Kerbrat-Orecchioni, Catherine. L'Implicite. Cap 2.1, 2.2 y 2.3

21
CATHERINE KERBRAT-ORECCHIONI Pourquoi ne parie-t-on pas tou|ours directement, ce serait tellement plus simpIe? Et corr61ativement: pourquoi cherche-t-on a decrypter dans Ies enonc#s d'autrui, au prix d'un surp us de <<travail interpretatif>>, ce qui s"y dit entre  les Iignes, ces  sous-entendu et ces  arrldre-pens6es  qui en constituent en quelque sorte la partie immergee  7 L'ouvrage  terrte de r6pondre a ces questions, en meme temps que d'apport er quelque lumiere dans le maquis terminologique fait de <<pr6teupposes>> , de < <  sous-errtendus  *,  d < <  implications *,  d < <  inferen ces >>  d < <  insinu ations >>  d < <  allu- sio ns *, de <<va leu rs illocutoires d4rivees>> et autres <<tro pe s> > - notions d ont il propose une syrrt hese theortque necessairement provisoire. L'impHcite, sa  vie,  son oeuvre: sa genese et ses effets pragmatiques; comment les syjets parlants operent pour extraire de  l'enonce  les contenus implicites, et comment ceux-ci operent sur les sujets parlants. A ce titre, cet ouvrage s'adresse non seulement aux specialistes de linguis- tlque, tnais aussl a tous ceux qu*interesse le fait que les discours  agissent (discours lirt6raire ou <*ordinaire>>, politique ou publicitaire), et qu'ils agissent en grande part, subrepticemerrt mais efficacement, grace a ces  <<  passagers clandestins  > >  que sont, dans les messages, les contenus implicites. Cather tne Kerbrat-Orecchi oni est agr6g6e de grammaire, Docteur d"Eta t en iinguist ique et Profess eur a l*Uni versi t6 de Lyon ll. Elle a publl6, en plus de divers artic es sur la semantique et la pragmatique, deux ouvrag es i La Connotatlon,  P.U.L,,  Lyon, 1977. L EnomisOon,  De  la  ubjectMte dans  le langage,  Armand Coiin, Paris, 1980. t-3l220-2 N015: Q I O O UJ CC O CQ CC UJ s^ d CATHBW fl E- KEff fiRAf-dfeECCHK3M[ H UNQtWStTGUE

Transcript of Kerbrat-Orecchioni, Catherine. L'Implicite. Cap 2.1, 2.2 y 2.3

Page 1: Kerbrat-Orecchioni, Catherine. L'Implicite. Cap 2.1, 2.2 y 2.3

8/16/2019 Kerbrat-Orecchioni, Catherine. L'Implicite. Cap 2.1, 2.2 y 2.3

http://slidepdf.com/reader/full/kerbrat-orecchioni-catherine-limplicite-cap-21-22-y-23 1/21

CATHERINE KERBRAT-ORECCHIONI

Pourquoi ne parie-t-on pas tou|ours directement, ce serait tellement plus

simpIe? Et corr61ativement: pourquoi cherche-t-on a decrypter dans Ies

enonc#s d'autrui, au prix d'un surp us de <<travail interpretatif>>, ce qui s"y dit

entre  les Iignes, ces sous-entendu et ces arrldre-pens6es  qui en constituent

en quelque sorte la partie immergee 7

L'ouvrage

 terrte de r6pondre a ces questions, en meme temps que d'apporter

quelque lumiere dans le maquis terminologique fait de <<pr6teupposes>> , de

<< sous-errtendus

 *,

 d << implications *, d<< inferen ces >> d<< insinu ations >> d<< allu-

sio ns *, de <<valeurs illocutoires d4rivees>> et autres <<tropes>> - notions d ont il

propose une syrrthese theortque necessairement provisoire.

L'impHcite, sa

 vie,

 son oeuvre: sa genese et ses effets pragmatiques; comment

les syjets parlants operent pour extraire de l'enonce  les contenus implicites, et

comment ceux-ci operent sur les sujets parlants.

A ce t itre, cet ouvrage s'adresse non seulement aux specialistes de linguis-

tlque, tnais aussl a tous ceux qu*interesse le fait que les discours

  agissent

(discours lirt6raire ou <*ordinaire>>, politique ou publicitaire), et qu'ils agissent

en grande part, subrepticemerrt mais eff icacement, grace a ces

  <<

 passagers

clandestins

 >>

  que sont, dans les messages, les contenus implicites.

Cathertne Kerbrat-Orecchioni est agr6g6e de grammaire, Docteur d"Etat en iinguistique

et Professeur a l*Universit6 de Lyon ll.

Elle a publl6, en plus de divers artic es sur la semantique et la pragmatique, deux

ouvrages i

La Connotatlon, P.U.L,, Lyon, 1977.

L EnomisOon,

  De la  ubjectMte dans le langage,  Armand Coiin, Paris, 1980.

t-3l220-2

N015:

Q

I

O

O

UJ

CC

O

CQ

CC

UJ

s^

d

CATHBWflE- KEfffiRAf-dfeECCHK3M[

H

UNQtWStTGUE

Page 2: Kerbrat-Orecchioni, Catherine. L'Implicite. Cap 2.1, 2.2 y 2.3

8/16/2019 Kerbrat-Orecchioni, Catherine. L'Implicite. Cap 2.1, 2.2 y 2.3

http://slidepdf.com/reader/full/kerbrat-orecchioni-catherine-limplicite-cap-21-22-y-23 2/21

Chapitre

Les differents types

de contenus implicites

Avant d'envisager notre propre outillage conceptuel. c'est-a-dixe le

systeme des categories dans lesquelles nous repartis<ons les diflereflts

contenus Implicites detectes dans les enonces, il nou>s faut signales que

bien d'autres classificatIons des memes faits ont ete ii ce iour proposees,

la plus souvent mentionnee etant sans doute celle de H, Paul Grice, qui

se presente comme suit' :

contenus

{1) 8xplicites

(* said #)

implic ites {cc implic ated *|

= * implicatures

  >>

(2)

conventionnelles non convenrionnelles

(3) conversationnelies non conversationnelles

(4)

g6n6rales particuli6>fu.

(ou * g6n6ralis6es

 >>

La classification est fine - mais justem ent, trop line , les deux ; nes

de plus bas etage ne nous semblent, guere operatoires, nous soinnies> *nr

Page 3: Kerbrat-Orecchioni, Catherine. L'Implicite. Cap 2.1, 2.2 y 2.3

8/16/2019 Kerbrat-Orecchioni, Catherine. L'Implicite. Cap 2.1, 2.2 y 2.3

http://slidepdf.com/reader/full/kerbrat-orecchioni-catherine-limplicite-cap-21-22-y-23 3/21

2 . )

LF STATUT

  DES

 C O N T E N U S

  IMPLICITES

ce p.iinf d*accord avec  les  critiques formulees  par  Sadock (1978), qui

dc l'.ixe(3) ecrit (pp. 282-283): <<Nonconventional im plicatures come

in (w.> *aneties : fir^t the  important class of conversational Implicatures

that iiu olve the Cooperation Principle and its maxims, and then a poorly

dcscnbcd class of  nonconventional, nonconversational Implicatures that

are i-.iknilated  in  context  on the  basis  of the  conventionai meaning,

knuw edgc

 of the

 context

 of

  utterance,

 and

 background knowledge,

 but

whidi depend crucutlly

  for

 their existence

 on

 nonconversational maxims

th.u  <ue "aesthetic social, or mo rall n cha racter ", Grice gives as an

example

  Be

 polile.

  I

  have some trouble understanding exactly

  why it

is lli,.t such maxiinu differ from those that fall under  the  C.P.

 >>

  Il est

de t,iii  que  seule  une  reduction drastique,  et  parfa item ent injustifiee,

du (hiinip  des <  madines conversationnelles* permet  a  Grice d'etablir

cette <Jsstinction enlre implicatures

 <<

  conversationnelles

 >>

 et

 <<

 non conver-

sationiiv*lles*; quant  a  l'opposition(4), elle  ne  nous semble  pas  plus

viab)e.  les  implicatures *generaIisees.*  ne  sont ceosees dependre que

de

 U

  struciure, semantique

 et

 formelle,

 de

 Penonce,

 et de

  l'application

des n>nximes conversationnelles, cependant  que les  implicatures *par-

ticuhercs

 -

  font intervenir

 en

 outre certaines pa rticukrites

  du

 contexte

e110tioat1f. Mais

  les

 donnees contextuelles peuvent

  en

  fait intervenir

 a

tous le*> 111veaux distingues  par Grice,  et  c'est bien  en  vain  que nous

avoiis ente d'appliquer a nos exemples les distinctions qu'il propose, et

de i'uite fonctiormer les criteres qu'il suggere (ainsi pour les implicatures

co11ve1sationneIles : leur ca ractere ealculable/e ffaeable/non detac hable /

non eonventionnel/non

  <<

 carried  by what  is said,  but by the saying of

it */mdeterminatc)

 -.

 criteres dont

  il

 avoue lui-meme (1978,

 p.

 115): *

 1

ver>  m11ch d0ub1 #hethe r  the  features mentioned  can be  made  to

pr0v1de

 any

  sucb knock-down test...

  >>

I>i.

  i-es

  quatre axes

 de

 Grice,

 ne

  resteot donc

  en

  piste

 que les

 deux

premscrs, que nous reforrnulons  de la  facon suivante :

contenus

explicitas implicites  =

  inf6rences

Les different8 typcs 21

La terminologie  le dit  assez : c'est  en  fait plus  de  Ducrot  que de

Grice que nous allons nous inspirer pour definir ces deux axes disfinctifs,

et ces trois eategories de contenus implicites - ce que  nous allons faire

incontinent, avant d'aborder  le probleme de  Pillocutoire derive, et dans

la foulee, celui des

 <<

  t.ropes pragmatiques *.

2.1.  CONTENUS EXPLlC TES   vs  IMPLICITES

Ou commence  le domaine  de PimpIicite?

Des   1957 (p. 380), Grice formule  en ces  termes l'opposition entxe le

dire explicite  et le  dire implicite :  parler explicitement, c'est  * to  tcll

something *; parler implicitement, c*est

  *

 to get someone to think some-

thing *. Mais comment amener quelqu'un   a  penser queIque chose, si ce

quelque chose n'est pas dit, et  preseni quelque part. dans Penonce? Pour

nous, les

 contenus implicites sont egalenient, d'une certaine m aniere

  -

qu'il s'agira justement  de preciser -, dit:s,

Ducrot de son  c6te (1977, a), pp. 173 et sqq,) pose  le  probleme de

la facon suivante

 :

  dans

  <<

 Pierre

  a

  cesse

  de

  fumer *,

  le

  contenu

  Q

/Pierre actuellement  ne  fume  pas/ est enonce" explic itemen t (* pose *)

dans la  mesure ou il represente  * ce  dont Pannonce est  Pobjet avoue de

Penonciation *. Au contraire les contenus C, /Pier re fumait aupar avant /

et

  Cj

  /Prends-en

  de la.

  grain e/ sont enonces implicitement

  car

  *

 le

locuteur peut toujours pretendre n'avoir  pas voulu  les dire *.

Precisons tout de  suite (nous reviendrons bientot  sur  cette dnTerenee

cruciale entre presupposes  et  sous-entendus)  que le  mode  du

  <<

  non

vouloir dire * n'est

  pas le

  meme dans

 le cas de C, et de C2, ni le

 sens

de Pexpression

  *

  vouloir dire *, dont, Ducrot expl.oite ici la polysemie  ' :

<<

 vouloir-dire,

 >>

 p, c'est pour un  enonce signifier p; mais

 *

 vouloir dire2 *

p (et  Pauxiliaire prend alors son  sens fort), c*est pour un  locuteur avoir

Pintention deliberee  de  transmettre  a  autrui Pinformation  p. Or les

presupposes,

  s'ils

  ne

  constituent

  pas en

  principe Pobjet essentiel

  du

message, sont tout  de  meme  bel et  bien vehicules  par  Penonce, dans

lequel ils se trouvent (a ia  difference des sous-entendus) intrinsequement

et incontestabIement inscrits. En  d'autres termes : les presupposes, on

les << veut-dire, >>  sans

 les

 <<  vouloir direj >>

 *,

Cette difference mise

  a

  p a r t' ,

  les

  contenus implicites (presupposes

et sous-entendus) ont en  commun  la  propriete  de n e pas  constituer en

principe  (et nous reviendrons plus tard sur cet *

 en

 principe *) le veritable

objel  du  dire,  tandis  que les  contenus explicites correspondent,  en

Page 4: Kerbrat-Orecchioni, Catherine. L'Implicite. Cap 2.1, 2.2 y 2.3

8/16/2019 Kerbrat-Orecchioni, Catherine. L'Implicite. Cap 2.1, 2.2 y 2.3

http://slidepdf.com/reader/full/kerbrat-orecchioni-catherine-limplicite-cap-21-22-y-23 4/21

22

LE STATUT DES CONTENUS lMPLlCITES

prjrcipe lou|ours, a l'objet essentIel du message a transm ettre, ou encore

son* doles, seK>n la formule cette fois de R. Posner (1982, p. 2), de  *  la

pius gramie pertine nce com munic ative >>

Telle est la definition qui servira de point de depart a cette reflexion

sur l'implicite. Definition qui fait largement confiance, il est vrai, a

l'intuition des sujets parlants (linguistes ou non), Or l'intuition linguis-

tique n*est pas la chose du monde la mieux partagee : a propos de la

phrase

  * 11

  est anglais, il est donc courageux *, Grice considere que ce

disant,

  <<

  tout en ayant declare qu*il est anglais, et qu'il est courageux,

je ne veux pas dire par la que j'ai vraiment DiT (au sens fort) que de

son anglitude decoule son cou.rage, bien que sans doute je l'ai impli-

cite

 *

  *, Ainsi donc la relation causale serait pour G rice exprimee

implicitement, en depit de la presence du cormecteur pourtant bien

explicite

 *

 donc *. La divergence que nous constatons ici entre l'intuition

de Grice et la n6tre, nous la resoudrons en termes peremptoires : Grice

a tort, et prend de l'explicite pour de l'implicite.

