La lettre de l'Itéséitese.cea.fr/downloads.php?file=/fr/Publications/LettreItese/... · Lavergne...

31
La lettre de l'Itésé Lettre trimestrielle d'information de l'Institut de du Commissariat à l'Energie Atomique et aux Energies Alternatives TechnicoEconomie des Systèmes Energétiques La lettre de l'Itésé Lettre trimestrielle d'information de l'Institut de Numéro 33 Printemps 2018 La Lettre de l'Itésé CEA Bâtiment 524 91191 GifsurYvette Cedex [email protected] ISSN 21076804 Editeur : CEA/DAS/Itésé Directeur de la publication : JeanGuy Devezeaux Rédacteur en chef : JeanGuy Devezeaux Rédacteurs : JeanMarc Agator Michel Berthelemy Didier Beutier Emmanuel Bouyge Jacques David Nicole Dellero Jean Guy Devezeaux de Lavergne Phuong Hoai Linh Doan Valérie Faudon Maryème Kettani Christine Mansilla Robin Molinier Miika Rama Pierre Thomson. Editorial Le débat sur la Programmation pluriannuelle de l'énergie est lancé La loi de transition énergétique et de croissance verte (LTECV) prévoit que la Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) définisse les priorités d'action détaillées, à un horizon intermédiaire, pour atteindre les objectifs de la politique énergétique. Tous les cinq ans, le gouvernement révise cette programmation, en référence à des objectifs en termes d’émissions de gaz à effet de serre (la Stratégie Nationale Bas Carbone fixe les objectifs détaillés). Un débat national a été décidé par le gouvernement, pour discuter le projet de révision de la PPE. Les travaux de l’Itésé contribuent à ces discussions de plusieurs façons. D’une part, l’Institut organise des colloques et événements labellisés par la Commission du débat (notamment, à Saclay, notre journée «Mobilités et SHS» du 13 juin et la Journée de l’Institut du 19 juin). D’autre part, notre Institut collabore à des travaux d’organismes, au premier rang desquels figure le CEA, mais aussi l’Alliance ANCRE. Nous participons ainsi aux ateliers de la PPE et fournissons des synthèses à destination du gouvernement ou du public. Parmi les travaux récents de l’Institut, un effort important a été récemment déployé sur le nucléaire. Vous en trouverez une illustration dans cette lettre qui aborde des sujets tels que les gains de coûts en cours de réalisation pour les réacteurs EPR2 «de série» en France (en préambule au renouvellement du parc, enjeu important de la période de la PPE), l’échéancier de réalisation du projet de stockage des déchets radioactifs de haute activité de moyenne activité et à vie longue (GIGEO), ou encore le potentiel de réacteurs nucléaires flexibles générant de l’électricité et de la chaleur. JeanGuy Devezeaux de Lavergne Directeur de l'Itésé Sommaire Dossier Quels coûts de construction pour le nucléaire futur de 3 ème génération ? Eclairages Apport de l'analyse économique aux décisions sur la chronologie du stockage des déchets radio actifs en couches géologiques Flexible nuclear cogeneration Brèves Photovoltaïca 2018 Workshop "SHS/Mobilités" La Task 38 de l'IEA H2 à Tokyo ICITM 2018 à Oxford Actualités scientifiques/ Vie de l'Unité 2 18 22 26 26 27 27 29 Le chiffre du trimestre Le chiffre du trimestre 30% C’est l’ordre de grandeur de la baisse des coûts d’investissement atteignable pour le nouveau nucléaire français. Source : SFEN (voir dossier de cette Lettre) Le chiffre du trimestre

Transcript of La lettre de l'Itéséitese.cea.fr/downloads.php?file=/fr/Publications/LettreItese/... · Lavergne...

La lettre de l'I­tésé

Lettre trimestrielle d'information de l'Institut de

du Commissariat à l'Energie Atomique et aux Energies AlternativesTechnico­Economie des Systèmes Energétiques

La lettre de l'I­tésé

Lettre trimestrielle d'information de l'Institut deNuméro 33 ­ Printemps 2018

La Lettre de l'I­tésé ­ CEA ­ Bâtiment 524 ­ 91191 Gif­sur­Yvette Cedex [email protected] ISSN 2107­6804Editeur : CEA/DAS/I­tésé ­ Directeur de la publication : Jean­Guy Devezeaux ­ Rédacteur en chef : Jean­Guy Devezeaux ­

Rédacteurs : Jean­Marc Agator ­ Michel Berthelemy ­ Didier Beutier ­ Emmanuel Bouyge ­ Jacques David ­ Nicole Dellero ­ Jean­ Guy Devezeaux deLavergne ­ Phuong Hoai Linh Doan ­ Valérie Faudon ­ Maryème Kettani ­ Christine Mansilla ­ Robin Molinier ­ Miika Rama ­ Pierre Thomson.

Editorial

Le débat sur la Programmation pluriannuellede l'énergie est lancé

La loi de transition énergétique et de croissance verte (LTECV) prévoitque la Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) définisse lespriorités d'action détaillées, à un horizon intermédiaire, pour atteindre lesobjectifs de la politique énergétique. Tous les cinq ans, le gouvernementrévise cette programmation, en référence à des objectifs en termesd’émissions de gaz à effet de serre (la Stratégie Nationale Bas Carbonefixe les objectifs détaillés).

Un débat national a été décidé par le gouvernement, pour discuter leprojet de révision de la PPE.

Les travaux de l’I­tésé contribuent à ces discussions de plusieurs façons.D’une part, l’Institut organise des colloques et événements labellisés parla Commission du débat (notamment, à Saclay, notre journée «Mobilitéset SHS» du 13 juin et la Journée de l’Institut du 19 juin). D’autre part,notre Institut collabore à des travaux d’organismes, au premier rangdesquels figure le CEA, mais aussi l’Alliance ANCRE. Nous participonsainsi aux ateliers de la PPE et fournissons des synthèses à destination dugouvernement ou du public.

Parmi les travaux récents de l’Institut, un effort important a étérécemment déployé sur le nucléaire. Vous en trouverez une illustrationdans cette lettre qui aborde des sujets tels que les gains de coûts en coursde réalisation pour les réacteurs EPR2 «de série» en France (en préambuleau renouvellement du parc, enjeu important de la période de la PPE),l’échéancier de réalisation du projet de stockage des déchets radioactifsde haute activité de moyenne activité et à vie longue (GIGEO), ou encorele potentiel de réacteurs nucléaires flexibles générant de l’électricité et dela chaleur.

Jean­Guy Devezeaux de Lavergne

Directeur de l'I­tésé

SommaireDossier

Quels coûts de construction pourle nucléaire futur de 3ème

génération ?

Eclairages

Apport de l'analyse économiqueaux décisions sur la chronologiedu stockage des déchets radio­actifs en couches géologiques

Flexible nuclear co­generation

Brèves

Photovoltaïca 2018Workshop "SHS/Mobilités"La Task 38 de l'IEA H2 à TokyoICITM 2018 à Oxford

Actualités scientifiques/Vie de l'Unité

2

18

22

26262727

29

Le chiffre du trimestreLe chiffre du trimestre

­30%

C’est l’ordre de grandeur de labaisse des coûts d’investissementatteignable pour le nouveaunucléaire français.

Source : SFEN (voir dossier de cetteLettre)

Le chiffre du trimestre

La lettre de l'I­tésé ­ Numéro 33­ Printemps 20182

Dossier

Quels coûts de construction pour lenucléaire futur de 3ème génération ?

par Section Technique "Economie" de la SFEN,

La Lettre de l'I­tésé vous a proposé il y a déjà 5 ans une analyse historique descoûts du nucléaire (voir article de Thierry Duquesnoy «Coût de construction desréacteurs REP: évolution des conditions économiques ou accroissement de lacomplexité ?», La lettre de l’I­tésé, 2013). Celle­ci montrait que ces coûts ont étémaîtrisés et que la dérive résiduelle sur les unités du parc français était de l’ordrede 2%, ce qui peut notamment être interprété comme la résultante d’effetscontraires de productivité et d’exigences croissante en matière de sûreté. L’enjeude la construction des nouveaux réacteurs est maintenant important, d’autantplus que Flamanville 3 (premier réacteur de 3ème génération en France) devraitdémarrer dans l’année à venir et que la Programmation Pluriannuelle de l’Energieen cours pourrait décider de construire un programme débutant prochainement.Cet article, issu des travaux de la Section Technique 8 de la SFEN, à laquelle I­tésé a fortement contribué, fait le point sur les voies pour réduire les coûts deconstruction de ces futurs réacteurs.

Ce travail a été réalisé avec le concours de Didier Beutier membre du bureau etJean­Guy Devezeaux de Lavergne (Président) de la SFEN/ST8, EmmanuelBouyge (EDF), Nicole Dellero (Orano) Valérie Faudron (SFEN), Pierre Thomson(EDF), Jacques David et Michel Berthelemy (CEA).

La question du coût des réacteurs nucléaires et de laproduction d’électricité nucléaire ne peut être isolée deson contexte, lequel se caractérise notamment par :

• Un marché de l’électricité européen défaillant :surcapacité, baisse des prix de gros. Plus aucun nouveaumoyen de production ne se construit actuellement sansgarantie pour les revenus futurs (tarif d’achat) ;• Un changement de la structure du système électrique :de plus en plus de sources non­pilotables etdécentralisées ;• Des politiques européennes «énergie & climat» trèscritiquées : cf cour des comptes européenne1 , rapportsFrance­Stratégie2 et Mc Kinsey3 sur l’Energiewende.

Dans ce contexte, l’industrie nucléaire mondiale (c’est­à­dire des constructeurs français, américains, russes,chinois, coréens…) ont préparé un changement degénération de réacteurs, passant de la générationexistante (dite génération 2) à une nouvelle génération(génération 3). Le démarrage de ces réacteurs a été plusdifficile que prévu, avec des retards sur les premierschantiers, assortis de surcoûts importants. La crédibilitédu nucléaire comme l’une des technologies majeurespour lutter contre le réchauffement reste bonne dans lesgrands pays d’Asie, comme la Chine. Par contre, en

Europe, elle s’est dégradée depuis une dizaine d’année.Aux Etats­Unis, elle n’est pas compétitive face au gaz deschiste. Les deux enjeux majeurs du nouveau nucléairesont ainsi :

• Le démarrage des toutes premières unités de 3ème

génération ;• La baisse des coûts et la tenue des calendriers pour lesréacteurs qui suivront.

Cet article présente d’emblée la situation desconstructions en cours sur les réacteurs de 3eme

génération. Nous abordons ensuite la question del’évolution future des coûts des réacteurs, en privilégiantla technologie française EPR.

Coût et délais des nouvelles constructions nucléaires detroisième génération

L’arrivée de la 3ème génération de réacteurs nucléaires : unnouveau cycle

La construction des réacteurs a été marquée d’une fortecyclicité dans les décennies précédentes. Les réacteurs dedeuxième génération ont été construits principalemententre 1970 et 1990, comme le montre la figure ci­dessous.

Printemps 2018 ­ Numéro 33­ La lettre de l'I­tésé 3

Dossier

Le rythme s’est ensuite profondément ralenti, àl’exception de la Chine en pleine phase dedéveloppement, induisant le sursaut de 2015­2016(toujours avec des réacteurs de Génération 2).

Figure 1 : Nombre d’unités raccordées au réseau chaque annéeextraite de la base AIEA/PRIS sur les constructions en cours

(1950­2016)

Il faut donc souligner ici les situations très différentes desindustries concernées (ingénierie, génie civilchaudiéristes, équipementiers, etc…) selon les pays dansle monde :

• Historique et position des autorités ;• Organisation et programmes en cours ;• Exigences de sûreté nationales ;• Capacité opérationnelle et qualification nucléaire desfournisseurs (supply chain).

Au niveau mondial en 2016, le marché apparaît bienrelancé avec dix réacteurs nucléaires électrogènes mis enservice (essentiellement de génération 2), ce qui n’avaitpas eu lieu depuis deux décennies. A fin 2016, le nombretotal atteignait ainsi 448 réacteurs avec une augmentationnette de capacité mondiale de 8 GWe. Et 61 réacteursétaient en cours de construction. Cependant ce marché estde plus en plus tributaire de la Chine, pays qui représentela moitié de ces chantiers. On observe en 2017 une pausedans les lancements de nouveaux projets en Chine (seulpremier béton sur Tianwan 6). Aux Etats­Unis, 2016 a vule démarrage de Watts Bar 2, première connexion auréseau depuis 20 ans, mais sur un projet réactivé.

Dès les années 90, les industriels ont développé denouveaux concepts de réacteurs, dans le but d’intégrer lesévolutions technologiques permises par l’accumulationd’expérience, les progrès des technologies et desmatériaux, mais aussi largement pour améliorer la sûreté(probabilité d’accident et conséquences en termesd’émissions de radionucléides en cas d’accidents graves).Les concepts développés proposés aujourd’hui sur lemarché mondial sont notamment l’EPR (FRAMATOME),l’AP1000 (Westinghouse), l’ATMEA1 (FRAMATOME­Mitsubishi), le VVER 1200 (Rosatom), enfin le Hualong 1

(partenariat CGN – CNNC en Chine). On pourrait pensery ajouter l’APR (KHNP/Corée), mais ce concept n’intègrepas toutes les caractéristiques des réacteurs de 3ème

génération. On classe ici l’ensemble de ces nouveauxconcepts sous le titre générique de «Génération 3», mêmesi les solutions mises en œuvre pour atteindre desobjectifs similaires peuvent fortement varier d’un conceptà un autre.

Les objectifs techniques visés par tous ces concepts deGénération 3 peuvent se résumer ainsi :

• Probabilité de fusion de cœur < 10­5 par an etutilisation des études probabilistes lors de la conception ;• En cas d’accident grave, impact sur la populationminimal grâce au maintien du confinement ;• Protection renforcée contre les agressions externes(naturelles et humaines) ;• Disponibilité > 90% sur 20 ans au moins ;• Durée d’exploitation de 60 ans dès la conception.

Les constructions des premiers réacteurs de 3èmegénération : des situations très contrastées

La construction des têtes de série (First Of A Kind ou«FOAK») s’est déroulée dans des contextes assezdifférents selon les pays. Au début des années 2000, alorsque des programmes conséquents de constructionavaient été lancés en Chine ou en Corée, aucun nouveauchantier n’avait démarré en Europe ni aux Etats­Unisdepuis deux décennies. Cette situation a conduit à unebaisse de qualification d’une partie de la main d’œuvre(avec des goulots d’étranglement dans certains métiers),dans un contexte d’évolution significative des obligationsréglementaires. Il a fallu donc redémarrer l’activité pourfaire face aux commandes de nombreux électriciens dansune conjoncture de croissance forte et de tensions sur lesmarchés énergétiques. La réalisation des premiers EPR enEurope et AP1000 aux Etats­Unis en a souffert, ajoutantaux incertitudes d’une tête de série le handicap d’unechaîne industrielle à reconstruire et qualifier.

Aujourd’hui, on note la dynamique en cours sur quatremodèles de réacteurs4 :

• Les réacteurs EPR, dont 6 exemplaires sont enconstruction dans le monde. Quatre vont être connectésau réseau dans les mois qui viennent en Chine, en Franceet en Finlande. Deux autres ont été lancés en 2016 àHinkley Point (Royaume­Uni) ;• Le nouveau modèle russe AES 2006 de VVER­1200,avec une première connexion au réseau en août 2017 àNovovoronezh II, et d’autres à suivre à Leningrad II et àl’export ;• Le nouveau modèle chinois Hualong 1 de 1000 MWedont la construction vient d’être à la fois lancée sur le solnational et proposée à l’export.• L’AP1000 de Westinghouse, en construction aux Etats­Unis et en Chine, a rencontré de nombreuses difficultés,conduisant notamment à l’abandon de la construction de

La lettre de l'I­tésé ­ Numéro 33 ­ Printemps 20184

Dossier

deux tranches aux Etats Unis (VC Summer 3 & 4). Lepremier AP1000 devrait cependant démarrer en Chine en2018 (Sanmen).

Il faut noter que la Russie a déjà démarré un réacteur de3ème génération (AES 2006 à Novovoronezh II­1), ceci 8ans après le démarrage de la construction. Dans ce pays,les programmes de construction avec des réacteurs deGénération 2 n’avaient pas été interrompus comme enEurope et aux Etats­Unis. C’est d’ailleurs aussi de laCorée, qui a tenu ses délais pour son modèle de 2ème

génération AP1400 à Shin­Kori 3.

