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1 UNIVERSITÉ SAINT-ESPRIT DE KASLIK FACULTÉ DE PHILOSOPHIE ET DES SCIENCES HUMAINES DÉPARTEMENT DE PSYCHOLOGIE L’INFLUENCE DU TROUBLE BIPOLAIRE SUR LES FACTEURS COGNITIFS ET AFFECTIFS CHEZ LE PATIENT ADULTE LIBANAIS THÈSE en vue d’un Doctorat de Psychologie Préparée par Nathalie KAHALÉ RICHA Sous la direction de Madame le Professeur Souheila Salloum

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UNIVERSITÉ SAINT-ESPRIT DE KASLIKFACULTÉ DE PHILOSOPHIE ET DES SCIENCES HUMAINES

DÉPARTEMENT DE PSYCHOLOGIE

L’INFLUENCE DU TROUBLE BIPOLAIRE SUR LES FACTEURS

COGNITIFS ET AFFECTIFS CHEZ LE PATIENT ADULTE

LIBANAIS

THÈSE en vue d’un Doctorat de Psychologie

Préparée par Nathalie KAHALÉ RICHA

Sous la direction de Madame le Professeur Souheila Salloum

KASLIK – LIBAN2009

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A mes chers Sami, Estelle et Gaëlle

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REMERCIEMENTS

Je souhaite remercier du plus profond de mon cœur tous ceux qui m’ont aidée dans la réalisation de ce travail passionnant :

-Mme le Docteur Hoda NEHME,  qui m’a accompagnée tout au long de mes études universitaires et qui fut toujours là pour m’encourager, me soutenir et me proposer de réaliser ce qu’elle recherche constamment pour ses étudiants : aller de l’avant, aller vers le mieux.

-Mme le Docteur Souheila SALLOUM, qui, sans son aide constante, réfléchie et intelligente, ce travail n’aurait pu voir le jour. Elle m’a tant appris que cette thèse est devenue en elle-même une école de pensée pour moi.

-Mme le Docteur Norma ZAKARIA, qui m’a facilitée la tâche académique et dont la présence était souvent suffisante pour m’encourager.

-Le Docteur Ramzi HADDAD pour son aide incontournable.

-Chérine, qui m’a aidée dans la mise en page de cette thèse.

Et bien entendu tous les patients qui ont accepté de répondre à nos interrogations se livrant au jeu, souvent difficile et toujours audacieux, de l’avancée de la Science…

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SOMMAIRE

INTRODUCTION 1

PREMIÈRE PARTIE - ETUDE THÉORIQUE 8

CHAPITRE I : TROUBLE BIPOLAIRE : Sa genèse et sa relation à la personnalité 9

1- Historique du trouble bipolaire 9

2- Définition du trouble bipolaire 10

3- Classification du trouble bipolaire 13

4- Epidémiologie du trouble bipolaire 16

5- Comorbidités et troubles psychiatriques dans l’enfance 18

6- Origine et différentes explications du trouble bipolaire 22

7- Relation entre trouble bipolaire et personnalité 31

8- Insight ou conscience du trouble dans le trouble bipolaire 34

9- Différences entre bipolaire I (à prédominance maniaque) et bipolaire II (à prédominance dépressives) 36

10- Prise en charge 37

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CHAPITRE II : TROUBLE BIPOLAIRE ET LOCUS DE CONTROLE 44

1- Historique 44

2- Définition du locus de contrôle 47

3- Notion d’attribution causale 49

4- Notion d’impuissance apprise (learned helplessness) 52

5- Locus de contrôle et dépression 53

6- Effet de l’internalité sur la santé

55

7- Norme d’internalité 58

8- Différences entre sujets internes et sujets externes 60

9- Attribution causale du trouble bipolaire 65

10- Locus de contrôle des bipolaires 66

11- Locus de contrôle et adhérence au traitement dans le trouble bipolaire 67

CHAPITRE III : SCHEMAS PRECOCES D’INADAPTATION D’APRES YOUNG 71

1- Historique du concept de schéma 71

2- Définitions du schéma précoce d’inadaptation et de ses caractéristiques 73

3- Origines des schémas précoces d’inadaptation 76

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4- Développement des schémas selon les cinq domaines 78

5- Styles d’adaptation dysfonctionnels liés aux schémas 92

6- Modes de schémas 97

7- Schémas précoces d’inadaptation et changement d’humeur 99

8- Caractéristiques de la thérapie des schémas précoces d’inadaptation 100

CHAPITRE IV : TROUBLE BIPOLAIRE ET COGNITIONS 103

1- Aperçu historique sur la pensée 103

2- Approche cognitive 104

3- Définition des pensées automatiques 106

4- Définition de processus cognitifs 109

5- Définition des schémas cognitifs 111

6- Modèles cognitifs de la dépression et du trouble bipolaire 116

7- Cognitions et schémas cognitifs dans le trouble bipolaire 121

CHAPITRE V : TROUBLE BIPOLAIRE ET MILIEU 132

FAMILIAL

1- Importance de la famille 133

2- Parents sains et besoins affectifs fondamentaux selon Young 135

3- Parents destructeurs 139

4- Profil psychologique des parents maltraitants 146

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5- Influence de la maltraitance en bon âge sur le cours, l’évolution et les comorbidités dans le trouble bipolaire 147

6- Caractéristiques du milieu familial des personnes bipolaires 152

DEUXIÈME PARTIE - RECHERCHE SUR LE 164 TERRRAIN

Questionnaires auprès d’un échantillon d’adultes bipolaires libanais et d’un échantillon d’adultes sains

CHAPITRE VI : MÉTHODOLOGIE DU TRAVAIL SUR LE TERRAIN 165

1- Objectif de la recherche 165

2- Définition des variables 166

3- Choix de l’échantillon 168

4- Chois de la technique de recherche 170

5- Date de passation des tests 182

6- Mode de traitement et d’interprétation 183

CHAPITRE VII : INFLUENCE DU TROUBLE BIPOLAIRE SUR LES COGNITIONS : LE LIEU DE CONTROLE :- VERIFICATION DE LA PREMIERE HYPOTHESE - 188

CHAPITRE VIII : INFLUENCE DU TROUBLE BIPOLAIRE SUR LES COGNITIONS : LES PENSEES AUTOMATIQUE :- VERIFICATION DE LA DEUXIEME HYPOTHESE - 199

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CHAPITRE IX : INFLUENCE DU TROUBLE BIPOLAIRE SUR LA VIE AFFECTIVE : LES SCHEMAS PRECOCES D’INADAPTATION :- VERIFICATION DE LA TROISIEME HYPOTHESE - 205

CHAPITRE X : INFLUENCE DES RELATION PRECOCES SUR LE TROUBLE BIPOLAIRE: LES ATTITUDES PARENTALES:- VERIFICATION DE LA QUATRIEME HYPOTHESE - 220

SYNTHESE GENERALE 243

CONCLUSION 246

BIBLIOGRAPHIE 252

ANNEXES 264

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INTRODUCTIONET POSITION

DU PROBLEME

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Le trouble bipolaire est une maladie mentale sévère et chronique. Sa fréquence classiquement avancée dans la population générale est de 1%1. Les personnes atteintes de cette maladie peuvent expérimenter des épisodes maniaques caractérisés par une humeur élevée, euphorique, et/ou des épisodes dépressifs caractérisés par une humeur triste, dépressive.

Cette maladie nous a longtemps intéressé et intrigué parce qu’elle est complexe, parce qu’elle englobe une grande variété de symptômes sévères et contradictoires et surtout parce que ses répercussions sur la vie personnelle, affective, sociale, professionnelle et conjugale du sujet sont tellement nocives qu’elle peut mettre le patient atteint de ce trouble en danger vital.

Par ailleurs, nous pensons que la stigmatisation et le poids que met la société et en particulier la famille sur le patient bipolaire pèse lourd sur lui et peut être souvent un facteur précipitant sa rechute.

En le culpabilisant, le rendant seul responsable de son état ; en critiquant sans cesse ses comportements et ses pensées, nous relevons la méconnaissance et/ou le déni qui entoure les maladies mentales en général et le trouble bipolaire en particulier.

Pour cela, nous avons voulu étudier de manière approfondie les composantes psychologiques des sujets atteints de bipolarité. Une meilleure compréhension de leur trouble nous permet ainsi qu’aux autres professionnels de la santé, et aux familles des personnes concernées de mieux connaître cette maladie.

En comprenant mieux le trouble bipolaire nous pouvons soutenir et accompagner les patients, les aider à comprendre leur maladie, à pouvoir la gérer, à résoudre les problèmes qui peuvent en découler et prévenir les rechutes et la survenue d’autres épisodes dépressifs ou maniaques qui émaillent leur trouble.

Nous avons remarqué que la majorité des études qui ont été menées

jusqu’à présent pour étudier le trouble bipolaire et le vécu psychologique des personnes atteintes de ce trouble se basent essentiellement sur la 1 LEMPERIERE T. et coll., Les troubles bipolaires, Editions Masson, Collection PRID, Paris, 1995, p. 25.

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comparaison des sujets qui ont un trouble bipolaire par rapport à des sujets souffrant d’autres formes de dépression.

De ce fait, nous avons trouvé intéressant d’étudier les facteurs affectifs et cognitifs dans les deux types de bipolarité : à prédominance maniaque (type I) et à prédominance dépressive (type II)1.

Nous espérons à travers cette étude pouvoir comprendre mieux le vécu psychologique de ces personnes qui souffrent énormément : de leur changement d’humeur, de l’ambivalence dans leurs comportements, de la rigidité de leurs pensées, de l’environnement intolérant et critique à leur égard et de l’impact de leur humeur sur leur fonctionnement familial, relationnel et professionnel.

Notre question de départ qui nous a poussée à entamer ce travail est la suivante :

- Dans quelle mesure le trouble bipolaire influe-t-il sur la vie affective et cognitive des patients adultes ?

- Et par suite, y a t-il une différence dans les réactions cognitives et affectives selon le type du trouble qu’il soit à prédominance dépressive (type II) ou à prédominance maniaque (type I) ?

Ces interrogations nous ont permis de développer les questions suivantes :

- Quels sont les processus cognitifs (le lieu de contrôle,  les pensées automatiques) qui sont propres aux bipolaires par rapport à la population saine ?

- Les réactions affectives des bipolaires diffèrent-elles de la population saine et selon la prédominance d’un type sur l’autre (saisies particulièrement à travers les schémas précoces d’inadaptation) ?

- Dans quelle mesure ces réactions cognitives ou affectives sont-elles à leur tour influencées précocement par les attitudes parentales, en d’autres

1 LEMPERIERE T. et coll., op. cit., p. 145-150.

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termes dans quelle mesure les attitudes parentales à l’âge précoce ont-elles contribué au développement de ce trouble ?

Les différentes approches qui expliquent le problème soulevé, qui seront développées dans notre partie théorique et qui constituent notre problématique générale sont d’ordre : psychanalytique, cognitif et biologique.

1- L’approche psychanalytique :

Elle ramène les causes du trouble essentiellement aux relations affectives précoces (Freud, Karl Abraham, Mélanie Klein).

La perte de l’objet d’amour représenté surtout par la mère rejetante induit une perte de l’équilibre et pousse l’individu à fonctionner sur un mode oral (besoin de dépendance et de chaleur). Le rejet ressenti par le patient l’amène à abandonner l’objet mauvais qu’il voudrait tuer.

Ainsi, la dépression résulterait des perturbations au niveau des liens d’amour. La manie est une réaction de défense qui permet de lutter contre l’angoisse et la mélancolie. Le sentiment de toute-puissance exprime le besoin de maîtriser les objets1.

2- L’approche cognitive :

Cette approche représentée particulièrement par Beck explique le trouble bipolaire par l’intrication de facteurs physiologiques (biologiques et génétiques), psychologiques et sociaux (environnementaux)2.

Pour les cognitivistes (Beck, Rush, Shaw, Young), la dépression s’explique par un mauvais traitement de l’information provenant du monde extérieur. L’information est déformée par des schémas cognitifs inconscients stockés dans la mémoire à long terme et représentés par les pensées automatiques préconscientes, contenues dans la mémoire à court terme.

1 HARDY-BAYLE Marie-Christine., HARDY Patrick, Maniaco-dépressif. Histoire de Pierre, Editions Odile Jacob, Collection Poches Odile Jacob, Paris, 1996, p. 151. 2 LAM Dominic, JONES Steven, BRIGHT Jenifer, HAYWARD Peter, Cognitive therapy for bipolar disorder: a therapist’s guide to concept, methods and practice, Editions Wiley, 2003, p. 52.

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L’activation des émotions permet aux schémas cognitifs de se manifester, se traduire en pensées automatiques1.

Le trouble bipolaire a pour origine des cognitions prémorbides permanentes chez l’individu associées à des événements de vie stressants, rendant le sujet plus vulnérable à la maladie2.

3- L’approche génétique et l’approche biologique :

L’approche génétique (Mc Guffin et Katz) considère qu’une mauvaise transmission génétique est à l’origine du trouble bipolaire. L’observation familiale montre que ce trouble touche plusieurs membres d’une même famille.

Les apparentés du premier degré des patients bipolaires présentent la même maladie. Mais la détermination des gènes responsables de cette maladie n’est pas encore claire.

L’observation des jumeaux confirme aussi l’existence d’une composante génétique3.

L’approche biologique (Ansseau, Baker) explique le trouble bipolaire par une transmission intersynaptique de neuromédiateurs chimiques. La dépression résulte d’un déficit en norépinéphrine et la manie d’un excès en norépinéphrine4.

Après avoir situé notre problème et pour répondre à nos interrogations précédentes, nous proposons l’hypothèse générale suivante :

Le trouble bipolaire affecte la personnalité du malade dans ses diverses manifestations cognitives (lieu de contrôle, pensées automatiques) et affectives (schémas précoces d’inadaptation et schémas des attitudes parentales). Cette affection peut varier selon le type du trouble bipolaire, type I (prédominance maniaque) ou type II

1 NEWMAN C.F., LEAHY R.L. BECK A.T., REILLY-HARRINGTON N.A. GYULAI L., Bipolar disorder : a cognitive therapy approach, American Psychological association, Washington DC, 2002, p. 15.2 LEMPERIERE Thérèse et coll., Les troubles bipolaires, Editions Masson, Collection PRID, Paris, 1995, p. 146.3 HARDY-BAYLE Marie-Christine., HARDY Patrick, op. cit., p. 131-132. 4 Ibid., p. 139-140.

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(prédominance dépressive), et est à son tour influencée par le vécu des relations familiales précoces.

A partir de notre hypothèse générale, nous avons émis quatre hypothèses opérationnelles selon ces différents facteurs (cognitifs et affectifs) et qui sont les suivantes :

* Facteurs cognitifs

Première hypothèse - Le trouble bipolaire affecte les cognitions du patient bipolaire dans son style cognitif c’est-à-dire son lieu de contrôle qui tend à être chez les patients bipolaires plus élevé tant dans son échelle interne qu’externe qu’il n’est chez les personnes saines ; plus externe aussi chez les sujets à prédominance dépressive (type II) que chez les sujets à prédominance maniaque.

Deuxième hypothèse - Le trouble bipolaire affecte de même les pensées automatiques du patient bipolaire qui tendent à être chez lui plus négatives qu’elles ne le sont chez les personnes saines ;  plus négatives aussi chez les sujets à prédominance maniaque (type I) que chez les sujets à prédominance dépressive (type II) du fait de la complexité des épisodes maniaques.

* Facteurs affectifs

Troisième hypothèse - Le trouble bipolaire affecte aussi la vie affective, manifestée à travers les schémas précoces d’inadaptation. Ces schémas semblent être plus élevés chez les bipolaires par rapport aux personnes saines ; et encore plus élevés chez les sujets à prédominance maniaque (type I) que les sujets à prédominance dépressive (type II).

* Influence des relations précoces

Quatrième hypothèse - Le trouble bipolaire est affecté à son tour par les attitudes parentales précoces. Les bipolaires ont eu des relations plus détériorées en bas âge avec leurs pères et leurs mères qu’elles ne le sont chez les personnes saines ; et plus détériorées aussi

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chez les sujets à prédominance maniaque (type I) que chez ceux à prédominance dépressive (type II).

En vue de vérifier nos hypothèses opérationnelles, nous avons mené notre étude qui sera divisée en deux parties :

La première partie est théorique explorant le trouble bipolaire et son impact sur la vie cognitive et affective du patient.

Cette partie est divisée en cinq chapitres :

- le premier chapitre présentera le trouble bipolaire, sa formation et sa relation à la personnalité

- dans le second chapitre nous étudierons le locus de contrôle

- le troisième chapitre portera sur les schémas précoces d’inadaptation

- le quatrième chapitre sera consacré aux cognitions, aux pensées automatiques et aux schémas cognitifs

- et le dernier chapitre au milieu familial des bipolaires et aux liens qui se tissent dans ce milieu entre les parents et les enfants.

La deuxième partie est une étude sur le terrain portant sur un échantillon d’adultes libanais des deux sexes atteints de trouble bipolaire (échantillon expérimental) et un échantillon d’adultes sains (échantillon témoin).

Nous présenterons d’abord dans cette partie la méthodologie du travail sur le terrain, suivie de la vérification chapitre par chapitre de chacune des quatre hypothèses.

Une synthèse générale groupera les données recueillies pour finir avec une conclusion envisageant la valeur critique de ces données et ouvrant de nouvelles perspectives.

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PREMIERE PARTIE :

ETUDE THEORIQUE

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CHAPITRE I   : TROUBLE BIPOLAIRE  : SA GENESE ET SA RELATION A LA PERSONNALITE

Après un bref historique du trouble bipolaire et sa définition actuelle, nous présenterons dans ce chapitre une classification de ce trouble, son épidémiologie, ses comorbidités, ses origines, sa relation avec la personnalité. Nous aborderons de même la prise de conscience du trouble, la différence entre le trouble bipolaire I (à prédominance maniaque) et le trouble bipolaire II (à prédominance dépressive) et les prises en charge thérapeutiques en vu de situer nos hypothèses dans leur cadre théorique.

1- Historique du trouble bipolaire

Bien avant la naissance de la médecine, de nombreux auteurs ont noté le passage de la personne d’un état mélancolique à un état maniaque. Avant J.-C., c’est Hippocrate qui a relevé ce changement de la mélancolie à la folie. Beaucoup d’auteurs l’ont suivi comme Arétée de Cappadoce en l’an 150, arrivant jusqu’à Griesinger en 1845 qui considérait que ces deux états formaient un même trouble où la mélancolie précédait et annonçait la manie1.

En 1854, Falret désignait le trouble bipolaire par « folie circulaire », alors que Baillarget par « folie à double forme ». Ces auteurs étaient les premiers à parler d’une même maladie qui regroupait deux états opposés et dont les épisodes étaient récurrents.

C’est en 1899, que l’allemand Emil Kraepelin avait individualisé la « folie maniaco-dépressive » dans son traité, comme une psychose endogène constitutionnelle différente de la démence précoce. Il a précisé les symptômes, l’évolution et les antécédents de la maladie. Il a introduit la notion d’état mixte qui réunit en même temps des signes mélancoliques et maniaques.

1 LEMPERIERE T. et coll., op. cit., p. 3-4.

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En 1907, Deny et Camus introduisent la notion de « psychose maniaco-dépressive ».

En 1957, Karl Leonhard individualise deux formes de psychoses affectives : les formes bipolaires réunissant en alternance des épisodes dépressifs et maniaques et les formes monopolaires formés d’épisodes dépressifs psychotiques et rarement de manies1.

C’est en 1970, que le trouble bipolaire a été reconnu par tous les auteurs comme une maladie qui peut regrouper non seulement des patients qui présentent des manies franches, de type I, mais aussi des patients qui ont des antécédents d’épisodes dépressifs majeurs et hypomaniaques, de type II2.

2- Définition du trouble bipolaire

Le trouble bipolaire anciennement appelé psychose maniaco-dépressive se manifeste par « la succession d’épisodes dépressifs ou maniaques, avec des intervalles libres de tout symptôme entre les accès thymiques »3. Il constitue une maladie mentale sévère et chronique. Les personnes atteintes de cette maladie peuvent expérimenter trois formes d’épisodes et peuvent être classées selon deux types, le type I et le type II.

Pour définir le trouble bipolaire  nous nous sommes basés sur les

critères diagnostiques du « Mini DSM-IV » et du « Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux DSM-IV-TR », qui déterminent quatre formes d’épisodes. L’épisode maniaque caractérisé par une humeur élevée, euphorique ; l’épisode hypomaniaque caractérisé par une humeur expansive ou irritable ; l’épisode dépressif caractérisé par une humeur triste, dépressive et l’épisode mixte caractérisé par une humeur à la fois euphorique et triste.

Nous allons définir brièvement ces quatre formes d’épisodes afin de déterminer les symptômes qui les caractérisent.

L’épisode dépressif majeur est défini comme suit : 1 HARDY P., « Apparition et évolution du concept de trouble bipolaire », in Les troubles bipolaires, sous la direction de LEMPERIERE T., op.cit., p. 4-5. 2 Ibid., p. 6. 3 GASMAN I., ALLIAIRE J.-F., Psychiatrie de l’enfant, de l’adolescent et de l’adulte, Editions Masson, Collection Connaissances et Pratique, Paris, 2003, p. 312.

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1- Humeur dépressive présente pratiquement toute la journée, signalée par le sujet 2- Diminution marquée de l’intérêt ou du plaisir pour presque toutes les activités 3- Perte ou gain de poids significatif en l’absence de régime 4- Insomnie ou hypersomnie 5- Agitation ou ralentissement psychomoteur 6- Fatigue ou perte d’énergie 7- Sentiment de dévalorisation ou de culpabilité excessive ou inappropriée 8- Diminution de l’aptitude à penser ou à se concentrer ou indécision 9- Pensées de mort récurrentes, idées suicidaires récurrentes sans plan précis pour se suicider.

Au moins cinq des symptômes cités ci-dessus doivent avoir été présents chez le sujet presque tous les jours pendant une même période d’une durée de deux semaines et avoir représenté un changement par rapport au fonctionnement antérieur, une souffrance et une altération du fonctionnement socio-professionnel et persister pendant plus de deux mois1.

Cet épisode s’associe souvent à une irritabilité, des idées obsessionnelles, une anxiété, des phobies, des attaques de panique et un abus de substance. Il peut de même s’accompagner de difficultés conjugales (séparation, divorce), sexuelles (plaisir et orgasme) et professionnelles (perdre son travail)2.

L’épisode maniaque est défini comme suit :

1- Augmentation de l’estime de soi ou idées de grandeur2- Réduction du besoin de sommeil3- Plus grande communicabilité que d’habitude 4- Fuite des idées ou sensations subjectives que les pensées défilent5- Distractibilité 6- Augmentation de l’activité orientée vers un but ou agitation psychomotrice

1 AMERICAN PSYCHIATRIC ASSOCIATION, MINI DSM-IV, Critères diagnostiques, Edition Masson, Paris, 1996, p. 160-163. 2 AMERICAN PSYCHIATRIC ASSOCIATION, Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux DSM-IV-TR, Edition Masson, Paris, 2003, p. 406.

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7- Engagement excessif dans des activités agréables mais à potentiel élevé de conséquences dommageables

L’humeur du sujet est perturbée et élevée de façon anormale et persistante, pendant au moins une semaine avec au moins trois des symptômes cités ci-dessus qui ont persisté avec une intensité suffisante et qui ont entraîné une altération marquée du fonctionnement socio-professionnel1.

Cet épisode s’accompagne souvent d’une non reconnaissance par le patient d’être malade et d’avoir besoin d’une prise en charge. Son apparence physique et vestimentaire peut changer et apparaître osée et séduisante. Son comportement peut devenir désorganisé (distribuer de l’argent) et non éthique (acheter à son client des titres sans son autorisation). Son humeur peut se caractériser par la colère et l’impulsivité (menace des autres, agression et risque suicidaire). Tous ces comportements qui ne correspondent pas au caractère du patient bipolaire en accès maniaque proviennent des troubles du jugement ou de son hyperactivité2.

L’épisode hypomaniaque est défini comme suit :

1- Augmentation de l’estime de soi ou idées de grandeur2- Réduction du besoin de sommeil 3- Plus grande communicabilité que d’habitude 4- Fuite des idées ou sensations subjectives que les pensées défilent5- Distractibilité 6- Augmentation de l’activité orientée vers un but ou agitation psychomotrice7- Engagement excessif dans des activités agréables mais à potentiel élevé de conséquences dommageables

L’humeur du sujet est élevée de façon persistante, expansive ou irritable tous les jours pendant au moins quatre jours avec au moins trois des symptômes cités ci-dessus qui ont persisté avec une intensité

1 AMERICAN PSYCHIATRIC ASSOCIATION, MINI DSM-IV, Critères diagnostiques, op. cit., p. 163-164. 2 AMERICAN PSYCHIATRIC ASSOCIATION, Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux DSM-IV-TR, op. cit., p. 414-415.

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significative mais qui ne sont pas suffisants pour entraîner une altération marquée du fonctionnement socio-professionnel1.

Comme dans l’épisode maniaque, le patient bipolaire en accès hypomaniaque peut présenter à peu près les mêmes comportements que celui en accès maniaque : changement au niveau physique, moral et comportemental2.

L’épisode mixte est défini comme suit :

Les critères sont réunis à la fois pour un épisode maniaque et pour un épisode dépressif majeur et cela presque tous les jours pendant au moins une semaine. La perturbation de l’humeur est suffisamment sévère pour entraîner une altération marquée du fonctionnement socio-professionnel3.

Cet épisode peut se caractériser par une désorganisation au niveau des idées et des comportements du patient bipolaire et par une dysphorie très élevée lui permettant souvent de réclamer une prise en charge4.

Tous ces épisodes que nous venons de citer ne sont pas dus aux effets physiologiques directs d’une substance ou d’une affection médicale générale5.

3- Classification du trouble bipolaire

Le trouble bipolaire est composé de deux types selon le manuel diagnostique et statistique DSM-IV-TR :- le trouble bipolaire type I à prédominance maniaque- le trouble bipolaire type II à prédominance dépressive

1- Le trouble bipolaire type I à prédominance maniaque 

1 AMERICAN PSYCHIATRIC ASSOCIATION, MINI DSM-IV, Critères diagnostiques, op. cit., p. 163-164. 2 AMERICAN PSYCHIATRIC ASSOCIATION, Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux DSM-IV-TR, op. cit., p. 423. 3 AMERICAN PSYCHIATRIC ASSOCIATION, MINI DSM-IV, Critères diagnostiques, op. cit., p. 165. 4 AMERICAN PSYCHIATRIC ASSOCIATION, Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux DSM-IV-TR, op. cit., p. 419.5 AMERICAN PSYCHIATRIC ASSOCIATION, MINI DSM-IV, Critères diagnostiques, op. cit., p. 165-166.

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- Caractéristiques diagnostiques : il se caractérise par la survenue d’au moins un épisode maniaque ou mixte et au moins d’un épisode dépressif majeur. L’épisode peut être léger, moyen ou sévère selon l’intensité et la sévérité des symptômes observés.

- Caractéristiques descriptives et troubles mentaux associés : 10 à 15% des bipolaires I meurent par suicide. Ils sont plus à risque, lorsqu’ils sont en accès thymique dépressif ou mixte. Ils peuvent présenter des comportements violents (battre ses proches) ou antisociaux. Ils peuvent expérimenter plusieurs échecs : scolaires, professionnels ou conjugaux (divorce). Ils peuvent utiliser des substances psychoactives comme l’alcool et la drogue qui peuvent aggraver leur état et l’évolution de leur trouble. Les patients bipolaires I peuvent avoir d’autres troubles mentaux associés. Ces troubles sont : l’Anorexie mentale, la Boulimie, le Déficit de l’attention/hyperactivité, le trouble panique et la phobie sociale1.

Dans le trouble bipolaire I, il existe six séries de critères distincts : - L’épisode maniaque isolé : présence d’un seul épisode maniaque sans antécédent d’épisode dépressif majeur - L’épisode le plus récent hypomaniaque : avec présence d’antécédents maniaque ou mixte - L’épisode le plus récent maniaque : avec présence d’antécédents dépressif, maniaque ou mixte - L’épisode le plus récent mixte : avec présence d’antécédents dépressif, maniaque ou mixte - L’épisode le plus récent dépressif : avec présence d’antécédents maniaque ou mixte- L’épisode le plus récent non spécifié : avec présence d’antécédents maniaque ou mixte2.

2- Le trouble bipolaire type II à prédominance dépressive

- Caractéristiques diagnostiques : il se caractérise par au moins un épisode de dépression majeure et au moins un épisode hypomaniaque. Il n’a jamais existé d’épisode maniaque, ni d’épisode mixte dans ce type de

1 AMERICAN PSYCHIATRIC ASSOCIATION, Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux DSM-IV-TR, op. cit., p. 441-443. 2 AMERICAN PSYCHIATRIC ASSOCIATION, MINI DSM-IV, Critères diagnostiques, op. cit., p. 172-173.

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trouble bipolaire. L’épisode peut être léger, moyen ou sévère selon l’intensité et la sévérité des symptômes observés.

- Caractéristiques descriptives et troubles mentaux associés : comme dans le trouble bipolaire I, 10 à 15% des bipolaires II risquent de mourir par suicide et vivre de multiples échecs à l’école, au travail et dans son foyer conjugal. Les troubles mentaux qui peuvent s’associer à ce type de trouble bipolaire sont : l’Anorexie mentale, la Boulimie, le Déficit de l’attention/hyperactivité, le trouble panique, la phobie sociale, la Dépendance ou l’Abus de substance et la personnalité borderline1.

Dans le trouble bipolaire II, nous pouvons spécifier la nature de l’épisode actuel ou le plus récent : - L’épisode hypomaniaque : l’épisode actuel ou le plus récent est hypomaniaque - L’épisode dépressif : l’épisode actuel ou le plus récent est dépressif majeur2.

La classification que nous venons de citer est la classification adoptée internationalement. Toutefois, certains auteurs comme Akiskal3 et Angst ont élargi le concept en parlant de « spectre bipolaire ». Le spectre bipolaire désigne l’ensemble des troubles comprenant une variation des troubles de l’humeur. Il est formé du noyau des troubles bipolaires (les types I et II) et des formes apparentées.

Selon J. Angst4, il existe trois spectres bipolaires :

Le spectre de la manie comprend :- La manie unipolaire, concept peu accepté et utilisé parce qu’il est

supposé qu’il existe toujours avec la manie des états dépressifs sous-estimés ou non diagnostiqués

- L’hypomanie ou hypomanie brève récurrente qui est une manie de faible intensité de trois à quatre jours d’excitation hypomaniaque

1 AMERICAN PSYCHIATRIC ASSOCIATION, Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux DSM-IV-TR, op. cit., p. 453-454.2 AMERICAN PSYCHIATRIC ASSOCIATION, MINI DSM-IV, Critères diagnostiques, op. cit., p. 179. 3 AKISKAL H., The prevalent clinical spectrum of bipolar disorders   : Beyond DSM IV , Joural of Clinical Psychopharmacology, 16, supplément 1, pages 4S-14S; cité par BOURGEOIS M., « De la maladie maniaco-dépressive aux troubles bipolaires de l’humeur histoire et évolution des concepts », in Séminaire de psychiatrie biologique, troubles bipolaires, sous la direction de LOO H., GERARD A., J.-P. OLIE, tome 31, 2000, p. 9. 4 Ibid., p. 11.

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- La personnalité hyperthymique qui est une hypomanie atténuée

Le spectre de la dépression comprend :- Les états dépressifs majeurs- La dysthymie qui est une dépression d’intensité moyenne, mais

d’évolution chronique (plus de deux ans)- La dépression brève récurrente de trois jours constituée de

symptômes dépressifs survenant au moins douze fois par an

Le spectre maniaco-dépressif comprend :- Le trouble bipolaire type I à prédominance maniaque- Le trouble bipolaire type II à prédominance dépressive - La cyclothymie faite d’épisodes dépressifs faibles et d’épisodes

hypomaniaques alternant de façon chronique

4- Epidémiologie du trouble bipolaire

La fréquence classiquement avancée pour la psychose maniaco-dépressive est de 1% dans la population générale, et entre 6 et 7,7% pour la pathologie du « spectre bipolaire » avec les formes atténuées, selon l’enquête épidémiologique de J. Angst1 réalisée en 1998.

Selon le DSM-IV-TR, le trouble bipolaire I varie entre 0,4 et 1,6% en population générale et le trouble bipolaire II a un taux de prévalence de 0,5%2.

Le trouble bipolaire affecte les hommes et les femmes pareillement, et disproportionnellement les sujets de différentes classes socio-économique.

Le trouble bipolaire apparaît chez les sujets génétiquement vulnérables à la fin de l’adolescence, à peu près vers l’âge de 20 ans ; chez les enfants avant l’âge de 10 ans et chez les adultes après l’âge de 70 d’après l’étude de Goodwin et Jamison3 faite en 1990.

1 ANGST J., The emerging epidemiology of hypomania and bipolar II disorder, Journal of Affective Disorders, Volume 150, pages 143-151, cité par BOURGEOIS M., « De la maladie maniaco-dépressive aux troubles bipolaires histoire et évolution des concepts », in Séminaire de psychiatrie biologique, troubles bipolaires, op. cit., p. 16.2 AMERICAN PSYCHIATRIC ASSOCIATION, Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux DSM-IV-TR, op. cit., p. 445 ; 455.

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Certaines personnes peuvent expérimenter un seul épisode maniaque et dépressif dans toute leur vie ; et 95% ont d’après Goodwin et Jamison1

des épisodes récurrents de manie ou de dépression durant leur vie. L’évolution naturelle du trouble est faite de nombreuses rechutes et récidives malgré des fois le maintien d’un traitement thymorégulateur.

La probabilité d’expérimenter de nouveaux épisodes thymiques augmente quand les épisodes se succèdent malgré le traitement et lorsque le temps entre les épisodes diminue durant la maladie. D’après Winokur2 et ses collaborateurs (1994), un patient bipolaire expérimenterait en moyenne trois épisodes thymiques et cinq hospitalisations sur une période de 10 ans.

Les bipolaires passent la majorité de leur temps malades tant que la maladie progresse ; 12 à 19% des patients bipolaires meurent par suicide (Goodwin 1990)3 et 20 à 50 % font des tentatives de suicide4. A peu près 70 % des bipolaires ont des conduites addictives associées d’alcool et de drogues d’après Safer (1987)5. 

Les changements qui surviennent chez le bipolaire atteignent l’humeur, la personnalité, les pensées et les comportements et affectent les relations interpersonnelles. La labilité émotionnelle (Goodwin et Jamison, 1990), les problèmes financiers découlant du poids de la maladie (Akiskal, 1977), les fluctuations au niveau de la sociabilité (Akiskal, 1977), la témérité sexuelle (Akiskal, 1977), et les comportements violents sont sources de conflit pour le bipolaire et son entourage6.

D’après les études de suivi, les conséquences psychosociales du trouble bipolaire touchent un tiers des patients bipolaires et affectent tous les domaines de la vie de l’individu, surtout son fonctionnement

3 GOODWIN F., JAMISON R., Manic depressive-illness, Oxford University Press, New-York, 1990; cité par MIKLOWITZ David, GOLDSTEIN Michael, Bipolar disorder, a family focused treatment approach, The Guilford Press, New York, 1997, p. 20.1 Ibid., p. 2-3. 2 WINOKUR G., CORYELL W., AKISKAL H. et coll., Manic-depressive disorder   : the course in light of a prospective ten-year follow-up of 131 patients, Acta Psychiatrica Scandinavica, 1994, Volume 89, pages 102-110 ; cité par MIKLOWITZ D., GOLDSTEIN M., op.cit., p. 20. 3 GOODWIN F., JAMISON K., op.cit., p. 228. 4 Ibid., p. 231. 5 SAFER D., Substance abuse by young adult chronic patients, Hospital and Community Psychiatry, 1987, Volume 38, pages 511-514 ; cité par GOODWIN F., JAMISON K., Manic-depressive illness, Oxford University Press, New York, 1990, p. 226. 6 GOODWIN F., JAMISON K.; AKISKAL et al., cités par BASCO M., RUSH J., op.cit., p. 2-3.

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professionnel qui se répercute sur son état financier et ses relations interpersonnelles, amicales ou conjugales.

La dégradation sociale est plus importante quand le trouble apparaît à un âge précoce, quand la personne est de sexe masculin, et est corrélée avec le nombre élevé d’épisodes thymiques, avec la personnalité du sujet et la présence chez lui d’une conduite addictive1.

Des facteurs environnementaux, organiques ou inconnus peuvent précipiter la survenue de symptômes précurseurs. Par exemple, des perturbations au niveau du sommeil, dues à des changements d’horaires, à une maladie médicale ou à un voyage, peuvent favoriser l’apparition de symptômes précurseurs.

Il en est de même pour les événements de vie stressants et les problèmes psychosociaux, qui peuvent par exemple faire oublier au patient de prendre ses médicaments, l’empêcher de dormir à cause des soucis, de souffrir émotionnellement et de rechuter2. Ces événements de vie peuvent être liés au travail (conflit, chômage), à l’accouchement (manie dans le post-partum), à un deuil, à une séparation, à une mésentente conjugale, à une catastrophe naturelle3…

5- Comorbidités et troubles psychiatriques dans l’enfance

Le trouble bipolaire est souvent associé à des troubles divers comme l’abus de substance comme l’alcool et la drogue, les troubles anxieux et les personnalités pathologiques.

L’étude épidémiologique « Epidemilogic Catchment Area » (ECA) faite par Regier4 et ses collaborateurs aux Etats-Unis en 1990 interviewant à peu près 20.000 personnes puisés de l’Institut National de la santé mentale « the National Institute of Mental Health Epidemiologic Catchment Area Program » étudie la prévalence de la comorbidité entre l’alcool, les drogues et les maladies mentales.

1 WALTER M., « Conséquences et complications du trouble bipolaire », in Séminaire de psychiatrie biologique, troubles bipolaires, sous la direction de LOO H., GERARD A., J.-P. OLIE, op.cit., p. 127. 2 BASCO M., RUSH J., op.cit., p. 2-3.3 GUILLIN O., « Environnement du bipolaire », in Séminaire de psychiatrie biologique, troubles bipolaires, p. 226-230.4 REGIER D.A. et coll., Comorbidity of mental disorders with drug and alcohol abuse: Results from the Epidemiologic Catchment Area (ECA) study, The New England Journal of Medicine, 1990 ; cités par GOODWIN F., JAMISON K., op. cit., p. 214-215.

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Les résultats de cette étude montrent que le taux de prévalence de l’alcool au cours de la vie est de 21% chez les patients unipolaires et est de 46% chez les patients bipolaires. Alors que ce taux varie entre 3% et 13 % dans la population générale.

Cette étude montre de même que l’alcool est fortement associé à la manie et non à l’état dépressif majeur.

En plus, l’ECA montre que le taux d’abus de drogue est beaucoup plus élevé chez les patients bipolaires I à prédominance maniaque que chez les patients unipolaires1.

Enfin, la prévalence de l’abus de substance (alcool et drogue) au cours de la vie des patients bipolaires est d’après l’ECA de 56%2.

D’après Weiss3 et Mirin (1987), les patients bipolaires utilisent fréquemment des stimulants durant la phase maniaque tel que la cocaïne. Au lieu de choisir des substances sédatives pour calmer leur humeur élevée, ils prennent des stimulants en guise de recherche de stimulations fortes.

D’après Himmelhoch4 (1999), parmi les troubles anxieux, le trouble panique est l’un des troubles le plus fréquemment rencontré dans le trouble bipolaire. Sa prévalence au cours de la vie d’un patient bipolaire est de 20,8%.

Les personnes bipolaires peuvent avoir une personnalité pathologique coexistante avec leur trouble. Les personnalités pathologiques

1 GOODWIN F., JAMISON K., op. cit., p. 216. 2 MITCHELL J., BROWN S., RUSH J., Comorbid disorders in patients with bipolar disorder and concomitant substance dependence, Journal of Affective Disorders, 2007, Volume 102, p. 281. 3 WEISS D., MIRIN M., Substance abuse as an attempt at self-medication, Psychiatric Medicine, Volume 3, pages 357-367 ; cités par NEWMAN C.F., LEAHY R.L. BECK A.T., REILLY-HARRINGTON N.A. GYULAI L., Bipolar disorder : a cognitive therapy approach, American Psychological association, Washington DC, 2002, p. 8-9. 4 HIMMELHOCH M., The paradox of anxiety syndromes comorbide with the bipolar illness, in GOLDBERG and MARROW, Bipolar disorders: clinical course and outcome, Washington, American Psychiatric Press, pages 237-258; cité par NEWMAN C.F., LEAHY R.L. BECK A.T., REILLY- HARRINGTON N.A., GYULAI L., Bipolar disorder : a cognitive therapy approach, American Psychological association, Washington DC, 2002, p. 9.

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les plus communes sont la personnalité borderline et la personnalité antisociale1.

D’après Peselow2 et ses collaborateurs (1995), à peu près la moitié des patients bipolaires ont une personnalité pathologique. La personnalité du groupe B (le groupe B englobe quatre personnalités: antisociale, borderline, histrionique et narcissique, caractérisées par la labilité émotionnelle et la dramatisation) la plus comorbide au trouble bipolaire est selon eux la personnalité borderline ; celle du groupe C (le groupe C comprend 3 personnalités : évitante, dépendante et obsessionnelle-compulsive, caractérisées par l’angoisse et la peur) est la personnalité évitante, alors que celle du groupe A (le groupe A regroupe 3 personnalités : paranoïaque, schizoïde et schizotypique, caractérisées par la bizarrerie et l’étrangeté) est la personnalité schizoïde.

Non seulement les troubles comorbides au trouble bipolaire sont rencontrés chez les adultes bipolaires, mais de même certains troubles peuvent être aussi retrouvés déjà chez les enfants qui vont développer un trouble bipolaire à l’âge adulte.

Dans leur étude qui vise à examiner les troubles mentaux rencontrés en bas âge chez les adultes bipolaires, faite aux Etats-Unis en 2006, Henin3

et ses collaborateurs montrent que le trouble bipolaire pédiatrique est comorbide aux troubles anxieux de l’enfance (angoisse de séparation et trouble anxieux généralisé) et aux troubles du comportement (trouble déficit de l’attention et hyperactivité, trouble oppositionnel avec provocation et trouble des conduites).

L’échantillon de cette étude est composé de 83 adultes bipolaires (71,5% de type I et 27,5% de type II) et de 308 sujets adultes contrôles, d’âge moyen 42 ans, et de même niveau ethnique, culturel et économique.

1 LAM D., JONES S., BRIGHT J., HAYWARD P., Cognitive therapy for bipolar disorder: a therapist’s guide to concept, methods and practice, Edition Wiley, 2003, p. 30-31. 2 PESELOW E., SANFILIPO M., FIEVE R., Relationship between hypomania and personality disorders before and after successful treatment, American Journal of Psychiatry, 1995, Volume 152, pages 232-238; cités par NEWMAN C.F., LEAHY R.L. BECK A.T., REILLY-HARRINGTON N.A., GYULAI L., op. cit., p. 9-10. 3 HENIN A., BIEDERMAN J., MICK E., HIRSHFELD-BECKER D., SACHS G., WU Y., YAN L., OGUTHA J., NIERENBERG A., Childhood antecedent disorders to bipolar in adults: A controlled study, Journal of Affective Disorders, Volume 99, 2007, p. 51.

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Les tests administrés sont le SCID (Structured Clinical Interview for DSM-IV) supplémenté par des modules tirés du K-SADS-E ( Kiddie-Schedule for Affective Disorders and Schizophrenia-Epidemiological Version) pour évaluer respectivement l’histoire psychiatrique des sujets de l’échantillon (les diagnostiques anciens et récents, le nombre et la durée des épisodes et l’âge de début de la maladie) et les troubles de l’enfance. Un test évaluant le statut socioéconomique a aussi été utilisé, le SES (Socioeconomic status)1.

Les résultats de cette étude montrent que 64% des sujets bipolaires ont rapporté une histoire d’antécédents psychiatriques dans l’enfance contre 15 % dans le groupe contrôle. 30% des sujets bipolaires avaient des troubles du comportement et 42% avaient des troubles anxieux dans l’enfance, contre 5% des troubles du comportement et 5% des troubles anxieux dans l’enfance du groupe contrôle.

L’âge de début de ces troubles rencontrés en bas âge chez les adultes bipolaires est en moyenne 5 ans pour l’angoisse de séparation, le trouble déficit de l’attention et hyperactivité et l’énurésie, 10 ans pour le trouble oppositionnel avec provocation et le trouble anxieux généralisé et 22 ans pour le trouble bipolaire2.

D’après cette étude, l’angoisse de séparation, le trouble anxieux généralisé, le trouble déficit de l’attention et hyperactivité et l’énurésie sont les troubles les plus prédictifs du trouble bipolaire à l’âge adulte. Le trouble déficit de l’attention et hyperactivité et les troubles anxieux dans l’enfance sont prédictifs de manie. La présence des troubles du comportement et des troubles anxieux dans l’enfance chez les sujets bipolaires est associée à un début très précoce de la maladie3.

Ces troubles retrouvés dans l’enfance des sujets bipolaires peuvent influencer le cours de la maladie (plus d’hospitalisation, de dépendance aux substances), l’état psychique et la réponse aux médicaments4.

1 HENIN A., BIEDERMAN J., MICK E., HIRSHFELD-BECKER D., SACHS G., WU Y., YAN L., OGUTHA J., NIERENBERG A., op. cit., p. 52-53. 2 Ibid., p. 53-54. 3 Ibid., p. 54-55. 4 HENIN A., BIEDERMAN J., MICK E., HIRSHFELD-BECKER D., SACHS G., WU Y., YAN L., OGUTHA J., NIERENBERG A., op. cit., p. 55.

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La complexité du trouble bipolaire dans ses symptômes et ses comorbidités nous pousse à revoir les différentes explications de son origine afin de le rendre plus accessible à la compréhension.

6- Origine et différentes explications du trouble bipolaire

L’origine et les différentes perspectives qui expliquent le trouble bipolaire varient selon les approches et les écoles. Nous envisagerons l’école psychanalytique qui ramène le trouble à une composante affective liée à l’enfance, l’approche cognitive qui le ramène à des schémas dysfonctionnels provenant des expériences précoces dans l’enfance, et les conceptions biologiques qui le ramènent à une composante génétique.

1- L’école psychanalytique

L’école psychanalytique intègre sous le nom de psychose maniaco-dépressive le trouble bipolaire. Elle le définit comme étant « une psychose qui correspond à une dissociation de l’économie du désir de celle de la jouissance. Totalement confondu à son idéal dans la manie, pur désir, le sujet se réduit totalement à l’objet dans la mélancolie, pure jouissance »1. Elle l’interprète en ramenant ses causes essentiellement aux relations affectives tissées pendant l’enfance.

La dépression a pour origine la perte de l’objet d’amour représenté par la mère qui rejette son enfant. Ce rejet entraîne chez le sujet des perturbations au niveau des liens d’amours. La manie est une réaction de défense qui permet de lutter contre l’angoisse et la mélancolie en régressant et revenant à un stade antérieur infantile et instinctif2.