Plus frequents et delieats sont les cas ou l"on voit traiter comme de

l'explicite ce qui pour .nous releve de l'implicite, le probleme surgissant

toujours a propos de presupposes, dont le statut est en effet bien

particulier - et l'on comprend que ne soit pas adrnis sans reticences,

sans resistance, le fait que des contenus aussi manifestement inscrits

dans la sequence puissent en meme temps i'etre sur le mode de

l'implicite. C'est bien de cette categorie qu*ils relevent pourtant, si du

moins Fon admet la definition proposee plus haut (rnais je n'en. ai trouve

aucune, qu'elle decoupe semblablement ou differemment l'ensemble des

unites de contenu, qui me semble plus satisfaisante que celle de Ducrot),

de l'opposition explicite/implicite. Opposition graduelle au demeurant:

on brutalise toujours un peu la realite linguistique en jetant sur un axe

echelonne le coupe ret d'u ne dic hotom ie, 11 est vrai que les presupposes

sont plus proches que les sous-entendus du pole  <<  explicite >>  de cet axe

graduel; et qu'ils partag ent avec les poses la propriete d'etre relativement

indifferents aux caracteristiques contextuelles de l'enonce. Mais il peut

sembler plus important de marquer fortement leur difference de statut

(laquelle entraine, on le verra, des possibiMtes d'exploitations strate-

giques bien specifiques) d*avec les contenus poses.

Quelques observations encore, qui invitent a ranger les presupposes

dans le camp des contenus implicites :

- lmaginons l'enchainement suivant (inspire de Ionesco):

L,. - Ma fianc6e a 6t6 assassin6e,

L,. - F6Iicitations, Et condol6ances.

Les differents types

Le mot

  *

  condoleanc es *,. qui com mente performafivem ent le contenu

pose de fenonce de L,, est parfaitement attendu: le mot << febcitations

 >>

si on le considere (car il y a d*autres interpretatiors possibles de cette

phrase) comme un commentaire du presuppose /je me suis liance/

apparait, pour cette raison meme, comme parl'aitement anormaJ et

incongru

  ',

- Soit les deux sequences suivantes :

(i) - Pierre a cess6 de fume r

- Tu ne m"as jamais dit qu'iI fumait

(ii) - Tu as instnu6 que je ne foutais rien. je crois md me que iu i"as di t,

petits echantillons de discours qui n'ont pas grand-obose en commun si

ce n'est jus tem ent ce ci : de prouv er que les_ presapp_oses conune les

W)us-entepdus sont d eonsiderer comme des "soufdires  (des dires impli-

'"cites).

  En (i) Lj repiocbe a L, de ne ravorr"jarriIiis informe d'une chose

"qff'fl vient justement de lui signaler - mais sous la forme d'un presup

pose; en (ii), l'emploi de

 <<

  meme

 *

 denonce rinsinuation (cas particulier

de sous-entendu) comme une sorte de dire amoindri presupposes et

sous^ntendus sont des informations

  *

 en sous-main * - dotees d'une

moindre pertinence communicative que les infomntions explicites, et

de plus bas niveau dans cette structure feuilletee qui compose le contenu

global des enonces,

A ce titre, on peut plus innocemment

  *

  oubliex * de les decrypter, et

eventuellement de les contester, ainsi que le momte H.N0lke (1980,

p.  55) a propos de l'exempie suivant;

Vous 6tie2 cl6ja revenu aupres de votre femm e le 7 sept*mb re deux jours apres

votre d6part?

tequel comporte, outre le pose /Etiez-vous aupres de votre femnie le

7 septembre?/, les presupposes hierarchises:

%

pp, : /Vous avez une famme/

PP2 : /Vous 6tie2 aupres d'elle le 5 septembre/

PP3 : /Vous Stes parti Ie 5 septembre/, etc.

Or si c'est une faute grave que de repondre mensongerement au pose,

<<  il ne sera pas considire comme une faute grave de la part du temoin,

s'il " oublie

 *

de faire remarquer - par exemple - qu'il partit dcja le

4 septembre, car soit ii n'a pas saisi pp3, soit il l'a considere - de bonne

foi - comme sans iiuportance *

Les presuppos.es 11'0m pas le meme statut lnigui.stique (donc juridsque,

parfois), "que'les poses lls ne se pretent pas aux mem es types d'en-

chainements (refutatils eo particulier)

  -

  plus enfouis, il n'est pas toujours

Page 5: Kerbrat-Orecchioni, Catherine. L'Implicite. Cap 2.1, 2.2 y 2.3

8/16/2019 Kerbrat-Orecchioni, Catherine. L'Implicite. Cap 2.1, 2.2 y 2.3

http://slidepdf.com/reader/full/kerbrat-orecchioni-catherine-limplicite-cap-21-22-y-23 5/21

l

  l- STATUT DES

  CONTENUS lMPLlClTES

necesi>aire de les  *  rclever  >> .  Moins perceptibies, moins  *  importants >>

(en apparence), plus discrets : ce sont bien des contenus implicites. Mais

cette discretion en rneroe temps fait leur force, et les dote d'un pouvoir

mantpiiJatoire qui n'est pas sans rappeler celui, redoutable comme l'on

sait, dcs signes  << subliminaux *.

2.2.  |.A NOTlON D'lNFERENCE

JNous

  appellerons - :njerence

 >>

  toute proposition implicite que l'on peut

extroire d'un enonce, et deduire de son contenu litteral   en combinant

de,s iDformations de s tatu t variable (interne s ou extern es) *.

L'tnference ainsi concue a donc une extension tres large :

I.'llc deborde bien sur le strict cadre de la logique formelle, ou les

mecaiUMTies inferentiels (qu'ils generent des inferences

  *

 analytiques *

ou " |<tugmatiques *,

 *

  logiques

 *

  ou

 <<

 empiriques *) obeissent a un codage

be<iucoup plus rtgonreux que ceux qui president a l'extraction des

inferences

  *

 naturelles

 ><

  C'est donc par metap hore, si l'on admet comme

* propre * le seul sehs  *  logique >>  de ce terme, que nous parlons d'in-

feren* e - une metafh ore motivee toutefois , par le fait que de meme

qu'il existe, d'apres| R.B lanch e, un *rappo rt indissoluble* entre le

raisonnenient et J*inf($rence logique

 *,

  de meme nos inferences sont elles

aussi le resultat d'urt  *  calcul *  plus ou moins complexe.

Den01ant toute espece de contenu implicite, l'inference telle que nous

la conccvons :

. recouvre a la fois ce que Charolles (197 8) appelle

  <<

 presupposition *

et - iiiference *, c'esf-a-dire que nous utilisons comme terme generique

un signIfiani que Charolles specialise pour designer ce que nous appelons

quant  h  nous *sous-entendus*: la divergence est purement terminolo-

gique,

> cr<rrespond aux * tmplicatures *  de Grice, et aux  * im plications * de

Recanali,

. c01ncide exactement, quant au stgnifiant et au signifie, a,vec les

<<  inferences

  *

 de Robert Martin '".

Not>s renoontrons encore les vues de Martin pour ce qui est de la

distinehon etablie, au sein de l'ensemble des inferences, entre deux

sous-ciasse>s, qu'il nomme pour sa. part (1976, p, 37)

 *

  inferences neces-

saire$-

  <independantes de la situ.ation de discours)

  vs

  *inferences

possibles

 *

 (dont la realisation contingente depend du contexte enoncia-

tif) -  <'z  qui correspond exactement a notre distinction entre inferences

Les differents  types

presupposees et sous-entendues. Mais Martin ajoute (p. 37): << D elaissant

l'inference situationnelle, on s'interessera exclusivement, dans tout ce

qui suit, a l'inference de langue f.,.J *, et declare au sujet des

  <<

  presup

poses pragmatiques * (p, 47) : *  Certains presupposes sont independants

du contenu vehicule par les phrases et lies exclusivement a l'acte meme

de I'enonciation : ce sont les moins interessants pour les linguistes, et

nous ne nous y attarderons guere

 * 1

  se situant dans la tradition imma-

nentiste, Martin ne s'interesse ici qu*aux donnees strictement   * linguis-

tiques

 *

 '', et considere comm e secondaires les phenomenes d'ordre

pragm.atique, Nos options descriptives sont exactement opposees, qui

nous poussent au contraire a focaliser notre reflexion sur les sou,s-

entendus, lesquels nous semblent beaucoup plus

  <<

 interessants

 *

 que les

presupposes dans la mesure ou ils demontrent avec insolence la complexite

des mecanismes interpretatifs, les Hmites de la perspective im manentiste,

et la necessite d'en sortir.

2,3.

  PRlSUPPOSES

  vs

 SOUS-ENTENDUS "

2.3.1,  Lespresuppos6s

1 -  Problemes de difinilion

Nous considererons comme presupposees toutes les informaMons qui,

sans etre.ouvertement posees (i,e,  sans constituer en principe le veritable

objet du message a transmettre),  sont cependant automatiquement

entrainees par laformulation de

  l enonce,

  dans lequel elles se trouvent

intrinsequemen t inscrites, quelle qu e soit la specificiti du c adre enon-

ciatif.

a

Remarques

- Ces informations presupposees peuvent etre de differents niveaux (au

sens jakobsonien de ce terme). Mais c'est essentiellement celui de

Fenonce qui nous interesse, Nous dirons donc, par exemple, que dans

* Pierre a cesse de fumer

  >>

  le verbe  <<  cesser

 >>

  vehicule un presuppos6

(lexical), sur la base duquel s'edifie Pinference presupposee (et par

abreviation : le presuppose) /Aupara vant Pierre fu mait/,

- Les presupposes sont en principe

  <<

 context-free

  *

  (a la difference des

sous-entendus,

 <<

  context-sensitive  *).  Dans certains cas pourtant., ce prin-

Page 6: Kerbrat-Orecchioni, Catherine. L'Implicite. Cap 2.1, 2.2 y 2.3

8/16/2019 Kerbrat-Orecchioni, Catherine. L'Implicite. Cap 2.1, 2.2 y 2.3

http://slidepdf.com/reader/full/kerbrat-orecchioni-catherine-limplicite-cap-21-22-y-23 6/21

26

LE STATUT DES CONTENUS

  IMPLICITES

cipe semble mis en echec. AinsI pour les presupposes lies a la deter-

minatIon du  << focus * d'un enonce donne ;

J"ai visit6 Moscou avec Pierre

peut en effet presupposer ; ou bien /j*ai visite M oscou/ (pose : /c'et ait

avec Pier re/ ), ou bien /j'ai fait quelque chose avec Pie rre/ (pose : /

visiter Moscou/), la phrase repondant virtueilement a deux questions

differentes :

Avec qui as-tu visit6 Moscou?

Qu'est-ce que tu as fait aveo Pierre?

A panir de cet exemple, Ducrot (1977, a)) est amene a reviser sa

eonception anterieure du presuppose (comme unite inscrite en langue

ei u>nstiiutive du sens litteral), et a declarer que  <<  l'enonciation peut

creer des presuppositions *. Mais on peut tout aussi bien considerer que

ceh deux structures presuppositionnelles sont inscrites en langue, le

c>>(r)texte (et. surtout le contour intonatif et accentuel de la phrase) se

on<vge<inl simplement de lever en discours l*ambiguite que cette phrase

pos<rede en langue ", selon un mecanisme qui caracterise tout aussi bien

les umft*nu.s poses : la plup art des signifiant,s lexicaux et syntaxiq ues

et,u.i en langue polysemiques, et *monosememisables* en co(n)texte

seulemcnt, il n'y aurait plus guere a ce eompte de contenus litteraux...

N"ois pief6rons ado pter l'at titude suivante ; les presupposes sont inscrits

eo langue, et le co(n)texte n'intervient que pour lever une eventuelle

p<>lysemie (la grande majorite des presupposes ne posant d'ailleurs,

C|ii*( n pense au cas de

  <<

  cesser>>, a.ucun probleme de ce type); les sous-

eutendus au contraire resultent de l'action conjuguee de facteurs internes

et e" lernes, le co(n)texte jouant cette fois un r61e positif dans le processus

d'engendrement du contenu implicite.

- Les presupposes ont donne lieu a une tres abondan te litterature

qy'i u"est pas question de resumer ici. Mentionnons tout de meme

qnu qiics-uns des points qui ont ete le plus largem ent d ebat tus a leur

sujoi.

{J) Presupposition et implication

Le principe de cette distinction est le suivant (d'apres Martin, 1976,

pp .

  38-39) '*:

La proposition p

 presuppose

  la proposition q si q (qui est necessai-

rement vrai si p est vrai) reste necessairement vrai meme si p est nie,

ex. :

Pierre 8 empSch6 Marie de partir,

Les differents types

27

qui presuppose

/Marie cherchait  A  partir/.

En revanche, si q est simplement

  implique

  par p, cette proposition

(qui reste necessairement vraie si p est vrai) peuf etre vraie ou lausse

si p est faux, ex, :

Pierre a vendu sa 2 CV,

qui implique

/Pierre a vendu une v oiture/.

Autre exem ple, emprunte cette fois a H, N0lke (l98 0, p, 4S)

Ma sceur

 s*est

  servie d"e ia voiture

presuppose

/j"ai une sceur/

(presuppose existentieI), et implique

/ma soeur s'est  servie de queique chose/.

Mais si l.'on voit bien que le contenu implique ptut etre selon

  k

  cas

toucfae ou non pa r la negation (* Ma sceur ne

  s*est

  pas servie de la

voiture : elle n'est pas sortie >>

 vs

  *

  Ma sceur ne

  s'ost

  pas servie de la

voiture, elie a pris sa bicyclette  *),  il est moins certnin que le presuppose

echappe toujours aux effets de la negation, puisquVi peut c0ncev01r un

enchatnement tel que  *  Ma sceurne  s'est  pas servie de la voiture, pour

la bonne raison que je n'ai pas de sceur *.