Le programme chinois comprend différents types deréacteurs, de technologie française (EPR), américaine(AP­1000), russe (VVER 1000) ou chinoise (Hualong 1). Lataille du marché et son organisation permettent en effetune diversification significative des concepts.L’avancement des chantiers est satisfaisant, même si desretards ont été constatés en fin de période. Ainsi parexemple à Taishan, le démarrage des deux unités dont lestravaux ont démarré en 2009, jusqu’ici prévu fin 2017 etau premier semestre 2018, est repoussé à 2018 et 2019.Taishan 1 devrait être le tout premier EPR deFRAMATOME à entrer en service dans le monde, avantFlamanville 3. C’est d’ailleurs la principale cause de sonretard, le démarrage devant être réalisé sans retourd’expérience préalable des EPR européens.

Par contre, aux Etats­Unis, le nucléaire redémarre depuispeu. Les projets en cours sur le modèle AP1000 (Vogtle3,4 et Summer 2,3) ont souffert de retards et surcoûts, à telpoint que la construction de Summer 2,3 a étéabandonnée : en effet le marché US de l’électricité n’offreguère de perspective à court terme, avec un prix baspiloté par le prix du gaz non conventionnel.

En Europe, les deux projets d’EPR (France et Finlande)ont subi des retards importants pour des raisonssimilaires : la situation française sera documentée plusprécisément ci­après.

Tableau 1 : Recensement mondial des réacteurs Gen­IIIconnectés ou en construction en 2017

(Sources : WNA website principalement et compilation

d’autres informations publiées. Les valeurs de coût indiquéesne sont pas «garanties» ni forcément comparables quant à leur

contenu.)

Le tableau 1 ci­dessus recense les projets en cours sur lesprincipaux nouveaux modèles de Génération 3, avec leurcalendrier de construction et les informations disponiblessur les coûts.

Les calendriers de construction montrent qu’il fautcompter une durée minimale de 6 ans, encore accessibleaux coréens avec un modèle de 2ème génération chez euxsur Shin Hanul et aux Emirats Arabes Unis (à vérifiertoutefois en 2018), et aux Chinois chez eux, quel que soitle modèle de réacteur.

Coûts de construction des réacteurs en chantier

Les coûts de construction du tableau précédent sontmentionnés à titre indicatif. Issus de sources diverses, ilest donc difficile de les comparer :

• Ils sont établis via des parités monétaires du momentde leur publication, lesquelles fluctuent et ne reflètent pasdirectement les pouvoir d’achat ou les salaires réels desdifférents pays ;• Il s’agit normalement de coûts de construction «purs»sans prise en compte des frais financiers liés à la durée deconstruction (intérêts intercalaires) ;• Il n’est pas possible de vérifier qu’ils intègrent tousexactement le même périmètre depuis la préparation dusite jusqu’au démarrage.• Les contextes et réglementations propres à chaque payset chaque site induisent des différences.• Quel que soit le modèle de réacteur, domestique ouétranger, une part notable de l’investissement esteffectuée localement, ce qui amène des variationsstructurelles de coûts mais qui a pour avantage delocaliser de l’emploi et de la chaine de valeur dans le paysde construction.

Il apparaît néanmoins un facteur au moins 2 environentre les coûts en Europe et aux Etats­Unis et lescoûts en Chine et en Corée. Dans tous les cas, undérapage est observé par rapport aux estimationsinitiales. Le dérapage le plus important est observésur les deux EPR européens, mais rappelons que cesont les deux premiers à avoir été engagés,respectivement en 2005 et 2007. Les constructionsd’Olkiluoto 3 et Flamanville 3 ont ainsi étédémarrées dans un contexte doublement risqué :

• Nouveau concept de réacteur «Génération 3»,intégrant des innovations (notamment pour unniveau de sûreté plus poussé que les précédents), depuissance unitaire plus grande, et dont le designdétaillé n’était pas encore abouti ;

• Absence de réalisation de centrale nucléaire en Franceet en Europe depuis plus d’une décennie.

Printemps 2018 ­ Numéro 33­ La lettre de l'I­tésé 5

Dossier

Au­delà des effets «tête de série», mentionnons lesfacteurs explicatifs suivants des hausses de coûtobservées :

• Evolution du contexte réglementaire en cours deprojet ;• Délais (plusieurs causes, plusieurs effets) ;• Prix des matières premières, transitoirement en haussedans les années 2010 ;• Difficultés dans l’organisation des chantiers ;• Difficultés d’organisation et de réalisation dans lasupply chain.

On peut attendre des progrès sur chacun de ces postes,par simple effet d’apprentissage.

Notons tout particulièrement l’importance des délais, quipèsent sur de nombreux aspects des coûts.Enfin, des délais de construction mal maîtrisésprovoquent un décalage dans les revenus (perte dechiffre d’affaires du à la vente de l’électricité, qui est del’ordre de plusieurs centaines de millions d’euros pourun retard d’un an), et pertes dues à l’immobilisation ducapital.

Notons aussi d’autres aspects moins connus, qui portentsur l’organisation des contrats et les comportements demarge de la supply chain. Ainsi, selon Université deChicago5 , les coûts overnight de la tranche FOAK ontaugmenté de 68% dans les estimations entre 2004 et 2011,du fait d’exigences nouvelles sur les conceptions, maisaussi d’évolutions dans la gestion du risque au sein de lachaîne de valeur. Cette dernière cause d’augmentationdes coûts est reprise également par l’Agence de l’EnergieNucléaire (AEN) dans son étude récente sur lefinancement des projets nucléaires6 : «La raison majeure deshausses de coûts de construction entre 2004 et 2011 tient dansles nouvelles conditions de contrats EPC ­ prix fixes ou fermes­. Bien que de tels contrats fournissent un degré de certitudepour le propriétaire de l'usine, cela se fait au prix d'uneimportante prime de risque en raison de la prudence de la partdes entrepreneurs EPC. Cette situation est aggravée par le faitque les entrepreneurs EPC (Engineering – Procurement –Construction) eux­mêmes cherchent alors à se couvrir ennégociant des contrats similaires avec leurs propresfournisseurs, créant un effet d’empilement de provisions pouraléas, les marges étant construites sur les marges». Cet effetnégatif pourrait conduire à remettre en cause certainscontrats «clés en main», qui avaient été préférés auxcontrats «en dépenses contrôlées» notamment pourmieux faire jouer la concurrence.

Mise en perspective : maîtrise des coûts sur les grandschantiers d’infrastructure

Par le volume et la complexité des travaux à réaliser, laconstruction de réacteurs de Génération 3 s’apparente àtous les grands projets d’infrastructure complexes. Lespoints communs concernent autant l’organisationindustrielle que la gouvernance des responsabilités,

laquelle s’incarne dans les contrats et les coûts definancement. Ces grands projets témoignent aussi, du faitde leur caractère stratégique, du rôle plus fort attendu desEtats.

Quelques exemples illustratifs étaient cités dans uneétude de McKinsey en 20137 dont est extrait la figure 2 ci­dessous.

Figure 2 : Exemples de comparaison de coûts des projets entreles premières estimations et les réalisations (source Mc

Kinsey, 2013)

Une étude ancienne de la Rand Corporation sur 44projets d’usines de l’industrie chimique8 avait mis enévidence le biais optimiste d’évaluations de projets. Lescoûts de construction réels s’avéraient deux fois plusélevés que les estimations initiales. Et tout au long duprojet les réévaluations restaient inférieures aux coûtscomplets constatés à l’achèvement. L’étude se résumaitpar la figure suivante :

Figure 3 : Schéma d’évolution des estimations de coûts deprojets selon Merrow, Phillips et Meyers (1981)

Dans le secteur de l’énergie, Pelamis Wave Power (PWP)a publié en 20129 une analyse sur le développement de samachine de conversion de l’énergie des vagues, qui lesconduisait à suggérer le schéma général suivant(Figure 4) sur l’évolution du coût d’une nouvelletechnologie. La courbe met en évidence le pic atteint lorsde la mise en service du «first­of­a­kind», c’est­à­dire dela première unité à l'échelle commerciale. Le point haut

La lettre de l'I­tésé ­ Numéro 33­ Printemps 20186

Dossier

de ce graphique correspond à la phase 4 (construction) duschéma de Merrows, Phillips et Meyer supra. PWP sesituait alors dans la phase de «rapid learning»consécutive à la mise en service de cette première unité.

Figure 4 : Courbe typique de coût pour une technologie, selonles phases de développement selon PWP (2012)

Conclusion

Après une pause quasi généralisée (sauf Chine, Corée)dans la construction de réacteurs, celle­ci a repris et lesdesigns actuels sont de plus en plus des concepts de 3ème

génération, avec des performances significativementaccrues en matière de sûreté. Ces réacteurs ont souventété construits dans des contextes difficiles : supply chainen partie démobilisée avec des commandes faibles,réacteurs avancés plus complexes (montée en gammenécessaire), processus réglementaire à reconsidérer,hausse temporaire des matières premières… Il est difficilede comparer les données publiées sur les réacteurs degénération 3 en cours de construction. On peutnéanmoins constater que ces coûts sont assez divers(jusqu’à un facteur parfois supérieur à 2). Ceci estnotamment la conséquence des retards par rapport auxéchéanciers prévus.Les explications de ces hausses seront précisées dans lessections suivantes, avec un intérêt tout particulier pourles réacteurs EPR. L’enjeu dans les pays de l’OCDE(Etats­Unis, Europe) est d’éviter de futurs surcoûts, parrapport à ce qui a été expérimenté dans les premièresconstructions. De nombreuses actions ont été mises enplace par tous les constructeurs.

Importance du coût de construction des réacteursdans le coût total de l’électricité produite

Plusieurs définitions de coûts

Le coût d’un produit ou d’un service est un concept pluscomplexe qu’il n’y paraît au premier abord. Le périmètrepris en compte dépendra de l’observateur (par exemple,coût pour le consommateur, pour le gestionnaire deréseau, pour le contribuable…). Le coût dépendra ausside la période prise en considération : horizon de 10 ans,durée d’exploitation complète de l’installation, périodeétendue à l’ensemble des flux de trésorerie avant et après

l’exploitation, … Et il dépendra du taux de préférencepour le présent de l’observateur (taux d’actualisation).Enfin, l’évaluation a surtout pour intérêt de comparerdeux alternatives en concurrence. Il est donc préférablede bien rapporter une évaluation de coût à la décisionqu’elle va guider ; en fait, le coût d’une décision peut êtreévalué de façon assez rigoureuse et non équivoque, enexplicitant l’échéancier complet des dépenses et recetteseffectives résultant de la décision. Il faudra alorscomparer le coût de la décision d’investissement ennouveau nucléaire, avec le coût des décisionsalternatives10.

Dans le domaine de l’électricité, on distingue ainsi :

• Le coût marginal de court terme (Euros/MWh), quipeut être assimilé au coût variable. Il s’agit de la dépensede combustible et autres frais d’exploitationproportionnels à court terme à la production, quicontrôlent la décision immédiate de fournir ou non lemarché de gros sur le réseau (sur le marché de gros, lecoût marginal doit pour cela être plus bas que le prix spot«day ahead price»).• Les coûts cash (Euros/MWh ou MEuros/an). Il s’agitdu décaissement par MWh produit, soit du coût marginalaugmenté des coûts fixes annuels, la main d’œuvrenotamment, rapportés au MWh. On peut aussi calculerces coûts pour l’année. Ce sont eux qui contrôlent ladécision de fonctionner, de mettre l’installation en arrêtprovisoire (mise sous cocon), ou de l’arrêterdéfinitivement.• Le coût comptable (Euros/MWh ou MEuros/an), quiajoute aux coûts cash les provisions pour amortissement,les coûts de financement (le cas échéant) et pour dépensesfutures (M€/an, que l’on peut rapporter au MWh). Ilcontrôle le résultat brut d’exploitation et l’impôt sur lesbénéfices.• Le coût moyen actualisé (CMA, Euro/MWh) =Levelised Cost Of Electricity (LCOE). Il s’agit du coûtcomplet de production moyenné sur la duréed’exploitation de l’installation, depuis la décision deconstruire jusqu’à la fin du démantèlement, en pratiquantune actualisation temporelle. Celle­ci s’applique aunumérateur à chaque flux de dépenses de l’année t et audénominateur à la quantité d’électricité annuelle produitel’année t. Ce paramètre contrôle la décision d’investir ounon dans une installation nouvelle (aux effets sur lesparcs et coûts externes près, selon le décideur).

Les trois premiers types de coûts portent généralementsur des installations existantes. Le quatrième(CMA/LCOE) est très régulièrement utilisé pour évaluerune installation future, et comparer les coûts actualisés deplusieurs technologies pour retenir celle qui apparait lamoins chère. Une autre façon, plus sophistiquée maisd’esprit analogue, consiste à construire des comptesfuturs (Business plan), pour déterminer quelle est ladécision qui maximise le cash­flow du décideur. Ce cash­flow prend la forme d’une Valeur Actuelle Nette (VAN).On peut ajouter à ces coûts, qui portent sur des biens et

Printemps 2018 ­ Numéro 33­ La lettre de l'I­tésé 7

Dossier

services échangés sur des marchés, des coûts externesdéfinis comme les coûts induits pour d’autres acteurs dela société non parties prenantes dans l’achat/vented’électricité : principalement, liés aux impacts surl’environnement et la santé, provoqués ici par laproduction et le transport de l’électricité. En général, cescoûts ne sont pas reflétés via des marchés, mais peuventtoutefois apparaître comme tels, selon les décisions de lapuissance publique (e.g. taxe carbone).

Les pouvoirs publics peuvent ainsi «internaliser» cescoûts et agir sur la décision des agents économiquesconcernés. Cet exercice est souvent délicat, ne serait­ceque pour évaluer les niveaux d’externalité, ou pourdécider que c’est bien cet outil économique qui est le pluspratique à mettre en œuvre (par exemple au regard d’unchoix réglementaire).Ces coûts externes portent par essence sur toutes lesactivités humaines, et les économistes tentent de lesdéfinir pour la production d’énergie. Ils s’ajoutent, dupoint de vue de la collectivité, autant aux évaluationsportant sur les unités existantes que pour celles àconstruire. Dans le cas du choix des unités électriques, ilspeuvent être très importants, en particulier ceux quiportent sur les aspects climat (CO2 principalement) etpolluants (particules et gaz émis).

Dans ce dossier, on s’intéresse à la décision de construireune nouvelle unité de production. On s’appuieprincipalement pour cela sur la comparaison desCMA/LCOE. C’est pourquoi nous revenons ci­après plusen détail sur le CMA/LCOE.

Coûts moyens actualisés (CMA/LCOE)

Le Coût moyen actualisé de production (ou LevelizedCost of Energy) est la valeur moyenne actualisée sur ladurée d’exploitation du coût total, ramenée à laproduction correspondante. Le coût total se décomposeen 4 termes :

• Le coût d’investissement «économique» qui est un coûtfixe, indépendant du fonctionnement à venir de lacentrale et qui regroupe :

o le coût de construction «overnight» (i.e toutesles dépenses nécessaires à la Mise en Service Industriel dela centrale, non actualisées (littéralement comme si lacentrale était construite «en une nuit») : coût deconstruction et ingénierie ainsi que tous les autres coûtsintervenant avant la MSI : les Owner’s Costs(principalement Pièces de Rechange, frais depréexploitation, procédures administratives et fiscalité, 1er

cœur et coût d’acquisition du site le cas échéant),o les intérêts intercalaires, qui prennent en

compte l’actualisation de l’échéancier du coût deconstruction overnight sur sa durée totale.• Le coût d’exploitation/maintenance, qui regroupetoutes les dépenses d’exploitation et de maintenance,ainsi que la fiscalité en exploitation : taxes et redevancesdirectement affectées à l’ouvrage ;

• Le coût de combustible, qui regroupe, pour le nucléaire,le coût de l’ensemble du cycle : opérations amont(Uranium naturel, fluoration, enrichissement etfabrication des assemblages) et aval (transport,retraitement des combustibles usés et stockage desdéchets) ;• Le coût de déconstruction (démantèlement).

