La Conquête de l'inutile. Les géographies imaginaires de l'Eldorado

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EHESS La Conquête de l'inutile. Les géographies imaginaires de l'Eldorado Author(s): Catherine Alès and Michel Pouyllau Source: L'Homme, 32e Année, No. 122/124, La Redécouverte de l'Amérique (Apr. - Dec., 1992), pp. 271-308 Published by: EHESS Stable URL: http://www.jstor.org/stable/25133132 . Accessed: 17/02/2014 13:07 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . EHESS is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to L'Homme. http://www.jstor.org This content downloaded from 168.176.5.118 on Mon, 17 Feb 2014 13:07:13 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

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EHESS

La Conquête de l'inutile. Les géographies imaginaires de l'EldoradoAuthor(s): Catherine Alès and Michel PouyllauSource: L'Homme, 32e Année, No. 122/124, La Redécouverte de l'Amérique (Apr. - Dec., 1992),pp. 271-308Published by: EHESSStable URL: http://www.jstor.org/stable/25133132 .

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Catherine Al?s & Michel Pouyllau

La Conqu?te de Pinutile. Les g?ographies imaginaires de l'Eldorado

Catherine Al?s et Michel Pouyllau, La Conqu?te de l'inutile. Les g?ographies imaginaires de l'Eldorado. ? Durant tout le xvie si?cle, des Andes aux Guyanes, les terres int?rieures du continent austral sont le th??tre d'exp?ditions aussi vaines que p?rilleuses ? la recherche du ? Pays de Por ?, devenant au cours des temps le refuge incertain d'un l?gendaire empereur ? dor? ?. Le mythe de l'Eldorado, qui se perp?tue sous diverses formes de nos jours, est analys? ici en r?f?rence ? l'histoire des id?es, ? l'avanc?e de la cartographie et ? la permanence litt?raire de ses geographies imaginaires. En effet, jusqu'au xixe si?cle, les cartographes, dont les intentions n'?taient pas toujours d?nu?es de soucis g?opolitiques, reporteront dans l'espace inexplor? entre Or?noque et Amazone un immense lac, le Parime lacus, sur les rives duquel s'?l?ve Manoa, une fabuleuse cit? aux parois d'or. Tombant en d?su?tude au temps des Lumi?res et surtout ? l'?poque de l'exploration scientifique, les g?ographies fantastiques de l'Eldorado r?apparaissent dans des uvres relevant du genre utopique ou du ? r?alisme

magique ? ib?ro-am?ricain. Ces geographies fictives qu'elles soient imagin?es par Voltaire, Conan Doyle ou Alejo Carpentier, construisent un territoire o? s'inversent les signes et o? peut s'exprimer la logique d'un rite de passage. Certes, une fois r?solue l'?nigme de la communication entre le bassin de l'Or?noque et celui de l'Amazone avec la reconnaissance du Cassiquiare, demeurent encore ? et ceci nous conduit ? la seconde moiti? du xxe si?cle ? l'inconnue des sources de l'Or?noque et la derni?re Terra incognita du bouclier guyanais, l'aire interfluviale du partage des eaux.

Et soudain appara?t, ?loign?, argent? de lune, le mirage de l'El Dorado.

Fray Pedro sourit avec malice. L'Adelantado ?coute, ?nigmatique, tout en jetant des branchettes dans le feu. Pour le collectionneur de plantes, le mythe n'est qu'un reflet de la r?alit?. L? o? l'on chercha la ville de

Manoa, plus haut, plus bas, sur tout le territoire qu'embrasse sa vaste

province fantomale, il y a des diamants dans la vase des berges des fleuves, et de l'or au fond de leurs eaux. ? Des alluvions ? objecte Yannes. ? Donc,

argumente Montsalvatje, il y a un massif central qui nous est inconnu, un laboratoire d'alchimie tellurique, aux formes ?tranges, toutes pavois?es de cascades, qui recouvrent cette zone ? la moins explor?e de la plan?te ? sur le seuil de laquelle nous nous trouvons. Il y ace que Walter Raleigh appelait le filon m?re', m?re des filons, source de la quantit? in?puisable de pierres pr?cieuses jet?es dans certains fleuves. ? Le nom de celui que les Espagnols nommaient Serguatale am?ne sur-le-champ l'herborisateur ? invoquer les t?moignages de prodigieux aventuriers qui surgissent de

L'Homme 122-124, avr.-d?c. 1992, XXXII (2-3-4), pp. 271-308.

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272 CATHERINE AL?S & MICHEL POUYLLAU

l'ombre, appel?s par leurs noms pour venir ?chauffer leurs cottes de mailles et leurs casaques matelass?es aux flammes de notre feu. Ce sont les

Federmann, les Belalcazar, les Spira, les Orellana, suivis de leurs aum?niers, timbaliers et joueurs de saquebute ; escort?s par la troupe n?cromantique des rebouteurs, herboristes et teneurs de livres des morts. Ce sont les Allemands blonds aux barbes fris?es, et les Estr?m?gnes secs aux barbes de bouc, envelopp?s dans les plis de leurs ?tendards, ? cheval sur des coursiers qui, comme ceux de Gonzalo Pizarro, furent ferr?s avec de l'or

massif peu apr?s avoir foul? la terre mouvante de l'El Dorado. Et c'est surtout Philippe d'Utrecht, Urre des Castillans, qui un soir m?morable du haut d'une colline contempla ?bloui la grande cit? de Manoa et ses

alcazars prodigieux, muet de stupeur au milieu de ses hommes. Depuis la nouvelle s'?tait r?pandue ; c'avait ?t?, pendant un si?cle, un terrifiant sondage de la for?t vierge, l'?chec tragique des exp?ditions ; on s'?tait

?gar?, on avait tourn? en rond, mang? les harnais, bu le sang des chevaux, subi maintes fois la mort de S?bastien perc? de dards. Ceci, pour ce qui est des exp?ditions connues, car les chroniques avaient oubli? les noms de ceux qui, par petits groupes, s'?taient br?l?s ? la flamme du mythe, avaient laiss? leurs os pourrir dans leur armure, au pied de quelque rempart inaccessible de rochers.

Alejo Carpentier, Le Partage des eaux, p. 192.

A Saint-Di? des Vosges, en 1507, le duc Ren? II de Lorraine confie les rela tions de voyage et les cartes d'Amerigo Vespucci ? un moine ?rudit, Martin

Waldseem?ller, avec ordre d'imprimer une carte de l'univers. D'un trait, celui ci dessine une quatri?me partie du monde, bravant en cela l'autorit? de Pto l?m?e. L'hypoth?se d'un nouveau continent prend forme. Cette carte para?t dans Cosmographiae Introductio o? l'humaniste Ringmann se joint au g?nial cartographe

? Ilacomilus de son nom latin ? et propose de baptiser ? cette autre partie Amerige, c'est-?-dire terre d'Amerigo ou America ?, en l'honneur du d?couvreur (suppos?) du continent. ?clips?, Christophe Colomb est mort

depuis un an ; contrairement ? Vespucci qui pressent tr?s vite qu'il est en pr? sence d'un ? nouveau monde ? et qui, plus fabulateur, sait se mettre en valeur dans ses lettres publi?es, Mundus Novus (1503) et Quatuor Navigationes (1506-1507), Colomb a longtemps cru qu'il ?tait face ? l'Asie et ? proximit? du Cipango, autrement dit le Japon, avant d'envisager peu apr?s son troisi?me

voyage (1498), mais trop timidement, l'existence d'une ? terre inconnue ?2.

L'apport europ?en ? la construction de la g?ographie de l'Am?rique australe

depuis 1492 va ainsi constamment se situer dans un rapport dialectique entre

fictions, mythes3 et r?alit?s dont l'enjeu sera tr?s vite ces taches blanches sur la carte qui se r?duisent comme peau de chagrin. Y contribuent, dans un premier temps, les explorateurs et conqu?rants luso-hispaniques qui d?veloppent, ? par tir de l?gendes indig?nes, des g?ographies imaginaires autour des nouvelles terres

? parmi lesquelles l'Eldorado, le fabuleux pays de l'or, et les incertitudes li?es

? ses chemins d'acc?s ?, puis, dans un second temps, les cartographes de diverses nations europ?ennes qui essaient de traduire sur le papier les cheminements des

voyageurs. Au passage le mythe de l'Eldorado s'enrichira ou s'appauvrira ? tra vers la description de soci?t?s id?ales dont les limites g?ographiques sont inscrites

quelque part entre la cordill?re des Andes et l'oc?an Atlantique.

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F/g. 1. L'Indien dorado ?tait enduit d'une huile parfum?e puis une fine poudre d'or ?tait souffl?e sur son corps (De Bry, Historia Americ sive Novi Orbis..., Frankf?rt, M. Meriani, 1634).

(Cr?dits photographiques Mus?um national d'histoire naturelle pour les figures 1 ? 7).

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Fig. 2. En ao?t 1498, lors de son troisi?me voyage, Colomb

explore l'embouchure de l'Or?

noque ; ? l'observation de son

d?bit, il pressent qu'il est face ? une ? terre inconnue ?. Colomb imagine que c'est sur une montagne en forme de ? t?ton ?, o? ce grand fleuve

prendrait naissance, que se situe le ? Paradis terrestre ?.

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Fig. 3. L'exp?dition de Diego Fernandez de Serpa fut massacr?e par les Indiens du moyen Or?noque en 1750 (De Bry, ibid.).

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Fig. 4. La ville de Manoa au bord du lac sal? Parime. On y acc?de gr?ce au por tage des embarcations

depuis le haut Essequibo (Levinus Hulsius, Tra

vels, V, 1599).

Fig. 5. D?tail de la carte de Berrio-Raleigh (1595) repr?sentant le lac Parime sous la forme d'un mille

pattes, Manoa et la rivi?re Dorado (Levinus Hulsius, ibid.).

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Fig. 6. Pr?s de l'embouchure du Caroni, Raleigh re?oit Topiawari, le repr?sentant de la Province d'Aromania ? la suite de son oncle Morekito. Topiawari l'infor

mera des peuples vivant en ? Guyane ? et lui montrera la localisation d'une source d'or (De Bry, ibid.).

Fig. 7. Les Ewaipanoma, un des peuples de la Guyane selon Raleigh, ?taient des hommes

ac?phales dont le visage s'incorporait ? la poitrine (Levinus Hulsius, ibid.).

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Fig. 8. Carte de De Bry (1599) avec hommes sans t?te. Accompagnant

la traduction latine du livre de W. Raleigh, elle a prodigieusement

contribu? ? la diffusion du mythe de l'Eldorado.

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F/g. 9. Carte de Henricus Hondius (1635).

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Fig. 10. Carte de Sans?n d'Abbeville (1734).

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Fig. 11. Carte de Guiljelmus Blaeuw (1647).

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F/g. 12. A. de Humboldt et A. Bonpland lors de leur voyage sur l'Or?noque-Rio Negro-Cassiquiare (d'apr?s une peinture de F. G. Weitsche).

Fig. 13. Onze cartes ?tudi?es par Humboldt (1800) : ? Histoire de la g?ographie de l'Or?noque-lac Parime, Dorado, Bifurcation pour servir d'?claircissement aux discussions contenues dans le chapitre 24 de la Relat. Hist, de Mr de Humboldt. ? ? La plupart des r?veries hydrographiques ont disparu ; mais les lacs Cassipa et Dorado se sont conserv?s longtemps simultan?ment sur nos cartes [...] En suivant l'histoire de la g?ographie, on voit le Cassipa, figur? comme un parall?logramme rectangle, s'agrandir peu ? peu aux d?pens du Dorado. En supprimant parfois le second, on ne se hasarde pas de toucher au premier [...] En

1760, D'Anville, comme plus tard La Cruz Cano y Olmedilla (1775), ?tablit la communication arbi traire de la lagune Parime avec l'Or?noque, le Branco et l'Essequibo qu'il place ? la latitude du

Cassipa [...] L'ancien lac Parime, situ? sous l'?quateur, ?tait ind?pendant de l'Or?noque ; le nou veau qui parut ? la place du Cassipa et sous la m?me forme d'un quadrilat?re [...] offre les commu nications hydrauliques les plus bizarres ? (A. de Humboldt, Relation historique, 1819 : 709).

(Cr?dits photographiques Mus?um national d'histoire naturelle pour les figures 12 et 13).

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L'Eldorado 273

L'Espagne, le Portugal et les entit?s coloniales ib?ro-am?ricaines, m?me si

l'exp?rience de leurs ? conqu?rants de l'inutile ? est reconnue, contribuent rela tivement peu aux reconstructions cartographiques, laissant la place aux Italiens,

Hollandais, Fran?ais et Anglais. Les nations ib?riques tentent de garder jalou sement le secret sur leurs d?couvertes, mais l'on peut supposer aussi que les

Espagnols ont r?serv? aux Hollandais, alors d?pendants de l'empire espagnol, le soin de diffuser les connaissances cartographiques (Gonzalez Oropeza 1987 :

16). Sur plus d'une centaine de documents cartographiques relatifs ? Paire qui nous concerne, il est remarquable que seule une vingtaine ait ?t? r?dig? par des Espagnols ou des Portugais (cf. Annexe). Curieusement il en est de m?me de l'exploitation du mythe de l'Eldorado dans la litt?rature : ce n'est que r?cem ment que des auteurs hispaniques comme le Cubain Alejo Carpentier ou le V?n? zu?lien R?mulo Gallegos relaient, en quelque sorte, les chroniques historiques ou les ouvrages de Sir Walter Raleigh, Voltaire ou Conan Doyle. D'une cer taine mani?re, les Ib?riens se voient d?poss?d?s de cette exp?rience unique qui leur avait conf?r? une avance singuli?re dans le domaine des connaissances

g?ographiques.

LA VISION CARTOGRAPHIQUE DU NOUVEAU MONDE

Les g?ographies imaginaires construites autour de l'Eldorado constituent un sujet in?puisable qui a d?pass? le cadre de la pens?e ib?rique pour entretenir le mythe des terres promises. Depuis la d?couverte de l'Am?rique, l'Eldorado

s'impose en effet comme ?vidence. C'est avec obstination et, semble-t-il, d?rai son apparente que les conqu?rants s'acharnent ? poursuivre ce mirage. La l?gende d'une contr?e prodigieuse aux richesses exceptionnelles va s'associer peu ? peu aux fleuves qui repr?sentent, sans nul doute, le chemin le plus simple dans cette recherche. Et quels fleuves ! L'Amazone n'est-elle pas la premi?re rivi?re du

monde et l'Or?noque la quatri?me ? Et pourquoi pr?cis?ment ces cours d'eau, si ce n'est qu'il s'agit des derni?res ?tapes vers la Terra incognita des carto

graphes ? Du mythe au roman, voire ? la caricature, il n'y a qu'un pas que Voltaire n'h?sitera pas ? franchir ; mais chemin faisant, un entrelacs d'illu

sions, d'?checs et de qu?tes romanesques se tisse autour de cette croyance, cr?ant ainsi le support mat?rialis? d'une g?ographie fantasmatique.

Comment pourrait-on d?finir une g?ographie imaginaire et par extension la cartographie imaginaire ? Dans une th?se soutenue r?cemment, traitant des ? G?ographies imaginaires ?4, Pierre Jourde (1989 : 16) propose une d?fini tion que nous ferons n?tre : ? Un monde imaginaire est un ensemble spatial complexe identifi? par des toponymes en majorit? invent?s, ? condition que cet ensemble forme une structure autonome nettement d?tach?e de l'espace connu et explor? au moment o? ?crit l'auteur. ? Cette d?marche est une constante dans les uvres qui inventent des mondes, qu'il s'agisse, dans le champ cultu rel qui nous int?resse, d'ouvrages comme La Guerra delf?n del mundo de Marco

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274 CATHERINE AL?S & MICHEL POUYLLAU

Vargas Llosa ou Cent ans de solitude de Gabriel Garc?a M?rquez avec leurs

g?ographies fictives de Canudos et Macondo. Certes, ce monde correspond g?n? ralement ? un ? blanc ? sur la carte du roman, mais quelle co?ncidence parfaite avec les documents produits sur l'Am?rique m?ridionale durant les XVIe, XVIIe et XVIIIe si?cles o? figure la Terra incognita : pr?cis?ment le lieu-refuge de l'Eldorado.

Conquistadors, pouvoirs hispano-lusitaniens, explorateurs, auteurs et m?me

g?ographes utilisent de fait, toutefois ? des degr?s divers de perception, de conni vence ou d'innocence, la r?gion Or?noque-Amazone comme un support privi l?gi? o? ?laborer leurs calculs pour s'emparer de territoires et de richesses : au passage s'int?grent fantasmes, qu?tes, paraboles ou actions hors du commun. Cet espace int?rieur, avec ses immenses for?ts et savanes, fournit l'unit? de lieu. L'unit? d'action nous est donn?e par la poursuite perp?tuelle d'un tr?sor, qu'il s'agisse d'or, de terres, de for?ts, de min?raux et ce dans l'inversion de tous les signes : chaleur excessive, paysages inou?s, animaux ?tranges et terri

fiants, hommes anthropophages ou ac?phales et autres races pliniennes. Quant ? l'unit? de temps, elle pourrait sembler manquer. Mais le mythe de l'or ne se perp?tue-il pas dans les actuelles consid?rations, mi-fabulatoires, mi-r?elles, sur les potentialit?s de la for?t amazonienne, l'un des derniers fronts pionniers, et, bien au del? de l'arriv?e de Christophe Colomb aux Indes occidentales, ne

pourrait-on soumettre ? un m?me regard les merveilleuses l?gendes grecques sur le pays du Soleil5. Cette permanence n'est-elle pas un trait propre ? la tem

poralit? mythique ? On a l?, r?unis, les ?l?ments de la trag?die de l'Eldorado, dont la

recherche voua r?guli?rement ? leur perte ses protagonistes, si nombreux furent ils. Que reste-t-il de cette qu?te ? On s'accordera ? dire qu'elle a eu pour le moins le m?rite d'?largir la connaissance de l'espace v?n?zu?lien et

guyanais.

Les l?gendes ? doradistes ?

Un si?cle apr?s la D?couverte, reprenant ? leur compte des r?cits indi

g?nes, les explorateurs de 1'hinterland Andes-oc?an Atlantique ? bassins de

l'Or?noque et de l'Amazone ? estiment qu'il existe, quelque part au centre du massif des Guyanes, une lagune ou une mer. La recherche de l'or suscite

davantage encore l'id?e de l'existence de ce lac qui sera d?nomm? selon les

?poques et les auteurs ? Lac Parim? ?, ? Mer dor?e ? ou ? Mer blanche ?

