Kerbrat-Orecchioni, Catherine. L'Implicite. Cap 2.1, 2.2 y 2.3
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8/16/2019 Kerbrat-Orecchioni, Catherine. L'Implicite. Cap 2.1, 2.2 y 2.3
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CATHERINE KERBRAT-ORECCHIONI
Pourquoi ne parie-t-on pas tou|ours directement, ce serait tellement plus
simpIe? Et corr61ativement: pourquoi cherche-t-on a decrypter dans Ies
enonc#s d'autrui, au prix d'un surp us de <<travail interpretatif>>, ce qui s"y dit
entre les Iignes, ces sous-entendu et ces arrldre-pens6es qui en constituent
en quelque sorte la partie immergee 7
L'ouvrage
terrte de r6pondre a ces questions, en meme temps que d'apporter
quelque lumiere dans le maquis terminologique fait de <<pr6teupposes>> , de
<< sous-errtendus
*,
d << implications *, d<< inferen ces >> d<< insinu ations >> d<< allu-
sio ns *, de <<valeurs illocutoires d4rivees>> et autres <<tropes>> - notions d ont il
propose une syrrthese theortque necessairement provisoire.
L'impHcite, sa
vie,
son oeuvre: sa genese et ses effets pragmatiques; comment
les syjets parlants operent pour extraire de l'enonce les contenus implicites, et
comment ceux-ci operent sur les sujets parlants.
A ce t itre, cet ouvrage s'adresse non seulement aux specialistes de linguis-
tlque, tnais aussl a tous ceux qu*interesse le fait que les discours
agissent
(discours lirt6raire ou <*ordinaire>>, politique ou publicitaire), et qu'ils agissent
en grande part, subrepticemerrt mais eff icacement, grace a ces
<<
passagers
clandestins
>>
que sont, dans les messages, les contenus implicites.
Cathertne Kerbrat-Orecchioni est agr6g6e de grammaire, Docteur d"Etat en iinguistique
et Professeur a l*Universit6 de Lyon ll.
Elle a publl6, en plus de divers artic es sur la semantique et la pragmatique, deux
ouvrages i
La Connotatlon, P.U.L,, Lyon, 1977.
L EnomisOon,
De la ubjectMte dans le langage, Armand Coiin, Paris, 1980.
t-3l220-2
N015:
Q
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O
O
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CATHBWflE- KEfffiRAf-dfeECCHK3M[
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UNQtWStTGUE
8/16/2019 Kerbrat-Orecchioni, Catherine. L'Implicite. Cap 2.1, 2.2 y 2.3
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Chapitre
Les differents types
de contenus implicites
Avant d'envisager notre propre outillage conceptuel. c'est-a-dixe le
systeme des categories dans lesquelles nous repartis<ons les diflereflts
contenus Implicites detectes dans les enonces, il nou>s faut signales que
bien d'autres classificatIons des memes faits ont ete ii ce iour proposees,
la plus souvent mentionnee etant sans doute celle de H, Paul Grice, qui
se presente comme suit' :
contenus
{1) 8xplicites
(* said #)
implic ites {cc implic ated *|
= * implicatures
>>
(2)
conventionnelles non convenrionnelles
(3) conversationnelies non conversationnelles
(4)
g6n6rales particuli6>fu.
(ou * g6n6ralis6es
>>
La classification est fine - mais justem ent, trop line , les deux ; nes
de plus bas etage ne nous semblent, guere operatoires, nous soinnies> *nr
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2 . )
LF STATUT
DES
C O N T E N U S
IMPLICITES
ce p.iinf d*accord avec les critiques formulees par Sadock (1978), qui
dc l'.ixe(3) ecrit (pp. 282-283): <<Nonconventional im plicatures come
in (w.> *aneties : fir^t the important class of conversational Implicatures
that iiu olve the Cooperation Principle and its maxims, and then a poorly
dcscnbcd class of nonconventional, nonconversational Implicatures that
are i-.iknilated in context on the basis of the conventionai meaning,
knuw edgc
of the
context
of
utterance,
and
background knowledge,
but
whidi depend crucutlly
for
their existence
on
nonconversational maxims
th.u <ue "aesthetic social, or mo rall n cha racter ", Grice gives as an
example
Be
polile.
I
have some trouble understanding exactly
why it
is lli,.t such maxiinu differ from those that fall under the C.P.
>>
Il est
de t,iii que seule une reduction drastique, et parfa item ent injustifiee,
du (hiinip des < madines conversationnelles* permet a Grice d'etablir
cette <Jsstinction enlre implicatures
<<
conversationnelles
>>
et
<<
non conver-
sationiiv*lles*; quant a l'opposition(4), elle ne nous semble pas plus
viab)e. les implicatures *generaIisees.* ne sont ceosees dependre que
de
U
struciure, semantique
et
formelle,
de
Penonce,
et de
l'application
des n>nximes conversationnelles, cependant que les implicatures *par-
ticuhercs
-
font intervenir
en
outre certaines pa rticukrites
du
contexte
e110tioat1f. Mais
les
donnees contextuelles peuvent
en
fait intervenir
a
tous le*> 111veaux distingues par Grice, et c'est bien en vain que nous
avoiis ente d'appliquer a nos exemples les distinctions qu'il propose, et
de i'uite fonctiormer les criteres qu'il suggere (ainsi pour les implicatures
co11ve1sationneIles : leur ca ractere ealculable/e ffaeable/non detac hable /
non eonventionnel/non
<<
carried by what is said, but by the saying of
it */mdeterminatc)
-.
criteres dont
il
avoue lui-meme (1978,
p.
115): *
1
ver> m11ch d0ub1 #hethe r the features mentioned can be made to
pr0v1de
any
sucb knock-down test...
>>
I>i.
i-es
quatre axes
de
Grice,
ne
resteot donc
en
piste
que les
deux
premscrs, que nous reforrnulons de la facon suivante :
contenus
explicitas implicites =
inf6rences
Les different8 typcs 21
La terminologie le dit assez : c'est en fait plus de Ducrot que de
Grice que nous allons nous inspirer pour definir ces deux axes disfinctifs,
et ces trois eategories de contenus implicites - ce que nous allons faire
incontinent, avant d'aborder le probleme de Pillocutoire derive, et dans
la foulee, celui des
<<
t.ropes pragmatiques *.
2.1. CONTENUS EXPLlC TES vs IMPLICITES
Ou commence le domaine de PimpIicite?
Des 1957 (p. 380), Grice formule en ces termes l'opposition entxe le
dire explicite et le dire implicite : parler explicitement, c'est * to tcll
something *; parler implicitement, c*est
*
to get someone to think some-
thing *. Mais comment amener quelqu'un a penser queIque chose, si ce
quelque chose n'est pas dit, et preseni quelque part. dans Penonce? Pour
nous, les
contenus implicites sont egalenient, d'une certaine m aniere
-
qu'il s'agira justement de preciser -, dit:s,
Ducrot de son c6te (1977, a), pp. 173 et sqq,) pose le probleme de
la facon suivante
:
dans
<<
Pierre
a
cesse
de
fumer *,
le
contenu
Q
/Pierre actuellement ne fume pas/ est enonce" explic itemen t (* pose *)
dans la mesure ou il represente * ce dont Pannonce est Pobjet avoue de
Penonciation *. Au contraire les contenus C, /Pier re fumait aupar avant /
et
Cj
/Prends-en
de la.
grain e/ sont enonces implicitement
car
*
le
locuteur peut toujours pretendre n'avoir pas voulu les dire *.
Precisons tout de suite (nous reviendrons bientot sur cette dnTerenee
cruciale entre presupposes et sous-entendus) que le mode du
<<
non
vouloir dire * n'est
pas le
meme dans
le cas de C, et de C2, ni le
sens
de Pexpression
*
vouloir dire *, dont, Ducrot expl.oite ici la polysemie ' :
<<
vouloir-dire,
>>
p, c'est pour un enonce signifier p; mais
*
vouloir dire2 *
p (et Pauxiliaire prend alors son sens fort), c*est pour un locuteur avoir
Pintention deliberee de transmettre a autrui Pinformation p. Or les
presupposes,
s'ils
ne
constituent
pas en
principe Pobjet essentiel
du
message, sont tout de meme bel et bien vehicules par Penonce, dans
lequel ils se trouvent (a ia difference des sous-entendus) intrinsequement
et incontestabIement inscrits. En d'autres termes : les presupposes, on
les << veut-dire, >> sans
les
<< vouloir direj >>
*,
Cette difference mise
a
p a r t' ,
les
contenus implicites (presupposes
et sous-entendus) ont en commun la propriete de n e pas constituer en
principe (et nous reviendrons plus tard sur cet *
en
principe *) le veritable
objel du dire, tandis que les contenus explicites correspondent, en
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22
LE STATUT DES CONTENUS lMPLlCITES
prjrcipe lou|ours, a l'objet essentIel du message a transm ettre, ou encore
son* doles, seK>n la formule cette fois de R. Posner (1982, p. 2), de * la
pius gramie pertine nce com munic ative >>
Telle est la definition qui servira de point de depart a cette reflexion
sur l'implicite. Definition qui fait largement confiance, il est vrai, a
l'intuition des sujets parlants (linguistes ou non), Or l'intuition linguis-
tique n*est pas la chose du monde la mieux partagee : a propos de la
phrase
* 11
est anglais, il est donc courageux *, Grice considere que ce
disant,
<<
tout en ayant declare qu*il est anglais, et qu'il est courageux,
je ne veux pas dire par la que j'ai vraiment DiT (au sens fort) que de
son anglitude decoule son cou.rage, bien que sans doute je l'ai impli-
cite
*
*, Ainsi donc la relation causale serait pour G rice exprimee
implicitement, en depit de la presence du cormecteur pourtant bien
explicite
*
donc *. La divergence que nous constatons ici entre l'intuition
de Grice et la n6tre, nous la resoudrons en termes peremptoires : Grice
a tort, et prend de l'explicite pour de l'implicite.
Plus frequents et delieats sont les cas ou l"on voit traiter comme de
l'explicite ce qui pour .nous releve de l'implicite, le probleme surgissant
toujours a propos de presupposes, dont le statut est en effet bien
particulier - et l'on comprend que ne soit pas adrnis sans reticences,
sans resistance, le fait que des contenus aussi manifestement inscrits
dans la sequence puissent en meme temps i'etre sur le mode de
l'implicite. C'est bien de cette categorie qu*ils relevent pourtant, si du
moins Fon admet la definition proposee plus haut (rnais je n'en. ai trouve
aucune, qu'elle decoupe semblablement ou differemment l'ensemble des
unites de contenu, qui me semble plus satisfaisante que celle de Ducrot),
de l'opposition explicite/implicite. Opposition graduelle au demeurant:
on brutalise toujours un peu la realite linguistique en jetant sur un axe
echelonne le coupe ret d'u ne dic hotom ie, 11 est vrai que les presupposes
sont plus proches que les sous-entendus du pole << explicite >> de cet axe
graduel; et qu'ils partag ent avec les poses la propriete d'etre relativement
indifferents aux caracteristiques contextuelles de l'enonce. Mais il peut
sembler plus important de marquer fortement leur difference de statut
(laquelle entraine, on le verra, des possibiMtes d'exploitations strate-
giques bien specifiques) d*avec les contenus poses.
Quelques observations encore, qui invitent a ranger les presupposes
dans le camp des contenus implicites :
- lmaginons l'enchainement suivant (inspire de Ionesco):
L,. - Ma fianc6e a 6t6 assassin6e,
L,. - F6Iicitations, Et condol6ances.
Les differents types
Le mot
*
condoleanc es *,. qui com mente performafivem ent le contenu
pose de fenonce de L,, est parfaitement attendu: le mot << febcitations
>>
si on le considere (car il y a d*autres interpretatiors possibles de cette
phrase) comme un commentaire du presuppose /je me suis liance/
apparait, pour cette raison meme, comme parl'aitement anormaJ et
incongru
',
- Soit les deux sequences suivantes :
(i) - Pierre a cess6 de fume r
- Tu ne m"as jamais dit qu'iI fumait
(ii) - Tu as instnu6 que je ne foutais rien. je crois md me que iu i"as di t,
petits echantillons de discours qui n'ont pas grand-obose en commun si
ce n'est jus tem ent ce ci : de prouv er que les_ presapp_oses conune les
W)us-entepdus sont d eonsiderer comme des "soufdires (des dires impli-
'"cites).
En (i) Lj repiocbe a L, de ne ravorr"jarriIiis informe d'une chose
"qff'fl vient justement de lui signaler - mais sous la forme d'un presup
pose; en (ii), l'emploi de
<<
meme
*
denonce rinsinuation (cas particulier
de sous-entendu) comme une sorte de dire amoindri presupposes et
sous^ntendus sont des informations
*
en sous-main * - dotees d'une
moindre pertinence communicative que les infomntions explicites, et
de plus bas niveau dans cette structure feuilletee qui compose le contenu
global des enonces,
A ce titre, on peut plus innocemment
*
oubliex * de les decrypter, et
eventuellement de les contester, ainsi que le momte H.N0lke (1980,
p. 55) a propos de l'exempie suivant;
Vous 6tie2 cl6ja revenu aupres de votre femm e le 7 sept*mb re deux jours apres
votre d6part?
tequel comporte, outre le pose /Etiez-vous aupres de votre femnie le
7 septembre?/, les presupposes hierarchises:
%
pp, : /Vous avez une famme/
PP2 : /Vous 6tie2 aupres d'elle le 5 septembre/
PP3 : /Vous Stes parti Ie 5 septembre/, etc.
