La liberté guidant le peuple de Delacroix devant son premier

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Monsieur Nicos Hadjinicolaou

"La libert guidant le peuple" de Delacroix devant son premier publicIn: Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 28, juin 1979. pp. 3-26.

Citer ce document / Cite this document : Hadjinicolaou Nicos. "La libert guidant le peuple" de Delacroix devant son premier public. In: Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 28, juin 1979. pp. 3-26. doi : 10.3406/arss.1979.2637 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/arss_0335-5322_1979_num_28_1_2637

Abstract Liberty Guiding the People by Delacroix ; its First Viewing To review the myriad interpretations of Delacroix's allegorical painting Liberty guiding the people is to remind oneself that a work of art never spontaneously yields up the code according to which it is to be understood. But that such multiple and divergent interpretations exist does not necessarily mean that the work does not have an inherent meaning. Contemporary reviews all present Delacroix's painting as the idealised expression of the universal Revolution and of the People bringing together under Freedom's flag bourgeois and proletarian. By failing to refer the painting to the historical conditions under which it was produced and to the critical reception it was given at the time of its creation, Art Historians have in mind a painting which corresponds to a work which only a small minority of the 1831 public perceived as such. An analysis of all the critical assessments published in 1831 shows that the interpretations of Delacroix's painting, especially his representation of the chief participants in the events of July, are directly linked to the stand of their authors with regard to the 1830 revolution, that is to say, their class interests. Hence, whether it be the legitimist lobby of critics congratulating themselves on the fact, or the Orleanist commentators deploring the same, both see in the painting's characters an incarnation of Revolution by the great unwashed, the populace, the rabble. Contrary to the supporters of LouisPhilippe, who regret the lack of nobility in the characters, the lack of honest craftsmen and young students who, as they would have it, were the mainstay of the revolution, the Republicans, for their part, find in it the true face of the July events with its foreground of workers and craftsmen seconded by downgraded members of the bourgeoisie. By individualising these critical assessments or by subsuming them under an allegedly homogeneous body of Criticism, by reducing the divergent opinions to doctrinal controversies (Classicism versus Romanticism for example), in a word, by discounting the social content implied by the interpretations of the work, Art History no only fails to grasp the basis of these conflicts, but also fails to grasp the significance of the work itself. Zusammenfassung Die Freiheit fhrt das Volk Barrikaden von Delacroix auf die vor seinem ersten Publikum Die Deutungsgeschichte des allegorischen Bildes von Delacroix, 'Die Freiheit fhrt das Volk auf die Barrikaden' erinnert daran, da|3 das Kunstwerk den Code, wonach es zu verstehen ist, nicht aus sich selbst heraus liefert. Allerdings sollten Vielzahl und Divergenz der Deutungen nun wiederum auch nicht zu dem Fehlschlu verleiten, das Kunstwerk trage berhaupt keinen Sinn in sich. Die zeitgenssischen Kommentatoren des fraglichen Bildes von Delacroix sind sich darin einig, da es sich dabei uni den idealisierten Ausdruck der universellen Revolution sowie des Brger und Proletarier im Kampf fr die Freiheit einenden Volkes handelt. Da sie es unterlassen, das Gemlde auf die historischen Bedingungen zu hinterfragen, unter denen es produziert und von der damaligen Kritik rezipiert wurde, gert den heutigen Kunsthistorikern ein Bild in den Blick, das in der von ihnen gedeuteten Form nur von einer Minderheit des zeitgenssischen Publikums von 1831 wahrgenommen wurde. Die Analyse aller 1831 verffentlichten Kritiken belegt, da die Deurung, die das Bild von Delacroix, insbesondere dessen Darstellung der Akteure der Juli-Ereignisse, erfhrt, jeweils bedingt ist von der Stellung des Autors gegenber der 3oer Revolution, bedingt ist also von dessen jeweiligem Klasseninteresse. So sehen die legitimistischen und die orleanistischen Kritiker die einen zu ihrer Freude, die andern zu ihrem Bedauern in den Figuren des die Revolution verkrpernden Gemldes das schmutzige Volk, den Ppel und Mob. In krassem Gegensatz zu den Anhngern LouisPhilippes, die den Mangel an Noblesse der abgebildeten Figuren mit Bedauern vermerken, d.h. das Fehlen redlicher Handwerker und der jngeren Leute von den (Elite-) Schulen, die ihrer Ansicht nach die Revolution gemacht haben, finden die Republikaner darin die wirkliche Physiognomie der Juli-Tage, mit, in erster Linie, der Masse der Arbeiter und der Hand-werker, sekundiert von deklassierten brgerlichen Elementen. Indem die Kunsthistoriker die Wertungen der Kritiker teils individualisieren, teils einem vorgeblich homogenen Ganzen der Kritik subsumieren, teils auch auf Auseinandersetzungen von Lehrmeinungen reduzieren (Klassiker vs. Romantiker), kurz, indem sie vom gesellschaftlichen Gehalt der Deutungen des Werks abstrahieren, verbauen sie sich neben dem Verstndniss der Grundlagen der

Gegenstze zugleich auch das des Sinns des Kunstwerks selbst. Rsum La libert guidant le peuple de Delacroix devant son premier public L'histoire des interprtations du tableau allgorique de Delacroix La Libert guidant le peuple rappelle que l'uvre d'art ne livre pas d'elle-mme le code selon lequel elle doit tre comprise. Mais de la multiplicit et de la divergence des interprtations, on ne saurait dduire que l'uvre ne porte pas un sens qui lui est propre. Les commentaires contemporains ont en commun de prsenter le tableau de Delacroix comme l'expression idalise de la Rvolution universelle et du Peuple unissant bourgeois et proltaires en lutte pour la Libert. Faute de rapporter le tableau aux conditions historiques dans lesquelles il a t produit et accueilli par les critiques l'poque de sa cration, les historiens de l'art ont en vue un tableau qui correspond une uvre que seule une minorit du public de 1831 a perue comme telle. L'analyse de l'ensemble des jugements publis en 1831 'tablit que les interprtations du tableau de Delacroix, notamment la reprsentation qu'il donne des acteurs des journes de juillet, sont fonction de la position de leurs auteurs l'gard de la rvolution de 1830, c'est--dire de leurs intrts de classe. Ainsi les critiques lgitimistes, pour s'en louer, les commentateurs orlanistes, pour le dplorer, voient dans les personnages du tableau incarnant la Rvolution le peuple sale, la populace, la canaille. A l'inverse des partisans de Louis-Philippe qui regrettent le manque de noblesse des personnages, c'est--dire l'absence des artisans honntes et des jeunes gens des coles qui, selon eux, ont fait la rvolution, les rpublicains y retrouvent la vritable physionomie des journes de juillet avec, au premier plan, la masse des ouvriers et des artisans seconds par des lments bourgeois dclasss. En individualisant les jugements des critiques ou en les subsumant sous un ensemble prtendument homogne de la Critique ou encore en ramenant les apprciations des querelles doctrinales (les classiques contre les romantiques), bref en ne tenant pas compte du contenu social des interprtations de l'uvre, l'histoire de l'art s'interdit, la fois, de comprendre le fondement de ces oppositions et de saisir le sens de l'uvre elle-mme.

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dtermine l'approche des durant artistiques; de mthodol tique les a et dequ'on interprted'art a-t-elle une sens livrerien d'anecdoune peinture, une qu'il processus dmarche(bon) L'uvre poursonseulleur un srie n'ontauteur-crateur leur foisinsuffltoutes, sens que leurCesportent-ilsqui eux-mmestouchentsculpture, unintrinsque, donn Unerponses undcouvrir-dvoilerd'options crationen tour le appartiendrait au dans faits donne ? la dmarche questions et mme ?

ogiques. Or, il est vident qu'il n'est pas suffisant de rpondre ces questions par la ngative ou mme de se contenter d'noncer la thse oppose selon laquelle l'uvre d'art porte en elle-mme toute une srie de significations et qu'elle peut tre investie par ses admirateurs ou dtracteurs, sans pouvoir se dfendre, de toute une srie de signif ications nouvelles qui s'appuient en partie seul ement sur l'uvre en question. Cette thse doit et peut tre dmontre l'occasion de l'analyse de n'importe quelle uvre d'art : il suffit pour cela d'examiner l'histoire de sa fortune critique. Prendre ces fins comme objet d'tude une uvre picturale du XIXme sicle franais (et de surcrot une peinture politique) offre des avantages substantiels, en l'espce l'abondante documentat ion disponible concernant les ractions des contemporains devant l'uvre. Certes, pour ceux qui travaillent sur l'art du Xme sicle les choses sont beaucoup plus difficiles. Mais les difficults objectives qu'on rencontre quand on tudie les uvres de certaines priodes historiques n'inva lident pas les rsultats des analyses qui portent sur des priodes postrieures, partir des temps dits modernes, que ce soit sur la Renaissance, sur le XVIme, le XVIIme ou le XVIIIme sicle. Ce serait dj une bonne chose si les partisans de la thse de l'existence d'une seule signification,

intrinsque l'uvre, taient obligs, pour justifier leur argumentation, de se limiter l'tude exclus ivedes priodes o il n'y a pas du tout, ou peine, de documents concernant les ractions des contemporains l'gard des objets considrs postrieurement comme uvres d'art. Bien que, mme dans ces cas, l'tude des ractions post rieures soit particulirement rvlatrice. Faut-il accorder de l'importance aux rac tions du premier public d'une uvre et pour quelles raisons ? Parce qu'aucune uvre n'est jamais faite pour l'ternit ou pour un public futur (mme si parfois quelques auteurs le prtendent) mais partir du public et pour le public contemp orain. Considrer les ractions du premier public d'une uvre comme gratuites, c'est afficher un mpris profond tant l'gard de l'uvre que de son auteur. Ceci ne veut pas dire, bien entendu, qu'il faut se contenter d'tudier ce premier public sans tenir compte des vicissitudes qu'a connues l'uvre pendant toute sa traverse de l'histoire jusqu' nos jours ou, mme, qu'il faille considrer les interprtations-ractions contemporaines l'uvre comme sa vrit. La Libert guidant le peuple de Delacroix (voir pi. 1) est parmi les peintures du XIXme les plus exploites pendant le XXme sicle. Ce tableau, expos d'une manire permanente depuis 1861, constitue de toute vidence un recours prcieux pour justifier une srie de discours qui sont sur certains points parfois mme opposs : des affiches et tracts politiques jusqu' la publicit, des couvertures de livres scolaires aux citations de l'ensemble ou des dtails du tableau par des pein tres du XXme sicle, en passant par la surabon dantelittrature spcialise produite par des historiens d'art, rien n'y manque. Sans entre prendre maintenant une tude systmatique de ces