Nous voici donc renvoyes au fameux probleme de savoir quel est le

statut d'un enonce dont certains des presupposes sont manifestcmsnt

La tb.ese la plus generalement admise,a la suite de rrege et Strawson,

veuTqtfUTTeTe^o^cTiofl proprement inevaluabie D'ou cette definition

souvent proposee du presuppose : c'est une umte de contenu qui doit

necessairement etre vraie pour que l*enonce qui la contien( ptiIsse se

voir attribuer tme valeur de verite,

Il est de fait qu'une phrase dont ies presupposes sont juges f'aox ne

produit pas le meme effet qu'une phrase dont les poses sonl estimes

tels : dans le second cas on refute, tout simplemeni. Les reacti0t1s au

premier sont. diverses, et varient selon la nature du presuppose, et des

interactants  1  on peut

 <<

  laisser passer *, ou rester le bec cloue

  %

  ou bien

encore, protester-vehementement (la contestation d'un presuppose aya.nt,

comme l'a bien montre Ducrot, une teneur p0lern1que plus grande qu.e

celle des poses, puisqu'elle met en cause non seulerient le contenu de

Penonce, mais le comportement enonciatif meme de son parienaire

discursif  : *  errare *  sur les poses  <<  h.umanu.m est -; mais encodei des

Page 7: Kerbrat-Orecchioni, Catherine. L'Implicite. Cap 2.1, 2.2 y 2.3

8/16/2019 Kerbrat-Orecchioni, Catherine. L'Implicite. Cap 2.1, 2.2 y 2.3

http://slidepdf.com/reader/full/kerbrat-orecchioni-catherine-limplicite-cap-21-22-y-23 7/21

28 1 F STATUT DES CONTENUS lMPLIC TES

presupposes manifestement faux, c'est transgresser une sorte de principe

deontologique regissant les bons usages langagiers), par exemple a l"aide

d'un

  <<

  mais., *, ou d'un

  *

 d'abord ... >> qui revele precise men t que la

verito des presupposes constitue une sorte de prealahle  a la poursuite

dc Peohange ;

l manque un peloc hon -  C est  un oreilIer

  d'abordl

Pourquoi les hommes ronflent et pas les femmes? -

  D abord,

  y a des femmes

qui ronflf*nt

-efiets speciaux divers donc, qui tiennent au statut special de t,elles

produeiions discurs ves, lesquelles apparaissent plus comme

  *

  imperti-

nentes

 *

 que cororne veritablem ent fausses,

11 nrrive pourtani que Pon considere co mm e faux des enonces dont

les presuppos es som juges faux, et que Pon glisse en quelque sorte de

l'.ipprcciatk>n

  *

  votre assertion est lnappropriee puisque ses presupposes

sont i'oux >> a P6valuauon  *  vous dites des choses fausses, erronees * ; les

deux types de refutation, comme le montre Moeschler (1979) au cours

de P<malys>c d'un debat televise entre Giscard et Mitterrand, sont bien

mal delimites.

Ct OTts encore les exemples suivants , releves dans differents contextes :

W  - Vous  n'avez pas peur, en abandonnant votr e r6le de chef d"orchestre pour

fane de

  m

  musique de ch<3n1bre, de tomber un peu de votre pi6destal?

- Je ne eonfois pas le rple de chef d'orchestre c omm e un pi6destal, alors je no risque

pas  tie>,  iombei [donc d"9v0ir peur], (Interview de Danial BaremboTm, France-Musique.)

(ti) - Pourquoi est ce que les Frangais n'aiment pas les Am6ric8tns?

- Mac t,'esi pas vrail

t11) - Ce  n'est  pas> vrai que je suis rest6 trois semaines a cdt# du cadavre de

ma ttwre adopiive paroe que Madame Rosa  n'6tait  pas ma m6re adoptive

(E. Ajar.

  La vm devantsoi,

  Mercure de France, Paris 1975 , pp, 268-26 9).

Il ffest donc pas toujours vtai, comme l'affirme Posner (1982), que

seuLs les poses peuvent faire I'objet d*un

 <<

  commentaire direct

 >>

  de type

* C'esi faux

  *

 ; dan^ cert ains cas du moins, on pe ut

  *

  evaluer

 >>

  meme

un enonce dont les presupposes  <<  ne tiennen t pas >>

E.M-ce a dire que Pon puisse a la suite de N0lke, qui distingue la

* conection

  >*

  (relative aux presupposes) de la

  <<

  faussete

  *

 (relative aux

poses), adinel re Poxistence des quat re cate gories su ivantes d*enon-

ces

vrais et correc ts vrais et incorre cts

faux eteo rrec ts faux etin,corrects?

Nouh ,<voiis vu des exemples d'enonces juges

  <<

 faux et incorrec ts >>

L'existcnce d'c<ionces -vrais et ineorrects>>, N0lke la demontre en

consui.xiit que lors d"un test effectue dans une classe aupres d'eleves

Les differents types

29

de douze ans, a la question

 <<

  J'aim erais savoir : qui a cesse de fum er? >>

un certain nombre d'eleves ont repondu par l'affirmative, qui ne fumaient

pas alors, mais meme, n'avaient jamais furne de ieur vie. Ce qu'il

comm ente en ces term es (198 0, p, 55 ): <<Je crois pouvoir inter prete r

ce resultat comme suit

 1

  ees eleves ont compris la question du professeur

comme eoncernant seulement le pose de I'enonce employe. Dans notre

terminologie, cela veut dire que, pour eux, c'etait pertinent de differen-

cier vrai et faux independamment de la valeur de correction. La

diseussion qui suivit dans la classe a fait ressortir que le resultat rapporte

tenait a la non-perception de la presupposition par les eleves en ques

tion *: ce qui veut dire que c'est seulement dans la mesure ou le

presuppose (faux) est non percu, ou

  <<

  oublie *, efface de la conseience

du sujet (les presupposes, nous l'avons dit, precedemment, sont quantite

plus negligeable que les poses), que Penonce

 *

 j'ai cesse de furo.er

 >>

  peat

etre considere par lui comme vrai. On ne peut done pas vraiment parler

dans de teis cas (mais je ne pense pas qu*on puisse en rencontrer de

plus probants) d'enonce juge* a la fois  <<  vrai

 >>

  et  * incorrect * : des lors

qu'il est clairement per$u comme incorrect, un enonce a tendance a

etre du meme coup evalue comme faux  ".

Pour en revenir a la distinction

  *

  presuppose

 >>

  (au sens etroit)/

* implicatio n *, disons qu*on ne peut se fier pour la fonder au test de la

negation, puisqu'il arrive que celle-ci atteigne meme les presupposes

(* Pierre n'a pas cesse de fumer, p uisqu'il n'a jamais fume *) 1 parler

alors de negation

  <<

  metalinguistique

 *

  est juste sans doute, mais ne

resout pas grand-chose. Nous considererons en tout cas eette distinction

comme secondaire ", et ce que nous entendons par

  *

 presuppose *

englobe toutes les

 <<

 implications

 >>

  d'un enonce dans la mesure du m.oiits

ou elles s'y trouvent inscrites de facon stable et constante (implication.s

<<

 necessaires *).

(2) Presuppo sition et informaiion

O'ne autre'""pf6pFiefesouvent 1nenti0nnee des presupposes (p roprie te

d'ailleurs liee a la precedente : c'est dans la mesure ou les presupposes

ne sont pas en principe informatifs que leur faussete n'a pas le meme

statut que celle des poses) est la suivante ; les presupposes s'opposent

aux poses comme

  <<

  ce qui est presume connu >>  a

  *

  ce qui est presume

ignore* (Strawson); c*est-a-dire que les contenus formules en presup

poses sont censes correspondre a des realites deja connues et admises

par le destinataire - soit qu'ils reIevent de son savoir encyclopedique

specifique, soit qu'ils correspondent a des

  *<

  evidences

 >>

  supposees par-

Page 8: Kerbrat-Orecchioni, Catherine. L'Implicite. Cap 2.1, 2.2 y 2.3

8/16/2019 Kerbrat-Orecchioni, Catherine. L'Implicite. Cap 2.1, 2.2 y 2.3

http://slidepdf.com/reader/full/kerbrat-orecchioni-catherine-limplicite-cap-21-22-y-23 8/21

30

LE STATUT DES CONTENUS IMPLIClTES

t.agees par l'ensemble de la comm unaute parlante

  :

 contenus donc

 <<

 taken

for granted *, et qui ne sauraient etre

  <<

  matter of dispute

 >>

  (Huntley,

1976,

  p. 71), a la differenee des contenus et poses, et sous-entendus, qui

eux eorrespondent a des informations

  <<

  nouvelles *, donc eminemment

<<

  disputables *.

S i]uui ,%erveiit donc, dans la dynamique discursive, les presupposes,

-y'th

  tiansgrcssent aussi ostensiblement la loi d'informativite'? Reponse :

;i i*imslituet pour le discours une sorte de souba ssem eat su r lequel

vH*niienl s'ecbafander les poses; a assurer, grace au *recouvrement

prtstippu,sifiunnel *. sa coherence et sa redondance internes, les poses

>c cli,trgeai)t de ^a *progression*; et a un niveau interactionnel plus

l.tige, a constituer une sorte de

 *

 ciment social *, une zone de

 <<

 consensus

 >>

<finte Jch tnteractarits.

T'ette c<irsieteristique des presupposes peut aussi se formuler comme

oue coiisigoe d'encodage ;

  *

 Tous les conten us no uveaux, ou sujets a

a>1.U'.stano11.   donnez-leur la forme de poses - quitte a les repreridre sous

iarme de presupposes dans la suite de votre discours, puisque si ces

cut<lenus >ont bien " passes ", vous etes en droit de les considerer comme

eiant *a*nus grossit le stock des verites a dmis es, au moins p rovisoirem ent,

p<n votre p<trtenuire  discursif, *  Et c'est souvent ce que l'on observe en

v;ttc.t la rep nse sous forme d*un pres upp ose

  (<<

  ma voiture... >) d'une

inroriujiion d*abord posee (<<j*aI achete une voiture...*).

iiouvont. Mais pas toujours, bien loin de la ; il suffit d*observer le

lbi;clionncDient effectif du

  <<

  discours ordinaire

 >>

  pour constater qu*un

gra.nd nombre d'informations son.t d*entree presupposees par le locuteur,

sans qu*il ait pris soin de verifier qu'elles font deja partie du

  *

 back-

ground * de son destinataire, et meme dans des cas ou il est evident

qu'il n*en est rien.

  *

  J'ai laisse ma voiture au garage *,

 *

  je l'ai laissee

a mon frere *...: Meme si rien ne prouve que l'autre sache deja que

j 'ai  un garage, ou un frere, de telles formules

  <<

  passent

 >>

  tres bien, et

pcrsonne ne trouvera rien a redire au fait qu'ait ete ici presuppose sans

precautions oratoires un contenu nouveau. Dans certaines circonstances

en. revanche, une phrase telle que

  *

  J'ai laisse ma voiture a m on mari *

pou'rra susciter une reponse du genre

  *

  Tiens, tiens elle ne m'avait pas

dit. qu*elle etait mariee

elle aurait tout de meme pu (du) me le dire

>>

(i,e, :  le  *  poser *, avant de le presupposer). Or il est a peu pres aussi

probable, s*agissant d'ime personne adulte de sexe feminin, qu'elle ait

un mari qu'un frere ; ce n'est donc pas ici a la quantite d'information

qu'il faut imputer la difference de statut observable entre les deux

presupposes /j'ai un frere/ et /j'ai un mari/, mais c'est a un facteur

Les differents types

31

qualitatif tel que  Vimportance  de l'information pour le destinataiie du

message.

En fait, le mode de formulation d'un contenu

  <<

 nouveau

 >>

  depeiid de

deux facteurs distincts. Si l'on compare en effet:

(i) J'ai laiss6 ma voitu re   a m on   frere

(ii)  J'ai  laisse mon avion a mon fr t re

(iii) j 'a i la iss6 ma voiture a mon mari

on constate que :

(ii) sera generaleme nt juge plus etrange que (i) - du fait du degt e  l res

inegal de probabilite des informations presupposees /j'ai une voituxe/,

et /j*ai un avion/; et que (iii) sera parfois juge legerement plus

<<

 anormal

 *

 que (i) - du fait ce tte fois que Finform,ition presuppos6e

/j'ai un mari/ est dans certaines circonstances plus < importante - que

l'information egalement presupposee /j'ai un frere/.

Quels que soient les problemes que pose toute ten)ative de fonuali-

sation de ces notions de

  *

  probabilite

 >>

  et

 d*<<

  importaiice *, en conte>.te,

d'une information donnee, il est sur que la regle de bon usagr ries

presupposes precedemment enoncee doit etre remaniee, et assortie d'une

clause telle que :  un contenu nouveau doit-d"auiant plus etre fot>mdc

comme pose (et peut d'autant moins etre formule comme presuppose)

qu'il est plus informatif (moins probable o u previsihle), mais u nssi

plus

  *

 important

  *

 pour le destinataire.

Il est en tout cas inexaet que les presupposes soient toujours non

informatifs " ;

 *

 N e confondons pas [...] presuppose et into nnat ion tout

dans la phrase peut etre  informatif*.*  La formule est de Robert

Martin, qui ajoute i

 <<

  Mais certaines donnees ne peuvent etre informa-

tives si d'autres ne le sont pas* (1976, p.49). I.'idee, fort justc, de

Martin, etant celle-c i: qu'a un meme enonce s'atiacbent differents

niveaux hierarcMses de presupposes, dont le caractere informatif ou

non est en soi ftideterminable, mais qui sont subord>>mws  les uns aux

autres  (i.e,  en relation d*implication unilaterale) quant a leur irifornsa-

tivite relative ^'.

Ainsi ecrit-il a propos de la phrase P :

Mon fils s"est   achet6 une Jaguar,

qui presuppose

P, /Mon fi ls s*est achet6 une voiture de course/ {Si P   *isi vrai,  alors P, i ast

aussi n#cessairement).

qui presuppose

P2 /Mon fi ls s'est achet6 une voiture/,

qui presuppose

Page 9: Kerbrat-Orecchioni, Catherine. L'Implicite. Cap 2.1, 2.2 y 2.3

8/16/2019 Kerbrat-Orecchioni, Catherine. L'Implicite. Cap 2.1, 2.2 y 2.3

http://slidepdf.com/reader/full/kerbrat-orecchioni-catherine-limplicite-cap-21-22-y-23 9/21

3 2 L E S T A T U T D E S C O N T E N U S I M P U C I T E S

P, /Mon nk>  s est achet6 quelque chose/,

qm piesuppose

P / M o n il<> est en   etat  de (en Sge   de...)  s'acheter une Jaguar/,

qn> presuppose

P,

  /J'ai un fils/

- Il se peut

  to;

 t bien que, dans une situatIon d eterminee de discours,

h)u Fensemh k <les propositio nsP, a P , soit

  informatif;

  qu'a Foeeasion

de P, mon interlocuteur apprenne meme que  j*ai  un fils [,..j, Mais iI se

p*'iu aussi que ,seule soit informative la differeoee entre P et P,, a savoir

que la v<>iture di course achetee est une Jaguar. Que l'information soit

nni)iniale comme dans ce dernier cas on maximale comme dans le

pieeedent ou encore qu'elle soit situee entre ces deux extremes, il n'en

d-"n<eurc pas moins que si mon interlocuteur ignore que .mon fils

 s'est

.uhete une voiti-re de course, il ne saura certainement pas qu'il

  s'est

;tf|irte une Jaguar; s'il ignore qu'il

  s'est

  achete une voiture, il ne peut

s,ivoir qu'il

  s'est

  achete une voiture de course. Ainsi se dessinent les

iiivcaux possibles d'information (in, in-i>-  h>  ii)> determinables a priori,

ii 'jopenda.mmen" de toute circonstance particuliere  * (p. 2()).

iji I,e st(itut encntiatifdes presupposes

S

 i.l

 n'est. (lonc pas exact que ies informations presupposees se caracterisent

par 1e fail qu*elk;s sont toujours supposees deja connues du destinataire,

tl est en revanch e vrai qu'e lles sont pre sentees sur le mode du <* cela va

dt sui - Les lernies de  <<  pre-asse rte >> ou  *  preconstruit *, que certains

pietercn i a * prcsnppos6

 *

  ", connotent cette meme idee qu*il s'agit  la

d'imites de contenu qui au lieu d"etre, a l'instar des poses, constraites pa r

lc fbscours qui let vehicule, semblent empruntees a un discours preexistant

pltiN ou moins difTus :

 *

  On se contente de rcproduire du " deja-dit " *,

tvt it a lcursuj ct M.-.J Borel (197 5,

 p.

