Jean-Louis Terra Centre hospitalier Le Vinatier ... · Source : - Shea SC. La conduite de...
Transcript of Jean-Louis Terra Centre hospitalier Le Vinatier ... · Source : - Shea SC. La conduite de...
Comment peut-on prévenir le suicide ?
Jean-Louis TerraCentre hospitalier Le Vinatier
Laboratoire Santé, Individu, Société EA 4129
Université Lyon 1, UFR Lyon Est
12/04/2010 SMTOIF - JL Terra 2
Cheminement
1. Les concepts, les chiffres et les principes d’action
2. L’intervention de crise suicidaire
3. La postvention
4. Comment s’organiser ?
1. Les concepts, les chiffres, les principes d’action
12/04/2010 SMTOIF - JL Terra 4
APA : Practice Guideline for the Assessment and Treatment of Patients With Suicidal Behaviors
(American Journal of Psychiatry, 2004)
• Suicide : mort auto-infligée avec la preuve (explicite ou implicite) que la personne avait l’intention de décéder
• Tentative de suicide : comportement auto-agressant avec une issue non fatale et la preuve (explicite ou implicite) que la personne voulait mourir
• Tentative de suicide interrompue : comportement potentiellement auto-agressant et la preuve (explicite ou implicite) que la personne voulait mourir mais a stoppé avant un dommage corporel
• Idéation suicidaire : penser que le suicide comme le moyen de sa propre mort. La sévérité de l’idéation suicidaire varie selon l’intentionnalité suicidaire et sa programmation
• Automutilation : s’infliger de pleine volonté des actes douloureux, destructifs et préjudiciables sans l’intention de se donner la mort
• Reste la question de la mise en danger intentionnelle sans intention de se donner la mort, ou sans intention de se donner la mort à coup sûr
12/04/2010 SMTOIF - JL Terra 5
Le problème
• En baisse depuis 1993, les dernières données nationales sont 12 529 décès en 1985 (23,2 p.100 000), 10 849 en 2000, 10 122 en 2007 (16 p.100 000)
• 1 600 par armes à feu, moins de 1 000 par médicaments
• Plus de 60 000 endeuillés
• 160 000 tentatives de suicide par an
• DES CAUSES MULTIPLES
• PAS DE SOLUTION UNIQUE
• IMPOSE UNE POLITIQUE DE PETITS PROGRES OU CHACUN AVEC LA COLLECTIVITE PEUT ETRE ACTEUR
12/04/2010 SMTOIF - JL Terra 6
Une mobilisation longue à se dessiner
• Années 70 : associations• Années 80 : épidémiologie• Années 90 : priorité de santé publique• 1997 : conception d’un programme• 2000 : annonce d’une stratégie nationale• 2001-2005 : circulaires ministérielles pour généraliser les
actions• Prévention en milieu pénitentiaire plans en 2003 et 2009• Loi de santé publique 9 août 2004• 2009-10 nouveau plan en préparation
12/04/2010 SMTOIF - JL Terra 7
0
20
40
60
80
100
120
140
160
15-24
25-34
35-44
45-54
55-64
65-74
75-84
>85
H
F
Taux de mortalité par suicideNombre annuel de décès / 100 000 individus de la tranche d’âge
Programme National de Prévention du Suicide
12/04/2010 SMTOIF - JL Terra 8
0
5
10
15
20
25
15-24 25-34 35-44 45-54 55-64 >65
H
F
Part du suicide dans la mortalité % de l'ensemble de s décès de la tranche d'âge France métropolitaine (FNORS) - Taux moyen annuel (1995-97)
Programme National de Prévention du Suicide
12/04/2010 SMTOIF - JL Terra 9
Rapport entre la prévalence annuelle de suicide, de tentative de suicide et d’idéation suicidaire
(d’après A Lesage et INPES)
• Idéation : 5 900 pour 100 000 personnes
Détection-protection
• Tentative : 300 pour 100 000 personnes
Détection-protection
• Suicide : 16 pour 100 000 personnes
12/04/2010 SMTOIF - JL Terra 10
Les concepts utilisés
• La prévention du suicide et ses 4 niveaux– La promotion de la santé, incluant la prévention
des souffrances inutiles
– La prévention proprement dite qui diminue les facteurs de risque de suicide ou leurs effets
– L’intervention face à une crise suicidaire
– La postvention ou après-suicide
12/04/2010 SMTOIF - JL Terra 11
IDEES
TENTATIVE
UN MODELE
POUR S’ENTENDRE
POURAGIR
ET POURET POUREVALUEREVALUER
12/04/2010 SMTOIF - JL Terra 12
Prévention du suicide
• Faire en sorte que les personnes ne souffrent pas au point de penser au suicide comme une solution
• Principe d’action : identifier les sources de souffrance et tenter de les atténuer
• Les facteurs de risque de suicide constituent l’angle privilégié de la prévention
• Ce sont eux qui induisent les souffrances les plus intenses et pour lesquelles les solutions sont les plus « imparfaites »
12/04/2010 SMTOIF - JL Terra 13
Objectifs, exigences et contraintes
• Diminuer le nombre de décès par suicide en augmentant les chances des personnes en détresse de bénéficier d’une intervention appropriée
• Détecter et protéger de nombreuses personnes pour éviter un seul décès
• Disposer d’un grand nombre d’intervenants formés dans tous les milieux de vie
• Favoriser le travail en réseau des intervenants
12/04/2010 SMTOIF - JL Terra 14
Enjeux et défis
• Dans quelle mesure les perceptions, intuitions, croyances facilitent ou constituent des obstacles à la prévention ?
