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Business School
W O R K I N G P A P E R S E R I E S
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Working Paper
2014-385
La Fondation d'entreprise outil de la
politique de mécénat ou de la politique
RSE ?
Isabelle Petit
http://www.ipag.fr/fr/accueil/la-recherche/publications-WP.html
IPAG Business School
184, Boulevard Saint-Germain
75006 Paris
France
IP 1
La Fondation d'entreprise outil de la politique de mécénat
ou de la politique RSE ?
Isabelle Petit
Professeur IPAG
4, Bd Carabacel – 06000 Nice
04 93 13 39 24
Les Fondations d'entreprise relèvent-elles de la politique RSE? Les 2 lois qui ont transformé
les pratiques des entreprises françaises sur ces questions sont concomitantes. La fondation
d’entreprise est un dispositif de mécénat qui s’inscrit dans la politique de communication,
aujourd’hui les praticiens du mécénat remarquent qu’elle rejoint la RSE. Les deux démarches
sont différentes mais présentent aussi des points communs. Dans la construction actuelle des
concepts relevant de la RSE et de leur appropriation par les entreprises françaises, comment
articulent-elles ces questions?
L’étude des rapports annuels et des sites Internet des entreprises du CAC 40 montre que
effectivement les fondations d'entreprise deviennent un des principaux dispositifs pour
démontrer l’implication des entreprises à l’égard de la société civile.
Mots clés :
Fondation d’entreprise – mécénat – Responsabilité Sociale de l’Entreprise – Développement
durable
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Les Fondations d'entreprise relèvent-elles de la Responsabilité Sociale des Entreprises ? Les
deux lois qui ont transformé les pratiques des entreprises françaises sur ces questions se sont
succédées à peu d'intervalle : la loi Aillagon, proposant des mesures incitatives pour
encourager la création de fondations d’entreprise date de 2003, deux années seulement après
la loi NRE du 15 mai 2001, encore moins après son décret d'application de 2002. Leur
développement est donc concomitant.
La fondation d’entreprise est un dispositif de mécénat, elle s’inscrit par conséquent dans la
politique de communication de l’entreprise, elle est au service d'une politique d'image. La
politique RSE correspond, au niveau de l’entreprise, au mouvement du développement
durable au niveau macro-économique et macro-social (Capron, 07). Ce concept, diffusé à
partir de 1987 par le rapport Brundtland rappelle qu’il faut tenir compte des 3 dimensions des
activités humaines : économique, mais aussi écologique et sociale. La mise en œuvre par les
dirigeants des principes du développement durable au niveau de l’entreprise est la RSE. Elle
peut être envisagée comme le concept managérial du développement durable (Steurer et al,
2005). Aujourd’hui, les deux démarches se rejoignent si bien que des spécialistes du mécénat
remarquent qu’il s’inscrit désormais dans la politique de développement durable de
l’entreprise (Seghers, 08 ; Observatoire de la Fondation de France). Tous deux sont le
témoignage de nouvelles relations de l’entreprise avec son environnement, pour éclairer ces
questions les théories néo-institutionnelles nous fournissent des outils pertinents.
Dans la construction actuelle des concepts relevant de la RSE et de leur appropriation par les
entreprises françaises, comment articulent-elles ces questions? Pour examiner l'état de la
situation française, nous avons choisi d'étudier comment les entreprises du CAC 40 traitent les
fondations d'entreprise dans deux outils de communication groupe : leur site Internet et leur
rapport annuel. Quasiment tous les membres du CAC 40 ont une fondation, mais pour eux,
celle-ci fait-elle partie de leur politique RSE? Notre enquête nous permettra de faire un point
sur la situation des grandes entreprises françaises et de voir si la fondation est désormais
présentée comme un outil au service de la politique RSE.
1 La fondation d’entreprise à la frontière des démarches de mécénat et de RSE
Après avoir développé les caractéristiques de la fondation d’entreprise comme outil de
mécénat nous verrons en quoi elle se distingue de la démarche RSE avant d’étudier les points
de convergences.
1.1 La Fondation d’entreprise outil de mécénat
La fondation d’entreprise relève en France du cadre juridique et fiscal du mécénat, il nous faut
tout d’abord bien rappeler les caractéristiques de ce dispositif. Le mécénat d’entreprise
longtemps en retrait en France connaît actuellement un développement important. La tradition
antique du mécénat dont les modèles remontent à notre culture gréco-romaine, est restée
longtemps l’apanage de personne physique. Cette caractéristique s’est prolongée avec le rôle
déterminant joué par le président ou un cadre dirigeant dans les décisions d’investissement en
mécénat. C’est assez récemment que l’entreprise, personne morale, a pu devenir mécène (loi
1987), mais il faut attendre la loi Aillagon pour avoir un développement tout à fait
remarquable de ce dispositif. Il correspond à une nouvelle donne clairement exprimée dans les
déclarations de Raffarin qui annonce "L'état n'a plus le monopole de l'intérêt général"
(Raffarin, 2003). Cette politique va se manifester avec cette loi, dite Aillagon d'août 2003, qui
autorise une défiscalisation de 60 % des sommes investies en mécénat de l'impôt sur les
sociétés, dans la limite de 0,5% du chiffre d’affaires, et pose aussi les conditions des
fondations d’entreprise. Le mécénat se définit par "le soutien matériel apporté sans contrepartie directe de la part du
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bénéficiaire à une oeuvre ou a une personne pour l'exercice d'activités présentant un intérêt
général " (arrêté du 6/01/89). Ce soutien peut prendre des formes variées : en dehors du don
financier, il peut être un apport en nature en mettant à disposition du matériel, des services,
des conseils. Cette combinaison originale d’apport de fonds comme de compétence, fait du
mécénat un outil souple permettant des initiatives très variées. La valorisation du don est bien
précisée par l’administration fiscale : la valeur du bien en stock, prix de revient de la
prestation offerte, charge du salaire de l’employé mis au service…
La loi pose en revanche une condition forte qui est l’absence de contrepartie. Le mécénat
relève de la tradition du don, l’entreprise doit faire un geste désintéressé. Cette contrepartie
est donc strictement encadrée : les retombées ne doivent pas excéder 25% du don.