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PL 1-E. Delacroix, Le 28 juillet (La libert guidant le peuple), 1830, 2,60 x 3,35 m., Paris, Muse du Louvre. divers usages (et de leurs usagers), essayons de voir rapidement les tendances qui se dessinent travers les diverses utilisations de ce tableau depuis environ 1945; ce que disent ses utilisateurs-usagers son sujet et sur quels lments du tableau chaque tendance met l'accent. Ceci pour pouvoir mieux mesurer par la suite le dcalage entre ces utilisa tionsactuelles et celles qui en ont t faites par les diverses tendances du public de 1831 et surtout pour pouvoir mieux apprcier le tableau lui-mme. La Libert guidant le peuple vue par des manuels scolaires Chaque jeune franais qui, dans les annes 19601970, entre dans l'enseignement secondaire clas sique ou moderne est invitablement confront, oblig de voir et mme de lire quelque chose sur la peinture de Delacroix, celle-ci tant reproduite, le plus souvent en couleurs, dans pratiquement tous les manuels d'histoire qui couvrent la priode 1789-1870, 1815-1870 ou 1789-1848 crits pour les lves de troisime ou de seconde. Par exemple : dans le manuel de la collection d'histoire de Louis Girard destin aux lves de troisime qui porte le titre Le Temps des rvolutions (Paris, Bordas, 1966), La Libert guidant le peuple orne la couver ture (voir pi. 2). Dans ce cas, le tableau qui repr sente une scne de la rvolution de 1830 illustre le titre du livre et symbolise les rvolutions du XIXme sicle. Dans le chapitre XXIII du mme manuel, intitul Du romantisme au ralisme (consacr aux arts plastiques, la littrature et la musique), les lves peuvent lire que Delacroix s'impose dsormais aussi bien dans les thmes exotiques que dans la peinture historique et dans l'exaltation de la ralit contemporaine, avec des sujets comme La Libert guidant le peuple (p. 265). (Soulign par nous comme dans les citations qui suivront). Autre exemple : dans le livre d'histoire de la mme collec tion, crit pour les lves de seconde, qui porte le titre 1789-1848 (Paris, Bordas, 1968), on lit dans les pages 410411 que ... parti d'un amour pathtique pour les cathdrales, souvent royaliste d'origine, il /le Romantique/ acclamera le tableau de Delacroix La Libert sur les Barricades, symbole de la rvolution de 1830 et de l'veil des peuples.... Puis on lira le commentaire suivant qui sert de lgende la photo du tableau : Figure allgorique surgissant de la vision raliste de la rvolution, image de la gloire du peuple de Paris et des besoins nouveaux de Vesthtique romantique .

La libert guidant le peuple devant son premier public 5 Ainsi, les manuels d'histoire (on pourrait multiplier les exemples) destins au secondaire classique et moderne d'une part n'voquent jamais le combat dont le tableau fut l'objet sa premire apparition en 1831, ni l'ostracisme qui l'a frapp pendant des dcennies, ni surtout, les raisons qui ont provoqu la fois rejet et admiration. D'autre part, ils constatent comme une vidence que cette peinture reprsente la ralit de 1830, une vision raliste de la rvolution de juillet et affirment sans hsitation que le tableau reprsente le peuple guid par la figure de la Libert. Or, comme nous allons voir, toutes ces affirmations voquent un autre tableau que celui qui a t vu par la grande majorit du public du Salon de 1831, une sorte de version n 2 de La Libert guidant le peuple de Delacroix, tableau commenc vers la fin du XIXme sicle et termi n, aprs la deuxime guerre mondiale, bien lui, que certains de ses lments correspondent au tableau qu'une minorit du public de 1831 a vu au Salon de cette anne. La Libert guidant le peuple dans la publicit et l'art contemporains Dans son numro du 8 avril 1974 contenant un long article sur la situation politique en France aprs la mort de Georges Pompidou, l'hebdomad aireSpiegel ornait sa couverture par un dtail Der de La Libert guidant le peuple (voir pi. 3). En haut, en petits caractres, on peut lire : Aprs Pompidou, puis en bas en gros caractres : Ent re en lice du front populaire. Le jeu de mots entre peuple et populaire, entre l'invisible titre du tableau et la lgende de la couverture, indique que dans le tableau de Delacroix nous avons affaire une reprsentation du peuple, entendu dans un sens restrictif : les masses qui ont fait la rvolution de 1830 correspondent celles qui en 1936 comme en 1974 ont suivi les commun istes les socialistes dans la lutte pour le pouvoir. et Une lecture tout fait diffrente nous est propose par les membres du comit Muse dans la rue, regroupement para-publicitaire travaillant pour la firme Inaltra (1), fabricant de papiers peints (voir pi. 4 et 5). Ici nous ne retrouvons aucune rfrence la rvolution de 1830, une rvolution quelconque ou la notion de peuple. Ce que les membres de ce comit de YAcadmie Nationale des Arts de la Rue (phare, tmoin, arbitre et juge) (2) ont trouv d'important souligner par rapport au tableau, c'est que La Libert de Delacroix annonce l'espace et la libert... de la couleur, que la critique de 1831 a prouv une grande surprise devant lui, que le tableau a fait scandale et qu'en rendant indter mine la profondeur du tableau, Delacroix donne une leon que reprendront tous les abstraits et 1 Membres : Maurice Rheims, Reynold Arnould, Jean Millier, Marcel Bleustein-Blanchet, Paul-Louis Mignon, Jean Dewa^ne, Andr Parinaud, Jacques Lassaigne, Isabelle Hebey, Charles James (Directeur gnral d'Inaltra), Max-Pol Fouchet, Georges Elgozy, Ren Huyghe, Maurice Cazeneuve, Christian Chavanon, Pierre Dehaye. 2 -Galerie Jardin des Arts, 168, avril 1977, p. 82. / 1 '*- d'abord les impressionnistes, puis Bonnard et enfin les Tachistes des annes 1950 (...), il annonce mme Mathieu... (3). Avec cette justification, une monumentale affiche en couleurs de La Libert guidant le peuple ornait les murs de la capitale et de 70 villes de France en 1977, faisant de la publicit pour la socit Inaltra. Il existe aussi, et surtout, une utilisation de gauche de ce tableau, bien diffrente des prc dentes bien qu'elle ait aussi des lments en commun avec celles-ci : de ce point de vue le tableau de Delacroix symbolise une rvolution progressiste qui annonce la rvolution prolta rienne. Un petit disque contenant des Chants Rvolutionnaires Franais {La Marseillaise, La Carmagnole et le a Ira, L Internationale et Le Chant du Dpart} de la socit Le Chant du Monde porte, comme illustration de la pochette du disque,Z Libert de Delacroix entoure d'une bande bleu-blanc-rouge avec dans la partie sup rieure une cocarde rpublicaine (voir pi. 6). Etant donn que les quatre chansons font allusion un sicle d'histoire (de la rvolution bourgeoise de 89 la Commune), il est clair que le tableau de Delacroix symbolise ici la participation populaire aux rvolutions du XIXme sicle, les combats du peuple pour la libert, dont tmoignent les chansons choisies. Un prcdent clbre dans ce contexte est le photomontage de John Heartfield (voir pi. 7) d'aot 1936 o la Libert de Delacroix forme Parrire-fond, une photo de combattants rpubli cains prise Madrid en juillet 1936 remplit le premier plan et les deux parties sont unifies par le biais d'un texte court et clair : La Libert mme se bat dans leurs rangs . Une autre faon d'utiliser le tableau consiste choisir une seule figure et l'insrer dans un cadre diffrent. Par exemple, sur la couverture du disque La Commune de Paris, chronique en sept tableaux de Henri Bassis, musique de Joseph Kosma (galement Le Chant du Monde), la maquettiste Anne-Marie Rechner a choisi le gamin arm de deux pistolets la gauche de la Libert qu'elle a mis debout sur la Butte Montmartre pour symboliser le combat rvolutionnaire des commun ardset leur assaut du ciel (voir pi. 8). La rvolution de 1830 est loin ici. Par le truchement du montage entre un lment proltarien du tableau de 1830 (qui d'ailleurs grce l'identification si rpandue entre le gamin et Gavroche se rfre du mme coup la rvolution de 1848) et le titre du disque, on obtient le symbole d'une rvolution qui a eu lieu quarante ans plus tard. Comme autres exemples, on pourra citer une affiche rcente pour le Tribunal Rssel sur la situation des droits de l'homme dans la Rpublique Fdrale Allemande (voir pi. 9) o nous voyons la seule figure de la Libert tenant avec sa main droite le drapeau de l'Allemagne Fdrale et avec sa main gauche la balance de la justice au lieu du fusil, sous le titre La Libert telle que nous la comprenons; ou l'allusion la Libert de Delacroix par l'Allemand de l'Est Wolfgang Mattheuer dans son tableau de 1973 Derrire les sept montagnes (voir pi. 10). Les exemples pourraient se prolonger l'infini.