• Quelles sont les informations nécessaires à rassembler pour construire la prévention du suicide d’un patient ?
• Quels sont les points-clé où les pratiques doivent être systématiques ?
• Quelles formations et quelles évaluations pour améliorer ces pratiques ?
• Comment articuler la prise de risque et les attitudes de protection ?
• Dans quelle mesure l’organisation doit compléter l’excellence professionnelle individuelle ?
2. L’intervention de crise suicidaire
12/04/2010 SMTOIF - JL Terra 16
Crise suicidaireSource : Fédération Française de Psychiatrie. La crise suicidaire : reconnaître et prendre en charge. Paris :
John Libbey Eurotext ; 2001, p.422.
• Période où, pour un sujet donné, le suicide devient une solution pour mettre fin à sa souffrance actuelle
• Elle ne veut pas mourir, elle veut arrêter de souffrir
• Cette période marquée par la souffrance et la tension dure souvent de 6 à 8 semaines
12/04/2010 SMTOIF - JL Terra 17
Reconnaître l’état de criseSource : Fédération Française de Psychiatrie. La crise suicidaire : reconnaître et prendre en charge. Paris
: John Libbey Eurotext ; 2001, p.422.
• La personne est submergée par les émotions
• La tension émotive provoque un épuisement des ressources cognitives
• La perception de la réalité est embrouillée
• Elle n’arrive plus à trouver des solutions à ses difficultés
• Elle peut se tourner vers des solutions inadaptées, tant elle est démunie ou empressée à trouver un apaisement
12/04/2010 SMTOIF - JL Terra 18
Comment désamorcer une crise suicidaire avant la phase aiguë ou le passage à l’acte?
La progression de la crise :
État de crise
État devulnérabilité
État d’équilibre
Désorganisation Récupération
Phase aiguë - Passage à l ’acte
Temps
12/04/2010 SMTOIF - JL Terra 19
Modèle de la crise suicidaire
Solution
Suicide
SuicideSuicide
Suicide
Passage àl ’acte
RuminationsMessages verbaux
CristallisationPlan suicidaire
Recherchede moyensIdées fréquentes
Baisse d ’estime de soi
FlashMessagesindirects
Rechercheactive desolutions
Solution
Solution
Solution
Solution
SolutionSolution
?? ?
Solutions inefficaces ou inadéquates
Etapes-clé de l’intervention
12/04/2010 SMTOIF - JL Terra 21
21
LE POTENTIEL SUICIDAIRE : RISQUE, URGENCE, DANGEROSITE
Souffrances durableset insoutenables
Idées de suicide
Intention
Programmation
Mise en œuvre
Tentative de suicide
Décès
Pensées Velcro®
retardant ou bloquant la crise suicidaire
Facteur de risque
Facteur de protection
RISQUE
Moyen de suicide :Létalité x accessibilité
DANGEROSITE
URGENCE
12/04/2010 SMTOIF - JL Terra 22
1. Établissement d’un lien de confiance entre l’intervenant et la personne suicidaire
Source : manuel du formateur à l’intervention de crise suicidaire, 2001
• Une question d’attitude
• La voix douce et grave
• Suivre le rythme de la personne
• Poser des questions ouvertes et éviter les pourquoi
• Ne pas penser aux solutions trop tôt pour être réellement à l’écoute
12/04/2010 SMTOIF - JL Terra 23
Peurs et craintes
• L’intervenant veut-il me faire faire des choses que je ne veux pas faire ?
