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JOURNAL POUR LES ENSEIGNANTS DE MATHEMATIQUES ET DE

SCIENCES PHYSIQUES DU PREMIER CYCLE

DE L'ENSEIGNEMENT SECONDAIRE

petit x

1992-1993 n° 32

Comité de rédaction

Antoine Bodin Rirette Guillennard Collège d'Oman LU.F.M. de Nice LR.E.M. de Besançon

Colette Laborde Bernard Capponi Equipe de Recherche en Didactique Collège Le Vergeron, Moirans des Mathématiques LR.E.M. de Grenoble Université J. Fourier - Grenoble

François Conne Alain Mercier Chercheur en didactique des mathématiques Lycée technique Jean Perrin La Romanèche LR.E.M. d'Aix-Marseille ElOy (Suisse)

René Métrégiste Ruhal Floris LR.E.M. Université Paul Sabatier Collège Voltaire Toulouse et FAPSE Université de Genève Carouge (Suisse) Nadine Milhaud

I.P.R. Régis Gras Rectorat de Montpellier I.R.M.A.R. Campus de Beaulieu Marie-Jeanne Perrin-Glorian Rennes LR.E.M. - Université Paris VII

Denise Grenier Andrée Tiberghien Equipe de Recherche en Didactique LR.P.E.A.C.S. des Mathématiques Lyon Université J. Fourier - Grenoble

Secrétariat de rédaction: Denise Grenier tR.E.M. de Grenoble

RP. 41 - 38402 Saint-Martin-d'Hères Cedex

© 1992-1993 - LR.E.M. de Grenoble - Tous droits réservés pour tous pays. ISSN 0759-9188. Directeur de publication le Directeur de l'LR.E.M. Daniel AUBERT Composition, Annie Bicais, LR.E.M. de Grenoble.

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SOMMAIRE

Didactique de la résolution de problèmes (F. Pluvinage) 5

Analyse de similarités et d'implications entre procédures d'élèves dans de

Réflexions didactiques autour d'une situation d'enseignement de l'équation

courtes démonstrations de géométrie (A. Larher) 25

Activité Itinéraires 1 (Ph. Clapponi) 41

de la droite (R. Floris) 47

Le puzzle de Lewis Carroll. Modèle local, modèle régional (G. Nin).............................. 67

Activité des bols et des verres (Ph. Clapponi) 77

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UN JOURNAL POUR LE PREMIER CYCLE.

Le jownal «petit x» a été créé par l'I.R.E.M. de Grenoble pour favoriser la diffusion des réflexions, des comptes rendus de travaux et d'activités réalisés dans les classes. Ses principaux objectifs sont:

- de constituer, en ouvrant largement les pages du jownal à des approches diverses, un lieu d'échanges et de débats sur les problèmes soulevés par l'apprentissage et l'enseignement des sciences au premier cycle; - d'ajouter un moyen nouveau de formation continue à ceux déjà utilisés par l'I.R.E.M. ou l'I.R.E.S.P. un complément aux stages de formation géographiquement et quantitativement limités et à la publication de brochures spécialisées; - enfin, alors que se développent largement les recherches sur l'enseignement en en particulier les recherches en Didactique des Mathématiques et en Didactique de la Physique, «petit x» souhaite constituer un lieu de rencontre pour les enseignants et les chercheurs.

Les articles publiés dans «petit x» sont pour l'essentiel d'un des types suivants:

- Vécu dans les classes: il s'agit de la présentation etde la description de séquences d'enseignement effectivement réalisées dans une des classes du premier cycle. - Outils et documents: proposition d'outils ou de documents d'enseignement. - Recherches et réflexions: comptes rendus de travaux portant sur des problèmes d'enseignement ou d'apprentissage en mathématiques, physique, chimie, informatique. - Mathématiques, Physique: articles sur des questions de mathématique ou de physique étroitement liées aux sujets abordés au niveau du premier cycle.

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Pourproposer un articlepourpublication dans «petit x» nous vous demandons de l'envoyer, si possible dactylographié, à :

I.R.E.M. de GRENOBLE «petit x~

B.P. 41 - 38402 Saint-Martin-d'Hères cedex

Indiquer si l'article a déjà été publié, ou est soumis pour publication dans une autre revue.

Les articles soumis sont lus attentivement par quatre collègues membres du comité de rédaction de «petit x» qui en font un compte rendu. Après discussion, le comité de rédaction prend une décision de publication avec éventuellement une demande de modification (Les manuscrits ne sont pas renvoyés).

Copyright: Le «copy right» de larevue est détenu par l'IREM de Grenoble qui accordera cependant aux auteurs, sur demande et sans frais, l'autorisation de faire ré-imprimer leurs articles. Ils devront mentionner «petit x» pour première publication, ainsi que le fait que c'est l'IREM de Grenoble qui détient le Copyright.

DIDACTIQUE DE LA RESOLUTION

DE PROBLEMES

François PLUVINAGE lREM de Strasbourg

Note* : le présent texte est repris d'un article publié dans les Annales de Didactique et de Sciences Cognitives (!REM Strasbourg) ; seuls quelques passages y ont été retouchés ou aménagés.

Abstract. From our experience, problem solving in itself is not a goal for mathematics teaching,

but components of problem solving constitute valuable objectives in the "Mathematics for AH"

perspective. We distinguish three stages or phasesthat the teacher can manage in the classroom : introduction to a problem, search for resolution and presentation of the answer. Each stage, with its own methodology, leads ta develop sorne specifie students abilities.

1. La résolution de problèmes un objectif de l'enseignement général ?

Depuis la parution de l'ouvrage de G. Polya, How ta solve it, publié en français sous le titre Comment poser et résoudre un problème, on ne s'est pas désintéressé de l'heuristique, mais on n'a guère fait paraître de réflexions globales sur la façon d'aborder la résolution de problèmes dans l'enseignement mathématique. Les études engagées ont porté sur des formes particulières de raisonnement, ou bien ont été limitées à des contenus mathématiques nettement précisés. Or il nous semble qu'il vaut la peine aujourd'hui de compléter de telles études par une réflexion didactique plus générale. Les deux questions auxquelles cette réflexion peut tenter d'apporter des réponses sont les suivantes:

Question 1. L'activité de résolution de problèmes suppose-t-elle en soi l'acquisition de certaines compétences, et si oui lesquelles?

Question 2. Quel rôle les professeurs ont-ils à tenir par rapport à l'activité de résolution de problèmes et qu'ont-ils à apprendre à leurs élèves?

Le présent article ne se propose que de poser quelques jalons; les éléments de réponse ainsi ébauchés demanderont des études supplémentaires pour être précisés. Avant d'entrer dans le vif du sujet, c'est à dire ces éléments de réponse, il est peut-être

* Article repris des Annales de Didactique et de Sciences Cognitives 3 (1990) (pp.7 - 34) !REM de Strasbourg· .

«petit x» nO 32 pp. 5 à 24, 1992-1993

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bon d'esquisser brièvement le cadre de travail dans lequel nous prétendons nous situer.

Il s'agit d'une heuristique non spécialisée, autrement dit de celle qui s'adresse à un public d'enseignement général. En effet, l'ouvrage de Polya déjà cité nous paraît s'adresser à un public qui se trouve ou se trouvera directement engagé dans une activité mathématique en soi, c'est à dire un public en formation scientifique ou technique. Et les mathématiques ne sont pas enseignées qu'à ce seul public. Dans la scolarité obligatoire, il convient sans doute de s'en tenir à une heuristique non spécialisée, en se demandant quel intérêt elle peut présenter du point de vue de la formation générale et quels apprentissages elle autorise.

La première question qui vient alors à l'esprit concerne l'utilité générale d'apprendre à résoudre des problèmes de mathématiques. Le mot "problème" est à entendre ici dans le sens qu'il a pour tout mathématicien et non selon l'acception que l'on trouve notamment dans l'expression anglaise "problem solving", laquelle renvoie à des petites questions dont le schéma, standard, de traitement est appris. Donc nos problèmes sollicitent autre chose que la mise en œuvre de procédures routinières. A part cela, ils peuvent très bien être résolus de manière tout à fait simple et brève; nous en verrons des exemples. Mais leur caractère nouveau, éventuellement surprenant par rapport à ce que l'on sait faire, est ici une condition à remplir impérativement auprès de ceux à qui ils sont proposés. Ceci précisé, le doute s'impose a priori sur le bien-fondé d'un apprentissage de la résolution des problèmes dans l'enseignement des mathématiques pour tous. On peut certes voir dans la pratique générale des problèmes un exercice intellectuel sain, un éveil à la curiosité, une occasion d'acquérir de l'autonomie. Cela suffit certes à encourager cette pratique dans la scolarité, mais pas à instituer des apprentissages dans lesquels elle soit un objet, elle représente un enjeu en elle-même.

Arrivé à ce point de la réflexion, on peut aller jusqu'à dire qu'il n'est pas plus d'intérêt général d'apprendre à résoudre des problèmes que, par exemple, d'apprendre à démontrer. Mais comme dans ce cas, l'analyse des tâches modifie radicalement la manière de voir. De même que des blocs constitutifs de la démonstration, tel que l'est par exemple la rédaction, apparaissent, eux, comme des objets d'apprentissage d'intérêt évident, de même des blocs constitutifs de la résolution de problèmes vont s'avérer constituer d'excellents objets d'apprentissage, à plusieurs points de vue, mathématiques et extra-mathématiques. La question se trouve ainsi déplacée: il ne s'agira pas d'apprendre à résoudre des problèmes, mais de viser des apprentissages propres à différentes phases de la résolution, envisagées séparément les unes des autres.

2. Agglomérer ou dissocier ?

Pour certaines acquisitions, on considère comme normal de mettre en place des apprentissages séparés. Nous ne parlons même pas de formations complètes, qui résultent presque toujours d'un cumul d'assimilations relevant de disciplines séparées, comme par exemple la mécanique automobile, la comptabilité et le droit pour la forma­tion d'un garagiste, mais d'acquisitions bien précises, accessibles en un temps assez court (disons moins d'une année pour fixer les idées). Par exemple, la formation au

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permis de conduire est de ce type; et elle dissocie deux apprentissages: celui du code de la route de celui de la conduite d'un véhicule.

Envisagée dans sa globalité, la formation mathématique (même celle des mathématiques pour tous) procède d'apprentissages disjoints. Mais d'un point de vue plus local, la dissociation donne lieu à des discussions. Elle a pu être érigée en principe par les propagateurs de l'enseignement programmé: toutes les difficultés devaient être scindées, les pas d'apprentissage préconisés étaient très petits. Mais à trop regarder où l'on met les pieds, on ne voit pas où l'on va et l'on est après coup incapable de refaire le chemin parcouru. C'est pourquoi les textes officiels actuels (notamment les programmes de mathématiques des Collèges et les documents d'accompagnement) expriment pour leur part au contraire la crainte d'un morcellement excessif du savoir. En conséquence, les professeurs se voient conseiller une organisation de leur enseignement qui permette les connexions entre les principales rubriques: activités numériques, activités géométriques, traitements de données et fonctions.

En gros les conclusions de travaux didactiques vont dans le sens de telles connexions, en mettant en évidence l'importance primordiale de la structuration des savoirs, même si c'est sous la forme négative du constat de l'écart entre les connaissances élémentaires et la capacité à conduire des traitements, en soulignant aussi le rôle du contrôle, qui suppose le recours à des registres différents lors du déroulement d'une même procédure. Toutefois, une dissociation des contenus semble pouvoir se justifier dans l'apprentissage lors des phases de mémorisation (mise en mémoire déclarative), mais les conditions méritent une discussion qui n'est pas notre objet ici. L'acquisition de sens bénéficie, elle, largement de l'instauration d'associations convenablement choisies et exploitées, tels les jeux de cadres de R. Douady.

En rapport avec ce qui vient d'être énoncé, rappelons une augmentation de réussite spectaculaire sur des "équations à trous" (détermination d'un terme d'une opération connaissant le second terme et le résultat) observée en classe de Sixième, auprès d'élèves qui n'avaient effectué aucun travail préalable particulier à ce type de question, mais qui avaient pratiqué des activités géométriques prévues pour conduire à des calculs: Les écarts avec la population générale, prise comme population témoin, pouvaient, en pourcentage, dépasser 40, comme cela ressort du tableau qui figure dans un article de la revue Petit x (cf. [PR87]). Rappelons aussi la manipulation simultanée de périmètres et d'aires, également rapportée dans Petit x (cf. [DP85]), construite pour engendrer un apprentissage plus réel que celui qui résulte d'un enseignement séparé des deux notions et qui s'avère incomplet et flou pour beaucoup d'élèves.

Ainsi, les acquisitions conceptuelles peuvent bénéficier d'associations convenables des contenus mathématiques en jeu. Mais il semble qu'il en va différemment du déroulement des tâches. De nombreux traitements s'effectuent selon des phases de travail successives, correspondant à la mise en œuvre de techniques différentes et régies par des critères différents. C'est en particulier ce que nous avons rappelé précédemment à propos de la démonstration et ce que nous avons dit de la résolution de problèmes. Or s'il existe pour chacune des phases successives un nombre de techniques à acquérir en définitive petit, la combinatoire des enchaînements possibles réalise, elle, un univers vite très important de traitements types. Par un exemple pour des traitements passant par 3 phases, dont la première correspondrait à 2

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procédures types, la seconde à 15 et la troisième à 4, le nombre total de procédures à assimiler sera de 2], alors que le nombre total de traitements types sera de 120.

L'écart en coût à l'apprentissage s'apprécie aisément. Par ailleurs, dans le déroulement d'un traitement en phases successives, il ne peut pas se produire de contrôle de l'une par une autre; tout au plus, une contradiction ou un blocage à un endroit vont amener à revenir en arrière, ce qui n'est pas sans intérêt. Mais il est difficile d'imaginer un profit possible pour le déroulement d'une phase dans l'irruption des méthodes d'une autre phase de travail; l'autonomie de chaque phase, une fois définie la nature des entrées qui lui sont fournies et des sorties auxquelles elle aboutit, est au contraire un élément important.

Les mathématiques prennent en compte cette réalité depuis fort longtemps pour certaines activités, en distinguant par exemple: mise en équation, résolution et report, analyse et synthèse, construction et discussion. Mais si on y regarde de près, ces séparations sont proposées dans les cas où des ruptures subsistent dans le "produit fini". Au contraire, quand le "produit fini", une démonstration par exemple, se présente comme une construction d'un seul tenant, la tendance est d'omettre par économie d'exposé la description des phases successives de son élaboration. Et d'ailleurs, il est connu que celles-ci ont même tendance à effacer de la mémoire après coup, au profit du seul résultat. L'analyse a posteriori du seul contenu mathématique ne fournira plus aucun indicateur; c'est une analyse détaillée des tâches qui pourra signaler les changements de phases par lesquels passe l'élaboration.

Dans le cas de la résolution de problèmes, et afin de contribuer à la réflexion globale que nous évoquions en introduction, nous nous proposons une telle analyse des tâches afin de repérer les phases qui méritent d'être dissociées et les apprentissages spécifiques dont ces tâches sont tributaires.

3. Découpage en phases de la résolution de problèmes

Nous allons voir qu'il est possible, devant un problème résolu, d' "interroger la solution" pour procéder au repérage voulu. Deux exemples sont présentés à cette fin.

3.1 Premier exemple

Le premier problème est un bon sujet d'activité mathématique en formation des maîtres. Pour ma part, je l'avais entendu énoncé au cours d'une conférence de W. Fowler, l'historien des mathématiques. La solution indiquée est celle que des élèves instituteurs ont effectivement eux-mêmes imaginée, sans aucune suggestion extérieure. Je n'avais plus eu qu'à la mettre en forme avec eux.

Quelle période a le nombre _2 ( 2

(l,DOl) = 1,001001 001 ...1 en écriture décimale ?

Note: Il est souvent commode de présenter l'écriture décimale d'une fraction, qui est une écriture où un groupe de chiffres se répète périodiquement, en plaçant une barre au-dessus de la période, c'est-à-dire du groupe de chiffres répétitifs.

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Solution

La longueur de la période n'est pas 6 ou 9, comme beaucoup sont tentés de le proposer si on demande une réponse spontanée, non réfléchie, mais 2997.

On peut obtenir cette réponse, qui risque de paraître a priori inaccessible, en se représentant la multiplication de 1,001 001 001 ... par lui-même, posée conformément à la disposition usuelle d'un produit effectué par écrit.

1,001 001 001 . x 1,001 001 001 .

1 001 001 001 001 001 1 001 001 001 001 001 001

1 001 001 001 001 001 001 001 1 001001 001 001 001 001 001 001

1, 002 003 004? ? ? ? ?

L'opération posée a un défaut, du fait de l'illimitation des écritures en jeu: elle ne peut pas être commencée. Heureusement, cela n'empêche pas de la terminer, comme indiquée ci-dessus! D'une ligne à la suivante, un décalage de trois places provient de la succession de deux 0 dans le multiplicateur. La virgule est facile à placer: le nombre de départ étant compris entre 1 et 2, son carré est compris entre 1 et 4 ; donc il s'écrit avec une partie entière constituée d'un chiffre (à savoir 1).

Reste à gérer la question de la hauteur de la pile, qui s'élève lorsque l'on prend en compte les chiffres successifs vers la droite de l'écriture du résultat.

Tant que l'on n'atteint pas une retenue de 1000, il n'y a aucune difficulté: la pile s'élève régulièrement et l'on obtiendra 005 après 004, puis 006 après 005, et ainsi de suite en regardant par groupes de trois chiffres. Mais une pile de hauteur 1000 déclenche une retenue, comme indiqué ci-dessous.

1... 1001 ...

Î 1001001 1

998 1

1

J, ... 001 001 001 ...

... 999 000 001 ...

Cette -retenue fait passer à 1000 le total de la pile précédente, ce qui déclenche une nouvelle retenue, pour la pile de hauteur 998. Son total passe alors à 999 et, cette fois­ci, il n'y a plus propagation de retenue.

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Nous passons sur une vérification de bonne forme, pour s'assurer que des retenues plus lointaines ne pourraient pas se propager jusqu'à la zone initiale de l'écriture, et donnons le résultat final, où le groupe 998 est "sauté" :

(1,001 001 001 ... )2 = 1,002003004 ... 997999000 001 002003 ...

«------------------------------------» période

On voit ainsi apparaître 999 groupes de trois chiffres dans la période, d'où sa longueur 2997.

Nous laissons au lecteur le soin d'examiner précisément en quoi cet exercice offre un intérêt pour une session de formation des maîtres.

Analyse

Le fait de devoir passer outre, lorsque l'on se trouve face à une opération écrite dont le début est inaccessible, est certes une difficulté réelle. Mais il s'agit d'un type d'événement qui, bien qu'il se rencontre dans un certain nombre de problèmes, n'est pas inhérent à l'activité de résolution des problèmes.

Plus intéressant est le choix effectué, en ce qu'il implique que d'autres choix possibles n'ont pas été retenus. Par exemple, une connaissance de la périodicité dans l'écriture décimale des fractions conduit à écrire:

- 1000 ,,1 N\1\2 100000000111,001 = 999 ' d ou \1 , = 999 x 999 .

On peut effectuer: 999 x 999 =998 001, mais on ne voit guère alors comment progresser vers une réponse.

Un autre élément intéressant est le champ d'application du traitement effectué pour aboutir à la solution présentée. Par exemple, il est clair qu'un décalage autre que celui provoqué par deux 0 successifs ne modifiera pas la procédure de réponse : On peut traiter de la même façon (1,000100010001...)2, qui a une période plus longue, ou (1,010101...)2, qui a une période plus courte, ou même (1,1111...)2. Or ces deux derniers cas permettent des essais à la calculette, et l'on peut ainsi observer que

(1,1111111)2 G 1,2345679.

On imagine que ce résultat mette sur la piste.

En dehors de ce qui est mis apparemment en jeu dans une solution, ce sont les deux éléments cités : choix non retenus et champ d'application des procédures employées, qui peuvent très généralement mettre en évidence des phases qu'une présentation "lisse" de la réponse ne permettrait pas d'entrevoir. Dans notre premier exemple, une recherche réussie risque fort d'être passée par un essai sur (1,1111...)2 ou (1,010101...)2, que l'on ne voit nullement dans la solution achevée (pour la petite histoire, ce fut effectivement le cas avec nos élèves-instituteurs).