- Sigmund Freud dans son livre « Névrose et psychose » (1924)3, considère que la psychose est le résultat d’un conflit entre le Moi et le monde extérieur. Il explique dans son livre « Psychologie des foules et

1 Sous la direction de CHEMAMA R., Dictionnaire de la psychanalyse, Références Larousse, Paris, 1995, p. 266. 2 ANAVI C. et coll., L’homme du XX ème siècle et son esprit , tome 5, 1976, p. 218-220. 3 FREUD S., traduction de l’allemand sous la direction de Jean Laplanche, « Névrose et psychose », in Névrose, psychose et perversion, (1924), Editions PUF, Collection Bibliothèque de psychanalyse, 1974, p. 283.

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analyse du moi » (1921)1, la fluctuation de l’humeur par un changement des relations entre le Moi et l’idéal du Moi.

L’explication qu’il donne à la mélancolie dans son manuscrit intitulé « La mélancolie » de 1895, est en rapport avec une vie sexuelle inadéquate (anesthésie sexuelle, excès de masturbation, arrêt de l’excitation sexuelle, appauvrissement en excitation).

Dans son essai sur la mélancolie et le deuil de 1915, Freud explique la dépression en se référant au deuil. Il part du deuil pour montrer la ressemblance clinique existante entre l’endeuillé et le mélancolique : «  humeur dépressive, suppression de l’intérêt pour le monde extérieur, perte de la capacité d’amour, inhibition de toute activité ». Pour lui comme la perte d’objet est au cœur du deuil, elle l’est de même dans la mélancolie.

Le mélancolique expérimente à un niveau inconscient la perte de l’objet aimé qui est soit mort, soit perdu à cause de certaines situations qui ont obligé la libido à se retirer de l’objet et à être ramenée dans le Moi.

Le mélancolique qui perd un « objet d’amour » ne retire pas son investissement de l’objet perdu pour le diriger vers d’autres objets comme dans le deuil, mais l’investissement de cet objet se retire dans le Moi de la personne. Le mélancolique finit par s’identifier à l’objet perdu et perdre son estime de soi, son amour pour le Moi, son Moi par le mécanisme d’auto-accusations2.

Le Moi subit un clivage : une partie du Moi accuse une autre partie (qui représente l’objet perdu) et lui reproche ce qu’elle ressentait et portait à l’objet perdu indigne d’amour et de fidélité. Les auto-reproches se manifestent par l’action de la condamnation du Moi par l’idéal du Moi.

Dans ses « Leçons d’introduction à la psychanalyse », Freud appelle le processus par lequel l’objet perdu a été érigé dans le Moi lui-même « l’identification narcissique ». Cette identification narcissique amène le mélancolique à retourner l’agressivité ressentie envers l’objet perdu sur soi-

1 FREUD S., traduction de l’allemand sous la responsabilité de André Bourguignon et par ses collaborateurs, «Psychologie des foules et analyse du moi », in Essais de psychanalyse, (1921), Editions Payot, 1981, p. 202-203.2 KAPSAMBELIS V., Approches psychodynamiques des troubles de l’humeur, EMC-Psychiatrie, Volume 2, 2005, p. 129.

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même et à avoir une tendance suicidaire due à la rancœur du mélancolique qui frappe son Moi-propre et l’objet aimé-haï1.

La manie est une complication de la dépression. Elle se manifeste quand le Moi et l’idéal du Moi confluent ensembles après un fort pouvoir de la part de cet idéal du Moi sur le Moi. Lorsque l’objet perdu a été objet d’un attachement ambivalent (sentiments opposés de tendresse et d’hostilité), il a été incorporé et dévoré imaginairement, ce qui mène le sujet à se désinhiber, à se réjouir de la disparition des inhibitions, à se libérer des autocritiques et des auto-reproches et à se comporter d’une façon euphorique et mégalomane2.

Dans cette psychonévrose narcissique qu’est la psychose maniaco-dépressive, le deuil et le triomphe caractérisent l’humeur du sujet.

- Selon Karl Abraham3 dans son livre « Esquisse d’une histoire du développement de la libido fondée sur la psychanalyse des troubles mentaux. Première partie : les états maniaco-dépressifs et les étapes prégénitales d’organisation de la libido » (1924), la psychose maniaco-dépressive naît de l’abandon, de la perte de l’objet dans l’enfance vécue au stade oral, et qui fait émerger la mélancolie.

La mélancolie est pour lui due à un manque d’épanouissement normal de la libido qui échoue entre deux tendances ambivalentes la haine et l’amour. Quand le sujet est mélancolique, il perd sa capacité d’aimer car les tendances haineuses et amoureuses chez lui sont libres et la disposition haineuse libre est pour lui synonyme de sadisme (faire subir à l’autre une douleur et vise à le dominer).

Incapable d’aimer, le mélancolique se sent pauvre, insuffisant, ressent de l’hostilité envers l’objet mauvais qui l’a abandonné et privé de ses besoins « mauvaise mère » et finit par développer des idées délirantes de culpabilité.

1 KAPSAMBELIS V., op. cit., p. 130. 2 FREUD S., op. cit., p. 202-203. 3 ABRAHAM K., Esquisse d’une histoire du développement de la libido fondée sur la psychanalyse des troubles mentaux, Paris, Payot, 1924 ; cité par BOUVET O., « Eléments de psychopathologie du trouble bipolaire », in Séminaire de psychiatrie biologique, Troubles bipolaires, sous la direction de GERARD A., LOO H., OLIE J.-P., op. cit., p. 156.

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Pour Abraham, une parenté existe entre la mélancolie et la névrose obsessionnelle puisque dans les deux troubles des sentiments hostiles envers l’objet dominent la vie libidinale du sujet. Par contre, dans l’obsession, l’obsédé se contente de la « convoitise sadique » de son objet alors que dans la mélancolie, le sujet régresse jusqu’au stade oral et cherche à expulser l’objet comme un contenu corporel et à l’introjecter en le dévorant (forme spécifique de « l’identification narcissique ») afin de le détruire et l’anéantir.

Les refus alimentaires des sujets mélancoliques ou leur peur de mourir d’inanition en rapport avec des sentiments de ruine est expliquée par la sanction des pulsions cannibaliques inconscientes.

La manie se caractérise par une « gaieté insouciante et débridée, une irritabilité et une prétention accrues » 1.

Elle correspond à une exaltation réactionnelle à la mélancolie, à une levée de l’inhibition des pulsions refoulées, de la libido, à une libération du Moi du poids de l’objet introjecté et à l’attaque de l’objet primordial perdu qui n’est autre que la mère2.

- Selon Mélanie Klein3, dans son livre « Contribution à l’étude de la psychogenèse des états maniaco-dépressifs » (1934), in Essais de psychanalyse, le Moi de l’enfant se développe en introjectant de bons et de mauvais objets.

L’intériorisation de bons objets s’accompagne chez l’enfant d’un sentiment de danger et de menace parce que quand l’enfant voit sa mère disparaître, il pense qu’il l’a dévorée et qu’il ne va plus l’avoir. Ce sentiment d’angoisse éprouvé par l’enfant le pousse à se fixer intensément à elle.

Quand la mère s’absente (mort ou mauvaise mère), l’enfant craint d’être remis à de mauvais objets. Et quand son Moi se trouve privé des objets, il les perçoit comme mauvais, persécuteurs, capable de détruire

1 KAPSAMBELIS V., op. cit., p. 131-132. 2 ABRAHAM K., op. cit; cité par BOUVET O., op. cit., p. 156.3 KLEIN Mélanie, « Contribution à l’étude de la psychogenèse des états maniaco-dépressifs », in Essais de psychanalyse, (1934), Editions Payot, Collection Sciences de l’homme, Paris, 1968, p. 311.

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l’intérieur de son corps et le monde extérieur, ainsi il projette son agressivité envers eux1.

Dans la dépression, la perte des objets d’amour (vécue par exemple durant la période de sevrage « sein ») éprouvée par un sentiment d’échec de protéger son bon objet intériorisé et la crainte qu’ils soient détruits et que le Moi soit détruit avec eux amènent le sujet à s’efforcer de les sauver et de les restaurer.

Le doute du moi de sa capacité à les protéger ou les réparer (en raison de ses attaques sadiques précoces), sa haine pour le Ça (les pulsions sadiques et cannibaliques qui peuvent aboutir à la perte de l’objet aimé) qui donne des sentiments de dévalorisation du Moi et les sévères exigences du Surmoi fondé par les objets incorporés précocement (persécutions et exigences des mauvais objets intériorisés : remords de conscience ; besoin de satisfaire les requêtes des bons objets) lui donnent des sentiments d’échec, de culpabilité, d’anxiété, de remords et de désespoir, appelés « position dépressive »2.

La haine ressentie par le Moi envers le Ça pousse la personne déprimée à faire des reproches à l’objet intériorisé et à ressentir un désespoir. Ce désespoir a pour origine un sentiment inconscient du Moi, à la fois de haine et d’amour pour l’objet aimé, et une peur que la haine triomphe sur l’amour (peur du Moi d’être dépassé par le Ça et de détruire l’objet aimé)3.

Le suicide permet au sujet mélancolique à la fois de tuer les mauvais objets et de sauver ses objets d’amour en s’unissant à eux4.

Pour elle, la manie est comme pour Abraham une défense contre la dépression. En minimisant la perte, la manie vient libérer le Moi des sentiments angoissants et gênants, et de la peur du Ça et des persécuteurs intériorisés qu’il est incapable de maîtriser. Elle lui procure un sentiment de toute-puissance qui lui donne l’impression de maîtriser les mauvais objets et de se protéger de leur danger et d’en être blessé.

1 KLEIN Mélanie, op. cit., p. 316.2 Ibid., p. 319-320. 3 Ibid., p. 320.4 KAPSAMBELIS V., op. cit., p. 133.

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La manie se caractérise par le sentiment de toute-puissance et le mécanisme de la négation. Le sentiment de toute-puissance donne à l’individu un sentiment de pouvoir commander et contrôler les objets et de ne pas être mis en danger. Le mécanisme de la négation se manifeste tout d’abord par la négation (des dangers que courent les objets et protection du Moi des persécuteurs intériorisés et du Ça) de la réalité psychique (dépression) et extérieure1.

A ce niveau, le Moi et l’idéal du Moi confluent quand le Moi finit par accepter sans éprouver de remords que l’objet incorporé et aimé se détruit parce qu’il y a tant d’autres objets à incorporer2.

2- L’approche cognitive

L’approche cognitive basée sur les travaux de Beck, Rush, Shaw et Emergy3 (1979) a adopté le modèle de la dépression unipolaire pour expliquer le trouble bipolaire ainsi que d’autres troubles mentaux tels que les troubles anxieux, la schizophrénie et les troubles de la personnalité, avec pour seule différence le type de schémas en question.

Selon cette approche, les expériences précoces de critique et de rejet par exemple, vécues durant l’enfance, développent chez le sujet des schémas dysfonctionnels. Des événements de vie stressants qui peuvent survenir plus tard, à l’adolescence ou à l’âge adulte peuvent augmenter la vulnérabilité du sujet, réactiver les schémas dysfonctionnels, produire des pensées automatiques négatives et contribuer à la survenue d’épisodes dépressifs ou maniaques4.

Cette école considère que notre inconscient est fait de schémas cognitifs qui déforment l’information provenant du monde extérieur. L’information est traitée selon deux types de processus cognitifs : soit automatiques et inconscients, soit contrôlés et conscients. Ce sont les processus cognitifs automatiques qui doivent être travaillés et amenés à devenir contrôlés. Les processus cognitifs automatiques et les schémas

1 KLEIN Mélanie, op. cit., p. 327-328.2 KAPSAMBELIS V., op. cit., p. 134.3 POWER M.-J., Psychological approaches to bipolar disorder: a theoretical critique, Clinical Psychology Review (25), 2005, p.1106. 4 Ibid., p.1106.

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proviennent de la mémoire à long terme, et sont représentés par les pensées automatiques préconscientes et contenues dans la mémoire à court terme.

L’accès à ces schémas cognitifs inconscients se fait à travers l’activation des émotions qui permettent aux schémas cognitifs stockés dans la mémoire à long terme de se manifester, se traduire en pensées automatiques.

Cette école considère que les troubles psychologiques proviennent d’une vulnérabilité biologique résultant de prédispositions héréditaires et psychologiques apprises par le sujet grâce aux expériences personnelles vécues dans son propre environnement1.

- Aaron Beck2 explique la dépression par un mauvais traitement de l’information dû à un schéma psychologique nourri par les expériences vécues dans le passé, et stocké dans la mémoire à long terme. La dépression est maintenue grâce à des pensées dysfonctionnelles et des distorsions cognitives négatives sur soi, sur l’environnement et sur l’avenir. Les schémas erronés trient et interprètent l’information, conduisent à des distorsions cognitives et mènent à l’interprétation des événements d’une façon négative. Les pensées automatiques négatives sont expliquées par l’activation de la triade cognitive négative regroupant une vision négative de soi, du monde et du futur.

Beck explique la manie comme étant l’image opposée de la dépression, caractérisée par une vision positive de soi, du monde et du futur, et des distorsions cognitives positives. Le moi est perçu comme étant très fort, le monde plein de possibilités et le futur plein de promesses et d’opportunités. Les risques sont sous-estimés et les problèmes minimisés3.

Beck considère aussi que la dépendance sociale et l’autonomie qui sont deux dimensions instables de la personnalité, rendent le sujet plus vulnérable à déprimer et à avoir des distorsions cognitives4.

1 COTTRAUX J., Les thérapies cognitives, Editions Retz, Paris, 1992, p. 3639. 2 BECK A., EMEY G., Anxiety disorders and phobias, A Cognitive Perspective, Basic Books, New York, 1985 ; cité par SAMUEL-LAJEUNESS B. et coll., Manuel de thérapie comportementale et cognitive, Editions Dunod, Paris, 1998, p. 163-164. 3 BECK A., Beyond beliefs: a theory of modes, personality and psychopathology, in Frontiers of Cognitive Therapy (ed. P. Salkovskis), New York, Guilford Press, 1996 ; cité par SCOTT J., Cognitive therapy as an adjunct to medication in bipolar disorder, British Journal of Psychiatry, 2001, 178, p. 164.4 COTTRAUX J., op. cit. p. 48.

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Selon Beck1, le trouble bipolaire a pour origine des cognitions prémorbides, permanentes chez l’individu enclin à souffrir de ce trouble bipolaire, qui rendent le sujet plus vulnérable à la maladie. Des styles cognitifs associés à des événements de vie stressants peuvent prédire des changements d’humeur hypomaniaque2.

Des styles de pensées négatives peuvent survenir indépendamment de la dépression chez des sujets qui ont fait des accès maniaques ou hypomaniaques et qui n’ont pas présentés encore d’accès dépressif, selon les études de Alloy et coll. (1999)3.

- Selon Martin Seligman4 (1975), psychologue américain, la dépression résulte de la perte par le sujet de la possibilité de faire une liaison entre l’action et le renforcement positif de celle-ci. Il parle du modèle de l’impuissance acquise en se fondant sur l’impact des situations vécues sur les croyances et les comportements de l’individu.

Par ailleurs, dans son modèle de dépression, il parle de « l’impuissance apprise », d’un phénomène qui nécessite non seulement une exposition à des situations de non contrôle, mais aussi le développement des schémas de pensées qui conduisent le sujet à interpréter les situations comme incontrôlables.

Seligman considère que les troubles au niveau motivationnel, cognitif et émotionnel, sont dus à la croyance du sujet à son incapacité de contrôler les événements suite à son expérience personnelle. Ainsi, il peut attribuer la cause d’un événement d’une façon inadéquate. Cette attribution du manque de contrôle peut être interne ou externe selon notre manière de percevoir la provenance des choses5.

1 BECK A., Depression : clinical, experimental and theorical aspects, New York, Harper & Row, 1967 ; cité par HARDY-BAYLE M.-C., Facteurs psychologiques, événements de vie et maladie maniaco-dépressive bipolaire, in Les troubles bipolaires, sous la direction de LEMPERIERE T., op. cit., p. 146.2 NEWMAN C.F., LEAHY R.L. BECK A.T., REILLY-HARRINGTON N.A., GYULAI L., op. cit., p. 15.3 Ibid., p. 15. 4 Cité par HUSAIN Odile et coll., Psychopathologie et polysémie, Editions Payot Lausanne, Paris, 2001, p. 48. 5 SELIGMAN M., Helplessness   : on depression development and death , San Francisco, Ed. Freeman; cité par MIRABEL-SARRON C. et VERA L., L’entretien en thérapie comportementale et cognitive, Editions Dunod, Paris, 1995, p. 70.

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3- Les conceptions biologiques

Le trouble bipolaire est la maladie psychiatrique pour laquelle un substratum biologique est le plus suspecté. Les conceptions biologiques considèrent qu’une composante génétique est à l’origine du trouble bipolaire plus pour la manie que pour la dépression1.

Différentes études faites sur la concentration familiale du trouble (comme celle de Mc Guffin et Katz2, 1994), montrent que les apparentés du premier degré présentent un tableau clinique identique caractérisé par un risque élevé morbide de troubles bipolaires (19,2%).

Quant aux études sur les jumeaux, les résultats montrent que les jumeaux monozygotes ont un taux de concordance pour les troubles thymiques nettement supérieur aux jumeaux dizygotes. Par exemple, l’étude faite par Price3 en 1968 sur 12 jumeaux monozygotes atteints de troubles thymiques et élevés séparément l’un de l’autre montre que les jumeaux monozygotes ont un taux de concordance élevé pour les troubles thymiques (65%), similaire à celui des jumeaux monozygotes élevés dans le même milieu.

L’étude d’adoption faite par Mendlewiez et Rainer4 en 1977 sur les parents biologiques d’enfants bipolaires et leurs parents adoptifs montre que les parents biologiques développent davantage des troubles de l’humeur (31%) par rapport aux parents adoptifs (12%) des personnes bipolaires. Par ailleurs, la détermination des gènes responsables de cette maladie n’est pas encore définitive. Le travail est en cours de développement ; plus que vingt-cinq localisations chromosomiques ont été proposées jusqu’à présent.

De même, plusieurs études biologiques comme celles de Ansseau, 1987 et de Baker, 1990, montrent qu’il s’agit d’anomalie de la transmission intersynaptique des médiateurs chimiques5. 1 LEMPERIERE T. et coll., op. cit., p. 77. 2 GERARD A., LOO H., OLIE J.-P., op. cit., p. 170. 3 PRICE J., Neurotic and endogenous depression: a phylogenetic view, British Journal of Psychiatry, 1968, Volume 11, pages 119-120; cité par GOODWIN F., JAMISON K., op. cit., p. 376. 4 MENDLEWICZ J., RAINER JD., Adoption study supporting genetic transmission in manic-depressive illness, Nature, 1977, Volume 268 (5618), pages 327–329 ; cités par GERARD A., LOO H., OLIE J.-P., op. cit., p. 170-171.5 ANSSEAU et coll., Neuroendocrine evaluation of cathecolaminergic neurotransmission in mania, Psychiatry Research, 1987, Volume 22, pages 193-206; et BAKER et coll., Sensory gating deficits in

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Dans la dépression, les taux de noradrénaline et de sérotonine sont abaissés, alors que dans la manie, les taux de noradrénaline sont élevés1. Les sujets déprimés et les sujets maniaques ont une hyperréactivité au niveau de l’acétylcholine. Les taux de dopamine sont diminués chez les déprimés et augmentés dans la manie. L’acide gamma-amino-butyrique GABA est diminué aussi bien dans la dépression que dans la manie2.

Les dépressions et les manies peuvent être induites par des maladies générales, certains médicaments et drogues. Ainsi, des maladies ou des affections neurologiques comme les tumeurs cérébrales, les lésions cérébrales, les traumatismes crâniens et la maladie de Parkinson, peuvent donner lieu à une manie3.

Des affections neurologiques (épilepsie) et endocriniennes (l’hyperthyroïdie peut induire une manie et l’hypothyroïdie une dépression ; activation de l’axe corticotrope dans la dépression et la manie), des maladies infectieuses (syphilis) 4 et des anomalies des structures cérébrales (hémisphère droit impliqué dans le trouble bipolaire ; hypométabolisme du lobe frontal et du glucose dans le lobe temporal) peuvent provoquer des troubles de l’humeur5.

7- Relation entre trouble bipolaire et personnalité

La pensée psychiatrique a longtemps considéré qu’il y avait des personnalités ayant des traits pathologiques et prédisposées à développer un trouble bipolaire.

psychiatric inpatients : relation to catecholamine metabolites in different diagnostic groups, Biological Psychiatry, 1990, Volume 27, pages 519-528 ; cités par LEMPERIERE T. et coll., op. cit., p. 99-100. 1 TAWIL S.-P., Le miroir de Janus, Editions Robert Laffont, Paris, 2002, p. 109. 2 LEMPERIERE T. et coll., op. cit., p. 102106. 3 Ibid., p. 107.4 LEMPERIERE T. et coll., op. cit., p. 108. 5 GERARD A., LOO H., OLIE J.-P., op. cit., p. 189-190.

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Von Zerssen (1990)1 est partisant de cette vision là qui considère qu’il existe une personnalité prémorbide au trouble bipolaire. Il a décrit deux types de personnalité prémorbides au trouble bipolaire et exposant le sujet au risque de survenue de troubles affectifs majeurs : le type de personnalité mélancolique (désigné par Akiskal par le tempérament dysthymique) et le type de personnalité maniaque (désigné par Akiskal par le tempérament hyperthymique).

Par la suite, la pensée psychiatrique a changé de vision. Elle ne considère plus que certaines personnalités sont prédisposées à présenter un trouble bipolaire, mais que les accès thymiques des sujets présentant un trouble bipolaire laissent des séquelles « caractérologiques » et influent sur la personnalité, le caractère et le tempérament de l’individu2.

Akiskal (1983)3 défend cette vision là qui considère que certains traits de personnalité ne sont que des séquelles du trouble bipolaire. Pour lui, certains troubles de la personnalité ne seraient autre que des manifestations subaffectives du trouble bipolaire qui existe à la racine.

Par exemple, l’impulsivité et les troubles du comportement qui caractérisent la personnalité antisociale et la personnalité borderline seraient pour lui considérées comme des manifestations du trouble bipolaire. Par ailleurs, la survenue d’un véritable épisode affectif (état maniaque et ou épisode dépressif majeur) viendrait renforcer le caractère affectif de la personnalité et rendre ses traits plus saillants.

Akiskal décrit ainsi quatre tempéraments qui constituent des états subaffectifs permanents :

- Le tempérament cyclothymique : nombreux épisodes hypomaniaques et nombreux épisodes d’humeur dépressive pendant au moins 2 ans, sans période normothymique supérieure à 2 mois.

1 VON ZERSSEN D., The premorbid personality of patients with different subtypes of an affective illness, Journal of Affective Disorders, 1990, Volume 18, pages 39-50; cité par HARDY-BAYLE M.-C., in Les troubles bipolaires, op.cit., p. 147. 2 BOURGEOIS M., VERDOUX H., MAINARD Ch., Clinique des troubles bipolaires de l’humeur, in Les troubles bipolaires, sous la direction de LEMPERIERE T., op. cit., p. 50. 3 AKISKAL H.S., Dysthymic and cyclothymic disorders   : a paradigm for high-risk research in Psychiatry , in: The affective disorders, DAVIS J.M., MAAS J.W., 1983, American Psychiatry Press, Washington D.C., pages 211-23; cité par BOURGEOIS M., VERDOUX H., MAINARD Ch., in Les troubles bipolaires, op. cit., p. 50- 51.

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- Le tempérament hyperthymique : manifestations hypomaniaques chroniques intermittentes.

- Le tempérament dysthymique : manifestations dépressives faibles et intermittentes.

- Le tempérament irritable : humeur irritable, colérique et changeante ; mélange entre le tempérament hyperthymique et le tempérament dysthymique1.  

Plusieurs auteurs comme Perris (1971), Hirschfeld et Klerman (1979), Donnelly (1973), Murray et Blackburn (1974), ont essayé d’utiliser des échelles psychométriques pour étudier la personnalité des sujets présentant un trouble bipolaire.

Nous citons par exemple les résultats de l’étude faite par Perris2 en 1971 qui s’est basé sur l’utilisation du test de personnalité, le MMPI, pour évaluer le type de personnalité des sujets bipolaires. Son étude a révélé des résultats comparables à ceux de la population générale.

Les résultats de l’étude de Donnelly (1973)3 vont dans le même sens que les conclusions de Perris. Donnelly a utilisé le MMPI et le Rorschach et a conclu que les bipolaires en rémission ont un profil de personnalité comparable à celui de sujets contrôles sains4.

Par ailleurs, toutes les études qui ont été faites sur les profils de personnalité des sujets bipolaires peuvent être sujettes à des critiques parce que les résultats dépendent de la forme de la maladie, de la constitution des groupes par exemple et surtout de la phase symptomatique ou non par laquelle passent les sujets.

1 AKISKAL H., Cyclothymic, hyperthymic, and depressive temperaments as subaffective variants of mood disorders, in : Review of Psychiatry, Volume 11, ch. 3, A. Tasman M., American Psychiatric Press, 1993, cité par BOURGEOIS M., VERDOUX H., MAINARD Ch., « Clinique des troubles bipolaires de l’humeur », in Les troubles bipolaires, op. cit., p. 5154.2 PERRIS C., « Personality patterns in patients with affective disorders », Acta Psychiatrica Scandinavica, 1971, Volume 42, supplément 221, pages 43-51 ; cité par HARDY-BAYLE M.-C., in Les troubles bipolaires, op.cit., p. 136.3 DONNELLY E., MURPHY D., Primary affective disorder MMPI differences between unipolar and bipolar depressed subjects, Journal of clinical Psychology, 1973, Volume 29, pages 303-306 ; cités par HARDY-BAYLE M.-C., « Facteurs psychologiques, événements de vie et maladie maniaco-dépressive bipolaire », in Les troubles bipolaires, op.cit., p. 136. 4 Ibid., p. 136-137.

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Pour cette raison, de nombreux auteurs tels que Goodwin et Jamison1

(1990) se sont intéressés à l’étude des traits de personnalité des bipolaires pour décrire la particularité de leur fonctionnement psychologique.

Différentes dimensions de la personnalité ont été étudiées afin de voir si elles décrivent le trouble bipolaire, telles que : l’extraversion, le neuroticisme, l’intra- et l’extrapunitivité, la dépendance et l’autocritique, l’estime de soi et l’obsessionnalité.

L’extraversion (englobant l’impulsivité et la sociabilité) et l’obsessionnalité semblent caractériser le plus les personnes bipolaires. Il en est de même pour la faible estime de soi et la dépendance interpersonnelle qui restent encore moins explorées2.

8- Insight ou conscience du trouble dans le trouble bipolaire

Banayan M.3 et ses collaborateurs ont mené une étude en France en 2007 intitulée «Conscience du trouble chez les sujets bipolaires euthymiques : étude transversale comparative réalisée sur 60 patients », dans le but d’étudier l’insight (c'est-à-dire la conscience du trouble) de 60 patients bipolaires euthymiques dont 30 sont euthymiques depuis plusieurs mois et suivis en ambulatoire et 30 sont en fin d’hospitalisation.

L’échantillon composé de 60 bipolaires, d’âge moyen 51 ans, a complété l’échelle Mood Disorder Insight Scale (MDIS) de Struman, composée de huit items mesurant la reconnaissance des symptômes (items 1 et 2), l’attribution causale de la maladie (items 3 à 5) et la nécessité du traitement (items 6 à 8)4.

Les résultats ont montré qu’à peu près 72 % des sujets bipolaires avaient un bon score d’insight, donc globalement, ils avaient une bonne conscience du trouble.

1 GOODWIN F., JAMISON K., « Manic-depressive illness », New-York, Oxford University Press, 1990; cités par HARDY-BAYLE M.-C., in Les troubles bipolaires, op.cit., p.139.2 HARDY-BAYLE M.-C., in Les troubles bipolaires, op.cit., p.144.3 BANAYAN M., PAPETTI F., PALAZZOLO J., PRINGUEY D., DARCOURT G., Conscience du trouble chez les sujets bipolaires euthymiques   : étude transversale comparative réalisée sur 60 patients , Annales Médico-Psychologiques, 2007, Volume 165, 247-253, p. 247. 4 Ibid., p. 248.

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De même, les patients qui étaient stables depuis plusieurs mois avaient un meilleur insight que ceux qui étaient en rémission récente d’un nouvel épisode.

Les patients vus en fin d’hospitalisation et dont le dernier épisode était un épisode maniaque avaient un moins bon insight que ceux qui avaient fait un épisode dépressif.

Parmi les facteurs sociodémographiques et cliniques étudiés, seule la participation à une association était significativement liée à un bon insight1.

Enfin, l’attribution causale de la maladie est altérée chez les bipolaires I et II. Ces sujets attribuent plus leurs symptômes à des événements extérieurs qu’à une maladie mentale endogène. Par contre, ils sont conscients de leurs symptômes et de l’utilité d’un suivi thérapeutique et d’un traitement2.

L’étude de Charmaine3 W. et April C. faite à Toronto en 2002, intitulée « Factors associated with insight among outpatients with serious mental illness », menée sur une population de 25 schizophrènes et 33 bipolaires vient clarifier la relation entre la sévérité des symptômes, la nosognosie (c'est-à-dire le degré de reconnaissance de soi d’être un patient et d’avoir besoin d’une aide médicale), le locus de contrôle (c'est-à-dire nos croyances – internes ou externes – sur les possibilités d’obtenir des récompenses ou des punitions), la qualité de vie (c'est-à-dire les activités journalières, les relations familiales et sociales, la santé, le travail, l’état financier) et l’insight auprès des sujets schizophrènes et bipolaires.

Cinq instruments de mesures ont été utilisés: Schedule for Assessing Insight ; Quality of Life Interview ; Modified Engulfment Scale ; Internality, Powerful Others and Chance Sacles ; et Brief Psychiatric Rating Scale pour mesurer respectivement l’insight, la qualité de vie, la nosognosie, le locus de contrôle et l’intensité des symptômes4.

1 BANAYAN M., PAPETTI F., PALAZZOLO J., PRINGUEY D., DARCOURT G., op. cit., p. 249-250. 2 Ibid., p. 251. 3 CHARMAINE W., APRIL C., Factors associated with insight among outpatients with serious mental illness, Psychiatric Services, Janvier 2002, Volume 53, n◦ 1, 96-98, p. 96. 4 CHARMAINE W., APRIL C., op. cit., p. 97.

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Les résultats obtenus montrent que la sévérité des symptômes et la nosognosie sont des indices significatifs de l’insight. Par contre, il est indépendant de l’internalité (croire que ses actions dépendent de soi-même) et de la qualité de vie. Ceci suggère que l’insight est plus lié aux facteurs spécifiques de la maladie qu’aux facteurs qui l’entourent (qualité de vie et internalité)1.

D’après ces études, nous pouvons dire que les bipolaires ont une bonne conscience du trouble. Par ailleurs, leur insight dépend de la nature du dernier accès (maniaque ou dépressif), de la date de rémission (ancienne ou récente) ainsi que de leur engagement dans une association de patients comme bon nombre d’associations regroupant des patients bipolaires.

Cependant, ces études ne spécifient pas dans quel type de bipolarité, type I ou le type II, l’insight serait meilleur.

9- Différences entre bipolaire I (à prédominance maniaque) et bipolaire II   (à prédominance dépressive)

Trouver la différence entre le trouble bipolaire type I et le trouble bipolaire type II est l’objectif principal de notre étude qui voudrait spécifier les caractéristiques cognitives et affectives de chacun de ces deux types.

Stefano Pallanti2 et ses collaborateurs ont mené une étude portant sur la conscience du trouble et les plaintes cognitives subjectives durant une phase clinique de stabilité chez des sujets bipolaires de type I et de type II.

Leur étude faite en Italie en 1999, s’intitule « Awareness of illness and subjective experience of cognitive complaints in patients with bipolar I and bipolar II disorder ».

Ils ont adopté une interview clinique structurée, le « Frankfurt Complaints Questionnaire » pour mesurer les complaintes cognitives subjectives et le « Scale of Unawarness of Mental Disorder » pour évaluer la conscience du trouble de 57 patients bipolaires dont 25 sont bipolaires

1 Ibid., p. 98.2 PALLANTI S. et coll., Awareness of illness and subjective experience of cognitive complaints in patients with bipolar I and bipolar II disorder, American Journal of Psychiatry, 156 :7, Juillet 1999, 1094-1096, p. 1094.

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type I (à prédominance maniaque) et 32 bipolaires type II (à prédominance dépressive).

D’après cette étude les résultats obtenus ont montré que les sujets bipolaires II (à prédominance dépressive) ont moins d’insight, un niveau plus élevé de plaintes cognitives (surstimulation), un plus grand nombre d’épisodes thymiques antérieurs, une moindre capacité d’ajustement aux activités sociales, un plus grand nombre de rechutes et plus de troubles thymiques dans leur famille que les sujets bipolaires I1.

Enfin, le trouble bipolaire est une maladie complexe et chronique qui nécessite une prise en charge médicamenteuse et psychothérapeutique.

10- Prise en charge

Les prises en charge thérapeutiques du patient bipolaire sont multiples. Sa prise en charge a depuis 1970 était essentiellement médicamenteuse.

Plus tard, les psychothérapies ont gagné du terrain dans la prise en charge du patient bipolaire : la thérapie psychodynamique (Leob et Leob, 1987) ; la thérapie familiale (Miklowitz et ses coll., 1988), la thérapie conjugale (Davenport et ses coll., 1977) et la thérapie de groupe (Wulsin et ses coll., 1988)2.

1- La pharmacothérapie

Les principaux médicaments 

1 PALLANTI S. et coll., op. cit., p. 1095-1096. 2 LAM D., BRIGHT J., JONES S., HAYWARD P., SCHUCK N., CHISLOM D., SHAM P., Cognitive therapy for bipolar illness, A pilot study of relapse prevention, Cognitive Therapy and Research, 2000, Volume 24, p. 503-504.

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Selon les recommandations du NICE1 en 2006 (National Institute for Clinical Excellence) sur le traitement des épisodes maniaques, hypomaniaques et mixtes, le traitement médicamenteux repose sur le valproate, le lithium ou un antipsychotique (surtout atypique comme l’olanzapine, la rispéridone).

L’antipsychotique est utilisé en cas de symptomatologie sévère ou d’absence de réponse aux traitements de première intention : le valproate et le lithium auxquels il y sera associé. La prescription d’antidépresseur est interdite2.

Dans les dépressions bipolaires, le NICE place en première intention l’association des thymorégulateurs, suivie en deuxième intention par l’association d’un antidépresseur sérotoninergique ou d’un antipsychotique.

Le choix de l’association aux thymorégulateurs d’un antidépresseur sérotoninergique ou d’un antipsychotique dépend des caractéristiques cliniques de l’épisode dépressif bipolaire. Les patients bipolaires déprimés hyporéactifs bénéficient plus d’une association d’un antidépresseur aux thymorégulateurs ; par contre les patients bipolaires déprimés hyperréactifs répondent mieux à l’association d’un antipsychotique aux thymorégulateurs.

Les antidépresseurs doivent être utilisés pour une courte durée et arrêtés après une nette amélioration (durant depuis au moins huit semaines) afin d’éviter les récidives et les virages maniaques. Une place de choix est réservée à la sismothérapie si la symptomatologie dépressive est sévère et que l’on souhaite éviter la prescription d’antidépresseurs3.

Le choix du traitement médicamenteux dépend de l’avis du patient, de son sexe, de son état cognitif lié à son âge, des réponses antérieures et des effets secondaires des médicaments.

L’ajout d’autres médicaments au traitement du patient bipolaire dépend du nombre de récidives et de la persistance des symptômes. Le 1 O’DOWD A., « NICE issues new guidance to improve the treatment of bipolar disorder », British Medical Journal, 2006, Volume 333 (7561) : 220; in Guidelines et conférences de consensus sur le traitement des troubles bipolaires, HENRY C., l’Encéphale, Paris, 2008, supplément 4, p. s150-s153.2 HENRY C., Guidelines et conférences de consensus sur le traitement des troubles bipolaires, l’Encéphale, Paris, 2008, supplément 4, p. 150. 3 Ibid., p. 151.

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recours dans ce cas aux médicaments antiépileptiques tels que la lamotrigine (Lamictal) et la carbamazépine (Tégrétol) est possible1.

La prise en charge médicamenteuse dans le trouble bipolaire nécessite une surveillance médicale et des bilans médicaux réguliers.

Le lithium (commercialisé sous le nom de Camcolit au Liban) connu comme le médicament thymorégulateur de première intention est reconnu pour son action diminutive de la fréquence, de la durée et de la sévérité des épisodes maniaques et dépressifs.

La durée de sa prise est longue (en moyenne 3 ans) et nécessite régulièrement des examens biologiques : lithiémie, créatinémie (fonction rénale), examen des hormones thyroïdiennes, afin de prévenir ses effets indésirables (tremblement, sédation, prise de poids, troubles cognitifs…)2.

Le valproate de sodium (Dépakine) connu pour sa prévention des rechutes chez les sujets bipolaires, sa diminution de l’agressivité et son importance chez ceux qui présentent une contre-indication à la lithiothérapie peut être donné en parallèle avec le lithium et suppose la surveillance de la fonction hépatique, la NFS et le poids tous les six mois3.

Les antipsychotiques nécessitent un bilan trimestriel incluant la glycémie, un bilan lipidique et la surveillance du poids.

La prise en charge des troubles bipolaires est une prise en charge longue et difficile.

Selon les recommandations du NICE un traitement prophylactique est entamé après deux épisodes dans le trouble bipolaire de type I et un épisode maniaque sévère ; et une altération significative du fonctionnement socio-professionnel, un risque suicidaire et une fréquence des épisodes dépressifs dans le trouble bipolaire de type II.

1 HENRY C., op. cit., p. 152. 2 GAY C., OLIE J.-P., « Traitement prophylactique des troubles bipolaires chez l’adulte », in Les troubles bipolaires, LEMPERIERE T., op. cit., p. 212-215. 3 Ibid., p. 221-222.

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Ce traitement doit être au moins de deux ans après un épisode aigu et au moins de cinq ans si le risque de récidive est élevé4.

Autres médicaments ou stratégies possibles

Certains neuroleptiques anciens (Flupentixol) ou tranquillisants (Rivotril) peuvent être utilisés comme stabilisateurs de l’humeur, généralement pris conjointement avec les médicaments thymorégulateurs.

L’électrochoc (ECT) est adopté quand la symptomatologie du trouble bipolaire est sévère, persiste et s’avère être résistante malgré le traitement par thymorégulateur2.

2- Les psychothérapies possibles

Les psychothérapies sont multiples. Elles peuvent être de type psychanalytique, cognitivo-comportemental et familiale. Le choix de la prise en charge dépend de la personnalité du patient bipolaire, de la fréquence de ses accès et de leurs conséquences sur sa vie, de l’entourage dans lequel il vit et de la présence de troubles comorbides à son trouble bipolaire3.

La thérapie cognitivo-comportementale du trouble bipolaire

Depuis 1996, les thérapies comportementales et cognitives du trouble bipolaire se sont développées. L’association de la thérapie comportementale et cognitive au traitement thymorégulateur est venue remédier aux limites du traitement médicamenteux en facilitant l’observance thérapeutique et en diminuant les facteurs précipitants les rechutes maniaques et dépressives.

Cinq programmes de thérapies comportementales et cognitives dans les troubles bipolaires existent actuellement et sont bien structurés et répartis tous en trois phases :

- une phase éducative

4 HENRY C., op. cit., p. 152. 2 GAY C., OLIE J.-P., « Traitement prophylactique des troubles bipolaires chez l’adulte », in Les troubles bipolaires, LEMPERIERE T., op. cit., p. 223. 3 Ibid., p. 227-228.

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- une phase de techniques particulières comportementales et cognitives

- une phase de consolidation.1

Nous allons à travers un tableau comparatif montrer les particularités de chacun de ces programmes thérapeutiques et développer par la suite le programme thérapeutique de Basco et Rush pour donner une idée claire d’un modèle de thérapie comportementale et cognitive et de ses différentes phases et techniques thérapeutiques.

Programmes

Particularités

BAUER et MC BRIDE

BASCO et RUSH LAM NEWMAN BECK

Groupe /individuel Groupe Individuel Individuel Individuel Individuel

Durée 20 séances sur 1 an

20 séances sur 1 an

20 séances sur 1 an Non codifié 15 à 20 séances

Indications Bipolaire Bipolaire Bipolaire Bipolaire UnipolaireObjectifs Meilleur

gestion de la maladie et amélioration du fonctionnement social et professionnel

- Améliorer la compliance médicamenteuse- Information sur la maladie- Prévention des rechutes

-Améliorer la compliance médicamenteuse- Information sur la maladie- Prévention des rechutes

- Améliorer la compliance médicamenteuse- Information sur la maladie- Prévention des rechutes

Modifier le schéma cognitif dysfonctionnel pour supprimer les symptômes et éviter les rechutes.

Psychoéducation sur la maladie Oui Oui Oui Oui Non

Techniques de restructuration cognitive avec auto-observation ; identification et modifications des cognitions

Non Oui Oui Oui Oui

Technique comportementale:(résolution de problèmes,maîtrise et plaisir, assignation de

Oui Oui Oui Oui Oui

1 MIRABEL-SARRON Ch., SIOBUD-DOROCANT E., CHEOUR-ELLOUZ M., KADRI N., GUELFI J.-D., Apport des thérapies comportementales et cognitives dans les troubles bipolaires, Annales Médico Psychologiques, 2006, Volume 164, p. 343.

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tâches graduées, affirmation de soi) Techniques pour prévenir le risque de rechutesIdentification et gestion des facteurs de stress spécifiques

Oui Oui Oui Oui Oui

Stratégies de Coping Non Oui Oui Oui Oui

Identification et modification des schémas dysfonctionnels

Non Non Non Non Oui

Participation de l’entourage Oui Oui Non Oui Non

Basco et Rusch proposent un programme thérapeutique de 20 séances réparties sur douze mois en quatre étapes : une étape éducative, une étape cognitive, une étape comportementale et une étape finale de gestion des stress psychosociaux1.

La phase éducative occupe les quatre premières séances. A la première et à la deuxième séance sont abordées les généralités sur les thérapies comportementales et cognitives afin de préciser la démarche thérapeutique à suivre et les généralités sur le trouble bipolaire afin d’informer le patient sur sa maladie. La troisième et la quatrième séance sont consacrées à la prévention des rechutes et à l’identification des symptômes personnels du trouble bipolaire.

La phase cognitive répartie de la 6ème à la 11ème séance est consacrée à la restructuration cognitive. L’identification des pensées automatiques et des modifications cognitives engendrées par la dépression ou au cours de la manie permet au patient d’apprendre à bien analyser les situations envisagées et de modifier son comportement désadapté associé au changement d’humeur.

La phase comportementale table sur l’utilisation de stratégies de planification d’activités dans la dépression comme au cours de la manie. Hiérarchiser les activités dans la dépression permet au sujet de reprendre plaisir à refaire progressivement certaines activités interrompues et

1 MIRABEL-SARRON Ch., GIRAULT-SALOMON N., Prise en charge comportementale et cognitive des troubles bipolaires, Journal de Thérapie Comportementale et Cognitive, 1998, Volume 8, p. 60.

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reconstruire son estime de soi. Quant à la planification des activités au début de la phase maniaque, elle permet au patient de canaliser ses activités et d’éviter un état d’agitation et d’hyperactivité1.

La phase d’identification et de gestion des problèmes psychosociaux vient en dernier lieu occuper les quatre dernières séances. Le repérage des problèmes psychosociaux, l’évaluation du fonctionnement psychosocial individuel et l’identification des ressources personnelles facilitent l’apprentissage des techniques de résolution de problème et la gestion des stresseurs psychosociaux. Par exemple diminuer le stress par l’assertivité, la créativité, l’humour…

Ce programme est indicatif et peut prendre pour chaque patient plus de temps par phase. Par ailleurs, il n’aborde pas les conduites addictives (drogues, alcool) et les troubles de la personnalité2.

Enfin la meilleure prise en charge qui peut être proposée aux patients bipolaires est mixte. Elle englobe un traitement pharmacologique et psychothérapeutique améliorant d’une part les symptômes de la maladie en limitant le nombre de rechutes et facilitant d’autre part la reconnaissance précoce des fluctuations de l’humeur et la gestion des stress personnels et environnementaux3.

Dans ce premier chapitre nous avons eu un aperçu convergé sur le trouble bipolaire dans ses deux types et sa relation à la personnalité.

Dans le chapitre suivant, nous allons étudier les différents aspects de la personnalité influencés par le trouble bipolaire, à commencer par le versant cognitif évalué d’abord à travers le « locus de contrôle » qui correspond aux interprétations qu’un individu peut donner aux événements qui l’entourent.

CHAPITRE II   : TROUBLE BIPOLAIRE ET LOCUS DE CONTRÔLE

1 MIRABEL-SARRON Ch., GIRAULT-SALOMON N., op. cit., p. 61. 2 Ibid., p. 62. 3 MIRABEL-SARRON Ch., SIOBUD-DOROCANT E., CHEOUR-ELLOUZ M., KADRI N., GUELFI J.-D., op. cit., p. 343.

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Le locus de contrôle, appelé aussi lieu de contrôle, correspond aux interprétations que chaque individu donne aux situations qu’il rencontre dans sa vie.

Il peut être interne (relié à la propre volonté de l’individu, ses efforts, ses désirs, ses capacités personnelles, ses connaissances) ou externe (relié aux autres, à la chance, au hasard, aux institutions, aux forces divines) dépendamment de notre explication des événements. Cette interprétation dépend aussi de la personnalité des individus1.

Nous avons trouvé qu’il serait intéressant d’étudier dans ce chapitre le locus de contrôle afin d’identifier sa nature interne ou externe dans le trouble bipolaire, et de voir s’il y a une différence dans l’explication donnée aux événements qui arrivent aux sujets bipolaires à prédominance maniaque (type I) et à prédominance dépressive (type II).

Dans un premier temps, nous allons envisager l’historique du locus de contrôle et sa définition. Par la suite, nous allons définir deux concepts qui lui sont proches : l’attribution causale et l’impuissance apprise. Nous allons évoquer aussi l’effet de l’internalité sur la santé, la norme d’internalité et les particularités de l’internalité et de l’externalité. A la fin de ce chapitre, nous allons aborder le locus de contrôle des sujets bipolaires.

1- Historique

Le locus de contrôle est un concept psychologique développé par Julian Rotter en 1966 à partir de sa théorie de l’apprentissage social dans laquelle il a avancé que « la probabilité d’apparition d’un événement est conditionnée aux renforcements positifs ou négatifs »2.

1TAVRIS Carol, WADE Carole, Introduction à la psychologie – les grandes perspectives, Editions De Boeck Université, Québec, 1999, p. 220.2 BOUVARD M., Questionnaires et échelles d’évaluation de la personnalité, Editions Masson, Paris, 1998, p. 201.

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Rotter, behavioriste à la base, a remarqué que certains de ses patients qui suivaient une psychothérapie ne répondaient pas au modèle comportemental parce qu’ils avaient des idées dysfonctionnelles qui les empêchaient de se comporter de façon adaptée.