• Est-ce qu’il va me dire des choses que je ne suis pas encore prêt à entendre ?
• Est-il capable de supporter ce que j’ai à lui confi er ?
• Se montre-t-il bien intentionné pour m’aider ?
• Sera-t-il capable de m’aider ?
12/04/2010 SMTOIF - JL Terra 24
2. Encourager l’exploration et l’expression des émotions afin de diminuer la détresse
Source : manuel du formateur à l’intervention de crise suicidaire, 2001
• Aborder les émotions et les valider
• Identifier les sphères de la vie qui sont touchées
• Mettre des mots autour d’une souffrance avant de passer à une autre
• A l’origine de ces souffrances se retrouvent souvent les facteurs de risque de suicide
• Eviter les solutions toutes faites et trop rapides
• Se méfier de la réassurance non-fondée
12/04/2010 SMTOIF - JL Terra 25
Les souffrances fondamentalesSource : - Shea SC. La conduite de l’entretien psychiatrique, l’Art de la compréhension, Magne A
(traduction). Elsevier Masson, Paris, 2005.
• Peur de la solitude
• Peur d’être sans valeur
• Peur d’un rejet imminent, d’un abandon
• Peur de l’échec
• Peur de perte du contrôle externe : impuissance face aux événements
• Peur de perte du contrôle interne : peur face auxpensées, hallucinations, impulsions
• Peur de l’inconnu
12/04/2010 SMTOIF - JL Terra 26
Les souffrances fondamentalesSource : - Shea SC. La conduite de l’entretien psychiatrique, l’Art de la compréhension, Magne A
(traduction). Elsevier Masson, Paris, 2005.
• Elles ont plusieurs origines : psychopathologie, événements de vie, crise suicidaire par elle-même
• Dans la dépression, tenir compte de :– La constriction de la crise (vision en tunnel)– L’encagement de la pensée, la polarisation de la pensée– Perte d’espoir, conviction que rien ne peut changer– Impuissance à penser, à dire, à faire– L’anxiété sévère, l’agitation– L’humiliation, la honte, les situations ou propos menaçants– La vulnérabilité narcissique extrême
12/04/2010 SMTOIF - JL Terra 27
3. Évaluation rapide et efficace du risque, de l’urgence et de la dangerosité du scénario suicidaire
Source : Fédération Française de Psychiatrie. La crise suicidaire : reconnaître et prendre en charge. Paris : John Libbey Eurotext ; 2001, p.422.
• Le risque : le poids des facteurs de risque (risque
de décès dans les 2 ans) atténué par les facteurs de protection
• La connaissance des facteurs de risque de la personne de permet d’identifier les sphères de souffrance
• Indispensable pour connaître la personne
• Ne pas oublier que le suicide est relationnel (conflits, pertes, menaces…)
12/04/2010 SMTOIF - JL Terra 28
Les facteurs de risqueSource : Fédération Française de Psychiatrie. La crise suicidaire : reconnaître et prendre en charge. Paris : John
Libbey Eurotext ; 2001, p.422.
• L’enfance– Relation d’attachement– Evénements de vie– La violence subie : morale, physique, sexuelle
• La psychopathologie– Dépression, abus de substance, schizophrénie, trouble de la
personnalité…
• Les événements de vie durant la dernière année
• Les personnes ont souvent 10 à 15 facteurs de risque lorsqu’elle sont obligées d’avoir recours à des soins psychiatriques
• (Source : Pacaut-Troncin M, Potakian S, Aussudre J, et al. Evaluation du potentiel suicidaire des personnes prises en charge par un secteur de psychiatrie : premiers résultats d’une étude transversale. La Revue Française de Psychiatrie et de Psychologie Médicale, 2005 : 9.0 – 90 : 5-8.
12/04/2010 SMTOIF - JL Terra 29
Facteurs de risque Source : Gunnell G, Frankel S. Prevention of suicide : aspirations and evidence.
Br Med J, 1994, 308 (6938) : 1227-1233.