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3.2 Deuxième exemple

Le deuxième exemple est un problème de géométrie qui a été proposé à des élèves de collège (âge: 14 à 15 ans), lors de recherches sur la démonstration conduites à l'I.R.E.M. de Strasbourg. Voici son énoncé (sans indication pour la réponse).

Enoncé

Sur un parallélogramme ABCD, on considère les milieux 1 et J des côtés adjacents BA et BC respectivement. Démontrer que les droites IC et JA se coupent sur une diagonale du parallélogramme.

C D

BiJi<l1

Solution

Les droites CI et AJ sont les médianes du triangle ABC. Elles se coupent donc au point G tel que la droite B est la troisième médiane du triangle.

Ainsi, la droite BG passe par le milieu 0 du segment AC. Mais on sait que les deux diagonales d'un parallélogramme se coupent en leur milieu. Donc les points B,O et D sont alignés. La droite BG qui passe par 0 passe alors par D.

Analyse

Dans cette solution, un choix qui n'a pas été retenu est d'essayer de déterminer la position du point G sur la diagonale BD. Or si, dans le problème précédent, un choix non retenu menait plus ou moins à une impasse, ce choix non retenu conduit ici à une seconde solution très simple. Le point G est situé au tiers de la diagonale BD depuis B, ce qui apparaît si l'on trace la droite AK où K est le milieu du côté CD.

Le quadrilatère AICK est un parallélogramme, donc les droites IC et AK sont parallèles. Soit H le point d'intersection des droites AK et BD. Du théorème dit "réciproque du théorème des milieux (de deux côtés dans un triangle)", il résulte que G est le milieu du segment BH : il suffit de considérer le triangle ABH. De même, le point H est le milieu du segment GD (considérer le triangle CDG).

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Finalement, la droite CI coupe la diagonale BD en le point G situé au tiers depuis B, et il en sera de même pour la droite Al, d'où le résultat voulu.

C D

BIJi?1l Le champ d'application de la solution qui avait été proposée met, lui aussi, en

évidence le point H précédemment introduit. En effet, les triangles ABC et CDA jouent des rôles symétriques dans le parallélogramme (on peut décider de noter B le sommet qui était noté D et vice-versa; on parle de symétrie de notation). Le partage de la diagonale BD par les points G et H est alors une conséquence de la considération de la solution simultanément pour les deux triangles auxquels elle s'applique.

3.3 Conclusion

En se plaçant du point de vue de la personne confrontée à un énoncé, G. Polya distingue quatre phases:

1 - comprendre 2 - dresser un plan 3 - mettre le plan à exécution 4 - revenir en arrière.

Des analyses précédentes, entreprises du point de vue d'un professeur qui est en présence d'une solution (qu'il a lui-même trouvée, ou qu'il a lue, ou qu'il connaissait d'avance), seules trois phases pour l'enseignement se dégagent:

Phase 1 : entrée dans le problème Phase 2 : recherche d'une solution Phase 3 : rédaction d'une réponse

La phase 1 correspond à la prise en compte des données de l'énoncé pour aboutir à des choix de traitements. La phase 2 est celle de la mise en œuvre de traitements avec recours aux résultats à utiliser. La phase 3, de rédaction, a été notamment l'objet d'études spécifiques à propos de démonstrations (cf. [DE89]).

Nous prétendons que c'est ce découpage qui détermine des unités d'apprentissage autonomes, c'est à dire non tributaires des contenus mathématiques en jeu. Notons que c'est un découpage très analogue qui apparaît pour la communication, avec la réception, le traitement et l'émission, et qui est notamment pris en compte dans le document de présentation de l'Evaluation à l'entrée en sixième à l'attention des professeurs ([MEN89], p. 6), dans la page où est présenté un tableau de compétences.

Il s'agira pour nous d'établir: - qu'il y a réellement des acquisitions propres à chaque phase, - que l'enseignement est concerné par ces acquisitions (il y a des résultats à

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attendre d'apprentissages), - qu'il existe des tâches plus particulièrement adaptées à chacune des phases;

notamment, certains parmi les énoncés mathématiques vont être plus propices à la phase 1, d'autres à la phase 2 et d'autres enfin à la phase 3.

4. Caractéristiques propres à chaque phase de la résolution des problèmes

4.1 L'entrée dans le problème

Il est usuel pour les didacticiens de se préoccuper de la dévolution d'un problème aux élèves, puis de sa résolution. Cela correspond à un certain ensemble d'actions d'enseignement, ayant pour objectif dans un premier temps le passage du problème de l'état "problème du professeur" à celui de "problème d'élèves" (ou du moins du plus grand nombre possible dans un auditoire donné). Bien sûr, on trouve là notamment la compréhension au sens de G. Polya, mais aussi des amorces de plans.

Nous souhaitons attirer l'attention du lecteur sur le fait que notre propos ici est autre. La dévolution d'un problème est pour les élèves concernés un moment qu'ils n'ont pas, eux, à isoler: ils sont alors aux prises avec des contenus mathématiques qui constituent les clefs de la situation. Mais nous nous intéressons ici à des techniques générales susceptibles d'être apprises, pour être mise en œuvre dans des situations mathématiques de toutes sortes, à la condition bien sûr que l'on ait en outre accès à leur contenu mathématique.

Une conduite qui est la marque d'une autonomie personnelle est de prendre un peu de recul, d'examiner un problème qui se présente sans nécessairement chercher à le résoudre sur le champ. Les techniques générales de nature à favoriser cette conduite, tout en la rendant efficace, sont à notre connaissance :

- l'organisation des données de l'énoncé, - le traitement de cas particuliers ou de situations simplifiées.

L'antique conseil de faire une figure pour un problème de géométrie (conseil qui est toujours d'actualité) revient à une forme particulière d'organisation des données d'un énoncé. Nous verrons des exemples d'organisation des données autres que cette seule exécution de figure.

Ce qui peut être appris par des élèves, non pas à la suite d'un cours isolé sur la méthodologie, mais grâce à une pratique régulière mise en place tout au long d'un enseignement, c'est à se détacher momentanément de l'idée de répondre pour examiner simplement si les données de l'énoncé ont toutes trouvé place et s'il ne s'est pas surajouté l'une. ou l'autre "donnée" absente de l'énoncé. A ce stade, le souhait de répondre peut créer des blocages.

Dans la phase d'entrée, le critère n'est pas de répondre mais de bien traduire la situation présentée. Il est donc possible pour le professeur de solliciter et de corriger des productions issues de cette phase.

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4.2 La recherche d'une solution

L'heuristique s'intéressant plus particulièrement à cette phase, même si ·on ne la dissocie souvent pas de l'entrée dans le problème faute d'avoir identifié cette première phase, notre propos ici n'aura pas besoin de longs développements, que l'on peut trouver par ailleurs. Mais rappelons que nous souhaitons ne pas présenter une heuristique spécialisée; aussi nous nous limiterons ici aux deux techniques qui ont un intérêt pour tout contenu mathématique:

- l'identification, la reconnaissance de situations de référence, - l'enrichissement des informations présentes.

En géométrie, la reconnaissance est celle en particulier d'un certain nombre de figures types, comme, à un niveau très élémentaire, celles d'un triangle avec ses médianes, ou avec ses hauteurs, ou '" L'enrichissement consiste souvent à compléter une figure, pour obtenir une sous-figure qui soit une figure type.

Par exemple, nous avons proposé dans le groupe "Collège"l une activité intitulée "du théorème des milieux au théorème des tiers". A partir d'un triangle ABC dont les côtés AB et AC sont partagés en trois segments de même longueur, il s'agit d'établir des parallélismes (U et KL avec BC sur la figure).

A

J~- ---->... L

BL---------~ C

L'expérience montre que la reconnaissance de la situation d'un triangle avec deux milieux de côtés (AJL avec 1et K sur la figure) est très généralement atteinte dans ce cas. Mais la clef, consistant à compléter la figure par un segment joignant B à K ou Cà 1, n'est découverte que par très peu d'élèves dans de "bonnes classes".

Il n'y a rien que de très normal à cela, de la part d'élèves âgés d'environ 14 ans, mais ce n'est certainement pas une raison de ne pas consacrer du temps à cette phase heuristique, au contraire.

Mais il n'y a pas qu'en géométrie où les mêmes techniques ont un intérêt. Par exemple, reconnaître dans un produit la forme (A + B) (A - B) pour l'écrire A2 - B2 permettra de résoudre des problèmes d'extremums: ainsi, si A est une constante et B une fonction d'une variable x, c'est lorsque B sera nul que l'expression A2 - B2 atteindra son maximum. Il n'est pas nécessaire de multiplier de tels exemples, tant ceux-ci abondent dans l'expérience de chacun.

1 Constitution du groupe: C. Hindelang, M. Keyling, C. Mathem, D. Maurelle, M. Ortlieb, J.C. Rauscher et l'auteur de ces lignes. .

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Après plusieurs expériences, nous avons toutefois limité les techniques à promouvoir pour cette phase heuristique, dans l'enseignement général, aux deux techniques indiquées. On trouve d'autres techniques, notamment chez G. Polya, mais celles-ci apparaissent déjà comme spécialisées. Par exemple, l'identification du caractère, euclidien ou affine, d'une situation de géométrie élémentaire nous a paru exiger une maturité mathématique relevant d'une expérience déjà riche. De même, il s'avère que la géométrie par les transformations suppose un préalable important d'utilisation de ces transformations; par conséquent, compléter une figure, en lui appliquant une transformation qui apparaît au départ sur une partie de la figure, est à placer dans l'heuristique générale, alors que décomposer une transformation en un produit de deux transformations bien choisies relève d'une heuristique déjà spécialisée.

4.3 La rédaction d'une réponse

La rédaction d'une réponse à un problème n'est pas stéréotypée (sinon, c'est que le "problème" n'était qu'un exercice standard). Elle s'appuie sur le travail antérieur, essentiellement en procédant à des vérifications et à une organisation. Pour ce qui est de la vérification, le "dénivelé" cognitif auquel elle est généralement associée (c'est-à­dire le fait qu'elle se situe à un niveau nettement plus simple que la découverte du résultat) a pour conséquence l'absence de difficulté de présentation; la seule condition à énoncer est de ne pas omettre de procéder à une vérification lorsqu'il en faut une. Les problèmes conduisant à une équation du second degré ayant deux racines, dont seule l'une convient, sont souvent de ce type.

Voici au contraire un exemple, proposé à des élèves de Troisième, qui ne conduit pas à des difficultés de rédaction. Il s'agit d'un carré de côté noté 2a, duquel on retire un triangle isocèle de hauteur x, et d'un rectangle a x4a, duquel on retire un morceau rectangulaire a x x.

Une première question est d'établir l'égalité des deux aires obtenues, indépendamment de la valeur de x, et une seconde de trouver x tel que les deux figures aient aussi même périmètre. Une solution s'appuie sur le théorème de Pythagore pour obtenir la seule longueur inconnue du "carré tronqué", puis sur un travail dans le registre algébrique. La vérification se réduira à reconnaître que le triangle 5 - 12 - 13 est rectangle.

Dans un tel exemple, la solution revient à une (bonne) exploitation des données et le théorème utilisé ("le" théorème de Pythagore) apparaît comme un outil au service

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de cette exploitation. Sans risque d'erreur, on peut avancer que les théorèmes qui, tels celui de Pythagore, "crachent" une valeur inconnue à partir de données convenables, sont à tous les niveaux:

10 d'application facile, 20 d'une grande popularité auprès des élèves ou étudiants.

A titre d'exemples, citons le fait que les extremums atteints par une fonction dérivable sur IR sont les zéros de sa dérivée, celui que les valeurs propres d'une matrice sont les zéros de son polynome caractéristique, le théorème de Huygens sur les moments d'inertie ; on peut ainsi voir que de tels théorèmes "cracheurs de résultats" se rencontrent dans tous les domaines des mathématiques de l'algèbre à la mécanique, en passant par l'arithmétique, l'analyse, etc ...

Au contraire, une rédaction qui exige une organisation n'est pas une tâche a priori évidente. Elle correspond à une véritable phase du travail, dont les caractéristiques ont été présentées, pour le cas de la présentation d'une démonstration, dans un article de R. Duval et M.A. Egret (cf. [DE89]). Interviennent en particulier dans la rédaction:

-la distinction entre le contenu et le rôle ou statut opératoire d'un énoncé, - la démarche par substitution d'énoncés, grâce à des règles de substitution.

Antérieurement, nous n'avions parlé que de distinguer contenu et statut des énoncés, mais après discussion nous préférons tenir compte du point de vue de J.B. Grize (cf. [GR82]). En effet, pour des spécialistes de l'argumentation, le statut (sans que l'on précise "opératoire") d'un énoncé est propre à un individu placé dans des circonstances précises; par exemple, un énoncé peut être une évidence, une conjecture plus ou moins plausible, une absurdité, ... Mais une absurdité pour l'un peut très bien être une évidence pour son voisin et une conjecture pour un troisième. Et une même personne peut également attribuer d'un jour à l'autre des statuts très différents à un même énoncé, selon l'évolution des informations qu'elle possède. Un exemple bien connu dans l'enseignement est celui d'une inégalité comme 2 - 3 > 2 - 5 qui passe du statut d'absurdité à celui de vérité assez évidente (hm !) lorsque l'on apprend les nombres relatifs.

Le statut opératoire, ou rôle, d'un énoncé (hypothèse, résultat intermédiaire, conclusion partielle ou conclusion complète) est au contraire bien fixé, de manière immuable, par le problème dans la solution duquel l'énoncé est formulé.

La démarche par substitution d'énoncés, les théorèmes étant vus alors comme des règles de substitution (ce qui les distingue des théorèmes précédemment envisagés), a été abondamment décrite et commentée par R. Duval et M.A. Egret (article précité). Nous n'y revenons donc pas.

L'observation nous a conduit à relever une caractéristique supplémentaire de la rédaction mathématique de base, génératrice d'une difficulté que nous avons intitulée difficulté d'élaboration théorique.

Cette caractéristique peut ainsi être formulée: -le défini est définitif-.

Ceci signifie que si un objet mathématique, par exemple un point, a été introduit d'une certaine façon, il devient interdit de l'introduire d'une autre façon sans vérifier la

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coïncidence. On remarquera que la méconnaissance ou le non respect de cette caractéristique ne se traduit pas par des marques nettes de défaut d'un réseau de démonstration; il faut chercher spécifiquement une double occurrence d'un même élément en position initiale (un point de départ) dans le réseau pour repérer un défaut.

5. Situations spécifiques à chacune des phases

2

1

Il Y a deux façons de promouvoir les différentes phases de la résolution d'un problème et de développer spécifiquement les compétences correspondantes:

0 choisir des problèmes dont la solution correspond à un travail presque exclusif dans l'une des trois phases,

0 construire des situations de manière à ce que chaque phase de résolution corresponde à des activités précises et que les changements de phases soient marqués par des modifications des tâches proposées.

Certainement, un enseignement devra recourir à l'une et l'autre de ces deux façons, pour s'avérer efficace par rapport à l'acquisition de compétences relatives à chaque phase. En effet, des choix exclusifs de la première risqueraient de conduire à l'idée que la forme du travail est entièrement tributaire des problèmes considérés, qu'il n'y a pas une méthodologie générale. Au contraire, des choix exclusifs de la seconde risqueraient de laisser les élèves désarmés devant des problèmes énoncés de la manière usuelle, sans propositions de travail particulier (autre que la seule résolution).

C'est pourquoi, dans ce qui suit, nous envisageons les deux façons à propos de chacune des trois phases, en les illustrant par des exemples choisis parmi les situations que nous avons eu l'occasion de rencontrer, lors de diverses observations ou expérimentations.

5.1. Illustrations de l'entrée dans les problèmes

Certains problèmes se trouvent pratiquement résolus de manière complète dès achèvement de la phase d'entrée, supposée correctement conduite.

Un exemple se trouve dans une expérience de C. Moritz, qui remonte à quelques années déjà, sur l'exploitation au collège du thème des carrés magiques. Un carré magique donne lieu à la même somme, dite somme magique, pour les termes d'une ligne quelconque, d'une colonne quelconque ou d'une diagonale.

s a b c

....

d e f

g h i

s s s

s s s s

Pour un carré magique 3x3, une propriété est que la somme magique S est le triple du terme central (e sur la figure). L'observation de quelques cas particuliers conduit assez vite à conjecturer cette propriété. L'établir se réduit pratiquement à un

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travail d'entrée, c'est à dire: - introduction de lettres pour désigner les tennes, - écriture des relations détenninées par l'énoncé du problème.

Certes, quand on a écrit entre autres: S=a+e+i S=d+e+f S=g+e+c

il reste à effectuer la somme membre à membre pour obtenir: S = a + d + g + 3e + i + f +c = 2S + 3e,

d'où il résulte que S = 3e. Le travail n'est donc pas tout à fait achevé à la fin de la phase d'entrée, mais il ne reste plus rien à faire qui puisse bloquer (voir le compte­rendu de C. Moritz).

A titre d'exercice de didactique, nous proposons au lecteur de repérer les différences de situation qui résultent de différences de valeurs entre des énoncés relatifs à un même problème de reconstitution d'une pyramide de Pascal.

Deux énoncés du même problème

Comme le triangle de Pascal, une pyramide dite de Pascal est telle que deux tennes voisins d'une même rangée s'ajoutent pour donner naissance à un tenne de la rangée supérieure, à la place qui touche les deux tennes considérés. Un problème se fabrique en supprimant d'une pyramide de Pascal certains tennes et en demandant de reconstituer les valeurs manquantes au vu des tennes présents. Des exemples ont été demandés aux élèves dans l'évaluation en 6ème organisée par l'A.P.M.E.P. sous la direction d'Antoine Bodin. Bien sûr, il faut choisir judicieusement les places à laisser vides, mais ceci n'est pas notre question ici. De même que précédemment, une introduction de variable s'avère nécessaire pour chacun des deux cas présentés ici. Mais une seule variable peut suffIre.

Un énoncé qui a été proposé à un niveau plus avancé, à savoir celui du premier cycle universitaire, avec un insuccès à peu près total, montre bien à quel point l'apprentissage de l'entrée dans les problèmes peut être défaillant actuellement. L'énoncé, qui avait été proposé par M. El Faqih dans le cadre d'une évaluation initiale des étudiants, est le suivant:

" Une application f de l'ensemble des nombres réels dans lui-même est supposée vérifier pour tout x la propriété

f3(x) = 1 ,où f3 = f 0 f 0 f (ainsi: f3(x) = f(f(f(x))) ). Détenniner f(1)."

Le simple parti pris d'exploiter les données, donc ici de remplacer le 1 de f(1) par f3(x), où x est arbitraire, suffIt pratiquement à conduire à la réponse. En effet:

f(1) = f(f3(x)) = f(f(f(f(x)))) = f3(f(x)) = 1. Or moins de 10% des bacheliers scientifiques entrent ainsi dans le problème.

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Pour donner l'occasion au lecteur de se convaincre lui-même du fait que ne pas chercher d'emblée à résoudre un problème, mais se contenter d'organiser ses données et ses contraintes, est en définitive la démarche payante pour certains cas, voici un exemple. Cet exemple a été publié dans un bulletin de l'A.P.M.E.P., comme un problème non complètement trivial. Son énoncé est:

" En 2h30, un automobiliste a parcouru 250 km, et pourtant il prétend que lors de toute durée de 1h, il a parcouru une distance de 90 km. Peut-il avoir raison ? "

Nous suggérons de préparer un graphique avec en abscisse les durées, de 0 à 2h30, et en ordonnée les distances, de 0 à 250 km. En y portant les points dont l'énoncé impose la place sur ce graphique (par exemple: l'automobile est à l'instant 0 au départ, donc à la distance 0), on aboutira à la vision d'une réponse, qu'il suffira de mettre en forme.

Le problème que nous avons intitulé "Au revoir les enfants" (d'après le film de Louis Malle, dont une scène montre une variante de ce problème) est de ce type, c'est à dire résoluble ou presque dès la phase d'entrée. Dans la thèse de A. Mesquita [M89], on pourra trouver le compte-rendu d'une observation faite sur une variante de ce problème. L'énoncé du problème est indiqué sous la figure.

A

Comparer le périmètre du triangle ABC Situation de base: aux longueurs AS ou AT un cercle et deux

segments de tangentes

Un premier essai de travail dans une classe fut entrepris pour le groupe du "Suivi scientifique des collèges" et cet essai se solda par un échec relatif, malgré l'indication de la situation de base. Mais, pour les essais ultérieurs, il s'avéra suffisant de demander aux élèves de noter les égalités de segments repérées, pour aboutir au contraire à une obtention très générale de réponses exactes.