Cette constatation lui a permis de conclure que chaque individu apprend au cours de sa vie que certains de ses comportements sont punis et d’autres récompensés à travers les expériences qu’il vit. De même, il a trouvé que les renforcements obtenus permettent au sujet de développer des attentes dans des situations diverses. En plus, il a noté que certaines personnes, même après avoir obtenu un renforcement positif (réussite) ne ramènent pas ce phénomène (réussite) à des forces internes mais plutôt à des forces externes (hasard, chance)1.

C’est à ce moment là que le concept de locus de contrôle a été élaboré par Rotter pour attester que les déterminants du contrôle proviennent non seulement de l’environnement mais aussi de l’individu. Il est venu mettre fin au courant behavioriste skinnérien (1938) qui rattachait tout comportement humain à un déterminisme suscité par l’action de l’environnement (le renforcement) et qui éliminait la liberté de l’individu et la part de responsabilité qui lui revient dans son action2.

La théorie de Rotter nous permet de prendre conscience de la complexité des comportements sociaux de l’individu. Elle nous permet également de comprendre la raison de l’adoption par un sujet d’un comportement donné plutôt qu’un autre, en se basant sur les attentes et les renforcements3.

Selon Rotter4, les expectations de l’individu c’est-à-dire la probabilité qu’un renforcement donné survienne dans une situation jouent un rôle crucial chez les sujets « internes » qui perçoivent et établissent un lien causal entre leurs comportements et les renforcements qu’ils obtiennent.

1 TAVRIS Carol, WADE Carole, op. cit., p. 220. 2 http://www.psychologiesociale.org/forum/viewtopic.php « Différences LOC / Attributions   ». 3 PAQUET Y., Relation entre locus of control, désir de contrôle et anxiété, Journal de Thérapie Comportementale et Cognitive, Editions Masson, 2006, 16, 3, 97-102, p. 97-98. 4 ROTTER J., Generalised expectancies for internal versus external control of reinforcement, Psychological monograph, 1966, Volume 80, pages 1-28 ; cité par PAQUET Y., op. cit., p. 98.

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Par contre, les expectations ne jouent aucun rôle chez les individus à locus externe qui considèrent que l’origine du renforcement est due à des facteurs extérieurs incontrôlables comme la chance et le pouvoir des autres.

Ainsi, les individus peuvent attribuer leur avenir, leur réussite ou leur échec à des causes soit internes, soit externes.

Comme Rotter, beaucoup d’auteurs se sont intéressés au locus de contrôle. Levenson1 a proposé une structure multidimensionnelle au locus de contrôle, composée d’internalité, de chance et d’autres tout-puissants (internes et externes formeraient deux types distincts de la population).

Par contre, Rotter s’est limitée à une structure unidimensionnelle interne-externe (pour elle, les gens se distribuaient sur cet axe interne-externe selon une loi normale) et a été soutenue par Nicole Dubois (1985) qui a mené des recherches en faveur de cette structure. Actuellement, c’est la structure multidimensionnelle composée de trois facteurs qui gagne du terrain2.

La notion de contrôle est centrale à plusieurs modèles théoriques de fonctionnement humain et se trouve implicitement ou explicitement sous diverses appellations. Parmi ces appellations, nous retenons : le lieu de contrôle (Locus of control) de Rotter (1966), l’autodétermination de Deci et Ryan (1985), l’impuissance apprise de Abramson, Seligman et Teasdale (1987), la contrôlabilité des croyances attributionnelles de Weinner (1979), la perception de compétence de Harter (1982), le sentiment d’auto-efficacité de Bandura (1986), les croyances de Skinner, Chapman et Baltes (1988)3, l’endurance de Kobasa (1979-1982) et l’attribution causale de Peterson (1984-1988)4.

2- Définition du   locus de contrôle

Le locus de contrôle ou lieu de contrôle est « la croyance généralisée qu’une personne a de maîtriser ou non les résultats – renforcement ou

1 LEVENSON H., Distinctions within the concept of internal-external control: development of a new scale, Proceedings of the 80th annual convention of the American Psychological Association, 1972, pages 261-262 ; cité par PAQUET Y., op. cit., p. 98.2 PAQUET Y., op. cit., p. 98. 3 PASQUIER Eric, Auprès de mon arbre, apprendrais-je mieux   ? , mémoire de licence, Université de Genève, 2002, p. 19.4 BRUCHON-SCHWEITZER M., Psychologie de la santé   : modèles, concepts et méthodes , Editions Dunod, Collection Psycho Sup, Paris, 2002, p. 230.

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punition – de ses propres actions »1. Il correspond à l’explication des individus donnée aux événements qui leur arrivent. Il s’agit du jugement de l’individu sur les renforcements positifs ou négatifs (ce qui lui arrive dans sa vie) qu’il reçoit et de l’attribution qu’il leur donne (attribution à des facteurs internes ou externes)2 :

Comportement Conséquence => Attribution des renforcements, des conséquences

Nicole Dubois3 donne l’exemple suivant pour illustrer les renforcements: si la candidature d’un individu à un emploi est refusée, le sujet peut l’expliquer de deux façons différentes. S’il explique le renforcement négatif (le refus) par « une conjoncture difficile », l’attribution des renforcements serait externe parce que le contrôle sur la conjoncture difficile se trouve à l’extérieur du sujet. Par contre s’il ramène ce renforcement négatif à « son incapacité à se vendre », l’attribution des renforcements serait interne parce que le contrôle sur la capacité à se vendre se trouve à l’intérieur du sujet.

Rotter et Bandura considèrent que le contrôle est acquis par apprentissage social et par apprentissage vicariant. Les actions que nous entreprenons faites de succès et d’échec, et les expériences précoces vécues essentiellement au sein de la famille (d’attention, de cohérence) pendant l’enfance et l’adolescence correspondent à l’apprentissage social. L’observation des actions des autres et de leurs conséquences correspond à l’apprentissage vicariant. Ces apprentissages nous permettent d’attribuer les renforcements reçus à des facteurs internes ou externes et à développer un lieu de contrôle modulable aux différents âges de la vie en fonction des événements qui vont être expérimentés4.

Selon Rotter, une personne tend généralement à présenter de manière cohérente soit un contrôle plutôt interne et soit un contrôle plutôt externe, de manière assez stable dans le temps5.

1 TAVRIS C., WADE C., op. cit., p. 220. 2 BRUCHON-SCHWEITZER M., op. cit., p. 230-231. 3 DUBOIS N., La norme d’internalité et le libéralisme, Presses Universitaires de Grenoble, Grenoble, 1994 p. 14, citée par VOIROL C., Le concept d’internalité comme outil de prévention et de traitement de l’épuisement professionnel ?, Université de Neuchâtel, Division économique et sociale, Mémoire de licence, Année Universitaire 1999-2000, p. 10. 4 ROTTER et BANDURA, cité par BRUCHON-SCHWEITZER M., op. cit., p. 231. 5 BRUCHON-SCHWEITZER M., op. cit., p. 234.

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Les sujets qui ont un locus de contrôle interne, se caractérisent par un sentiment de responsabilité vis-à-vis de leurs actions et de ses conséquences. Ils pensent qu’ils peuvent contrôler leur destinée, et réussissent le mieux leur vie éducative et professionnelle.

Les personnes à locus de contrôle externe considèrent que les facteurs environnementaux et situationnels sont d’une plus grande importance que les causes internes. Ils croient que la chance détermine leur réussite ou leur échec et non leur effort personnel, et pensent qu’ils sont victimes des situations qu’ils envisagent.

Quand on parle donc de locus de contrôle interne, on parle d’actions décidées. Le lieu de contrôle est à l’intérieur de soi lorsqu’on considère qu’on influe sur le cours des événements. Les personnes qui situent d’une manière générale le lieu de contrôle à l’intérieur d’elles-mêmes raisonnent en terme de décisions et pensent avoir une influence déterminante sur le cours de leur existence.

Ainsi, quand on parle de locus de contrôle externe, on parle de contraintes. Le lieu de contrôle est à l’extérieur de soi lorsqu’on considère que les événements ont des causes indépendantes de soi. Les personnes qui situent d’une manière générale le lieu de contrôle à l’extérieur d’elles-mêmes raisonnent en termes de contraintes et attribuent leurs succès ou leurs échecs à des causes ou à des personnes extérieures1.

Se sentant responsables des situations, de leurs actions et des conséquences qui s’en suivent, les personnes à locus interne peuvent ressentir des sentiments de culpabilité; tandis que les personnes à locus externe qui se sentent irresponsables de ce qui leur arrive, remettent la cause au hasard et à l’entourage et achoppent devant les situations difficiles2.

En conséquent, chacun d’eux réagit différemment dans les situations difficiles et fait face aux problèmes rencontrés de façon distincte. L’interne adopte davantage des stratégies d’ajustement centrées sur le problème alors que l’externe adopte plutôt des stratégies centrées sur l’émotion3. 1 TAVRIS Carol, WADE Carole, op. cit., p. 220.2 BOUVARD M., op. cit., p. 201. 3 BRUCHON-SCHWEITZER M., op. cit., p. 361-362.

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Cette notion du locus de contrôle nous mène à la notion d’attribution causale.

3- Notion d’attribution causale

La psychologie sociale s’est longtemps intéressée au concept d’attribution qui permet à l’individu d’expliquer et d’attribuer une cause à ses comportements et à ceux d’autrui.

L’attribution causale peut être définie comme la recherche par le sujet des causes d’un événement, d’une conduite ou d’une émotion (attribution du comportement). L’attribution de son comportement à soi-même, aux autres ou aux situations revient au besoin des individus de connaître les causes de leurs pensées et de leurs comportements.

Elle s’avère être utile parce qu’elle leur permet de comprendre et d’essayer de contrôler leur comportement et de prévoir les comportements des autres1.

L’origine du concept d’attribution causale revient à Fritz Heider (1944, 1958) qui s’intéressait à la notion d’attribution en psychologie sociale. Heider voulait trouver les causes des comportements observés en les ramenant soit à des causes personnelles (effort, intention, motivation) soit à des causes environnementales2.

Heider3 définit l’attribution causale comme étant un « processus cognitif qui renvoie à une partie de la perception et du jugement de la personne (soi ou autrui) ; il nous permet d’expliquer notre comportement (auto-attribution) et celui d’autrui (hétéro-attribution) en fonction des caractéristiques de la personne ou de la situation ».

Ce besoin d’inférer des attributions semble selon lui directement lié au besoin des individus d’exercer un contrôle sur leur environnement physique et social, en essayant d’expliquer et de prédire les causes des 1 BOURHIS R.Y., et LEYENS J.-Ph., Stéréotypes, discrimination et relations intergroupes, Editions Mardaga, Belgique, 1999, p. 97-98. 2 HEIDER F., cité in http://www.psychologiesociale.org/forum/viewtopic.php « Différences LOC / Attributions   ». 3 HEIDER F., The psychology of interpersonal relations, New York, John Wiley & Sons, 1958 ; cité par BOURHIS R.Y., et LEYENS J.-Ph., op. cit., p. 101-102.

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comportements et des événements. Les individus font donc des attributions afin de rendre le monde prédictible et contrôlable, pour le maîtriser.

L’attribution de l’origine d’un comportement à soi ou aux autres repose sur une démarche quasi-expérimentale qui se fonde sur des observations variées.

Nicole Dubois1 définit le concept d’attribution causale comme une démarche qui « vise à décrire le processus par lequel les individus expliquent et interprètent les conduites et les états émotionnels (qu’il s’agisse des leurs ou de ceux des autres) ».

Elle donne l’exemple suivant pour expliquer le phénomène d’attribution causale. Si un voisin aide son épouse à monter les sacs à commission, l’attribution causale de son action peut être expliquée de différentes façons. S’il elle est expliquée par des facteurs dispositionnels internes comme par exemple « pour faire preuve de serviabilité » ou « pour se montrer agréable » alors l’attribution causale est interne. Par contre, si l’action est ramenée à des facteurs situationnels comme par exemple à cause de « la fragilité de l’épouse » ou « parce que l’ascenseur est en panne », alors l’attribution causale est externe.

Pour Jones et McGillis2, le processus d’attribution qui permet à un sujet d’attribuer une intention à un autre se fonde sur les attentes envers le comportement de l’autre et se déroule ainsi :

- En premier lieu, le sujet repère le comportement qui nécessite une attribution

- Ensuite, il définit les effets spécifiques du comportement effectué (ce qui le défend et ses résultats) en comparant ses effets aux effets d’autres actions possibles mais non effectuées par l’acteur

- Enfin, après avoir pris en considération la compétence de l’acteur et la connaissance qu’il a des résultats de son comportement, le sujet anticipe les

1 DUBOIS N., La norme d’internalité et le libéralisme, Editions PUG, Grenoble, 1994, p. 12 ; citée par VOIROL Christian, op. cit., p. 10.2 JONES E., McGILLIS, D., Correspondent inferences and the attribution cube: A comparative reappraisal, 1976, In HARVEY J., ICKES W., & KIDD R., New directions in attribution research (pp.192–238), New York: Erlbaum; cités par BOURHIS R.Y., LEYENS J.-Ph., op. cit., p. 105.

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effets du comportement effectué en voyant s’il correspond aux attentes qu’il a vis-à-vis de l’acteur.

Ces attentes se basent d’une part sur l’appartenance de la personne cible d’attribution à une classe sociale (un scientifique est plus rationnel qu’un littéraire), à une catégorie (un médecin peut demander à son malade de se déshabiller mais pas un coiffeur) ou à un groupe, et d’autre part sur sa personnalité, ce que l’on sait d’elle, son caractère et ses comportements dans diverses situations1.

Peterson considère que le lieu de contrôle et l’attribution causale sont à distinguer l’un de l’autre. L’explication qu’il donne pour clarifier la nuance entre ces deux concepts est la suivante : « le fait qu’un individu croit qu’une cause interne exerce une influence sur un événement (attribution causale) ne signifie pas nécessairement qu’il croit qu’il peut contrôler l’événement en question (lieu de contrôle). Inversement, quand il croit qu’une cause externe a une influence, cela ne signifie pas qu’il ne peut pas contrôler l’événement» 2.

Comme l’attribution causale, l’impuissance apprise est une autre notion voisine de celle de lieu de contrôle.

4- Notion d’impuissance apprise (learned helplesseness)

Le lieu de contrôle et l’impuissance apprise sont deux concepts qui peuvent se rapprocher parce que tous les deux concernent la relation de causalité entre l’action du sujet et le résultat qui la suit.

En 1975, Seligman définit l’impuissance apprise comme « un comportement acquis suite à des expériences d’échec répétées, comportement se traduisant par l’abandon de tout effort pour modifier la situation »3. Il parle du modèle de l’impuissance apprise ou de la résignation acquise « learned helplesseness » en se fondant sur l’impact des situations vécues sur les croyances et les comportements de l’individu4.

1 BOURHIS R.Y., LEYENS J.-Ph., op. cit., p. 106.2 PETERSON C., cité in http://www.psychologiesociale.org/forum/viewtopic.php « Différences LOC / Attributions   » 3 BRUCHON-SCHWEITZER M., op. cit., p. 246.4 HUSAIN Odile et coll., Psychopathologie et polysémie, Editions Payot Lausanne, Paris, 2001, p. 48.

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Dans sa théorie, Seligman considère que l’apparition de l’impuissance apprise nécessite trois éléments : l’exposition à des situations environnementales incontrôlables ; une réponse d’abdication, d’abandon ; et un développement de pensées qui conduisent le sujet à croire qu’aucune action volontaire ne peut contrôler les résultats et les conséquences1.

Pour Seligman, l’impuissance apprise est l’un des facteurs

précurseurs de la dépression. Dans sa théorie, la dépression résulte de la croyance de l’individu à son impuissance et à l’inefficacité et l’inutilité de son action. Que la dépression soit endogène ou réactionnelle, n’importe quel événement désagréable ou obstacle est capable de renforcer la croyance de base de l’individu qu’il est incapable de contrôler les situations qui l’entourent2.

Seligman considère que les situations aversives récurrentes et durables comme les maladies chroniques ne créent pas en elles-mêmes des sentiments d’impuissance. Ces sentiments proviennent d’une perception de non contrôle sur les événements qui se manifeste par la résignation3.

De là, Seligman4 considère que dans la dépression, les troubles au niveau motivationnel (l’individu n’a aucune motivation à contrôler la situation), cognitif (l’individu est incapable d’établir une relation entre ce qu’il fait et ce qui lui arrive) et émotionnel (l’individu tombe dans un état de dépression), sont dus à la croyance du sujet à son incapacité de contrôler les événements suite à son expérience personnelle de non contrôle. Ainsi, le déprimé peut attribuer la cause d’un événement d’une façon inadéquate, en partant d’une croyance que toute action conduit à l’échec.

Pour sortir de la dépression et faire face à l’impuissance apprise, Seligman trouve qu’il est important d’amener le patient en psychothérapie à réagir pour produire un renforcement et à croire que sa réponse est capable de produire la gratification qu’il désire ; qu’il est efficace et capable de contrôler les événements qui l’importent5.

1 SELIGMAN M., Helplessness: on depression development and death, Editions Freeman, Collection Psychology, San Fransisco, 1975, p. 1 (introduction). 2 SELIGMAN M., op.cit., p. 93. 3 BRUCHON-SCHWEITZER M., op. cit. p. 247. 4 SELIGMAN M., Helplessness: on depression development and death,, cité par MIRABEL-SARRON C. et VERA L., L’entretien en thérapie comportementale et cognitive, Editions Dunod, Paris, 1995, p. 70. 5 SELIGMAN M., op. cit., p. 100.

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La théorie de Seligman a été reformulée en termes de « théorie de l’attribution » par Abramson en 1978 et Weiner en 1985 vu que toutes les personnes qui expérimentent des situations difficiles répétées n’apprennent pas la résignation et l’impuissance comme l’a affirmé Seligman.

Cette notion d’impuissance apprise qui ramène la dépression à un lieu de contrôle interne mérite d’être revue.

5- Locus de contrôle et dépression

Ozment John et Lester David1 ont mené en 2001 à New Jersey une étude intitulée « Helplessness, locus of control, and psychological health » pour trouver quel facteur prédit le plus les sentiments de dépression. Le but étant de voir si la dépression était le résultat d’une croyance en un locus de contrôle interne (comme le propose le modèle de « l’impuissance apprise » de Seligman) ou le résultat d’un sentiment d’impuissance lié au stress (forces externes).

Deux échelles de mesure ont été construites de six items chacune, l’une mesurant le sentiment d’impuissance dû à des forces externes (helplessness-external locus of control HE, comme par exemple « je suis souvent la victime des autres tout-puissants ») et l’autre le sentiment d’impuissance dû à des déficiences personnelles (helplessness-internal locus of control HI, comme par exemple « j’ai ruiné mes relations interpersonnelles parce que je n’ai pas la compétence de maintenir des relations durables »). Un test qui mesure les tendances maniaco-dépressives et un autre qui mesure les pensées irrationnelles définies par Ellis ont aussi été administrés sur 70 universitaires qui n’ont pas achevé encore leurs études.

Les résultats ont montré que les scores sur les échelles HE (helplessness-external locus of control) et HI (helplessness-internal locus of control) s’associent de façon positive avec la dépression et les pensées irrationnelles. Et comme les échelles HE et HI s’associent positivement donc ce n’est pas le locus de contrôle qui détermine les réponses aux douze items de sentiments d’impuissance mais plutôt c’est le sentiment d’impuissance lui-même.

1 OZMENT J, LESTER D, Helplessness, locus of control and psychological health, The Journal of Social Psychology, 2001, Volume 14, p. 137.

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De là, le sentiment d’impuissance qui s’associe de façon positive avec la dépression semble être le facteur qui détermine le plus les réponses accordées aux 12 items des échelles HE et HI.

Par ailleurs, les résultats ont montré que les scores obtenus à l’échelle HI sont associés aux tendances maniaques.

Cette étude montre que la théorie de l’impuissance apprise qui ramène la dépression à un locus de contrôle interne n’est pas suffisante pour expliquer la dépression1.

Clarke2 mène une étude sur le rôle du névrosisme en tant que médiateur ou modérateur dans la relation entre le locus de contrôle et la dépression. Dans cette étude intitulée « Neuroticism: moderator or mediator in the relation between locus of control and depression? », faite en 2004 en Nouvelle-Zélande, Clarke constate que c’est l’externalité qui mène à la dépression et que la dépression n’est pas causée par le névrosisme.

Les résultats de son étude montrent que l’internalité n’est pas liée au névrosisme et à la dépression3. La dépression est corrélée de façon significative avec les deux sous-échelles externes du locus de contrôle : les autres tout-puissants et la chance. La chance est l’échelle qui prédit le plus la dépression parce qu’elle lui est corrélée le plus4.

Le névrosisme (expérience d’émotions négatives : anxiété, surprise, agitation, colère, honte, gêne et culpabilité) est corrélé significativement avec les autres tout-puissants et la chance. Il joue un rôle partiel de médiateur dans le passage de l’externalité à la dépression.

Le névrosisme peut expliquer partiellement comment une croyance dans la chance peut mener à la dépression. Cette explication avance qu’une croyance en un contrôle externe des événements personnels, lié à la chance, augmente la culpabilité et l’angoisse du sujet et rend sa dépression plus sévère. La culpabilité provient d’une gêne ressentie par le sujet d’avoir eu la chance de réussir plus que les autres et l’angoisse émane d’une peur de

1 OZMENT J, LESTER D, op. cit., p. 138. 2 CLARKE Dave, Neuroticism: moderator or mediator in the relation between locus of control and depression?, Personality and Individual Differences, 2004, Volume 37, p. 256. 3 Ibid., p. 255.4 Ibid., p. 252.

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ne pas être chanceux dans l’avenir. Cet état dépressif est donc le produit d’une croyance dans la chance qui détermine les succès et les échecs du sujet1.

Les résultats de ces deux études portant sur la dépression et le locus de contrôle nous permettent de supposer que les bipolaires à prédominance maniaque (type I) ont un locus de contrôle moins externe que les bipolaires à prédominance dépressive (type II).

6- Effet de l’internalité et de l’externalité sur la santé

Dans son livre, « Psychologie de la santé », 2002, Marilou Bruchon-Schweitzer revoit 72 études (1964-1999) faites sur la dimension I-E (interne-externe) de Rotter pour détecter les effets de l’internalité et de l’externalité sur la santé physique et psychique (anxiété, stress, dépression, qualité de vie…) de l’individu.

L’analyse de ces 72 études a montré la suprématie de l’internalité sur l’externalité. Les études testant l’effet de l’internalité sur le bien-être émotionnel (comme par exemple celles de Horner, 1998 ; Hurell, 1991 ; Thompson et Collins, 1995) sont significatives. L’internalité favorise une bonne santé émotionnelle en réduisant l’impact des événements de vie stressants alors que l’externalité est associée à une vulnérabilité émotionnelle (épuisement, affects négatifs) dans les situations stressantes.

De même, les « internes » ont une meilleure santé que les « externes ». L’internalité joue un rôle protecteur sur leur état de santé somatique parce qu’elle diminue les effets gênants des situations anxiogènes et facilite l’adoption de styles de vie sains : « exercice, alimentation, soins médicaux, adhésion thérapeutique, prévention, sevrage tabagique… »2.

Marilou Bruchon-Schweitzer a de même revu 33 études faites sur l’échelle de Levenson pour évaluer l’impact du facteur interne et des deux facteurs externes sur la santé émotionnelle, physique et sur l’adoption de styles de vie sains. Ces études montrent que les résultats obtenus à l’échelle de Levenson sont plus cohérents que ceux obtenus avec l’échelle de Rotter.

1 CLARKE Dave, op. cit., p. 255-256.2 BRUCHON-SCHWEITZER M., op. cit. p. 235-237.

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D’après ces études (comme par exemple celles de Brosschot et coll., 1994 ; Butler et coll., 1980), l’internalité semble favoriser une affectivité positive (haute estime de soi, satisfaction professionnelle et faible angoisse, dépression et hostilité), une bonne santé physique, des styles de vie sains et des stratégies de coping centrées sur le problème.

Le facteur P (personnages puissants) de l’externalité s’avère s’associer à une affectivité négative (dépression, hostilité, névrosisme), à un stress professionnel élevé, à des problèmes de santé marqués et à des stratégies de coping passives.

Quant au facteur C (chance), il est plus pathogène et a des relations fortement significatives avec une détresse émotionnelle (dépression, hostilité, névrosisme), des troubles mentaux sévères, des comportements à risque et des stratégies de coping trop passives d’impuissance1.

L’explication de l’effet bénéfique de l’internalité sur le bien-être émotionnel revient à des auteurs, dont Bandura, qui considèrent que le sentiment de contrôle s’apprend socialement à travers les expériences vécues dans son environnement familial et social. Ce sentiment positif et optimiste de contrôle favorise un sentiment de bien-être.

Tandis que l’explication de son effet bénéfique sur l’état de santé global s’explique de deux manières : l’une comportementale et l’autre biopsychosociale.

Sur le plan comportemental, les personnes internes s’occupent plus de leur santé, prennent l’initiative d’aller consulter pour évaluer certaines maladies (cancer), recherchent les informations médicales et adhèrent bien aux traitements proposés. Ils ont peu de conduites addictives et s’intéressent à leur alimentation.

Sur le plan biopsychosocial, les personnes internes qui parviennent davantage à contrôler les situations aversives, ont certains systèmes moins activés comme l’axe corticotrope qui produit le cortisol, et du coup sont moins sujets aux maladies infectieuses qui sont dues à la sécrétion du cortisol qui diminue l’efficacité du système immunitaire2.

1 Ibid., p. 240-241. 2 BRUCHON-SCHWEITZER M., op. cit., p. 242-244.

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Selon Haerkaepaeae, Jaervikoski et Vakkari (1996)1, les personnes à locus externe sont plus vulnérables aux agents stressants. Ceci ne veut pas dire que les internes ont une meilleure santé psychique et sont plus en sécurité (Wallston2 et Wallston). Rotter3 trouve qu’être interne peut aussi prédisposer l’individu à un stress et à une anxiété plus élevés dans certaines situations défavorables et difficiles (comme la maladie) face auxquelles il n’a aucun pouvoir d’action.

Selon Paquet4, l’internalité et le désir de contrôle s’opposent à l’anxiété et il existe une relation positive entre la dimension interne du locus de contrôle et le désir de contrôle.

Ces résultats ont été obtenus à travers son étude menée en France, en 2006 portant sur la relation entre l’anxiété, le désir de contrôle et le locus de contrôle, intitulée « Relation entre locus of control, désir de contrôle et anxiété ».

Paquet conclut son étude en disant que « les individus pensant contrôler les situations et désirant les contrôler sont généralement moins anxieux ». Cependant, quand les internes se retrouvent dans des situations incontrôlables, leur internalité peut devenir inadaptée et pathogène5.

La majorité de ces études abordées ci-dessus décrit un portrait plus avantageux de l’interne sur l’externe. Cependant, il serait prudent de consolider ces résultats en menant des recherches supplémentaires, vu la présence de différentes variables (socio-démographiques : âge ; valeurs sociales, valeur de la santé et de la culture ; caractéristiques de contexte : événements politiques…). Ces facteurs peuvent interagir avec le locus de contrôle interne, rendre son impact indirect et orienter les croyances vers un locus de contrôle interne ou externe6. 1 HAERKAEPAEAE, JAERVIKOSKI et VAKKARI, Perceived self-efficacy and headache – Related disability, British Journal of Health Psychology, 1998, 3, pages 225-236 ; cités par FISCHER G.-N., TARQUINIO C., Les concepts fondamentaux de la psychologie de la santé, Editions Dunod, Collection Psycho Sup, Paris, 2006, p. 36. 2 WALLSTON K., WALLSTON B., Who is responsible of your health   ? The contrast of health locus of control, in SANDERS G., SURTS J., Social psychology of health and illness, Hillsdale, Erlbaum, 1982 ; cité par FISCHER G.-N., TARQUINIO C., op. cit., p. 36.3 ROTTER J., Generalised expectencies for internal vs external control of reinforcement, Psychological Monographs, 1966, 80, 1 ; cité par FISCHER G.-N., TARQUINIO C., op. cit., p. 36. 4 PAQUET Y., Relation entre locus of control, désir de contrôle et anxiété, Journal de Thérapie Comportementale et Cognitive, Editions Masson, 2006, 16, 3, 97-102, p. 102. 5 PAQUET Y., op. cit., p. 102. 6 BRUCHON-SCHWEITZER M., op. cit., p. 235-237.

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L’internalité est désirée et valorisée par les gens. En psychologie sociale on l’appelle « norme d’internalité ».

7- Norme d’internalité

La norme d’internalité est une désirabilité sociale des gens d’être interne. Elle cherche à expliquer pourquoi et comment les gens ont tendance à valoriser des explications internes, considérées comme un atout, et à sous-estimer les explications externes considérées comme une déficience1.

C’est Nicole Dubois qui a évoqué la notion de « biais d’internalité ». Ce biais subit l’influence de la culture des individus. La culture occidentale survalorise les attitudes internes et incite les gens à adopter ce genre d’attitudes pour plaire aux autres2.

Selon Nicole Dubois3 une erreur fondamentale porte les individus à prôner la causalité interne. Cette erreur « concerne l’étonnante tendance qu’ont les gens à en appeler aux facteurs internes ou dispositionnels pour expliquer des comportements qui relèvent tout aussi bien des stimuli, des circonstances, des conventions sociales ou tout simplement, de la simple soumission à autrui ».

Pour illustrer ses propos, elle donne l’exemple d’une expérience faite auprès des questionneurs et des questionnés choisis par hasard pour réaliser une tâche d’enseignement. Les questionneurs ont été perçus par des observateurs plus compétents que les questionnés alors que les deux groupes sont du même niveau. Cela montre que l’internalité est valorisée par les observateurs.

Pour elle, la norme d’internalité qui accentue le poids causal de l’acteur dans l’explication des situations et le biais d’auto-complaisance (tendance à attribuer ses succès à des causes internes et ses échecs à des causes externes)4, attestent de la tendance sociale à privilégier une explication interne plutôt qu’externe.

1 Ibid., p. 234. 2 http://fr.wikipedia.org/wiki/Locus_de_contr%C3%B4le3 DUBOIS N., La norme d’internalité et le libéralisme, Editions PUG, Grenoble, 1994 ; citée par Christian Voirol, op. cit., p. 10. 4 DUBOIS N., op. cit., p. 17.

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Nicole Dubois1 explique l’acquisition de la norme d’internalité par quatre hypothèses : les compétences, le processus d’imprégnation culturelle, l’idéologie et les processus socio-cognitifs, et les conduites socialement nécessaires.

La première explication porte sur les compétences. Les personnes qui vivent dans de bonnes conditions sociales (écoles, normes, valeurs) ont plus de connaissances qui leur permettent de maîtriser les événements de leur vie.

La deuxième explication concerne le processus d’imprégnation culturelle. La culture occidentale libérale, individualiste pousse les gens à être internes (d’après l’expérience des classes moyennes auxquelles le travail acharné a procuré des renforcements), à se sentir responsables de leurs comportements et à ramener tout ce qu’ils font à leur personnalité.

Sa troisième explication est idéologique. Les individus appartenant à un milieu favorisé considèrent que leurs compétences sont le fruit de leurs efforts personnels (idéologie du mérite personnel : interne). Par contre, les individus appartenant à un milieu défavorisé (minoritaire) croient en un contrôle externe (idéologie de la détermination : externe) et expliquent la cause de leur situation par le destin, le système (social, politique)…

Sa quatrième explication porte sur les processus socio-cognitifs et les conduites socialement nécessaires. Les pratiques évaluatives répétitives générées par les postes dominants (les cadres, les enseignants, les formateurs) poussent les personnes qui les occupent à être plus internes que ceux qui n’ont pas de tels postes (les subordonnés, les élèves, les stagiaires). Cette internalité peut être expliquée par leur statut d’évaluateur et d’évalués.

Dans leur livre « Stéréotypes, discrimination et relations intergroupes » Bourhis et Leyens donnent quatre interprétations à cette erreur fondamentale. Deux de ces interprétations sont citées par Dubois : les modèles dominants dans la culture occidentale et les pratiques évaluatives internalisantes associées à l’exercice libéral. Les deux autres sont : 1 Ibid., p. 1921.

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1- Le besoin chez l’individu de contrôler et maîtriser son environnement physique et social et de se sentir capable de décider de ses comportements.

2- Le besoin chez l’individu d’éliminer le hasard dans son explication des situations grâce à son contrôle de l’environnement. Les individus n’aiment pas croire que les situations bonnes ou mauvaises peuvent survenir d’une manière aléatoire1.

Enfin, la causalité interne d’un événement est plus appréciée par les gens. Par exemple, dire : « j’ai réussi parce que j’ai beaucoup travaillé » (causalité interne) est beaucoup plus appréciée par les autres que de dire : « j’ai réussi parce que j’ai eu de la chance » (causalité externe)2.

8- Différences entre sujets internes et sujets externes

Rossier3 et ses collaborateurs ont mené une étude en Suisse, en 2002, intitulée « Validation de la version française de l’échelle de contrôle de Levenson (IPC), influence de variables démographiques et de personnalité ».

Dans l’introduction de leur article, ils ont résumé les résultats de plusieurs recherches (livres et articles) faites sur le lieu de contrôle. Toutes ces recherches montrent la différence existante entre les sujets internes et externes dans leur perception des déterminants de leurs conduites et leur réaction dans des situations spécifiques.

Les résultats de ces recherches montrent que les sujets internes sont plus persévérants, confiants et indépendants que les sujets externes. Ils sont de gros travailleurs et choisissent des professions leur permettant de compter sur leurs propres potentiels, de décider, de choisir, de lutter contre l’échec et de réussir. Ils aiment apprendre, ont plus de connaissances, recherchent et traitent mieux les informations reçues que les sujets externes. Ils ne sont pas aussi conformistes et anxieux que les sujets externes, ils ne s’emportent pas émotionnellement comme eux, gèrent

1 Bourhis R.Y., Leyens J.-Ph., op. cit., p. 108-109.2 http://www.psychologie-sociale.com/index.php?option=com_content&task=view&id=131&Itemid=76 3 ROSSIER J., RIGOZZI C., BERTHOUD S., Validation de la version française de l’échelle de contrôle de Levenson (IPC), influence de variables démographiques et de personnalité, Annales Médico-Psychologiques, 2002 ; 160, p. 139-140.

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mieux le stress et affrontent mieux qu’eux les maladies chroniques dont ils peuvent souffrir.

D’après ces recherches, il s’avère de même que le lieu de contrôle dépend des états mentaux des individus.

Tout d’abord, les alcooliques ont des résultats plus élevés aux échelles externes et la rechute de ces sujets est plus élevée quand ils sont externes que quand ils sont internes.

Ensuite, les personnes anxieuses, surtout les phobiques sociaux ne sont pas aussi internes que les sujets sains.

En plus, les dépressifs ont des résultats élevés aux échelles externes, en particulier à l’échelle C (chance) ; ils croient au contrôle externe exercé par la chance et le hasard. Par ailleurs, les sujets dépressifs qui sont internes ont un système immunitaire plus fort que ceux qui sont externes.

De plus, les paranoïaques sont externes et croient au contrôle externe exercé par des individus tout-puissants.

Enfin, les anorexiques sont plus internes que les boulimiques. Il s’avère aussi que le lieu de contrôle dépend non seulement des

états mentaux des individus, mais aussi du contexte dans lequel l’individu se trouve. En effet, les personnes incarcérées et les personnes âgées institutionnalisées ont des résultats élevés à l’échelle P (autres tout-puissants)1.

Les résultats de l’étude de Brosschot2 qui figurent dans l’article de Rossier et ses collaborateurs montrent en effet que l’échelle I a une corrélation positive avec l’estime de soi, la dominance, la résolution active de problèmes, la colère et la motivation. Par contre, l’échelle P et C corrèlent négativement avec ce que nous venons de citer et positivement avec le névrosisme, l’inadéquation sociale, la rigidité, l’hostilité, la suffisance, l’évitement, la peur de l’erreur et les réactions dépressives.

1 ROSSIER J., RIGOZZI C., BERTHOUD S., op. cit., p. 140. 2 BROSSCHOT et al., Internal, powerful others and chance locus of control: relationships with personality, coping, stress and health, Personality Individuals Differences, 1994, pages 839-852 ; cités par ROSSIER J., RIGOZZI C., BERTHOUD S., op. cit., p. 140.

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Après avoir fait un résumé dans l’introduction de leur article sur le lieu de contrôle, Rossier et ses collaborateurs ont voulu valider l’échelle de Levenson traduite en français par Loas, étudier l’impact de certaines variables démographiques sur les échelles I, P et C de l’échelle de contrôle de Levenson, et trouver les liens qui existent entre cette échelle et le NEO PI R de Costa et McCrae qui évalue des traits de personnalité répartis dans cinq domaines : l’Extraversion, l’Agréabilité, la Conscience, le Névrosisme et l’Ouverture1.

Tout d’abord, ils ont trouvé que la validité interne de l’échelle de Levenson est satisfaisante.

Ensuite, ils ont trouvé que les variables démographiques : le sexe, l’âge, la profession et la culture du sujet ont une influence sur les échelles I, P et C de Levenson.

En effet, les femmes ont des scores moins élevés sur les échelles I (internes) et P (autres tout-puissants) que les hommes. Les personnes qui avancent en âge (41 ans et plus), ont des scores plus élevés à l’échelle P (autres tout-puissants) ; elles ont une représentation plutôt externe du contrôle. Les personnes qui ont des professions réalistes ont des résultats supérieurs à l’échelle P que ceux qui ont des professions sociales. Les personnes qui ont une formation universitaire ont des scores plus élevés à l’échelle interne2.

Enfin, la personnalité influe sur le lieu de contrôle. Les scores des échelles I, P et C de Levenson dépendent de certaines dimensions de la personnalité du sujet.

Les personnes qui ont des scores élevés à l’échelle I corrèlent négativement avec le Névrosisme : l’anxiété, la dépression, la vulnérabilité, la timidité sociale et l’impulsivité ; celles qui ont des scores élevés à l’échelle P corrèlent positivement avec l’anxiété et la dépression, et celles qui ont des scores élevés à l’échelle C corrèlent positivement avec des facettes du Névrosisme : l’anxiété, la dépression, la vulnérabilité et la timidité sociale.

1 ROSSIER J., RIGOZZI C., BERTHOUD S., op. cit., p. 141. 2 ROSSIER J., RIGOZZI C., BERTHOUD S., op. cit., p. 144.

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Les personnes qui ont des scores élevés à l’échelle I corrèlent positivement avec des facettes de l’Extraversion : la grégarité, l’assertivité et l’activité et des facettes de la Conscience : compétence, recherche de réussite. Par contre, celles qui ont des scores élevés à l’échelle P corrèlent négativement avec des facettes de l’Extraversion : la chaleur et les émotions positives.

Les personnes qui ont des scores élevés à l’échelle I corrèlent positivement avec l’une des facettes de l’Ouverture : l’ouverture aux idées, ce qui n’est pas le cas de celles qui ont des scores élevés aux échelles P et C. Les sujets qui ont des résultats élevés à l’échelle P corrèlent négativement avec trois facettes de l’Ouverture : ouverture aux rêveries, aux actions, et aux valeurs et à l’une des facettes de l’Agréabilité : la confiance. Les sujets qui ont des résultats élevés à l’échelle C corrèlent négativement avec l’ouverture aux valeurs.

Les personnes qui ont des scores élevés à l’échelle I corrèlent positivement avec les facettes de la Conscience : l’ordre, le sens du devoir, l’autodiscipline, la délibération et surtout la compétence et la recherche de réussite. Par contre, ces personnes corrèlent négativement avec l’une des facettes de l’Agréabilité : la modestie1.

En somme, cette étude nous permet de conclure que la personnalité influe sur les lieux de contrôle, essentiellement sur l’échelle interne et que les échelles I, P et C entretiennent des liens avec certaines dimensions de la personnalité2.

Dhee-Perot3 et ses collaborateurs ont mené une étude en France, en 1996 auprès de sujets sains pour voir si l’anhédonie (perte de la sensibilité au plaisir) est associée à un lieu de contrôle interne.

Cette étude a inclu 132 sujets sains âgés entre 18 et 65 ans, répartis en deux groupes : hédonique et anhédonique classifié ainsi grâce à l’échelle d’anhédonie physique de Chapman (PAS) remplie par l’échantillon, qui a

1 Ibid., p. 144-145.2 ROSSIER J., RIGOZZI C., BERTHOUD S., op. cit., p. 146.3 DHEE-PEROT P., LOAS G., FERMAUX D., BOYER P., Anhédonie et lieu de contrôle chez le sujet sain : étude dans un groupe de 132 sujets «   tout venant   » , Annales Médico-Psychologiques, 1996, Volume 154 : 387-389, p. 387.

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de même complété l’échelle de Levenson contenant deux sous-échelles, l’une externe et l’autre interne.

Les résultats de cette étude ont montré que le lieu de contrôle n’est pas associé à l’anhédonie et qu’il n’y a pas de corrélation significative entre la (PAS) de Chapman et la sous échelle interne de Levenson1.

Non seulement le lieu de contrôle n’est pas associé à l’anhédonie, mais il n’est pas associé non plus à une basse estime de soi. L’étude faite par Alaphilippe2 et ses collaborateurs en France, en 1997, intitulée « estime de soi, locus de contrôle et exclusion (sociale) » confirme l’existence d’une corrélation positive entre l’estime de soi et la représentation interne du contrôle. De même, elle confirme le lien entre un locus de contrôle interne et un bon état de santé.

Comme la notion d’attribution causale est proche de la notion du lieu de contrôle, nous allons voir à quoi les sujets bipolaires attribuent leur maladie.

9- Attribution causale du trouble bipolaire

Bettina Meiser3 et ses collaborateurs ont mené une étude en Australie, en 2004, intitulée « Implications of genetic risk information in families with a high density of bipolar disorder : an explanatory study », portant sur les attitudes des familles à nombre élevé de patients bipolaires. Cette étude vise à explorer leurs attitudes préventives à entreprendre des tests génétiques et prénataux, leurs attributions causales du trouble, en particulier le degré d’attribution du trouble à une cause génétique, et l’influence de leurs attributions sur la perception stigmatisée du trouble bipolaire.

1 DHEE-PEROT P., LOAS G., FERMAUX D., BOYER P., op. cit., p. 388. 2 ALAPHILIPPE D., BERNARD C., OTTON S., Estime de soi, locus de contrôle et exclusion, Bulletin de Psychologie, 1997, Tome L, n◦ 429, 331-338, p. 335. 3 MEISER B. et al., Implications of genetic risk information in families with a high density of bipolar disorder: an explanatory study, Social Science & Medicine, 60 (2005), 109-118, p. 109.  

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L’échantillon est composé de vingt deux membres de familles à nombre élevé de patients bipolaires (deux et plus), âgés entre 31 et 71 ans. Il est formé de sept membres de famille non affectés par le trouble bipolaire et quinze membres de famille souffrant de trouble bipolaire. Ces individus ont été interviewés à propos des éléments cités ci-dessus (attitudes préventives à entreprendre, attributions causales du trouble…)1.

D’après les résultats obtenus, nous retenons que la majorité des participants est intéressée par le test génétique administré aux enfants et aux adolescents afin d’identifier les enfants à risque et les traiter précocement. Cet intérêt serait chez eux plus grand si le test donne une réponse définitive et sûre à propos de la maladie. L’intérêt accordé au test prénatal est limité parce que la majorité des participants considèrent que la vie cache une multitude d’autres risques et que le fait d’écarter le risque d’être atteint de trouble bipolaire ne fera pas la différence2.

A peu près la moitié des participants qui viennent d’une famille à nombre élevé de personnes bipolaires sont affectés dans leur décision d’avoir des enfants par peur qu’ils soient bipolaires.

A propos des attributions causales de la maladie, il y avait de la part des participants un consensus sur la grande composante génétique dans le trouble bipolaire. Par ailleurs, la majorité des participants a relevé aussi la présence d’une interaction entre les facteurs environnementaux (stress, abus en bas âge, facteurs de personnalité) et les facteurs génétiques dans l’éclosion du trouble bipolaire3.

La plupart des participants ont senti qu’une explication génétique du trouble pouvait aider les membres de la famille à diminuer le stigmate associé au trouble bipolaire et rendre le locus de contrôle du sujet - concernant sa maladie - externe. Ils ont convenu que l’explication génétique permettra au patient de ne plus se sentir impliqué personnellement et responsable de sa maladie liée à l’hérédité et permettra à ses parents de ne plus attribuer le trouble à un déficit dans la façon d’élever leur enfant.

1 Ibid., p. 112. 2 Ibid., p. 112-113. 3 MEISER B. et al.,op.cit., p. 114.

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Enfin, la plupart des individus ont confirmé que l’explication génétique du trouble n’affecte pas le stigmate attribué au trouble bipolaire dans la communauté parce que ce trouble reste une maladie mentale différente des autres maladies à caractère physiologique1.

10- Locus de contrôle des bipolaires

Dans son étude intitulée « Psychosocial functioning of adolescents with and without paediatric bipolar disorder » faite en Nouvelle Zélande en 2005, sur les adolescents qui ont un trouble bipolaire, Julia Rucklidge2

cible le fonctionnement psychosocial des adolescents qui souffrent de ce trouble.

Dans son étude, Rucklidge constitue un échantillon de 63 adolescents âgés entre 13 et 17 ans qui regroupe 24 bipolaires et 39 sujets sains. Les sujets de l’échantillon ont été interrogés sur leurs histoires personnelles concernant les traumas et les idées suicidaires grâce au test « Scheduale for Affective Disorders and Schizophrenia for School-Age Children-Present and Lifetime Version » K-SADS-PL et au test « Washington University in St. Louis Kiddie Schedule for Affective Disorders and Schizophrenia » WASH-U-KSADS.

Ils ont de même complété des questionnaires se rapportant aux événements de vie négatifs « The Life Events Checklist LEC », à l’estime de soi « Rosenberg Self-esteem Scale RSE », au désespoir « Hoplessness Scale for Children », à la régulation de la colère « Novaco Anger Scale NAS », au locus de contrôle « Nowicki-Strickland Internal-External Control Scale » et aux stratégies de coping « Adolescent Coping Scale ACS »3.

Rucklidge constate que les sujets bipolaires ont plus d’histoires de trauma et des expériences de vie négatives que les sujets contrôles. Ils ont également une faible estime de soi, plus de désespoir et une vision irrévocable des choses plus que les sujets sains. Ils ont enfin, des stratégies de coping inadaptées et pauvres, plus de difficulté à gérer leurs émotions et

1 Ibid., p. 115.2 RUCKLIDGE Julia, Psychosocial functioning of adolescents with and without paediatric bipolar disorder, Journal of Affective Disorders, 2006, 91 : 181-188, p. 181. 3 RUCKLIDGE Julia, op.cit., p. 182-183.

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leurs colères dans des situations gênantes et un locus de contrôle plus externe par rapport au groupe contrôle1.

11- Locus de contrôle et adhérence au traitement dans le trouble bipolaire

Anderson Darling2 et ses collaborateurs ont mené une étude aux Etats-Unis (Floride) en 2008 portant sur l’adhérence au traitement médicamenteux et la satisfaction de la vie dans le trouble bipolaire. Cette étude est intitulée « Bipolar Disorder: Medication Adherence and Life Contentment ».