(cf. Annexe) : sur ses rives, se dresse, magnifique, une ville aux murailles

d'or, la fantastique Manoa, la Ciudad del Oro. L? r?side VEl dorado, devenu ? grand empereur ? au cours des temps. On sait qu'il s'agissait ? l'origine de la l?gende d'un cacique chibcha qui, le corps et le visage oints d'une huile

parfum?e, se parait d'une pellicule d'or r?duit en fine poudre et plongeait rituellement dans le lac de Guatavita, pr?s de l'actuelle Bogota, en hommage au Soleil.

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L'Eldorado 275

Au d?part donc une l?gende englobant par la suite toutes celles qui ser virent de fil conducteur aux conqu?rants du Nouveau Monde et berc?rent leurs

esp?rances. Certaines seront propag?es bien avant m?me la connaissance de l'existence suppos?e d'un Indien se baignant, peint de poudre d'or, dans un

lac o? l'on jetait objets d'or et pierres pr?cieuses, de cet ? Indio dorado ? que l'on va d?s lors appeler ? el dorado ? : ? l'homme dor? ?6. Sur cette trame se construit le ? mythe de Y El Dorado ? qui acquiert statut paradigmatique pour rendre compte des multiples attentes des conqu?rants de ces terres inconnues.

C'est en fait toute la conqu?te ? d?s le premier voyage de Colomb qui

pense d?couvrir les Indes et les merveilles asiatiques, comme le Cathay, le Quinsey ou le Cipango, exalt?es par Marco Polo et Mandeville ?

qui est port?e par une attente du fantastique7. Le mythe de l'Eldorado y puise ses racines, puis la d?couverte du pays azt?que par Cort?s et celle des splendeurs de Cajamarca et du Cuzco par Pizarro assoient concr?tement les convictions tandis que les ? nouvelles ? rapport?es des diff?rentes incursions ? l'int?rieur vers le ? pays de Meta ?8, malgr? les ?checs et les d?mentis, procurent sans cesse de nou veaux indices, confirmant ? chaque fois l'id?e qu'il existe bien quelque part

? en un lieu que l'on ne conna?t pas encore ? les gisements miniers d'o?

proviennent tant de prodigieux tr?sors. Quand les incitations ? la recherche

s'?puisent, elles sont ranim?es par la fabuleuse d?couverte des ?meraudes et des pi?ces d'orf?vrerie de la culture muisca que fait Jim?nez de Quesada, le fondateur de Bogota et la Nouvelle-Grenade. Une fois n?e, la l?gende du cacique dor? va se r?pandre et se grossir ? chaque tentative de d?tails suppl?mentaires qui seront agglutin?s puis incorpor?s aux nouvelles informations recueillies lors des diff?rentes exp?ditions. Associ?e au ? pays des Omeguas ? et au ? royaume de Cuarica ?9, ou encore ? l'existence d'une immense lagune et au nom de la ville de Manoa10, cette l?gende va aller grandissant jusqu'? atteindre une sorte

d'apoth?ose avec la fertile imagination de Sir Walter Raleigh telle qu'il nous l'a restitu?e dans The Discoverie...11.

Laissons aux historiens ? de l'excellente synth?se ?crite par Jer?nimo Martinez-Mendoza (1967) ? la pr?cieuse somme r?alis?e par Demetrio Ramos P?rez (1973) o? celui-ci analyse avec une minutie exceptionnelle la construction du mythe de Y? El Dorado ? ? le soin d'en retracer les avatars12. Nous nous

proposons plut?t d'illustrer l'influence du mythe sur l'exploration de l'Am?

rique ?quinoxiale, sa permanence ? travers les g?ographies fantastiques qu'il va susciter et la richesse de sa repr?sentation iconographique et litt?raire ali mentant un imaginaire qui se perp?tue jusqu'? nos jours.

On ne peut en effet se contenter de voir dans cette qu?te une suite d'aven tures illusoires et fantasmagoriques ; cet ensemble de faits participe aussi de l'histoire des id?es. M?me si le merveilleux lui sert de terreau, le mythe se nourrit d'illusions nouvelles qui rel?vent de syst?mes de pens?e rationnels propres ? cette p?riode de la Renaissance : conception en particulier d'une causalit?

alchimique qui s'exerce en certaines zones telluriques o? la nature se r?v?lerait la plus propice ? la formation de l'or. Cette perspective, un temps assimil?e

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276 CATHERINE AL?S & MICHEL POUYLLAU

dans le mythe, resurgira, consid?rablement ?pur?e ? l'existence de mines auri

f?res ? pour justifier la recherche de l'or lorsque ces espaces inconnus per dront leurs attributs fantastiques. Mais cette th?orie d'un milieu suppos? le plus favorable, du fait de l'intensit? du soleil, ? la cr?ation g?ologique de veines aurif?res pr?side en tant que telle, et sans son relais mythique, aux entreprises des conquistadors. Ordaz, ancien compagnon de Cort?s, est le premier ? avan cer l'id?e selon laquelle les gisements du pr?cieux minerai, dont les indices ont ?t? d?tect?s par Pizarro (l'or des Incas) et les autres explorateurs du demi-cercle

littoral, existent bien ; il postule surtout qu'ils sont situ?s profond?ment ? l'int? rieur des terres. Peu apr?s, Dortal r?affirme cette th?orie et soutient que ? la

grandeza del oro esta devajo de la quinocial ?, c'est-?-dire dans la r?gion ?quinoxale13.

La gen?se du mythe correspond bien ? cette p?riode o? l'Eldorado est loca lis? de mani?re non ?quivoque dans l'espace continental situ? ? l'est des Andes

(entre le nord de l'Or?noque et le sud de l'Amazone). Par la suite, les condi tions historiques des explorations et les contraintes g?ographiques propres aux

terres situ?es entre l'Or?noque, l'Amazone et l'oc?an Atlantique contribuent ? exacerber la l?gende. Le contraste entre les c?tes colonis?es et l'int?rieur, inex

plor? et peu praticable, s'y pr?te. Il y a ces puissantes rivi?res qui d?valent des Andes et sur lesquelles Orellana perdra toute illusion. Il y a ensuite les hauts bassins des fleuves Or?noque, Caura, Caroni, Cuyuni, Essequibo ou Rio

Branco, entrecoup?s de violents rapides qui d?coupent et ceinturent le bouclier

guyanais. Les explorateurs y rencontrent les pires difficult?s pour effectuer les

portages entre les diff?rents biefs. Les conditions climatiques extr?mes et le milieu hostile ?loignent plus encore ce lieu mirifique. Il y a aussi ces peuplades de ? sauvages ? qui semblent entretenir l'id?e de fabuleuses richesses14, mais

qui s?ment la d?route parmi les troupes les mieux ?quip?es, et dont la r?puta tion terrorise m?me les plus entreprenants. S'y ajoutent les difficult?s d'appro visionnement dans la travers?e des no man's lands que d?finissent les pratiques d'?vitement r?ciproque des soci?t?s indig?nes. Derni?res atteintes, ces terres du ? Monde perdu ? associ?es aux spectaculaires falaises de la formation g?olo

gique du Roraima, hauts plateaux ? v?g?tations et faunes singuli?res, r?serves

jusqu'? nos jours d'or et de diamants, constitueront en quelque sorte le dernier centre g?ographique de la l?gende15.

Tout ceci contribue ? d?terminer une dynamique particuli?re du mythe qui se d?veloppe dans deux directions, l'une litt?raire avec les chroniques des voya

geurs, des missionnaires et des divers envoy?s des pouvoirs, espagnol et portu

gais, l'autre cartographique, avec la repr?sentation du lac Parima, accompagn? ou non de la ville de Manoa, quelque part entre l'Or?noque et l'Amazone, ?

proximit? de la ligne ?quatoriale. Cette croyance est encore tr?s pr?sente durant la seconde moiti? du XVIIIe si?cle, m?me si l'exploration de Nicolas Horstman en 1739-1740, dans la r?gion situ?e entre le haut Essequibo et le Rio Branco,

apporte des arguments d?cisifs ? l'inexistence du lac. Le mythe s'amenuise, ne r?apparaissant de temps en temps qu'? l'?tat de r?surgence du pass? : seule

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278 CATHERINE AL?S & MICHEL POUYLLAU

demeure l'id?e d'une montagne riche en filons aurif?res. C'est sous ce jour que seront lanc?es du c?t? espagnol par Manuel Centurion plusieurs exp?di tions entre 1771 et 1775 : Vicente Diez de la Fuente croit avoir enfin d?couvert le ? Dorado ? et la lagune Parima alors qu'il n'a rencontr? que le petit lac

Amuku d?j? d?couvert par Hortsman16. L'analyse critique s'amorce enfin, au

d?but du XIXe si?cle, avec le voyage d'Alexandre de Humboldt et d'Aim? Bon

pland qui d?truira d?finitivement la l?gende en apportant confirmation de l'absence de la lagune dor?e17. Curieusement, des cartographes maintiennent

toujours dans les premi?res d?cennies de ce si?cle la pr?sence du lac Parima

et, cas extr?me, l'Anglais Nicolas Herbert Camron ? Georgetown mentionne encore son existence en 1856 (Gonzales Oropeza 1987 : 68). S'agit-il d'oppor tunisme dans le contexte du conflit frontalier anglo-v?n?zu?lien qui se d?ve

loppe ? cette ?poque ? En r?alit?, avec la Mapa de las Provincias de Venezuela

y del Reino de Santa Fe de Mariano Torrente (1831), on quitte l'?re du brico

lage cartographique pour entrer dans celle de la g?ographie scientifique qu'annonce Agust?n Codazzi (1840).

Les navettes cartographiques

La consultation des documents cartographiques o? figure le lac est int?res sante du point de vue g?ohistorique car apparaissent en trois si?cles trois aires de localisation g?ographiques. La premi?re situe pour une br?ve p?riode l'Eldo rado ? proximit? de la lagune Guatavita ; la cordill?re orientale des Andes est

rapidement reconnue et les conquistadors, comme Philippe de H?tten (1541-1546), parti ? la recherche du ? pays des Omeguas ?, P?rez de Quesada (1540-1542) ou Gonzalo Pizarro (1541-1542) ?chouent dans leurs efforts pour trouver le

royaume suppos? si riche. Au fil des voyages, ce pays se voit repouss? tr?s loin vers l'est, sur la ligne ?quinoxiale, entre Or?noque et Amazone au c ur

du massif guyanais. Cette seconde situation correspond ? l'avanc?e des connais sances g?ographiques ? partir des explorations men?es surtout depuis la fa?ade atlantique par Antonio de Berrio (1584-1595), Raleigh (1595) et Fernando de Berrio (1598-1620). Un mouvement s'effectue encore, toujours entre Or?noque et Amazone, vers l'int?rieur du continent o? le ? Lac Parime ? vient tout ?

coup se loger dans les contreforts de la Sierra Parima qui s?pare le Br?sil du Venezuela. Cet ultime avatar correspond aux travaux de VExpedici?n de los

L?mites ? nous y reviendrons ? men?e par Itturiaga et Solano (1754-1760) en vue de la d?limitation des fronti?res entre les empires espagnol et portugais. Ce sera sa derni?re position connue18. Une nouvelle fois viennent se projeter ici, alors que l'on est ? l'aube de l'?re scientifique proprement dite, les vieilles

croyances relatives au lac l?gendaire. Le milieu du xvme si?cle est n?anmoins riche en rebondissements car l'on

assiste aux premi?res ? corrections g?opolitiques ? associ?es aux tentatives de

p?n?tration des Hollandais dans les Guyanes. C'est ainsi que la carte de Jean

Baptiste d'Anville ?dit?e en 1748, tenant compte des derni?res informations

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L'Eldorado 279

relatives au voyage d'Horstman, ne comporte plus le lac Parima, tandis que ce m?me auteur l'incorpore ? nouveau dans l'?dition de 1760, tentant de justi fier ainsi une limite territoriale entre les puissances hollandaise, espagnole et

portugaise. Les Espagnols se d?sint?ressent alors des connaissances purement g?ographiques au profit d'une cartographie politique capable de fixer des lignes de d?marcation pour contrecarrer l'expansionnisme portugais, anglais et hollan dais. En quelque sorte la pr?sence sur la carte d'un ? blanc ? ? secteur ind? termin? ? justifierait les droits d'un ?tat sur des territoires ? conqu?rir. Les int?r?ts de chaque nation font ainsi reculer de plus en plus la localisation du lac mythique vers ce qui va demeurer jusqu'aux ann?es 1970 la derni?re Terra

incognita du massif guyanais, la sierra Parima.

LES G?OGRAPHIES DE L'IMAGINAIRE DANS LA LITT?RATURE

Fray Pedro s'arr?te, respire profond?ment, et contemple un horizon d'arbres d'o?

?merge, en volumes gris ardoise, une cordill?re aux cr?tes bris?es, qui est comme une

dure pr?sence, sombre et hostile, dans la saisissante beaut? des horizons de la vall?e.

Le moine l?ve son b?ton noueux : ? L?-bas, dit-il, vivent les seuls Indiens pervers et sanguinaires qu'il y ait dans ces r?gions. Aucun missionnaire n'en est revenu. ?

Je crois que je me suis permis ? ce moment une plaisanterie sur l'inutilit? de s'aven

turer dans des contr?es aussi ingrates. En guise de r?ponse, deux yeux, immens?ment

tristes, se fix?rent sur moi de fa?on singuli?re, avec une expression ? la fois si intense

et si r?sign?e que je me sentis d?concert? ; et je me demandai vainement si je leur avais donn? un motif de col?re^.

Perdant progressivement de son efficacit? comme source de connaissance de ces terres inconnues et de leur appropriation imaginaire et r?elle, le mythe de l'Eldorado trouve un nouveau souffle en inspirant la fiction. D?j? son image de paradis terrestre appara?t dans Paradis perdu, po?me ?pique ?crit par John

Milton en 1667. Le roman et de nombreux genres litt?raires s'emparent aussi de sa g?ographie fantastique, de sa lagune et des fleuves interconnect?s, soit comme support de l'action, soit pour en faire les acteurs m?mes du r?cit. Qu'elles soient utilis?es au xvine si?cle par Voltaire dans Candide, ? la fin du XIXe par

Arthur Conan Doyle dans Le Monde perdu ou, au milieu de notre si?cle, par R?mulo Gallegos dans Canaima et par Alejo Carpentier dans Le Partage des

eaux, les g?ographies imaginaires sont toujours d'actualit?. Le mythe d'une contr?e inconnue et les fleuves qui y introduisent nous font parvenir ? l'utopie, qu'elle soit r?aliste chez Gallegos, id?aliste chez Carpentier, satirique chez Vol taire ou pol?mique (la survivance end?mique d'esp?ces non ?volu?es) chez Conan

Doyle. Ainsi, bien que le th?me de Canaima (1941) soit en lui-m?me classique

? il s'agit de la vie et de la mort de caucheros, collecteurs d'h?v?a et aventu riers ?, son int?r?t r?side surtout dans une lecture g?ographique du texte : nous y retrouvons le fantastique ?touffant de la nature que les conquistadors

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280 CATHERINE AL?S & MICHEL POUYLLAU

de l'inutile ont connu. S'il ne s'agit pas ? vrai dire du meilleur roman de l'auteur

v?n?zu?lien20, Canaima demeure n?anmoins la seule nouvelle d'une certaine

qualit? litt?raire dont l'action se d?roule dans la for?t guyano-amazonienne, l? o? l'histoire a situ? l'Eldorado.

Si le fleuve, l'Or?noque, et la terre guyanaise servent de simple toile de fond ? l' uvre de R?mulo Gallegos, ils sont acteurs chez Carpentier, dans ce que l'on a appel? le courant du ? r?alisme magique ?21. Profond?ment marqu? par la terre v?n?zolane, comme en t?moigne son roman Le Partage des eaux (1956), Carpentier est tout autant g?ographe qu'?crivain22 ; l' uvre, il est vrai, ?tonne surtout par l'incomparable mani?re dont l'auteur incorpore ? sa fiction le monde ? l'?tat brut, c'est-?-dire par sa construction d'une r?gion magique. Comme le

souligne Bernard S?s? (1984 : 294), Carpentier excelle, en tant qu'?crivain, ? dans ce m?lange envo?tant du fantastique et du l?gendaire ins?r? dans l'histoire et la vie quotidienne ?, dans certains de ses textes ? l'utopique, le mythique, le chi

m?rique balayant toute logique, toute raison, tout sens commun ?. Pourtant, s'il est un champ de son uvre qui n'est pas touch? par le tragique et le d?ri

soire, c'est bien celui de la g?ographie23. C'est effectivement sur la base de la

pr?cision tant g?ographique qu'historique que Carpentier fonde la th?orie de ce

qu'il appelle le ? r?el merveilleux ? am?ricain. Et ? Qu'est-ce que l'histoire de

l'Am?rique tout enti?re si ce n'est une chronique du r?el-merveilleux ? ?24.

Explorer la dimension g?ographique dans Le Partage des eaux serait alors

reprendre pratiquement toute l' uvre tant elle est omnipr?sente, essentielle25 :

les paysages d?couverts par le protagoniste participent ? l'?laboration d'un monde neuf et primitif o? toute joie se manifeste dans la cr?ation. Le d?part vers ce

monde nouveau est d?j? li? ? l'?l?ment aquatique, et, d?s cet instant, Carpen tier a structur? l'action de son roman en associant le reportage g?ographique et le magique26. La poursuite de la navigation am?ne le h?ros vers cette terre de l'Eldorado, tr?s peu cit?e en tant que telle mais toujours en filigrane, retrou vant les sensations des conqu?rants lorsqu'ils d?couvraient pr?cis?ment ces

paysages inou?s, irr?els. Carpentier dans la for?t amazonienne v?n?zu?lienne, en compagnie d'un missionnaire, de chercheurs d'or et de caucheros, c'est la

red?couverte du Nouveau Monde et, mieux encore, de Virr?v?l? de ce nouveau

monde27. Nous pourrions suivre pas ? pas le h?ros au fil du ? Grand Fleuve ?

et, dans ce cas, il ne s'agirait finalement que d'un cheminement banal, sans

euph?misme, au fil de l'eau. Mais le fleuve de Carpentier est un peu surprenant car, nous y reviendrons, au fur et ? mesure que l'on se rapproche de l'Eldo

rado, c'est-?-dire des sources, il s'?largit. Sous la plume de Voltaire (1966 : 214), le voyage vers l'Eldorado commence

lui aussi au bord d'un fleuve : ? laissons-nous aller au courant ; une rivi?re m?ne toujours ? quelque endroit habit?. Si nous ne trouvons pas des choses

int?ressantes, nous trouverons du moins des choses nouvelles ?. Voltaire s'ins

pire bien s?r ici des exp?ditions qui se sont enfonc?es ? l'int?rieur des terres, mais sans doute plus particuli?rement du voyage de La Condamine, son ami

personnel ? il lui fait parvenir le r?cit de son p?riple sur l'Amazone ; nous

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L'Eldorado 281

verrons qu'? maintes reprises des ?l?ments de sa relation peuvent ?tre mis en

rapport avec des passages de Candide auxquels ils sont int?gr?s en de subtiles combinaisons d'oppositions et d'inversions28.