PL 2

PI. 3 I" Ml -Jl Nach

p. Galerie 1977, des AArts, PI. 82. avril Jardin PI. 5 Galerie Jardin des Arts, avril 1977, p. 89.

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la libert guidt peuple de Debcroix Illustration non autorise la diffusion

U Mme dam la rue. Une Htiatfee dlnahera.

RtVipiONNAIIfi LA COMMU E PARIS Texte de Henri Bassis

PL 8

PL

PL9 Freiheit, die wir meinen Veranstaltungen zur 1. Sitzungsperiode des Russell -Tribunals zur Situation der Menschenrechte in der Bundesrepublik Deutschland

Illustration non autorise la diffusion Westberlin 29. Mrz 78 U-Bahn Hermamptetz Neue Welt, Hasenheide Beginn: 1900 Uhr 2PtotWbifter ed Jury des Tftjunais Mgfei Oi te Es singen: Wolf Biermann LluraAndariegos (Chite) Los Llach (Spanien) Gerulf Pannach Christian Kuriert Eintritt: 10,- DM

PL 7 J. Heartfield, La Libert mme se bat dans leurs rangs, photomontage, 1 937. PL 10-W. Mattheuer, Derrire les sept montagnes, 1973. Huile sur agglomr, 1,70 x 1,30 m., Leipzig, Muse des Beaux-Arts. PL 1 1 Romefort, La visite du Louvre Beaubourg, (dtail), 1977. PL 12 Calvo, Le soulvement de Paris, 1944 (texte de V. Dancette).

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8 Nicos Hadjinicolaou Un des rares cas d'une utilisation critique de la Libert est le tableau de Romefort expos rcem ment au centre culturel du Marais, qui montre le chantier de Beaubourg visit par des personnages de tableaux clbres du Louvre. A l'angle infrieur gauche nous voyons La Libert guidant le peuple (voir ce dtail, pi. 11). Tous les combattants qui entourent la figure de la Libert dans le tableau de Delacroix sont devenus des ouvriers qui travaillent au chantier de Beaubourg. Mme le personnage au chapeau haut-de-forme considr par la critique du XXme sicle comme un tudiant ou un bourg eois, est maintenant ouvrier, la pelle en main. Pourtant, l'actualisation du tableau ne s'puise pas dans le fait que tous les combattants d'alors sont maintenant ouvriers dans un chantier : le typo graphe, mourant chez Delacroix, qui maintenant travaille au marteau-piqueur, regarde avec beau coup plus d'tonnement cette apparition de la Libert. Car la Libert a chang aussi dans le tableau de Romefort, elle n'est plus une femme du peuple, elle porte des chaussures talons hauts et au lieu du drapeau elle tient un panneau tricolore sur lequel est crit deux fois INTERDIT AU PUBLIC. Ainsi la continuit entre le pass et le prsent est assure uniquement par la figure allgorique d'une Libert anciennement populaire qui, maintenant, affiche de loin son nouveau rle : restreindre les liberts publiques. A partir de ces quelques exemples des diffrents usages contemporains du tableau de Delacroix, on pourrait tenter de tirer quelques conclusions schmatiques : du ct bourgeois on y voit un symbole, actuellement parfaitement inoffensif, des rvolutions du XIXme sicle devenues leur tour anodines, pure histoire, depuis la formation de la Illme Rpublique, qui aurait ralis et dpass toutes les reven dications antrieures; le symbole du peuple (bourgeoisie incluse) qui se bat pour la libert (bourgeoise) ; une vision raliste de la rvolution de 1830 ou, tout simplement, une prfiguration de la peinture ultrieure (impressionniste, etc.). Du ct de la gauche on y voit le symbole d'une rvolution progressiste qui contient en germe les rvolutions proltariennes futures, symbole toujours valable d'un idal de la Libert la fois combattante et populaire. Quelquefois, en adaptant le tableau de Delacroix la ralit contemporaine, la Libert de 1830 est dnonce comme tant une force actuel lement oppressive. Le meilleur exemple des points communs entre les diffrents usages de gauche du tableau de Delacroix et l'usage qu'en fait la bourgeoisie pour son propre compte nous est peut-tre offert par le texte de Victor Dancette qui accompagne la bande dessine de Calvo dans La Bte est morte ! La guerre mondiale chez les animaux, illustrant l'insurrection de Paris d'aot 1944 (voir pi. 12) : Et brusquement, sans qu'on sache exactement de qui venait l'ordre, ce fut l'explosion ! Explosion de tout un peuple d'animaux pacifiques que l'immi nence de la libration galvanisait et qui voulait montrer au monde que l'apparente soumission de quatre annes d'esclavage n'avait rien chang sa foi, son courage, son patriotisme. Nos rues se couvrirent soudain de barricades o le pistolet du Lapin fut de la zone ctoyait comiquement l'arquebuse du Lapin cossu des quartiers bourgeois, car le soulvement faisait l'unanimit chez nous et il n'tait plus question de tribus, de castes ou de naissances. Tous les poils vibraient l'unisson (4). Les lectures des historiens d'art Delacroix est un des artistes du XIXme sicle sur lesquels les historiens d'art aussi ont le plus crit pendant les cinquante dernires annes, surtout autour de 1963, anne du centenaire de la mort de l'artiste, o une vritable avalanche de livres fut jete sur le march. Pas d'analyse qui ne renferme un loge du tableau des barricades : ceci va de la falsification la plus complte, des omissions les plus loquentes, au lyrisme le plus exalt. Prenons quelques exemples considrs sous deux aspects : 1 l'interprtation du rapport existant entre la rvolution de 1830 et sa reprsentation par la peinture de Delacroix, 2 l'valuation des ractions de la critique de 183 1 . Dans le livre de Maurice Srullaz et Ariette Calvet, Delacroix (Paris, Le muse personnel, s.d.), dans la notice VII sur La Libert guidant le peuple on peut lire propos de l'accueil rserv au tableau aprs son exposition au Salon de 1831 : Mis part certains commentaires rservs, tel celui paru dans le Moniteur des Arts [suit la citation] les articles parus propos du Salon furent dans l'ensemble assez elogie ux (5). Raymond Escholier dans son Delacroix (Paris, Ed. Cercle d'art, 1963) nous dit aussi qu'au Salon de 1831,7a Libert fut achete par l'tat et paye trois mille francs. Le duc d'Orlans, sur sa cassette particulire, se rendit acqureur de VEvque de Lige. Enfin, la Libert trouva des admirateurs parmi les pires tenants de la cause acadmique; et Delcluze lui-mme voulut bien reconnatre, dans les Dbats, que La Libert sur les barricades tait 'peinte avec verve' et 'colorie dans quelques parties avec un rare talent qui rappelle tout fait la manire de Jouvenet' (ibid., p. 66). Ren Huyghe dans Delacroix ou le combat solitaire (Paris, Hachette, 1964), dans un chapitre intitul Sursaut du latin : La Libert (pp. 198-202), examine d'abord les positions politiques person nelles de Delacroix en employant un vocabulaire qui dvoile surtout ses propres convictions poli4-Paris, Ed. Futuropolis, 1977, p. 88 (1re d., Ed. G. P., 1944-1945). 511 faut peut-tre signaler ici qu' ma connaissance, il n'existe pas en 1831 de journal avec le titre Le Moniteur des Arts. Il s'agit en ralit du Moniteur Universel. Maurice Srullaz renvoie aussi au Moniteur des Arts dans la notice sur La Libert guidant le peuple de son ouvrage Eugne Delacroix - Mmorial de l'exposition organise l'occasion du centenaire de l'artiste, (Paris, Ed. des Muses Nationaux, 1963, pp. 85-86), en qualifiant d'ailleurs la critique du Moniteur comme anonyme tandis que l'article est sign F. P. et qu'il n'aurait pas t difficile de trouver qu'il s'agissait de Fabien Pillet. Genevive Lacambre dans la notice sur La Libert du catalogue De David Delacroix' (Paris, Ed. des Muses Nationaux, 1974, p. 380) renvoie son tour au fictif Moniteur des Arts du 9 mai 1831 sans donner ni nom, ni initiales l'auteur de la critique.