L’échantillon de cette étude est composé de cent bipolaires euthymiques, âgés en moyenne de 42 ans. Cinquante de ces patients adhérent au traitement médicamenteux et cinquante n’y adhérent pas.

Plusieurs tests ont été utilisés pour évaluer l’adhérence au traitement médicamenteux et la satisfaction de la vie.

Le premier inventaire qui mesure les événements de vie stressants vécus la dernière année par les familles (tension intrafamiliale, économique, maladies, pertes…) est « The Family Inventory of Life Events and Changes ».

Le second  inventaire qui mesure les indicateurs de santé émotionnelle (solitude, nervosité…) et physique (maux de tête, de dos…) est « The Family Health Status Inventory ».

La troisième échelle qui mesure les comportements adaptatifs (coping) utilisés pour résoudre les difficultés, incluant des modèles adaptatifs familiaux internes (encadrement, jugement) et externes (support spirituel) est « The Family Crisis-Oriented Personal Evaluation Scale ».

Les deux derniers tests qui évaluent les facteurs internes (comportement personnel) et externes (docteurs : autres tout-puissants ; destin : chance) influançant la santé de l’individu et le degré de satisfaction

1 Ibid., p. 186. 2 DARLING Carol, OLMSTEAD Spencer, LUND Victoria, FAIRCLOUGH Jaime, Bipolar Disorder: Medication Adherence and Life Contentment, Archives of Psychiatric Nursing, 2008, Volume 22, N◦ 3, p. 113.

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de la vie à travers les expériences vécues par l’individu dans son environnement sont respectivement: « The Health Locus of Control » et « The Generalized Contentment Scale »1.

Les résultats obtenus montrent que le locus de contrôle interne de la santé influence le plus l’échelle évaluant la satisfaction de la vie « Generalized Contentment Scale ». Le coping familial vient ensuite influencer cette même échelle.

De même, d’après cette étude, le groupe de patients adhérents a moins de problèmes de santé, adopte plus des méthodes adaptatives familiales (demander un support familial), gère mieux le stress, croit plus que son comportement maîtrise son état de santé et est plus satisfait de sa vie que le groupe non adhérant2.

Nous allons tenter de présenter tous les résultats de cette étude dans le tableau suivant afin de montrer la différence sur plusieurs niveaux entre le groupe adhérent au traitement médicamenteux et le groupe non adhérent3.

CARACTERISTIQUES GROUPE ADHERENT

GROUPE NON ADHERENT

Ont reçu une explication sur leur diagnostic

80% disent avoir reçu

72% disent n’avoir pas reçu

Prennent d’autres médicaments prescrits pour d’autres maladies (cardiaques…)

- 20% en prennent

- 46 % prennent des vitamines

- N’en prennent pas du tout - 14 % prennent des vitamines

Raisons qui facilitent l’adhérence au traitement

-Se sentir mieux -Etre fonctionnel -Garder l’humeur stable -Se sentir mieux

1 DARLING Carol, OLMSTEAD Spencer, LUND Victoria, FAIRCLOUGH Jaime, op. cit., p. 116-117. 2 Ibid., p. 121. 3 Ibid., p. 117-120.

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Raisons qui empêchent l’adhérence au traitement

-L’oubli -Les effets secondaires

-Le refus de prendre des médicaments -L’oubli -Le refus d’être malade

Consommation d’alcool 74% ne consomment pas

54% ne consomment pas

Prise de drogues une fois par semaine

4% en prennent 12% en prennent

Satisfaction concernant les relations sociales

Plus satisfaits Moins satisfaits

Satisfaction concernant l’effet du médicament sur leur humeur

Plus satisfaits Moins satisfaits

Satisfaction dans la vie Plus satisfaits Moins satisfaitsStress perçu concernant la santé

Moins de stress perçu

Plus de stress perçu

L’impact du comportement sur la santé

Croient plus dans l’effort personnel

Croient plus dans le destin et la chance

Stratégies de coping utilisées -Internes -Externes (support de la part des autres)

-Internes seulement (comptent sur eux-mêmes)

Cette étude nous montre l’importance de la prise de psychotropes et son influence positive sur le bien-être psychique et physique du patient bipolaire et sur l’activation de réponses adéquates aux exigences du trouble bipolaire1.

Avant de traiter le chapitre suivant, nous allons conclure avec ce qui est venu dans l’étude menée par Alaphilippe2 et ses collaborateurs sur le locus de contrôle « on peut toutefois penser que la meilleure adaptation serait celle qui tiendrait compte au mieux des capacités effectives d’action du sujet et serait en mesure de faire la part des déterminations externes et internes ».

1 DARLING Carol, OLMSTEAD Spencer, LUND Victoria, FAIRCLOUGH Jaime, op. cit., p. 121. 2 ALAPHILIPPE D., BERNARD C., OTTON S., op. cit., p. 333.

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Après avoir défini le locus de contrôle sous ses deux aspects (externe et interne), sa place et sa relation à la personnalité nous allons envisager dans le troisième chapitre un aspect affectif influencé par le trouble bipolaire, à savoir les schémas précoces d’inadaptation et les modalités de leur présence chez les patients bipolaires.

CHAPITRE III   : SCHÉMAS PRÉCOCES D’INADAPTATION D’APRÈS YOUNG

Les schémas précoces d’inadaptation sont des thèmes dysfonctionnels concernant soi-même et ses relations avec les autres, constitués de souvenirs, d’émotions, de cognitions et de sensations corporelles.

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Ils varient d’une personne à une autre selon la personnalité de chacune d’elle. La nature des schémas varie aussi d’une pathologie à une autre1.

Notre objectif est de voir au cours de notre étude les caractéristiques de ces schémas chez les bipolaires et les différences qui peuvent exister selon chaque type I (à prédominance maniaque) et II (à prédominance dépressive).

Après l’historique du concept de schéma, nous présenterons dans ce chapitre la définition du schéma précoce d’inadaptation, les caractéristiques de la thérapie des schémas précoces d’inadaptation, les styles d’adaptation dysfonctionnels, les origines, les domaines des schémas et l’influence de l’humeur sur les schémas précoces d'inadaptation.

1- Historique du concept de schéma

Au XVIIIe siècle, apparaît la première définition opérationnelle des schémas cognitifs. Dans son livre « La critique de la raison pure » Emmanuel Kant2 était le premier à parler des noumènes et des phénomènes, en précisant la difficulté de comprendre les choses en soi par rapport à leurs apparences. Il utilise le terme « schèmes » pour désigner trois catégories mentales : le temps, l’espace et la causalité qui spécifient la forme du monde des apparences et propose l’un des premiers modèles psychologiques de traitement de l’information.

Le terme « schéma » a été utilisé dans de nombreuses disciplines soit pour désigner les schémas qui font partie de la structure du système nerveux comme l’ont fait Head, Bartlett et Piaget, soit pour signifier les schémas qui se rattachent au système personnel de croyances comme l’ont fait Adler et Beck3.

En 1918, Head4, neurologue, a utilisé ce mot pour désigner des localisations cérébrales en rapport avec la représentation de soi, telles que la notion du schéma corporel situé dans le lobe pariétal.

1 YOUNG J.E., KLOSKO J.S., Je réinvente ma vie, Editions de l’Homme, 1995, p. 15. 2 Cité par YOUNG J.E., KLOSKO J.S., WEISHAAR M.E., La thérapie des schémas, Editions De Boeck Université, Collection Carrefour des Psychothérapies, Bruxelles, 2005, p. 15-16. 3 Cité par YOUNG J.E., KLOSKO J.S., WEISHAAR M.E., op. cit., p. 15-16. 4 Ibid., p. 16.

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En 1932, Bartlett1, neuropsychologue, désigne avec les schémas cognitifs la mémoire sémantique qui englobe les significations, les concepts et les plans d’action, c'est-à-dire qui permet d’interpréter l’information et de résoudre les problèmes.

En 1964, Piaget2 dans sa théorie psychologique du développement cognitif de l’enfant rattache les schémas aux processus d’assimilation et d’accommodation responsables du développement cognitif. Dans l’assimilation, on intègre les données de l’expérience dans les schémas et dans l’accommodation, on modifie les schémas en fonction des données extérieures.

En 1929, le psychothérapeute Alfred Adler3 dans son livre « La science de la vie » utilise le terme « schéma d’aperception » pour signifier la vision qu’a chacun de nous de soi et du monde.

En 1967, Aaron Beck4, psychiatre de formation, fondateur de l’approche cognitive, utilise ce concept pour parler des schémas comme représentant des interprétations personnelles et automatiques de la réalité.

En 1990, Young5 psychologue cognitiviste, fondateur de la thérapie intégrative centrée sur les schémas et qui a travaillé avec Aaron Beck a parlé dans ses ouvrages des schémas précoces d'inadaptation qu’il définit comme « des modèles cognitifs et émotionnels autodéfaitistes qui apparaissent très tôt dans le développement et se répètent tout le long de la vie ».

2- Définition du schéma précoce d’inadaptation et de ses caractéristiques

Young considère que les troubles de la personnalité, les troubles chroniques se rapportant aux maladies mentales et les problèmes caractériels sont imprégnés par les schémas qui sont nourris durant l’enfance et l’adolescence.

1 Ibid., p. 16. 2 Ibid., p. 16. 3 Ibid., p. 16.4 Ibid., p. 16.5 Cité par YOUNG J.E., KLOSKO J.S., WEISHAAR M.E., op. cit., p. 35.

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Dans son livre « Je réinvente ma vie » (1995), il donne une définition claire au schéma précoce d'inadaptation : « Le schéma est une disposition qui prend sa source dans l’enfance et influence toute notre vie. Il est issu de ce que nous ont fait subir notre famille ou nos jeunes amis. Nous avons été abandonnés, critiqués, surprotégés, nous avons été victimes d’abus, du rejet de notre entourage ou de privations, toutes choses qui ont entraîné des traumatismes. Au bout d’un certain temps, le schéma s’intègre étroitement à notre personnalité. Il est à la base de notre adaptation aux circonstances de la vie de tous les jours »1. 

Il met l’accent sur les expériences affectives et relationnelles vécues avec les personnes de l’entourage ayant marqué l’enfance et qui favorisent le développement des croyances fondamentales sur soi-même et le monde.

Sa définition du schéma précoce d’inadaptation peut se résumer ainsi :

- Un modèle ou un thème important et envahissant- Constitué de souvenirs, d’émotions, de cognitions et de sensations

corporelles- Concernant soi-même et ses relations avec les autres- Constitué au cours de l’enfance ou de l’adolescence- Enrichi tout au long de la vie de l’individu - Dysfonctionnel et un mécanisme autodestructeur de façon

significative

Le milieu environnant et en particulier la famille n’est pas le seul facteur qui contribue à la formation des schémas. Le tempérament qui se réfère aux traits innés, stables et héritables y participe aussi2.

Les schémas ont des caractéristiques précises à travers lesquelles nous pouvons les identifier :

- Ils ne proviennent pas uniquement des traumatismes vécus durant l’enfance, mais il y a d’autres facteurs qui favorisent leur développement. Des expériences nocives itératives vécues précocement peuvent être aussi à la base des schémas. 1 YOUNG J.E., KLOSKO J.S., op. cit., p. 15. 2 YOUNG J.E., KLOSKO J.S., op. cit., p. 37.

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- Ils luttent pour leur survie, ainsi nous nous trouvons en train de les adopter parce qu’ils ont fait pendant longtemps partie intégrante de notre vie et du fait même nous rassurent à tel point que nous y sommes soumis malgré notre reconnaissance de leur caractère autodestructeur1.

- Ils apparaissent pendant l’enfance et l’adolescence et représentent réellement les caractéristiques de l’environnement familial du sujet. Ainsi, le schéma correspond exactement à la nature de l’environnement familial dans lequel le sujet a vécu. Par exemple, si le sujet décrit sa famille comme froide et distante, cela correspond vraiment à ce qu’elle est en réalité.

- Ils affectent notre façon de percevoir les choses et de se comporter. Notre comportement devient identique dans les situations qui se ressemblent. Ces schémas marquent l’action du passé et de l’enfance sur le présent.

- Ils sont dans un processus d’autodestruction qui affecte la vie personnelle, affective, sociale et professionnelle de la personne et peuvent survenir ou se réactiver dans certaines situations de notre vie.

- Ils sont dimensionnels et peuvent être de différentes intensité et gravité. Quand le schéma est sévère, il est réactivé davantage dans plusieurs situations et les émotions qui lui sont associées sont plus négatives et laissent un impact pénible sur la vie de l’individu.

- Ils peuvent être positifs ou négatifs, précoces ou tardifs. Les schémas positifs et tardifs sont les schémas adaptés alors que ceux qui sont négatifs et précoces sont les schémas dysfonctionnels et inadaptés2.

- Ils peuvent être conditionnels ou inconditionnels. Les schémas sont inconditionnels quand ils se développent précocement et deviennent des croyances de base très solides et irrationnelles. Ils sont conditionnels quand ils se développent tardivement, sont flexibles et sont à dénouement modifiable3.

1 Ibid., p. 36-37. 2 YOUNG J.E., KLOSKO J.S., WEISHAAR M.E., op. cit., p. 36-37. 3 Ibid., p. 49.

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- Les schémas conditionnels sont au nombre de cinq : l’assujettissement, l’abnégation, la recherche d’approbation et de reconnaissance, le surcontrôle émotionnel et les idéaux exigeants/la critique excessive.

- Les schémas inconditionnels sont au nombre de treize : l’abandon/l’instabilité, la méfiance/l’abus, le manque affectif, l’imperfection/la honte, l’isolement social, la dépendance/ l’incompétence, la peur du danger ou de la maladie, le fusionnement/la personnalité atrophiée, l’échec, la négativité/le pessimisme, la punition, les droits personnels exagérés/la grandeur, et le contrôle de soi insuffisant/l’autodiscipline insuffisante1.

- Les schémas conditionnels peuvent être parfois secondaires, reliés à des schémas inconditionnels et développés comme moyen d’adaptation à ces derniers comme par exemple les idéaux exigeants ou l’abnégation en réponse à l’imperfection, l’assujettissement en réponse à l’abandon…2.

3- Origines des schémas précoces d’inadaptation

Young considère que les parents qui n’assurent pas à leur enfant durant son enfance les besoins affectifs fondamentaux essentiels à un développement sain développent chez lui des schémas inadaptés.

Le milieu familial nocif qui interagit avec le tempérament inné de l’enfant, frustre ce dernier en le privant de ses besoins.

Les cinq besoins fondamentaux sont liés à la sécurité, à l’autonomie, à la liberté d’expression de ses besoins et de ses émotions, à la spontanéité et au jeu, aux limites et à l’autocontrôle3.

Young ramène chaque groupe de schémas aux besoins fondamentaux non assumés durant l’enfance et considère que six conditions sont nécessaires à notre épanouissement personnel : la sécurité de base, les 1 Ibid., p. 50. 2 Ibid., p. 51. 3 YOUNG J.E., KLOSKO J.S., op. cit., p. 37.

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relations interpersonnelles, l’autonomie, l’estime de soi, l’expression de soi et les limites réalistes1.

Il considère que toute la vie de la personne, son raisonnement et ses actions sont influencés par les schémas ; et il ramène essentiellement au milieu familial destructeur les origines de ces schémas.

Il donne des exemples de milieux destructeurs : « L’un des parents est violent, l’autre est passif et impuissant.Les parents sont froids, distants et ont des critères de réussite élevés.Les parents se querellent sans cesse. L’enfant est écartelé entre les deux. L’un des parents est malade ou dépressif, l’autre est absent. L’enfant doit prendre en charge la famille. L’enfant s’engrène à un parent, se voit contraint à se substituer à l’autre parent.L’un des parents est phobique et surprotège l’enfant. Ce parent s’accroche à l’enfant par peur de la solitude. Les parents sont exagérément critiques. L’enfant les déçoit toujours. Les parents gâtent l’enfant. Ils n’exercent sur lui aucune discipline. L’enfant est rejeté par ses pairs, ou se sent différent des autres »2.

Les besoins affectifs fondamentaux non comblés durant l’enfance ne sont pas les seuls facteurs de risque pour le développement des schémas inadaptés. Les expériences nocives vécues précocement et le tempérament émotionnel sont eux aussi des facteurs de risque.

En ce qui concerne les expériences précoces de la vie, quatre expériences nocives influent énormément sur le développement des schémas : la frustration des besoins, la traumatisation et la victimisation, l’excès de satisfaction des besoins et l’identification sélective.

1- la frustration des besoins est vécue lorsque l’enfant est privé de la stabilité, de la compréhension et de l’amour. Cette frustration le fait souffrir de la carence affective et du sentiment d’abandon.

2- la traumatisation et la victimisation sont vécues quand l’enfant est maltraité par son environnement. Ces expériences font apparaître chez lui des schémas de méfiance et d’abus, d’imperfection et de honte ou de peur du danger ou de la maladie.

1 Ibid., p. 46. 2 Ibid., p. 38.

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3- l’excès de satisfaction des besoins se fait sentir par l’enfant lorsqu’il est gâté par ses parents et qu’il obtient tout ce qu’il demande. Les besoins assurés ne relèvent pas des besoins affectifs fondamentaux d’autonomie ou des limites, ainsi l’enfant est soit surprotégé, soit libre sans contrainte.

4- l’identification sélective avec des personnes importantes se fait par l’internalisation de certains aspects de leurs pensées, émotions, expériences et comportements. Ainsi, un enfant abusé par son père peut internaliser ses pensées et ses comportements et devenir lui-même un adulte abuseur. L’internalisation dépend du tempérament de l’individu1.

Les schémas naissent des interactions entre le tempérament émotionnel et les expériences vécues pendant l’enfance.

Chaque enfant a un tempérament émotionnel inné, stable au cours du temps, unique, d’origine biologique qui le distingue des autres enfants.

Le tempérament émotionnel est constitué d’un ensemble de dimensions. Chacun de nous tend vers un pôle de chacune de ces dimensions.

Les sept dimensions stables pour le tempérament émotionnel sont :

Emotif ↔ AréactifDysthymique ↔ OptimisteAnxieux ↔ CalmeObsessionnel ↔ DistractifPassif ↔ AgressifIrritable ↔ JovialTimide ↔ Social

Par exemple, un enfant agressif a plus de risque de susciter chez ses parents une réaction de maltraitance à son égard qu’un enfant passif et calme.

1 YOUNG J.E., KLOSKO J.S., WEISHAAR M.E., op. cit., p. 38-39.

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Un enfant timide rejeté par sa mère a plus de risque d’être affecté par le rejet de cette dernière et de s’isoler qu’un enfant sociable ; et de devenir sociable s’il est bien entouré affectivement et sécurisé par ses parents.

4- Développement des schémas selon les cinq domaine s

Cinq « domaines de schémas » ont été divisés en fonction des cinq besoins affectifs fondamentaux qui doivent être assurés à un individu.

- Le premier domaine concerne la séparation et le rejet - Le second domaine se rapporte au manque d’autonomie et de

performance- Le troisième domaine est le manque de limites.- Le quatrième domaine est l’orientation vers les autres- Le cinquième domaine est la sur-vigilance et l’inhibition

1- Le premier domaine concerne la séparation et le rejet

Ce domaine inclut cinq schémas : l’abandon/l’instabilité, la méfiance/l’abus, le manque affectif, l’imperfection/la honte et l’isolement social.

a- Le schéma d’abandon/instabilité, apparaît chez l’enfant lorsque ses parents sont instables et labiles au niveau émotionnel, peu présents auprès de l’enfant, ou lorsqu’ils l’abandonnent ou le menacent d’abandon pour quelqu'un de plus important que lui ou lorsqu’ils sont totalement absents.

L’enfant abandonné et privé de protection et de liens relationnels stables a l’impression qu’il va perdre les gens les plus proches, qu’ils vont tomber malades et mourir, qu’ils le quitteront pour quelqu’un de mieux que lui ou disparaître brusquement1.

1 YOUNG J.E., KLOSKO J.S., WEISHAAR M.E., op. cit., p. 41-42.

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Les personnes qui ont ce schéma sont constamment anxieuses et tristes parce qu’elles craignent d’être délaissées et de rester sans appui et sans protection. De même, elles peuvent déprimer suite à la perte d’un être cher1.

b- Le schéma de méfiance/abus, a pour origine des parents décrits comme étant maltraitants et abuseurs de leur enfant physiquement, verbalement ou sexuellement. Le sujet qui a ce schéma appréhende d’être humilié, blessé, abusé et maltraité. Il pense que les autres sont infidèles, malhonnêtes, vont le faire souffrir et lui faire du mal volontairement2.

De là, le sujet qui a peur d’être trahi et trompé va se méfier des autres, cacher ses pensées, ses émotions intimes et rester distant avec les autres. Il peut prévenir la maltraitance de l’autre en devenant à son tour abuseur et maltraitant ; il peut défendre les personnes abusées en attaquant les abuseurs ou bien il peut choisir la soumission et autoriser son partenaire à le maltraiter3.

c- Le schéma de manque affectif provient de parents froids et distants affectivement. Le manque d’apports affectifs c'est-à-dire d’attention, de chaleur physique (baisers, caresses) et de présence amicale ; d’empathie c'est-à-dire de compréhension, d’écoute et de possibilité de parler de soi-même et de ses sentiments ; et de protection c'est-à-dire de guidance et de conseil constitue ce schéma. Le sujet ressent que ses besoins affectifs ne seront jamais comblés et a l’impression que personne ne l’aime4.

Les personnes qui sont privées d’affection peuvent ne pas exprimer de besoins affectifs et se comporter comme s’ils n’en avaient pas besoin. Elles se soumettent ainsi au schéma et choisissent des partenaires froids qui donnent peu ou pas d’affection ou bien qui ont eux-mêmes des besoins non comblés. Elles peuvent aussi ne pas demander à leur partenaire de combler leurs besoins.

Certaines personnes peuvent éviter ce schéma en évitant les relations intimes et optant pour la solitude.

1 Ibid., p. 265. 2 Ibid., p. 42. 3 Ibid., p. 269-270. 4 YOUNG J.E., KLOSKO J.S., WEISHAAR M.E., op. cit., p. 42.

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Alors que d’autres personnes compensent ce schéma tout en étant affectivement exigeants avec leurs partenaires et leurs amis proches. Cette compensation peut se retrouver chez les sujets narcissiques privés d’affection et de limites réalistes et qui recherchent intensément la satisfaction de leurs besoins et chez les histrioniques qui se plaignent de douleurs physiques et qui deviennent collantes pour obtenir l’attention et l’affection des autres1.

d- Le schéma d’imperfection/de honte vient du rejet et des critiques des parents de leur enfant. Le sujet qui ne se sent pas apprécié et respecté manque de confiance en soi, ne se révèle pas aux autres et ressent des imperfections internes, personnelles comme la colère, l’égoïsme, la paresse ou externes comme l’aspect physique (laid, gros, maigre), la gêne sociale (réservé), ressenties en se comparant aux autres.

La croyance de base fait croître le sentiment d’être imparfait, mauvais, indigne, inférieur aux autres, incapable d’être aimé et fait ressentir la honte de soi-même et d’être découvert comme plein de défauts. Cette imperfection se fait sentir dans les relations interpersonnelles intimes et sociales2.

Les personnes qui ont ce schéma sont très sensibles à la critique. Pour s’adapter à leur schéma, elles peuvent adopter une attitude de soumission qui les rend triste. Elles peuvent ainsi permettre aux autres en général et à leur partenaire en particulier de les dévaloriser et les critiquer.

De même, elles peuvent adopter une attitude d’évitement. Le sujet qui ressent son imperfection reste distant avec les autres et évite de leur exprimer ses sentiments et ses pensées réels.

Une autre attitude peut être aussi adoptée, la compensation. Cette attitude leur engendre un sentiment de colère qui les pousse à critiquer et rejeter les autres tout en cherchant à être parfait. Les sujets narcissiques qui ont ce schéma compensent ce manque en adoptant des comportements de grandeur et d’idéaux élevés pour compenser leur sentiment d’imperfection.

1 Ibid., p. 276. 2 YOUNG J.E., KLOSKO J.S., WEISHAAR M.E., op. cit., p. 42.

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Le schéma d’imperfection est l’un des schémas principaux de la personnalité évitante3.

e- Le schéma d’isolement social provient de la coupure des parents de leur environnement social. Le sujet se sent isolé, et rejeté par les autres. Il se sent différent des autres, il se croit exclu, aliéné, marginal et limite ses relations à sa famille et aux personnes de son entourage2.

La remarque exclusive des différences entre eux et les autres et le comportement d’évitement des situations sociales et des groupes sont les comportements les plus adoptés par ces personnes. L’adaptation aux groupes s’avère être très difficile pour elles3.

2- Le second domaine se rapporte au manque d’autonomie et de performance

Ce domaine inclut quatre schémas qui sont : la dépendance/l’incompétence, la peur du danger ou de la maladie, le fusionnement/la personnalité atrophiée et l’échec.

a- La dépendance/l’incompétence donne au sujet le sentiment de ne

pas être suffisamment en sécurité pour affronter le monde extérieur et le fait croire à sa propre incapacité de faire face aux responsabilités journalières, à gérer ses problèmes, à prendre des initiatives et à se débrouiller tout seul. Cette dépendance le pousse à demander constamment de l’aide aux gens qui l’entourent : dans la prise de décisions, la gestion des finances, le travail, la résolution des problèmes…4.

Les personnes qui ont ce schéma adoptent le plus souvent un comportement de soumission à leurs proches dans la prise de décisions et un comportement d’évitement des nouveaux défis. Elles sont dans l’incapacité de gérer leurs problèmes financiers, professionnels,

3 Ibid., p. 280. 2 Ibid., p.42. 3 Ibid., p. 284. 4 YOUNG J.E., KLOSKO J.S., WEISHAAR M.E., op. cit., p. 43.

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relationnels et les nouvelles tâches de peur que quelque chose d’imprévu ne se produise et d’être incapable de le résoudre.

Rares sont les personnes qui compensent leur schéma en adoptant un comportement de « contre-dépendance » qui leur permet de développer leur confiance en soi et de se débrouiller tout seul malgré le sentiment imminent d’angoisse de ne pas pouvoir réussir leur action1.

b- La peur du danger ou de la maladie fait croire au sujet qu’une catastrophe peut surgir à n’importe quel moment. Cette crainte peut toucher les catastrophes naturelles : tremblement de terre, perdre leur fortune, ou les phobies : ascenseurs, avions… ; la santé par les maladies : sida, crise cardiaque… et les émotions par la peur de perdre la raison, le contrôle et de devenir fou2.

Ces personnes vulnérables sont anxieuses et peuvent avoir des attaques de panique dans les cas sévères de forte anxiété. En général, les personnes vulnérables évitent les situations phobiques et les endroits non sûrs. Elles n’ont pas peur de gérer les situations comme les personnes dépendantes, mais elles ont peur des situations catastrophiques.

Certaines d’entre elles peuvent compenser en agissant de manière insouciante et en utilisant des objets contraphobiques : un proche, une bouteille d’eau, un tranquillisant pour empêcher la survenue de la catastrophe3.

c- Le fusionnement ou la personnalité atrophiée rend la relation de l’individu avec un proche ou plusieurs personnes fusionnelles. Le sujet qui a ce schéma privilégie l’attachement émotionnel à un personnage parental aux dépens des relations sociales normales. Ce lien intense qui se noue entre les deux sujets leur fait croire que l’un ne peut survivre sans l’autre, et qu’il a besoin de lui et du coup il ne reste plus de limites et d’intimité entre chacun d’eux. Cette fusion peut aller jusqu’à donner au sujet un sentiment de culpabilité au cas où il garde des détails de sa vie intime sans la partager avec l’autre4.

1 Ibid., p. 287. 2 Ibid., p. 43. 3 YOUNG J.E., KLOSKO J.S., WEISHAAR M.E., op. cit., p. 292. 4 Ibid., p. 43-44.

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La personnalité atrophiée peut aller de pair ou non avec les fusionnement. C’est un sentiment de vide intérieur d’être sans identité individuelle, d’être diminué et incapable de se développer intellectuellement, socialement et émotionnellement, de tester et d’exprimer ses préférences, ses tendances et ses talents.

Ses pensées, ses comportements, ses envies, ses choix et ses décisions sont ceux de la personne à laquelle elle s’est attachée, soumise et pour laquelle elle s’est effacée. La personne diminuée peut aller même jusqu’à douter et remettre en question sa propre existence. Sa séparation d’avec l’autre peut être vécue par elle avec beaucoup de culpabilité.

Le schéma de relation fusionnelle peut se retrouver seul chez un individu indépendamment de la personnalité atrophiée. Cette dernière peut être la résultante d’autres schémas comme l’assujettissement1.

d- Le sentiment d’échec est le sentiment d’être incapable de réussir comme les autres personnes. Le sujet pense qu’il ne connaîtra jamais le succès parce qu’il croit qu’il est incompétent, stupide et inférieur aux autres2.

Le sujet peut se soumettre à son schéma, se sous-estimer et accomplir son travail à contrecoeur.

Il peut adopter l’évitement et fuir ou ajourner les tâches nouvelles et les projets professionnels.

Il peut compenser en travaillant sans arrêt et de façon perfectionniste, bien réussir, mais sentir toujours au fin fond de lui-même l’échec venir ou le poursuivre3.

3- Le troisième domaine est le manque de limites.

Ce domaine comporte deux schémas qui sont : les droits personnels exagérés/la grandeur et le contrôle de soi/l’autodiscipline insuffisants.

1 Ibid., p. 294-295. 2 YOUNG J.E., KLOSKO J.S., WEISHAAR M.E., op. cit., p. 443 Ibid., p. 297-298.

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a- Les droits personnels exagérés/la grandeur correspondent au sentiment d’avoir des droits et des privilèges particuliers par rapport aux autres. Les sujets qui ont ce schéma ont besoin de faire ou d’obtenir ce qu’ils veulent sans tenir compte des besoins des autres.

Quand ils se soumettent à leur schéma, ils deviennent incapables ou refusent de se contrôler et de respecter les règles et les normes sociales. Ils ont des difficultés à tolérer les limites, ils se croient spéciaux et uniques, ils s’imposent d’une façon agressive et égoïste, ils sont dominateurs, compétitifs, snobs, ils profitent des autres pour atteindre leurs propres buts et recherchent la supériorité aux autres et le pouvoir1.

Alors que lorsqu’ils évitent leur schéma, ils fuient les situations dans lesquelles ils sont incapables d’exceller et de dépasser les autres.

Tandis que lorsqu’ils compensent leur schéma, ils offrent des cadeaux ou font des œuvres de bienséances pour pallier à leur égoïsme2.

Les patients qui ont ce schéma et qui sont narcissiques sont fragiles et adoptent des comportements hautains et égoïstes pour cacher ou guérir les schémas de manque affectif et d’imperfection. Alors que les personnes qui ont ce schéma à « l’état pur » se trouvent être gâtés dans leur enfance, capables de tout faire sans aucune contrainte et limite.

Le sentiment de droits exagérés peut être retrouvé aussi chez des personnes ayant un schéma de dépendance associé à un schéma de droits exagérés. Ces personnes demandent à ce que l’autre réponde à leurs besoins de manger, de s’habiller, de se déplacer et ne tolèrent aucun retard ou absence à accomplir ses tâches, sinon ils se mettent en colère. C’est ce qu’on appelle la « grandeur dépendante »3.

b- Le contrôle de soi/l’autodiscipline insuffisants est un schéma qui rend l’individu incapable de s’autocontrôler face à ses émotions et ses impulsions. Le sujet est intolérant aux frustrations générées par des tâches qui supposent un accomplissement personnel. Ainsi il répond à ses désirs et

1 Ibid., p. 44-45.2 YOUNG J.E., KLOSKO J.S., WEISHAAR M.E., op. cit., p. 200. 3 Ibid., p. 302-303.

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ses envies d’une façon impulsive et évite les situations gênantes telles que la souffrance, le conflit, les responsabilités1…

Ces sujets sont incapables de se contrôler dans plusieurs domaines de leur vie personnelle et professionnelle. Ils privilégient la satisfaction des désirs à court terme plutôt qu’à long terme quelque soient les conséquences.

L’inattention, l’instabilité, l’inorganisation, la spontanéité, la désinhibition, l’incapacité à terminer une activité quotidienne, l’expression des émotions d’une façon exagérée et théâtrale sont des comportements fréquemment retrouvés2.

4- Le quatrième domaine est l’orientation vers les autres.

Les trois schémas qui font partie de ce domaine sont : l’assujettissement, l’abnégation et la recherche d’approbation et de reconnaissance.

a- Le schéma d’assujettissement empêche le sujet d’exprimer ses émotions et l’incite à retenir ses réponses émotionnelles de colère et de gêne. Il l’empêche d’exprimer ses besoins, ses envies et ses préférences et le pousse à faire passer les besoins des autres avant les siens.

Le sujet ne respecte pas ses émotions et ses besoins et les cache par peur d’être puni, critiqué ou abandonné. Il cherche en contre partie à faire plaisir aux autres non pas par amour mais par peur que les autres ne se vengent de lui ou ne le rejettent.

La frustration des sentiments de colère et le sentiment d’être pris au piège, peuvent donner lieu à un isolement affectif, une réaction de rage ou une réaction passive/agressive, des symptômes psychosomatiques et des comportements impulsifs et addictifs3.

1 Ibid., p. 45. 2 Ibid., p. 305-306.3 YOUNG J.E., KLOSKO J.S., WEISHAAR M.E., op. cit., p. 46.

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Le sujet peut se soumettre au schéma et adopter un comportement de complaisance et de soumission forcée au contrôle des autres.

De même, il peut éviter les relations et les situations dans lesquelles ses désirs s’opposent à ceux des autres.

Il peut aussi compenser en s’opposant, se comportant de façon passive/agressive ou en se rebellant1.

b- L’abnégation provient d’une empathie élevée et d’une hypersensibilité aux souffrances et aux besoins des autres. C’est une décision personnelle et volontaire, voire un désir d’aider ceux qui sont perçus comme fragiles.

Les sujets ayant ce schéma essaient d’épargner aux autres des sentiments de douleur parce que leurs propres souffrances ont été ressenties intensément2.

Ce sacrifice de soi peut induire chez l’individu des symptômes somatiques. Ces symptômes émergent soit pour attirer l’attention des autres envers soi, surtout chez celui qui a un schéma de manque affectif comme il l’est chez la plupart des sujets qui présentent un schéma d’abnégation, soit à cause du stress ressenti en se donnant aux autres. Ces personnes éprouvent du ressentiment si elles ne sont pas appréciées par leur entourage.

Le sujet qui a ce schéma peut se soumettre aux autres en les écoutant et en se consacrant à eux sans s’accorder du temps pour lui-même.

Il peut éviter les relations intimes pour ne pas se sacrifier aux autres. Il peut compenser ce schéma en décidant de ne plus rien faire aux autres qui étaient ingrats et non reconnaissants à son égard.

Ce schéma a pour origine un parent faible, malade ou dépressif. Par contre l’assujettissement provient d’un rapport de force de la part du parent envers son enfant3.

1 Ibid., p. 310. 2 YOUNG J.E., KLOSKO J.S., WEISHAAR M.E., op. cit., p. 46. 3 Ibid., p. 314-315.

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c- La recherche d’approbation et de reconnaissance correspond à un besoin d’être estimé, admiré et valorisé par les autres. Le sujet cherche à conquérir l’attention des autres, sans aucune intention de les dominer ou les contrôler. Ainsi, il s’intéresse aux apparences, à l’argent, à la concurrence, à être le meilleur et la popularité au lieu de sacrifier ses besoins et de répondre à ses penchants personnels1.

Deux catégories de personnes ayant ce schéma existent. Ceux qui recherchent juste l’approbation, l’amour et l’acceptation de la part des autres ; et ceux qui recherchent la reconnaissance, l’admiration de leurs apparences, de leur statut et les félicitations comme les sujets narcissiques.

Ces sujets n’accordent aucune importance à leur valeur personnelle et aucune attention à leurs tendances naturelles. Par contre, ils s’intéressent aux valeurs de la culture, aux avis et aux réactions des autres envers eux pour se sentir en forme et s’estimer.

Ce schéma peut être lié au schéma de manque affectif et peut apparaître pour compenser d’autres schémas comme l’imperfection, le manque affectif et l’isolement social. Ce schéma est sain chez les sujets ayant une certaine renommée et entourés de succès.

Le sujet qui a ce schéma peut se comporter de différentes façons. -Il peut se soumette à son schéma et pointer ses réussites aux autres et leur faire plaisir pour être approuvé. -Il peut éviter ceux dont l’approbation est recherchée. -Il peut compenser ce schéma et agir différemment des autres qu’il admire pour provoquer leur désapprobation2.

5- Le cinquième domaine est la sur-vigilance et l’inhibition.

Ce domaine englobe quatre schémas qui sont : la négativité/le pessimisme, le surcontrôle émotionnel, les idéaux exigeants/la critique excessive et la punition.

a- La négativité/le pessimisme suppose un problème central : la maximisation du négatif et la minimisation du positif. Les événements de vie tels que la douleur, la mort, la perte, l’échec, le conflit, la trahison, la 1 Ibid., p. 46-47. 2 YOUNG J.E., KLOSKO J.S., WEISHAAR M.E., op. cit., p. 319-320.

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culpabilité, le ressentiment, les problèmes présents, les fautes commises sont vécus dans la crainte, la tristesse, l’indécision et l’attente d’une catastrophe telle que la dégradation, la perte des biens, du contrôle, l’humiliation sociale…1.

Le sujet se soumet au schéma lorsqu’il ne remarque que le négatif et ignore le positif. Il peut adopter l’évitement en masquant ses sentiments pessimistes et sa tristesse. Rarement, il peut adopter la compensation, être optimiste à l’excès et refuser d’accepter les situations désagréables2.

Ces sujets veillent à ne pas faire des erreurs, ils ressassent et ruminent tout de façon obsessionnelle. Ils peuvent avoir ce schéma soit parce que l’un de leur parent leur a appris à être pessimiste, soit parce qu’ils ont vécus des événements durs et traumatisants dans leur enfance3.

Ce schéma peut venir combler le schéma de manque affectif : le sujet se plaint continuellement afin d’attirer l’attention des autres et d’obtenir leur affection. Ce schéma peut être aussi lié à un trouble obsessionnel-compulsif ou à un trouble dysthymique4.

b- Le surcontrôle émotionnel est centré sur l’inhibition des émotions négatives comme la colère et positives comme la joie et l’amour, des pensées, des sentiments personnels, des réactions spontanées et des impulsions. Il se fonde sur une peur de perdre le contrôle de soi et de libérer ses émotions de façon intense ou de déranger les autres et d’être désapprouvé par eux. Les personnes qui ont un contrôle émotionnel excessif ont peur des conséquences qui peuvent suivre leur action : la punition et l’abandon5.

En général, les personnes qui ont ce schéma n’aiment pas les relations proches et intimes, et sont plutôt distantes, froides, rigides, sérieuses et sévères. Leur raison les emporte sur leurs émotions ; ils évitent souvent les situations dans lesquelles les gens partagent leurs sentiments. Dans leur enfance, ils peuvent avoir expérimenté des réactions d’humiliation lorsqu’ils exprimaient leurs émotions, comme ils peuvent

1 Ibid., p. 47. 2 Ibid., p. 201. 3 YOUNG J.E., KLOSKO J.S., WEISHAAR M.E., op. cit., p. p. 47. 4 Ibid., p. 325-326. 5 Ibid., 47-48.

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avoir vécu dans une culture qui prône le contrôle de soi (culture scandinave).

Par ailleurs, les personnes qui se soumettent à leur schéma se donnent un air calme et émotionnellement terne ; et les personnes qui adoptent la compensation se comportent de façon maladroite et désinhibée1.

Ce schéma peut être retrouvé chez les sujets qui ont un trouble de personnalité obsessionnel-compulsif2.

c- Les idéaux exigeants/la critique excessive correspond à des aspirations démesurément élevées chez le sujet qui est persuadé qu’ « il faut » être perfectionniste dans son comportement ou sa performance pour ne pas être désapprouvé et intimidé.

Ces exigences élevées amènent le sujet à avoir une tension constante et à être affecté au niveau de sa vie personnelle, conjugale, professionnelle et de sa santé. L’individu pense qu’il doit rechercher le perfectionnisme, la méticulosité qu’il doit suivre les règles et les devoirs de façon rigide et vivre le temps en fonction du progrès et de la réussite3.

Les personnes ayant ce schéma refusent la moindre régression ou échec. Elles sont constamment pressées à profiter au maximum de leur temps à tel point qu’elles peuvent finir par devenir irritable et s’épuiser. Elles travaillent constamment de façon méticuleuse, intense et compétitive mais n’apprécient pas leurs succès.

Ce schéma peut être associé au schéma de recherche d’approbation et de reconnaissance. Ces schémas peuvent être retrouvés chez le sujet qui a une personnalité narcissique, chez lequel ces deux schémas sont sous-tendus par les schémas de manque affectif et d’imperfection4.

d- La punition est une attitude hétéropunitive et autopunitive de la part du sujet qui ne considère pas avoir assumé ses devoirs et ses responsabilités de façon parfaite5.

1 Ibid., p. 201. 2 Ibid., p. 331-332. 3 YOUNG J.E., KLOSKO J.S., WEISHAAR M.E., op. cit., p. 48. 4 Ibid., p. 335-336. 5 Ibid., p. 48.

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Souvent, le sujet se soumet à son schéma. Il ne tolère pas et ne pardonne pas les erreurs, n’admet pas les excuses ou les justifications et inflige à celui qui gaffe une punition sévère qui manque de pitié et de compassion.

Il peut de même éviter son schéma en garant les autres par peur d’être puni ou bien adopter la compensation en pardonnant de façon bienveillante les autres1.

Ce schéma peut être associé aux schémas d’idéaux exigeants et d’imperfection. Dans ce cas, le patient qui a ces deux schémas non seulement se sent imparfait mais s’auto-punit à la manière des personnalités borderline qui se coupent, se privent de nourriture…2

Nous avons regroupé dans le tableau ci-dessous les cinq besoins affectifs non assurés par les parents à leurs enfants avec les cinq domaines de schémas, les schémas et les attitudes des parents qui s’y rapportent.

CINQ BESOINS AFFECTIFS

NON COMBLÉS

CINQ DOMAINES

DE SCHEMAS

SCHEMAS CORRESPONDANTS

PARENTSCORRESPONDANTS

1- Sécurité 1- Séparation et rejet

- Abandon / instabilité- Méfiance / abus- Manque affectif- Imperfection / honte- Isolement social

- Instables - Maltraitants- Froids - Rejetants- Coupés du monde extérieur

2- Autonomie 2- Manque d’autonomie et de performance

- Dépendance / incompétence- Peur du danger, de la maladie (vulnérabilité)- Fusionnement /personnalité atrophiée- Echec

- Faire tout à la place de leurs enfants- Surprotection de leurs enfants- S’occuper à peine de leurs enfants

3- Limites 3- Manque de limites

- Droits personnels exagérés /grandeur

- Faibles- Trop indulgents

1 Ibid., p. 201. 2 YOUNG J.E., KLOSKO J.S., WEISHAAR M.E., op. cit., p. 339-340.

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- Contrôle de soi insuffisant /Auto-discipline insuffisante

- Incapacité d’imposer une discipline- S’estimer supérieurs aux autres

4- Expression 4-Orientation vers les autres

- Assujettissement - Abnégation- Recherche d’approbation et de reconnaissance

- Imposer une acceptationconditionnelle pour être aimé

- Imposer une réduction des besoins personnels

5- Spontanéité 5- Sur-vigilance et inhibition

- Négativité /Pessimisme- Surcontrôleémotionnel- Idéaux exigeants / Critique excessive- Punition

- Ne pas encourager le jeu, la joie et la détente- Encourager le travail, le devoir, le perfectionnisme, l’obéissance et la dissimulation des sentiments

Par l’action de la famille, des expériences précoces et du tempérament, ces schémas qui se développent jouent un rôle déterminant dans la vie de l’individu. Très tôt, l’individu développe des styles d’adaptation dysfonctionnels qui lui permettent de faire face à ces schémas.

5- Styles d’adaptation dysfonctionnels liés aux schémas

Les styles d’adaptation dysfonctionnels sont une collection de réponses d’adaptation constituées de comportements inadéquats et utilisées de façon régulière pour faire face et s’adapter à ces schémas.

Le tempérament de l’individu influence son choix du style d’adaptation : si son tempérament est agressif, il deviendra compensateur et s’il est passif il deviendra soumis. Les styles et les réponses d’adaptation peuvent varier dans le temps, de la soumission, à l’évitement, à la compensation1.

L’imitation d’un parent favorise aussi l’adoption d’un style d’adaptation donné2.

1 YOUNG J.E., KLOSKO J.S., op. cit., p. 47-48.2 YOUNG J.E., KLOSKO J.S., WEISHAAR M.E., op. cit., p. 66.

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Trois styles d’adaptation peuvent être retrouvés chez un individu confronté à une situation désagréable :

- la capitulation ou la soumission ; - la fuite ou l’évitement ;- la contre-attaque ou la compensation.

Ces styles d’adaptation permettent au sujet d’affronter la frustration et la menace que peut provoquer un schéma1.

Ces mécanismes sont activés en général de façon non consciente et sont considérés comme normaux, durant l’enfance. Ils deviennent pathologiques quand ils persistent parce qu’ils renforcent le schéma et le maintiennent.

Nous donnerons les caractéristiques essentielles de chaque style d’adaptation.

a- La soumission (ou la capitulation) consiste à prolonger l’enfance dans la vie adulte, à déformer son point de vue d’une situation donnée et à organiser sa vie de manière à reproduire les scénarios qui ont marqué son enfance, et à renforcer et maintenir actif le schéma ultérieurement.

Le sujet habitué à un contexte précis, recherche ou recrée des contextes familiers semblables à ceux dans lesquelles il a grandi. Il choisit ses partenaires et ses amis en fonction de leur potentiel destructeur (abuseur, critique…) et se comporte de façon à maintenir leur comportement. Il adopte donc un style d’adaptation d’obéissance et de dépendance2.

b- L’évitement (ou la fuite) est une réaction qui permet d’échapper aux émotions négatives comme la souffrance, la tristesse, l’anxiété et de désactiver le schéma en repoussant les pensées et les images désagréables qui lui sont associées.

Le sujet adopte un style d’adaptation de retrait émotionnel, d’évitement comportemental et se coupe des autres. 1 YOUNG J.E., KLOSKO J.S., op. cit., p. 47-48.2 YOUNG J.E., KLOSKO J.S., WEISHAAR M.E., op. cit., p. 63.

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Souvent les personnes évitantes trouvent refuge dans les conduites addictives : la drogue, la nourriture, le travail pour nier l’existence du schéma et éviter de déclencher son fonctionnement.

c- La compensation (ou la contre-attaque) est une attitude qui permet d’éviter le sentiment de vulnérabilité et de déjouer son schéma en se convainquant que la réalité réside dans son contraire.

Le sujet adopte des comportements opposés à ceux qu’ils lui ont fait subir ses parents quand il était enfant, et qu’il adoptait auparavant. S’il était abusé en bas âge, il devient un adulte abuseur ; s’il était dominé, il devient dominant ; s’il se sentait imparfait, il tente de devenir parfait à l’âge adulte.

