Keith Haring VG A6 def - WordPress.com...Keith Haring répétait vouloir faire de l’art pour tous,...

40
FR GUIDE DU VISITEUR KEITH HARING 06 DÉC. ’19 — 19 AVR. ’20

Transcript of Keith Haring VG A6 def - WordPress.com...Keith Haring répétait vouloir faire de l’art pour tous,...

  • FR

    GUIDE DU VISITEUR

    KEITH HARING

    06 DÉC. ’19 — 19 AVR. ’20

  • 1

    2

    3

    4

    5 6 7

    8

    8

    91. INTRODUCTION2. PREMIÈRES ŒUVRES

    3. ACTIVISME VISUEL

    4. ART IN TRANSIT

    5. CLUB 57 ET ESPACES D’EXPOSITION ALTERNATIFS

    6. POP ART LIFE

    7. DESSINS

    8. ACT UP FOR LIFE

    9. BLACKLIGHT ROOM

  • KEITH HARING 06 DÉC. ’19 — 19 AVR. ’20

    Cover: Keith Haring © Baptiste Lignel

  • IntroductionLa carrière brève mais influente de Keith Haring s’est presque entière-ment déroulée dans les années 1980. Haring s’est imposé comme une icône de cette décennie. Les fêtes, les expérimentations sexuelles et ar-tistiques, un mouvement homosexuel militant, les premiers clips vidéo et joysticks, la musique festive de Madonna, Grace Jones et Prince, le hip-hop, les couleurs fluo et les gratis ont marqué cette période. Mais l’on retiendra aussi des aspects plus sombres : la course à l’armement atomique, les manifestations contre l’énergie nucléaire, l’apartheid, la main de fer de Reagan et Thatcher, le virus du SIDA qui a fait l’eet d’une bombe… Les artistes ont porté l’art dans la rue. Chaque couleur, chaque trait avait une portée politique. En tant qu’artiste et activiste, Haring était l’enfant de son époque. À défaut d’être la première, cette rétrospective est la plus complète jamais organisée en Belgique. BOZAR tenait absolument à exposer Haring aujourd’hui. Car son œuvre reste pleinement d’actualité. La re-cherche d’identité de genre, l’aspiration à un monde durable et – mal-heureusement – le racisme sont encore à l’ordre du jour. Quant à la lutte mondiale contre le SIDA, elle est encore loin d’être gagnée. L’art en soi ne peut sauver le monde. Les artistes peuvent toutefois changer notre regard sur une réalité souvent sombre. C’est ce qu’a fait Haring, de ses premiers collages à ses dernières fresques murales, en nous tendant un miroir sans concession.

  • Keith Haring artwork, Nelson Mandela 70th Birthday Tribute, 1988

    © Keith Haring Foundation

  • ACTIVISME VISUEL Pour Keith Haring, un artiste est « un porte-parole d’une société à un moment donné de l’histoire ». Dans ses peintures et ses dessins, il utilise une iconographie accessible pour dénoncer des phénomènes comme le racisme, la guerre nucléaire et les dérives du capitalisme, ou encore ce qu’il considère comme un détournement de la religion à des fins d’oppression. La conception d’aches lui permet de se positionner plus ouvertement comme un artiste engagé  puisqu’il les fait imprimer en prenant tous les frais à sa charge et les distribue lui-même au cours de manifestations. Cette ache est l’une de celles créées par Keith Haring en l’honneur du 70e anniversaire de Nelson Mandela. Haring se sent très concerné par les thèmes du racisme et les systèmes d’oppression étatique. Il dénonce ainsi l’apartheid dans plusieurs de ses toiles et aches. « Tous ces his-toires d’ ’expansion’, de ‘colonisation’ et de ‘domination’ des Blancs sont remplies de détails horribles d’abus de pouvoir et de maltraitance des hommes. Je suis heureux d’être diérent. Je suis fier d’être homo. Je suis fier d’avoir des amis et des amants de toutes les couleurs. J’ai honte de mes ancêtres, je ne suis pas comme eux ».

    Julia Gruen, directrice du studio de Keith Haring à partir de 1984, a aussi été l’une des plus proches amies de Keith Haring. En 1989, l’artiste l’a choi-sie pour être la directrice de sa fondation, la Keith Haring Foundation. Le 15 février, elle sera à BOZAR pour nous parler d’art et d’activisme bien sûr, mais elle évoquera aussi ses liens d’étroite amitié avec l’artiste.