A son tour, la poursuite du voyage de Cacambo et de Candide a s?rement

inspir? Carpentier, car, signale Voltaire, ? ils vogu?rent quelques lieues entre des bords tant?t fleuris, tant?t arides, tant?t unis, tant?t escarp?s. La rivi?re

s'?largissait toujours ? (ibid.). Dans Le Partage des eaux, l'image du fleuve, de plus en plus imposant vers sa source, est certes plus secr?te et se manifeste

par l'abondance des richesses qui surgissent sous les pas, mais lorsque l'Ade lantado de Carpentier d?couvre la Porte dans la rive du fleuve, porte qui donne acc?s ? l'Eldorado, on croirait relire Candide, on retrouve les m?mes difficult?s de navigation, se d?gage la m?me impression de parcours initiatique29. Vol taire en somme n'est-il pas le premier ? d?crypter le ? r?el-merveilleux ? am?ri cain ? L'homme de Ferney aborde en effet la derni?re partie du voyage en sou

lignant que la rivi?re ? se perdait sous une vo?te de rochers ?pouvantables qui s'?levaient jusqu'au ciel [...] Le fleuve, resserr? en cet endroit, les porta avec une rapidit? et un bruit horrible. Au bout de vingt-quatre heures ils revirent le jour [...] enfin ils d?couvrirent un horizon immense, bord? de montagnes inaccessibles ? (pp. 214-215)30. Pour Voltaire, ce passage est un lieu de rup ture entre le monde connu et le monde nouveau et, ? la fois, un rite de transi tion oblig? pour une nouvelle naissance dans un monde id?al, fait d'innocence et de f?licit?, et prot?g? de l'avidit? des Europ?ens : ? comme nous sommes entour?s de rochers inabordables et de pr?cipices, nous avons toujours ?t? jusqu'? pr?sent ? l'abri de la rapacit? des nations de l'Europe, qui ont une fureur inconce vable pour les cailloux et pour la fange de notre terre, et qui, pour en avoir, nous tueraient tous jusqu'au dernier ? (p. 217)31.

Certes, dans Y El Dorado de Raleigh, il y a les Incas et leurs tr?sors immenses, ce sont les seuls peuplements civilis?s o? les gens sont v?tus, ils sont tr?s

puissants et font la guerre aux peuples ? l'entour, mais ici nous nous trouvons

plut?t face aux Incas tels que Garcilaso les a d?peints, dou?s d'une grande humanit? et par?s de toutes les qualit?s, d'un urbanisme raffin?, de m urs et de lois mod?les : c'est enfin le meilleur des mondes que recherche Can dide32. Or, si dans la reconstitution de Raleigh les Incas, une fois vaincus, se r?fugient vers l'est et fondent le royaume de Guyane, une pr?diction vou lant qu'ils se lib?rent un jour du joug des Espagnols, Voltaire prend l? d?lib? r?ment l'histoire ? contrepied : les Incas vaincus par les Espagnols sont ceux

qui ont mis le nez hors de ce cocon : quittant l'?den pour aller conqu?rir le monde, ils rencontrent d'autres civilisations avec leur cohorte de maux et d'atrocit?s ? dont l'Inquisition, la colonisation et l'esclavage

? et ils sont vaincus par les Espagnols33.

Le conte philosophique est le moyen pour Voltaire d'exprimer ses humeurs

quand il a le ? sang allum? ? et qu'il ? est de loisir ? (Voltaire 1966 : 13) : alors que la guerre fait rage en Europe, la philosophie ? la mode est celle du ? tout est bien ?. C'est donc par r?f?rence au syst?me leibnizien de l'optimisme

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282 CATHERINE AL?S & MICHEL POUYLLAU

que Voltaire va faire ?voluer Candide dans une suite de p?rip?ties, mais ? le meilleur des mondes possibles ? ne peut ?tre un monde o? toutes sortes de maux nous affectent, o? la censure s?vit, le mauvais go?t domine et la guerre culmine. Le voyage ? P? El Dorado ? est l'?pisode clef de la ? qu?te du graal ? de Can dide puisqu'il permet de mettre en jeu une s?rie d'inversions qui dessinent les contours d'un monde parfait. Celui-ci, tout entier du c?t? du ? tout va bien ?, est le n?gatif de celui o? ? tout va mal ?34. Mais l'irr?alit? de cet univers par fait ? le seul qui justifierait l'optimisme

? s'oppose aussi ? la r?alit? de son

contraire, et entre le monde r?el et l'utopie ?

ennuyeuse somme toute ? Can dide fait place au r?alisme quand il cherche une solution dans l'exercice des

joies simples comme celle de ? cultiver la terre ?35. Est-ce l? une d?robade de l'auteur face ? la construction d'un r?el projet social ? Le sens v?ritable de cette fable voltairienne questionne toujours les ex?g?tes ; il demeure, dit Ren? Pommeau (Voltaire 1966 : 21), ? ce quelque chose qui r?siste ? P?lucidation ?.

Comme le souligne Mich?le Duchet (1971 : 315), l'Eldorado est tout autre chose

qu'un apologue, il ? offre ? la fois toutes les richesses et toute la rigueur du

mythe ?36. Elle ajoute : ? mais Voltaire ne croit pas aux soci?t?s sans histoire :

s'il construit de toutes pi?ces un mod?le utopique, c'est pr?cis?ment pour d?mon trer la vanit? de tout espoir utopique37 [...]. La vraie vie est ailleurs, et toute la symbolique de l'Eldorado ne vise qu'? d?truire ce qu'elle semble figurer :

mythe o? viennent mourir tous les mythes, il renvoie l'esprit humain, d?sabus? des fables, ? sa propre aventure ?.

Si l'union intime du r?el et du magique est chez Carpentier et Voltaire le guide pour nous rapprocher d'un monde mythique, la Terra incognita montre

le droit ? la diff?rence dans The Lost World (1912) de Sir Conan Doyle. Cet auteur est surtout r?put? pour ses nouvelles polici?res construites autour du personnage de Sherlock Holmes, plus secret est son explorateur de science

fiction, le professeur Challenger38. Le th?me du roman est li? ? la pr?sence ou non d'end?mies sur la terre et, plus particuli?rement, dans une r?gion m?connue situ?e aux confins septentrionaux du Br?sil : nous voil? donc de nouveau immerg? dans une contr?e myst?rieuse qui ne peut manquer d'?vo

quer celle de l'Eldorado39. En effet, le haut plateau du monde perdu est, comme l'Eldorado de Voltaire, ceintur? de falaises inaccessibles : en son centre

brille un lac de couleur argent?e ; sur la rive, une lave bleue s?cr?te de fabu leux diamants... Symbole de la synchronie, cette ?le suspendue dominant la

for?t br?silienne a favoris? le maintien jusqu'? nos jours des formes repti liennes du jurassique et d'hommes-singes

? le fameux cha?non manquant de l'humanit? ?

et, simultan?ment, a permis leur voisinage avec des esp?ces ?vo lu?es comme les Indiens et les animaux amazoniens qui, s'?tant d?velopp?s ailleurs, les ont rejoints par la suite. L'id?e ?voqu?e par Conan Doyle d'une ?volution s?par?e d'esp?ces humaines, animales et v?g?tales dans cette r?gion du monde est g?n?ralement tenue pour chim?re ; or, ult?rieurement, en parti culier au cours des ann?es 1970-1980, les recherches ont confirm? la pr?sence d'end?mies concernant le r?gne animal et v?g?tal sur les hauts plateaux de

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L'Eldorado 283

la formation g?ologique du Roraima40. On peut penser que Conan Doyle, prenant connaissance des rapports des scientifiques charg?s d'explorer ce qui ?tait alors la Guyane anglaise, rapports qui signalaient ? ce sujet des faits relativement extraordinaires, a mis en relation, pour construire sa fiction, les

hypoth?ses de Darwin ? propos des Galapagos et la d?couverte de ces ? ?les continentales ?. Mais l'int?r?t de l' uvre, en ce qui nous concerne, r?side bien s?r dans ses descriptions de la navigation et le cheminement vers ce qu'il appelle ? la terre de Maple White ?. Tout comme dans les textes de Voltaire et de Carpentier, on retrouve ici le mythe-fantasme du tunnel, de la vo?te, de l'entr?e secr?te, de la lente et difficile progression de caract?re initiatique comme voie de p?n?tration oblig?e dans ? le monde nouveau ?41.

Le paradigme du fleuve et la recherche de l'Eldorado partagent une part de r?alit? : la qu?te de ces terres prodigieuses sans cesse plus lointaines et

plus inaccessibles ne peut passer que par les fleuves. Paradoxalement en effet, toutes les exp?ditions ob?issent ? une m?me d?marche ?minemment logique. Si fantasques qu'elles puissent para?tre avec le recul de l'histoire, elles ne sont

jamais men?es au hasard et les explorateurs tentent au contraire d'int?grer toutes les donn?es exploitables, sondant tr?s rationnellement ? chaque fois une portion immense du territoire inconnu. Ces traceurs de fronti?res ont eu la volont?, en fixant de nouvelles limites ? la connaissance territoriale, de donner un sens ? ce qui n'en avait pas, ce sens f?t-il projection de l'imagi naire. Nous aurions pu analyser dans cette perspective le livre de Sir Walter

Raleigh, The Discoverie of the Large, Rich and Bewtiful Empire of Guiana

(1596), ou reprendre les chroniques de la triste histoire de Fernando de Berrio

qui conduisit de 1598 ? 1620 une vingtaine d'exp?ditions dans les Guyanes ; on dit qu'il s'y ruina, mais quand il mourut, en 1622, il n'avait pas renonc? ? ses r?ves.

C'est lorsqu'il inspire ces v?ritables g?ographies de l'imaginaire ?labor?es

par Voltaire et surtout Conan Doyle que le mythe r?v?le ses fonctions les

plus universelles : cartes, toponymies, paysages, civilisations sont liens entre notre condition telle qu'illustr?e par les limites de l'espace terrestre connu et les forces fantasmatiques d'une nature ? laquelle son caract?re non connu

permet d'attribuer de nouveaux signes42. Ce sont donc essentiellement les jeux d'oppositions dont rel?ve la g?ographie imaginaire qui justifient sa perma nence en litt?rature. Dans la g?ographie de Voltaire ils se situent ? l'int?rieur m?me du champ de la civilisation (monde imparfait/monde parfait), tandis

qu'ils sont articul?s ? un rapport civilisation/nature vraie (? la vraie vie ?) dans celle de Carpentier ; le ? monde perdu ? de Conan Doyle se trouve quant ? lui du c?t? d'une hypernature sur laquelle l'homme moderne ne manquera cependant pas d'affirmer sa supr?matie. Les g?ographies fictives d'un monde nouveau sont dans tous les cas le support d'un monde ancien ; ce monde met en jeu, dans le premier, la culture la plus civilis?e, il est, dans le second, l'enjeu de la culture la plus naturelle, et, dans le dernier, ? la fois celui de la nature et de la culture la plus primitive.

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284 CATHERINE AL?S & MICHEL POUYLLAU

La cr?ation de cet espace d'inversion montre que l'acc?s au monde nouveau

repr?sente pour Candide, comme pour le h?ros de Carpentier et pour ceux de Conan Doyle, un rite de passage. Seule cette cl? nous permet de comprendre pourquoi tous les protagonistes quittent le monde utopique qu'ils ont rejoint. Nantis d'une connaissance nouvelle, ils retournent dans le monde d'o? ils

viennent, derni?re phase de tout rite de transition ? la r?int?gration dans le monde quotidien : l'envol vers la ville et le Mus?e de Carpentier, le jardin de

Candide, la conf?rence au Queen's Hall de Conan Doyle ; les difficult?s pour sortir du monde mythique ? l'issue du rite sont d'ailleurs aussi grandes que pour y entrer et, si le moyen utilis? diff?re dans chacun des cas de celui qui a pr?sid? ? l'entr?e, curieusement chaque fable propose une ?vacuation a?rienne des h?ros. En cela, la g?ographie fantastique n'est-elle pas tout autre chose

qu'une utopie ? Inversion souvent des signes de la culture, chez les anciens Grecs d?j?,

chim?res, fantasmes, la fascination de ces terres ? d?couvrir, de ces for?ts vierges, de ces peuplades aux limites de l'humanit? n'a-t-elle pas en d?finitive ?t? le

plus s?r moteur de la connaissance ? Qu'elle soit li?e aussi au savoir g?ogra phique, l'int?r?t du mythe de l'Eldorado est de nous le r?v?ler. La citation de

Carpentier que nous avons choisie de placer en ?pigraphe nous semble t?moi

gner de la permanence de cette fascination, les terrae incognitae eussent-elles

disparu. Il reste ? appr?cier les conditions dans lesquelles cette connaissance

g?ographique se d?place hors du cadre mythique, celles ?galement qui conduisent les g?ographies imaginaires ? se r?fugier dans le domaine de la fiction litt?raire.

L'EXPLORATION DU PARTAGE DES EAUX OU LA FIN DES G?OGRAPHIES IMAGINAIRES

Ce sont des hommes du XVIIIe si?cle qui les premiers s'aventur?rent dans l'extr?me sud v?n?zolan, aux confins du Br?sil. En effet, dans les ann?es 1740, le mythe aquatique du ? lac ? est relay? par une interrogation, elle aussi li?e ? l'eau, sur une hypoth?tique interconnexion des syst?mes Or?noque-Amazone. D?s le milieu du si?cle, les relations reprennent les informations de voyageurs sur l'existence d'une communication entre les deux fleuves et, alors que l'on

d?couvre la v?ritable localisation des sources de l'Or?noque, cette hydrogra

phie complexe va ?tre mise en rapport avec le lac Parima.

Or, d?s 1639, le p?re Cristobal de Acu?a signale que le Rio Negro est reli?

? l'Or?noque43. Son indication est reprise jusqu'au d?but du XVIIIe si?cle par les cartographes, notamment ? la suite de Sans?n qui, en 1656, dessine une

carte o? le Caqueta, descendant des Andes, vient former l'Or?noque, lequel communique avec le Rio Negro (cf. Annexe). Mais cette donn?e, jug?e extra

vagante, sera ensuite ni?e : dans la carte que Samuel Fritz dresse du Mara?on en 1690 et qui para?t en 1717 dans les Lettres ?difiantes et curieuses..., l'Or?

noque na?t seul des Andes. Cette position est suivie et m?me renforc?e par le p?re

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L'Eldorado 285

Gumilla (1741) qui s?journe pourtant sur les rives de l'Or?noque mais ajoute dans sa carte des missions une cha?ne de montagnes entre l'Or?noque et l'Ama zone. Ce n'est qu'un si?cle plus tard (1745), apr?s son voyage sur l'Amazone, en 1743, et nanti de la confirmation apport?e par celui du p?re Rom?n en

1744 ? qui empruntera depuis l'Or?noque le Cassiquiare pour rejoindre le Rio Negro

? que La Condamine d?voile lors de sa fameuse conf?rence donn?e

? l'Acad?mie des Sciences de Paris le caract?re exceptionnel de la connexion44.

N?anmoins, l'id?e commune, issue du voyage de Texeira, selon laquelle l'Or?

noque ? tout comme le Rio Negro

? est une ramification du Caqueta ou

Yupura, va persister y compris au del? des travaux g?ographiques de P? Exp? dition des Fronti?res ? qui r?v?leront la v?ritable origine de l'Or?noque. Suite au trait? hispano-portugais de 1750, la couronne d'Espagne d?p?che en effet en 1754 une mission charg?e d'?lucider la controverse hydrologique dans le but

d'emp?cher les infiltrations portugaises et la recherche d'esclaves, et pour d?ter miner les limites entre la Guyane v?n?zu?lienne et le Gran Para45. Cette exp? dition men?e par Jos? Iturriaga et Jos? Solano se compose de 300 hommes et va durer cinq ann?es. Seront alors explor?s par Francisco Fern?ndez de Bova dilla le haut Or?noque, le Cunucunuma et l'Ocamo en 1758, le Cassiquiare et le Rio Negro en 1759-1760. Apolinar Diez de la Fuente entreprend aussi en

1759-1760 l'exploration du Padamo, puis se dirige vers les sources de l'Or?

noque : il est le premier ? atteindre le Raudal des Guaharibos, point au del?

duquel, de peur des Indiens du m?me nom, les guides indig?nes refusent d'avancer et sugg?rent de faire demi-tour. Les travaux de cette commission sont de toute

premi?re importance, des villes sont fond?es, dont certaines subsistent encore de nos jours, et les relev?s hydro-cartographiques effectu?s, compil?s par Solano dans sa pr?cieuse carte de 1763, sont rapidement utilis?s par les grands carto

graphes europ?ens, notamment La Cruz Ca?o y Olmedilla et De Surville.