La préoccupation d'entrer dans le problème est présente dans certains logiciels d'aide à la démonstration, tel DEFI qui a un module d'exploration de lafigure (cf. [G88] et sa critique dans [GIA89]). Les réactions d'élèves travaillant sur ce logiciel sont étudiées dans la thèse de doctorat de Saddo Ag Almouloud (Université Rennes l, 1992).

La demande qui a été faite aux élèves pour le problème "Au revoir les enfants", nous conduit à aborder les situations spécifiquement conçues pour le développement des compétences qui correspondent à l'entrée dans un problème. D'autres textes ont déjà présenté ces situations, notamment ceux qui ont paru dans les bulletins du "Suivi

20

scientifique des collèges" ; nous nous contenterons ici de les citer, en les commentant brièvement du point de vue qui nous intéresse dans le présent développement. Bien sûr, nous ne prétendons pas donner une liste exhaustive. En particulier, des extensions hors du domaine de la géométrie méritent d'être envisagées.

- Constructions points par points De telles constructions supposent une situation dans laquelle les contraintes

indiquées laissent une latitude (généralement un degré de liberté). Leur mise en œuvre conduit ainsi à exploiter des variations possibles à l'intérieur d'un cadre donné de contraintes.

- Programmes de construction Les dessins exécutés selon un programme, donné sous formes d'instructions

qui s'enchaînent, constituent l'un des exercices de passage d'un registre d'expression à un autre, exercices fondamentaux pour l'organisation de données.

- Figures muettes Des figures accompagnées d'une description, mais dépourvues de lettres qui

désignent leurs éléments remarquables, amènent, justement pour que ces désignations soient retrouvées, à pendre en compte le jeu mutuel des contraintes issues de la description.

- Reproduction de certaines figures codées ou accompagnées d'hypothèses, de "film" de constructions

Les reproductions demandées ne sont pas identiques à l'original, mais modifiées en ce qui concerne l'un ou l'autre élément. Si les seules constructions auxiliaires nécessaires pour la reproduction sont les constructions standard de mise en place des éléments indiqués (exemple: la construction du milieu 1d'un segment AB au vu de l'égalité lA = lB), la situation conduit à une exploration des déterminations et des contraintes caractéristiques de la phase d'entrée.

Sinon, l'activité relève de la phase de recherche d'une solution, comme ce sera par exemple le cas pour le problème de reproduire une figure analogue à la figure ci­dessous, mais avec pour longueurs AB =5 cm, AI =6 cm et AC = 10 cm.

BL..---r------->-----r----""-C

5.2 Illustration de la recherche d'une solution

La phase de recherche d'une solution est celle qui a suscité le plus de réflexions. Aux études concernant les contenus en jeu s'ajoutent les travaux sur l'heuristique. Nous insisterons donc plus particulièrement sur la transmission entre la phase d'entrée dans le problème et cette phase de recherche, moins fréquemment envisagée.

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Par rapport au problème précédemment intitulé "Au revoir les enfants", le problème introduit par Euclide, en liaison avec ses réflexions sur les rapports de grandeurs (et notamment de longueurs), illustre bien l'apparition d'une phase heuristique.

D c

L J

BA

Problème d'Euclide: Egalité des aires hachurées?

Pourtant il ne repose a priori que sur des considérations de symétrie aussi évidentes que celles qui interviennent dans "Au revoir les enfants".

Des rectangles tels que AJML sur la figure sont partagés en deux par leur diagonale. Quelle est alors la différence entre les deux problèmes, qui fait qu'ici des récapitulatifs d'égalités d'aires ne seront pas décisifs comme l'ont été précédemment ceux des égalités de longueurs? C'est que précédemment la question concernait un périmètre, auquel on n'a accès que par la somme des longueurs des segments en jeu, tandis qu'ici la question concerne des rectangles, objets de base pour les aires de surfaces planes. Et ces rectangles doivent apparaître comme des résidus d'une démarche, la reconfiguration, portant sur des triangles (MKDL est ce qui reste de ACD quand on lui a "retiré" AML et MCK).

Certes, dans l'un et l'autre problème, les objets de la conclusion (un périmètre, des aires) ne sont pas des résultats d'instructions élémentaires de construction, autrement dit, ne peuvent être des objets premiers dans une construction (comme peut l'être un milieu). Il n'y a donc pas de nécessité à propos de ces deux problèmes de rendre attentif à la distinction entre contenu et rôle d'un assertion. C'est d'ailleurs pourquoi nous considérons ces deux problèmes comme des problèmes "publicitaires" pour la démonstration, car la phase de rédaction y sera très réduite. Ceci n'empêche pas les deux problèmes cités de relever d'une approche différente. Nous renvoyons à [MA89] pour plus de détails sur la résolution du problème d'Euclide.

L'extraction d'informations est bien illustrée par l'activité de reconfiguration sollicitée dans le problème d'Euclide.

L'enrichissement est typiquement illustré par la résolution du "théorème des tiers" (cf. 4.2) ou par le dernier exemple proposé en 5.1 (un triangle avec une médiane). Dans le dernier cas, la clef est la considération du point A' symétrique de A par rapport à J, qui conduira à la construction d'un triangle ABA' de côtés connus.

Dans tous ces exemples cependant, la phase de résolution est commandée par la phase d'entrée. On peut très bien conduire cette phase de résolution à un ratage par une gestion didactique maladroite de la phase d'entrée, comme cela apparaît dans un article très honnête de B. Capponi [C88], sur un échec dans l'exploitation du problème d'Euclide. Nous avons du mal à imaginer un problème pour lequel la phase d'entrée se réduise au point d'être inexistante. Elle précédera donc la phase de résolution.

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Des situations qui nous paraissent spécifiquement adaptées au développement de compétences pour la phase de résolution sont les suivantes (liste non exhaustive, limitée à des situations expérimentées) :

- Messages décrivant certaines figures La rransmission d'une figure au moyen d'un message est une activité qui conduit

souvent à compléter, enrichir la figure donnée pour se ramener à une figure fondamentale connue. Par exemple, une description faisant état d'un "rectangle avec coin coupé" sera d'emblée plus évocatrice qu'un relevé de parallèles, perpendiculaires, sécantes. Nous nous limitons ici à certaines figures, celles qui ne conduisent pas à prendre des justifications en charge pour leur description. Dans le cas conrraire, la même activité est à relier à la phase de rédaction d'une réponse.

- Figures douteuses Des figures qui laissent planer un doute sur la réalité d'une propriété apparente,

par exemple un parallélisme, conduisent à une exploitation systématique de leurs sous­figures qui sont des figures fondamentales (ou figures clefs).

- Reproduction de certaines figures Pour ceci, nous renvoyons à ce qui a été indiqué en 5.1, où figurait déjà ce type

de situations.

5.3 Illustration de la rédaction

Il Y a un rravail spécifique de rédaction lorsque des précisions de rôle des énoncés en jeu ou des discussions de validité s'avèrent nécessaires. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a rien à rédiger dans le cas conrraire, mais simplement que la rédaction s'en tient en quelque sorte à un compte-rendu de ce qui a été fait antérieurement.

Par exemple, le "théorème des tiers" déjà cité donne lieu à un rravail spécifique de rédaction: il demande d'utiliser deux fois le théorème relatif aux milieux de deux côtés d'un triangle et une fois le théorème réciproque (voir [R89]). Le choix enrre un théorème et le théorème réciproque est typiquement un choix tributaire du rôle des énoncés en jeu. .

De même, la construction du triangle dont on donne les longueurs de deux côtés et de la médiane issue du sommet commun à ces deux côtés, ne s'avère possible que sous réserve de vérification d'une inégalité triangulaire.

Il est rrès important, pour la conduite d'une classe, de ne pas réserver l'activité de rédaction aux élèves qui ont mené à bien les deux phases précédentes de la résolution d'un problème. Ce sont d'ailleurs souvent ces élèves qui ont le moins besoin d'apprendre à rédiger. D'où l'importance, signalée dans certains articles, de consacrer une place en soi, séparée des aurres phases, à la phase de rédaction.

Des situations qui se sont avérées intéressantes, pour l'évolution de compétences à présenter une solution, sont les suivantes:

- Vérifications Une solution étant donnée, par exemple un programme réalisant une

consrruction voulue étant indiqué, il s'agit d'examiner les conditions dans lesquelles ce

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programme peut être exécuté. Pour nous, de tels tests relatifs aux hypothèses du problème ne relèvent pas du niveau "évaluation" de la classification NLSMA, car il ne s'agit que d'apprécier localement la marge de manœuvre que laissent subsister des hypothèses.

- Messages décrivant certaines figures Nous renvoyons à 5.2 où cette activité est déjà mentionnée.

- Production d'énoncés Dans des conditions bien précises, les élèves peuvent être productifs sur la

fabrication d'énoncés. Nous renvoyons pour cela à un de nos articles, paru dans les Annales de Didactique et de Sciences Cognitives (IREM de Strasbourg, 1989), mentionnant une production d'énoncés acceptables, par une majorité (55%) d'élèves de Quatrième.

- Réseaux Le travail sur des réseaux organisant la démarche mathématique est tout

spécialement adapté à la phase de rédaction.

6. Conclusion

L'enseignement des mathématiques a d'autres finalités que la transmission du savoir mathématique. En particulier, c'est cet enseignement qui conduit à apprendre à utiliser correctement les divers registres d'expression au service de la communication, et à passer de l'un à l'autre de ces registres. On comprend que les compétences à entrer dans l'étude d'une question qui vous est posée, à faire preuve d'imagination dans des essais de traitement, à présenter correctement les résultats obtenus sont d'une utilité générale qui déborde largement le cadre des mathématiques ou même des disciplines scientifiques. C'est pourquoi les efforts à leur consacrer dans l'enseignement méritent d'être comparables à ceux que l'on consacre à l'acquisition de contenus mathématiques. Ils risquent d'ailleurs d'être payants même du seul point de vue des mathématiques, en contribuant à une appropriation moins coûteuse des contenus de la discipline.

Références

Note: le sigle ESM désigne la revue Educational Studies in Mathematics, Kluwer, Pays-Bas, le sigle RDM désigne la revue Recherches en Didactique des Mathématiques, La Pensée Sauvage, Grenoble.

[B82] N. BALACHEFF, 1982, Preuve et Démonstration en Mathématiques au Collège, RDM, vo1.3 nO 3, pp. 261-282.

[B089] A. BODIN, 1989, L'Evaluation du Savoir Mathématique, Bulletin APMEP, nO 368, pp. 195-219.

[C88] B. CAPPONI, 1988, Mesure et Démonstration, Petit x, nO 17, pp. 29-48.

24

[DP85] R. DOUADY et M.J. PERRIN, 1984 & 1985, Aires de Surfaces Planes, Petit x, nO 6, pp. 5-33 et nO 8, pp. 5-30.

[DE89] R. DUVAL et M.A. EGRET, 1989, L'Organisation Déductive du Discours, Annales de Didactique et de Sciences Cognitives, vo1.2, ULP Strasbourg.

[GG85] G. GLAESER, 1985, La Didactique Expérimentale des Mathématiques (chapitre 3), 2ème rédaction augmentée, publication de l'ULP, IREM de Strasbourg.

[G88] R. GRAS, 1988, Aide Logicielle aux Problèmes de Démonstration, Petit x, nO 17, pp. 65-83.

[GR82] J.B. GRIZE, 1982, De la Logique à l'Argumentation, librairie Droz, Genève.

[GIA89] D. GUIN et le groupe I.A., 1989, Réflexions sur les Logiciels d'Aide à la Démonstration en Géométrie, Ann. de Did. et de Sc. Cogn., vo1.2, ULP Strasbourg, pp. 89-109.

[M89] A.L. MESQUITA, 1989, L'Influence des Aspects Figuratifs .. , thèse de l'Université Louis Pasteur, Strasbourg.

[MA89] A.L. MESQUITA, 1989, Sur une Situation d'Eveil à la Déduction en Géométrie, ESM, vo1.20 nO 1, pp. 55-77.

[MEN89] Ministère de l'Education Nationale, Direction de l'Evaluation et de la Prospective, 1989, Evaluation à l'Entrée en Sixième, Présentation, Document diffusé aux professeurs de France et de Navarre.

[M080] C. MORITZ, 1980, Descriptifdu Film "Sur un Thème de Carrés Magiques", publication de l'IREM, ULP Strasbourg.

[P65] G. POLYA, 1965 (date de la traduction française de How to Solve It), Comment Poser et Résoudre un Problème, Dunod, Paris.

[R89] J.C. RAUSCHER,1989, Le "Théorème des Tiers", in Suivi Scientifique classe de Troisième, Bulletin Inter-IREM, pp. 75-79.

, .

ANALYSES DE SIMILARITES ET D'IMPLICATIONS

ENTRE PROCEDURES D'ELEVES DANS DE COURTES

DEMONSTRATIONS DE GEOMETRIE

AnnieLARHER Lycée Ile-de-France

et Equipe de Didactique de l'IRMAR Rennes

I. Introduction

C'est principalement en géométrie que les élèves mettent en œuvre le raisonnement déductif. Les difficultés rencontrées sont très importantes : elles hypothèquent quelquefois la suite de leur scolarité mathématique. L'étude présentée ici vise à connaître, dans certaines situations, l'origine et la nature des erreurs les plus fréquentes, à analyser les procédures utilisées par des élèves de 1er cycle dans un contexte de démonstration en géométrie, en particulier dans le cas où l'activité déductive se réduit à une simple inférence.

Cette analyse ne peut manquer d'utilité puisque l'inférence simple est un passage obligé pour toute démonstration élémentaire exigée des élèves au début de leur apprentissage de la preuve mathématique. Or il est bien difficile, voire impossible, pour l'enseignant, de repérer à chaque fois dans une copie d'élève le type d'erreur commise et surtout sa répétition, sa fréquence dans la classe et les conditions dans lesquelles l'erreur s'élabore et apparaît. Il lui est encore plus difficile de trouver pour chaque élève les situations qui permettraient de déstabiliser et mieux, d'éliminer les procédures erronées.

L'ordinateur, en revanche, permet un travail plus individualisé; en outre, sous certaines conditions, il révèle les démarches des élèves et facilite aussi leur analyse didactique. Ainsi le logiciel «Premier Pas», élaboré par A. Simon*, remplit ces différentes fonctions: il renforce l'apprentissage du fonctionnement d'un pas déductif, permet le bilan et le recensement des acquis et, surtout, fournit des indications plus précises et objectives que les travaux papier-crayon sur les comportements des élèves placés dans des situations élémentaires.

Les méthodes statistiques classiques ne permettant pas d'accepter ou de réfuter une hypothèse didactique, nous utilisons ou construisons des méthodes multidimensionnelles d'analyses de données qui, de leur côté, dégagent de grandes structures de comportements erronés. Ce sont:

- la classification hiérarchique, symétrique, permettant d'étudier les proximités, les similarités entre les erreurs,

* A. Simon est membre de l'équipe de didactique de l'Institut de Recherche Mathématique de Rennes

(IRMAR).

«petit x» nO 32 pp. 25 à 39, 1992-1993

26

- et la classification implicative entre variables binaires qui donne un sens statistique à la relation dissymétrique:

«si on observe telle erreur x, alors on observe aussi telle erreur y».

L'analyse implicative, prolongée à d'autres types de variables et à des classes de variables (ici, de procédures) munit l'ensemble de celles-ci d'une dynamique orientée et permet, par regroupement des procédures en classes, de donner un sens à l'énoncé plus large:

«si telle classe d'erreurs A apparaît, alors telle classe d'erreurs B apparaît également ».

Cette extension permet, par la construction d'un arbre de classes orientées, de dégager de grandes familles de comportements ou de conceptions erronés des élèves. Elle apporte ainsi des éléments de réponse à quelques questions levées par notre problématique actuelle en didactique des mathématiques:

- à un niveau de cursus donné, peut-on, dans une situation donnée, déterminer une hiérarchie partiellement ordonnée de procédures de résolution de problèmes de mathématiques, signe d'une connaissance en voie de constitution?

- à un niveau de cursus donné, peut-on définir, à partir de classes ordonnées de procédures, des conceptions homogènes et résistantes relativement à un certain savoir ?

Nous montrons ici les principaux résultats obtenus sur le plan didactique en faisant fonctionner concurremment les différents outils évoqués ci-dessus - et en particulier l'implication statistique entre classes - sur les données recueillies à deux questionnaires de géométrie proposés à des élèves de 1er cycle en apprentissage du raisonnement déductif. Nous ne prétendons pas que cet apprentissage doive se réduire à la résolution d'exercices consistant, comme ceux de ces questionnaires, à compléter des inférences. Nous ne prétendons pas non plus que le type d'exercice proposé ici contribue à donner du sens à l'activité de preuve mathématique. Il s'agit seulement de donner les principales hypothèses que l'analyse implicative entre classes et les autres analyses nous ont amenés à formuler sur des comportements ou des conceptions d'élèves placés dans des situations élémentaires de démonstration déductive en géométrie.

Mais revenons tout d'abord sur les méthodologies de révélation et d'analyse des démarches des élèves que nous avons utilisées.

II. Méthodologie retenue

1. Méthodologie de révélation

a) Le logiciel « Premier Pas »

Ce logiciel propose à l'élève une liste de faits mathématiques (géométriques en l'occurrence) pouvant tenir lieu, suivant les situations, d'hypothèses ou de conclusions ainsi qu'une liste de théorèmes. Faits et théorèmes sont repérés par des numéros. Une inférence incomplète étant proposée, l'élève doit choisir un ou plusieurs

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faits, un ou plusieurs théorèmes pour que soit validée l'inférence (ou les inférences successives).

Exemple

(AB) Il (EF) et (AB) Il (CD)?

(CD Il (EF)

Hypothèse Théorème Conclusion

Nécessairement, la stratégie de décision de l'élève dans cet exercice très particulier est fort proche de celle déployée dans les Q.C.M. et en revanche, très différente de celle qui est suivie dans les démonstrations à plusieurs pas et dans les problèmes ouverts. Ici, l'élève n'a pas de véritable activité créatrice et le sens global d'un problème n'est pas mobilisable; les seuls points d'appui sont le sens du pas de démonstration et l'ensemble langagier des assertions ou théorèmes dont il dispose.

Nous avons cependant remarqué, grâce à la répétition, à l'accumulation et à la concomitance d'erreurs, la stabilité de certaines procédures qui correspondent à des modèles de fonctionnement en équilibre aussi bien chez un élève particulier que chez l'élève en général. Nous en voyons des exemples en analysant les résultats obtenus à deux questionnaires proposés sur le logiciel «Premier pas» à des élèves de 5ème après l'enseignement de quelques propriétés de la symétrie par rapport à un point.

b) Présentation des questionnaires

Les questionnaires, appelés «6 Questions» et <<5 Questions» que nous étudions ici se rapportent donc à la symétrie centrale et, pour une question du 1er (QS) à la transitivité du parallélisme. Les questions posées visent à étudier l'effet d'un certain nombre de variables liées à la logique de l'inférence et à la forme des énoncés proposés.

Hypothèses et théorèmes sont donnés: l'élève doit compléter en choisissant un des onze faits de la liste à titre de conclusion. A la suite d'un premier essai, il est autorisé à faire un deuxième et dernier essai. Les questions sont indépendantes.

Faits 1. (EF) et (CD) sont symétriques par rapport au point 1 2. [MN] est le symétrique de [PR] par rapport au point 1 3. (AB) et (CD) sont symétriques par rapport au point 0 4. (MN) Il (PR) 5. (CD) Il (EF) 6. (AB) Il (CD) 7. (AB) Il (EF) 8. MN =PR 9. CD =EF

,10. AB=CD 11. AB =EF

28

Théorèmes 1. La symétrie centrale conseIVe les longueurs. 2. Si (D) Il (D') et (D') Il (D"), alors (D) Il (D"). 3. Le symétrique d'une droite (D) par rapport à un point est une droite (D') parallèle à (D). 4. Si deux droites sont symétriques par rapport à un point, alors elles sont parallèles. 5. Deux segments symétriques par rapport à un point ont même longueur. 6. La symétrie centrale conseIVe les directions.

Chaque question se présente schématiquement ainsi: Hypothèse: fait nO a - Théorème nO b - conclusion: fait nO?

Voici l'ensemble questions-réponses du questionnaire «6 Questions».