(La libert guidant le peuple devant son premier public 9 tiques : L'enthousiasme de Delacroix pour la fiction : figure idalise de la France qui, descen Rvolution comportait, sans nui doute, des rserves. due cieux (et issue des anciennes allgories des Profondment aristocrate de nature, grand bour classiques et rvolutionnaires), conduit le peuple de geois d'ducation, il gotait modrment le dbrid Paris vers un destin idal. Mais il a fallu le gnie de des fureurs populaires. Alexandre Dumas a mme Delacroix pour faire se rencontrer ces deux rapport que, si notre peintre vit avec plaisir flotter mondes, le rel et l'imaginaire, en une vision nouveau les trois couleurs qui avaient t asso fougueuse, explosive, qui lve la guerre civile de cies aux fastes de l'Empire, il ne fut pas sans Paris au niveau d'un hymne universel la gloire de rticence et mme sans crainte devant l'explosion la libert, au lieu d'en faire un sujet de propagande des colres de la plbe. Par la suite, il s'cartera de au bnfice d'une spcifique faction politique plus en plus de ses lans irrflchis, comme de la franaise (9). menaante dictature des masses aveugles (...) Mais On voit que les lgendes rsistent bien, en 1830, il vibrait encore bien des espoirs non mme devant les spcialistes les plus renomms; dus (ibid., p. 199). De la critique qu'a ren pire encore, ils sont les premiers les reproduire et contre le tableau, R. Huyghe crit : II semble que ceci non pas cause de l 'in accessibilit des sources (...) les plus modrs d'entre eux [les contempor mais cause de leur position idologique qui leur ains] effrays par l'initiative croissante du matre, impose d'avance un certain type de rsultats. aient salu l une accalmie, un retour rassurant Je dis que les lgendes rsistent puisque dj dans l'article des normes que Delacroix semblait avoir rejetes et d'Hlne Adhmar, La Libert sur les Barricades de oublies. Sous la plume du svre Delcluze, le Delacroix tudie d'aprs des documents indits (Gazette Journal des Dbats concde cette toile, 'peinte des Beaux Arts, fvrier 1954, pp. 83-92) on pouvait lire : avec verve', qu'elle tmoigne, surtout dans son Annonc et vant d'avance, il Ile tableau] doit en coloris, d'un 'rare talent qui rappelle tout fait la gnral le public et le choque par son violent lyrisme. Les journes rvolutionnaires sont loin, le rgime bourgeois est manire de Jouvenet' (ibid., p. 200) (6). Suivent instaur, le vent tourn, les des comparaisons stylistiques, la description minut juges subversives .a Les critiquesthories rpublicaines sont font donc Delacroix un ieuse de la composition et puis un jugement : Si, procs de tendance. (...) Le roi Louis-Philippe l'achte de temps autre, une uvre parvient ramasser et cependant afin de ne pas mcontenter l'opinion rpubli traduire toutes les sollicitations qui travaillent caine,au dbut d'octobre, pour la somme de 3000 francs. (...) Cependant, en 1840, une image d'aprs cette toile sert l'me d'un sicle et lui donnent son sens, c'est bien de rclame, au centre d'une affiche, pour YHistoire de Dix cette Rpublique de 1830, o des clameurs Ans de Louis Blanc; la toile n'est donc pas oublie par les confuses d'une gnration en marche deviennent rpublicains (pp. 88, 89, 90). Malheureusement, l'appui un chant unanime et clatant (ibid., p. 201) (7). de cette thse, Hlne Adhmar ne cite dans son article que le Journal des Artistes et des Amateurs pour le juste milieu Philippe Jullian dans son livre sur Delacroix et Jal et Planche du ct des critiques positives de la (Paris, Albin Michel, 1963) caractrise la Libert Libert, sans pourtant caractriser ces auteurs politique comme un trs grand tableau qui devint le plus ment, comme elle le fait pour le Journal des Artistes. Elle clbre de son uvre et qui n'est pas son chefne mentionne que dans une note et sans citer le nom de l'auteur (il s'agit du rpublicain Victor Schoelcher) l'article d'uvre. Le 28 juillet, aussi appel La Libert favorable de l'Artiste. Ce choix de documents la fois trop guidant le peuple sur les Barricades, est avant tout slectif et trop pars ne peut pas servir de preuve pour ses un manifeste patriotique comme le Dos de Mayo , affirmations si justes, qui restent ainsi sans fondement. Par sans aucune des revendications sociales qu'on contre, dans ce mme article Hlne Adhmar avance une interprtation en utilisant un procd qui frle la mauvaise voudra y trouver plus tard, et qui irritrent le crit : Le de peintre. // n'est pas question en 1830 de proltar foi. Elle or Delacroix travail a{pour Lail Libert] exige ses l'argent, n'en gure; en rclame iat,peine de suffrage universel; les bourgeois et cranciers, et on le voit crire le 1er novembre (Corresp. le peuple sont unis, comme en 89, contre un tome I, p. 258) un des liquidateurs de l'ancienne liste civile pour tcher d'obtenir un paiement de la duchesse de gouvernement stupide (ibid., pp. 99-100) (8). Berry. Ainsi, c'est l'exile, la princesse de l'ancien rgime, Enfin, pour prendre l'exemple le plus rcent, qui va lui fournir l'argent ncessaire pour peindre sa Robert Rosenblum crivait dans le catalogue de Libert (p. 87). Or Delacroix exige dans cette lettre l'exposition De David Delacroix propos du l'argent que lui doit la duchesse de Berry pour son tableau mme tableau : La toile prsente un curieux Le roi Jean la bataille de Poitiers command par elle en 1829. Nulle part il n'est question dans cette lettre, crite le mlange de ralisme prcis vue de Notre-Dame et 1er novembre, de la Libert. En supposant mme, que la des vieilles maisons du quartier, tangible ralit des duchesse ait ragi favorablement son appel et liquid sa insurgs, ouvriers ou gamins de Paris et de dette immdiatement (donc avant que la Libert ne soit termine), peut-on laisser entendre que c'est elle qui va lui fournir l'argent ncessaire pour peindre sa Libert ? 6 Remarquons qu'aussi bien Escholier que Huyghe ou Srullaz ne citent de Delcluze que cette phrase, en passant sous silence la majeure partie de sa critique (o il parle Voyons les interprtations de ce tableau que par exemple de son loignement [de Delacroix] pour proposent les historiens d'art se rclamant du tout ce qui a l'air d'une recherche de haut style, etc.). marxisme, en commenant par les historiens d'art 7 Ren Huyghe appelle la figure de la Libert deux sovitiques. Avant toute chose, il faut examiner les reprises la Rpublique sans jamais justifier ce choix, qui variations dans le temps des jugements sovitiques a beaucoup d'arguments en sa faveur, ni le mettre en rapport avec son interprtation de la position politique officiels sur Delacroix travers ce miroir si du tableau. fidle qu'est la Grande encyclopdie sovitique, 8 La question, comme on le verra par la suite, n'est pas de dont il y a eu jusqu'ici trois ditions : celle de savoir si les bourgeois et le peuple taient unis durant la 1926-1936, celle de 1950-1958 et celle publie rvolution qu'a reprsente Delacroix, mais s'ils taient unis aprs la rvolution, quand Delacroix peignait sa toile 9 De David Delacroix, op. cit. , p. 24 1 . et, a fortiori, quand elle fut prsente au public du Salon.