Toutefois, ? partir de la conception de Diez de la Fuente de l'origine de l'Or?

noque ?

qu'il relie ? l'existence d'une lagune derri?re la cha?ne de montagnes Puruma ?, la repr?sentation du lac l?gendaire, qui avait ?t? un temps d?lais

s?e, ne sera plus celle d'un lac d?connect? au c ur de la Guyane comme ?

depuis De Bry ? Gumilla ? avec les anciens g?ographes ou historiens : par le truchement d'un Lac Parime d?mesur?, qui appara?t avec la carte de Solano, va ?tre repens? tout un syst?me hydrologique d'interconnexions entre les sources

de l'Or?noque .et le Rio Negro46. Cette fin du xvme si?cle est propice aux exp?ditions qui associent objectifs

politiques ? la fixation des limites entre les nations portugaise et espagnole

?

et objectifs scientifiques. Le gouverneur guyanais d'Angostura, Manuel Centu rion ? ardent ? doradiste ? ? est ainsi l'instigateur d'un mouvement de reconnaissance syst?matique des massifs montagneux situ?s vers les sources de

l'Or?noque, le Caura, le Paragua, mouvement qui d?bute, nous l'avons vu, avec Solano en 1754-1760, et qui va se poursuivre avec Francisco Bovadilla

(1764-1767), Antonio Santos L?pez de la Puente (1770, 1776), auquel viendront

s'ajouter les reconnaissances des capucins catalans aux sources du Paragua en

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286 CATHERINE AL?S & MICHEL POUYLLAU

1772. C'est enfin ? l'or?e du XIXe si?cle qu'Humboldt et Bonpland r?alisent leur fameux voyage. Son but principal est de reconna?tre, d'un point de vue

scientifique, la communication de l'Or?noque avec l'Amazone par le chenal naturel du Cassiquiare en parcourant l'ensemble de ce syst?me hydrographique ; la pr?sentation de leurs r?sultats et leur analyse constitueront une grande somme

originale sur la r?gion, mettant fin notamment ? la l?gende de la lagune47. Alfredo Jahn (1909) et Hamilton Rice (1921) furent les premiers ? donner

une explication v?ritablement scientifique de la bifurcation. Confirmant leurs

travaux, on admet g?n?ralement aujourd'hui que la d?pression du Cassiquiare, l?g?rement inclin?e vers le sud-ouest48, permet des ?coulements fluviaux de l'est vers l'ouest, le Cassiquiare soutirant 20% environ du d?bit de l'Or?noque vers

le Rio Negro. Pr?cisons bien, contrairement ? une id?e r?pandue, que le canal du Cassiquiare a un flux et que celui-ci s'exerce toujours de l'Or?noque vers le Rio Negro. Ainsi l'hypoth?se formul?e par le p?re Juan Ferreira au xvme si?cle ? m?me si elle concerne la version selon laquelle le Caqueta forme

l'Or?noque et communique avec l'Amazone par le Rio Negro ? m?rite atten

tion. Il estimait en effet ? que cette subdivision de bras en fleuves puissants dessinant des cours contraires est peu r?guli?re, mais pas tout ? fait ?trange car il n'est pas impossible qu'un fleuve, arrivant sur un socle de m?me niveau de toutes parts, se subdivise en plusieurs bras ?. En fait, si le canal du Cassi

quiare est, quant ? son r?le d'interconnexion, un ph?nom?ne naturel unique au monde, son origine n'est due qu'? un hasard g?ologique facilement expli cable, mais n?anmoins exceptionnel : des barres rocheuses bien plac?es, asso ci?es ? des bancs de sables, ont emp?ch? la capture d?finitive du haut Or?

noque vers le Rio Negro et l'Amazone49. Cette ?nigme r?solue, demeure encore l'inconnue des sources de l'Or?noque.

Premier fleuve d'Am?rique rencontr?, il sera paradoxalement le dernier ? ?tre enti?rement reconnu. La plupart des exp?ditions qui vont s'effectuer durant tout le XIXe si?cle jusqu'au milieu du XXe ont pour but d'atteindre ce point

mais n'y parviendront jamais50. Les diff?rents rapides qui se succ?dent en amont du fleuve, mais surtout la pr?sence des ? Guaharibos ?, aujourd'hui connus sous le nom de Yanomami, r?put?s f?roces et r?tifs ? tout contact, vont

constituer un barrage des plus dissuasifs. Ce n'est que le 27 novembre 1951, avec l'Exp?dition franco-v?n?zu?lienne, puissamment ?quip?e, men?e par le colo

nel Risquez-Iribarren et ? laquelle participe Joseph Grelier, que les sources sont

enfin atteintes51. Depuis le 1er ao?t 1498, date ? laquelle Colomb voit pour la premi?re fois les bouches de l'Or?noque et situe en ses sources le Paradis terrestre sur un mont en forme de mamelon, il aura fallu plus de quatre si?cles et demi pour que l'origine du Magno Rio soit enfin explor?e. La ? Terra inco

gnita ? n'existe plus. Ou plut?t 1'? Eldorado ? existe encore, mais le mythe a d'autres contenus,

qu'ils soient ?conomiques ou g?opolitiques. La connaissance partielle du milieu

physique, de l'environnement et des soci?t?s indig?nes n'a pu que nourrir des illusions sur les potentialit?s que rec?le cet espace sans fin : entre les rivi?res,

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L 'Eldorado 287

des milliers de kilom?tres carr?s restent encore ? parcourir et entretiennent les r?ves du d?veloppement, m?me s'ils ne reposent bien souvent que sur du sable. Bon an mal an, avec beaucoup d'errements, et pas mal d'incertitudes, en parti culier sur les objectifs du ? d?veloppement ?, l'exploration syst?matique prend forme dans les ann?es 1960-1980, qu'elle soit orient?e vers l'anthropologie, l'?co

logie, la gestion des ressources naturelles, ou domin?e par l'affirmation des souverainet?s nationales : avec les technologies modernes, les moyens a?roport?s et les satellites, la ? Terra incognita ? perd ses derniers secrets. Et avec elle ses immenses richesses telluriques... autre chim?re.

CA., CNRS, Paris

M.P., CNRS, Bordeaux

NOTES

1. Ce texte, dont la premi?re version a ?t? ?crite en janvier 1990, est issu d'une recherche effectu?e en 1989 sur l'exploration de l'Amazonie v?n?zu?lienne (cf. Al?s & Pouyllau 1989). Nous remer cions toutes les personnes qui nous ont aid?s ? rassembler la documentation n?cessaire ? son ?labo ration et qui en ont comment? les diff?rentes versions, particuli?rement Carmen Bernand, Jean

Chiappino, Roberto Lizarralde, Jean Pouillon et H?l?ne Rivi?re d'Arc.

2. Ainsi que le montre Tzvetan Todorov (1989 : 16-31) en comparant les qualit?s litt?raires des des

criptions ?

exag?r?es mais m?diatiques, comme nous dirions aujourd'hui ? de la sp?cificit? am?ri

caine que donne Vespucci et le style pragmatique et dogmatique, moins ? m?me de s?duire le lec teur, de Colomb. Le fait que les lettr?s de Saint-Di? privil?gient Vespucci par rapport ? Colomb

(et ?galement ? Pedro Martyr de Angleria) et appellent Am?rique et non Colombie le nouveau monde pose en effet question. Selon les ?poques, ce probl?me oppose d'autant les ?rudits (de Las Casas, Herrera et Navarrete ? Humboldt, Levillier et O'Gorman entre autres, les premiers vantant les m?rites de Colomb, les seconds reconnaissant la pr?pond?rance de Vespucci dans la conceptualisation du nouveau continent), que des doutes p?sent sur l'authenticit? des lettres publi?es de Vespucci et sur la v?racit? de ses voyages et descriptions (lire Stefan Zweig 1992).

3. Nous utilisons ici le terme ? mythe ? au sens commun de construction imaginaire de l'esprit. Selon les d?finitions du Robert, un mythe est la ? repr?sentation de faits ou de personnages r?els d?form?s ou amplifi?s par l'imagination collective ? ; c'est ?galement une ? image simplifi?e, souvent illu

soire, que des groupes humains ?laborent ou acceptent au sujet d'un fait et qui joue un r?le d?ter minant dans leur comportement ou leur appr?ciation ?.

4. Cet auteur ?voque des uvres relevant du genre utopique comme L'Utopie de Thomas More, Le

Seigneur des anneaux de J. R. R. Tolkien, Le Rivage des Syrtes de Julien Gracq, Fictions de Jorge Luis Borges et Ailleurs d'Henri Michaux.

5. Dans un tout autre contexte, celui d'un mythe des origines qui fait de l'?ge d'or l'?poque o? l'homme vit dans l'?tat de nature, non pas au sens rousseauiste du terme, mais caract?ris? par une inversion des signes de la culture (H?siode), on pourrait ?voquer d'autres g?ographies imaginaires : celles

d'H?rodote, par exemple. Au c ur de l'Afrique le fascinant pays du Soleil, au del? du Nil, est le monde de l'anthropophagie, des monstres, du cru, o? r?gressent toutes les valeurs humaines (sur ce th?me, voir Vernant 1979).

6. C'est ? Sebasti?n de Belalcazar (Benalcazar) que l'on doit l'expression ? El Dorado ?. Quand on lui fit en 1534 le r?cit de cet Indien enduit de poudre d'or, le fondateur de Quito d?cida en effet de partir ? la recherche de 1'? el dorado ?, de cet homme dor? et de ses richesses. On sait qu'il arrivera trop tard ? Bogota (1539), devanc? par Jim?nez de Quesada lequel, parti de Santa Marta, conquit le pays o? s'?tendait la civilisation muisca de langue chibcha. Ce nom d?signera ainsi tout d'abord le cacique de Guatavita, ensuite son royaume

? sous la forme d'un lac ?, enfin tout

pays suppos? richissime. Les conqu?rants n'ont jamais rencontr? un tel prince ; le fait semble se

r?f?rer, ant?rieurement ? la conqu?te, ? des c?r?monies ou rites que pratiquaient les caciques de la r?gion dans certaines lagunes, les lacs ?tant sacr?s chez les Chibcha (Mart?nez-Mendoza 1967 :

28). Fern?ndez de Oviedo est le premier chroniqueur qui, d?s 1541, rapporte l'histoire du ? roi dor? ? cont? par les Indiens ? Quito ; il est suivi de peu par Cieza de Le?n (1553). Du c?t? des

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288 CATHERINE AL?S & MICHEL POUYLLAU

conquistadors eux-m?mes, Gonzalo Pizarro effectue pour la premi?re fois la liaison entre l'homme dor? et un lac dans une lettre ?crite au roi en 1542. En revanche, c'est tardivement que Jim?nez de

Quesada parlera de V El Dorado dans Y Ep?tome (1550) ; il mentionnera aussi les pratiques commer ciales des Muisca relatives aux pains de sel extraits d'un lac sal? situ? pr?s d'une grande ville aux immenses effigies en or et, plus tard, leurs coutumes d'enfouir or et ?meraudes dans des for?ts et des lacs. L'id?e des offrandes dans un lac sacr? est reprise par Castellanos dans ses fameuses ?l?gies (1570-1580). Puis les chroniqueurs suivants ?dulcorent ces r?cits : Antonio de Herrera en 1615 fait de l'indien dor? captur? ? Quito un ambassadeur muisca parti chercher alliance militaire aupr?s de Tinca ; Pedro Sim?n (1621-1623) associera la c?r?monie sacrificielle du lac ? un culte observ? envers une princesse adult?rine jet?e dans le lac Guatavita, et Juan Rodr?guez Fresle (1636) ? l'ancien rituel d'investiture du successeur du Zipa de Bogota..., enfin au xvine si?cle, Basilio Vicente de Oviedo localise l'El Dorado sur la rivi?re Ariari pr?s de l'Or?noque, pays si riche que chaque jour un jeune homme poudr? d'or est offert en sacrifice sur un autel... (cf. Hemming 1978 : 97-109 ; voir aussi la description du c?r?monial d'intronisation du Zipa dans Restrepo 1895 ; Beuchat 1912 : 555-556 ; Lavall?e & Lumbreras 1985 : 257-262).

Lac ? Parima ? et ? Eldorado ? sont les d?signations modernes de la Laguna de Parime et de Y El Dorado.

1. D?s avant son d?part, Colomb est convaincu de d?couvrir de fabuleuses richesses. A Hispagnola, il consigne dans son journal que l'or recouvre les plages et se trouve en grande quantit? m?l? au sable des rivi?res et, au retour de son dernier voyage, la rumeur de la capacit? aurif?re du Dari?n ? o? l'on p?che l'or au filet et o? se rencontrent des p?pites-? m?res ? m?tamorphosant toute pierre en or ? se propage ? travers toute la Castille. Avec la d?couverte du nouveau continent resurgit nombre de mythes h?rit?s de l'Antiquit? et du Moyen Age et qui ?taient encore projet?s ? cette ?poque sur

l'Asie, comme ceux de la fontaine de jouvence ?ternelle, du Paradis terrestre, des Amazones ou des ? sept villes ?. Ce penchant ? croire l'incroyable, qui s'exprime ? travers une pl?thore de romans de chevalerie tr?s pris?s ? l'?poque

? tels Amadis de Gaula (1508), Sergas de Espladian et Florisan dro (1511), Palmerin de Olivera (1512) ?, influence la vision du monde du conquistador (sur ce th?me, consulter Leonard 1953). Juan Ponce de Le?n chercha ainsi en 1513 l'?le de Bimini en Floride pour trouver la fontaine de jouvence, Francisco V?squez de Coronado partit en 1540 vers le Kansas pour d?couvrir les ? sept villes de C?bola ?, et c'est pr?cis?ment ? la recherche de ces fabuleux pays, sur la route de la mer du Sud et des ?les des ?pices, que Cort?s fait sa d?couverte mexicaine. Elle soul? vera d'autant plus l'enthousiasme qu'elle s'int?gre dans un cadre d?j? con?u et, pr?venant le fait am? ricain d'une paralysie des illusions identique ? celle de la d?couverte de l'Afrique par les Portugais (qui n'entra?ne que d?ceptions sur Y? or blanc ?, dont ils ne d?tournent qu'une faible partie du trafic

jusqu'? la rencontre et l'exploitation de 1'? or noir ?), elle favorisera la tendance ? l'exploitation cen

trifuge des terres int?rieures. Dans le continent austral, les exp?ditions se multipli?rent sur le Rio de La Plata ? la poursuite de la fantastique ? Montagne d'argent ?, de m?me que les premiers conquis tadors cherch?rent vainement le ? pays de la Cannelle ? avant que le mythe de la cannelle ne soit

relay? par celui de 1'? el dorado ? et du royaume des Amazones. Sur ces diff?rents points, voir Ramos P?rez 1973 : 6-9 ; en ce qui concerne les croyances de l'?poque, le mythe des Amazones et l'exag? ration relative au monde naturel, lire Zapata Goll?n 1963 et Gand?a 1946.

8. Avant que ne d?bute la qu?te de l'Eldorado, c'est ? celle du fabuleux ? Pays de Meta ? que se consa creront les premi?res exp?ditions. Ainsi, en 1531-1532, Diego de Ordaz, empruntant le chemin de

l'Or?noque, sera inform? par les indig?nes qu'en remontant le Meta (affluent andin de l'Or?noque) on parvient ? un royaume riche en or et en pierres pr?cieuses. Cette premi?re forme du mythe semble

correspondre ? une certaine r?alit?, celle de l'opulence du royaume Muisca, situ? sur les plateaux andins et d?couvert par Jim?nez de Quesada en 1537. Il est tout ? fait possible que par le biais des

?changes depuis le cours sup?rieur du fleuve Meta l'information soit parvenue jusqu'aux peuples rive rains de l'Or?noque par l'interm?diaire desquels Ordaz en prendra connaissance. Cette th?se de Tinter communication entre les Chibcha et les Caribes est r?fut?e par D. Ramoz P?rez (1973 : 32). Pour tant on sait qu'objets et nouvelles circulaient largement de proche en proche, souvent dans le cadre de r?seaux d'?changes, entre les groupes am?rindiens. F. de Berrio (1598-1606) ne trouve-t-il pas une manta tiss?e dans un village du Rio Paragua ? Humboldt notait d?j? que ? d?s l'?tat des soci?t?s

naissantes, l'?change des id?es pr?c?de, jusqu'? un certain point, l'?change des productions ? ; plus r?cemment, le travail de C.H. Langebaek (1987) confirme notre point de vue. Quoi qu'il en soit, afin de v?rifier l'existence d'un tel royaume et de s'emparer de ses tr?sors suivront, sans plus de suc c?s et souvent dramatiquement interrompues, des exp?ditions lanc?es soit par l'Or?noque soit par les llanos. Elles seront conduites par Herrera en 1534, Ortal en 1536, Sede?o en 1538, Spira en 1535-1538

? lequel atteint le haut Meta et constate que le fameux royaume n'existe pas mais entend parler

en revanche d'un pays situ? vers le sud o? les Amazones vivent sans gente masculine ? et Federman en 1537-1539, ce dernier parvenant bien ? un riche royaume, celui d?couvert par Quesada deux ans

auparavant.

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L'Eldorado 289

9. La phase proprement dite de la recherche de Y El Dorado, de la Casa del Sol et du cacique Dorado, amorc?e comme nous l'avons vu avec l'exp?dition de Belalcazar, se poursuit avec l'exp?dition de

Philippe de H?tten (1541-1545). Ce dernier reprend l'itin?raire des llanos qu'il avait suivi lors de

l'exp?dition men?e par Spira, puis il rejoint un village d'Indiens Guaiupe du Guaviare qui lui indiquent un opulent royaume situ? vers le sud, celui du cacique Cuarica. Il se dirige alors ? la conqu?te de ce ? pays des Omeguas ? que l'on dit nombreux et f?roces, situ? entre les sources du Caqueta et le Putumayo, mais apr?s une escarmouche, devant leur capacit? de r?sistance, H?tten juge bon de faire demi-tour. A la m?me ?poque, tant P?rez de Quesada (1540-1542) que Gonzalo Pizarro

(1541-1542) ?choueront dans leurs tentatives m?me si, apr?s s'?tre s?par? de ce dernier, Orellana

parvient ? descendre le fleuve des Amazones jusqu'? son embouchure. La recherche du ? pays des

Omeguas ? ou de ? Cuarica ? est la nouvelle forme du mythe qui inspire d?sormais les explora teurs, et ce d'autant qu'en 1549 un groupe d'Indiens en provenance du Br?sil parvient au P?rou

par l'Amazone et affirme conna?tre l'existence, ? l'est du P?rou, de riches nations habitant de grandes agglom?rations : c'est sans nul doute le ? pays des Omeguas ? de H?tten. Dans ce cadre s'inscrivent les exp?ditions de Pedro de Ursua (1559) et de Martin de P?veda (1566) lanc?es depuis le P?rou et celles, parties des llanos, de Maraver de Silva (1568-1569), de Fernandez de Serpa (1570), de Jim?nez de Quesada, alors d'un ?ge avanc?, qui sonda trois ann?es durant (1569-1571) les llanos et le sud de l'Or?noque, de Francisco de C?ceres (1575), ainsi que le premier voyage d'Antonio de Berrio (1584) qui avait h?rit? de Quesada la Gobernaci?n del Dorado.

10. C'est au cours de sa premi?re exploration que Berrio aurait recueilli aupr?s d'un Indien prisonnier l'information selon laquelle existerait au sommet d'une proche montagne une immense lagune, appel?e

Manoa, que prolongent les grandes provinces de Guyane jusqu'au Mara?on (le mot ? manoa ?, selon Gumilla 1791, I : 356, signifiait lagune ou lac en achagua). Dor?navant ? si l'on excepte la recherche de la lagune de Caracana (1591-1600), autre avatar du mythe, suppos?e situ?e dans les llanos, probablement dans la r?gion de l'Apure

? la qu?te de l'empire de l'Eldorado se tourne vers la Guyane, de fait le seul espace inexplor?, qui en demeurera le th??tre jusqu'? sa disparition. Sur cette r?gion circulent diverses croyances, certaines depuis 1562, ? propos de l'existence de l'Eldo rado en Guyane, d'autres en provenance des indig?nes guyanais relatives ? une fabuleuse lagune emplie d'objets d'or cons?quemment ? la coutume d'y jeter les possessions des morts. Les exp?di tions s'effectueront dans les montagnes et les for?ts circonscrites par l'Or?noque et jusqu'? l'Esse

quibo : citons, depuis l'Or?noque, les multiples tentatives d'Antonio de Berrio (1584-1595) et de son fils Fernando (1598-1606 et 1620), celle de Raleigh (1595) et celles ordonn?es par Manuel Centu ri?n (1771-1772 et 1773-1774) et, depuis l'Essequibo, celles de Keymis (1596) et de Horstman

(1739-1740).

