hôpital (0,6% vs 1,2%).Les personnes à temps partiel sont deux fois plus susceptibles de vouloir arrêter définitivement detravailler et pensent donc moins pouvoir travailler jusqu'à la fin de leur carrière (39,2% vs 50,3%).

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3.7. Différences dues à l'âge et à l'ancienneté

La perception de sa propre compétence augmente sensiblement durant les cinq premières annéeset se stabilise ensuite pour finalement baisser en fin de carrière (voir tableaux 56h, 56 i, 56j). Lespersonnes plus âgées que la moyenne se sentent plus souvent très compétentes que les personnes moinsâgées que la moyenne (17,0% vs 12,5% ; voir tableau 56b). Notons aussi que 3,5% des infirmiers setrouvent plutôt incompétents dans l'année suivant l'obtention de leur diplôme (soit environ 3,9 fois plusque les personnes ayant obtenu leur diplômes depuis 1 à 5 ans, 8,8 fois plus pour la catégorie de 5 à 15ans, 5 fois plus pour la catégorie 15 à 30 ans et 3,2 fois plus pour la catégorie 30 à 45ans ; voir tableau56i). Que l'on parle de l'expérience dans le service ou de l'ancienneté dans la profession, seul lesentiment de compétence concernant les capacités intellectuelles et cognitives et les capacitésd'organisation semble augmenter continuellement. Pour le reste, le sentiment de compétencen'augmente que fort peu durant les cinq premières années (si ce n’est au terme de la première annéed’exercice) pour stagner ensuite ou diminuer (voir tableaux 55i, 55k). Notons à ce niveau que lesentiment de compétence au niveau des capacités techniques est celui qui chute le plus fortement enfin de carrière.Enfin, un constat global peut être fait : plus on avance en âge, moins on semble accorder d'importanceaux différents items catégorisant les compétences (capacités instrumentales et techniques, capacitésintellectuelles et cognitives, capacités d'organisation, capacités sociales et communicatives, attitude decaring, attitude critique et scientifique). Ceci est plus particulièrement vrai pour les attitudes sociales etcommunicatives, l'attitude scientifique et l'attitude de caring (voir tableaux 55j et 55l).Suivant l’ancienneté et le nombre d’années écoulées depuis l’obtention du diplôme, les infirmierspensent moins que la société considère les infirmiers comme ne faisant que des toilettes et despansements ou comme une profession ne demandant pas beaucoup d’études (voir tableau 58h, 58i et58j). Les infirmiers en fin de carrière trouvent davantage que leurs jeunes collègues que la sociétéassocie le travail infirmier à un travail difficile et à un travail avec de grandes responsabilités(respectivement 18,3% pour les infirmiers travaillant depuis 361 à 540 mois vs 8,5% et moins pour lesinfirmiers travaillant depuis moins de 360 mois dans le service ; voir tableau 58h).Concernant l’image personnelle des infirmiers, on peut noter que les infirmiers possédant le plusd’ancienneté considèrent davantage la profession comme étant difficile (tableau 58h, 58i et 58j). Lesinfirmiers en milieu de carrière ont plus souvent l’image d’une profession mal payée que les autres(infirmiers dans leur première année ou en fin de carrière ; voir tableau 58h, 58i et 58j). Notonségalement que les infirmiers plus âgés que la moyenne ont plus souvent l’image d’une professiondifficile (75,9% vs 68,4% ; voir tableau 58b). En outre, les infirmiers plus jeunes que la moyennetrouvent moins que la société considère la profession comme étant mal payée mais pensent davantagequ’on les voit comme faisant uniquement des toilettes et des pansements (respectivement 30,4% vs41,4% et 57,3% vs 40,7%; voir tableau 58b).

Par contre, plus on vieillit dans la profession, plus on pense que la société a une image positiveet correcte du travail infirmier (surtout vrai au-delà de 15 ans d'ancienneté). Les personnes avec plus de30 ans d'expérience se sentent beaucoup plus favorisées (près de deux fois plus) et beaucoup moinsdérangées par l'image de la société que les personnes de moins de 30 ans d'expérience (voir tableaux59fgh, 60fgh et 61 fgh). Ceci est confirmé par l'analyse de l'âge avec laquelle on remarque que lespersonnes plus âgées que la moyenne sont plus confiantes dans l'image que la société leur renvoie.Elles trouvent cette image plus positive (66% vs 54,4%), plus correcte (22,3% vs 18,7%) et se sententdavantage valorisées par celle-ci (19,0% vs 13,0%) (voir tableaux 59b, 60b et 61b).

Plus on a d'ancienneté et moins on désire changer de service, changer d'hôpital ou tenterd'améliorer sa position. Par contre, en avançant en âge on désire davantage réduire son temps detravail. Notons aussi qu'arrêter définitivement de travailler apparaît essentiellement dans la catégoriedes personnes ayant plus de 30 ans d'expérience (voir tableau 62i, 62j et 62k).

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Lorsque l’on regarde en fonction de l’ancienneté (nombre d’années de travail au sein d’un mêmeservice, nombre d’années depuis la fin des études ou nombre d’années de travail depuis la fin desétudes ; voir tableau 63i, 63j en 63k) on remarque que les infirmiers avec 5 à 15 ans d’ancienneté sontles moins nombreux à dire qu’ils pensent pouvoir travailler jusqu’à la fin de leur carrière. Bien que lesinfirmiers possédant moins d’un an de carrière soient les plus nombreux à dire qu’ils pensent pouvoirtravailler jusqu’à la fin de leur carrière, environ 40 pour cent d’entre eux ne sont pas certain de cela.Ces chiffres sont confirmés par l'analyse par catégories d'âges (voir tableau 62b): Les personnes moinsâgées que la moyenne sont davantage prêtes à changer de service (1,55 fois plus souvent) ou d'hôpitalpour exercer une même fonction (4 fois plus souvent). Elles désirent également davantage améliorerleur position dans l'institution (1,6 fois plus souvent) ou dans une autre institution (2,3 fois plussouvent). Ces résultats doivent être interprétés ave prudence étant donné le faible pourcentage depersonnes qu’ils concernent. Notons pour conclure que les personnes désirant arrêter de travailler ontun âge nettement supérieur à la moyenne (51,97 ; SD 8,18 ; mode 57) et que les personnes désirantréduire leur temps de travail sont âgées de près de 40 ans en moyenne (39,73 ; SD 9,22).

3.8. L’image de la société et le sentiment de compétence en relation avec le désir de quitterla profession.

L'image qu'à la société influence le désir de travailler jusqu'au bout ou de quitter la profession.Une image positive et exacte est associée aux personnes désirant travailler jusqu'au bout. Une imagefausse, négative, frustrante ou dérangeante est associée au fait de vouloir chercher autre chose et, sipossible, de quitter la profession (deux à quatre fois plus de personnes ayant une image fausse,négative ou frustrante se positionnent dans cette catégorie) (voir tableaux 62n, 62o, 62p, 63l, 63met 63 n)

Le sentiment de compétence semble également influencer les choix de carrière. Les personnesse sentant plutôt compétentes à très compétentes disent plus souvent ne rien vouloir changer à leursituation (67,5% vs 54,3% pour les personnes qui se sentent incompétentes ou plutôt incompétentes).Les personnes se sentant incompétentes ou plutôt incompétentes semblent davantage être prêtes àchanger de profession au cours de l’année à venir (5,7% vs 2,4% pour les personnes se sentant plutôtcompétente à très compétentes), à réduire leur temps de travail (15,7% vs 10,6%) ou arrêtermomentanément (2,9% vs 0,7%) ou définitivement (1,4% vs 0,7%) de travailler (voir tableau 62l).

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Chapitre 5. DISCUSSION

La présente discussion envisagera successivement différents points clés émergeant des analyses précédenteset liés aux quatre grands thèmes du questionnaire.Dans un premier temps, nous nous arrêterons sur le regard que portent les infirmiers sur les différents aspectsde leur profession. Nous tenterons de faire émerger et de comprendre les grandes valeurs qui soutiennentcelles-ci et guident la pratique actuelle de terrain. Nous analyserons à la fois l'importance donnée par lesinfirmiers aux différentes dimensions de leur pratique et la compétence qu'ils estiment posséder dans cesdifférents domaines. Dans cette partie, nous discuterons également les perceptions à propos des notions dequalité des soins et d'autonomie professionnelle.Dans un second temps, nous nous attacherons à analyser en quoi les relations qu'entretiennent les infirmiersavec leurs collègues proches (infirmiers, médecins, infirmiers en chef) ou éloignés (équipe pluridisciplinaire,ligne hiérarchique) constituent, pour eux, un frein ou un soutien à l'exercice de leur professionFort de ces éléments (état des compétences infirmières, valeurs professionnelles et relations à l'équipe), latroisième partie de cette discussion nous permettra alors d'analyser la façon dont se forment (ou pourraient seformer) les compétences infirmières ainsi que les principaux problèmes relatifs aux formations de base,complémentaires et continues en soins infirmiers.La quatrième partie traitera successivement des notions de satisfaction au travail et des perspectives decarrière ce qui nous mènera à envisager le regard que portent les infirmiers sur un certain nombre deproblèmes contemporains ainsi que sur un certain nombre de solutions proposées actuellement (ou pouvantêtre apportées à l'avenir).

1. Regard sur les soins infirmiers actuels

1.1. Valeurs professionnelles et auto-évaluation des compétences infirmières

1.1.1.Un haut sentiment global de compétence

Le premier constat qui s'impose à la lecture des résultats est le sentiment global decompétence élevé dont font part les infirmiers. En effet, ils semblent avoir une image positived'eux-mêmes dans leur travail ce qui leur donne, sans conteste, une force importante pourenvisager l'avenir et pour faire avancer la profession. Ce sentiment global de compétence élevéest confirmé par la perception exprimée par les infirmiers sur certaines aptitudes ou attitudesspécifiques.

1.1.2.Une adéquation entre le sentiment de compétence et l'importance accordée auxattitudes et aptitudes spécifiques

Avant d'analyser plus en détail les aptitudes et attitudes spécifiques des infirmiers, unsecond constat nous semble intéressant à réaliser. En effet, on peut remarquer que les items pourlesquels les infirmiers se sentent compétents ou très compétents sont également ceux auxquelsils apportent le plus d'importance dans la réalisation de leur métier. On ne peut dire ici quelphénomène a un impact sur l'autre. L'infirmier se dit-il compétent dans les domaines pourlesquels il accorde de l'importance ou accorde-t-il de l'importance à un domaine parce qu'il s'ysent bien et compétent ? Quoi qu'il en soit, on peut probablement voir transparaître ici unmécanisme de protection lui permettant probablement de réduire à néant un certain nombre deréflexions auxquelles il ne pourrait échapper si des différences existaient. Si ce mécanisme existebien, il aurait deux implications principales. Premièrement, il masquerait un certain nombred'idéaux, les infirmiers ne révéleraient pas directement ce qui est réellement important pour eux.Deuxièmement, il serait à l'origine d'une vision assez claire et homogène des valeurs principalessous-tendant la profession à l'heure actuelle.

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1.1.3. Un regard médico-technique au détriment d'un soin plus personnalisé

Ces valeurs nous sont données par l'analyse des aptitudes et attitudes étudiées au sein de laseconde partie du questionnaire. A la lecture des résultats, il nous semble que la professioninfirmière, malgré un désir évident de développer un rôle propre et autonome centré sur lesbesoins des patients, est encore fortement influencée, à l'heure actuelle, par des dimensionsmédico-techniques. La priorité pour les infirmiers semble claire. Il y a certains soins à donnercoûte que coûte ; ceux-ci concernent directement la sécurité des patients et les aspects médicauxde la profession. Même si elle semble fortement désirée, l'individualisation des soins et la priseen compte réelle de la personne dans les soins passe encore au second plan ; lorsque le contextele permet. Ainsi, par exemple, les soins de plaies, la détection de complications physiologiqueset la réalisation d'activités diagnostiques prendront toujours le devant par rapport à la discussiond'un plan de soins avec le patient, à des soins de confort, à l'éducation du patient et de sa familleou à des discussions éthiques par rapport aux patients.Ce constat donné par l'analyse des aptitudes et attitudes est renforcé par le fait que les infirmiers,à l'heure actuelle, accordent plus d'importance au savoir-faire pratique (bien utile pour réalisercorrectement leur mission médico-technique) qu'au savoir-faire relationnel auquel ils disentapporter moins d'importance.Concernant l'individualisation des soins, il est également intéressant de noter que nombred'infirmiers (85.4%) disent posséder l'information pour soigner les patients (bien connu commeétant nécessaire pour effectuer correctement son travail) alors que seulement 69.5% disent avoirle temps de récolter cette information. En lien avec la vision médico-technique du métier, ceconstat nous pousse à croire que les infirmiers disposent des informations minimales à laréalisation des soins médico-techniques fournies lors des rapports infirmiers, mais aussi qu'ilss'en contentent n'ayant pas la possibilité de rechercher une information qui leur permettrait uneréelle prise en charge de la personne en tant que sujet de soins. Ceci permet alors de mieuxcomprendre les différences entre l'importance accordée à l'individualisation et à la possibilité dela mettre en œuvre (qui demande du temps pour recueillir l’information et pour communiqueravec le patient). Ce constat nous amène donc à encourager la création de réels momentsd'échanges et de concertation au sein des équipes pour examiner la situation de santé du patientet non plus seulement la prise en charge médicale de ce dernier.

