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1 Biodiversité emblématique et sauvegarde du patrimoine communautaire au Cameroun. De la convergence de l’apprenance culturelle mystico-religieuse et de l’apprenance scientifique vers l’éducation au développement durable. Albert Etienne Temkeng Ecole Normale de Foumban-Cameroun Association pour l’Entrepreneuriat, l’Innovation, la Médiation et le Développement Durable et Solidaire (A-EIM-DDS). Résumé La rencontre entre la biodiversité emblématique (Mauz, 2009) et la sauvegarde du patrimoine débouche sur une convergence d’inéluctables connexions contradictoires entre l’apprenance (Carré, 2005) culturelle et l’apprenance scientifique. Comment est-ce que la tradition, généralement arriérée, figée, rigide, d’emblée culturelle, mythique, mystique, mystérieuse et mythologique caractéristique de la biodiversité emblématique (Bourassa, 2008) et le développement durable (Diemer, 2013 ; Mulnet, 2014) caractérisé par sa démarche scientifique, objective et axée sur les problématiques et questions socialement vives comme la déforestation, la destruction de la couche d’ozone, l’assèchement des cours d’eau, bref le réchauffement climatique, … peuvent-ils converger vers les mêmes finalités, à savoir la protection de l’univers et la survie de la condition humaine ? Cette contribution, voudrait montrer comment l’apprenance culturelle manifestée à travers les rites et autres pratiques culturelles, anthropologiques locales, mystico- religieuses ou spirituelles, et l’apprenance scientifique standardisée dans les disciplines scolaires, stabilisée et continuellement rénovée par la rationalité cartésienne peuvent atteindre les mêmes finalités, à savoir l’éducation au développement durable à travers la protection de l’environnement et de l’humanité pour une vie meilleure aujourd’hui et demain( La Commission Brundtland, 1989). Mots clés : biodiversité emblématique, apprenance culturelle, apprenance scientifique, éducation, développement durable. Introduction Interroger la place de l'homme dans son territoire, questionner les rites, la préservation d’espèces animales ou totems de certaines essences ou de sites pittoresques, magnifier la nature dans sa diversité (Mauz, 2009), … sont autant d’attitudes qui aboutissent inéluctablement sur les préoccupations majeures du développement durable (Guicheteau, 2008). Ces représentations sociales multidimensionnelles interculturelles, l’enseignant doit les maitriser pour bien former les citoyens du monde aux compétences universelles (UNESCO, 2005) dont ils doivent faire montre. Il doit les maitriser au-delà de la dimension mystico- religieuse parfois diffuse de l’apprenance culturelle et au-delà de la rationalité de l’apprenance scientifique. Mettre en exergue le pont entre les deux réalités revient à étudier les valeurs et la place de l'homme dans son territoire et le monde à travers le rapport ancestral entre nature et culture qui circonscrit la biodiversité emblématique, puis à étudier des exemples concrets d'expériences de développement durable en regard de la protection de la nature similaire à des représentations mystiques et enfin à dégager les points de convergence entre le mysticisme africain et le développement durable.

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Biodiversité emblématique et sauvegarde du patrimoine communautaire au Cameroun. De

la convergence de l’apprenance culturelle mystico-religieuse et de l’apprenance scientifique

vers l’éducation au développement durable.

Albert Etienne Temkeng

Ecole Normale de Foumban-Cameroun

Association pour l’Entrepreneuriat, l’Innovation, la Médiation et le Développement Durable et

Solidaire (A-EIM-DDS).

