La Grande Guerre
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La Grande GuerreQuatre ans d’aberrations dont on ne s’est toujours pas remis…
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Le passé éclaire le présent mars 2014 - N° 807www.historia.fr
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Jean-Yves Le NaourSes travaux consacrés à la « der des ders » ont apporté un regard neuf sur ce conflit. Pour ce dossier, il s’est penché sur le quotidien des tranchées.
Frédéric GueltonCet ancien du Service historique de la défense a analysé les images d’Apocalypse. Et signe l’article sur la mobilisation de l’industrie française.
Rémi KaufferIl nous livre son avis d’historien sur le film Monuments Men. Dans ce numéro, il revient également sur un tour-nant de 14-18 à l’Est : l’année 1917.
Bertrand Van RuymbekeL’Amérique : terrain connu pour ce profes-seur de Paris VIII, qui nous éclaire sur le rôle décisif des États-Unis dans la Grande Guerre.
Gerd Krumeich1918 : la paix. Et après ? Pour évoquer les len-demains de l’armistice et sortir d’une vision franco-française, nous avons donné la parole à cet historien allemand.
Michel CarmonaBiographe de Marie de Médicis, Richelieu, Eiffel – dont la « tour de 300 mètres » fut inaugurée le 31 mars 1889 : le sujet et l’objet de « Ce jour-là ».
Jacques DucoinFlibustiers, pirates et autres loups de mer, il en fait son affaire. À lire dans nos colonnes, le portrait d’un marin pas comme les autres : Bertrand d’Ogeron.
Véronique DumasJournaliste, colla-boratrice régulière de notre magazine, elle relate ce mois-ci les grandes heures de la ville rhônalpine : Saint-Étienne.
6 ActualitésAux commencements de l’hôtel de ville
10 À l’afficheCinéma (Monuments Men), DVD, expos, théâtre…
22 L’art de l’HistoireGustave Doré, le lyrique tourmenté
58 ce jour-là31 mars 1889 : l’inauguration de la tour Eiffel
64 PortraitBertrand d’Ogeron, le pionnier d’Haïtiofficier de marine de Louis XiV puis gouverneur aux Caraïbes.
70 Les hauts lieux de la préhistoireLa grotte Cosquer
72 L’inédit du moisLe sceau d’Isabeau de Bavière, reine de France
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74 L’air du tempsNathalie
76 Pas si bête !« Le Tigre », animal politique !
78 À tableLe haricot de mouton du Valois
80 Spécial villeSaint-Étienne : comment elle a si bien forgé son histoireAu-delà des Verts et de leur Chaudron, un tout autre regard sur la cité de Geoffroy Guichard.
93 Idée reçueLouis XV le Bien-Aimé porte bien son nom
95 Un illustre inconnuAverroès
97 Un mot, une expressionÀ brûle-pourpoint
99 Mots croisés
100 Livres
106 Les couacs de l’HistoireLa bataille des Cardinaux
DossierLa Grande GuerreHistoria a vu en avant-première Apocalypse (que diffuse France 2 ce mois-ci), le documentaire évé-nement qui a nourri notre éclairage :
// 28 Quatre ans au fond d’un trou !
// 34 Produire plus pour tuer plus
// 42 À l’Est, du nouveau
// 44 À l’Ouest, la drôle de guerre des Américains
// 50 La paix, mais à quel prix ?
// 54 Dans les coulisses du documentaire
À nOS AbOnnéS En PréLèVEMEnt
Dans le cadre des nouvelles nor-mes européennes bancaires SEPA, le « Mandat de prélèvement SEPA » remplace l’ancienne « Autorisation
de prélèvement Automatique ». Ce mandat est caractérisé par un
numéro appelé « Référence unique de mandat » (RUM). Si vous le sou-haitez, vous pouvez vous procurer
ce numéro en contactant notre service Abonnements.