1.1.4.Un rejet apparent des tâches "moins nobles"

Autre constat intéressant concernant les valeurs sous-tendant la profession : les soins debase ne constituent pas, eux non plus, la priorité pour les infirmiers (79,1% des infirmierstrouvent cela très important ou prioritaire ). Ils s'y sentent compétents mais n'y apportent pasautant d'importance qu'on aurait pu le croire en entendant certains discours actuels concernantl'introduction d'une aide-soignante dans la profession. Comment alors interpréter de telschiffres ? Traduisent-ils l'idée largement répandue de l'existence de tâches nobles et de tâchesmoins nobles dans la profession ; certains infirmiers désirant alors se réserver les tâches nobleset mieux reconnues (actes techniques,…) ? Sont-ils le reflet du désir de se séparer de certainestâches considérées comme plus routinières et donc peut-être moins intéressantes aux yeux desinfirmiers ? Quoi qu'il en soit, il apparaît prudent de réfléchir à l'impact que pourrait avoir unretour à une organisation du travail par tâches en fonction de la qualification. En effet, une telleorganisation nuirait certainement à la qualité des soins car elle pourrait enlever à l'infirmier lapossibilité d'une réelle rencontre avec le patient ; rencontre facilitée par certaines activités delongues durées. De telles rencontres sont cependant essentielles à l'exercice de son jugementclinique. Faire de l'infirmier un simple technicien rencontrant ponctuellement le patient luiôterait tout pouvoir d'exercer ce jugement, base de toute prise en charge de qualité centrée sur lepatient.

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Ainsi, soyons prudent avec ces résultats, car s'il est probablement vrai qu'à certainsmoments de tels soins pourraient être assurés par d'autres catégories de personnels (et ainsilibérer du temps aux infirmiers pour améliorer la personnalisation des soins), il n'en est pasmoins vrai qu'à d'autres, la présence infirmière dans les soins "de base" est essentielle.

1.1.5.Une dénégation des aptitudes logistiques et administratives

Enfin, un dernier constat s'impose, les infirmiers accordent une importance tout à faitmineure à un certain nombre de tâches. Parmi celles-ci on retrouve essentiellement des activitésadministratives et logistiques ainsi que celles qui permettent la délégation de soins.Si les deux premiers éléments sont aisément compréhensibles et devraient leur permettre, si onleur donne davantage de support, de dégager plus de temps pour les patients, il est interpellant deretrouver aussi la notion de "délégation des soins". Comment expliquer que la délégation tiennesi peu d'importance dans le discours des infirmiers ? N'ont-ils pas réellement compris le sens dece terme dans le questionnaire ? Est-ce un élément réellement absent de leur profession à l'heureactuelle ou alors une manière de dire qu'ils ne veulent pas déléguer certains actes de leurfonction suite au projet d'introduction d'une nouvelle aide soignante ? L'enquête ne permet pasde le dire mais nous en reparlerons ultérieurement lorsqu'on abordera la question de laformation. En effet, dans le contexte actuel de pénurie, les infirmiers disent ne plus pouvoirassurer la totalité des soins aux patients. Que font-ils alors des soins qu'ils ne peuvent plusréaliser eux-mêmes ? Quel est le réel suivi de ces soins si les responsabilités qu'entraîne uneréelle délégation (en terme de contrôle de la qualité du travail, de suivi,…) ne sont paspleinement assurées ?

1.1.6.Des différences de vision en fonction des études de base, complémentaires et del'ancienneté

Premièrement, il faut noter qu'aucune différence n'apparaît dans les chiffres quant ausentiment de compétence exprimé par les infirmiers gradués et les infirmiers brevetés. Relevonscependant que ceci ne dit rien sur la compétence réelle des personnes mais seulement sur lamanière dont elles se perçoivent dans la profession. Cela ne permet aucunement de statuer surl'égalité des compétences réelles entre ces deux niveaux de formation. La seule différenceconstatée est l'importance plus grande accordée par les infirmiers gradués à l'attitude critique etscientifique (ce qui semble logique eu égard aux objectifs de formation).

Deuxièmement, on se rend compte que les infirmiers ayant réalisé des formationscomplémentaires universitaires ou non universitaires se sentent globalement plus compétents queles autres. Ce constat est particulièrement vrai au niveau de l'attitude critique et scientifique, descapacités d'organisation et des capacités sociales et communicatives. Le même constat peutégalement être réalisé pour les infirmiers ayant des postes à responsabilités. Dans ces deux cas, ilest cependant difficile de dire quel élément a un impact sur l'autre. Les infirmiers compétentssont-ils amenées à réaliser davantage de formations complémentaires ? Le fait de réaliser desformations complémentaires augmente-t-il réellement le sentiment de compétence (ce qui n'estpas encore la compétence) des infirmiers ou encore est-ce simplement la fonction que l'onoccupe qui nous permet de développer un certain nombre de compétences sur le terrain ?Difficile de répondre à de telles questions et l'ensemble des éléments sont probablementintrinsèquement reliés. Les résultats à certaines questions nous le confirment. En effet, parmi lesinfirmiers ayant réellement suivi une formation universitaire, seuls 47,3% estiment que celle-ci aeu une "grande " ou "très grande" contribution à leur niveau de compétence actuel.

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Ainsi, près d'un infirmier sur deux ayant suivi cette formation estime qu'elle ne contribue pas demanière importante à son niveau de compétence. Quel que soit l'élément qui explique alors cesentiment de compétence supérieur, il semble nécessaire de se poser la question de la pertinencede ces formations. Nous y reviendrons ultérieurement.

Troisièmement, lorsque l'on analyse les liens entre l'âge ou l'ancienneté et les autresvariables, des constatations peuvent être faites. En effet, concernant le sentiment de compétenceglobal, on voit que les personnes plus âgées que la moyenne se sentent davantage "trèscompétentes" que les autres. Par contre, ceci apparaît beaucoup moins lorsqu'on analyse lesdifférents domaines de compétences séparément. Peut-être le sentiment de compétence globaln'est-il alors que le reflet d'une certaine confiance en soi, d'une plus grande expérience, d'unecertaine routine sécurisante,….Une autre hypothèse pourrait venir à l'esprit lorsqu'on analyse le sentiment de compétences pourles aptitudes et attitudes spécifiques. On constate en effet qu'il est très bas à la sortie des étudeset augmente sensiblement au terme de la première année d'exercice. Il n'augmente que fort peudurant les quatre années suivantes pour stagner ensuite et parfois diminuer en fin de carrière.Ceci tendrait à montrer soit qu'il n'y a que fort peu de développement de compétence etd'expertise si ce n'est lors de la première année d'exercice (ce qui serait davantage de l'ordre del'adaptation), soit que les infirmiers ne se rendent pas compte de la modification et/ou del'augmentation de leurs compétences et ne voient pas se développer leur expertise. Ceci poseraitalors un certain nombre de questions. Comment rendre cette expertise apparente, comment lafaire partager à d'autres (désir exprimé clairement par les infirmiers) ou encore comment la fairereconnaître par les autres professionnels de l'hôpital pour améliorer les relations qui nous lient àeux ? De nombreux travaux ont déjà tenté de montrer l'apport spécifique de soins infirmiers(Drummond, 2002 ; Kikuchi, 1999) ou de mettre en avant le savoir infirmier (Lauzon, 2000).Continuer d'investir dans cette voie semble une priorité. En outre, s'il est dorénavant prouvé qu'ilexiste une valeur ajoutée attribuable aux infirmiers (Aiken, 1994 ; Aiken, 2002 ; Needleman,2002) en terme d'amélioration des indicateurs de qualité grâce à des staffs infirmiers optimaux, ilreste à expliquer et à montrer comment et pourquoi ces indicateurs s'améliorent. Ceci constitue ànotre sens une autre voie qu'il serait intéressant d'approfondir lors de recherches ultérieures.

Reste à se poser la question de savoir où aller rechercher ces savoirs infirmiers. Lacomparaison du sentiment de compétence en fonction du type de service dans lequel travaillentles infirmiers peut probablement nous apporter des pistes explicatives. En effet, il apparaît assezclairement que certains infirmiers se sentent plus compétents que d'autres. Ce constat apparaîtessentiellement en psychiatrie et en soins palliatifs. Si la situation en psychiatrie estprobablement trop particulière par rapport aux autres services infirmiers, la situation des soinspalliatifs serait assez intéressante à étudier. A ce niveau les infirmiers se sentent globalement lesplus compétents, mais ils se sentent aussi particulièrement compétents quant aux aptitudessociales et communicatives, aux aptitudes de caring et à l'attitude critique et scientifique. Ceservice semble donc se détacher un peu de la norme en mettant en avant de nombreusescompétences qui passent davantage au second plan dans d'autres services. Même si les normesd'encadrement dans ces services leur permettent probablement davantage de mieux intégrer cesaspects dans leurs prises en charge des patients, il nous paraît alors important de s'attarder sur lefonctionnement (organisations, relations à l'équipe médicale et pluridisciplinaire,…) de tellesunités.

1.1.7.Des priorités différentes entre régions concernant les domaines de savoirs

Si l'on analyse maintenant les différences existant entre les différentes régions du pays, onpeut remarquer que peu de différences existent dans la façon d'envisager la profession. Parcontre, une grande différenciation apparaît quant aux principaux savoirs utiles à la formation en

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soins infirmiers. Globalement, les savoir-faire pratiques restent l'élément le plus important dansles trois régions mais wallons et bruxellois accordent nettement moins d'importance aux savoir-faire théoriques que les flandriens. Par contre, ils accordent beaucoup plus d'importance auxsavoir-faire intellectuels, au savoir-être et au savoir-faire pratique. Il est difficile de dire ici cequi influence de tels chiffres. Certes l'élément culturel nous semble important à prendre enconsidération mais n'oublions pas non plus l'impact que peut avoir la formation de base(différente en Flandre) sur de tels éléments.

1.1.8.Vers un leadership infirmier soutenant le développement du rôle propre

L'ensemble des éléments ci-dessus nous pousse à mettre en avant l'importance quepourrait prendre le management infirmier dans les années à venir pour aider les infirmiers àtrouver le sens de ce qu'ils font et pour leur donner le soutien nécessaire à un travail de qualité.Ceci reviendrait à leur donner un environnement de travail leur permettant, à nouveau, de mettreen tension l'importance qu'ils donnent à certains aspects et le sentiment de compétences qu'ilséprouvent par rapport à ceux-ci. Les infirmiers pouvant alors explorer de nouvelles voies, oserprendre le risque de considérer à nouveau le client comme une personne à part entière et ,enfin,pratiquer le métier qu'ils avaient sans doute rêvé en choisissant cette profession.Ces quelques constatations nous semblent confirmer les résultats du clinical leadershipdevelopment project (Groupe CLP, 2002) dans lesquels, tant les études de cas réalisées auprèsd'infirmiers que les interviews concernant les attentes des patients montraient combien la priseen compte de la personne dans sa totalité revêt une importance capitale pour la profession maisne peut se faire sans un certain soutien émanant de la hiérarchie et des politiquesinstitutionnelles, régionales et/ou nationales.

1.2. Regard sur la qualité des soins infirmiers

Les éléments présentés ci-dessus nous permettent quelques réflexions quant à la visionque se font les infirmiers de la qualité des soins. En effet, plus de 90% des infirmiers estimentbonne ou excellente la qualité des soins qu'ils ont prestés ou qui ont été donnés dans leur unité.S'il est évident qu'il est difficile d'avouer donner des soins de qualité acceptable ou mauvaise,des chiffres aussi élevés nous semblent malgré tout poser question lorsque l'on sait que quatreinfirmiers sur dix disent ne pas pouvoir donner les soins qu'ils voudraient donner, trois sur dix nepas pouvoir répondre à des demandes spécifiques des patients ou prendre le temps d'écouter cedernier, deux sur dix ne pas avoir eu le temps, lors de leur dernière journée de travail, d'éduquerle patient. En outre, l'on sait combien la notion de continuité des soins est présente lorsque l'onévoque la qualité. Or, plus de quatre infirmiers sur dix disent que, par manque de temps, ils nesavent "jamais" ou "rarement" définir des objectifs de soins pour les patients. Les chiffresdonnés ci-dessus représentent la situation au niveau national ; ils sont très souvent plus élevés enWallonie et à Bruxelles qu'en Flandre (parfois deux fois plus élevés).

Qu'entendent alors les infirmiers par "qualité des soins" ? Ne s'agirait-il pas davantage desécurité des soins ou de qualité exclusivement médico-technique ? L'ensemble des résultatsexposés précédemment nous pousse à le croire. Reste cependant que les infirmiers ne sont pastotalement dupes et que même s'ils n'osent pas avouer directement un manque au niveau de laqualité de soins, un infirmier sur deux estime tout de même qu'il n'y a pas suffisammentd'infirmiers qualifiés pour donner des soins de qualité au patient (43% en Flandre, 57,1% àBruxelles et 71,3% en Wallonie). Parleraient-ils ici enfin de la "vraie" qualité qu'ils attendent etespèrent ? D'une prise en charge adaptée aux besoins d'une personne ? Rien ne nous pousse à ledémentir. Reste qu'il semble difficile dans le contexte actuel de parvenir à donner de tels soins.En outre, 4,5 infirmiers sur dix estiment que les patients ne sont pas prêts à se prendre en chargelorsqu'ils quittent l'hôpital. Se pose donc ici un problème essentiel apparu ces dernières années :la réduction de la durée de séjour des patients. Si l'impact de cette réduction sur le financement

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des soins de santé est notable, il semble qu'elle ait un effet plus nuancé sur les soins infirmiersfournis aux patients. Cette réduction de la durée de séjour pose donc de nouveaux défis à laprofession et impose une réflexion de fond quant à la manière d'envisager les soins à l'heureactuelle. La durée de séjour limitée impose d'avoir une idée la plus claire possible, avant l'entréedu patient, sur le processus de soins qu'il devrait suivre. Des plans de soins standards (à utiliserintelligemment) et des réflexions sur l'élaboration de chemins cliniques sont donc intéressants àdévelopper et permettraient aux infirmiers de gagner du temps avec le patient en coursd'hospitalisation.

Un dernier élément nous semble utile à apporter, de nombreuses études (Aiken, 1994 ;Aiken, 2002 ; Needleman, 2002) sont parvenues à montrer l'impact d'une présence infirmièreaccrue sur la qualité et les résultats de soins (réduction de la mortalité, du nombred'infections,…). De telles études devraient être reproduites et adaptées au contexte belge. Cecipermettrait alors de ne pas se limiter à des considérations générales sur l'organisation des soinsmais de susciter également des réflexions quant aux normes minimales d'encadrement dans lesservices hospitaliers et aux rôles respectifs des différents intervenants.