  • Keith Haring artwork, Drawing on New York Subway Map, c. 1981-1982

    © Keith Haring Foundation

  • ART IN TRANSIT« L’art, c’est pour tout le monde ! » : Keith Haring en était convaincu. À son arrivée à New York, il voit immédiatement dans l’espace urbain et ses rues des lieux légitimes d’expérimentation artistique. Il se met à investir le métro pour y réaliser des dessins (les « Subway Drawings »), l’occasion pour lui de collaborer avec des artistes grati qu’il admire, sans toutefois les imiter directement. Entre 1980 et 1985, armé de craies, il dessine des milliers de gratis sur le papier noir qui sert à recouvrir les panneaux publicitaires inutilisés. Ces dessins anonymes sont de véritables performances publiques spontanées qui le hissent au rang de phénomène médiatique. Victimes de sa notoriété grandissante, ses dessins intéressent de plus en plus de gens qui n’hésitent pas à les em-porter chez eux. Haring décide alors de mettre un terme à cette forme de production artistique. Keith Haring répétait vouloir faire de l’art pour tous, y compris pour les enfants en qui il voyait des collaborateurs et non de simples specta-teurs. En 1986, avec un millier de jeunes New-Yorkais, il crée une fresque d’une hauteur de dix étages représentant la Statue de la Liberté. En 1989, quelques mois avant son décès des suites du SIDA, Haring re-crute 500 jeunes talents d’écoles publiques pour réaliser une fresque de près de 150 mètres de long en plein cœur de Chicago. « Qui que je sois d’autre », écrit-il dans un court texte, « je suis sûr d’avoir été un bon camarade pour de nombreux enfants. Qui sait, j’ai peut-être touché leur vie au point qu’ils aient quelque chose à transmettre plus tard ».

    En collaboration avec Cultureghem, BOZAR a conçu spécialement pour les enfants une CREATE BOX qui sera disponible durant le Family Day (28 et 29 mars) et à KETMET à partir du 1er avril. Cette boîte, remplie de ma-tériel créatif, invitera les enfants à partir à la découverte de Keith Haring et à trouver dans son art une source d’inspiration.

  • Keith Haring, Malcolm McLaren - “Would Ya Like More Scratchin’?”, 1984,

    Collection Noirmontartproduction, Paris. © Keith Haring Foundation

  • CLUB 57 ET ESPACES D’EXPOSITION ALTERNATIFS

    À New York, Haring prend ses quartiers dans l’East Village, dans le Lower Manhattan, un endroit qui abrite à l’époque une communauté hétéroclite d’artistes attirés par les loyers modiques. Comme ils n’ont que rarement l’occasion d’exposer dans les galeries traditionnelles, ils investissent des espaces alternatifs et y exposent leur art dans le contexte d’une scène de clubbing trépidante. Ils s’approprient aussi les techniques DIY des pionniers du mouvement punk, en utilisant des photocopies, dont l’aspect dégradé en noir et blanc semble exprimer toute l’économie et l’énergie de cette époque. Haring conçoit des modèles d’ache et de dépliant pour ses propres activités mais aussi pour celles de ses amis. Haring marquera cette scène artistique underground, notamment en organisant des expositions au Club 57, un club niché dans la cave d’une église polonaise à St Mark’s Place. L’ambiance fleure bon l’anarchie for-melle, l’improvisation et l’hédonisme. Au début des années 1980, Haring organise également des expositions de street art au Mudd Club. Fou de disco et de house music (« garage music »), il fréquente assidûment le Paradise Garage, un nightclub légendaire, et conçoit des pochettes de disque pour des artistes comme Malcolm McLaren, The Peech Boys et Sylvester.

    Le 15 février, FOR ALL QUEENS! propose une représentation et l’une des sources d’inspiration de Keith Haring avec Vogue Take Ovah - The Old Way/New Way experience. Et le 2 avril, BOZAR présente une anthologie orale de la poésie de l’icône parisienne, créatrice de mode, musicienne et peintre Vava Dudu (conçue par Alberto García del Castillo et traduite par Geo Wyeth).

  • Keith Haring artwork, Pop Shop © Keith Haring Foundation

  • POP ART LIFEKeith Haring voulait renforcer et élargir les interactions entre l’artiste et son public. Il disait vouloir réaliser des œuvres associant « musique, performance, mouvement, concept et art ». Le processus de création de sa peinture en fait une véritable performance. Au milieu des années 1980, au faîte de sa gloire, il expose aux quatre coins du monde et ses peintures et projets réalisés dans l’espace public deviennent des évé-nements particulièrement festifs. Haring aimait travailler en musique, ce qui attirait bon nombre de journalistes et de badauds. « Chaque jour ressemblait à une grande fête de quartier ». Il élargira encore la gamme de produits de merchandising en collabo-rant avec des créateurs de mode comme Malcolm McLaren et Vivienne Westwood, et avec toute une série d’artistes, comme Grace Jones et Bill T. Jones. Madonna, à l’époque sur le point de devenir une star planétaire, chantera Like a Virgin lors d’une de ses célèbres fêtes d’anniversaire re-baptisée « Party of Life ».En 1986, Haring ouvre son Pop Shop dans le Lower Manhattan, à New York. Sa signature iconographique est à présent reconnaissable dans le monde entier et l’on s’arrache ses t-shirts, badges et autres aches qui rendent son art et ses idées abordables pour tous. Sous la direction et avec les encouragements d’Andy Warhol, Haring réussit à faire de son Pop Shop un prolongement de sa pratique artistique.

    Le 2 février, l’exceptionnel chorégraphe, réalisateur, auteur et performer américain Bill T. Jones viendra nous parler d’ethnicité et de sexualité, de l’avant-garde et de la New Wave du New York des années 1980. Bill T. Jones reviendra surtout sur ses collaborations avec Keith Haring, notam-ment la séance de body-painting à laquelle il s’est prêté en 1983.