Or si c'est une faute grave que de repondre mensongerement au pose,
<< il ne sera pas considire comme une faute grave de la part du temoin,
s'il " oublie
*
de faire remarquer - par exemple - qu'il partit dcja le
4 septembre, car soit ii n'a pas saisi pp3, soit il l'a considere - de bonne
foi - comme sans iiuportance *
Les presuppos.es 11'0m pas le meme statut lnigui.stique (donc juridsque,
parfois), "que'les poses lls ne se pretent pas aux mem es types d'en-
chainements (refutatils eo particulier)
-
plus enfouis, il n'est pas toujours
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l
l- STATUT DES
CONTENUS lMPLlClTES
necesi>aire de les * rclever >> . Moins perceptibies, moins * importants >>
(en apparence), plus discrets : ce sont bien des contenus implicites. Mais
cette discretion en rneroe temps fait leur force, et les dote d'un pouvoir
mantpiiJatoire qui n'est pas sans rappeler celui, redoutable comme l'on
sait, dcs signes << subliminaux *.
2.2. |.A NOTlON D'lNFERENCE
JNous
appellerons - :njerence
>>
toute proposition implicite que l'on peut
extroire d'un enonce, et deduire de son contenu litteral en combinant
de,s iDformations de s tatu t variable (interne s ou extern es) *.
L'tnference ainsi concue a donc une extension tres large :
I.'llc deborde bien sur le strict cadre de la logique formelle, ou les
mecaiUMTies inferentiels (qu'ils generent des inferences
*
analytiques *
ou " |<tugmatiques *,
*
logiques
*
ou
<<
empiriques *) obeissent a un codage
be<iucoup plus rtgonreux que ceux qui president a l'extraction des
inferences
*
naturelles
><
C'est donc par metap hore, si l'on admet comme
* propre * le seul sehs * logique >> de ce terme, que nous parlons d'in-
feren* e - une metafh ore motivee toutefois , par le fait que de meme
qu'il existe, d'apres| R.B lanch e, un *rappo rt indissoluble* entre le
raisonnenient et J*inf($rence logique
*,
de meme nos inferences sont elles
aussi le resultat d'urt * calcul * plus ou moins complexe.
Den01ant toute espece de contenu implicite, l'inference telle que nous
la conccvons :
. recouvre a la fois ce que Charolles (197 8) appelle
<<
presupposition *
et - iiiference *, c'esf-a-dire que nous utilisons comme terme generique
un signIfiani que Charolles specialise pour designer ce que nous appelons
quant h nous *sous-entendus*: la divergence est purement terminolo-
gique,
> cr<rrespond aux * tmplicatures * de Grice, et aux * im plications * de
Recanali,
. c01ncide exactement, quant au stgnifiant et au signifie, a,vec les
<< inferences
*
de Robert Martin '".
Not>s renoontrons encore les vues de Martin pour ce qui est de la
distinehon etablie, au sein de l'ensemble des inferences, entre deux
sous-ciasse>s, qu'il nomme pour sa. part (1976, p, 37)
*
inferences neces-
saire$-
<independantes de la situ.ation de discours)
vs
*inferences
possibles
*
(dont la realisation contingente depend du contexte enoncia-
tif) - <'z qui correspond exactement a notre distinction entre inferences
Les differents types
presupposees et sous-entendues. Mais Martin ajoute (p. 37): << D elaissant
l'inference situationnelle, on s'interessera exclusivement, dans tout ce
qui suit, a l'inference de langue f.,.J *, et declare au sujet des
<<
presup
poses pragmatiques * (p, 47) : * Certains presupposes sont independants
du contenu vehicule par les phrases et lies exclusivement a l'acte meme
de I'enonciation : ce sont les moins interessants pour les linguistes, et
nous ne nous y attarderons guere
* 1
se situant dans la tradition imma-
nentiste, Martin ne s'interesse ici qu*aux donnees strictement * linguis-
tiques
*
'', et considere comm e secondaires les phenomenes d'ordre
pragm.atique, Nos options descriptives sont exactement opposees, qui
nous poussent au contraire a focaliser notre reflexion sur les sou,s-
entendus, lesquels nous semblent beaucoup plus
<<
interessants
*
que les
presupposes dans la mesure ou ils demontrent avec insolence la complexite
des mecanismes interpretatifs, les Hmites de la perspective im manentiste,
et la necessite d'en sortir.
2,3.
PRlSUPPOSES
vs
SOUS-ENTENDUS "
2.3.1, Lespresuppos6s
1 - Problemes de difinilion
Nous considererons comme presupposees toutes les informaMons qui,
sans etre.ouvertement posees (i,e, sans constituer en principe le veritable
objet du message a transmettre), sont cependant automatiquement
entrainees par laformulation de
l enonce,
dans lequel elles se trouvent
intrinsequemen t inscrites, quelle qu e soit la specificiti du c adre enon-
ciatif.
a
Remarques
- Ces informations presupposees peuvent etre de differents niveaux (au
sens jakobsonien de ce terme). Mais c'est essentiellement celui de
Fenonce qui nous interesse, Nous dirons donc, par exemple, que dans
* Pierre a cesse de fumer
>>
le verbe << cesser
>>
vehicule un presuppos6
(lexical), sur la base duquel s'edifie Pinference presupposee (et par
abreviation : le presuppose) /Aupara vant Pierre fu mait/,
- Les presupposes sont en principe
<<
context-free
*
(a la difference des
sous-entendus,
<<
context-sensitive *). Dans certains cas pourtant., ce prin-
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26
LE STATUT DES CONTENUS
IMPLICITES
cipe semble mis en echec. AinsI pour les presupposes lies a la deter-
minatIon du << focus * d'un enonce donne ;
J"ai visit6 Moscou avec Pierre
peut en effet presupposer ; ou bien /j*ai visite M oscou/ (pose : /c'et ait
avec Pier re/ ), ou bien /j'ai fait quelque chose avec Pie rre/ (pose : /
visiter Moscou/), la phrase repondant virtueilement a deux questions
differentes :
Avec qui as-tu visit6 Moscou?
Qu'est-ce que tu as fait aveo Pierre?
A panir de cet exemple, Ducrot (1977, a)) est amene a reviser sa
eonception anterieure du presuppose (comme unite inscrite en langue
ei u>nstiiutive du sens litteral), et a declarer que << l'enonciation peut
creer des presuppositions *. Mais on peut tout aussi bien considerer que
ceh deux structures presuppositionnelles sont inscrites en langue, le
c>>(r)texte (et. surtout le contour intonatif et accentuel de la phrase) se
on<vge<inl simplement de lever en discours l*ambiguite que cette phrase
pos<rede en langue ", selon un mecanisme qui caracterise tout aussi bien
les umft*nu.s poses : la plup art des signifiant,s lexicaux et syntaxiq ues
et,u.i en langue polysemiques, et *monosememisables* en co(n)texte
seulemcnt, il n'y aurait plus guere a ce eompte de contenus litteraux...
N"ois pief6rons ado pter l'at titude suivante ; les presupposes sont inscrits
eo langue, et le co(n)texte n'intervient que pour lever une eventuelle
p<>lysemie (la grande majorite des presupposes ne posant d'ailleurs,
C|ii*( n pense au cas de
<<
cesser>>, a.ucun probleme de ce type); les sous-
eutendus au contraire resultent de l'action conjuguee de facteurs internes
et e" lernes, le co(n)texte jouant cette fois un r61e positif dans le processus
d'engendrement du contenu implicite.
- Les presupposes ont donne lieu a une tres abondan te litterature
qy'i u"est pas question de resumer ici. Mentionnons tout de meme
qnu qiics-uns des points qui ont ete le plus largem ent d ebat tus a leur
sujoi.
{J) Presupposition et implication
Le principe de cette distinction est le suivant (d'apres Martin, 1976,
pp .
38-39) '*:
La proposition p
presuppose
la proposition q si q (qui est necessai-
rement vrai si p est vrai) reste necessairement vrai meme si p est nie,
ex. :
Pierre 8 empSch6 Marie de partir,
Les differents types
27
qui presuppose
/Marie cherchait A partir/.
En revanche, si q est simplement
implique
par p, cette proposition
(qui reste necessairement vraie si p est vrai) peuf etre vraie ou lausse
si p est faux, ex, :
Pierre a vendu sa 2 CV,
qui implique
/Pierre a vendu une v oiture/.
Autre exem ple, emprunte cette fois a H, N0lke (l98 0, p, 4S)
Ma sceur
s*est
servie d"e ia voiture
presuppose
/j"ai une sceur/
(presuppose existentieI), et implique
/ma soeur s'est servie de queique chose/.
Mais si l.'on voit bien que le contenu implique ptut etre selon
k
cas
toucfae ou non pa r la negation (* Ma sceur ne
s*est
pas servie de la
voiture : elle n'est pas sortie >>
vs
*
Ma sceur ne
s'ost
pas servie de la
voiture, elie a pris sa bicyclette *), il est moins certnin que le presuppose
echappe toujours aux effets de la negation, puisquVi peut c0ncev01r un
enchatnement tel que * Ma sceurne s'est pas servie de la voiture, pour
la bonne raison que je n'ai pas de sceur *.
Nous voici donc renvoyes au fameux probleme de savoir quel est le
statut d'un enonce dont certains des presupposes sont manifestcmsnt
La tb.ese la plus generalement admise,a la suite de rrege et Strawson,
veuTqtfUTTeTe^o^cTiofl proprement inevaluabie D'ou cette definition
souvent proposee du presuppose : c'est une umte de contenu qui doit
necessairement etre vraie pour que l*enonce qui la contien( ptiIsse se
voir attribuer tme valeur de verite,
Il est de fait qu'une phrase dont ies presupposes sont juges f'aox ne
produit pas le meme effet qu'une phrase dont les poses sonl estimes
tels : dans le second cas on refute, tout simplemeni. Les reacti0t1s au
premier sont. diverses, et varient selon la nature du presuppose, et des
interactants 1 on peut
<<
laisser passer *, ou rester le bec cloue
%
ou bien
encore, protester-vehementement (la contestation d'un presuppose aya.nt,
comme l'a bien montre Ducrot, une teneur p0lern1que plus grande qu.e
celle des poses, puisqu'elle met en cause non seulerient le contenu de
Penonce, mais le comportement enonciatif meme de son parienaire
discursif : * errare * sur les poses << h.umanu.m est -; mais encodei des
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28 1 F STATUT DES CONTENUS lMPLIC TES
presupposes manifestement faux, c'est transgresser une sorte de principe
deontologique regissant les bons usages langagiers), par exemple a l"aide
d'un
<<
mais., *, ou d'un
*
d'abord ... >> qui revele precise men t que la
verito des presupposes constitue une sorte de prealahle a la poursuite
dc Peohange ;
l manque un peloc hon - C est un oreilIer
d'abordl
Pourquoi les hommes ronflent et pas les femmes? -
D abord,
y a des femmes
qui ronflf*nt
-efiets speciaux divers donc, qui tiennent au statut special de t,elles
produeiions discurs ves, lesquelles apparaissent plus comme
*
imperti-
nentes
*
que cororne veritablem ent fausses,
11 nrrive pourtani que Pon considere co mm e faux des enonces dont
les presuppos es som juges faux, et que Pon glisse en quelque sorte de
l'.ipprcciatk>n
*
votre assertion est lnappropriee puisque ses presupposes
sont i'oux >> a P6valuauon * vous dites des choses fausses, erronees * ; les
deux types de refutation, comme le montre Moeschler (1979) au cours
de P<malys>c d'un debat televise entre Giscard et Mitterrand, sont bien
mal delimites.
Ct OTts encore les exemples suivants , releves dans differents contextes :
W - Vous n'avez pas peur, en abandonnant votr e r6le de chef d"orchestre pour
fane de
m
musique de ch<3n1bre, de tomber un peu de votre pi6destal?
- Je ne eonfois pas le rple de chef d'orchestre c omm e un pi6destal, alors je no risque
pas tie>, iombei [donc d"9v0ir peur], (Interview de Danial BaremboTm, France-Musique.)
(ti) - Pourquoi est ce que les Frangais n'aiment pas les Am6ric8tns?
- Mac t,'esi pas vrail
t11) - Ce n'est pas> vrai que je suis rest6 trois semaines a cdt# du cadavre de
ma ttwre adopiive paroe que Madame Rosa n'6tait pas ma m6re adoptive
(E. Ajar.