1.3. Autonomie

Le problème de l’autonomie des infirmiers semble également un point intéressant à discuter.En effet, près de 60% trouvent qu’il est prioritaire, voire essentiel de pouvoir prendre, de manièreautonome, des décisions dans le domaine des soins. Cependant, même si près de 90% des infirmiersdisent avoir la possibilité d'être autonome, 37% signalent ne pas avoir la liberté de prendre desdécisions importantes en matière de soins aux patients et dans leur travail. Que signifie alors pour euxle fait d'être autonomes ?

La notion d'autonomie est effectivement assez complexe et notamment dans un environnementoù le travail d'équipe est essentiel à la réalisation correcte de la mission poursuivie. Comment êtreautonome sans être individualiste et comment travailler ensemble sans être totalement soumis àl'autorité d'autres personnes ? Les frontières sont généralement difficiles à définir et seule une bonneconnaissance de son rôle et du rôle des autres acteurs hospitaliers ainsi qu'une capacité à fairereconnaître la valeur de son travail pourrait permettre une telle autonomie. Or, les infirmiers disentavoir peu de possibilités de concertations avec les partenaires de l'équipe pluridisciplinaire et accorderpeu d'importance à celles-ci. On voit mal dans ce cas comment ils pourraient connaître le rôle dechacun et faire reconnaître sa contribution aux soins. En outre, ils signalent le peu de collaborationexistant avec les médecins et ne se sentent pas systématiquement reconnus par ces derniers. Ceci nouspousse davantage à penser que les infirmiers ne disposent effectivement pas d'une réelle autonomiedans leur travail.

En quoi pourraient-ils alors se sentir autonomes ? Ne confondraient-ils pas l'autonomie avec unecertaine forme d'abandon ou d'autogestion dans un cadre défini par d'autres ? On leur confierait lemalade avec un diagnostic (parfois) et un certain nombre de prescriptions. Leur autonomie serait alorstotale… dans un cadre entièrement défini par d'autres, ce qui leur laisseraient peu de place pourdévelopper leur rôle propre ou réellement "autonome", peu de place pour une réelle approcheinfirmière du patient. On en reviendrait alors à nouveau à l'approche médico-technique des soins danslaquelle les infirmiers auraient une certaine liberté pour organiser, comme ils veulent, le travail attenduet demandé par d'autres.

Serait-on donc ici devant un leurre, un leurre d'autonomie qui enlève aux infirmiers toutepossibilité de développer une réelle professionnalisation au travers d'un apport spécifique et d'un rôlepropre reconnu par tous.

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Notons enfin que, lorsqu'ils posent un regard sur leur profession, les infirmiers travaillant enpsychiatrie évoquent plus souvent que les autres l'image d'une profession autonome. Sont-ils encoreplus abandonnés que les autres ou l'environnement moins médicalisé leur permet-il réellement une plusgrande autonomie dans leur prise en charge des patients. Le fait d'être obligés d'avoir une réellerelation avec les patients pour atteindre leurs objectifs de soins leur permettrait-il de ne pas (ou dansune moindre mesure) se laisser enfermer dans des aspects exclusivement médico-techniques. Toutes leshypothèses restent ouvertes et rien ne permet de les confirmer à ce niveau.

2. Relations avec autrui

Quittons à présent la problématique des soins directs pour aborder la délicate question des relationsentre acteurs. Certains éléments ont déjà été avancés lors de la discussion sur l'autonomie mais nous semblentintéressants à développer ci-dessous. Nous envisagerons donc successivement les relations avec les médecins,l'équipe pluridisciplinaire et la hiérarchie.

Notons déjà une remarque importante, tant dans les études qualitatives que dans l'analyse duquestionnaire, il apparaît que l'infirmier accorde beaucoup plus d'importance et se sente davantageresponsable vis-à-vis des personnes qui lui sont proches et avec qui il travaille régulièrement. La personneprioritaire à ses yeux est certainement le patient. Viennent ensuite l'équipe infirmière, le médecin, l'équipepluridisciplinaire, la hiérarchie et l'institution. Le sentiment d'appartenance à une institution semble assez peudéveloppé chez les infirmiers.

2.1. Relation avec les médecins

L'élément positif qu'il nous semble important de relever est le désir de la majorité des infirmiersd'entretenir de bonnes relations avec le corps médial. Plus de 70% des infirmiers estiment celanécessaire et trouvent que les relations actuelles sont de qualité. Ici encore, il semble donc que l'ondispose d'une force évidente pour envisager l'avenir de la profession. Malgré ce constat rassurant, troisinfirmiers sur dix estiment malgré tout qu'il n'y a pas de bonnes relations de travail et un infirmier surquatre estime que les médecins ne reconnaissent pas l'utilité des interventions infirmières. Ceci posedonc nombre de questions lorsque l'on sait combien la relation existant entre médecins et infirmierspeut influencer la qualité des soins (Aiken et al., 2002). Comment améliorer encore ces relations ? Unepiste de solution tiendrait peut-être dans l'amélioration de la reconnaissance (et donc de laconnaissance) mutuelle. Pour arriver à cela, l'augmentation des rencontres et discussions entremédecins et infirmiers semblerait nécessaire. Ceci nous paraît d'autant plus utile lorsque l'on sait queprès de 43% des infirmiers estiment qu'il n'y a pas beaucoup de travail d'équipe entre médecins etinfirmiers. Développer les occasions de se rencontrer ne pourrait qu'avoir un effet bénéfique sur lesrelations mutuelles si toutefois l'enjeu de ces discussions reste bien où il doit être… au niveau du bien-être et du devenir du patient. Reste que tout ceci dépend de facteurs organisationnels difficiles à fairebouger mais autour desquels une réflexion de fond s'avère nécessaire. Est-il possible de travaillerréellement en collaboration dans l'intérêt du patient sans se connaître, se reconnaître et sans disposer detemps, de lieux et d'objectifs précis (et convergents) sur lesquelles collaborer concrètement ? Selonnous, ceci ne peut se faire tant que les infirmiers n'auront pas défini leur contribution spécifique auxsoins de santé et ne disposeront pas d'arguments "scientifiques" appuyant leur rôle autonome.

Pour conclure, signalons qu'il nous semble qu'une analyse plus approfondie des résultatsconcernant les soins palliatifs permettrait certainement de tirer des conclusions intéressantes quant àcette problématique des relations entre acteurs. Cette idée est soutenue par une recherche de Cannaertsdans laquelle il a été montré clairement que le travail d'équipe contribue effectivement à des soins dequalité (Cannaerts, Dierckx & Grypdonck, 2000) Ceci est également valable en ce qui concerne lepoint suivant traitant des relations avec l'équipe pluridisciplinaire.

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2.2. Relation avec l'équipe pluridisciplinaire

Le constat le plus important concernant les relations avec l'équipe pluridisciplinaire est lesuivant : bien que les infirmiers se sentent faire partie à part entière de cette équipe (à plus de 90%),moins de la moitié d'entre eux sont d'accord de dire qu'ils assument une place centrale dans lacoordination des soins au sein de celle-ci. Même si ce rôle pourrait être inconscient, ceci semble fort àcontre-courant avec le discours largement propagé dans les institutions de formation en soins infirmierset par certaines théories de soins tendant – à tort ou à raison - à conférer à l'infirmier la coordinationdes soins. Comment pouvons-nous alors expliquer de tels chiffres ? L'orientation essentiellementmédico-technique du travail infirmier actuel pourrait en partie jouer un rôle dans ce désinvestissementde la coordination par l'infirmier. Celui-ci n'estimant peut-être pas qu'il lui revient de coordonner uneactivité essentiellement médicale. Sa position serait peut-être alors différente s'il avait à coordonnerl'ensemble des activités de soins touchant le patient (en tant que sujet de soins) et son expérience desanté actuelle.

Quoi qu'il en soit, reste alors à savoir qui assume ce rôle de coordination et s'il l'assume à justetitre. Une étude menée actuellement par l'unité des sciences hospitalières de l'UCL dans le cadre d'unprojet Léonardo Européen (Programme Léonardo da Vinci – Projet Pilote F/01/B/P/PP – 118135 -« Développer les compétences et la mobilité des cadres infirmiers pour améliorer la qualité de la priseen charge des patients à l’hôpital ») tendrait à montrer que cette fonction est actuellement assurée par àl'infirmier chef d'unité. Une réflexion en profondeur nous semble ici nécessaire afin de juger de lapertinence d'une telle situation tout en étant conscient qu'une modification de celle-ci (si cela étaitsouhaitable) entraînerait forcément d'importantes modifications dans l'organisation des services et dansla formation en soins infirmiers.

Deux autres constats posent également question. Premièrement, la concertation avec les autresprofessionnels de la santé semble faire partie des tâches que les infirmiers portent au second plan étantdonné que plus d'un tiers d'entre eux disent ne pas avoir eu l'occasion de se concerter lors de leurdernière journée de travail. Cependant, 65% le souhaitent. Le travail en collaboration et les structuresle permettant sont donc encore visiblement à promouvoir. Cela permettrait en tout cas d'améliorer lareconnaissance mutuelle des différents acteurs étant donné qu'un infirmier sur cinq estime ne pas êtrerespecté par les autres acteurs de l'équipe pluridisciplinaire. Nous revenons ici sur un sujet déjà discutéprécédemment.

2.3. Relation avec la hiérarchie

Par rapport à la hiérarchie, il nous semble important de différencier deux niveaux ; celui del’infirmier en chef et celui du reste de la ligne hiérarchique.

Premièrement, l'infirmier en chef, acteur à part entière de l'équipe infirmière, constitue pour lesinfirmiers un maillon indispensable de l'équipe. 85 à 90% d'entres eux disent en avoir besoin ettrouvent que le bon fonctionnement de l'équipe dépend de lui. Un même pourcentage d'infirmiersattend du chef des feed-back leur permettant d'améliorer la qualité de leur travail. En résumé, lesinfirmiers ont besoin du support de leur chef mais ne l'obtiennent, à ce jour que dans 65% des cas. Lesinfirmiers placent donc leur confiance dans cette fonction qui, visiblement, a encore de bellespotentialités à développer. Ici aussi cependant, une formation adaptée aux besoins réels des infirmiers,une formation en management humain de qualité semble plus que nécessaire. De telles conclusionsavaient également été mises en avant dans l'étude concernant le clinical leadership development project(Groupe CLP, 2002).

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Deuxièmement, par rapport aux cadres intermédiaires et supérieurs, il semble que latransmission d'informations de la direction vers la base soit une grande source de difficulté pour plusde six infirmiers sur dix et que près d'un infirmier sur deux ne se sent que très peu soutenu par lespolitiques de soins infirmiers institutionnelles ; politiques, qui dans leur esprit, sont sans douteélaborées loin de la réalité du terrain (en effet, 97% d'infirmiers souhaitent que la direction soit encontact avec la réalité du terrain). Ici aussi les infirmiers attendent donc un soutien qu'ils semblent nepas recevoir ou, en tout cas, ne pas percevoir. Est-ce une question de compétences des cadres, unproblème de formation ou encore un problème de visibilité des politiques institutionnelles ? L'étude nepermet pas de le dire mais une réflexion en profondeur sur le type de management du départementinfirmier (management à tous les niveaux de l'institution) semble, ici aussi, nécessaire afin d'utiliser aumieux le potentiel disponible. Même si de nombreuses pistes de réflexions restent ouvertes, il estheureux de constater que des travaux concrets ont déjà débuté suite à l'étude concernant le leadershipclinique.

Notons enfin que l'importance apportée à la relation avec les médecins et la hiérarchie estbeaucoup plus élevée en Flandre (respectivement 77% et 75,1%) qu'à Bruxelles (66.5% et 52.2%) ouen Wallonie (54% et 36.1%). Influence culturelle ou autre, rien ne nous permet de statuer sur ceséléments qui constituent assurément une force à exploiter.

3. Formations aux compétences en soins infirmiers

3.1. Développement des compétences et enseignement

Dans un premier temps, nous analyserons les facteurs contribuant aujourd’hui au développementdes compétences infirmières et la satisfaction actuelle des infirmiers par rapport aux principauxniveaux de formations qui leurs sont proposés.Nous analyserons ensuite l’avis des infirmiers quant aux domaines dans lesquels il faudrait investir aupoint de vue du développement de leurs compétences ce qui nous permettra de formuler un certainnombre de propositions adaptées à chaque situation.

3.1.1.Quatre grands domaines contribuent au développement des compétences

Lorsque l’on analyse les résultats de l’enquête, on voit clairement se détacher quatregrands domaines qui contribuent particulièrement au développement des compétencesinfirmières. Ces domaines concernent, par ordre d’importance, l’expérience acquise sur le terrainet les réflexions personnelles, la formation de base en soins infirmiers, l’échange deconnaissances et d’expériences avec les collègues et l’initiation à l’engagement dans un nouveauservice. Il est intéressant de noter que, pour deux de ces quatre domaines (expérience acquise sele terrain et échange entre collègues), le développement des compétences se fait de manièretotalement informelle et ne relève d’aucune organisation particulière et d’aucun supportextérieur structuré. Chacun est donc totalement libre de profiter ou non, de rechercher ou non cesopportunités de formation, ce qui pourrait rendre le résultat totalement aléatoire d’un infirmier àl’autre. Même si leur contribution est déjà importante, des pistes de solutions sous forme desoutien à ces deux domaines semblent donc nécessaires. Nous y reviendrons ultérieurement.Notons également que l’expérience acquise sur le terrain est perçue comme plus importante àBruxelles et en Wallonie qu'en Flandre. Outre l'aspect culturel qui peut certes jouer à ce niveau,d'autres facteurs pourraient intervenir qu'il serait intéressant d'analyser (notamment la différencede formation, la différence de vision entre les brevetés et les gradués,…).Enfin, on constate une grande différence à propos de l'initiation à l'engagement. En Flandre, celasemble contribuer davantage au développement des compétences et l'on veut y investir. Onpourrait croire que ces formations permettant l'adaptation des infirmiers à une nouvelleinstitution ou à un nouveau service (et donc à de nouvelles techniques) sont principalementorientées sur des aspects médico-techniques ? Quoi qu'il en soit, elles sont visiblement

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appréciées, utiles et de qualité dans cette région du pays où elles répondent peut-être aussidavantage aux besoins d'une population d'infirmiers plus souvent brevetés. Ici non plus, aucunélément du questionnaire ne nous permet de statuer mais il semble qu’une étude de cephénomène pourrait s’avérer intéressante.