  • Keith Haring artwork, Silence = Death, 1989

    © Keith Haring Foundation

  • ACT UP FOR LIFESon triangle rose enrichi du slogan Silence = Death et datant de 1989 avait déjà été adopté comme symbole de l’activisme LGBTQ dans les années 1970. Il s’agit d’une récupération du symbole utilisé sous l’Allemagne na-zie pour identifier les homosexuels, bisexuels ou transsexuels emprison-nés dans les camps de concentration. Le groupe activiste Act up ne tarde pas à reprendre ce triangle, et son slogan Silence = Mort, pour en faire un de ses principaux logos. Haring se joint à leurs manifestations et réalise pour le mouvement une série d’aches. Il crée de nombreuses images puissantes, participant ainsi activement à la sensibilisation au SIDA et aux eorts de prévention et de lutte contre la maladie. En 1989, il écrit : « Je suis bien conscient qu’il y a de fortes chances que j’aie le SIDA ou que je l’attrape un jour. La probabilité est très grande et d’ail-leurs, les symptômes sont déjà là. Mes amis tombent comme des mouches et je sais au plus profond de mon cœur que si je suis encore en vie, c’est uniquement grâce à l’intervention divine. J’ignore s’il me reste encore cinq mois ou cinq ans, mais je sais que mes jours sont comptés. C’est pourquoi j’attache aujourd’hui une telle importance à mes activités et à mes projets. Je veux faire le plus possible, je veux aller vite. Je suis convaincu que ce qu’il en restera après ma mort est susamment important pour que je sacrifie mon luxe personnel et mes loisirs. Le travail, c’est tout ce que j’ai et l’art est plus important que la vie.  » Conscient qu’il n’en a plus pour très longtemps, il crée en 1989 la Keith Haring Foundation qui, aujourd’hui encore, soutient des organismes et des associations caritatives de lutte contre le SIDA ainsi que des jeunes marginalisés. Le 16 février 1990, Haring meurt de complications dues au SIDA. Il avait 31 ans.

    Le 11 février, BOZAR accueille pendant une journée des débats et des discussions sur le SIDA et la vie des séropositifs aujourd’hui. Positive Expressions: Art, HIV and I passera en revue les tabous qui subsistent, examinera les réalités quotidiennes et proposera des témoignages per-sonnels au travers d’opinions et de l’art contemporain.

  • DICTIONNAIRE VISUEL

    CHIEN ABOYEUR «  Mon père dessinait pour moi des personnages de bandes dessinées et ils ont fortement influencé mes dé-buts – une ligne ininterrompue et les contours simples que l’on voit dans les bandes dessinées. »

    Enfant, Haring adorait dessiner avec son père, Allen. Surtout des chiens, perçus à la fois comme des animaux protecteurs ou des prédateurs, qui aboient pour attirer l’attention, pour avertir ou exprimer leur colère.

    LE BÉBÉ«  La raison pour laquelle le bébé est devenu mon logo, ma signature, est que c’est l’expérience la plus positive, la plus pure de l’existence humaine. »

    Malgré un certain cynisme à l’égard du monde et de son époque, Haring s’est toujours senti proche des enfants, dont il appréciait la sincérité et l’hon-nêteté. L’omniprésence du bébé rappelle l’optimisme qui sous-tend son œuvre. Haring crée son chien aboyeur et son bébé au début des années

  • 1980, lorsqu’il commence à tagger dans l’espace public sous l’influence de la scène new-yorkaise du grati. Ses tags deviendront peu à peu les idéogrammes emblématiques de l’artiste, et resteront tout au long de sa carrière l’une de ses « marques de fabrique ».

    NUCLÉAIRE «  Je vis sous la menace d’une pos-sible destruction sous la forme d’une guerre nucléaire, etc. Et ce qui compte aujourd’hui le plus pour moi, c’est le présent. »

    Ayant vécu à l’époque de la guerre froide, Haring était profondément conscient du risque de guerre nucléaire. En témoigne l’utilisation récurrente du symbole atomique, même dans des œuvres sans aucun rapport avec ce thème. Enfant, il a connu la crise des missiles de Cuba en 1962. Plus tard, en 1979, les États-Unis allaient connaître le plus grave accident nucléaire de leur histoire, la catas-trophe de la centrale de Three Miles Island, située à seulement 40 km de sa ville natale, Kutztown. Ces événements permettent de mieux comprendre l’engagement de Keith Haring en faveur du désarmement nucléaire, que l’on retrouve dans ses œuvres.

  • TV«  Toutes ces couleurs pop, c’était vraiment incroyable ! »

    Enfant, Haring est fasciné par la télé-vision, en particulier par les dessins animés. Lancée en 1981, MTV (Music Television) allait influencer l’imaginaire, la culture et les goûts de toute une génération en popularisant les clips musicaux et en diusant prin-cipalement une culture jeune. La chaîne influencera aussi directement la carrière de Haring. Il y fait une apparition avec le groupe Duran Duran. On le retrouve aussi aux côtés d’Andy Warhol, dans le clip de I’m Not Perfect (But I’m Perfect for You) de Grace Jones.

    VISAGE À TROIS YEUX «  Cet ‘idéogramme’ est devenu cette référence profonde au troisième œil et à l’inconscient, quelque chose de presque paranormal. »

    Haring conçoit ce motif un peu par hasard. Alors qu’il peint un visage souriant, il se rend compte que les yeux sont trop espacés. Pour équilibrer l’image, il ajoute un troisième œil. Le public y voit une référence spirituelle au troisième œil et c’est ainsi qu’il l’utilisera désormais.