10 Nicos Hadjinicolaou partir de 1970 (dont il existe une traduction en anglais, publie par Macmillan partir de 1973). L'article sur Delacroix de la premire dition, crit par Abr. Efross, est la fois le plus document (plus d'une douzaine de renvois allant de Baudelaire Signac, de Charles Blanc Focillon et Escholier), le moins lyrique, et le plus critique quant l'valuation de la position sociale de la peinture de Delacroix (10). L'article (non sign) de la seconde dition (dont la bibliographie renvoie au seul ouvrage d'Escholier de 1926-1929, pour ce qui est de la littrature non-sovitique sur Delacroix) reproche pratiquement ce dernier de ne pas avoir t un raliste consquent (11). Quant l'article de la troisime dition, crit par S.V. Morozova, dont la bibliographie en ouvrages trangers a t enrichie par la rfrence au livre de R. Huyghe (12), il insiste surtout sur le romant isme de Delacroix et sur la fusion de la ralit hroque avec le beau rve romantique de la liber tqui caractriserait la toile de la Libert (13). 10 Delacroix reprsente l'opposition la plus extrme au no-classicisme des pigones de David, qui av ient perdu tout ce qu'il y avait de rvolutionnaire, social ei artistique chez ce matre et qui dfendaient les thmes dcadents et les formes de l'acadmisme historique. (...) Les Massacres de Scio, la Grce sur les ruines de Missolonghi et le clbre tableau, symbole de la rvolution de 1830, La Libert sur les barricades, sont extrmement importants comme documents refltant l'tat d'esprit de la jeune bour geoisie europenne des annes trente (tome 21, 1931, pp. 133-134). 11 Quand clata la rvolution de 1830, Delacroix com mena travailler avec beaucoup d'lan sur son tableau Le 28 juillet 1830 (qui a t expos au Salon de 1831 sous le titre La Libert sur les barricades) . Le peintre a reprsent sur les barricades, sur un fond de btiments parisiens envelopps de fume, la figure allgorique de la Libert avec le drapeau national et un fusil dans les mains et ct participants rels des batailles de rue un ouvrier, un intellectuel, un petit garon avec des pistolets. La large manire picturale, la force et l'expressivit des couleurs riches et chaudes renforcent l'effet motionnel du tableau. La figure de la Libert, cre par Delacroix, a pris la valeur d'un symbole rvolutionnaire pour le peuple franais. (...) L'uvre de Delacroix est prcieuse pour ses motifs qui expriment l'amour de la libert, pour l'audace et la vivacit de ses figures, pour sa tendance l'hroque. (...) Cepen dant Delacroix n'a pas pu devenir un raliste consquent et vers le milieu du XIXme sicle il a pris ses distances du mouvement raliste. (...) Les ralistes des gnrations sui vantes, condamnant les traits de l'idalisation et du subjectivisme romantique, propres beaucoup de tableaux de Delacroix, surtout tardifs, ont hautement apprci le ct progressiste de son uvre et ont utilis largement ses remar quables rsultats positifs (tome 13, 1952, p. 625). 1211 est significatif que les ouvrages de communistes nonsovitiques crits aussi propos du centenaire comme ceux de Heinz Ldecke ou de Pierre Daix, ou le n spcial de la revue Europe sur Delacroix ne soient pas mentionns. 13 Delacroix tait un romantique ds le dbut de sa carrire et il est vite devenu le chef de l'cole romantique. Il tait le reprsentant le plus marquant de ses tendances progressistes et dans un certain nombre de ses uvres il a mme exprim ses sentiments rvolutionnaires. (...) En 1830, sous l'influence immdiate de la rvolution de juillet, Delacroix a peint la grande toile La libert guidant le peuple {La Libert sur les barricades, au Louvre). L'artiste a repr sent des participants rels l'insurrection cte cte avec la figure allgorique de la Libert et a cr une image impressionnante d'une rvolution populaire, en liant la ralit hroque avec le beau rve romantique de la libert (tome 8 de l'dition anglaise, New York et Londres, Macm illan, 1975, p. 97). Prenons pourtant deux exemples de la bibliographie sovitique spcialise sur Delacroix. Une grande exposition d'uvres de la peinture franaise du XIXme sicle en provenance des collections publiques franaises ayant eu lieu Moscou et Leningrad en 1956, A. Zamiatina a crit un long article dans la revue Isskustvo (aot 1956, pp. 40-49) dont voici quelques extraits de la partie concernant La Libert guidant le peuple : La signification progressiste du romantisme dans l'volution de la peinture franaise du XIXme sicle, ct des uvres de Gricault, est repr sente par la peinture de Delacroix. Avant tout il faut nommer sa clbre Libert guidant le peuple (1830). Dj la premire impression chasse cette peur avec laquelle, craignant d'tre du, on s'a pproche d'une uvre clbre. C'est un vritable chef-d'uvre ! (...) Un tableau comme La Libert guidant le peuple est clbre non seulement en soi mais aussi en rapport avec toute une suite de problmes de la peinture du XIXme sicle. Delacroix, parmi les premiers, a reflt dans l'art le mouvement rvolutionnaire du peuple en masse et a su dcouvrir et montrer la signification historique d'un vnement contemporain. {ibid., p. 42). Le livre de LA. Diakov, Eugne Delacroix (Moscou, Ed. Isskustvo, 1973), qui consacre plusieurs pages au tableau de la Libert copie, sans les citer, quelques auteurs occiden taux non-marxistes qui ont attir l'attention sur les sources possibles du tableau {L'Attaque du Louvre par Bellang, etc.). Sur la reprsentation du peuple par Delacroix, Diakov crit : Pour la premire fois dans la peinture d'histoire, le peuple apparat comme un facteur agissant. Tous les participants la rvolution de juillet sont reprsents : ouvrier, tudiant, garde national, gamin de Paris {ibid., p. 33) et sur l'accueil rserv au tableau : II y a une lgende qui dit qu'un bourgeois qui visitait le Salon s'exclama plein d'effroi devant le tableau : 'Vous dites que c'est un chef d'cole ? Dites plutt que c'est un chef d'meute !' La force terrible du tableau a tellement effray les bourgeois qu'ils se sont empresss de rendre le tableau l'auteur)) {ibid., p. 34). Parmi les interprtations avances par quelques communistes non-sovitiques, on peut mentionner un article de Boris Taslitzky, Delacroix et le romantisme franais, publi dans la Nouvelle Critique (143, mars 1963, pp. 112-134), qui rivalise tant avec les critiques bourgeois qu'avec les critiques sovitiques en inexactitudes et en gnr alits : Monseigneur le duc Louis-Philippe d'Orlans (...) ne mnagea pas son aide Delacroix. Celui-ci peignit pour le duc L 'Assassinat de l 'vque de Lige, sujet tir du Quentin Durward de Walter Scott. Au lendemain de la Rvolution de 1830, il reut la commande d'un tableau exaltant Les Trois Glorieuses. (...) Pour la premire fois dans une vaste composition pique, le peuple en tant que tel apparat dans la peinture sous les traits d'un ouvrier arm auprs d'un tudiant qui a le visage du peintre Delacroix, et contemplant la belle figure de la Libert, un autre ouvrier, un typographe dans sa tenue professionnelle, fait centre et bloc avec elle. // convient sans doute de voir dans cette uvre, unique dans la cration de Delacroix, l'anctre lointain de la conception moderne du romantisme rvolutionnaire dont notre poque saisit encore mal les contours qu'elle lui donne. Le tableau de

La libert guidant le peuple devant son premier public 11 juillet (Eugne Delacroix und die Panser JuliDelacroix eut un succs certain au Salon de 1831 revolution , Berlin, Deutsche Akademie der Knste (ibid., p. 130). zu Berlin, 196 5), com menee dans sa prface par une Par contre Pierre Gaudibert, Pierre Daix et dclaration de principes plus que discutable : On a Heinz Ldecke ont chacun apport des jugements et des lments qui ont ouvert une nouvelle phase beaucoup crit sur Delacroix, beaucoup trop et souvent avec l'ide de gagner pour le modernisme dans l'tude de l'uvre de Delacroix. Pierre Gaudibert dans son article Delacroix et le romant un prcurseur fameux. Contrairement cela, nous aimons Delacroix en tant que raliste bourgeois qui isme rvolutionnaire (Europe, avril 1963, portait en soi la culture et les conflits de son pp. 4-21), constate que la raction de la critique fut significative de la porte du tableau de poque et qui les a exprims avec matrise (ibid., Delacroix (ibid., p. 6) et affirme mme que les p. 5). Par contre, sur le rapport entre la rvolution reproches habituels adresss par les adversaires de de 1830 et sa reprsentation par Delacroix, la peinture de Delacroix, savoir son got du Ldecke crit : Mais avant tout, les forces sociales laid', prennent prsent des rsonances poli qui ont amen la rvolution la victoire sont reprsentes d'une manire juste sur le plan histo tiques (ibid.) mais malheureusement ne poursuit pas sa recherche sur ce terrain, se contentant de rique (ibid., p. 12). Enfin, en ce qui concerne citer d'une part le Journal des Artistes et des l'accueil de la toile au Salon de 1831, il constate Amateurs et d'autre part les critiques de Heine et que seuls deux auteurs, Heine et Planche, ont vraiment jug le tableau d'une manire adquate : de Jal. Il soutient nanmoins une thse capitale Quand Delacroix exposa son tableau de la rvolu quant aux raisons de la fortune critique ultrieure tion Salon du Louvre en avril 1 83 1 , il tait dj au du tableau : La participation du peuple une une image oppositionnelle (...). Il est tout fait Rvolution bourgeoise est la fois l'indice du comprhensible que la 'nouvelle aristocratie' ralisme profond du tableau, la source de la peur qu'il inspira longtemps aux gouvernements bour ne voulait pas se voir rappeler le fait , qu'en vrit , elle ne s'tait pas battue et n'avait pas gagn, mais qu'elle geois et la raison du souffle rvolutionnaire qui avait exploit pour son propre compte la lutte et la continue agir travers sa russite artistique victoire du peuple. C'est ainsi que s'explique le fait (ibid., p. 7). Et plus tard : Cette synthse subject que la Barricade de Delacroix (mis part des ive cohrente, o s'associent conscience politique critiques comme Planche et Heine) a eu mauvaise du moment, modles plastiques et thmes intimes, , presse (ibid., p. 17). repose sur un certain malentendu, qui concide avec un malentendu politique objectif : le peuple runi sous les plis du drapeau tricolore se soulve et La Libert guidant le peuple au Salon de 1831 se bat pour les intrts de la bourgeoisie; mouve Contrairement aux affirmations des historiens d'art ment gnreux pour la Libert, bonapartisme, bourgeois qui s'efforcent de combattre l'ide que le nationalisme, dsir de libert artistique et revendi tableau de Delacroix constitue une propagande au cation bourgeoises amalgament dans une confu bnfice d'une spcifique faction politique fran sion chaleureuse (ibid., p. 21). aise et selon lesquels il s'agit d'un hymne uni Pierre Daix dans un livre fort intressant, versel la gloire de la libert (Rosenblum), nous Delacroix le librateur (Paris, Club des amis du allons voir que ce qui a divis le premier public de livre progressiste, 1963), dmolit d'abord avec une ce tableau tait prcisment son interprtation de seule phrase le leitmotiv de tant de conservateurs la rvolution de 1830 qui concordait avec celle qui veulent tout prix rendre La Libert guidant le d'une faction politique franaise. peuple anodine, qui empchent de voir la peinture Delacroix a donn comme titre son tableau en invoquant le conservatisme personnel de Le 28 juillet (15), c'est--dire qu'il a choisi le jour Delacroix (14) : Quand on traite Delacroix de ractionnaire, -on pense au Delacroix dsabus, 15 En ralit l'histoire du titre du tableau est assez curieuse. Delacroix lui-mme dans sa lettre du 18 octobre mfiant, dpolitiqu de 1848 et on extrapole 1830 son frre l'intitule une barricade (SmWzz, Eugne indment ces jugements avant 1830 (...). Mais nous Delacroix. Mmorial de l'exposition, op. cit., p. 123). C'est n'avons pas le droit de rayer les dix-huit ans qui aussi sous le titre La Barricade que Charles Lenormant en sparent l'homme de trente-deux ans dj mri du parle dans son article du 26 janvier 1831 publi dans Le vieillard grotant de cinquante ans (ibid., p. 155 Temps. L'Artiste, dans un article du 24 avril, l'appelle Scne de Barricades de Juillet. Or, selon le registre des et 159). Puis cette remarque fondamentale pour envois au Salon, le tableau admis par le jury le 13 avril tout jugement sur le Salon de 1831 : Le Salon de porte le titre La Libert guidant le peuple au 29 juillet 1831 est aussi loin de celui de 1827 que la France (Lee Johnson, Eugne Delacroix et les Salons, documents de 1945 de celle de 1941 (ibid., p. 156). indits au Louvre, dans La Revue du Louvre et des Muses de France, n 4-5, 1966, p. 220). Pourtant, dans le livret Heinz Ldecke, dans une courte tude, qui parat l'ouverture du Salon, le tableau mentionn Eugne Delacroix et la rvolution parisienne de sous le n 511, porte le titre Le 28 juillet et comme soustitre : La Libert guidant le peuple. D'ailleurs, sur une tren 14Trs souvent ce sont d'ailleurs les mmes personnes qui, taine de critiques qui ont crit sur cette peinture en 1831, lorsque nous possdons des documents sur les convictions quatre seulement emploient le titre du livret tandis que la politiques rvolutionnaires de quelques artistes (je pense par grande majorit des autres prfre intituler le tableau selon exemple Courbet), se prcipitent pour nous dire que ce le sous-titre, en joignant parfois les deux : La Libert qui compte ce ne sont pas les ides politiques des artistes guidant le peuple au 28 juillet. tant donn qu'il n'y a pas mais dans quelle mesure elles sont reprables dans leur de traces d'un dsaveu quelconque de la part de Delacroix propre uvre. Je crois, en effet, que seule cette dernire du titre et du sous-titre publis dans le livret, on a le droit position est dfendable du point de vue de l'histoire de de supposer que ceux-ci ont t choisis par lui-mme. De l'art, seulement il faut l'appliquer toujours et non pas selon toute manire dans sa lettre G. Planche du 28 mai 1931, les cas qui conviennent aux uns et aux autres. il intitule son tableau Libert.