3.1.2.Dilemmes et contradictions face à la formation de base en soins infirmiers

Concernant la formation de base, les relations à l'infirmier professeur peuvent aussi poserquestion. Comment l'étudiant peut-il se positionner entre deux acteurs qui ont des visionstotalement différentes des soins infirmiers (seulement 17% des infirmiers estiment que lesinfirmiers professeurs ont la même image qu'eux de la profession !).Les infirmiers se disent d'accord ou totalement d'accord avec le fait que l'accompagnement desétudiants fait partie de leur mission (à plus de 90%). En outre, on remarque qu'ils considèrentque la formation se fait principalement sur le terrain (85% sont d'accord ou tout à fait d'accordavec cela)… et donc à leur contact ! Cependant, ils n'en retirent rien en terme d'apprentissage cequi semble étonnant. En outre, ils ne privilégient pas ces temps sur le terrain, et disent ne pasavoir le temps de s'y consacrer et de parler avec les étudiants. Peut-on former des étudiants sanséchange avec eux et sans discussion ? L'infirmier considère-t-il simplement que son rôle consisteà être un modèle duquel l'étudiant doit retirer (par lui-même) un certain nombre d'apprentissageset de connaissances ? La question mérite d'être posée d'autant que malgré leur apport évident à laformation (cfr supra), ils considèrent seulement à 33.6% que les étudiants sont aptes à exercer àla fin de leurs études !

3.1.3.Une formation permanente suivie… mais pourquoi ?

Concernant les formations permanentes, nous pouvons relever le faible pourcentaged’infirmiers estimant que cela contribue au développement de leurs compétences (34,8%).Cependant, d’autres questions donnent des éléments totalement différents, ainsi 85% desinfirmiers estiment que les formations permanentes contribuent à la qualité des soins. Un telchiffre témoigne-t-il d’un réel apport des formations permanentes, est-il simplement le refletd’une idée largement préconçue et répandue sur la nécessité de suivre des formationspermanentes pour maintenir à jour ses connaissances ou encore, résulte-t-il du fait qu'on accordebeaucoup d'attention aux activités médico-techniques durant ces formations ?Un autre constat difficile à comprendre réside dans le fait que 73% des infirmiers considèrent laformation permanente comme une priorité et 85% sont satisfaits d’y participer. Or, un peu moinsde 20% des personnes interrogées sont entièrement d’accord avec le fait de dire qu’ellesrecherchent par elles-mêmes des possibilités de se former. Difficile de comprendre de telschiffres, mais un si bas pourcentage pose assurément question. En résumé, il semble que lesinfirmiers estiment que la formation permanente pourrait avoir une utilité (peut-être au niveau deleurs compétences médico-techniques) mais restent peu proactifs à ce niveau n’étant quepartiellement convaincus de son impact actuel sur le développement de l'ensemble de leurscompétences. Qu’y trouvent-ils alors de si satisfaisant ? Probablement aussi une poche d’air leurpermettant de souffler et de se défaire, le temps d’une journée, du poids permanent du contextehospitalier actuel ?Notons également qu'à Bruxelles, où les gens cherchent davantage les possibilités de formationspermanentes, on retrouve davantage de personnes suivant ces formations. C'est cependant aussidans cette région qu'on estime le plus nécessaire d'investir dans ce domaine. Pourquoi cettenécessité accrue dans une région où les personnes ont déjà un large accès aux formationspermanentes ? Est-ce le reflet d'un intérêt réel pour de telles formations ou une demanded'amélioration des formations actuelles vu leur faible contribution au développement descompétences (6ème position sur 12 !) ?

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3.1.4.Une formation universitaire peu visible et peu reconnue

La formation universitaire en sciences de la santé publique est, de manière générale, peureconnue comme contribuant au niveau de compétence (dans les infirmiers n'ayant suivi aucuneformation complémentaire seuls 5% pensent qu’elle a une contribution grande ou très grande).Et même s’il est utile de noter que ce pourcentage est plus élevé chez les personnes ayant suivicette formation, il n’atteint cependant que 47,3%. Comment interpréter un tel chiffre ? Remet-ilen cause la qualité de la formation en elle-même qui pourrait ne pas mener à un développementdes compétences ? Est-il le signe d’une formation non adaptée aux besoins des personnes et danslaquelle on développerait un certain nombre de compétences peu utiles sur le terrain ? Est-ilenfin le signe d’une formation de qualité, adaptée aux besoins du terrain mais réalisée auprès depersonnes qui ne peuvent mettre en œuvre ce qu’elles ont appris à cause du contexte hospitalieractuel ou de leur position dans l’institution (à des postes ne valorisant pas leur diplômes) ? S’ilest difficile, sur base du questionnaire, d’apporter une réponse positive à la première proposition,des éléments semblent nous montrer que la formation serait effectivement partiellementinadaptée aux besoins réels des personnes sur le terrain et que celles-ci ne peuvent mettre enœuvre l’ensemble de leurs compétences une fois confrontées à la réalité du terrain (à Bruxellesparticulièrement, le nombre de personnes ayant suivi une formation universitaire est nettementplus élevé que dans les autres régions du pays et nombre de personnes sont donc probablementsurqualifiées par rapport à la mission qui leur est confiée actuellement).

Le fait que davantage d'infirmiers flandriens possédant une licence en sciences médico-sociales trouvent que la formation universitaire a un impact grand à très grand sur ledéveloppement de leurs compétences actuelles peut probablement être expliqué par le fait que laFlandre a opté pour une formation universitaire davantage orientée sur l’aspect clinique et ontintroduit depuis plus longtemps la fonction d’infirmier spécialiste clinique. Ces élémentsrendent probablement plus visible la contribution des formations universitaires au niveau dudéveloppement des compétences actuelles des infirmiers.De plus, le fait qu’un nombre relativement élevé d’infirmiers (principalement sans formationcomplémentaire ou avec une formation complémentaire non universitaire) a un regard négatifsur la contribution de la formation universitaire au développement des compétences peutégalement découler de la difficulté bien connue de faire un lien visible entre la formationuniversitaire et les compétences développées par celles-ci.

3.1.5.Une insatisfaction face aux systèmes actuels

Comme nous venons de le voir, différents éléments d’insatisfaction semblent transparaître parrapport aux systèmes actuels de développement de compétences. Avant de faire des propositions parrapport à ces trois éléments, voyons tout d’abord les principaux domaines dans lesquels les infirmiersveulent investir.

Les domaines prioritaires sont, sans conteste, la formation permanente (six infirmiers sur dix auniveau national) et la formation de base en soins infirmiers (un peu plus de quatre infirmiers sur dix).Viennent ensuite l’échange de connaissances et d’expériences avec les collègues infirmiers ou d’autresdisciplines (principalement en Wallonie et à Bruxelles) et les spécialisations (principalement enFlandre). Cette différence nous semble importante à prendre en considération.

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3.2. Quelles formations pour l'avenir ?

3.2.1.Une formation de base profitant des tensions entre école et hôpital

Il n’est bien entendu pas possible de discuter ici, de manière exhaustive, de la pertinencedu système de formation actuel. Néanmoins certaines informations nous permettent d’envisagerun certain nombre de propositions.

Le principal point d’achoppement semble résulter des visions apparemment différentes dela profession. D’après nos expériences d’infirmiers et de formateurs, il nous semble cependantque ces visions ne sont pas si différentes qu’il n’y paraît au premier abord, mais qu’il existe parcontre une méconnaissance réciproque entre les infirmiers de terrain (et leurs objectifs de soinset de rentabilité) et les infirmiers professeurs (et leurs objectifs de formation). Plutôt que de sefocaliser sur les différences apparentes existantes, les infirmiers pourraient, dans de nombreuxcas, utiliser ces différences pour permettre des discussions et des confrontations porteuses desens et donc de développement de compétences. La situation actuelle ressemble bien souvent àceci : les infirmiers professeurs rappellent souvent aux étudiants avant les stages « ne fais pascomme tu verras sur le terrain » alors que les infirmiers du terrain mettent en garde ces mêmesétudiants en leur signalant « ici, tu oublies ce que tu as appris à l’école et tu réserves ça pour tesexamens ». Les étudiants apprendraient certainement beaucoup plus si les différents acteurslâchaient prise par rapport à leurs propres pratiques pour permettre à l’étudiant de découvrir sapratique des soins. Favorisant chez lui la réflexion et la confrontation de deux modèles(possédant chacun leurs points positifs et négatifs) pour trouver sa vision réfléchie et justifiéedes soins infirmiers. L’étudiant pourrait alors certainement plus facilement trouver un espace deliberté dans lequel il définirait sa pratique sur base de principes fondamentaux enseignés àl’école et sur base de la réalité (souvent complexe) du terrain. Il ne serait plus obligé de choisirson camp entre la formation ou le terrain mais pourrait enfin devenir autonome et praticienréflexif (personne réfléchissant sur sa pratique).

Arriver à une telle situation ne peut se faire sans l’émergence de réels projets de formationconstruits en collaboration avec les institutions de soins ou, tout au moins, avec l’explicitationdes projets de formation aux personnes du terrain et grâce à une réelle collaboration entre lesmilieux de formation et de pratique. Une meilleure connaissance réciproque des objectifs et desbesoins de chacun pourrait certainement permettre de sortir de cette situation inconfortable oùchacun estime que l’autre ne fait pas ce qu’il faut faire, où chacun pense que l’autre a une visionfondamentalement différente de la sienne.

Reste un problème évident, si les étudiants passent la moitié de leur formation sur lesterrains de stage, il semble qu’à l’heure actuelle ces étudiants ne disposent que de peu de soutiensur le terrain pour leur permettre de développer leurs compétences autrement que parl’observation et l’imitation. Quelles solutions apporter à ce problème ? Une sensibilisation desinfirmiers à certaines notions pédagogiques ? La mise en place d’un réel encadrement par lesinfirmiers du terrain (ce qui demande du temps et du personnel) ? L’augmentation despossibilités de supervision des étudiants sur le terrain (ce qui demande également du temps et dupersonnel) ? Une meilleure préparation des étudiants à leur stage grâce à une formationfavorisant davantage la réflexion personnelle et l'ouverture d'esprit que l’imposition de pratiqueset techniques toutes faites et « irréalisables » en réalité ?

Nombre de pistes d’amélioration sont en tout cas envisageables et nécessaires etpourraient s'appuyer sur une force non négligeable présente sur le terrain. En effet 89% desinfirmiers estiment que participer à la formation des étudiants fait partie de leur rôle même s’ilsn’ont, à ce jour, pas le temps ou l’occasion de s’en préoccuper (6 infirmiers sur 10 ne peuventjamais ou que parfois consacrer du temps à parler avec les étudiants). Une fois encore, il apparaît

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donc que la priorité donnée aux aspects médico-techniques du métier prend le pas sur d’autresmissions infirmières qui, bien que fondamentales, sont devenues difficilement réalisables.

D'autres pratiques ou habitudes semblent également importantes à repenser. En effet, ilserait pertinent de réfléchir aux meilleures stratégies qui permettraient aux étudiants dedévelopper de manière cohérente et intégrée l'ensemble des compétences propres à leur fonction.Il nous paraît utile de mettre en garde contre des systèmes encore trop souvent basés sur ledéveloppement d'une somme de capacités médico-techniques au travers d'un système deformation fortement inspiré des spécialités médicales ( soins infirmiers en médecine, soinsinfirmiers en maternité, soins infirmiers gériatriques,…). Peut-être serait-il intéressant derepenser la formation en soins infirmiers pour la reconstruire sur des valeurs spécifiquementinfirmières et qui permettraient davantage de développer des compétences transversales utilesquelle que soit la spécialité exercée. Un préalable s'impose dès lors, celui d'encourager ledéveloppement de ces savoirs infirmiers par une recherche accrue. Celle-ci permettrait de rendrevisible et de conceptualiser un savoir infirmier souvent intuitif, informel,…

Enfin, un certain nombre de compétences indispensables à une pratique professionnelle(délégation, coordination, travail d'équipe interdisciplinaire) ne sont que fort peu envisagéesdans les formations actuelles. Or nous avons vu combien ces compétences prennent de plus enplus d'ampleur actuellement. Former les étudiants à de telles compétences demande assurémentde réfléchir à de nouveaux dispositifs pédagogiques plus adaptés à de tels objectifs. Outre ceséléments il semble aussi utile d’imaginer un système de formation permettant aux futursinfirmiers de réfléchir au sens de leur mission et aux possibilités de dépasser les limitesimposées par le contexte actuel qui les poussent encore trop souvent à donner des soinsessentiellement médico-techniques.

3.2.2.Une formation permanente infirmier vivante et vivifiante

Au vu des résultats exposés précédemment, il semble que la formation permanente, tellequ’elle est organisée actuellement ne satisfasse pas pleinement les infirmiers et ne participe quebien peu au développement des compétences. Améliorer cette situation demanderait selon nousde revoir fondamentalement l’organisation actuelle de ces formations afin qu’elles répondentdavantage aux attentes des infirmiers.