  • AUTOUR DE KEITH HARING 06.12.2019 · 20:30 TALK: East Village and the Underground Artistic Scene of New York in the Early 80s Avec Leonard Abrams, Gil Vasquez, Dany Johnson & invité belge.

    11.01.2020 · 16:00 - 21:00 SPECIAL DAY : Positive Expressions: Art, HIV and I Collaboration : Ex-aequo

    28.01.2020 · 19:00 DOCUMENTAIRE : The Universe of Keith Haring Collaboration : Jeunesse & Arts Plastiques, jap.be

    12.02.2020 · 20:00 TALK avec Bill T. Jones Keith Haring, my friend and collaborator Soutien : Open Society European Policy Institute

    15.02.2020 · 19:00 – 01:00 SPECIAL EVENING: 1990-2020: 30 Years Already 19:00 TALK WITH JULIA GRUEN (Directrice de la Fondation Keith Haring) 20:30 FOR ALL QUEENS! presents; Vogue Take Ovah - The Old Way/New Way experienceCoproduction : FOR ALL QUEENS!

    02.04.2020 · 21:00 PERFORMANCE : Vava Dudu

  • 12.12.2019, 30.01, 27.02, 26.03, 16.04.2020 · 19:00 - 20:30 WALK WITH ME (€ 14: walk + expo ticket) Avec: Chille Deman, Dema, Rachael Agnes Moore, Jaouad Alloul & Gia Abrassart

    28 & 29.03.2020 · 10:00 – 17:00 FAMILY WEEKEND (6+) (€ 9) Partenaires : Circus Zonder Handen, Cultureghem, Fais le trottoir

    04.04.2020 · 10:00 SLOW ART DAY (gratuit avec ticket expo)

    Tous les vendredis 12:30 LUNCH TOUR (€ 13) Tous les samedis 14:30 – 16:00 PARCOURS DÉCOUVERTES EN FAMILLE (6>12) (€ 9) Sauf 28.03.2020

    CATALOGUE BOZAR BOOKS & Mercatorfonds (FR, NL 128p.) TATE Publishing (ENG 128p.) € 19,95 (BOZAR BOOKSHOP)

  • KEITH HARINGHead of Exhibitions Sophie LauwersCurators Darren Pih, Tamar Hemmes (Tate Liverpool)Curatorial Project Coordinator Alberta Sessa in collaboration with Marie ClaesScenography Bold at Work, Émilie LecouturierHead of Production Evelyne HinqueTechnical Coordinators Frédéric Oulieu, Gert Baart, Colin FincoeurPublication Coordinator Gunther De WitPress O¡ cer Leen DaemsAudience Developer Sylvie VerbekeAudience Engagement Laurence Ezjin, Melat Gebeyaw Nigussie, Lieve RaymaekersCuratorial Coordination Public Programme Alberta Sessa in collabora-tion with Juliette Le Corre This exhibition is organised by Tate Liverpool in collaboration with BOZAR, Centre for Fine Arts Brussels and Museum Folkwang, Essen.

    Sponsor

    Support

  • BOZAR, Centre for Fine Arts

    Chief Executive O¡cer – Artistic Director Paul Dujardin Director of Operations Albert WastiauxDirector of Finances Jérémie LeroyDirector of Human Resources Ignace De BreuckHead of Exhibitions Sophie LauwersHead of Music Ulrich Hauschild Head of Cinema Juliette DuretHead of Artistic Policy Development Anna Vondracek Head of Marketing & Communication Sandrine DemolinCommercial Manager Luc PréauxDirector of Technics, IT, Investments, Safety & Security Stéphane VanreppelenDirector of General Administration Didier Verboomen

    With the dedicated support of: Axelle Ancion, Rudi Anneessens, Olivier Boruchowitch, Oriane Brabants, Guillaume Creusat, Kurt De Boodt, Ingrid Deketelaere, Pierre de Mûelenaere, Johan De Smet, Justine Detienne, Ann Flas, Hélène Fraipont, Annik Halmes, Koenraad Impens, Tanguy Janmart, Bart Janssen, Marc Jacobs, Dody Kabeya, Vera Kotaji, Elke Kristoersen, Méline Lemaire, Anne Malmendier, Joëlle Massau, Chantal Matthys, Raphaël Miles, Gaspard Noesen, Pedro Oosterlynck, Anamaria Pazmino, François Pettiaux, Lotte Poté, Olivier Rouxhet, Maarten Sterckx, Pamela Stuyck, Karl Van den Broeck, Matthieu Vanderdonckt, Muriel Vanderick, Tom Van de Voorde, Frederik Vandewiele, Tine Van Goethem, Chloë Vanneste, Guilliana Venlet, the BOZAR Art Handlers, BOZAR guides, BOZAR hosts.