Ce mécanisme est sain tant que les sentiments des autres sont respectés. Il devient malsain quand le sujet cherche à se montrer parfait, supérieur, unique et infaillible, camoufle ses défauts, ne se rendant pas compte de ses agissements blessants et humiliants, comme c’en est le cas pour les sujets narcissiques.

A force d’adopter ce mécanisme, les personnes narcissiques n’admettent pas d’être responsable de leurs échecs et refusent de reconnaître qu’elles commettent des erreurs et qu’elles ont des limites. Une fois qu’elles sont confrontées à une situation d’échec majeur, elles se sentent incapable de contre-attaquer, s’effondrent et dépriment1.

Les styles et les réponses d’adaptation varient d’un sujet à un autre, comme ils peuvent varier chez un même sujet.

Nous pouvons retrouver dans le tableau ci-dessous des exemples de styles d’adaptation liés à chacun des 18 schémas.

Styles d’adaptation Schémas

Exemples de soumission

Exemples d’évitement Exemples de compensation

1- Abandon / Instabilité

Choisit des partenaires et des proches qui sont non disponibles ou qui

Évite les relations intimes par peur de l’abandon

Repousse les partenaires et les proches par des

1 YOUNG J.E., KLOSKO J.S., WEISHAAR M.E., op. cit., p. 64-65.

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sont imprévisibles comportements de possession ou de contrôle

2- Méfiance / Abus

Choisit des partenaires et des proches non dignes de confiance ; est hyper vigilant et méfiant vis-à-vis des autres

Évite de s’impliquer de façon trop proche avec les autres dans sa vie personnelle et professionnelle ; ne se confie pas ; ne se révèle pas

Maltraite ou exploite les autres ; agit de façon trop confiante

3- ManqueAffectif

Choisit des partenaires et des proches froids et détachés ; décourage les autres de lui donner de l’affection

Se tient en retrait et s’isole ; évite toutes les relations intimes

Demande de façon non réaliste aux autres de combler ses besoins

4- Imperfection /Honte

Choisit des partenaires et des proches qui le critiquent ; s’autodévalue

Évite de partager des pensées et des sentiments « honteux » avec ses partenaires et ses proches de peur d’être rejeté

Se comporte de façon critique et supérieur envers les autres ; essaie de passer pour « parfait »

5- Isolement Social

Dans un groupe, se tient en périphérie ; ne participe pas pleinement

Évite de se socialiser ; passe le plus clair de son temps tout seul

Se déguise derrière un masque pour participer à un groupe, en continuant à se sentir différent et isolé

6- Dépendances

Incompétence qu’il ne demande rien à personne

Demande beaucoup trop d’aide ; fait vérifier ses décisions par les autres ; choisit des partenaires qui font tout à sa place

Procrastine devant les décisions ; évite d’agir de façon indépendante ou de prendre les responsabilités normales d’un adulte

Se montre excessivement confiant en soi, même s’il serait normal et sain de demander de l’aide aux autres

7- Peur du Danger ou de la Maladie

Se fait continuellement du souci à propos de catastrophes qui vont lui tomber dessus ; demande répétitivement aux autres de le rassurer

Évite de façon phobique les situations dangereuses

Utilise la pensée magique et les rituels compulsifs ; se comporte de façon dangereuse et insouciante

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8- Fusionnement/ Personnalité

indépendant ses prochesAtrophiée

Imite le comportement de ses proches, se tient étroitement au contact de la personne avec qui il fusionne ; ne développe pas une identité et des préférences personnelles

Évite les relations avec les gens qui favorisent l’individualité plutôt que la fusion

Se comporte de façon autonome à l’excès

9- Échec Travaille en dessous de son niveau de capacité ; à tendance à sous-estimer ses réussites par rapport à celles des autres

Évite totalement les tâches nouvelles et difficiles ; procrastine au travail ; évite de se fixer des objectifs professionnels en rapport avec son niveau de capacité

Dévalorise les réussites des autres ; se veut perfectionniste pour compenser son sentiment d’échec

10- Droits Personnels/Exagérés Dominance

A des relations interpersonnelles non réciproques ; se comporte de façon égoïste et supérieure ; ne tient pas compte des sentiments et des besoins des autres

Évite les situations où il ne peut pas exceller ou se mettre en avant

Fait des cadeaux disproportionnés ou des contributions charitables pour pallier à son égoïsme

11- Contrôlede Soi/

ou auto-disciplinéAutodisciplineInsuffisants

Accomplit de façon négligée les tâches ennuyeuses ou pénibles ; perd le contrôle de ses émotions ; mange, boit et joue de façon excessive ; consomme des drogues

Ne travaille pas ou ne va pas à l’école ; ne se fixe d’objectifs professionnels à long terme

Fait des efforts à court terme très importants pour terminer un projet ou s’autocontrôler

12- Assujettissement

Choisit des partenaires et des proches qui le dominent et le contrôlent

Évite toute les relations ; évite les situations dans lesquelles ses désirs sont différents de ceux des autres

Se comporte de façon passive agressive ou se rebelle

13- Abnégation Se comporte de façon critique envers soi-même ; en fait trop pour

Évite les relations intimes

Se met en colère si ses proches ne l’apprécient pas ou

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les autres et pas assez pour lui

n’agissent pas de façon réciproque ; décide de ne plus rien faire pour les autres

14- Recherche d’Approbation et de reconnaissance

Attire l’attention des autres sur les réussites liées à sa situation

Évite les relations avec les gens que l’on admire de peur de ne pas obtenir leur approbation

Agit manifestement pour être désapprouvé par les gens que l’on admire

15- Peur d’événements Évitables / Pessimisme

Minimise les événements positifs ; exagère ceux qui sont négatifs ; s’attend et se prépare au pire

N’espère pas trop ; ne s’attend à rien de bon

Se comporte d’une façon excessivement optimiste et positive (rare)

16- Surcontrôle Émotionnel

Donne la prépondérance à la raison et à l’ordre sur l’émotion ; agit de façon contrôlée et terne ; ne montre pas d’émotion ou de comportement spontané

Évite les activités impliquant l’expression des émotions telles que l’amour ou la peur, ou qui demandent un comportement désinhibé (danser, par exemple)

Se comporte de façon impulsive et désinhibée (parfois sous l’influence d’une substance telle que l’alcool)

17- IdéauxExigeantsCritique Excessive

Chercher à agir avec perfection ; impose des normes élevées, pour lui-même et pour les autres

Évite de prendre en charge des tâches au travail ; procrastine

Ne se préoccupe d’aucune norme ; agit avec un bas niveau de performance

18- Punition Traite les autres rudement et de façon punitive

Évite les situations où on l’évalue, pour échapper à une punition

Pardonne de façon trop indulgente, tout en étant intérieurement sévère et en colère1

6- Modes de schémas

Dans sa schéma-thérapie, Young développe et adopte aussi un concept plus large que les schémas : les modes de schémas. Les modes de 1 YOUNG J.E., KLOSKO J.S., WEISHAAR M.E., op. cit., p. 198201.

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schémas sont constitués à la fois de groupements spécifiques de schémas c'est-à-dire d’états émotionnels et de réponses d’adaptation instantanés1.

Ces modes peuvent être adaptés ou dysfonctionnels, souples ou rigides, extrêmes ou légers, reconnus ou non reconnus, activés et utilisés ou non à un moment donné. Ils peuvent être aussi normaux ou anormaux selon les individus.

Dix modes de schémas regroupés en quatre catégories ont été identifiés par Young:

1- Les modes de l’Enfant : l’Enfant  Vulnérable, l’Enfant  Coléreux, l’Enfant  Impulsif/Indiscipliné et l’Enfant  Heureux.

2- Les modes des Styles Adaptatifs Dysfonctionnels : le Soumis Obéissant, le Protecteur Détaché, le Compensateur.

3- Les modes du Parent Dysfonctionnel : le Parent Punitif, le Parent Exigeant.

4- Le mode de l’Adulte Sain.

L’Enfant Vulnérable est l’enfant qui a été sujet à l’abandon, au rejet, à l’abus et au manque d’affection.

L’Enfant Coléreux est celui qui a été privé des besoins de base physiques et émotionnels et qui devient vite furieux sans penser aux répercussions de son comportement.

L’Enfant  Impulsif/Indiscipliné est celui qui assouvit ses désirs, ses caprices et ses tendances instantanés sans penser au résultat de son action.

L’Enfant  Heureux est celui qui a reçu les besoins affectifs fondamentaux nécessaire pour un développement sain.

Le Soumis Obéissant est l’enfant passif, inactif, qui se soumet aux autres et à son schéma.

Le Protecteur Détaché est celui qui évite les émotions négatives que peut susciter un schéma, comme la douleur.

1 Ibid., p. 72-73.

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Le Compensateur contre-attaque son schéma de façon extrême et inadaptée pour lutter contre son schéma destructeur.

Le Parent Punitif est l’enfant qui joue le rôle du parent et punit « l’Enfant Coléreux » ou « l’Enfant Impulsif ».

Le Parent Exigeant est l’enfant qui se punit s’il n’assume pas ses responsabilités et ses exigences.

L’Adulte Sain est l’enfant modéré, souple et apte à changer pour le mieux. C’est ce mode qui est recherché et ciblé en thérapie1.

7- S chémas précoces d’inadaptation et changement d’humeur

L. Stopa et A. Waters2 ont effectué une étude pour mesurer l’effet de l’humeur sur les résultats du questionnaire de Young sur les schémas précoces d’inadaptation (YSQ-S).

Elles ont utilisé en plus de l’échelle de Young d’autres échelles : l’échelle de la dépression de Beck (BDI), l’échelle d’anxiété de Beck (BAI), l’échelle de la peur d’une évaluation négative de Watson et Friend (FNES) et l’échelle de l’état et des traits anxieux de Spielberger et coll. (STAI-T).

Elles ont choisi un échantillon constitué de 30 étudiants universitaires de sexes différents, âgés en moyenne de 24 ans. Elles ont fait passer ce questionnaire trois fois, à deux semaines d’intervalle, dans trois conditions différentes : humeur neutre, humeur induite triste et humeur induite gaie. L’induction des humeurs tristes et gaies a été faite à travers deux airs de musique, triste et gaie, validés dans d’autres expériences3.

Les résultats ont montré que trois schémas ont été influencés par le changement d’humeur : la carence affective, le sentiment d’imperfection et le droit personnel exagéré.

1 YOUNG J.E., KLOSKO J.S., WEISHAAR M.E., op. cit., p. 75-76.2 STOPA Lusia et WATERS Anne, The effect of mood on responses to the Young Schema Questionnaire: short form, Psychology and Psychotherapy: Theory, Research and Practice, 2005, vol. 78, p. 45-57. 3 Ibid., p. 49.

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Les scores sur la carence affective ont augmenté chez tous les sujets lors de l’induction de l’humeur triste par rapport au moment où ils avaient une humeur neutre. Les scores sur le sentiment d’imperfection ont augmenté chez tous les sujets lors de l’induction de l’humeur triste par rapport au moment où ils avaient une humeur neutre ou gaie. Les scores sur le droit personnel exagéré ont augmenté quand les sujets avaient plus une humeur gaie que quand ils avaient une humeur triste ou neutre.

Les scores sur les douze autres schémas mesurés par l’échelle de Young n’ont pas été significativement modifiés lorsque l’humeur changeait d’une passation de l’échelle à une autre1.

Les résultats montrent que le changement d’humeur affecte certains schémas précoces d’inadaptation qu’il serait intéressant d’identifier chez les patients bipolaires afin de voir s’il y a une prédominance de ces schémas ou une différence de nature entre les bipolaires qui présentent une prédominance maniaque (type I) et ceux qui présentent une prédominance dépressive (type II).

Enfin, nous signalons que le nombre de recherches récentes sur ce sujet est restreint. Le sujet qui traite des schémas précoces d’inadaptation et du changement d’humeur n’a pas été fréquemment envisagé.

8- Caractéristiques de la thérapie des schémas précoces d'inadaptation

Young est l’un des psychologues qui ont basé leur thérapie sur les schémas. Il a rejoint différentes écoles psychothérapeutiques en intégrant dans sa thérapie des techniques cognitives et béhaviorales, des techniques psychanalytiques et des techniques existentielles-humanistes. Il revient au passé pour comprendre les origines des cognitions (schémas) qui prennent selon lui racine dans l’enfance et se base sur le présent pour modifier les comportements et les pensées liées à ces cognitions (schémas), vu que ces cognitions (schémas) se répètent tout au long de la vie2.

Young considère l’être humain dans sa totalité. Il essaie de comprendre les origines et le fonctionnement des schémas, de montrer l’importance et l’influence des milieux familiaux destructeurs dans 1 STOPA Lusia et WATERS Anne, op. cit., p. 51. 2 YOUNG J.E., KLOSKO J.S., WEISHAAR M.E., op. cit., p. 12 et p. 36.

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l’apparition des schémas, et de préciser les processus thérapeutiques pour l’identification et la modification des schémas, des pensées et des comportements inadaptés1.

Dans son approche, il cible les troubles de la personnalité et leur traitement. Dans son livre « Je réinvente ma vie » (1995), il considère que le schéma est acquis pendant l’enfance suite à des expériences traumatisantes vécues dans la famille et avec les amis d’enfance, telles que l’abandon, le rejet, l’abus, les critiques. Le schéma devient ancré profondément dans la personnalité du sujet et se manifeste tout le long de la vie à travers des symptômes qui apparaissent dans la façon de penser et de se comporter : tristesse, colère, angoisse2.

Sa schéma-thérapie qui est une expansion de la thérapie comportementale et cognitive et qui cible l’origine des problèmes dans l’enfance et l’adolescence, les techniques émotionnelles, la relation thérapeutique et les styles d’adaptation dysfonctionnels est venue combler les « échecs thérapeutiques » de la thérapie comportementale et cognitive.

En effet, la thérapie comportementale et cognitive traite essentiellement les symptômes de l’axe I (c'est-à-dire les troubles cliniques), des symptômes comme par exemple le contrôle respiratoire et l’exposition aux situations anxiogènes dans l’agoraphobie et le trouble panique, et le problème dans l’ici et le maintenant ; alors que la schéma-thérapie traite les troubles de l’axe I et surtout de l’axe II (c'est-à-dire les troubles de la personnalité) tout en insistant sur les problèmes caractériels et les caractéristiques psychologiques du sujet comme les sentiments de vulnérabilité, d’incompétence, de dépendance…, qui sont plus complexes par rapport aux cas de l’axe I3.

La schéma-thérapie permet de maintenir les bénéfices thérapeutiques obtenus par la thérapie comportementale et cognitive en traitant les facteurs qui peuvent favoriser et précipiter la rechute4.

1 YOUNG J.E., KLOSKO J.S., op. cit., p. 12. 2 YOUNG J.E., KLOSKO J.S., WEISHAAR M.E., op. cit., p. 15-16. 3 Ibid., p. 32. 4 Ibid., p. 28 - 29.

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Après avoir abordé les schémas précoces d’inadaptation, les caractéristiques de la thérapie des schémas précoces d’inadaptation, les styles d’adaptation dysfonctionnels, les origines des schémas, leurs domaines et l’influence de l’humeur sur les schémas précoces d’inadaptation, nous allons développer dans le chapitre suivant un autre aspect du versant cognitif dans le fonctionnement de la personnalité à savoir : les cognitions et les modalités de leur présence dans le trouble bipolaire.

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CHAPITRE IV   : TROUBLE BIPOLAIRE ET COGNITIONS

Les cognitions sont des interprétations des expériences vécues plus ou moins conscientes, superficielles, que l’on peut saisir mais qui passent souvent inaperçues.

Elles diffèrent d’un sujet à l’autre et peuvent être positives ou négatives dépendamment du processus psychologique interne élaboré par le sujet1.

Le développement des concepts se rapportant aux cognitions a pour objectif de reconnaître leur nature dans le trouble bipolaire et de voir si les cognitions des sujets bipolaires à prédominance maniaque (type I) diffèrent de celles des sujets à prédominance dépressive (type II).

Nous allons tout d’abord présenter dans ce chapitre un aperçu sur l’historique de la pensée et définir l’approche cognitive. Par la suite, nous allons définir les pensées automatiques, les processus cognitifs, les schémas cognitifs et les modèles cognitifs du trouble bipolaire.

Enfin, nous tenterons à la fin de ce chapitre de spécifier les cognitions spécifiques au trouble bipolaire et les distorsions cognitives retrouvées durant la phase dépressive et la phase maniaque afin de voir la nature des cognitions spécifiques au trouble bipolaire et à chacun de ses deux types I (à prédominance maniaque) et II (à prédominance dépressive).

1- Aperçu historique sur la pensée

Les philosophes se sont longtemps intéressés à la pensée et au monologue intérieur. Tolstoï (écrivain russe 1828-1910) a bien décrit dans ses romans le dialogue interne que peut entretenir un individu.

1 COTTRAUX Jean, Les thérapies comportementales et cognitives, Edition Masson, Collection Médecine et Psychothérapie, Paris, 1998, p. 36-38.

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Dans Théétète, Platon accorde une place primordiale à la pensée dans sa définition de la science. Il en parle ainsi : « Quand l’esprit pense, il est simplement en train de se parler à lui-même, de se poser des questions, d’y répondre et de dire oui ou non »1.

De même, Socrate dit à Théétète, en parlant de la science et en évoquant la pensée que « l’explication rationnelle s’ajoutant à l’opinion vraie forme la science la plus parfaite ». L’explication étant la capacité d’exprimer sa pensée, de « rendre sa pensée sensible par la voix au moyen des verbes et des noms, en peignant son opinion dans le courant qui sort de la bouche, comme dans un miroir ou dans l’eau »2.

En psychologie, l’approche cognitive a fait de la pensée son point de départ parce qu’elle constitue la voie royale qui mène à l’identification des schémas les plus profonds.

2- Approche cognitive

L’approche cognitive survient au moment où l’approche comportementale a montré ses limites. L’approche comportementale qui a exclu de son domaine les processus psychiques non observables et les croyances a poussé les cognitivistes à s’intéresser à la capacité qu’a l’individu de connaître et d’interpréter les événements3.

Au début des années soixante, la thérapie cognitive a été introduite par deux thérapeutes psychanalystes à la base : Albert Ellis et Aaron Beck. La « thérapie rationnelle-émotive » de Ellis et la « thérapie cognitive » de Beck, ont vu le jour bien avant le développement de la psychologie cognitive (vers les années soixante-dix) qui, elle, s’est fondée sur des données expérimentales4.

Chacune des approches comportementale et cognitive a sa façon de traiter un même phénomène. Par exemple, pour un phénomène délirant, l’approche comportementale cible les verbalisations délirantes alors que

1 COTTRAUX Jean, Les thérapies cognitives, Edition Retz, Collection Psychologie Dynamique, Paris, 1992, p. 11. 2 http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/platon/theetetefr.htm3 BESCHE-RICHARD Chrystel, La psychopathologie cognitive, Editions PUF, Collection Psychiatrie, Paris, 2000, p. 10.4 SAMUEL-LAJEUNESSE B., MIRABEL-SARRON C., VERA L., MEHRAN F et coll., Manuel de thérapie comportementale et cognitive, Editions Dunod, Paris, 1998, p. 38.

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l’approche cognitive cible les croyances délirantes. Himadi1 et ses collaborateurs (1991) ont trouvé que lorsqu’un changement s’opère au niveau de la diminution de la fréquence ou de l’élimination des verbalisations délirantes (thérapie comportementale), la conviction dans les croyances délirantes reste la même. Ainsi, si les discours délirants peuvent être contrôlés par les techniques opérantes, ils ne peuvent pas être modifiés par la même méthode.

L’approche cognitive ne s’intéresse pas aux « comportements verbaux » comme le fait l’approche comportementale. Ce qui l’intéresse c’est la modification des pensées et des distorsions cognitives2.

L’approche cognitive considère qu’il existe entre le stimulus et la réponse des mécanismes cognitifs de codage et de stockage de l’information et qu’une distorsion au niveau de ces processus psychiques de traitement de l’information expliquerait certaines maladies mentales.

L’approche cognitive définit les fonctions cognitives comme englobant la perception, l’attention, le langage et la mémoire. Elle considère que les processus cognitifs de codage et de stockage sont adoptés de façon continue dans la vie de tous les jours et que les tâches cognitives qui se déroulent dans différents contextes nécessitent à la fois des processus automatiques inconscients (se mettant en place sans que le sujet n’en prenne conscience) et conscients, contrôlés (nécessitant les ressources attentionnelles du sujet)3.

Nous allons définir les pensées automatiques, les processus cognitifs et les schémas cognitifs tout en montrant le lien qui existe entre chacun de ces concepts.

3- Définition des pensées automatiques

1 HIMADI B., OSTEEN F., KAISER A., DANIEL K., Assessment of delusional beliefs during the modification of delusional verbalizations, Behavioral Residential Treatment, 1991, Volume 6 (5), pages 355-366 ; cités par BECK A., ALFORD B., The integrative power of cognitive therapy, The Guilford Press, New York, 1997, p. 61. 2 Ibid., p. 62. 3 BESCHE-RICHARD Chrystel, op. cit., p. 14-16.

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La pensée se traduit par un monologue intérieur entre soi-même et soi-même ou un dialogue intérieur entre soi-même et un autre imaginaire sous forme de phrases, de mots isolés, de sons, de la musique ou des images mentales.

La pensée est continuelle. Même au moment de l’endormissement, le sujet est capable de penser. Cette pensée se manifeste à travers le rêve par le défilement des images mentales à forte connotation émotionnelle.

La pensée est chargée d’émotions, elle détermine pour une grande part les émotions et ne peut être suspendue que par un effort volontaire. Elle peut aboutir à des comportements défaitistes au cas où les pensées du sujet sont pessimistes et négatives1.

Par ailleurs, la pensée se traduit selon Schwartz2, par trois types de dialogue interne : interne positif, négatif, ou de conflit.

Le discours est positif quand il correspond à 62% de pensées positives et 38% de pensées négatives. Il est « interne de conflit » quand il est fait de 50% de pensées positives et de 50% de pensées négatives. Il est négatif quand il correspond à 62% de pensées négatives et 38% de pensées positives3.

L’observation des pensées permet d’identifier graduellement les pensées automatiques. Les mots « cognition », « auto-verbalisation » et « pensée automatique » désignent tous une pensée involontaire, récurrente qui s’impose à la conscience du sujet comme certaine. Par exemple, « je n’y arriverai jamais », « elle doit me trouver bizarre », « je ne mérite pas de réussir », « personne ne m’aime »4...

Les pensées automatiques sont des interprétations des expériences vécues. Ce sont des pensées plus ou moins conscientes, superficielles, observables, que l’on peut saisir mais qui passent souvent inaperçues. Elles surviennent en général rapidement et de façon automatique, et correspondent à des événements psychologiques de courte durée. Elles 1 COTTRAUX Jean, Les thérapies cognitives, op. cit., p. 7-8. 2 SCHWARTZ R.M., « The internal dialogue: on the assymmetry between Positive and Negative Coping thoughts », Cognitive therapy and Research, 1986, volume 10, 6, p. 591-605 ; cité par COTTRAUX Jean, op. cit., p. 12. 3 COTTRAUX Jean, Les thérapies cognitives, op. cit., p. 12-13. 4 ANDRE C., LEGERON P., La peur des autres, Éditions Odile Jacob, Paris, 1998, p. 78-79.

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précèdent ou accompagnent les émotions, sont préconscientes et stockées dans la mémoire à court terme1.

Elles proviennent de ce que l’environnement peut proposer, imposer et des expériences vécues dans l’enfance ou des fois à l’âge adulte. Elles peuvent être modifiées si le sujet s’efforce à en identifier les négatives d’entre elles afin de s’en libérer et de se réaliser. Elles reposent sur des « schémas cognitifs » qui déforment les informations parvenant au psychisme du sujet2.

Beck définit les cognitions comme « des pensées spécifiques, d’une quelconque activité mentale à contenu verbal ou imagé. Ce sont non seulement des idées, des jugements, mais aussi des autocritiques et des désirs (désir de suicide par exemple) »3.

La pensée négative chez lui est fondamentale. L’interprétation d’une situation se fait par un passage privilégié de la pensée vers l’affect qu’elle détermine. Chaque thème de pensée entraîne un type d’affect spécifique que nous pouvons percevoir dans la liste suivante qu’il a établie :

- déficience personnelle humeur triste- abandon sentiment de solitude- idée d’infériorité humiliation - idée de faute culpabilité- anticipation d’un événement anxiété- reproche envers autrui colère.

Par exemple à la pensée d’un sujet que son voisin « ne l’aime plus » (parce qu’il ne l’a pas salué : pensée automatique négative tournant autour de la déficience personnelle) correspond un sentiment de tristesse (émotion négative).

Par ailleurs, pour une même situation correspond des affects différents, dépendants de la nature de la pensée personnelle de l’individu. Par exemple, un bruit qui se fait entendre dans la nuit à la maison peut correspondre à une anxiété si la pensée est « un voleur s’introduit dans ma

1 COTTRAUX Jean, Les thérapies comportementales et cognitives, op. cit., p. 36-38. 2 ANDRE C., LEGERON P., op.cit., p. 78-79.3 MIRABEL-SARRON C., RIVIERE B., Précis de thérapie cognitive, Editions Dunod, Paris, 1993, p. 16.

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maison », ou à un sentiment de tristesse si la pensée est « ma maison tombe en ruines » 1.

Pour Beck, les pensées automatiques sont :

- « Spécifiques.- Précises, pas du tout vagues.- De formation courte, sorte de phrases en style télégraphique.- Elles ne sont pas l’aboutissement d’une réflexion, d’un raisonnement ou

d’une délibération à propos d’un événement ou d’un sujet.- Ce ne sont pas des pensées enchaînées logiquement. Elles sont

brusques, autonomes.- Plausibles.- Raisonnables. - Leur validité est acceptée sans confrontation avec la réalité.- Les thèmes sont dominés par l’autocritique.- Elles apparaissent dans les circonstances qui contredisent leur contenu.

Même si l’expérience ne les valide pas, elles continuent à faire irruption dans la pensée du sujet jusqu'à la résolution de l’état dépressif.

- Répétitives.- Douloureuses.- Leur contenu est idiosyncrasique, c’est-à-dire lié intimement aux

problèmes du sujet »2.

Beck détermine deux types de pensées automatiques. L’une correspond à une réaction immédiate aux événements externes et l’autre à des ruminations, indépendantes des stimuli externes3.

De même, il spécifie trois niveaux de cognitions : automatiques, conscientes et métacognitives. Le niveau automatique est fait de « pensées automatiques » préconscientes. Le niveau conscient est fait de pensées conscientes, lucides. Alors que le niveau métacognitif est le plus haut niveau des processus de pensées. Il inclut les réponses rationnelles, réalistes, adaptatives, planifiées et permet à l’individu qui suit une thérapie de détecter les erreurs logiques (inférence arbitraire…) et le « contenu

1 MIRABEL-SARRON C., RIVIERE B., op. cit., p. 23-24. 2 Ibid., p. 34-35. 3 Ibid., p. 34.

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cognitif » (« cognitive content » : émotion, attention, mémoire, comportement)1.

Enfin, ces cognitions peuvent être affectées dans leur contenu par un raisonnement qui peut devenir erroné appelé « processus cognitif » erroné2.

4- Définition des processus cognitifs

Les processus cognitifs constituent les mécanismes de la pensée logique. C’est par leur moyen que les schémas donnent lieu à des cognitions. La distorsion des processus cognitifs rend l’information dysfonctionnelle et erronée3.

Pour Beck, les processus cognitifs sont faits « de représentations mentales et des traitements de l’information … les représentations sont des connaissances et des interprétations ; les traitements sont des inférences et des jugements orientés soit vers des activités de compréhension soit vers des décisions pratiques ».

L’interprétation des événements externes et la perception de soi dépendent des erreurs de raisonnement dont nous allons définir les plus importantes d’entre elles4.

Les principales erreurs de raisonnement sont les suivantes : l’inférence arbitraire, l’abstraction sélective, la surgénéralisation, la maximalisation et la minimisation, et la personnalisation.

- L’inférence arbitraire : il s’agit de conclusions faites sur la base d’informations qui ne sont pas réelles ou qui n’ont pas été prouvées5. Par exemple, un sujet déprimé qui est en bon terme avec sa copine, pense à la rupture de la relation entre eux et dira : « ma petite amie n’ose pas rompre et me faire de la peine »6.

- L’abstraction sélective : il s’agit de percevoir un détail négatif dans une situation donnée, de le prendre et de l’utiliser dans un autre contexte, du 1 BECK A., ALFORD B., op. cit., p. 65-66. 2 MIRABEL-SARRON C., RIVIERE B., op. cit., p. 40.3 SAMUEL-LAJEUNESSE B., MIRABEL-SARRON C., VERA L., MEHRAN F. et coll., op. cit., p. 17. 4 MIRABEL-SARRON C., RIVIERE B., op. cit., p. 40.5 COTTRAUX Jean, Les thérapies cognitives, op. cit., p. 44. 6 MIRABEL-SARRON C., RIVIERE B., op. cit., p. 41.

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fait de l’incapacité de percevoir la situation dans sa globalité1. Par exemple, une employée qui ne trouve pas un numéro de téléphone dans son carnet et le trouve le lendemain dira : « d’ailleurs je ne vois rien dans les magasins, je ne vois rien sur le marché »2.

- La surgénéralisation : il s’agit de prendre une situation et de la considérer comme une règle générale applicable à toutes les autres situations3. Par exemple, un déprimé qui a passé un mauvais week-end chez ses amis dira : « je ne me rendrai plus jamais nulle part »4.

- La maximalisation et la minimisation : il s’agit de valoriser les situations négatives et de dévaloriser les situations positives5. Un exemple de maximalisation est d’être gêné d’avoir acheté des habits qui ne conviennent pas à la couleur de sa peau. Un exemple de minimisation est de se considérer en train de cuisiner tous les jours la même chose, alors que la réalité prouve le contraire6.

- La personnalisation : il s’agit de se considérer responsable des situations négatives personnelles (échec, agressivité) qui peuvent survenir7. Par exemple, un patient déprimé dira que son épouse est restée toute la journée assise au salon parce qu’il est déprimé8.

Beck divise les erreurs logiques en erreurs paralogiques et en fautes de style. Les erreurs paralogiques comprennent la surgénéralisation, l’abstraction sélective, l’inférence arbitraire, la maximalisation, la minimisation et la personnalisation. Les fautes de style de pensée comprennent les erreurs sémantiques, la dichotomie et l’injonction volontaire9.

L’erreur sémantique est un adjectif incorrect et global que la personne s’attribue, par exemple « je suis un perdant ». Le style dichotomique consiste à aller à l’extrême dans une situation donnée ou ne rien faire, par exemple « je nettoie toute ma maison pour que cela ait un air 1 COTTRAUX Jean, op. cit., p. 44. 2 MIRABEL-SARRON C., RIVIERE B., op. cit., p. 41.3 COTTRAUX Jean, op. cit., p. 44.4 MIRABEL-SARRON C., RIVIERE B., op. cit., p. 40.5 COTTRAUX Jean, op. cit., p. 44.6 MIRABEL-SARRON C., RIVIERE B., op. cit., p. 42.7 COTTRAUX Jean, op. cit., p. 45. 8 MIRABEL-SARRON C., RIVIERE B., op. cit., p. 41.9 Ibid., p. 40.

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propre, ou je ne fais rien ». Les auto-injonctions volontaires sont des impératifs absolus « il faut, je dois », par exemple « il faut que je me lève, que je m’habille… »1.

Les pensées automatiques, ainsi affectées par les processus cognitifs sont déformées par les schémas cognitifs.

5- Définition des schémas cognitifs

Les schémas cognitifs sont des structures cognitives profondes, stables, automatiques et inconscientes. Ils résultent de l’interaction entre la vulnérabilité biologique au niveau du système nerveux central et les expériences individuelles vécues dans le passé ou les événements de vie. Ils sont rapides et stockés dans la mémoire à long terme.

Ces schémas sont des représentations stables constituées à partir des expériences passées auxquelles s’ajoutent régulièrement de nouvelles informations. Ils peuvent être activés par des situations ou des émotions analogues à celles du moment où ils ont été imprimés.

Ils déforment l’attention et la perception du sujet sur lui-même et sur son environnement et gèrent toutes les étapes du traitement de l’information des situations de la vie quotidienne: filtrage et sélection des informations nouvelles, organisation et récupération des informations stockées dans la mémoire à long terme et gestion de l’action.

Ils contiennent des règles rigides, difficiles à modifier, rarement conscients, appelées «postulats silencieux» qui apparaissent sous une forme verbale impérative, menaçante de façon implicite. Par exemple : « je dois tout contrôler dans mon travail, sinon je serai mal jugé » ; « je dois faire en sorte d’être aimé par tout le monde, sinon la vie ne vaut pas la peine d’être vécue » ; « si les autres ne m’aiment pas, alors je ne puis être heureux »2.

La présence d’un ou de plusieurs postulats semblables forment la croyance ou les croyances (ou les systèmes de croyances). La croyance englobe la vision personnelle qu’à l’individu de lui-même, des autres et du monde et constitue sa « philosophie de la vie »3.

1 MIRABEL-SARRON C., RIVIERE B., op. cit., p. 42.2 COTTRAUX Jean, op. cit., p. 42-43.

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Postulats semblables systèmes de croyances

Beck définit les schémas comme des constructions personnelles, des « théories personnelles » déterminant le fonctionnement d’autres systèmes psychologiques (émotion, comportement)1. Le terme schéma est utilisé par lui dans un sens vaste englobant « les croyances (schémas inconditionnels), les attitudes fondamentales (schémas conditionnels), les postulats fondamentaux et les règles générales de conduite » 2.

Les schémas sont des structures cognitives stables développées à partir des expériences vécues durant l’enfance et identifiées par le sujet à partir des thèmes de ses cognitions. Ils sont le produit d’une généralisation « je ne mérite pas d’être aimé » qui se manifeste comme une pensée automatique « je suis indigne »3.

Selon Beck, « les schémas peuvent être généraux ou restreints, flexibles ou rigides, actifs ou latents. Ils peuvent être personnels, familiaux, culturels, religieux, reliés au sexe, professionnels ».

Les croyances sont dysfonctionnelles lorsqu’elles sont rigides, exagérées, absolues, sans exception, et lorsqu’elles dépassent les normes sociales et religieuses admises par l’environnement social4.

Pour lui, les schémas ont de multiples fonctions : cognitive (de souvenir, d’interprétation et de mémoire) ; affective (production de sentiments) ; motivationnelle (souhaits et désirs) ; instrumentale (prépare le comportement) et de supervision (détermine le comportement).

Beck ne spécifie pas les types de croyances qui peuvent être conditionnelles (c'est-à-dire des règles plus ou moins flexibles constituées de « si … alors » : « Si je n’essaie pas de faire plaisir aux gens, ils ne m’aimeront pas ») ou inconditionnelles (c'est-à-dire des impératifs définitifs et solides « Je ne suis pas assez bien pour qu’on m’aime »).

3 COTTRAUX Jean, BLACKBURN Ivy Marie, Les thérapies cognitives des troubles de la personnalité, Edition Masson, Collection Médecine et psychothérapie, Paris, 1995, p. 16. 1 BECK A., ALFORD B., op. cit., p. 44. 2 COTTRAUX Jean, BLACKBURN Ivy Marie, op.cit., p. 54. 3 MIRABEL-SARRON C., RIVIERE B., op. cit., p. 44.4 BECK A., FREEMAN A. et coll., Cognitive therapy of personality disorders, Guilford Press, New York, 1990; cités par COTTRAUX Jean, BLACKBURN Ivy Marie, op.cit., p. 54.

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Beck considère que lorsque les schémas latents deviennent actifs et sont suractivés, ils deviennent plus rigides parce qu’ils assimilent les informations nouvelles sélectionnées et les associent à celles qui sont stockées. Devenus rigides et imperméables, les schémas envahissent et dominent la pensée, bloquent les schémas antagonistes (de valence émotionnelle opposée) et produisent les maladies mentales1.

Les schémas retrouvés dans les troubles de la personnalité (de l’axe II) sont pour Beck plus généralisés (activés dans plusieurs situations), plus continus (présents de façon continuelle), plus rigides (les pensées sont fiables et pertinentes), et plus imperméables (absolus) que les schémas retrouvés dans les autres troubles psychopathologiques (de l’axe I). Ils sont donc plus difficiles à modifier vu leur caractère cognitif stable et global.

Un embrayage cognitif « cognitive shift » peut avoir lieu lorsqu’un passage d’un schéma « si mon ami ne me montre pas d’affection cela veut dire qu’il va me quitter » (schéma conditionnel) à un autre schéma plus général s’opère « je ne suis pas quelqu’un qu’on puisse aimer » (schéma inconditionnel) et amène le sujet à passer au « mode dépressif » comme dans le cas de la dépression (axe I).

Cet embrayage peut apparaître aussi dans le passage des schémas correspondants aux troubles de la personnalité (de l’axe II) aux schémas correspondants à d’autres troubles psychopathologiques (de l’axe I). Par exemple passage du schéma de dépendance (schéma chronique de l’axe II) « j’ai besoin de quelqu’un toujours là pour m’aider » au schéma de danger « je suis seul, je vais mourir » qui peut produire une attaque de panique, une anxiété diffuse et une dépression2.

Ces schémas qui se renforcent et qui se solidifient peuvent se structurer entre eux et donner lieu à des constellations et des modes.

Les schémas qui se ressemblent par leur particularité se regroupent pour former les « constellations de schémas » qui correspondent à différents types de troubles psychopathologiques. Les constellations

1 BECK A., EMEY G., Anxiety disorders and phobias, A Cognitive Perspective, Basic Books, New York, 1985 ; cités par SAMUEL-LAJEUNESSE B., MIRABEL-SARRON C., VERA L., MEHRAN F et coll., Manuel de thérapie comportementale et cognitive, Editions Dunod, Paris, 1998, p. 48.2 COTTRAUX Jean, BLACKBURN Ivy Marie, Les thérapies cognitives des troubles de la personnalité, op. cit., p. 56-57.

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renforcées par plusieurs situations organisent l’information commune d’une façon spécifique. Elles forment les « modes de schémas » qui constituent une manière particulière de traitement de l’information1.

Les modes représentent une adaptation à la réalité admise seulement à un certain âge, mais qui persistent jusqu’à un âge où ils deviennent inadéquats. Par exemple, un mode narcissique, d’hostilité, de danger, de dépression, de dépendance (persister dans la dépendance et le besoin d’aide à l’âge adulte)2.

L’organisation hiérarchique des schémas proposée par Beck qui englobe des modèles d’organisation supérieure des schémas se résume ainsi3 :

Enfin, les schémas persistent par un processus de renforcement. Cottraux et Blackburn4 (1995) ont élaboré un modèle de traitement de l’information qui classe les cognitions et montre leur relation avec les schémas. Ce modèle est le suivant5 :

1 SAMUEL-LAJEUNESSE B., MIRABEL-SARRON C., VERA L., MEHRAN F et coll., op. cit., p. 48-49. 2 COTTRAUX Jean, BLACKBURN Ivy Marie, op.cit., p. 55-56. 3 SAMUEL-LAJEUNESSE B., MIRABEL-SARRON C., VERA L., MEHRAN F et coll., Manuel de thérapie comportementale et cognitive, Editions Dunod, Paris, 1998, p. 50. 4 SAMUEL-LAJEUNESSE B., MIRABEL-SARRON C., VERA L., MEHRAN F et coll., op. cit., p. 17. 5 Ibid., p. 17.

Mode de schémas

Constellations de schémas

(Thème dominant)

Plusieurs schémas

(Structure de base de l’organisation cognitive)

Information

Mode anxieux Mode dépressif

Trouble panique

TOC Phobie sociale

Schéma 1 Schéma 2 Schéma 3

Anxiété généralisée

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L’observation, la conscientisation et la remise en question des pensées automatiques, des processus cognitifs et des schémas cognitifs peuvent être la clé pour surmonter les affects négatifs.

6- Modèles cognitifs de la dépression et du trouble bipolaire

Dans son modèle cognitif de la dépression, Beck ramène la dépression à « un désordre de la pensée et les symptômes dépressifs à l’activation d’un schéma psychologique interne ». Un lien étroit existe entre la pensée négative du sujet déprimé et ses émotions désagréables. Les pensées dépressives provoquent des affects douloureux et perturbent l’accomplissement de l’action. L’émotion négative répétitive finit par rétroagir sur l’idée négative qu’elle confirme1. 1 MIRABEL-SARRON C., RIVIERE B., op. cit., p. 15.

Renforcement du

schémaCroyances -

Postulats

Inférences et interprétations –Erreurs logiques

Pensées automatiques -

Images mentales

Comportement

Schémas cognitifs

Constellation

Événements cognitifsProduits cognitifs

Processus cognitifs Opérations cognitives

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L’anhédonie (absence de sensation de plaisir due à la majoration des aspects négatifs) est pour Beck le style cognitif prédépressif central de l’état dépressif1.

Pour Beck, les thèmes de la pensée dépressive tournent autour de l’auto-critique de ses actions et de ses potentiels, de l’auto-dépréciation (se juger incapable de faire face aux pertes) et du sentiment de perte2.

Pour lui, les erreurs logiques les plus retrouvés chez les déprimés sont la personnalisation en premier lieu et la surgénéralisation en second lieu3.

Pour Beck les croyances rigides apprises durant l’enfance et présentes toujours à l’âge adulte déterminent un mode de pensée prédisposant à l’état dépressif. La dévalorisation par le sujet des comportements entrepris maintient le mode de pensée désadapté et ne lui permet pas de changer, de devenir adapté.

Beck considère que les troubles psychopathologiques proviennent des cognitions qu’il a classées dans la « triade cognitive ». Cette triade est constituée d’interprétations construites sur soi-même (le sujet), l’environnement (expérience) et le futur (les buts). Chaque syndrome clinique contient des interprétations spécifiques associées aux composantes de la triade cognitive4. Par exemple une mauvaise perception de soi (dévalorisation de soi) amène le sujet à craindre le monde, le percevoir comme difficile et à appréhender l’avenir5.

Beck explique les troubles mentaux par des erreurs d’interprétation et de raisonnement produits par l’activité dysfonctionnelle des schémas (trop rigides et généralisés) rendant les évaluations de soi et du monde déformées et exagérées. Ce traitement dysfonctionnel de l’information touche les activités mentales du sujet et donne naissance à des événements cognitifs ou des pensées automatiques pathogènes, à des processus

1 Ibid., p. 26. 2 Ibid., p. 35.3 Ibid., p. 42.4 BECK A., ALFORD B., op. cit., p. 16. 5 MIRABEL-SARRON C., RIVIERE B., op. cit. p. 35.

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cognitifs ou des distorsions cognitives et à un ensemble de comportements et de réactions physiologiques et émotionnelles inadaptées1.

Le modèle cognitif du traitement de l’information peut être comparé au fonctionnement d’un ordinateur. Il se résume ainsi2 :

Input Hardware Software Output (Entrée) (Mémoire centrale) (Logiciels) (Sorties : écran et imprimante)

Stimulus Schémas Processus Événements Cognitifs Cognitifs Cognitifs

Une interprétation dysfonctionnelle des situations amène le sujet à avoir des pensées automatiques négatives, qui à leur tour font émerger des émotions négatives. Cette interprétation erronée des faits (les distorsions cognitives) qui se développe durant l’enfance du sujet chargée d’événements traumatisants, est due à des schémas dysfonctionnels, qu’on appelle aussi des croyances de base irrationnelles et silencieuses3.

Beck4 et ses collaborateurs: Newman, Leahy, Reilly-Harrington, Gyulai considèrent qu’à un âge très précoce, le sujet commence à donner un sens à sa vie en formant les trois éléments de la triade cognitive : sa perception de lui-même et du monde extérieur en premier, et à un âge un peu plus avancé sa perception de l’avenir.

1 MIRABEL-SARRON C. et VERA L., op. cit., p. 74. 2 COTTRAUX Jean, op. cit., p. 52. 3 NEWMAN C.F., LEAHY R.L. BECK A.T., REILLY-HARRINGTON N.A. GYULAI L., Bipolar disorder: a cognitive therapy approach, American Psychological association, Washington DC, 2002, p. 36.4 Ibid., p. 36.

Comportements

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Ces propres perceptions et conclusions sur soi-même, sur le monde et sur l’avenir sont basiques et fondamentales parce que c’est en se référant à elles que se forment d’autres conclusions sur les expériences de vie.

Ainsi, des expériences précoces défavorables d’abandon, de carence affective, de dépendance, d’échec, d’abus par exemple conduisent l’enfant à former des conclusions négatives sur soi-même, sur le monde et sur l’avenir et à développer des schémas dysfonctionnels.

De là, la pensée consciente qui accompagne l’émotion douloureuse est le fruit d’un traitement psychologique interne. La pensée dans son contenu, reflète l’action d’un schéma cognitif. La lecture déformée des informations provient donc de schémas cognitifs2.

Le modèle cognitif de Beck (1979) du trouble bipolaire constitue une extension de la théorie cognitive du trouble unipolaire. Ce modèle a été adopté pour expliquer différents troubles mentaux comme les troubles anxieux, la schizophrénie et les troubles de la personnalité. Il se résume comme suit3 :

Expériences précoces(Critique et rejet de la part des parents)

Schémas dysfonctionnels formulés(Si je ne suis pas aimé, je serai sans valeur)

2 Ibid., p. 36.3 POWER M.-J., op. cit. p. 1106.

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Incidents critiques(Evénements de pertes…)

Activation des schémas dysfonctionnels

Pensées automatiques négatives(Je ne peux pas être aimé)

Dépression / Trouble bipolaire

Le second modèle cognitif élaboré par Lam en 1999 expliquant la dépression et la manie se base sur les attitudes dysfonctionnelles. Les attitudes dysfonctionnelles spécifiques aux bipolaires comme le « goal-attainment » ou l’auto-contrôle mènent à l’euphorie ou à la dépression. Ce modèle se résume comme suit :

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Enfin, l’identification et la modification des pensées automatiques et des schémas à travers la thérapie cognitive amène le sujet à une meilleure adaptation à la réalité1.

7- Cognitions et schémas cognitifs dans le trouble bipolaire

Les cognitions sont le résultat d’une situation qui nous donne des pensées et des émotions. Les pensées qui peuvent être négatives, positives ou de conflits varient selon l’état psychique du sujet.

Selon Schwartz2, nous retrouvons 50% de pensées positives et négatives dans les états anxieux ou les états dépressifs légers ; entre 0 et 1 POWER M.-J., op. cit. p. 1107-1108.

Attitudes dysfonctionnellesGoal attainment (auto-contrôle)

-Je dois être content tout le temps-L’individu doit réussir tout ce qu’il entreprend

BiologiquePrédisposition génétique au trouble bipolaire

Humeur Humeur euphorique ou dysphorique

ComportementLié à la manie:-Comportement élevé à risque-Pauvreté au niveau de la routineLié à la dépression :-Auto-critique pour son échec de rejoindre les standards -Rumination à propos des implications négatives des symptômes dépressifs

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31% de pensées positives dans les états dépressifs profonds et les crises d’angoisse aigues ; et entre 69% et 100% de pensées positives dans les états hypomaniaques.