Taux d’actualisation

Pour prendre en compte de façon globale des fluxéconomiques étalés dans le temps, on a généralementrecours à l'actualisation économique qui permetnotamment de prendre en compte la préférence socialepour le présent : on préfère disposer d'un bienaujourd'hui plutôt que demain. Une autre approche quis’impose lorsque le décideur est industriel consiste àexprimer que ce taux intègre un taux d’intérêt (en fait uncoût d’accès au financement des entreprises, qui peut êtreexprimé de façon légèrement plus complexe : voir plusloin l’introduction du WACC) et une prime de risque.Cette notion est très importante, dès lors qu’un risqueperçu sur un projet va induire un choix de taux plusélevé, ce qui a des conséquences majeures sur le prixdemandé par l’investisseur (qui est le coût pourl’acheteur ou l’utilisateur).

La théorie définit un taux d'actualisation a(t) positif quivalorise les flux financiers d’autant moins qu’ils sontlointains, et donc donne davantage de poids aux fluxproches. Le coefficient d'actualisation C(t), c'est­à­dire lecoefficient de pondération des dépenses de l'année t, estainsi défini par :

Afin de mieux percevoir l'importance de ces tauxd'actualisation et leur différence, les coefficientsd'actualisation qui en résultent sont représentés dans legraphe suivant :

­ A taux constant de 4% ou 8% ;­ A taux variable : passant ici, après 30 ans, de 4% à 2% ou8% à 3% ;­ En incluant la période de construction (années comptéesnégativement avant le démarrage).

On observe qu’avec des taux usuels de l’ordre de 5 à 10%(taux privés), ce sont les premières années qui «pèsent»dans les calculs, ce qui pénalise les réacteurs nucléaires,dont la construction est longue (et donc les flux positifsliés aux premières ventes après démarrage sont affectéspar le coefficient et jouent un rôle moindre que lesdépenses initiales).

La lettre de l'I­tésé ­ Numéro 33­ Printemps 20188

Dossier

Figure 5 : Exemples de coefficients d’actualisation

Le taux d’actualisation retenu peut releverprincipalement d’une approche publique (définie parl’Etat) ou privée (défini par la firme concernée, enfonction de ses conditions d’accès au capital) :

• Actualisation par l’Etat : on utilise généralement untaux «normatif» qui dépend du secteur et del’investissement étudié. Pour les choix de productiond’électricité, les recommandations actuelles du ministèrefrançais (DGEC) sont d’utiliser un taux de 8% pendant 30ans, puis 3% ensuite. Mais des variantes sontrégulièrement étudiées pour tester la robustesse desdécisions à des taux contrastés.

• Actualisation par une entreprise : Le Coût MoyenPondéré du Capital (WACC = Weighted Average CapitalCost) : calculé comme la moyenne pondérée du coût desfonds propres et du coût de la dette financière aprèsimpôts pour une structure financière de l’entreprisedonnée, le WACC reflète la valeur du temps et lacompensation de rendement pour le risque accepté.

Le taux public est très généralement plus faible deplusieurs points que les taux privés. Ceci essentiellementpour deux raisons : d’une part, l’Etat est relativementprotégé du risque de faillite au regard de chaque projet(dont la taille reste modeste eut égard au budget del’Etat), d’autre part, le positionnement de l’Etat s’inscritdans une logique de bien­être collectif, souvent à pluslong terme que le secteur privé (ce qui motive des tauxplus faibles, pour restaurer l’importance des temps pluslongs). Cette notion de bien­être collectif, dont l’Etat esten charge, s’applique typiquement aux grandesinfrastructures. Vis­à­vis de ces projets, les objectifspeuvent s’inscrire dans des marchés (lorsque ceux­ci sontjugés efficaces), mais les critères de choix sont aussid’autres natures. Un exemple très connu est celui de lapéréquation qui vise à permettre l’accès de tous àl’électricité.

La stratégie énergétique repose aussi sur d’autresobjectifs, tels que la sécurité énergétique ou laconstruction de secteurs industriels de pointe. Les choixen matière de nucléaire s’inscrivent pleinement dans cette

logique.Une des questions difficiles est de réconcilier ces deuxtaux public et privé. Un projet qui peut apparaitreéconomiquement fondé via une analyse avec un tauxpublic, peut très bien ne trouver aucun financeur privé.C’est là que les pouvoirs publics doivent corriger lemarché ou contribuer à une organisation contractuellequi transfère une partie du risque à l’état ou auxconsommateurs, ceci pour permettre de se rapprocher del’optimum social.

Ces différences de situations ont amené les expertsd’évaluations internationales (OCDE notamment) àmener des comparaisons à différents niveaux de tauxd’actualisation, couvrant bien l’ensemble des casrencontrés. Ainsi dans l’étude OCDE de 2015, les valeursde 3%, 7% et 10% ont été utilisées. Pour les technologiesintensives en capital, le CMA/LCOE résultant estfortement sensible à la valeur de taux retenue. Lesexercices internationaux (et nationaux tels que ceuxmenés en France par la DGEC) appliquant la méthodegénérique d’évaluation des CMA/LCOE, sont bien rôdéset définissent clairement les hypothèses prises sur tous lesparamètres.

Les principaux postes de coûts d’un réacteur nucléaire etleurs ordres de grandeur

Comme pour les projets des nouvelles énergiesrenouvelables (éolien, photovoltaïque hydraulique), et,plus généralement, une forte majorité des grands projetsd'infrastructure, les coûts du nucléaire sont trèslargement dominés par les dépenses d’investissementlors de la phase de construction. Le taux d’actualisationretenu (cf supra) aura donc un impact de premier ordresur le WACC du nucléaire.Pour le nucléaire, les données collectées périodiquementpar l’OCDE (AIE/AEN, 2015) permettent d’illustrer lasensibilité des postes de coûts en fonction du tauxd’actualisation retenu11. Pour un taux d’actualisation de7%, les dépenses liées à la construction représentent ainsiprès de 45 €/MWh, soit 73% du coût total de production.Cette part est réduite à 55% si le taux d’actualisation estréduit à 3%, avec environ 20 €/MWh pour laconstruction.En revanche, les autres postes de coût ne sont pas (ou trèspeu) sensibles au choix du taux d’actualisation. Selonl’OCDE, hors prise en compte des impacts fiscaux, lesdépenses d’exploitation et de maintenance sont ainsiestimées à près de 10 €/MWh, les dépenses liées aucombustible (uranium et amont du cycle) à 5,3 €/MWh,et les dépenses pour le démantèlement et les déchets à1,7 €/MWh.

Dans des conditions «standards», la contribution du coûtd’investissement représente environ 2/3 du coût deproduction et le coût de construction contribue environ àhauteur de 40% au coût de production.En complément, les coûts de financement peuventrapidement représenter une part significative des coûts

Printemps 2018 ­ Numéro 33­ La lettre de l'I­tésé 9

Dossier

de construction dès que le coût du capital et/ou la duréede construction augmente12 et que le profil des dépensesvarie. Ainsi, pour un coût du capital de 10%, un doublede la durée de construction augmentera la part du coûtdu financement en proportion du coût total deconstruction de 22% à 40%.

Fgure 6 : Décomposition des coûts de production del’électricité nucléaire (source OCDE)

Mais le taux d’actualisation n’est pas un paramètre qui sedécrète. Si une valeur faible est un objectif, il faut créer lesconditions pour qu’il en soit ainsi. Parmi les grandsleviers qui devraient le permettre, il y a la baisse desrisques économiques (risque projet, risque de marchéélectrique…) et le transfert de tout ou partie de cesrisques vers d’autres acteurs (essentiellement l’Etat, dansle cadre de son rôle d’acteur stratégique sur les marchésénergétiques et la décarbonation de l’économie).

Tableau 2 : Part du coût du financement en proportion ducoût total de construction (source LW Davis 201113 )

Zoom sur les coûts d’investissement

Ce dossier porte sur les coût d’investissement constatésau démarrage d’une installation, lesquels comprennentles composantes suivantes :

1) Côté opérateur• Coûts d’analyse de sûreté et de certification préalable àl’autorisation de construire ;• Préparation du site ;• Formation des opérateurs et essais avant démarrage ;

• Intérêts intercalaires : liés au financement initial etcouvrant la période comprise entre financement etdémarrage.

2) Côté fournisseurs de l’installation et du combustible• Ingénierie d’ensemble et gestion de projet ;• Génie civil ;• Equipements (nucléaires et conventionnels) etmontage ;• Contrôle­commande ;• Combustible (premier cœur) ;• Essais avant démarrage.

Comme indiqué au paragraphe précédent, le coût deconstruction représente une partie significative du coûtde production.Les principaux constituants du coût de construction surlesquels portera un effort d’optimisation sont :

• L’ingénierie ;• Le génie civil ;• L’optimisation des systèmes (dont le contrôlecommande) ;• La standardisation des équipements ;• Les méthodes et techniques de construction.

Tous ces postes sont sujets à des progrès de diversesnatures, qui seront explicités plus loin dans ce dossier.Mais c’est aussi dans la gestion d’ensemble del’articulation des métiers et des phases de constructionque des gains très importants sont possibles, notammenten termes de durée de chantier.

Conclusion

Le coût de construction, la durée du chantier avantdémarrage et le coût du capital mobilisé (fonds propres etemprunts) ont un poids majeur dans le coût total du kWhnucléaire. En outre, les risques de dépassement sur lesdeux premiers accroissent le coût du capital en yintroduisant une «prime de risque». Les chapitressuivants vont préciser les conditions requises et les effortsen cours pour minimiser chacun de ces trois facteurs dansles futurs projets d’EPR.

L’analyse des coûts passés de construction deréacteurs de seconde génération montre que lamaîtrise de ce poste est possible

Outre l’article de Th Duquesnoy publié dans la lettre d'I­tésé14 , les coûts historiques de construction des réacteursnucléaires ont été largement publiés et analysés autravers de rapports officiels (Cour des Comptes, 201215 )et d’articles académiques (e.g. Grubler 201016 ; Loveringet al., 201617 ; Berthélemy et Escobar, 201518 ; d’Haeseleer,201319 ). Ces études couvrent à la fois les données du parcfrançais, mais aussi de la plupart des pays nucléaires del’OCDE.

La lettre de l'I­tésé ­ Numéro 33­ Printemps 201810

Dossier

Une analyse technique et économique des coûts deconstruction des réacteurs français

Le rapport de la Cour des Comptes fournit ainsi une basestatistique solide sur les coûts de construction des 58réacteurs du parc actuel exprimés en euros courant etconstant (en utilisant le prix du PIB comme déflateur).L’analyse de cette base de données s’appuie sur legraphique 7 et permet d’arriver aux observationssuivantes :

• En se basant sur l’indice des prix PIB utilisé par la Cour,les coûts de construction auraient augmenté de 50% entreles 1ères tranches (Fessenheim 1&2) et les dernières(Civaux 1&2), passant de 835 €2010_PIB/kWe à 1250€2010_PIB/kWe ;• Cette hausse est en revanche limitée à 17% lorsquel’indice des prix de la construction et de l’industrie estutilisé comme déflateur (Duquesnoy, 2013), avec uneaugmentation de 1310 €2010_PCI/kWe à 1537 €2010_PIC/kWe.Cet indice est en effet plus pertinent que le précédentpour intégrer les évolutions des prix spécifiques auxgrands projets industriels et les transformationsmacroéconomiques de l’économie française durant cettepériode ;• Il a été possible de corriger les coûts collectés par laCour des Comptes de divers effets, tels que les effets depaire et de taille des réacteurs. Le résultat de cette analysemontre que la maîtrise des coûts des réacteurs français aété assez forte, avec une augmentation tendancielle del’ordre de 2%/an, sans qu’il ait été possible dans l’étuderapportée ici de relier cette tendance à une augmentationdes performances des réacteurs, notamment au regard dela sûreté.

En intégrant l’effet «de série» la stratégie destandardisation du parc français, l’organisationindustrielle verticalement intégrée (avec notammentl’exercice de la responsabilité architecte­ensemblier parl’exploitant EDF), ainsi que les économies d’échelle avecl’augmentation de la taille des réacteurs, sont autant defacteurs qui ont permis de maitriser les coûts deconstruction.

Cette maîtrise a été de plus réalisée dans un contexte derenforcement progressif des exigences de sureté (TMI,Tchernobyl). Selon les pays, les performances des années70­90 ont été diverses, ce qui s’explique notamment parces facteurs organisationnels et culturels, l’industrienucléaire qui s’est alors structurée reprenant des schémaspréexistants.

Un bon exemple est celui des chaebols20 coréens qui,calqués notamment sur la construction navale, ontdébouché sur des excellentes performances, notammenten termes de délais de construction.

Figure 7 : Frontière de coût de la construction des tranchesnucléaires françaises, selon les différents paliers (source :

Cour des Comptes, 2012)

Analyse économétrique des données internationales

S’il est possible d’utiliser une approche d’ingénierie pourcorriger les données empiriques des effets de têtes desérie ou de paire (par exemple), une autre approcheconsiste à les révéler par une démarche économétrique21.Plusieurs travaux permettent d’évaluer plus précisémentles liens de causalité identifiés dans le paragrapheprécédent. Le temps de construction ressort ainsi commele facteur central au travers duquel ces facteursorganisationnels influent sur les coûts de construction.L’immobilisation d’une main d’œuvre et d’équipementsspécialisés, dont l’adaptation à des planningspotentiellement retardés ne peut être instantanée,représente en effet un poids important des coûts deconstruction. Des retards affectant un corps de métier oudes modifications dans le design du réacteur ou dansl’instruction des autorisations de certaines étapes deconstruction peuvent induire des perturbations duplanning global de construction avec le risqued’augmentation de coûts de nombreux postes.

Une comparaison entre les expériences française etaméricaine est particulièrement parlante pour illustrer cerôle du temps de construction (Figures 8 et 9). Les coûtsde construction aux Etats Unis ont en effet connu uneaugmentation bien plus rapide au cours des années 70 et80 du fait de l’allongement des temps de construction,eux même liés en grande partie à des difficultés sur leplan de l’organisation industrielle américaine peustandardisée. Ces coûts ont ainsi été multipliés par 8 entrele début et la fin de la construction du parc nucléaireaméricain, avec en parallèle un quadruplement destemps de construction !

Printemps 2018 ­ Numéro 33­ La lettre de l'I­tésé 11

Dossier

Figure 8 : Coûts de construction des réacteurs dans le monde(Source: Berthélemy & Escobar, 2015)

La figure suivante présente les durées de construction,qui sont fortement corrélées avec les coûts in fine.

Figure 9 : Durée de construction des réacteurs nucléaires(Source : Base de données PRIS de l’AIEA)

Le rôle central de la durée de construction s’illustreégalement au travers des performances des paysasiatiques (Japon, Corée du Sud) qui, grâce à unecoordination efficace des acteurs industriels adossés àleurs stratégies nationales de développement d’unprogramme nucléaire, ont réussi à maitriser leurscalendriers de construction. La France a suivi la mêmetendance, avec un décrochage pour le dernier palierréalisé par EDF dans les années 90 (N4) qui correspond àla fin du programme de construction du parc actuel, etqui s’explique principalement par des choix de designplus complexes à réaliser et à la baisse des cadences qui adonné lieu à des à­coups dans la programmationindustrielle (lissage des plannings pour tenir compte ducontexte énergétique et économique des années 1980).

Effet de série ou d’apprentissage

Lors de la création du parc français, il a été possibled’observer un effet de série22 qui traduisait le fait que lecoût d’investissement spécifique moyen (€/kW) d’une

série d’unités standardisées était inférieur à celui d’unetranche de mêmes caractéristiques, mais conçue etréalisée isolément.

L’existence de cet effet de série, terme qui regroupel’ensemble des effets liés à la mise en œuvre de grandsprogrammes, a été mise en évidence par plusieurs étudeséconométriques, comme celles de l’Ecole des Mines23 surles réalisations passées.Cet effet de série est pour grande partie accessible sous lacondition que les mêmes référentiels techniques, codes etnormes soient utilisés pour la conception, le licensing etla construction de toutes les tranches de la série. Dès lorsque l’on s’éloigne de ces conditions : par exemple pourdes constructions dans des pays différents (Autorités desûreté et règlementations différentes), ou avec unmontage industriel différent, le bénéfice de l’effet de sérieglobal se trouve dégradé.