  • POÉSIE POUR KEITH HARING

    SOUS LA DIRECTION DE CHRIS KRAUS

    RUBY BRUNTONROBERT DEWHURST

    CECILA PAVÓNFAITH WILSON

    STEVEN ZULTANSKI

  • Cinq poètes se laissent inspirer par Keith Haring

  • RUBY BRUNTON Comme l’eau dérive et tourne lentementLe métro de New York Une toile blanche Attend Chaque mur appelle à la disruption Doucement Précisément Laisse ses traces Les yeux arrondis ont leurs paillettes Pic pelucheux

    Bouche ouverte flanquée de cochons Joue de chérubin Le monde entier s’étou e sur ces ExplosionsDe joie Un simple ensemble de lignes devient signature L’homme communie avec la terre L’homme communie avec la bête

    Les espaces blancs s’emplissent de grincements de craie La propriété N’est pas recherchée Jamais nécessaire Explications pour tous pour faire Un enfantUn bébé Un chien DJ L’éclat de dents de lait

    Traînée de sueur sur poitrine concave Shorts courts au séant usé Ne demandez point le sensLe plaisir tient à l’observation Le plaisir tient au processus Nous sommes Ensemble à bord de ce train Personne n’est là pour frimer

  • Le corps de dame Grace est couvert Le corps de la Madone est couvert Les immeubles sont couverts Les livres d’école sont couvertsChaque espace ouvert Une invitation

    Isthme entre rue et tour Un coup contre la cour Les flammes approchent Aile de phalène posée sur la bouche Une lumière dehors avant la nuit

    Quelque part, les train filent encore Un coq vole Un bébé auréoléSchéma extraordinaire

    Ne demandez point de faveurs Œil qui voit Tout est au vu de tous Doucement Précisément

  • ROBERT DEWHURSTIl n’est plus là Sonnet pour Kevin Killian

    L’art est la vie. La vie est l’art. L’importance de l’un comme de l’autre est tout à la fois exagérée et incomprise. - Keith Haring

    Aujourd’hui, levés à l’aube, nous avons marché jusqu’à Kite Hill

    Où Bruce a dit qu’il avait couché avec 4000 hommes

    Ça te choque ? Je me représente Keith Haring, son Untitled,

    de 1979, un champ de pénis pour motif floral, à cette époque-là

    Un poète, as-tu dit, aurait donné un nom aux plantes

    À la trace je t’ai vu en bourdon, pollinisant

    Tout, un sentiment d’éclat de soleil orange,

  • Kevin nous t’aimons lève-toi. Je croyais l’art infini,

    Insatiable, « pâture éternelle », comme, tu sais,

    « pliée de pensée », les empreintes de main ocres sur la pierre,

    Keith Haring vendant des t-shirts des Grateful Dead à leur concert à St Paul,

    En mai 77, avant que tu ne veuilles être un génie, & que tu ne le sois

    J’entendrai ta voix dans ce monde d’échos,

    Tes potins dans ce jardin des délices

  • CECILA PAVÓN Sans titre La manière dont l’art nous atteint remonte toujours à notre enfance.Je suis née près de la cordillère des Andes dans une province agricole dépourvue de musée.Durant mon enfance, l’art se trouvait dans les livres.et ces livres n’évoquaient que l’art européen,(le grand art européen produit à Paris au début du XXe siècle).Lorsqu’à treize ans j’ai vu pour la première fois un dessin de Keith Haringsur une carte postale chez une amie, je ne pouvais imaginer que c’était de l’art.Un art qui n’est pas de l’art :Maintenant je crois que c’est la principale fantaisie de tout artistecelle de faire de l’art qui n’est pas de l’artou tout au moins est-ce mon rêve de poète : faire de la poésie qui n’est pas poésie.Je travaille à la maison alors que je dois sortirafin de chercher un mandat-poste qui m’est adressé depuis la Belgiquepour l’écriture de ce poème inspiré de l’œuvre de Keith Haring.Jamais par le passé je n’ai été payée pour écrire un poème. Je vis à Once, un quartier que l’on pourrait comparer à celui de Brooklyn en 1983.Je sors à l’heure de la sieste, le soleil resplendit dans l’airil y a une camionnette garée en double file dans la rue Alberti

  • partout il y a des tags, tout mon quartier est saturé de gra¯tis.Les traits noirs réalisés au marqueur sont autant de niches où se réfugier,ou des portées sans règle, les gra¯tis étant des portées sans musique pour danser.Je vais au supermarché de la rue Alberti,alors qu’à plusieurs milliers de kilomètres au nord, l’Amazonie brûle.Depuis les élections le prix de la nourriture augmente de manière a olante.Mais les gens sourient, c’est un vrai mystère, ils se croisent au café, ils s’embrassent, ils discutent, ils se sourient, ils s’embrassent, c’est un vrai mystère de voir comme ils sont souriants. Je pense à un art qui n’est pas de l’art, un art qui n’est pas de l’art, un art qui n’est pas de l’art, et à la poésie qui n’est pas poésie.Je suis sûre que s’il était encore vivant, Keith Haring nommerait son art religion.

  • FAITH WILSON Chanson d’amour pour Keith Haring et New YorkKeith, embrasse-moi pleinement sur la bouche dans le métro de New York. Je suisEn avance cette fois, j’ai eu envie de saisir la ville avant qu’elle ne se réveille, je voudrais la connaître de l’Intérieur. Oui, le métro est un peu le système nerveux de la ville, qui a ses secrets, qui raconteTant d’histoires, et nous ne sommes pas di érents : deux amants qui cherchent àtrouver un coin pour baiser sans être vus.Hier et aujourd’hui, amour et mort sont deux mots qui disent la même chose.