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l’art de l’histoire
« Je pense […] que Gustave n’est pas un artiste ordi-naire, un simple amateur, mais
qu’il a en lui l’étoffe d’un grand artiste, comme des-sinateur et comme peintre ; non seulement il y a […] du dessin dans ses moindres caricatures, mais il est doué d’une imagination énorme et surabondante, et je crois fermement qu’une organisation comme la sienne est rare et phénomé-nale […]. » Telle est l’opi-nion flatteuse que Pierre Philippe Doré porte sur son fils Gustave en 1848 : à 16 ans, il vient d’entrer au Salon des beaux-arts avec deux dessins à la plume. Le début d’une carrière pleine de succès et à la pro-duction immense : dessins comiques, illustrations fantasques, aquarelles flamboyantes, lavis vir-tuoses, peintures imposan-tes, sculptures baroques monumentales… En 1862, un critique le décrit ainsi : « Il crée des forêts impossi-bles, des arbres antédilu-viens, des hommes inouïs,
des palais fantastiques, mais il a l’art de donner à toutes ces inventions étranges la couleur, le mouvement et la vie. »Ce surdoué va se mesurer aux plus grands textes : la Bible, L’Enfer de Dante, Don Quichotte, les contes de Perrault, mais aussi Rabelais, Shakespeare, Hugo, Balzac, Poe… Doré n’a jamais pris de cours de dessin. À 12 ans, il publie ses premières lithogra-phies. L’éditeur Charles Philipon, grand patron de la presse illustrée, repère ce phénomène et lui signe un contrat d’exclusivité de trois ans pour sa collabora-tion au Journal pour rire, dont Nadar est le rédac-teur. Par eux, Doré fait la connaissance du milieu artistique et mondain pari-sien et noue d’excellentes relations avec Théophile Gautier, qui écrit : « Ce gar-çon de 20 ans sera le plus grand peintre de l’époque, s’il ne l’est pas déjà. »Il n’en faut pas plus pour lancer le jeune impé-tueux, égocentrique et orgueilleux, qui amuse
la galerie et en irrite cer-tains. Il aime créer des mondes imaginaires, des rêves éveillés. Il aborde aussi des sujets d’actua-lité. Ainsi réalise-t-il, en 1871, trois peintures sur la guerre de Prusse : L’Énigme (ci- contre), L’Aigle noir de Prusse et La Défense de Paris. Pour ce Strasbourgeois, la défaite de la France en 1870, avec la perte de l’Al-sace et de la Loraine, est une source d’affliction. Mais son premier fait d’ar-mes, en 1853, aura été de commenter les péripéties de la guerre de Crimée dans les premiers numéros du Musée français-anglais, mensuel offert à tous les abonnés du Journal pour rire. Publié des deux côtés de la Manche, ce supplé-ment cimente l’alliance née de la guerre. Doré s’attache à décrire le pitto-resque des troupes (cuiras-siers, zouaves et chasseurs d’Afrique), en insistant sur les épisodes héroïques des alliés. Il relate les succès des Français (La Bataille de l’Alma, attaque de la
colonne du général Bos-quet). Au moment où s’en-gagent les pourparlers de paix avec la Russie, son Histoire de la Sainte Russie, écrite dix ans auparavant, est interdite à la vente, et les derniers exemplaires envoyés au pilon – Doré y dépeignait un pays de sauvages et d’ignares, d’in-cultes et de tueurs semant la terreur !En 1857, il revient sur la guerre de Crimée avec La Bataille d’Inkermann, une toile que l’État acquiert – premier vrai signe de reconnaissance pour son auteur. Car, au fond de lui, Doré vit un drame, celui d’être tou-jours renvoyé à ses chères lithographies : « C’est à cause de ces illustrations qu’on lui contestait le droit d’aborder le grand art his-torique dans ses grandes dimensions, s’il avait à recommencer sa vie, il ne ferait pas un dessin », écrit le critique d’art Albert Wolf. Mais l’artiste aurait-il alors connu la même magnifique postérité ? LÉlisabeth Couturier
Cet artiste précoce et prolifique s’est fait un nom grâce à ses illustrations des grands classiques de la littérature. On lui attribue plus de 10 000 œuvres. Le musée d’Orsay en met en lumière une centaine (peintures, dessins, sculptures, gravures…), jusqu’au 11 mai 2014. Éclairant !
Gustave DoréLe lyrique tourmenté
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« L’ÉNIGME » (1871). Huile sur toile, 130 x 195,5 cm. • Paris, musée d’Orsay.
1 Le sphinx. En haut d’une colline se détache ce monstre
mythique à corps de lion et à tête humaine. S’accroche à lui une femme ailée qui semble l’implorer. Plein de compassion, il renvoie à la figure de son congénère égyptien, sage gardien du monde.
2 Les fumées d’incendie. Au loin,
elles s’élèvent d’un Paris embrasé par les canons ennemis et se confondent avec les nuages d’un ciel lourd, orageux, plombé. Aucune lueur d’espoir.
