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Jean Luc Joing

21.88

----------------------------INFORMATION----------------------------Couverture : Classique

[Roman (130x204)] NB Pages : 284 pages

- Tranche : 2 mm + (nb pages x 0,07 mm) = 21.88 ----------------------------------------------------------------------------

G.A.D.L.U. La Conscience - Roman

Jean Luc Joing

775684

Roman science fiction

GA DL ULa Conscience

A

Roman

Jean Luc

Joing

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Du même auteur, dans diverses collections : extraits :

1981 : Pour un tableau de bord du directeur… 2 éditions. Afeji, Dunkerque.

1984 : Questions pour l’éducation spéciale de statut privé. Afeji, Dunkerque.

1988 : Sur le marché des solitudes… Afeji, Dunkerque.

1989 : A la recherche du client perdu… Creai, Lille.

1993 : L’audit de la qualité dans les établissements médico-sociaux. Privat-Dunod, Paris.

1998 : Maitriser la démarche qualité dans les établissements sociaux et médico-sociaux. ESF, Paris.

1998 : Quelle gestion éthique des personnels… De Boeck Université, Louvain-la-Neuve, Belgique.

1998 : De la déontologie professionnelle à la clause de conscience… De Boeck Université, Louvain-la-Neuve, Belgique.

2000 : Maitriser les projets individualisés ou projets de vie au cœur de la démarche qualité, Editions des 2 continents, Genève, Suisse.

2002 : Ethique et Qualité dans les services humains, l’Harmattan, Paris.

2003 : Quelle métrologie pour les services humains… ? Humanisme et Entreprise, Paris.

2004 : Handicap et projet de vie, Editions scientifiques et médicales Elsevier, Paris.

2007 : La bonne gouvernance des associations, l’Harmattan, Paris.

2007 : Associations, les clés d’un recrutement réussi. Afnor, Paris.

2007 : Guide de l’évaluation des pratiques médico-sociales, Afnor, Paris.

2011 : Former les responsables Qualité – Ethique – Performance… l’Harmattan, Paris.

2012 : Timbrés de tango, Qualis Talis, Serres Castet.

2014 : Quand la philatélie et la franc-maçonnerie racontent l’histoire, tomes 1 et 2, Qualis Talis, Serres Castet.

2016 : Timbrés de ping-pong, Qualis Talis, Serres Castet.

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Remerciements

Je tiens à remercier tous les membres de la famille, les amis, les collègues, qui ont encouragé cette initiative.

L’originalité de ce roman se trouve dans son thème, l’éthique des pratiques, appliquée à l’intelligence artificielle.

Ce sujet est d’une actualité brûlante, dans tous les pays du monde.

L’Intelligence Artificielle, quant à elle, s’introduit chez nous, chaque jour un peu plus. Les enjeux sont colossaux.

Tous les enfants qui naissent aujourd’hui seront confrontés aux problématiques que ce livre met en scène.

Pour autant, seules des publications plus ou moins confidentielles, tentent de sensibiliser les opinions, souvent focalisées sur des problématiques du quotidien.

A travers ce roman, je veux aussi rendre hommage à toutes les organisations qui encouragent les réflexions philosophiques, scientifiques et pratiques sur le devenir de l’Humanité, en dehors de toutes considérations partisanes, idéologiques, ou dogmatiques.

Il nous revient, et il reviendra encore plus à nos enfants, de faire de notre planète des singes, leur planète des sages.

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Je dédie ce premier roman, qui ne sera certainement pas le dernier, à mes petits-enfants Alexandre, Hermione, Jeanne et Mathilde, tous nés entre 2003 et 2016, à mes enfants Xavier, Isabelle, Vincent, à leurs conjoints et leurs enfants, ainsi qu’à mon épouse Marie Hélène, ses enfants et petits-enfants.

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Prologue

Toulouse, le jeudi 2 janvier 2048

Il me reste environ deux heures pour arriver à destination. Pau n’est pas très loin, mais la vitesse est toujours très réglementée et contrôlée. Il faut prendre son mal en patience. Comme d’habitude j’ai très envie de reprendre le contrôle du véhicule et redevenir le temps d’un trajet le conducteur lambda du début du siècle, capable du meilleur comme du pire, des plus grandes empathies et galanteries, comme des plus mortelles négligences.