L’appréciation de la contrepartie peut être l’objet de discussion, si les impôts la valorisent
davantage, l’investissement devient une charge si toutefois il est montré qu’il a été engagé
dans l’intérêt de l’exploitation. C’est ce qui le distingue du parrainage qui se définit en
revanche par « soutien matériel apporté à une manifestation, à une personne, à un produit, ou
à une organisation en vue d’en retirer un bénéfice direct » (arrêté du 6/01/89). Le mécénat est
souvent assimilé à cet outil de la communication hors média qu’est le parrainage ou
sponsoring (Walliser, 2006). Ce dernier appartient aux outils du marketing et par conséquent
est traité comme un achat commercial soumis à TVA et relevant des charges de l’entreprise.
Enfin la loi précise que les activités qui peuvent être soutenues doivent être « d’intérêt
général ». Il s’agit donc d’activités à caractère philanthropique, éducatif, scientifique,
humanitaire, sportif, culturel, de mise en valeur du patrimoine, de défense de l’environnement
naturel, de diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques.
L’administration fiscale habilite les organismes susceptibles de recevoir des dons. La loi en outre, propose un dispositif particulier pour encadrer ce mécénat avec la Fondation :
« l’acte par lequel une ou plusieurs personnes physiques ou morales décident de l’affectation
irrévocable de biens, droits ou ressources à la réalisation d’une oeuvre d’intérêt général et à
but non lucratif » (loi 1987). Elle est considérée comme la forme la plus aboutie du mécénat
par les spécialistes de ce domaine comme Marianne Eshet, Déléguée Générale d’Admical
(Seghers, 2007, p.146). La Fondation d’entreprise tout particulièrement témoigne de ce
nouvel état d’esprit, dans lequel l’entreprise intervient dans des domaines d’intérêts généraux
bien loin de son objet. La loi prévoit 2 statuts principaux, et un intermédiaire. Les fondations
reconnues d’utilité publique, les fondations d’entreprise, les fondations sous égide qui
correspondent à des fondations d’entreprise, mais gérées par une fondation reconnue d’utilité
publique, le plus souvent la Fondation de France. L’entreprise a le choix soit de créer sa
fondation d’entreprise, soit de créer une fondation abritée qui est un compte plus souple à
gérer. Cette nouvelle structure juridique est créée par un arrêté du préfet du département de
rattachement du siège de l’entreprise, comme une association. Elle n’est plus soumise à
autorisation ministériel comme auparavant. Le fondateur doit s’engager pour une période de
cinq ans renouvelable et un minimum global d’environ 152 500 euros. Là aussi le statut est
plus souple que précédemment la dotation n’est pas initiale, elle s’échelonne dans la durée.
Ce nouveau cadre a paru opportun puisque les fondations d’entreprise se sont multipliées ces
dernières années. Elles étaient 67 en 2001, 177 en 2007 (+3 en 2003, 17 en 2004, 21 en 2005,
33 en 2006 et 37 en 2007) (FDF, 2008). Les entreprises sont devenues les fondateurs les plus
nombreux dans les créations récentes de fondation, ainsi si elles représentaient un fondateur
sur trois en 2001, elles représentent plus d’un sur deux en 2005 et 2006, et portent 50 projets
de fondations en 2007 (FDF, 2008). On peut remarquer que ce mouvement est assez général
en Europe, la transformation du cadre juridique et fiscal français a permis de rattraper un
certain retard mais dans d’autres pays, les fondations d’entreprise connaissent le même essor
comme en Allemagne (Einwiller, Westhues, 2006).
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Nous avons donc avec la fondation un outil permettant un affichage clair de la politique de
mécénat, tout en structurant son fonctionnement. Ce développement récent dans les
entreprises nous offre un phénomène qu’il est intéressant de rapprocher d’un autre
mouvement celui du développement des politiques de Responsabilité Sociale de l’Entreprise.
1.2 Deux domaines distincts
Politiques de mécénat et de RSE sont pourtant deux domaines de la politique d’entreprise qui
présentent des caractères assez distincts à l’origine. La fondation d’entreprise comme
dispositif de mécénat et par conséquent de la communication d’entreprise se caractérise par
l’absence de contrepartie, par sa dimension volontaire et par son objet qui doit se distinguer
du métier de l’entreprise. En revanche, la politique RSE est une réponse à une demande de la
société qui est une obligation, dont il faut justifier la pertinence en montrant son intérêt pour
l’entreprise et le prolongement de son métier. Comment pourrait elle répondre à ces deux
démarches ?
- la fondation est un don gratuit, la RSE une reddition de compte
Le mécénat, tout d’abord, est une démarche gratuite sous peine d’être disqualifiée. Si la
contre partie peut être valorisée alors l’action est considérée comme du parrainage et par
conséquent comme un outil marketing. La frontière est ténue entre les deux types de
pratiques. C’est le caractère intentionnel de l’exploitation du lien entre parrain et parrainé qui
les distingue mais ce débat est en discussion pour les chercheurs (Piquet, Tobelem 2005). En
français, on note en outre un problème de traduction, le parrainage est le sponsoring, le
mécénat serait le patronage qui est peu utilisé, l’alternative en effet pour les anglo-saxons est
le corporate giving . En effet, quand nous parlons de mécénat, la tradition anglo-saxonne
parle de politique philanthropique de l’entreprise. Le concept en effet, se trouve entre le
sponsorship notre parrainage et le don. Or pour les chercheurs français, il y aurait une 3ème
voie. Le mécénat ne serait ni le sponsoring, ni le don, mais une association d’image.