  76),

 *

 com rnes'il etait effectivement

dit ' ailleurs '" >> Si par ex empie je declar e q ue  *  x a cornmis contre y

u'ie ignoble agression *, cette affirma.tion donnera eventuellement lieu a

i;j;

  >Jebal contradicn>ire (<<pas d'accord: il a vole au secours de y en

doiiessc"), mais au moins franc et loyal; t.andis que si je parle de

- fignobie agression de x contre y *, c'est-a-dire si j'utilise une expression

. dehmc, laquelle presuppose sa propre adequation, donc l'existence du

, denote correspondant, je fais comme si cette existence etait indiscutable,

[

 e' tnonexpressionvraie-en-soi ilesposessontsimplementpropo^ ascomme

K,i:> au destinataire, les presupposes lui sont plus brutalement   imposes.

L-u d'autres termes encore ; les presupposes n*ont, pas le meme statut

Oit''>nciatil que les poses.. Sous le locuteur unique (L-o) qui profere  *  Pierre

Les differents types 33

a cesse de fumer

  >>,

  se dissimulent en fait deux  enonciateurs  distincts

{i.e.

  deux instances assumant la responsabilite des-contenus enoncifs) i

l'enonciateur responsabie du pose, c*est bien L,-,; mais P6nonciateur du

presuppose, c'est une voix collective dans laquelle L^ dissout la sienne

prop re; c'est une instan ce anon yme, plur ielle, voire uiiiverselle : la

<<

  doxa >> la

  *

  rumeur *, le

  <<

  fant6me *...

Telle est l'idee que Ducrot dans ses derniers travaux, sans fonda-

mentalement remettre en cause la notion meme de presuppose que ses

ecrits anterieurs se sont acharn6s a construire, developpe et module.

Idee juste, a condition toutefois d'ajouter - la clause est d'importance

- que

  l'enonciateur d"un presuppose, c"est a la fois une instance

collective, et le sujet individuel Lg.

Soit en effet cette declaration de Jacques .Duclos, extraite de ses

memoires : <<  J'imaginais que Daladier et Frot, qui avaient donne l.'ordrs

de tirer sur les manifesta nts, devaient etre des emp ar& [...]. *. Il est

evident que le contenu de la reIative appositive, bien que presuppose, est

imputable a l'individu Duclos, et cela au sens le plus juridique de ce

terme, puisqu'il dut s'en  *  porter garant >>  lors d'un proces en diffamation

que lui valut cette malencontreuse relatiye (et il eut beau declarer pour

sa defense qu'il avait la

  <<

  livre son etat d'esprit a l'epoque >, c'est-a-dire

en quelque sorte cite le Duclos d'alors sans parler au nom du Duclos

actuei, la vraisemblance linguistique n'etait. pas de son c6te). Autrc

exemple encore, ext rait d'un de bat e ntre * P

 *

  et

  *

  C

 >>

 qu*analyse

J. Moeschler  (1981,  p. 60) :

P, - { ) vous ne voulez pas vous r#ndra compta que Ie r6sultat aussi d6plorafale

qu"il soit  n'est  rien d'autre qu'un r#suitat   normal

  face i une

  politique

  aveugle -

  et je

veux  absolumentje  veux...

C, -   C est vous qui  dites qu e c est une politique ave ugla  " .

Exemples qui administrent la preuve que contrairement a ceux qui

estiment que les presupposes sont formules

  <<

  de telle maniere que la

responsabilite de les avoir exprimes ne puisse pas etre imputable au

locuteur* (Henry, 1977, p.58), il faut considerer avec Wunderlich

(1978, p. 43) qu'en enoncant S,  <<  le locuteur s'engage [...] a reconnaitre

comme valables les presupposes de S et a les expliciter en cas de besoin

ulterieurement dans des phrases affirmatives *. C*est donc trop hative-

ment qu'on les assimile parfois au procede de la citation : L peut fort

bien se desolidariser totalement de ce qu'il cite, alors qu'il doit assumer

ce qu'il presuppose. Les presupposes semblent empruntes, mais ils

doivent etre endosses parL; qui feint

  a un certain niveau

  de se

retrancher derriere une instance collective, tout en etant contraint, s

Page 10: Kerbrat-Orecchioni, Catherine. L'Implicite. Cap 2.1, 2.2 y 2.3

8/16/2019 Kerbrat-Orecchioni, Catherine. L'Implicite. Cap 2.1, 2.2 y 2.3

http://slidepdf.com/reader/full/kerbrat-orecchioni-catherine-limplicite-cap-21-22-y-23 10/21

34

LE STATU'T DES

  CONTENUS IMPLlCITES

un autre niveau,

  de se porter garant, de ieur verite : c'est bien a Duclos

et a  << C >>  - et non point ati  << fant6me  >>  - que l'on demande de rendre

des comptes sur leurs presupposes. Les presupposes << jouent * Pevidence,

et leur locuteur l'innocence. Mals en risquant toujours un rappel a

l'ordre :

 <<

  Qa ne prend p as : assume z s'il vous pla t vos presup poses *

{4)

  Presupposes et enchainement

Les considerations quI precedent montrent que iorsqu'on cherche a

specifier le stat ut des presupp oses, on ne peut se conten ter d'affirmations

a i'emporte-piece telles que : les presupposes ne son.t pas atteints par la

negation, et doivent etre vrais pour que soit evaluable l*enonce qui les

contient; ils sont denues de toute valeur informative; etant admis comme

vrais-en-soi avant toute actualisation discursive, ils ont pour source

enonciative un sujet coUectif anonyme... Affirmations qui doivent etre

serieusement nuancees, et manipulees avec prudence.

I1 serait egalement impruden t de prete ndre que les contenus presup

poses ne peuvent jamais servir de base a l'enchatnement discursif

  :

 trop

de contre-exemples interdisent une telle generalisation,

Il apparait par exemple que L, a la possibiMti d'enchainer sur ses

propres presupposes

. soit pour les rectifier  : s'il est v.rai, comme le remarq ue Wunderlich

(1978, p. 44), que l'on ne peut annuler un presuppose factif en disant

par exemple :

Je regrette   d avoir  frapp4 Nina, mais je ne   l ai  pas frapp6e,

l'agramm aticalite de :

Je regrette d'avoir frapp6  Nina, mais  l'ai-je  donc frapp6e?

nous semble -deja moins evidente, et tout a fait possible :

Je regrette d"avoir. frapp6 Nina - si tant est que je l'ai frapp6e,

ou bien encore :

Pierre a cess6 de fumer -  d ailleurs  je ne suis meme pas sQr  qu il l ait  jamais fait

L*agression d e x contr e y - si agressio n iI y a.... :

il semble donc bien que le locuteur ait parfois le droit de

  <<

 se raviser *,

et d'user de certains procedes (tels que

 *

  si tant est que...

 >>)

  pour mettre

en doute dans un deuxieme temps la verite d'un contenu qu'il vient de

presupposer ";

* soit pour les commenter, les justifier, les etayer par une expansion

metalinguistique generalement introduite par

  *

 car *,

  <<

  parce que *, ou

* puisque *  ;

presuppose existentiel:

  *

  Mon mari, puisque mari il y a... *;

presuppose d6nominatif (le commentaire metalinguistique venant alors

justifier le choix du signiiant, et conforter son adequation au referent):

Les different.s types

35

Pierre -  puisqu il  s"appelie Pierre - a cess 6 - car il fumait aupara vani - cie

fumer.

J'ai eu la chance, parce que je consid6re que c'est une chance, de d<ttger i<i

8* symphonie de   Beethoven.

Il est encore plus frequent qu'un Lj intervienne sur les presuppo-.es

contenus dans un enonce precedent de L,,

< soit pour les expliciter, sur un mode generalement dubitatlf ou

interrogatif (demande de confirmation):

L,. - Ma fianc6e a 6t6 assassinee.

Lj .  - Votre fianc6e? Vous gtes donc fianc6?;

. soit pour les contester et refuter, la. contestatioit des presupposes

(qui ont, plus encore que les poses, le devoir d'etre vrais) pren.mt

souvent des allures polemiques " :

Pierre a cess6 de furner. - Mais il n*a jamais fum 6

Je   t en   prie   arrSte  de boireI - Moi? J*ai rien bu...

Je ne suis pas d'acoord avec votre thdse ... - Mais oe n'est  pas ma   th e w1

L'enchainement sur les presupposes n'est donc

  pa>

  inlerdit. mais il

obeit a des contraintes beaucoup plus strictes que ctlui qui portt sur

les contenus poses

 ;

 sont ainsi exclus ces modes essentiels d'enchainement

que constituent

. pour L,, Penchainement de type argum entatif(no n metalinguistiqi.e)

sur ses propres presupposes :

*Pierre a cess6 de fumer, puisque t'an dernier i fum aii plus   d un   paqut>t  pjr

jour, vs

Pierre a cess6 de furner, pu isqu 'ii y a plus d'un m ois que jf ne lui ai pas >-n *Je

cigarette au bec

> pour Lj, l'enchainement de type non metalinguist que et non ielu-

tatif:  ainsi on repondra plus difficiIement

  <<

  merci

 *

  a un complenient

presuppose

  (<<

  Bonjour ma beile - M erc i *) qu*a un coinplimenl pose

(<<

  Com.me vous Stes bellc - M erc i >>)  et l'enchainemem suivant .

- Ma fianc6e a 6 te  assassir>6e.

-   F6licitations.  Et   condoleances.

passera pour infiniment plus bizarre que celui qu'atfeste le passagc de

Ionesco dont il s'inspire (voir note 7 du chapitre 2)

Du moins de t.els encbainements sont-ils exclus de ce que Ducrut

nomme le

  *

  discours tdeal

 >>

  : ils sont marques comme plus ou uioius

deviants et  *  anormaux *, Nous les retrouverons plus lard a propo& de

cette figure particuliere que nous appelons <<trope prcsuppositioiuoel  %

dont l'un des indices est justement que le contenu presuppose sert alors

de base, dans des conditions autres que celles qui vieiuieni d'et*e

enumerees, a l'encha nement

  discursif.

Page 11: Kerbrat-Orecchioni, Catherine. L'Implicite. Cap 2.1, 2.2 y 2.3

8/16/2019 Kerbrat-Orecchioni, Catherine. L'Implicite. Cap 2.1, 2.2 y 2.3

http://slidepdf.com/reader/full/kerbrat-orecchioni-catherine-limplicite-cap-21-22-y-23 11/21

36

LE STATl iT DES CONTENUS IMPLiClTES

t

 *n

  peut dun<: admettre avec Ducrot, qui dans la

  <<

  Postface

  *

  au

Mttifvai,% outiI

  dc Faul Henry, montre que les proprietes

  *

  classiques

 >>

1 s presupposes (etre intouches par les transformations negative et

interrogalive, eVe supposes coo.nus du destinataire,..) *constituent des

.upccts relativemenl superficiels [...] du phenomene etodie>>, et leur

Hibstituc un critere plus puissant fonde sur leur comportement parti-

cuhei vis-a-vis de l'enchainement, que c'est bien la un trait  * essentiel *

d>i presuppose (p. 183), et qui decoule directement de la definition que

iKH<N en avons pro pos ee.

Disons pour terminer ce rapide inventaire des proprietes des presup-

poses>, ei des debats les concernant, que ce sont pour nous a la fois

  des

mnditjons d'emploi, et des elements de contenu

 *>  (au mem e titre

i '.nlleurs que tous les semes poses); il

 s*agit

  la d'une fausse alternative,

qui ne correspond tmllement a des proprietes incompatibles d'un meme

"bjt-t, tnai.s a deux points de vue differents et parfaite men t comp atibles

siii ce meme objet Par rappo rt a Penonce * Pierre a cesse de fumer>>,

l" iait que Pierte fumait auparavant peut en effet. etre considere : soit,

dans une perspeclive d'encodage, comme une condition externe du bon

us>itge de l'asseition; soit, dans la perspective de decodage qui nous

Kiieresse ici, cuinmc une information interne a Penonce.

Ces deux perspectives sont apparemment egaiement admises par

id<more> lorsque a propos de *Please open the door>>, il declare

'.-iccessivement (l97l,b), p. 380)

>

  que - tbe presup position about the closed st ate of the door is a

property of the verb

  open>>

  (quand il apparait du moins dans une

-<, Hctuie imper uiive),

* ct que  <<  We trn.y identify the presupposition of a sentence as those

-juditions whicb must be satisfied before the sentence can be used in

.,-n  ot tbcfunciionsjust-m entioned*.

Mais le presuppose qu.'envisage ici Fillmore est d'une nature un,

peu particuliert il

  s'agit

  de ce que certains (Keenan, Stalnaker, et

v/underlich, entre autres) nomment  <<pre$upposepragm,utique>>,  et

.ps>" nous dehnirons comnie suit: seront considerees comme des pre

supposes pragmatiques toutes les informations que vehicule un enonce,

e" qui concerut:nt les <<eonditions de felicite* (plus specifiquement

ses conditions  <  preliminaires >>  qui doivent etre re alisees pour qu e

l'.icie de langage que pretend accomplir Penonce puisse aboutir per-

Miiiioirement "

Pour qu'une requete telle que

  *

 Ouvre la porte

 *

  puisse en effet

Les

 differents

  types

37

fonctionner heureusement, encore faut-il par exemple que Petat de elio*e

ordonne ne soit pas d'ores et deja realise au moment, de l'acte d'enu'i-

eiation

  (i,e.

  en Poccurrence que la porte ne soit pas deja ouvertei: qre

le destinataire de l'ordre ait la possibilite de le decoder (il existe. c'esi

un etre humain, qui n*est pas sourd et connaft la langue francaise. eic ),

et la faculte d'obtemperer; et qu'il ne soit pas evident qu'il accomplirait

I'acte sans Penonciation de Pordre, qui serait, sans cela non infonnati%

que Pemetteur enfin de l'ordre soit en position institutionnelle cPen

donner (car ne commande pas qui veut).