Ce ne serait pas raisonnable car les ordinateurs qui gèrent les flux et connectent tous les véhicules sont capables depuis peu, en temps réel, de constater l’infraction et de m’imposer un retour catastrophique au point de départ, contre ma volonté, assorti d’un retrait temporaire de voyager seul, même connecté. Qui plus est, comme je suis aussi titulaire d’un permis de conduire me permettant de circuler partout, même dans les lieux non connectables, je pourrais en être privé. Le jeu n’en vaut pas la chandelle.

Les sciences quantiques ont fait rêver bien des chercheurs et les applications les plus récentes sont en train de révolutionner la vie quotidienne des citoyens des pays les plus développés. Mais chaque avancée comporte ses inconvénients. Le Qubit* n’a pas que des avantages ; les espaces de liberté sont

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amputés dans l’espace public, et même quelquefois privé, au bénéfice du respect des règles instaurées dans l’intérêt de tous.

Les gendarmes en uniforme que j’ai connus sur le bord des routes il y a encore dix ans sont maintenant reconvertis. C’est le prix du progrès ; il n’y a presque plus d’accidents de la circulation sur les grands itinéraires.

Comme chaque mois, avec plus ou moins de régularité, je m’astreins à rendre visite à un de mes meilleurs amis.

Jacques, je l’ai rencontré à l’occasion de ma thèse de doctorat. Avec son complice Gilles, ils ont été parmi les meilleurs dans leurs disciplines, l’étude des comportements humains face au développement des mondes virtuels.

Jacques s’est battu pour que soit facilitée la possibilité d’ouvrir les champs canoniques des sciences humaines à des approches davantage multidisciplinaires. Face à la complexité croissante des interactions, la psychologie, la sociologie, l’anthropologie, les sciences de gestion et de management, le droit, voire la biologie, ne pouvaient rester fermés aux évolutions des sciences dites dures, les mathématiques, la physique, la cosmologie… J’ai suivi cette voie. Ceux qui me connaissent bien disent que cette démarche me correspond parfaitement. Je suis restée reconnaissante à mon premier maître en recherches.

Voilà, j’y suis ! Les habitats réservés aux personnes âgées ont beaucoup

évolué, surtout pour les personnes bénéficiant de revenus suffisants pour payer les nouveaux services. Subsistent encore aujourd’hui, malheureusement, de bien tristes établissements pour personnes âgées dépendantes, pompeusement répertoriées comme lieux de vie, en fait, des lieux de mort. De longs couloirs séparent des rangées de chambres de moins de vingt mètres carrés où rien n’est prévu pour permettre aux

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personnes de conserver leurs souvenirs, leurs affaires. Entrer dans ce genre de structure, c’est fatalement régresser très vite. Même les personnes ayant gardé quelques degrés d’autonomie de peuvent plus les mettre en œuvre. Les maltraitances y sont tout autant liées aux locaux, qu’aux règlements ou aux comportements des professionnels trop peu nombreux et trop peu qualifiés. Les contrôles de qualité, prévus par la réglementation depuis 2002 ne sont pas sérieusement mis en œuvre. Rien n’a beaucoup changé depuis le début des années 2000, il faut bien amortir les erreurs et imprévoyances des décades précédentes.

Jacques est de la génération qui, la première, a pu bénéficier d’une résidence véritablement adaptée, respectueuse des capacités résiduelles des personnes, de leur passé, toujours à l’écoute de leurs besoins et de leur volonté de vivre, c’est-à-dire de croire à un avenir possible.

Les principes axiologiques posés par le professeur Wolfensberger*, et notamment son concept de Valorisation des Rôles Sociaux, diffusés dès les années 80 du 20ème siècle, ont été ici redécouverts. Faire vivre aux personnes vieillissantes une vie aussi normale que possible n’est plus seulement un slogan politique rappelé par des lois non appliquées, pour que des maires puissent se faire élire, aussi vite oubliées que les choix économiques induits. Les vieux étaient un électorat dont on se rappelait l’existence quelques mois avant les élections, une priorité moins rentable électoralement que des investissements publics plus visibles, plus spectaculaires, plus communicants.

Ces comportements ne sont plus envisageables aujourd’hui, alors que plus de 30 % de la population a plus de soixante ans.