La vm devantsoi,
Mercure de France, Paris 1975 , pp, 268-26 9).
Il ffest donc pas toujours vtai, comme l'affirme Posner (1982), que
seuLs les poses peuvent faire I'objet d*un
<<
commentaire direct
>>
de type
* C'esi faux
*
; dan^ cert ains cas du moins, on pe ut
*
evaluer
>>
meme
un enonce dont les presupposes << ne tiennen t pas >>
E.M-ce a dire que Pon puisse a la suite de N0lke, qui distingue la
* conection
>*
(relative aux presupposes) de la
<<
faussete
*
(relative aux
poses), adinel re Poxistence des quat re cate gories su ivantes d*enon-
ces
vrais et correc ts vrais et incorre cts
faux eteo rrec ts faux etin,corrects?
Nouh ,<voiis vu des exemples d'enonces juges
<<
faux et incorrec ts >>
L'existcnce d'c<ionces -vrais et ineorrects>>, N0lke la demontre en
consui.xiit que lors d"un test effectue dans une classe aupres d'eleves
Les differents types
29
de douze ans, a la question
<<
J'aim erais savoir : qui a cesse de fum er? >>
un certain nombre d'eleves ont repondu par l'affirmative, qui ne fumaient
pas alors, mais meme, n'avaient jamais furne de ieur vie. Ce qu'il
comm ente en ces term es (198 0, p, 55 ): <<Je crois pouvoir inter prete r
ce resultat comme suit
1
ees eleves ont compris la question du professeur
comme eoncernant seulement le pose de I'enonce employe. Dans notre
terminologie, cela veut dire que, pour eux, c'etait pertinent de differen-
cier vrai et faux independamment de la valeur de correction. La
diseussion qui suivit dans la classe a fait ressortir que le resultat rapporte
tenait a la non-perception de la presupposition par les eleves en ques
tion *: ce qui veut dire que c'est seulement dans la mesure ou le
presuppose (faux) est non percu, ou
<<
oublie *, efface de la conseience
du sujet (les presupposes, nous l'avons dit, precedemment, sont quantite
plus negligeable que les poses), que Penonce
*
j'ai cesse de furo.er
>>
peat
etre considere par lui comme vrai. On ne peut done pas vraiment parler
dans de teis cas (mais je ne pense pas qu*on puisse en rencontrer de
plus probants) d'enonce juge* a la fois << vrai
>>
et * incorrect * : des lors
qu'il est clairement per$u comme incorrect, un enonce a tendance a
etre du meme coup evalue comme faux ".
Pour en revenir a la distinction
*
presuppose
>>
(au sens etroit)/
* implicatio n *, disons qu*on ne peut se fier pour la fonder au test de la
negation, puisqu'il arrive que celle-ci atteigne meme les presupposes
(* Pierre n'a pas cesse de fumer, p uisqu'il n'a jamais fume *) 1 parler
alors de negation
<<
metalinguistique
*
est juste sans doute, mais ne
resout pas grand-chose. Nous considererons en tout cas eette distinction
comme secondaire ", et ce que nous entendons par
*
presuppose *
englobe toutes les
<<
implications
>>
d'un enonce dans la mesure du m.oiits
ou elles s'y trouvent inscrites de facon stable et constante (implication.s
<<
necessaires *).
(2) Presuppo sition et informaiion
O'ne autre'""pf6pFiefesouvent 1nenti0nnee des presupposes (p roprie te
d'ailleurs liee a la precedente : c'est dans la mesure ou les presupposes
ne sont pas en principe informatifs que leur faussete n'a pas le meme
statut que celle des poses) est la suivante ; les presupposes s'opposent
aux poses comme
<<
ce qui est presume connu >> a
*
ce qui est presume
ignore* (Strawson); c*est-a-dire que les contenus formules en presup
poses sont censes correspondre a des realites deja connues et admises
par le destinataire - soit qu'ils reIevent de son savoir encyclopedique
specifique, soit qu'ils correspondent a des
*<
evidences
>>
supposees par-
8/16/2019 Kerbrat-Orecchioni, Catherine. L'Implicite. Cap 2.1, 2.2 y 2.3
http://slidepdf.com/reader/full/kerbrat-orecchioni-catherine-limplicite-cap-21-22-y-23 8/21
30
LE STATUT DES CONTENUS IMPLIClTES
t.agees par l'ensemble de la comm unaute parlante
:
contenus donc
<<
taken
for granted *, et qui ne sauraient etre
<<
matter of dispute
>>
(Huntley,
1976,
p. 71), a la differenee des contenus et poses, et sous-entendus, qui
eux eorrespondent a des informations
<<
nouvelles *, donc eminemment
<<
disputables *.
S i]uui ,%erveiit donc, dans la dynamique discursive, les presupposes,
-y'th
tiansgrcssent aussi ostensiblement la loi d'informativite'? Reponse :
;i i*imslituet pour le discours une sorte de souba ssem eat su r lequel
vH*niienl s'ecbafander les poses; a assurer, grace au *recouvrement
prtstippu,sifiunnel *. sa coherence et sa redondance internes, les poses
>c cli,trgeai)t de ^a *progression*; et a un niveau interactionnel plus
l.tige, a constituer une sorte de
*
ciment social *, une zone de
<<
consensus
>>
<finte Jch tnteractarits.
T'ette c<irsieteristique des presupposes peut aussi se formuler comme
oue coiisigoe d'encodage ;
*
Tous les conten us no uveaux, ou sujets a
a>1.U'.stano11. donnez-leur la forme de poses - quitte a les repreridre sous
iarme de presupposes dans la suite de votre discours, puisque si ces
cut<lenus >ont bien " passes ", vous etes en droit de les considerer comme
eiant *a*nus grossit le stock des verites a dmis es, au moins p rovisoirem ent,
p<n votre p<trtenuire discursif, * Et c'est souvent ce que l'on observe en
v;ttc.t la rep nse sous forme d*un pres upp ose
(<<
ma voiture... >) d'une
inroriujiion d*abord posee (<<j*aI achete une voiture...*).
iiouvont. Mais pas toujours, bien loin de la ; il suffit d*observer le
lbi;clionncDient effectif du
<<
discours ordinaire
>>
pour constater qu*un
gra.nd nombre d'informations son.t d*entree presupposees par le locuteur,
sans qu*il ait pris soin de verifier qu'elles font deja partie du
*
back-
ground * de son destinataire, et meme dans des cas ou il est evident
qu'il n*en est rien.
*
J'ai laisse ma voiture au garage *,
*
je l'ai laissee
a mon frere *...: Meme si rien ne prouve que l'autre sache deja que
j 'ai un garage, ou un frere, de telles formules
<<
passent
>>
tres bien, et
pcrsonne ne trouvera rien a redire au fait qu'ait ete ici presuppose sans
precautions oratoires un contenu nouveau. Dans certaines circonstances
en. revanche, une phrase telle que
*
J'ai laisse ma voiture a m on mari *
pou'rra susciter une reponse du genre
*
Tiens, tiens elle ne m'avait pas
dit. qu*elle etait mariee
elle aurait tout de meme pu (du) me le dire
>>
(i,e, : le * poser *, avant de le presupposer). Or il est a peu pres aussi
probable, s*agissant d'ime personne adulte de sexe feminin, qu'elle ait
un mari qu'un frere ; ce n'est donc pas ici a la quantite d'information
qu'il faut imputer la difference de statut observable entre les deux
presupposes /j'ai un frere/ et /j'ai un mari/, mais c'est a un facteur
Les differents types
31
qualitatif tel que Vimportance de l'information pour le destinataiie du
message.
En fait, le mode de formulation d'un contenu
<<
nouveau
>>
depeiid de
deux facteurs distincts. Si l'on compare en effet:
(i) J'ai laiss6 ma voitu re a m on frere
(ii) J'ai laisse mon avion a mon fr t re
(iii) j 'a i la iss6 ma voiture a mon mari
on constate que :
(ii) sera generaleme nt juge plus etrange que (i) - du fait du degt e l res
inegal de probabilite des informations presupposees /j'ai une voituxe/,
et /j*ai un avion/; et que (iii) sera parfois juge legerement plus
<<
anormal
*
que (i) - du fait ce tte fois que Finform,ition presuppos6e
/j'ai un mari/ est dans certaines circonstances plus < importante - que
l'information egalement presupposee /j'ai un frere/.
Quels que soient les problemes que pose toute ten)ative de fonuali-
sation de ces notions de
*
probabilite
>>
et
d*<<
importaiice *, en conte>.te,
d'une information donnee, il est sur que la regle de bon usagr ries
presupposes precedemment enoncee doit etre remaniee, et assortie d'une
clause telle que : un contenu nouveau doit-d"auiant plus etre fot>mdc
comme pose (et peut d'autant moins etre formule comme presuppose)
qu'il est plus informatif (moins probable o u previsihle), mais u nssi
plus
*
important
*
pour le destinataire.
Il est en tout cas inexaet que les presupposes soient toujours non
informatifs " ;
*
N e confondons pas [...] presuppose et into nnat ion tout
dans la phrase peut etre informatif*.* La formule est de Robert
Martin, qui ajoute i
<<
Mais certaines donnees ne peuvent etre informa-
tives si d'autres ne le sont pas* (1976, p.49). I.'idee, fort justc, de
Martin, etant celle-c i: qu'a un meme enonce s'atiacbent differents
niveaux hierarcMses de presupposes, dont le caractere informatif ou
non est en soi ftideterminable, mais qui sont subord>>mws les uns aux
autres (i.e, en relation d*implication unilaterale) quant a leur irifornsa-
tivite relative ^'.
Ainsi ecrit-il a propos de la phrase P :
Mon fils s"est achet6 une Jaguar,
qui presuppose
P, /Mon fi ls s*est achet6 une voiture de course/ {Si P *isi vrai, alors P, i ast
aussi n#cessairement).
qui presuppose
P2 /Mon fi ls s'est achet6 une voiture/,
qui presuppose
8/16/2019 Kerbrat-Orecchioni, Catherine. L'Implicite. Cap 2.1, 2.2 y 2.3
http://slidepdf.com/reader/full/kerbrat-orecchioni-catherine-limplicite-cap-21-22-y-23 9/21
3 2 L E S T A T U T D E S C O N T E N U S I M P U C I T E S
P, /Mon nk> s est achet6 quelque chose/,
qm piesuppose
P / M o n il<> est en etat de (en Sge de...) s'acheter une Jaguar/,
qn> presuppose
P,
/J'ai un fils/
- Il se peut
to;
t bien que, dans une situatIon d eterminee de discours,
h)u Fensemh k <les propositio nsP, a P , soit
informatif;
qu'a Foeeasion
de P, mon interlocuteur apprenne meme que j*ai un fils [,..j, Mais iI se
p*'iu aussi que ,seule soit informative la differeoee entre P et P,, a savoir
que la v<>iture di course achetee est une Jaguar. Que l'information soit
nni)iniale comme dans ce dernier cas on maximale comme dans le
pieeedent ou encore qu'elle soit situee entre ces deux extremes, il n'en
d-"n<eurc pas moins que si mon interlocuteur ignore que .mon fils
s'est
.uhete une voiti-re de course, il ne saura certainement pas qu'il
s'est
;tf|irte une Jaguar; s'il ignore qu'il
s'est
achete une voiture, il ne peut
s,ivoir qu'il
s'est
achete une voiture de course. Ainsi se dessinent les
iiivcaux possibles d'information (in, in-i>- h> ii)> determinables a priori,
ii 'jopenda.mmen" de toute circonstance particuliere * (p. 2()).
iji I,e st(itut encntiatifdes presupposes
S
i.l
n'est. (lonc pas exact que ies informations presupposees se caracterisent
par 1e fail qu*elk;s sont toujours supposees deja connues du destinataire,
tl est en revanch e vrai qu'e lles sont pre sentees sur le mode du <* cela va
dt sui - Les lernies de << pre-asse rte >> ou * preconstruit *, que certains
pietercn i a * prcsnppos6
*
", connotent cette meme idee qu*il s'agit la
d'imites de contenu qui au lieu d"etre, a l'instar des poses, constraites pa r
lc fbscours qui let vehicule, semblent empruntees a un discours preexistant
pltiN ou moins difTus :
*
On se contente de rcproduire du " deja-dit " *,
tvt it a lcursuj ct M.-.J Borel (197 5,
p.
76),
*
com rnes'il etait effectivement
dit ' ailleurs '" >> Si par ex empie je declar e q ue * x a cornmis contre y
u'ie ignoble agression *, cette affirma.tion donnera eventuellement lieu a
i;j;
>Jebal contradicn>ire (<<pas d'accord: il a vole au secours de y en
doiiessc"), mais au moins franc et loyal; t.andis que si je parle de
- fignobie agression de x contre y *, c'est-a-dire si j'utilise une expression
. dehmc, laquelle presuppose sa propre adequation, donc l'existence du
, denote correspondant, je fais comme si cette existence etait indiscutable,
[
e' tnonexpressionvraie-en-soi ilesposessontsimplementpropo^ ascomme
K,i:> au destinataire, les presupposes lui sont plus brutalement imposes.