Dans une perspeetive d 'encodage, ces differentes donnees apparaissent

comme des  * conditions de felicite  *  de l'acte illocutoire de requete,

Mais du point de vue du decodage, ce sont autant d'informations (portant

sur la situation et les actants de Penonciation) que vehicule Penonce -

s'il est du moins employe &normalement*, c'est-a-dire que lespresup-

poses pragmatiques sont sounus a la meme regle de verite, et sont tout

aussi sus_ceptibles..deTaTvenir (ransgresser, que les'presupposes sdmah-

tiques.

Un exemple encore, pour bien marquer la difference entre ces deux

types de presupposes; pour que

  *

  Cesse de fumer

*

 fonctionne comme

un enonce valide, c'est-a-dire pragmatiquement approprie, et seman-

tiquement acceptable, deux conditions doivent etre reunies :

. Il faut que le destinataire du message continue a fumer au mom ent

de l'enonciation (qu'il n'ait pas deja' cesse de fumer): ce presuppose,

etant lie a la structure jussive de Penonce, et renvoyant a Pune des

conditions preliminaires de Pacte de requete, est un presuppose prag-

matique (enchainement refutatif dans le cas ou cette condition n'est

pas realisee : <<  Mais j'a i deja cesse *).

. Si le destinataire n'a jamais fume, la defectuosite" de l*enonce se

localise en revaache au niveau du contenu propositionnel de Penonee

(utilisation indue du verbe  <<  cesser >> et concern e to utes les m ises en

forme pragmatiques d'un tel. contenu  (<<  Tu as cesse de fumer. >> * As -

tu cesse de fumer? *,

  *

 Puisses-tu cesser de fum.er >> etc .) : il

  s*agit

  la

d'un presuppose semantique (enchainement refutatif eventuel:  * Mais

je n'ai jamais fume

>>)

Les presupposes pragmatiques sont aux valeurs ilIocutoires ce que les

presupposes semantiques sont aux contenus propositionnels. Ils re90ivent

ee partage toutes les proprietes des seconds - en particulier, celie de

pouvoir etre refutes, ou comm entes metalinguistiquement

  *̂,

 et de pr6ter,

nous le yerrons, a un usage  *  tropique *.

Page 12: Kerbrat-Orecchioni, Catherine. L'Implicite. Cap 2.1, 2.2 y 2.3

8/16/2019 Kerbrat-Orecchioni, Catherine. L'Implicite. Cap 2.1, 2.2 y 2.3

http://slidepdf.com/reader/full/kerbrat-orecchioni-catherine-limplicite-cap-21-22-y-23 12/21

38

LE STATUT DES CONTENUS IMPLlCITES

2 -  Les differents types de presupposes

Les presupposes, dont nous venons de dIstinguer deux sous-classes,

peuvent etre de nature extrem ement variable : sans pretendre en fournir

une liste meme incomplete, dIsons qu'on pourrait les typologiser selon

deux axes ;

(1) te type de support signifiant

  responsable de l'existence du presup

pose ^ :

-I.1 peut etre de nature lexicaie. Comportent ainsi des presuppo

ses :

. les verbes << aspectuels *, ou  *  transformatifs  >> (<< cesser de *, *  conti-

nuer a>>, *se mettre a*; <<Pierre

  s'est

  reveille>> ^ /P ier re dormait

liauparavant/, etc,);

'i *

  les verbes  *  factifs  >>  (* savoir *,  *  regretter *...) et  << contrefactifs >>

J(*pretendre*, <<s'imaginer>>.,.) qui presupposent la verite/faussete du

| contenu de la completive qu*ils introduisent, et plus generalement

| l'ensemble des verbes  * subjectifs >> qui com porten t un presuppo se

" modalisateur, ou axiologique;

* certains morphemes tels que

  <<

 mais *,

 <<

 aussi *,

 <<

 meme *,

 <<

  de nou-

veau *,  *  deja *,  *  encore >>  (exemples :  << Y en  a-t-il  parmi vous qui

croient encore au Pere Noel? *, *  Elle est encore belle *, *  Vous n'avez

pas encore d*enfants? *,

 *

  Dans le meme temps, la crise du capitalisme

s'approfondit, et comme il domine encore tres largem ent le monde,,, *);

. plus generalement, un grand nombre de presupposes (il

 s'agit

  d'ail-

leurs plus precisement dans ce cas d*implications) trouvent leur origine

dans la struct ure du lexique : relations de c ontraste (* Cette ehaise est

rouge *

  ^

  /non verte.. . /), d 'hyponymie/hyperonymie *  (<< C'est une

chaise >>  -^  /c*est un siege/) et de restriction selective (Zuber :  *  x

blatere

 *

  --> /x est - en principe, si le verbe est employe Htteralement

- un chameau/;  <<  x est alezan *  ^ /x est un cheval/ , etc,),

- Presupposes a support syn.taxique, qui s'attachent par exemple :

. aux expressions definies (voir O, Ducr ot, 1972) et a la nominalisatio n

(voir P. Seriot, 1985)

. aux expansions adjectivales ou relatives

> aux systemes subordonnants (comp aratives, hypo thetiques, cau-

sales... ")

> aux structures  << clivees >> (<<  C'est x qui est parti >> -^ /quelqu'un

est parti/)

. . aux interrogations de constituant  (<<  Qui est parti? >>  ^> /quelqu'un

|^ est parti/;

Les   differents  types

39

, , , ,, /tu ne maim es pl us /,

<<

  Pourquoi est-ce que tu ne m aimes plus

  *  ^ '.

  , . , ' ' )

^ /tu m aimais avant'

-Presupposes ayant pour support un contour prosodique particiilIer:

ainsi ceux qui sont solidaires de la  <<  mise en foeus  *  de l'enonce

(2) La nature du contenu presuppose

  (le type d'infonnation qu*iI repre-

sente) peut egalement etre envisagee pour constituer par exemplc

. la sous-classe des presupposes existentiels (les expressions detinies

presupposant ainsi Pexistence, dans le monde reel ou fietionnel represeute

ou constrait par le diseours, de l*objet qu'elles denoi>snt);

. celle des presupposes  << denominatifs  >>  (l'emploi de tout terme pre

supposant son adequation referentieIle,  i.e,  que le iletiote possede bien

les propriet es correspo ndan t aux semes de ]'expressk>r corres pond anu-);

< ou celle de ces types p articu liers d'unit es de contenu dont T)y<, rot

a mis en evidence l'existen ce, et qui determ inent 1'* orientatio n aigu -

mentative * d'un enonce " ;

. ou bien encore pour fonder l'opposition precedcmment envis,igee

entre presupposes  *  semantiques * et  * pragmatiques *

QueIle que soit la nature du support presupposartt, et du contenu

presuppose, ces unites ont la propriete de perm ettre, a partir des couienus

poses,

  la construction d.'inferences particulieres ", dans la mesure ou

elles occupent sur l*axe graduel d'implicitation une zoie proche du pAle

de l*explicite, et ou elles s'actualisent

  necessairemem

  '*  en meme temps

que l'enonce lui-meme.

2.3 .2 . Les sous-entendus

1 - Definition de la classe des sous-entendus

Eile englobe

  toutes les informations qui sont susceptibies d'eite vehi-

cuiees par un enonce donne, mais dont l'actualisanun resie irihuwire

de certaine$  particularites du contexte enonciaiif(mmi

  une phrase

  tdle

que   *  Il est huit heures >>  pourra-t-elle sous-entendre, selon les circons-

tances de son enonciation,  * Dep eche-t oi >> aussi bien que  *  Prends ton

temps *  "); valeurs instables, fluctuantes, neutralisable^, dont le detnp-

tage implique un  *  calcul interpretatif  * toujours plus ou moins sujei a

caution, et qui ne s'actualisent vraiment que dans des circonstaiices

determinees, qu'il n'est d'ailleurs pas toujours aise de delerai<ner.

Valeurs qui sont toutefois pour nous veritablement inscntes dans I'enoj)ce

(ce ne sont pas de purs  *  faits de parole

 >>)

 meme si leur emergence

exige l'intervention, en plus de celle de sa competence tinguistique,

  dcs

Page 13: Kerbrat-Orecchioni, Catherine. L'Implicite. Cap 2.1, 2.2 y 2.3

8/16/2019 Kerbrat-Orecchioni, Catherine. L'Implicite. Cap 2.1, 2.2 y 2.3

http://slidepdf.com/reader/full/kerbrat-orecchioni-catherine-limplicite-cap-21-22-y-23 13/21

Page 14: Kerbrat-Orecchioni, Catherine. L'Implicite. Cap 2.1, 2.2 y 2.3

8/16/2019 Kerbrat-Orecchioni, Catherine. L'Implicite. Cap 2.1, 2.2 y 2.3

http://slidepdf.com/reader/full/kerbrat-orecchioni-catherine-limplicite-cap-21-22-y-23 14/21

42

LE STATUT

  DES CONTENUS

  l M P L l C l T E S

comme un presuppose puisqu'elle s'accroche  a  l'enonce de facon stable.

Ce   qui  n*est  pas le cas des  connotations,  de ce  magma  de  valeurs

instables  qui  viennent graviter autour  des  lexemes,  et que l'on  peut

justement assimiier aux sous-entendus. Mais

 la

  frontiere n'est pas

 <<

  clear-

cut *  entre  les connotations  (ou  *  implications conceptuelles

  >>)

 et les

veritables semes

 qui

 definissent

  les

 eontenus lexicaux (dont certains sont

toujours  des presupposes, et les  autres recoivent,  au cours de  l'aetuali-

sat.ion discursive,  le  statut soit  de  poses, soit  de  presupposes). Dans

eette histoire  *  dr61e * extraite  de l'Alman ach Vermot 1980 :

- Hier j"ai fait  4 ma f e m m e  une grosse s urprise. Je lui ai  offert  une boTte de

caramels pour  son  anniversaire,

-  Et pourquoi cela lui a-t-il  fait une telie   surprise 7

-

  Paroe  qu elle  attendait un manteau de fourrure,

on peut sans faesiter considerer comme un  sous-entendu  le  trait axiolo-

gique  de * surprise >>  sur  lequel repose entre autres l'effet comique (?)

de ce dialogue : une surprise peut etre deno tativement bonne ou mau-

vais'e, meme si le  terme generalement connote  * bonne surprise >>

11 est en

 revanche plus difficile

  de

  trancher dans

 un cas tel que

 ceiui-

ci

 " :

 <<

 Chez nous

 on

 n'est pas sexistes,

 on ne

  fait aucune faveur speeiaie

aux dames. * Faut-il marquer  le  contenu semique de <<  sexiste >> du trait

[qui considere  le  sexe masculin comme superieur  au  sexe feminin,  et

meritant donc

  des

  privileges speciaux] (seme

  qui se

  trouverait

  ici

inverse),  ou  plus generalement.  du  trait  [qui  etablit entre  les  sexes

certai11es discriminations],  la  specification [superiorite  du  sexe maleJ

n'etant qu*une connotation t.res generalement associee

 au

  concept?

Mais a partir de quelle frequence d'actua lisation peut-on adm ettre dans

le noyau semique  une valeur s6mantique quelconque?

C*est

  une

 fois

  de

  plus

  le

 probleme

  du

  caractere graduel

  des

 pheno-

menes linguistiques  qu.e nous croisons ici au passage,  Les  presupposes

sont  en  principe inscrits  a  100 % dans l'enonce. Mais  que  faire  des

valeurs

  qui y

  figurent avec

  une

  tres forte presomption? Faut-il

  les

considerer comme  des  presupposes imparfaits,  ou  comme  des  sous-

entendus particulierement tenaces? C'est selon : on ne peut que prendre

son parti de l'arbitraire  qui necessairement preside a la dichotomisation

des axes graduels -" - le  discours m6talinguistique imitant d'ailleurs en

cela  la  langue,  qui  elle aussi impose  au  continuum substantiel  une

<<  forrne  >>  constituee d'elements discrets.

Les

  differents

  types

43

2 - Diverses sous-classes  de  sous-entendus

Au sein de cet ensemble plus vaste, plus flou et  plus heter0cl1te encore

que celui des presupposes, il convient de  distinguer iiverses sous-el isses

de sous-entendus, sur la  base d'axes differenciateurs tels que

(1 )

  le

  typej^oncmge_Aii

  sous-entendu  :  direct  ou  indirect,  et  dans  le

p7enueFcas,

  intonatif,

  lexical,

 ou

  syntaxique (l'indef]ni *ceitain

  *

 ", le

morpheme de negation, telle forme temporelle ou u10dale, les stiuciures

emphatiques  du  type  *  moi je  >> sont ainsi souve11l <>0u1ees tFinfen nces

diverses);

(2)   la genese du

 sous-entendu, dont l'extraction

  me' en

  branle,

 en

 plus

deH'a"^OTHpetence Tu%u^Tnque  du  recepteur,  ses  uvnpetences encyelo-

pecIique, logique, ou  rhetorico-pragmatique;

(3 )  la nature  du contenu sous-entendu :

" ' ^ ^ r r f ^ m e ^ u e r w u T a v b n s  pu opposer Es"presupposes semanliqocs vs

pragmatiques, de  meme peut-on semble-t-il envi^ige.- une sous-classc de

sQus=eateadu2_...pragmatiques^.

 qui  correspondiait  aux  renseigneinents

qu'un enonce fournit  sur les conditions de  felicite  non  necessaires mais

probables, ou  simplement possibles, de  l'acte  de  langage qifil preiend

accomplir: Dans certaines circonstances

  par

  exetnpe, itne phrahe ielle

que :

Tu sais, les

 chagrins

 d'amour on s"en remet

peut sous-entendre ;

/Moi je

 m"en

 suis remis

  (-*  j'en

 ai

 connu)/,

pour  les  raisons suivantes:

l'une des conditions preliminaires de  l'acte d'asserl10n c"est que i  parle

*  en connaissance  de  cause *, c'est-a-dire qu'il tirt  son  savoii  d une

source quelconque, L'une

  de ces

  sources pouva11t etrc

  son

  expenence

personnelle, on  comprend qu'une assertion generale puisse occasionnel-

lement sous-entendre, surtout lorsque  des  informations contexiuclles

viennent confirmer  une  telle interpretation  1  je te  p irIe  la de  qnekpe

chose qui  m'est arrive personnellement.

Quelques remarques maintenant  sur  deux types pirticuiiers  de sous-

entendus que la  langue commmune designe sous les lermes d'- msinua-

tion >>'et

 d'*

 allusion

  >>

^JL'insinuation^

  nous  la  definirons comme etant  cn  genera)

  un  %i>us-

enrnMTmabeIlkmt:

  pour que l'on ait affaire  a une insi11uation,  ij  l'aut

et  il suffit  que l'on  adniette qu'un certain contenu s>, trouve

1. enonce

2.  sur le  mode implicite

Page 15: Kerbrat-Orecchioni, Catherine. L'Implicite. Cap 2.1, 2.2 y 2.3

8/16/2019 Kerbrat-Orecchioni, Catherine. L'Implicite. Cap 2.1, 2.2 y 2.3

http://slidepdf.com/reader/full/kerbrat-orecchioni-catherine-limplicite-cap-21-22-y-23 15/21

4-i|<

LE STATUT

 DES

 C O N T E N U S l M P L I C l T E S

3,

  de  telle sorte qu'il disqualifie l'allocutaire,  ou une  tierce

personne  (on  insinue rarement  a  propos de  soi-meme...).