Jacques bénéficie d’un très bel appartement entièrement

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domotisé. Tout y est conçu pour y vivre, même très dépendant. Mon ami est en fauteuil roulant suite à un A.V.C tardivement pris en charge. Bientôt il devrait être doté d’un exosquelette connecté lui permettant une déambulation assistée mais presque normale. Il m’expliquait récemment que le système de surveillance, partout présent, était conçu pour détecter les situations nécessitant une intervention ou un conseil. Tous ceux qui en bénéficiaient en retiraient un sentiment de grande sécurité. Jacques regrette par contre le manque d’intimité. Il dispose ici de tous les conforts souhaitables, d’un accès à toutes les nouvelles technologies. Il a même conservé un véhicule connecté, symbole pour lui d’une liberté porteuse de plaisirs divers.

Un large sourire éclaire le beau visage, aux rides élégantes, de ce nonagénaire. Depuis longtemps, je n’y vois plus que ces yeux, toujours aussi brillants et coquins, séducteurs autrefois.

– Alors, que deviens-tu ? Tu sais, ici je m’ennuie quand même un peu. Ce n’est pas facile de trouver quelqu’un pour parler d’avenir et refaire le monde.

– Justement, je viens ici pour te parler du futur. Avant, laisse-moi t’embrasser. Je t’ai ramené un projet de thèse d’un de mes étudiants qui devrait t’intéresser. Confidentiellement, comme il se doit, je te le laisse. Tu me donneras ton opinion.

Je viens aussi pour te dire que je vais certainement m’absenter quelques semaines et surtout pour te montrer cette note confidentielle que le président de l’université m’a fait passer ce matin. Je vais avoir besoin de tes conseils.

Je le regarde tandis qu’il lit et relit le document que je lui ai apporté. J’ai préféré en faire une impression afin que je puisse la lui laisser.

– Très intéressant ! Tu dois aller à cette conférence, mais tu connais ma position, qui n’a pas changé depuis que je te

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connais : la lecture du futur peut encore se faire sur la base des grands philosophes. Les mythes et légendes sont encore d’actualité.

Je sais ce qu’il va me répéter. Il va me citer Diderot ou me parler de l’échelle mystérieuse. Aujourd’hui, il choisit Diderot.

– Tu te rappelles ce que je t’ai toujours dit sur Diderot.et Kant, s’agissant du despotisme. Je me vois encore citer ces textes lors de mes cours magistraux :

« Le gouvernement arbitraire d’un prince juste et éclairé est toujours mauvais. Ses vertus sont la plus dangereuse et la plus sûre des séductions : elles accoutument insensiblement un peuple à aimer, à respecter, à servir son successeur, quel qu’il soit, méchant et stupide. Il enlève au peuple le droit de se libérer, de vouloir ou ne vouloir pas,

– sans quoi les sujets ressemblent à un troupeau dont on méprise la réclamation, sous prétexte qu’on le conduit dans de gras pâturages. En gouvernant selon son bon plaisir, le tyran commet le plus grand des forfaits. Qu’est-ce qui caractérise le despote ? Est-ce la bonté ou la méchanceté ? Nullement. Ces deux notions n’entrent seulement pas dans sa définition. C’est l’étendue et non l’usage de l’autorité qu’il s’arroge. Un des plus grands malheurs qui pût arriver à une nation, ce seraient deux ou trois règnes d’une puissance juste, douce, éclairée, mais arbitraire ; les peuples seraient conduits par le bonheur à l’oubli complet de leurs privilèges, au plus parfait esclavage. »

– Je sais, et tu ajoutes souvent que cette dépendance psychologique, qui peut aussi venir des services rendus que la science a permis de proposer, crée une impression de besoin qui amène subrepticement la soumission au despote, l’abdication de l’esprit critique et de la contestation. Le despote moderne peut avoir pour finalité le bien commun, cela ne suffit

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pas à le rendre acceptable. Tu appelles même Kant à la rescousse quand il critique en 1793 la bienveillance paternaliste qui maintient le peuple dans la soumission.

– « Un gouvernement qui serait fondé sur le principe de la bienveillance envers le peuple, tel celui du père envers ses enfants, c’est-à-dire un gouvernement paternel, où par conséquent les sujets, tels des enfants mineurs incapables de décider de ce qui leur est vraiment utile ou nuisible, sont obligés de se comporter de manière uniquement passive, afin d’attendre uniquement du chef de l’Etat la façon dont ils doivent être heureux, et uniquement de sa bonté qu’il le veuille également, – un tel gouvernement, dis-je, est le plus grand despotisme que l’on puisse concevoir ».

– J’ai toujours dit que tu étais ma meilleure étudiante. Je crois même que tu m’as dépassé.