Groupe RR * % suicide
Trouble psychiatrique actuel ou ancien x10 50
Contact actuel ou récent avec psychiatrie 25
4 semaines après la sortie Fx100 10-15
Hx200
Antécédents de tentative de suicide x10-30 30-47
Antécédents familiaux de suicide x 4
RR = risque relatif
12/04/2010 SMTOIF - JL Terra 30
Facteurs de risque liés aux troubles mentauxSource : Gunnell G, Frankel S. Prevention of suicide :aspirations and evidence. Br Med J, 1994,
308 (6938) : 1227-1233.
Abus, dépendance à l’alcool x 20
Dépression x 20
Trouble bipolaire x 28
Schizophrénie x 8
Trouble de la personnalité x 7
12/04/2010 SMTOIF - JL Terra 31
Suicide et actes de violence en cas de psychose (Junginger,1990)
• Psychose– Voix impérieuses– Gestes auto imposés– Hyper religiosité– Vengeance– Emprise extérieure (un double qui dirige)
– Sur 20 patients, 8 ont cédé à leurs hallucinations
12/04/2010 SMTOIF - JL Terra 32
Quelques facteurs à ne pas négliger
• Personnalités– Dominatrices et actuellement épuisées– Dépendants insatisfaits– En symbiose avec un être cher
• La négligence de l’entourage– Tentative découverte tardivement– Souhait de disparition
• Les qualités qui peuvent devenir des facteurs de risque – Perfectionniste, idéaliste, exigeant, contrôlant, souci des autres
12/04/2010 SMTOIF - JL Terra 33
Proposition de grille pour évaluer le risque de suicide chez les personnes détenues
Facteurs individuels
Facteurs familiaux
Facteurs psychosociaux
Facteurs judiciaires
Facteurs pénitentiaires
Antécédent personnel de TS
Troubles de la personnalité avec impulsivité, réaction de colère, rigidité de la pensée, agressivité
Existence de conflits avec les proches
Dépendance àl’alcoolet/ou aux drogues
Dépression, psychose
Sévices physiques et/ou sexuels durant l’enfance
Abandon et ou placement
Antécédents familiaux de suicide
Isolement social et affectif
Position sociale
Pertes et séparations
DeuilEndeuillé par suicide
Contexte de contagion de suicide
Faits reprochés de nature criminelle
Prévenu
Confrontation aux victimes
Reconstitution
Procès
Sentence
Refus de libération conditionnelle
Nouvelle affaire
Primo incarcération
Placement en prévention au QDPlacement au QD
Se sent menacé
Transfèrement pour motif disciplinaire
Eloignement familial dû à un transfèrement
Peine supérieure à20 ans
12/04/2010 SMTOIF - JL Terra 34
Les facteurs de protection
• Bien moins connus• Les enfants en bas âge pour une femme• La présence d’un confident• Les capacités de coping• Les capacité de réflexion et de recul• La capacité de demander de l’aide• Un entourage qui soutient
• Le travail est un facteur de protection : quelles sont les composants de la protection ?
• Comment ce rôle protecteur peut être neutralisé ou encore inversé ?
12/04/2010 SMTOIF - JL Terra 35
3. Évaluation de l’urgenceSource : LeBlanc L, Séguin M, L’intervention en situation de crise : la conduite de l’entretien in
Intervention en situation de crise et en contexte traumatique, dir. Séguin M, Brunet A, LeBlanc L, Montréal : Gaëtan Morin eds, 2006: 31-54
Degré de progression du processus suicidaire : idées, intention, programmation, mise en œuvre
• Aborder directement les intentions suicidaires« Est-ce que vous souffrez au point de vouloir vous tuer ? »« Est-ce que vous avez pensé à la manière dont vous
pourriez vous suicider ? » Si oui : explorer le « couloir de la mort » et rechercher les
« pensées Velcro® »« Avez-vous pensé quand le faire ? »
12/04/2010 SMTOIF - JL Terra 36
Proposition de grille d’évaluation de l’urgenceSource : Terra J L. (2003) Prévention du suicide des personnes détenues, évaluation des actions mises en place et propositions pour développer un programme complet de prévention Rapport de mission à la demande du garde des
Sceaux, ministre de la Justice et du ministre de la Santé, de la Famille et des Personnes, 222 p.