L’effet de série est influencé par deux facteurs distincts :l’effet programme et l’effet productivité. Nous identifionsaussi le rythme des travaux (régularité et volume des fluxannuels de commandes à la supply chain) commecomposante de l’effet productivité.

Effet programme (ou effet palier)

Cet effet trouve son origine dans l’action de l’architecteensemblier (l’acteur industriel qui pilote le projet etsupervise la construction du réacteur, soit EDF enFrance). L’unicité de la réalisation des études,développements, qualifications et tests des matérielsvalables pour l’ensemble d’un palier constitue l’effetprogramme (ou effet palier). Les coûts correspondantssont indépendants du nombre de tranches concernées etsont peu sensibles à la taille des unités (puissance). Ilssont en revanche fortement influencés par le degréd’innovation et de complexité introduit dans le nouveaupalier.

Effet productivité

Cet effet est localisé essentiellement dans la supply chain.Il se traduit par la répercussion des gains de productivitédes fournisseurs sur leurs prix de vente. Cet effet estfortement dépendant de la visibilité donnée auxfournisseurs à travers une commande ferme d’une sériede matériels identiques. Cette visibilité permetnotamment de mettre en place une programmation etune utilisation optimisées ds approvisionnements et desoutils de production.

Par ailleurs, les coûts unitaires sont sensibles à l’effet derythme, qui permet une plus grande régularité et joue surles flux annuels.

Effet de rythme

L’effet de rythme concerne tous les acteurs. Il estétroitement lié à l’effet de série. Il traduit le fait que l’effet

La lettre de l'I­tésé ­ Numéro 33­ Printemps 201812

Dossier

bénéfique de série est fonction du rythme d’engagementassocié, dans la gamme qu’autorise le potentiel industrielexistant. Pour que cet effet soit sensible, il faut que lenombre de tranches engagées permette de maintenir unecharge minimale continue tant au niveau des études quede la fabrication des matériels. La continuité desengagements est un paramètre essentiel. Un effet devolume est directement lié au rythme de construction. Eneffet, les coûts fixes (amortissement des usines, maintiendes compétences) sont par définition importants pour desflux annuels faibles. Par exemple le nombred’informaticiens, alors que l’usage de l’informatique afortement augmenté depuis 20 ans (avec les gains deproductivité associés), est largement resté fixe.Cet effet joue dès lors que la période sur laquelle lerythme des commandes est connu est suffisant pourdéclencher des investissements en matériel , formation,recrutement, mise en place des démarches qualiténécessaires et, avec une perspective de long terme,d'éventuelles actions de R&D spécifiques. Dansl'industrie nucléaire, le temps caractéristique pour obtenirde tels gains est typiquement la décennie.

L’effet de série se trouve renforcé si on a la possibilité deconstruire plusieurs tranches d’un même palier sur lemême site : les travaux d’aménagement du site sont ainsimutualisés, de même que certains ouvrages et bâtimentsannexes (effet de paires lequel entraîne une diminutionde l'ordre de 15% des coûts du second réacteur)24. Encombinant cet effet avec les besoins en puissancenouvelle (remplacement du parc, avec une perspective delégère diminution de la puissance installée), donner dessignaux sur une quinzaine années à la supply chainsignifierait engager un programme de 3 à 4 paires.

A titre d’illustration de ces effets, EDF estime pouvoirréduire de 20 % le coût de la construction de son projet dedeux EPR à Sizewell C en transposant des éléments duprojet Hinkley Point25. Par exemple, EDF pense pouvoiréliminer la plus grande partie de 2 milliards de livres(2,25 milliards d’euros) nécessaires aux travauxpréalables à la construction de Hinkley Point C. D’autreséconomies importantes seraient réalisables en faisantintervenir les sous­traitants qui travaillent actuellementsur le chantier et des équipements déjà passés par leprocessus de certification nécessaire pour une utilisationsur un site nucléaire.

Conclusion

En France, une analyse historique des coûts montre uneglobale maîtrise des coûts de construction des réacteursde 2ème génération. A l’étranger, les situations sont plusdiverses, en particulier entre les Etats­Unis (dont laperformance a été mauvaise) et l’Asie (Corée, Japon) quiont bien maitrisé ces coûts. Deux des facteurs essentielssont la bonne gestion des échéanciers ainsi que l’existenced’un programme structuré et conçu comme tel (rythmede construction et politique industrielle).

Evolution attendue des coûts des réacteurs EPR

L’enjeu pour la France repose sur la capacité à réduire lescoûts des futurs EPR, sur la base du retour d’expériencedes chantiers réalisés, et en premier lieu celui deFlamanville 3.

Objectifs de coût des prochains réacteurs EPR : étudeOCDE/AIE AEN

L’étude récente de l’OCDE/AIE­AEN (2015) sur les coûtsde génération électrique, focalisée sur les coûts deconstruction de nouvelles unités démarrant vers 2020­2030, a rassemblé les estimations données par différentsgouvernements européens (Belgique, Finlande, France,Royaume­Uni) pour des EPR, et a débouché sur unefourchette de 3800 à 4500 Euro/kWe. Celle­ci faitapparaître un facteur de progrès de l’ordre de 30% parrapport aux premiers EPR arrivant en fonction en 2018 :de 5200 à 6560 Euro/kWe. Le tableau 3 détaille lesestimations par pays

Tableau 3 : Coûts de construction estimés des futurs EPR(source : AIE­AEN 2015)

(*) £19,6 Mrds (EDF, WNN 3/7/2017) pour 2 réacteurs(**) Pour une série en 2030 (***) Avec 1 USD = 0,75 Euro =

0,64 BP (IEA­NEA 2015)

L’enjeu dans les pays de l’OCDE est bien de faire baisserles coûts, par rapport à ce qui a été expérimenté dans lespremières constructions. A l’horizon 2020, le facteur deprogrès considéré varie selon le pays, la France yintégrant l’effet de série en plus. L’hypothèse françaisesous­jacente étant un remplacement au moins partiel duparc existant, avec une première série d’EPRs mis enservice à partir de 2030.Un facteur de progrès de 30% en France parait accessibleet impliquerait donc à la fois :

• Un design amélioré dans le sens d’un coût moindre deconstruction (projet en cours) ;• Des méthodes de construction optimisées.

Printemps 2018 ­ Numéro 33­ La lettre de l'I­tésé 13

Dossier

Une filière nucléaire remise en marche avec une visibilitépermettant d’engranger un effet de série lié à un effet deprogramme (visibilité, continuité) et de productivité(organisation industrielle, rythme et standardisation).

Démarche de retour d’expérience et d’optimisation del’EPR

AREVA, puis le nouveau FRAMATOME travaillentdepuis 2009 à recueillir «au fil de l’eau» le retourd’expérience des projets actuellement en construction.Ainsi, les projets Taishan 1 & 2 ont déjà bénéficié de ceretour d’expérience (issu d’Olkiluoto 3 et de Flamanville3). La durée de construction entre le premier béton et lapose du dôme a été réduite de moitié (24 mois au lieu de47) entre Olkiluoto 3et Taishan.Les exemples suivants illustrent le bénéfice apporté par leretour d’expérience (source AREVA NP) :

• La réduction importante du nombre d’heuresd’ingénierie, et donc les coûts associés, sur la chaudièrenucléaire (­60% entre Olkiluoto 3et Taishan);• La réduction significative (­40%) de la durée defabrication des gros composants grâce à l’améliorationdes processus de production (par exemple : durée defabrication des générateurs de vapeur réduite d’uneannée pour Taishan, dont 4,5 mois grâce à l’utilisationd’un forgé au lieu d’une série de soudures pour uncomposant des générateurs de vapeur);• La fiabilisation du planning de construction grâce à laréduction de délais des approvisionnements auprès desfournisseurs (réduction des délais de 65% en moyenneentre Olkiluoto 3 et Taishan).• La durée totale du projet (entre premier béton etpremière criticité) devrait être inférieure de 30%.

Par ailleurs, le nombre d’heures passées par les équipesd’ingénieries est de 60% plus faible pour Taishan quepour Olkiluoto 3, illustrant les bénéfices de lastandardisation :

• Premier plan complet des schémas de tuyauterie etd’instrumentation passés de 14 à 9 mois ; cette étapeconditionne le plan d’implantation et les interfaces dugénie civil ;• Nombre de révisions nécessaires des schémas détaillésréduit de 10 à 3 ;• Description des systèmes, gouvernant la mise en placedu contrôle­commande, disponible en 20 mois au lieu de30.

Au­delà, la réalisation en cours des 4 EPR a permis deconstruire une force structurée mise au service de laconception des nouveaux réacteurs EPR :

• Une équipe d’ingénierie et projets forte de plus de 6000personnes pour l’ensemble des projets :

o dont plus de 1000 personnes compétentes engestion de projets,

o les directeurs de projet sur le chantier de

Taishan ayant pour la plupart travaillé au préalable surOlkiluoto 3 ou Flamanville 3.• Une expertise renforcée dans les achats et laqualification des entreprises fournissant équipements etsupports d’ingénierie ;• Un processus interne robuste de recensement despoints de retour d’expérience et des facteurs correctifs quien découlent. On estime ainsi que plus de 1,600 pointsd’expérience ont été enregistrés pendant les constructionset traités.

La démarche d’optimisation de l’EPR, lancée en 2015 encommun par les ingénieries d’EDF et AREVA NP(aujourd’hui FRAMATOME), s’inscrit donc dans lacontinuité des EPR en cours de construction. Elle intègrecette fois le retour d’expérience sur le concept lui­même(dit «EPR2»), en particulier en termes de simplificationdu design, d’amélioration de sa constructibilité etd’industrialisation de ses équipements. Elle met en œuvreégalement des méthodes d’ingénierie système pouraméliorer les performances des acteurs travaillant sur leprojet. Elle prend en compte les techniques et méthodesles plus récentes, en particulier dans le génie civil et dansla modélisation numérique.

Les principales options techniques retenues aprèsl’intégration du retour d’expérience sont :

• Une chaudière du niveau de puissance de celles desderniers EPR (puissance thermique de 4590 MWth)permettant la meilleure réutilisation des équipementsprimaires de l’EPR. Ce choix permet d’inscrire lafabrication de ces équipements dans la continuité deschantiers en cours et donc de limiter au maximum lesrisques liés à leur approvisionnement et leurqualification.• Une enceinte de confinement à simple paroi avec linerassurant à la fois le confinement des matières radioactivesen cas d’accident et la protection contre les agressionsexternes malveillantes. Ce choix permet de simplifierfortement la construction.•Une architecture des systèmes de sauvegarde en 3trains. Ce choix vise à simplifier au maximum le designet permet une meilleure prise en compte du retourd’expérience de l’accident de Fukushima en séparantdavantage les installations liées à la prévention de lafusion du cœur et celles liées à la mitigation de cetaccident.• Une optimisation et simplification par l’intégrationdu REX. Forte optimisation du processus de constructionengendrant d’importantes économies de coûts et dedélais des chantiers, réduction des coûts d’achat, prise encompte du REX des fournisseurs :

o simplification des structures des bâtiments(alignement des voiles, suppressions des pointssinguliers),

o optimisation des taux de ferraillage du géniecivil,

o optimisation des séquences de montageélectromécanique en ayant recours à plus de

La lettre de l'I­tésé ­ Numéro 33­ Printemps 201814

Dossier

préfabrication et en réduisant le nombre d’épreuveshydrauliques,

o standardisation des équipements via l’usage decatalogues issus des standards industriels,

o maîtrise de la taille du contrôle commande entravaillant sur la réduction du nombre de donnéestransmises des équipements vers le contrôlecommande,

o développement de l’ingénierie systèmeapplicable aux projets complexes.

Les lignes qui précèdent et suivent sont focalisées sur lesoptimisations en cours, à objectif proche. De trèsnombreuses autres pistes font aussi l’objet d’études et derecherches pour le plus long (et le très long) terme.

L’optimisation des chantiers de construction

Un des axes identifiés d’optimisation– déjà en applicationou en exploration – porte sur l’ensemble de l’organisationde la construction afin d’en réduire le délai deconstruction et donc le coût. Ces axes sont notamment :

• Utilisation de techniques de construction avancées,choix optimisé de la logistique pour les composantslourds ;• Pré­assemblages ou «modularisation» de parties de lacentrale quand le bénéfice global est supérieur au coûtglobal engendré par la modification considérée.

Certaines de ces modifications d’organisation peuventnécessiter des ajustements mineurs du design pourpouvoir être réalisées, mais cela ne change en rien ledesign global, ni son niveau de sureté, ni sesperformances. Le développement de la simulationnumérique des chantiers est aussi un atout important,permettant notamment une coordination optimisée desdifférents corps de métiers.

Une des actions techniques en cours est de simplifier laconception du béton armé (taux de ferraillage, épaisseurbéton), d’accompagner le développement de nouveauxmodes de construction (modularité, préfabrication,structures autoportantes), et de mettre au point des outilsnumériques d’aide à la décision pour optimiser lechantier (de la conception à l’exploitation). L’intégrationde solutions nouvelles fera bénéficier les prochainsréacteurs des progrès associés aux technologies demesures, calculs hautes performances, réalité augmentée,etc.

De l’optimisation du chantier dépend notammentl’économie d’ensemble du projet. Cette influence estmajeure. Le graphique de la Figure 11 décrit l’influenced’un retard de 3 ans sur le temps de retour (date où lesrecettes équilibrent les dépenses) du chantier deFlamanville. En effet, un allongement de la durée deschantiers joue fortement sur les coûts et induit des pertesdues aux intérêts financiers qui courent sur la périodeplus longue. De plus, le réacteur ne produit que plus tard.

Ces deux effets induisent un décalage majeur de la datede retour. Dans cette figure, le décalage est d’une dizained’années pour 3 ans de retard. La maîtrise des planningsest donc essentielle.

Figure 11 : impact sur le temps de retour d’un retard de 3 ansdans la mise en service de Flamanville 3 (source : EDF)

La remise en marche de la chaîne industrielle « qualiténucléaire » européenne

Aucun projet de réacteur nucléaire n’avait été lancé nidémarré en Europe depuis deux décennies. Or la filièrenucléaire se caractérise par des exigences très strictes enassurance qualité, en pureté des matériaux, encomportement des équipements sous irradiation, entenue à long terme, etc… Il a donc fallu reconstituerl’ensemble de la chaîne industrielle pour construireOlkiluoto 3 et Flamanville 3. FRAMATOME a qualifiéplus de 600 fournisseurs d’équipements et services etobtenu des progrès sensibles sur la qualité et le calendrierdes fournitures.

La totalité de la chaîne industrielle, systèmes, services etcomposants, doit être qualifiée au niveau «qualiténucléaire» ; les standards de qualité sont définis etcontrôlés par un organisme agréé. Pour bien desprestataires, il a fallu investir en compétences, parrecrutement ou par programmes internes de formation,sur des domaines spécifiques au nucléaire.

La carte ci­après ­figure 12­ donne une répartitiongéographique de la chaîne ainsi constituée en Europe (enjuin 2015). Si la France et l’Allemagne en concentrent uneforte proportion, on voit néanmoins que 8 autres payscomptent entre 11 et 100 entreprises impliquées.

Les projets à venir bénéficieront de cette chaîneindustrielle reconstituée, impliquant des coûts moindres.Pour garantir la capacité, les compétences et lacompétitivité du tissu industriel nucléaire en France àréaliser des projets neufs à venir et dans l’objectif debénéficier d’un effet de série, il sera nécessaire de définirun programme de réalisation en adéquation auxcapacités du tissu industriel.

Printemps 2018 ­ Numéro 33­ La lettre de l'I­tésé 15

Dossier

Figure 12 : Localisation des supply chains d’EDF etFRAMATOME (ex Areva­NP) en Europe

(source EDF/AREVA)

Intégration des objectifs d’exportation

Proposer et réaliser des EPR à l’export dans différentspays ajoute des contraintes et objectifs supplémentaires,pour lesquels le retour d’expérience actuel apporte déjàun certain nombre éléments précieux.

• Flamanville 3 sert aujourd'hui de référence, a déjàintégré un retour d'Olkiluoto 3 et est une base solide desoptions de sûreté. Mais ce concept n'affranchit pas dedevoir y apporter des modifications pour répondre à laspécificité de chaque site de construction et des exigencesde chaque Autorité de Sûreté. Plus on construit d'EPRsdans des pays/sites différents, plus on réduira les écartsd'adaptation.