– Il suffit de voir comment ont évolué les techniques de communication, et la puissance de domination des grands groupes privés qui les maitrisent, qui dépasse même celle des Etats, pour se rendre compte de l’urgence de mesures de régulation.

Tu m’encourages donc à me rendre à New York et à affronter tous les lobbies qui s’y agglutineront ?

– Je te fais confiance, je sais que tu sauras te faire entendre, non seulement parce que tu es brillante, mais parce que tu détiens la clé des libertés, et ça, personne ne peut la changer.

– Je te tiendrai au courant. N’oublie pas de continuer à faire un peu d’exercice !

– Université de Toulouse, le lundi 16 décembre 2047

Ma montre connectée m’indique un message urgent. – Mathilde, tu dois rappeler ce numéro, en Chine, je crois.

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C’est un professeur de Hong-Kong, j’ai noté son nom, le professeur NETORI, qui souhaite te parler. Il parait que c’est urgent. Je te mets en contact.

– Monsieur le professeur, vous m’avez laissé un message me demandant de vous rappeler au sujet d’une conférence ?

– Oui, vous êtes bien ce professeur français qui a publié quelques articles scientifiques très intéressants et tout aussi controversés dans le monde des sciences quantiques et plus précisément concernant leurs implications dans l’intelligence artificielle ?

– C’est exact, ces articles sur l’éthiquetage des pratiques scientifiques m’ont valu quelques remarques désagréables et condescendantes, qui se sont un peu estompées quand j’ai soutenu la discussion, car comme vous le savez peut-être, vous semblez bien renseigné, je ne suis pas seulement docteur dans ma discipline, les sciences du management et de la gestion. Je suis aussi titulaire de troisièmes cycles de recherches en informatique, en philosophie et en physique.

– C’est justement ce qui intéresse le comité de sélection des intervenants que je préside. J’ai oublié de vous préciser que je suis chargé de coordonner la conférence mondiale « éthique et intelligence artificielle » qui se tiendra dans quelques semaines à New York.

– A New York ? Dans quelques semaines seulement ? Pourquoi me prévenir si tard ?

– Je pense que vous comprendrez que les enjeux de cette conférence sont énormes. Les plus grandes sociétés mondiales ne veulent pas perdre tout le pouvoir qu’elles ont aujourd’hui acquis et qui les rendent plus puissantes que la plupart des Etats. Certes, elles ne disposent pas de la force publique, mais elles contrôlent de mieux en mieux tout le système d’information de la planète. C’est à la demande de certains

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pays, dont le vôtre, que cette conférence est organisée. Le lobbying scientifique des physiciens et spécialistes de l’I.A. est également très actif, et les mouvements de consommateurs, les nouveaux écolos de la science, survolent ces éléments techniques, en exprimant plus des craintes que des analyses crédibles. Il a semblé à mes collègues et moi-même que nous devions aussi nous entourer d’autres scientifiques capables de parler et de comprendre toutes ces composantes de la problématique actuelle. D’où ma démarche.

– Vous vous doutez bien que je vais accepter. Pouvez-vous envoyer une demande officielle à mon université ?

– C’est déjà fait. La réponse est très positive sur le principe, mais vous êtes le seul décideur.

Ça, je le savais déjà, le président de l’Université me l’avait confirmé, en me conseillant de ne pas me faire instrumentaliser. Mais là est justement la difficulté.

Les questions se bousculent dans ma tête. J’ai besoin d’un temps de réflexion.

Dans ces cas-là, je n’oublie jamais ma vieille copine Julie, une sublime brunette qui ne fait pas son âge, à peine trente-cinq ans, et a toujours considéré le rapport « plaisirs/contraintes » du mariage comme trop défavorable. D’origine argentine, métissée d’un ancêtre basque ayant affronté l’Atlantique pour découvrir le nouveau monde, et d’une jeune fille noire, Julie a fait tourner bien des têtes masculines. Sportive accomplie, sensuelle, son métier de décoratrice d’intérieur lui permet de concilier sa rationalité et sa créativité, cultiver de nombreux contacts dans les milieux plutôt aisés, et sa chère liberté. C’est ma complice des meilleurs moments et des difficultés passagères. Nous avons tant de choses en commun.