3 une vision apocaLyptique.
Doré revient aux visions apocalyptiques de ses illustrations pour L’Enfer de Dante (1861). Plus que la défaite, il souhaite sans doute signifier la fin d’un monde : la colline est jonchée de corps. Il se serait inspiré de deux vers de Victor Hugo : « Ô spectacle ! Ainsi meurt ce que les peuples font ! Qu’un tel passé pour l’âme est un gouffre profond ! »
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dossier
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orage d’acier Tuer ou être tué : voilà à quoi se réduit l’horizon pour les soldats de ce conflit qui ravage les âmes et les paysages.
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73 millions d’hommes mobilisés, 9,5 millions
de morts et de disparus, 21 millions de blessés,
d’estropiés, de défigurés – dans tous les pays
engagés, des veuves, des orphelins, des vies bri-
sées… La guerre est totale ; elle entraîne dans
sa spirale infernale les forces vives des nations,
soumet les industries à son diktat. Chaque an-
née, les principaux belligérants engloutissent
dans ce maelström de désolation la totalité de
leur PIB de 1913 – un véritable suicide.
En 2008 s’éteignit M. Ponticelli, le dernier
poilu de la guerre. Jeté dans cet enfer à 18 ans, il
s’était promis d’honorer la mémoire de ses frères
d’armes plus malchanceux que lui. Il se prénom-
mait Lazare, comme le personnage de la Bible
revenu du royaume des morts… X. D.
La série documentaire Apocalypse la 1ère Guerre mondiale, est diffusée par France 2, TV5 Québec Canada, RTBF et Planète, et produite par CC & C, Ideacom International et l’ECPAD.
Une sériedocumentaire
exceptionnelle sur
Quatre ans d’aberrations dont on ne s’est
toujours pas remis…
La Grande Guerre
les hauts lieux de la préhistoire en partenariat
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trésor caché. On découvre (en médaillon) la calanque sous laquelle se situe la caverne. Cette dernière recèle des espèces courantes dans les représenta-tions pariétales, mais aussi une faune rarement dessinée, comme ces pingouins Pinguinus impennis, qui peuplaient les rivages steppiques de la région.
pingouins, phoques et magieCe n’est pas un cheval, un aurochs ou un bouquetin que dessine cet homme : c’est un pingouin ! Un habi-tant du littoral tout proche, comme les phoques, qui inspirent d’autres artistes de son clan – des graveurs, ceux-là –, ou comme les poissons, également es-quissés. Fusain de charbon de bois à la main, il s’effor-ce de représenter l’oiseau, ailes écartées, bien en face de celui qu’il a déjà peint quelque temps auparavant. Mais l’éclairage est faible – pour lui, une plaquette de calcite hâtivement trans-formée en lampe à graisse ; pour les autres, quelques torches – et le dessin, du coup, se révèle sommaire…Constellant les parois de toute une moitié de la grotte, des empreintes de mains sont l’œuvre de mys-térieux prédécesseurs, qui ont appliqué sur la roche leur paume aux doigts par-fois repliés, avant d’y souf-fler un jet de colorant – rou-ge, à base d’argile, ou noir, au charbon de bois –, impri-mant en négatif ces mains faussement amputées de quelques phalanges. Alors, pour contrer l’archaïque et mystérieuse magie qui
– sans doute –, s’en dégage, on cherche à les effacer, on les raye, on les gratte… Elles inspirent cependant un enfant qui marque lui aussi l’empreinte de sa main dans le calcaire ten-dre, en hauteur. Mais il est temps de rentrer. Certains s’attardent à casser un pe-tit morceau de stalagmite ou à récupérer sur le sol la poudre calcaire issue de la paroi qu’ils ont raclée – pré-cieux ingrédients pour la magie ou une « lithothéra-pie ». Puis tous s’éloignent, dans un paysage steppique, apercevant au loin la mer sans se douter que, près de vingt mille ans plus tard, elle aura submergé la grot-te aux œuvres rupestres…
la mer protège encore le siteC’est en effet un scaphan-drier professionnel, Henri Cosquer, qui découvre en 1985, à 37 m de profondeur, l’entrée de cette grotte méditerranéenne qui porte désormais son nom. Située dans les calanques proches de Marseille et en partie submergée, la grotte Cosquer n’est accessible que par un tunnel de 175 m s’ouvrant sous la mer. Déclarée aux autorités en 1991, elle est étudiée par le
préhistorien et plongeur Jean Courtin et par le spé-cialiste reconnu de l’art rupestre Jean Clottes, lequel a dû passer son di-plôme de plongeur.L’étude des œuvres, de leur chevauchement et leur datation au radiocar-bone témoignent de deux périodes distinctes de fré-quentation préhistorique – jamais d’occupation du-rable, comme l’indiquent la rareté et la petitesse des foyers, l’absence de restes
alimentaires ou de traces d’un artisanat lithique réalisé sur place. La cavité, située, durant le Paléolithi-que, à plusieurs kilomètres à l’intérieur des terres, est donc exclusivement un lieu artistique et peut-être même de « culte ».De la première période, au Gravettien (il y a 27 000 ans), datent les nombreux tracés digitaux : « Partout où la surface était suffi-samment molle, ils y ont laissé traîner leurs mains,
la grotte cosquer
Cette grotte en partie immergée, proche de Marseille, abrite des représentations d’animaux marins datées de 19 000 ans avant J.-C.