L-u d'autres termes encore ; les presupposes n*ont, pas le meme statut
Oit''>nciatil que les poses.. Sous le locuteur unique (L-o) qui profere * Pierre
Les differents types 33
a cesse de fumer
>>,
se dissimulent en fait deux enonciateurs distincts
{i.e.
deux instances assumant la responsabilite des-contenus enoncifs) i
l'enonciateur responsabie du pose, c*est bien L,-,; mais P6nonciateur du
presuppose, c'est une voix collective dans laquelle L^ dissout la sienne
prop re; c'est une instan ce anon yme, plur ielle, voire uiiiverselle : la
<<
doxa >> la
*
rumeur *, le
<<
fant6me *...
Telle est l'idee que Ducrot dans ses derniers travaux, sans fonda-
mentalement remettre en cause la notion meme de presuppose que ses
ecrits anterieurs se sont acharn6s a construire, developpe et module.
Idee juste, a condition toutefois d'ajouter - la clause est d'importance
- que
l'enonciateur d"un presuppose, c"est a la fois une instance
collective, et le sujet individuel Lg.
Soit en effet cette declaration de Jacques .Duclos, extraite de ses
memoires : << J'imaginais que Daladier et Frot, qui avaient donne l.'ordrs
de tirer sur les manifesta nts, devaient etre des emp ar& [...]. *. Il est
evident que le contenu de la reIative appositive, bien que presuppose, est
imputable a l'individu Duclos, et cela au sens le plus juridique de ce
terme, puisqu'il dut s'en * porter garant >> lors d'un proces en diffamation
que lui valut cette malencontreuse relatiye (et il eut beau declarer pour
sa defense qu'il avait la
<<
livre son etat d'esprit a l'epoque >, c'est-a-dire
en quelque sorte cite le Duclos d'alors sans parler au nom du Duclos
actuei, la vraisemblance linguistique n'etait. pas de son c6te). Autrc
exemple encore, ext rait d'un de bat e ntre * P
*
et
*
C
>>
qu*analyse
J. Moeschler (1981, p. 60) :
P, - { ) vous ne voulez pas vous r#ndra compta que Ie r6sultat aussi d6plorafale
qu"il soit n'est rien d'autre qu'un r#suitat normal
face i une
politique
aveugle -
et je
veux absolumentje veux...
C, - C est vous qui dites qu e c est une politique ave ugla " .
Exemples qui administrent la preuve que contrairement a ceux qui
estiment que les presupposes sont formules
<<
de telle maniere que la
responsabilite de les avoir exprimes ne puisse pas etre imputable au
locuteur* (Henry, 1977, p.58), il faut considerer avec Wunderlich
(1978, p. 43) qu'en enoncant S, << le locuteur s'engage [...] a reconnaitre
comme valables les presupposes de S et a les expliciter en cas de besoin
ulterieurement dans des phrases affirmatives *. C*est donc trop hative-
ment qu'on les assimile parfois au procede de la citation : L peut fort
bien se desolidariser totalement de ce qu'il cite, alors qu'il doit assumer
ce qu'il presuppose. Les presupposes semblent empruntes, mais ils
doivent etre endosses parL; qui feint
a un certain niveau
de se
retrancher derriere une instance collective, tout en etant contraint, s
8/16/2019 Kerbrat-Orecchioni, Catherine. L'Implicite. Cap 2.1, 2.2 y 2.3
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34
LE STATU'T DES
CONTENUS IMPLlCITES
un autre niveau,
de se porter garant, de ieur verite : c'est bien a Duclos
et a << C >> - et non point ati << fant6me >> - que l'on demande de rendre
des comptes sur leurs presupposes. Les presupposes << jouent * Pevidence,
et leur locuteur l'innocence. Mals en risquant toujours un rappel a
l'ordre :
<<
Qa ne prend p as : assume z s'il vous pla t vos presup poses *
{4)
Presupposes et enchainement
Les considerations quI precedent montrent que iorsqu'on cherche a
specifier le stat ut des presupp oses, on ne peut se conten ter d'affirmations
a i'emporte-piece telles que : les presupposes ne son.t pas atteints par la
negation, et doivent etre vrais pour que soit evaluable l*enonce qui les
contient; ils sont denues de toute valeur informative; etant admis comme
vrais-en-soi avant toute actualisation discursive, ils ont pour source
enonciative un sujet coUectif anonyme... Affirmations qui doivent etre
serieusement nuancees, et manipulees avec prudence.
I1 serait egalement impruden t de prete ndre que les contenus presup
poses ne peuvent jamais servir de base a l'enchatnement discursif
:
trop
de contre-exemples interdisent une telle generalisation,
Il apparait par exemple que L, a la possibiMti d'enchainer sur ses
propres presupposes
. soit pour les rectifier : s'il est v.rai, comme le remarq ue Wunderlich
(1978, p. 44), que l'on ne peut annuler un presuppose factif en disant
par exemple :
Je regrette d avoir frapp4 Nina, mais je ne l ai pas frapp6e,
l'agramm aticalite de :
Je regrette d'avoir frapp6 Nina, mais l'ai-je donc frapp6e?
nous semble -deja moins evidente, et tout a fait possible :
Je regrette d"avoir. frapp6 Nina - si tant est que je l'ai frapp6e,
ou bien encore :
Pierre a cess6 de fumer - d ailleurs je ne suis meme pas sQr qu il l ait jamais fait
L*agression d e x contr e y - si agressio n iI y a.... :
il semble donc bien que le locuteur ait parfois le droit de
<<
se raviser *,
et d'user de certains procedes (tels que
*
si tant est que...
>>)
pour mettre
en doute dans un deuxieme temps la verite d'un contenu qu'il vient de
presupposer ";
* soit pour les commenter, les justifier, les etayer par une expansion
metalinguistique generalement introduite par
*
car *,
<<
parce que *, ou
* puisque * ;
presuppose existentiel:
*
Mon mari, puisque mari il y a... *;
presuppose d6nominatif (le commentaire metalinguistique venant alors
justifier le choix du signiiant, et conforter son adequation au referent):
Les different.s types
35
Pierre - puisqu il s"appelie Pierre - a cess 6 - car il fumait aupara vani - cie
fumer.
J'ai eu la chance, parce que je consid6re que c'est une chance, de d<ttger i<i
8* symphonie de Beethoven.
Il est encore plus frequent qu'un Lj intervienne sur les presuppo-.es
contenus dans un enonce precedent de L,,
< soit pour les expliciter, sur un mode generalement dubitatlf ou
interrogatif (demande de confirmation):
L,. - Ma fianc6e a 6t6 assassinee.
Lj . - Votre fianc6e? Vous gtes donc fianc6?;
. soit pour les contester et refuter, la. contestatioit des presupposes
(qui ont, plus encore que les poses, le devoir d'etre vrais) pren.mt
souvent des allures polemiques " :
Pierre a cess6 de furner. - Mais il n*a jamais fum 6
Je t en prie arrSte de boireI - Moi? J*ai rien bu...
Je ne suis pas d'acoord avec votre thdse ... - Mais oe n'est pas ma th e w1
L'enchainement sur les presupposes n'est donc
pa>
inlerdit. mais il
obeit a des contraintes beaucoup plus strictes que ctlui qui portt sur
les contenus poses
;
sont ainsi exclus ces modes essentiels d'enchainement
que constituent
. pour L,, Penchainement de type argum entatif(no n metalinguistiqi.e)
sur ses propres presupposes :
*Pierre a cess6 de fumer, puisque t'an dernier i fum aii plus d un paqut>t pjr
jour, vs
Pierre a cess6 de furner, pu isqu 'ii y a plus d'un m ois que jf ne lui ai pas >-n *Je
cigarette au bec
> pour Lj, l'enchainement de type non metalinguist que et non ielu-
tatif: ainsi on repondra plus difficiIement
<<
merci
*
a un complenient
presuppose
(<<
Bonjour ma beile - M erc i *) qu*a un coinplimenl pose
(<<
Com.me vous Stes bellc - M erc i >>) et l'enchainemem suivant .
- Ma fianc6e a 6 te assassir>6e.
- F6licitations. Et condoleances.
passera pour infiniment plus bizarre que celui qu'atfeste le passagc de
Ionesco dont il s'inspire (voir note 7 du chapitre 2)
Du moins de t.els encbainements sont-ils exclus de ce que Ducrut
nomme le
*
discours tdeal
>>
: ils sont marques comme plus ou uioius
deviants et * anormaux *, Nous les retrouverons plus lard a propo& de
cette figure particuliere que nous appelons <<trope prcsuppositioiuoel %
dont l'un des indices est justement que le contenu presuppose sert alors
de base, dans des conditions autres que celles qui vieiuieni d'et*e
enumerees, a l'encha nement
discursif.
8/16/2019 Kerbrat-Orecchioni, Catherine. L'Implicite. Cap 2.1, 2.2 y 2.3
http://slidepdf.com/reader/full/kerbrat-orecchioni-catherine-limplicite-cap-21-22-y-23 11/21
36
LE STATl iT DES CONTENUS IMPLiClTES
t
*n
peut dun<: admettre avec Ducrot, qui dans la
<<
Postface
*
au
Mttifvai,% outiI
dc Faul Henry, montre que les proprietes
*
classiques
>>
1 s presupposes (etre intouches par les transformations negative et
interrogalive, eVe supposes coo.nus du destinataire,..) *constituent des
.upccts relativemenl superficiels [...] du phenomene etodie>>, et leur
Hibstituc un critere plus puissant fonde sur leur comportement parti-
cuhei vis-a-vis de l'enchainement, que c'est bien la un trait * essentiel *
d>i presuppose (p. 183), et qui decoule directement de la definition que
iKH<N en avons pro pos ee.
Disons pour terminer ce rapide inventaire des proprietes des presup-
poses>, ei des debats les concernant, que ce sont pour nous a la fois
des
mnditjons d'emploi, et des elements de contenu
*> (au mem e titre
i '.nlleurs que tous les semes poses); il
s*agit
la d'une fausse alternative,
qui ne correspond tmllement a des proprietes incompatibles d'un meme
"bjt-t, tnai.s a deux points de vue differents et parfaite men t comp atibles
siii ce meme objet Par rappo rt a Penonce * Pierre a cesse de fumer>>,
l" iait que Pierte fumait auparavant peut en effet. etre considere : soit,
dans une perspeclive d'encodage, comme une condition externe du bon
us>itge de l'asseition; soit, dans la perspective de decodage qui nous
Kiieresse ici, cuinmc une information interne a Penonce.
Ces deux perspectives sont apparemment egaiement admises par
id<more> lorsque a propos de *Please open the door>>, il declare
'.-iccessivement (l97l,b), p. 380)
>
que - tbe presup position about the closed st ate of the door is a
property of the verb
open>>
(quand il apparait du moins dans une
-<, Hctuie imper uiive),
* ct que << We trn.y identify the presupposition of a sentence as those
-juditions whicb must be satisfied before the sentence can be used in
.,-n ot tbcfunciionsjust-m entioned*.
Mais le presuppose qu.'envisage ici Fillmore est d'une nature un,
peu particuliert il
s'agit
de ce que certains (Keenan, Stalnaker, et
v/underlich, entre autres) nomment <<pre$upposepragm,utique>>, et
.ps>" nous dehnirons comnie suit: seront considerees comme des pre
supposes pragmatiques toutes les informations que vehicule un enonce,
e" qui concerut:nt les <<eonditions de felicite* (plus specifiquement
ses conditions < preliminaires >> qui doivent etre re alisees pour qu e
l'.icie de langage que pretend accomplir Penonce puisse aboutir per-
Miiiioirement "
Pour qu'une requete telle que
*
Ouvre la porte
*
puisse en effet
Les
differents
types
37
fonctionner heureusement, encore faut-il par exemple que Petat de elio*e
ordonne ne soit pas d'ores et deja realise au moment, de l'acte d'enu'i-
eiation
(i,e.
en Poccurrence que la porte ne soit pas deja ouvertei: qre
le destinataire de l'ordre ait la possibilite de le decoder (il existe. c'esi
un etre humain, qui n*est pas sourd et connaft la langue francaise. eic ),
et la faculte d'obtemperer; et qu'il ne soit pas evident qu'il accomplirait
I'acte sans Penonciation de Pordre, qui serait, sans cela non infonnati%
que Pemetteur enfin de l'ordre soit en position institutionnelle cPen
donner (car ne commande pas qui veut).
Dans une perspeetive d 'encodage, ces differentes donnees apparaissent
comme des * conditions de felicite * de l'acte illocutoire de requete,
Mais du point de vue du decodage, ce sont autant d'informations (portant
sur la situation et les actants de Penonciation) que vehicule Penonce -
s'il est du moins employe &normalement*, c'est-a-dire que lespresup-
poses pragmatiques sont sounus a la meme regle de verite, et sont tout
aussi sus_ceptibles..deTaTvenir (ransgresser, que les'presupposes sdmah-
tiques.