Résumé

La rencontre entre la biodiversité emblématique (Mauz, 2009) et la sauvegarde du

patrimoine débouche sur une convergence d’inéluctables connexions contradictoires entre

l’apprenance (Carré, 2005) culturelle et l’apprenance scientifique. Comment est-ce que la

tradition, généralement arriérée, figée, rigide, d’emblée culturelle, mythique, mystique,

mystérieuse et mythologique caractéristique de la biodiversité emblématique (Bourassa, 2008) et

le développement durable (Diemer, 2013 ; Mulnet, 2014) caractérisé par sa démarche scientifique,

objective et axée sur les problématiques et questions socialement vives comme la déforestation, la

destruction de la couche d’ozone, l’assèchement des cours d’eau, bref le réchauffement climatique,

… peuvent-ils converger vers les mêmes finalités, à savoir la protection de l’univers et la survie

de la condition humaine ? Cette contribution, voudrait montrer comment l’apprenance culturelle

manifestée à travers les rites et autres pratiques culturelles, anthropologiques locales, mystico-

religieuses ou spirituelles, et l’apprenance scientifique standardisée dans les disciplines scolaires,

stabilisée et continuellement rénovée par la rationalité cartésienne peuvent atteindre les mêmes

finalités, à savoir l’éducation au développement durable à travers la protection de l’environnement

et de l’humanité pour une vie meilleure aujourd’hui et demain( La Commission Brundtland, 1989).

Mots clés : biodiversité emblématique, apprenance culturelle, apprenance scientifique, éducation,

développement durable.

Introduction

Interroger la place de l'homme dans son territoire, questionner les rites, la préservation d’espèces

animales ou totems de certaines essences ou de sites pittoresques, magnifier la nature dans sa

diversité (Mauz, 2009), … sont autant d’attitudes qui aboutissent inéluctablement sur les

préoccupations majeures du développement durable (Guicheteau, 2008). Ces représentations

sociales multidimensionnelles interculturelles, l’enseignant doit les maitriser pour bien former

les citoyens du monde aux compétences universelles (UNESCO, 2005) dont ils doivent faire

montre. Il doit les maitriser au-delà de la dimension mystico- religieuse parfois diffuse de

l’apprenance culturelle et au-delà de la rationalité de l’apprenance scientifique. Mettre en exergue

le pont entre les deux réalités revient à étudier les valeurs et la place de l'homme dans son territoire

et le monde à travers le rapport ancestral entre nature et culture qui circonscrit la biodiversité

emblématique, puis à étudier des exemples concrets d'expériences de développement durable en

regard de la protection de la nature similaire à des représentations mystiques et enfin à dégager

les points de convergence entre le mysticisme africain et le développement durable.

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I. LA BIODIVERSITE ET LES REPRESENTATIONS MYSTICO-

RELIGIEUSES

Le mysticisme culturel africain est multimillénaire. Il se manifeste à travers

l’émerveillement de l’homme devant tout ce qui est pittoresque, devant tout ce qui sort de

l’ordinaire. Il se vit dans le respect, la communion et surtout la soumission à toute représentation

de la nature qui sort de l’ordinaire, à tout ce qui semble extraordinaire. Par conséquent, à travers

la tradition, les us et coutumes, l’africain apprend à s’humilier devant tout phénomène ou objet qui

dépasse son entendement, fut-il du règne animal, géologique, hydrographique ou végétal

(forestier). C’est cette habitude à apprendre, à recopier, à rendre sociales et à transmettre des

perceptions et croyances de générations en générations que nous nommons ici apprenance

culturelle, en référence aux travaux de Carré (2005) qui définit l'apprenance comme étant un

«ensemble durable de dispositions favorables à l'acte d'apprendre dans toutes les situations :

formelles ou informelles, de façon expérientielle ou didactique, autodirigée ou non,

intentionnelle ou fortuite» (p.9). Mais, la spécificité de cette apprenance culturelle tient au fait

qu’elle prend une coloration mystico-religieuse due au caractère extraordinairement symbolique

de la biodiversité qui fonde la dimension mystique de la culture africaine et rapport religieux à qui

lie l’homme à son cadre de vie, donc à la nature en général.