C4
C3
C2
C1
DécèsTentative en coursoustoppée
Projet immédiat
Projet< 48h
Projet> 48h
Seule ouprincipale solution
IdéesFréquenteset quotidiennes
Idéesfréquentes
Idéesdiffuses
CONTENU
NE
987654321URGENCE
12/04/2010 SMTOIF - JL Terra 37
3. Évaluation de la dangerositéSource : Terra J L, La souffrance psychique : le suicide in Traité de santé publique coordonné par Bourdillon F, Brûcker G, Tabuteau D. Médecine-Sciences Flammarion ed, Paris, 2004 : 324-328.
Létalité du moyen de suicide couplée à l’accessibilité– Un exemple trop fréquent : les armes à feu– Une arme tue les personnes du foyer– Multiplie par 5 le risque de suicide– Ce risque est réduit à 2,7 si elle est bien entreposée– La létalité est considérable, supérieure à 90% et les
séquelles considérables• Chaque année, en France, les armes donnent
environ la mort à 1 600 personnes par suicide
12/04/2010 SMTOIF - JL Terra 38
4. Évaluation du facteur précipitantSource : LeBlanc L, Séguin M, L’intervention en situation de crise : la conduite de l’entretien in
Intervention en situation de crise et en contexte traumatique, dir. Séguin M, Brunet A, LeBlanc L, Montréal : Gaëtan Morin eds, 2006: 31-54
• Identifier les dernier événement qui a augmenté la détresse
• L’intervention va consister à atténuer cet événement pour obtenir une petite diminution de la souffrance
• Et anticiper : identifier le ou les événements qui pourraient survenir dans les heures ou jours suivants (« déminage de l’agenda personnel »)
12/04/2010 SMTOIF - JL Terra 39
Stratégies et séquences d’interventionSource : LeBlanc L, Séguin M, L’intervention en situation de crise : la conduite de l’entretien in Intervention en situation de
crise et en contexte traumatique, dir. Séguin M, Brunet A, LeBlanc L, Montréal : Gaëtan Morin eds, 2006: 31-54
5. Formulation de la crise
Il s’agit d’une réelle compréhension empathique et évolutive de la crise en incluant tous ses déterminants.
6. Briser l’isolement, soutenir la famille et les proches, et mettre en place des structures de protection auprès de la personne suicidaire
L’intervention vise à mobiliser l’ensemble des personnes qui peuvent donner le goût de la protection ou protéger la personne. Le dispositif de psychiatrie et de santé mentale est un parmi les autres.
12/04/2010 SMTOIF - JL Terra 40
Stratégies et séquences d’interventionSource : LeBlanc L, Séguin M, L’intervention en situation de crise : la conduite de l’entretien in Intervention en
situation de crise et en contexte traumatique, dir. Séguin M, Brunet A, LeBlanc L, Montréal : Gaëtan Morin eds, 2006: 31-54
7. Arrêt du processus autodestructeur et établissement d’ententesavec la personne suicidaire afin d’assurer un suivi, du moins à court ou à moyen terme
Limiter l’accès aux moyens du suicide, ne pas laisser la personne seule, favoriser son engagement, organiser la protection sur 6 à 8 semaines
8. L’après-crise
Le temps des soins en cas de psychopathologie, la prise en charge des facteurs de risque (médical, psychologique, social)
12/04/2010 SMTOIF - JL Terra 41
Conclusion : des risques à éviter
• Avoir une idée préconçue et essayer de faire « rentrer » la personne dans un cadre
• S’arrêter devant une émotion parapluie : colère, bouderie… et ne pas accéder aux autres
• Penser qu’il y a plus compétent et orienter trop tôt
• Se réfugier derrière les contraintes du métier ou de l’institution
• Penser que les bonnes raisons peuvent gouverner la subjectivité
• Eviter la réassurance superficielle non fondée sur des actions concrètes
12/04/2010 SMTOIF - JL Terra 42
Conclusion
• Le levier d’intervention est la diminution de la souffrance psychique
• Il est nécessaire de réaliser de très nombreuses actions de prévention pour éviter un seul décès
• La formation d’un grand nombre d’intervenants est essentielle
3. La postvention
Selon les programmes conçus et mis en place par :
Monique Séguin Ph.D.Université du Québec en Outaouais
Groupe McGill d’étude sur le suicide
12/04/2010 SMTOIF - JL Terra 44
La postvention
• Si un suicide se produit : décliner les actions de postvention
• Pour ceux qui ont découvert la scène
• Ceux qui ont porté secours
• L’annonce aux proches
• L’annonce aux collègues
• L’annonce à l’entreprise
• L’accompagnement des endeuillés
• Identifier les personnes avec un stress aigu ou modéré temporaire
• Identifier les personnes déjà suicidaires pour limiter la contagion
12/04/2010 SMTOIF - JL Terra 45
Types de réactions
• Des réactions associées au stress
• Des réactions associées à la crise
• Des réactions associées au deuil
12/04/2010 SMTOIF - JL Terra 46
Thérapie de deuil
Counseling de deuil
Intervention précoce de deuil
Intervention de crise ou de crise suicidaire
Repérage des jeunes vulnérables
Intervention reliée au trouble de stress post-traumatique
Débriefing (Pour les témoins directs seulement)
Ventilation
Recadrage de l’information
Annonce de la nouvelle
6e Mois et plus
5e mois4e mois11e-12e
sem9e-10e
sem7 e-8e sem5e-6e sem3e-4e sem.2e sem1ière sem.