Hypothèses Théorèmes

Le symétrique de (D) par rapport à un point est (D') Il (D).

conclusions à trouver

!HYPolhèse (H) : 1 QI \ Théorème (n :3

Conclusion (C) : S

(EF) et (CD)symétriques par rapport à I.

(EF) Il (CD)

{H' 3Q2 T:'4 C: 6

(AB) et (CD) symé­triques par rapport à O.

Si 2 droites sont symétriques par rapport à un point, alors elles sont parallèles.

(AB) Il (CD)

{H' 2Q3 T:' S C: 8

[MN] est symétrique de [PR] par rapport à I.

2 segments symé­triques par rapport à un point ont même longueur.

MN=PR

{H' 3Q4 T:' 6 C: 6

(AB) et (CD) symé­triques par rapport à O.

La symétrie centrale conserve les directions.

(AB) Il (CD)

Q fH: 6 etS 5 \T: 2

C: 7

(AB) Il (CD)

et (CD) Il (EF).

Si (D) Il (D') et (D') Il (D") alors (D) Il (D").

(AB) Il (EF)

{H' 2Q6 T :'1 C: R

[MN] est symétrique de [PR] par rapport à I.

La symétrie centrale conserve les longueurs.

MN=PR

Le questionnaire <<5 Questions» soumis aux élèves postérieurement au «6 Questions» pour conforter des hypothèses au sujet des démarches de démonstration, ne diffère de celui-ci que:

- par la suppression de la question Qs non relative à la symétrie ponctuelle (il est apparu en effet que les réponses au «6 Questions» étaient un peu biaisées par la présence de cette question relevant d'un autre concept) ; et - par l'ajout de deux faits dont l'absence dans le «6 Questions» semble avoir provoqué des confusions trop singulières:

12. (AB) = (CD) 13. [MN] = [PR].

Chaque modalité de réponse est codée par un triplet. Exemple: 3-6-10 (Q4).

29

2. Méthodologie d'analyse

Relativement aux 80 élèves ayant répondu au questionnaire «6 Questions», nous avons relevé en tout 31 modalités de réponse à l'ensemble des 6 exercices (premier et second essais).

Voici le tableau de ces 31 modalités et de leurs nombres d'occurrences:

Questions Modalités N" Nombre d'occurrences

1-3-5 (RI) 1 63

1-3-1 2 14

QI 1-3-2 3 6

1-3-3 4 10

1-3-6 5 4

1-3-9 6 9

3-4-6 (R2) 7 77

3-4-2 8 4

Q2 3-4-5 9 4

3-4-3 10 2

3-4-10 Il 3

2-5-8 (R3) 12 70

2-5-4 13 12

Q3 2-5-6 14 4

2-5-7 15 4

2-5-2 16 4

3-6-6 (R4) 17 58

3-6-3 18 17

3-6-4 19 4

Q4 3-6-5 20 6

3-6-9 21 4

3-6-10 22 41

6,5-2-7 (R5) 23 68

6,5-2-3 24 7

Q5 6,5-2-9 25 6

6,5-2-11 26 Il

2-1-8 (R6) 27 70

2-1-3 28 12

Q6 2-1-4 29 5

2-1-5 30 6

2-1-6 31 4

Certaines réponses erronées sont relativement fréquentes et pourtant aberrantes, du moins à première vue; et on peut être tenté de penser, de façon superficielle, que ces élèves, ou bien n'ont rien compris, ou bien n'ont pas répondu sérieusement au questionnaire.

30

Or les analyses hiérarchiques des similarités d'une part, des implications mutuelles entre les procédures d'autre part, permettent de trouver quelques explications objectives aux réponses jugées incohérentes ou aléatoires.

a) Analyse hiérarchique des similarités entre variables binaires

Pour définir la similarité de 2 variables binaires a et b, I.C. Lennan (Université Rennes 1) a construit un indice [Lennan 81] qui ne prend pas seulement en compte le nombre d'individus d'une population E possédant à la fois a et b, il situe plutôt la valeur de ce nombre par rapport à la valeur «attendue» du cardinal de l'intersection entre deux parties aléatoires X et Y de même cardinaux que A et B (ensembles des individus possédant respectivement les attributs a et b).

En tennes intuitifs, les deux attributs a et b sont d'autant plus voisins que le nombre d'individus les possédant l'un et l'autre est invraisemblablement grand, dans une hypothèse d'indépendance entre X et Y, selon un modèle probabiliste.

Dans le questionnaire «6 Questions», panni les 31 modalités de réponses, quelles sont celles qui se «ressemblent» le plus?

Les réponses sont rentrées sur ordinateur (logiciel C.H.I.C. de Saddo Ag Almouloud** ) qui calcule tous les indices de siinilarité :

- entre les variables deux à deux: celles d'entre elles qui ont même indice de similarité se réunissent en une classe;

- puis entre une variable et une classe; - enfin entre classes.

Les ressemblances ou différences entre les items ou les classes d'items sont traduites graphiquement sous la fonne d'une hiérarchie.

** S. Ag Almouloud, équipe IRMAR - Rennes.

31

tr) (L>Qs: 6,5-2-9 N

co changement des relations

Q4: 3-6-5 N0

(~, (famille D)

QS: 6,5-2-3 N (ï)"""1-5

0 ~ Q6: 2­ "" (5:=tr) ~Q3: 2-5-7 ..... (4 ..... Q2: 3-4-5 (4 """'"

.....Q3: 2-5-6 ..... (4,

Q6: 2-1-4 N

"""~

f-;::;'" (58 ..... \0QI: 1-3-9 (9 ~I co \0NQ6: 2-1-3 N~~I\O

r-

QI: 1-3-2 ""

Q4' 3-6-4( (4g_ Changement des Q2: 3-4-2 co (4 '\

col instanciations QI: 1-3-6 (4}-­

..... 1tr) maintien du em du

le choixQI: 1-3-3 """ (10) théorème dan de la conclus on C) /

.....Q6: 2-1-6 1

o "" p,- ..... Changement des instanciatio Q4: 3-6-9 N ~:~

Q4; 3-6-10 N N (41~ I~

Q4: 3-6-3 co .....

Q3: 2-5-2 \0 .....

QZ: 3-4-3 0 .....

(17)

~;~ redondance r I~

~

QS: 6,5-2-11 \0 N

Q3; 2-5-4 "" .....

(11

(12) tr)

1..... f-QI: 1-3-1 N (14)

redondance 1

"" RS N (68'

R4 ~ (58) 0 IN

QZ: 3-4-10 ..... ..... (3)

R 3 ~ (70) t ­ (77R Z t ­ .....N (70 NR 6

RI (63

arbre des similarités 80 élèves

tr) -N

Ma' tien des insu nciations,

Ciliillgement de: relations par ra port à l'attendu théorèmes (B)

1

IN (A)

~ N""

F

ns,} pas de liaison

liaison hypothèse­conclusion par le sens

liaison hypothèses­

1>- conclusion )des par les signes

Quatre familles de modalités apparaissent très clairement: A : toutes les bonnes réponses et la modalité 3-4-10 ; B : procédures erronées, comportant toutes le maintien des noms des objets

(segments, droites, ... ) mais le changement des relations par rapport. à l'attendu des théorèmes (JI remplacé par = ou = remplacé par II) ;

C : réponses d'élèves modifiant les instanciations (noms des objets) mais gardant le sens du théorème dans le choix de la conclusion;

D : réponses incohérentes à la fois sur les variables et sur le sens du théorème.

32

b) Analyse impIicative

• Intensité d'implication entre variables binaires

Pour définir les intensités d'implication mutuelle, R. Gras procède à partir de

A n B comme I.C. Lerman à partir de A n B, selon un modèle probabiliste.

Soit Card A ~ Card B. Si A c B, l'implication a ~ b est vraie au sens logique dans E.

Si A n'est pas inclus dans B, mais si Card (A n B) est relativement petit, on associe

une mesure à a ~ b, dont la valeur est un indice de la qualité de la quasi implication de a vers b. C'est le cas par exemple où dans un questionnaire il y a peu d'élèves à avoir utilisé la procédure a sans avoir utilisé la procédure b.

E x~

~) y

En termes intuitifs, l'attribut a implique d'autant plus l'attribut b (B absorbe d'autant plus A) que le nombre d'individus possédant a et ne possédant pas b est invraisemblablement petit par rapport au nombre attendu, dans une hypothèse d'indépendance entre les parties aléatoires X et Y de mêmes cardinaux respectifs que A et B.

Un nombre, compris entre 0 et 1, appelé intensité d'implication, traduit de façon croissante la qualité de l'implication de a sur b.

Le graphe d'implication, autre originalité de la méthode, nous donne une représentation de l'ensemble des relations implicatives les plus fortes, opératoire pour l'analyse et l'interprétation. En particulier, à partir de ce graphe, nous émettons des conjectures du type: la réussite à une question donnée s'accompagne-t-elle de la réussite à une autre question? Telle erreur implique-t-elle telle autre erreur?

L'ordinateur donne le listing des intensités d'implication dont les valeurs gratifient de nuance les hypothèses formulées. Indiquons que le calcul de l'intensité d'implication peut être extrapolé à d'autres types de variables que les variables binaires : les variables modales et les variables quantitatives.

Voici le graphe implicatif des 6 réussites et les intensités d'implication pour le questionnaire «6 Questions» (Ri: réussite à la question (Qi».

-la coprésence de deux mots «conserver» et «directions» (<<conserver» avec le sens que lui ont donné, dans les classes, les enseignants qui ont soumis leurs élèves aux questionnaires) accroît la difficulté de la question (Q4) ce qui explique la place de R4 en racine de l'arbre;

- la réussite semble liée à la nature du concept en jeu: séparation entre les 5 réussites relatives à la symétrie et la réussite RS relative à la transitivité. Seule existerait une liaison implicative (faible) de R4 vers RS due à des capacités supérieures interconceptuelles ou simplement logiques;

33

- R3 et R6 sont les réussites aux deux questions concernant les longueurs (propriété métrique M de la symétrie centrale). On peut s'étonner d'une part qu'elles n'admettent qu'une faible liaison entre elles, d'autre part que R6 se trouve liée aux modalités RI. R2 et ~ ayant trait au parallélisme de deux droites symétriques par rapport à un point (propriété affine de la symétrie centrale).

~79

métrique

-594 1

-49 1

affine

Sans doute ne faut-il pas chercher à cela d'autre raison que la présence du mot «conserver» dans le théorème de (Q6) : nous présumons en effet que ce mot est lu par la majorité des élèves comme «confondre», d'où la bonne réponse MN =PR donnée à (Q6) mais par erreur! En revanche, il semblerait que la réussite à (Q3), consécutive peut-être à un échec au 1er essai, corresponde davantage à une bonne compréhension du sens du théorème donné sous forme affirmative et sans mots ou difficiles ou ambigus.

- Implication entre classes de variables

L'implication entre classes ne prend véritablement sons sens qu'à condition qu'à l'intérieur de chaque classe dont on examine la relation avec d'autres, existe une certaine «cohésion» entre les variables qui la constituent.

L'implication entre deux classes se constitue à partir des informations suivantes: - les cohésions respectives des deux classes, - une intensité d'implication extrémale des éléments d'une classe sur les

éléments de l'autre, - les cardinaux respectifs des deux classes.

Basé sur le concept d'entropie et s'y opposant, l'indice d'implication que nous avons retenu:

* croît avec les cohésions de chaque classe, * croît avec la liaison extrêmale, * décroît avec les cardinaux des classes. Nous établissons un algorithme d'agrégations successives de classes où la

cohésion des classes formées est toujours décroissante au sens larg~. Saddo Ag Almouloud [thèse 1992], a élaboré sur P.c. des programmes d'analyses de données incluant:

34

- le calcul d'intensités d'implication entre attributs ou variables binaires ou non, - le calcul de cohésions et d'indices d'implication entre classes selon

l'algorithme précédent, - la construction de l'arbre d'implication entre classes sur le modèle

algorithmique utilisé par R. Gras pour l'arbre de classification hiérarchique de I.C. Lerman.

Ces programmes ont servi aux traitements des modalités de réponse données par les élèves aux questionnaires «6 Questions» et <<5 Questions» présentés ci-dessus; par exemple, entre les réussites au «6 Questions», nous obtenons:

c::: 0,241

3

c::: 0,420

2

c::: 0,942

c=l

® ~ transitivité du parallélisme A,._---r ~

symétrie et longueurs symétrie et directions

sans «conserver» «conservation» parallélisme et longueurs

symétrie centraie

III. Analyses hiérarchique et implicative de l'ensemble des réponses aux questionnaires

L'examen des résultats bruts et l'analyse hiérarchique des similarités ont mis en évidence dans les questionnaires «6 et 5 questions» des types d'erreurs faites par de jeunes élèves en situation d'apprentissage de la démonstration mathématique. En fait, 3 grandes familles de procédures erronées, très stables mais non disjointes, se sont dégagées:

- changement d'instanciation : l'élève change le nom des objets,

- répétition: l'élève répète en conclusion l'hypothèse de l'inférence,

35

- changement de relation par rapport à l'attendu du théorème ou, plus spécifiquement, confusion entre le parallélisme et l'égalité.

Sur ces familles, l'application des nouveaux outils d'implication statistique a permis de donner des éléments de réponse aux questions de notre problématique, à savoir :

- telle erreur s'accompagne-t-elle d'une autre erreur plus fréquemment que d'une réussite?

- dans le cas où un type d'erreur implique directement la réussite à une ou plusieurs questions: à quelle(s) question(s) ? dans quelle circonstance?

Dans le graphique suivant, nous avons regroupé les modalités de réponse du «6 Questions» par familles de manière à mettre en évidence les implications de : réussites

. vers réussites, procédures erronées vers réussites, procédures erronées vers procédures erronées.

Rappelons que chaque modalité de réponse est codée par un triplet, par exemple, 3-4-3 signifie:

hypothèse: fait nO 3 ; théorème: nO 4 ; conclusion donnée: fait nO 3. En clair:

Hypothèse: 3 Théorème: 4 Conclusion: 3

(AB) et (CD) sont Si deux droites sont (AB) et (CD) sont symétriques par rapport symétriques par rapport symétriques par rapport au point O. à un point, alors elles au point O.

sont parallèles.

La dynamique orientée apparaissant sur le graphique implicatif ci-après entre les familles de procédures soulève naturellement des questions d'ordre didactique et cognitif. Des hypothèses peuvent être émises sur les différents types d'erreurs. Celles que nous formulons plus loin ont été mises à l'épreuve du 2ème questionnaire «<5 Questions») et d'autres activités; elles ont été confrontées à celles faites a priori, contrôlées par l'analyse hiérarchique des similarités ainsi que par une analyse factorielle de correspondances; ces analyses corroborent, valident, enrichissent les résultats acquis par l'étude implicative tout en les spécifiant par rapport aux autres, de sorte que les interprétations s'appuient et se précisent mutuellement.

\

\

03-6-10 ®

36

(I) : mauvaise instanciation

• 3-6-5 6>------1-­

• 3-4-5 4)---+ --7/rr==9======~===03-64 0

01-3-6 Q) =remplacé par Il 1Il remplacé par =

03-4-10 G)

03-4-2 G)01-3-2 @01-3-3 @)

02-1-3 @

03-6-9 Œ)

06,5-2-9 @ ~:I!==

03-4-3 CD02-5-2 ® 01-3-1 @03-6-3 @

• 2-5-6 @ • 1-3-9 ® '2-14 G) Olz/ /02-5-7 @ 06,5-2-11 @ 02-5-4 @ 102-1-5 (§)

'2-1-6 @ / /

/ 1

;' / /

/ /

Il 0Il) : Répétition 1 /

/\ -----~----~

(68) - \

Rs \ 1\ & /

\ \ \ \ \ \

" /~ , ~ -~

\

- ....~~ 01 - - ~ : réussite vers réussite ~ : procédure erronée vers réussite

~ :procédure erronée vers procédure erronée

37

Nous exposons maintenant les idées essentielles qui ressortent de ces analyses ainsi que quelques hypothèses qu'elles nous ont conduits à formuler; certaines sont liées aux questionnaires posés avec leurs spécificités et leurs imperfections, d'autres sont plus générales.

1. Famille (1) mauvaise instanciation (changement de nom des objets)

C'est une classe peu stable; l'erreur est rarement isolée; quand elle l'est, il y a implication vers les réussites d'où notre thèse : il s'agit d'une erreur de type sémiotique, sans grande gravité.

Exception: 1-3-6 (QI) L'élève écrit la bonne relation (parallélisme) de QI mais entre les objets nommés

dans l'hypothèse de la question suivante (Q2) ; il s'est établi cette règle d'action; ainsi les réponses incohérentes peuvent s'expliquer par l'invention par l'élève de règles parfois très complexes, non dénuées de bon sens mais indépendantes de la rationalité mathématique; ici il semble que l'élève ait compris l'algorithme de la démonstration déductive à plusieurs pas, où un fait peut changer de statut d'un pas à un autre, mais non pas le sens de l'inférence: hypothèse - théorème - conclusion. A l'appui de cette interprétation, remarquons que cette procédure 1-3-6 implique la procédure 3-4-2 (Q2) dans laquelle la conclusion donnée est strictement l'hypothèse de la question suivante.

L'application de l'algorithme semble donc l'emporter sur le traitement de l'inférence dans un problème à plusieurs pas enchaînés.

2. Famille (III) : répétition de l'hypothèse en conclusion Dans le cas où l'erreur est isolée: - les effectifs sont importants, - la liaison, consistante, prouve la stabilité de ces comportements chez certains

élèves, - l'implication est très forte vers l'erreur 3-6-10 où il y a encore écho de

l'hypothèse dans la conclusion. A la faveur d'un autre test où l'unicité de la réponse n'avait pas été clairement

demandée dans les consignes, nous avons observé que bon nombre d'élèves indiquaient au moins deux conclusions dont l'hypothèse de l'inférence, juxtaposant ainsi des assenions: ces élèves n'ont pas compris le sens de la forme ternaire d'un pas de démonstration. Ils considèrent la déduction comme une rhétorique du discours où la redondance est souvent pratiquée car elle assure le principe du maximum d'informations. Il s'agit d'une erreur d'ordre sémantique, stable.

3. Famille (II) : confusion entre parallélisme et égalité A priori, la confusion peut se faire dans les deux sens (<<parallèle» remplacé par

«égal» ou inversement) ; les deux erreurs doivent être interprétées différemment: en fait, les implications ne se font que de l'une des substitutions vers l'autre.

Nous avons pu vérifier que: - l'erreur de remplacement de Il par = n'est pas liée aux questionnaires; - contrairement à ce qu'on peut penser, le mot «parallélogramme» dans lts

hypothèses ou dans le théorème n'incite pas à écrire Il plutôt que = ; le mot «milieu» n'incite pas à écrire = plutôt que Il ;

38

- l'équivalence entre parallélogramme et quadrilatère dont les diagonales ont même milieu est très prégnante : c'est le concept «scientifique» du mot parallélogramme, celui qui est construit sous l'effet de l'apprentissage scolaire; plus généralement, nous avons noté que les élèves articulent souvent les faits à partir de proximités des champs fréquemment et récemment conjoints;

- pour les élèves, les droites (D), (~), ... , ont une mobilité potentielle (au contraire, si 2, 3 points sont donnés sur une droite: droite (AB) ... , celle-ci est figée par ces points !). Par un mouvement de translation, deux droites parallèles sont superposables donc égalisables ; elles sont équivalentes en direction : dans le remplacement de droites Il par droites =, il semble donc que l'égalité soit connotée d'équivalence, modulo un déplacement. L'erreur n'est pas vraiment de nature logique; elle exprime un glissement de sens ou encore une confusion conceptuelle sans doute peu ancrée et peu persistante;

- le remplacement de «droites parallèles» par «longueurs égales», traduisant à la fois une confusion de signes et une confusion entre un ensemble de points et un nombre, signifie certainement une erreur plus profonde; mais moins cependant que l'erreur inverse, grave et stable;

- deux segments distincts parallèles et isométriques sont fréquemment déclarés égaux : ils sont en effet «équivalents» en direction et en longueur (le concept de vecteur est naturellement sous-jacent à cette représentation). Deux segments isométriques mais non parallèles sont souvent aussi considérés comme égaux; ce n'est pas le cas de 2 segments parallèles et de longueurs différentes. Au segment est donc fortement attaché un nombre: sa longueur, et l'élève écrit une égalité numérique (c'est bien ainsi qu'est perçue d'abord une égalité chez le jeune enfant).