La nature en Afrique subsaharienne est généreuse en merveilles. Sa faune abondante et

variée, sa flore et ses paysages luxuriants, ses cours d’eaux en cascades, ses galeries et ses

mosaïques géomorphologiques font toujours rêver les hommes. Parfois, l’émerveillement devient

respect et même peur devant la savante organisation de la nature. Les hommes y perçoivent une

architecture extrêmement bien élaborée, ils sentent une main invisible et admirent. Ainsi, la nature

animale, végétale, géomorphologique, …, la nature tout court dans toute sa diversité, autrement

dit la biodiversité génère des symboles qui sont sources de mysticisme et de représentations

multiples.

La biodiversité emblématique animale

La forte valeur symbolique de la biodiversité draine en Afrique plein de représentations

qui justifient la communion permanente entre l’homme et la nature et qui conditionnent

automatiquement sa manière de vivre. Par exemple, la culture du totémisme est une réalité très

poussée dans les castes et groupes qui structurent la société africaine à telle enseigne que

l’abattage d’un lion, d’une panthère, d’un éléphant ou tout simplement d’un arbre entrainerait le

décès de l’homme dont il était le double, le génie ou le totem.

Dans les représentations humaines, les animaux, ces derniers sont des génies ou des

doublures de l’homme. Certains hommes ont plusieurs génies qu’ils utilisent diversement pour

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soigner et pour prévenir les maux. Ils aident aussi les hommes à vivre longtemps et à se régénérer

le cas échéant. Plusieurs animaux jouent ce rôle parmi lesquels les lions, les éléphants, les

panthères, les boas, les hyènes, les singes, les buffles, …

Image 1 : Le lion, le totem des rois Image 2 : La panthère, le totem des rois

Source : Google

Quand on parle du roi en pays bamiléké au Cameroun, on l’assimile au lion et à la panthère.

Le lion est un animal de protection qui tire sa force du moment présent où seule sa puissance

intérieure compte. Le lion a sa place dans plusieurs mythologies en Afrique. En assimilant le roi

au lion on dit de lui «l’animal qu’on ne vise pas». Evidemment, en brousse, les initiés, chasseurs

ou non reconnaissent les animaux qui sont les totems des hommes, les identifient et les épargnent

pour éviter les problèmes mystiques, les difficultés sociales, la contrariété ou la malédiction.

Vous pouvez tuer un totem et mourir vous-même.

Image 3 : L’éléphant, le totem des notables Image 4 : Le serpent, le totem des guérisseurs

Source : Google

En grandissant, l’Africain reçoit l’information selon laquelle il est important de posséder

un totem, car c’est un signe de puissance incontestable dans les sociétés secrètes africaines, parce

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qu’on a dès lors la capacité de se dédoubler, de voir ce que les autres ne voient pas, de faire ce

que les autres ne peuvent pas faire, d’être à la fois chez soi et en même temps en brousse en train

de chercher des essences rares pour soigner des maladies compliquées.

Au regard de l’importance socioculturelle de ces espèces souvent classés rares parmi

lesquels le boa, la panthère, le tigre, le buffle,…, importance qui fait d’eux des catégories

emblématiques du pouvoir social, spirituel et surtout mystique, il devient essentiel de les protéger.

Les animaux-totems ont ainsi une valeur symbolique qui fait de leurs détenteurs des personnes

puissantes, aussi bien pour leur utilité évidemment indiscutable pour les initiés et les

communautés qui bénéficient des vertus et des pratiques culturelles qui en découlent que pour le

rapport ancestral entre nature et culture qui en est la conséquence la plus simple.

Le totémisme ou phénomène des animaux génies ou doublures de l’homme revêt une telle

importance que certains payent cher pour intégrer les sociétés secrètes de la chefferie afin d’en

posséder quand d’autres peuvent vous en donner pour vous nuire et vous rendre dépendants d’eux.