L’un des thèmes cognitifs fréquemment retrouvé chez les bipolaires est le perfectionnisme. Une croyance désadaptée comme la suivante « si je ne mets pas de standards élevés, je vais être classé second » les pousse à être perfectionniste, à échouer et peut les conduire à présenter des épisodes dépressifs. Leur estime de soi n’est pas déterminée par leur amabilité et leurs qualités personnelles mais par ce qu’ils accomplissent et réalisent dans la vie1.

Les schémas dans le trouble bipolaire oscillent dans deux directions selon l’état thymique par lequel passe le sujet. Le patient bipolaire qui passe par une phase maniaque et qui manifeste des idées de grandeur, peut avoir les mêmes schémas qu’un sujet déprimé de carence affective et d’incompétence, mais qui se révèlent de façon inversée2.

Newman considère que la polarité du schéma change d’une extrême à l’autre dépendamment de l’humeur et des événements de vie par lesquels passe le sujet. Le schéma peut passer d’une croyance négative d’être non aimé du tout (dépression) à une croyance positive opposée d’être aimé par tout le monde (manie). Mais le contexte et le processus de ce changement bidirectionnel n’ont pas été expliqués par Newman pour clarifier ce passage d’un extrême à l’autre3.

Différentes études ont été menées récemment pour étudier les styles cognitifs des patients bipolaires en les comparant essentiellement aux patients unipolaires. Parmi ces études, nous développerons celle de Jones (2005), de Lam (2004), de Goldberg (2005), de Beck (2006) et de Thomas (2007).

2 SCHWARTZ R.M., « The internal dialogue: on the assymmetry between Positive and Negative Coping thoughts », Cognitive therapy and Research, 1986, volume 10, 6, p. 591-605 ; cité par COTTRAUX Jean, op. cit., p. 12-13. 1 LAM D, JONES S, BRIGHT J, HAYWARD P, Cognitive therapy for bipolar disorder: a therapist’s guide to concept, methods and practice, Edition Wiley, 2003, p. 133. 2 NEWMAN C.F., LEAHY R.L. BECK A.T., REILLY-HARRINGTON N.A. GYULAI L., Bipolar disorder: a cognitive therapy approach, American Psychological association, Washington DC, 2002, p. 39. 3 POWER M.-J., op. cit. p. 1106-1107.

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Lisa Jones1 et ses collaborateurs ont fait une étude sur les styles cognitifs dans le trouble bipolaire « Cognitive style in bipolar disorder » en 2005, à Londres, pour esquisser une comparaison entre les styles cognitifs d’un groupe contrôle sain de 268 individus et des personnes souffrantes de troubles thymiques, englobant 118 bipolaires de type I (à prédominance maniaque) et 265 unipolaires, qui sont euthymiques au moment de l’étude.

Les échelles qui ont été administrées pour les sujets des trois groupes sont : le questionnaire de Rosenberg sur l’estime de soi « SEQ », l’échelle des attitudes dysfonctionnelles « DAS » de Power, l’échelle d’Altman portant sur la manie « Altman Self-Rating Mania Scale - ASMS», l’inventaire de Beck portant sur la dépression « Beck Depression Inventory - BDI » et le questionnaire de Eysenck portant sur la personnalité « EPQ ».

Les résultats ont montré que les bipolaires de type I ont un score significativement plus élevé sur l’échelle d’Altman évaluant la manie que les unipolaires et un score non significativement élevé par rapport au groupe contrôle. Les bipolaires de type I passent plus de temps malades, sont plus hospitalisés et font des expériences psychotiques plus que les unipolaires.

Les unipolaires à dépressions récurrentes majeures et les bipolaires ont un score plus élevé sur l’inventaire de Beck « BDI » que le groupe contrôle. Par contre, les unipolaires ont un score plus élevé sur cet inventaire que les bipolaires.

Les unipolaires ont un plus bas niveau d’estime de soi par rapport aux bipolaires et au groupe contrôle. Par ailleurs, le niveau d’estime de soi des bipolaires est plus faible que celui du groupe contrôle.

Les attitudes dysfonctionnelles sont le plus élevées chez les unipolaires. Elles sont moins élevées chez les bipolaires et encore moins élevées chez le groupe contrôle. Ces attitudes dysfonctionnelles mesurent les croyances et les attitudes des sujets concernant trois facteurs : l’accomplissement comme par exemple « si je ne fais pas bien tout le temps, les gens ne vont pas me respecter », la dépendance comme par exemple « si les autres ne t’apprécient pas, tu ne peux pas être heureux » et

1 JONES Lisa, SCOTT Jan, HAQUE Sayeed et coll., Cognitive style in bipolar disorder, British Journal of Psychiatry, 2005, Volume 187, p. 431.

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l’auto-contrôle comme par exemple « je dois toujours avoir un contrôle complet sur mes sentiments » 1.

Enfin, les résultats ont montré qu’il n’existe pas de différence significative dans les styles cognitifs (estime de soi et attitudes dysfonctionnelles) des personnes bipolaires euthymiques de type I, et des unipolaires euthymiques.

La différence au niveau des styles cognitifs existe entre les personnes ayant des troubles affectifs (bipolaires et unipolaires) et le groupe contrôle (l’estime de soi étant plus faible et les attitudes dysfonctionnelles étant plus élevées chez les unipolaires et les bipolaires de type I).

Ainsi, un modèle unique, spécifique de styles cognitifs dans les troubles thymiques ne semble pas être présent2.

Lam et ses collaborateurs ont mené une étude faite en 2004, à Londres, sur les croyances dysfonctionnelles dans le trouble bipolaire, intitulée « Dysfunctional assumptions in bipolar disorder ».

Ils se sont basés sur l’échelle des attitudes dysfonctionnelles « DAS » pour voir s’il existe une différence entre les bipolaires de type I et les unipolaires.

Les échelles qui ont été administrées sont l’échelle des attitudes dysfonctionnelles « DAS - ShortVersion» de Power, l’échelle « Internal State Scale - ISS » et l’inventaire de Beck sur la dépression « BDI ».

A priori, sur l’ensemble de l’échantillon composé de 109 unipolaires et 143 bipolaires de type I, Lam et ses collaborateurs n’ont pas trouvé de différences significatives aux scores obtenus sur trois facteurs dérivés de l’échelle des attitudes dysfonctionnelles « DAS » : le « goal-attainment » ou l’auto-contrôle, la « dependency » ou la dépendance (comme par exemple «je ne suis rien si une personne que j’aime ne m’aime pas») et l’« achievement » ou l’accomplissement (comme par exemple «je dois être utile, productif ou créatif ou la vie n’a pas de but»).

1 JONES Lisa, SCOTT Jan, HAQUE Sayeed et coll., op. cit., p. 432-433. 2 Ibid., p. 435.

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Par contre, quand les sujets qui semblaient être très proches de présenter un épisode dépressif (qui avaient des scores élevés à l’échelle « Internal State Scale » qui mesure la sévérité des symptômes maniaques et dépressifs et de l’inventaire de dépression « BDI ») ont été exclus, les scores ont changé.

Les scores des sujets bipolaires euthymiques sur la sous-échelle « goal-attainment » ont été significativement plus élevés que ceux retrouvés chez les sujets unipolaires euthymiques1.

La sous-échelle « goal-attainment » comprend six items qui reflètent les croyances concernant l’atteinte et la réalisation de certains objectifs non réalistes comme par exemple : « je dois toujours avoir un contrôle complet sur mes sentiments » ; « je dois être content tout le temps » ; « je dois bien faire en tout » ; « je dois être capable de résoudre vite les problèmes ». Cette sous-échelle « goal-attainment » est corrélée de façon significative à des hospitalisations passées dues à des épisodes thymiques et à la manie2.

Dans leur article sur les cognitions dysfonctionnelles, intitulé « Content-specificity of dysfunctional cognitions for patients with bipolar mania versus unipolar depression : a preliminary study », fait en 2005, aux Etats-Unis, Goldberg3 et ses collaborateurs étudient les croyances désadaptées et les cognitions dysfonctionnelles associées à la manie chez 23 personnes bipolaires maniaques ou hypomaniaques à l’évaluation, 28 unipolaires à l’évaluation et 24 adultes sains.

Le test qui a été administré est le «Cognition Checkliste for Mania – CCL-M» qui comporte 61 items répartis sur sept sous-échelles mesurant : (l’auto-importance) self-importance, (la grandiosité interpersonnelle) interpersonal grandiosity, (la dépense inappropriée) inappropriate spending, (l’excitation et les risques pris) excitement and risk-taking, (les frustrations interpersonnelles) interpersonal frustrations, (les activités) goal-driven activity, et (le passé ou le futur attendu) past or future outlooks on life.

1 LAM D., WRIGHT K., SMITH N., Dysfunctional assumptions in bipolar disorder, Journal of Affective Disorders, 2004, Volume 79, p. 197.2 Ibid., p. 196-197. 3 GOLDBERG J., WENZE S., WELKER T., STEER R., BECK A., Content-specificity of dysfunctional cognitions for patients with bipolar mania versus unipolar depression   : a preliminary study , Bipolar Disorders, 2005, Volume 7, p. 49.

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Les résultats ont montré que les patients ayant des troubles thymiques ont plus de croyances et de cognitions désadaptées que les adultes sains.

Les scores obtenus sur les sous-échelles « excitement » et « past and future » étaient plus élevés chez les patients bipolaires (qui font au moment de l’examen un accès maniaque ou hypomaniaque) que chez les patients unipolaires (qui font au moment de l’examen un accès dépressif). La sous-échelle « frustrations » est significativement plus élevée chez les patients bipolaires et unipolaires par rapport aux sujets du groupe contrôle1.

La sous-échelle « excitement » composée de neuf items regroupe des phrases évaluant l’excitation et les comportements stressants à risque comme « la vie est ennuyeuse sans excitation » et la sous-échelle « past and future » composée de quatre items regroupe des phrases évaluant les souvenirs très positifs et les expectations comme « ma vie a été superbe ». La sous-échelle « frustrations » comprend huit items mesurant la faible tolérance à la résistance et à l’opposition comme « les autres gens sont trop lents »2.

Cette étude nous montre que les patients bipolaires, maniaques au moment de l’évaluation, présentent une dimension fondamentale de croyances et de cognitions dysfonctionnelles associées à la manie, sur les sept sous-échelles du CCL-M, par rapport aux patients unipolaires déprimés au moment de l’évaluation, et aux adultes sains3.

Beck4 et ses collaborateurs ont mené une étude sur les cognitions associées à la manie intitulée « Cognition Checklist for Mania-Revised » en 2006, aux Etats-Unis.

L’échantillon de cette étude est composé de 35 patients hospitalisés unipolaires à dépressions récurrentes, 20 patients hospitalisés schizoaffectifs (dont 11 manie et 5 dépression) et 45 patients hospitalisés

1 Ibid., p. 53. 2 Ibid., p. 51.3 GOLDBERG J., WENZE S., WELKER T., STEER R., BECK A., op. cit., p. 54.4 BECK A., COLIS M., STEER R., MADRAK L., GOLDBERG J., Cognition Checklist for Mania-Revised, Psychiatry Research, 2006, Volume 145, p. 233.

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ayant un trouble bipolaire de type I (dont 15 manie et 17 dépression). Le but de cette étude est de voir si les cognitions associées à la manie diffèrent selon la nature du dernier épisode expérimenté: un épisode maniaque, un épisode mixte ou un épisode dépressif. Au total, 26 patients hospitalisés ont présenté des accès maniaques et 57 des accès dépressifs1.

Le test central qui a été administré est le «Cognitive Checklist for Mania-Revised» (CCL-M-R) composé de 29 items et de quatre sous-échelles contenant des idées erronées et exagérées sur : soi-même (Myself), les relations aux autres (Relationships), le besoin d’excitation et l’engagement dans des situations à haut risque (Pleasure/Excitement), et l’activité (Activity).

Les résultats ont montré que les scores obtenus sur l’auto-questionnaire CCL-M-R, essentiellement sur les sous-échelles « Myself » (exemple : je suis fort – je suis le meilleur – j’ai de très bonne idée…), « Relationships » (exemple : tout le monde m’aime – ils ne me comprennent pas – les gens ne reconnaissent pas ma supériorité…) et « Activity » (exemple : j’ai suffisamment d’énergie pour faire ce que je veux – j’ai de nouveaux buts – je peux effectuer des choses plus que les autres gens) étaient plus élevés chez les patients ayant présenté des épisodes maniaques récents que chez ceux qui ont présenté des épisodes dépressifs ou mixtes2.

Cette étude nous montre que les patients hospitalisés ayant expérimenté récemment un accès maniaque ont le plus de scores élevés sur la CCL-M-R par rapport à ceux qui ont expérimenté la dépression comme dernier épisode.

Dans leur étude faite en 2007, à Londres, portant sur les styles de réponse correspondant à l’humeur dépressive, Thomas3 et ses collaborateurs ont comparé quatre groupes de personnes : 30 patients bipolaires en accès maniaque, 14 patients bipolaires en accès dépressif, 29 bipolaires en rémission et 44 adultes sains.

1 Ibid., p. 235. 2 BECK A., COLIS M., STEER R., MADRAK L., GOLDBERG J., op. cit., p. 238-239.3 THOMAS J., KNOWLES R., TAI S., BENTALL R., Response styles to depressed mood in bipolar affective disorder, Journal of Affective Disorders, 2007, Volume 100, p. 249.

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Les styles de réponse à l’humeur dépressive ont été évalués par le « Response styles questionnaire » (RSQ, revisée par Knowles en 2005) composé de 48 items mesurant les réponses comportementales et idéatives durant la phase dépressive.

Ce questionnaire comprend trois sous-échelles. La première est la « rumination » comme par exemple : quand tu te sens triste et déprimé, tu : « écoutes de la musique » ; « penses à tes échecs, tes erreurs, tes fautes ». La deuxième est l’«active coping » ou l’adaptation active comme par exemple : quand tu te sens triste et déprimé, tu : « fais quelque chose qui t’amuse » ; « fais un plan pour dépasser ton problème ». La dernière est le « risk-taking » comme par exemple quand tu te sens triste et déprimé, tu : « conduis ta voiture plus vite et avec plus d’agressivité que d’habitude » ; « fais quelque chose de risqué et de dangereux »1.

Les résultats obtenus montrent que les patients bipolaires en accès maniaque ont le plus de réponses d’adaptation active « active coping » et de prise de risque « risk-taking » que les autres groupes.

Les patients bipolaires en rémission ont le plus de réponses de rumination, suivis par les déprimés, puis les maniaques et enfin les adultes sains. Ce score élevé de rumination chez les bipolaires en rémission peut être prédictif d’un prochain accès dépressif sévère éventuel2.

En conclusion, cette étude nous permet de dire que la manie est fortement associée à des stratégies dysfonctionnelles dans la régulation des émotions négatives.

Ces études que nous venons d’aborder nous permettent de conclure qu’il n’y a pas de différences significatives au niveau des styles cognitifs des patients bipolaires et des patients unipolaires euthymiques. Les différences deviennent significatives quand les deux groupes sont en accès thymique. De là, nous pouvons conclure que les styles cognitifs dépendent de l’état thymique par lequel passe le sujet : dépression, manie ou euthymie.

Comme les styles cognitifs dépendent de l’état thymique du sujet, nous allons spécifier les distorsions cognitives qui peuvent survenir durant 1 Ibid., p. 250.2 THOMAS J., KNOWLES R., TAI S., BENTALL R., op. cit., p. 251.

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la phase dépressive et la phase maniaque.

Durant la phase dépressive, le sujet bipolaire a des idées de dévalorisation de soi, des croyances comme quoi l’environnement est très exigeant et que l’avenir est voué à l’échec. Il a des doutes et des idées d’incapacité de décider et d’entreprendre. Il appréhende les peurs ordinaires et a peur de se détruire la vie.

Les idées communes les plus retrouvées chez les patients bipolaires déprimés sont induites par la basse estime de soi : « j’étais capable de faire ça, je ne suis plus capable de gérer les choses» ; « je suis incapable de réaliser cela » ; « je ne pourrai jamais refaire cela de nouveau »1.

Par contre, durant la phase maniaque, le patient a des idées de compétence et de contrôle. Il surestime ses talents et devient très optimiste. Il perçoit le monde comme brillant et les gens trop lents, incapables de le comprendre et il trouve l’avenir encourageant et plein de promesses. Sa confiance en soi, sa créativité et son activité augmentent nettement et son travail devient accéléré.

Les pensées du patient maniaque sont trop rapides et fréquentes. Au départ le sujet choisit les plus claires et les plus convenables. Mais quand elles s’accentuent, elles deviennent confuses et le choix devient risqué faute de planification et d’estimation des conséquences négatives de son action.

L’erreur cognitive la plus fréquente est l’abstraction sélective (former avec un détail pris une opinion illogique). Par exemple, si le patient est félicité par son directeur, il peut penser qu’il peut faire un meilleur travail que lui.

Certains patients maniaques deviennent irritables, suspicieux, agités avec des idées paranoïaques. La lenteur des autres et l’incompréhension de leur point de vu les poussent à se révolter contre eux, à leur faire des remarques et à les critiquer.

A un stade avancé de l’accès, les idées de grandeur peuvent devenir délirante et atteindre la croyance en une puissance pareille à celle de Dieu

1 LAM D., JONES S., BRIGHT J., HAYWARD P., op. cit., p. 113.

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ou à être un envoyé de Dieu ; chose qui pour eux peut susciter la jalousie des gens1.

Dans son étude intitulée « Clinical Implications in the Treatment of Mania : Reducing Risk Behavior in Manic Patients », faite à New York en 2005, Leahy2 trouve que l’une des distorsions cognitives spécifique au trouble bipolaire durant la phase maniaque est la prise de risque élevée.

Il considère que la manie est caractérisée par une triade cognitive positive faite d’idées positives sur soi-même, le monde et l’avenir. Pour lui, les pensées automatiques dysfonctionnelles sont positives et les croyances concernant le risque tournent autour de : la croyance en la présence de ressources financières illimitées, en une puissance physique spéciale, en une puissance mentale spéciale, dans l’hypersexualité, l’impulsivité, l’agression, la révélation de soi (inappropriée), les comportements flamboyants, les engagements (exagérés) et la gestion du temps (mauvaise).

Leahy développe un modèle de préférence de risque « model of risk preference » dans lequel il propose certains éléments auxquels les individus se réfèrent pour prendre une décision : les ressources actuelles, la diversification, la durée, la reproduction de l’expérience, le regret, l’utilité du gain, l’inutilité de la perte, la recherche de l’information et la tolérance du risque.

Selon ce psychiatre qui est aussi cognitiviste, les déprimés utilisent un modèle de portefeuille pessimiste caractérisé par l’évitement du risque alors que les maniaques utilisent un modèle de portefeuille hyper optimiste caractérisé par l’amour du risque.

Cet amour pour la prise de risque chez les maniaques est dû selon ce modèle à un processus dysfonctionnel au niveau de la prise de décision, donc à la mauvaise estimation des ressources actuelles et futures. La perception des ressources chez les maniaques est illimitée, la perception du gain est élevée, par contre la perte est perçue comme absorbable et le regret est rejeté.

1 LAM D., JONES S., BRIGHT J., HAYWARD P., op. cit., p. 114-115. 2 LEAHY R., Clinical Implications in the Treatment of Mania : Reducing Risk Behavior in Manic Patients, Cognitive and Behavioral Practice, 2005, Volume 12, p. 89.

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L’état du portefeuille des individus déprimés, non déprimés et maniaques se résume ainsi1 :

Portefeuille Déprimé Non déprimé Maniaque

Biens disponibles Peu Quelques / plusieurs Illimité Gain potentiel futur Bas Modéré IllimitéVariation du marché Volatile Bas / prévisible Prévisibilité

certaine But assiégé Minimise la

perte Perte minimale avec le maximum de gain

Maximise le gain, indifférent à la perte

Orientation du risque Risque évité Risque neutre Risque désiréUtilité fonctionnelle du gain

Basse Modérée Très élevée

Reproduction de l’investissement

Pas / peu Plusieurs Illimitée

Durée de l’investissement

Court terme Long terme Pour toujours

Diversification du portefeuille

Basse Modérée Très élevée

Dans ce chapitre, nous avons développé l’approche cognitive, les pensées automatiques, les processus cognitifs, les schémas cognitifs, les modèles cognitifs du trouble bipolaire et tenté de spécifier les cognitions spécifiques au trouble bipolaire et les distorsions cognitives retrouvées durant la phase dépressive et la phase maniaque.

Dans le chapitre suivant, nous allons aborder un autre aspect du versant affectif qui influence à son tour le trouble bipolaire, à savoir : les attitudes parentales expérimentées précocement dans la relation du patient à son père et à sa mère.

1 LEAHY R., op. cit., p. 90.

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CHAPITRE V   : TROUBLE BIPOLAIRE ET MILIEU FAMILIAL

Le milieu familial diffère d’un foyer à l’autre ; il peut être sain comme il peut être destructeur. Le rôle que jouent le père et la mère est fondamental dans le développement de la personnalité de leurs enfants. Les relations précoces qu’ils tissent avec leurs enfants dès leur jeune âge peuvent favoriser leur épanouissement psychologique comme ils peuvent les détruire et faire émerger chez eux des troubles mentaux ou des troubles de la personnalité.

Il serait nécessaire pour notre recherche d’étudier l’influence du milieu familial selon la nature des liens tissés au sein de la famille du

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bipolaire et de préciser leur variation selon les deux types I (à prédominance maniaque) et II (à prédominance dépressive) du trouble bipolaire et de les comparer au groupe contrôle.

Notre objectif consiste tout d’abord à trouver comment se présente le milieu familial chez le patient bipolaire, sa nocivité par rapport à un milieu familial sain. Ensuite, il consiste à voir si le milieu familial chez l’un ou chez l’autre des types considérés, tout en précisant quel parent joue un rôle plus destructeur ou plus positif sur son enfant bipolaire : le père ou la mère.

Nous envisagerons donc dans ce chapitre des notions générales sur la famille et le rôle des parents. Nous définirons de même les parents sains, et les parents destructeurs avec leur profil psychologique. Nous aborderons aussi la maltraitance expérimentée par des personnes bipolaires pendant leur enfance et les caractéristiques de leur milieu familial.

1- Importance de la famille

En 1961, Françoise Dolto1, psychanalyste souligne le changement que subit la famille. Elle considère que la structure familiale traditionnelle, sécurisante et stable a perdu de sa valeur.

Dolto trouve que « les parents n’ont plus de prestige et leur autorité est ressentie comme un autoritarisme… La famille n’est plus valorisée en elle-même par les autres familles, c'est-à-dire par le reste du grand groupe ».

Cette transformation apparaît dans le changement de lieu, d’espace, de logements et l’abandon de ses racines et de ses souvenirs traditionnels, qui sont pour elle source d’instabilité dans la façon de vivre et de penser.

1 DOLTO Françoise, Les étapes majeures de l’enfance, Editions Gallimard, Collection Folio Essais, p. 58-60.

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Elle évoque aussi le rôle des médias, de la télévision et de la radio qui parasitent la famille en imposant à ses membres des fantasmes troublants et en empêchant la communication entre eux. Pour elle, l’adolescent qui cherche à adopter le style d’une star par exemple a besoin de se connaître et d’exprimer ce qu’il pense et ce qu’il ressent à ses parents.

Elle soulève donc en premier lieu la faiblesse dans la structure familiale et l’absence de communication au sein de la famille.

Dolto considère aussi que la famille est pour l’enfant une triade composée d’un père, d’une mère et d’un enfant. Chaque personne a une « loi psychologique », c'est-à-dire une idée claire concernant la triade et les caractéristiques du père et de la mère même s’il est orphelin1.

Pour l’enfant, le père représente le directeur qui « introduit l’enfant à la loi des échanges en société, échanges de comportement et échanges de puissance symbolisés par l’argent ». C’est lui qui encourage à l’évolution sociale et au respect de la loi. Par contre, la mère représente la consolatrice qui assure les soins nécessaires à l’enfant et qui assouvit ses besoins affectifs.

L’enfant a besoin de cette guidance et de cette consolation parentale pour grandir dans une atmosphère sécurisante et stable2.

Selon Dolto, l’enfant traverse deux périodes sensibles dans son enfance qui influent sur sa vie d’adulte : le sevrage et le touche-à-tout.

Le sevrage se fait entre 8 et 12 mois, progressivement et en présence de la mère. Il nécessite des échanges verbaux et gestuels portant sur les expériences de séparation et ne doit pas accompagner l’apprentissage de la propreté, qui ne vient que quand l’enfant aura atteint une maturité musculaire lui permettant de monter et de descendre seul les escaliers3.

L’enfant explore ce qui l’entoure entre 14 et 18 mois. La période du touche-à-tout ne doit pas être associée à l’image du père qui interdit, qui va gronder et punir les actions. Cette étape doit être accompagnée de mots qui apprennent à l’enfant la prudence et l’autonomie grâce à l’explication qui 1 Ibid., p. 62. 2 DOLTO Françoise, op. cit., p. 63-64. 3 Ibid., p. 64-65.

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peut lui être procurée sur le danger qu’il peut encourir en touchant à des objets dangereux. L’enfant doit être informé des lois sociales et familiales et en cas de transgression de la loi, une sanction doit être prévue par lui1.

En lui nommant les objets, lui expliquant leur utilité et lui clarifiant les règles, l’enfant ne s’oppose plus à l’adulte par des « non » systématiques, développe sa confiance en lui et son autonomie2.

Dans son livre « Avoir confiance en soi » (2000), Marie Haddou, psychologue clinicienne, ajoute à ces périodes critiques l’angoisse de séparation, et la période oedipienne.

Autour du 8ème mois, l’enfant se différencie de sa mère et appréhende un visage inconnu. L’absence de la mère ne doit pas être prolongée, doit permettre à l’enfant d’intérioriser une image d’elle sécurisante et de comprendre que la séparation est momentanée, non définitive, afin d’éviter des réactions dépressives3.

Entre trois ans et cinq ans, l’enfant s’intéresse à la sexualité, à l’origine des enfants et devient voyeuriste et exhibitionniste. Il jalouse au départ le parent du même sexe et s’identifie à lui à la fin de cette période. La liquidation du complexe d’oedipe se fait progressivement lorsque l’enfant reçoit les réponses claires, correctes et convenables pour son âge concernant la sexualité et lorsqu’il intègre l’interdit de l’inceste exprimé et exécuté par les parents. La disponibilité et la fermeté des parents lui permettent d’être sécurisé et de s’ouvrir aux autres.

Ces périodes difficiles et critiques traversées durant l’enfance sont déterminantes dans la vie de l’individu. Par ailleurs, la période de l’adolescence est aussi une période importante qui exige un échange et une relation stable et solide entre les parents et leurs enfants.4

L’adolescent subit des changements au niveau physique, psychique, moral et métaphysique. Il remet en question les valeurs familiales, se révolte contre ses parents et le système familial et se plaint de ne pas être écouté et compris. Le rôle des parents, difficile et fondamental en même

1 Ibid., p. 65-67.2 HADDOU Marie, Avoir confiance en soi, Editions J’ai Lu, Collection Psychologie, 2000, p. 190-191. 3 Ibid., p. 188-189. 4 HADDOU Marie, op. cit., p. 192-193.

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temps consiste à comprendre le paradoxe de l’adolescent (besoin d’indépendance et de dépendance), les critiques qu’il dirige contre eux et l’instabilité qui l’habite. Leur rôle consiste également à pratiquer l’autorité, à respecter son intimité et à instaurer une communication basée sur l’explication, l’offre de compromis et l’humour1.

Le rôle des parents par rapport aux besoins qu’ils doivent prodiguer à leur enfant, quelque soit la période par laquelle il passe – l’enfance ou l’adolescence – est majeur parce que la tâche qui leur est assignée est délicate et influe de façon intense sur le développement psychologique de l’enfant.

2- Parents sains et besoins affectifs fondamentaux selon Young

Dans son livre « Je réinvente ma vie » 1995, Young insiste sur le rôle fondamental de la famille dans l’épanouissement de l’enfant sur le plan psychologique. La famille représente pour lui le milieu de vie qui influence le plus l’enfant et le façonne, surtout au début de sa vie.

Pour se développer dans de bonnes conditions, s’épanouir au niveau psychologique, et ne pas développer des schémas inadaptés, l’enfant a des besoins fondamentaux qui doivent lui être procurés par ses parents dès son bas âge.

Les six domaines variés de besoins affectifs fondamentaux regroupant onze schémas sont : le besoin de sécurité, les relations interpersonnelles, l’autonomie, l’estime de soi, l’expression de soi et les limites réalistes.  

1- Le besoin de sécurité : le sentiment de sécurité est l’un des premiers besoins primaires indispensables au développement de l’enfant. Très tôt, le nouveau-né a besoin d’un milieu stable dans lequel il peut trouver des parents disponibles capables de lui assurer l’amour et la protection.

Les parents sains sont ceux qui assurent ce sentiment à leur enfant. Ils ne le menacent pas d’abandon, n’abusent pas de lui physiquement,

1 Ibid., p. 193-194.

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verbalement ou sexuellement et assurent auprès de lui une présence aussi bien quantitative que qualitative.

Comblé, le sentiment de sécurité empêche l’installation chez l’enfant du sentiment d’inquiétude et de danger d’être délaissé (par une personne proche). L’enfant sécurisé noue des relations stables et constructives avec les autres et ne développe pas les deux schémas dysfonctionnels lié à ce besoin : le schéma d’abandon et le schéma de méfiance et d’abus1.

2- Les relations interpersonnelles : ce besoin est assuré à l’enfant si ses parents et ses pairs l’entourent de chaleur, d’amour et de tendresse ; d’empathie, de compréhension et d’écoute ; de conseil et de soutien.

La première relation interpersonnelle est la relation intime qui s’établit entre les parents et leur enfant. Elle est bien établie quand les parents nouent avec leur enfant des liens affectifs stables et profonds, des liens d’amour et d’amitié.

La deuxième relation interpersonnelle est la relation sociale. Grâce à ses amis et ses connaissances, l’enfant développe un sentiment d’intégration dans la société et sent qu’il appartient à un groupe.

Les parents sains sont ceux qui sont proches et chaleureux avec leur enfant, qui participent à son intégration sociale, et font naître chez lui un sentiment d’être accepté et aimé. L’enfant comblé par ce besoin ne risque pas de développer les deux schémas suivants : le sentiment d’exclusion et la carence affective2.

3- l’autonomie : les parents sains sont ceux qui incitent leur enfant à se débrouiller tout seul dans la vie de tous les jours, à décider, à faire des choix et à être responsable de lui-même et autonome.

Ils sont moins anxieux que d’autres parents, ne surprotègent pas leur enfant et ne lui infiltrent pas des idées comme quoi le monde est dangereux et menaçant. Comblé par ce sentiment, l’enfant ne développe pas une appréhension des dangers et un besoin d’être aidé par les autres. Par contre, à fur et à mesure qu’il grandit il devient autonome, responsable, indépendant et capable de se débrouiller seul sans conseil et sans appui. 1 YOUNG J.E., KLOSKO J.S., op. cit., p. 39-40. 2 YOUNG J.E., KLOSKO J.S., op. cit., p. 40-41.

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Les parents sains qui apprennent à leur enfant l’autonomie, le protègent contre le développement de ces deux schémas désadaptés : la dépendance et la vulnérabilité1.

4- L’estime de soi : l’enfant a besoin d’être aimé, apprécié, encouragé, et accepté par les personnes qui l’entourent pour se rendre compte de sa valeur personnelle, sociale et professionnelle.

Les parents sains sont ceux qui font des compliments et qui récompensent leur enfant quand il connaît des réussites. Ils le poussent ainsi à valoriser ses capacités et ses compétences au niveau personnel et du travail, à se sentir digne d’être aimé et à ne pas avoir honte de lui-même.

Cette atmosphère saine dans laquelle baigne l’enfant, dénuée de critiques destructrices, de rejet et d’irrespect protège l’enfant de deux schémas dysfonctionnels : les sentiments d’imperfection et d’échec2.

5- L’expression de soi : l’enfant a besoin d’exprimer ses sentiments, ses pensées, ses besoins, ses opinions, ses goûts, ses désirs et son avis.

Les parents sains sont ceux qui assurent à l’enfant la liberté de s’exprimer, de jouer et de réaliser les activités qui lui font plaisir. Ils prennent en considération son opinion et ses besoins dans leurs décisions et lui donnent l’occasion de découvrir ses préférences et ses intérêts.

L’enfant est invité à donner son avis, sans être puni et/ou culpabilisé. Il est invité à jouer librement sans être intimidé et/ou prié d’étudier au lieu de jouer pour qu’il puisse réussir parfaitement en tout.

Les parents sains ne sont pas excessivement exigeants et n’ont pas des critères de réussite très élevés. Ils ne frustrent pas l’enfant et tolèrent son imperfection.

Ainsi, l’enfant n’apprend pas à se sacrifier pour faire plaisir aux autres et combler les besoins d’autrui au détriment des siens, ne déploie pas beaucoup d’effort pour réussir son travail, ne réprime pas les conduites spontanées de joie et de colère et ne refuse pas les plaisirs de la vie.

1 Ibid., p. 41-42. 2 YOUNG J.E., KLOSKO J.S., op. cit., p. 42-43.

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La liberté d’expression assurée par les parents à l’enfant le protège contre le développement de deux schémas : les sentiments d’assujettissement et d’exigences élevées1.

6- Les limites réalistes : les parents sains sont ceux qui mettent à l’enfant des contraintes raisonnables et lui apprennent à arrêter son action quand elle commence à empiéter sur les droits de l’autre.

Cet apprentissage permet à l’enfant de se maîtriser, s’auto-discipliner, ne pas être égocentrique, exigeant, impulsif et rechercher constamment le plaisir immédiat.

De même, les parents sains sont ceux qui ne tolèrent pas les excès de leur enfant, qui ne lui accordent pas une grande liberté, qui ne satisfont pas tous ses caprices, qui ne craignent pas ses rages et qui ne se soumettent pas à ses manipulations.

Cette auto-discipline prévient l’enfant d’être gâté outre mesure, d’avoir des conduites addictives, de commettre des actes illégaux et d’accuser les autres d’être à la source de ses problèmes. Elle l’empêche ainsi de développer le schéma suivant : le sentiment que tout m’est dû2.

Dans son livre « La thérapie des schémas » 2005, auquel nous nous sommes référés dans le deuxième chapitre, Young approfondit davantage son travail sur les schémas. Il développe dix-huit schémas et les regroupe en cinq « domaines de schémas » ou besoins affectifs. Il évoque le rôle des parents dans la formation des schémas et aborde en détail la schéma-thérapie, proposant différentes techniques possibles pour traiter les schémas dysfonctionnels.

Dans ce titre nous avons évoqué les caractéristiques des parents sains qui procurent à leur enfant les besoins essentiels pour son épanouissement. Dans le titre suivant, nous allons décrire les caractéristiques des parents nocifs et destructeurs pour l’enfant.

3- P arents destructeurs

1 Ibid., p. 43-44.2 YOUNG J.E., KLOSKO J.S., op. cit., p. 44-45.

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Dans son livre « Parents toxiques » (2004), Susan Forward1

psychothérapeute américaine, décrit sept types de parents qu’elle qualifie de toxiques parce qu’ils causent à leurs enfants des troubles émotionnels qui les accompagnent jusqu’à l’âge adulte et qui se répercutent sur leur vie familiale, affective et socio-professionnelle.

Les sept types de parents sont : les parents-dieux, les parents déficients, les parents dominateurs, les parents alcooliques, les parents violents verbalement, les parents portés aux violences physiques et les parents portés aux violences sexuelles.

1- Les parents-dieux constituent le premier type de parents toxiques. Ils pensent qu’ils ont le pouvoir de diriger leur enfant parce qu’ils lui ont donné la vie. Ils jugent constamment ses comportements et ses gestes, le punissent pour ce qu’il fait, détruisent son amour-propre et créent chez lui un sentiment de peur et d’impuissance.

Le besoin d’indépendance et d’affirmation de soi qui naît chez l’enfant à partir de sa deuxième et sa troisième année de vie et qui continue jusqu’à l’adolescence est vécu par les parents comme une révolte dirigée contre eux et répond de leur part par un découragement et un renforcement du sentiment d’incapacité chez l’enfant2.

Pour apaiser la révolte des parents-dieux, l’enfant se soumet à ses parents qu’il considère comme parfaits, finit par croire qu’ils ont raison et justifie leur maltraitance en s’auto-accusant d’être méchant, faible et imparfait3.

2- Les parents déficients : Forward évoque un autre type de parents toxiques dans son livre « les parents déficients ». Leur déficience réside dans l’incapacité de répondre aux besoins émotionnels et affectifs de l’enfant. Ces parents n’assurent que les besoins matériels et physiques.

Dans certains cas, ces parents non seulement ne répondent pas aux besoins fondamentaux de leur enfant tels que la protection, l’amour,

1 FORWARD Susan, Parents toxiques, Editions Marabout, Collection Psychologie, 2004, p. 5-6. 2 FORWARD Susan, op. cit., p. 28-29. 3 Ibid., p. 30.

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l’attention, et les directives d’ordre moral, mais le forcent à les prendre et à s’occuper à la fois d’eux et de lui-même1.

Les responsabilités de la vie quotidienne (ménagères, éducatives…) assurées par l’enfant à la place des parents le privent de réaliser ses besoins personnels en répondant aux besoins des autres. Ainsi l’enfant est mis dans un état d’échec continuel parce qu’il est incapable d’assumer les responsabilités des adultes2.

Dans son livre « Psychologie des violences sociales » (2003), Gustave-Nicolas Fischer3 confirme les idées de Susan Forword et distingue quatre formes de maltraitance infligés à l’enfant : les violences physiques, les violences affectives, les violences sexuelles et les négligences. En définissant les négligences, Fischer élargit le spectre des parents déficients développé par Susan Forward. Pour cet auteur, certains parents maltraitent leurs enfants en négligeant non seulement leurs besoins affectifs, mais aussi leur santé, leur éducation, et leur nourriture. Tout en étant inattentifs aux besoins de leurs enfants et n’assumant pas leur responsabilité à leurs égards, ils leur causent des dommages graves et les privent de soins indispensables pour un développement sain.

3- Les parents dominateurs : les parents toxiques sont aussi les parents dominateurs. Ce type de parents craintifs et anxieux essaye de dominer l’enfant, d’envahir sa vie et de la manipuler. Par leurs comportements, ils développent chez l’enfant un sentiment d’impuissance, de dépendance et de crainte parce qu’ils l’empêchent de découvrir, de risquer l’échec, d’agir quand il est capable de le faire4.

Ils ont peur de ne plus être utile pour l’enfant et du coup ils le dominent soit d’une façon directe et manifeste en le menaçant de ne plus lui donner ce dont il a besoin; soit ils le manipulent en l’intimidant, en le culpabilisant ou en mutilant ses émotions5.

4- Les parents alcooliques et toxicomanes sont de même des parents nocifs pour leurs enfants. L’alcoolisme d’un des parents est généralement 1 Ibid., p. 44-45. 2 Ibid., p. 48-49. 3 FISCHER Gustave- Nicolas, Psychologie des violences sociales, Editions Dunod, Collection Psycho Sup, Paris, 2003, p. 112-115. 4 FISCHER Gustave- Nicolas, op. cit., p. 63. 5 Ibid., p. 65.

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vécu par les membres de la famille dans la honte et n’est pas révélé au monde extérieur. Ainsi, l’enfant est constamment invité à cacher son vécu psychologique, sa gêne, ses pensées et ses sentiments, à dissimuler la vérité de son parent et à l’excuser. Ce mensonge régulièrement adopté baisse sa confiance en lui et le pousse à s’isoler et à limiter ses relations interpersonnelles1.

Les parents alcooliques peuvent soit entraîner l’enfant à boire comme eux2 ; soit le rendre responsable de leur abus de substance en le culpabilisant ; ou bien le valoriser pour l’énorme responsabilité qu’ils lui laissent et qu’il doit assumer à leur place3.

5- Les parents violents verbalement : un autre type de parents toxiques existe, les parents violents verbalement. Leurs enfants sont victimes d’abus verbaux directs ou indirects qui marquent leur estime de soi. Les violences verbales directes sont les humiliations, les injures, les cris et les insultes cruelles et celles qui sont indirectes sont les sarcasmes, les railleries et les surnoms dévalorisants avec lesquels ils peuvent cibler leurs aspects physique, intellectuel et moral en se cachant derrière une façade humoristique4.

Des réprimandes spécifiquement psychologiques peuvent être utilisées par les parents pour faire pression et sanctionner leurs enfants comme les menaces d’abandon, de mort, de coups, la marginalisation, la séquestration, les exigences démesurées, les interdits contradictoires ou irréalisables5.

Les parents qui adoptent ce type de comportements peuvent avoir ressenti une certaine rivalité à l’égard de leur enfant pendant son adolescence. Ils le critiquent sévèrement pour l’oppresser et le dominer6. Ces parents peuvent être perfectionnistes et critiquer leur enfant quand il ne répond pas à leurs exigences ; comme ils peuvent être alcooliques7.

1 Ibid., p. 88-89.2 Ibid., p. 98. 3 Ibid., p. 103-104. 4 FORWARD Susan, op. cit., p. 113-114. 5 ANGEL Pierre, MAZET Philippe, Guérir les souffrances familiales, Edition PUF, Paris, 2004, p. 386. 6 Ibid., p.120.7 Ibid., p.127.

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L’enfant qui subit ce type de violences affectives et psychologiques peut présenter des troubles du comportement, des problèmes sociaux, un blocage intellectuel, un sentiment de dévalorisation et un état dépressif1. Il peut devenir délinquant : mentir, faire des fugues, agresser les autres, avoir une vie relationnelle détériorée et ressentir continuellement un sentiment de tristesse et de culpabilité.

Certains enfants qui subissent des violences de l’ordre verbal ou physique résistent aux maltraitances de leurs parents grâce au phénomène de la résilience. Leur développement peut être adéquat malgré les comportements destructeurs de leurs parents2.

6- Les parents portés aux violences physiques sont de même destructeurs. Au nom de la responsabilité et de la discipline, ces parents qui sont généralement impulsifs, battent leur enfant. Leur attitude qui peut être par moment tendre et par moment sévère développe chez l’enfant une carence affective et un sentiment de rage et de colère à l’âge adulte3.

Les maltraitances physiques provoquées par l’adulte à l’égard de l’enfant sont variées. Elles peuvent être directes et aller du syndrome de l’enfant battu qui renvoie aux châtiments corporels facilement repérables tels que les plaies, les brûlures et les fractures, jusqu’à la maltraitance fœtale, la toxicomanie maternelle, le syndrome de l’enfant secoué (enfant moins d’un an) et le syndrome de Münchhausen par procuration (donner des médicaments ou des toxiques à l’enfant ou simuler une symptomatologie chez lui)4.

L’abus physique peut être aussi indirect et la violence passive comme c’est le cas pour le conjoint qui n’empêche pas le parent abuseur d’arrêter de frapper leur enfant5.

D’autres formes de violences physiques passives, appelées « sévices par omission » existent. Ces violences attaquent le corps de l’enfant indirectement et peuvent lui causer la mort ou un retard psychomoteur,

1 Ibid., p. 386. 2 TYRODE Yves, BOURCET Stéphane, L’enfance maltraitée, Collection Vivre et Comprendre, Editions Ellipses, Paris, 1999, p. 47. 3 FORWARD Susan, op. cit., p. 136-137. 4 ANGEL Pierre, MAZET Philippe, op.cit., p. 385. 5 FORWARD Susan, op. cit., p. 144-145.

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suite à un problème de malnutrition protidique et vitaminique et un problème d’hygiène corporelle1.

7- Enfin, le dernier type de parents toxiques concerne les parents qui ont une violence sexuelle. L’inceste dans la famille basé sur le contact physique ou même sur un comportement sexuel en présence de l’enfant comme l’exhibitionnisme ou la masturbation est l’un des abus les plus destructeurs2. Il développe chez l’enfant un sentiment de dégoût de lui-même, de culpabilité, de honte, de destruction au niveau émotionnel, et d’étrangeté par rapport aux autres. Un sentiment de méfiance naît vis-à-vis du parent qui était censé être protecteur3.

Devenues adultes, les personnes abusées sexuellement peuvent présenter des plaintes somatiques comme les céphalées, les conversions et l’hypocondrie4. Elles peuvent déprimer et avoir des troubles des conduites : conduites addictives (prise de drogues), conduites sociales (devenir prostituées, commettre des crimes en recherchant d’être sanctionnées par la société)5. De même, elles peuvent adopter des comportements auto et hétérodestructeurs comme le suicide et les accidents ; présenter des troubles au niveau de l’alimentation et du sommeil6 et avoir des conduites sexuelles inadaptées, semblables à celles qui sont adoptées par l’agresseur pris en estime et en exemple (c’est le syndrome de Stockholm)7.

Ruth et Kempe8 parlent de « familles abusives » dans leur livre « L’enfance torturée ». Ces familles transmettent la maltraitance de génération en génération. La réitération de la maltraitance provient du souvenir d’une enfance malheureuse et d’une mauvaise relation parents-enfant qui les accompagne et les pousse à répéter les mêmes comportements abusifs avec leurs propres enfants sans pouvoir s’accommoder pour les changer. Les parents abuseurs, abusés à leur tour par leurs parents reproduisent les mauvais traitements à leurs enfants.

1 TYRODE Yves, BOURCET Stéphane, op. cit., p. 26. 2 Ibid., p.158.3 Ibid., p. 168. 4 Ibid., p. 63. 5 TYRODE Yves, BOURCET Stéphane, op. cit., p. 182-183.6 ANGEL Pierre, MAZET Philippe, op.cit., p. 393.7 TYRODE Yves, BOURCET Stéphane, op. cit., p. 62.8 KEMPE Ruth et KEMPE Henri, L’enfance torturée, Collection Psychologie et Sciences Humaines, Editions Mardaga, Bruxelles, 1978, p.24-25.

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Le comportement violent adopté par ces parents pour répondre aux demandes et aux besoins de leur enfant résulte de leur perception erronée de ses actions : ses cris, son entêtement2…

Selon Ruth et Kempe, la responsabilité d’être parent ne consiste pas à prendre en compte les responsabilités classiques de mère ou de père vis-à-vis de l’enfant, mais à tenir compte de façon adéquate de ses besoins d’être soigné, dorloté, aimé et compris3.

Dans le livre de Marie Haddou4, « Avoir confiance en soi » (2000), nous retrouvons encore une autre description des parents toxiques. Haddou spécifie quatre attitudes parentales nocives pour l’enfant : les parents rejetants, les parents surprotecteurs, les parents idolâtres et les parents tyranniques.

1- Les parents rejetants ne tolèrent pas le caractère fragile, maladroit, infantile et ignorant de leur enfant. Ils le considèrent comme un fardeau qui les frustre et les prive de leur liberté. Ainsi, ils l’abandonnent, le délaissent et le laissent dépourvu de sécurité et de confiance en soi.

2- Les parents surprotecteurs sont excessivement anxieux. Ils considèrent leur enfant comme un être faible, dépendant et incapable de se débrouiller sans l’aide et le soutien des autres. Ils le protègent constamment de toutes les difficultés, ne le laissent prendre aucun risque ou n’entamer aucune action. Ainsi, il finit par se sentir impuissant devant la moindre difficulté et devient dépendant des autres pour réaliser la moindre tâche.