Cette gratuité oblige aussi à une communication prudente. Dans la culture française on ne doit
pas communiquer sur les bonnes actions, la discrétion garantit le désintéressement et
l’authenticité de la démarche (Tixier, 2004). Cette prudence ne correspond pas à la tradition
anglo-saxonne. Le monde protestant encourage la richesse quand elle s’accompagne de
redistribution. Il est donc légitime de communiquer sur ses dons. Les grandes fortunes
américaines sont donc connues pour leur générosité qu’elles font largement connaître. Le
mécénat se retrouve donc dans une situation ambiguë, il relève de la communication mais
comme don il doit être discret. Le développement actuel que connaît le mécénat a du remettre
en cause cette tradition, si la discrétion a dominé jusque dans les années 2000, l’évolution a
été rapide ensuite (Tixier, 2004). Toutefois la volonté d’éviter tout tapage publicitaire demeure
il convient d’utiliser d’autres occasions de montrer son engagement
Le mécénat est difficilement mesuré sous peine de devenir un outil marketing, il est donc
difficile à évaluer. Dès que l’on cherche à montrer ses qualités d’annonceur, il devient outil de
communication, cette instrumentalisation est en contradiction avec le désintéressement du
mécénat.
La RSE en revanche ne peut être « gratuite », elle doit montrer qu’elle améliore la
performance de l’entreprise. La RSE s’accompagne d’une reddition de compte (de La Broise
2006, Igalens 2006). Elle est liée à un reporting codifié au niveau international pour faciliter
la lisibilité et la comparaison des entreprises. La grille la plus connue est celle du Global
Reporting Initiative (GRI). Cet organisme a élaboré des indicateurs internes et externes pour
mesurer par analogie avec la finance les performances de l’entreprise et aboutir à un outil
standard international. Elle fait partie donc des informations données aux investisseurs qui
s’intéressent principalement à des mesures de risques et d’opportunités. Cette conception de
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la RSE est héritée de la conception américaine, à l’origine du renouvellement de ce débat. Dès
1971 Friedman rappelait que la responsabilité de l’entreprise s’arrêtait à l’augmentation de
son profit (« The Social Responsibility of Business is to Increase its Profits »). Le critère
dominant est donc d’évaluer la performance permise par la RSE pour avoir la confiance des
parties prenantes et tout particulièrement des actionnaires. La RSE doit permettre d’accroître
la performance de l’entreprise et donc son profit. Elle s’adresse aussi aux agences de
notations sociétale qui évaluent la performance extra financière. Elle permet donc aussi
d’améliorer la valeur de l’action grâce à la notation financière. Les Agences à travers les
fonds ISR influencent le cours de l’action. Ce lien entre RSE et performance financière reste
sujet à discussion (Saulquin, Schier, 2007). Mais, les chercheurs s’accordent pour montrer que
la RSE relève d’une « performance globale » de l’entreprise défendue par le CJD ou par les
économistes (Cardebat, Sirven, 2008). Pour ces derniers, la performance de l’entreprise, ne se
limite pas à accroître son profit selon la perspective de Friedman, mais doit s’inscrire dans la
performance globale de la société selon une vision macro-économique. On retrouve cette
réflexion chez les spécialistes de stratégie d’entreprise, où la RSE devient un outil de
développement de la valeur de l’entreprise intégrée dans la société : le développement de l’un
entraînant le développement de l’autre (Porter, Kramer 2006). Ainsi faut il passer selon eux
d’une RSE réponse à une demande, à une RSE stratégique. Ainsi, quelque soit le point de vue,
l’investissement dans la RSE améliore la performance de l’entreprise. C’est pourquoi, le
reporting est un indicateur pour les agences de notations.
- la fondation est une démarche volontaire, la RSE une obligation
En outre, le mécénat relève d’une démarche volontaire, la grandeur de la générosité liée à ce
geste tient à la « bonne action » de l’évergète qui décide librement de donner. L'engagement
est bénévole, c'est la bonne volonté et non la contrainte qui est à l'origine de ces gestes. En
revanche, l’initiative d’une politique RSE a été la réponse à une contrainte. Elle répond à une
demande sociale et politique forte. En France, l’application de ces principes est encadrée par
la loi NRE (2001) qui contraint les entreprises cotées à rendre compte dans leurs rapports
annuels de la manière dont elles « prennent en compte les conséquences sociales et
environnementales de leurs activités » (art. 116 2001-420). Elle est encouragée au niveau
européen qui la définit comme « l’intégration volontaire par les entreprises de préoccupations
sociales et environnementales à leurs activités commerciales et leurs relations avec leurs
parties prenantes » (Commission européenne, 2001). La pression de l’opinion publique à
travers les ONG et la demande du publique à qui on s’adresse avec un marketing adapté,
montre que cette conversion est bien une réponse à une demande.
Cette différence dans la contrainte, est soulevée par ceux qui s’interrogent actuellement sur la
frontière entre ces 2 mondes, « Mécénat commence où l’obligation s’arrête » (Seghers, 2008),
« Le mécénat doit rester un acte volontaire, une libre expression de la responsabilité sociale »
déclare un des entrepreneurs le plus en pointe dans cette évolution C.Bébéar (Seghers, 2008,
p.129). Le discours de liberté est une des caractéristique citée le plus souvent par les acteurs
du mécénat : « un espace de liberté au sein des entreprises » pour le responsable de la
fondation Decathlon, un outil de liberté (France Télécom), projets choisis librement (Elle).
- l’objet de la fondation doit être étranger au métier de l’entreprise, la RSE est en
cohérence
Enfin, une dernière distinction est liée au lien existant entre l’objet de la fondation et le métier
de l’entreprise. Pour garantir l’absence de contre-partie, l’objet de l’investissement en
mécénat ne doit pas avoir de lien direct avec l’activité commerciale. L’investissement doit
donc être fait dans des domaines lointains du métier de l’entreprise. Ainsi, la fondation
Groupama Gan s’occupe de cinéma domaine très éloigné de son métier d’assureur. C’est
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pourquoi le mécénat offre l’occasion à l’entreprise de dépasser sa mission strictement
économique et financière (Seghers, 2008). La RSE en revanche relève du métier de
l’entreprise « le mécénat étant une implication volontariste dans des causes d’intérêt général,
il risque de se confondre avec la RSE qui, elle est directement liée aux métiers de
l’entreprise » Marianne Eschet Admical (Seghers, 2007). La RSE nous l’avons dit doit
améliorer la performance de l’entreprise, elles demeure en cohérence avec son métier.