Les totems souvent chargés de puissances occultes aident aussi leurs détenteurs dans la fabrication

des fétiches avec pouvoir de guérison de maladies compliquées. Mais, ils peuvent aussi incarner

des forces malines nuisibles. Dans beaucoup de régions en Afrique, les serpents sont associes a

plusieurs mythologies. Boas, pythons ou autres, certains serpents sont associés au bonheur ou au

malheur. Le python royal est un des animaux symboliques les plus puissants à qui on va même

jusqu’à attribuer des pouvoirs de divinité dans des mythes créateurs et des cérémonies religieuses

ou d’initiation.

La crainte et l’admiration millénaires de la nature à travers ces animaux, le respect de ce

qui est extraordinaire, la communication avec la nature, le lien étroit ou la communion avec la

nature sont si forts qu’il arrive que quand on tue l’animal ou on abat l’arbre, l’homme meurt. Il

arrive donc que certains hommes aient plusieurs génies pour pouvoir se régénérer quand un de

leurs doublures ou totems est atteinte ou abattue. Tous ces animaux, arbres, génies ou totems logent

ou vivent dans les forêts sacrées attenantes aux chefferies.

La biodiversité emblématique végétale ou forestière

La biodiversité emblématique végétale est constituée des espaces botaniques ou forestiers

ou encore d’essences rares isolées qui jouissent de valeurs symboliques certaines auprès d’une

communauté humaine. Les forêts sacrées des chefferies bamiléké de l’ouest-Cameroun en font

partie. De par les espèces animales, botaniques et surtout les essences forestières qui s’y trouvent

ou qu’elles hébergent ces espaces sont des aires protégés. Elles sont des sortes de parcs royaux où

on ne chasse pas et ou n’entre pas qui veut.

Image 5 : L’entrée de la forêt sacrée. Image 6. Le baobab sacré

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Source : Google

A côté des forêts sacrées, repères des totems, espèces rares et des essences recherchées, il

y a une autre merveille de la nature qui porte aussi une très importante valeur symbolique. Le

grand baobab royal est un signe de la pérennité de la lignée royale à tel point que quand une

branche se casse, c’est le signe qu’un membre influent de la famille royale va mourir. Et si le

baobab qui tombe, c’est le signe précurseur du décès du roi. C’est la raison pour laquelle cet arbre

est sérieusement protégé.

La biodiversité emblématique géomorphologique: les pics, les grottes, les chutes, …

D’autres merveilles de la biodiversité parsèment le territoire camerounais et méritent autant

notre admiration que les premières cités. Les montagnes, les rochers, les pics de montagnes, les

grottes, les lacs, bref des paysages rares et pittoresques retiennent l’admiration et le respect des

peuples. Et la liste n’étant pas exhaustive, juste quelques exemples suffisent pour avoir une idée

de la myriade de formes et de couleurs qu’ils sont pour la beauté de la nature et de l’environnement.

Parmi ces merveilles sont les monts, le Cameroun et l’ Atlantika.

Image 7 : Le mont Cameroun (le char des dieux). Image 8 : Les Monts Atlantika au Nord

Sources : les sites touristiques du Cameroun

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Le Mont Cameroun ou mont Fako (Char des dieux), situé dans la région du sud-ouest, 2è

sommet d’Afrique du haut de ses 4 100 mètres, il est surtout un volcan à la fureur rare mais

dévastatrice dont la dernière éruption remonte à l'an 2000. Pour ce qui est des Monts Atlantika,

situés à180km de Garoua dans la région du Nord, les monts Atlantika sont des chaînes

montagneuses d'une altitude atteignant 1885 mètres qui forment la dorsale camerounaise très

pittoresque de terrain très propice au trekking.

En dehors des monts, on peut citer d’autres merveilles, telles que les pics. C’est le cas du

pic de Rhumsiki (image 3) ou de la dent de Mindif (image 4) situe à 25 kilomètres au sud-est de

Maroua, «l'ascension de la "dent de Mindif", un énorme pic rocheux, reste le plus grand challenge

en Afrique centrale et occidentale» (www.wikipedia).