• Disposer d'une supply chain et de project managementcapables de répondre aux enjeux de localisation et deformation nécessaires à la bonne réussite du projet et à lapréparation d'un opérateur responsable et parfaitementmaître de sa technologie est nécessaire pour chaquechantier. Même si l’industrie dispose d’un vaste retourd’expérience, les objectifs peuvent être différents d'unprojet à un autre et culturellement la marche à franchirplus ou moins haute. Il est évident que disposer d'unesupply chain et d'équipes projets contribuant à laconstruction de plusieurs réacteurs en parallèle n'est pascomparable à une supply chain qu'il faut «redémarrer».• Disposer d'outils et de méthodes de travail permettantde lisser les questions culturelles, d'interfaces et autressujets que nécessite un projet d'une telle envergure,partenarial et « tutoriel » pour créer une culture de sûretéchez le futur opérateur ainsi que la performance dansl'exploitation de la centrale est aussi un des pointsessentiels. Beaucoup de retour d'expérience a déjà étéintégré, ainsi, le chantier d’Hinkley Point permettra dedévelopper encore de nouveaux outils. Sur ce plan, desgains de performance sont également encore largementpossibles.

Conclusion

Des actions de réduction des coûts sont conduites dans lemonde (Etats­Unis, France, Royaume­Uni…) et partagéesnotamment au sein de l’Agence pour l’Energie Nucléairede l’OCDE. Cette optimisation industrielle est possiblemaintenant et doit se réaliser à court terme, pour desréacteurs mis en service vers 2030 au plus tard.

Les facteurs de baisse du coût d’investissement sont bienidentifiés :

• Le retour d’expérience acquis (pour l’EPR sur Olkiluoto3, Flamanvile 3 et Taishan 1 &2) ;• La remise en route de la chaine industrielle en Europe ;• L’organisation des chantiers, des spécificationstechniques et des commandes ;• Des évolutions de concepts visant simplification etstandardisation ;• L’évolution des méthodes de construction ;• La confiance mutuelle des acteurs, laquelle permet dediminuer les phénomènes d’«empilement de marges»dans la supply chain, fréquents en situation d’incertitudeélevée. Celle­ci est accessible via :

o une visibilité donnée à la filière,o L’association de la supply chain au plus tôt

dans les travaux de préparation de renouvellement duparc.

Auxquels s’ajouteront, en fonction des programmes demise en service considérés :

• Effet de paire sur un site, effet de série sur unprogramme ;• La montée en puissance des rythmes de construction.

La réduction des risques afférents passe majoritairementpar la maîtrise des processus et la mise en œuvre de lasupply chain dans le cadre d’un programme (parexemple 6 réacteurs EPR optimisé). La réussite deschantiers (avec la mise en service de l’EPR de Taishandébut 2018 et celle de Flamanville fin 2018 / début 2019)sera un facteur essentiel de cette réduction de risques,pour démontrer la viabilité opérationnelle du concept.L’objectif à atteindre en France est une diminution de30% du coût overnight de l’EPR pour la prochaine paire.Avec l’amélioration de l’accès au financement, qui elle­même renvoie à la réduction des risques du projet (ycompris risques sur les coûts et délais d’investissements),cet objectif permettra au nouveau nucléaire d’êtrecompétitif par rapport aux autres moyens de productionen base carbonés.

Conclusion générale

Les premiers réacteurs de 3ème génération (EPR, AP1000,AES2006, …) vont bientôt être connectés au réseau26 etdevront prouver leur capacité à fonctionner de façon sûreet efficace. Cette étape est attendue avec sérénité par lesexploitants et elle sera déterminante pour que d’autres

La lettre de l'I­tésé ­ Numéro 33­ Printemps 201816

Dossier

réacteurs du même type soient décidés et construits dansle monde. La construction de ces premiers réacteurs enEurope et aux Etats­Unis a révélé des haussesimportantes des coûts.Des facteurs structurels et conjoncturels ont poussé à ceshausses :

• Des raisons génériques à l’ensemble de l’industrie(coûts des facteurs de production, coûts des matièrespremières, normes environnementales) ont contribué àces hausses lors des 10 dernières années, et ont égalementimpacté les filières gaz et charbon.• Des facteurs propres à la filière nucléaire ont aussi joué :

o l’effet de «premier de série» (First Of A Kind)inhérent à tout équipement complexe et innovant commeun réacteur de Génération 3,

o certains choix technologiques économiquementpénalisants (systèmes de sûreté),

o Supply chain à redémarrer : les constructionsde réacteurs s’étaient interrompues (Etats­Unis, puisEurope, notamment) dans les dernières 20 à 30 années,avec pour conséquence les difficultés inhérentes à laremise en marche de l’ensemble sous de nombreuxaspects (gestion de grands projets, calage des schémascontractuels avec les fournisseurs, besoinsd’investissement et de formation spécifiques à la filièrenucléaire).

La baisse des coûts de production sur les projets futursest un impératif majeur auquel tous les industriels dunucléaire s’attèlent, partout dans le monde, avec despremiers résultats.

Les zones de progrès sur les coûts de construction desréacteurs de troisième génération sont bien identifiées etfont l’objet de plans d’amélioration très importants. Lesprincipales actions de progrès sont les suivantes :

• Stabilisation du référentiel de sûreté et processus decontrôle par l’autorité de sûreté ;• Organisation de la supply chain ;• Intégration des retours d’expérience des projets en voiede finalisation ;• Mise en œuvre de nouvelles techniques et méthodespour réoptimiser les concepts ;• Nouvelle organisation des montages contractuels pourfaire porter chaque type de risque par l’entité la mieuxadaptée, généralement sous le pilotage des Etats ;• D’autres facteurs de réduction de coûts joueront«mécaniquement», comme par le passé :

o effet de paire pour les prochains EPR(Royaume Uni, France): par rapport à des tranchesuniques comme Olkiluoto 3 et Flamanville 3,

o effet de série, dérivant de la visibilité et durythme de construction.

L’analyse fournie dans ce dossier montre l’importance des’inscrire dans un programme structuré et stable pourbénéficier des baisses de coûts induites par les effets desérie.

De nombreux autres facteurs rentreront en lice pourétablir les choix futurs. Citons en particulier le design descontrats et le portage des risques économiques.Quoiqu’il en soit, les informations analysées dans cetarticle montrent qu’il est possible de réduire fortement lescoûts d’investissement. Les industriels s’y emploient. Lapanoplie des actions qui seront possibles dépend aussi enpremier lieu des choix publics (politiques vis­à­vis desénergies « bas carbone » (dont prix du carbone), mise enplace d'outils économiques dédiés à accompagner lerenouvellement du parc nucléaire, (à l'instar des moyensdéployés pour les énergies renouvelables), décision delancer des réacteurs et date de divergence prévue…),mais aussi d’autres facteurs, notamment internationaux(prix sur les marchés énergétiques, politiqueeuropéenne…). Le coût effectif des futurs réacteursdépendra de l’ensemble de ces facteurs.

1 https://www.eca.europa.eu/fr/Pages/DocItem.aspx?did=418242 http://www.strategie.gouv.fr/publications/crise­systeme­electrique­europeen3 https://www.mckinsey.de/energiewende­deutschland­die­kosten­steigen­weiter4 On peut y ajouter le nouveau modèle coréen APR­1400, avec la connexionau réseau de Shin­Kori 3 en janvier 2017 par KHNP, bientôt suivie parShin­Kori 4. Parallèlement la construction de quatre APR­1400 à Barakah(United Arab Emirates) progresse régulièrement, avec la mise en service dupremier prévue en 2018. Ce modèle est récent, mais n’atteint pas le standard« Gen 3 ».5 “Analysis of GW­scale overnight capital costs”, Université de Chicago,20116 “Nuclear New Build: Insights into Financing and Project Management”,OCDE/AEN NEA N° 7196, 20167 Working Paper on Risks n°52, « A risk management approach to asuccessful infrastructure project »8 E.M. Merrow, P.E. Phillips, and C.W. Meyers, Understanding CostGrowth and Performance Shortfalls in Pioneer Process Plants (SantaMonica, CA: Rand Corporation, 19819 Phil. Trans. R. Soc. A (2012) 370, 365–38010 Dans cette note, nous ne développons pas ce dernier point (coût del’investissement en technologies alternatives comme le solaire, l’éolien, lestechnologies gaz), au sein d’un parc complet. Nous renvoyons pour cela auxtravaux de la SFEN de début 2017 sur les synergies du nucléaire et des EnRau sein de parcs complets. Nous fournirons toutefois des ordres degrandeurs des meilleures estimations actuelles.11 Le dernier rapport de l’AIE/AEN de 2015 se base sur un coût deconstruction « overnight » (i.e. hors coûts de financement) 3800 €/kWe.Cette valeur correspond à un nouveau réacteur EPR en France à l’horizon2030 d’une capacité de 1630 MWe. Ce point est documenté plus loin.12 http://www.energie.sia­partners.com/20170905/le­financement­est­il­devenu­une­limite­au­developpement­dun­projet­nucleaire13 Ref : « Prospect for US Nuclear Power after Fukushima » EnergyInstitute at Haas, Berkeley, California, Lucas W Davis, Août 201114 Duquesnoy, T. (2013), Coût de construction des réacteurs REP:évolution des conditions économiques ou accroissement de la complexité?,La lettre de l’I­tésé, 18.

Printemps 2018 ­ Numéro 33­ La lettre de l'I­tésé 17

Dossier

15 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/les­couts­de­la­filiere­electro­nucleaire16 Grubler, A. (2010). The costs of the French nuclear scale­up: A case ofnegative learning by doing. Energy Policy, 38(9), 5174­5188.17 Lovering, J. R., Yip, A., & Nordhaus, T. (2016). Historical constructioncosts of global nuclear power reactors. Energy Policy, 91, 371­382.18 Berthélemy, M., & Escobar, L. (2015). Nuclear reactors' constructioncosts: The role of lead­time, standardization and technological progress.Energy Policy, 82, 118­130.19 https://www.mech.kuleuven.be/en/tme/research/energy_environment/Pdf/wpen2013­14.pdf20 « Conglomérat industriel », tel que Hyundai ou Doosan.21 Il s’agit alors de traiter statistiquement les données empiriques de coûtsde construction, en les rapprochant de l’évolution des facteurs explicatifs «candidats ». On peut alors déterminer le signe et l’importance des effets. Destests statistiques permettent de vérifier (ou non) de la significativité desrésultats.22 Les économistes parlent souvent d’effet d’apprentissage, qui englobel’effet de série au sens où il prend en compte l’ensemble des phénomènesqui permettent d’augmenter l’efficacité de techniques ou de filières. Nousles assimilerons ici. A noter que d’autres effets jouent sur les coûts unitairesdes réacteurs, tels que les exigences de sûreté, l’effet d’échelle (effet de lataille des réacteurs, qui diminue le coût unitaire du MW installé avec lapuissance)... et bien entendu le progrès technique qui permet la mise enœuvre de solutions nouvelles et moins coûteuses ou une meilleure gestion etdémonstration des marges de dimensionnement.23 Voir Berthélemy et Escobar (2016), op. cit. et Escobar et Lévêque (2015),Revisiting the Cost Escalation Curse of Nuclear Power Generation: NewLessons from the French Experience, Economics of Energy andEnvironmental Policy, Vol. 4.24 En 2000, l"OCDE/AEN a chfffré cet effet de paire à 15% pour la secondeunité sur un site et 5% additionnels en cas de construction de deux paires.Source : https://www.oecd­nea.org/ndd/pubs/2000/é2088_­reduction­capital­costs.pdf (pp60­64)25 Source EDF (Times le 3 janvier 2018)25 Rappelons que c’est déjà le cas pour le concept russe VVER 1200

La lettre de l'I­tésé ­ Numéro 33­ Printemps 201818

Eclairages

Apport de l’analyse économique auxdécisions sur la chronologie du stockage desdéchets radioactifs en couches géologiques

par Phuong Hoai Linh DOAN,CEA/DAS/I­tésé, Université Paris­Saclay et Paris­

Dauphine, Université Paris Sciences et Lettres

En France et à l’échelle internationale, le stockage profond est considéré commela solution de référence pour la gestion définitive des déchets radioactifs à vielongue. La date de Mise en Service Industriel (MSI) de ce projet, mené parl’ANDRA et appelé CIGEO, est fixée par la loi. Mais la nature de ces choix publicsmérite d’être questionnée au sens où le calcul économique peut permettred’éclairer ces décisions. Cette note rappelle les principales conclusions de la thèsede Linh Doan, menée à I­tésé et soutenue fin 20171.

La question de la gestion des déchets radioactifsdemeure une préoccupation majeure de l’opinion

publique par rapport au nucléaire. Les déchets radioactifsproduits par les activités nucléaires (les réacteursnucléaires, la recherche, la défense et la médecine) sonttraités en fonction de leur activité et de la durée de viedes radioéléments. Actuellement, les déchets de trèsfaible, faible et moyenne activité à vie courte quireprésentent, en France, plus de 90% du volume desdéchets radioactifs disposent de sites de stockagespécialement aménagés pour les accueillir en surface. Les10% restant (les déchets à vie longue, notamment hauteactivité (HA) et moyenne activité à vie longue (MAVL))ne disposent pas de filière de gestion à long terme ; ilssont entreposés dans des installations conçues à cet effet2.

Ces déchets concentrent la quasi­totalité de laradioactivité et leur vie longue empêche de les stocker ensurface ou à faible profondeur. La loi du 28 juin 2006 aretenu le stockage profond comme la solution deréférence permettant d’assurer la sûreté à long terme vis­à­vis de tels déchets. Cette «valeur sociale» du stockagedes déchets radioactifs dépend du concept, du lieu et durythme d’exécution du projet. Notre analyse se focalisesur le dernier point, autrement dit sur l’impact du choixde la temporalité du stockage profond à la sociétéFrançaise. La loi pose en effet que la réalisation «rapide»du stockage est le meilleur choix pour la société. Par«rapide», il faut entendre que le déroulement de ce projetne doit pas perdre de temps, et donc que des moyenssuffisants doivent lui être alloués, sachant que lecalendrier de réalisation est subordonné à un phasageprécis, avec une grande importance donnée aux décisionsde l’autorité de sûreté.

Notre thèse est construite en interrogeant de façonsystématique les dates possibles pour les grandes étapesdu stockage. A ce jour, deux «grandes dates» ont étépositionnées dans le processus en cours : celle del’ouverture d’une phase dite «pilote» (ou Phipil) et celledu passage à la phase industrielle proprement dite. Laméthode utilisée est de construire un indicateurbalançant les coûts et le bénéfice d’un choix de date(indicateur appelé «Fonction d’Utilité» dans la thèse) etd’en mesurer les variations, positives ou négatives, pourdes choix de dates différents : au plus tôt ou différés. Ils’agit donc d’interroger la rationalité économique deschoix faits par le législateur, via cet outil. Les pointsprincipaux de notre thèse sont explicités ci­après.

Notre travail se positionne dans un domaine très peuvisité par les économistes. Citons la thèse d’Aude Le Dars(2002) (plus «politique» sur les processus), celle d’O.Ionescu­Riffaud (2011) (avec options réelles), les articlesde Gollier­Devezeaux (2001) et de H. Loubergé (2001) enFrance. A l’étranger, très peu de travaux s’orientent versun contenu académique (AEN(2004), Lehtonen (2010),AEN (2013) ). Ceux de l’AEN (Agence de l’EnergieNucléaire de l’OCDE) sont essentiellement axés sur descompilations de coûts de stockage et des garanties sur lesfonds dédiés afférents. Notre travail est le premier, ànotre connaissance, qui s’interroge de façon organisée surla question de l’échéancier du stockage profond. Cefaisant, notre ambition est de «contribuer à fonder uneéconomie du stockage des déchets radioactifs». Nousespérons qu’elle a en partie au moins atteint son but.