11. D?j? au temps d'Antonio de Berrio avait circul? la rumeur qui courait au P?rou, et dont Pedro Cieza de Le?n se fit l'?cho, selon laquelle les Incas s'?taient r?fugi?s dans de lointaines contr?es situ?es vers l'est, emportant avec eux leurs tr?sors. Les Incas s'?taient substitu?s aux Omeguas et la fable de Y El Dorado se superposait ? une autre, celle du Paititi. Le plus fantastique amalgame de toutes ces l?gendes demeure l'imaginative composition ?labor?e par Raleigh. En disgr?ce aupr?s de la couronne d'Angleterre, Raleigh fait le r?ve de conqu?rir Y El Dorado aux d?pens des Espa gnols. Apr?s avoir envahi Trinidad et captur? Antonio de Berrio, il fait voile sur l'Or?noque. En

guise de d?couverte, il ne d?passa pas l'embouchure du Caroni ! A son retour, en 1596, il publie ? Londres The Discoverie..., certes avec des pr?cisions g?ographiques, mais les donn?es et les rele v?s proviennent de Berrio et de ses hommes ; en revanche, il pr?sente pour v?ridiques des l?gendes am?rindiennes. Le livre jouira d'une immense popularit? en Europe et sera traduit et ?dit? en plu sieurs langues, contribuant ? diffuser le mythe ; les cartes de Jocondius Hondius et de Th?odore de Bry imprim?es en 1599, refl?tant les informations de Raleigh et de son lieutenant Keymis, feront efficacement le relais (cf. fig. 8 et 9).

12. Sur ce th?me, voir aussi Berthe 1984 ; Bayle 1943 ; Gand?a 1946 ; Ojer 1960, 1966 ; Ruiz 1959 ; Hemming 1978 ; Sozina 1982.

13. Ramos P?rez 1973 : 1-6, 25-30, 58-59. L'or et les pierres pr?cieuses en provenance de l'Orient par viennent en Europe par les Arabes, ce qui les associe d?s l'origine avec les pays chauds : les mines sont localis?es dans l'aire ?quatoriale o? l'on suppose la plus forte chaleur. Cette id?e est propag?e par les Espagnols d?s le xve si?cle, c'est pourquoi Isabelle la Catholique recommandera ? Chris

tophe Colomb de tenter d'atteindre des pays qui soient les plus proches de l'?quateur (ibid. : 607).

14. Il faut supposer que les informations obtenues aupr?s des Indiens lors de contacts pacifiques ou

aupr?s de prisonniers r?pondaient ? des interrogations qui ne devaient pas manquer d'?tre directives en raison de la difficult? de communication ? ce qui explique que les noms de Manoa, l'existence de la lagune et de l'or soient si souvent confirm?s. En outre, on ne peut se contenter d'affirmer sans plus de nuances que les Indiens mentaient ainsi pour se d?barrasser des Espagnols ; ce serait

ignorer la crainte incommensurable que devait leur causer ces ?tres ?tranges, puissances qu'il ne

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290 CATHERINE AL?S & MICHEL POUYLLAU

s'agissait pas de contrarier : il y a donc toujours eu, mais toujours plus loin, une lagune pr?s de

laquelle de riches nations prosp?raient, et les Indiens essayaient aussi sans doute de r?pondre aux

questions en fonction de leurs connaissances (par exemple quand ils renvoient aux grands villages Omeguas, aux grandes soci?t?s riveraines de l'Amazone).

15. Aujourd'hui, triste co?ncidence, le ? mythe ? de l'Eldorado resurgit de plus belle en ces lieux qui viennent de conna?tre une formidable ru?e vers l'or : lamentable r?alit? avec l'invasion du territoire

yanomami par quelque 40 000 orpailleurs. Leurs terres s'?tendent de part et d'autre de la fronti?re du Br?sil et du Venezuela, r?gion jusqu'? nos jours ? l'abri de l'exploitation et de la p?n?tration massive d'agents ext?rieurs. L'intensification du contact et de l'exploitation ill?gale des ressources

aurif?res, qui remonte au Br?sil ? 1987, s'est effectu?e depuis le site de Paapi-u (cf. Urihi-Boletim da comiss?o pela cria??o do parque yanomami, 1989, 11) ; les pistes d'atterrissage et les points d'orpaillage clandestins se sont dramatiquement multipli?s, notamment dans la zone des sources de l'Or?noque, jusqu'? d?border, vers la fin de 1988, sur le territoire v?n?zu?lien (voir l'article de Jos? Bortoli, in La Iglesia en Amazonas, juillet 1989, 45), et derni?rement, en 1990, au niveau des sources de l'Ocamo et du Cuntinamo. Les probl?mes de violation de fronti?re avec le Venezuela ont eu du moins pour effet, ? long terme, d'inciter le gouvernement br?silien ? proc?der ? l'?vacua tion d'un certain nombre de chercheurs d'or du territoire yanomami, puis ? prendre des mesures

(mises en uvre fin avril-d?but mai 1990) pour expulser les garimperos en dynamitant leurs terrains d'aviation. On estimait cependant qu'il restait encore entre deux et cinq mille orpailleurs sur le territoire indig?ne en octobre 1990.

16. Cf. la Carta de Vicente Di?z de la Fuente a D. Manuel Centuri?n, fechada en Guirior a 3 julio 1776, relat?ndole lo que a sucedido a los expedicionarios que fueron al descubrimiento de la Laguna

Parima y Dorado, in D. Ramos P?rez 1973 : 681-683. C'est Laurence Keymis, le lieutenant de

Raleigh, qui obtiendra l'information quant ? l'existence d'une lagune ? Parime ?, qu'il identifie avec celle de l'empereur indig?ne El Dorado et de sa capitale Manoa, non loin des sources du Rupu runi. Cette derni?re localisation de la lagune et sa nouvelle d?nomination vont pr?valoir dans la

cartographie jusqu'au d?but du xixe si?cle. Apr?s les multiples tentatives de Fernando de Berrio, les exp?ditions cess?rent durant plus d'un si?cle. Inspir? par l'itin?raire emprunt? par Laurence Key

mis, selon les calculs de Raleigh, pour atteindre la fameuse lagune, le chirurgien allemand Nicolas Horstman d?couvre qu'il n'y a qu'un petit lac, que les Makushi nomment ? Amuku ?, situ? dans

l'espace r?duit entre le Rupuruni et le Rio Maho, affluent du Parime (Uraricuera) qui rejoint le Rio Branco. En Europe, la l?gende est d?finitivement ?branl?e, mais la nouvelle de cette exp?dition ne semble pas avoir eu la m?me r?percussion aupr?s des habitants de l'Am?rique et la croyance en un Eldorado ? minier cette fois ? survivra jusqu'aux exp?ditions lanc?es par Manuel Centurion.

17. En fait c'est un livre entier qui pourrait ?tre consacr? ? l'histoire de l'avanc?e de la cartographie orinoquienne dans la deuxi?me moiti? du xvme si?cle tant ses p?rip?ties sont complexes ; nous y revenons dans la troisi?me partie de cet article.

18. Cette recherche permet aussi de constater les progr?s consid?rables accomplis dans les domaines

iconographique et proprement cartographique (latitudes, ?chelles, etc.).

19. Carpentier 1956 : 276. La sc?ne est cens?e se passer au sommet du Cerro Autana, cette ? Capi tale des formes ?, v?ritable ? cath?drale gothique ? de ? rochers telluriques ?, qui se dresse de mani?re

impressionnante au-dessus de la for?t et qui est un haut lieu mythologique piaroa ; de cet endroit, la ? tribu sanguinaire ? dont parle Fray Pedro serait alors celle des Yanomami, ? l'?poque encore non contact?e et jouissant par l'entremise des ethnies voisines, notamment les Ye'kuana, de la plus noire des r?putations.

20. Dans le champ de la litt?rature latino-am?ricaine et internationale, on conna?t davantage R?mulo

Gallegos par son roman Do?a Barbara (1929), o? le conflit du bien et du mal se juxtapose ? l'oppo sition progr?s-obscurantisme lors de l'?mergence d'un nouveau pays d?velopp? : les llanos, grandes plaines situ?es entre l'Or?noque et les Andes en Colombie et au Venezuela. Au regard de la cons truction d'une identit? nationale en Am?rique latine, on retrouve ce genre litt?raire (appel? peon?a) s'appuyant sur la transformation des campagnes depuis la fin du xixe si?cle et le d?but du xxe avec le d?sormais traditionnel po?me ?pique argentin Martin Fierro.

21. Comme le rappelle Bernard Ses? (1984). L' uvre de Carpentier s'inscrit dans le mouvement du ? r?alisme magique ? qui s'affirme apr?s la Deuxi?me Guerre mondiale et dont le cycle prend pro bablement fin avec la d?mesure baroque de Cent ans de solitude (1967) de Gabriel Garc?a M?rquez. Son ferment fut le mouvement dit indig?niste (1930-1940) qui int?gra l'Indien ? la litt?rature. Il est certain qu'Alejo Carpentier se situe ? la charni?re des auteurs r?alistes et des ? magiciens ? ; les premiers sont issus du naturalisme europ?en de Zola dont les repr?sentants en Am?rique latine ont amplement exploit? la veine comme, nous l'avons vu, R?mulo Gallegos ou encore Jos? Eustasio

Rivera, qui explore dans La Vor?gine (1924) le th?me du collecteur de caoutchouc rendu fou, ?touff?,

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L'Eldorado 291

d?vor? par la for?t amazonienne, tandis que les seconds comme Julio Cort?zar, Carlos Fuentes, Mario Vargas Llosa et surtout Gabriel Garc?a M?rquez ont amplement contribu? au courant de la ? voie magique ? dans la litt?rature latino-am?ricaine des trente derni?res ann?es (sur ce th?me, voir Bensoussan 1985).

22. Durant son s?jour au Venezuela de 1945 ? 1959, Carpentier effectue de nombreux voyages ? l'int? rieur du pays et plus particuli?rement vers l'Amazonie (qu'il gagne ? partir de Puerto Ayacucho par le cours sup?rieur de l'Or?noque

? vers le Cerro Autana et les villages piaroa, la confluence du Vichada et du Guacharaca et les villages guahibo

? ou par le cours moyen ? vers le haut

Caura et les Indiens Shirishana...) et la r?gion de la Gran Sabana, ce ? Monde perdu ? de l'Eldo rado : durant les ann?es quarante, il publie des r?cits de voyages dans le journal El Nacional de Caracas sous le titre g?n?ral Vision de l'Am?rique (I. La Gran Sabana, monde de la gen?se ; II. Le Saut de l'ange au royaume de l'eau ; III. La Bible et l'ogive dans le massif du Roraima ; IV. Le dernier Chercheur de l'Eldorado ; V. Ciudad Bolivar, m?tropole de l'Or?noque) qui plus tard don neront le jour ? ses Chroniques (1983 : 295-341).

23. L'?diteur fran?ais ne s'y est pas tromp? en traduisant le titre du livre Los Pasos perdidos (en espa gnol ? les pas perdus ?) par Le Partage des eaux. On a donc troqu? dans la traduction fran?aise une image par un ?nonc? exclusivement g?ographique. En effet, la terre mythique est bien situ?e ? un partage des eaux. Il est d'ailleurs significatif que l'auteur ait cru bon d'ajouter une note pour satisfaire la curiosit? du lecteur et lui signaler la r?alit? g?ographique des lieux de son roman. Si au cours du double voyage dans l'espace et le temps le burlesque est omnipr?sent, en r?alit? au fil du ? Grand Fleuve ?, autrement dit l'Or?noque, et ? Santa Monica de los Venados, l'actuelle Santa Elena de Uairen, ? proximit? du point de rencontre des fronti?res br?silienne, guyanaise et

v?n?zu?lienne, les traces de Carpentier existent bien.

24. Le R?el merveilleux en Am?rique (1948) repris in Carpentier 1983 : 342-349. Devant la d?mesure des paysages au sud de l'Or?noque et la pr?gnance des mythes am?rindiens, Carpentier dira : ? L'Am?

rique r?clame sa place ? l'int?rieur de l'universelle unit? des mythes, trop analys?s en fonction exclusive de leurs racines s?mitiques ou m?diterran?ennes [...] Il y a en Am?rique une pr?sence toujours vivante de mythes qui furent rel?gu?s, en Europe, depuis longtemps, dans les tiroirs pouss?rieux de la rh?to

rique ou de l'?rudition. En 1780, les Espagnols croyaient toujours au paradis de Manoa, au point de risquer leur vie pour atteindre le monde perdu, visit? autrefois par Juan Martinez, mauvais gar dien de la poudri?re de Diego de Ordas [...]. C'est que l'Am?rique alimente et conserve les mythes gr?ce ? la fascination de sa nature vierge, aux proportions de son paysage, ? sa constante 'r?v?lation des formes' ? r?v?lation qui frappa d'?tonnement, il ne faut pas l'oublier, l'Espagne de la Conqu?te [...]. Il s'ensuit que la Gran Sabana ? confondue avec l'Eldorado ? fut toujours un excitant pour le don divinatoire des po?tes, un fascinant astre lumineux pour ces autres po?tes que furent les aventuriers capables de jouer leur vie sur la foi d'une l?gende. Et que Ton ne me dise pas que parler de l'Am?rique vierge est un lieu commun d'une nouvelle rh?torique am?ricaniste. Je me trouve ? pr?sent devant une nature que 'je vois pour la premi?re fois'... (Carpentier 1983 : 307-309).

25. Sur la mani?re dont le g?ographique s'int?gre en g?n?ral dans les romans de Carpentier, consulter

l'analyse de Claude Dumas (1988 : 55-66).

26. Citons en particulier ce passage (Carpentier 1956 : 196) : ? Le Dr Montsalvatje, debout pr?s du

foyer, montrait les plateaux lointains qui se dessinaient en bleu fonc? dans la direction de la lune : 'Nul ne sait ce qu'il y a derri?re ces formes', disait-il sur un ton qui nous fit retrouver une ?motion

oubli?e depuis notre enfance. Nous e?mes tous envie de nous lever, de marcher, d'arriver avant l'aube devant la porte des prodiges. Une fois de plus scintillaient les eaux du lac de Parima. Une fois de plus s'?difiaient en nous les alcazars de Manoa. Le probl?me de leur r?alit? se posait ? nouveau, puisque leur mythe ?tait toujours vivant dans l'imagination de ceux qui demeuraient aux abords de la for?t vierge, c'est-?-dire de l'Inconnu. ?

27. Cette vision g?ographique s'int?gre toutefois chez Carpentier ? une r?flexion plus g?n?rale qui privi l?gie en particulier des descriptions de la vie traditionnelle des habitants du Venezuela. Mais ses

analyses tant sociologiques que g?ographiques, ramass?es, associent la r?alit? et le mythe. U Odyss?e d'Hom?re et YAnabase de X?nophon servent de r?f?rences pour toutes les notations qui ?maillent le voyage, suscit?es par la rencontre avec ? la vie simple ? des gens de la province et des indig?nes, ? hommes pr?historiques ?:?... mes regards rencontrent un groupe d'Indiens [...]. Ils sont occu

p?s ? des travaux de vannerie. Je me dis maintenant que ma vieille th?orie sur les origines de la

musique ?tait absurde. Je vois combien sont vaines les sp?culations de ceux qui pr?tendent remonter ? l'aube de certains arts ou de certaines institutions humaines, sans conna?tre dans sa vie quoti dienne, dans ses pratiques religieuses ou ses m?thodes curatives, l'homme pr?historique, notre con

temporain ? (1956 : 267). La sensibilit? ethnologique exp?riment?e par l'auteur entra?ne la critique

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292 CATHERINE AL?S & MICHEL POUYLLAU

de notre soci?t?, de sa censure et des th?ses livresques ou obsol?tes qui tentent de reconstruire les

origines des choses sans avoir ?prouv? de visu et in situ la soci?t? primitive.

28. A la recherche du ? meilleur des mondes ?, Candide d?barque dans le Nouveau continent ? ? Buenos

Ayres ?. Il embroche un j?suite au Paraguay et, en fuite, p?n?tre dans une grande prairie ; il trucide au passage deux singes pour ?viter ? deux jeunes filles d'?tre violent?es (ce sont en fait des quarts d'hommes et il s'agit de leurs ?pouses !), avant de s'enfoncer dans un bois et le voil? assailli par les Oreillons, d'opini?tres anthropophages. En un tour de magie nous sommes donc transport?s directement du Paraguay en Guyane

? en fait par j?suites interpos?s : la Compagnie de J?sus est aussi en Guyane et le p?re Lombard parle des Oreillons dans les Lettres ?difiantes... Quand Cacambo et Candide sont ? aux fronti?res des Oreillons ? ils sont toujours dans l'h?misph?re sud et pour regagner l'Europe il leur faut rejoindre Cayenne : ? Il n'?tait pas facile d'aller ? la Cayenne ; ils savaient bien de quel c?t? il fallait marcher ; mais des montagnes, des fleuves, des pr?cipices, des

brigands, des sauvages, ?taient partout de terribles obstacles. Leurs chevaux moururent de fatigue ; leurs provisions furent consum?es ; ils se nourrirent un mois entier de fruits sauvages, et se trou v?rent enfin aupr?s d'une petite rivi?re bord?e de cocotiers ? (Voltaire 1966 : 214). Ce sont donc l? maintes montagnes et souffrances qu'il faut d?passer avant d'atteindre une rivi?re, seule capable de r?soudre tous les probl?mes d'acheminement. Or, La Condamine, nous y reviendrons, fait allu sion aux divers chemins possibles pour rejoindre le Mara?on depuis Quito.

29. Carpentier (1956 : 214, 249) parle ainsi d'un ? corridor vo?t?, si bas et si ?troit qu'il me parut impossible d'y introduire une pirogue [...] tunnel si resserr? que les plats-bords racl?rent durement un enchev?trement de racines ?. Parvenu au terme de la premi?re ?preuve c'est-?-dire vaincre la

for?t, le narrateur poursuit : ? montant toujours, naviguant dans les parties de torrents situ?es entre deux cascades ; dans celles, tranquilles, des cours d'eau, entre deux rapides ; oblig?s de hisser les

barques au rythme de chants des man uvres [...] nous sommes parvenus ? la r?gion o? s'?l?vent les Grands Plateaux ?.