Temps
Interventions
Exemple de la séquence de réalisation des intervent ions de postvention (source : M Séguin, 2008)
12/04/2010 SMTOIF - JL Terra 47
L’organisation du milieu : la postvention, une démarche qui doit être planifiée
(source : M Séguin, 2008)
Étape 1: S’assurer de l’adhésion de la direction
Étape 2: Évaluer les particularités du milieu
Étape 3: Créer une équipe de postventionIdentifier les ressources humaines nécessairesDéfinir le rôle de chacun (selon les niveaux d’interventions)S’approprier le programme et mettre en place un protocole de postvention
Étape 4: S’assurer de la collaboration des organismes partenaires
Étape 5: Former les membres de l’équipe de postvention
Étape 6: Sensibiliser l’ensemble du personnel
Étape 7: Planifier le maintienPrévoir le soutien clinique et organisationnel
Étape 8: Évaluer le programme
12/04/2010 SMTOIF - JL Terra 48
Conclusion
• Les programmes de postvention doivent conçus selon une approche différentielle
• Nécessité de choisir les interventions en fonction des besoins des différents sous-groupes
• Le besoin d’articulation avec d’autres programmes
• Le besoin d’évaluation quant à l’efficacité
4. Comment s’organiser ?
12/04/2010 SMTOIF - JL Terra 50
?
MG
Urgences
Psy
AS
Mairie
Améliorer la prévention territoriale
Formation
MGPsyASEducateursGendarmerieUrgentistesMairieMéd travailBénévolesAssociationsFamilles
Méd W
G
12/04/2010 SMTOIF - JL Terra 51
S’organiser pour intervenir en cas de crise suicidaire
• Première ligne : détection– Tous– Des évaluations systématiques– Signaler– Ne pas abandonner
• Deuxième ligne : construction de la protection– Pilotage sanitaire et social – Durée 6 à 8 semaines– Privilégier la protection active versus passive
• Troisième ligne : recours en cas d’échec de la ligne précédente et/ou de pathologie mentale sévère– Services spécialisés, soins sans consentement
12/04/2010 SMTOIF - JL Terra 52
Les niveaux d’intervention (Simon, 2005)
• Interventions indiquées• Les interventions indiquées pour la réduction du su icide sont conçues pour
encourager la détection et le traitement efficace d es idées suicidaires et des maladies psychiatriques associées qui exposent à un risque immédiat. Ex : psychothérapie
• Interventions sélectives• Les interventions de prévention sélectives visent l es groupes à risque de
développer des états suicidaires qui résulteraient d’un ou de plusieurs facteurs de risque. Ex : Evaluation gériatrique standardisée
• Interventions universelles• Mesures visant la population entière pour diminuer les risques proximaux ou
distaux, indépendamment du risque individuel. Ex : réduction de l’accessibilité aux armes à feu
Des exemples d’actions et de programmes
12/04/2010 SMTOIF - JL Terra 54
Campagnes de sensibilisation et d’information
• Reconnaître les signes et les causes du suicide, la recherche d’aide des personnes suicidaires, éviter la stigmatisation des personnes souffrant de maladie mentale
• Ces campagnes sont populaires et rarement évaluées
• Population générale : campagne d’information sur la dépression (Allemagne, USA, Australie, Nouvelle Zélande, France)
• L’INPES (Institut National de Prévention et d’Éducation à la Santé) « La dépression chez l’adulte : en savoir plus pour s’en sortir » (2007) www.info-depression.fr
• Résultats modestes dans les écoles
• Pas de résultat convaincant sur les taux de suicide, le nombre de personnes traitées pour dépression, le taux d’utilisation des antidépresseurs mais changements dans les comportements face aux maladies mentales