Nous avons positionné ce travail aux interfaces entresciences humaines (par exemple la partie qui porte sur lavaleur du stockage comme élément de la faisabilité

19Printemps 2018 ­ Numéro 33­ La lettre de l'I­tésé

Eclairages

sociale du nucléaire) et sciences de l’ingénieur. En nousbasant sur nos connaissances en nucléaire (via unepremière formation avec un diplôme d’ingénieur dans cedomaine), et bien que cette thèse soit résolument ancréedans les compétences en économie, nous avons prêté uneconstante attention à ce qu’elle traite du stockage desdéchets radioactifs avec des données validées et prochesde la «réalité de terrain», en rapportant ces données leplus systématiquement possible à une vision globale desenjeux et mécanismes à l’œuvre.

Au plan des méthodes, nous avons tenté de combinerl’analyse économique standard des projets industrielsavec une approche d’essence «coûts­bénéfices». Nostravaux sont inscrits dans des échéances longues, enproposant des traitements mettant en lumière lesincertitudes sur le futur de nos sociétés.

Figure 1 : Le concept de stockage CIGEO (source ANDRA)

Nous avons obtenu des résultats pour éclairer la prise dedécision publique à court terme. Ils sont diffusés aumoment où le gouvernement s’est engagé dansl’élaboration de sa Programmation Pluriannuelle del’Energie. Certains d’entre eux interrogent les choix duconcept de stockage CIGEO, principalement sous l’anglede l’échéancier «interne» (phasage des stockages, durée etflux afférents) :

• Les choix en ce qui concerne le phasage français sontassez éloignés d’un calcul d’optimum. La loi de 1991 a ététraduite par l’étude d’un projet de stockage unique pourles déchets de haute activité (HA) et de moyenne activitéà vie longue (MAVL). Or les dates de stockage au plus tôtdes déchets les plus potentiellement dangereux (HA) nepermettent pas à notre génération de mettre en œuvreindustriellement la solution de gestion de long terme3. Il aainsi été décidé, d’une part, de mettre en œuvre unephase pilote (cf. supra), et, d’autre part, de commencerpar stocker les déchets MAVL. S’en suit un échéancierétalé sur une période très longue, au cours duquel lestockage des déchets de moyenne activité « attend » les

déchets HA, avec des coûts fixes importants(radioprotection, surveillance, gardiennage…).Industriellement, il aurait été significativement moinsonéreux de planifier un stockage permettant unecoactivité (MAVL et HA stockés en même temps), surune durée très nettement plus courte. Les gains associésen coûts brut seraient de l’ordre de 20% sur le coût bruttotal du projet. Mais il aurait alors fallu attendre plusieursdécennies, ce qui n’est pas l’esprit de la loi de 1991, ni afortiori celui de la loi de 2006.• Une autre source de gain économique serait de spécifierun diagramme des flux en supprimant la relationimplicite qui a présidé au design du stockage, laquelledétermine que les flux de déchets stockés (il s’agit iciessentiellement des déchets HA) correspondent au fluxannuel, tel qu’issu du parc (déchargement descombustibles usés) des décennies auparavant. Nostravaux, qui restent indicatifs, suggèrent qu’un rythmedouble permettrait des économies de l’ordre de 10% surle coût brut total du projet4.D’autres résultats portent sur les choix de positionnementdu stockage, en particulier au regard de la date de débutdu stockage (en se fondant sur un concept de typeCIGEO) :• L’analyse économique la plus simple du sujet5 pousse àdécaler le stockage définitif, dès lors que les coûtsd’entreposage sont faibles au regard des coûts dustockage à long terme. Cet effet est renforcé par le fait quela puissance thermique des déchets HA diminue avec letemps6. Une décision d’entreposage «sine die» est en effetde l’ordre de 10 fois moins onéreuse qu’un stockage«rapide»7. Ce résultat éclaire la décision de stockagecomme un choix plus onéreux, qui traduit la volonté denotre génération à agir sans délais excessif vis­à­vis dessuivantes. Ce positionnement date de l’origine de laproduction d’électricité nucléaire, ou presque, et est laligne suivie par les industriels bien avant la loi de 2006.• Ce premier résultat doit être nuancé compte tenu desmontants très importants des dépenses annuelles faitespour conduire le projet de stockage (ingénierie,recherche, accompagnement des territoires). Cesmontants, si l’on les considère comme récurrents quelleque soit la date de lancement du projet CIGEO, pèsentd’un poids suffisant pour que le « gain économique » lié àun éventuel report du projet soit de fait effacé par lesdépenses annuelles8.• En conséquence, si l’on prend de surcroit en compte lesordres de grandeurs des écarts entre les scénarios(lesquels sont généralement de quelques centaines demillions d’euros, alors que le coût du projet CIGEO seraitde l’ordre de 25 milliards d’euros), dès lors que le paysest engagé dans le principe du stockage (ce que dit la loi),la réalisation du stockage dès que possible parait uneoption économiquement acceptable9.• Nous montrons aussi que plus nos anticipations sur lefutur sont incertaines (par exemple si des périodes derégression économiques paraissent envisageables) plusnous devrions stocker les déchets rapidement.

20 La lettre de l'I­tésé ­ Numéro 33­ Printemps 2018

Eclairages

La combinaison de l’analyse des flux internes du conceptet des points supra est en fait aisée à formuler. Leprincipe d’un stockage «rapide» a amené à des choix deconcept dans lesquels le coût a été considéré comme unfacteur secondaire (ce qui a été rattaché au principe«pollueur­payeur» par la loi de 2006). Dès lors que ceschoix sont faits et que la dynamique du projet estengagée, notre analyse économique n’apparait pas à cestade comme donnant un argument de poids pour oucontre le maintien des objectifs temporels du stockage.

Toutefois, un autre résultat pourrait venirsignificativement nuancer ce qui précède. Il s’agit du faitque le stockage «rapide», décidé par la loi de 2006, tireune part de son intérêt dans le synchronisme de sonouverture avec la période de (possible) renouvellementdu parc nucléaire, autour de 2030. Ce résultat est lié à ceque la faisabilité socio­technique du renouvellement duparc serait meilleure, dès lors qu’une solution de longterme pour la gestion des déchets radioactifs serait envoie de démonstration crédible (voir figure 2)10. Ainsi lavaleur économique de la décision de la première étape dedémonstration (phase pilote) est renforcée par lecalendrier d’ensemble du parc.

Figure 2 : Modification de l'opinion publique s'il existait unesolution sûre et définitive pour la gestion des déchets

radioactifs.

L’autre choix de temporalité portera sur le lancementplus ou moins rapide de la phase d’exploitation courante,appelée à suivre la phase pilote. Notre analyse del’intérêt économique de lancer la seconde phase, destockage industriel «dans la foulée» de la phase pilote està ce stade plutôt nuancée. Cet intérêt dépendranotamment du niveau d’incertitude sur l’économie à longterme. Plus le niveau d’incertitude augmente, plus ilapparaît préférable de maintenir nos efforts pour unstockage rapide et continu. Il est toutefois important denoter que la décision d’enclencher ou non l’exploitationcourante après la phase pilote, à prendre d’ici unevingtaine d’années, pourra être affinée après l’analysedes résultats de la réalisation de cette phase.

Notre thèse vise aussi à éclairer le long terme, enmodélisant en particulier les cycles nucléaires, recyclagecompris. Elle permet de montrer que les enjeux relatifs au

stockage des déchets issus des réacteurs futurs dequatrième génération apparaissent de deuxième ordrepar rapport aux trois facteurs principaux : le coût desréacteurs de nouvelle génération, le prix de l’uranium,l’économie du recyclage (progrès technique des usines).Ces résultats pourraient être de nature à contribuer àorienter les actions de recherche définies par les PouvoirsPublics, actuellement en cours.

Pour finir, ce travail ouvre un certain nombre de piste, cequi va dans le sens d’un intérêt du développement decette nouvelle «économie du stockage des déchetsradioactifs», tant au plan académique (et souvent dansune démarche pluridisciplinaire) qu’au plan des travauxempiriques. La faisabilité sociotechnique du stockage àlong terme mériterait en outre un couplage entre desétudes de sociologie, d’anthropologie, de sciencespolitiques… avec nos collègues économistes. De plus, descoopérations en matière de recherche et dedéveloppement ainsi que des échanges de connaissanceset d’expériences entre pays apparaissent ainsi importantsdans ce contexte, afin de mieux éclairer les différentschoix de stockage et choix de cycle dans le monde11. Cesfacteurs, sociaux, politiques ou éthiques, interviennentdans les processus de décision et la mise en œuvre dessolutions. Ils sont sans doute largement à l’origine duchoix de la représentation nationale française en faveurd’un stockage «rapide». Des travaux en ce sens seraientcertainement très utiles, mais nécessiteraient un effort decollecte de données et de formalisation probablementd’ampleur.

Quoiqu’il en soit, s’il est patent que les études en scienceshumaines et sociales (économie comprise) pourraient êtredéveloppées avec intérêt et même avec une certaine«utilité sociale», ces études ne sauraient qu’aborder bienpartiellement le champ des décisions concernant lagestion temporelle du stockage profond. L’essentiel estbien de garantir la sûreté du stockage, lors de ses phasesd’exploitation et de post­fermeture.

1 Thèse soutenue le 7 décembre 2017, « Prise en compte économique dulong terme dans les choix énergétiques relatifs à la gestion des déchetsradioactifs », avec pour jury M. Patrice GEOFFRON (Professeur, HDR,Président), M. Jean­Guy DEVEZEAUX DE LAVERGNE (Directeur d’I­tésé, HDR, Directeur de thèse), M. Jacques PERCEBOIS (Professeurémérite, HDR, Rapporteur), M Frédéric LANTZ (Professeur, HDR,Rapporteur), M. Jan Horst KEPPLER (Professeur, HDR, examinateur), M.Luis APARICIO (Chargé de recherche à l’ANDRA, Examinateur), M. Jean­Paul MINON (Ancien directeur de l’ONDRAF, Examinateur), M. NorbertLADOUX (Professeur émérite, HDR, Examinateur).2 Données ANDRA – Agence nationale pour la gestion des déchetsradioactifs3 En effet, la période de stockage qui a été jugée réalisable industriellement,compte tenu de la nécessité de baisse de la puissance thermique des colis dedéchets vitrifiés, se situe vers 2070. Il s’agit en fait d’une analyseéconomique à elle seule. Ainsi, J­L Girotto et B.Villeneuve ont montré en2005 qu’un stockage de déchets HA effectué après 300 ans d’entreposage

21Printemps 2018 ­ Numéro 33­ La lettre de l'I­tésé

Eclairages

reviendrait 5 fois moins cher (en coûts bruts) que le stockage après 30 ans.Après une période d’entreposage de l’ordre de 80 ans, l’emprise dustockage des déchets HA est proche du minimum (avec le concept actuel), àquelques dizaines de % près.4 A noter que ces deux sources de gain seraient, le cas échéant, cumulables5 Il s’agit d’un calcul de valeur (ou plutôt de coût) actuelle nette dustockage, avec des taux d’actualisation usuels (supérieurs au pour cent).6 Voir note supra.7 Cet ordre de grandeur est très rustique et dépend notamment desparamètres économiques tels que l’actualisation. Il faut toutefois noter queles déchets historiques disposent actuellement tous de lieu d’entreposage(parfois en cours de modification, dans le cadre d’opérations de reprise desanciens colis)8 En termes plus économiques, partons des coûts annuels pour lespropriétaires (« producteurs ») des déchets. Ils sont de l’ordre de 150millions d’euros/an, et comprennent des dépenses de R&D significatives,mais aussi déjà actuellement une part de dépenses préalables liées au projet.La thèse montre que le « gain annuel » obtenu en actualisant les coûts duprojet avec un décalage d’une année (si le projet démarre un an plus tard, savaleur actuelle nette est diminuée d’un pourcentage égal au tauxd’actualisation retenu, soit de quelques pour cent) resterait supérieur auxdépenses annuelles qui « consomment » environ la moitié de ce gain pareffet d’actualisation. Il resterait donc un gain économique à attendre si l’onconsidère que le montant annuel de dépense pour le projet restera inchangé.De surcroît, si les dépenses annuelles étaient en partie « gelées » pour unepériode de plusieurs années (avec décision politique à la clé), l’intérêtéconomique d’un report serait d’autant plus net.9 Ceci d’autant plus que les producteurs des déchets ont d’ores et déjàprovisionné des montants à la hauteurs des dépenses prévues. Mais cerésultat reste tributaire du montant du projet CIGEO. Par le passé, les coûtsont régulièrement évolué à la hausse (ils étaient d’un peu plus de 10milliards d’euro en 2005). Ce montant a presque doublé depuis (même si lepérimètre a évolué). Une augmentation du devis de CIGEO pourrait parcontre aller jusqu' à inverser ce résultat.10 Curieusement, le dernier sondage (figure 2 et ref. [6]) que nousconnaissons sur la perception de l’acceptabilité du nucléaire, en fonction dela (non) démonstration de faisabilité d’une filière de gestion à long termedes déchets, date de 2008.11 De tels échanges ont notamment lieu sous les auspices de l’AgenceInternationale de l’Energie Atomique ou de l’OCDE/ Agence de l’EnergieNucléaire.

Eléments de bibliographie[1] Audition CNE – Commission nationale d’évaluation, 09/03/1005,France.[2] C.Gollier et J­G.Devezeaux de Lavergne, « Analyse quantitative de laréversibilité du stockage des déchets nucléaires : valorisation des déchets »,Economie et Prévision 149, Options Réelles, 2001, 1­13.[3] H.Loubergé et al, “Long term risk management of nuclear waste: a realoptions approach”, Journal of Economic Dynamics and Control 27, 2001,157­180.[4] Commissariat général du plan, Marcel Boiteux, « Transports : choix desinvestissements et coût des nuisances », 2001.[5] Conseil économique pour le développement durable, « L’évaluationéconomique des scénarios énergétiques », 2013.[6] Commission Européenne, Eurobaromètre spécial 297, « Attitudes àl’égard des déchets radioactifs », 2008.[7] IEA, NEA, OECD, “Projected costs of generating electricity”, 2015.[8] Commissariat général du plan, Daniel Lebègue, « Révision du tauxd’actualisation des investissements publics », 2005.[9] SFEN, « Déchets radioactifs : Le centre de stockage géologique Cigéo,une solution responsable », 2016.[10] Arrêté du 15 janvier 2016 relatif au coût afférent à la mise en œuvredes solutions de gestion à long terme des déchets radioactifs de hauteactivité et de moyenne activité à vie longue.[11] Loi n° 2006­739 du 28 juin 2006 de programme relative à la gestiondurable des matières et déchets radioactifs.[12] http://www.cigéo.com/

22 La lettre de l'I­tésé ­ Numéro 33­ Printemps 2018

Eclairages

Flexible nuclear co­generation

par Miika Rama,VTT ­ Technical Research Centre of Finland

The share of variable renewable energy in electricity mix of France is expected toincrease in the future. This represents a challenge for the existing nuclear fleet.Two possible solutions for improving the flexibility performance of the fleet arehydrogen production or co­generation of heat. This article focuses on nuclear co­generation of heat according to a concept that aims on maximizing the flexibility.

In France, nuclear plays an outstanding role inelectricity production. In 2015, the output of the

nuclear fleet was 436 TWh, 77 % of the total production.Hydro and thermal power account for 11 % and 7 %,respectively. The share of wind and solar energy is 6 %.

While nuclear energy does currently play a central role,there are plans of a significant increase in renewables inthe electricity sector. The main two technologies for newrenewable electricity production are wind and solarpower, both sources of variable renewable energy (VRE).The Act on Energy Transition for Green Growth setsmany ambitious objectives such as decreasing the shareof nuclear­based electricity down to 50 % by 2025.However, the newly elected president EmmanuelMacron has indicated that the priority is on reducingCO2 emissions, mentioning that nuclear power willremain the pillar of electricity production in the country.In addition, the share of VRE will increase and the energysystem needs to be more flexible to manage the largervariability. This can be achieved through flexibility inproduction, demand or through an energy storagesolution. Most likely, the outcome will be a mixture of allthese.Because nuclear plants have such a large share indomestic electricity production in France, they arealready now taking a large part in load followingoperations. However, there are technical limitations theoperations and the economic performance of the nuclearfleet is the best when operated on a high utilisation rate.