Essentiellement organisées actuellement autour de notions théoriques, médicales ettechniques, elles permettent peu souvent aux infirmiers d’aborder des problématiquesspécifiquement infirmières centrées sur des besoins moins « médicalisés » des personnessoignées. Si de telles formations semblent utiles et appréciées en début de carrière (notammenten Flandre sous la forme d’une initiation à l’engagement), les infirmiers semblent vouloirdavantage d’échanges et de discussions leur permettant de confronter leur vision des soins avecd’autres professionnels (infirmiers) pour développer ensemble de nouvelles compétences et/oude nouveaux savoirs. De telles formations peuvent certainement être organisées selon lesmodèles actuels de formation dispensées en extrahospitalier mais pourraient aussi, selon nous,être organisées et favorisées par l’hôpital lui-même. Dégager des moments de réflexion enéquipe ou dans l’institution autour de certaines problématiques infirmières pourrait contribuerfortement au développement des compétences. Ce mode de formation, s’il était organisé au seindes équipes infirmières (par exemple sous forme de staffs infirmiers), pourrait fortementrenforcer l’esprit d’équipe et la cohérence des projets de soins et des soins proposés auxpersonnes soignées (n’oublions pas qu’à l’heure actuelle, un infirmier sur cinq n'est pas du toutd'accord ou plutôt pas d'accord avec le fait de dire que "l’équipe infirmière est d’accord sur lesobjectifs de soins communs à poursuivre"). Reste donc à engager une réflexion de fond au seindes institutions quant aux moyens à mettre en œuvre pour favoriser de telles démarches.

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Outre ces formations visant le développement des compétences infirmières et del’expertise, il semble aussi utile d’imaginer de nouvelles formations permettant aux infirmiers deredonner du sens à leur mission et de réfléchir aux possibilités de dépasser les limites imposéespar le contexte actuel qui grève leur apport potentiel à une « simple » fourniture de soinsmédico-techniques. Tout ceci n’étant utile que si les infirmiers disposent, après ces formations,d’un support dans l’équipe pour favoriser la mise en œuvre des compétences développées (nousen reparlerons ci-après au niveau de la formation universitaire).

De telles mesures permettraient selon nous d’offrir aux infirmiers des formations plus enphase avec leurs attentes et donc, peut-être, de renforcer leur pro-activité face à la formationpermanente.

3.2.3.Une formation universitaire centrée sur le management humain, le leadership et ledéveloppement d'expertises infirmières.

Différents éléments du questionnaire permettent ici de signaler l’importance évidented’apporter aux cadres de demain des compétences dans la gestion du personnel et d’une équipede soins. Les infirmiers ont besoin de support, de feed-back sur leur travail, d’encadrement,d’informations claires émanant de la hiérarchie,… et l’expriment fortement.

Ceci ouvre nombre de possibilités pour une formation plus adaptée aux besoins du terrainmais probablement aussi plus complexe à organiser. Il est temps de former des cadres infirmierspour lesquels la priorité serait d’apporter aux infirmiers un support suffisant pour leur permettred’assumer pleinement leur mission soignante dans un contexte difficile et délicat. Des cadresvisionnaires, supportant l’équipe et lui permettant de se réaliser pleinement tant dans leur visionmédico-technique (ce qui est déjà possible actuellement) que dans leur vision infirmière et dansleur besoin de prendre en compte la personne en tant que sujet de soins. Telle est notamment undes objectifs poursuivi par les formations faisant suite au projet de développement du leadershipclinique.

Même si une étude plus approfondie serait nécessaire à ce sujet, il semble également quela « surpopulation » de personnes avec formation universitaire présentes à Bruxelles pourraitengendrer nombre de problèmes et notamment une fuite de ce personnel vers d’autres secteurs sil’on ne parvient pas à utiliser ces personnes à bon escient (les personnes avec formationcomplémentaire universitaire sont deux fois plus nombreuses que les personnes sans formationcomplémentaire à dire qu’en ce moment elles cherchent autre chose et que si l’occasion seprésentait, elles quitteraient la profession). On dispose là d’une force évidente et probablementde personnes désirant faire avancer la profession si on leur en donnait réellement l’occasion.

Ce premier constat, auquel s'ajoute le fait que les infirmiers estiment avoir peu depossibilités de carrière (seules 6,2% des infirmiers sont entièrement d'accord de dire que lespossibilités de carrière offertes dans la profession infirmière leur permettent de réaliser leursambitions) nous amène à réfléchir à l'impact que pourrait avoir le développement et lareconnaissance de nouvelles fonctions à l'hôpital. Les chiffres de l'étude nous montrent d'ailleurscombien ces fonctions existent déjà sur le terrain où l'on retrouve nombre d'infirmiers deréférence pour les services (4,1%) ou pour l'institution (3,3%). Ce constat est d'ailleurs encoreplus présent en Flandre où les chiffres sont respectivement de 4% et 3,6%. Ainsi, résoudre leproblème de la carrière infirmière ainsi que celui de la fuite de personnel pourrait probablementse faire en reconnaissant officiellement ces nouveaux postes au sein des institutions. Quoi qu'ilen soit et pour revenir à la question de la formation universitaire, il y a nécessité de former lespersonnes occupant ou désirant occuper de tels postes. Outre les compétences pédagogiques dontelles devraient pouvoir faire preuve, il est essentiel aujourd'hui d'apporter une importanceparticulière au développement de compétences "soignantes" à l'université. Ceci revient à former

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des infirmiers qui seraient de réels spécialistes cliniques. Des infirmiers pouvant tirer pleinementparti des recherches récentes pour fournir des soins sur base de données probantes. L'enjeu estdonc bien ici de promouvoir la pratique avancée en soins infirmiers (et non pas ledéveloppement de compétences médicales) afin de mettre en évidence l’apport spécifique de laprofession infirmière. C'est alors seulement que la profession infirmière pourra progresser versune plus grande autonomie et s'assurer d’une plus grande reconnaissance de son rôle autonomespécifique. La position existant actuellement en Flandre semble encourageante par rapport à detelles fonctions. Peut-être serait-il intéressant de continuer à explorer de telles voies.

4. Satisfaction au travail, image de la profession et plan de carrière

Cette partie traitera successivement de trois notions essentielles pour permettre d'envisager l'avenir dela profession. Dans un premier temps, nous analyserons la satisfaction des infirmiers au travail ainsi quedifférents éléments venant influencer celle-ci. Dans un second temps, nous regarderons comment l'infirmierperçoit sa profession et comment il estime que d'autres la perçoivent. Nous verrons enfin comment ces deuxpremiers éléments peuvent avoir, ou non, un lien avec le désir de quitter la profession.

4.1. Satisfaction au travail

4.1.1 Une impossibilité de donner les soins désirés

Le premier constat important à réaliser réside dans le fait que 45% des infirmiers ne peuvent pasdonner les soins qu'ils voudraient donner. Nous avons déjà vu précédemment combien certains soins nepeuvent être réalisés par faute de temps. Les soins centrés sur les besoins et désirs de la personnepassant au second plan alors que la priorité est donnée aux soins médico-techniques. Si on ne peut nierqu'un tel ordre de priorité est normal pour assurer des soins sécuritaires, il est malgré tout utile de sedemander dans quelle mesure il ne faut pas chercher des solutions pour permettre aux infirmiers deconcilier les deux principaux aspects de leur profession.

Même si ce constat peut être fait de la même manière pour l'ensemble du pays, il faut malgrétout relever de grandes différences entre les régions. Ainsi, par exemple, 45% des infirmiers flandriensne peuvent jamais ou rarement adapter leur travail aux souhaits personnels des patients, contre 65,6%en Wallonie et 57,3% à Bruxelles. D'autres exemples sont tout aussi évidents lorsqu'on regarde lestâches que l'infirmier n'a pas su effectuer lors de sa dernière journée de travail. Ainsi, deux fois plusd'infirmiers wallons que flandriens n'ont pas eu le temps d'éduquer le patient et sa famille (31,0% vs14,9%), de préparer le patient à sa sortie d'hôpital (17,4% vs 8,9%), ou encore, de faire de la préventionpour les escarres (7,9% vs 3,4%). Bruxelles a une situation intermédiaire avec des chiffres qui sontrespectivement de 27,4%, 13,4% et 5,3%. Comment expliquer de tels écarts ? Nombre d'interprétationspeuvent être fournies. Aucune ne peut cependant être validée par l'analyse des résultats de cette étude.Est-ce un problème inhérent à une différence culturelle dans l'évaluation qui est faite d'une certaineréalité (les Wallons sont-ils plus pessimistes de nature ?), le reflet d'une situation de "pénurie"nettement plus difficile en Wallonie et à Bruxelles, les conséquences de situations de soins et depathologies plus lourdes pour la Wallonie et Bruxelles, ou encore une importance accrue accordée àcertains soins (éducation au patient,…) et donc l'impression de ne pas pouvoir les donner à toutes lespersonnes qui en auraient besoin,… L'analyse des données du RIM et du RCM permettraitprobablement d'apporter un début de réponse à ces questions.

4.1.2. Un contexte stressant et peu soutenant

Quoi qu'il en soit, il apparaît comme évident qu'un certain nombre de tâches spécifiques à lafonction soignante des infirmiers ne peuvent être réalisées actuellement. Lorsque l'on tente d'analyserles raisons d'une telle réalité, différents facteurs semblent apparaître comme prépondérants.

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Premièrement, nous avons déjà signalé précédemment que le manque de temps est un facteurindéniable. On a vu combien les infirmiers regrettent les supports insuffisants pour réaliser le travaillogistique et administratif qui ne leur permettent pas de libérer assez de temps pour les patients.Deuxièmement, et ceci est apparu dans l'analyse des relations entre les infirmiers et le reste des acteurshospitaliers, un manque de soutien, de reconnaissance et de collaboration efficace avec certainsintervenants. A ce niveau, nous pouvons également relever à nouveau la difficulté apparente pour lesinfirmiers de déléguer certaines tâches et donc de se dégager du temps pour pouvoir réaliser d'autressoins. Troisièmement, notons que si les infirmiers n'accordent que peu d'importance aux facteursfinanciers dans les soins (six sur dix estiment que cela fait partie de leur mission – ce chiffre bas étantprobablement dû au faible sentiment d'appartenance à l'institution), ils en regrettent néanmoins lesimpacts sur les soins (six infirmiers sur dix estiment que le contexte économique de l'hôpital s'oppose àleurs aspirations d'infirmiers et quatre infirmiers sur dix disent ne pas pouvoir donner les soins qu'ilsvoudraient donner). Ces trois facteurs, le temps, le soutien et le désintérêt pour le contexte financiernous semblent essentiels face à toute réflexion qui s'engagerait sur l'avenir de la profession.

Enfin, un dernier élément influence très certainement la satisfaction des infirmiers : le stress. Lesrésultats de l'étude nous montrent que 68,6% d'infirmiers perçoivent leur environnement comme étantstressant. Quel est l'origine de ce stress ? Comment le réduire ? Si l'élément principal tientprobablement dans l'influence du contexte, d'autres causes telles la nature du travail infirmier ou lesentiment de responsabilité élevé dont font preuve les infirmiers vis-à-vis d'une multitude de tâches etd'intervenants jouent sans doute également un rôle. Peut-être serait-il alors non seulement utile dedévelopper chez les infirmiers leur hardiesse au travail7 mais aussi de clarifier la fonction et lesresponsabilités réelles et effectives qui leurs incombent et de leur apprendre à dire "non" à certainestâches pour ne plus faire un travail qui ne leur est pas forcément dévolu au détriment des fonctions etdes tâches qu'ils revendiquent.

4.1.3. Une insatisfaction importante

L'ensemble des éléments cités précédemment contribue probablement à expliquer pourquoi seuls12,1% des infirmiers sont très satisfaits de leur travail actuel et pourquoi seulement 13,9% d'entres euxsont satisfaits d'avoir bien accompli leur travail en fin de journée alors que 7,2% sont découragés etattristés de ne pas tout avoir pu faire pour les patients. De grandes différences existent ici entre lesrégions étant donné que deux fois plus de personnes en Flandre sont satisfaites d'avoir bien accomplileur travail en fin de journée (16.7% vs 8.4 en Wallonie et 7.6 à Bruxelles) et deux à trois fois moinssont découragées et attristées (4,9% vs 13,4% pour la Wallonie et 8,9% pour Bruxelles). Enfin, pourconclure et pour confirmer le lien existant entre les facteurs contextuels et la satisfaction des infirmiersdans leur travail, notons que si seules 12,1% d'entre eux sont très satisfaits de leur travail actuel, cechiffre double (25,8%) lorsqu'on leur demande si, indépendamment du contexte dans lequel ilstravaillent, ils sont très satisfaits d'être infirmier. Il est essentiel de prendre en compte l'ensemble deces données pour toute décision concernant l'avenir de la profession ou pour toute recherche ultérieurevisant à analyser le problème de pénurie d'infirmiers ou l'influence du contexte sur les soins infirmiers.

Bien que la relation entre la satisfaction au travail et le désir de quitter la profession pourrait êtreanalysée sur base des données recueillies lors de cette étude, nous n'avons pas pu le réaliser dans lecadre de ce rapport. Une recherche plus approfondie à ce niveau ne ferait cependant que confirmer lanécessité (mise, par ailleurs, en évidence dans ce rapport) d'envisager des pistes de solutions novatricesafin de maintenir en place les infirmiers dans les institutions hospitalières (et peut-être dans laprofession).

7 Ressource personnelle permettant aux personnes de demeurer en santé dans un univers pourvoyeurs denombreux stresseurs (Maddi, Kobasa, 1984 in Dalmas 2001)

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4.2. Image de la profession et fierté d'être infirmier

4.2.1 Un sentiment de fierté impressionnant

Un premier constat, très positif, réside dans le fait que 87,1% des infirmiers se disent fiersde leur profession. Si, dans un premier temps, on peut penser qu'il s'agit là d'une force évidentepour attirer et faire la promotion du métier, ce chiffre pose néanmoins question lorsque l'on saitque seuls 60,8% des infirmiers referaient les mêmes études et que seulement 45,3%recommanderaient ces études à leurs enfants ou à un ami. Comment interpréter de tels chiffres ?Même dans les moments difficiles que vivent les infirmiers à l'heure actuelle, ils restent fiers dece qu'ils font. On pourrait soutenir le fait qu'on est généralement fier lorsqu'on parvient à faire ouà réussir quelque chose de difficile (et les infirmiers perçoivent bien leur profession comme étantdifficile). Cependant qui conseillerait ou espérerait que son enfant ou un ami choisisse, pour savie à venir, une voie difficile (physiquement, mentalement,…). Une autre interprétation pourraitavancer que les infirmiers sont fiers de faire ce métier par rapport à l'image idéale qu'ils enavaient lorsqu'ils ont commencé leurs études et qui est véhiculée dans la société: "je suis fier depouvoir aider les gens dans les moments difficiles de leur vie" et non par rapport à la réalité deleur travail au quotidien. Face à cette même situation, on pourrait également penser qu'ils neconseilleront pas leur profession ne voulant pas inciter quelqu'un qui a peut-être un idéal(comme eux) à choisir une profession qui ne lui permettra pas de le réaliser.