Image 9 : Le pic de Rhumsiki Image 10. La dent de Mindif

Source : www.Cameroun-plus Source : www.wikipedia

De même, les chutes sont aussi des merveilles qui retiennent notre attention et forcent tout

autant notre admiration. Parmi elles, la chute Mamy Wata, située à 24km de kilomètres de la ville

de Dschang, dans le village de Fongo-Tongo à l'ouest du Cameroun en 'pays' Bamiléké, d'une

hauteur de 82 m, se précipite dans une rivière sinueuse, au cœur d'une forêt sacrée. Et à côté de

l’image 11 de la chute Mamy wata, nous avons à 50 km de N’Gaoundéré, dans l’Adamaoua, les

chutes de Tello (image 12), une des principales curiosités naturelles de la région de l’Adamaoua.

Différentes de celles d’Ekom Nkam ou de la Lobé, elles sont aussi emblématiques et méritent

véritablement le détour.

Les grottes, les pics, les baobabs, les lacs en forçant notre admiration, finissent par devenir

des sanctuaires ou des espaces de rituels de purification et de cultes aux ancêtres, de cultes pour

divinités protectrices et de Dieu. Au total, ces espaces environnementaux globalement considérés,

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propriétés de la communauté, ces sites sont très protégés et au fil des ans, les populations

apprennent à les préserver de pères en fils, de générations en générations. La chute de Mamy wata

fait partie de ces mythes qui peuplent nos contrées avec l’histoire d’une blanche qui aurait disparu

à cet endroit et dont l’esprit hante les lieux jusqu’aujourd’hui.

Image 11 : La chute de Mami wata à Fongo-Tongo Image 12 : La chute de Tello dans l’Adamaoua

Source : Sites touristiques du Cameroun. Lacs et montagnes. Edition 2015.

Le territoire camerounais est saturé de ces merveilles. Au –delà des sites ci-dessus

présentés, on peut citer la plus longue grotte de l’Ouest Cameroun : la grotte kaa à Batié

(http://www .grottesducameroun.org/ -Le-blog-de-l-expedition-2010), qui, « avec un

développement de 168 m, [elle] devient la troisième plus longue grotte du Cameroun, derrière la

grotte Gaskin (450 m) et la grotte de Mbilibekon (220 m), respectivement sur le Mont Cameroun

(Buea) et à Nko’Etyé (à 20km d’Ebolowa)» (Testa, 2010). Mais aussi, des lacs tout aussi

pittoresques existent.

Image 13 : Le lac de cratère sur le mont Mbapit Image 14 : Lac de cratère (femelle) Manengouba

Source : Sites touristiques du Cameroun. Lacs et montagnes. Edition 2015.

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Les sites naturels ici présentés ne constituent qu’une infime partie du patrimoine culturel

du Cameroun. Ils sont constituent les espaces, essences et espèces rares, emblématiques et

pittoresques qui fondent la religiosité des peuples de l’Africaine subsaharienne.

II. LES LIEUX SACRES LA RELIGIOSITE, LES DIEUX ET DIEU: LES

MONTAGNES, LES ARBRES, LES COURS D’EAU, LES ROCHES, … COMME

SANCTUAIRES DE PURIFICATION ET D’ADORATION DE L’ETRE SUPREME

Au regard des contes, mythes et autres histoires développées particulièrement en Afrique

subsaharienne en termes de vertus et de puissances naturelles autour de la biodiversité et

contrairement aux allégations d’athéisme ou de paganisme racontées sur l’Afrique, on constate

plutôt que ce continent est profondément théiste et son attachement à la foi frôle parfois le

fanatisme, et donc le dogme. La preuve c’est le nombre de dénominations utilisées pour désigner