3- Les parents idolâtres admirent leur enfant, louent ses qualités, satisfont tous ses caprices et exigences. Cet enfant roi, gâté, égocentrique, n’ayant jamais ressenti une frustration ou une interdiction ressent une toute-puissance factice, qui l’empêche de s’adapter dans ses rapports avec les autres.

4- Les parents tyranniques imposent des règles qui doivent être obéies sans complaintes. Ils exigent de leur enfant de se contrôler, d’être sérieux, sage et rapide dans la réalisation de leurs ordres. Cet enfant privé

2 Ibid., p. 27. 3 Ibid., p. 30. 4 HADDOU Marie, op. cit., p. 174-176.

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de liberté dans ses activités devient anxieux et recherche de façon continuelle à plaire aux autres pour ne pas être déprécié et puni.

Même si les appellations ne sont pas les mêmes, presque toutes les descriptions de parents toxiques se ressemblent, se croisent. Par ailleurs, tous les auteurs sont incontestablement d’accord que certaines attitudes et éducations parentales ont des répercussions nuisibles sur l’élaboration de la personnalité de l’enfant et son équilibre psychique.

Ces éducations parentales déséquilibrées proviennent de parents maltraitants qui ont un profil psychologique particulier.

4- Profil psychologique des parents maltraitants

Il est difficile de déterminer un profil psychologique qui caractériserait les personnes maltraitantes.

Cependant, Manciaux1 et ses collaborateurs ont précisé dans leur livre « Enfances en dangers » (2002), des structures psychiques et des carences traumatiques pouvant expliquer la maltraitance des parents vis-à-vis de leurs enfants.

Pour eux, certaines structures psychiques, peuvent expliquer cette maltraitance : la psychopathie, la paranoïa et la perversion.

1- La psychopathie : l’impuissance de l’enfant est vécue dans l’angoisse par le psychopathe parce qu’elle ravive chez lui des moments vécus précocement d’impuissance. Elle le rend impulsif et violent avec l’enfant qu’il essaie de réduire en objet pour affirmer sa toute-puissance.

2- La paranoïa : influencé par ses idées délirantes et son sentiment de persécution, le paranoïaque est capable d’agresser, de punir violemment, 1 MANCIAUX M., GABEL M., GIRODET D., MIGNOT C., ROUYER M., Enfances en danger, Collection Psycho-pédagogie, Editions Fleurus, Paris, 2002, p. 273-277.

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d’humilier, d’abuser sexuellement et de culpabiliser ses enfants. Une forte conviction sous-tend ses comportements : incarner la loi et représenter l’autorité1.

3- La perversion : durant son enfance le pervers dénie la différence de sexes et la loi d’autorité représentée par le père. Ce déni ne lui permet pas d’intégrer la frustration et les limites de l’accès au plaisir immédiat et au désir. Ainsi, il se comporte de façon impulsive, ne se limite à aucun interdit, manipule et refuse les envies et les besoins de l’autre au profit des siens, réalise tous ses désirs tout en niant l’existence de son enfant.

L’absence de loi dans la vie du pervers se fait percevoir dans ses actes. La maltraitance qu’il adopte peut être psychologique sous forme de haine, de déni et de disqualification de l’autre, comme elle peut être plus tragique en terme d’abus sexuel, de torture, de viol et de meurtre2.

Il est important de noter que la prise d’alcool ou de drogues chez les parents ayant ces structures de personnalité peut être un facteur de risque qui augmente leur impulsivité et les pousse plus facilement à l’acte3.

De même, des expériences personnelles de carences traumatiques peuvent expliquer la maltraitance des parents vis-à-vis de leurs enfants. Ces carences sont suscitées par des événements sévères tels que la mort d’un parent, des accidents graves, des séparations qui peuvent priver l’individu de son potentiel affectif et le rendre instable et violent4.

Ces carences supposent un arrêt du développement affectif qui se manifeste par une immaturité psycho-affective, une instabilité intérieure, une dépendance vis-à-vis des autres et une absence de notions de bien et de mal. Elles peuvent s’exprimer chez le parent sous deux formes : soit par une dépendance passive, soit par un mode agressif.

- Le parent dépendant passif recherche à travers son enfant à combler l’amour dont il a été privé. Il le manifeste à travers des attouchements et des jeux sexuels qui peuvent aller jusqu’à l’inceste.

1 Ibid., p. 275-276.2 Ibid., p. 276-277. 3 MANCIAUX M., GABEL M., GIRODET D., MIGNOT C., ROUYER M., op. cit., p. 284. 4 Ibid., p. 273-274.

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- Le parent agressif est celui qui maltraite l’enfant, qui le dérange et le déçoit en l’obligeant à se soumettre à sa propre volonté et ses désirs1.

Cette maltraitance peut être retrouvée chez les parents de personnes souffrantes de troubles mentaux et en particulier chez les parents des patients bipolaires.

5- Influence de la maltraitance en bas âge sur le cours, l’évolution et les comorbidités dans le trouble bipolaire

Jessica Garno2 a mené une étude intitulée « Impact of childhood abuse on the clinical course of bipolar disorder » (2005). Cette étude porte sur l’évaluation de la prévalence et des sous-types d’abus durant l’enfance sur des patients bipolaires adultes et l’influence des abus expérimentés durant l’enfance sur le cours et l’évolution de la maladie.

Cent patients pris d’un centre académique spécialisé dans le traitement du trouble bipolaire ont été évalués et ont passé le « Structured Clinical Interview for Disorders » (SCID-IV), le « Childhood Trauma Questionnaire » (CTQ), le « Hamilton Rating Scale for Depression » (HRSD), et le « Young Mania Rating Scale » (YMRS)3.

Les résultats de cette étude ont montré que les sujets bipolaires qui ont une histoire d’abus sévère en bas âge ont un âge de début précoce de la maladie (16 ans au lieu de 22 ans) et un niveau élevé de sévérité des symptômes maniaques par rapport aux sujets qui n’ont pas une histoire pareille. La prévalence de la maltraitance durant l’enfance chez les sujets bipolaires touche la moitié des patients de l’échantillon.

De même, les résultats ont montré qu’il n’y avait pas de différence significative dans les formes de la maltraitance par rapport aux types I et II du trouble bipolaire et au sexe du sujet.

Par ailleurs, l’abus le plus fréquent est l’abus émotionnel. 37% des sujets de l’étude ont expérimenté un abus émotionnel (critiques, insultes), 24% un abus physique, 24% une négligence émotionnelle (carence

1 Ibid., p. 275. 2 GARNO Jessica, GOLDBERG Joseph, RAMIREZ Paul Michael, RITZLER Barry, Impact of childhood abuse on the clinical course of bipolar disorder, British Journal of Psychiatry, 2005, Volume 186, p. 121. 3 ? GARNO Jessica, GOLDBERG Joseph, RAMIREZ Paul Michael, RITZLER Barry, op. cit., p. 121.

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affective, sentiment de ne pas être spécial pour quelqu'un, aimé, aidé), 21% un abus sexuel et 12% une négligence physique (porter des habits sales, manger peu).

En effet, l’abus émotionnel sévère ou la négligence émotionnelle ont montré une corrélation significative avec la dépendance à une substance psychoactive; l’abus émotionnel sévère, l’abus physique ou la négligence émotionnelle ont montré une corrélation significative avec un cycle rapide de trouble bipolaire (plus de quatre épisodes par an) et l’abus émotionnel sévère ou l’abus sexuel ont montré une corrélation significative avec une tentative de suicide durant la vie du sujet1.

Carballo2 et ses collaborateurs rapportent dans leur étude intitulée « Family history of suicidal behavior and early traumatic experiences: Additive effect on suicidality and course of bipolar illness? » faite aux Etats-Unis en 2008, un taux plus élevé de tentative de suicide chez les personnes bipolaires ayant une histoire familiale de conduites suicidaires et une histoire d’abus en bas âge (90% des sujets d’un échantillon composé de 168 bipolaires), par rapport aux bipolaires qui ont l’un de ces deux facteurs de risque (79,4%) ou qui n’en n’ont aucun (56%).

Les personnes bipolaires qui ont expérimenté ces deux facteurs étaient plus jeunes lors de la survenue du premier épisode, lors de la première hospitalisation, lors de leur première tentative de suicide, plus impulsifs et agressifs, avaient un nombre plus élevé de tentative de suicide et un taux plus élevé d’abus de substances que les bipolaires qui n’ont pas été sujets à de tels facteurs.

Plus les formes d’abus durant l’enfance sont combinées et plus il

existe un risque de présenter une tentative de suicide durant la vie, d’avoir un cycle rapide, d’avoir des conduites addictives et d’avoir d’autres psychopathologies comorbides.

1 Ibid., p. 122. 2 CARBALLO J., HARKAVY-FRIEDMAN J., BURKE A., SHER L., BACA-GARCIA E. , SULLIVAN G., GRUNEBAUM M., PARSEY R., MANN J., OQUENDO M., Family history of suicidal behavior and early traumatic experiences: Additive effect on suicidality and course of bipolar illness?, Journal of Affective Disorders, 2008, Volume 109, p. 59.

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L’environnement familial caractérisé par un niveau élevé d’expression émotionnelle peut contribuer à l’apparition des comportements de maltraitance1.

Brown2 et ses collaborateurs constatent que l’histoire d’abus précoce rend le cours et l’évolution de la maladie plus péjorative à l’âge adulte. Sur un échantillon de 330 bipolaires, à peu près la moitié était abusée en bas âge physiquement et/ou sexuellement (48,3%). Les personnes bipolaires abusées ont trois fois plus de risque de présenter un état de stress post-traumatique (PTSD) et deux fois plus de risque d’avoir un cycle rapide et une alcoolodépendance que les personnes bipolaires non sujettes à des abus.

Leverich et Post3 rapportent dans leur article intitulé « Course of bipolar illness after history of childhood trauma », fait en 2006, les résultats de plusieurs études faites sur l’évolution du trouble bipolaire après une histoire de traumatisme vécue durant l’enfance. Parmi ces études, nous retenons deux : celle de Goldberg et celle de Leverich. Les résultats obtenus de chacune d’elle sont les suivants :

1- D’après Garno et Goldberg4, sur un échantillon de 100 adultes bipolaires, parmi lesquels 51% ont expérimenté des abus sévères (physiques, émotionnels et sexuels) durant l’enfance, 35% de ceux qui sont abusés en bas âge (surtout sexuellement) ont développé un état de stress post traumatique (PTSD) à l’âge adulte. Par contre, 13 % des bipolaires qui n’ont pas expérimenté une histoire d’abus en bas âge ont développé un état de stress post traumatique (PTSD) à l’âge adulte.

2- D’après Leverich5 et ses collaborateurs, sur un échantillon de 651 patients bipolaires, ceux qui sont traumatisés en bas âge sont sujets à un nombre plus élevé d’épisodes maniaques et dépressifs, à un modèle de

1 GARNO Jessica, GOLDBERG Joseph, RAMIREZ Paul Michael, RITZLER Barry, op. cit., p. 123. 2 BROWN G., MCBRIDE L., BAUER M., WILLIFORD W., Impact of childhood abuse on the course of bipolar disorder: A replication study in U.S. veterans, Journal of Affective Disorders, 2005, Volume 89, p. 64. 3 LEVERICH Gabriele, POST Robert, Course of bipolar illness after history of childhood trauma, www.thelancet.com, Avril 2006, Volume 367p. 1040-1041.4 GOLDBERG J., GARNO J., Development of posttraumatic stress disorder in adult bipolar patients with histories of severe childhood abuse, Journal of Psychiatric Research, 2005, pages 595-60; cités par LEVERICH Gabriele, POST Robert, op. cit., p. 1040. 5 LEVERICH G., MCELROY S., SUPPES T. et coll., Early physical and sexual abuse associated with an adb\verse course of bipolar illness, Biological Psychiatry, 2002, Volume 51, pages 288-297; cités par LEVERICH Gabriele, POST Robert, op. cit., p. 1040.

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cycle rapide, à un nombre plus élevé de tentative de suicide, à un nombre plus élevé d’autres troubles mentaux et médicaux et à un risque plus élevé d’abus de substances et d’alcool, par rapport aux bipolaires qui n’ont pas expérimenté d’abus précoces.

De même, ils passent plus de temps déprimés, souffrent plus de jours où l’humeur est cyclique et ressentent moins de temps de bien-être que ceux qui n’ont pas été traumatisés.

Enfin, ils prennent un traitement médicamenteux, en moyenne 13 ans après le début du trouble, par rapport à ceux qui n’ont pas été abusés en bas âge et qui restent en moyenne 8 ans sans psychotropes après le début du trouble. La prise tardive de psychotropes rend le pronostic plus péjoratif chez les personnes abusées durant l’enfance et peut contribuer à l’abus de substances et d’alcool à un âge précoce.

Leverich et ses collaborateurs illustrent leur conclusion concernant les personnes bipolaires qui ont été abusées physiquement en bas âge et ceux qui ne l’ont pas été. Ils attestent que la même série de mauvaises conséquences a été retrouvée chez les bipolaires abusés sexuellement. Cette illustration est la suivante :

72%

63% 57% 54% 55%

49% 42% 44% 41% 37% 36% 40% 32% 22% 26% 18% 20%

2%

Histoire familialePlus de diagnostics psychiatriques personnels ajoutés

Cycle thymique plus rapide

Progression de la

sévérité maniaque

Plus de tentatives de suicide sérieuses médicalement

Plus de temps observé malade sur des évaluations éventuelles

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Abus + - + - + - + - + - + - + - + - + -

Nous remarquons d’après ces différentes études que nous venons de citer ci-dessus que l’histoire d’abus en bas âge influe de façon énorme le cours, l’évolution du trouble bipolaire et la manifestation de certaines comorbidités.

Donc, la maltraitance du bipolaire en bas âge l’expose à un âge de début précoce du trouble bipolaire, à des symptômes sévères, à l’abus de substances psychoactives, à des tentatives de suicide, à un cycle rapide du trouble et à des psychopathologies comorbides (PTSD, abus de substances psychoactives).

Hammesley1 et ses collaborateurs ajoutent à tous ces risques auxquels est exposé le sujet bipolaire abusé en bas âge le risque de présenter des symptômes hallucinatoires. À peu près la moitié des bipolaires de leur échantillon constitué de 96 patients abusés sexuellement en bas âge (avant l’âge de 16 ans) présentent des hallucinations, surtout auditives.

D’après ces chercheurs, la présence des hallucinations peut être expliquée psychologiquement par l’attribution de pensées automatiques négatives et de souvenirs traumatisants à des facteurs externes. Ces événements mentaux sont vécus par le patient qui a un trouble sévère comme des hallucinations2.

6- C aractéristiques du milieu familial des personnes bipolaires

1- Description du père et de la mère

1 HAMMERSLEY P., DIAS A., TODD G., BOWEN-JONES K., REILLY B., BENETALL R., Childhood trauma and hallucinations in bipolar disorder: preliminary investigation, British Journal of Psychiatry, 2003, Volume 102, p. 543-547. 2 Ibid., p. 545-546.

Histoire familiale

d’alcoolisme

Histoire familiale d’abus de

drogue

Abus de drogue

durant sa vie

PTSD durant sa vie

Augmente la sévérité

de la manie

Abus d’alcool durant sa

vie

Humeur cyclique durant la journée

Tentative de

suicide

Pourcentage de jours par an

déprimé ou maniaque

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Un dysfonctionnement familial a longtemps été décrit en relation avec le trouble bipolaire. A partir de 1954, les chercheurs commencent à s’intéresser à l’étude des familles des personnes bipolaires. Cohen, Baker, Fromm-Reichmann et Weigert1 (1954) ont été parmi les premiers à décrire les familles des bipolaires comme très énergiques, recherchant une progression sociale rapide, fortement conventionnels et compétitifs.

Les mères ont été décrites comme froides, autoritaires, impersonnelles mais quelqu’un sur qui l’on peut compter, alors que les pères faibles, incompétents, maladroits, peu fiable et sur lesquels on ne peut pas compter.

Bon nombre de chercheurs comme Fromm-Reichmann2 (1950), soulignent le rôle et l’impact des liens familiaux dans l’apparition du trouble bipolaire en se basant sur des cas cliniques observés. Les patients bipolaires rapportent la présence d’environnements familiaux stressants chez eux.

2- Description du milieu familial

L’atmosphère familiale retrouvée dans les familles des personnes bipolaires est particulière. Elle est dysfonctionnelle au niveau :

- des relations qui se tissent (relations conflictuelles)- de l’expression émotionnelle- de la communication

D’après l’étude faite par Belardinelli et ses collaborateurs aux Etats-Unis en 2008 sur le fonctionnement familial des enfants bipolaires « Family environment patterns in families with bipolar children », les parents des enfants bipolaires se sont avérés former une famille conflictuelle qui manque de cohésion (support et entre-aide entre ses membres) et d’expression de soi (expression des sentiments de façon directe)3, sans qu’il n’y ait de différence significative entre les familles des

1 COHEN M., BAKER G., COHEN R., FROMM-REICHMANN F., WEIGERT V., An intensive study of 12 cases of manic-depressive psychosis, Psychiatry, Volume 17, pages 103-107; cités par MIKLOWITZ David, GOLDSTEIN Michael, Bipolar disorder, a family focused treatment approach, The Guilford Press, New York, 1997, p. 44. 2 FROMM-REICHMANN F., Principles of intensive psychotherapy, Chicago, University of Chicago Press, 1950 ; cité par MIKLOWITZ David, GOLDSTEIN Michael, op. cit., p. 45.

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bipolaires des type I et II aux scores obtenus sur le « Family Environment Scale (FES) »1.

Le « Family Environment Scale (FES) » qui mesure le degré de dysfonctionnement familial a été administré sur 36 familles à enfants bipolaires et 29 familles à enfants sains, âgés entre 8 ans et 17 ans2.

Les résultats obtenus à ce test ont montré que la cohésion et l’organisation sont encore plus basses et le conflit plus élevé chez les enfants bipolaires qui ont l’un ou les deux parents bipolaires par rapport à ceux qui n’ont pas d’antécédents familiaux de trouble bipolaire (pas de parents affectés par ce trouble).

D’après ces chercheurs, ce dysfonctionnement familial peut être expliqué par les maladies mentales des parents qui peuvent avoir des troubles comorbides au trouble bipolaire ; comme il peut être expliqué par le stress ressenti par les parents d’avoir un enfant qui a des problèmes émotionnels et comportementaux (trouble hyperactif ADHD, trouble des conduites, trouble oppositionnel) qui peuvent influer aussi sur la dynamique familiale3.

L’environnement familial des patients bipolaires est non seulement conflictuel et peu cohésif, mais aussi il est caractérisé par un haut niveau d’expression émotionnelle (EE) et un problème au niveau de la clarté dans la communication.

En ce qui concerne l’expression émotionnelle (EE), elle est élevée si un ou plusieurs membres de la famille expriment de multiples critiques « je n’aime pas le fait qu’il reste dans sa chambre », sont hostiles « je n’aime rien en lui » ou s’ils se surimpliquent émotionnellement dans la vie de l’autre « je ne mange plus quand je sais qu’il n’a pas mangé ».

Ce niveau élevé d’expression émotionnelle (EE) accentue le risque de rechute. Ainsi, un patient bipolaire hospitalisé qui rentre chez lui dans un environnement à haut niveau d’expression émotionnelle (EE) a un

3 BELARDINELLI Cecilia et al., Family environment patterns in families with bipolar children, Journal of Affective Disorders, 2008, Volume 107, p. 1 Ibid., p. 302. 2 Ibid., p. 300. 3 BELARDINELLI Cecilia et al., op. cit., p. 303.

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risque de rechute deux fois plus élevé (90%) que celui qui retourne dans un milieu à bas niveau d’expression émotionnelle (EE) (54%)1.

A ce problème d’expression émotionnelle (EE) chez les parents des patients bipolaires s’ajoute leur problème de communication et de transmission de messages.

En ce qui concerne la communication déviante (CD), il est difficile aux parents de patients bipolaires de transmettre un message clair, une idée cohérente, directe et précise.

Ils ont un niveau élevé de communication déviante (CD) qui se manifeste à travers les remarques incompréhensibles, le discours détourné ou la phrase incomplète. Par exemple, à l’une des planches du test projectif Thematic Apperception Test (TAT) transmis aux parents des bipolaires pour évaluer leur niveau de communication déviante (CD), un parent a répondu ainsi « cette personne est en processus de penser au processus d’être un médecin ». Sa phrase est bizarre, particulière, étrange et distordue2.

3- Influence de la communication déviante sur le trouble bipolaire (sa sévérité)

David Miklowitz3 et ses collaborateurs ont mené en 1991 aux Etats-Unis une étude intitulée «Communication deviance in families of schizophrenic and manic patients »,  sur la communication déviante (CD) chez les familles de patients schizophrènes et bipolaires maniaques. Leur étude montre que les parents qui ont un niveau élevé de communication déviante génèrent un stress qui influence la sévérité de la maladie de leurs enfants affectés par le trouble bipolaire.

D’après cette étude, le code de communication des parents de personnes bipolaires, retrouvé à travers le Thematic Apperception Test (TAT) et l’observation de leurs interactions familiales (utilisés comme outils d’évaluation dans cette étude), est spécifique, et se caractérise par un

1 MIKLOWITZ David, GOLDSTEIN Michael, op. cit., p. 47. 2 MIKLOWITZ David, GOLDSTEIN Michael, op. cit., p. 51. 3 MIKLOWITZ, D.J., VELLIGAN, D.I., GOLDSTEIN, M.J., NUECHTERLEIN, K.H., GITLIN, M.J., RANLETT, G., & DOANE, J.A., Communication deviance in families of schizophrenic and manic patients, Journal of Abnormal Psychology, 1991, 100 (2), 163-173, p. 171.

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langage inhabituel, par des mots bizarres et des constructions de phrases particulières. Ce type d’erreurs de communication survient surtout quand les parents expriment rapidement leurs idées.

Les patients bipolaires maniaques présentent comme leurs parents un problème de communication et un usage particulier de mots. Leur message s’avère être plutôt compréhensible, mais caractérisé par une vitesse, une indiscrétion et une inattention, une rudesse et un irrespect, avec l’intrusion d’idées inappropriés et de mots inutiles ou utilisés dans un mauvais ordre1.

Ces difficultés et ces erreurs de communication chez les patients bipolaires et leurs parents semblent être dues à leur angoisse, à leur hâte ou à leur ambivalence envers le message transmis. Par conséquent, les problèmes sont discutés de façon désorganisée, des thèmes inappropriés sont introduits ce qui fait passer le patient et ses parents outre le sujet problème qu’ils devaient cibler2.

4- Influence de l’expression émotionnelle dans le milieu familial et environnemental des bipolaires sur le cours et l’évolution de leur trouble

David Miklowitz3 et ses collaborateurs ont mené une étude aux Etats-Unis intitulée « Family factors and the course of bipolar affective disorder » (1988), sur l’influence du niveau de l’expression émotionnelle (EE) et du style affectif (AS) des membres de la famille du patient atteint de trouble bipolaire sur le cours et l’évolution de son trouble.

Vingt-trois patients bipolaires maniaques âgés entre 16 et 45 ans ont participé à cette étude et ont été évalués tous les trois mois sur une période de neuf mois. Durant l’hospitalisation des patients, certains membres de leurs familles (parents et époux) ont été interviewés. Ils ont passé le « Camberwell Family Interview » (CFI) qui mesure leur expression émotionnelle (EE, c'est-à-dire les attitudes parentales) pendant la phase aigue de la maladie de leurs enfants. De même, ils ont participé à une session d’évaluation familiale, deux semaines après la sortie de leurs

1 Ibid., p. 171-172. 2 MIKLOWITZ David, GOLDSTEIN Michael, op. cit., p. 51. 3 MIKLOWITZ D.J., GOLDSTEIN M.J., NUECHTERLEIN K.H., SNYDER K.S., and MINTZ J., Family factors and the course of bipolar affective disorder, Archives of General Psychiatry, vol. 45, (1988), 225-231, p. 225.

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enfants de l’hôpital qui permet de mesurer le style affectif (AS) intrafamilial (c'est-à-dire l’interaction familiale observée lors d’une discussion et l’expression verbale des émotions concernant un sujet conflictuel entre le parent et le membre de sa famille qui présente le trouble bipolaire)1.

Les résultats ont montré que les patients bipolaires qui vivent dans un milieu familial de haut niveau d’expression émotionnelle (EE) et de style affectif (AS) négatif, font des rechutes maniaques et dépressives à 94%. Par contre, ceux qui vivent dans une famille à niveau pas assez élevé d’expression émotionnelle (EE) et à style affectif (AS) pas assez négatif présentent un risque minime de rechute, soit de 17%.

Un niveau élevé d’expression émotionnelle (EE) ou un style affectif (AS) négatif suffit pour favoriser une rechute dépressive ou maniaque chez les patients bipolaires2.

Par ailleurs, un style affectif (AS) négatif adopté par les membres de la famille des personnes bipolaires peut favoriser l’apparition d’un style oppositionnel et de refus chez ces patients, par exemple « je ne veux pas faire ça ». Ce style affectif négatif adopté par les parents peut persister des fois malgré l’expression du patient de styles d’adaptation (coping styles) de type support, par exemple « je sais que tu veux m’aider » 3.

Cette étude nous montre que d’autres facteurs que l’adhérence au traitement affectent l’évolution de la maladie et la réponse au traitement médicamenteux, comme les stresseurs psychosociaux et l’atmosphère émotionnelle familiale4.

Par ailleurs, une autre étude a été menée par David Miklowitz5 et ses collaborateurs portant sur la nature des émotions exprimées « expressed emotion » EE par les parents ou les amis proches qui entourent le sujet 1 Ibid., p. 226. 2 MIKLOWITZ D.J., GOLDSTEIN M.J., NUECHTERLEIN K.H., SNYDER K.S., and MINTZ J., op.cit., p. 228-229.3 MIKLOWITZ D., GOLDSTEIN, M.J., NUECHTERLEIN, K.H., Verbal interactions in families of schizophrenic and bipolar affective patients, Journal of Abnormal Psychology, 1995, Volume 104, N◦2, 268-276, p. 273-274.4 Ibid., p. 225.5 MIKLOWITZ David, WISNIEWSKI Stephen, MIYAHARA Sachiko, OTTO Michael, SACHS Gary, Perceived criticism from family members as a predictor of the one-year course of bipolar disorder, Psychiatry Research, 2005, Volume 136, 101-111, p. 101.

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bipolaire et leur influence sur le cours de la maladie. Cette étude faite aux Etas-Unis, en 2005, est intitulée « Perceived criticism from family members as a predictor of the one-year course of bipolar disorder» (perception des critiques des membres de la famille comme prédicteur du cours du trouble bipolaire durant une année).

Trois cent soixante patients bipolaires pris du programme de recherche qui examine le cours et le traitement du trouble bipolaire, le Systematic Treatment Enhancement Program for Bipolar Disorder (STEPD-BD) devaient remplir l’échelle « Perceived criticism scale » portant sur la sévérité des critiques qu’ils perçoivent de la part d’une ou de plusieurs personnes proches d’eux et la sévérité de leurs propres critiques envers elle (s). Ils devaient passer aussi les échelles suivantes : le « Beck Depression Inventory (BDI-II) » qui mesure l’intensité de la dépression, tous les trois mois ; le « Montgomery-Asperg Depression Rating Scale (MADRS) » et le « Young Mania Rating Scale (YMRS) » qui mesurent respectivement l’intensité de la dépression et de la manie à quatre temps 3ème, 6 ème, 9ème et 12ème mois du suivi1.

Les résultats ont montré que les sujets qui ont été trop navrés et troublés par les critiques de leurs proches ont présenté des symptômes dépressifs et maniaques plus sévères et moins de jours de bien-être pendant l’année d’étude que ceux qui sont moins gênés par les critiques de leurs proches2.

Les sujets bipolaires qui ont expérimenté des critiques sévères et des remarques personnelles les touchant directement ont été le plus perturbés par les critiques de leurs proches.

De même, lorsque les critiques touchent leur caractère plus qu’elles ne touchent des comportements spécifiques de leurs actions, leurs rechutes devenaient plus fréquentes et leurs symptômes plus exacerbés.

Enfin, certains patients bipolaires parvenaient à répondre aux critiques de leurs proches par des critiques et arrivaient à les attrister. L’adoption d’un tel comportement par les bipolaires envers leurs proches

1 MIKLOWITZ David, WISNIEWSKI Stephen, MIYAHARA Sachiko, OTTO Michael, SACHS Gary, op.cit., p. 101. 2 Ibid., p. 107-108.

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leur permettait de présenter moins d’états dépressifs durant l’année d’étude que ceux qui ne parvenaient pas à les attrister par leurs critiques1.

Les données sur l’expression des émotions et les modèles des interactions chez les familles de patients bipolaires sont nombreuses.

Simoneau2 et ses collaborateurs ont mené une étude intitulée « Expressed emotion and interactional patterns in the families of bipolar disorders » aux Etat-Unis, en 1998. L’objectif de leur étude est d’examiner la relation entre l’expression émotionnelle (EE) des parents de personnes bipolaires évaluée durant leurs accès thymiques et les interactions durant les discussions de résolution de problèmes dans la période qui suit les épisodes thymiques.

Leur étude montre tout d’abord que les parents qui ont un niveau élevé d’expression émotionnelle (EE) font des propos verbaux plus négatifs (critiques, refus, auto-justifications) dans leur discussion que ceux qui ont un niveau bas d’expression émotionnelle (EE), surtout quand il s’agit d’expression émotionnelle de type critique.

Ensuite, elle montre que les patients provenant d’une famille d’expression émotionnelle (EE) élevée ont une attitude non verbale (expression faciale furieuse, ton de la voix sarcastique) plus négative durant les interactions de résolution de problèmes que ceux provenant d’une famille d’EE basse.

Dans les interactions de face à face, les personnes bipolaires provenant d’une famille d’expression émotionnelle (EE) élevée se montrent plus oppositionnels et désengagés de leur membre de famille que ceux qui viennent d’une famille d’(EE) basse. L’histoire de leur maladie montre qu’ils ont plus de symptomatologie maniaque et dépressive que les patients à (EE) basse dans leur famille. Cette atmosphère familiale à (EE) élevée, stressante, basée sur des interactions mauvaises et des comportements négatifs réitérés, amène le patient à rechuter et à présenter de nouveaux épisodes thymiques3.

1 Ibid., p. 108. 2 SIMONEAU T., MIKLOWITZ D., SALEEM R., Expressed emotion and interactional patterns in the families of bipolar disorders, Journal of Abnormal Psychology, 1998, Volume 107, N◦ 3, 497-507, p. 503. 3 SIMONEAU T., MIKLOWITZ D., SALEEM R., op. cit., p. 504.

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Au moment des interactions, les parents des patients bipolaires à EE élevée, semblent enclencher chez leurs enfants des séquences verbales négatives1. Cependant, ce n’est pas seulement l’attitude critique et négative des parents à EE élevée qui augmente le risque de la rechute ; c’est aussi le système familial à EE élevée qui engage le patient et le parent dans un modèle interactionnel bidirectionnel négatif et complexe auquel chacun d’eux participe pour détériorer le processus d’interaction2.

En définitive, le processus interactionnel dans les familles à EE élevée est associé à un modèle stressant d’interaction caractérisé par une négativité réciproque entre les patients et les membres de leur famille, plus fort que dans les familles à EE bas3.

Ronald Butzlaff et Jill Hooley4 ont mené une étude aux Etats-Unis sur l’expression émotionnelle et la rechute « Expressed Emotion and Psychiatric Relapse » (1998), qui va dans le même sens que l’étude précédente en ce qui concerne l’expression émotionnelle élevée de la famille du patient bipolaire et son impact sur le début du trouble bipolaire et les rechutes psychiatriques.

En se basant sur la littérature et les multiples recherches faites sur l’expression émotionnelle, les auteurs de cette étude ont montré que l’expression émotionnelle élevée est un facteur prédicteur de rechute dans la schizophrénie, mais surtout et d’une façon significativement plus élevée dans le trouble bipolaire et les troubles des conduites alimentaires5.

En effet, toutes ces études que nous venons de développer montrent l’impact de l’expression émotionnelle et des critiques sur le cours et l’évolution du trouble bipolaire. Ainsi, les personnes bipolaires font plus de rechutes et présentent plus de symptomatologie maniaque et dépressive si le niveau d’expression émotionnelle au sein de leur famille est élevé, les critiques qui leur sont infligées sont personnelles et sévères et les propos verbaux utilisés par leurs parents sont négatifs.

1 Ibid., p. 504.2 Ibid., p. 505.3 SIMONEAU T., MIKLOWITZ D., SALEEM R., op. cit., p. 503. 4 BUTZLAFF Ronald et HOOLEY Jill, Expressed Emotion and Psychiatric Relapse, Archive General Psychiatry, vol. 55, juin 1998, 547- 552, p. 550. 5 Ibid., p. 150.

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Lorsque l’expression émotionnelle élevée des parents du patient bipolaire s’associe à une attribution causale « contrôlable » faite de leur part concernant ses comportements négatifs, le cours et l’évolution de sa maladie peuvent aussi évoluer de façon péjorative.

5- Expression émotionnelle familiale élevée et attribution causale

Wendel1 et ses collaborateurs ont mené une étude aux Etats-Unis en l’an 2000, intitulée « Expressed emotion and attributions in the relatives of bipolar patients : an analysis of problem solving interactions » dans le but de trouver le lien entre l’expression émotionnelle EE des membres de la famille des patients bipolaires et leurs attributions des causes des comportements indésirables ou des symptômes négatifs de leurs enfants.

Cette étude regroupe 52 patients bipolaires et 52 membres de leur famille. L’expression émotionnelle des membres de la famille a été mesurée par le « Cramberwell Family Interview (CFI) » pendant ou peu après le début de l’épisode thymique du patient. Les interactions familiales ont été évaluées grâce à l’enregistrement par cassette vidéo des interactions de résolution des problèmes. Les attributions causales des membres de la famille concernant le rôle causal du patient et leur propre rôle dans les événements ont été mesurées par le « Leeds Attributional Coding System (LACS) » qui regroupe cinq dimensions d’attribution : stable/instable, globale/spécifique, interne/externe, personnelle/universelle, contrôlable/ incontrôlable2.

Wendel et ses collaborateurs ont trouvé que les membres de la famille des patients bipolaires attribuent les comportements négatifs du patient à des causes plutôt instables (quand il est déprimé il est plus sensitif), internes (il communique mal avec moi parce qu’il est pris par d’autres choses qui tournent dans sa tête), personnelles (il a un bon cœur et laisse les autres prendre de l’avantage sur lui) et contrôlables (il néglige certaines choses au travail parce qu’il s’y désintéresse)3.

1 WENDEL J., MIKLOWITZ D. J., RICHARDS J. A., GEORGE E., Expressed emotion and attributions among the families of bipolar patients: An analysis of problem-solving interactions, Journal of Abnormal Psychology, 2000, Vol. 109, 792-796, p. 792. 2 WENDEL J., MIKLOWITZ D. J., RICHARDS J. A., GEORGE E., op. cit., p. 793. 3 Ibid., p. 794.

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Lorsque le patient bipolaire passe par un accès thymique aigu et lorsque les membres de sa famille ont un haut niveau d’expression émotionnelle (EE), ils attribuent ses comportements négatifs à des facteurs personnels et contrôlables plus que ne font les parents qui ont un niveau bas d’expression émotionnelle (EE).

Par ailleurs, que les parents du patient bipolaire soient d’expression émotionnelle élevée ou basse, les attributions qu’ils font concernant leur propre rôle causal dans les événements et les comportements négatifs du patient bipolaire, sont externes (c'est-à-dire reliée à des circonstances externes ou à d’autres personnes, et pas à la personne elle-même ; par exemple : il a fait le dernier épisode à cause de son fils), universelles (c’est la nature de l’être humain) et incontrôlables (c’est la maladie).

Les membres de la famille qui expriment leurs émotions (EE) de façon élevée attribuent à des facteurs universels leur propre rôle causal aux événements négatifs du patient plus que ne le font les membres de la famille à bas niveau d’EE1.

D’après leur étude, Wendel et ses collaborateurs constatent que les parents des patients bipolaires croient à la capacité du sujet bipolaire de contrôler ses symptômes et ses comportements négatifs. Cette attribution de cause liée à la volonté du patient pousse les membres de sa famille à le critiquer dans l’intention d’obtenir une modification de ses comportements symptomatiques.

Ils constatent de même que l’expression émotionnelle élevée des membres de la famille et les attributions causales des événements négatifs qu’ils considèrent comme contrôlables par le patient, peuvent être des facteurs intervenant et influençant de façon péjorative le cours et l’évolution de la maladie2.

L’ensemble de ces études que nous venons de développer confirme l’importance du rôle de la relation familiale dans le début, le cours et l’évolution du trouble bipolaire.

1 WENDEL J., MIKLOWITZ D. J., RICHARDS J. A., GEORGE E., op. cit., p. 795. 2 Ibid., p. 794-795.

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Plus le milieu familial est stressant, maltraitant et fait subir des abus physiques, émotionnels et sexuels au sujet bipolaire durant son enfance, et plus sa maladie évolue mal :

- tentative de suicide, - abus de substance, - état de stress post-traumatique (PTSD), - symptomatologie maniaque et dépressive plus sévère, - début précoce de la maladie,- cycle rapide du trouble.

De même, plus le niveau d’expression émotionnelle des membres de la famille du patient bipolaire est élevé, et leurs critiques sont personnelles et plus le début, le cours et l’évolution de la maladie sont graves et compliqués : rechutes plus fréquentes et intenses.

En conclusion, nous pouvons dire que la famille du bipolaire est une famille particulière dans sa façon de traiter son enfant, d’exprimer ses émotions et d’attribuer les causes de ses comportements et de son trouble. Elle semble être plutôt destructrice et nuisible pour le patient bipolaire.

Après avoir défini dans ce chapitre l’importance de la famille et du rôle des parents, les caractéristiques des parents destructeurs et leur profil psychologique, la maltraitance expérimentée par des personnes bipolaires pendant leur enfance et les caractéristiques de leur milieu familial, nous allons passer à la partie pratique dans le but d’infirmer ou de confirmer les hypothèses de notre étude.

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DEUXIEME PARTIE :

RECHERCHE SUR LE TERRAIN

Questionnaires auprès d’un échantillon d’adultes bipolaires libanais et d’un échantillon d’adultes sains

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CHAPITRE VI   : METHODOLOGIE DE LA RECHERCHE SUR LE TERRAIN

1- Objectif de la recherche

L’objectif de notre recherche rappelons-le est l’étude de l’influence du trouble bipolaire sur la personnalité du malade, particulièrement sur ses cognitions, son affectivité et leur variation éventuelle selon le type I (à prédominance maniaque) ou II du trouble (à prédominance dépressive).

Rappelons que notre hypothèse générale qui nous a permis d’établir nos quatre hypothèses opérationnelles est formulée de la façon suivante :

Le trouble bipolaire affecte la personnalité du malade dans ses diverses manifestations cognitives (lieu de contrôle, pensées automatiques) et affectives (schémas précoces d’inadaptation et schémas des attitudes parentales). Cette affection pouvant varier selon le type du trouble bipolaire, type I (prédominance maniaque) ou type II (prédominance dépressive), et est à son tour influencée par le vécu des relations familiales précoces.

A partir de notre hypothèse générale, nous avons émis quatre hypothèses opérationnelles selon ces différents facteurs et qui sont les suivantes :

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* Facteurs cognitifs

Première hypothèse - Le trouble bipolaire affecte les cognitions du patient bipolaire dans son style cognitif c’est-à-dire son lieu de contrôle qui tend à être chez les patients bipolaires plus élevé tant dans son échelle interne qu’externe qu’il n’est chez les personnes saines ; plus externe aussi chez les sujets à prédominance dépressive (type II) que chez les sujets à prédominance maniaque.

Deuxième hypothèse - Le trouble bipolaire affecte de même les pensées automatiques du patient bipolaire qui tendent à être chez lui plus négatives qu’elles ne le sont chez les personnes saines ;  plus négatives aussi chez les sujets à prédominance maniaque (type I) que chez les sujets à prédominance dépressive (type II) du fait de la complexité des épisodes maniaques.

* Facteurs affectifs

Troisième hypothèse - Le trouble bipolaire affecte aussi la vie affective, manifestée à travers les schémas précoces d’inadaptation. Ces schémas semblent être plus élevés chez les bipolaires par rapport aux personnes saines ; et encore plus élevés chez les sujets à prédominance maniaque (type I) que les sujets à prédominance dépressive (type II).

* Influence des relations précoces

Quatrième hypothèse - Le trouble bipolaire est affecté à son tour par les attitudes parentales précoces. Les bipolaires ont eu des relations plus détériorées en bas âge avec leurs pères et leurs mères qu’elles ne le sont chez les personnes normales ; et plus détériorées aussi chez les sujets à prédominance maniaque (type I) que chez ceux à prédominance dépressive (type II).

Les différentes variables qui constituent nos hypothèses ainsi que notre méthode d’échantillonnage utilisée et notre choix de l’instrument de recherche vont être définis ci-dessous.

2- Définition des variables

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Les deux variables indépendantes des trois premières hypothèses sont les suivantes :

- Le type I du trouble bipolaire à prédominance maniaque.

- Le type II du trouble bipolaire à prédominance dépressive.

Ces deux types ont été définis dans le chapitre I de la partie théorique.

Les variables dépendantes :

- Dans notre première hypothèse, la variable dépendante est le lieu de contrôle (défini et expliqué dans le chapitre II de la partie théorique).

Cette variable dépendante englobe deux lieux de contrôle : un lieu de contrôle interne et un lieu de contrôle externe divisé en deux sous-échelles, sous-échelle les autres et sous-échelle la chance.

- Dans notre deuxième hypothèse, la variable dépendante est la pensée automatique (définie et expliquée dans le chapitre VI de la partie théorique).

Cette variable dépendante regroupe 30 items tournant autour du monologue intérieur négatif des sujets dépressifs.

- Dans notre troisième hypothèse, la variable dépendante est le schéma précoce d’inadaptation (défini et expliqué dans le chapitre III de la partie théorique).

Cette variable dépendante englobe quinze schémas précoces d’inadaptation définis par Young : la carence affective – l’abandon – l’abus, la méfiance – l’isolement social, l’exclusion sociale – l’imperfection – l’échec – la dépendance et l’incompétence – la vulnérabilité – la relation fusionnelle – l’assujettissement – le sacrifice de soi – le contrôle émotionnel à outrance – les exigences élevées – le tout m’est dû – le manque d’autocontrôle.

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- Dans notre quatrième hypothèse, la variable indépendante est l’attitude parentale et la variable dépendante est le trouble bipolaire (définie et expliquée dans le chapitre V de la partie théorique).

Or l’attitude parentale, comme nous l’avons vu comprend 17 schémas précoces d’inadaptation définis par Young, évaluant les expériences précoces qui ont favorisé l’apparition des schémas précoces d’inadaptation et qui sont les suivants :

La carence affective – L’abandon – La méfiance – La vulnérabilité – La dépendance et l’incompétence – L’imperfection – L’échec – L’assujettissement – Le sacrifice de soi – Les exigences élevées – Le tout m’est dû – Le manque d’autocontrôle – La relation fusionnelle – La vulnérabilité aux erreurs, négativisme – Le contrôle émotionnel à outrance – La sévérité – La recherche d’approbation sociale.

Les questionnaires évaluant les trois variables dépendantes, seront développés par la suite dans le choix de la technique de recherche.

3- Choix de l’échantillon

L’échantillon dans notre étude est composé de 40 adultes bipolaires et de 39 adultes contrôles. Ils sont tous libanais de niveau universitaire, âgés entre 20 et 40 ans. L’âge moyen des 40 adultes bipolaires est de 29,17 ans.

1- Choix de l’échantillon des bipolaires (voir tableau n˚1 p. 170)

Le choix de l’échantillon des bipolaires type I et type II s’est effectué ainsi :

Nous nous sommes adressées à des psychiatres libanais dans leur clinique, prenant en charge des patients bipolaires depuis au moins 6 mois.

Le choix des patients a été fait par les médecins psychiatres traitants qui ont posé le diagnostic, précisé le type de leur trouble bipolaire et confirmé leur état euthymique en référence au Manuel Diagnostique et Statistique des troubles mentaux le DSM-IV-TR (dépendamment de nos

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critères d’inclusion et de l’accord des patients de passer les questionnaires de notre étude).

Nous avons pu recueillir un échantillon composé au total de 21 adultes bipolaires type I et de 19 adultes bipolaires type II dont 11 femmes bipolaires type I, 9 femmes bipolaires type II, 10 hommes bipolaires type I et 10 hommes bipolaires type II.

Les critères d’inclusion sont :

- Etre de niveau universitaire- Etre entre 20 et 40 ans- Etre euthymique au moment de la passation des questionnaires

depuis au moins 2 mois- Continuer à suivre un traitement médicamenteux stabilisateur de

l’humeur- Etre suivi et traité pour le trouble bien avant la passation des

quatre questionnaires

Les patients qui ne répondaient pas à ces critères étaient exclus de notre étude.

La procédure :

Les patients ont été informés et ont consentis volontairement à être interviewés et à passer les quatre questionnaires par leur psychiatre traitant. La passation des tests a eu lieu dans notre cabinet à Beyrouth. Les conditions de passation peuvent être considérées optimales pour une passation calme sans la présence d’une tierce personne.

Une des séances type que nous avions eue avec les sujets bipolaires commençait par un entretien clinique expliquant le but de notre étude (connaître mieux le trouble bipolaire afin d’améliorer la prise en charge des patients) et permettant au patient de parler du début de sa maladie, de son statut social, professionnel et familial afin de le mettre à l’aise pendant à peu près une trentaine de minutes. La séance se poursuivait par la passation des questionnaires qui durait à peu près une heure de temps.

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Au total, l’entretien clinique et la passation des quatre tests ont duré environ deux heures selon le rythme de chaque patient.

2- Choix de l’échantillon contrôle

Le choix de l’échantillon du groupe contrôle s’est effectué en fonction des caractéristiques du groupe bipolaire quant à leur niveau d’étude et leur âge de manière à contrôler les variables.

Les critères d’inclusion :

- Etre de niveau universitaire (l’échantillon contrôle est formé d’étudiants universitaires libanais de deux universités privées situées à Beyrouth et des employés d’une entreprise libanaise de Beyrouth)

- Etre entre 20 et 40 ans- Ne pas avoir été traité pour une maladie mentale

Les personnes qui ne répondaient pas à ces critères (d’après un entretien individuel) étaient exclues de notre étude.

Ainsi, les deux groupes (contrôles et bipolaires) de notre étude sont équivalents au niveau de la tranche d’âge (20-40 ans) et de leur niveau d’étude.