    Hier et aujourd’hui, les trains font la basse et les rues chantent, et les couleurs, et la douleur et l’Amour. Oh, ceci n’est pas qu’une ode cucul à l’amour ou au sexe, c’est une ode cucul aux rues quiRaconte que toute la putain de beauté de cet endroit naît d’uneInterruption, métamorphosée en une sorte de joie fêlée, une ville qui ne dort jamais parce que seule laNuit donne une idée du réel. Tu n’étais pas qu’un Génie, mon dieu, tu étais son cœur, pour un moment, maintenant, pris dans son étreinte éternelle.

  • STEVEN ZULTANSKIUne boucle pour Keith Haring

    Ce que j’aime dans l’œuvre de Haring, c’est que son propos est direct : quand il cherche à faire porter notre attention sur la crise du sida, c’est précisément ce qu’il fait ; quand il cherche à condamner l’apartheid, c’est précisément ce qu’il fait ; quand il cherche à dépeindre Reagan comme un porc meurtrier, c’est précisément ce qu’il fait. Je ne crois pas qu’on puisse douter de ses positions poli-tiques : la colère de ses tableaux vis-à-vis des injustices raciales et sexuelles n’est pas ambiguë. Mais cette colère est immédiatement éclipsée par l’excès de joie que l’on discerne dans le mouvement incessant de l’œuvre et sa célébration de l’éclat de la vie, de l’extase collective et du rayonnement de l’amour.

    Ce que j’aime dans l’œuvre de Haring, c’est que son propos est direct : quand il cherche à célébrer l’éclat de la vie, c’est précisément ce qu’il fait ; quand il cherche à représenter l’extase collective de la danse, c’est précisément ce qu’il fait ; quand il cherche à évoquer le rayonnement de l’amour, c’est précisément ce qu’il fait. Je ne crois pas qu’on puisse manquer de percevoir son enthousiasme : la vitalité du débordement de joie de ses tableaux n’est pas ambiguë. Mais cette vitalité est immédiate-ment éclipsée par la terreur sous-jacente que l’on discerne dans le mouvement incessant de l’œuvre et sa conscience d’une frayeur existentielle, de l’instabilité du corps et de l’incertitude psychique.

    Ce que j’aime dans l’œuvre de Haring, c’est que son propos est direct : quand il cherche à suggérer une frayeur existentielle, c’est précisément ce qu’il fait ; quand il cherche à illustrer l’instabilité du

  • corps, c’est précisément ce qu’il fait ; quand il veut évoquer le tremblement de l’incertitude psy-chique, c’est précisément ce qu’il fait. Je ne crois pas qu’on puisse ignorer son anxiété : les corps qui tremblent, les cœurs prêts à éclater et les figures perdues dans des paysages inscrutables et laby-rinthiques de ses tableaux ne sont pas ambigus. Mais cette anxiété est immédiatement éclipsée par une foi en la fantaisie que l’on discerne dans le mouvement incessant de l’œuvre et son idéalisation de l’imagination, le mélange des corps et la brillance impossible du monde.

    Ce que j’aime dans l’œuvre de Haring, c’est que son propos est direct : quand il cherche à inventer d’étranges créatures, c’est précisément ce qu’il fait ; quand il cherche à romantiser le mélange des corps, c’est précisément ce qu’il fait ; quand il cherche à peindre un monde à la brillance impossible, c’est précisément ce qu’il fait. Je ne crois pas qu’on puisse prendre ses courbes pour de mornes descriptions : la fantaisie d’où émergent ses tableaux n’est pas ambiguë, ils jaillissent du rêve et de l’intuition. Mais cette acceptation du fantastique est immédiatement éclipsée par une véhémence politique que l’on discerne dans—

    j’ai le sentiment d’être une tomate éclatée— cœur plein, sans sommeil, la tête pendue à une nuque brisée— il n’y a pas de mots pour ce que je ressens— de ma tête s’écoule du jus, jaillit du jus, du jus coule le long de mon bras— de petites graines insaisissables s’accrochent à mes doigts.

  • CHRIS KRAUSImpossible brillance – postface

    Quand Tom Van de Voorde m’a invitée à com-mander ces réponses à l’exposition à cinq poètes, j’étais curieuse de la perception qu’en auraient ces cinq écrivains jeunes et, pour la plu-part, internationaux. Je vivais à New York durant les années où Haring a produit l’essentiel de son œuvre publique. Celle-ci m’a instinctivement déplu et je n’y avais pas repensé depuis. Le mo-ment était peut-être venu de reconsidérer ces préjugés.Cecilia Pavón, dans son poème « Sans titre », se souvient de sa première rencontre avec l’œuvre de Keith Haring à l’âge de treize ans, en gran-dissant dans une région agricole en Argentine. Elle en avait vu une carte postale chez une amie et sut immédiatement que «  ce n’était pas de l’art  » – du moins, pas de l’art tel qu’elle avait l’habitude de le voir, dans les beaux livres sur le modernisme européen d’avant-garde – et aspira

    alors à écrire des poèmes « qui ne soient pas des poèmes », comme elle le montre habilement ici.Ruby Brunton, Robert Dewhurst, Faith Wilson et Steven Zultanski sont tous nés dans les années 1980 et 1990, leurs réactions à l’œuvre de Keith Haring se dégagerait donc de son contexte écrasant  : l’East Village des années 1980. J’imagine son travail traversant le temps pour flotter vers eux comme une pluie de météorites.Je me souviens d’avoir découvert chaque nou-veau dessin de craie de Keith Haring apparu dans le métro d’Astor Place avec frayeur. Le lexique personnel enjoué et cartoonesque de Haring – le cœur brillant, l’enfant radieux, les bonhommes bâtons en train de danser – me faisaient à la fois l’impression d’une fin et d’un commencement.Son travail suivit de près une période époustou-flante d’art de la rue au sud de Manhattan com-