The operation of the nuclear fleet based realistic scenarioswith varying shares of additional VRE capacity until 2030and 2050 was studied by I­tésè and Camille Cany in herdoctoral thesis “Interactions between nuclear and variablerenewable energies in the French energy transition: adoptingthe power mix towards more flexibility”. The results showedthat when wind and solar account for more than 30 % ofthe total demand, compensation of the resultingvariations would require new solutions. Impact of solarpower appears as greater than changes caused by windpower. The increased cost due to lower utilisation rateswas clearly visible in the results.The thesis concluded that the co­production of electrical

and non­electrical products can help in bypassing thiseconomic issue, while also providing flexibility servicesto the power system. These co­products includehydrogen (especially for the mobility sector) and heat.

Nuclear plants as heat sources have already been a topicof research in CEA and I­tésé by Martin Leurent. The costand emission reduction potential of nuclear plant basedheating systems have been explored for the metropolitanareas of Paris, Lyon and Dunkirk. Martin Leurent hasalso studied the feasibility of supplying 250°C steam toindustrial sinks, currently mostly using on­site boilersbased on fossil fuels, and found suitable locations forcost­effective implementation. The importance of social,political, institutional and psychological dimensions havealso been emphasised.

While the share of VRE based electricity production willundoubtedly increase in future energy systems, thisdevelopment will not significantly lower the CO2intensity of the French electricity sector. It can even resultin higher emissions if the required balancing power isproduced by e.g. natural gas in combined cycle gasturbine plants. It is one of the results of the scenarios bythe ANCRE alliance, or, more recently, by the RTE.However, the alternative uses focusing especially ontransport and heating sectors currently based mostly onfossil fuels hold significant potential for lowering the CO2emissions. If they would also provide flexibility toaccommodate the increase of VRE based electricityproduction while preserving the economic performanceof nuclear units in operation at the same time, they couldgreatly support the transition toward a more renewableenergy system and a zero carbon society.

This article focuses on nuclear co­generation and presentsa concept that further improves the flexibilityperformance. This is accomplished by connecting thenuclear plant to a large­scale district heating (DH) systemand a design including a thermal storage capacity and theability to adjust the ratio between heat and electricityoutput independent from the thermal output of thereactor itself.

Printemps 2018 ­ Numéro 33­ La lettre de l'I­tésé 23

Eclairages

Heating sector in France

Developing energy systems is more complex than justconsidering different electricity production mixes. Inaddition to the primary energy input of the electricityproduction, an amount of 1 627 TWh was consumed inform of petroleum products (54 %), natural gas (26 %),waste and combustible renewables (13 %) and coal (6 %)in the year 2015. The total final energy consumption is 1900 TWh of which the most significant are residential andtertiary sectors, transport and industry with shares of 42%, 30 % and 18 %, respectively.

Here we focus on a sector with 28 % share in total finalenergy consumption in France that has received littleattention while being mostly based on fossil fuel sourcesas well; heating within residential and tertiary sectors.This has been evaluated to be 522 TWh (Heat RoadmapEurope studies) in France ­ almost equivalent of theyearly domestic electricity production in terms of energy!The most common systems used for heating anddomestic hot water production in French buildings aregas and electric boilers with shares of 44 % and 33 %,respectively. The other sources of heat are oil (14 %) andwood (3 %) boilers and DH (6 %).More accurately, DH should not be considered a heatsource, but a technology for distributing heat. Its maincomponent is the network of insulated pipes connectingthe consumers and the sources of heat. It is especiallysuitable in urban environment with high populationdensity and heat demand. This is due to the economicfeasibility of the investment required for the distributionnetwork.In France, DH is not very common while the amount ofheat supplied is not insignificant; 24.6 TWh (2016).However, compared to Finland (33.6 TWh supplied in2016) where more than 90 % of buildings in all majorcities are connected to DH network, France is stilldeveloping its DH systems.

The share of renewable or excess heat sources in the totalDH supply in France increased from 7.9 TWh/a in 2009to 13.8 TWh/ain 2017. This leap can be partly attributedto the public DH support set up by the government in2009. The ‘Fond Chaleur’ offers a financial contribution ofabout 5 €/MWh to DH projects aiming to use more than50 % renewable or excess heat sources, provided that thelinear heat density exceeds 1.5 MWh/m. However,Ademe emphasizes that the number of subsidized DHprojects will have to more than double to achieve theFrench policy objectives. If the development trend of2009­2017 continues, renewable and excess DH deliveriesshould total 23 TWh/a in 2030, yet the national objectiveis 39 TWh/a.To summarise, DH remains basically the only option fordistributing large amounts of heat energy, i.e. what couldbe available by implementing nuclear co­generation.Industrial heat demand can also help in this, but wouldalso be reasonable to combine with a DH system. Done in

a smart way, developing a DH system also enablesutilisation of both renewable and excess sources of heat.

The theoretical potential of nuclear district heating can beimportant for France, and has been explored by Jasserand& Devezeaux of I­tésè. The ANCRE alliance haspublished a set of scenarios at the same time, where thecontribution of nuclear peaked to 22 TWh/a in 2050.Industrial heat load could increase this potential byadditional 45 TWh/a.

Flexible nuclear co­generation

At the heart of the concept (Figure 1) studied is a nuclearplant operating in co­generation mode with a connectionto a city­wide DH system. The difference to a normal co­generation unit found in the literature is that here thesteam generated can be used either to produce electricityor for heat production, and that there is a heat storagebetween the plant and the DH network.

Figure 1. Flexible nuclear co­generation concept.

The high pressure steam produced by the steamgeneration circuit of the reactor can be used either toproduce high temperature heat (HT heat) or electricity inhigh pressure turbine (HP). The low pressure steamexiting the HP can likewise be used for electricitygeneration in low pressure turbine (LP) or to producelow temperature heat (LT heat). A specific share of partlycondensed steam exiting the LT can be used to producemore LT heat. Separate storages are considered for HTheat and LT heat to take advantage of the smaller storagevolume enabled by high temperature heat supply,regardless of the storage technology used.This concept would enable more flexibility in terms ofpower production and heat output with more stablethermal output of the reactor itself. The integrated heatstorage can potentially improve the flexibilityperformance by handling small, hourly variations in bothheat and electricity demand.

Method and case study

In this study, we have used a mixed integer linearprogramming (MILP) model that optimizes the operationof all nuclear plants (NPPs) in France with some of theNPPs are converted into flexible nuclear plants

La lettre de l'I­tésé ­ Numéro 33­ Printemps 201824

Eclairages

(FlexNPPs) within the system. These NPPs and FlexNPPsare to satisfy a given domestic electricity demand and aheat demand specific to a certain location. The plantcapacities are based on actual site and unit specifications,although turbine characteristics and other more detailedtechnical data are approximated.

The electricity demand time series used is the residualdemand of the French electricity sector, based on RTEdata. Residual demand is the total demand excluding themust­run thermal plants (e.g. waste incineration), hydropower and a specified amount of solar and wind basedelectricity production; i.e. it is the amount of electricity leftfor the nuclear fleet to produce. The approach is the sameas in the work of Camille Cany.Three specific sites have been selected for FlexNPPs dueto their proximity to a large city and an existing DHsystem that could be expanded. The sites are Nogent­sur­Seine (Paris), Bugey (Lyon) and Graveline (Dunkirk).

Figure 2. Modelled system and its components.

The heat demand time series are based on a sample loadprofile corresponding a French building, scaled up tomatch a certain amount of consumption of DH in a year.

Preliiminary results

The model development is still on­going and the resultspresented are preliminary. They correspond to asimplified version of the model with NPPs and FlexNPPscombined into two effective plants. Also, the costs includeonly basic operational costs and e.g. shutdown andstartup costs are not included. Availability of plants andchanges in minimum output of the reactor during a fuelcycle are also not yet modelled.Table 1 presents the estimated DH demand for the threeselected locations. Both current heat demand and anestimated long­term situation as presented.

Table 1. Estimated district heating demand for the threeselected locations.

Based on the heat demands in Table 1 and the thermaloutput of the units within the corresponding sites,approximated peak load hours are illustrated in Figure 3.The lower limit of the variation corresponds to thethermal output in normal co­generation (full thermaloutput ­ electricity generation capacity) while the upperlimit is based on full thermal output of a unit. Futuresystem in Paris exceeds the heat output of a single unit,and almost that of the entire site (6 402 h). Value for DH inHelsinki (Finland) system is given as a reference.

Figure 3. Peak load hour variation for single units based onevaluated heat demand and full thermal or co­generation

output.

These results indicate that, with the given heat demand,the nuclear co­generation (flexible or not) would becurrently reasonable only for Paris with a single unitproviding the heat. With the estimated future demand,the full site in Paris and a single unit of the four unitswithin the Lyon site are feasible. The following exampleresults correspond to the future district heating demand.

Figure 4 illustrates the residual electricity demand used inthe study, the current residual demand and the totaldistrict heating demand of the three cities in the future.The current situation has wind and solar shares (in yearlyelectricity production) of approximately 3.4 % and 1.6 %,respectively, while the future demand corresponds to anelectricity mix with 10 % of both solar and wind power.

Figure 4. Residual electricity demand time seriescorresponding current situation and an assumed future

electricity mix.

Printemps 2010 ­ Numéro 10 ­ La lettre de l'I­téséPrintemps 2010 ­ Numéro 10 ­ La lettre de l'I­tésé 25xxxx 201x ­ Numéro xx ­ La lettre de l'I­téséPrintemps 2018 ­ Numéro 33­ La lettre de l'I­tésé 25

Eclairages

Figure 5 presents the electricity production of NPPs,FlexNPPs and additional back­up plants as yearly timeseries (left) and as monthly values (right). The effects ofadded VRE based electricity production are seen asfluctuations in residual electricity demand. The relativelylow share of FlexNPPs electricity production is here theconsequence of the number of nuclear plants involved inthis simulation. However, in terms of energy theproduction is not insignificant; 11.9 TWh of electricity and52.2 TWh (92 % of demand) of DH.

Figure 5. Electricity production by NPPs, FlexNPPs andrequired back­up plants as year­long time series (left) and

monthly values.

These amounts appear in more detail in the Figure 6,which illustrates the operation of the FlexNPPs as a shareof plant output as time series (left) and monthly values(right). The results include electricity produced by highpressure (HPTs) and low pressure (LPTs) turbines as wellas heat generated by high (HPS), low (LPS), andcondensed (COS) steam. Plants are used as heat sourcesduring the heating season, while the flexible operation isclearly seen during summer time.

Figure 6. Share of FlexNPPs output as time series andmonthly values.

Discussion and conclusions

1) Nuclear district heating (DH) is a promising solutionfor the future in decarbonizing France, even if a series ofobstacles is foreseeable. The potential is strongly linked tothe development of the DH systems themselves.

2) The article presents a new solution for the nuclearplants as a heat sources for DH, where the plants alsoplay a role of providing flexibility for a future electricitysystem with increasing shares of variable renewableenergies (VRE).

Looking at the studied concept from the electricity systempoint of view it is clear that the DH application andflexible nuclear co­generation is not the sole solution forthe flexibility requirements of the future energy system.This conclusion could also be made by simply comparingthe variations of residual electricity demand and theelectricity production capacity of the above mentionedsites located in the most favourable locations withsubstantial heat demand nearby.

However, when evaluating the concept from a unit or siteperspective it is performing as expected. During theheating season the FlexNPPs are producing only heat andutilising the heat storage option continuously, increasedthe utilisation rate of normal NPPs; FlexNPPs reducetheir power output, allowing the NPPs to operate onmore stable load. At the same time, FlexNPPs manage theDH supply and could potentially decrease the GHGemissions. During the summer time the power and heatoutput of the FlexNPPs are adjusted more frequently. TheFlexNPPs could run with 100 % utilisation rate aroundthe year from the DH demand point of view, supplying78 % of the heat load.

The capacity to store heat in main transmission lineconnecting the nuclear site and the city has not beenincluded in the analysis. This is an additional source ofvalue, which we intend to assess. The model will berefined further to a unit level representation of the systemfor more detailed results on e.g. unit specific utilisationrates. Availability time series with constraints for thereactor operation concerning minimum output will beincluded. The potential GHG savings will be estimated,and the provided flexibility will be quantified in terms ofenabled VRE based electricity production.

While the work is still on­going and the results arepreliminary, the concept seems promising and could playa part in the energy transition towards a zero carbonsociety.

26 La lettre de l'I­tésé ­ Numéro 33­ Printemps 2018

Brèves

Photovoltaica 2018

Maryème Kettani,DAS/I­tésé

Université d'Evry

L'objectif de l'International renewable energyexhibition & conference « Toward sustainable

development in Africa » qui s'est déroulé sur deux joursle 13 et 14 février derniers, était de favoriser les échangesd’information et débats autour des problématiquesportant sur les énergies renouvelables (Enr),particulièrement le photovoltaïque. Des professionnels etexperts nationaux (Masen, Masdar, Iresen…) etinternationaux (ACWA Power, INES, Enel, Adene…) dusecteur se sont réunis au sein de conférences thématiquesliées au photovoltaïque dans le monde et surtout enAfrique. La particularité de cette année : donner unedimension résolument africaine au congrès Photovoltaica.Désormais, ce dernier s’appellera PhotovoltAfrica et sedéroulera dorénavant chaque année dans une villeafricaine, hors du royaume.

Les conférences se sont déroulées sur deux jours : le 13 etle 14 Février. Le premier jour a eu pour objectifd’introduire les perspectives d’évolution duphotovoltaïque (PV) dans le monde et en Afrique. Lespanelistes présents provenaient de différents pays (Italie,France, Portugal, Arabie Saoudite, Sierra Léone…) etreprésentaient notamment des investisseurs en énergiesrenouvelables, ainsi que des producteurs ou exploitantsde centrales solaires. Le deuxième jour a quant à lui portésur les thématiques de financement des projetsrenouvelables (thème d’intervention de PhilippeMalbranche, INES) ainsi que des technologies destockage. Enfin, le troisième jour était dédié aux échangesavec les exposants. Philippe Malbranche a animé lors decette dernière journée, un atelier sur les formationsproposées par l’INES.

A l’issue de cette 3ème édition de Photovoltaica, nouspouvons retenir que le Maroc et l’Afrique représentent unintérêt remarquable pour les investisseurs Européens etde plus en plus, Asiatiques (Chine, Japon).

Ce qui les attire :­ Au Maroc : un pays engagé, stable et leader en matière

de développement des ENR ;­ En Afrique : des opportunités d’investissement et debusiness importantes.

Ce qui pourrait les freiner :­ Au Maroc : l’ouverture des marchés basse tension etmoyenne tension. Sur ce sujet, les autorités localespréfèrent prendre le temps d’anticiper la libéralisationprogressive et l’ouverture du marché afin de limiter lesrisques de perte de contrôle de façon brutale et nonmaitrisée. La mise en place d’une agence de la régulationélectrique (ANRE) permettra de définir des règles et descodes d’accès au réseau, des tarifs de revente del’excédent au réseau ;­ En Afrique : la fragilité des projets, les verrouspolitiques et parfois des visons de l’avenir des politiquesmanquant de clarté et de transparence.

Workshop "SciencesHumaines et Sociales &Mobilités"

Jean­Marc Agator,DAS/I­tésé

Le Club de l'Orme, qui réunit les acteurs en économieet prospective de l’énergie du plateau de Saclay,

animé par l'I.tésé, et la fédération de recherche en SciencesInformatiques, Humaines et Sociales (SIHS), qui regroupedes laboratoires de l'UVSQ, organisent un workshop surles SHS et les mobilités le 13 juin 2018 à l'Orme desMerisiers. Le workshop est organisé en coopération avecl'alliance ANCRE, l'IFPEN et l'IFSTTAR..Ce workshop SHS­Mobilités offre un cadre systémique deréflexion et de débat sur les problématiques sociétales desnouvelles mobilités, en suscitant des échanges fécondsentre les chercheurs de différentes disciplines des SHS etavec les chercheurs des Sciences pour l'ingénieur et desSciences du numérique, au sein de l'Université Paris­Saclay et au­delà. Le public visé comporte desreprésentants des pouvoirs publics, des collectivitéslocales, des entreprises, des chercheurs SHS, SPI etSciences du numérique, soit une centaine de personnes autotal.