Correlativement, chacun  de ces  semes pouvant faire l'objet d'une

denegation,  il y a  trois manieres de  contester l'usage  du lexeme i

L,.

  - Vous n'avez

 pas le droit d'insinuer

 que...

Lj.

 - 1.  Mais je n'ai jamais dit ca

2.  Je ne

  l"insinue pas,

 je la dis

 clairement,..

3.   Je l'ai  effectivement sugg6r6, mais  ce

 n'etait

  pas dans  un  mauvais

dessein...

Ces trois conditions d'application  du  concept d'insinuation posent

bien sur, chacune  a  ieur maniere, quelques problemes:

1.  au  meme titre que tous  Ies sous-ente ndus, l'insinu ation souleve la

questlon suivante, a laquelle nous tenterons plus tard de  fournir quelques

element.s de reponse : a partir de quand peut<m raisonnablement admettre

qu*un sous-entendu donne figure dans une  sequence enoncive donnee?

2,

  On

 peut difficilement concevoir l'enchainement suiv ant;

L,.  -  Tu  n'es qu'un gros c on.

Lj .  -  Qu'est-ce que tu  veux insinuer?

pour

  la

  bonne raison

  que les

  injures trop explicites

  ne

  sauraient etre

<<

  insinuees *. Mais tous  les contenus im piicites peuvent-ils fonctionner,

des lors que la condition 3. se  trouve remplie, comme des  itisinuatioas?

Soit  le  syntagme clier  a  J.-C1. Milner  * cet  imbecile  de  Pierre... *,

dans lequel /Pierre  est un  imbecile/  se  trouve presuppose ; il  semble

que meme dans  un t.el cas, la << malveillance >>  soit encore trop claire,

trop explicite, pour que l'on puisse pa rler d'insinuation. E lle comm ence

en revanche avec un enonce tel que

 <<

 tu as encore commis un poeme?

 >>

( -

  *

  Qu*est-ce  que tu  veux insinuer?  que mes  ceuvres poetiques sont

mauvaises? *), enonce dans lequel  << commettre  * comporte  un  presup

pose axiologique negatif portan t sur l'objet du verbe -  cette information

n'etant  pas atteinte par la  negation.,  et  s'attachant  a  toutes  les occur-

rences de ce  verbe puisque  le

  Petit Robert

  l971 definit *com mettre *

comm e <* accom plir, faire

  (une

 action blamable)

 *.

Ce  qui tend  a prouver que les contenus presupposes ne se situent pas

tous au meme point de l'axe d'implicitation  : certains sont plus discrets,

plus camoufles  que  d'autres;  et que  l'insinuation  ne  commence qu'a

partir d'un certain degre d'implicitation : son domaine recouvrirait to ute

la zone des sous-enten dus, ainsi qu*une par tie de celle des presupposes.

Une constatation encore, allant dans  le  meme sens : meme si elle est

clairement utilisee  par  antiphrase,  une  formule telle  que  * Ah c'est

intelligent  ce que tu as  fait  li

>>

  ne  sera  pas  percue comme  une

Les differents types

45

insinuation, bien que le  eontenu /stupide/ soit  a la  ioit> malveillaut, et

derive, done implicite. C'est qu'il

  s'agit

  la  d*un trope,  qui  conu-rtit,

nous  le  verrons,  en  contenu denote  un  contenu implicite,  ce qui lui

permet d'effectuer  une sorte de <<  remontee vers  la  ^uri'ace *  riiiMiiua-

tion a  bien certaines affinites avec l'ironie *', mais a^ec la

 *

 connot,ition

ironique*,

 et non

 point

  le

  <<trope ironique>> (voir plus loin pour >*ette

distinction).

3.

  Quant  au  trait  de  *malveillance*,  il  faut recon nailre qu'il n'est

pas aussi fortement constitutif  que les  deux autre:>  du  senieme  d' in

sinuer

 >>

  : chez Quintilien,  i<< insinuatio

 >>

  correspond a peu pres a >;c que

nous nommons  *  sous-entendu >> *;  H. Parret, 1978 ( i  17), consider.* de

meme qu** il  n'est  pas exact  que ce qui est  insinue  est  loujours repre-

'hensible>>,  et  certaines occurrences attestees  du  teime cotroboren en

effet cette opinion *'. Quant aux dictionnaires, on > frouw  des fonnules

telles que i

*Donner  a  entendre  (qq ch.)  sans dire expressemcnt

  (iurtoni

  av^>.- un

mauvais dessein) *, ou  bien encore

<<  [..,]  souveni  dans une  intention malveillante * : le *rait 3. aur;th donc

le statut

  de

  * trait frequemment associe

  au

  semeinc sans

 y

  6tre iieces-

sairement attache*, c'est-a-dire qu'*insinuer* souventendraii, sJfN

  la

poser ou la presupposer,  la m alveillance.

(Precisons rapidement  a ce  sujet ceci: dans  le  contenu d*un K-tcme,

il convient d'indexer

.  des  traits constant.s,  ou  *semes*, dont l'ensembie constirue  le

senieme,  au  sein duquel  ils se trouvent  au  moins partiellement l>kVar-

cfaises;

.  des  traits instables, ou

 <<

 connotemes

  >>

Les traits de connotation sont assimilables  aux  sotis-enfendus

Pour  ce qui est des  semes,  ils  correspondeni  aux  puses,  ou aux

presupposes, soit que  l.eur statut soit determine  en  Iaiigue {exernple du

verbe *cesser*)> soit qu'il  ne se  precise qu'au cours  de  l'uctuaJi;>anon

discursive.

Ce sont en general  les traits  les plus specifiques qui se  in>uvem aiors

convertis en poses ; dans

Ce n'est  pas  un celibataire [mais un homme mari6]

ce n*est p as un  tacot [mais une voiture tres presentable|,

seuls  Ies  traits  [non  marie]  et [de  mauvaise qualite| sont  en  gtneral

atteints par la negation,  les autres etant donc presupposes.

Mais .les choses peuvent  se  passer autrement  et l'on peut d'autre part

observer parfois (surtout lorsque  les  axes semiques sont  en  rekHlor de

Page 16: Kerbrat-Orecchioni, Catherine. L'Implicite. Cap 2.1, 2.2 y 2.3

8/16/2019 Kerbrat-Orecchioni, Catherine. L'Implicite. Cap 2.1, 2.2 y 2.3

http://slidepdf.com/reader/full/kerbrat-orecchioni-catherine-limplicite-cap-21-22-y-23 16/21

46

LE STATUT DES CONTEN US MPlJC TES

classification croisee) plusieurs possibilites de hierarcMsation, en dis-

cours,

  des unites semiqu es, ainsi dans des sequences telles que :

Je ne I"ai pas insinu6

(voir plus haut), ou

elle a 6t6 presque viol6e,

Padverbe modalisateur pouvant ici porter soit sur le trait [subir les

derniers outrages sexuels], soit sur le trait [contre son gre]).

Nous reserverons toutefois le term e d<< insinuation

 >>

 - parce que

cela correspond a notre usage spontane, et permet de le speciaIiser

par ra.pport a

  <<

  sous-entendu

  *

  - aux cas ou la nature du contemi

sous-entendu invite a supposer chez son enonciateur un

  *

 mauvais

dessein *.

- Venons-en maintenant a

  l<-<

  qJJMsioa^>>:  le terme s'emploie semble-t-il

dans des circonstances diverses, mais relativement precises :

* soit on entend par la un sous-entendu a contenu grivois ou graveleux :

c*est Pallusion sexuelle - de tels contenus etant, on comprend aisement

pourquoi, particulierement candidats a la formulation implicite,

Ex . ;

  <<

  Enfin, avec l'allusion aux " attit ude s excentr iques ", nous en

sommes a Pallusion personnelle [...]

  >>

  (Pasolini, 1976, p. 126), le sous-

entendu dont il  s'agit  ici relevant donc a la fois de Pallusion, et de

Pinsinuation,

. soit on parle d'allusion s*agissant d'enonces faisant implicitement

reference a un ou plusieurs faits particuliers connus de certains des

protagonIstes de i'ecnange verbal et d*eux seuls, ou d'eux surtout, ce

qui etablit ent.re eux une certaine connivence (pacifique ou agressive

du reste) **.

Exemple d'allusion bien precise a un fait bien preeis qui concerne une

personne bien precise, le destinataire en l'occurrence (Pallusion etant

en outre, une fois de plus, une insinuation ; on se demandera plus loin

pourquoi tant de sous-entendus sont. malveillants):  <<  Vous avez dit que

les candidats sortants avaient un avantage et normalement ameliore-

raient leur preced'ent score. Mais ce n'est pas toujours le cas, vous etes

bien place pour le savoir M. Defferre... C'est une allusion tres precise *

(debat televise entre Chinaud et Defferre, faisant suite a Pelection

presidentielle du 24avril 1981);

. sans parler d'un type d'allusion sensiblement difFerent: c*est Pal

lusion de la rhetorique classique, c'est-a-dire le renvoi intertextuel'";

allusion qui n'entretient qu'un rapport assez lointain avec le probleme

de Pimplicite - mais un rapport tout de meme puisque le texte evoque

Les different.s types

47

et convoque par allusion intertextuelle est tout a la fois, comme le sous-

entendu, present, et absent de celui qui Paccueille.

(4 )  On pourrait enfin fonder cette typologie des sous-entendus sui leur

degFe^fevM^weT^tn^uT Jorce^Wa^ualisation^J^i,_  sous^ri7cH5us"

 .q.uj_

"s*a^acKenOTune seq1ienxe^p^lWnt'e^'^n^ffet  j>ins  ou moim_ c<mtes-

4abtertra;iBCoM esrabjes, SaHes_o_uTnstabIes, thpides ou assures, a m m e

trapparait en comparant_ par exemple :

'" "(i)'"Ceux qui prendraient Ia responsabilit6 de diviser ls gajuha au noni de l

 n

 't6rSt

6lectorai de leur parti se condamnsraient aux yeux de tous ^ou,s, socialistes nous

n'avons jamais mis de condition a t*union,

(ii) Le parti n*est  pour les sociaiistes que finstrument des luttes, ll n 0s1 nr>s une

fin en soi.

Dans ces deux declarati ons sociaiistes {mars ei juin 1V78) u est

permis de voir une allusion a Pattitu de du P,C .F Mais PalluMon est

nettement plus

  *

  claire

 >>

  plus appuyee dans le prermer enonce

  m

 elle

repose sur un. certain nombre de marqueurs linguistiques : la  *  i<*rme

en -rais *, l'indice typographique que constitue la majuseule diuuwm au

substantif *parti* une <<valeur pregnante* bien precise, ees *tcux

marqueurs conjugues permettant d'engendrer Phiference /lc parfi

communiste prend la responsabilite de diviser la gauche au noiu *k- %on

propre interet electoral/; et dans la seconde phrase, la structure e/nplui

tique qui sous-entend /c'est pas comrne d'autres/, donc a la lumjer? de

ee qui preeede : /les eommunistes ont mis certaines conditions a l imsmi/

"- que da ns le second, ou seule l*expansion prepositionnelle * puui k>

sociaiistes >>  tend a vehiculer, en vertu des lois cPiui':>rmativiie ei dYx-

haustivite, un sous-entendu du type /il n'en esi pas de meme puur

d'autres militants/, sous-entendu d'ailleurs suspensible (- pour les wn m-

listes - commepour tous les partis politiques>>), et dont rien ne nent

specifier le contenu tres general, si ee n*est, bien sui, des infortnauuns

que Pon va convoquer de l'exterieur, c*est-a-dire puiser dans sa ei>nipe-

tence *encyelopedique>>, sa connaissance du contexic en Poceu>uuct-

politique; savoir contextuel qui intervient dans le premier eas cgalonvu t,

mais de maniere plus redondante done accessoire

  -

  plus sont tenus ei

discrets les indices linguistiques d'un sous-entendu, el plus il est ncie>

saire de faire eompensatoirenient appel, pour le decrypter, a des uii,;i-

mations de nature extralinguistique.

Le degre d'evidence d'un sous-entendu est ainsi t"onetion de fai

 t<

 ms

a la fois externes (degre de notoriete des faits extrahnguistiqiies jX>u

nents) et intern es (no mbre , qui peut a la limite eire nul, des supp. <ts

Page 17: Kerbrat-Orecchioni, Catherine. L'Implicite. Cap 2.1, 2.2 y 2.3

8/16/2019 Kerbrat-Orecchioni, Catherine. L'Implicite. Cap 2.1, 2.2 y 2.3

http://slidepdf.com/reader/full/kerbrat-orecchioni-catherine-limplicite-cap-21-22-y-23 17/21

48

LE STATUT DES CONTENUS

  IMPLIC TES

linguistiques du sous-entendu; mais aussi statut de ces marqueurs, qul

peuvent etre plus ou moins fortement codes, certains sollicitant avec

insistance telle interpretation, cependant que d'autres, plus timides, se

contentent de n'etre que les indices flous, capricieux et aleatoires d'une

valeur que la structure ne comporte qu'accidentellement - cet axe

d'opposition, ou l'on pourra ainsi localiser, par ordre

  d<<

  insistance

 >>

semantique decroissante, nos exemples precedents de la maniere sui-

vante : indice typographique /fo rme en -rais/s tructu re emp hatiqu e/

expansion restrictive, etant bien entendu graduel). Et c'est sur de telles

bases qu'il semble au moins partiellement possible d'edifier une

  echelle

d'implicitation,

  et correlativement, de mesurer le degre de mauvaise

foi susceptible d'etre obserye dans le maniement des contenus implicites,

selon le principe suivant: plus un eontenu est explieite, plus il y aurait

de mauvaise foi a pretendre nier son existence dans l"enonee; et plus il

est implicite, plus il y a de mauvaise foi a vouloir l'imputer a coup sur

au responsable de la sequence.

Quelques exemples comparatifs encore :

* En vertu de l'action conjuguee des lois d'informativite et d'exhaus-

tivite,

ll fait beau

  en ce moment

peut e>entuellement sous-entendre que ca ne va sans doute pas durer,

Mais le sous-entendu, tres dlscret dans la formule precedente, se durcit

si je declare i

fait

  beau

  pour le moment.