12 Nicos Hadjinicolaou crucial o, selon les mots du marchal Marmont, charg de rprimer le soulvement ce n'est plus une meute, c'est une rvolution (16). Vers une heure de l'aprs-midi, le 28 juillet, un drapeau tricolore a t plac pour quelques heures sur une des tours de Notre-Dame. C'tait la journe o rien n'tait dcid, les forces lgitimistes conser vant encore tous les espoirs de mater la rvolte. Les affrontements de l'aprs-midi avaient montr la combativit du peuple mais la troupe de Charles X tait encore matresse de plusieurs quartiers parisiens. Delacroix a donc choisi comme sujet la journe la plus difficile, la plus prcaire pour les forces rvolutionnaires, celle o elles partaient bien pour un combat dont l'issue n'tait pas certaine. Mais Delacroix a aussi donn un sous-titre son tableau : La Libert guidant le peuple. Or, pour comprendre l'accueil rserv cette toile en 1831, il faut examiner les positions dfendues immdiatement aprs l'installation de Louis-Philippe au pouvoir (Delacroix peint la Libert entre la fin septembre et dcembre 1830) par rapport deux questions : Qui est le peuple ? et Qui a fait la rvolution ?. La notion de peuple en 1830 Les diffrentes positions sur la notion de peuple et la nouveaut de certaines d'entre elles, pour tre comprises, doivent tre mises en rapport avec l'acception gnrale de ce terme avant la rvolu tion 1830, telle qu'elle apparat dans les dic de tionnaires de la langue franaise publis entre 1800 et 1830. Dans son Nouveau dictionnaire de poche de la langue franaise, P. Catineau dfinissait le peuple: Multitude d'hommes d'un mme pays et sous les mmes lois, multi tude d'habitants; la partie la plus laborieuse, la moins riche et la plus utile d'une nation; sujets (17). Par oppos ition au peuple, il dfinissait populace comme le bas, le menu peuple. V. Verger, dans son Dictionnaire Univers el la langue franaise (18) dfinissait cette notion de comme suit : Peuple : multitude de familles runies sur quelque lieu commun, et considres sans distinction de rang ni de naissance. Dans un sens politique, tout le peuple ou une partie du peuple considre relativement l'autorit souveraine. Dans les monarchies toutes les familles qui vivent sous l'autorit du monarque. Gens sans esprit, sans instruction, sans lumires, sans exprience, amateurs des prjugs, n'ayant point d'opinion eux, qui s'attachent opinitrement et sans examen celles qui flattent leurs passions. En ce sens, il y a du peuple dans toutes les classes. -La classe du public la plus nombreuse et la moins instruite, la moins claire. Jean-Charles Laveaux, dans son Nouveau diction nairede la langue franaise (19) donnait la dfinition la plus dtaille : Peuple : Multitude de familles runies sur quelque lieu commun, et considres sans distinction de rang ni de naissance. Peuple : dans un sens politique, se dit de tout le peuple ou d'une partie du peuple relativement l'autorit souveraine. (...) Peuple, se disait autrefois en France de l'tat gnral de la nation, simplement oppos celui des grands, des nobles et du clerg. Il renfermait les laboureurs, les ouvriers, les artisans, les ngociants, les financiers, les gens de lois, les gens de lettres. Aujourd'hui 16 Cits par Jean-Louis de Courson, 1830 - La rvolution tricolore, Paris, Julliard, 1965, p. 217. 17 1re d. 1802, 3me d., d'o la citation est tire, Paris, Letellier, 1807. 18 Paris, Librairie classique lmentaire, 1823. 19-Paris, Deterville, 1828 (2 d.). on entend par peuple la partie de la population qui, n'ayant ni proprits, ni revenus, ni emplois, ni talents distingus, vit pniblement du travail de ses mains ou d'une petite industrie. Lui aussi, comme d'ailleurs V. Verger reprend la dfinition de populace de Catineau : Le bas peuple, la lie du peuple. On voit partir de ces exemples que la dfinition du contenu social de la notion de peuple avait dj avant juillet 1830 deux variantes : l'une englobait sous la dnomination peuple la bourg eoisie, la paysannerie et la classe ouvrire; l'autre excluait la bourgeoisie rservant l'emploi de cette notion pour dsigner la partie de la population vivant du travail manuel, en l'espce les paysans non-propritaires de terre, les ouvriers et les arti sans. Or, ces deux dfinitions de la notion de peuple reprennent vigueur immdiatement aprs la rvolution de juillet 1830. Je me bornerai prendre un seul exemple pour chaque dfinition. L'Artisan, journal de la classe ouvrire, qui parat pendant les mois de septembre et d'octobre 1830, crit dans son numro du 22 septembre : Que quelques journalistes se renfermant dans leur petite bourgeoisie aristocratique s'obstinent ne voir dans la classe ouvrire que des machines produisant pour leurs seuls besoins; dans le gou vernement, que des mandataires pays par eux et destins les organiser; et qu'ils ne voient le peuple que dans cette classe moyenne o ils vivent, cela se conoit facilement : leur esprit n'a pu marcher avec le sicle, et ils font tous leurs efforts pour l'arrter. Le 26 septembre, dans son editorial, le journal affirme : Selon nous, le peuple n'est autre que la classe ouvrire; c'est elle qui donne de la valeur aux capitaux en les exploitant; et c'est sur elle que reposent le commerce et l'industrie des tats. Mais c'est dans son numro du 10 octobre 1830 que l'Artisan dve loppe longuement sa dfinition du peuple, vritable thorie rvolutionnaire qui mrite d'tre cite in extenso : ... les rles ont t changs par la venue de ces trois jours de juillet dernier. Jusqu'alors le peuple tait ce corps d'industriels riches que l'on appelait bourgeoisie. Les journaux ne retentissaient que de leurs dmls avec les nobles, les prtres et la lgitimit; quant l'ouvrier, on en parlait le moins possible. Il travaillait, et cependant sa neutralit tait sans cesse harcele par l'un et l'autre parti, qui cherchaient chacun de leur ct et chacun leur manire s'en faire un alli. Le moment tait venu d'en finir jamais de ces dmls, et le parti noble comptant sur sa force, aveugl sur la conversion que devaient avoir fait les prtres dans la classe ouvrire, lana ses fires ordon nances. Les bourgeois rsistrent en invoquant la lgalit; les ouvriers, eux, s'armrent, en invoquant la libert, et les premiers proclamrent dchu du trne un roi qui s'tait rendu parjure. Cette besogne une fois faite, l'ouvrier dposa les armes, et courut aux ateliers, laissant la bourgeoisie le droit de se constituer, et s'imaginant que tout tait fini. Mais la "bourgeoisie, en crant dans son sein le pouvoir gou vernemental, avait fait disparatre le peuple, et prenait la place et le rle des nobles; et ds lors le bas-peuple, repouss des ateliers par trois causes puissantes de misres : le grand nombre dont il se compose, l'introduction des machines, et le manque d'ouvrage (manque d'ouvrage ncessit par le peu de stabilit des choses dans tout mo ment de crise), le bas-peuple, dis-je, se trouva et se trouve plac maintenant immdiatement aprs les gouvernants, c'est--dire la place du peuple. L'autre dfinition du peuple, oppose celle de l'Artisan, est dfendue par exemple par le journal Le Patriote, journal du peuple, politique, moral et littraire qui parat entre le 15 juin et le 14 dcembre 1830 et semble avoir eu pour fonction de propager d'une manire dissimule la politique de la bourgeoisie au pouvoir par le biais d'un langage populiste. Or, voici sa dfinition du peuple parue, dans un article sous le mme titre, dans le numro du 3 aot 1830 : La force d'une nation est dans le peuple; par le peuple on fait tout, on doit tout faire

La libert guidant le peuple devant son premier public 13 pour le peuple. Qu'est-ce que le peuple ? c'est vous, c'est moi, c'est tout le monde, mais avec cette diffrence que les abus ns de la civilisation ont fait comprendre ce mot d'une manire exceptionnelle; personne ne rougit de dire je fais partie de la nation, beaucoup de gens rougiraient de dire je fais partie du peuple. Il est vrai que le mot peuple indique dans l'esprit de tout le monde la classe peu aise, ce que l'on appelle la basse classe; mais cela ne se borne pas l : lorsque je vois la classe ouvrire, travaillante, laborieuse, c'est le peuple si je vois le commerant, l'industriel, c'est le peuple; le propritaire qui cultive son champ, celui qui le fait cultiver, c'est le peuple; l'artiste, le savant qui propage les connaissances utiles, c'est encore le peuple; le peuple, c'est la grande majorit, autant vaudrait dire c'est tous; le mot nation semble n'avoir t invent que pour satisfaire : quelques vanits orgueilleuses, mais qui dit nation, dit peuple. Cette dernire dfinition est celle qu'avancent tous les organes de la bourgeoisie au pouvoir, qui ne cessent de la rpter avec obstination depuis les premires journes d'aot. Qui a fait la rvolution de juillet ? Ces dfinitions de la notion de peuple sont import antes ds qu'on essaye de voir les diffrentes interprtations de la rvolution de 1830, avances immdiatement aprs celle-ci. En effet, peine les combats ont-ils cess qu'une vritable polmique surgit de la question : Qui a fait la rvolution ?