L’objet traditionnel du mécénat comme l’origine du terme en référence à Maecenas,
protecteur de Virgile et d’Horace, le rappelle est la culture et l’art. De cette orientation
historique, les entreprises mécènes se sont engagées petit à petit dans deux autres directions :
l’aide humanitaire d’une part, notamment la lutte contre l’exclusion, les actions en faveur de
la recherche médicale et scientifique, la santé, la formation et l’insertion ; la protection de
l’environnement d’autre part, sous la forme essentielle de la lutte contre la pollution (Piquet,
Tobelem, 2005). Cette orientation est nouvelle pour l’entreprise française les domaines du
social et solidarité ne relevait pas de l’entreprise qui laissait depuis l’après guerre ce soin à
l’Etat. De l’humanitaire, comme le montre Piquet et Tobelem le mécénat va devenir solidaire
et social par un glissement sémantique de l’humanitaire au social (Piquet, 2005). Avec
l’apparition de l’humanitaire et de l’environnement dans les années 1990, on arrive
aujourd’hui à ce que le mécénat social devienne le premier objet du mécénat. Cette tendance
se retrouve dans la répartition des domaines d’intervention principaux des fondations
d’entreprise entre 2001 et 2007 : le social prend de plus en plus le pas sur le domaine culturel.
En 2001, 21% des fondations avaient comme domaine d’intervention principal la culture,
elles sont passées à 19% en 2007 avec 27% pour l’action sociale contre 22% en 2001 (Fdf,
2007). Ainsi le mécénat connaît une évolution importante, lisible dans l’objet des fondations,
d’un objet traditionnel de mécénat culturel. Il est en train de privilégier ce qui touche un plus
grand nombre de membres de l’entreprise. C’est ainsi que le mécénat intègre de plus en plus
dans ses objets ceux de la RSE.
Ainsi, l’évolution en cours nous montre que les différences initiales tendent à se réduire, ces
deux domaines convergent en effet, dans un certain nombre de points.
1.3 Des points de convergence
Le développement concomitant du cadre juridique du mécénat et de la RSE nous montre
qu’ils s’inscrivent dans une évolution de l’entreprise commune. Tous deux tentent de situer
l’entreprise dans un temps différent, la durée. Ils tentent aussi de transformer l’objet de
l’entreprise dans un projet qui dépasserait la recherche du profit immédiat de l’entreprise néo-
classique. Tous les deux offrent un outil correspondant à une conception de l’entreprise
développée par les théories de gestion postérieures, celle des parties prenantes et les théories
néo-institutionnelles.
- la durée
La tradition de la fondation est basée sur la pérennité. Elle répond donc aux besoins d’une
politique de développement durable, par définition elle correspond à un investissement dans
la durée. La dotation à l’origine de la création d’une fondation doit lui permettre de
fonctionner en utilisant les revenus de son capital. La fondation d’entreprise tient son
originalité d’avoir assoupli cette règle en instaurant une fondation de flux. Cependant
l’entreprise s’engage sur 5 ans, la dotation exigée n’est pas nécessairement faite au départ,
l’apport s’étale dans le moyen terme. Le principe de pérennité cependant n’est pas aussi
solide que pour les autres fondations, le temps de l’entreprise reste mesuré, ainsi l’enquête de
l’observatoire de la fondation de France remarque que 68% des fondations d’entreprises ne
sont pas déclarées pérennes, contre 3% pour les FRUP. La durée reste soumise aux aléas de
l’entreprise, l’horizon demeure le moyen terme même si les projets essaient de le dépasser.
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- répondre à l’intérêt général
La fondation est prévue pour se consacrer l’intérêt général. La mission de la RSE est aussi de
dépasser la fonction de l’entreprise de production et de génération de profit. On a pu
remarquer que la loi du mécénat comme l’encouragement de la politique RSE se développent
pour compenser un recul de l’Etat providence. Ainsi pour Capron, si la notion de
responsabilité sociale ou sociétale de l’entreprise est relativement récente, elle est , elle-aussi,
l’actualisation d’une préoccupation ancienne des conséquences de la vie des entreprises sur la
société dans son ensemble. Après une période paternaliste, l’entreprise s’est désengagée de la
prise en charge de la société au profit de l’Etat providence (Capron, 05). Depuis les années 80,
l’Etat est en recul par rapport à ces préoccupations sociales, c'est donc l’entreprise citoyenne
des années 90 qui redonne des domaines qui n’étaient plus de son ressort. De même,
l’évolution du cadre juridique et fiscal du mécénat et des fondations faite par le gouvernement
Raffarin montre ce désengagement partiel de l’Etat français. La législation sur les fondations
en outre, jusque là étaient étroitement dépendante de la puissance publique les dernières lois
les ont affranchies d’un contrôle et d’autorisation très restrictives.
L’entreprise est ainsi amenée à s’occupe de bien commun, au même titre que l’Etat. Cette
nouvelle responsabilité correspond au mouvement de la RSE. De même, la tradition du
mécénat, et les objets des fondations le montrent bien, couvre des problématiques relevant
traditionnellement de la puissance publique : solidarité, culture, recherche, santé,
environnement.
- outils de dialogue des parties prenantes
Ces thématiques offrent aussi l’intérêt de proposer un point de rencontre entre les différents
publics de l’entreprise. C’est ainsi que la théorie des parties prenantes permet de mieux
comprendre ces deux mouvements. Cette théorie se retrouve au cœur de la justification de la
RSE. De, même, la fondation offre un outil pertinent pour réunir les parties prenantes autour
d’un projet commun. Comme cette théorie l’envisage, elle offre un outil de dialogue aux
différents types de parties prenantes : les primaires directement liées par un contrat avec la
firme (les actionnaires, les salariés, clients, fournisseurs), les secondaires ayant un contrat plus
implicites (collectivités territoriales, associations, ONG…). Elle permet notamment de réunir
les parties prenantes primaires en les associant : le lien créée avec les salariés est considéré
comme un des principaux intérêts des fondations. Son rôle de communication interne est
déterminant. Elle permet la cohésion du personnel, la mobilisation des équipes autour de
projets. Elle génère l’attachement des collaborateurs à l’entreprise et doit la rendre attractive
pour les recrutements. Aussi, les fondations sont-elles nombreuses dans les domaines en
pénurie de main d’œuvre comme le BTP, qui connaît de grandes difficultés pour recruter. Par
son rôle de fédération de la générosité du groupe, elle permet de former une communauté de
donateur. Au sein d’une entreprise, la loi prévoit que seuls les salariés peuvent contribuer. Elle
permet l’association des salariés dans la fondation. Leur participation, elle aussi volontaire
relève de la même démarche que celle de l’entreprise.