30. Dans la description que donne Raleigh de l'empire de la Guyane, on retrouve une forteresse de

montagnes bordant une large d?pression au centre de laquelle se dresse Manoa dont seule une rivi?re ? le Caroni ?

permet l'acc?s ; prot?g?e par une for?t imp?n?trable, elle ne s'aborde ni par mer, ni par terre. Mais on peut aussi penser qu'il y a dans le texte de Voltaire une r?miniscence du

r?cit, relat? par Charles de La Condamine (1745), du passage du fameux Pongo de Manseriche : ? C'est un chemin que le Mara?on [...] s'ouvre au milieu des montagnes de la Cordeli?re en se creusant un lit entre deux murailles parall?les de rochers coup?s presque ? plomb. [...] l'entr?e du

Pongo, o? la violence du courant est telle que, quoiqu'il n'y ait pas de sauts proprement dit, les eaux semblent se pr?cipiter et leur choc contre les rochers cause un bruit effroyable. [...] Le canal du Pongo [...] va en se r?tr?cissant de plus en plus. [...] je fus bient?t entra?n?, au courant de

l'eau, dans une galerie ?troite et profonde, taill?e en talus dans le roc, et en quelques endroits aplomb ; en moins d'une heure je me trouvais transport? ? Borja. ? En effet, contrairement ? Raleigh qui remonte l'Or?noque, Candide, apr?s un mois de marche ? pied, descend la rivi?re tout comme La Condamine rejoint et descend l'Amazone ; de plus ce dernier se rend lui aussi ? Cayenne, puis au Surinam. Or dans le chaos g?ographique pr?sent? par Raleigh, l'Or?noque permet de p?n?trer directement le P?rou et de rejoindre Quito. Cela fait penser qu'il est possible d'atteindre l'empire de Guyane depuis ce point en se laissant aller au fil de l'eau et apr?s avoir franchi les cataractes de l'Or?noque, puis celles du Caroni ?

rappelons-nous que la travers?e tumultueuse de Candide sous la vo?te de rochers dure vingt-quatre heures.

31. Au sortir du Pongo, La Condamine (ibid.) note un contraste saisissant entre le monde domestiqu? qu'il ?tait accoutum? de voir et celui des basses terres : ? arriv? ? Borja, je me trouvais plong? dans un nouveau monde, ?loign? de tout commerce humain, sur une mer d'eau douce, au milieu d'un labyrinthe de lacs, de rivi?res et de canaux, qui p?n?trent en tous sens une for?t immense

qu'eux seuls rendent accessible. Je rencontrais de nouvelles plantes, de nouveaux animaux, de nou veaux hommes. ?

32. On sait, d'apr?s l'inventaire de la biblioth?que de Ferney, que Voltaire a lu les ?crits de Garcilaso de la Vega. En outre, La Condamine fait lui-m?me allusion aux Incas d?peints par Garcilaso quand il livre sa vision des Am?rindiens ; ses jugements confortent l'id?e que les peuples de l'Am?rique australe ne sont jamais sortis de la barbarie ; les P?ruviens sont, quant ? eux, au mieux d?g?n?r?s, car tout ce qu'il observe ? para?t fort difficile ? concilier avec ce que Garcilaso rapporte de la police, de l'industrie, des arts, du gouvernement et du g?nie des anciens P?ruviens ?.

33. ? Le royaume o? nous sommes est l'ancienne patrie des Incas, qui en sortirent tr?s imprudemment pour aller subjuguer une partie du monde et qui furent enfin d?truits par les Espagnols. Les princes de leur famille qui rest?rent sur place furent plus sages ? (Voltaire 1966 : 217). Dans le r?cit de

Raleigh les peuples de la grande vall?e sont les Orejones et les Epuremei, ils sont extr?mement

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L'Eldorado 293

nombreux et ? selon une information attribu?e au vieil oncle Topiawari du d?funt cacique More

kito ? proviennent du soleil couchant, du Ponant. Harlow (1928 : 83) va m?me jusqu'? accr?di ter cette th?se en supposant que les Arekuna, peuple contemporain de la Guyana, sont issus des

Incas. Notons que les ? Oreillons ? (Orejones) sont cit?s ici comme des habitants de 1'? El Dorado ?, ce qui peu ? peu donne plus de coh?rence au puzzle ?labor?, ? partir d'emprunts multiples, par Voltaire dans Candide (rappelons en outre que les Orejones ?taient des dignitaires charg?s de veiller

? l'administration des provinces conquises par les Incas).

34. Il est sans brigandage, sans envie et sans jalousie, et la justice, un parlement ou des prisons y sont

inutiles ; il est sans hi?rarchie, chaque chef de famille est pr?tre, le gouvernement pourvoit ? tous

les besoins de ses sujets et Dieu ? il est unique ? est remerci? pour ses bont?s : ce ne sont point

les pr?tres qui gouvernent, censurent, enseignent et condamnent. Sans esclaves, le pays est anticolo

nialiste et on circule librement entre les fronti?res. Pacifisme, sant?, ordre, tol?rance, politesse, ?l?gance et d?sint?ressement s'opposent ? bellig?rance, maux, chaos, r?pression polici?re, inquisi tion, vice et avarice.

35. Voltaire ne croit donc pas au monde parfait : cette utopie ne peut se r?aliser ailleurs, si ce n'est

de modeste fa?on mais accessible ? tous, dans le cadre tout bonnement domestique. On peut penser

que Voltaire raille l'optimisme plus qu'il ne le r?fute car si le monde utopique n'est pas universel mais chose unique, Candide n'h?site cependant pas ? rejoindre l'autre monde o? il y a un bonheur

? d?couvrir, m?me s'il est humble, et une vie active ? exp?rimenter. C'est en fait un plaidoyer pour le bon sens et un ?loge de la lucidit? qui viennent contrebalancer les vues ? aprioristes ? de Pangloss.

36. Voltaire porte en effet le r?cit au point d?fini par C. L?vi-Strauss (1967 : 407) comme lieu de

passage de la pens?e mythique ? la pens?e philosophique, ? o? la pens?e mythique se d?passe elle

m?me et contemple, au del? des images encore adh?rentes ? l'exp?rience concr?te, un monde de

concepts affranchis de cette servitude et dont les rapports se d?finissent librement ?.

37. ? L'homme ne peut pas vivre dans cet ?tat de perfection et de m?me que nul alchimiste n'a pu cr?er l'or, de m?me l'Eldorado n'est qu'un r?ve, car on ne change pas plus la nature de l'homme

qu'on ne transmue les m?taux. Il n'est pas donn? ? l'homme d'?chapper ? l'histoire, de changer l'ordre du monde et la loi divine. C'est pourquoi l'Eldorado ressemble ? un conte de f?es. C'est une anti-utopie, o? l'effet d'irr?el contredit et finalement annule les effets de r?el... ? (Duchet 1971 : 316-317).

38. Il lui donne ici le r?le de d?fenseur du droit ? la diff?rence dans le monde scientifique, d?bat d'actualit? ? la fin du xixe si?cle dans l'Angleterre victorienne o? la pol?mique par rapport ? la th?orie de

Weissmann d?cha?ne les passions. Postulant une dissociation entre ce qui s'appellera plus tard le

g?notype et le ph?notype, Weissmann (1882, 1889) r?cuse la th?orie lamarckienne de l'h?r?dit? des

caract?res acquis ; Wallace (1889) construira ? partir de l? une th?orie n?odarwinienne bas?e sur

des variations g?notypiques se produisant au hasard et sur une s?lection (sur ce th?me, lire Daniel

Becquemont, Darwinisme et ?volutionisme, Th?se d'?tat, Lille, Universit? de Lille III, 1985 :

557-613). Dans ce contexte, le professeur Challenger ressemble plut?t au professeur Thomas Huxley ou au physicien Tyndall, fervents d?fenseurs de l'?volutionnisme. Bien s?r Conan Doyle n'a pas

particip? ? ce d?bat, mais, inspir? par les voyageurs du xixe si?cle en Amazonie et dans la veine

des romans de Jules Verne comme Le Superbe Or?noque (1898) et Voyage au centre de la terre

(1864), il estime pouvoir utiliser la conjoncture pour plonger dans ce que Jacques Meunier appelle ? un hybride d'humour et d'inqui?tude ? (note de lectures ? propos du Monde perdu, in Le Maga zine litt?raire, avril 1987, 241 : 64-65). En quelque sorte le monde perdu de l'Eldorado, dans sa

dimension de terre imaginaire peupl?e d'esp?ces end?miques chez Conan Doyle, ne rejoindrait-il pas le r?alisme magique ib?ro-am?ricain ?

39. Compte tenu de l'?poque de la narration, fin du xixe si?cle-d?but du xxe, les protagonistes partent bien entendu par la rivi?re ? la recherche du monde perdu. Mais tandis que Carpentier p?n?tre dans les hauts plateaux par le nord et donc par l'Or?noque, Conan Doyle et ses h?ros arrivent

par Belem do Para et Manaus, donc par le Rio Negro. Le ? Monde perdu ? recouvre, semble-t-il,

d'apr?s les descriptions et mesures fournies par l'auteur, les hauts plateaux connus sous le nom

de Gran Sabana, et tr?s probablement le Roraima-Tepuy, la ? m?re des eaux ? des Arekuna. Mais

selon diverses supputations, si nul ne doute qu'il s'agisse du rebord du plateau guyanais, le monde

de Sir Conan Doyle a pu ?tre localis?, le long de la fronti?re v?n?zolano-br?silienne, en des endroits aussi vari?s que la Piedra del Cocuy, le pic de la Neblina, le pic Ferdinand de Lesseps, la sierra Pacaraima ou un des tepuy de la Gran Sabana : plus de 700 km ? vol d'oiseau... qui correspondent bien en fait ? cette derni?re r?gion r?put?e inaccessible vers laquelle convergent les voyageurs dans la deuxi?me moiti? du xixe si?cle, que ce soit le naturaliste Wallace (1853) sur l'Amazone et le

Rio Negro, le botaniste Spruce (1853-1854) sur le Rio Negro et le Cassiquiare ou Chaffanjon (1886-1887) vers les sources de l'Or?noque (cf. n. 48). Mais lui sert tout particuli?rement de mod?le

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Page 37: La Conquête de l'inutile. Les géographies imaginaires de l'Eldorado

294 CATHERINE AL?S & MICHEL POUYLLAU

le g?ographe Richard Schomburgk, qui voyage en 1838-1839 dans la sierra Pacaraima et chemine en 1842, en compagnie de son fr?re, sur le flanc sud de la Gran Sabana o? il tente sans succ?s l'ascension du mont Roraima qu'ils sont les premiers ? d?crire. Son ascension est finalement r?a lis?e en 1884 par les naturalistes anglais Everhard Im Thurn et Harry Perkins. Arriv?s au sommet ils d?couvrent des esp?ces animales et v?g?tales extraordinaires dont les formes et l'adaptation n'avaient

jamais ?t? d?crites auparavant : comment le r?cit de cette exploration n'aurait-il pas influenc? Conan

Doyle ? ?coutons la description que fait Carpentier (1983 : 295-300) de cette r?gion : ? subite ment, avec un cri qui nous arrache stup?faction, le sol a bondi ? quatre mille pieds d'altitude.

[...] un socle colossal de roche nue et lisse a soulev? la for?t tout enti?re [...] Au-dessus de cet immense rempart, est pos?e la vaste terrasse qui sert de base ? l'univers g?ologique hallucinant de la Gran Sabana, aux masses de rochers inviol?s, monde perdu jusqu'ici, s?culaire r?ceptacle de mythes, dont l'enceinte myst?rieuse, impossible ? escalader, sans routes connues ni acc?s appa rents, se confondit durant des si?cles avec l'Eldorado de la l?gende : ce fabuleux royaume de Manoa, ? l'emplacement impr?cis, que les hommes cherch?rent sans rel?che, presque jusqu'? la veille de la R?volution fran?aise, [...] forteresse lunaire, au milieu de la premi?re plaine qui appara?t au bout d'une for?t si ?tendue. [...] C'est le monde de la Gen?se. [...] Maintenant appara?t le formi dable Roraima-Tepuy, le mod?le, le patron roc de la Gran Sabana, [...] ce rectangle sombre, dont les parois sont si perpendiculaires qu'on pourrait les croire construites avec le fil ? plomb ; rectangle qui ?l?ve ? deux mille huit cents m?tres d'altitude sa terrasse de six kilom?tres de large, [...] sur cette ?tendue plane limit?e par des ab?mes, pi?destal des brumes, pont tendu de nuage ? nuage, [...] dress?e ? l'extr?me limite du Venezuela, du Br?sil et de la Guyane anglaise. ?

40. Les grandes exp?ditions entreprises ? partir des ann?es 70 ont rapport? au monde ce qu'il reste de l'Eldorado : gouffres comme Sarisari?ama, tepuys aux sommets peupl?s de v?g?taux carnivores, de batraciens survivants des ?res g?ologiques ant?rieures : tout pour raviver le fantastique (voir par exemple Huber 1986 ; Pouyllau & Seurin 1985 ; Schubert & Huber, eds., 1989).

41. Challenger d?clare : ? L'ouverture secr?te se dissimule huit cents m?tres plus haut de l'autre c?t? de la rivi?re. Il n'y a pas d'?claircie entre les arbres. Voil? ce qui est ? la fois merveilleux et myst? rieux. L? o? vous voyez des joncs vert clair au lieu de ce sous-bois vert fonc?, l? entre les grands bois de peupliers, se trouve mon entr?e particuli?re dans la terre inconnue. Partons, vous allez

comprendre ? (Conan Doyle 1979 : 133).

42. ? Il est vrai que T?troitesse de notre espace terrestre nous pousse ? l'?largir par l'imaginaire. Il est vrai que le compartimentage, le cloisonnement physique et intellectuel de nos soci?t?s, leur ratio

nalisation, nous font r?ver de terres vierges et libres, de royaumes mythiques o? agissent les forces anciennes qui ont disparu de nos vies et nous liaient ? la terre, ? l'eau, aux ?toiles ? (Jourde 1989 :

456).

43. A la lecture de Cristobal de Acu?a il n'est pas certain qu'il s'agisse du Cassiquiare, ce que pensait aussi La Condamine, comme en t?moigne ensuite la repr?sentation sur maintes cartes d'une com

munication qui se fait via les ramifications du Caqueta. Un si?cle apr?s Orellana, une exp?dition est entreprise par le Portugais Pedro Texeira (1637-1639) sur l'Amazone et le Napo, qui le conduit de Para jusqu'? Quito ; avec pour mission de relever le cours du fleuve, les PP. Acu?a et Artieda

participent au voyage de retour. Dans son m?moire (1641), Acu?a (1925 : 70-78) signale une ? rivi?re d'or ? ? TYquiari, affluent du Yupura, un des bras du Caqueta qui forment des lacs dans les terres int?rieures ? dont les habitants font commerce de ce m?tal avec les Manaus ; Texeira aurait d'ailleurs fait placer une borne sur la rive de l'Amazone ? l'endroit de la confluence. Le

p?re Fritz (1922) mentionne ensuite cette rivi?re dans son journal en 1687 et parle aussi des lamelles d'or battu que les Manaus ?changent avec les riverains de TYquiari. Mais c'est en vain que La Condamine cherchera trace de la rivi?re, du lac et de la mine d'or, comme de la borne : tout a

disparu comme palais enchant?. Il y voit n?anmoins le fondement de la fable du ? Lac Parime ?

et du ? Dorado ?. Contrairement ? la l?gende des Amazones (que La Condamine perp?tue), Humboldt accr?dite aussi ces donn?es. L'or rencontr? lors du voyage d'Acu?a et par Fritz ensuite, comme l'or dont parle les peuples de l'Or?noque, ne proviendrait pas des Andes : ? y aurait-il des lavages d'or plus au sud [du Guaviare], vers le Vaup?s, sur TIquiare et le Yurubesch ? C'est l? que Philippe de H?tten chercha le premier le Dorado et livra cette bataille des Omaguas si c?l?bre au xvie si?cle. [...] Il est probable que l'or de la Guyane est venu du pays ? Test des Andes ?. En

v?rit?, il y avait ?galement les ? mines d'or ? du triangle guyanais Caroni-Mazaruni-Cuyuni qui ?taient d?j? ? l'?poque de la Conqu?te utilis?es par les Indiens (voir Whitehead [1991] ; Rivet

1923).

44. Manuel Rom?n est un j?suite install? sur le moyen On?roque depuis 1734 (il fonda la mission de

Carichana). Depuis quelques ann?es, les missions de l'Or?noque entendaient parler des incursions

r?p?t?es de chasseurs d'esclaves aupr?s des populations indiennes ; aussi, en 1744, entreprend-il une exp?dition sur le haut Or?noque pour mettre fin ? ces pratiques. Il rencontre alors un trafiquant

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L'Eldorado 295

d'esclaves, le Portugais Francisco Javier Morales, lequel pense toujours naviguer sur le Rio Negro. D?cid? ? percer l'?nigme, le p?re Rom?n suit l'aventurier jusqu'au Rio Negro et constate ainsi la connexion. Juan Ferreira, recteur du coll?ge j?suite du Para, ?crit ? Paris ? La Condamine et l'informe de la d?couverte du p?re Rom?n, ce qui vient ? point nomm? ?tayer les t?moignages recueillis lors de son passage ? Manaus ; pourtant peu avant, dans son livre intitul? El Orinoco ilustrado (1741), le padre Gumilla niait encore cette r?alit? et persistera un temps dans son erreur en publiant en 1745 la deuxi?me ?dition de son texte sous le titre El Orinoco ilustrado y defendido. La carte trac?e

par le p?re Rom?n a quant ? elle malheureusement disparu.

45. Rappelons que la reconnaissance scientifique du canal du Cassiquiare a jou? un r?le non n?gligeable dans l'histoire de l'Amazonie v?n?zu?lienne. La pr?sence de rapides comme ceux de Maypures et Atures sur le moyen Or?noque, pr?s de Puerto Ayacucho, coupe en effet le Territoire f?d?ral Ama zonas du reste du Venezuela ; plus pr?s de nous, c'est en raison des difficult?s de communication avec le cours moyen de l'Or?noque, leurs int?r?ts commerciaux ?tant plus proches de Manaus, que des caucheros v?n?zu?liens, men?s par le tyran Funes, rendirent le Territoire quasiment autonome entre 1910 et 1920 (Ybarra 1979). Ce n'est qu'? l'issue de la chute de Funes que Caracas entre

prendra l'implantation d'une nouvelle capitale, Puerto Ayacucho (1924), en aval des rapides d'Atures et de Maypures, et d'une route (1927) les contournant afin d'?tablir la communication entre le haut

Or?noque et le reste du pays.