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PL 13-Anonyme, Premiers rassemblements du peuple, eau-forte, dessus de tabatire, 1 830. PL 1 5 Grandville, Rvolution de 1830 : le peuple a vaincu, ces Messieurs partagent, Litho., 1830.

PI. 14 S. Coeur, Charles X et son peuple, Litho. vers 1 830. PI. 16 H. Daumier, // a raison l'moutard -eh oui, c'est nous qu'a fait la rvolution et c'est eux qui la mangent... (la galette), Litho., 1830.

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14 Nicos Hadjinicolaou La rponse ne faisait aucun doute pour personne : la rvolution a t faite par le peuple. Mais qui tait le peuple ? C'est ce point que, suivant la dfinition donne cette notion, deux interprta tionsla rvolution de 1830 apparaissent qui se de combattent avec violence. La premire voit la rvo lution comme le rsultat de l'action patriotique de l'ensemble ouvriers, artisans, ngociants, financ iers, gens de lois, gens de lettres, bref de la bourgeoisie et de la classe ouvrire. La seconde considre au contraire que la rvolution a t faite par la classe ouvrire au profit de la bourgeoisie. Ces deux interprtations n'ont pas t dfen duesseulement par des textes. On les retrouve aussi dans le domaine de l'image, dans ces innombrables estampes sorties depuis aot 1830, et mme dans la peinture. Comme exemple de la premire inter prtation avec un accent manifeste sur la participa tion bourgeoise la rvolution, on peut mentionner une eau-forte servant de dessus de tabatire reprsentant les premiers rassemblements du peuple (20) (voir pi. 13) o, au milieu d'une vritable mare de bourgeois avec leurs chapeaux haut-de-forme on reconnat deux ouvriers; ou une lithographie de Sbastien Cur, Charles X et son peuple (21) (voir pi. 14) o l'on a des difficults deviner un ouvrier cach derrire deux bourgeois aiss et un avocat. Comme tmoins de la deuxime interprtation, on peut citer la lithographie de Grandville Rvolution de 1830 : Le peuple a vaincu, ces Messieurs partagent (22) (voir pi. 15), o le peuple est personnifi par un ouvrier; ou la litho de Daumier // a raison l'moutard eh oui c'est nous qu'a fait la rvolution et c'est eux qui la mangent (la galette) (23) (voir pi. 16), montrant deux chiffonniers en conversation, dont un bless la tte, devant des bourgeois qui regardent des estampes parmi lesquelles une porte la lgende Celui qui s'bat n'est pas celui qui mange la galette. Qui a fait la rvolution ? C'est cette question que rpond en aot 1830 Auguste Barbier dans son pome La Cure dont on cite si souvent (et ajuste titre) la description de La Libert comme source d'inspiration de Delacroix (24) mais en passant curieusement sous silence ces vers capitaux : 20 Dpose au Dpt lgal, selon le registre du Cabinet des estampes, le 7 octobre 1830. 21 Non date, trs probablement de 1830. 22-Dpose au Dpt lgal le 24 aot 1830. 23Dpose au Dpt lgal le 4 septembre 1830. 24 Les clbres vers, considrs dj par cinq critiques de 1831 comme source d'inspiration de Delacroix, sont les suivants : C'est que la libert n'est pas une comtesse/ du noble faubourg Saint-Germain;/ une femme qu'un cri fait tomber en faiblesse,/ qui met du blanc et du carmin;/ c'est une forte femme aux puissantes mamelles,/ la voix rauque, aux durs appts,/ qui, du brun sur la peau, du feu dans les prunelles,/ agile et marchant grands pas,/ se plat aux cris du peuple, aux sanglantes mles,/ aux longs roule ments des tambours,/ l'odeur de la poudre, aux lointaines voles/ des cloches et des canons sourds;/ qui ne prend ses amours que dans la populace,/ qui ne prte son large flanc/ qu' des gens forts comme elle, et qui veut qu'on l'embrasse/ avec des bras rouges de sang. {Revue de Paris, t. 18, 3me livr.de sept. 1830, p. 140). Quant tous ces beaux fils aux tricolores flammes Au beau linge, au frac lgant, Ces hommes en corsets, ces visages de femmes, Hros du boulevard de Gand, Que faisaient-ils, tandis qu' travers la mitraille, Et sous le sabre dtest, La grande populace et la sainte canaille Se ruaient l'immortalit ? Tandis que tout Paris se jonchait de merveilles, Ces messieurs tremblaient dans leur peau, Ples, suant la peur, et la main aux oreilles, Accroupis derrire un rideau {Revue de Paris, 1. 18, 3me livr. de sept. 1830, p. 139). Or, aprs la victoire, la situation selon Barbier a radicalement chang : Paris n'est maintenant qu'... Un taudis regorgeant de faquins sans courage, D'effronts coureurs de Salons, Qui vont de porte en porte, et d'tage en tage, Gueusant quelque bout de galons {ibid., p. 142). La tension est grande pendant ces derniers mois de 1830. Plusieurs tentatives de soulvements populaires ont t rapidement rprimes et la critique contre Louis-Philippe bat dj son plein. Dans un article intitul Qu'a-t-on fait pour le peuple ? Rien... Donc nous sommes toujours en Rvolution, publi dans le troisime fascicule, paru en novembre 1830, de la publication rpublicaine Le Tribun du Peuple, l'auteur, qui signe RI Z, crit : Nous sommes toujours en rvolution; voil qui est un fait constant pour tous les esprits clairs. C'est en vain que d'autres, intresss croire le contraire s'crient que tout est termin, que tout est pour le mieux. (...) Pourquoi la rvolution n'est-elle pas finie ? La rponse est simple : on n'avait rien fait pour le peuple. Ils ne savent mme pas ce qu'il fallait faire, ceux qui veulent nous gouverner; car quels sont ceux d'entre eux qui le connaissent ce peuple par qui et au nom de qui la rvolution s'est faite, et qui sentent par sympathie ses vritables besoins ?. Et le prudent comte Roederer dans une adresse Au Roi, signe du 19 octobre 1830, constate : Deux classes s'agitent en France; les ouvriers et la jeunesse sortant des hautes tudes. (...) Il y a cela de fcheux en ce moment, que quelques uns de ces jeunes gens, entrans par les leons de pernicieuses coles qui ont envahi le domaine de la vraie philosophie, arment les ouvriers de fausses thories, quand ils s'chauffent pour leurs intrts. Pendant cette priode pleine d'effervescence popul aire, au moment o la polmique sur le vritable auteur de la rvolution de juillet se trouve son apoge, Delacroix peint son tableau (un sujet moderne, une barricade (25) qui sera expos au Salon de 1831 sous le titre Le 28 juillet avec comme sous-titre : La Libert guidant le peuple. Critique d'art et tendances politico-sociales Dans les tudes dj mentionnes, les ractions devant le tableau de Delacroix sont traites de deux faons. Dans quelques cas,la critique, les 25 Ce sont pratiquement les seules phrases de Delacroix, retrouves jusqu'ici, concernant son propre tableau et contemporaines de la production de celui-ci. Son journal se tait entre 1824 et 1832 et dans sa correspondance il n'y a rien propos de la Libert, sauf cette lettre son frre du 18 octobre 1830, publie pour la premire fois par Maurice Srullaz en 1963 : ... J'ai entrepris un sujet moderne, une barricade... et si je n'ai pas vaincu pour la patrie au moins peindrais-je pour elle... {Eugne Delacroix - Mmorial de l'exposition organise l'occasion du centenaire de l'artiste, op. cit., p. 85).