Un exemple encore, pour bien marquer la difference entre ces deux
types de presupposes; pour que
*
Cesse de fumer
*
fonctionne comme
un enonce valide, c'est-a-dire pragmatiquement approprie, et seman-
tiquement acceptable, deux conditions doivent etre reunies :
. Il faut que le destinataire du message continue a fumer au mom ent
de l'enonciation (qu'il n'ait pas deja' cesse de fumer): ce presuppose,
etant lie a la structure jussive de Penonce, et renvoyant a Pune des
conditions preliminaires de Pacte de requete, est un presuppose prag-
matique (enchainement refutatif dans le cas ou cette condition n'est
pas realisee : << Mais j'a i deja cesse *).
. Si le destinataire n'a jamais fume, la defectuosite" de l*enonce se
localise en revaache au niveau du contenu propositionnel de Penonee
(utilisation indue du verbe << cesser >> et concern e to utes les m ises en
forme pragmatiques d'un tel. contenu (<< Tu as cesse de fumer. >> * As -
tu cesse de fumer? *,
*
Puisses-tu cesser de fum.er >> etc .) : il
s*agit
la
d'un presuppose semantique (enchainement refutatif eventuel: * Mais
je n'ai jamais fume
>>)
Les presupposes pragmatiques sont aux valeurs ilIocutoires ce que les
presupposes semantiques sont aux contenus propositionnels. Ils re90ivent
ee partage toutes les proprietes des seconds - en particulier, celie de
pouvoir etre refutes, ou comm entes metalinguistiquement
*̂,
et de pr6ter,
nous le yerrons, a un usage * tropique *.
8/16/2019 Kerbrat-Orecchioni, Catherine. L'Implicite. Cap 2.1, 2.2 y 2.3
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38
LE STATUT DES CONTENUS IMPLlCITES
2 - Les differents types de presupposes
Les presupposes, dont nous venons de dIstinguer deux sous-classes,
peuvent etre de nature extrem ement variable : sans pretendre en fournir
une liste meme incomplete, dIsons qu'on pourrait les typologiser selon
deux axes ;
(1) te type de support signifiant
responsable de l'existence du presup
pose ^ :
-I.1 peut etre de nature lexicaie. Comportent ainsi des presuppo
ses :
. les verbes << aspectuels *, ou * transformatifs >> (<< cesser de *, * conti-
nuer a>>, *se mettre a*; <<Pierre
s'est
reveille>> ^ /P ier re dormait
liauparavant/, etc,);
'i *
les verbes * factifs >> (* savoir *, * regretter *...) et << contrefactifs >>
J(*pretendre*, <<s'imaginer>>.,.) qui presupposent la verite/faussete du
| contenu de la completive qu*ils introduisent, et plus generalement
| l'ensemble des verbes * subjectifs >> qui com porten t un presuppo se
" modalisateur, ou axiologique;
* certains morphemes tels que
<<
mais *,
<<
aussi *,
<<
meme *,
<<
de nou-
veau *, * deja *, * encore >> (exemples : << Y en a-t-il parmi vous qui
croient encore au Pere Noel? *, * Elle est encore belle *, * Vous n'avez
pas encore d*enfants? *,
*
Dans le meme temps, la crise du capitalisme
s'approfondit, et comme il domine encore tres largem ent le monde,,, *);
. plus generalement, un grand nombre de presupposes (il
s'agit
d'ail-
leurs plus precisement dans ce cas d*implications) trouvent leur origine
dans la struct ure du lexique : relations de c ontraste (* Cette ehaise est
rouge *
^
/non verte.. . /), d 'hyponymie/hyperonymie * (<< C'est une
chaise >> -^ /c*est un siege/) et de restriction selective (Zuber : * x
blatere
*
--> /x est - en principe, si le verbe est employe Htteralement
- un chameau/; << x est alezan * ^ /x est un cheval/ , etc,),
- Presupposes a support syn.taxique, qui s'attachent par exemple :
. aux expressions definies (voir O, Ducr ot, 1972) et a la nominalisatio n
(voir P. Seriot, 1985)
. aux expansions adjectivales ou relatives
> aux systemes subordonnants (comp aratives, hypo thetiques, cau-
sales... ")
> aux structures << clivees >> (<< C'est x qui est parti >> -^ /quelqu'un
est parti/)
. . aux interrogations de constituant (<< Qui est parti? >> ^> /quelqu'un
|^ est parti/;
Les differents types
39
, , , ,, /tu ne maim es pl us /,
<<
Pourquoi est-ce que tu ne m aimes plus
* ^ '.
, . , ' ' )
^ /tu m aimais avant'
-Presupposes ayant pour support un contour prosodique particiilIer:
ainsi ceux qui sont solidaires de la << mise en foeus * de l'enonce
(2) La nature du contenu presuppose
(le type d'infonnation qu*iI repre-
sente) peut egalement etre envisagee pour constituer par exemplc
. la sous-classe des presupposes existentiels (les expressions detinies
presupposant ainsi Pexistence, dans le monde reel ou fietionnel represeute
ou constrait par le diseours, de l*objet qu'elles denoi>snt);
. celle des presupposes << denominatifs >> (l'emploi de tout terme pre
supposant son adequation referentieIle, i.e, que le iletiote possede bien
les propriet es correspo ndan t aux semes de ]'expressk>r corres pond anu-);
< ou celle de ces types p articu liers d'unit es de contenu dont T)y<, rot
a mis en evidence l'existen ce, et qui determ inent 1'* orientatio n aigu -
mentative * d'un enonce " ;
. ou bien encore pour fonder l'opposition precedcmment envis,igee
entre presupposes * semantiques * et * pragmatiques *
QueIle que soit la nature du support presupposartt, et du contenu
presuppose, ces unites ont la propriete de perm ettre, a partir des couienus
poses,
la construction d.'inferences particulieres ", dans la mesure ou
elles occupent sur l*axe graduel d'implicitation une zoie proche du pAle
de l*explicite, et ou elles s'actualisent
necessairemem
'* en meme temps
que l'enonce lui-meme.
2.3 .2 . Les sous-entendus
1 - Definition de la classe des sous-entendus
Eile englobe
toutes les informations qui sont susceptibies d'eite vehi-
cuiees par un enonce donne, mais dont l'actualisanun resie irihuwire
de certaine$ particularites du contexte enonciaiif(mmi
une phrase
tdle
que * Il est huit heures >> pourra-t-elle sous-entendre, selon les circons-
tances de son enonciation, * Dep eche-t oi >> aussi bien que * Prends ton
temps * "); valeurs instables, fluctuantes, neutralisable^, dont le detnp-
tage implique un * calcul interpretatif * toujours plus ou moins sujei a
caution, et qui ne s'actualisent vraiment que dans des circonstaiices
determinees, qu'il n'est d'ailleurs pas toujours aise de delerai<ner.
Valeurs qui sont toutefois pour nous veritablement inscntes dans I'enoj)ce
(ce ne sont pas de purs * faits de parole
>>)
meme si leur emergence
exige l'intervention, en plus de celle de sa competence tinguistique,
dcs
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42
LE STATUT
DES CONTENUS
l M P L l C l T E S
comme un presuppose puisqu'elle s'accroche a l'enonce de facon stable.
Ce qui n*est pas le cas des connotations, de ce magma de valeurs
instables qui viennent graviter autour des lexemes, et que l'on peut
justement assimiier aux sous-entendus. Mais
la
frontiere n'est pas
<<
clear-
cut * entre les connotations (ou * implications conceptuelles
>>)
et les
veritables semes
qui
definissent
les
eontenus lexicaux (dont certains sont
toujours des presupposes, et les autres recoivent, au cours de l'aetuali-
sat.ion discursive, le statut soit de poses, soit de presupposes). Dans
eette histoire * dr61e * extraite de l'Alman ach Vermot 1980 :
- Hier j"ai fait 4 ma f e m m e une grosse s urprise. Je lui ai offert une boTte de
caramels pour son anniversaire,
- Et pourquoi cela lui a-t-il fait une telie surprise 7
-
Paroe qu elle attendait un manteau de fourrure,
on peut sans faesiter considerer comme un sous-entendu le trait axiolo-
gique de * surprise >> sur lequel repose entre autres l'effet comique (?)
de ce dialogue : une surprise peut etre deno tativement bonne ou mau-
vais'e, meme si le terme generalement connote * bonne surprise >>
11 est en
revanche plus difficile
de
trancher dans
un cas tel que
ceiui-
ci
" :
<<
Chez nous
on
n'est pas sexistes,
on ne
fait aucune faveur speeiaie
aux dames. * Faut-il marquer le contenu semique de << sexiste >> du trait
[qui considere le sexe masculin comme superieur au sexe feminin, et
meritant donc
des
privileges speciaux] (seme
qui se
trouverait
ici
inverse), ou plus generalement. du trait [qui etablit entre les sexes
certai11es discriminations], la specification [superiorite du sexe maleJ
n'etant qu*une connotation t.res generalement associee
au
concept?
Mais a partir de quelle frequence d'actua lisation peut-on adm ettre dans
le noyau semique une valeur s6mantique quelconque?
C*est
une
fois
de
plus
le
probleme
du
caractere graduel
des
pheno-
menes linguistiques qu.e nous croisons ici au passage, Les presupposes
sont en principe inscrits a 100 % dans l'enonce. Mais que faire des
valeurs
qui y
figurent avec
une
tres forte presomption? Faut-il
les
considerer comme des presupposes imparfaits, ou comme des sous-
entendus particulierement tenaces? C'est selon : on ne peut que prendre
son parti de l'arbitraire qui necessairement preside a la dichotomisation
des axes graduels -" - le discours m6talinguistique imitant d'ailleurs en
cela la langue, qui elle aussi impose au continuum substantiel une
<< forrne >> constituee d'elements discrets.
Les
differents
types
43
2 - Diverses sous-classes de sous-entendus
Au sein de cet ensemble plus vaste, plus flou et plus heter0cl1te encore
que celui des presupposes, il convient de distinguer iiverses sous-el isses
de sous-entendus, sur la base d'axes differenciateurs tels que
(1 )
le
typej^oncmge_Aii
sous-entendu : direct ou indirect, et dans le
p7enueFcas,
intonatif,
lexical,
ou
syntaxique (l'indef]ni *ceitain
*
", le
morpheme de negation, telle forme temporelle ou u10dale, les stiuciures
emphatiques du type * moi je >> sont ainsi souve11l <>0u1ees tFinfen nces
diverses);
(2) la genese du
sous-entendu, dont l'extraction
me' en
branle,
en
plus
deH'a"^OTHpetence Tu%u^Tnque du recepteur, ses uvnpetences encyelo-
pecIique, logique, ou rhetorico-pragmatique;
(3 ) la nature du contenu sous-entendu :
" ' ^ ^ r r f ^ m e ^ u e r w u T a v b n s pu opposer Es"presupposes semanliqocs vs
pragmatiques, de meme peut-on semble-t-il envi^ige.- une sous-classc de
sQus=eateadu2_...pragmatiques^.
qui correspondiait aux renseigneinents
qu'un enonce fournit sur les conditions de felicite non necessaires mais
probables, ou simplement possibles, de l'acte de langage qifil preiend
accomplir: Dans certaines circonstances
par
exetnpe, itne phrahe ielle
que :
Tu sais, les
chagrins
d'amour on s"en remet
peut sous-entendre ;
/Moi je
m"en
suis remis
(-* j'en
ai
connu)/,
pour les raisons suivantes:
l'une des conditions preliminaires de l'acte d'asserl10n c"est que i parle
* en connaissance de cause *, c'est-a-dire qu'il tirt son savoii d une
source quelconque, L'une
de ces
sources pouva11t etrc
son
expenence
personnelle, on comprend qu'une assertion generale puisse occasionnel-
lement sous-entendre, surtout lorsque des informations contexiuclles
viennent confirmer une telle interpretation 1 je te p irIe la de qnekpe
chose qui m'est arrive personnellement.
Quelques remarques maintenant sur deux types pirticuiiers de sous-
entendus que la langue commmune designe sous les lermes d'- msinua-
tion >>'et
d'*
allusion
>>
^JL'insinuation^
nous la definirons comme etant cn genera)
un %i>us-
enrnMTmabeIlkmt:
pour que l'on ait affaire a une insi11uation, ij l'aut
et il suffit que l'on adniette qu'un certain contenu s>, trouve
1. enonce
2. sur le mode implicite
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4-i|<
LE STATUT
DES
C O N T E N U S l M P L I C l T E S
3,
de telle sorte qu'il disqualifie l'allocutaire, ou une tierce
personne (on insinue rarement a propos de soi-meme...).
Correlativement, chacun de ces semes pouvant faire l'objet d'une
denegation, il y a trois manieres de contester l'usage du lexeme i
L,.
- Vous n'avez
pas le droit d'insinuer
que...
Lj.
- 1. Mais je n'ai jamais dit ca
2. Je ne
l"insinue pas,
je la dis
clairement,..
3. Je l'ai effectivement sugg6r6, mais ce
n'etait
pas dans un mauvais
dessein...