Dieu, l’être suprême, dénominations bien différentes de celles utilisées pour interpeller les

divinités inférieures qui sont en corrélation avec tout ce qui est pittoresque, étrange et qui sort de

l’ordinaire. Ce sont les phénomènes particuliers, parfois connotés d’un symbolisme prélogique,

qui alimentent les croyances, les traditions, les us et coutumes chez les Africains subsahariens. En

tant que sanctuaires, c’est-à-dire cadres idoines ou lieux de vénération et dialogue entre l’homme

et l’être suprême, la nature, de par son caractère pittoresque et unique qui donne des forces

naturelles et parfois occultes. Quelques exemples suffisent pour illustrer la manifestation de cette

religiosité

Les cas sont nombreux et illustratifs du fait que la foi des peuples africains en général et

en particulier des hautes de l’Ouest est fondée sur les curiosités de la nature. Naturels ou

surnaturels, simples ou mystiques, les sites comme les grottes Ndemvoh à Fongo-Ndeng, le rocher

Tofola’ à Fossong Ellélem, le Mont Memboukem et sa grotte a Bafou, … sont juste ces exemples

qui illustrent le caractère mystico-religieux de la biodiversité emblématique.

Image 15: Les grottes Ndemvoh Image 16: Le rocher Tofola’

Source : Les grottes sacrées des hautes terres de l’Ouest Cameroun.

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Les grottes Ndemvoh ont un porche de 120 m de large. L’imaginaire populaire raconte

qu’elles hébergent des divinités. Les deux grottes, femelle et mâle, forment un seul et unique dieu.

Ndemvoh, qui signifie « dieu de la grotte ». Ces deux grottes sont un sanctuaire qui reçoit les rites

de nombreux fidèles venant se purifier et solliciter protection. Les objets rituels sont disposés près

du petit ruisseau à l'entrée d'une petite salle obscure. La voyante, pour réveiller les divinités, agite

sa clochette, pour ne pas les 'surprendre'. La grotte Ndemvoh est une grotte et un site sacré de

purification à Fongo-Ndeng, près de Fongo-Tongo, village de l'ouest Cameroun.

L’énorme rocher Tofola’ abrite la principale divinité de la chefferie et détient les

pouvoirs surnaturels des ancêtres royaux et des notables. De taille impressionnante,

le rocher Tofola’, dont le côté ouest a la forme d’un énorme sexe de femme, est situé

dans une zone aux paysages splendides à près de 2000 m d’altitude. On lui rend un

important culte ; par de multiples sacrifices, les notables lui demandent

annuellement la bénédiction, la protection et le bonheur de la communauté. C’est

un dieu justicier qui frappe de mort violente les coupables, aussi est-il fort redouté.

De nombreuses légendes entourent le Tofola’ qui grandirait chaque année,

lancerait aux curieux des rayons mystérieux et mortels et serait protégé par des

serpents, des panthères, des brouillards aux pouvoirs occultes (Testa, 2010,

http://www.grottesducameroun.org/-Le-blog-de-l-expedition-2010-.html)).

Le rocher Tofola’ de Fossong-Ellélem dans sa description confirme à suffisance la

fonction mystico-religieuse de la biodiversité emblématique. Par ailleurs, les images 17 et 18

montrent comment les populations viennent se purifier et faire des libations dans les grottes Kaa

de Batié et Memboukem de Bafou. On voit les traces de libations et de rites dans la zone d’entrée

de la grotte Kaa tandis qu’à droite, on observe une famille en train de faire des Offrandes dans la

grotte Memboukem. Pour obtenir purification la femme debout, clame son innocence face au

malheur qui l’accable et sollicite l’aide du dieu Memboukem pour obtenir la paix, réparation du

tort dont elle et sa victime sont victimes.

Image 17 : La grotte sacrée Kaa de Batié Image 18:La grotte sacrée du Mont Memboukem

Source : Les grottes sacrées des hautes terres de l’Ouest Cameroun.