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Cosquer redécouvert, de Jean Clottes, Jean Courtin et Luc Vanrell (Seuil, 2005) pour faire connaître l’ensemble des figures de la cavité y compris les mains négatives, les signes et les représentations animales. Le livre offre de nouvelles photographies réalisées lors des dernières explorations de la grotte. Un ouvrage de référence. En savoir plus sur http://www.hominides.com/html/references/cosquer-redecouvert.php
Le ministère de la Culture a réalisé un site Internet pour présenter le résultat des fouilles sous-marines. Une partie est consacrée à la grotte Cosquer, avec un plan reprenant quelques éléments importants de la cavité. On est très loin des illustrations en 3D mais en quelques clics vous accédez aux plus exceptionnelles représentations. En savoir plus sur http://www.culture.gouv.fr/fr/archeosm/fr/index.html
Il n’y a presque pas de vidéos disponibles de la grotte de Cosquer. Toutefois il existe un film de quelques minutes retraçant la découverte présentée par son inventeur, Henri Cosquer. Ces quelques images nous « plongent » dans l’univers de ces entrailles abyssales inaccessibles au public. En savoir plus sur http://fannyprod.com/magazines/le-secret-de-le [sic]-grotte-cosquer
trésor caché. On découvre (en médaillon) la calanque sous laquelle se situe la caverne. Cette dernière recèle des espèces courantes dans les représenta-tions pariétales, mais aussi une faune rarement dessinée, comme ces pingouins Pinguinus impennis, qui peuplaient les rivages steppiques de la région.
dessinant des quantités de traits parallèles, sans qu’on puisse y distinguer de figures construites », constatent Jean Clottes et ses collaborateurs. Mais aussi et surtout les mains négatives (44 noires et 21 rouges), toutes situés dans la partie est de la grotte, et dont les phalanges man-quantes sont interprétées comme des signes symbo-liques plutôt que comme des mutilations (pathologi-ques ou sacrificielles).
un réseau de lieux de culte ?Lors de la deuxième phase de fréquentation, il y a 19 000 ans (au Solutréen), « les visiteurs […] ont vrai-semblablement perçu les mains négatives comme le témoignage d’une magie ancienne et dangereuse, car un bon nombre ont été détruites […] ou marquées par la surcharge de points ou de traits peints, ou de traits multiples rageuse-
ment gravés et destinés à les oblitérer », avancent les scientifiques. De cette époque datent la plupart des gravures et peintures animales : soixante-trois chevaux, vingt-huit bou-quetins, une quinzaine de cerfs et à peu près autant de bovidés sauvages, des chamois, un félin, une an-tilope, mais aussi – détail remarquable car rare dans l’art paléolithique – neuf phoques, quatre poissons et trois pingouins (d’une espèce exterminée au XIXe siècle), ainsi que ce qui ressemble à des poul-pes ou à des méduses. Les représentations humaines se limitent à un « homme blessé » à tête de phoque et à des vulves et des phallus symbolisés. S’y ajoutent plus de deux cents signes géométriques, dont l’un, retrouvé également dans des grottes du Lot et de Charente de la même épo-que, constitue, selon les chercheurs, « la preuve de contacts à longue distance et d’influences récipro-ques dans le domaine sym-bolique et religieux ». Les préhistoriens ont retrouvé de menus objets – torches, silex taillés… – et des in-dices de prélèvement de matériau minéral connu pour ses effets thérapeuti-ques. « Il se peut que, dans la grotte Cosquer, […] nous ayons les premiers exem-ples concrets d’utilisation de médicaments spéci-fiques dans l’histoire du monde », concluent-ils.Déclaré monument histo-rique, le site ne se visite pas et son entrée est obturée. Mais un film, Le Secret de la grotte Cosquer, permet au public de la découvrir, ainsi qu’une représenta-tion en images de synthèse en 3D réalisée en 1994. LFrédéric Belnet, journaliste scientifique