La libert guidant le peuple devant son premier public 15 critiques ou le public sont pris comme un ensemble indivisible : le tableau de Delacroix eut un succs certain au Salon de 1831 (26), La Libert guidant le peuple qui consacre sa rputation auprs du nouveau pouvoir comme auprs du public (27), etc. Dans d'autres cas la critique se dcompose en individus dont nous entendons les voix divergentes : Mis part cer tains commentaires rservs... les articles parus propos du Salon furent dans l'ensemble assez logieux (28), sous la plume du svre Delcluze, le Journal des Dbats concde cette toile... (29). En somme il y a soit la critique et les critiques, soit les individus dont quelques uns sont intelligents, admiratifs, bienveillants et d'autres incapables de comprendre, borns, mchants, etc. : Le grand tableau de Delacroix, tant attendu, choqua le public et fut accueilli diversement par la critique. Les plus mchants, comme A. Tardieu... Quelques admirateurs cependant en parlent longue ment... (30). Cette obsession d'individualiser les jugements sur La Libert guidant le peuple, ou de les subsumer soit sous l'ensemble prtendument cohrent de la critique, soit sous l'tiquette des doctrines esthtiques (partisans des classiques contre parti sans des romantiques, partisans de l'acadmisme contre partisans de la modernit, etc., sans tenir compte du contenu social de ces doct rines) est une consquence invitable de l'idologie bourgeoise de l'art qui mriterait un examen particulier. Ici, on se contentera d'examiner sa validit par rapport aux faits, c'est--dire par rapport trente-deux critiques publies en 1831 (31), qui prennent position l'gard de Delacroix et en particulier de La Libert guidant le peuple. Il s'agit de la totalit des critiques, recenses jusqu'ici, publies l'occasion du Salon. Toutes ( l'exception des reportages de Heine, publis en allemand Stuttgart dans le Morgenblatt fr gebildete Stnde) ont t publies Paris et toutes sont parues entre janvier et dcembre 1831. Toutes, l'exception de celles d'Ambroise Tardieu, Auguste Jal et Gustave Planche qui ont fait paratre des brochures indpendantes, ont t publies dans la presse quotidienne ou priodique parisienne. Deux sont parues dans les seuls priodiques existant en 1831 consacrs aux arts plastiques : 4e Journal des artistes et des amateurs et L'Artiste. 26B. Taslitzky, Delacroix et le romantisme franais, op. cit. 27Gaston Diehl, Delacroix, Paris, Flammarion, 1967, p. 29. 28 Maurice Srullaz et Ariette Calvet, Delacroix, op. cit. 29 Ren Huyghe, Delacroix ou le combat solitaire, op. cit., p. 200. 30G. Lacambre dans sa notice sur la Libert dans le cata logue de l'exposition De David Delacroix, op. cit., p. 381 . 31 Dont onze ne sont mentionnes ni par Tourneux (Salons et expositions d'art Paris, 1801-1870, Paris, Jean Schemit, 1919), ni par Pontus Grate (Deux critiques d'art de l'poque romantique : Gustave Planche et Thophile Thor, Stockholm, Universit d'Uppsala, 1959). Il s'agit des critiques publies dans La Tribune, Le Garde National, les Annales de philosophie chrtienne, Le Correspondant, La Mode, le Follet, l'Indpendant, La Revue encyclopdique, Le Messager des Chambres, la Revue de Paris et Le Ruban Tricolore. Peut-on parler de la presse sans tenir compte des intrts de classe qu'elle dfend ? Peut-on parler de la presse de 1831 sans tenir compte de la rupture sociale et politique entre la presse dite lgit imiste qui dfend les intrts de la noblesse et du clerg et se bat contre le nouveau pouvoir, et la presse bourgeoise favorable au renversement de Charles X et la rvolution de juillet ? Peut-on parler de la presse bourgeoise sans tenir compte du foss qui spare les partisans du juste-milieu et l'opposition bourgeoise librale de gauche et rpublicaine; le parti de la rsistance de celui du mouvement ? Peut-on comprendre les opi nions d'un individu sur une question prcise sans les relier sa vision globale du monde, son idologie ? N'est-il pas vrai aussi que les choix individuels une fois agrgs et cumuls, finissent par s'exprimer dans les rgularits statistiques attaches chaque classe sociale ? Si l'on tenait compte de tous ces aspects, quel serait le tableau compos par les critiques publies en 1831 concer nant Libert guidant le peuple ? La On ne peut pas prsenter ici les justifications ncessaires la classification adopte selon des critres la fois sociaux (la critique d'art de l'aristocratie la critique d'art de la bourgeoisie) et politiques (la critique d'art du justemilieu la critique d'art de l'opposition bourgeoise de gauche) : pourquoi tel journal ou tel auteur ont t placs dans telle rubrique et pas dans telle autre ? etc. Ces justifications seront publies dans une tude de l'ensemble du Salon de 1831, actuellement en prparation. Remarquons seulement qu'une classification de la critique d'art selon des critres diffrents (par exemple critique d'art destine un public d'amateurs d'une part et critique d'art de la presse non-spcialise grand tirage d'autre part; livres ou brochures consacrs au Salon d'une part et presse politique d'autre part; grands ou clbres critiques d'une part et critiques mineurs, inconnus ou anonymes d'autre part) ne semble pas tre plus convain cante opratoire que celle choisie ici, au moins pour ou cette priode prcise. Les deux revues spcialises (Journal des artistes et L 'Artiste) sont aussi divises entre elles que le reste de la presse. Parmi les trois livres crits propos du Salon, celui de Tardieu se bat pour des principes compl tement diffrents de ceux de Jal ou de Planche mais dvoile aussi un auteur dont la lucidit et la sensibilit sont moins videntes que celles des critiques anonymes publiant dans la presse non-spcialise (par exemple du Constitutionnel ou de La Mode). Delcluze et Lenormant, deux critiques clbres maintenant (mais du moins Delcluze l'tait aussi en 1831) n'crivent pas dans des revues spcialises et ne publient pas de brochures mais crivent pour deux quotidiens politiques. En ce qui concerne l'valuation de La Libert guidant le peuple, il ressort .clairement que les critiques favorables manent de priodiques ou d'individus dont les positions politico-sociales sont celles de l'opposition bourgeoise, librale de gauche et surtout rpublicaine; que les critiques qui sont en faveur du juste-milieu sont dfavo rables l'gard de La Libert et que les critiques de l'aristocratie le sont aussi mais, paradoxalement premire vue, moins. Quelles sont les raisons de cette valuation ? Pour quelles raisons les critiques de l'opposition de gauche sont-elles plus favorables La Libert que les critiques du juste-milieu ? Pour quelles raisons deux critiques de la presse aristocratique sont-ils, contre toute attente, tell ement favorables l'gard de La Libert ? Les

16 Nicos Hadjinicolaou LA LIBERT GUIDANT LE PEUPLE VUE PAR LA CRITIQUE DE 1831* La critique d'art de l'aristocratie LA QUOTIDIENNE (N.) trs critique LA GAZETTE DE FRANCE (anonyme) ne mentionne pas le tableau - critique l'gard de Delacroix LE COURRIER DE L'EUROPE (anonyme) trs critique ANNALES DE PHILOSOPHIE CHRETIENNE (V.) ne mentionne pas le tableau - critique l'gard de Delacroix LE CORRESPONDANT (A.) trs favorable LA MODE (anonyme) trs favorable La critique d'art de la bourgeoisie La critique d'art du juste-milieu LE JOURNAL DES DEBATS (E.J. Delcluze) .... LE TEMPS (C. Lenormant) LE CONSTITUTIONNEL (anonyme) LE MONITEUR UNIVERSEL (F. Pillet) LA FRANCE NOUVELLE (Y.) L'INDEPENDANT (J.L.) L'AVENIR (CM.) REVUE DE PARIS (anonyme) LE MERCURE DU DIX-NEUVIEME SIECLE (B. Haurau et H. Delphis) LE FOLLET (anonyme) LE GARDE NATIONAL (anonyme) JOURNAL DES ARTISTES ET DES AMATEURS (C. Farcy) A. TARDIEU : SALON DE 1831 M. MAYEU AU MUSEUM (anonyme) L'OBSERVATEURAUX SALONS DE 1831 (anonyme) critique contenant des lments favorables trs favorable trs favorable trs critique trs critique favorable avec rserves trs critique trs favorable critique contenant des lments favorables** ne mentionne pas le tableau critique l'gard de Delacroix mentionne La Libert sans prendre position trs critique trs critique critique contenant des lments favorables plutt critique

La critique d'art de l'opposition bourgeoise de gauche JOURNAL DU COMMERCE (anonyme) mentionne La Libert sans prendre position LE NATIONAL (L. Peisse) trs critique LE COURRIER FRANAIS (N.L. Artaud) favorable avec rserves LA TRIBUNE (anonyme) trs critique LE VOLEUR (Melchior F. S.) trs favorable REVUE ENCYCLOPEDIQUE (B. et C.) ne mentionne pas le tableau - favorable l'gard de Delacroix LE CABINET DE LECTURE (C. Letellier) trs critique GAZETTE LITTRAIRE (E. Rastoin) favorable avec rserves L'ARTISTE (V. Schoelcher) trs favorable A. JAL : SALON DE 1831 trs favorable G. PLANCHE : SALON DE 1831 trs favorable

* Les collections des priodiques La Rvolution de 1830 et Le Messager des Chambres tant incompltes dans les biblio thques parisiennes, les articles sur Delacroix n'ont pas pu tre retrouvs. On n'a pas tenu compte dans ce tableau des critiques du Globe, du Corsaire, du Figaro, de la Revue des Deux Mondes et du Ruban Tricolore, qui passent sous silence La Libert mais aussi s'abstiennent de porter un jugement sur les autres tableaux de Delacroix envoys au Salon. De mme n'ont pas t inclus dans ce tableau le jugement de Heine, puisque ses reportages ont t publis (censurs) dans une revue allemande, ni le jugement sur La Libert contenu dans une pice de Brazier, Warner et Bayard intitule Le Salon de 1831, reprsente pour la premire fois sur le thtre du Palais-Royal le 30 juin 1831 et publie peu aprs. ** La critique trs favorable du rpublicain B. Haurau, publie d'abord dans la mme revue, n'est pas prise en compte ici, puisque son auteur a t congdi par la rdaction immdiatement aprs. Sur ce problme, voir plus bas.