D’autre part, le système de redistribution permet de toucher des publics plus éloignés et de
jouer le rôle qu’attend la RSE de dynamisation des communautés locales. La fondation gère
des fonds qui sont donnés à des associations le plus souvent. Ce mécanisme permet de créer
des liens à la fois avec les porteurs d’initiatives (associations, ONG) et avec les bénéficiaires
finaux. Elle est donc un outil tout à fait intéressant pour les parties prenantes secondaires.
- outils de légitimation.
Une autre théorie, permettant de s’intéresser au lien de l’entreprise et de la société nous
permet aussi d’éclairer ces démarche : il s’agit du cadre d’analyse de la théorie néo-
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institutionnelle, en particulier le concept de légitimation. Le mécénat est considéré comme
« un outil de la légitimation du lien de l’entreprise avec la société ». (Piquet Tobelem, 05). De
même la démarche RSE fait de plus en plus référence à ce cadre d’analyse (Igalens, 05 ;
Pailot, 2006 ; Philippe, 2006 ; Caron, Turcotte, 2006).
Cette théorie nous dit qu’une organisation s’inscrit dans son environnement en respectant les
normes et valeurs qui le définissent (Scott, 1994). La RSE est alors étudiée comme un
dispositif d’institutionnalisation (Pailot, 2006 ; Philippe, 2006) Un dispositif par conséquent,
qui permet à l’entreprise de s’intégrer dans son environnement défini par des règles, des
normes et des valeurs. Les interactions entre l’organisation et son environnement, constituent
ce processus de légitimation. Ce concept considère que les organisations sont contraintes à
répondre aux règles de leur environnement. La légitimité est selon la définition de référence
de Suchman «la perception ou présomption généralisée que les actions d’une entité sont
désirables, correctes et appropriées à l’intérieur d’un système socialement construit de
normes, de valeurs, de croyances et de définitions» (Suchman, 1995, p 574). Ainsi,
l’entreprise participe au processus de construction sociale en recherchant une légitimité
symbolique. Pour cela, elle doit s’intégrer dans le cadre symbolique de la société et de ses
représentations.
La fondation d’entreprise de même propose un outil d’interaction pertinent de l’organisation
avec son milieu. Cette correspondance entre l’organisation et son environnement se manifeste
par l’isomorphisme institutionnel, il est analysée selon trois dimensions : coercitive,
normative et mimétique. L’aspect coercitif correspond au respect du cadre règlementaire
défini strictement pas la loi. L’aspect normatif renvoie plutôt à la régulation (Pailot, 2006).
Quand à la dimension mimétique elle renvoie à la contagion et à la diffusion d’une pratique
par exemplarité. Pour mener ce processus de légitimation, l’organisation doit gagner de la
légitimité, la maintenir et réparer des dommages causés (Suchman, 1995). La fondation offre
un outil intéressant pour construire cette légitimité de l’entreprise. Elle permet de faire
connaître l’entreprise en dehors de son métier. Ainsi, les études des chercheurs américains
montrent que les dons augmentent le capital réputation de l’entreprise (Brammer et Millington
2005, Patten, 2008). Il permet aussi en tissant un capital sympathie de prévenir les risques de
réputation, il permet de mener une diplomatie d’entreprise (Seghers, 08). Le mécénat est
considéré comme un: « instrument de couverture contre le risque de réputation » (Cardebat,
Sirven, 2008). Le mécénat social est souvent utilisé pour compenser une image négative
(Werbel, 2000). Cette politique est souvent privilégiée par les entreprises de biens de
consommation soumises à risque de boycott (Smith, 2003). C’est ainsi que la politique RSE
comme celle de mécénat, peuvent s’inscrire dans la communication institutionnelle. La RSE,
après avoir entretenu des liens anciens avec les relations presse, s’est inscrit plus tard dans
développement de la communication institutionnelle des années 90 (La Broise, 2006). Les
Rapport annuels sont passés de la reddition de compte à un outil de communication considéré
à part entière de la communication corporate. Ainsi, nous les retrouvons tous deux au service
non seulement de l’image de l’entreprise, mais aussi de sa réputation.
Ainsi, un dispositif de mécénat comme la fondation et la politique RSE, participent au même
processus de légitimation, ils constituent un « ciment symbolique » (Capron, 05).
2 Enquête
Ces deux démarches montrent une certaine convergence, afin de faire un état de ce
rapprochement nous avons essayé d’étudier comment il se manifestait pour les entreprises
françaises. Pour cela, il a paru intéressant de faire le point sur la place donnée par des
entreprises françaises à leur fondation : considèrent elles qu’elles sont un élément de leur
politique de mécénat ou de RSE ? Pour cela nous avons choisi d’étudier la façon dont elles les
présentaient à travers deux outils de communication institutionnelle que sont le site Internet
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groupe et les rapports annuels. Afin de disposer d’un ensemble cohérent et représentatif des
entreprises françaises, nous nous sommes basés sur les entreprises du CAC 40, toutes
soumises par définition à l’obligation de reporting RSE et disposant très souvent de fondation.
En effet, on peut compter 29 entreprises ayant une fondation d’entreprise actuellement, les
autres choisissent de participer à des fondations abritées ou sont co-fondateurs. Certes, les
fondations se développent dans bien d’autres types d’entreprises, et le mécénat connaît aussi
un fort développement dans les PME, néanmoins cet échantillon emblématique des grandes
entreprises françaises paraissait pertinent pour faire cet état. Cette enquête a été complétée par
des données d’études réalisées par les observatoires du domaine du mécénat : étude de la
fondation de France (fdf, 2007) et de témoignage de praticiens en particulier issus de
l’ouvrage de V. Seghers (Seghers, 2008).