Les analyses hiérarchiques des similarités montrent clairement la dichotomie entre les erreurs de type sémiotique et les erreurs de type sémantique, dans les questionnaires étudiés. Les analyses implicatives, elles, marquent nettement d'une part la séparation entre les confusions du parallélisme et de l'égalité (elles ne relèvent pas du même obstacle), d'autre part une différence entre les trois confusions d'objets suivantes : confusion droite et segment, confusion droite et longueur, confusion segment et longueur. Les deux hiérarchies, par leur construction même, nous informent de façon différente sans se contredire ou se complètent sans se répéter.

IV. Conclusion

Finalement, ces analyses montrent l'existence de grandes classes de procédures d'erreurs et de relations dissymétriques entre elles dans des situations de démonstration à un pas en géométrie chez de jeunes élèves. Elles confmnent la stabilité de certaines conceptions, la force de certains comportements erronés et la régularité de leur apparition.

Plus précisément, elles mettent en évidence: - deux formes primitives de l'inférence: la répétition, d'une part, et le

changement des noms des objets avec changement ou non de la relation attendue, d'autre part ;

- une forme plus évoluée où les relations attendues sont échangées avec d@s relations voisines, sans symétrie entre ces échanges;

39

- une forme presque achevée où la réponse diffère de l'attendu par la seule écriture (confusion entre signifiants seuls) ;

- une forme achevée conduisant à la réussite.

Nous espérons, dans ces quelques pages, avoir montré, en outre, la place importante que vient prendre l'implication statistique dans la panoplie des méthodes d'analyses de données, ainsi que l'opportunité et l'efficacité en didactique de ce nouvel outil. Mais son intérêt ne se limite pas, loin de là, à ce domaine. Il ouvre en effet un champ très large d'applications dans des domaines variés (évaluation par exemple) où les relations à étudier ne sont pas symétriques.

Références

AG ALMOULOUD S., 1992, L'ordinateur: outil d'aide à l'apprentissage de la démonstration et de traitement d'analyse de données didactiques, Thèse de l'Université de Rennes 1.

GRAS R, 1979, Contribution à l'étude expérimentale et à l'analyse de certaines acquisitions cognitives et de certains objectifs didactiques en mathématiques, Thèse d'Etat, Université de Rennes 1.

GRAS Ret LARHER A, 1992, L'implication statistique, une nouvelle méthode d'analyse de données, Mathématique, Informatique et Sciences Humaines, nO 120.

LARHER A., 1991, Implication statistique et applications à l'analyse de démarches de preuve mathématique, Thèse de l'Université de Rennes 1.

LERMAN I.C, GRAS R, ROSTAM H., 1981, Elaboration et évaluation d'un indice d'implication pour des données binaires, 1 et II, Mathématiques et Sciences Humaines nO 74, pp. 5-35 et nO 75, pp. 5-47.

LERMAN I.C., 1981, Classification et analyse ordinale des données, Dunod.

40

Nunléro Hors-série

Pour les 10 ans de Peti,t ".

Depuis le premier numéro de Petit x. en 1983, vous avez vu apparaître au fil des numéros des activités pour vos élèves. La caractéristique de ces activités est d'être courtes, en général avec peu de texte, un graphisme agréable et surtout un contenu qui nous a semblé original ou intéressant. Notre intention a toujours été de proposer des activités qu'un enseignant peut rapidement exploiter dans sa classe en photocopiant un document tout prêt.

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41

ACTIVITE ... ITINERAIRES* 1

Philibert Clapponi lREM de Grenoble

x et y désignent des nombres. 1 Pour aller de x à y tu peux suivre deux itinéraires différents: -ou bien multiplier x par 16 -ou bien multiplier x par 7 et ajouter 216 au résultat

Le schéma résume cette situation. Ecris une égalité qui montre que les deux itinéraires donnent le même résultat. • Trouve x.

Refais le même travail avec les schémas suivants:

2 3

* D'après une idée de Alan Bell. Nottingham, G.B.

«Petit x» nO 32 pp 41 à 46 1992-1993

42

Pour chacun des schémas suivants, écris une égalité exprimant que les deux itinéraires donnent le même nombre puis trouve x.

4

égalité:

x= ...

5

égalité:

x= ...

Pour chacun des schémas suivants, écris une égalité exprimant que les deux itinéraires donnent le même nombre puis trouve x.

6

égalité:

x= ...

7

égalité:

x= ...

«Petit x» nO 32 pp 41 à 46 1992-1993

43

Pour chacun des schémas suivants, écris une égalité exprimant que les deux itinéraires donnent le même nombre puis trouve x.

8

égalité:

x= ...

9

égalité:

x= ...

Pour chacun des schémas suivants, écris une égalité exprimant que les deux itinéraires donnent le même nombre puis trouve x.

la

égalité:

x= ...

Il

égalité:

x= ...

«Petit x» nO 32 pp 41 à 46 1992-1993

44

Pour chacun des schémas suivants, écris une égalité exprimant que les deux itinéraires donnent le même nombre puis trouve x.

12 13

XP~12 o~ ~O

+1560+56

égalité:

x = ...

égalité:

x= ...

Pour chacun des schémas suivants, écris une égalité exprimant que les deux itinéraires donnent le même nombre puis trouve x.

14

égalité:

x= ...

15

égalité:

x = ...

«Petit x» nO 32 pp 41 à 46 1992-1993

45

, al' ,eg Ite: .

x = ...

17

-SQ-3 Q ~OX20XS

égalité: .

x = ...

18 19

0,x12 0 x16f:\

V~ ~ -~ ~\JOG)~O~O q:-0~8 égalité: . égalité: .

y= ... y = ...

20

0,+70V~ ~

G~O-;;O égalité: .

y= ...

21

x1--0~0 O~C~Q

-2 +2SV égalité: .

y= ...

«Petit x» nO 32 pp 41 à 46 1992-1993

46

Pour chacun des schémas suivants, écris une égalité exprimant que les deux itinéraires donnent le même nombre puis trouve x.

22 23

+2 ~2

x5 égalité:

x= ...

égalité:

x= ...

Pour chacun des schémas suivants, écris une égalité exprimant que les deux itinéraires donnent le même nombre puis trouve x.

24

+y

égalité:

y= ...

25

égalité:

u= ...

«Petit x» nO 32 pp 41 à 46 1992-1993

REFLEXIONS DIDACTIQUES AUTOUR D'UNE SITUATION D'ENSEIGNEMENT

DE L'EQUATION DE LA DROITE

Ruhal FLORIS Collège Voltaire et

FAPSE Université de Genève (Suisse)

1. Introduction

Cet article présente un travail d'ingénierie didactique développé à partir d'une idée de situation d'enseignement de l'équation fonctionnelle de la droite y =mx+n. Nous avons ainsi élaboré, dans une perspective d'innovation, deux séquences didactiques complètes intégrant l'utilisation de l'ordinateur 1. Pour nous aider à effectuer certains choix, nous avons essayé de nous référer à la théorie des situations de Guy Brousseau. C'est de quelques-uns des thèmes de cette réflexion que nous nous proposons de discuter ici 2.

Afin de donner un certain ordre à l'exposé, nous prenons le parti de le présenter comme un exercice d'application d'un cours théorique de didactique, celui donné par Michèle Artigue lors de la Vème école d'été de didactique des mathématiques sur l'ingénierie didactique (Artigue 91).

Après présentation de la situation dont nous sommes partis, ainsi que des premières expériences faites avec des élèves (§ 2), nous suivons le schéma d'organisation du cours cité ci-dessus, en proposant nos réflexions épistémologiques et didactiques. S'agissant d'un exercice, celles-ci ne sont qu'ébauchées (§ 3). Elles mériteraient une étude beaucoup plus approfondie.

La troisième partie de cette article est consacrée à une analyse a priori de la situation didactique principale, qui s'est avérée, pour nous, d'une grande richesse, tant du point de vue théorique qu'expérimental (§ 4).

Finalement, plusieurs travaux ayant déjà présenté des expérimentations et des observations de type micro-didactique (voir Bevacqua-Floris 89, Floris, Gruner, Rochat 91, Schubauer 89), nous nous limitons à discuter ici l'aspect global des séquences, c'est-à-dire la question de l'équation de la droite comme outil de résolution de problèmes (§ 5).

1 Voir le document collectif GEMAO (1991), contenant également les logiciels programmés dans le langage auteur GEOM. 2 Je profite de remercier ici, pour leur contribution à ces réflexions, Jean Brun, François Conne, Gisèle Lemoyne, Richard Schubauer, Laura Weiss.

«petit x» n032 pp.47 à 66, 1992-1993

48

2. Une situation didactique

L'équation fonctionnelle de la droite: y=mx+n

fournit au mathématicien, et à l'élève expert, la possibilité de déterminer si un point, connu par ses coordonnées, appartient ou non à la droite.

En partant de cette remarque, et dans une perspective constructiviste, nous avons construit une situation didactique (dénotée SITP par la suite), que nous avons implémentée sur ordinateur, afin de rendre difficile sa résolution par simple prolongement des droites (voir figure 1).

So it P le po int d' intersect ion Lfl.V·. ~~se~~U;l1d~:~:;: ~ee~'~~ran. r. Trouver les coordonnées du point P et appu~er sur (-J

pour la suite de l'exercice. .1L-----------AF3.1

o 1

Fig. 1. La situation principale SITP.

Nous reprenions ainsi, dans une nouvelle perspective, un problème de géométrie assez connu. Mais le milieu mis en place modifie complètement le problème, avec la présence d'un réseau de points, la possibilité d'y faire circuler un curseur en actionnant les flèches de direction du clavier et le tracé des axes cartésiens. Dans ce contexte, une procédure de résolution par construction géométrique n'est guère probable (tout comme l'inverse, d'ailleurs !).

Notre idée initiale était de faire lire l'équation de la droite comme un parcours

dans le réseau de points. Nous considérions ainsi l'écriture y = N + ~ V à lire comme

étant l'ordonnée à l'origine N à laquelle on ajoute V fois la valeur ~, où V et H sont

les longueurs des cathètes3 d'un triangle rectangle dont l'hypoténuse est contenue dans la droite (voir la figure 2).

3 Le terme de cathète désigne un côté de l'angle droit. II est d'usage courrant en Suisse Romande.

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L'objectif était que l'élève détermine les valeurs de V et de H et qu'il se rende compte que le nombre de longueurs H entre les deux droites verticales, correspondant à x/H, lui permet de calculer l'ordonnée du point d'intersection, en multipliant ce nombre par V puis en ajoutant la valeur N.

y

x

Fig. 2.

Spécifions que les valeurs numériques choisies étaient telles que dans les premières situations proposées tous les nombres, y compris xIH, sont des entiers.

C'est autour de ce noyau que nous avons construit nos séquences, en amont pour une étude de la notion de pente4 d'une droite et de ses propriétés et en aval avec les problèmes que permet de résoudre la connaissance de l'équation de la droite (voir l'annexe 1 pour un résumé des séquences).

Ces séquences ont été "expérimentées" plusieurs fois et dans différents contextes (élèves scientifiques ou non, n'ayant pas rencontré l'application affine auparavant ou l'ayant étudiée de la façon habituelle). La première fois, la situation s'est révélée trop 'chargée' et l'intervention du maître a été nécessaire pour aider les élèves à comprendre les consignes et même pour leur fournir l'indice manquant: utiliser la propriété de la pente. Mais, curieusement, ce fait, qui aurait pu déformer la signification de la situation, a eu plutôt un effet positif, dans ce sens qu'il a facilité sa prise en charge par les élèves qui lui ont alors donné le statut d'un exercice. Néanmoins, avec la progression des difficultés numériques, les élèves se sont assez rapidement essoufflés, ce qui a amené une intervention plus précoce de l'enseignant, qui a alors proposé l'équation de la droite comme moyen de faciliter la résolution du problème. Cette institutionnalisation trouva des élèves pour une fois fort attentifs (il s'agissait d'élèves d'une classe de transition vers une filière sans bac. Voir Bevacqua-Floris 89).

Par la suite, une situation de préparation a été mise en place afin de faciliter l'entrée des élèves dans la situation principale. Néanmoins, chaque fois que nous l'avons ensuite proposée aux élèves (3-4 fois), nous avons observé un certain blocage: questions à propos de l'énoncé, doutes sur la possibilité de répondre sans

4 ou coefficient de proportionnalité. Le terme de pente ne semble pas appur" .e dans les manuels français; il est introduit, de même que celui d'ordonnée à l'origine, d~ .; l'enseignement des mathématiques en Suisse Romande.

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deviner, manifestations d'incompréhension devant les résultats obtenus. Même et ­surtout, semble-t-il - les 'bons' élèves, dont on pouvait attendre une certaine aisance ont de la peine. Certains posent et résolvent la proportion mais répondent en oubliant l'ordonnée à l'origine. D'autres parviennent au même blocage en faisant -comme prévu et balisé- usage de la propriété que la pente d'une droite est constante.

La difficulté augmentant (on passe aux nombres rationnels pour la pente et enfin aux nombres décimaux pour la coordonnée à calculer), l'essoufflement finit par se manifester.

L'ingénierie prévoyait une institutionnalisation fondée par les réponses des élèves à la question: "Comment avez-vous obtenu le résultat? Ecrivez le calcul que vous avez effectué." Or les élèves n'arrivent pas à exprimer ce calcul, même dans un cas très simple. Nous aurions peut-être du le prévoir puisque la situation centrée sur l'action, ne favorisait pas cette formulation. C'est donc le maître qui prend cette dernière en charge (voir annexe 1) et qui en déduit l'équation de la droite en renvoyant les élèves aux phases suivantes de la séquence. Nous tenterons d'analyser plus loin ces faits.

En fait nous nous étions posés un problème de didactique: celui de la genèse artificielle des notions de pente et d'équation fonctionnelle de la droite dans le plan. Le problème que nous avions construit devait être résolu par les élèves en utilisant -sans le savoir explicitement- les deux paramètres de l'équation fonctionnelle de la droite y=mx+n. On leur demandait ensuite de formuler l'équation de façon à obtenir une description des calculs effectués. Or les observations que nous pouvions faire nous montrait que l'apprentissage des élèves ne correspondait pas à ce qui avait été imaginé. C'est donc dans le but de mieux comprendre ce qui s'est passé que nous avons entrepris cette étude.

3. Eléments d'analyses épistémologique et didactique

3.1. Analyses épistémologique et historique

Avant l'invention du formalisme algébrique et son utilisation en géométrie puis en analyse (Viete, Fermat, Descartes, Newton), la notion de pente d'une droite (par exemple) ne peut pas avoir le sens qu'on lui donne actuellement. Les problèmes liés au domaine qui nous intéresse ne peuvent pas être formulés ou alors ils trouvent une expression et une solution dans le contexte totalement différent de· la géométrie euclidienne. Considérons le problème qui consiste à déterminer si trois points sont alignés ou non. En géométrie euclidienne, les points pourront être donnés comme intersections de droites, par exemple, et la solution fera intervenir une construction g~ométrique. La possibilité de se donner un point comme couple de nombres ouvre un domaine de traitement entièrement nouveau qui connaît un développement foudroyant. Dès lors, le fait qu'une droite (non verticale) corresponde toujours à l'ensemble des points vérifiant l'équation y=mx+n n'est plus discuté et devient rapidement ce que Tonnelle et Chevallard ont appelé un préconstruit, une propriété "triviale" que l'on ne se préoccupe plus de démontrer 5. Parallèlement, les problèmes associés se résolvent

5 Voir Chevallard 85 (91) et Tonnelle 79. En caractérisant la préconstruction, Chevallard parle de "croisement" entre énoncés du langage et situations surdéterminées. Comme le relève F. Conne (Conne 91), ce n'est pas très clair, surtout en regard de la caractérisation de l'algorithmisation comme

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en faisant appel à des fonnules, comme par exemple celle qui pennet de détenniner si trois points dont on connaît les coordonnées sont alignés (algorithmisation du traitement allant de pair avec la préconstruction qui pennet de substituer complètement les signifiants aux signifiés).

D'autres objets se cristallisent, ainsi le repérage par les nombres négatifs, introduit par Wallis en 1655 déjà et dont on peut aisément comprendre les motivations dès lors que les courbes ne se laissent pas facilement restreindre dans le seul quadrant positif. Et pourtant, nés de la commodité, ces nombres finissent par acquérir une existence propre et deviennent eux aussi des préconstruits.

La géométrie analytique devient un chapitre de mathématiques utilitaires. Dans l'enseignement supérieur, il est souvent inclus dans ces cours fourre-tout destinés aux étudiants des disciplines scientifiques autres que mathématiques et considéré comme cours de moindre intérêt par les mathématiciens.

3.2. Enseignement usuel et ses effets

Les conséquences didactiques de l'évolution du rôle du calcul algébrique et du statut des nombres négatifs ont été longuement décrites par Yves Chevallard dans trois articles de cette revue. C'est ainsi que dans le cursus scolaire, les nombres négatifs sont maintenant introduits avant l'algèbre qui les avait fait naître. En ce qui concerne le sujet qui nous préoccupe, il apparaît en général à la suite des équations linéaires à une inconnue, sans être véritablement relié au domaine algébrique. Assez souvent, la notion de pente est introduite comme exemple de rapport, en tant qu'application des fractions (8ème année en Suisse, 4ème année en France). Dans les manuels français on y associe l'étude de l'application linéaire et des suites proportionnelles.

Préconstruite, la droite y=mx+n n'y paraît guère intéressante à étudier en tant que telle. Il semble surtout que ce soit un bon support pour introduire le vocabulaire associé à la notion de fonction, dans ce cas l'application affine. Le fonnalisme est immédiatement présenté et commenté, sans qu'il y ait un problème à résoudre. Pour reprendre les tennes de F. Conne (91), l'objet est simplement installé.

Dans une telle stratégie d'enseignement, l'important, c'est d'apprendre aux élèves à tracer convenablement des graphiques dans des repères orthononnés, à calculer des images et des préimages (antécédents). Les problèmes géométriques associés sont traités en fait dans un cadre de géométrie vectorielle et analytique, de façon essentiellement algorithmique, dans le style tel problème-telle fonnule. La relation entre le graphique et l'écriture algébrique est également mise -en place par des

"coupure" entre énoncés et situations. Comment l'algorithmisation serait-elle ainsi compatible avec la préconstruction? Introduire un nouveau terme ne me semble pas suffisant pour régler le problème. Nous préférons dire que la préconstruction représente un état figé de la dialectique entre situations et énoncés. C'est une cristallisation qui permet d'identifier sans questionnement des situations types à leurs modélisations formelles et de pouvoir appliquer des algorithmes. De là la coupure, puisque le symbole se substitue à l'objet lui-même en faisant disparaître ce dernier: le polynôme est ce que l'on montre, diviser c'est appliquer tel algorithme à partir de telle configuration de symboles. En géométrie -curieuse inversion- c'est la figure dessinée qui joue le rôle de l'objet préconstruit: une droite coupe un cercle en deux points parce que cela se voit sur le dessin comme on "voit" que x+x = 2x parce qu'il y a deux fois la lettre x.

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algorithmes : calcul des images, placement dans le repère cartésien et tracé de la fonction obtenue en joignant les points par des segments. Ou bien, positionnement sur l'ordonnée à l'origine puis tracé d'un triangle de pente et prolongement de l'hypoténuse en une droite. Vice-versa, si le graphique est donné, on calcule la pente en utilisant le triangle rectangle dont les sommets sont l'origine, l'ordonnée à l'origine et l'abscisse à l'origine (où un autre triangle lorsque la droite est linéaire). Nous avons été une fois fort surpris de constater combien des élèves avaient été déstabilisés par une tâche de détermination de pente sur un graphique quadrillé mais dépourvu d'axes. Nous retrouvons ici clairement une situation figée par un algorithme au détriment du rapport dialectique existant entre la pente et la droite, rapport caractérisé par la propriété énonçant que la pente peut être déterminée à partir de deux points quelconques choisis sur la droite.

Plus tard, on passe à la formule standard de calcul de l'équation d'une droite passant par deux points dont on connaît les coordonnées ou à celle permettant de déterminer si trois points sont alignés: mathématiques utilitaires, la transposition didactique est ici parfaitement respectée.