4.2.2.Des images contradictoires

A cette première contradiction s’ajoute une autre : l'image qu'ont les infirmiers de leurprofession et l'image qu'ils pensent que la société en a. Des différences fondamentales existententre ces deux images. Ainsi, si la majorité des infirmiers voient leur profession comme unmétier à hautes responsabilités (82,5%), dur (71,8%) et mal payé (61,9%) elles estiment parcontre que la société voit le métier d'infirmier comme une vocation (73,4%) et les infirmierscomme faisant essentiellement des pansements et des toilettes (49,2%) et comme étant les petitesmains des médecins (37,3%).

Face à ces représentations il est étonnant de remarquer que l'infirmier pense que la sociétéa une image positive de sa profession (60% en moyenne et 76% en Wallonie). Cette perceptionpositive provient, selon nous, pour une part importante de la notion de vocation qui force respectet admiration pour la profession infirmière. On peut en effet difficilement imaginer que lasociété ait une vision négative du métier alors qu'elle pense que les infirmiers sont entièrementdévoués à leur prochain, se donnent corps et âmes à leur métier,…. Reste cependant (et celasemble logique) que cette image positive est considérée comme fausse à plutôt fausse par 79.6%des infirmiers et comme frustrante ou dérangeante dans 53.5% des cas. Ceci semble asseznormal à partir du moment ou l'image très (trop) positive de la société s'appuie essentiellementsur des notions (valeurs) non professionnelles. Il faut être bon, savoir s'occuper des patients,changer des langes et laver les personnes,…. Les candidats potentiels vantent les mérites desinfirmiers mais ne se sentent pas capables d'effectuer le travail réalisé par les infirmiers (surtoutquant aux tâches quotidiennes). Nous ne sommes pas ici devant un problème de compétencespotentielles mais bien de volonté pour réaliser certains actes. Dès lors, en dépit de leuradmiration pour la profession, peu rejoindraient le groupe des professionnels infirmiers (ouauraient le souhait de devenir infirmier) (Hemsley-Brown, 1999). Voilà selon nous un messagequi passe fréquemment dans la société et qui montrent clairement que l'image renvoyée, bien quepositive, n'est donc finalement que peu valorisante.

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Ainsi, nous venons de le voir, les images véhiculées par la société et par les infirmierssemblent fort différentes. Ces différences ont tendance à s'accentuer parallèlement avec le niveaude formation ou la situation hiérarchique des infirmiers. Ainsi, un infirmier davantage formé ouhaut placé se sentira davantage dérangé ou frustré par l'image perçue de la société. Ceci secomprend aisément lorsque l'on sait qu'ils ont une image d'une profession plus autonome,donnant plus de responsabilités, résultant moins d'une vocation et étant moins soumis à l'autoritémédicale. Cependant, étant eux-mêmes plus dérangés ou frustrés, on peut se demander quelle estla nature du message qu'ils font passer aux infirmiers placées sous leur responsabilité.

Notons également que l'image que l'on a de sa profession se modifie au fil des ans et plusparticulièrement au niveau de la perception de la lourdeur du métier qui semble s'accroître. Dansce cas, par contre, la perception de l'image de la société est perçue comme moins fausse et moinsnégative comme si les infirmiers, eux-mêmes plus convaincus de la lourdeur de leur métier, sesentaient moins dérangés par une image de la société mettant essentiellement l'accent sur cepoint précis.

4.2.3.Un impact sur le désir de quitter la profession

Le principal élément à mettre en avant réside dans le lien évident entre les sentimentsprovoqués par l'image de la société perçue par les infirmiers et le désir, pour ceux-ci, de quitterla profession. En effet, nous avons pu remarquer qu'une image fausse, négative, frustrante oudérangeante entraîne deux à quatre fois plus de personnes à se positionner dans la catégorie "jecherche autre chose et si possible je quitte la profession".

Ainsi, même s'il n'est pas possible, à l'heure actuelle, de parler de l'image réelle de lasociété (aucune étude n'existant à ce niveau en Belgique), peut-être serait-il nécessaired'envisager une réelle étude visant à l'identifier. Ceci permettrait soit de pouvoir argumenterauprès des infirmiers qu'ils ont une vision tronquée de cette image, soit d'envisager des actionsconcrètes dans la société afin de modifier une vision irréelle du métier. Reste alors que si l'ondésire modifier l'image de la société, il faut connaître la nouvelle image que l'on désire diffuser(et les meilleurs canaux pour le faire). A ce niveau, nous l'avons vu, une réelle difficulté existeratant qu'une réflexion de fond sur le rôle et l'apport spécifique des infirmiers n'aura pas eu lieu.

De telles réflexions et, si nécessaire, une modification de l'image de la société,faciliteraient certainement la vie des infirmiers lorsqu'ils devront se positionner face à despersonnes désirant rejoindre la profession. Peut-être, se retrouvant face à des candidats mieuxinformés, ne devront-ils plus trop les mettre en garde contre le risque de voir s'envoler leursillusions sur la profession. Dans ce cas seulement, les 87% d'infirmiers fiers de leur professionpourraient réellement devenir une force d'attraction pour les futurs candidats désirant entamerune formation.

Pour conclure, voyons maintenant comment comprendre le fait que 45,2% (soit unpourcentage plus élevé que pour toutes les autres solutions avancées) des infirmiers estiment quedes campagnes d'amélioration de l'image effectuées par le gouvernement n'auront pas d'impactsur l'avenir de la profession ? Et que dire des deux campagnes publicitaires lancées l'annéedernière ? Une première hypothèse pourrait avancer que les infirmiers ayant répondu auquestionnaire étaient encore fortement marqués par la première campagne (peu appréciée) etn'ont point été sensibilisés par la seconde (qui avançait pourtant des valeurs professionnelles plusproches de leurs attentes). Une autre hypothèse pourrait avancer que les infirmiers accordent peud'importance à de telles campagnes car ils ne voient pas directement comment elles pourraientavoir un impact sur les facteurs contextuels ; ce mur qui, selon eux, les empêchent de donner lessoins qu'ils voudraient donner.

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Ces campagnes bien que nécessaires selon nous, ne rencontrent donc qu'un succès modéréauprès des infirmiers. A notre avis, de telles initiatives sont à encourager étant donné qu'ellespourraient avoir un impact considérable sur l'avenir si, donnant une image moins utopique etplus professionnelle, elles parvenaient à modifier l'image de la société pour la rendre plusréaliste. N'oublions cependant pas que l'image que la société se fait de la profession est engrande partie historique et ne dépend pas uniquement de campagnes d'informations. Chaqueinfirmier a évidemment un rôle direct et important à jouer dans la promotion de son métier et deson image.

4.3. Des désirs de changements mais peu de désertion

L'élément principal à relever à ce niveau concerne les chiffres rassurants émanant de cette étude.En effet, même si 18,1% des infirmiers veulent changer leur position actuelle (pour changer de service,d'hôpital, de secteur ou évoluer dans la hiérarchie) seules 4,9% des infirmiers au niveau nationalenvisagent de quitter si l'occasion se présente. Il est cependant important de noter qu'outre ces 4,9%,10,6% envisagent également de réduire leur temps de travail (essentiellement après 40 ans ce qui,implicitement, pourrait augmenter le nombre relatif de départ de la profession des personnesexpérimentées). N'oublions pas cependant que ce chiffre ne représente qu'un désir de quitter et non lenombre réel de personnes quittant la profession dans l'année.

Il est difficile d'interpréter ce chiffre dans l'absolu et sans référence précise par rapport à d'autresprofessions. La situation actuelle dans les soins infirmiers n'est peut-être finalement que le reflet de cequi se passe actuellement sur le marché du travail. Ce chiffre est-il alors bas ou élevé ? Constitue-t-ilun risque en vue d'une éventuelle pénurie ? Combien de personnes vont-elles réellement quitter laprofession ? Peu d'éléments permettent de répondre à ces questions même s'il est plutôt rassurant deconstater que d'autres études menées à l'étranger ont déjà présenté des chiffres nettement plus élevés(Aiken 2001). Quoi qu'il en soit, il est indispensable d'accorder une importance toute particulière à cespersonnes qui constituent, à l'évidence, un groupe vulnérable. Des mesures spécifiques visant àsoutenir, à suivre ces personnes et à les maintenir dans la profession doivent donc être envisagées.

Quelques éléments supplémentaires sont également intéressants à noter. Par exemple, lespersonnes à temps partiel semblent moins vouloir s'investir dans la profession (moins de désir deprogression) et ont davantage tendance, par la suite, à abandonner la profession ou à arrêterdéfinitivement de travailler. Une question essentielle se pose alors… Les personnes resteraient-ellesplus longtemps au travail si elles n'avaient pas la possibilité de travailler à temps partiel ou quitteraient-elles plus tôt encore la profession ? Rien dans cette étude ne permet de répondre à cette question.

Un autre constat interpellant concerne les personnes avec formations complémentaires ou postes àresponsabilités. Celles-ci sont plus nombreuses à vouloir progresser dans la profession, mais aussi àêtre prêtes à changer de profession (ce qui leur est sans doute permis vu leur niveau d'étude supérieur).La raison pourrait être trouvée dans le peu de possibilités offertes pour réaliser une réelle carrièrehorizontale (et/ou verticale) dans la profession infirmière. Est-il alors possible d'éviter une telle fuite dupersonnel hautement qualifié en lui proposant des postes répondant à ses attentes ou ces personnessuivent-elles justement des formations afin de changer par la suite de profession ? Une étudeapprofondie à ce sujet permettrait probablement d'apporter nombre de réponses à ces questions. Quoiqu'il en soit, ces questions sont intéressantes à se poser, et certainement à Bruxelles où le nombre depersonnes spécialisées ou formées à l'université sont nettement plus nombreuses qu'ailleurs (et ou lenombre de personnes désirant quitter la profession est également nettement plus élevé) et présententdès lors un potentiel important qu'il serait dommage de ne pas utiliser à bon escient. Il semble doncindispensable de développer les notions de carrières horizontales (promotions dans la carrièrepermettant de garder un contact direct avec la personne soignée : infirmier spécialiste clinique, pratiqueavancée en soins infirmiers, infirmier de référence,…) et verticales (promotions dans la carrière versdes postes ne permettant plus un contact direct avec la personne soignée : infirmier chef de service,

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cadre intermédiaire,…) pour permettre à un maximum de personnes de se réaliser dans la professionqu'ils ont choisi et pour éviter une fuite massive de personnel qualifié vers d'autres professions.

Quoi qu'il en soit, si l'on a pu constater tout au long de cette partie la nécessité de travailler sur lesentiment de compétence, l'image de soi et de la société, la satisfaction au travail, la définition claire dela profession, la prise en compte des compétences personnelles de chacun,… il semble égalementessentiel aujourd'hui de disposer d'un certain nombre de bases de données qui permettraient de savoirprécisément qui travaille où et qui change de travail pour aller où. Ceci permettrait à coup sûr de suivrede plus près l'adéquation entre l'offre et la demande de soins et de mieux comprendre le comportementdes infirmiers face à leur profession ; ce qui, malgré certaines tentatives, est impossible à faire avecprécision à l'heure actuelle. Certaines études s'attaquent, certes partiellement, à cette problématique(Nurses' early exit study - UE Contract QLK6-CT-2001-00475) mais des outils utilisables en routinepermettraient sans doute une meilleure information et l’élaboration de banque de données de qualité.

5. Pistes de réflexions quant à quelques problèmes contemporains

Pour conclure cette discussion, revenons quelques instants sur certains problèmes contemporains ainsique sur l'avis des infirmiers quant aux mesures structurelles et financières passées et/ou souhaitées.

Un triple constat peut émerger lorsqu'on analyse l'avis des infirmiers sur un certain nombre de mesuresstructurelles et/ou financières. Premièrement, ils trouvent (comme la majorité des autres travailleurs sansdoute) que les mesures visant à mieux reconnaître financièrement leurs prestations (régulières ou irrégulières)sont celles qui auraient le meilleur impact sur la profession. Ainsi, ils plébiscitent les mesures suivantes quisont respectivement classées 1ère, 2ème et 3ème :- La réduction du temps de travail en fin de carrière sans perte de salaire- La revalorisation générale des salaires- L'augmentation des primes pour prestations irrégulières.