. Exemple em prunte a Charolles (1980, a), p. 38) i

Supposons qu'en conseil de classe on s'interroge sur l'opportunite

d'admettre en

  4<=

  l'eleve D urand. Quelq u'un m entionne ;

|i) Dupont a 6t 6 aclmis en 4*.

Ce qui peut suggerer,

 <<

 dans certaines circonstances et prononce avec

une intonation marquee *, et en vertu cette fois de la loi de pertinence

(i ') Alors pourquoi n'adrnettrions-nous pas aussi Durand?

Mais la suggestion se fait sensiblement plus insistante si elle se

formule comme :

|ii) Dupont a bien et 6  admis en 4*.

Et Charolles de conciure :

  <<

  La seu le difference entre les deux

enonces reside dans le fait que ceIui qui enonce (ii) ** ne pourra pas

pretendre ne pas avoir voulu dire quelque ehose eomme (i') alors

qu'un emetteur de (i) pourra toujours soutenir (avec mauvaise foi)

qu'il a simplement voulu relever qu'au bout du compte le eonseil

Les differents types

49

avait admis Dupont en 4', >> Nous dirons plut6t que le sous-entendu

etant nettement plus fort en (ii) qu'en (i), la mauvaise foi de l'emetteur

sera proportionnellement plus grande s'il nie avoii  *  voulu dir.- (i' )

dans l'un et l*autre eas

 *K

.  *  Le eomte Bobby va faire ses achats dans quelques magasins> et il

egare son parapluie. Il revient sur ses pas et penetre dans le ptemier

des magasins pour demander si on n'a pas trouve son parapluie, " Non,

monsieur le eomte, pas de parapluie, " ll retourne au second magasin ;

" N on, monsieur le conite, pas de parapluie, " Puis .iu troisieme uiagasin ;

" Oui, monsieur le eom te. Voila votre parapluie "  1  e eomte Bubby

reme rcie et fe licite : " Vous etes, vous, un magasin honne te " > *"

Imaginons que les felicitations du comte Bobbv aient pris la iorme

(i)

  ou s

 Stes

  un

 magasin

  honnete,

plut6t que

(ii)

  Vous 6tes, vous,

  un magasin

 honnSte;

ou bien eneore celle-ci ;

fiii)

  ous 8tes, vous au moins,

  un magasin

  honn6te

La version (i) ne ferait pas rire : c'est que l'in lerence /e e n"csi pas

comme les autres magasins, qui sont tous des malhounetes/. infe>ence

absurde puisque le parapluie ne saurait etre doue d'ubiquite. cf sur

laquelle repose toute la

  *

  dr61erie

 *

 de cette

  *

  histoire *, serait, sans etre

veritable ment exclue (car attr ibu er a x la propriete f, c'est parfoi*i nous

le verrons, sous-entend re que les non-x se caraeterisen t par non-p , trop

tenue et incertaine pour declencher le rire, qui se tiourrit de cerutudes

interpretatives. Le rire demarre avec la replique {ii), dans laquelle le

sous-entendu vient s'appuyer plus fermement sur la structure empha

tique. Quant a la version (iii), elle obtiendrait   a fortiori  le meme

resultat, puisque l'inference responsable de l'effet eomique s'y ui.crit

encore plus incontestablement qu'en (ii).

Il faut admettre l'existence de degres dans ractualisation des vaieurs

semantiques : eertaines s'imposent avec evideiice, i.onstance, et obsti-

nation, cependant que d'autres se contentent d'one iler plus ou moins

timidement Penonce vers telle ou telle interpietat on plus ou moins

vraisemblable.

Le principe de gradualite, nous l'avons ainsi rencontre a propos de

la distinction a etabIir entre contenus explicites et .mplieites, el e>nre

eontenus presupposes et sous-entendus; puis au sein de l'enscmb e des

presupposes

 **%

  s'agissant du probleme de l'insinuation; et de acon plus

pressante eneore, a l'interieur de l'ensemble des sons entendus, que   Vor,

Page 18: Kerbrat-Orecchioni, Catherine. L'Implicite. Cap 2.1, 2.2 y 2.3

8/16/2019 Kerbrat-Orecchioni, Catherine. L'Implicite. Cap 2.1, 2.2 y 2.3

http://slidepdf.com/reader/full/kerbrat-orecchioni-catherine-limplicite-cap-21-22-y-23 18/21

50

LE STATUT DES   CO NTE NU S I MP LI CI TE S

ne peut. esperer decrire de facon satisfaisante sans tenter d'en preciser

la force, extremement variable, d'actualisation ^.

I1 apparait aussi qu'un certaln nombre de phenomenes linguistiques

ne peuvent etre traites adequatement qu'en admettant ce principe de

gradualite, les

  contradictions

  par exemple, et les

  tautologies,

Comparons ainsi:

(i) Pierre, qui n"a jamais fu me de sa vie, a cess6 de fum er

(ii) La fille la plus intelligente que j"ai jamais rencorr tree etait qua nd mem e b8te

(Zuber, 1972, p ,82),

La contradiction inherente a ces deux enonces est percue comme

nettement plus forte en (1) qu'en (ii) ; c'est qu'elle intervient entre un

pose et un presuppose dans le premier cas, et dans le second, entre un

pose et un simple sous-entendu *'.

I1 est vrai que (ii) comporte en outre un de ces  <<  conneeteurs de

rattrapage >> (<< quan d m eme >> <<  cepen dant >> << neanm oins >> etc,) qui ont

pour fonction, nous dit Charolles (1978, p. 26), de

 *

  recuperer un enonce

qui sans eux pourrait etre eventuellement percu eomm e contradictoire >>

Mais Charolles d'ajouter  : *  Ils ne permettent pas toutefois d'effectuer

n'importe queile recuperation et leur portee n'est pas sans limites. Ainsi

'*

  cependant " rattrape la contradiction inferentielle dans (44) mais non

la contradiction presuppositionnelle dans (45):

|44) Jacques d&teste voyager. Cependant i l est tres heureux de partir pour

les

 U.S,A,,

  car...

*{45 ) Jacques se figure que son p6re veut le d6noncer a la poiice. Cependant

c'est vrai car,.. *

Dans notre terminologie : en (45), la contradiction intervient entre un

presuppose contre-factif qui s'attache au verbe   <<  se figurer *, et le pose

de la seconde phrase, En (44), elle joue entre le sous-entendu de la

premiere phrase (engendre par un mecanisme de glissement du genera)

au particulier ;

 *

  Jacques deteste voyager

 >>

 -* /o n pourrait s'attendre a

ce qu'il soit malheureux d*avoir a entreprendre ce voyage particulier/),

et le pose de la seeonde.

Certaines contradictions sont donc * rattrapables *, d'autres pas : c'est

qu*elles sont

  plus ou moins fortes,

  selon qu'elles mettent en cause un

pose ou un presuppose (lesquels sont de ce point de vue a assimiler),

vs

  un sous-entendu.

-

  Les contradictions fortes

  engagent:

1.

  deux poses, ex.;

Je suis completement et a moiti6 dasespere (lonesco),

Les differents types 51

enonce anorm al as surem ent, a la dirTerence de celui-ci -

Je suis a moitie, et mlme compi6tement d6sesp6r6

cette comparaison inontrant que la contradiction, qui resulte du ieles-

copage de deux contenus egalement assumes par L doit etre distmguee

de la rectification, qui annule apres coup un contenu precedennnent

asserte;

2.  un pose et un presuppose, ex, :

. Ma tante es t veuve. Son mari collectionne les machine s 4 coudre

(Charolles, 1978, p. 24) ; contradiction entre le seme |qui n'a plus de

mari] pose par *veuve*, et le presuppose existentiel qui s'attache a

l'expression definie  *  son mari * (en tant qu 'elle est sujet d'un va-be au

present).

. Je ne sais pas que la terre est rond e

/la terre

 n'est

  pas ronde/ : pos#

/la terre est rond#/ i pr6suppos6,

. Pierre sait que la terre est ron de, mais ce n'est  pas vrai.

/la terre est rond e/ : pr6suppos e /la terre n'est  pas ronde/ . pose

(le verbe

 *

 savoi.r

 *

 en effet pose que

  Yagent

  du proccs adJicrc a la xerite

du contenu de la completive si le verbe est a la fornie ,trtirmaiive, le

pose s'inversant si le verbe est nie;"

presuppose que le

  locuteur

  croit a cette verite - presuppose

  *

  factif

  *

 -,

que le verbe  *  savoir >>  soit ou non nie).

. Je ne crois pas l

  l'Enfer,

  mats j 'en ai peur:

* avoir peur de x * presuppose /cro ire a l'existence de x /

. Votre main est un outil parfait. Le garrt Baltex a os6 (e perfectionner |slogan

publicitaire) i

* perfectionner x >>  presuppose  *  x n*est pas parfait  >>

. Main tenan t, pour apprendr e le frangais , il faudra le sa^oir (Coluche).

. l l cornpr#nd vite, mais il faut lui expliquer longtemps

etc,

3.

  deux presupposes enfin ;

. Rodolphe a tu6 sa veuve :

le trait [qui n*a plus de mari] etant cette fois presuppose poisqu'il

s'attache a une expression definie, la contradiction intervient emrt- /le

mari de cett e veuve - a savoir R odolphe , a cause du posses>sil* - est

mort en T, temps d'actualisation du pro ces/, et /Rodolp he esl vj< ant

en T/ (presuppose en vertu d'une regle de *restriction sekctive>>

caracterisant le verbe *tuer* - et bien d'autres- ; I'agent du proces

doit etre vivant en T),

Page 19: Kerbrat-Orecchioni, Catherine. L'Implicite. Cap 2.1, 2.2 y 2.3

8/16/2019 Kerbrat-Orecchioni, Catherine. L'Implicite. Cap 2.1, 2.2 y 2.3

http://slidepdf.com/reader/full/kerbrat-orecchioni-catherine-limplicite-cap-21-22-y-23 19/21

.52

LE STATUT

  DES

 C O N T E N U S I M P U C i T E S

.  ,Ma fille,,ie Ia conna is,comme  si je I'avais fa i te . ,

i

  y

1 *

  .' j

-*   /j'ai une  fille/  /je ne l ai pas fa i te /

-^ /je

 l*ai

 fa i te /

. Une dame

 va

 trouver

  son

 medecin

 :

- Mon mari se prend pour un cheval, docteur. ll piaffe, il mange du

 fo in ,

 il hennit.

- Cela doit ltr e tr#s p6nible pour vous

-

  Pas toujours

 I

 avoue la dame, Dimanche, par exemple, il a gagn6 deux oourses

S Auteuil (histoire dr6le rapport6e par A, Petitjean, 1981, p, 19) ;

contradiction entre  les presupposes  /ce  n'est  pas un  cheval/  et  /c*est

un cheval/ vehicules respectivement  par les  expressions verbales  << se

prendre pour *, et  *  gagner deux courses a Auteuil *.

-  On a  affalre  a une

 contradiction faible

  des  iors  que l'un des deux

elements qui s*y  trouvent impliques  a  statut  de  sous-entendu, c'est-a-

dlre qu'entrent  en  collision  un pose et un  sous-entendu,  un presuppose

et un sous-entendu, ou  bien deux sous-entendus. Mais les  sous-entendus

pouvant etre plus  ou  moins forts,  les  contradictions correspondantes

sont consequemment plus ou moins sensibles,  et. doivent etre graduees

selon  une  echelle directement correlee  a  celle  des  sous-entendus.  ll

semble

 par

 exemple

 que la

  contradiction, serait legerement plus appuyee

en

(i) ll y a la quelque chose qui choque en moi le logicien que je fus,

qu'en

(ii) li y a  IS quelque chose qui choque en moi le logicien que j'ai 6te (declaration

relev6e lors d*un coiloque),

dans  la  mesure ou le  sous-entendu  /je ne  suis plus logicien/  (^/je ne

saurais etre choque/), qui  peut venir investir toute forme temporelle de

passe, s'actualise plus nettement au passe simple (qui connote la  rupture

totale d'avec  le  present) qu'au passe compose  (qui suggere que  l'action

passee peut avoir certaines retombees  sur  l'epoque presente : si l'on a

ite

  logicien,  il en  reste toujours quelque chose.,,).

Quelques exemples de  contradictions mettant  en cause :

1.

  un

 pose

 et un

  sous-entendu

 ;

.

  Pierre a cess6 de fumer hier, mais ii a recommenc6 aujourd*hui :

si l*on designe  par T le nioment  ou  s*inaugure  le  proces  de << cess er >>

et par To le moment de l'enonciation,  il  semble bien que cette sequence

pose /Pierre fume  en To/  (conteeu pose  par  *  recommencer

  >>)

 mais

aussi sous-entende plus ou moins (d'ou l*efi"et de  contradiction) /Pierre

ne fume  pas en To/,  dans  la  niesure  ou  * x  a  cesse  de  faire  y >>:

presuppose  que x faisait  y anterieurement  a T,  pose qu'a partir  de T,

x n'a  plus fait  y pendant  un  certain temps, mais sous-entend  en outre

Les differents types

53

que  ce non-faire  a  dure pendant  une  periode indeterminee mais relati-

vement

 (a la

 naf.ure

  de y)

  longue

  '<>.

. Releve sur un flacon d'huile solaire :

R6siste

 a

  l'eau.

Renouve er l 'application apres chaque

  bairi.

. V o i r a u ss i

  les

  e x e m p l e s

  du

  t y p e

Je  ne suis pas  raciste mais...

Je

 ne

 suis

 pas

 alcoolique mais.., (apres

  7

 heures

 du

 soir

 il

  faut absolument

 que

je boive

 de

  l'alcool).

2.  un presuppose et un sous-entendu : cf, l'ex. precedemmem men-

tionne du  logicien choque.

3.  deux sous-entendus :  << Toscanini disait pla>samment  que  pour

monter  le

  Trouvere

 il  suffisait d'avoir  les  quatre meiUeurs chanteuts du

monde

 >>  (Liberation du

 31 juillet 1981, p.