3.3. Conceptions des élèves

Dans l'apprentissage que nous étudions, quelles sont les connaissances des élèves qui peuvent être à l'origine de difficultés, voire d'obstacles? Il y a tout d'abord, ce que l'on peut nommer la confusion vecteur/coordonnée (ou affine/linéaire). Le calcul de la pente d'une droite passant par l'origine peut simplement se faire en considérant le rapport y/x où (x;y) est le repérage d'un point quelconque de la droite; lorsque la droite ne passe pas par l'origine, il est nécessaire de considérer un vecteur parallèle à la droite donné par deux points et non un seul. Le manuel scolaire genevois prend en compte cette difficulté en introduisant la fonction affine par le cas plus général d'une fonction non linéaire, option que nous avons également prise dans nos séquences.

Pour de nombreux élèves, les nombres rationnels sont à l'origine de certaines difficultés accentuées par le fait que la pente d'une droite est un rapport et ils ont de la peine à identifier 3/4 et 75%,2/2 et 1,0/1 et 0, 100% et 1.

. Mais l'obstacle le plus important nous paraît être constitué par certaines conceptions didactiques des élèves du niveau secondaire 6. Comme le décrit Alain Mercier (92), l'apprentissage effectif pour l'élève ne commence en général qu'avec les exercices d'application, voire avec les premiers devoirs notés. L'élève ne s'intéresse qu'à la "théorie" qui consiste à montrer comment on peut résoudre les exercices. Lors de présentations plus "mathématiques", l'élève se met en position d'attente. En conséquence, il n'est pas d'usage de consacrer beaucoup de temps au travail théorique. Avec une approche constructiviste, on risque de voir beaucoup d'élèves attendre les corrections d'exercices. Ils doivent imaginer la possibilité d'apprendre à travers un nouveau type de dispositif proposé par le maître dans ce but. En d'autres termes, un rapport à l'objet "situation d'apprentissage par adaptation" doit être installé.

6 Et même avant, si l'on en croit ce qu'écrit François Conne (91) à propos de l'enseignement de l'algorithme de la division.

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4. Analyse a priori

• Selon Michèle Artigue, le but de l'analyse a priori est de déterminer en quoi les choix effectués permettent de contrôler les comportements des élèves et leur sens. Guy Brousseau (91) précise que "l'enseignement a comme objectif principal le fonctionnement de la connaissance comme une production libre de l'élève dans ses rapports avec un milieu a-didactique". Autrement dit, l'élève doit être capable de fonder ses décisions par des raisonnements et non en se laissant guider par un milieu entièrement fléché, par exemple par un calcul déjà posé.

La notion de milieu totalement a-didactique est une fiction théorique commode. Elle nous est utile en tant que référence pour l'élaboration des situations d'enseignement. Plus ces dernières se rapprochent de la fiction théorique, plus large sera le champ des problèmes que l'élève sera en mesure de résoudre seul. En d'autres termes, le rapport au savoir sera plus proche du rapport "savant" 7.

Ce que nous recherchons donc, c'est un "point de fonctionnement" du système didactique pour lequel les notions de pente, d'équation de la droite dans le plan et d'application affine soient un peu plus construits que préconstruits. L'idée principale est de proposer un contexte dans lequel ces objets mathématiques puissent fonctionner comme des outils permettant de résoudre certains problèmes, du type:

Problème P On considère la droite contenant les points P = (0;3) et Q = (3;5). Parmi les points suivants, lequel ou lesquels appartiennent à cette droite ? Pourquoi ? A = (18;15) B = (18;-15) C = (-18;-9) D =(51;37) E =(3/5;16/5) F = (933;624)

D'où la condition (variable) globale : la pente et l'équation de la droite devront fonctionner comme outil dans une situation de résolution de problème.

Deux autres variables globales sont liées au milieu matériel, à savoir l'implémentation informatique de nombreuses situations et la présence constante d'un réseau de points (sous-ensemble fini de ~x~), parfois non représenté, mais ensemble virtuel des positions accessibles par un curseur graphique.

• L'ingéniérie didactique s'articule autour de la situation SITP présentée au début de cet article (voir la figure 1). Initialement, faute de la connaissance visée (équation de la droite), les élèves doivent gérer le problème au niveau du comptage et de la proportionnalité.

La prévision est possible, mais le coût est relativement élevé: double comptage, prise en compte de l'ordonnée à l'origine. Il est nécessaire de satisfaire aux conditions définies par Guy Brousseau :

L'élève doit être convaincu qu'il peut trouver une réponse autrement qu'en devinant 8.

L'effort permettant d'obtenir le résultat ne doit pas être trop important (il ne faut pas décourager les élèves à ce moment crucial).

7 Qui n'est pas obligatoirement celui du savoir savant, ce dernier n'ayant pas toujours un rapport savant avec certains objets. 8 et certains de nos élèves ont avoué qu'ils avaient répondu au hasard.

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Ces conditions peuvent être obtenues en faisant varier certaines données (position des droites f et v), réseau de points, affichage de coordonnées: ce sont les variables locales de la situation. C'est en s'appuyant sur elles que devra être résolu le problème posé, par l'utilisation de certaines propriétés liées à la notion de pente ou de vecteur, d'abord, en posant l'équation de la droite ensuite.

La liaison entre le micro-didactique et le macro est obtenue par l'effet d'éloignement, d'absence du point à chercher.

Pour que SITP ne soit pas une devinette, il est donc indispensable qu'un rapport à l'objet "pente d'une droite" soit installé au préalable de telle sorte que l'élève puisse en faire usage, au moins implicitement, pour entrer dans la situation (dévolution). Pour satisfaire cette condition, et permettre ainsi un fonctionnement satisfaisant de la situation principale, nous avons étudié et mis au point la séquence didactique PENTE (voir annexe 1). Ce travail peut sans doute être analysé comme une mise en place d'un milieu tant mathématique que didactique (ou plutôt un mélange des deux si l'on pense à l'accent mis sur la détermination de pentes de droites à l'aide du curseur) avec pour objectif mathématique un critère de parallélisme et, du point de vue du contrat didactique, un indice pour l'élève du type de moyens à mettre en oeuvre pour résoudre le problème posé dans la situation principale.

Untel milieu favorise donc un travail des élèves de type comptage et proportionnalité, à propos d'une représentation graphique d'objets géométriques. La situation de prévision donne un sens à ce travail : les élèves doivent contrôler le graphique par du numérique.

Le passage à l'équation de la droite pourrait se faire, classiquement, par la mise en place d'une situation de communication entre groupes d'élèves (sur le modèle des séquences sur les décimaux de Guy Brousseau (1981». Des situations de formulation (par les élèves) et d'institutionnalisation de y=mx+n pourraient suivre SITP.

Mais pour des raisons d'économie didactique, étant donné les contraintes liées au temps et aux habitudes des élèves du secondaire, contraintes que nous avons évoquées ci-dessus, l'ingéniérie mise en place a prévu ici de précipiter les choses. Formulation et institutionnalisation sont pratiquement fusionnés en une seule séquence qui débouche sur des exercices. C'est ce que provoque l'intervention de l'enseignant fournissant lui-même l'équation de la droite en tant qu'outil permettant de trouver les solutions d'une façon moins coûteuse que par le comptage (les extraits de dialogue d'élèves de l'annexe II donnent une idée de ce coût). Un autre emploi de l'équation de la droite est celui de moyen de vérification de réponses devinées par l'élève. Le contrôle par le numérique laisse ici sa place à un contrôle par l'algébrique. Ceci peut s'analyser en termes de jeu de cadres selon R. Douady (86).

• Se pose alors une question : la situation a-t-elle encore un caractère a­didactique? Comme c'est le maître qui propose d'utiliser l'équation de la droite, la réponse devrait être non. Mais cette intervention de l'enseignant modifie-t-elle le sens donné par l'élève au savoir visé ? Dans une conception constructiviste "pure", ce devrait être le cas. Néanmoins, historiquement et culturellement, certains formalismes mathématiques qui sont "mis sur le marché" deviennent rapidement des outils pour d'autres que leurs inventeurs. Le sens naît alors de leur pratique. S'il est donc peu probable que l'équation de la droite puisse prendre pour les élèves la signification de "parcours dans le repère" tel qu'imaginé primitivement (voir le début de l'article et l'annexe 1), nous ne pensons pas que son caractère "outil" soit hypothéqué par un tel

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déroulement de la séquence. L'équation est ici seulement un moyen de produire un résultat et non un résultat en soi. L'intervention du maître prend le caractère d'une relance. Elle n'est pas une évaluation tendant à bloquer la réflexion de l'élève.

Car, bien que ce soit par rapport à un ensemble de possibles restreint, on y trouve encore de l'a-didactique, dans la mesure où l'élève doit maintenant apprendre à maîtriser l'écriture formelle y = mx + n et les procédures associées (déterminer la pente, l'ordonnée à l'origine et coordonner le tout). D'une certaine manière, l'équation peut être considérée comme un instrument de validation des réponses trouvées par l'élève dans le cadre de la situation principale.

Mais même en supposant que notre analyse soit correcte et que notre situation génère effectivement un rapport plus adéquat à la notion d'équation de la droite, il reste à prouver notre affirmation. Comment distinguer les produits a-didactiques de notre situation de ceux provenant du contrat didactique? Nos observations nous suggèrent quelques éléments de réponse, mais seules d'autres recherches, avec une méthodologie encore à construire, pourront confirmer ou infirmer ce que nous supposons.

5. Données et observations

5.1. Pré-test

Ainsi que nous l'avons indiqué au début de cet article, nous nous limitons à discuter ici de quelques questions globales, comme celle qui vient d'être posée. A l'appui de notre analyse, nous présentons quelques données récoltées lors d'une passation des séquences en 1ère du gymnase à Genève (élèves de 15 ans, programme équivalent à celui de la troisième française).

Nous avons soumis aux élèves un pré-test dont une grande partie des questions pouvaient être résolues graphiquement. Peu après la fin de l'enseignement sur l'équation de la droite, dans le cadre d'une évaluation notée, nous avons redistribué aux élèves leurs copies du pré-test, en leur demandant de compléter et de modifier éventuellement leurs réponses. L'une des questions était une variante du problème P, celui que nous avons cité au début de l'analyse a priori et où il s'agit de déterminer si une droite définie par deux points contient ou non d'autres points donnés. La question est relativement ouverte. Elle ne fait pas directement allusion à l'équation de la droite, allusion que l'on retrouve fréquemment dans certaines versions scolaires du problème, avec une première sous-question demandant d'établir l'équation de la droite passant par les deux points donnés9.

Une confirmation du caractère ouvert de la question est donnée par les nombreux types de traitement constatés. Lors de la passation en pré-test, la plupart des élèves commencent par représenter graphiquement la droite donnée et se heurtent à un obstacle: le repérage standard qu'ils utilisent ne leur permet pas de donner une

9 En fait, le manuel d'enseignement utilisé à Genève ne comporte aucun problème de ce type, ce qui nous semble confinner notre analyse d'une transposition didactique focalisée sur le concept de fonction. Un manuel français classe une question analogue panni les problèmes difficiles (Exonathan 3ème, version professeur).

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réponse pour tous les points proposés. Certains se bornent ensuite à conclure en fonction du quadrant dans lequel est situé le point donné. D'autres font comme si la droite était linéaire et répondent en conséquence, parfois en considérant un coefficient différent selon la coordonnée afin de pouvoir conclure que le premier point appartient effectivement à la droite, en conformité avec le graphique. Un autre encore cherche des relations arithmétiques (figure 3). Près de la moitié ne répond pas. Un élève parvient à traiter le point éloigné en choisissant une échelle adéquate et une autre en construisant une suite de points de la droite selon une progression arithmétique de chaque composante (figure 4).

5. On considère la droite contenant les points P = (0;3) et Q = (3;5). Parmi les points suivants, lequel ou lesquels appartiennent-ils à cette droite? Pourquoi?

C = (-18;-15)

OU \ 1 '\de /,yG .f\ o = (-18;15)

~ ,?o. ~ he. r~ rO-S (;ù./I CQ ~ E = (51 ;37)

Fig. 3. Combinaison de procédures arithmétiques et graphiques.

(i;)=_(18; 15 l Ou-i .Jc<!...~~ Q.~ \.0.. d:eo\CR ~ tci~~ . D- œ..~ ~\~ iP~Q CO~E::J.~~~Su..\~

~i~ .eb..CDo~ ·~~tÇZ. Cl!.-l8~ou...

dïH.\~u...Q. ~.~ de...~:\. C = (-18;-15)P=>~.>11-J1'1 a.~pR-b~ Sc.l9-~~ ~imlQ ~ a..ustt~\:.Q.. CL.-. d~M..\~~

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C:-IS':'-.;2) -C-~.:,-Cj) - ( 1'2. :... li) - ('2.1..::, 1';1) -(.3:::l..:., 23.)

B =

~.

Fig 4.

57

Tout se passe comme si le choix des variables permettait constamment un traitement à la limite entre le graphique et le numérique, favorisant le premier pour une partie du problème, mais pas pour le reste. On retrouve bien ici des effets du jeu de cadres que nous avions postulé.

Avec un tel éventail de procédures, allant au delà de notre analyse a priori, il nous paraît possible d'affirmer que la situation est, à ce moment, de type non didactique, le problème étant posé dans le cadre d'un pré-test sans enjeu. Les élèves ne se demandent pas ce qu'on leur demande. Ils font ce qu'ils peuvent, et les plus "scolaires" ne font rien. Quelles sont les conditions pour qu'une telle situation devienne a-didactique 10 ? Il doit tout d'abord y avoir dévolution, l'élève doit admettre qu'il y ait quelque chose à apprendre. Il doit jouer le jeu. En outre, les variables locales de la situation doivent favoriser la formulation de l'équation de la droite. La séquence construite autour de la situation SITP peut être considérée comme une réalisation répondant en partie à ces conditions. Et, pour une paire d'élèves en tout cas, nous avons observé une utilisation systématique de l'équation de la droite une fois qu'elle leur a été proposée.

D'autres réalisations sont certainement possibles. La richesse des productions d'élèves décrites ci-dessus nous fait penser à une ingéniérie de type "situation­problème" avec travail en groupes, rédaction d'affiches et débat, selon les expérimentations et les analyses de l'équipe de l'IREM de Lyon, mais avec des adaptations nécessaires étant donné la différence d'objectif, puisque nous ne nous intéressons pas ici aux règles du débat mathématique 11. Une telle mise en place devrait au moins aboutir au rejet par la classe de résolutions basées sur la proportionnalité ou sur d'autres règles ad hoc (figure 5). L'apparition dans toutes les classes de procédures analogues à celle de la figure 4 n'est pas certaine, mais en cas d'émergence, nous formulons l'hypothèse qu'elle devrait convaincre l'ensemble des élèves et favoriser l'institutionnalisation visée.

A = ( 18; 15) DlU-

B = ( 18 ; -1 5) y1 Oy')

c = (-18;-15) O\Jvl

o = ( -1 8 ; 15) noh

E = (51;37) Y1t>n

Fig. 5.

10 C'est-à-dire pour qu'il y ait un enjeu de savoir déclaré et que les élèves cherchent à apprendre, dans le cadre de la situation. . Il Voir la brochure collective: Initiation au raisonnement déductif au collège, IREM de Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 1992.

58

5.2. Post-test

Lors de la seconde passation, tous les élèves répondent. Rappelons qu'ils retrouvaient leur copie du pré-test. Presque tous les élèves qui n'avaient alors rien répondu résolvent maintenant le problème en posant une équation de la droite ou quelque chose d'approchant (le "y =" est souvent omis, il ne représente pas le résultat d'un travail de l'élève). On voit apparaître une résolution faite avec l'aide d'un tableau (figure 6).

A = (18;15)Ü\Jt.

B = (18;-1.5) Nol'"'l. ~

y A = (18;15) i~t\" 12.4--1

'l( '= 1S'" ( 1~;. I"'S') \J rc.. ; C = (-18;-15) Ou:.

B = (18;-15)

o = (-18; 15) ~(>-''-C = (-18;-15)

E = (51;37) 0"'\, 0=(-18;15)

\J­E = (51;37) z. ~ ~~

%'­

~4+-"!. = ~7

()\ . ~ 1-') \jRA 1 J

Fig. 6. Deux exemples de réponses données lors du post-test

Les élèves ayant répondu au pré-test confirment la plupart du temps la réponse qu'ils ont faite ainsi que la justification donnée. fi est clair que les élèves savent qu'ils savent résoudre ce genre de problème. L'espace des choix possibles s'est modifié, la procédure avec utilisation de l'équation de la droite s'ajoutant aux autres, mais avec une surdétermination didactique créée par les indices construits tout au long de la séquence d'enseignement.

En résumé, nous constatons que: 1. Le savoir mathématique attendu apparaît. 2. Il reste fragile pour certains élèves: sa reconnaissance n'est pas évidente dans

les conditions du problème P. Du point de.vue de la question générale du sens des connaissances construites,

ces données ne nous permettent pas de conclure. Des entretiens avec les élèves auraient pu nous fournir des indications importantes mais nous pensons avec Alain Mercier qu'il faudrait aussi tester la capacité des élèves à investir ce qu'ils savent de l'équation de la droite lors d'apprentissages ultérieurs (équation cartésienne généralisée, dérivée et tangente à une courbe). Nous retrouvons donc les difficultés inhérentes à une réelle démarche de validation des hypothèses d'apprentissages de caractère global (Artigue 1990). .

59

Bibliographie

ARTIGUE, M. (1990), Ingéniérie didactique, Recherche en didactique des mathématiques, Vol. 9.3 pp. 281-307,. La Pensée Sauvage, Grenoble.

BEVACQUA, G. & FLORIS, R. (1989), Development and classroom experimentation of interactive geometry exercises, Journal of Computer Assisted Learning 5 pp. 161-176.

BEVACQUA, G. & FLORIS, R. (1991), GEOM, Didasoft, 31, rue Louis-Favre, 1201 Genève.

BROUSSEAU, G. (1981), Problèmes de didactique des décimaux, Recherche en didactique des mathématiques,vol. 2.1 pp. 37-127, La Pensée Sauvage, Grenoble.

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BROUSSEAU, G. (1991), Le contrat didactique: le milieu, Recherche en didactique des mathématiques, Vol. 9.3 pp. 309-336, La Pensée Sauvage Grenoble.

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CONNE, F. (1991), Début d'un enseignement, début d'un apprentissage: où placer les routines? Interactions didactiques, n °12, Université de Genève et Université de Neuchâtel.

DOUADY, R. (1986), Jeux de cadres et dialectique outil-objet, Recherche en didactique des mathématiques, Vol. 7.2 pp. 5-31, La Pensée Sauvage, Grenoble.

FLORIS, R., GRUNER, C. & ROCHAT J. (1991), GEMAO : géométrie et enseignement des mathématiques avec l'aide de l'ordinateur, Brochure et logiciels, Dispositif de Recherche du Département de l'Instruction Publique du Canton de Genève, 16 av. du Bouchet, 1209 Genève.

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TONNELLE, J. (1979), Le monde clos de lafactorisation au premier cycle, IREM de Bordeaux et IREM d'Aix-Marseille.

WEISS, L. (1989), Rapport sur une expérience d'E.A.O. en mathématiques, manuscrit, Cycle d'Orientation de Cayla, Genève.

60

Annexe 1 : Présentation des séquences didactiques PENTE et AFFINE

Séquence 1: PENTE

1.1. SEGMENT

Connaissance visée : Dans un cadre graphique muni d'une grille unitaire, les composantes du vecteur déterminé par un segment orienté, ce que nous appelons code d'UR segment 12, constitue l'infonnation nécessaire et suffisante au tracé d'un même segment (parallèle, même longueur, même orientation) à partir d'un point donné et alors que le segment initial n'est plus tracé,

Situation d'action proposée: Tracer un segment égal à un segment donné (à l'ordinateur, en amenant un curseur sur les deux extrémités du segment à tracer).

Variables : Eloignement du point à partir duquel le segment doit être tracé. Effacement ou non du segment initial. Direction et longueur du segment. Tracé ou non d'un réseau unitaire de points. En jouant avec ces variables, plusieurs variantes de la situation sont proposées :

1. Segment proche. 2. Segment éloigné (voir les figures ci-dessous). 3. Segment initial qui s'efface. 4. Plusieurs segments sont donnés sur une même figure.

Faire tracer. partant du point P, un segMent parallèle au segMent donné. Utiliser la. commande seg(+,+)

'---------------P2.1

P.