Deuxièmement, les mesures les moins appréciées sont toujours celles pour lesquelles les infirmiersestiment qu'elles pourraient avoir un impact négatif sur la valorisation de leurs compétences et donc sur laprofessionnalisation du métier et la reconnaissance qu'on pourrait leur apporter (si n'importe qui peut faire maprofession aussi bien que moi, même s'il ne parle pas ma langue ou s'il a une moins bonne formation, quelleest alors ma place, ma spécificité, ma valeur ajoutée,… ?). Ainsi, environ un infirmier sur deux estime que lesmesures suivantes ont ou auraient un impact négatif sur la profession :- Recrutement des infirmiers étrangers- L’accessibilité à la profession infirmière pour les kinésithérapeutes moyennant une formation rémunérée- L’accessibilité à la profession infirmière pour le personnel peu qualifié (aides-soignantes) moyennant une

formation rémunérée

Troisièmement, les mesures les plus souvent considérées comme n'ayant pas d'effet sont généralementcelles qui ne s'attaquent pas directement aux facteurs contextuels empêchant les infirmiers de donner les soinsqu'ils voudraient donner (voir ci-dessus). Rappelons, par exemple, que les trois mesures le plus souvent citéescomme n'ayant pas d'effet sont :- Des campagnes d’amélioration de l’image de la profession organisées par les autorités gouvernementales- Dégager des budgets pour la recherche scientifique- Une formation de base en soins infirmiers gratuite

Ce triple constat est essentiel lorsqu'on envisage différentes mesures pouvant être prisesultérieurement. Sans revenir sur la question de la nécessité, ou non, de continuer des campagnesd'information sur la profession infirmière, nous pouvons ainsi envisager différentes questions d'actualité tellesque l'introduction de personnel moins qualifié, l'accessibilité aux études facilitée pour les kinésithérapeutes,l'augmentation des possibilités de gardes pour enfants ou encore la mobilité du personnel ou le résuméinfirmier minimum.

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5.1. Introduction de personnel moins qualifié

Comme nous venons de le voir, ce type de mesure tendrait plutôt à être mal perçu par lesprofessionnels infirmiers. En effet, les infirmiers pourraient percevoir ceci comme une atteinte directeà leur statut professionnel. Même si le pourcentage de personnes estimant l'impact négatif d'une telleproposition est nettement plus élevé en Wallonie (56,7%) et à Bruxelles (58,3%) qu'en Flandre (36%),cette mesure reste, dans chaque région, la seconde mesure la moins bien considérée. Les optimistesdiront que la Flandre a un pourcentage nettement plus bas face à cette proposition car elle possède déjàdavantage d'expérience à ce niveau. Ils argumenteront alors l'utilité de persister dans cette voie ens'inspirant de cet exemple. Les pessimistes relèveront néanmoins l'unanimité nationale qui fait de cettemesure la seconde plus mal considérée dans les trois régions du pays.

Quoi qu'il en soit, poursuivre une telle politique devrait, au vu de la présente étude, se faire avecbeaucoup de prudence. Prudence tout d'abord face à la nécessité de clarifier au mieux les contributionsspécifiques de chaque professionnel de la santé travaillant avec le patient. Ainsi seulement pourrait-onéviter une certaine forme de protectionnisme exprimé par certains infirmiers face à la peur de perdreune partie de leur rôle propre. Prudence également dans la clarification des responsabilités de chacun etdes liens devant exister entre les différents professionnels. On a vu en effet combien les relationsinterdisciplinaires n'étaient encore que peu développées. Prudence encore face au problème évident dela délégation. Rappelons ici que les infirmiers se sentent peu compétents par rapport à cela (seulement62,1% des infirmiers se sentent compétents à très compétents) et y apportent peu d'importance (ladélégation fait partie des trois capacités les moins importantes aux yeux des infirmiers, juste après lesaptitudes logistiques et administratives). Prudence enfin face à la nécessité accrue de compétence decoordination face à un nombre croissant d'intervenants auprès du patient. Notons à ce sujet quel'infirmier ne se voit pas, à l'heure actuelle, comme ayant une place centrale dans la coordination dessoins. Ainsi, à la lueur de ces deux derniers points, il semble évident qu'une réflexion fondamentalevisant une modification dans l'enseignement des soins infirmiers devrait survenir pour permettre auxétudiants de développer réellement ces nouvelles compétences de délégation et de coordinationd'équipe.

Pour conclure, il semble donc que l'introduction de personnel moins qualifié dans les équipes desoins actuelles pourrait poser d'énormes difficultés si l'on n'envisage pas, au préalable, un certainnombre de problèmes et si l'on faisait l'économie d'une réflexion de fond sur la clarification desfonctions, sur le fonctionnement des équipes et sur le développement de nouvelles compétences.

5.2. Accessibilités aux études facilitée pour les kinésithérapeutes

Ce type de mesure serait, lui aussi, mal perçu par les professionnels infirmiers. Ceux-ci, par peurd'y perdre une partie de leur spécificité, pourraient y percevoir une atteinte à leur statut professionnelMême si le pourcentage de personnes estimant négatif l'impact d'une telle proposition est nettementplus élevé en Wallonie (61,3%) et à Bruxelles (59,2%) qu'en Flandre (21,7%), cette mesure restemajoritairement perçue négativement.

Pour ce point, comme pour le précédent, il semble donc important d'apporter une grandeattention aux discours des professionnels et d'engager avec eux un réel dialogue afin de prendre encompte leurs avis et représentations sur de telles questions, de réfléchir aux bénéfices (ou pertes)potentiels de telles mesures et d'anticiper un certain nombre de problèmes ou de réactionsprotectionnistes.

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5.3. Les gardes d'enfants et la mobilité du personnel

Il nous semble important de relever les pourcentages élevés d'infirmiers estimant que desmesures prises dans ce domaine pourraient avoir un impact positif sur la profession (près de neufinfirmiers sur dix). On n'est pas étonné de voir un tel pourcentage à cet item étant donné qu'il s'agitbien ici de mesures agissant directement sur des facteurs de contexte qui rendent la profession difficile(horaires irréguliers,…).

De même, des mesures visant à faciliter la mobilité du personnel seraient accueillies avecpresque autant de ferveur par le personnel et plus particulièrement à Bruxelles et en Wallonie qu'enFlandre (86.6% et 85.7% vs 83%).

Ainsi, nous ne pouvons qu'encourager toute réflexion qui viserait à produire un certain nombrede propositions (et leur mise en œuvre) ayant un impact direct sur le contexte actuel rendant difficilel'exercice de la profession. Les infirmiers attendent de tels soutiens et y sont massivement favorables.

5.4. Le résumé infirmier minimum… un outil méconnu ?

Enfin, un dernier point attire notre attention : la diversité des réponses apportées à la questionconcernant l'utilisation des données du RIM pour déterminer les effectifs infirmiers à prévoir au seindes unités de soins. Cette question est en effet la seule qui ne présente pas un avis tranché de la part desinfirmiers. En effet, 22,4% pensent qu'un telle mesure aurait un impact négatif alors que 32.2%estiment qu'elle n'aura pas d'impact et que 29.5% envisagent un impact positif.

Comment expliquer de tels chiffres ? Est-ce dû à la méconnaissance de cet outil par lespersonnes de terrain. Les infirmiers savent-ils réellement à quoi sert le RIM, ce que l'on peut faire avecles données fournies par celui-ci ou encore comment leur institution utilise les données du RIM ? Nousn'avons aucune preuve à ce sujet. En outre, on est en droit de se demander quelles sont leursperceptions de cet outil qui tient peu compte tant du contexte dans lequel se donnent les soins que desaspects spécifiquement infirmiers de la profession.

A l'heure où un projet d'adaptation et de modification de l'outil est en cours, il semble urgent dese poser ces questions dont les réponses pourraient assurément avoir un impact non négligeable sur uneutilisation correcte et pertinente de cet outil de travail.

6. Remarques méthodologiques

Dans cette étude, 9941 infirmières travaillant dans les hôpitaux généraux belges ont été interrogées surleur concept de soi professionnel à l’aide d’un instrument de mesure totalement nouveau. L’élaboration decelui-ci se base sur une méthodologie systématique et scientifique. Après une étude approfondie de lalittérature et la réalisation d’une étude qualitative via focus groupes, nous avons fait appel à un grouped’experts émanent de diverses disciplines afin de participer à l’élaboration du questionnaire. L’observationcritique, l’évaluation du processus d’élaboration de l’instrument et les feed-back continuels du grouped’experts ont amené nombre de modifications importantes et d’adaptations de l’outil.La sensibilité de celui-ci apparaît du fait qu’il permet de prendre en compte des différences quant au conceptde soi professionnel entre certains groupes spécifiques d’infirmiers (en fonction du service, de la positiondans l’institution, de l’âge,…). Cependant, malgré la grande attention portée à l’élaboration du questionnaire,une validation plus approfondie de celui-ci serait nécessaire. Des analyses plus fines apporteraient davantagede fiabilité, de validité et permettraient d’obtenir une instrument plus facilement utilisable en routine. Celui-cine serait alors plus seulement pertinent au niveau scientifique mais pourrait alors devenir un outil de soutientet/ou d’évaluation de formation (aussi bien au niveau méso que macro).

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De plus, un ensemble de remarques méthodologiques concernant la généralisation et l’interprétationdes résultats doivent être discutées.

Une première remarque méthodologique concerne le fait que nous avons uniquement interrogé desinfirmiers émanent d’institutions hospitalières. Les moyens financiers disponibles ne permettant pas, parexemple, d’étendre cette recherche aux infirmiers travaillant à domicile ou dans les maisons de repos.Par conséquent, les résultats de cette étude concernent seulement le concept de soi professionnel desinfirmiers travaillant dans les hôpitaux généraux.Initialement, il était également prévu de prendre en considération les infirmiers travaillants dans desinstitutions psychiatriques. Les résultats des focus groupes ont cependant montré l’impossibilité de construireun instrument de mesure commun aux milieux psychiatriques et généraux. Il a donc été décidé de ne pasreprendre les institutions psychiatriques dans l’échantillon final.

Une seconde remarque concerne le nombre limité d’hôpitaux repris dans l’échantillon ainsi que lareprésentativité de ceux-ci. Etant donné le délais relativement court de l’étude (1 an) et les limites du budget,il n’a pas été possible de prendre plus de 22 hôpitaux dans l’échantillon (sur les 66 candidats).Pour certaines régions le nombre d’hôpitaux volontaires était cependant limité. Il n’a donc pas toujours étépossible de respecter à la lettre les critères d’inclusion définis par le groupe de recherche.

Un troisième et dernier élément concerne la taille de l’échantillon (n = 9941). Cette taille élevée aentraîné une signification positive de pratiquement tous les tests statistiques effectués. Ainsi, nous avonsmoins tenu compte des résultats des analyses statistiques afin de nous centrer davantage sur une analysecritique des données et sur la signification clinique de celles-ci. Sur base des résultats descriptifs l’expertiseclinique et scientifique du groupe de recherche a mis en avant les différences les plus importantes et« significatives » entre les régions et entre certains sous-groupes. Nous encourageons chaque lecteur a fairepreuve de cette même attitude critique face aux résultats en fonction de sa propre expertise.

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Chapitre 6 : CONCLUSIONS

Les résultats de l’étude révèlent assurément que le personnel infirmier a une image positive de sa profession.Pour les infirmiers, leur apport consiste essentiellement à poser des actes médico-techniques et plusparticulièrement à guérir le patient et à détecter les problèmes et les complications potentielles. Les infirmiersse sentent particulièrement compétents lorsqu'ils pratiquent des actes diagnostiques et thérapeutiques(préparation médicale, soins de plaies, prises de sang…) mais également lors des soins de base (soinsd'hygiène, alimentation, mobilité…). Prendre ses responsabilités dans les soins d’un patient et l'accompagnersont également des points essentiels pour le professionnel infirmier. La grande majorité considère leurprofession comme une profession à grandes responsabilités. Ce regard sur leur profession va de pair avec unegrande fierté. Parallèlement le personnel infirmier a conscience qu’il ne peut remplir seul cette mission desoins. Une bonne collaboration avec les médecins et une équipe qui fonctionne bien sont deux pointsessentiels même si ils semblent partiellement faire défaut actuellement.

Ainsi, un certain nombre de propositions visant à l'amélioration du travail d'équipe entre les différentsprestataires de soins (équipe paramédicale et médecins essentiellement) se sont avérées pertinentes. Parexemple :

- Veiller à l'amélioration des relations infirmiers/médecins par une meilleure (re)connaissance des rôles etresponsabilités de chacun.

- Soutenir le développement d'un réel travail d'équipe par une meilleure coordination des tâches et objectifsde chaque intervenant auprès du patient.

- Promouvoir le développement du leadership clinique 8 pour permettre aux infirmiers d'augmenter leurconfiance en eux. Ceci leur permettrait alors probablement d'affirmer davantage l'impact qu'ils ont dansles soins et de justifier plus facilement leur place dans l'équipe.

Malgré cette fierté importante dans la profession, les sentiments de frustration, de mécontentement et defatigue sont énormes. Bien que de nombreux infirmiers se considèrent comme des professionnels compétentsdans le domaine des soins de santé et que plus de 87% se sentent fiers d’être infirmiers, près de 39% nechoisiraient plus la même profession aujourd'hui et 55% ne conseilleraient pas cette profession à leur enfantou à un ami. Ce dernier chiffre est un signal inquiétant et potentiellement dommageable. En effet, unrayonnement davantage positif par les infirmiers eux-mêmes formerait à coup sûr un pouvoir attractifimportant pour attirer des jeunes dans la profession.Notons également que si moins de 5% des infirmiers hospitaliers désirent actuellement quitter la profession,nombre d'infirmiers pensent probablement (32%) ou certainement (14%) ne pas travailler jusqu'à la fin deleur carrière. Il est difficile de dire si ces chiffres sont particuliers à la profession ou s'ils sont le reflet d'unesituation générale sur le marché du travail actuel. Quoi qu'il en soit, on peut imaginer assez clairementl'impact de tels chiffres sur l'image actuelle donnée par la profession. La majorité des infirmiers (79,9%)trouvent que la société n'a pas une image correcte de ce qu’ils font et plus d’un infirmier sur deux trouve quec’est dérangeant (28%) ou frustrant (26%). Rappelons ici combien l'image de la société est probablement liéeà l'image que donnent les infirmiers de leur profession.

Ainsi, il nous semble indispensable pour l'avenir de réfléchir sur l'image donnée par la profession. Pour cefaire, différents éléments semblent importants :

- Réfléchir à (et diffuser) une définition plus claire et réaliste de la mission infirmière. Ceci devraitpermettre de donner une image plus correcte de la profession auprès des autres professionnels et du public.

8 Cet objectif est notamment poursuivi par le CLP group par l'implantation du Clinical leadership projectconçu par le Royal College of Nursing. Ce programme vise à stimuler le leadership des infirmiers chefs dansl'optique d'augmenter le leadership des infirmières au chevet des patients.