  • mencée vers la fin des années 1970. Proches du gra¯ti, ces œuvres transmettaient un flux régu-lier de messages subliminaux à chaque piéton. Prolifiques, insistantes, elles représentaient le beat visuel de notre paysage urbain. Le jeune Jean-Michel Basquiat et son ami Al Diaz vapori-saient stratégiquement leurs tags SAMO, cyni-quement sous copyright, devant le CBGB et les espaces minimalistes discrets du monde de l’art. SAMO© POUR L’ART SOI-DISANT D’AVANT-GARDE ; SAMO© POUR LES DÉSIRS MENTAUX DES MASS-MEDIA. SAMO signifiait Same Old Shit (« Toujours la même merde »), c’était alors le cas et cela faisait du bien que quelqu’un le dise. Les étranges a¯ches de Jenny Holzer, ses longues listes de coq-à-l’âne, apparaissaient par intermittence, collées à l’amidon de blé sur les lampadaires et les panneaux d’a¯chage. Les plus fortes de ces interventions urbaines ne se sont, pour certaines, jamais pliées au système des galeries. On voyait des silhouettes de corps tracées en rouge sur le trottoir, venues tout droit d’une scène du crime, obligeant le spectateur à

    pénétrer l’espace d’un corps absent. On trouvait des douzaines de silhouettes noires menaçantes dessinées sur le mur à côté de sombres coins de rue et d’allées interstitielles.Dans ce contexte, les figures et symboles ave-nants et enjoués de Haring semblaient apparte-nir au même monde que le nouveau restaurant mexicain qui servait des margaritas bleues : un signe annonciateur de l’embourgeoisement qui mettrait vite fin aux appartements bon marché et aux vies vécues au moyen de petits boulots à temps partiel. Comme la plupart de mes amis, j’avais décidé de le haïr. Alors même, bien sûr, que l’art de la rue agressif et brutal qui nous pa-raissait si pur et radical n’était pas moins sujet à la cooptation que lui. Vous vous souvenez des rouges à lèvres et vernis à ongle Urban Decay ? Dès lors qu’elle a été éliminée du monde réel, la noirceur urbaine perdure sous la forme d’un cliché pitoyable. Il valait donc la peine de revenir à ces premières impressions.

  • Cecilia Pavón est l’auteure de cinq livres de poésie et de trois recueils de nouvelles. Elle vit à Buenos Aires depuis 1992, où elle était partie étudier. Comme tout le monde dit que Buenos Aires a tout de New York ou de Berlin en 1983, j’ai pensé qu’elle serait bien placée pour com-prendre Keith Haring. En réalité, Buenos Aires est bien plus splendide que ne l’était New York à l’époque et ce en partie grâce au travail et à la présence de Pavón. Entre 1999 et 2007, durant les années d’isolement de la crise économique, Pavón et sa collaboratrice Fernanda Laguna di-rigeait une sorte de solderie dans une pharma-cie désa ectée. Son nom, Belleza y Felicidad, « Beauté et Bonheur », était aussi celui d’un fan-zine qu’elles publiaient. Ses poèmes, pour moi, sont un pur bonheur, bien qu’ils ne parlent pas toujours du bonheur, ni même d’événements heureux. Comme l’a remarqué Cesar Aira, son écriture crée un monde parallèle qui se dé-ploie « comme un rêve, exactement comme la réalité ».J’ai rencontré Faith Wilson pour la première fois

    en 2017 lors d’un atelier que je dirigeais à l’Ins-titut d’Art Contemporain Plug In de Winnipeg. Wilson est une artiste et écrivaine samoane/palagie, et j’ai eu connaissance de son travail à travers une polémique notoire impliquant un illustre artiste néo-zélandais établi à Berlin, Simon Denny. La grande majorité des artistes néo-zélandais illustres de moins de quarante ans se sont expatriés. Si vous avez déjà enten-du parler d’artistes venus de Nouvelle-Zélande, c’est sans doute qu’ils n’y habitent plus. Invitée à soumettre son travail pour une exposition à Artspace, à Auckland, dont les artistes seraient choisis par Denny, elle décida de se confronter à lui, soumettant une vidéo d’elle-même en pei-gnoir rose qui condamnait le projet et Denny lui-même : « Quelle est la pertinence de Simon Denny pour ce qui concerne l’art en Aotearoa ? Et pourquoi avons-nous choisi le plus gros ar-tiste mâle blanc de Nouvelle-Zélande pour cha-peauter tout ça  ? Que Simon Denny aille se faire foutre ». Cette dernière phrase a fait sen-sation sur Instagram. J’ai pensé que l’attaque