46. Sur Y Expedici?n de los L?mites et ses apports, voir Ramos P?rez 1946 ; D?ez de la Fuente 1954 ; Solano 1954. D?ez de la Fuente tient ses id?es sur la formation de l'Or?noque des indig?nes et notam ment d'un cacique makiritare (Ye'kuana), avec lequel il communique gr?ce ? un interpr?te uruma

navi, alors qu'il se trouve face au Raudal des Guaharibos. Celui-ci lui apprend qu'en remontant l'Ocamo on atteint la rivi?re Parima (qu'ils appellent Paruma, Parime ou grand Or?noque), qui court derri?re une cordill?re de montagnes appel?es Purumas ; on peut alors voyager sur ce fleuve jusqu'au lieu o? na?t l'Or?noque qui se forme comme il est fr?quent ? partir d'autres rivi?res, et continuer la navi

gation sur un autre bras qui va au Rio Negro (le circuit dont lui parlent les Indiens est confus : s'agit il de l'Orinoquito, du Siapa ou bien du Mucajai, du Catrimani qui rejoignent le Rio Branco, ou du Parima lui-m?me ou de l'Uraricuera ?). Diez de la Fuente comprend que ce fleuve Paruma aboutit dans une lagune prise entre les montagnes se trouvant face ? lui, et qui d?verse abruptement son trop plein par dessous une pierre donnant, ? l'exemple des sources du Caroni, une multitude de bras et de rapides jusqu'? former le Raudal des Guaharibos ; l'Or?noque ne na?t donc pas directement de la lagune Parima, ce qu'indique la carte de Solano et refl?teront les cartes ult?rieures (cf. Annexe

pour l'avanc?e cartographique ; lire aussi le commentaire des cartes de La Cruz Ca?o y Olmedilla et de De Surville, in Gonzalez Oropeza 1987 : 191).

47. Voir Bovadilla 1964 ; Mat ar? & de la Garriga 1960 ; lire, sur le th?me du Cassiquiare, Humboltd 1819 (Relation historique..., lre partie, tome II, Paris, Maze, livre VIII, vol. 2) : 527-540, et sur les sources de l'Or?noque, le ? Dorado ?, Manoa et le ? Lac Parime ?, ibid. : 559-718.

48. N'?tait-ce pas, d'ailleurs, la direction des rivi?res avant la surrection des Andes ? En effet, avant les temps g?ologiques du tertiaire, les rivi?res de la retomb?e occidentale du massif guyanais se d?versent dans une grande mer (le Pacifique) accumulant des s?diments qui donneront naissance ? la Cordill?re.

49. Le bassin du haut Or?noque appartient donc de facto ? deux bassins, celui de l'Amazone via le bras du Cassiquiare et le Rio Negro, et celui de l'Or?noque proprement dit. (La lettre du p?re Fer reira est publi?e dans El Viagero universal o noticia del mundo antiguo y nuevo, Madrid, 1797,

XIII, lettre CXC : 206.)

50. Citons le voyage d'Agust?n Codazzi (1837-1838) qui incorpore ses notes dans l'?tablissement de la premi?re carte moderne du Venezuela, et l'exp?dition de l'allemand Robert Hermann Schom burgk pour le compte de l'Angleterre en 1838-1839. Ce dernier, remontant depuis la Guyane anglaise l'Essequibo jusqu'au Rio Branco et l'Uraricuera, passe sur le versant v?n?zu?lien et descend par le Padamo jusqu'? l'Or?noque ; il regagnera le Br?sil par le Cassiquiare et le Rio Negro : son voyage est essentiellement g?opolitique, les Britanniques en retireront les fameuses ? lignes Schomburgk ?

qui serviront leurs pr?tentions sur la Guyane v?n?zu?lienne. En 1853-1854, le botaniste anglais Richard

Spruce fait le projet ?

qui avorta ? de gagner les sources de l'Or?noque depuis San Carlos de Rio Negro ; il explore alors le Cunucunuma et retourne par le Cassiquiare et le Pasimoni jusqu'? San Carlos. Entre 1855 et 1876, le voyageur ? universel ? v?n?zu?lien Don Francisco Michelenas y Rojas parcourt pratiquement l'ensemble du r?seau fluvial de la Province d'Amazonie. Le Fran?ais Jules Crevaux explore en 1880-1881 le Guaviare, puissant affluent andin de l'Or?noque, et recueille des donn?es si pr?cises qu'elles sont encore d'actualit?. Apr?s un premier voyage effectu? sur l'Or? noque et le Caura en 1884-1885, le Fran?ais Jean Chaffanjon tente en 1886 d'atteindre les sources de l'Or?noque ; parvenu au Raudal des Guaharibos, il continue seul, deux jours durant, la remont?e

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Page 39: La Conquête de l'inutile. Les géographies imaginaires de l'Eldorado

296 CATHERINE AL?S & MICHEL POUYLLAU

? pied et revient persuad? d'avoir touch? son but. Il prend alors de court le comte Stradelli qui, apr?s avoir en 1882 accompagn? la Commission des Fronti?res (charg?e de fixer les limites entre le Br?sil et le Venezuela) notamment sur le Padauri et le Mareri, arrive en mars 1887 ? Caracas avec le projet de tenter l'aventure. Chaffanjon n'aura en fait pas d?pass? le Raudal des Waika, ? plus de 100 km des sources et il faudra plus de soixante ans encore pour y parvenir. Ainsi, en 1897, les V?n?zu?liens Guillermo Escobar et Guillermo Level ?chouent dans leur voyage aux sources ; en 1900, le gouverneur du Territoire Amazonas, Tavera de Acosta, reprend l'itin?raire de Humboldt et recueille du mat?riel

ethnographique, mais son projet d'exploration des sources de l'Or?noque ne peut se r?aliser. Tout comme celui de l'ethnologue allemand Koch-Gr?nberg qui, apr?s avoir effectu? de multiples exp?ditions entre 1903 et 1924, meurt du paludisme sur le Rio Branco. Vers les sources de l'Or?noque, toujours sans

succ?s, mais atteignant ses premiers affluents se succ?dent le g?ographe anglais Hamilton Rice (1919-1920), Herbert Spencer Dickey (1930) et Hilario Itriago (1942) tandis que, depuis le Br?sil, F?lix Cardona (1945) gagne la r?gion des sources du Siapa. Enfin, l'exp?dition ? Or?noque-Amazone ? (1950-1951), men?e par le Fran?ais Alain Gheerbrandt, faute, toujours par crainte des Yanomami, de rejoindre les sources de l'Or?noque, explore un puissant affluent de ce dernier, le Ventuari et franchit la sierra Parima rejoi gnant Boa Vista par l'Uraricuera (cf. Vila 1952 ; Lichy & De Civrieux [1948] : 7-18 ; Coceo 1972 : 47-94 ; voir aussi Chaffanjon 1889 ; Codazzi 1940 ; Crevaux 1883 ; Gheerbrandt 1952a, 1952b ; Koch-Gr?nberg 1917-1928 ; Michelenas y Rojas 1867 ; Rice 1921 ; R.H. Schomburgk 1840a, 1840b et O.A. Schomburgk, ed., 1841).

51. Cf. Grelier 1954 ; Anduze 1956 ; Lichy 1978 ; Risquez-Iribarren 1962.

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Page 40: La Conquête de l'inutile. Les géographies imaginaires de l'Eldorado

Annexe. ? Tableau r?capitulatif des cartes comportant des r?f?rences sur la lagune Parime,

l'Eldorado et la connexion Amazone-Or?noque ?tabli par C. Al?s & M. Pouyllau (1990)

Ann?e 1500

1502-1503

1507 1508 1511 1513 1516 1540 1556 1568 1570 1580

1595-1596

1597 1599 1599 1630 1635 1635 1636 1647 1650 1656 1656 1657 1663 1671 1671 1674 1682 1685 1690

Intitul? Mapa Mundi Planisph?re

Universalis cosmographia secundum Ptolomaei et Americi Vespucii aliorumque ilustrationes

Universalior Cogniti Orbis Tabula... (Croquis de la Mer des Cara?bes)

Tabula Terra Nove

Carta Marina Navigatoria...

Novae Insulae

Mapa de los r?os Amazonas, Esequivo o

Dulce y Orinoco

Portulan

Americae sive novi orbis. Nova descriptio...

Atlas

Anonyme

Residuum continentis cum adiacentibus insulis

Tabula Geographica nova omnium oculis

exibens...

Nieuwe caerte van der wonderbarer goldrycke

landt Guiana...

Atlas

Guiana sive Amazonum Regio

Guiana sive Amazonum

Guiana sive Amazonum Regio

Americae nova Tabula Am?rique m?ridionale

Terre Ferme o? sont les Governations de Rio

Hacha...

Partie de Terre Ferme o? sont Guiane et

Caribane

Terre Ferme, Nouveau Royaume de Grenade

Atlas

Guiana sive Amazonum Regio

Guiana sive Amazonum Am?rique m?ridionale

A new map of America m?ridionale

Am?rique m?ridionale. America m?ridionale

Auteurs

Juan de la Cosa (Esp.) Pesaro (Ital.)

Martin Waldseem?ller (St.Di?)

Johannes Ruysch (Rome)

Anonyme

Claudio Ptolomeo (Strasbourg) & Martin Waldseem?ller (St.Di?) Martin Waldseem?ller (St.Di?) Sebastian M?nster (Bale) Anonyme

espagnol (Esp.)

Fernando Vaz Dourado (Port.) Abraham Ortelius (Hol.)

Femando Vaz Dourado (Port.)

Berrio/Raleigh (Angl.)

Cornelio

Wytfliet (Louvain)

Th?odore de Bry (Hol.) Jodocus Hondius (Hol.)

De Lacta.

Henricus Hondius (Hol.) Guiljemus

Blaeuw (Hol.) Johannes Jansson (Hol.) Guiljemus Blaeuw (Hol.)

Nicolas Sans?n d'Abbeville (Fra.) Nicolas

Sans?n d'Abbeville

(Fra.) Nicolas Sans?n d'Abbeville (Fra.) Nicolas Sans?n d'Abbeville (Fra.)

Heilin

John Ogilby (Angl.)

Amoldus Montanus (Hol.) Charles H.A. Jaillot (Fra.) Richard Blome (Angl.)

Alain Manesson Mallet (Fra.) Marco Vicenzo Coronelli (Ital.)

Commentaires

Premi?re carte du littoral Colombie-Amazone.

Premi?re planisph?re o? appara?t la d?signation "Mundus Novus".

Premi?re carte o? l'Am?rique est con?ue comme un continent, suivant l'inspiration de Vespucci,

et nomm? "America" en son honneur.

Dessin de la c?te v?n?zu?lienne qui borde un "Mundus Novus". Carte influenc?e par

Waldseem?ller, consid?r?e comme la premi?re carte des terres am?ricaines jusqu'en 1922. Dessin de la c?te v?n?zu?lienne et des Antilles (attribu? ? Pedro M?rtir de Angleria, Seville). Carte des c?tes v?n?zu?liennes et br?siliennes. L'int?rieur du continent est identifi? comme une

"Terra Incognita" dont la d?couverte est attribu?e ? C.Colomb. Disparition de l'appellation

America (qui ne s'imposera qu'? partir de 1538).

Dessin de la Mer Cara?be et de la c?te v?n?zu?lienne. Carte marquant un recul par rapport ? celle

de 1507, caries terres d?couvertes sont cens?es s'unir ? l'Asie.

Carte remarquable faite par d?duction qui donne la premi?re silhouette compl?te, bien qu'?cras?e,

du nouveau monde (faisant suite ? celle de 1532 o? d?j? l'Am?rique du Sud est enti?re). La ligne ?quatoriale est clairement indiqu?e, ainsi que les bouches de l'Or?noque, de l'Amazone

et du "Rio Dulce" (sans doute l'Essequibo).

Apparition d'un lac aux sources de l'Or?noque comme ? celles de l'Amazone. Le tropique du

Cancer est dessin?.

Premier atlas moderne.

Premier dessin de latitudes et du tropique du Cancer sur la carte d'Am?rique.

Dessin d'un immense lac ind?pendant

entre l'Or?noque et l'Amazone, ressemblant ? un

mille-pattes. La ville de Manoa et le Rio Dorado sont figur?s ? l'extr?me gauche du lac.

Apparition d'un R?o Dorado sur la rive gauche de l'Or?noque.

Carte de Guyane illustrant la traduction latine de l'ouvrage de Raleigh. Manoa ou Dorado, la plus grande ville du monde, est au nord d'un lac, grand comme la mer Caspienne, environn? de "cannibales Parime ou Roponowini" (Levinus Hulsius. a publi? une carte similaire). Carte similaire ? celle de De Bry mais colori?e. La ville de Manoa ou el Dorado est sur la rive

nord d'un lac environn? de "cannibales Parime".

Lac Parime et

ville

de Manoa mentionn?s.

Le "Parime lacus" est dessin? au nord de

l'?quateur,

avec Manoa ou el Dorado sur la rive nord occidentale. Le lac est s?par? de l'Or?noque et de l'Atlantique par une cha?ne de montagne et

son bassin ne communique avec aucun autre. Carte similaire ? celle d'Henricus

Hondius (1635).

D?riv?e de la carte de Guiljelmus Blaeuw et de Henricus Hondius.

Dans la Guiana, un immense Parime Lacus ind?pendant situ? sous l'?quateur est s?par? du bassin de l'Amazone par une cha?ne de montagne; Manoa el Dorado dessin?e au nord-ouest. Premi?re carte avec d?limitations de r?gions g?ographiques ou de nations indig?nes; le Lac de Parime est ind?pendant et entour? de

montagnes,

Manoa ou El Dorado situ?e au nord-ouest. Lac Parime ind?pendant; une connexion Or?noque-Amazone par le Rio Negro est dessin?e

(carte int?grant les informations d'Acu?a).

Le "lac ou mer que les Caribes appellent Parime ou les laovi Roponowini" est encercl? de

montagnes, Manoa ou El

Dorado est figur?e au nord-ouest.

Sont figur?s le Lago de Parime, Manoa ou el Dorado. Comme sur les cartes pr?c?dentes, une

ligne "Sans?n" est cens?e d?limiter, en faveur de la Hollande, les terres de la Guiane et

Caribane: en r?alit?, il s'agit de d?limitations de territoires indig?nes.

Lac Parime et ville de Manoa dessin?s.

Carte d?riv?e de Guiljelmus Blaeuw, Henricus Hondius ou Jansson.

Reprise de la carte de John Ogilby.

Concepts cartographiques reproduisant ceux de Sans?n d'Abbeville; l'Or?noque na?t dans les Andes et communique par le Rio Negro avec l'Amazone; Lac ou mer de Parime ind?pendant. Carte g?n?rale de l'Am?rique du Sud ; le relief et l'hydrographie entre Or?noque et Amazone

sont largement inspir?s des cartes de G.Blaeuw, Jansson et Ogilby.

Carte grossi?re de l'Am?rique du Sud. Le

lac Parime est dessin? sous l'?quateur et s?par? de

l'Or?noque par une

montagne (carte d?riv?e de G.Blaeuw).

Successeur id?ologique de Sans?n d'Abbeville.

s? l

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Page 41: La Conquête de l'inutile. Les géographies imaginaires de l'Eldorado

Corso del fiume dell Amazoni L'Am?rique m?ridionale

Carte de la Terre ferme du P?rou, du Br?sil et

du pays des Amazones...

La Terre ferme et le P?rou, avec le pays des

Amazones et le Br?sil...

Am?rique du Sud, carte du cours du

Mara?on et de l'Amazone

Novissima Totius Orbis Tabula

La Partie m?ridionale

de l'Am?rique appel?e

Terre Ferme

L'Am?rique m?ridionale qui fait l'autre partie

des Indes Occidentales L'Am?rique m?ridionale

Tabula Americae Specialis Geographica Regni.

Atlas

Guyane divis?e en Guiane et Caribane Mapa de la Provincia y las Misiones de la Compa?ia de Jesus del N.R. de Granada Carte du cours du Maragnon ou de la grande

Rivi?re des Amazones

An accurate map of South America from .

Am?rique m?ridionale

Partie orientale de la Terre ferme o? l'on

trouve la Guiane

Am?rique m?ridionale dress?e sur les

m?moires les plus... Provincia quitensis...

A new and accurate map of Terra Firme and the

Carribe islands.

L'Am?rique m?ridionale

Mapa corogr?fico de la Nueva Andaluc?a

Am?rique m?ridionale

L'Am?rique divis?e en ses principaux ?tats

Marco Vicenzo Coronelli (Ital.)

Guillaume de Lisle (Fra.) Guillaume

de Lisle (Fra.) Nicolas De Fer (Fra.) Samuel Fritz (Fra.)

Carolum Allard (Hol.) Nicolas De Fer (Fra.) Chez

Chiquet (Paris) Guillaume

de Lisle (Fra.) Guillaume de Lisle (Fra.)

Johan Homan (Nurenberg) Nicolas Sans?n d'Abbeville (Fra.)

Jos? Gumilla (Esp.) Charles-Marie De La Condamine (Fra.) Emmanuel Bowen

(Angl.) ?Jean Baptiste D'Anville (Fra.) Robert de Vaugondy (Fra.) Robert de Vaugondy (Fra.)

Carlos Brentano &

Nicolas De la Torre (Ital.) Emmanuel

Bowen (Angl.)

J. Covens & C.Mortier (Hol.) Antonio Caulin (Esp.)

Jean Baptiste D'Anville (Fra.)

Janvier (Fra.)

Le "Lac de Parime, que l'on croit fabuleux" communique avec l'Amazone; le Caqueta forme l'Or?noque qui communique avec l'Amazone par le Rio Negro; mention de la Rivi?re d'Or

(d'apr?s d'Acu?a).

Mention de la "Guiane ou Dorade dans laquelle quelqu'uns mettent le lac Parime". Manoa aux

sources de l'Esquebe est signal?e par un point; la mine et le Village d'Or sont port?s.

L'Or?noque provient du Caqueta dont trois bras rejoignent l'Amazone.

Lac Parime non dessin? mais mention du lieu o? "la plupart des autheurs placent le lac Parime et la ville de Manoa del Dorado". Le Caqueta forme l'Or?noque puis se subdivise en cinq bras se dirigeant vers l'Amazone. La mine, la rivi?re et le Village d'Or cit?s par Acu?a sont signal?s.

Suit tr?s grossi?rement le mod?le cartographique de De lisle. Le lac, ass?ch?, devient une d?pression de collines encercl?es de montagnes. Le Caqueta se subdivise en deux pour former

l'Or?noque et rejoint l'Amazone. Mention de la mine et du Village d'Or.

Dress?e en 1690, grav?e en 1707. D n'y pas de communication entre l'Amazone et l'Or?noque qui na?t dans les Andes. Deux lacs ind?pendants dessin?s: ? l'est, le lac Parime et, entre le Yupura

et le Rio Negro, llquiari del Oro.