• Baisse cependant de 18% dans les 9 mois suite à une campagne en Allemagne (Lehfeld, 2004)
12/04/2010 SMTOIF - JL Terra 55
Prévenir le suicide chez les 14-18 ans : intervention sélective et directe
Evaluation et formation pour le soutien des élèves à risque de suicideIntervention (Suicide Prevention Resource Center, 2005)
1. Sessions de conseil face à face avec évaluation du potentiel suicidaire (2 heures) et séance sur la recherche de motivations (2 heures) réalisées par les C-Care (conseillers en soins)
2. CAST (Coping and Support Training) : formation en petits groupes sur la gestion de l’humeur, le contrôle et l’usage des drogues, la performance scolaire (12 sessions)
– Résultats : baisse de l’idéation suicidaire, réduction de la colère et de l’anxiété, meilleurs résultats pour les filles
– Figure au registre de l’Evidence-based Suicide Prevention Programs comme stratégie EFFECTIVE (selective, indicated)
– Un programme avec les parents permet de rendre plus sûre la maison pour les médicaments, l’alcool et pour les armes à feu de 63% à 0%
12/04/2010 SMTOIF - JL Terra 56
Efficacité de la réduction de l’accès aux moyens de suicide(Mann J. J.et al, Suicide Prevention Strategies: A Systematic Review JAMA, October 26, 2005- Vol
294,n°16, 2064-74 )
• Réduction de la toxicité du gaz de ville et des gaz d’échappement des véhicules à moteur
• De l’accès aux herbicides, pesticides
• De l’accès aux médicaments (taille des blisters : paracétamol) et réduction de la toxicité antidépresseurs
• De l’accès aux ponts, édifices élevés, voies des métros
• Stratégies pour les armes à feu :– Stockage sécurisé efficace (Grossman, JAMA : 2005)– Limitation des autorisations de détention– Rachat des armes inutiles (Australie)– Délai et enquête à l’achat (Canada)– Retrait temporaire en cas de crise suicidaire
12/04/2010 SMTOIF - JL Terra 57
Les gatekeepers Suicide Prevention Gatekeeper Trainings Matrix
(Suicide Prevention Resource Center www.sprc.org)
• Les interventions centrées sur les professionnels et non professionnels qui dans les organisations sont en contact directavec les personnes vulnérables ont été étudiées
• Ces gatekeepers sont très divers : clergé, pharmaciens, aidants professionnels en gériatrie, employés dans les écoles, mairies, prisons, armées…
• Les programmes : détection des facteurs de risque, favoriser la recherche d’aide, disponibilité des ressources, réduction de la stigmatisation liée à la recherche de ressources
• Les programmes évalués avec diminution du suicide : Norwegian Army et US Air Force
12/04/2010 SMTOIF - JL Terra 58
Médecins généralistes
• Il existe un potentiel pour mieux diagnostiquer la dépression etd’autres troubles mentaux
• La prévention est possible car la plupart des personnes décédéespar suicide ont consulté un généraliste avant leur décès
• Les personnes dépressives et décédées par suicide ne recevraientpas un traitement adéquat dans 80% des cas (Henriksson, 2001*)
• Des études ** ont montré que des programmes pour la dépression et l’évaluation du potentiel suicidaire étaient efficaces (Suède, Hongrie, Japon, Slovénie, UK, USA, Australie, Irlande du Nord) et d’autres n’ont pas identifié de changement (UK, USA, Brésil)
• * Henriksson S. , Boethius G., Isacsson G. Suicides are seldom prescribed antidepressants: findings from a prospective prescription database in Jamtland county, Sweden, 1985-1995. Acta Psychiatr Scand. 2001 ; 103: 301-306.