27Printemps 2018 ­ Numéro 33­ La lettre de l'I­tésé

Brèves

La session introductive du programme présente les pointsde vue de grands acteurs des mobilités (professionnels,acteurs publics, entreprises…) concernant lesproblématiques de recherche en SHS sur les nouvellesmobilités. Trois problématiques sociétales sont ensuiteabordées dans trois sessions thématiques qui se placentdans une perspective de convergence entre les nouveauxusages de mobilité (plus collaboratifs) et l'offre demobilité propre et intelligente, dans un cadre territorial :

­ Quels nouveaux services pour quels nouveaux usagesde mobilité ?­ Une révolution de la mobilité via les nouvellestechnologies ?­ Quelle planification urbaine et quels aménagementspertinents dans les territoires périurbains et ruraux ?

Ces trois sessions thématiques mobilisent descompétences en économie, géographie, sociologie, droit,psychologie et technologie. Elles sont suivies d'unesession dite "intégrative" qui ajoute une perspectivetransitionnelle des nouvelles mobilités à un horizon 2030­2050. Cette session comporte une table ronde qui terminele programme, intitulée "La transition vers les nouvellesmobilités est­elle pilotable ?". La table ronde rassemblerades représentants des pouvoirs publics, des entreprises etdes chercheurs. Elle devrait générer des discussionsenrichissantes sur la capacité collective à comprendre lesbesoins de mobilité et les choix modaux des citoyens et àdéfinir des solutions de mobilité propre et intelligentesocialement acceptées, à l'échelle nationale ou locale.

La Task 38 de l’IEA H2à Tokyo

Christine MansillaDAS/I­tésé

La 4ème réunion plénière de la Task 38 sur le Power­to­Hydrogen Hydrogen­to­X s’est tenue à Tokyo le 26

février dernier, accueillie par Technova. Cette Task initiéepar Paul Lucchese vise à examiner les conditionstechnico­économiques et d’ordre réglementaire pour ledéploiement des filières PtX. Un objectif général estégalement d’augmenter la visibilité de l’hydrogène,notamment dans les scénarios énergétiques les plusreconnus.Cette réunion a été l’occasion de faire un bilan del’avancement des travaux de la Task qui compte plus de50 experts, et qui est coordonnée par Paul Lucchese et l’I­tésé, avec le soutien de Clean Horizon, grâce aufinancement de l’ADEME. Entre autres sujets, une revuedes démonstrateurs PtX à travers le monde estactuellement en cours et les premiers résultats (qui restentdonc à consolider) mettent en exergue les questionsréglementaires comme verrou potentiel avant ledéploiement commercial, alors qu’aucun point durtechnologique ne semble exister encore.

Le 27 février, un workshop a été organisé avec les acteursjaponais (NEDO, Panasonic, Kawasaki Heavy Industry,Toshiba Energy Systems). Rassemblant une trentaine departicipants, ce workshop a été l’occasion de discuter lesprojets en cours au Japon (par exemple un projet dePower­to­Gas de 6 MW, 900 tH2/an), ainsi que de récentstravaux réalisés par le Forschungszentrum Jülich GmbHsur le coût de déploiement d’une infrastructurehydrogène pour alimenter 20 millions de véhicules enAllemagne, ce coût apparaissant comparable avec celui àmettre en œuvre pour alimenter autant de véhiculesélectriques à batterie.

ICITM 2018 à Oxford

Robin Molinier,DAS/I­tésé

CentraleSupelec

L’International Conference on Industrial Technologyand Management 2018 ­ICITIM­ organisée par l’IEEE

(Institute of Electrical and Electronics Engineers) s’esttenue cette année du 7 au 9 mars à l'université d' Oxford.

Cette conférence offre une plateforme de discussionsentre chercheurs et ingénieurs œuvrant dans différentsdomaines des sciences et technologies industrielles. Lesthématiques cibles portant sur E­Business et E­Commerce,économie d’ingénierie et analyse des coûts, ingénierie dutraitement de l’information, fiabilité des systèmes etmaintenance. Les contributions peuvent apporter deséléments théoriques ou porter sur des applications.

I­tésé a contribué à cet évènement scientifique avec unarticle présenté par Robin Molinier, doctorant à I­tésé etCentraleSupélec (Laboratoire Génie Industriel) dont lestravaux de thèse portent sur l’analyse économique dessymbioses éco­industrielles via les transactions. Laprésentation a été réalisée dans la session 6 «Industrialproduction and machinery engineering».

28 La lettre de l'I­tésé ­ Numéro 33­ Printemps 2018

Brèves

L’article présenté porte sur les synergies de mutualisationd’infrastructures au sein des éco­parcs industriels (EPI).Les EPI sont des communautés d’acteurs industrielscoopérant en vue de réaliser des synergies dans unedémarche d’écologie industrielle (approche systémiqueinspirée des écosystèmes naturels). Deux voiesprincipales de mise en synergie coexistent : des synergiesde substitution (remplacement de l’usage de ressourcesvierges/primaires par des déchets ou de l’énergie fatale)et des synergies de mutualisation (intensification del’usage de capacités de production, de transfert ou detraitement). Ces dernières ont fait l’objet de laprésentation.

Deux contributions originales ont été présentées : unetypologie des divers types de synergies de mutualisationobservées dans les éco­parcs industriels existants dans lemonde et un modèle mathématique d’optimisation sousincertitude traitant des choix de capacités lors de laconstruction d’une infrastructure mutualisée. Le modèlevise à traiter la problématique d’acteurs initiaux d’un éco­parc industriel qui doivent choisir la capacité à installeren tenant compte, dès la phase de conception, despossibles nouveaux entrants pouvant se raccorderultérieurement. Cette possibilité génère de fait uneincertitude sur la surcapacité à installer.

Les résultats de ce modèle conduisent à identifier les jeuxde paramètres (facteur d’échelle, capacité initiale, coût duback­up) conduisant à une décision de surinvestissementinitial et ceux conduisant à ne pas surinvestir. Lessolutions optimales étant induites par l’utilisation ducritère de Laplace, des extensions de ce modèles vont fairel’objet d’autres contributions, en changeant le critère dechoix sous incertitude puis en permettant à plusieurs éco­parcs d’être en compétition afin d’étudier l’attractivitérelative issue des choix de capacité initiaux.

29x 201x ­ Numéro xx ­ La lettre de l'I­téséPrintemps 2018 ­ Numéro 33­ La lettre de l'I­tésé 29

Actualités scientifiquesVie de l'unité

Participation d’I­tésé à la 13ème rencontrenationale des réseaux de chaleur

Les 12 et 13 décembre 2017 ont eulieu les 13ème rencontre nationale

des réseaux de chaleur, auxquelles Martin Leurent,doctorant à l’I­Tésé, a participé. Ce fût l’occasion pour lesdifférents acteurs de la filière (opérateurs de réseaux,institutions publiques, bureaux d’études, communes,associations de défense des consommateurs) d’échangerensemble autour des enjeux politiques, économiques ettechniques entourant les réseaux de chaleur en France.Bien que la chaleur ait longtemps été en retrait dans lesdiscussions européennes et françaises sur les systèmesénergétiques, son rôle primordial dans la consommationénergétique européenne de long terme est aujourd’huireconnu clairement dans la directive européenne relativeà la promotion de l'utilisation de l'énergie produite àpartir de sources renouvelables (qui devrait être publiéefin 2018).

Cette directive souligne également le rôle des réseaux dechaleur comme vecteur d’intégration de sourcerenouvelables ou de récupération (eg. biomasse,géothermie, chaleur fatale industrielle) dans la productionde chaleur. Les mécanismes de soutien aux réseaux dechaleur sont donc encouragés et ont pris en France laforme d’un fond public (Fond Chaleur) pris en charge parl’ADEME. Celui­ci vise à financer une partie des projetsde création/extension de réseaux de chaleur «vertueux».

Lors de cette rencontre, organisée par AMORCE, diversesquestions ont été débattues comme par exemple lemontant à allouer au Fond Chaleur (213 millions d’eurospour 2018) afin d’atteindre l’objectif de triplement de lacapacité des réseaux visé par la dernière version de laPPE.

Publication des travaux de thèsed’Antoine Monnet dans la Revue del’Energie

Connaître les ressources d’uraniumnaturel est une question de

premier ordre pour le devenir del’énergie nucléaire, en termes decompétitivité, mais aussi de durabilité.Les réacteurs nucléaires à eau légère(REL) actuels bénéficient d’unavantage compétitif important face auxautres modes centralisés de production

d’électricité : leur combustible représente une faible partde leur coût global. À l’avenir, si les ressources d’uraniumse raréfient et que leur prix augmente fortement, cetavantage peut être perdu et remettre en cause lacompétitivité du nucléaire par rapport aux autres modescentralisés de production d’électricité ou encore parrapport à une technologie nucléaire plus sobre enuranium naturel.

L’étude des conditions de disponibilité de l’uranium auXXIe siècle a fait l’objet d’un travail de thèse à I­tésé et unesynthèse vient d’être publiée dans le numéro de reprise n°635 de La Revue de l'Energie de décembre 2017 sous letitre : "Ressources Mondiales D’uranium : QuelleDisponibilité À Long Terme ? ".

Soutenance à Paris­Dauphine de lathèse de Phuong Hoai Linh Doan

Le 07 décembre dernier, devant un jury composé deJ. Percebois (professeur de l’Université de

Montpellier) et de F.Lantz (Professeur IFP School)rapporteurs et de P. Geoffron & J.H. Keppler (ProfesseurUniversité Paris­Dauphine), L. Aparicio (chargé derecherche à l’ANDRA), N. Ladoux (Professeur UniversitéToulouse), J.P. Minon (Directeur Général ONDRAF) et JGDevezeaux de Lavergne (Directeur de l’I­tésé au CEA),Phuong Hoai Linh Doan a soutenu sa thése intitulée«Prise en compte économique du long terme dans leschoix énergétiques relatifs à la gestion des déchetsradioactifs». (Voir l'éclairage de cette même lettre).

La thèse a été brillamment présentée, avec un jury qui adébattu avec la candidate de façon fortement interactivesur un sujet ardu et complexe (la discussion aimpressionné l’auditoire par son niveau et Linh arépondu avec précision à toutes les questions).

Phuong Hoai Linh Doan a effectué un réel travailpionnier dans un domaine très peu visité par leséconomistes. Ce travail est le premier qui s’interroge defaçon organisée et ambitieuse sur la question del’échéancier du stockage profond. Il atteint l’essentiel dubut de la thésarde de «contribuer à fonder une économiedu stockage des déchets radioactifs».

La lettre de l'I­tésé ­ Numéro 33­ Printemps 201830

Actualités scientifiquesVie de l'unité

Les résultats obtenus sont importants pour éclairer laprise de décision publique à court terme. Ils sont rendupublics au moment où le gouvernement s’est engagédans l’élaboration de sa Programmation Pluriannuelle del’Energie. Ils précisent notamment que le stockage«rapide», décidé par la loi de 2006, tire une bonne part deson intérêt dans le synchronisme de son ouverture avec lapériode de (possible) renouvellement du parc nucléaire. Ildistingue 2 phases de ce stockage, avec une premièreétape de démonstration (phase pilote) et propose uneanalyse plus nuancée sur l’intérêt de lancer la phase destockage industriel « dans la foulée » de cette phasepilote. Il fournit des évaluations chiffrées précises de cesenjeux, assorties d’un traitement novateur desincertitudes.Le mémoire a été reconnu comme apte à concourir pourles prix de thèse de l’Université. Un dossier à cet effet aété déposé le 31 décembre dernier.

Finalisation de l’étude de cas d’éco­parc industriel sur le site NorskeskogGolbey

Une réunion de restitution s’est tenu le 12/12/2017sur le site industriel NorskeSkog Golbey.

L’objet de la journée était de fournir une présentation desrésultats d’une étude de cas menée par Robin Molinier(doctorant à I­tésé) dans le cadre de sa thèse encadrée parElisabeth Le Net.

Cette dernière rencontre finalise un travail d’analyse et demise en perspective du cas d’éco­parc industriel «GreenValley» dont Norske Skog Golbey est l’acteur industrielprincipal, mené depuis le début de la deuxième année dethèse. La présentation des résultats s’est faite devant unensemble de membres de l’équipe de l’entrepriseVosgienne notamment le directeur d’usine. Il est ressortide l’analyse de ce cas non encore traité dans la littératureen écologie industrielle que ce dernier confirmait lesobservations des auteurs sur les différents REX mondiauxnotamment la nature technologique des projets au longdu cycle de vie de cet éco­parc. Une spécificité observéeest une réflexion multipartite sur la valorisation d’unecapacité résiduelle de fourniture vapeur notamment sastructuration en termes de gouvernance, question àlaquelle le doctorant a apporté des éléments destructuration reçus positivement par l’équiped’industriels.

Cette étude de cas a permis d’enrichir les travauxthéoriques de thèse conduits par une validationempirique sur un cas riche d’éco­parc industriel dontl’étude constitue un incrément dans la littérature.

Le club de l'Orme

La réunion du club de l'Orme du 11 janvier dernier,animée par Jean­Guy Devezeaux, a permit d'aborder

et d'échanger entre autres sur :­ L’avancement de l’Economie de l’énergie à l’UPSaclay ;­ La stratégie de la MSH Paris­Saclay dans le domaine del’énergie ;­ L'initiative sur l'énergie à Paris­Saclay et bilan de lajournée SHS­PV d'avril 2017 avec une publication de labrochure MSH associée ;­ La préparation du workshop SHS­Mobilités de juin 2018

Un échange sur les ambitions et l’organisation del’économie de l’énergie dans l’UPSaclay s'est engagéentre les partenaires du club de l'Orme et des acteursmajeurs de l'Université Paris­Saclay représentés :AgroParisTech, CentraleSupélec, CIRED, EDF R&D, ENSParis­Saclay, IFPEN, MSH Paris­Saclay, UPSaclay,UPSud et le CEA.

Il était important que la communauté académique soitrassemblée pour partager les mêmes informations et endébattre, au moment où l'UPSaclay, dans sa nouvelleconfiguration, doit définir sa stratégie, notamment derecherche, de formation et d'innovation, d'ici la fin 2018,avec ou sans le financement de l'IDEX (évaluation encours). Il faut noter qu'au sein de l'UPSaclay, ledépartement SHS (environ 1000 permanents) est en coursde réorganisation pour un meilleur fonctionement cardans la nouvelle organisation institutionnelle (UPSaclay,NewUni), l'Economie de l'énergie à l'UPSaclay perd despartenaires importants en économie générale etappliquée (X, ENSAE, CREST…).Les membres du club de l'Orme ont insisté pour que lechoix de thématiques appliquées ne se fasse pas audétriment d'un fort corpus disciplinaire en économiegénérale. L'économétrie et la finance sont en particulierdeux disciplines jugées essentielles.

Assemblée Générale et colloqueANCRE

L'Assemblée Générale et colloque ANCRE«Implications pour la recherche du plan climat.

Focus sur le stockage massif de l’énergie» s'est tenue à laMaison de la Chimie, à Paris, le 07 février dernier.

Printemps 2018 ­ Numéro 33­ La lettre de l'I­tésé 31

Actualités scientifiquesVie de l'unité

Après un rappel des actions ANCRE par son président C.Gégout, le colloque a eu pour objectifs de rappeler lesenjeux liés à l’atteinte de la neutralité carbone à l’horizon2050, tant du point de vue des perspectives de marchésindustriels au niveau mondial et des opportunités pour lesacteurs nationaux, que des besoins associés en recherche,développement, démonstration, innovation et formation.Les débats se sont déroulés sous la forme de 2 tablesrondes.

Les idées maitresses des échanges ont été les suivantes : lebesoin d’accélérer la transition, la perte de vitesse destechnologies françaises, les questions de l’efficacité de larecherche. Le sujet de l’articulation entre la recherchepublique et la recherche privée a aussi été posée.

Cette journée a débuté par un point presse le matin et s'estpoursuivie l'après­midi par les interventions de J.Ph.Bourgoin, du Ministère de l'Enseignement Supérieur, de laRecherche et de l'Innovation, puis celles de D. Houssin(président de l'IFPEN), M.N. Sémaria (directrice R&D deTotal), Th. Lepercq (Directeur général adjoint d'ENGIE), A.Petit (président du CNRS), P. Toulhoat (directeur généraldélégué du BRGM), E. Brière (EDF R&D), H. Charrue(CSTB), N. Bardi (président de Sylfen) et F. Lambert (Chefdu CEA/DRT/Liten).

La Direction des Analyses Stratégiques du CEA (quicomprend l'I­tésé, directement mobilisé) en a assurél'organisation.

A