Touches Majuscule et [FU pour continuer

Figure a

Faire tracer, partant du point P, un segMent parallèle au segMent donné. Uti 1iser la cOMMande seyC +, +)

'---------------P2.2

'. p.

1 rOUc1leS majuscule et [FU pour continuer

Figure B

12 Le système d'enseignement genevois ne prévoit pas l'utilisation du terme vecteur avant le niveau du lycée, d'où cette création de vocabulaire.

61

Procédures prévues: Si le segment est proche, chercher à maintenir constante la distance entre les segments. Si le segment est éloigné, la procédure précédente est coûteuse par rapport à celle qui consiste à compter le nombre d'unités horizontales et verticales séparant les extrémités du segment et à utiliser ces valeurs numériques 13.

Situation de formulation et institutionnalisation : Pour lui donner toute sa signification, le code devrait normalement être créé par les élèves eux-mêmes, puis institutionnalisé (cf la création d'un code fractionnaire dans Brousseau 81). Nous renversons les choses: le code est proposé par le maître à la suite des situations précédentes. Il est ensuite validé socialement, à travers l'activité suivante. Nous pensons que cela peut être suffisant pour donner un sens au code proposé, qui est d'ailleurs assez "naturel" à ce niveau scolaire.

Situation de communication et de validation: Faire reproduire une série de segments par un autre élève en utilisant le code institutionnalisé (sans ordinateur).

Variables didactiques: valeurs numériques, signe, cas particuliers (segments verticaux et horizontaux).

SERIE l'

/ .

.

A .

.

.

o r

~""""J. . .. .

c .~ .

... ~ . E . . . . . . . . .

....~~H

..~.~ . G,.........--:"". .

1.2. DROITE ET PENTE

Connaissance visée : le code de n'importe quel segment contenu dans une droite constitue l'information nécessaire et suffisante au tracé d'une droite parallèle à une droite donnée.

Situation d'action proposée: Tracer un segment parallèle à un segment donné, mais le plus long possible. Relever les codes de divers segments d'une droite et trouver une relation entre eux. Tracer une droite parallèle à une droite donnée.

Formulation : Se fait lors d'une séance de bilan collectif des acitvités précédentes.

Institutionnalisation: Le maître institutionnalise ensuite les propriétés des segments parallèles et en conclut la possibilité de tracer une droite parallèle à partir de deux points quelconques de la droite. Définition de la pente d'une droite.

Situation de communication : Faire reproduire une série de droites par un autre élève, en ne donnant que les pentes.

Exercices: Relevé de pente avec correction plus exercice de tracé d'une droite de pente donnée (figure).

13 Ces procédures ont été effectivement observées. Voir Bevacqua, Floris 89 et Schubauer 89.

62

En utilisant l'instruction drt(+,+)

tracer la droite de pente

-2

et passant par le point P. '-----------P7.4­

.p

Certains exercices peuvent poser problème (à l'écran, lorsque la droite dont on doit relever la pente traverse l'écran dans un coin et oblige l'élève à déterminer la pente en utilisant un chemin différent).

Une ingéniérie théoriquement complète devrait prévoir ici un jeu pennettant de donner aux élèves la connaissance suivante : la donnée d'un nombre rationnel détennine de façon unique une droite lorsque l'on connaît un point de la droite; en outre, ce nombre croît avec la valeur de l'angle que fait la droite avec l'horizontale entre 0 et 90° de 0 à l'infini et entre 0 et -900 de 0 à l'infini. Cette activité pennet aux élèves de comparer des droites entre elles. Pour un exemple, voir la situation sur la mesure de l'épaisseur d'une feuille de papier dans la séquence de Guy Brousseau sur l'apprentissage des nombres décimaux.

Au niveau où nous nous situons, ce genre d'activité est cependant lourd à gérer et nous n'avons pas trouvé une situation nous donnant satisfaction dans le contexte mis en place: les droites tracées sur ordinateur se superposent lorsque les pentes sont proches l'une de l'autre.

Séquence 2 : AFFINE

La séquence débute par deux activités de mise en place du milieu mathématique et didactique de la séquence principale SITP. Il s'agit d'un exercice de révision sur le repérage dans le plan cartésien, suivi par une version simplifiée de SITP (figure).

Combien de pas horizontaux et de pas verticaux faut-il faire pour déplacer le curseur du point A vers le point où se touchent ces deux segments si on les prolonge vers le haut, hors du cadre. Prendre note des réponses sur une feuille et presser (J

(aide: utiliser la pente). f-----------AF2

63

Ainsi, la compréhension des consignes de SITP devrait en être facilitée, et un certain type de résolution favorisé.

Ensuite, plusieurs versions de SITP sont proposées. Tout d'abord avec la droite d'équation y = 2x + 3, et, l'une après l'autre, les droites verticales d'équations x = 3, x = 4 et x = 5. Une fiche demande au élèves de formuler leurs calculs et de compléter une tableau de valeurs de x et de y, pour les valeurs entières de x allant de 0 à 5. La discussion de SITP ayant été faite dans le corps de l'article, nous n'y revenons pas.

Le même type d'activité se fait ensuite avec la droite y =2/3x + 4, puis avec la droite y = 7/4x. A chacune de ces droites correspond une page de théorie et d'exercices selon le modèle donné à la page suivante.

Viennent ensuite divers exercices assez "classiques", tant à l'ordinateur que sur le papier (éventuellement figures). L'un des problèmes didactiques qui se posent à ce moment est de faire prendre conscience aux élèves des limites d'un traitement purement graphique de certains exercices. Là aussi, nous tentons de gérer ce problème à travers la manipulation de certaines variables didactiques (position des données, type numérique). Voir en fin d'annexe la façon dont nous proposons de le traiter (page TROUVER L'EQUATION).

AFFINE FICRES ELEVES

EQUATION D'UNE DROITE: Théorie 1 (AF1 à AF4)

OBJECTIF

Définir et comprendre l'écriture y = rnx'n comme équation d'une droite affine dans le plan.

THEORIE Droite f

Reprenons les trois droites de l'activité précédente. Pour la première droite, la droite f, vous avez remarqué

'-'-I!1tIl-'llll que QQ1!I chaque unité horizontale, g droite s'élève de deux unités verticalement.

On peut écrire les relations suivantes, en partant du point où la droite f coupe l'axe vertical.

0---) 3

1 ---) 3.2 3 • 1'2

2 ---) 3+2+2 3 • 2'2

3 ---) 3 • 3'2

4 ---) •••••••..•••••••••.•••

5---) . (compléter!)

La valeur de y se trouvera donc toujours de la façon sui vante:

y = 3 • x'2

que l'on écrit plutôt, par convention,

1 y=2)(+3 1

une égalité que l'on appelle équation de la droite f. On écrit aussi:

f:x ----> 2x' 3

AFFINE FICRES ELEVES

EQUATION D'UNE DROITE: Exercices 1 (AF1 à AF4)

1. Compléter le tableau suivant et retrouver l'équation de la droite (ou J'application) correspondante. Tracer ensuite le graphique de la droite:

~:I:II~ Equation: y =

2. Compléter le tableau sui vant correspondant à la droite f dont l'équation est y = Sx-2. Tracer ensuite le graphique de la droite.

~ 0 1 1 1 2 1 1: 1 4 1 5 1

3. Compléter le tableau suivant et retrouver l'équation de la droite (ou l'application) correspondante:

~Olll~~~ y 2,5 1 5,5 1 6,5 1 . 1

Equation: y =

4. Cornpléter le tableau suivant correspondant à la droite f dont l'équation est y = -x-2. Tracer ensuite le graphique de la droite.

1 'IIH~' 1

~ .... t":l :­l'D

~ l'D' -<l'D

""'"

~

TROUVER L'EQUATION _.~(AFa) ~ :r

OBJECTIF l'D

~ l'D' -< l'DEntrainement à la recherche d'équations de droite, d'abord graphiquement, puis par calcul. N

COMMENTAIRE '.1.,. \racll,. 1. ~"·ollil

'11I pcnrta Z/3 panut pat' 1. pol .. , 8=(3;'0

Utlll_r hl( •••) •. 3 l

/

1

Il ·11 -~ -1 -} -, -~ -4 -J -1 -1 -, -/

.J

-, -1

-s

~r-La commande drt(m,n) permet de faire tracer la droite d'équation y = mx+n. L'élève doit donc déterminer les valeurs de m et de n s'il désire résoudre les exercices dont les données sont les suivantes:

, ) , , 111 / J • 1 1

1. Apprentissage de la commande drt(m,n) 0\ VI2. Droite de pente 1/3 passant par le point B = (3;0)

3. Droite de pente 2/3 passant par le point B = (3;4) 4. Droite de pente 7/4 passant par le point B = (12;18) 5. Droite de pente -2 passant par le point B = (9;-11) 6. Droite passant par les points A=(2,4) et B=(4,5) 7. Droite de pente -2 passant par le point B = (1;1) 8. Droite passant par les points A=(-4;l) et B=(2;-1) 9. Droite passant par les points A=(4;1) et B=(28;19) 10. Droite de pente -1/3 passant par le point B = (-6;13/4)

EXERCICES

Faire les exercices 314 à 319 du manuel CO. Consulter la correction dans C089.

[,q-llo-: , = (ZI'3)~2

1 : t 1 hl.aU uper: 4rtU/].2)

. ./J

/7'·'·' 1 . ··-1

-/

-J

. -,

/ J

7.

• 1 ,

.

l , , 11 1

-1

66

ANNEXE II - Deux élèves au travail : Carla et Bernardo.

Les élèves ont sous leurs yeux l'écran de la figure 1 (voir au début de l'article), correspondant à SITP. Ils doivent introduire les coordonnées du point P. L'exercice interactif continue en leur montrant une fenêtre graphique plus grande faisant voir le point P et traçant une croix au point correspondant aux coordonnées effectivement fournies. Il se pose parfois un petit problème d'interface, étant donné que le programme n'accepte que deux valeurs, séparées par une virgule et que seul le point décimal est reconnu.

Carla: (Regarde l'écran) Est-ce que tu comprends ? Bernardo: (Scrute aussi l'écran) Où se trouve P ? C : Je ne sais pas! Il est là-haut. On ne peut pas le voir. B : Ah Oui! Nous devons savoir où se trouve l'intersection. C : (Après quelques secondes) Un, deux, trois, quatre, cinq. B : Attends! (Il compte de un à huit). C : Attends! Je crois que je comprends! Un sur trois, deux sur six. B : Trois sur huit. C : Es-tu sûr ? B : Je vais essayer (il tape quelque chose au clavier)... C'est juste ! C : C'est faux! B : C'est juste! C : C'est faux! B : C'est juste! C : Je ne comprends pas. B : (Montre l'écran de SITP, compte jusqu'à neuf et semble surpris; recompte jusqu'à huit, et

horizontalement jusqu'à trois). C'est juste! C : Je ne comprends pas. Quel est ce point (montre l'origine des axes) ? B : C'est zéro. Le point central!

Il semble que Carla a compris le problème comme "donner les composantes du segment partant de l'ordonnée à l'origine et aboutissant au point P." Bernardo a compris la question mais fait une erreur de comptage (8 au lieu de 9). Après quelques autres échanges analogues, les deux élèves décident de refaire l'exercice.

B : (déplaçant le curseur) un..un-deux, un..un-deux, un..un-deux. C : (répète le comptage de Bernardo) C'est 3-6, n'est-ce pas ? B : (compte en utilisant le curseur) 9 ! Mets 9 ! (Il regarde ensuite quelque chose dans ses

notes).

Carla attend. Bernardo introduit la réponse au clavier, puis il constate que la croix marque l'origine en lieu et place du point P. Ils appellent le maître. Après avoir refait l'exercice encore une fois, il apparaît que Bernardo a tapé 3/9 au lieu des coordonnées 3;9. Après leur avoir fourni cette explication, le maître leur demande de refaire l'exercice :

C : Trois sur six. B : Trois, neuf (en tapant ces valeurs). C'est juste ! C : Explique-moi! B : Et bien...Tu comptes: un ..un-deux, un..un-deux, un ..un-deux. C : Deux sur quatre, trois sur six! B : Regarde! un ..un-deux, un..ùn-deux... C: (Interrompant) Un..un-deux. Je ne vois pas où ça mène!

...et ça continue encore un moment.

LE PUZZLE DE LEWIS CARROLL

Modèle local, modèle régional

Gérard NIN IREM d'Aix-Marseille

1. Modélisation locale

Les analyses qui suivent sont issues d'une étude présentée dans le cadre d'un stage MAFPEN, où l'examen des problèmes posés par le puzzle de Lewis Carroll constituait un exemple parmi d'autres de ce que peut être un travail de modélisation. Le but visé dans cet article est évidemment d'approfondir la notion de modélisation, plus que de prétendre ajouter quelque chose d'essentiel à la connaissance de ce puzzle.

Rappelons brièvement les données du problème. Un carré (fig.l a) est découpé en 4 parties - 2 triangles et 2 trapèzes rectangles - qui peuvent être disposées de façon à obtenir un polygone qui paraît être un rectangle (fig. lb). Le paradoxe qu'il s'agit d'étudier est lié aux aires des deux surfaces: comme le lecteur pourra le vérifier aisément, l'aire du carré se trouve être inférieure d'une unité à celle du "rectangle" formé par les mêmes parties.

5

fig.l b

5

5 3 8

8

3 5

fig.la

«petit x» n032, pp.67 à 76, 1992-1993

68

Le travail proposé aux stagiaires conduisait à distinguer différentes étapes dans l'étude:

1. Mise en évidence du paradoxe à partir du système physique constitué par des morceaux de contre-plaqué;

2. Elucidation graphique du paradoxe consistant à faire apparaître, dans le rectangle, le parallélogramme caché (et manquant !) ;

3. Détermination de l'expression algébrique de la différence des aires, où x et y désignent les paramètres définissant le découpage du carré (sur la figure 1a, x =5 et y = 3) : cette différence vaut f(x,y) =x2-xy_y2 ;

4.Constat de l'impossibilité de résoudre f(x,y) =0 dans N* x N*;

5. Recherche du minimum de f dans N* x N*: plus précisément on construit une infinité de couples d'entiers solutions de l'équation f(x,y) = 1, à partir d'une solution "évidente" (les dimensions du système physique présenté) ;

6. Allusion au fait que les couples solutions sont constitués de termes successifs d'une suite de Fibonacci.

En utilisant la terminologie introduite par Y. Chevallard [1], je diraI que l'activité proposée lors du stage constitue le premier temps du travail de modélisation, soit le travail de construction d'un modèle local, ou plutôt d'une succession de modèles locaux (graphiques puis algébriques). Mais la notion de modèle régional n'y est pas présente. A aucun moment, en effet, les problèmes mathématiques rencontrés ne sont explicitement situés au sein d'une théorie mathématique établie. Il en résulte un certain manque de transparence, et le problème posé, une fois "résolu", conserve une grande partie de son mystère. La modélisation effectuée élucide le paradoxe du puzzle grâce à un certain travail algébrique, mais celui-ci revêt un caractère singulier qui n'éclaire pas de manière satisfaisante le phénomène mathématique sous-jacent.

Avant de passer au second temps de la modélisation, je voudrais analyser sommairement deux occurrences du problème du puzzle de Lewis Carroll dans la littérature mathématique.

Dans l'ouvrage célèbre de Graham, Knuth et Patashnik, Concrete Mathematics [2], le problème n'est mentionné que pour servir d'exemple à l'une des nombreuses propriétés des nombres de Fibonacci, l'identité de Cassini:

F F -F F = (_l)TI+l. TI+2 TI TI+l TI+l

Dans notre langage, le puzzle est un modèle physique de l'identité de Cassini et, inversement, l'identité de Cassini modélise algébriquement la propriété paradoxale du puzzle. Comme le notent les auteurs: « Cassini's identity is the basis of a geometrical paradox... » [2, p.279]. Si laconique que soit cette allusion, elle n'en traduit pas moins - suivant les outils théoriques auxquels je me réfère - l'intention d'opérer un plongement du modèle local dans un modèle régional - les propriétés des nombres de Fibonacci.

Un article du numéro 17 de la revue Tangente [3] présente lui aussi le problème du puzzle. Les auteurs confient à la magie évocatrice des nombres le soin de conduire leurs lecteurs à... l'identité de Cassini. Après trois dessins et trois calculs arithmétiques, ils écrivent: «le lecteur averti aura déjà reconnu... la s~ite de

69

Fibonacci» [3, p.9]. A partir de là, grâce aux propriétés de cette suite, la modélisation algébrique (locale) conduit à l'équation y2-xy-x2 =0, soit, avec des notations déjà utilisées, f(y,x) =O. Les auteurs font apparaître ensuite le nombre d'or comme solution d'une équation associée à "l'épaisseur" du parallélogramme dissimulé dans le rectangle, et ils concluent: « [Nous avons été conduits à découvrir les liens cachés entre un casse-tête anodin, la suite de Fibonacci et le légendaire nombre d'or» [3, p.lO].

Ainsi, comme dans les deux cas rencontrés le travail de modélisation présenté dépasse à peine le niveau local. Nous allons maintenant essayer de montrer ce que pourrait être un travail de modélisation régionale.

II. Vers une modélisation régionale

II.I Les mots pour le dire

Reprenons l'étude au moment où apparaît la fonction f définie par f(x,y) =x2­xy_y2, où x et y sont entiers. Il s'agit de résoudre, dans N, l'équation f(x,y) =°ou f(x,y) = 1, soit ce que l'on nomme classiquement une équation diophantienne.

Dans aucun des travaux cités cette remarque n'apparaît. Notre premier travail en vue d'une modélisation régionale consiste donc tout simplement à nommer de telles équations! Ce sont des équations polynomiales à variables et coefficients entiers, qui ont fait l'objet de travaux systématiques à partir des années... 250 de notre ère [4]. Plus précisément, nous avons affaire à des équations diophantiennes à 2 variables, du second degré, de type hyperbolique (puisque f(x,y)=O, x et y réels, est l'équation d'une hyperbole).

Notons dès maintenant comment le savoir acquis dans ce domaine pourrait intervenir dans notre travail de modélisation. Si l'équation était de type elliptique, résoudre une équation du type f(x,y) =k où x, y et k sont entiers, reviendrait à chercher les points à coordonnées entières d'une ellipse. Ce problème, qui ne peut avoir qu'un nombre fini de solutions (bornées), peut être résolu par un nombre fini d'essais. Donc, si un "problème de puzzle" conduit à une équation elliptique, il sera trivialement résolu.

Mais nous venons de rencontrer une nouvelle question : pour quel type de fonction f, à coefficients entiers, peut-on espérer résoudre l'équation f(x,y) =°(ou 1, ou k entier) ? La situation rencontrée dans la modélisation de notre paradoxe est­elle exceptionnelle? La présence du nombre d'or et de la suite de Fibonacci tend à le faire penser. Mais en est-il véritablement ainsi? Le second temps de la modélisation apparaît alors comme le temps de questions nouvelles qui ne peuvent guère naître d'une simple modélisation locale.

Nommer les objets qui apparaissent, en respectant la terminologie en usage, est un bon moyen pour "régionaliser" le travail de modélisation. Mais revenons à notre problème. Les équations diophantiennes hyperboliques les mieux connues sont les équations de Pell-Fermat. Leur résolution est intimement liée aux approximations diophantiennes et, par là, à la théorie des fractions continues. Un coup d'oeil, même

70

rapide, sur la littérature consacrée au sujet permet de se convaincre que c'est dans ce domaine mathématique qu'il va falloir enquêter pour arriver à mieux cerner les singularités de notre problème, en identifiant du même coup ses propriétés générales.

IL2 Ce qu'il faut éclaircir

Notre but est de diminuer le degré d'opacité qui s'attache au système étudié. Nous considérerons avoir réussi, au moins partiellement, dans cette entreprise si nous sommes capables d'exhiber des systèmes analogues au système de départ et si nous savons résoudre, pour eux, les mêmes problèmes que ceux qui se posent à propos du puzzle de Lewis Carroll. De la même façon, le degré d'opacité lié à la résolution d'une équation du deuxième degré ne diminue pas sensiblement lorsque l'on sait résoudre une équation de ce type, mais bien lorsqu'on sait en résoudre de plusieurs types et que, grâce à cela, on sait repérer ce que chacune possède de particulier.

Pour fixer des limites à notre travail, nous admettrons ici que l'opacité du système étudié tient principalement à trois problèmes:

1. l'idée à la base du découpage et du remodelage; 2. le choix des "bonnes" valeurs des paramètres, et son lien avec la résolution

de l'équation diophantienne associée; 3. l'existence de fonctions autres que la différence des aires qui soient

optimisées par les valeurs des paramètres choisies.