- la fondation d’entreprise dans les sites institutionnels
Nous avons recherché où était présentée la fondation d’entreprise, dans la partie du site
relevant du mécénat ou dans celle de la RSE. Le préalable bien entendu était de voir la place
donnée sur les sites à ces démarches sur les sites Internet de ces grandes entreprises.
Le premier constat est qu’effectivement la dimension Développement Durable est devenue
une rubrique essentielle des sites de ces entreprises. L’expression Développement Durable est
préférée à celle de RSE. On peut noter toutefois que quand le site est en langue anglaise,
l’expression sera plutôt CSR. Dans le cas de traduction le CSR du site en langue anglaise,
devient DD en français Ainsi, Alcatel parle de Développement Durable quand Lucent parle de
Corporate Social Responsibility. Cette rubrique est devenue un passage obligé. Sur les 40
sites des ces grandes entreprises françaises seuls 3 sites n’ont pas de rubrique qui lui soit
consacrée (Capgemini, Michelin, Vallourec). La plupart (26/40) proposent l’accès à la
présentation de leur politique de développement durable ou de responsabilité dès la page
d’accueil, pour 11 autres nous sommes à un niveau 2. Cette présentation est donc une priorité.
La présence de la politique de DD ou de responsabilité est plus systématique que celle du
mécénat. Le mécénat ou la fondation sont aussi très présents, on compte seulement 7
entreprises qui ne l’évoquent pas. Cette présence significative de la présentation de ces
démarches montre l’importance qu’elles ont désormais dans la politique des grands groupes
français.
Comment ces deux démarches sont elles présentées l’une par rapport à l’autre ? Pour la
plupart ce sont deux domaines distincts. Certaines les regroupent dans une grande catégorie :
Engagement (Axa), Citoyenneté (Veolia), Ethique et Responsabilité (Sanofi Aventis). Pour 3
entreprises, la politique de mécénat ou la présentation de la fondation sont inclues dans la
partie développement durable (Bouygues, Renault, PPR). Le rapprochement des deux est
clairement exprimé sur le site de PPR « Film Home s’inscrit dans la démarche RSE de PPR et
reflète son engagement de “mécénat” », tous deux s’intègrent donc dans une dimension
d’engagement. Une seule privilégie le mécénat par rapport au DD (Lagardère). Pour ce qui est
des fondations d’entreprise, elles sont en majorité intégrées au mécénat, seulement 4 sont
présentées dans le développement durable (Axa, Bouygues, PSA, Renault). En revanche, on
peut remarquer qu’elles ont tendance à s’affranchir des ces grands domaines pour devenir une
rubrique à part entière. Ainsi pour 1/3 des cas, la fondation se retrouve évoquée dès la page
d’accueil ou au même niveau que les grandes politiques, ce qui témoigne à la fois de son
importance et aussi de sa difficulté à la classer désormais.
Nous avons aussi recensé les différents titres qui incluent la présentation de la fondation. En
dehors des grandes rubriques Mécénat on trouve des notions variées : Partenariat (Crédit
agricole), Parrainage (Air France) ; Parrainage et actions philanthropiques (Alcatel),
sponsoring (Alstom), Mécénat et engagement sociétal (Dexia), Engagements (Lagardère,
PPR, Axa), Ethique et Responsabilités (Sanofi/Aventis), Citoyenneté (Veolia).
IP 10
Ainsi, le lien avec les actions de communication demeure et la confusion avec les notions de
parrainage/sponsoring persiste. On voit apparaître un regroupement avec la dimension
d’engagement citoyen dont font partie au même titre la politique de développement durable et
le mécénat ou la fondation. L’évocation de la dimension philanthropique est exceptionnelle.
Elle est limitée à Alcatel-Lucent, nous avions déjà noté l’influence américaine, elle est
manifeste dans l’utilisation du terme foundation même sur le site en français. Même si les 2
entreprises sont fondatrices, la fondation Alcatel dédiée à la photo appartient à la tradition du
mécénat culturel alors que la fondation Lucent met en œuvre la tradition philanthropique
américaine. Pour ce qui est des entreprises qui ont déjà inclus les fondations dans le
développement durable : on note les chapitres Responsable/société civile (Axa), les actions
concrètes/le mécénat (Bouygues), Plans locaux de mécénat et d'action sociétale (PSA),
DD/Actions sociétales/mécénat (Renault). Ces derniers utilisent donc les grilles proposées
pour le reporting RSE sur leurs sites. On voit donc l’emprise de ce modèle sur l’ensemble de
la communication institutionnelle. Nous avons donc aussi observé la place des fondations
dans ces documents.
- les fondations d’entreprises dans les rapports annuels
Toutes les entreprises du CAC 40, comme entreprises cotées sont soumises à la règle de la loi
NRE. Elles doivent rendrent compte dans leur rapport annuel de la manière don elles
« prennent en compte les conséquences sociales et environnementales de leurs activités » art.
116 2001-420. Pour aborder ces questions le modèle qui se généralise pour disposer d’un outil
international d’évaluation est celui proposé par le Global Reporting Index (G.R.I.). Aucun
indicateur ne prend manifestement en compte des activités de mécénat ni dans la partie
sociale, ni partie droit de l’homme. C’est dans les indicateurs économiques (EC) que nous
trouvons les indicateurs dans lesquelles elles peuvent s’inscrire :
- EC1 Valeur économique directe créée et distribuée, incluant les produits, les coûts
opérationnels, prestations et rémunérations des salariés, donations et autres
investissements pour les communautés, les résultats mis en réserves, les versements aux
apporteurs de capitaux et aux Etats.
- EC8 Développement et impact des investissements en matière d’infrastructures et des
services, principalement publics, réalisés via une prestation commerciale, en nature ou à
titre gratuit.