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- Employer la force et la fierté émanant des professionnels (par exemple en employant les résultats del'étude pour faire prendre conscience aux infirmiers de l'impact considérable qu'ils ont sur l'image donnéeau public).

- Utiliser les images différentes émanent du terrain et des milieux de formation pour permettre desconfrontations porteuses de sens et de développement de compétences.

- Etudier l'image réelle qu'ont la société, les médias, les autres professionnels de la santé,… de la professioninfirmière et travailler sur ces représentations afin de les faire évoluer.

- Trouver des moyens novateurs, en accord avec les attentes des professionnels, afin d’améliorer l'image dela profession.

Les nombreuses tensions apparaissant dans les résultats de l'étude semblent déterminantes quant à la situationdécrite ci-dessus. La première concerne le management. Presque tous les infirmiers (97%) considèrent qu’ilest important, pour la direction de l’hôpital, d’avoir un contact avec le terrain. 64% trouvent néanmoins quel’information ne passe pas bien entre la direction et les infirmiers et près d’une personne sur deux (49%) estd’avis que la politique de l’hôpital ne les aide pas suffisamment dans l’accomplissement de leur mission.Notons enfin que respectivement 84 % et 89 % des personnes interrogées trouvent que le bon fonctionnementd’une équipe dépend de la manière dont elle est dirigée et que l’équipe a besoin d’un meneur clairvoyant.

Au vu de ces résultats, il semble donc indispensable de réfléchir à un certain nombre de propositions quipermettraient d'améliorer les relations qu'entretiennent actuellement les infirmiers avec leur hiérarchie . Parexemple :

- Intégrer davantage les infirmiers dans la gestion des équipes de soins.

- Adapter la formation des cadres infirmiers aux nécessités actuelles (management humain, leadership,expertise infirmière).

- Formaliser et évaluer les communications entre la hiérarchie et les infirmiers afin d'étudier l'impact decelles-ci sur l'amélioration des soins et le développement de la profession.

- Favoriser le développement et la visibilité de politiques de soutien aux soins infirmiers.

Deuxièmement, pour près de 60% des infirmiers, des services d’appui leur permettant de consacrer du tempsaux patients font cruellement défaut. Plus de 41% ne peuvent, par conséquent, dispenser les soins qu’ilssouhaiteraient dispenser et près de 69% considèrent que le contexte des soins est stressant.

Un certain nombre de propositions doivent donc logiquement viser à améliorer et/ou à donner un plus grandsoutien au personnel infirmier. Ainsi par exemple :

- Former les infirmiers et développer leur hardiesse9.

- Analyser l'opportunité de recourir à plus de personnel qualifié (ou non) en fonction des milieux de travailet, le cas échéant, définir les rôles, missions et responsabilités respectives de chacun.

- Analyser et réduire les facteurs de stress dans la profession infirmière.

- Analyser et réduire les facteurs contextuels diminuant l'autonomie professionnelle et la possibilité dedonner, de façon autonome, les soins adéquats.

- Développer et encourager la création de conseils infirmiers au sein des institutions.

- Développer et encourager la création d'un ordre professionnel (permettant, entre autre, d'avoir desstatistiques fiables sur les professionnels en place, de diffuser une image unique et forte de la profession,d'apporter du soutien au professionnels,…).

9 Ressource personnelle permettant aux personnes de demeurer en santé dans un univers pourvoyeurs denombreux stresseurs (Maddi, Kobasa, 1984 in Dalmas 2001)

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- Mettre en place des mesures sociales visant à réduire les départs prématurés de la profession (gardesd'enfants,…).

Le problème de l’autonomie des infirmiers est, lui aussi, source de tensions. Près de 60% trouvent qu’il estessentiel, voire prioritaire, de pouvoir prendre, de manière autonome, des décisions dans le domaine dessoins. Plus de 37% ne jouissent toutefois pas de cette liberté. Ceci pourrait en partie expliquer le nombreassez élevé d'infirmiers voulant gravir les échelons dans la profession. Cependant, malgré l'apparition de plusen plus fréquente de rôles nouveaux au sein du système de santé, de tels postes sont encore peu nombreux etsouvent non reconnus, ce qui pourrait alors pousser un certain nombre d'infirmiers qualifiés à vouloir quitterla profession. Rappelons ici que plus d'un infirmier sur deux estime que les possibilités de carrière offertesdans l'institution ne lui permettent pas de réaliser ses ambitions.

Un certain nombre de propositions pourraient améliorer la situation actuelle en développant une réellecarrière infirmière. Ainsi, par exemple, il semble utile de :

- Développer la recherche visant à étudier la pertinence de créer de nouvelles fonctions, l'apport de celles-cisur la qualité des soins et la façon d'intégrer celles-ci de manière effective et efficace.

- Développer les notions de carrières horizontales (promotions dans la carrière permettant de garder uncontact direct avec la personne soignée : infirmier spécialiste clinique, pratique avancée en soinsinfirmiers, infirmier de référence,…) et verticales (promotions dans la carrière vers des postes nepermettant plus un contact direct avec la personne soignée : infirmier chef de service, cadreintermédiaire,…).

- Réfléchir à une organisation des soins infirmiers permettant d'intégrer ces nouvelles fonctions et de lesreconnaître tant d'un point de vue barémique que de leur place dans l'organigramme institutionnel.

Le rapport avec d’autres disciplines et leur (re)connaissance des soins infirmiers est une quatrième source deproblèmes. Ainsi, remarquons que plus de 91% des infirmiers se perçoivent comme un partenaire à partentière dans l’équipe pluridisciplinaire et plus de 70% estiment qu’une bonne relation de travail avec lemédecin est une priorité mais aussi une réalité. De tels chiffres donnent assurément l'opportunité d'envisagerun certain nombre de propositions visant à améliorer encore cette situation. Notons cependant qu'un infirmiersur cinq (20%) ne se sent pas ou peu reconnu par les kinésithérapeutes, les logopèdes, les psychologues, etc.et qu'un infirmier sur quatre (25%) considère que les médecins reconnaissent peu, voire pas du tout sesinterventions.

Ainsi, il semble utile d'envisager un certain nombre de propositions permettant de remédier à cette situation :

- Développer des indicateurs (de qualité) qui permettraient de rendre visible le travail infirmier dans toutesses dimensions (médico-technique mais aussi spécifiquement infirmières, humaines et de caring).

- Développer le concept de formation multidisciplinaire qui permettrait aux différents acteurs en contactavec le patient d'avoir un certain nombre de cours en commun dans leur formation (Verbeek, 2001 ;Harden & al 1999 ; Horsburgh & al 2001).

Les résultats susmentionnés suggèrent que le contexte économique (sous financement de l’hôpital), l’imagequ’a la société de l’infirmier et le fonctionnement de l’hôpital (plus particulièrement, la politique en matièrede soins infirmiers et la collaboration multidisciplinaire) freinent le personnel infirmier au lieu de le soutenirdans sa tâche. De nombreux infirmiers ont le sentiment de ne plus pouvoir dispenser les soins qu’ilssouhaiteraient. Il est inquiétant de constater que selon 60% environ des infirmiers, il est rare, voire impossibleet ce, principalement par manque de temps, de s’attarder et de développer une relation personnelle avec lepatient. Plus de 40% parviennent rarement, sinon jamais, à adapter les soins aux souhaits du patient et prèsd’un infirmier sur trois, à prêter une oreille attentive et à discuter de problèmes éthiques. Dans un telcontexte, il semble difficile de parvenir à dépasser les aspects médico-techniques pour fournir des soins où lepatient, en tant que personne, est totalement pris en compte. Cela, précisément, explique pourquoi,aujourd’hui, beaucoup d’infirmiers ne se disent pas tellement heureux dans leur travail.

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Reste alors à développer une réflexion de fond quant à l'organisation des soins de demain qui permettront auxinfirmiers de réaliser leurs ambitions tout en garantissant des soins de qualité aux patients. Un certain nombrede propositions peuvent y concourir :

- Donner une définition réaliste et claire des soins infirmiers=> Quelle est la mission et la contribution spécifique des soins infirmiers=> De quoi et de qui un infirmier est-il responsable,…=> Quels actes l'infirmier peut-il déléguer ? Dans quelles conditions ? Avec quel suivi et quelles

conséquences ?=> Quelles sont les relations qui l'unissent aux autres professionnels (soignants, médecins,…)?

- Permettre le développement du rôle propre en favorisant notamment l'intégration des rôles médico-techniques et spécifiquement infirmiers

- Réfléchir aux conséquences de l'évolution des soins et de leur contexte (diminution de la durée de séjour,vieillissement de la population,…) pour développer des processus et des outils permettant des prises encharges multidisciplinaires adéquates et tenant compte des collaborations intersectorielles de plus en plusnécessaires. De telles réflexions devraient assurément se baser sur un dialogue constructif entre lesinstitutions de soins, les instituts de formation en soins infirmiers, les organisations professionnelles et lesuniversités en utilisant les compétences spécifiques de chacun et en promouvant les recherches quipermettraient de développer, valider et opérationnaliser ces processus et outils.

- Constitution d’un fond afin de soutenir financièrement la recherche et l’implantation de projets en soinsinfirmiers.

De telles réflexions amènent naturellement à repenser les systèmes de formations actuels et à les adapter à lavision des soins infirmiers de demain :

- Développer un réel savoir infirmier par la recherche sur des concepts spécifiquement infirmiers(autonomie, douleur, deuil, isolement social, confort,…).

- Développer une formation de base en accord avec les rôles réels assumés par les professionnels, osantdépasser les aspects uniquement médico-techniques et utiliser de nouveaux moyens pédagogiques adaptésau développement des compétences infirmières (relation d'aide, délégation, coordination, leadership,…mais aussi des comportements faisant preuve de hardiesse).

- Développer le concept de formation multidisciplinaire en imaginant par exemple la création de cours, deséminaires, de travaux communs à plusieurs professionnels de la santé.

- Développer une formation universitaire répondant aux défis d'aujourd'hui (management humain,leadership infirmier) et de demain (spécialisation clinique des infirmiers, evidence based medecine,pratique avancée en soins infirmiers,…).

- Elaborer des formations permanentes vivantes et qui développent également de réelles compétencessoignantes.

- Favoriser le développement de compétences au travail (sur le terrain) par l'amélioration des capacités depratique réflexive et par le partage des compétences entre professionnels (staff infirmiers,…).

Avant de conclure, deux points importants méritent encore notre attention. D'une part l'importance d'étendrela présente étude à d'autres secteurs employant nombre d'infirmiers (Psychiatrie, soins à domicile, maisons derepos et maisons de repos et de soins), d'autre part, l'intégration nécessaire de la dimension éthique dans lessoins infirmiers. En effet, l'analyse des résultats de la présente étude montre des particularités intéressantes auniveau des services psychiatriques et de certaines compétences qui y semblent plus particulièrementprésentes. Les institutions spécifiquement psychiatriques avaient été exclues suite à la réalisation des groupesfocus. Il serait maintenant utile d'adapter l'instrument utilisé afin d'analyser les différences propres à ce milieuet de pouvoir les prendre en compte dans l'élaboration des politiques à venir.

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Concernant les soins à domicile, une étude similaire à celle-ci serait également intéressante. En effet, vul'importance de l'influence du contexte sur l'image professionnelle des infirmiers, on peut facilement imaginerdes différences fondamentales dans la manière dont les infirmiers à domicile (qui exercent dans un contextefondamentalement différent) voient leur fonction. Une telle étude permettrait à coup sûr de parvenir à unemeilleure compréhension des valeurs propres à cette catégorie de personnel infirmier.

Concernant les maisons de repos et les maisons de repos et de soins, la même remarque s'impose et une telleétude serait d'une importance capitale quand on connaît le rapport personnel qualifié/personnel non qualifiédans de telles institutions. En outre, les résultats d'une analyse approfondie de ce contexte particulierpermettrait de réfléchir sur l'intégration de personnel moins qualifié mais aussi d'analyser l'impact de celle-cisur l'image de l'infirmier et la qualité des soins infirmiers prestés.

Reste à évoquer la problématique de la dimension éthique dans les soins infirmiers. Les résultats de cetterecherche nous montrent en effet combien celle-ci risque de passer au second dans le contexte actuel etcombien il est donc urgent de développer des structures, des organisations, des enseignements,… qui ne selimitent pas à évoquer la dimension éthique mais, bien au contraire, qui la stimulent, la valorisent et lapromeuvent dans l'objectif de dépasser la dispensation de soins "sécurisés" pour permettre une prise encharge réellement "éthique" du patient.

Les conclusions de l’étude Belimage peuvent dès lors s'énoncer comme suit : ce n’est pas tant le contenu dessoins infirmiers qui est à l’origine de tensions, d’insatisfaction et d’épuisement mais les conditions danslesquelles doit s’effectuer le travail. Pour traiter efficacement cette crise dans le domaine des soins infirmiers,il est nécessaire, selon ce groupe de +/- 10.000 infirmiers, d’investir dans un environnement de soins quisoutienne davantage les infirmiers dans leur travail. Au-delà de ce nécessaire soutien, divers résultats del'étude nous poussent à mettre en exergue l'importance du rôle que l'infirmier doit lui-même jouer dans larésolution de la crise actuelle ; que cela soit au niveau de l'image qu'il donne de sa profession ou de soninvestissement dans le développement de son rôle, de sa fonction et d'un réel leadership infirmier.

Les infirmiers aiment leur profession. Ils sont prêts et tout à fait capables de prendre leurs responsabilitésprofessionnelles. Tous ces éléments positifs constituent une base solide et une force d’attraction importanteessentielle pour l’avenir de leur profession.Les résultats de la présente étude invitent donc les décideurs, les managers, les chercheurs, les personnes encharge de la formation des infirmiers et les infirmiers eux-mêmes à chercher ensemble des moyensnécessaires pour améliorer les conditions de travail et utiliser de manière optimale l'énergie et la grande forcerévélées par cette étude.

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