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À lire
en ligne
À voir
les couacs de l’histoire Par Joëlle Chevé
106 historia mars 2014
L’amiral de Conflans privilégie la prudence. Son adversaire anglais, lui, a pris pour devise : « Là où il y a l’ennemi, il y a place aussi pour moi ! »
l’incompétence du ministre de la Marine et ancien lieutenant de police, Nicolas Berryer ; le manque de com-bativité de Conflans, qui fuit l’ennemi pour gagner la baie de Quiberon, divise ses forces en filant plus vite que le reste de sa flotte et, pour finir, le 22 novembre, incendie du Soleil Royal sans avoir combattu ; l’indis-cipline du chef d’escadre, Joseph de Beauffremont, qui quitte la bataille pour se réfugier à Rochefort, bientôt suivi de sept autres navires. Tous se justifieront par la suite en prétendant que la tempête ne leur a pas permis de distinguer les pavillons du navire amiral par lesquels étaient transmis les ordres. Tous seront mis en cause, puis relégués dans le mépris général. Cependant Choiseul, conscient que la prudence, érigée en principe stra-tégique, a été la cause principale de la défaite, songe déjà à une nouvelle marine et à de nouveaux marins… à l’image de l’amiral Hawke. Pour ce dernier aussi la visibilité était mau-vaise, la mer houleuse, et les récifs dangereux, et il ne disposait que d’un faible avantage numérique sur la flotte française. Mais dans ces mêmes conditions, celui que les Anglais considèrent comme le précurseur de Nelson a pris la mesure des erreurs de l’ennemi et aligné aussitôt ses vais-seaux. À l’amiral de Conflans écri-vant à son ministre : « Si malgré ma prudence, nonobstant toutes nos pré-cautions, je suis attaqué par les forces ennemies, je combattrai avec toute la gloire possible, mais c’est ce que je chercherai à éviter », Hawke répond : « Là où il y a place pour l’ennemi, il y a place aussi pour moi ! » L
En ce 20 novembre 1759, entre Belle-Île et l’île Dumet, l’arrière-garde de la flotte fran-çaise de l’amiral de Conflans est prise à partie par la flotte
anglaise de l’amiral Hawke. Le Thésée, navire de 74 canons, s’ap-prête à secourir Le Soleil Royal. Un grain violent le contraint à virer de bord, quand, brusquement, sous les yeux effarés des marins anglais et français, il coule à pic. Son capi-taine, Guy François de Kersaint de Coëtnempren, qui comptait près de quarante ans de service dans la Royale, a omis d’ordonner, avant cette manœuvre délicate en cas de vent fort, la fermeture des sabords de sa batterie basse. Une erreur qui envoie par le fond plus de 600 hommes, dont le capitaine et ses deux fils !En 1781, un auteur insinue que le pilote avait averti Kersaint de son oubli mais que, par orgueil, il n’en tint pas compte… Il est plus probable
que la brutalité du coup de vent ne lui a pas permis de réagir à temps. Quoi qu’il en soit, la perte du Thésée – dont l’épave a été repérée récem-ment au large du Croisic –, et plus généralement la bataille des Cardi-naux – du nom d’un récif de rochers au large duquel elle s’est déroulée –, symbolise l’infériorité navale de la France au cours de la guerre de Sept Ans (1756-1763). Cette journée noire pour la Royale (six vaisseaux perdus) marque la suprématie de la marine anglaise et entraînera la perte des colonies et l’abandon du Canada.Ce désastre fut le résultat d’une série de couacs plus graves que l’« étour-derie » de Kersaint, parmi lesquels :
La guerre de Sept Ans offre à la Royal Navy l’une de ses plus grandes victoires, remportée sur une marine française bien frileuse…
La bataille des Cardinaux