• **Mann J. J.et al, Suicide Prevention Strategies: A Systematic Review JAMA, October 26, 2005- Vol 294,n°16, 2064-74
12/04/2010 SMTOIF - JL Terra 59
Prévention du suicide dans les établissements pénitentiaires français
• Nombre de suicides supérieur à 100 depuis 1992 avec un maximum à136 en 1996
• 17 recommandations suite à une mission en 2003 avec un objectif de diminution de 20 % dans les 5 ans
• 13000 personnes formées grâce au programme de la Direction générale de la santé et de l’Administration pénitentiaire
• Mise en place de commissions de prévention du suicide
• Mise en place d’un document d’évaluation
• Résultat atteint en 2006 et 2007 avec 93 et 96 décès
• Le taux a évolué de 22,8 en 2002 (année de référence) à 15,5 en 2006
• Dégradation du résultat en 2008 et début 2009 : plan réactualisé
12/04/2010 SMTOIF - JL Terra 60
Que peuvent faire les collègues de travail ?• C’est une situation effrayante que de considérer qu’un collègue puisse mettre fin à ses jours
• Reconnaître les signes avant-coureurs
• Evoquer la mort, le suicide : « Je vais en finir »
• Isolement
• Expression de désespoir
• Négligence
• Baisse inexpliquée du travail
• Dons
• Amélioration soudaine et inexpliquée
• Répondre à ces signes
• Poser les questions directement si on est à l’aise
• Si oui : recherche d’aide immédiate
• Ne pas laisser la personne seule
• Si pas à l’aise avec ce collègue en faire part à un autre immédiatement
12/04/2010 SMTOIF - JL Terra 61
Que peuvent faire les employeurs pour prévenir le suicide ?
• Reconnaître les signes d’alerte• Répondre aux signes d’alerte
• Rechercher une aide professionnelle
12/04/2010 SMTOIF - JL Terra 62
U.S. Air Force Program : intervention universelle
Programme complet et étendu pour augmenter les facteurs de protection chez les personnes qui travaillent pour l’U.S. Air Force
Actions (Suicide Prevention Resource Center, 2005) :
1. Promouvoir la sensibilisation aux facteurs de risque de suicide
2. Informer sur les services de santé mentale (psychiatrie)3. Réduire la stigmatisation liée à la recherche d’aide
Résultats : réduction de 33% du risque de suicide, diminution des homicides (-51%), des morts accidentelles (-18%) et de la violence familiale
Figure au registre de l’Evidence-based Suicide Prevention Programs comme stratégie prometteuse (universal)
12/04/2010 SMTOIF - JL Terra 63
La stratégie 2006-16 de la Nouvelle-Zélande ** http://www.moh.govt.nz/suicideprevention
Une vision : valeur de la vieDes buts : réduire le taux de suicideDes principes : être fondé sur des preuves scientifiquesSept objectifs :1. Promouvoir la santé mentale, le bien-être2. Améliorer les soins des personnes souffrant de troubles
mentaux3. Améliorer les soins des personnes ayant réalisé une tentative
de suicide non fatale4. Réduire l’accès aux moyen du suicide5. Relater de façon saine le suicide dans les médias6. Soutenir les familles affectées par un suicide ou une tentative
de suicide7. Améliorer l’évaluation des actions et des résultats
12/04/2010 SMTOIF - JL Terra 64
Recommandations APA (2003)
• Hospitalisation généralement indiquée après une tentative de suicide réalisée ou interrompue si :
• Patient souffrant de psychose• Geste violent, presque létal, ou prémédité• Précautions pour éviter les secours ou la découverte• Intention ou programmation encore présentes • Détresse aggravée après le geste ou regrets de survivre• Homme de plus de 45 ans au début d’un trouble mental ou première crise
suicidaire• Entourage ou support social limités incluant l’absence de stabilité des
conditions de vie• Comportement impulsif, agitation importante, difficulté de jugement ou refus
d’aide• Participation métabolique, toxique ou infectieuse• ET dangerosité élevée (moyen) et intention suicidaire forte (urgence)
12/04/2010 SMTOIF - JL Terra 65
Recommandations APA
• La sortie des urgences sans hospitalisation est possible si :• Crise suicidaire liée à des événements précipitant (échec à un examen, difficultés
relationnelles) et surtout lorsque le patient a changé de vision depuis son admission aux urgences
• Dangerosité faible (moyen)• Support social solide et stable• Patient capable de suivre les recommandations thérapeutiques
• Le suivi ambulatoire peut être plus bénéfique que l’hospitalisation si : • Le patient a des idées de suicide chroniques, réalise des automutilations sans
antécédents de tentative grave et si un soutien social de bonne qualité et stable est disponible
• Evaluer le rapport risques/bénéfices d’hospitaliser versus ne pas hospitaliser, le documenter dans le dossier du patient et écrire le raisons de notre décision