Carte du monde o? le lac Parime figure sous l'?quateur.

Une inscription figure l? "o? quelques voyageurs ont plac? le lac imaginaire de Parime ou Mer

del Dorado, la ville de Manoa del Dorado". La mine, la rivi?re et le Village de l'Or sont signal?s.

Le lac Parime n'est pas indiqu?; l'Or?noque na?t dans les Andes, sans connexion avec l'Amazone.

Des fronti?res sont dessin?es entre la Terre Ferme et la Province des Amazones.

Carte tr?s diff?rente de celle de 1703. Une petite lagune est situ? entre le Yupura et le Rio Negro, s?par?e de l'Or?noque par des montagnes : le syst?me complexe du Caqueta n'est plus

dessin? (influenc? par Samuel Fritz).

Reprise de la carte de 1703. Cette carte sert de r?f?rence durant tout le XVIJJe si?cle ; elle sera r??dit?e et r?vis?e par plusieurs cartographes jusqu'en 1782. La r??dition de 1774 mentionne la

la "Guiana propri?t? dite du Dorade" o? on situe le Lac Parime, Manoa signal?e par un point.

Lac Parime et ville de Manoa au centre de "la Guiane".

R??dition de la carte de 1656.

L'Or?noque na?t dans les Andes et au sud une cha?ne de montagnes lui ?te toute possibilit? de communication avec l'Amazone. Ind?pendante, la lagune de Parima est dessin?e au sud des

montagnes.

Lev?e entre 1743 et 1744, cette carte est augment?e du trac? de la Rivi?re Noire qui joint directement l'Or?noque, ce dernier ?tant form? par le Caqueta. Des donn?es de Fritz (1707) sont

figur?es en superposition. Le lac Parime n'est pas report?, mais un petit lac est dessin? aux

sources du Maho, lequel forme ensuite le Rio Branco.

Le lac Parime est ind?pendant ; un deuxi?me lac forme llquiari del Oro.

(1 ? ?d.) D'apr?s le voyage d'Horstman, le lac Parime dispara?t au profit du petit lac Amuku

communiquant par le Maho avec le Rio Branco. Une cha?ne de montagnes est dessin?e au sud

de l'Or?noque qui ne communique pas ainsi avec l'Amazone.

Inspir?e des travaux de La Condamine, cette carte ne mentionne pas le lac Parime, seul un petit lac non identifi? est dessin? aux sources du Maho et le Rio Negro communique avec l'Or?noque. Un petit lac alimente le Maho et le Rio Branco. Le Caqueta forme l'Or?noque et se subdivise

en trois bras allant vers l'Amazone (version de La Condamine).

Le Parime Lacus est ind?pendant ? l'est ; le Caqueta forme l'Or?noque, et se subdivise en trois

bras vers l'Amazone. Apparition d'une lagune alimentant le Rio Branco ? l'ouest.

Le lac Parima est ind?pendant ; un deuxi?me lac forme llquiari de Oro. L'Or?noque na?t dans les

Andes, sans connexion avec le Rio Negro. Carte inspir?e de De lisle et de d'Anville.

Prend en compte la reconnaissance pr?cise du Cassiquiare et la localisation des sources de

l'Or?noque faites par la "Comisi?n de los L?mites" men?e par Solano et dont il a ?cho.

(2? ?d.) Le Cassiquiare est mentionn? d'apr?s l'exp?dition de Solano. Le cours de l'Or?noque

est modifi? et na?t ? l'est. Le lac Parime ressuscite ? c?t? du lac Amaku comme centre de

drainage de l'Or?noque, Cuyuni, Mazaruni, Essequibo et Rio Branco. Les limites de bassins fluviaux apparaissent comme des lignes fronti?res entre les colonies hollandaises et espagnoles.

Le lac Parime est absent, le lac Amucu est port? aux sources du Maho qui donne dans le Rio Branco. Le Caqueta se subdivise et forme l'Ica, le Yupura et le Rio Negro qui se dirigent vers

l'Amazone, l'Or?noque allant vers l'Atlantique.

to 00 > H X m w > r C/5 o X w r o c k! r r > C

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1763 1770

1772-1776

1775 1778 1779

1779-1785

1780 1780 1780 1788 1795 1796 1800 1802 1805 1807 1808 1811 1813 1816 1817

(Carte in?dite du Museo Naval de Madrid)

Carte de la Guiane

Parte del curso del rio Orinoco ...

Carte de l'Am?rique m?ridionale faite pour

l'histoire de l'Am?rique

Tierras pert, a la Conquista de los RR.PP.

Capuchinos catalanes

Mapa geogr?fico de America meridional Mapa coro-gr?fico de la Nueva Andaluc?a...

Mapa geogr?fico de America meridional Carta geogr?fica della America M?ridionale Carta del fiume e prov. delt Orinoco

nelT America merid.

Carta geogr?fica di Terra Ferma osia del nuevo

Regno de Granata

Am?rique m?ridionale

Nouveau Royaume de Grenade, N. Andalousie

et Guyane

Terre Ferme, P?rou, Br?sil, Pays de l'Amazone

Mapa geogr?fico de la mayor parte de la

America Meridional

Carte itin?raire du cours de l'Or?noque... Carte de la Guaiane fran?aise et hollandaise

Mapa de Venezuela

Colombia Prima of South America

Am?rique m?ridionale

Outlines of the phy. and pol. div. of S.America

Carte manuscrite

Atlas g?ographique universel

Caraccas and Guiana

Bernardo Rotella

Jacques Nicolas Bellin (Fra.) Francisco Solano (Esp.)

Robertson (Angl.)

Carlos de Barcelona (Esp.) Juan de la Cruz Ca?o y

Olmedilla (Esp.)

Luis de Surville (Esp.)

Juan de la Cruz Cano y O. (Esp.)

Antonio Zatta (Ital.)

Anonyme publi? par Gilij (Ital.)

Rigobert Bonne (Fra.) Rigobert Bonne (Fra.) Rigobert Bonne (Fra.)

Vaugondy, Delamarche (Fra.) Francisco Requenna (Esp.)

Alexandre de Humboldt

(All.

et Fra.)

Jean Baptiste

Poirson (Fra.)

D?pars

Louis S. D'Arcy De la Rochette

(Angl.)

Jean Baptiste Poirson (Fra.) John Arrowsmith (Angl.) Seraphim J. Lopes (Br?s.)

Paul Wander (Fra.) John Thomson (Angl.)

Le Lac Parime est la m?re de tous les fleuves guyanais, les affluents de l'Amazone, les fleuves

c?tiers guyanais, le Cuyuni, l'Or?noque ; mention du Cassiquiare. Carte influenc?e par et

exag?rant les informations de Solano.

Le lac Parime n'est pas report?, mais le lac Amucu est dessin?. Le Caqueta se ramifie en plusieurs bras et forme l'Or?noque, ce dernier communiquant directement avec l'Amazone par

le Rio Negro. Carte anachronique conservant la version sur les communications de

La Condamine et de Ferreira.

Le Cassiquiare est dessin? ; le Paruma, Parime ou Grand Or?noque court ? l'est d'une ligne

de montagnes (l'actuelle Sierra Parima) et alimente un immense lac Parime de forme rectangulaire, qui s'?tend des sources de l'Ocamo ? celles de l'Or?noque. Ces deux fleuves

sont aliment?s par le lac, ainsi que le Siapa et le Rio Branco. C'est cette repr?sentation du lac

qui va pr?valoir jusqu'? sa disparition cartographique.

La lagune Parima sert d'?missaire ? l'Or?noque, le Rio Branco, le Tacutu et le Cuyuni.

L'Or?noque communique avec le Rio Negro, mais aussi avec le Caqueta, selon la version de

La Condamine.

Croquis d?taill? de l'actuelle Gran Sabana, avec le lac Amuku et le lac Parima, qui est aux

sources du Rio Parime. Cette carte est destin?e ? faire valoir les conqu?tes des Fr?res capucins

et les exp?ditions de Centuri?n aux sources du Rio Branco ou Parime.

L'Or?noque na?t du lac Parime de forme rectangulaire situ? ? l'est de la Sierra Parima ; il alimente aussi l'Ocamo, le Rio Branco et le Siapa; le Rio Negro communique avec l'Or?noque par le Cassiquiare (reprise de la carte de Solano. L'auteur appelle encore le lac "Mer Blanche",

traduisant ainsi le toponyme indig?ne Paranapintiga.

(pour Caulin) Deux lacs sont figur?s : l'un, "tenu pour le lac Parime jusqu'ici", est ? la source de de l'Or?noque et du Siapa et communique avec l'Ocamo et le Rio Parime ou Branco ; l'autre, le lac Parime, Mar Dorado ou Mar Blanco, plus ? l'est, est reli? au cours moyen du Rio Branco.

Carte cumulative qui int?gre des informations de Solano et/ou de La Cruz Ca?o y Olmedilla.

R??dition de la carte de 1775. Carte de r?f?rence constituant une nouvelle avanc?e cartographique,

Mentionne Manoa; reprend les donn?es de De Lisle (1722).

Le Lac Parime est minimis? et alimente seul l'Or?noque. Ce dernier communique avec

l'Amazone d'abord par le Rio Branco -situ? ? l'ouest du lac- puis par le Cassiquiare (simplification

des donn?es de Solano).

(pour Gilij) Carte de pi?tre facture, reprend tr?s imparfaitement la carte de Solano ou de La Cruz Ca?o y Olmedilla. Pas de Cassiquiare, l'Or?noque communique avec l'Amazone par un lac

rectangulaire d'o? naissent le Rio Branco et le Pacimoni et non plus par le Siapa...

Le lac Parime, encercl? de montagnes, est aux sources de l'Ocamo, du Parime ou Branco. Cette

carte reprend des informations de Gilij et le dessin de La Cruz Ca?o y Olmedilla.

Le Lac Parime est un centre de drainage du Mazaruni, du Parime et de l'Or?noque (qui communique avec le Rio Negro par le Cassiquiare). La ligne fronti?re de La Cruz Ca?o y Olmedilla est reprise mais l'hydrographie suit davantage ici celle de d'Anville (1760).

Le lac Amuku est dessin? ; la carte reprend la version o? l'Or?noque na?t dans les Andes par

l'interm?diaire du Caqueta qui se subdivise en trois bras rejoignant l'Amazone.

Le lac Parime encercl? de montagnes donne naissance ? l'Or?noque ; les fronti?res du sud de la Capitainerie g?n?rale de Caracas englobent le Meta, le Cassiquiare et la lagune (carte inspir?e de

La Cruz Ca?o y Olmedilla 1771).

Publi?e en 1814, premi?re carte moderne offrant la bifurcation de l'Or?noque et sa

communication avec l'Amazone par le Cassiquiare.

Le lac Parime ou Mer Blanche alimente le Rio Branco, comme dans la carte de Solano.

Le lac figure sur le document.

Un ?norme "Lac Parime, Lac Dorado, ou Mer Blanche, o? on a situ? la ville imaginaire Manoa ou Dorado" est dessin? aux sources de l'Or?noque et du Siapa ; il alimente par ailleurs

le Rio Branco (carte inspir?e de La Cruz Ca?o y Olmedilla).

Le lac Parime se d?verse dans le Maho par le Rio Piraca; le Cassiquiare est clairement dessin?.

Hydrographie et cartographie proches de la carte de La Cruz Ca?o y Olmedilla.

Le lac figure toujours ? l'est de la sierra Parima, mais est ind?pendant : d'importants progr?s

sont r?alis?s quant aux trac?s hydrographiques.

Est toujours fid?le au Lac de Parime.

Le lac Parime ou Mer Blanche s'?tend ? l'est de la Sierra Parima, des sources de l'Or?noque ? celles de l'Ocamo, et alimente le Rio Branco (inspir?e de Solano et de La Cruz Ca?o y O.).

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1817 1818 1822-1824

1826 1826 1831 1840 1840

Carte de la Guyane fra., hol. et angl.

Atlas

Carta corogr?fica de la Rep?blica de Colombia... Carte g?n?rale de l'Am?rique et des ?es qui en

(d?pendent.

Mapa general de Colombia...

seg?n las

observaciones de Humboldt.

?Mapa de las Pro. de Venezuela y ...Sta.Fe [Mapa pol?tico de la Rep?blica de Venezuela

Carta de la Rep?blica de Colombia dividida por

Departamentos._

Jean Baptiste Poirson (Fra.)

Fried (Vienne)

Anonyme

A.H.Brue (Fra.)

Boussingault, Rivero, Roulin (Fra.) Mariano Torrente (Esp.) Agust?n Codazzi (Ital. et Ven.) Agust?n Codazzi (Ital. et Col.)

Reprend la carte de 1802, avec de l?g?res modifications de fronti?res.

Carte ?tablie d'apr?s les observations de Humbolt, mais le lac Parime y figure toujours.

Le lac ne figure plus sur le document.

Disparition du lac Parime; travaille

avec Humboldt dont il dessine la "Carte g?n?rale de

Colombie" publi?e en 1825.

Illustre les publications de Humboldt ; le lac n'est pas figur?.

Carte de grande pr?cision.

Premi?re carte moderne du Venezuela, appuy?e sur mesures et observations pr?cises de terrain. Premi?re carte moderne de Colombie,

appuy?e sur mesures et observations pr?cises de terrain.

> H X ffl S m > r

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o X ffl r *d O c r r > G

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L'Eldorado 307

ABSTRACT

Catherine Al?s and Michel Pouyllau, Conquering the Useless: Eldorado's Imaginary Geographies.

? Throughout the 16th century, vain and perilous expeditions headed into

inland South America, between the Andes and the Guianas, in search of the ? Land of gold ?, which became eventually a legendary ? golden ? emperor's sanctuary. The Eldorado myth, which still thrives in various forms, is analyzed in relation to the history of ideas, advances in cartography, and the permanence of these imaginary geographies in literature. Till the 19th century, map-makers, their intentions sometimes guided by geopolitical ambitions, indicated a huge lake in the unexplored area between the Orinoco and Amazon Rivers, the

Parime lacus with, on its banks, Manoa, a fabulous city with walls of gold. Forgotten during the Enlightenment and the period of scientific explorations, these fantastic geographies re-emerged in texts of a Utopian genre and of the Spanish-American ? magical realism ?. Such fictive geographies, whether imagined by Voltaire, Conan Doyle or Alejo Carpentier, describe a territory where signs are reversed and the logic of a rite of passage can be expressed. Although the enigmatic communication between the Orinoco and the

Amazon has been explored along the Cassiquiare Channel, there remains still unknown? and this leads us into the second half of the 20th century?the Orinoco's headwaters and the last Terra incognita of the Guiana shield, the interfluvial area of the watershed.

ZUSAMMENFASSUNG

Catherine Al?s und Michel Pouyllau, Die Eroberung des Unn?tzen. Die imagin?re Geographie Eldorados. - W?hrend des ganzen 16. Jahrhunderts bildete das Innere des s?dlichen Kontinents, von den Anden bis zu den Guyanas, die Szene f?r ebenso unn?tze wie gef?hrliche Expeditionen auf der Suche nach dem ? Land des Golds ?, das im Laufe der Zeit zu einem Ungewissen Zufluchtsort f?r einen legend?ren ? goldenen ? Kaiser wurde. Der Eldorado

Mythos, der in verschiedenen Formen bis heute eine Fortsetzung gefunden hat, wird hier in seinem Bezug zur Ideengeschichte, zum Fortschritt der Kartographie und der literarischen Fortdauer imagin?rer geographischer Beschreibungen untersucht. Tats?chlich werden die Kartographen, deren Vorhaben nicht immer geopolitischer Hintergedanken entbehren, bis ins 19. Jahrhundert hinein einen riesigen See, den Parime lacus, in den unerforschen Raum zwischen Orinoco und Amazonas eintragen ; ?ber dessen Ufern erhebt sich Manoa, eine

sagenumwobene Stadt aus goldenen Mauern. W?hrend die phantastischen geographischen Beschreibungen zur Zeit der Aufkl?rung und vor allem in der Epoche der wissenschaftlichen Erforschung in Vergessenheit geraten, tauchen sie von neuem in Werken der utopischen Gattung und des ibero-amerikanischen ? magischen Realismus ? auf. Diese fiktiven

geographischen Beschreibungen, wie sie von Voltaire, Conan Doyle oder Alejo Carpentier erfunden worden sind, schaffen ein Gebiet, in dem sich die Zeichen verkehren und die Logik eines rite de passage zum Ausdruck kommen kann. Selbst nach der L?sung des R?tsels einer

Verbindung zwischen dem Orinoco- und dem Amazonas-Becken durch die Erkundung des

Cassiquiare bleiben noch ? und dies f?hrt uns in die zweite H?lfte des 20. Jahrhunderts ? die unbekannten Quellen des Orinoco und die letzte Terra incognita des guyanischen Massivs, das Zwischenflu?gebiet der Wasserscheide.

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RESUMEN

Catherine Al?s y Michel Pouyllau, La Conquista de lo inutil. Las geograf?as imaginarias de El Dorado. ? Durante todo el siglo xvi, desde los Andes hasta las Guyanas, las tierras interiores del continente austral son el teatro de expediciones tan vanas como peligrosas, a la b?squeda del ? Pais del Oro ?, llegando a ser a trav?s del tiempo el refugio incierto de un legendario emperador ? dorado ?. El mito de El Dorado, que hoy se perpetua bajo diversas formas, se analiza aqu? en funci?n de la historia de las ideas, del avance de la

cartograf?a y el estudio literario de sus geograf?as imaginarias. Efectivamente, hasta el siglo xix, los cart?grafos, cuyas intenciones no siempre estaban desprovistas de intereses

geopol?ticos, sit?an un immenso lago en el espacio inexplorado entre el Orinoco y el Amazonas, el Parime lacus, sobre cuyas orillas se levanta Manoa, una fabulosa ciudad de muros de oro. Tras caer en desuso, durante el siglo de las Luces y sobre todo en la ?poca de la

exploraci?n cient?fica, las geograf?as fant?sticas de El Dorado vuelven a aparecer en obras

que pertenecen al g?nero ut?pico o al ? realismo m?gico ? ? ?bero-americano. Estas geograf?as ficticias, imaginadas por Voltaire, Conan Doyle o Carpentier, construyen un territorio en

el que se invierten los signos y donde puede expresarse la l?gica de un rito de pasaje. Ciertamente, una vez resuelto el enigma de la comunicaci?n entre la cuenca del Orinoco

y la del Amazonas con el reconocimiento del Casiquiare, todav?a permanecen ?

y esto nos

conduce a la segunda mitad del siglo xx ? desconocidas las fuentes del Orinoco y la ?ltima Terra incognita del macizo guyan?s, el ?rea interfluvial en el que se bifurcan las aguas.

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