  • de Wilson était une initiative courageuse – elle était, à l’époque, très jeune, inconnue et encore à Auckland – mais cette histoire finit bien entre eux. Denny l’invita à exposer et Wilson recon-nut que Denny n’était pas un monstre ni même un mauvais artiste. Chacun parvint à respecter la perspective et les di érences de l’autre. À Winnipeg, Wilson écrivit des torrents de poésie qui estomaquèrent tout le monde et s’installa ensuite en Colombie-Britannique. Curieuse de ce qu’elle était en train de faire et sûre de la voir éprouver l’œuvre de Keith Haring dans la vérité et l’immédiateté, je l’ai invitée à écrire pour ce catalogue d’exposition.Ruby Brunton, une écrivaine et performeuse américano-néo-zélandaise, est aujourd’hui ins-tallée à Mexico. La pratique qu’a Brunton de la chorégraphie, de la danse et de la performance est distincte de celle qu’elle a de l’écriture mais elles ont toujours évolué en tandem. Depuis qu’elle a quitté New York pour Mexico, elle s’est mise à démonter ses vieilles constructions poé-tiques, qui se rapprochaient de la forme du mo-

    nologue, pour écrire des poèmes qui sont tout à la fois plus abstraits et plus spécifiques. Comme Buenos Aires, Mexico aujourd’hui est souvent comparée à New York à la fin du XXe siècle. En regardant les dessins de Keith Haring, Ruby Brunton se projette dans son moment, mais cette projection tient strictement aux signes vi-suels de son œuvre. Il n’y a pas la moindre idée préconçue. La transmission ekphrastique sur-vient presque électriquement entre les dessins de Haring et les agrégats d’images de Brunton.Bien qu’il soit mieux connu comme chercheur et critique, Robert Dewhurst est un de mes poètes américains préférés. Je me souviens d’un vers écrit il y a dix ans quand il était encore étudiant : « Toutes mes relations sont avec des morts » (L’Interdépendance de l’interprétation et de l’émotion font de la sémiotique un champ émotif). Il venait de commencer sa biographie de John Wieners et ce projet semblait bien ré-sumer ce type d’e ort. Dewhurst et moi avons été coéditeurs pour la revue Animal Shelter – A Journal of Art, Sex and Literature (« Refuge ani-

  • malier – une revue d’art, de sexe et de littéra-ture ») – de Hedi El Kholti et, avec Eileen Myles et Lynne Tillman, nous avons organisé deux jour-nées d’hommage à l’œuvre de feu David Rattray. Il m’a semblé juste que Dewhurst choisisse de centrer ce poème de circonstance sur la mort récente et abrupte du poète Kevin Killian. Le mouvement de Dewhurst vers l’œuvre de Keith Haring est un mouvement vers la remémora-tion hyperbolique de Killian à cette époque par le poète Bruce Boone. Il transperce la légende qui entoure la carrière de Keith Haring pour atteindre une image de la jeunesse qu’ont pu partager ces deux hommes, exacts contempo-rains  : « Keith Haring vendant des t-shirts des Grateful Dead à leur concert à St Paul, / En mai 77, avant que tu ne veuilles être un génie, & que tu ne le sois… ».Dans un article du New Yorker de 2015, Kenneth Goldsmith décrit Steven Zultanski comme un modèle de ce que d’autres pourraient appe-ler une poésie « post-internet ». Certaines des œuvres précédentes de Zultanski ont presque

    exclusivement été composées à partir de textes trouvés en ligne, saisis et volés, copiés et col-lés, mais c’est par son livre-poème Honestly (« Honnêtement ») de 2018 que j’ai connu son écriture. Honestly suggère qu’il n’y a pas de véhicule plus parfait pour une biographie cri-tique subjective que la forme du long poème. Zultanski y examine la vie d’un grand-oncle, Dick Stryker, qui participa à la vie culturelle new-yorkaise du début des années 1960, en écrivant de la musique pour le Living Theatre et en fréquentant Frank O’Hara et John Ashbery. Son livre est discursif et digressif, il repousse les limites de l’expression individuelle, il parle et il écoute. Comme Zultanski semble ne rien garder par-devers lui, je voulais savoir ce qu’il ferait de Keith Haring. Sa «  Boucle pour Keith Haring  » montre comment l’œuvre de Haring oppose ses vibrations à toutes limites possibles, contenant colère, joie, peur et terreur. Détaché des poli-tiques culturelles de l’époque, Zultanski parvient à cerner l’œuvre de Haring et montre comment il perçoit l’impossible brillance du monde.

  • ColophonPoésie pour Keith Haring est un projet de BOZAR présenté en décembre 2019 dans le cadre de l’exposition Keith Haring.

    Rédaction Tom Van de VoordeTraduction Pierre-Yves Soucy (Cecila Pavón) & Martin Richet (autres poèmes et postface)Lay-out Koenraad Impens

    Merci aux auteurs, aux traducteurs et à Chloë Ballyn, Olivier Boruchowitch, Leen Daems, Kurt De Boodt, Johan De Smet, Paul Dujardin, Sophie Lauwers, Lotte Poté, Alberta Sessa, Diane Van Hauwaert, Wannes Van Ingelghem, Tomas Van Respaille, Sylvie Verbeke & Brecht Wille.