 31) :

  contradiction {plaisunte)

entre les sous-entendus /c'est facile/  et  /c*est diflidle, voire impossible/

vehicules par

 *

 il  sufRt  de

 >>

 et

 *

 ayoir  les quatre m clleurs chanteui* du

monde.  >>

Donc,  les  contradictions produisent  un  efi'et plus  ou  moins violent

selon

  le

 statut

  des

  unites semantiques qui.,s'y troment impliquees

  En

cas d'hesitation concernant  ce  statut, ainsi lorsque  Pon ne sait  pas trop

si l'on a afFaire a un presuppose ou un sous-ent.endu  on peut a kns faire

appel  au  *  sentiment  de  con tradicti on >> sentimen l  il  faut bien  k  dire

assez flou lui-meme, mais

 qui

  peut servir

  a

  venir ccnrlrmer

 ou

  utfi''mer

des presomptions etablies sur la base d'autres considcritions. Par  exemple,

si l*on se  demande avec Sorin Stati comment  il cotivient  de  deu i :e  le

contenu semique

  de

  l'adjectif *b on * dans

  un

  comexte

  tel que

  -c'est

un  bon  cou teau >> et  s*il  faut  y  incorporer  le  1raii  |qui a  toutes  les

proprietes requises pour permettre a  l'objet ainsi earaeterise de remplir

la fonction  qui lui est  divolue] (trait  qui se  comb nant avec  le  seme

[pour couper]

 de <<

  couteau

 *

 permettra

  de

  marquer d<i lrait

  [qui

 ivupe

bien]  le  syntagme *bon couteau *), on  pourra s'appuyer  sur  l'iniintion

de l'existence d'uue contradiction forte dans

 une

 p imse telle

 que

 <

  e'est

un

 bon

 couteau, sauf qu'il coupe m al

 >>

  pour accoroer

 a un icI m.>t le

statut, non de  connotation, mais de seme a  part entiere ".

(Cela  dit, le  *  sentiment  de  contradiction >>  varie sensibleinenl d'un

sujet  a  l'autre,  en  fonction precisement  de ce qu'il -onsidere, en ver.tu

de sa propre eompetenee lexicale, com.me constituant

  le

 contenu semique

de la sequence -  elements poses ou  presupposes donc -, et de u  <<..'au

contraire  il  relegue dans les simples  * implications cunceptuel es  - e^*en-

tuellement sous-entendues  par cette meme sequence Ain si:

Page 20: Kerbrat-Orecchioni, Catherine. L'Implicite. Cap 2.1, 2.2 y 2.3

8/16/2019 Kerbrat-Orecchioni, Catherine. L'Implicite. Cap 2.1, 2.2 y 2.3

http://slidepdf.com/reader/full/kerbrat-orecchioni-catherine-limplicite-cap-21-22-y-23 20/21

54

LE STATUT DES

  CONTENUS IMPLlClTES

{i) Discussion entre amis sur Ie menu du soir, Quelqu'un sugg6re : a Et si on

faisait des crfipes

 J

 *

L,, -  <<  Bcnrte id6e, je m'en charge i les cr6pes je sais les faire.  >>

{Un peu plus tard)

Lj .  - * Alors tu les fais ces crSpes?  >>

L,, -  (( Ah mais je ne sais pas faire la pate >>

Pour L, : pas de contradiction forte entre

  *

  savoir faire les crepes

 >>

 -

qui pour lui n*implique vraiment que la competence de les faires sauter

dans la poele - et

  <<

  ne pas savoir faire a pate *>

Pour Lj, qui ne se prive d'ailieurs pas d'exprimer bruyamment son

sentiment sur la question, L, vient de commettre une bevue redhibitoire.

Mais le lendemain, revanche de L, ;

{ii) L,, - Et tes ess uie-glac es, its marc hent bien?

Lj .

  - Oui pa va... Mais alors, qu'est-ce qu'i ls essuient m all)

Symetriquement, les mexiies observations peuvent etre faites au sujet

des tautologies et redondances, qui sont elles aussi graduables. Dans le

meme ordre d'idees, J. Sadock (1978, p . 294) propose de faire appel,

pour distinguer les

  *

  implicatures conventionnelles

 *

 d es

  *

 implicatures

conversationnelles*  (i,e.,  en gros, nos presupposes des sous-entendus),

conjointement au test. de

 <<

 cancellability  >> , a celui de

 *

  reinforceability

  >>

  ;

les implicatures du premier type seraient ainsi difficilement  <<  renfor-

cables

 *

  (ex. : dans

  <<

  It*s odd th at dogs eat cheese, and they do *,

Pexplicitation du presuppos6 factif de la premiere phrase produit l'efFet

d'une redondance vraiment saugrenue), tandis que les implicatures du

deuxieme type le sont beaucoup plus naturellement (ex. :

 <<

  Maggie ate

some, but not all, of the cheddar *).

I1 importe toutefois de distinguer ici tautologie et re dond ance :

Les tau.tologies, qui n'exploitent que les poses et les presupposes, sont

toujours

  *

 marquees

 *

  comme devian tes ear elles presen tent fallacieu-

semen t comme u11 apport d'info rmation une sequence informationnel-

lement vide - soit qu*il s'agisse d'une pseudo-explica tion ci rculair e :

* L'opium fait dqrm ir parce q u'il a une vertu dormitive *, soit que le

predicat ne dise

 rie11

 de plus que le sujet:

  <<

 Une femme est une femme >>

* Un sou est un sou *,  <<  Le passe c'est le passe *,  <<  Un mari c'est un

mari " *,

 <<

  Une Volkswagen est une V olkswagen >>

  <<

  Un meurtrier c'est

un meurtrier

  >>

  *  C'est fait c'est fait >, *  C*est dit c'est dit *, *  Je dis ce

que je dis *,

  *

  Quod scripsi, scripsi *,

  <<

 Qua nd c'est fin i, c'est fini *,

<<  Passe les bornes,jl n'y a plus de limites

 >>

  <<  Seule l*eau d'Evian a les

vertus de l'ea u d 'Evian >>

 <<

 Plus c 'est bon, meilleur e'est >>

 <<

  Une fois

n'est p as cou tume >>

 *

  DemaIn est un autre jour *...

Les differents types

55

La plupart des exemples precedents correspondent d'ailletm -t des

tautologies plus ou moins lexicalisees, et; reduc tibles de differentes (acons

(interp retatio n tropi que de l*un des deux elements, constructiou d'une

inference informativ e, etc.). Ma is voici quelque> tautologies irrcduc -

tibles,

  dont l*effet transgressif (de la loi d'informativjte) est evideat :

De quelle couleur 6tait le cheval blanc d'Henri IV?

(relation tautologique entre le presuppose tres forS de la questiou ", et

le pose* de la reponse attendue).

On peut presque tout changer,

Excepte ce qu'on

 n'peut

  pas (Bobby Lapointe,

  Avdii<e et Framboise).

En tout cas, vous 6tes moins en retard que... ceux qui le snnt davantage (Jean

Tardieu,

  ThSitre de chambre,

  Gallimard, 1966, p, 132, et p   1  J6 )

En effet, rien n est  possible, de ce qui est impossiL>IH

En revanche, la reformulation explicite d'un co-uenu implieJc- pre-

cedent n'apparait jamais comme superietaluire, car saiu> appoit^r de

veritable surplus d*information, elle permet a )'e110t1ce. en inodinant le

statut du contenu en question, de gagner en clarie De relles rel'onnu-

lations ne sont percues comme des anumalics discursives que dans le

cas limite d'une inference que les l01s> <i> l'arithiTictH|ue reodetii .iussi

evidente que celle-ci;

Le PRfiposfe. - Quel 9ge a vez -vo us?

LE

 CLiENT. - Mais je v ous ai donne m a date de naissan< e tout

  a

  l hwur<^

 1

LE PRfPOs6, - La date de naissance et l*ig e, ce n'0s1 f>as la m6me 0i1ose. Les

deux indications ne figurent pas au m6me endroit sur la

 ic-h*>

 du .,lient (Taniipu

  ibid.,

p. 70),

ou a la rigueur dans cette precision (assortie d'aitlei is tfune precaution

oratoire) fournie aux candidats a l'agregation de g1an1maire :

Ceux qui tirerorrt les numeros pairs passeront rimptovi>e de grec. J insiste en

sachant que je ma r6p6te : ceux qui tireront les num6ros impmih prfsseront l1n>p10v1se

de

  latin.

Par contre, la paraphrase explicitante d'une intcruice pnurlan( i.:^ces-

saire n'apparait pas com.me superflue dans eette rep iqu? dc iVlai",-

 *v.x

  *

L6Lio. - Ne m'irrite p oint [ ...]; tu p arler as, ou je te Uk-

TRiVEUN. - Vou s me t uere z, si je ne par)e? H6las, M nnwnui

{La

  fau$$e

 suiv<ttiTrt.  acte i;i ^.  n 1

Et il peut a plus forte raison etre utile de m etire les points sur les 1

dans Ie cas des sous-entend us, dont le decodag<. e%( tuuiours fh. ou

moins aleatoire :

M"* SMiTH.- - Mary a bien cuit les pommes de tertf <.(>tit* ni^ ci La ,i m rf ic

fois elle ne les avait pas bien fait cuire [...]

Page 21: Kerbrat-Orecchioni, Catherine. L'Implicite. Cap 2.1, 2.2 y 2.3

8/16/2019 Kerbrat-Orecchioni, Catherine. L'Implicite. Cap 2.1, 2.2 y 2.3

http://slidepdf.com/reader/full/kerbrat-orecchioni-catherine-limplicite-cap-21-22-y-23 21/21

56

I.E STATLlT

  DES

  C O N T E N U S

  IMPLIClTES

j*ai mieux mange que toi, ce soir, Comment oa se fait? D*habitude, c*est toi qui

manges te plus.

| lonesco ,

  La cantatrice chauve,

  sc. i) **.

Peut-on pa,rler de redondance (se

  *

  repete >>-t-on vraiment) dans de

teIs cas oii un meme contenu se trouve formule deux fois, mais seion

des modes differents? Oui et non - FefTet de redondance etant en f,out

cas d'autant plus fort que le contenu implicite est plus limpide et

evident.

De meme que ce qul va sans dire va mieux en le disant, de meme

ce qui va en le disant implicitement va mieux en le disant explicitement

- pour un discours du moins dont l'objectif est de se conformer (ce qui

n'est pas toujours, loin de la, le cas) a la   4*  maxime de Grice : *  Soyez

clair, >>

2.4. LE STATUT DE L'ILLOCUTOIRE DERIVE

,., - ear pour elle la parole est toujour s caresse ou agres-

sion,

  jamais miroir de v6rit6 - .,.

(Michel Toumier,  Le Roides Aulnes,

Gallimard <<  Folio * 1978, p. 33.)

<<  Dans la conception d'Austin, le langage, loin de n'et.re qu*un moyen

de representer la realite ou la pensee, est un dispositif ou une institution

permettant d'accomplir des actes qui n'existent que dans et par cette

institution - comme l'acte de " marquer un but " n*existe que dans et

par l'institution du footbalL Ces actes qu'on accomplit dans la parole

sont, comme ceux qu'on accomplit dans les jeux, gouvernes par des

regles

 *

  (F. Recanati, 1979, c), p. 10); il aura fallu un certain nombre

d'annees pour que la linguistique se deci.de a prendre au serieux une

telle conception; a en tirer les cons6quences theoriques, et a les assimiler

pour de bon au corps d'hypotheses qui la fondent. Mais c'est dorenavant

pour elle, a notre sens, un acquis irreversible.

Que les enonces verbaux fonctionnent comme des actes, au meme

titre que ies comportements non verbaux; que

  dire,

  c'est

  aussifaire:

on n'a pas fini d'explorer les territoires qu'ouvre a l'investigation lin

guistique l'hypothese austinienne; hypothese 1umineuse, infiniment pro-

ductive, eminemment juste (a nos yeux bien sur), qui permet a la

linguistique d*etendre considerablement son champ de pertinence, et de

sort;ir de son splendide isolement immanentiste pour venir nouer des

liens organiques avec la psychologie, la sociologie,  1<<  ethnographie de

la comm unication -" >> la theorie des inte ractio ns (verbales et non ver-

bales), et des actions (verbales et non ve.rbales).

Les differents types

57

Cax il est certain que la theorie des actes de langage ne truuvera

consistance et solidite que lorsqu'elle parviendra a s'integrer daii^ une

theorie generale des actions '* - ce qui n'est pas encore le cas. On peut

le deplorer, et considerer que cela hypotheque les developpeuients

actuels de la praginatique. Mais ce n'est certainement pas une ruison

pour recuser, avec Berrendonner

  (1981,

  a) et b)), l'existence meme des

<< speech a cts >> sous le pret exte un peu sim plet qu *  il n*y a d'aetr que

s'il y a pratique gestuelle

  >> i.e.

  quelque cfaose qui

  *

  s'accomplu avec

les mains, les pieds, les dents, les yeux, mais eti aucun cas avec des

signifies verbaux * (1981,  a), pp. 80-81). Ainsi donc, si je souIeve mon

chapeau pour saluer quelqu'un, j'accom plis un acte authentique '"' Mais

si je dis

  <<

 salut

*

 je ne realise qu'un

  <<

 ersatz

 *

 d'aote.

Sans trouver pour autant pIace dans la liste noire de ceux qui ;euls,

d'apres Berrendonner  (1981,  a), p. 84), peuvent adme ttre en depit du

*bon sens>> que l'enonciation de *je vous promett.* constitue piopre-

ment un acte, Pacte de promesse - philosophes, juristes et speciaIistes

d<< interp retati ons perverses * -

  **,

  j'a vou e que lu definition - ciaire *

qu'il propose de la not;ion d'acte ne me permet pas de sa,isir ciaJrement

la difference entre les deux types de saluts evoquss plus hau t n'y a-

t-il pas dans les deux cas un comp6rtement corporel donne, auqueI

s'att ach e par con vention un. certai n signifie, Iequel perm et au sigiufiant

de fonctionner comme un acte specifique ayant ute valeur speafique

(en l'occurrence de /salut/)?

Pour Berrendonner, les pretendus  *  aetesj&Jajjgaj*e^

des*^nEb^5Hts^oix^^^ que

vouHnTagir7on ne ferait appel aux procedes verbaux que lorsque la

realisation non verbale de l'acte concerne serait par trop *  incomuiode *.

Nous ne reprendrons pas ici point par point son argumentation, parfois

assez acrobatique (lorsqu'il  s'agit  par exe.rnple pour lui de deiiioutrer

que dans les ffnrases iitterrogatives la valeur interrogative est de ;vee,

ou que dans

  *

  Je vous jure que Pierre est. venu >>  la va eur illocuic:re a

le statut d'un sous-entendu - d'un  *  genre tres special

 * ^

  certes). et qui

repose essentiellem ent su.r ies principes d'econoin e et. de geuci :ilite

descriptives : devant .la recurrence impressionnanle d'expressions ielies

que   *  cout theorique *,  * rend emen t. >> << onere ux -. <* pay ant >> - nous

prend parfois a rever, absurdement;, de descriptions pronant la dep>-nse,

voire le gacbis, comme principe meta-theorique..

Relevons ce petit detail tout de meme, qui ne nous iraporte pas que

pour des raisons d'ordre linguistique : a propos de  *  Ah, je ris d%.  m.e

voir si belle en ce nii.roir *, Berrendonner declare que Margueriij

  *

  au