Nous analyserons successivement ces trois points.

III. Quelques analyses mathématiques

111.1 A propos du découpage-remodelage

Comment interpréter le découpage initial ? Pourquoi 4 morceaux? Pourquoi ces formes? Plaçons-nous dans une perspective ludique: il s'agit de cacher un "vide" dans un rectangle. Il est naturel de chercher à le faire en répartissant ce vide suivant la plus grande dimension du rectangle, c'est-à-dire suivant une de ses diagonales. Considérons aussi comme naturel de dissimuler dans un polygone un autre polygone (il aura moins l'allure d'un intrus). Un rectangle ayant un centre de symétrie, le vide aura le même centre de symétrie.

En résumé il nous faut placer dans un rectangle un polygone qui admette les extrémités d'une diagonale pour sommets et le centre du rectangle pour centre de symétrie. Les triangles n'admettant pas de centre de symétrie, il faut penser à un quadrilatère convexe (ce sont les plus simples) à centre de symétrie, c'est-à-dire un parallélogramme. Mais alors le "trou" que l'on cherche à dissimuler devra être aussi un parallélogramme, "étiré" sur une diagonale et symétrique par rapport au milieu de cette diagonale. Ainsi le découpage étudié apparaît comme un découpage assez naturel associé à un trou parallélépipédique. Assez naturel mais pas complètement déterminé. Il est en effet possible de chercher à découper-remodeler un parallélogramme qui ne soit pas un rectangle (ni a fortiori un carré). Mais si l'on procède ainsi, d'une part on perd le phénomène de changement de forme (un carré étant tenu, à un niveau

71

élémentaire, pour un quadrilatère d'un type différent d'un rectangle), et d'autre part, comme on va le montrer, le degré de liberté supplémentaire que l'on introduit ainsi ("l'angle" du parallélogramme) permet de rendre aussi petite que l'on veut la différence des aires et, ce faisant, réduit le côté paradoxal de l'opération. Explicitons cela à partir de la figure 2.

a

x

b

x

fig.2b fig.2a

Avec les notations de la figure 3, la différence des aires s'écrit:

D = (a2-bx-x2)sin û.

Quel que soit le résultat de la minimisation en nombres entiers de l'expression entre parenthèses, il est clair qu'un angle û suffisamment plat permettra de rendre D aussi voisin de 0 que l'on voudra. Ainsi le trou parallélépipédique dissimulé le long d'une très grande diagonale passera inaperçu! Ce qui est tout à fait ennuyeux pour qui veut faire de son existence une source d'interrogation...

Limitons-nous désormais à un quadrilatère initial qui soit un rectangle, et remarquons que l'opération de découpage-remodelage avec trou parallélépipédique n'impose nullement que les morceaux du découpage, une fois assemblés, reconstituent un carré. Il est facile de voir, à partir de la figure 3, qu'une condition suffisante pour obtenir un rectangle s'écrit: a" =a+x.

a x ail a'

a

a x

x

fig.3bfig3a

72

Dans ces conditions les aires des deux rectangles ont pour valeurs respectives: (a'+ x)(a + x) et a(a + a'+ x), de sorte que la fonction que l'on cherche à minimiser, qui dépend maintenant de trois variables, est égale à : a2-a'x-x2.

Si l'on veut que le rectangle sans trou soit un carré (parce qu'il est plus "amusant" de transformer un quadrilatère d'un certain type en un quadrilatère d'un autre type), alors a = a' et, aux notations des variables près, on retrouve la fonction f et le modèle algébrique déjà mentionné.

Avant de plonger ce modèle local dans un modèle régional adapté, montrons que le problème du puzzle "généralisé", - dans lequel on transforme un rectangle non carré en un rectangle troué - possède une infmité de solutions.

Imaginons que l'on démarre avec un rectangle sans trou (telle carré de Lewis Carroll). Ses côtés ont des longueurs entières que l'on note A (qui prend la place de a+x) et A' (au lieu de a'+x). Demandons nous s'il existe un entier x inférieur au min(A,A'), et tel que:

AA' = (A-x)(A+A'-x), soit encore: x2-(2A+A')x + A2 = O.

Une condition nécessaire pour qu'il en soit ainsi est que le discriminant de cette équation soit un carré parfait. Or ce discriminant vaut A'2+ 4AA', et le fait que cette quantité dépende de 2 variables permet de trouver facilement des valeurs de A et de A' convenables.

En effet, si on note D le discriminant de l'équation en x, on a : D = (A'+2A)2 - 4A2.

Ainsi D est un carré parfait si et seulement si le triplet ( {f5, 2A, A'+2A) est pythagoricien. La détermination de tels triplets est un problème résolu. TI ne reste plus alors qu'à en tirer des solutions pour notre problème, c'est-à-dire des triplets pour lesquels les solutions x sont des entiers compris strictement entre 0 et min(A,A'). Explicitons quelques solutions:

1. le triplet (15,8,17) donne A=4, A'=9 et x=1, ce qui revient à dire que le rectangle (4,9) se transforme exactement en le rectangle (3,12) par l'opération de découpage-remodelage de type Lewis Carroll;

2. le triplet (21,20,29) donne A=lO, A'=9 et x=4 : le rectangle (9,10) se transforme en le rectangle (6,15) ;.

3. les triplets (35,12,37) et (65,72,97) donnent aussi des solutions acceptables.

Je laisse de côté les détails des calculs qui conduisent à ces solutions [4]. C'est là le bénéfice du plongement du modèle local de départ dans le modèle régional que constitue la théorie des équations diophantiennes.

Remarquons au passage que ce qui n'était qu'une condition nécessaire - D carré parfait - paraît être une condition suffisante de découpage-remodelage, puisque chaque triplet pythagoricien donne une solution à notre problème. Le modèle algébrique local peut-il en rendre compte? Commençons par remarquer que les solutions de l'équation à résoudre s'écrivent:

73

Les nombres A et A' étant strictement positifs, on en déduit facilement que

(2A+A'+",-,î5) , . 'l c· 'A A' d'al' (2A+A'-v'ï5)2 est supeneur a a lOIS a et et onc que x est eg a 2

mais l'égalité: D + (2 A)2 = A'2 + 4AA' montre que D et A'2 + 4 AA' ont la même parité.

Comme il en est évidemment de même de leur racine, on en déduit que 2A + A' - -Vf5 est un nombre pair, trivialement positif et inférieur à la fois à A et à A'. C'est donc une solution acceptable.

111.2 A propos du problème de minimisation

Repérons soigneusement la singularité du puzzle carré. Comme nous l'avons déjà souligné, si l'on part d'un carré avec a = a' ou, ce qui revient au même, A = A', la différence des aires vaut

x2-3Ax + A2. Elle ne peut donc s'annuler que s'il existe x entier solution de l'équation associée. Le discriminant D est égal à 5A2, où A est un entier, et D ne peut pas être un carré parfait puisque 5 n'en est pas un. Ainsi le mieux que l'on puisse faire est de chercher x entier tel que x2-3Ax +A2 =1.

En revenant aux notations de départ, l'équation s'écrit: x2-3(a+x)x + (a+x)2 = 1 soit encore x2+ax-a2 = 1 (*)

Si l'on admet les puzzles pour lesquels le remodelage du carré recouvre le rectangle au lieu d'y laisser un vide, c'est l'équation

x2+ax-a2 = -1 ou encore a2-ax-x2 = 1 (**) qu'il faut résoudre en nombres entiers. Autrement dit il s'agit de minimiser 1f(a,x) 1 = 1a2-ax-x2 1, avec a et x dans N* .

Comme 1 a2-ax-x2 1 = 1 (a-wx)(a-w'x) 1 , où w et w' sont les solutions de l'équation X2_X-1=0, soit le nombre d'or et l'opposé de son inverse, on est conduit à

chercher des solutions à notre problème parmi les rationnels ~ qui réalisent de x

"bonnes approximations" de w (ou de w'), c'est à dire parmi les réduites du développement en fractions continues de w, développement qui est égal à [1,1,1,...], soit encore avec la notation classique:

1[ao,al,a2,a3,· ..] = ao + -------::-1-­

a1*'+----:-1­a2+ 1

a3+­

La réduite d'ordre 0, ro = ao = 1 donne a=l, x=l et f(a,x) = -1. La réduite

d'ordre 1, rI = ao +~, est égale à 2, ce qui donne a=2, x=l et f(a,x) = 1. Et ainsi de al

suite. Les réduites de w, dont on attendait seulement qu'elles donnent de "petites" valeurs de f, permettent donc d'obtenir son minimum absolu.

Si l'on utilise les relations de récurrence qui définissent les numérateurs et les dénominateurs des réduites, il devient clair que les valeurs de f sont alternativement égales à 1 et à -1. Précisons cela.

74

On a : al =2, x=1, a2=3, x2=2. Comme an+1 = 1.an1 + an-1 et Xn+1= 1.xn+Xn-1. On en déduit que Xn+1 = an· Mais alors l'équation (**) devient:

anxn+1 - anxn - XnXn = anxn+1 - xn(an + an-ü = anxn+1 - xnan+1 = (_1)n+1

Ce dernier résultat est une propriété bien connue des réduites, propriété qui est à l'évidence la "mère" de l'identité de Cassini. Les réduites sont donc bien des solutions à notre problème de minimisation. Mais sont-elles les seules?

Supposons qu'un rationnel positif, ~, vérifie 1f(a,x) 1 = 1. Alors soit x=1, soit x

x> 1. Si x=1, f(a,x)= 1 ou -1 entraîne que a=2 ou 1 et on retrouve les 2 premières (x+(5x2+4s) 1/2)

réduites. Si x>1, on a a2-ax-x2_s =0 où s=±1, et a = 2

Comme x~2, en écrivant 5x2+4s= 4x2+x2+4s, on en déduit que:

> (x+2x). > 3 aL 2 ' I.e. a - 2 x.

Mais 1 f(a,x) 1 = 1a-wx 1.1 a-w'x 1 = 1 où -w' = -1 ~{5 = 0,62.

Donc 1a-w'x 1 > 2x, ce qui entraîne:

1a-wx 1 < ix soit 1 i -w 1 < ~ .

Ce résultat est caractéristique d'une réduite de w déterminée à un facteur

commun près. Mais ici l'égalité a2-ax-x2 = ± 1 rend nécessaire l'irréductibilité de i. Conclusion: toutes les réduites de w sont des solutions, et ce sont les seules.

Insistons sur un point obscur du problème et de la structure de ses solutions, celui de la présence du nombre d'or. Celle-ci est due au fait que le développement en fraction continue de ce nombre n'est composé que de 1. Si nous avions raisonné à partir de l'équation (*), le nombre w aurait dû être remplacé par la solution positive de l'équation X2+X-1 = 0, c'est à dire que le nombre d'or aurait laissé la place à son

. -1+{5 1 h 1 1· d bl'Inverse 2 ' et ce a sans aucun c angement sur es so uUons e notre pro eme,

car seule la première réduite serait alors à écarter (elle vaut 0).

111.3 Quelles fonctions les réduites minimisent·elles ?

On vient de voir que la variation absolue de l'aire est minimisée par les réduites de w. Qu'en est-il de la variation relative de l'aire lorsqu'on passe du rectangle au carré? Elle s'écrit:

75

Comme, d'une part, pour chaque réduite la valeur absolue du numérateur vaut 1 et, d'autre part, il existe des réduites de numérateur et de dénominateur arbitrairement grands, il est clair que le problème de minimisation de F n'a de sens que si on le réduit à des valeurs de a et de x bornées par une constante entière que l'on notera Q dans ce qui suit.

Qualitativement la situation peut se résumer ainsi: si ;> désigne la réduite qui est o

la plus proche de w, avec O<ao<Q et O<xo<Q ( ce qui signifie que la réduite suivante:

ao~xo est telle que ao+xO >Q), le numérateur de F est alors "petit" (égal à 1 en valeur

absolue). Mais pour une autre fraction, ~, dans les limites considérées,x l'augmentation de la valeur absolue du numérateur de F (il ne sera plus égal à 1 sinon

~ serait une réduite) pourrait être compensée par l'accroissement du dénominateur de x façon à donner un quotient inférieur à F(ao,xO).

Il n'en est pourtant rien, comme on va le voir. La démonstration s'appuie sur une propriété remarquable des réduites d'un réel dont le développement en fractions continues n'est fait que de 1.

Pour un tel nombre, les approximations faibles, fortes et les réduites sont

confondues [5]. Il en résulte que, pour tout Q entier non nul fixé, les fractions ~ qui

minimisent 1w - ~ 1 sont égales à la réduite de numérateur et de dénominateur

inférieurs à Q la plus proche de w.

Illustrons sur un exemple le caractère particulier de cette propriété. Si l'on considère le nombre 1t au lieu du nombre w et si l'on fixe Q=19, la plus proche

réduite de 1t (c'est la seule) vaut 3 et sa meilleure approximation faible vaut Il. Si

maintenant l'on fixe Q =311, la meilleure réduite vaut 22 (la suivante "dépasse" Q et 7

333 di 1 ·11 .. ~ ·bl ' l ,311vaut 106 ,tan s que a mel eure approximatlon lai e est ega e a 99 .

Revenons à la démonstration annoncée. Notons ~ la meilleure réduite de w qui o

ne dépasse pas Q et soit ~ une fraction respectant les contraintes données et qui ne soit x pas une réduite de w. Nous allons montrer que F(ao,xo) ~ F(a,x).

Comme Q < ao+xO (sinon la meilleure réduite serait ao+xo), on en déduit ao

d'abord que a<ao+xo<2ao.

' 2 l 'G(X) X2-X-l 'l' , X a Cd·'d = x. ette

Si x>2xO alors ~ < ~o . La fonction F, quotient de deux fonctions homogènes de °x ' ~ .egre ,est ega e a = X2+2X+l' ou on a pose ernlere lonctlon

est croissante sur R+ et F(a,x)<F(ao,xo). Comme ~ n'est pas une réduite, elles n'est x pas non plus une meilleure approximation de w. Elle ne peut donc pas être plus proche

ao M· 1 a 'A. f' ., F()· , l' G(a)de w que x. aIS a ors - ne peut qu etre 10 eneur a w, et a,x, qUI est ega a ­o x x

76

est inférieur à G(w). Il est donc négatif, et sa valeur absolue est alors supérieure à celle de F(ao,xO).

Si x<2xO, ona a2+2ax+x2 < 4(ao2+2aoxO+x02). On va voir que la valeur absolue du numérateur de F(a,x) est alors supérieure ou égale à 4. Il en résultera que

1F(a,x) 1> 1F(ao,xo) l, ce qui achèvera de démontrer que ~ minimise la valeur o

absolue de E

On sait déjà que a2-ax-x2 ne vaut ni 1, ni -1 puisque ~ n'est pas une réduite. x

Etudions l'équation du second degré en a : a2-ax-x2±2 =O. Les solutions ne peuvent être entières que si le discriminant d est un carré parfait. On trouve d =5x2±8, qui est égal à 2 ou à 3 modulo 5. Or un carré est toujours égal à 0, 1 ou 4 modulo 5. Donc d n'est pas un carré parfait et a2-ax-x2 n'est jamais égal à 2 lorsque a et x sont entiers. De la même façon on montre que a2-ax-x2 n'est jamais égal à ±3. Il est donc, en valeur absolue, supérieur ou égal à 4, comme nous l'avions annoncé.

Certes, à ce stade de notre travail, nous n'avons répondu que de façon très incomplète à la troisième question posée. Mais - et c'était le but poursuivi - l'ensemble de l'activité de modélisation, locale puis régionale, mise en œuvre nous a permis à la fois de résoudre le paradoxe associé au système physique initial et de réduire l'opacité qui s'attachait à certains des outils mathématiques utilisés, tout en nous permettant de poser et parfois même de résoudre de nouvelles questions.

Bibliographie

[1] CHEVALLARD Y. (1989). Le passage de l'arithmétique à l'algèbre dans l'enseignement des mathématiques au collège, deuxième partie, petit x, n019, pp. 45-75.

[2] GRAHAM R.L., KNUTH D.E., PATASHNIK O. (1989), Concrete Mathematics, Addison-Wesley.

[3] BONNET O., CHAS P., ARZIDINE FAZAL R., JEANNE A., DOCOUTO C. (1990), Panique au pays des merveilles, tangente, nO 17, pp. 8-10.

[4] DAVID M., (1985) Diophantiennes (Equations) Encyclopœdia Universalis Vol, pp. 654.

[5] JABŒUF E, (1990), Fractions continues, Quadrature, n02, pp. 5-9.

77

ACTIVITE ... DES BOLS ET DES VERRES1

Philibert Clapponi IREM de Grenoble

1 Sur une balance je mets une cafetière, des assiettes, des bols et des verres. J'obtiens trois équilibres représentés par les trois dessins suivants.

~E~3~ÎUUUUt3t3

---=U==-.=U:....=...,.=UU=-=L:......--Î----=U~Ô=__

2 Compare la masse d'un verre et d'un bol? Explique clairement ta réponse.

3 Compare la masse d'une assiette et d'un bol? Explique clairement ta réponse.

4 Je voudrais faire un équilibre avec des cafetières sur un plateau et des assiettes sur l'autre. Fais le dessin et explique clairement ta réponse.

1D'après une idée de Serge Cecconi.

«petit x» nO 32 p 77 1992-1993

78

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79

Infonnation sur un rapport de recherche

FONCTIONNEMENTS DIFFERENCIES D'ELEVES : UNE APPROCHE P.N.L. DANS UN CONTEXTE DE

PROPORTIONNALITE

Mireille DUPRAZ

avec la collaboration de Jean-François BONNEVILLE, Jack DEGUET-MORIN, Michel GUILLERAULT

Equipe DidaTech, Laboratoire LSD2, Université Joseph Fourier et Collège Champollion, Grenoble

Les recherches en didactique des mathématiques en France ont développé des théories de l'apprentissage basées sur l'étude du triplet «élève - maître - savoir». Une des hypothèses fondamentales sous-jacente à ces théories est le rôle important des conflits socio-cognitifs dans l'apprentissage, d'où la nécessité de l'étude des interactions entre les différents éléments de ce triplet. La didactique s'intéresse d'abord à l'élève générique et celui-ci est modélisé essentiellement par rapport aux connaissances mathématiques qu'il met en acte dans des situations-problèmes. Une telle modélisation ne prend pas en compte le fonctionnement spécifique d'un élève dans un contexte d'apprentissage donné. D'autre part, à ce jour, la didactique n'a pas développé d'outils permettant de choisir un dispositif d'interactions favorisant l'émergence de conflits socio-cognitifs.

La recherche présentée est une ouverture sur des outils méthodologiques complémentaires à ceux développés par la didactique des mathématiques. Il s'agit d'une étude originale sur les apports possibles de la Programmation Neuro­Linguistique à la didactique. Cette recherche a été menée avec une méthodologie expérimentale bien identifiée: choix d'une notion mathématique, mise en place d'une expérimentation avec analyse préalable combinée didactique-PNL à partir de l'analyse didactique de la situation et des hypothèses PNL sur le fonctionnement des élèves observés, vérification des hypothèses. Les résultats obtenus vont dans le sens de l'intérêt de l'utilisation de certains outils PNL dans les recherches en didactique, en particulier pour une mise en place plus contrôlée des interactions entre les élèves.

120 pages, Prix: 50 F

Pour l'obtenir, s'adresser à : M. DUPRAZ - LSD2 - RP.53X - 38041 Grenoble Cedex

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LISTE DES AUTEURS AYANT PARTICIPE A CE NUMERO

François PLUVINAGE IREM de strasbourg 10, rue Général Zimmer 67084 STRASBOURG CEDEX

Annie LARHER Lycée lle-de-France et Equipe de Didactique de l'IRMAR Campus de Beaulieu Avenue du Général Leclerc 35042 RENNES CEDEX

Ruhal FLORIS Collège Voltaire et FAPSE Université de Genève 1227 CAROUGE (Suisse)

Gérard NIN lREM d'Aix-Marseille

. Faculté des Sciences de Luminy 70, route Léon Lachamp 13288 MARSEILLE CEDEX

LOUIS-JEAN avenue d'Embrun, 05003 GAP cedex

Tél. : 92.53.17.00 Dépôt légal: 266 - Mars 1993

Imprimé en France