Il paraît intéressant tout d’abord de noter comment ce reporting est traité : dans un document
propre ou au sein du rapport annuel. 24 entreprises publient un rapport de développement
durable. Les autres abordent cette thématique dans leur rapport annuel, cette présentation peut
compter 2 pages comme 50. On peut remarquer que les entreprises qui ne sont pas fondatrices
ni co-fondatrices, ne développent pas non plus leur exposé de DD.
Qu’en est il de l’évocation des fondations ? La plupart des entreprises du Cac 40 évoquent
leur participation à des fondations dans leur reporting sociétal. Lorsqu’elles ont une fondation
d’entreprise des références sont fréquentes, souvent un chapitre est consacré à ce projet.
Même les entreprises très discrètes sur leurs sites parlent des versements faits à des
fondations. Cette mention est quasiment toujours faite dans les pages consacrées au
développement durable, essentiellement dans les développements sur les rapports avec les
communautés locales. Là encore nous avons étudié les thématiques privilégiées. On retrouve
la référence à la dimension citoyenne (5 rapports), la volonté de contribuer au développement
local (4 rapports) et de l’ancrage territorial (6), l’affirmation de l’engagement sociétal (6
rapports), le mécénat (4), le lien avec les collaborateurs (2), la solidarité (5), outil de
partenariat (3). La référence aux parties prenantes est régulière, les indicateurs organise les
indicateurs en fonction des parties prenantes concernées : dans une grande majorité c’est la
dimension appelée Société civile (12) ou Communautés locales (16) qui intègre
IP 11
l’investissement dans les fondations. On peut aussi noter la mention des ONG et associations
(4) Le personnel n’est évoqué qu’à 3 reprises. La participation à une fondation comme signe
de l’engagement citoyen de l’entrepris est évoquée à travers des actions extrêmement variées :
si les actions de solidarités dominent, on peut noter des actions dans tous les grands thèmes
d’intérêt général : art (Ricard, LVMH…), santé (Sanofi), jeunesse (Lagardère, Axa…),
Recherche (EADS, Saint Gobain), sport (Capgemini). La participation de certaine fondation
est d’ailleurs très diversifiée, ce sont effectivement de nombreux domaines de la société civile
qui sont concernés. Certains toutefois, n’évoquent dans leur reporting obligatoire que les
aspects en cohérence avec leur métier. Ainsi, Axa partenaire de nombreuses fondations dans
des domaines diversifiés de l’art à la solidarité, n’évoque que la Fondation du risque,
prolongement de son métier d’assureur. Lafarge co-fondateur de Bâtiment et énergie, crée une
nouvelle fondation sur les Initiatives pour le changement climatique, Sanofi : crée une
fondation de distribution de médicaments. Ces acteurs dans leurs différentes actions de
mécénat sélectionnent celles qui sont cohérents avec leur activité.
L’investissement dans une fondation paraît donc être devenu un indicateur pertinent de la
performance de l’entreprise en matière d’intégration social. Même les entreprises développant
très peu leur engagement sociétal font référence aux fondations dans ce chapitre (Michelin,
Essilor). La participation à une fondation dans cette ouverture de l’entreprise à son
environnement apparaît dans ce reporting comme un passage devenu nécessaire.
3 Discussion
Que nous a appris cette enquête ? La fondation d’entreprise reste-t-elle un dispositif de
mécénat ou est-elle devenue un outil de la RSE ? Comment peut on résoudre les différences
soulevées entre ces démarches ? Nous voyons que les entreprises du CAC 40 lorsqu’elles
s’adressent au grand public à travers leur site Internet, continuent à distinguer une dimension
mécénat. Ce geste de générosité se généralise, pourtant il ne s’inscrit encore
qu'exceptionnellement dans la politique de DD. En revanche, politique de mécénat et de DD,
peuvent s’intégrer dans une dimension plus large de l’engagement citoyen de l’entreprise. Ou
encore, la fondation s’affranchit et devient inclassable, elle est un outil incarnant la politique
du Groupe.
Lorsqu’elles s’adressent plus particulièrement à leurs actionnaires ou aux agences de
notations financières à travers leurs documents de reporting, les entreprises du CAC 40 ont
largement tendance à évoquer les fondations comme un exemple de leur démarche. Ainsi, la
gratuité d’une politique de mécénat n’est plus déterminante, l’évolution actuelle amène à
évoquer ses dons, on rend compte de sa générosité. A tel point, que la mention de la
participation à une fondation paraît presque devenue une obligation dans les actions montrant
la prise en compte de la société civile. La contradiction du don pour une entreprise dans une
logique strictement néo-classique est dépassée par cette nouvelle obligation. En effet,
l’entreprise ne peut se permettre de donner à perte. La nouvelle loi propose un investissement
fiscalement intéressant : la défiscalisation liée au mécénat est avantageuse (crédit d'impôt de
60 % de l'investissement), une contrepartie limitée est autorisée par la loi (25 % de la valeur
du don). Ainsi malgré la gratuité du don, il a fallu démontrer que l’investissement dans une
fondation relevait de l’intérêt de l’entreprise aussi. Ainsi, le cadre juridique de la RSE lui
permet de rendre compte à ses partenaires de sa générosité. L’évolution du cadre juridique a
permis d’offrir une justification : si l’objet de l’entreprise est de créer de la valeur, des
dépenses qui ne vont pas dans ce sens doivent être justifiées auprès des actionnaires, du
personnel, ainsi que du fisc sous peine de devenir un abus de bien social.
L’objet de la fondation paraît dans certain cas un prolongement du métier de l’entreprise nous
avons vu le cas d’Axa
IP 12
L’étude confirme que l’investissement dans la fondation permet de bénéficier d’un dispositif
efficace pour intervenir dans le domaine de l’intérêt général sous des formes extrêmement
diversifiées. Elle montre aussi que comme outil de dialogue avec les parties prenantes, elle est
celui qui est privilégié pour s’adresser aux autres membres de la société civile. Enfin, nous
avons pu suivre le processus d’institutionnalisation dans ses différentes logiques. L’effet
coercitif est visible dans l’évolution de la loi actuelle. Elle montre bien la volonté de donner
naissance à un nouveau cadre juridique et fiscal qui renouvelle les relations de l’entreprise à
son contexte. L’isomorphisme normatif est manifeste à travers la diffusion des normes et des
« bonnes pratiques ». La politique RSE est obligatoire mais peu règlementée, ce sont des
normes qui se généralisent comme l’utilisation des critères de la GRI qui permettent de
standardiser ces pratiques et de les rendre comparables entre les différentes entreprises. La
multiplication de la citation des fondations montre la bonne diffusion de ces normes. Enfin, le
mécanisme de mimétisme a bien été démontré par la généralisation dans le reporting social de
cette référence aux fondations. La fondation se généralise comme outil de gestion de la
politique des entreprises à l’égard des communautés locales.