C’est Bernard, un bel Andalou ténébreux, rencontré dans

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une milonga*, qui nous a réunis. Nous avons su l’évaluer à sa juste valeur, séparément tout d’abord, et pour finir ensemble, un moment inoubliable, pour nous trois, mais aussi pour mes gentils voisins de l’époque qui nous ont regardé avec un grand sourire en voyant nos cernes sous les yeux le lendemain matin. Nous savons maintenant que nous sommes complémentaires en tout, brune et blonde, quelque peu libertines, éruptive pour l’une, volcan dormant d’un sommeil léger pour l’autre… ; un programme de réjouissances que nous avons pris garde de ranger précieusement dans nos jardins secrets.

– Bonjour, Julie. Est-ce que tu viens à la milonga de Pablo samedi soir, c’est-à-dire demain soir ?

– C’est prévu comme ça. Pourquoi ? Tu as des choses à me raconter ? Je suis impatiente de savoir car ma vie est plutôt plate en ce moment, comme le ciel de ce vendredi, pas très romantique.

– J’ai une décision importante à prendre. Et j’aimerais que tu sois le miroir de ma conscience.

– Tu sais qu’en terme de miroir je suis une experte, n’est-ce pas, tu n’as pas oublié notre aventure ?

– Tu crois que cela est possible ? En attendant je voudrais te poser une question, serais-tu libre dans quelques semaines pour m’accompagner à New York ? Il parait que les américains ont fait de gros progrès en tango argentin. Réfléchis, tu me donneras ta réponse samedi, quand je t’en aurai dit un peu plus.

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Suivi personnalisé Priorité 1 à GM… – Objet : Conférence New York… Rapport n° 1 – Contact pris par n° 1 du comité de pilotage ce jour

avec universitaire française. – Réponse a priori positive. – A contacté ses amis pour conseils. – Processus suivi en priorité. – … Surveillance renforcée.

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Chapitre 1 Les questions

La milonga « chez Pablo » voudrait ressembler à une milonga argentine traditionnelle. L’endroit est vieillot à souhait, les murs couverts de souvenirs des grands compositeurs, chanteurs et orchestres de l’âge d’Or du tango. Carlos Gardel nous accueille en poster avec ce sourire des années 1930 si caractéristique des séducteurs gominés. C’est la légende universelle de ce petit monde qui vient ici, comme il aurait pu le faire dans les années 50 à Buenos Aires. Parmi les choses essentielles dans une milonga, il y a le parquet qui permet ou non de bien danser, le D.J qui doit être capable de sélectionner ses musiques en tenant compte des goûts et des aptitudes de la clientèle, en alternant tangos, valses argentines, et milongas, une danse plus rapide et plus difficile à maitriser. Pablo, c’est le prof., ici c’est son royaume, c’est lui qui sait et il ne fait pas bon lui faire une remarque, même gentille, sur la technique de ses élèves. Il est forcément le meilleur. Il se croit dépositaire de la vraie

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tradition et du style argentin. Julie et moi cela nous fait sourire, sa danse reflète plus une démarche commerciale qu’une réelle connaissance académique des différents styles du tango. Il a été notre premier professeur, à qui nous sommes reconnaissantes de nous avoir donné des bases solides. Il aimerait certainement encore l’être, mais nous avons volé de nos propres ailes vers d’autres univers, un peu partout en Europe et en Amérique du Sud. De très grands danseurs nous ont pris en main, les héritiers des Gavito, Naveira, Péralta, Ermocida…

Sans être des championnes, le milieu nous considère comme de bonnes danseuses et il est rare que nous restions longtemps sans danser dans ce genre de soirée, ce qui n’est pas sans nous poser quelques états d’âme quand des danseurs plus que moyens, voire carrément mauvais, viennent nous inviter. Parfois nous dansons ensemble. Nous alternons les rôles, Julie et moi faisons alors tantôt l’homme, tantôt la femme, mais c’est quand même plus souvent moi qui guide. Julie développe alors toute sa sensualité, moins pour moi que pour les spectateurs mâles qui voient alors une superbe femelle exprimer l’idéal masculin. Cela nous amuse beaucoup.

Nous avons justement décidé de nous amuser un peu avant de parler des choses sérieuses.

Le DJ propose une tenda de Canaro. Nous reconnaissons immédiatement le style de la fin des années 30 que l’on peut danser en canyengue : « que le importa del mundo » entame la série. Peu de danseurs savent danser le canyengue, c’est pour cela que nous devons prendre l’initiative et faire l’invitation, souvent la condition pour avoir un danseur qui nous permettra de nous exprimer. Comme les meilleurs sont rarement seuls, il nous faut alors