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Au total, l’apprenance culturelle manifestée à travers les croyances, les rites et autres

pratiques culturelles, anthropologiques locales, mystico-religieuses ou spirituelles rencontre

l’apprenance scientifique standardisée dans les disciplines scolaires, stabilisée et continuellement

rénovée par la rationalité cartésienne pour atteindre les mêmes finalités, à savoir l’éducation au

développement durable à travers la protection de l’environnement et de l’homme pour une vie

meilleure aujourd’hui et demain(La Commission Brundtland, 1989). La tradition, les us et les

coutumes à travers les représentations culturelles, les croyances mystico-religieuses rivalisent dans

la préservation de la nature parfois avec des pratiques modernes d’éducation de l’environnement.

III. LES VOIES ET DEMARCHES DE L’APPRENANCE SCIENTIFIQUE

Les sciences aujourd’hui quadrillent le terrain de la préservation de l’environnement au

point d’ouvrir des filières et cycles d’études dans leurs diverses ramifications. Des simples

sciences naturelles aux sciences de la vie et de la terre en passant par les sciences agricoles, la

foresterie, les sciences fauniques, bref presque toutes les disciplines scolaires font l’éducation au

développement durable.

Pour atteindre ses objectifs, c’est-à-dire satisfaire les besoins des générations actuelles en

préservant ceux des générations futures ou à venir, le développement durable doit cibler la

conservation et la gestion des ressources. Et pour cela, les projets doivent porter sur la préservation

de la biodiversité en général et de la biodiversité emblématique en particulier, l’habitat durable,

les énergies renouvelables, l’agriculture biologique, l’écotourisme, la protection de la couche

d’ozone, la lutte contre la désertification, la protection du climat, des écosystèmes fragiles et des

océans.

Image 19 : Mengame Sanctuaire aux gorilles Image 20 : une girafe au parc de Waza

Source : wikipedia

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Le sanctuaire aux gorilles de Mengame situé à 120km de Sangmélima dans la région du

Sud est une réserve de conservation transfrontalière Minkébé-Mengamé couvre 130.000 hectares

de part et d'autre de la frontière entre le Cameroun et le Gabon. Elle protège quelques 16 espèces

de primates du braconnage et de la déforestation. Situé dans l'extrême nord du pays, le parc national

de Waza couvre une superficie de 1 700 km2. Réserve de biosphère reconnue par l'Unesco depuis

1979, ce parc, atouts touristiques du Cameroun, est riche d'une faune naturelle exceptionnelle.

Image 21: la case obus mousgoum Image 22: les briques stabilisées du CIPCRE

Source : Source : www.visiter le Cameroun Source : CIPCRE Cameroun Bafoussam.

En définitive, l’apprenance mystico-religieuse et culturelle, à travers la tradition, les us et

coutumes, et la protection de la biodiversité emblématique (Mauz, 2009) vise et atteint les mêmes

objectifs que l’apprenance scientifique moderne (Carré, 2005), à savoir la protection de

l’environnement et l’éducation au développement durable. La géographie et l’histoire

(muséologie, muséographie, archéologie, …), l’anthropologie socioculturelle, l’écologie

profonde, la bioéthique, …et toutes les sciences ont visent la préservation de l’environnement et

l’amélioration des conditions de vie de l’homme comme acteur environnemental. Ces matières

visent à des niveaux divers l’ODD 12: consommation et production responsable, l’ODD 13: lutte

contre les changements climatiques, l’ODD 14: la gestion durable de la vie aquatique, l’ODD 15:

la gestion durable de la vie terrestre, … dans le but d’atteindre les ODD 1, 2 et 3: pour lutter contre

la pauvreté et la faim et travailler pour la bonne santé et le bien-être pour tous et à tous les âges.

Références bibliographiques

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conservation de la biodiversité, essai en vue de l’obtention du grade de maitre en écologie

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Commission Brundtland (1989). Notre avenir à tous. Rapport de la Commission mondiale sur

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Guicheteau, C. (2008), Travailler pour le développement durable. Tous les métiers secteur par

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