Ces trois conditions d'application du concept d'insinuation posent
bien sur, chacune a ieur maniere, quelques problemes:
1. au meme titre que tous Ies sous-ente ndus, l'insinu ation souleve la
questlon suivante, a laquelle nous tenterons plus tard de fournir quelques
element.s de reponse : a partir de quand peut<m raisonnablement admettre
qu*un sous-entendu donne figure dans une sequence enoncive donnee?
2,
On
peut difficilement concevoir l'enchainement suiv ant;
L,. - Tu n'es qu'un gros c on.
Lj . - Qu'est-ce que tu veux insinuer?
pour
la
bonne raison
que les
injures trop explicites
ne
sauraient etre
<<
insinuees *. Mais tous les contenus im piicites peuvent-ils fonctionner,
des lors que la condition 3. se trouve remplie, comme des itisinuatioas?
Soit le syntagme clier a J.-C1. Milner * cet imbecile de Pierre... *,
dans lequel /Pierre est un imbecile/ se trouve presuppose ; il semble
que meme dans un t.el cas, la << malveillance >> soit encore trop claire,
trop explicite, pour que l'on puisse pa rler d'insinuation. E lle comm ence
en revanche avec un enonce tel que
<<
tu as encore commis un poeme?
>>
( -
*
Qu*est-ce que tu veux insinuer? que mes ceuvres poetiques sont
mauvaises? *), enonce dans lequel << commettre * comporte un presup
pose axiologique negatif portan t sur l'objet du verbe - cette information
n'etant pas atteinte par la negation., et s'attachant a toutes les occur-
rences de ce verbe puisque le
Petit Robert
l971 definit *com mettre *
comm e <* accom plir, faire
(une
action blamable)
*.
Ce qui tend a prouver que les contenus presupposes ne se situent pas
tous au meme point de l'axe d'implicitation : certains sont plus discrets,
plus camoufles que d'autres; et que l'insinuation ne commence qu'a
partir d'un certain degre d'implicitation : son domaine recouvrirait to ute
la zone des sous-enten dus, ainsi qu*une par tie de celle des presupposes.
Une constatation encore, allant dans le meme sens : meme si elle est
clairement utilisee par antiphrase, une formule telle que * Ah c'est
intelligent ce que tu as fait li
>>
ne sera pas percue comme une
Les differents types
45
insinuation, bien que le eontenu /stupide/ soit a la ioit> malveillaut, et
derive, done implicite. C'est qu'il
s'agit
la d*un trope, qui conu-rtit,
nous le verrons, en contenu denote un contenu implicite, ce qui lui
permet d'effectuer une sorte de << remontee vers la ^uri'ace * riiiMiiua-
tion a bien certaines affinites avec l'ironie *', mais a^ec la
*
connot,ition
ironique*,
et non
point
le
<<trope ironique>> (voir plus loin pour >*ette
distinction).
3.
Quant au trait de *malveillance*, il faut recon nailre qu'il n'est
pas aussi fortement constitutif que les deux autre:> du senieme d' in
sinuer
>>
: chez Quintilien, i<< insinuatio
>>
correspond a peu pres a >;c que
nous nommons * sous-entendu >> *; H. Parret, 1978 ( i 17), consider.* de
meme qu** il n'est pas exact que ce qui est insinue est loujours repre-
'hensible>>, et certaines occurrences attestees du teime cotroboren en
effet cette opinion *'. Quant aux dictionnaires, on > frouw des fonnules
telles que i
*Donner a entendre (qq ch.) sans dire expressemcnt
(iurtoni
av^>.- un
mauvais dessein) *, ou bien encore
<< [..,] souveni dans une intention malveillante * : le *rait 3. aur;th donc
le statut
de
* trait frequemment associe
au
semeinc sans
y
6tre iieces-
sairement attache*, c'est-a-dire qu'*insinuer* souventendraii, sJfN
la
poser ou la presupposer, la m alveillance.
(Precisons rapidement a ce sujet ceci: dans le contenu d*un K-tcme,
il convient d'indexer
. des traits constant.s, ou *semes*, dont l'ensembie constirue le
senieme, au sein duquel ils se trouvent au moins partiellement l>kVar-
cfaises;
. des traits instables, ou
<<
connotemes
>>
Les traits de connotation sont assimilables aux sotis-enfendus
Pour ce qui est des semes, ils correspondeni aux puses, ou aux
presupposes, soit que l.eur statut soit determine en Iaiigue {exernple du
verbe *cesser*)> soit qu'il ne se precise qu'au cours de l'uctuaJi;>anon
discursive.
Ce sont en general les traits les plus specifiques qui se in>uvem aiors
convertis en poses ; dans
Ce n'est pas un celibataire [mais un homme mari6]
ce n*est p as un tacot [mais une voiture tres presentable|,
seuls Ies traits [non marie] et [de mauvaise qualite| sont en gtneral
atteints par la negation, les autres etant donc presupposes.
Mais .les choses peuvent se passer autrement et l'on peut d'autre part
observer parfois (surtout lorsque les axes semiques sont en rekHlor de
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46
LE STATUT DES CONTEN US MPlJC TES
classification croisee) plusieurs possibilites de hierarcMsation, en dis-
cours,
des unites semiqu es, ainsi dans des sequences telles que :
Je ne I"ai pas insinu6
(voir plus haut), ou
elle a 6t6 presque viol6e,
Padverbe modalisateur pouvant ici porter soit sur le trait [subir les
derniers outrages sexuels], soit sur le trait [contre son gre]).
Nous reserverons toutefois le term e d<< insinuation
>>
- parce que
cela correspond a notre usage spontane, et permet de le speciaIiser
par ra.pport a
<<
sous-entendu
*
- aux cas ou la nature du contemi
sous-entendu invite a supposer chez son enonciateur un
*
mauvais
dessein *.
- Venons-en maintenant a
l<-<
qJJMsioa^>>: le terme s'emploie semble-t-il
dans des circonstances diverses, mais relativement precises :
* soit on entend par la un sous-entendu a contenu grivois ou graveleux :
c*est Pallusion sexuelle - de tels contenus etant, on comprend aisement
pourquoi, particulierement candidats a la formulation implicite,
Ex . ;
<<
Enfin, avec l'allusion aux " attit ude s excentr iques ", nous en
sommes a Pallusion personnelle [...]
>>
(Pasolini, 1976, p. 126), le sous-
entendu dont il s'agit ici relevant donc a la fois de Pallusion, et de
Pinsinuation,
. soit on parle d'allusion s*agissant d'enonces faisant implicitement
reference a un ou plusieurs faits particuliers connus de certains des
protagonIstes de i'ecnange verbal et d*eux seuls, ou d'eux surtout, ce
qui etablit ent.re eux une certaine connivence (pacifique ou agressive
du reste) **.
Exemple d'allusion bien precise a un fait bien preeis qui concerne une
personne bien precise, le destinataire en l'occurrence (Pallusion etant
en outre, une fois de plus, une insinuation ; on se demandera plus loin
pourquoi tant de sous-entendus sont. malveillants): << Vous avez dit que
les candidats sortants avaient un avantage et normalement ameliore-
raient leur preced'ent score. Mais ce n'est pas toujours le cas, vous etes
bien place pour le savoir M. Defferre... C'est une allusion tres precise *
(debat televise entre Chinaud et Defferre, faisant suite a Pelection
presidentielle du 24avril 1981);
. sans parler d'un type d'allusion sensiblement difFerent: c*est Pal
lusion de la rhetorique classique, c'est-a-dire le renvoi intertextuel'";
allusion qui n'entretient qu'un rapport assez lointain avec le probleme
de Pimplicite - mais un rapport tout de meme puisque le texte evoque
Les different.s types
47
et convoque par allusion intertextuelle est tout a la fois, comme le sous-
entendu, present, et absent de celui qui Paccueille.
(4 ) On pourrait enfin fonder cette typologie des sous-entendus sui leur
degFe^fevM^weT^tn^uT Jorce^Wa^ualisation^J^i,_ sous^ri7cH5us"
.q.uj_
"s*a^acKenOTune seq1ienxe^p^lWnt'e^'^n^ffet j>ins ou moim_ c<mtes-
4abtertra;iBCoM esrabjes, SaHes_o_uTnstabIes, thpides ou assures, a m m e
trapparait en comparant_ par exemple :
'" "(i)'"Ceux qui prendraient Ia responsabilit6 de diviser ls gajuha au noni de l
n
't6rSt
6lectorai de leur parti se condamnsraient aux yeux de tous ^ou,s, socialistes nous
n'avons jamais mis de condition a t*union,
(ii) Le parti n*est pour les sociaiistes que finstrument des luttes, ll n 0s1 nr>s une
fin en soi.
Dans ces deux declarati ons sociaiistes {mars ei juin 1V78) u est
permis de voir une allusion a Pattitu de du P,C .F Mais PalluMon est
nettement plus
*
claire
>>
plus appuyee dans le prermer enonce
m
elle
repose sur un. certain nombre de marqueurs linguistiques : la * i<*rme
en -rais *, l'indice typographique que constitue la majuseule diuuwm au
substantif *parti* une <<valeur pregnante* bien precise, ees *tcux
marqueurs conjugues permettant d'engendrer Phiference /lc parfi
communiste prend la responsabilite de diviser la gauche au noiu *k- %on
propre interet electoral/; et dans la seconde phrase, la structure e/nplui
tique qui sous-entend /c'est pas comrne d'autres/, donc a la lumjer? de
ee qui preeede : /les eommunistes ont mis certaines conditions a l imsmi/
"- que da ns le second, ou seule l*expansion prepositionnelle * puui k>
sociaiistes >> tend a vehiculer, en vertu des lois cPiui':>rmativiie ei dYx-
haustivite, un sous-entendu du type /il n'en esi pas de meme puur
d'autres militants/, sous-entendu d'ailleurs suspensible (- pour les wn m-
listes - commepour tous les partis politiques>>), et dont rien ne nent
specifier le contenu tres general, si ee n*est, bien sui, des infortnauuns
que Pon va convoquer de l'exterieur, c*est-a-dire puiser dans sa ei>nipe-
tence *encyelopedique>>, sa connaissance du contexic en Poceu>uuct-
politique; savoir contextuel qui intervient dans le premier eas cgalonvu t,
mais de maniere plus redondante done accessoire
-
plus sont tenus ei
discrets les indices linguistiques d'un sous-entendu, el plus il est ncie>
saire de faire eompensatoirenient appel, pour le decrypter, a des uii,;i-
mations de nature extralinguistique.
Le degre d'evidence d'un sous-entendu est ainsi t"onetion de fai
t<
ms
a la fois externes (degre de notoriete des faits extrahnguistiqiies jX>u
nents) et intern es (no mbre , qui peut a la limite eire nul, des supp. <ts
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48
LE STATUT DES CONTENUS
IMPLIC TES
linguistiques du sous-entendu; mais aussi statut de ces marqueurs, qul
peuvent etre plus ou moins fortement codes, certains sollicitant avec
insistance telle interpretation, cependant que d'autres, plus timides, se
contentent de n'etre que les indices flous, capricieux et aleatoires d'une
valeur que la structure ne comporte qu'accidentellement - cet axe
d'opposition, ou l'on pourra ainsi localiser, par ordre
d<<
insistance
>>
semantique decroissante, nos exemples precedents de la maniere sui-
vante : indice typographique /fo rme en -rais/s tructu re emp hatiqu e/
expansion restrictive, etant bien entendu graduel). Et c'est sur de telles
bases qu'il semble au moins partiellement possible d'edifier une
echelle
d'implicitation,
et correlativement, de mesurer le degre de mauvaise
foi susceptible d'etre obserye dans le maniement des contenus implicites,
selon le principe suivant: plus un eontenu est explieite, plus il y aurait
de mauvaise foi a pretendre nier son existence dans l"enonee; et plus il
est implicite, plus il y a de mauvaise foi a vouloir l'imputer a coup sur
au responsable de la sequence.
Quelques exemples comparatifs encore :
* En vertu de l'action conjuguee des lois d'informativite et d'exhaus-
tivite,
ll fait beau
en ce moment
peut e>entuellement sous-entendre que ca ne va sans doute pas durer,
Mais le sous-entendu, tres dlscret dans la formule precedente, se durcit
si je declare i
fait
beau
pour le moment.
. Exemple em prunte a Charolles (1980, a), p. 38) i
Supposons qu'en conseil de classe on s'interroge sur l'opportunite
d'admettre en
4<=
l'eleve D urand. Quelq u'un m entionne ;
|i) Dupont a 6t 6 aclmis en 4*.
Ce qui peut suggerer,
<<
dans certaines circonstances et prononce avec
une intonation marquee *, et en vertu cette fois de la loi de pertinence
(i ') Alors pourquoi n'adrnettrions-nous pas aussi Durand?
Mais la suggestion se fait sensiblement plus insistante si elle se
formule comme :
|ii) Dupont a bien et 6 admis en 4*.