Ce mouvement ne s’accompagne pas encore d’une structuration claire de ces domaines dans
l’entreprise. La fondation appartient à des services hybrides que l’on voit apparaître dans les
organigrammes présentés dans les rapports, ainsi chez Alcatel-Lucent le « Département DD et
Fondations » est un comité transversal, mais rattaché à la Direction de la communication
(Rapport DD), chez Carrefour : il fait partie d’une direction commune aux Directions
Développement Durable, Qualité, Sécurité, Sûreté, Assurances et Risques Management,
Lobbying et Fondation. Ces observations rejoignent les résultats d’une enquête récente de
l’Ifop menée auprès de 200 grandes entreprises françaises qui montre que le mécénat reste
rattaché au service de la communication pour 45% des entreprises interrogées, 6% dans le
service RSE, (Sondage Ifop pour l’Observatoire de la Fondation de France, octobre 2007)
(fdf, 2007). Toutefois, il dépend aussi de la Direction Générale dans 43% des cas. Les
départements de rattachement sont encore mal définis mais ils sont au cœur de la gouvernance
de l’entreprise.
Il convient de remarquer toutefois un paradoxe. Des entreprises connues pour être très
avancées en matière de développement durable ou d’engagement sociétal ne participent pas à
ce mouvement. Le cas de Danone en particulier mérite d’être soulevé. Danone n’a pas de
fondation et ne parle pas de contributions importantes. Dans son rapport annuel, on ne trouve
aucune référence. Il faut se référer à son rapport technique Développement Durable,
document important qui développe la politique d’innovation sociétale de Danone à travers les
Danone communities. En effet, pour Danone il n’y a pas contribution en versant à des actions
menées en dehors de l’entreprise, leurs actions sont menées dans le sein de l’entreprise. Leurs
actions seront donc en cohérence complète avec leur métier, il n’y a pas redistribution dans
une logique de compensation mais prolongation du métier même de l’entreprise dans le
développement des communautés locales. Effectivement, lorsque Franck Riboud est interrogé
sur le mécénat, il considère que c’est un luxe, un surplus, par un engagement fondamental
c’est un« sport de riche » (fdf, 2007).
Pour comprendre cette position. Il est intéressant de se référer aux typologies de politiques
RSE. Si l’on prend celle proposée par Martinet, qui distingue les politiques cosmétiques,
annexes, intégrées ou BOP (Martinet, 2008). La RSE « cosmétique » se réduit à répondre à
l’obligation légale. Ce type d’entreprise fait état de contributions à des fondations dans le
cadre de son implication dans la société civile (Michelin, Vallourec…). La RSE annexe ou
périphérique, correspond à une volonté d’action en dehors de l’objet de l’entreprise, c’est le
propre de la fondation engagée dans une politique de mécénat. La fondation d’entreprise est le
dispositif ad hoc. La RSE est qualifiée d’intégrée lorsqu’elle prend une place importante dans
les outils de pilotages internes de l’entreprise. Les actions se rapprochent du métier de
IP 13
l’entreprise. Nous pouvons considérer les politiques de Vinci, Lafarge, Total comme relevant
de cette démarche. Enfin, les entreprises qui s’intéressent à la population qui est « bottom of
the pyramid » qui dispose de moins de 2$ par jour mènent une politique appelée BOP pour
cela. Les politiques menées par Danone s’inscrivent dans ce type d’actions, on voit qu’alors la
fondation disparaît. Elle apparaît donc comme un bon outil pour découvrir comment
l’entreprise s’ouvre à son environnement social, dès lors que l’entreprise intègre cette
dimension à son activité elle n’a plus lieu d’être. Elle peut être par conséquent un indicateur
de l’intégration des étapes de la responsabilité sociale
Conclusion
L’étude de la place de la fondation dans les politiques de l’entreprise montre une évolution. La
Fondation d’entreprise en devenant la référence en matière d’aide aux communautés est
devenue une expression de la contribution de l’engagement sociétal de l’entreprise. Elle tend
donc à quitter son origine de dispositif de communication lié à une politique de mécénat. La
fondation apparaît surtout comme un dispositif adapté à la gestion d’une politique de bien
commun, en cela elle rejoint le projet du développement durable. Elle témoigne du profond
renouvellement du mécénat qui l’amène d’un outil d’image que l’on rapprochait des outils
marketing du sponsoring à un outil stratégique.
Elle permet à l’entreprise de dépasser sa mission strictement économique et financière, en
s’inscrivant dans le cadre de la RSE, un certain nombre de contradiction du mécénat sont
levées. Il est désormais légitime de donner et de parler de sa générosité, sans contrevenir aux
règles de la performance de l’entreprise. Le processus d’institutionnalisation est bien à
l’œuvre, nous avons vu que les trois mécanismes de pressions coercitives, normatives et
mimétiques s’exercent. Les pressions institutionnelles qui s’exercent sur la RSE ont intégré le
mécénat. En devenant un outil de la RSE, il risque de perdre sa diversité de domaine
d’intervention, son rôle d’ouverture de l’entreprise et d’espace de liberté, pour devenir un
élément des nouvelles responsabilités de l’entreprise, comme le montre les entreprises qui ont
intégré le plus complètement la démarche RSE.
Comme la RSE dépasse largement une dimension sociale, de même la fondation déborde de
son cadre d’origine communicationnel pour définir un nouveau cadre sociétal définissant de
nouvelles responsabilités pour l’entreprise.
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