Et Charolles de conciure :
<<
La seu le difference entre les deux
enonces reside dans le fait que ceIui qui enonce (ii) ** ne pourra pas
pretendre ne pas avoir voulu dire quelque ehose eomme (i') alors
qu'un emetteur de (i) pourra toujours soutenir (avec mauvaise foi)
qu'il a simplement voulu relever qu'au bout du compte le eonseil
Les differents types
49
avait admis Dupont en 4', >> Nous dirons plut6t que le sous-entendu
etant nettement plus fort en (ii) qu'en (i), la mauvaise foi de l'emetteur
sera proportionnellement plus grande s'il nie avoii * voulu dir.- (i' )
dans l'un et l*autre eas
*K
. * Le eomte Bobby va faire ses achats dans quelques magasins> et il
egare son parapluie. Il revient sur ses pas et penetre dans le ptemier
des magasins pour demander si on n'a pas trouve son parapluie, " Non,
monsieur le eomte, pas de parapluie, " ll retourne au second magasin ;
" N on, monsieur le conite, pas de parapluie, " Puis .iu troisieme uiagasin ;
" Oui, monsieur le eom te. Voila votre parapluie " 1 e eomte Bubby
reme rcie et fe licite : " Vous etes, vous, un magasin honne te " > *"
Imaginons que les felicitations du comte Bobbv aient pris la iorme
(i)
ou s
Stes
un
magasin
honnete,
plut6t que
(ii)
Vous 6tes, vous,
un magasin
honnSte;
ou bien eneore celle-ci ;
fiii)
ous 8tes, vous au moins,
un magasin
honn6te
La version (i) ne ferait pas rire : c'est que l'in lerence /e e n"csi pas
comme les autres magasins, qui sont tous des malhounetes/. infe>ence
absurde puisque le parapluie ne saurait etre doue d'ubiquite. cf sur
laquelle repose toute la
*
dr61erie
*
de cette
*
histoire *, serait, sans etre
veritable ment exclue (car attr ibu er a x la propriete f, c'est parfoi*i nous
le verrons, sous-entend re que les non-x se caraeterisen t par non-p , trop
tenue et incertaine pour declencher le rire, qui se tiourrit de cerutudes
interpretatives. Le rire demarre avec la replique {ii), dans laquelle le
sous-entendu vient s'appuyer plus fermement sur la structure empha
tique. Quant a la version (iii), elle obtiendrait a fortiori le meme
resultat, puisque l'inference responsable de l'effet eomique s'y ui.crit
encore plus incontestablement qu'en (ii).
Il faut admettre l'existence de degres dans ractualisation des vaieurs
semantiques : eertaines s'imposent avec evideiice, i.onstance, et obsti-
nation, cependant que d'autres se contentent d'one iler plus ou moins
timidement Penonce vers telle ou telle interpietat on plus ou moins
vraisemblable.
Le principe de gradualite, nous l'avons ainsi rencontre a propos de
la distinction a etabIir entre contenus explicites et .mplieites, el e>nre
eontenus presupposes et sous-entendus; puis au sein de l'enscmb e des
presupposes
**%
s'agissant du probleme de l'insinuation; et de acon plus
pressante eneore, a l'interieur de l'ensemble des sons entendus, que Vor,
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50
LE STATUT DES CO NTE NU S I MP LI CI TE S
ne peut. esperer decrire de facon satisfaisante sans tenter d'en preciser
la force, extremement variable, d'actualisation ^.
I1 apparait aussi qu'un certaln nombre de phenomenes linguistiques
ne peuvent etre traites adequatement qu'en admettant ce principe de
gradualite, les
contradictions
par exemple, et les
tautologies,
Comparons ainsi:
(i) Pierre, qui n"a jamais fu me de sa vie, a cess6 de fum er
(ii) La fille la plus intelligente que j"ai jamais rencorr tree etait qua nd mem e b8te
(Zuber, 1972, p ,82),
La contradiction inherente a ces deux enonces est percue comme
nettement plus forte en (1) qu'en (ii) ; c'est qu'elle intervient entre un
pose et un presuppose dans le premier cas, et dans le second, entre un
pose et un simple sous-entendu *'.
I1 est vrai que (ii) comporte en outre un de ces << conneeteurs de
rattrapage >> (<< quan d m eme >> << cepen dant >> << neanm oins >> etc,) qui ont
pour fonction, nous dit Charolles (1978, p. 26), de
*
recuperer un enonce
qui sans eux pourrait etre eventuellement percu eomm e contradictoire >>
Mais Charolles d'ajouter : * Ils ne permettent pas toutefois d'effectuer
n'importe queile recuperation et leur portee n'est pas sans limites. Ainsi
'*
cependant " rattrape la contradiction inferentielle dans (44) mais non
la contradiction presuppositionnelle dans (45):
|44) Jacques d&teste voyager. Cependant i l est tres heureux de partir pour
les
U.S,A,,
car...
*{45 ) Jacques se figure que son p6re veut le d6noncer a la poiice. Cependant
c'est vrai car,.. *
Dans notre terminologie : en (45), la contradiction intervient entre un
presuppose contre-factif qui s'attache au verbe << se figurer *, et le pose
de la seconde phrase, En (44), elle joue entre le sous-entendu de la
premiere phrase (engendre par un mecanisme de glissement du genera)
au particulier ;
*
Jacques deteste voyager
>>
-* /o n pourrait s'attendre a
ce qu'il soit malheureux d*avoir a entreprendre ce voyage particulier/),
et le pose de la seeonde.
Certaines contradictions sont donc * rattrapables *, d'autres pas : c'est
qu*elles sont
plus ou moins fortes,
selon qu'elles mettent en cause un
pose ou un presuppose (lesquels sont de ce point de vue a assimiler),
vs
un sous-entendu.
-
Les contradictions fortes
engagent:
1.
deux poses, ex.;
Je suis completement et a moiti6 dasespere (lonesco),
Les differents types 51
enonce anorm al as surem ent, a la dirTerence de celui-ci -
Je suis a moitie, et mlme compi6tement d6sesp6r6
cette comparaison inontrant que la contradiction, qui resulte du ieles-
copage de deux contenus egalement assumes par L doit etre distmguee
de la rectification, qui annule apres coup un contenu precedennnent
asserte;
2. un pose et un presuppose, ex, :
. Ma tante es t veuve. Son mari collectionne les machine s 4 coudre
(Charolles, 1978, p. 24) ; contradiction entre le seme |qui n'a plus de
mari] pose par *veuve*, et le presuppose existentiel qui s'attache a
l'expression definie * son mari * (en tant qu 'elle est sujet d'un va-be au
present).
. Je ne sais pas que la terre est rond e
/la terre
n'est
pas ronde/ : pos#
/la terre est rond#/ i pr6suppos6,
. Pierre sait que la terre est ron de, mais ce n'est pas vrai.
/la terre est rond e/ : pr6suppos e /la terre n'est pas ronde/ . pose
(le verbe
*
savoi.r
*
en effet pose que
Yagent
du proccs adJicrc a la xerite
du contenu de la completive si le verbe est a la fornie ,trtirmaiive, le
pose s'inversant si le verbe est nie;"
presuppose que le
locuteur
croit a cette verite - presuppose
*
factif
*
-,
que le verbe * savoir >> soit ou non nie).
. Je ne crois pas l
l'Enfer,
mats j 'en ai peur:
* avoir peur de x * presuppose /cro ire a l'existence de x /
. Votre main est un outil parfait. Le garrt Baltex a os6 (e perfectionner |slogan
publicitaire) i
* perfectionner x >> presuppose * x n*est pas parfait >>
. Main tenan t, pour apprendr e le frangais , il faudra le sa^oir (Coluche).
. l l cornpr#nd vite, mais il faut lui expliquer longtemps
etc,
3.
deux presupposes enfin ;
. Rodolphe a tu6 sa veuve :
le trait [qui n*a plus de mari] etant cette fois presuppose poisqu'il
s'attache a une expression definie, la contradiction intervient emrt- /le
mari de cett e veuve - a savoir R odolphe , a cause du posses>sil* - est
mort en T, temps d'actualisation du pro ces/, et /Rodolp he esl vj< ant
en T/ (presuppose en vertu d'une regle de *restriction sekctive>>
caracterisant le verbe *tuer* - et bien d'autres- ; I'agent du proces
doit etre vivant en T),
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.52
LE STATUT
DES
C O N T E N U S I M P U C i T E S
. ,Ma fille,,ie Ia conna is,comme si je I'avais fa i te . ,
i
y
1 *
.' j
-* /j'ai une fille/ /je ne l ai pas fa i te /
-^ /je
l*ai
fa i te /
. Une dame
va
trouver
son
medecin
:
- Mon mari se prend pour un cheval, docteur. ll piaffe, il mange du
fo in ,
il hennit.
- Cela doit ltr e tr#s p6nible pour vous
-
Pas toujours
I
avoue la dame, Dimanche, par exemple, il a gagn6 deux oourses
S Auteuil (histoire dr6le rapport6e par A, Petitjean, 1981, p, 19) ;
contradiction entre les presupposes /ce n'est pas un cheval/ et /c*est
un cheval/ vehicules respectivement par les expressions verbales << se
prendre pour *, et * gagner deux courses a Auteuil *.
- On a affalre a une
contradiction faible
des iors que l'un des deux
elements qui s*y trouvent impliques a statut de sous-entendu, c'est-a-
dlre qu'entrent en collision un pose et un sous-entendu, un presuppose
et un sous-entendu, ou bien deux sous-entendus. Mais les sous-entendus
pouvant etre plus ou moins forts, les contradictions correspondantes
sont consequemment plus ou moins sensibles, et. doivent etre graduees
selon une echelle directement correlee a celle des sous-entendus. ll
semble
par
exemple
que la
contradiction, serait legerement plus appuyee
en
(i) ll y a la quelque chose qui choque en moi le logicien que je fus,
qu'en
(ii) li y a IS quelque chose qui choque en moi le logicien que j'ai 6te (declaration
relev6e lors d*un coiloque),
dans la mesure ou le sous-entendu /je ne suis plus logicien/ (^/je ne
saurais etre choque/), qui peut venir investir toute forme temporelle de
passe, s'actualise plus nettement au passe simple (qui connote la rupture
totale d'avec le present) qu'au passe compose (qui suggere que l'action
passee peut avoir certaines retombees sur l'epoque presente : si l'on a
ite
logicien, il en reste toujours quelque chose.,,).
Quelques exemples de contradictions mettant en cause :
1.
un
pose
et un
sous-entendu
;
.
Pierre a cess6 de fumer hier, mais ii a recommenc6 aujourd*hui :
si l*on designe par T le nioment ou s*inaugure le proces de << cess er >>
et par To le moment de l'enonciation, il semble bien que cette sequence
pose /Pierre fume en To/ (conteeu pose par * recommencer
>>)
mais
aussi sous-entende plus ou moins (d'ou l*efi"et de contradiction) /Pierre
ne fume pas en To/, dans la niesure ou * x a cesse de faire y >>:
presuppose que x faisait y anterieurement a T, pose qu'a partir de T,
x n'a plus fait y pendant un certain temps, mais sous-entend en outre
Les differents types
53
que ce non-faire a dure pendant une periode indeterminee mais relati-
vement
(a la
naf.ure
de y)
longue
'<>.
. Releve sur un flacon d'huile solaire :
R6siste
a
l'eau.
Renouve er l 'application apres chaque
bairi.
. V o i r a u ss i
les
e x e m p l e s
du
t y p e
Je ne suis pas raciste mais...
Je
ne
suis
pas
alcoolique mais.., (apres
7
heures
du
soir
il
faut absolument
que
je boive
de
l'alcool).
2. un presuppose et un sous-entendu : cf, l'ex. precedemmem men-
tionne du logicien choque.
3. deux sous-entendus : << Toscanini disait pla>samment que pour
monter le
Trouvere
il suffisait d'avoir les quatre meiUeurs chanteuts du
monde
>> (Liberation du
31 juillet 1981, p.
31) :
contradiction {plaisunte)
entre les sous-entendus /c'est facile/ et /c*est diflidle, voire impossible/
vehicules par
*
il sufRt de
>>
et
*
ayoir les quatre m clleurs chanteui* du
monde. >>
Donc, les contradictions produisent un efi'et plus ou moins violent
selon
le
statut
des
unites semantiques qui.,s'y troment impliquees
En
cas d'hesitation concernant ce statut, ainsi lorsque Pon ne sait pas trop
si l'on a afFaire a un presuppose ou un sous-ent.endu on peut a kns faire
appel au * sentiment de con tradicti on >> sentimen l il faut bien k dire
assez flou lui-meme, mais
qui
peut servir
a
venir ccnrlrmer
ou
utfi''mer
des presomptions etablies sur la base d'autres considcritions. Par exemple,
si l*on se demande avec Sorin Stati comment il cotivient de deu i :e le
contenu semique
de
l'adjectif *b on * dans
un
comexte
tel que
-c'est
un bon cou teau >> et s*il faut y incorporer le 1raii |qui a toutes les
proprietes requises pour permettre a l'objet ainsi earaeterise de remplir
la fonction qui lui est divolue] (trait qui se comb nant avec le seme
[pour couper]
de <<
couteau
*
permettra
de
marquer d<i lrait
[qui
ivupe
bien] le syntagme *bon couteau *), on pourra s'appuyer sur l'iniintion
de l'existence d'uue contradiction forte dans
une
p imse telle
que
<
e'est
un
bon
couteau, sauf qu'il coupe m al
>>
pour accoroer
a un icI m.>t le
statut, non de connotation, mais de seme a part entiere ".
(Cela dit, le * sentiment de contradiction >> varie sensibleinenl d'un
sujet a l'autre, en fonction precisement de ce qu'il -onsidere, en ver.tu
de sa propre eompetenee lexicale, com.me constituant
le
contenu semique
de la sequence - elements poses ou presupposes donc -, et de u <<..'au
contraire il relegue dans les simples * implications cunceptuel es - e^*en-
tuellement sous-entendues par cette meme sequence Ain si:
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54
LE STATUT DES
CONTENUS IMPLlClTES
{i) Discussion entre amis sur Ie menu du soir, Quelqu'un sugg6re : a Et si on
faisait des crfipes
J
*
L,, - << Bcnrte id6e, je m'en charge i les cr6pes je sais les faire. >>
{Un peu plus tard)
Lj . - * Alors tu les fais ces crSpes? >>
L,, - (( Ah mais je ne sais pas faire la pate >>
Pour L, : pas de contradiction forte entre
*
savoir faire les crepes
>>
-
qui pour lui n*implique vraiment que la competence de les faires sauter
dans la poele - et
<<
ne pas savoir faire a pate *>
Pour Lj, qui ne se prive d'ailieurs pas d'exprimer bruyamment son
sentiment sur la question, L, vient de commettre une bevue redhibitoire.
Mais le lendemain, revanche de L, ;
{ii) L,, - Et tes ess uie-glac es, its marc hent bien?
Lj .
- Oui pa va... Mais alors, qu'est-ce qu'i ls essuient m all)
Symetriquement, les mexiies observations peuvent etre faites au sujet
des tautologies et redondances, qui sont elles aussi graduables. Dans le
meme ordre d'idees, J. Sadock (1978, p . 294) propose de faire appel,
pour distinguer les
*
implicatures conventionnelles
*
d es
*
implicatures
conversationnelles* (i,e., en gros, nos presupposes des sous-entendus),
conjointement au test. de
<<
cancellability >> , a celui de
*
reinforceability
>>
;
les implicatures du premier type seraient ainsi difficilement << renfor-
cables
*
(ex. : dans
<<
It*s odd th at dogs eat cheese, and they do *,
Pexplicitation du presuppos6 factif de la premiere phrase produit l'efFet
d'une redondance vraiment saugrenue), tandis que les implicatures du
deuxieme type le sont beaucoup plus naturellement (ex. :
<<
Maggie ate
some, but not all, of the cheddar *).
I1 importe toutefois de distinguer ici tautologie et re dond ance :
Les tau.tologies, qui n'exploitent que les poses et les presupposes, sont
toujours
*
marquees
*
comme devian tes ear elles presen tent fallacieu-
semen t comme u11 apport d'info rmation une sequence informationnel-
lement vide - soit qu*il s'agisse d'une pseudo-explica tion ci rculair e :
* L'opium fait dqrm ir parce q u'il a une vertu dormitive *, soit que le
predicat ne dise
rie11
de plus que le sujet:
<<
Une femme est une femme >>
* Un sou est un sou *, << Le passe c'est le passe *, << Un mari c'est un
mari " *,
<<
Une Volkswagen est une V olkswagen >>
<<
Un meurtrier c'est
un meurtrier
>>
* C'est fait c'est fait >, * C*est dit c'est dit *, * Je dis ce
que je dis *,
*
Quod scripsi, scripsi *,
<<
Qua nd c'est fin i, c'est fini *,
<< Passe les bornes,jl n'y a plus de limites
>>
<< Seule l*eau d'Evian a les
vertus de l'ea u d 'Evian >>
<<
Plus c 'est bon, meilleur e'est >>
<<
Une fois
n'est p as cou tume >>
*
DemaIn est un autre jour *...
Les differents types
55
La plupart des exemples precedents correspondent d'ailletm -t des
tautologies plus ou moins lexicalisees, et; reduc tibles de differentes (acons
(interp retatio n tropi que de l*un des deux elements, constructiou d'une
inference informativ e, etc.). Ma is voici quelque> tautologies irrcduc -
tibles,
dont l*effet transgressif (de la loi d'informativjte) est evideat :
De quelle couleur 6tait le cheval blanc d'Henri IV?
(relation tautologique entre le presuppose tres forS de la questiou ", et
le pose* de la reponse attendue).
On peut presque tout changer,
Excepte ce qu'on
n'peut
pas (Bobby Lapointe,
Avdii<e et Framboise).
En tout cas, vous 6tes moins en retard que... ceux qui le snnt davantage (Jean
Tardieu,
ThSitre de chambre,
Gallimard, 1966, p, 132, et p 1 J6 )
En effet, rien n est possible, de ce qui est impossiL>IH
En revanche, la reformulation explicite d'un co-uenu implieJc- pre-
cedent n'apparait jamais comme superietaluire, car saiu> appoit^r de
veritable surplus d*information, elle permet a )'e110t1ce. en inodinant le
statut du contenu en question, de gagner en clarie De relles rel'onnu-
lations ne sont percues comme des anumalics discursives que dans le
cas limite d'une inference que les l01s> <i> l'arithiTictH|ue reodetii .iussi
evidente que celle-ci;
Le PRfiposfe. - Quel 9ge a vez -vo us?
LE
CLiENT. - Mais je v ous ai donne m a date de naissan< e tout
a
l hwur<^
1
LE PRfPOs6, - La date de naissance et l*ig e, ce n'0s1 f>as la m6me 0i1ose. Les
deux indications ne figurent pas au m6me endroit sur la
ic-h*>
du .,lient (Taniipu
ibid.,
p. 70),
ou a la rigueur dans cette precision (assortie d'aitlei is tfune precaution
oratoire) fournie aux candidats a l'agregation de g1an1maire :
Ceux qui tirerorrt les numeros pairs passeront rimptovi>e de grec. J insiste en
sachant que je ma r6p6te : ceux qui tireront les num6ros impmih prfsseront l1n>p10v1se
de
latin.
Par contre, la paraphrase explicitante d'une intcruice pnurlan( i.:^ces-
saire n'apparait pas com.me superflue dans eette rep iqu? dc iVlai",-
*v.x
*
L6Lio. - Ne m'irrite p oint [ ...]; tu p arler as, ou je te Uk-
TRiVEUN. - Vou s me t uere z, si je ne par)e? H6las, M nnwnui
{La
fau$$e
suiv<ttiTrt. acte i;i ^. n 1
Et il peut a plus forte raison etre utile de m etire les points sur les 1
dans Ie cas des sous-entend us, dont le decodag<. e%( tuuiours fh. ou
moins aleatoire :
M"* SMiTH.- - Mary a bien cuit les pommes de tertf <.(>tit* ni^ ci La ,i m rf ic
fois elle ne les avait pas bien fait cuire [...]
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56
I.E STATLlT
DES
C O N T E N U S
IMPLIClTES
j*ai mieux mange que toi, ce soir, Comment oa se fait? D*habitude, c*est toi qui
manges te plus.
| lonesco ,
La cantatrice chauve,
sc. i) **.
Peut-on pa,rler de redondance (se
*
repete >>-t-on vraiment) dans de
teIs cas oii un meme contenu se trouve formule deux fois, mais seion
des modes differents? Oui et non - FefTet de redondance etant en f,out
cas d'autant plus fort que le contenu implicite est plus limpide et
evident.
De meme que ce qul va sans dire va mieux en le disant, de meme
ce qui va en le disant implicitement va mieux en le disant explicitement
- pour un discours du moins dont l'objectif est de se conformer (ce qui
n'est pas toujours, loin de la, le cas) a la 4* maxime de Grice : * Soyez
clair, >>
2.4. LE STATUT DE L'ILLOCUTOIRE DERIVE
,., - ear pour elle la parole est toujour s caresse ou agres-
sion,
jamais miroir de v6rit6 - .,.
(Michel Toumier, Le Roides Aulnes,
Gallimard << Folio * 1978, p. 33.)
<< Dans la conception d'Austin, le langage, loin de n'et.re qu*un moyen
de representer la realite ou la pensee, est un dispositif ou une institution
permettant d'accomplir des actes qui n'existent que dans et par cette
institution - comme l'acte de " marquer un but " n*existe que dans et
par l'institution du footbalL Ces actes qu'on accomplit dans la parole
sont, comme ceux qu'on accomplit dans les jeux, gouvernes par des
regles
*
(F. Recanati, 1979, c), p. 10); il aura fallu un certain nombre
d'annees pour que la linguistique se deci.de a prendre au serieux une
telle conception; a en tirer les cons6quences theoriques, et a les assimiler
pour de bon au corps d'hypotheses qui la fondent. Mais c'est dorenavant
pour elle, a notre sens, un acquis irreversible.
Que les enonces verbaux fonctionnent comme des actes, au meme
titre que ies comportements non verbaux; que
dire,
c'est
aussifaire:
on n'a pas fini d'explorer les territoires qu'ouvre a l'investigation lin
guistique l'hypothese austinienne; hypothese 1umineuse, infiniment pro-
ductive, eminemment juste (a nos yeux bien sur), qui permet a la
linguistique d*etendre considerablement son champ de pertinence, et de
sort;ir de son splendide isolement immanentiste pour venir nouer des
liens organiques avec la psychologie, la sociologie, 1<< ethnographie de
la comm unication -" >> la theorie des inte ractio ns (verbales et non ver-
bales), et des actions (verbales et non ve.rbales).
Les differents types
57
Cax il est certain que la theorie des actes de langage ne truuvera
consistance et solidite que lorsqu'elle parviendra a s'integrer daii^ une
theorie generale des actions '* - ce qui n'est pas encore le cas. On peut
le deplorer, et considerer que cela hypotheque les developpeuients
actuels de la praginatique. Mais ce n'est certainement pas une ruison
pour recuser, avec Berrendonner
(1981,
a) et b)), l'existence meme des
<< speech a cts >> sous le pret exte un peu sim plet qu * il n*y a d'aetr que
s'il y a pratique gestuelle
>> i.e.
quelque cfaose qui
*
s'accomplu avec
les mains, les pieds, les dents, les yeux, mais eti aucun cas avec des
signifies verbaux * (1981, a), pp. 80-81). Ainsi donc, si je souIeve mon
chapeau pour saluer quelqu'un, j'accom plis un acte authentique '"' Mais
si je dis
<<
salut
*
je ne realise qu'un
<<
ersatz
*
d'aote.
Sans trouver pour autant pIace dans la liste noire de ceux qui ;euls,
d'apres Berrendonner (1981, a), p. 84), peuvent adme ttre en depit du
*bon sens>> que l'enonciation de *je vous promett.* constitue piopre-
ment un acte, Pacte de promesse - philosophes, juristes et speciaIistes
d<< interp retati ons perverses * -
**,
j'a vou e que lu definition - ciaire *
qu'il propose de la not;ion d'acte ne me permet pas de sa,isir ciaJrement
la difference entre les deux types de saluts evoquss plus hau t n'y a-
t-il pas dans les deux cas un comp6rtement corporel donne, auqueI
s'att ach e par con vention un. certai n signifie, Iequel perm et au sigiufiant
de fonctionner comme un acte specifique ayant ute valeur speafique
(en l'occurrence de /salut/)?
Pour Berrendonner, les pretendus * aetesj&Jajjgaj*e^
des*^nEb^5Hts^oix^^^ que
vouHnTagir7on ne ferait appel aux procedes verbaux que lorsque la
realisation non verbale de l'acte concerne serait par trop * incomuiode *.
Nous ne reprendrons pas ici point par point son argumentation, parfois
assez acrobatique (lorsqu'il s'agit par exe.rnple pour lui de deiiioutrer
que dans les ffnrases iitterrogatives la valeur interrogative est de ;vee,
ou que dans
*
Je vous jure que Pierre est. venu >> la va eur illocuic:re a
le statut d'un sous-entendu - d'un * genre tres special
* ^
certes). et qui
repose essentiellem ent su.r ies principes d'econoin e et. de geuci :ilite
descriptives : devant .la recurrence impressionnanle d'expressions ielies
que * cout theorique *, * rend emen t. >> << onere ux -. <* pay ant >> - nous
prend parfois a rever, absurdement;, de descriptions pronant la dep>-nse,
voire le gacbis, comme principe meta-theorique..
Relevons ce petit detail tout de meme, qui ne nous iraporte pas que
pour des raisons d'ordre linguistique : a propos de * Ah, je ris d%. m.e
voir si belle en ce nii.roir *, Berrendonner declare que Margueriij
*
au