3- Répartitions des échantillons

Nous avons divisé l’échantillon général en trois groupes : groupe contrôle, bipolaires type I et bipolaire type II, d’après le tableau suivant :

Tableau 1 : Répartition des échantillons

PREMIER GROUPE

SECOND GROUPE

TROISIÈMEGROUPE

ECHANTILLON Groupe contrôleN = 39

Bipolaires type I N = 21

Bipolaires type II N = 19

NIVEAU D’ETUDE

Universitaires Universitaires Universitaires

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AGE De 20 à 40 ans De 20 à 40 ans De 20 à 40 ansSEXE 24 filles

15 garçons 11 filles10 garçons

9 filles10 garçons

LIEU DE PASSATION

- Université - Entreprise

Cabinet Cabinet

4- Choix de la technique de recherche

Dans notre recherche, nous avons utilisé quatre questionnaires :

- l’échelle du « lieu de contrôle tridimensionnel » de Hannah Levenson 

- le questionnaire abrégé des schémas de Young : Young schema questionnaire-short form (YSQ-S1)

- le questionnaire des pensées automatiques de Hollon et Kendall : « Automatic Thoughts Questionnaire » (ATQ)

- le questionnaire des attitudes parentales de Young : Young parenting inventory

L’ordre par lequel les questionnaires ont été administrés est le suivant : l’échelle du lieu de contrôle, le questionnaire des schémas de Young, le questionnaire des pensées automatiques et à la fin le test des attitudes parentales. Nous avons choisi cet ordre pour aller du plus général au plus intime et particulier.

L’échelle du « lieu de contrôle tridimensionnel » venait en premier parce qu’elle était celle qui touchait le moins à l’intimité de la personne et à son affectivité.

Cette échelle était suivie par le questionnaire abrégé des schémas de Young parce qu’elle concernait des thèmes plus intimes et personnels sans toutefois aborder la relation directe aux parents établie durant l’enfance.

Le questionnaire des pensées automatiques et le questionnaire des attitudes parentales ont été administrés en dernier lieu parce qu’ils abordent respectivement les pensées automatiques négatives des patients très

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personnelles et du coup plus bouleversantes à être envisagées par eux et les attitudes parentales vécues en bas âge qui peuvent être pénibles et troublantes pour la majorité d’entre eux.

1- L’échelle du « lieu de contrôle tridimensionnel » de Hannah Levenson1

Présentation

La première échelle est celle du lieu de contrôle (présentée dans l’annexe A). Dans notre étude, nous avons adopté la version canadienne-française du « lieu de contrôle tridimensionnel » de l’échelle de Hannah Levenson, réalisée par Sylvie Jutras (1987), appelée IPAH : I (interne), PA (pouvoir d’autrui), H (hasard).

Cette échelle est une échelle de type Likert qui comprend trois dimensions de huit items chacune, se rapportant à « la responsabilité de la conduite d’une situation, la responsabilité d’un accident d’automobile, la réalisation de ses projets, l’estime des autres pour soi, la manifestation d’événements divers, la défense de ses intérêts, l’obtention d’une chose désirée et le contrôle global de sa vie ».

Au total, nous avons 24 items, cotés de 1 à 6 allant du désaccord complet à l’accord complet :

1 : pas du tout d’accord ; 2 : pas d’accord ; 3 : plutôt pas d’accord ; 4 : plutôt d’accord ; 5 : d’accord ; 6 : tout à fait d’accord.

Levenson retrouve une structure tridimensionnelle au lieu de contrôle composée de trois dimensions : une dimension interne qui mesure la croyance en un contrôle interne (sous-échelle I) et deux dimensions externes dont l’une d’entres elle mesure la croyance en un contrôle par les

1 BOUVARD M., Questionnaires et échelles d’évaluation de la personnalité, Editions Masson, Paris, 1998, p. 202.

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personnages tout-puissants, les autres (sous-échelle P) et l’autre mesure la croyance dans la chance (sous-échelle C)1.

L’échelle interne comprend donc les items rattachant l’origine des renforcements aux propres actions, capacités et efforts de l’individu. Les deux échelles externes « autres » et « chance » regroupent les items rattachant respectivement l’origine des renforcements à des gens puissants, qui ont du pouvoir, et au hasard et destin2.

Les huit items de l’échelle interne sont les questions n◦ :1- 4- 5- 9- 18- 19- 21 et 23.

Les huit items de l’échelle externe « autres » sont les questions n◦ :3- 8- 11-13- 15 -17 -20 et 22.

Les huit items de l’échelle externe « chance » sont les questions n◦ :2- 6- 7- 10- 12- 14- 16 et 24.

L’échelle du lieu de contrôle de Levenson est l’une des échelles les plus utilisées parmi celles qui évaluent le contrôle parce qu’elle comporte une structure à trois dimensions, des items n’induisant pas des réponses bien précises et à choix non forcé, des items formulés de façon directe concernant directement la personne questionnée et une corrélation négative avec la désirabilité sociale3.

Dans le modèle de Levenson les deux dimensions externes sont distinctes et l’échelle C est plus dysfonctionnelle que l’échelle P. En effet, les personnes qui croient dans la chance et qui expliquent tout ce qui leur arrive par le hasard et le destin n’ont pas la possibilité de prévoir les événements et de leur trouver des issus favorables. Un sentiment intense d’impuissance et de non contrôle les envahit. Par contre, les personnes qui attribuent les événements à des personnages puissants peuvent plutôt

1 LOAS G., DARDENNES R., DHEE-PEROT P., LECLERC V., FREMAUX D., Opérationnalisation du concept de «   lieu de contrôle   »: traduction et première étude de validation de l’échelle de contrôle de Levenson (IPC   : The internal powerful others and chance scale) , Annales médico-psychologiques, 1994, Vol. 152, n◦ 7, 466-469, p. 466. 2 BRUCHON-SCHWEITZER M., op. cit., p. 238. 3 BRUCHON-SCHWEITZER M., op. cit., p. 238-239.

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prévoir les événements tout en ayant des croyances et des attentes cohérentes1.

Wall R., Hinrichsen A., et Pollak S. (1989)2, ont mené une étude sur les caractéristiques psychométriques de l’échelle du locus de contrôle (MHLC) « Multidimensional Health Locus of Control Scales » auprès des patients psychiatriques (bipolaires, schizo-affectifs et déprimés) : « Psychometric characteritics of the multidimentional health locus of control scales among psychiatric patients ».

Ils ont constaté que cette échelle peut être administrée auprès des patients qui ont une pathologie psychiatrique pour mieux décrire les attributions qu’ils donnent à leur maladie mentale concernant leurs contributions personnelles et les contributions des autres3.

Ainsi, les influences psychosociales sur le cours de la maladie psychiatrique, la compliance au traitement et le risque de rechute peuvent être mieux compris à la lumière des attributions que le malade donne à sa maladie mentale4.

Notation

Pour cette échelle composée de 24 items en tout et de 8 items, chacune de ces trois sous-échelles (interne, externe « autres » et externe « chance »), le minimum des notes est de 8 × 1 = 8 (1 = pas du tout d’accord) et le maximum des notes est de 6 × 8 = 48 (6 = tout à fait d’accord, selon l’échelle de Likert déjà citée).

Ces notes se répartissent ainsi sur l’échelle suivante :

8 16 24 32 40 48Minimum Maximum

1 Ibid., p. 240. 2 WALL R., HINRISCSEN G., Psychometric characteritics of the multidimentional health locus of control scales among psychiatric patients, Journal of Clinical Psychology, January, 1989, Vol. 45, n◦ 1, 94-98. 3 WALL R., HINRISCSEN G., op.cit., p. 94. 4 Ibid., p. 97.

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28 Zone moyenne

Les notes sont considérées comme faibles ou fortes selon leur graduation sur cette échelle du plus faible 8 points au plus fort 48 points. A mesure que la note du lieu de contrôle est élevée, plus le sujet est affecté.

Etalonnages étrangers 1

Version française

Dhee-Pérot et coll., 1996

Echelle interne

Externe « autres »

Externe « chance »

Sujets contrôles n= 50

29,3 (7,1) 14,8 (7,8 20,4 (8,7)

Sujets alcooliques n= 64

31,5 (7,1) 23 (9) 27,4 (7)

Sujets psychologiques n= 50

29,5 (7,5) 25,5 (8,6) 29,2 (11,3)

Loas et coll., 1994

Echelle interne

Externe « autres »

Externe « chance »

Sujets contrôles n= 134

28,1 (6,2) 14,7 (7) 20,5 (7,3)

2- Le questionnaire abrégé des schémas de Young : Young

schema questionnaire-short form (YSQ-S1)2

Présentation

1 BOUVARD M., op. cit., p. 204. 2 Ibid., p. 216.

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Le second questionnaire adopté est le questionnaire abrégé des schémas précoces d’inadaptation (voir annexe B, le questionnaire en entier).

Le questionnaire abrégé des schémas (Young schema questionnaire-short form YSQ-S1) que nous avons utilisé dans notre étude est un questionnaire comprenant 75 items, répartis en 5 items pour chacun des 15 schémas. Ce questionnaire permet d’évaluer les schémas précoces inadaptés et l’importance de chacun d’eux.

Les quinze schémas présents dans le questionnaire sont répartis en 5 items chacun se succédant directement l’un à la suite de l’autre. Nous rappelons que ces schémas sont :

Items 1 à 5 : La carence affective – Items 6 à 10 : L’abandon – Items 11 à 15 : L’abus, la méfiance – Items 16 à 20 : L’isolement social, l’exclusion sociale – Items 21 à 25 : L’imperfection – Items 26 à 30 : L’échec – Items 31 à 35 : La dépendance et l’incompétence – Items 36 à 40 : La vulnérabilité – Items 41 à 45 : La relation fusionnelle – Items 46 à 50 : L’assujettissement – Items 51 à 55 : Le sacrifice de soi – Items 56 à 60 : Le contrôle émotionnel à outrance – Items 61 à 65 : Les exigences élevées – Items 66 à 70 : Le tout m’est dû – Items 71 à 75 : Le manque d’autocontrôle.

Les 75 items de ce questionnaire sont cotés de 1 à 6 allant du désaccord complet à l’accord complet :

1 : Complètement faux ; 2 : Faux dans l’ensemble ; 3 : Plutôt vrai que faux ; 4 : Moyennement vrai ; 5 : Vrai dans l’ensemble ;

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6 : Me décrit parfaitement.

Notation

La correction du questionnaire abrégé des schémas (Young schema questionnaire-short form YSQ-S1) a été faite comme suit :

Ce questionnaire comprend 15 schémas de 5 items chacun.

Pour un schéma de cinq items, le minimum des notes est de 5×1 = 5 (1 = complètement faux) et le maximum des notes est de 5× 6 = 30 (6 = me décrit parfaitement).

5 10 15 20 25 30 Maximum

17,5 Zone moyenne

Les notes sont considérées comme faibles ou fortes selon leur graduation sur l’échelle du plus faible 5 points au plus forte 30 points. A mesure que la note est élevée, le schéma est plus dysfonctionnel.

3- Le questionnaire des pensées automatiques de Hollon et Kendall : « Automatic Thoughts Questionnaire » (ATQ)1

Le troisième questionnaire utilisé est le questionnaire des pensées automatiques irrationnelles (voir le questionnaire en annexe C).

Le questionnaire des pensées automatiques que nous avons adopté est celui de Hollon et Kendall (1980) : le « Automatic Thoughts Questionnaire » (ATQ).

1 BOUVARD M., COTTRAUX J., Protocoles et échelles d’évaluation en psychiatrie et en psychologie, Collection Médecine et Psychothérapie, Editions Masson, Paris, 1998, p. 143.

Minimum m

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Ce questionnaire évalue le contenu négatif du monologue intérieur des sujets dépressifs. Il comprend 30 items qui évaluent la fréquence des pensées automatiques sur une échelle Likert :

1 : Pas du tout ; 2 : Parfois ; 3 : Assez souvent ; 4 : Souvent ; 5 : Tout le temps.

Le score est obtenu à partir des notes attribuées à chaque item par le sujet1.

Ce questionnaire a été traduit en français et validé par Bouvard et ses collaborateurs en 1992. Son étalonnage varie entre 30 et 150. Chez les sujets déprimés, le score varie entre 90 et 130.

Cet auto-questionnaire sert non seulement à connaître la fréquence des cognitions, mais aussi à les identifier avant d’entamer une psychothérapie2.

Notation

Pour ce questionnaire composé de 30 items, le minimum des notes est de 30×1= 30 et le maximum des notes est de 30 ×5 = 150.

30 60 90 120 150Minimum Maximum

90 Zone Moyenne

Les notes sont considérées comme faibles ou fortes selon leur graduation sur l’échelle du plus faible 30 points au plus forte 150 points. Plus les notes sont élevées, plus les pensées sont dysfonctionnelles.

Etalonnage étranger3

1 Ibid., p. 143. 2 MIRABEL-SARRON C., RIVIERE B., op. cit. p. 38.3 BOUVARD M., COTTRAUX J., op. cit., p. 145.

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Version française

Bouvard M. et coll., 1992

Sujets dépressifs(n = 100)

Sujets contrôles(n = 93)

Moyenne Écart-type

95,7(23,35)

46,24(11,97)

4- Le questionnaire des attitudes parentales de Young : Young parenting inventory1

Le dernier questionnaire administré est celui des attitudes parentales de Young (Young parenting inventory, annexe D).

Ce questionnaire comprend 72 items répartis inéquitablement sur 17 schémas. Il évalue l’attitude des parents vis-à-vis de leur enfant lorsqu’il était jeune ainsi que les expériences précoces qui peuvent favoriser l’apparition des schémas précoces d’inadaptation.

Les dix-sept schémas présents dans le questionnaire sont successivement :

Items 1 à 5 : la carence affective – Items 6 à 9 : l’abandon – Items 10 à 13 : la méfiance – Items 14 à 17 : la vulnérabilité – Items 18 à 20 : la dépendance et l’incompétence – Items 21 à 24 : l’imperfection – Items 25 à 28 : l’échec – Items 29 à 32 : l’assujettissement – Items 33 à 36 : le sacrifice de soi – Items 37 à 43 : les exigences élevées – Items 44 à 47 : le tout m’est dû – Items 48 à 51 : le manque d’autocontrôle – Items 52 à 55 : la relation fusionnelle – Items 56 à 59 : la vulnérabilité aux erreurs, négativisme – Items 60 à 64 : le contrôle émotionnel à outrance – Items 65 à 68 : la sévérité –

1 Ibid., p. 219.

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Items 69 à 72 : la recherche d’approbation sociale.

Les 72 items de ce questionnaire sont cotés de 1 à 6 allant du désaccord complet à l’accord complet :

1 : Complètement faux ; 2 : Faux dans l’ensemble ; 3 : Plutôt vrai que faux ; 4 : Moyennement vrai ; 5 : Vrai dans l’ensemble ; 6 : La ou le décrit parfaitement1.

Notation

La correction du questionnaire des attitudes parentales de Young (Young parenting inventory) a été faite comme suit :

Le questionnaire dans attitudes parentales de Young comprend 17 schémas de nombre d’items varié : 3, 4, 5, ou 7 items.

Pour un schéma de quatre items, le minimum des notes est de 4×1 = 4 et le maximum des notes est de 4 × 6 =24.

4 8 12 16 20 24 Minimum Maximum

14 Zone moyenne

Les notes sont considérées comme faibles ou fortes selon leur graduation sur l’échelle du plus faible 4 points au plus forte 24 points.

Pour un schéma de trois items, le minimum des notes est de 3 × 1 =3 et le maximum des notes est de 3 × 6 = 18. 1 BOUVARD M., op. cit., p. 224. .

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3 6 9 12 15 18Minimum Maximum

10,5 Zone moyenne

Les notes sont considérées comme faibles ou fortes selon leur graduation sur l’échelle du plus faible 3 points au plus forte 18 points.

Pour un schéma de sept items, le minimum des notes est de 7 et le maximum des notes est de 42.

7 14 21 28 35 42Minimum Maximum

24,5 Zone moyenne

Les notes sont considérées comme faibles ou fortes selon leur graduation sur l’échelle du plus faible 7 points au plus forte 42 points.

Pour un schéma de cinq items, le minimum des notes est de 5×1 et le maximum des notes est de 5× 6 = 30.

5 10 15 20 25 30 Maximum

17,5 Zone moyenne

Minimum m

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Les notes sont considérées comme faibles ou fortes selon leur graduation sur l’échelle du plus faible 5 points au plus forte 30 points.

Pour tous les schémas, plus la note du schéma est élevée et plus le schéma est invalidant.

Seul pour le schéma de carence affective, le premier schéma du questionnaire des attitudes parentales, plus la note est basse et plus le schéma est retenu comme invalidant1.

Ce schéma est de cinq items. Ses notes sont considérées très faibles pour 30 points et très fortes pour 5 points.

5- Date de passation des tests

Nous avons commencé la passation des tests à partir de janvier 2007 et nous avons arrêté en janvier 2009.

Nous regrettons d’avoir eu à peu près en deux ans 21 bipolaires type I et 19 bipolaires type II. Notre intention était d’avoir 30 bipolaires type I et 30 bipolaires type II afin d’avoir des résultats plus significatifs.

Nous n’avons pas pu avoir un total de 60 bipolaires pour différentes raisons.

- La première raison est que nos critères d’inclusion et de choix des participants étaient assez difficiles : sujets universitaires, connaissant la langue française, euthymiques et âgés entre 20 et 40 ans.

En effet, nous avons voulu que les sujets soient universitaires, connaissant la langue française afin de pouvoir passer les tests qui sont en langue française; qu’ils soient euthymiques afin de pouvoir donner des réponses fiables et bien répondre aux questions en dehors des épisodes 1 BOUVARD M., op. cit., p. 217.

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maniaques et dépressifs. Nous avons également voulu qu’ils soient entre 20 et 40 ans pour bien répondre au questionnaire des attitudes parentales qui nécessite le rappel des situations expérimentées en bas âge.

- La deuxième est que les tests administrés sont longs et touchent des facteurs affectifs et cognitifs, intimes et personnels. Le refus de certains bipolaires de subir ces tests semble lié à l’évitement des émotions fortes et douloureuses que peuvent susciter les tests psychologiques.

En effet, nous avons remarqué durant notre travail l’impact assez fort de ces tests psychologiques sur les sujets bipolaires. L’échelle du lieu de contrôle suscitait de la part de certains bipolaires des répliques comme par exemple : mes réponses semblent être ambivalentes ou extrémistes. De même, le questionnaire des attitudes parentales suscitait des répliques tournant autour de la culpabilité ressentie envers les parents (à cause de la révélation de leurs attitudes nocives vis-à-vis d’eux), de la justification des attitudes parentales nocives « je comprends pour quoi ils étaient comme ça – ils ne sont plus comme ça » …

- La troisième est que les psychiatres que nous avons sollicités n’ont pas répondu à notre demande de rencontrer certains de leurs patients bipolaires. Seul un petit nombre de psychiatres a pu nous pourvoir en patients.

Nos rencontres avec les patients bipolaires commençaient par un entretien clinique expliquant le but de notre étude (connaître mieux le trouble bipolaire afin d’améliorer la prise en charge des patients) et par une simple anamnèse afin de les mettre à l’aise (pendant à peu près 15 à 30 minutes). La passation des questionnaires venait suite à cet entretien.

Nous avons tenu des fois à expliquer quelques questions en langues arabes afin d’éviter une incompréhension de la signification de quelques items difficiles.

Enfin, la passation des tests était difficile à cause de l’irritabilité exprimée par certains patients vu le sentiment de frustration suscité par la longueur des tests et la charge émotionnelle qu’ils génèrent, leur curiosité de connaître les résultats et leur manque d’habitude concernant ce genre d’exercice.

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6- Mode de traitement et d’interprétation

La méthode que nous avons adoptée dans notre recherche est la méthode comparative.

Elle nous permet de comparer les bipolaires au groupe normal qui constitue notre groupe de contrôle. Comme nous procéderons pour plus d’analyse à la comparaison entre bipolaires type I (à prédominance maniaque) et type II (à prédominance dépressive).

Après la passation des tests, nous avons eu recours au dépouillement des items correspondants à chacun des quatre tests afin de tirer les moyennes et les écarts-type et de comparer les résultats entre le groupe contrôle et le groupe des bipolaires et les bipolaires entre eux : de type I et de type II.

La correction des tests et le dépouillement des questions a pris beaucoup de temps vu que tout d’abord nous avions quatre tests qui sont assez longs. Par ailleurs, nous avons procédé manuellement au calcul des scores obtenus à chacun des tests et enfin nous avons reporté tous les scores obtenus sur le système « Microsoft Excel » afin d’obtenir la moyenne et l’écart-type de chacun des items des quatre tests utilisés.

Afin de faire une analyse approfondie des différentes moyennes obtenues par chacun des groupes et de comparer les moyennes de nos échantillons dont l’effectif varie entre 19 et 40, nous avons utilisé la formule de l’intervalle de confiance d’une moyenne pour les petits échantillons (N1+N2 ≤ 60) qui est la suivante1:

L = M ± tE

L définit les limites (inférieures et supérieures)

M est la moyenne obtenue de cet intervalle de confiance où se situe la moyenne

1 ANCELLE Thierry, Statistique épidémiologie, Editions Maloine, Collection « Sciences fondamentales », 2002, p. 75-76 .

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t est le t de Student étant donné qu’il s’agit de petits échantillons (référence table de student, annexe E)

n est l’effectif de l’échantillon

E est l’erreur type (ou erreur standard) obtenue d’après la valeur de l’écart-type des valeurs de l’échantillon (σ) divisé par la racine carrée (√) de l’effectif ou la taille de l’échantillon (n). σE = ― √n

Pour lire le t dans la table de student, nous calculons le nombre de degré de liberté (γ) ou (ddl) obtenu en soustrayons (1) de l’effectif (n). γ = n – 1, et nous fixons le seuil de probabilité p que nous souhaitons.

Nous avons comme seuil de probabilité p = 0,05 c’est-à-dire le risque de nous tromper dans 5 cas sur 100 dans notre calcul de cet intervalle de confiance.

Le calcul des limites de confiance d’une moyenne nous permet de déterminer l’intervalle de confiance de la moyenne à l’intérieur duquel celle-ci peut se déplacer.

Cette formule nous permet aussi de situer les moyennes à comparer.

- Si la seconde moyenne est comprise à l’intérieur de cet intervalle, cela veut dire que la différence entre les deux moyennes n’est pas significative.

- Par contre, si la seconde moyenne à comparer est située à l’extérieur des deux limites la différence entre les deux moyennes est significative.

Prenons par exemple les moyennes obtenues sur le schéma de carence affective par le groupe contrôle Mc = 9,84 (effectif Nc = 39 et σ = 4,82) et le groupe des bipolaires Mb = 14,6 (effectif Nb = 40 et σ = 7,40) dans le questionnaire des schémas de Young.

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Afin de comparer ces moyennes, nous avons calculé les limites de confiance de la moyenne du groupe contrôle.

Nous avons procédé de la façon suivante :

L = M ± tE ; la moyenne de ce groupe étant 9,84 ; Nc = 39 ; σ = 4,82

L = 9,84 ± tE

Pour avoir le t, nous devons calculer γ = n – 1 ; (n = Nc = 39)γ = 39 – 1 = 38

Donc t d’après la table t de Student est égale a : t = 2,03 pour p = 0,05.

σE = ― √n

4,82 4,82E = — = — = 0,77 √39 6,24

L = 9,84 ± 2,03 × 0,07 = 9,84 ± 1,56

La limite supérieure est : L s = 9,84 + 1,56 = 11,4

La limite inférieure est : L i = 9,84 - 1,56 = 8,28

Comme nous comparons la moyenne du groupe contrôle à celle du groupe des bipolaires qui est égale à 14,6 et comme 14,6 ne se situe pas entre la limite supérieure (11,4) et la limite inférieure (8,28) de l’intervalle de confiance et dépasse nettement la limite supérieure, nous concluons que la différence entre les moyennes des deux groupes est nettement significative au seuil de probabilité p = 0,05.

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Nous avons procédé de la même façon pour calculer les intervalles de confiance des moyennes des différents groupes : groupe contrôle par rapport au groupe des bipolaires et groupe des bipolaires I par rapport au groupe des bipolaires II.

Notre travail d’interprétation consiste à comparer les résultats obtenus à l’échelle du lieu de contrôle, des schémas précoces d’inadaptation, des pensées automatiques négatives et des attitudes parentales par les bipolaires et le groupe contrôle ainsi que par les bipolaires de type I (à prédominance maniaque) et les bipolaires de type II (à prédominance dépressive).

Cette comparaison nous permettra d’évaluer la différence entre les facteurs cognitifs et affectifs de ces différents groupes et de vérifier nos quatre hypothèses opérationnelles.

Dans les chapitres suivants, nous analyserons chacune des hypothèses dans un chapitre à part, en développant et discutant les résultats obtenus.

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CHAPITRE VII   : INFLUENCE DU TROUBLE BIPOLAIRE SUR LES COGNITIONS : LE LIEU DE CONTROLE

– VERIFICATION DE LA PREMIERE HYPOTHESE –

Notre recherche étudie l’influence du trouble bipolaire sur les facteurs cognitifs et affectifs.

Nous procéderons dans ce chapitre à la vérification de notre première hypothèse opérationnelle qui est la suivante :

le lieu de contrôle tend à être chez les patients bipolaires plus élevé tant dans son échelle interne qu’externe qu’il n’est chez les personnes saines ; plus externe aussi chez les sujets à prédominance dépressive (type II) que chez les sujets à prédominance maniaque.

Nous aborderons dans ce chapitre les points suivants :

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1- L’échelle interne et le trouble bipolaire

2- L’échelle externe « Autres » et le trouble bipolaire

3- L’échelle externe « chance » et le trouble bipolaire

4- Comparaison entre les trois échelles

5- Analyse de la tendance des sujets à répondre aux items de chacune des trois échelles du lieu de contrôle

1- Influence du trouble bipolaire sur l’échelle interne

Tableau 2 : échelle interne et trouble bipolaire GROUPES

LIEU DE CONTROLE

Groupe Contrôle

Nc = 39

Bipolaires(type I + type II)

Nb = 40

Bipolaires type I

n1 = 21

Bipolaires type II

n2 = 19

ECHELLE INTERNE

M = 31,97σ = 5,78

M = 34,32σ = 5, 78

M = 34,04σ = 6,06

M = 34,63σ = 5,43

*Première comparaison : entre groupe contrôle et groupe bipolaire :

A considérer l’échantillon total des bipolaires (type I + type II), en comparaison avec le groupe contrôle, nous remarquons que la moyenne des bipolaires est plus élevée que celle du groupe contrôle (31,97 pour 34,32).

Rappelons-le qu’à mesure que la note du lieu de contrôle est élevée, plus le sujet est affecté.

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196

Donc, leur internalité est forte parce qu’elle est supérieure à celle du groupe contrôle.

Nous développerons à titre d’exemple le calcul de l’intervalle de confiance des deux moyennes étant donné que la moyenne des bipolaires M = 34,32 se situe à l’extérieur de l’intervalle de confiance de la moyenne du groupe contrôle d’après la formule que nous avons développée dans le chapitre méthodologie de la recherche et qui est la suivante :

L = M ± tE ; la moyenne du groupe contrôle étant 31,97 ; Nc = 39 ; σ = 5,78

L = 31,97 ± tE

Pour avoir le t, nous devons calculer γ = n – 1 ; (n = Nc = 39)γ = 39 – 1 = 38 Donc d’après la table t de Student, t est égale a : t = 2,03 pour p = 0,05. σE = ― √n

5,78 5,78 E = — = — = 0,92 √39 6,24

L = 31,97 ± 2,03 × 0,92 = 31,97 ± 1,86

La limite supérieure est : L s = 31,97 + 1,86 = 33,83

La limite inférieure est : L i = 31,97 - 1,86 = 30,11

Ce résultat va dans le même sens que les travaux de Laos et ses collaborateurs (1994) qui ont trouvé chez les sujets psychiatriques une plus forte internalité que chez les sujets contrôles (28,1 pour le groupe contrôle et 29,5 pour les sujets psychiatriques)1.1 BOUVARD M., op. cit., p. 204.

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Lorsque l’internalité est assez forte, l’individu ne bénéficie plus de ses effets positifs sur sa santé. Elle devient pathogène, peut augmenter le stress et l’anxiété parce que beaucoup de situations dans la vie sont difficilement contrôlables.

L’internalité élevée des bipolaires montre que ces personnes se sentent trop responsables de ce qui leur arrive dans la vie et recherchent à contrôler de façon excessive les situations.

Cette internalité élevée chez les sujets bipolaires peut mettre leur vie psychosociale en difficulté d’autant plus si les autres échelles du lieu de contrôle : externe « autres » et externe « chance » sont aussi élevées, comme nous allons le vérifier dans le point suivant.

*Deuxième comparaison entre : bipolaire I et bipolaire II :

Pour plus approfondir notre analyse, nous comparons les bipolaires à prédominance dépressive (type II) aux bipolaires à prédominance maniaque (type I).

Nous constatons après avoir calculé l’intervalle de confiance de la moyenne et selon la table t de Student qu’il n’y a pas de différence entre eux au niveau de l’internalité. Leur moyenne est identique : (34,04 pour 34,63, se situant à l’intérieur des deux limites).

2- Influence du trouble bipolaire sur l’échelle externe « autres »

Tableau 3 : échelle externe «  autres » et trouble bipolaire

GROUPES

LIEU DE CONTROLE

Groupe Contrôle

Nc = 39

Bipolaires(type I + type II)

Nb = 40

Bipolaires type I

n1 = 21

Bipolaires type II

n2 = 19

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ECHELLEEXTERNE AUTRES

M = 21,61σ = 6,41

M = 24,9σ = 7,13

M = 22,95σ = 5,59

M = 27,05σ = 7,97

*Première comparaison : entre groupe contrôle et groupe bipolaire :

En comparant l’échantillon total des bipolaires (types I + II) avec le groupe contrôle, nous remarquons que l’externalité « autres » des bipolaires est plus élevée que celle du groupe contrôle (21,6 pour 24,9). D’après le calcul de l’intervalle de confiance de la moyenne et selon la table t de Student, la différence des moyennes s’avère être significative.

Ce résultat montre l’effet du trouble bipolaire sur le lieu de contrôle des sujets bipolaires. Il nous permet également de noter leur croyance élevée au pouvoir des gens qui les entourent, considéré comme déterminant de leur avenir et de ce qui va leur arriver d’agréable ou de désagréable dans la vie.

*Deuxième comparaison : entre bipolaire I et bipolaire II :

Et pour plus d’approfondissement, nous comparons les bipolaires à prédominance dépressive (type II) aux bipolaires à prédominance maniaque (type I).

Nous constatons que les bipolaires à prédominance dépressive de type II ont un score plus élevé à l’échelle externe « autres » que les bipolaires à prédominance maniaque de type I (27,05 pour 22,95). Cette différence de moyenne est significative d’après le calcul de l’intervalle de confiance (les deux moyennes étant situées à l’intérieur de cet intervalle).

L’externalité « autres » est plus élevée chez les bipolaires à prédominance dépressive (type II). Ce résultat peut être expliqué par la tendance des bipolaires type II à présenter plus d’épisodes dépressifs que les bipolaires à prédominance maniaque (type I), donc à être plus impressionnés par les autres.

En effet, les études que nous avons abordées dans le chapitre II de la partie théorique (Locus de contrôle et trouble bipolaire) montrent que les sujets dépressifs ont des résultats plus élevés aux échelles externes que les sujets sains. Et comme les bipolaires dépressifs de type II expérimentent

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surtout des épisodes dépressifs, plus que les bipolaires maniaques de type I, leur résultat à l’échelle externe « autres » est plus élevé.

Ainsi, les bipolaires à prédominance dépressive semblent être plus sensibles aux comportements des autres et croire plus à l’effet de leurs actions dans le contrôle de leur vie et leur pouvoir sur leur avenir, leur réussite ou leur échec que les bipolaires à prédominance maniaque.

3- Influence du trouble bipolaire sur l’échelle externe « chance »

Tableau 4 : échelle externe « chance » et trouble bipolaire

GROUPES

LIEU DE CONTROLE

Groupe Contrôle

Nc = 39

Bipolaires(type I + type II)

Nb = 40

Bipolaires type I

n1 = 21

Bipolaires type II

n2 = 19

ECHELLEEXTERNECHANCE

M = 24,05σ = 7,58

M = 27,52σ = 8,22

M = 27,76σ = 8,59

M = 27,26σ = 7,79

*Première comparaison : entre groupe contrôle et groupe bipolaire :

En comparant l’échantillon total des bipolaires (I + II) avec le groupe contrôle, nous remarquons que l’externalité « chance » des bipolaires est plus élevée que celle du groupe contrôle (24,05 pour 27,52).

Cette différence entre les moyennes est significative d’après le calcul de l’intervalle de confiance de la moyenne et en référence à la table t de Student. Elle montre l’altération des styles cognitifs des bipolaires par

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200

rapport aux sujets sains et l’impact du trouble bipolaire sur l’interprétation des événements qui les entourent.

Elle permet également de noter leur croyance élevée au contrôle externe exercé par la chance et le hasard.

*Deuxième comparaison : entre bipolaire I et bipolaire II :

Les bipolaires maniaques de type I et dépressifs de type II ont les mêmes scores sur l’échelle externe « chance ». La différence entre leurs moyennes n’est pas statistiquement significative (27,76 pour 27,26).

En comparant les deux échelles externes (autres) et (chance) chez les bipolaires, nous constatons que les scores sur l’échelle externe « chance » sont plus élevés que ceux de l’échelle externe « autres ». Dans le chapitre II (Locus de contrôle et trouble bipolaire) nous avons vu que l’échelle « chance » est plus affectée par les épisodes dépressifs que l’échelle externe « autres ».

GROUPES

LIEU DE CONTROLE

Groupe Contrôle

Nc = 39

Bipolaires(type I + type II)

Nb = 40

Significativité des

moyennes : Groupe

contrôle /Bipolaires

Bipolaires type I

n1 = 21

Bipolaires type II

n2 = 19

Significativité des

moyennes : Bipolaires

type I /Type II

ECHELLE INTERNE

M = 31,97σ = 5,78

M = 34,32σ = 5, 78

S M = 34,04σ = 6,06

M = 34,63σ = 5,43

NS

ECHELLEEXTERNE AUTRES

M = 21,61σ = 6,41

M = 24,9σ = 7,13

S M = 22,95σ = 5,59

M = 27,05σ = 7,97

S

ECHELLEEXTERNECHANCE

M = 24,05σ = 7,58

M = 27,52σ = 8,22

S M = 27,76σ = 8,59

M = 27,26σ = 7,79

NS

Cette prédominance de l’échelle « chance » à l’échelle « autres » chez les sujets psychiatriques, relevée dans le chapitre II et dans l’étude de Laos et ses collaborateurs1 (29,2 pour la chance et 25,5 pour les autres) peut expliquer la prédominance de l’échelle « chance » à l’échelle « autres » aussi chez les patients bipolaires.

1 BOUVARD M., op. cit., p. 204.

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Les bipolaires semblent croire plus au contrôle externe exercé par la chance et le hasard que par les « autres tout-puissants ». Cette croyance dans la chance est beaucoup plus pathogène pour l’individu parce qu’elle le rend impuissant, passif, en détresse émotionnelle, vu sa confrontation à une réalité face à laquelle il n’a aucun pouvoir d’action.

4- Comparaison entre les trois échelles

Tableau 5 : Comparaison du lieu de contrôle entre les différents groupes

S = Significatif NS = Non Significatif Les scores sur les deux échelles : interne et externe sont plus élevés

dans le groupe bipolaire que dans le groupe contrôle.

Cette différence significative dans les résultats montre combien la population bipolaire est fragile au niveau cognitif par rapport à la population saine. Elle nous ouvre des pistes d’action dans le travail psychothérapeutique et nous permet de penser à l’importance de diminuer l’ampleur de l’internalité et des sentiments de responsabilité ou de culpabilité qui s’en suivent et de l’externalité et de l’accusation des facteurs externes (autres et surtout chance).

Quant aux bipolaires entre eux, la seule différence minime existante entre les bipolaires de type I et les bipolaires de type II est au niveau de l’échelle externe « autres ». Ils se ressemblent au niveau de l’échelle interne et au niveau de l’échelle externe « chance ».

Nous pouvons conclure en disant que l’échec qui résulte du sentiment excessif d’internalité et de responsabilité mène les bipolaires dans une contre-réaction (pour échapper au sentiment d’échec et de culpabilité) qui sert à ramener, plus que les autres, les événements qui les entourent aux facteurs externes, qui se trouvent en dehors d’eux et de leurs actions ; aux autres et surtout à la chance.

5- Analyse de la tendance des sujets à répondre aux items de chacune des trois échelles du lieu de contrôle

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202

Afin de mieux comprendre la signification des moyennes obtenues dans le tableau précédent et de préciser la tendance des sujets de notre échantillon à être d’accord ou en désaccord avec les propositions du questionnaire sur le lieu de contrôle, nous avons procédé de la façon suivante :

- Pour chacun des groupes de notre échantillon, nous avons établi dans un tableau les notes brutes données par chacun des sujets sur chacun des items correspondant aux trois échelles du lieu de contrôle.

- Nous avons utilisé l’option « Filter » sur Microsoft Excel, afin de quantifier ces données.

- Nous avons considéré que les items cotés 1(pas du tout d’accord) et 2 (pas d’accord) représentaient la tendance vers le désaccord et les items cotés 5 (d’accord) et 6 (tout à fait d’accord) la tendance vers l’accord et les items cotés 3 (plutôt pas d’accord) et 4 (plutôt d’accord) la tendance vers l’hésitation.

- Nous avons additionné les cotations 1+2 ensemble, 3+4 ensemble et 5+6 ensemble pour chacune des trois dimensions du lieu de contrôle afin de mieux observer la tendance vers l’accord ou vers le désaccord par rapport aux items proposés (Cf. Annexe F).

*Le lieu de contrôle interne :

L’analyse des résultats obtenus nous permet de noter que dans les deux groupes : groupe contrôle et groupe des bipolaires 1 et 2, la tendance à donner des réponses en accord avec les propositions (cotées 5 et 6) du lieu de contrôle interne est nettement plus élevée que celle de donner des réponses en désaccord surtout pour les items 5, 19 et 21. Cette tendance est évidemment plus élevée chez les bipolaires que chez le groupe contrôle.

Quant aux items 5 « Le fait que mes projets se réalisent ou pas dépend essentiellement de moi », 19 « Ce qui fait que je parviens ou pas à défendre mes intérêts dépend essentiellement des actions que j’entreprends » et 21« Le fait que j’obtienne ou non ce que je désire dépend essentiellement des efforts que je fais pour l’avoir », ils semblent interpeler le plus les sujets de l’échantillon parce qu’ils touchent plus à des aspects personnels et intimes : à leurs projets, intérêts et désirs pour lesquels ils se sentent le plus concernés et responsables.

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*Le lieu de contrôle externe « Autres »:

Dans les deux groupes : groupe contrôle et groupe des bipolaires 1 et 2, la tendance à donner des réponses en désaccord avec les items du lieu de contrôle externe « Autres » est nettement plus élevée que celle de donner des réponses en accord surtout pour les items 3 et 11. Cette tendance est évidemment plus élevée chez le groupe contrôle que chez les bipolaires et chez les bipolaires II par rapport aux bipolaires I.

Quant aux items 3 « Il me semble que ce qui m’arrive dans la vie est surtout déterminé par des gens qui ont du pouvoir » et 11 « Ma vie est surtout contrôlée par des personnes qui ont du pouvoir », nous remarquons qu’ils suscitent le plus une réponse de désaccord chez les sujets de l’échantillon parce qu’ils semblent toucher le plus au contrôle direct des gens qui ont du pouvoir sur la vie des individus et provoquer une attitude de refus de ce pouvoir direct des autres sur eux.

Toutefois, nous remarquons que les bipolaires II refusent le moins la puissance des autres et reconnaissent le plus que les autres ont un grand pouvoir sur eux et sur leur vie par rapport aux bipolaires I.

*Le lieu de contrôle externe « Chance »:

Dans les deux groupes : groupe contrôle et groupe des bipolaires 1 et 2, la tendance à donner des réponses en désaccord avec les items du lieu de contrôle externe « Chance » est nettement plus élevée que celle de donner des réponses en accord surtout pour l’item 24. Cette tendance est nettement plus élevée chez le groupe contrôle par rapport au groupe des bipolaires.

Quant à l’item 24 « C’est surtout le destin qui fait de moi une personne estimé(e) ou non par l’ensemble des gens », il semble être le plus refusé par les sujets de l’échantillon parce qu’il marginalise le plus leur rôle et montre surtout la puissance du destin.

Par contre, l’item 10 « J’ai souvent constaté dans ma vie que ce qui doit m’arriver doit m’arriver  » semble être le plus accepté comme vrai par l’ensemble des sujets de l’échantillon surtout par les bipolaires. Cette tendance à être d’accord avec cette proposition chez les sujets bipolaires peut être comprise par le sentiment d’impuissance qu’ils peuvent avoir par

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rapport à leur maladie et à leur conscience qu’ils ne peuvent rien faire pour changer le cours des événements et éviter les rechutes.

Par ailleurs, les bipolaires I et II tendent à avoir à la fois une attitude de refus et d’acceptation des propositions concernant la chance montrant leur foi dans le destin, le hasard et la chance.

Nous pouvons expliquer cette tendance élevée des bipolaires à être plutôt externes, surtout des bipolaires II, par ce qui suit :

les bipolaires, surtout de type II expérimentent plusieurs épisodes dépressifs. Ces épisodes multiples envenimés par les stresseurs psychosociaux et les exigences élevées du monde extérieur rendent le sujet bipolaire démuni et incapable de traiter le flot d’information provenant de plusieurs sources. Les expériences d’échec qui s’en suivent et l’incapacité de répondre à ces informations par des stratégies d’adaptation rendent le système cognitif débordé puisqu’il ne peut pas traiter plusieurs sources d’information en même temps. Ainsi, le style cognitif tend plus à être externe et permet au sujet de protéger son Moi en considérant que les événements qui arrivent ne dépendent pas de lui, mais dépendent d’une source extérieure à lui et en dehors de lui (les autres et la chance). Le Moi diminue ainsi son auto-accusation et son sentiment de culpabilité quand il ramène ce qui lui arrive dans la vie aux autres et à la chance.

SYNTHESE   : VERIFICATION DE LA PREMIERE HYPOTHESE

L’analyse précédente des résultats nous montre que notre première hypothèse est vérifiée.

Ainsi, le lieu de contrôle chez les bipolaires est plus élevé qu’il n’est chez le groupe contrôle montrant qu’ils sont plus affectés par les événements qui les entourent et par conséquent plus troublés et plus dysfonctionnels que le groupe contrôle au niveau de l’interprétation des événements qu’ils vivent.

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Le groupe bipolaire dépressif à son tour se montre plus dysfonctionnel dans sa façon d’interpréter les événements qui l’entoure que le groupe bipolaire maniaque.

Cependant la différence existe, mais reste minime.

CHAPITRE VIII   : INFLUENCE DU TROUBLE BIPOLAIRE SUR LES COGNITIONS : LES PENSEES AUTOMATIQUES

– VERIFICATION DE LA DEUXIEME HYPOTHESE –

Ce chapitre a pour objectif la vérification de notre deuxième hypothèse qui est la suivante :

les pensées automatiques tendent à être chez les patients bipolaires plus négatives qu’elles ne le sont chez les personnes saines ;  plus négatives aussi chez les sujets à prédominance maniaque (type I) que chez les sujets à prédominance dépressive (type II) du fait de la complexité des épisodes maniaques et de leurs séquelles.

Dans le quatrième chapitre de notre partie théorique (Le trouble bipolaire et les cognitions), nous avons développé le concept des « pensées automatiques » qui constitue la deuxième variable dépendante de notre deuxième hypothèse opérationnelle.

Nous aborderons dans ce chapitre les points suivants :

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206

1- la comparaison des pensées automatiques entre le groupe contrôle et le groupe bipolaire 

2- la comparaison des pensées automatiques entre bipolaire type I et bipolaire type II

3- les pensées automatiques les plus retrouvées chez les deux groupes : groupe contrôle et groupe bipolaire

Rappelons-le avant de commencer l’interprétation des résultats que plus les notes sont élevées plus les pensées sont dysfonctionnelles.

Tableau 6 : Comparaison des pensées automatiques entre les différents groupesGROUPES

PENSEES AUTOMA-TIQUES

Groupe Contrôle

Nc = 39

Bipolaires(types I +II)

Nb = 40

Significativité des

moyennes :

Groupecontrôle /Bipolaires

Bipolaires type I

n1 = 21

Bipolaires type II

n2 = 19

Significativité des

moyenne:

Bipolaires type I / type II

RESULTATSM = 50,17σ = 19,46

M = 75,27σ = 24,29

S M = 76,38σ = 22,73

M = 74,05σ = 25,84

NS

1- Comparaison des pensées automatiques entre : le groupe contrôle et le groupe bipolaire 

La comparaison des résultats du groupe contrôle avec ceux du groupe des bipolaires nous montre que la moyenne des pensées automatiques des bipolaires I + II est significativement plus élevée (d’après le calcul de l’intervalle de confiance de la moyenne et selon la table t de Student) par rapport à celle du groupe contrôle (75,27 pour 50,17).

Vu la complexité de leur maladie, la peur de présenter de nouveaux épisodes, la crainte d’avoir un avenir instable semblable à la nature de leur maladie, le désir d’être quelqu’un de mieux ne souffrant pas d’une maladie chronique, nous constatons que les bipolaires pendant la période euthymique ont des idées plus dysfonctionnelles, négatives et pessimistes concernant soi-même et le futur par rapport aux personnes saines.

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2- Comparaison des pensées automatiques entre : le groupe des bipolaires maniaques (type I) et le groupe des bipolaires dépressifs (type II)

Les bipolaires à prédominance maniaque de type I ont un score plus élevé au questionnaire des pensées automatiques que les bipolaires à prédominance dépressive de type II (76,38 pour 74,05).

Le calcul de l’intervalle de confiance situe ces deux moyennes à l’intérieur de cet intervalle, ce qui nous permet de noter que cette différence n’est pas significative.

Cependant, nous avons essayé d’expliquer cette légère différence au niveau du score chez les bipolaires de type I à prédominance maniaque.

Vu l’intensité du syndrome maniaque et les multiples dégâts autour de soi qu’il occasionne (dépenses excessives, comportements excentriques, sexualité inadéquate…), comme nous l’avons vu au chapitre I de notre partie théorique (Trouble bipolaire), la sortie de la crise manique devient source de honte, et pendant la période euthymique qui s’en suit, le patient passe son temps à colmater les brèches et à regretter son comportement passé.

Ainsi, le patient bipolaire à prédominance maniaque de type I appréhende l’avenir en craignant la survenue de nouveaux épisodes similaires à ceux qu’il a expérimenté auparavant légèrement plus que l’autre type.

Par ailleurs, la moyenne au questionnaire des pensées automatiques calculée chez notre échantillon total de bipolaires (M = 75,27) est plus basse que la moyenne des sujets dépressifs retrouvée par Bouvard et ses collaborateurs (1992) qui est égale à 95,71.

Ceci nous permet de comprendre que les résidus dépressifs continuent à se faire sentir même dans l’état euthymique sans jamais remplir les pensées relatives à un épisode dépressif majeur. Cela va dans le sens de l’idée actuellement prévalente que l’état intercritique n’est jamais un blanchissement total. En effet, d’après Clark (2002) et Farmer (2004),

1 BOUVARD M., op. cit., p. 145.

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ceci peut être expliqué par l’effet des symptômes affectifs résiduels chez les personnes souffrantes de troubles de l’humeur2.

3- Les pensées automatiques les plus retrouvées chez les deux groupes : groupe contrôle et groupe bipolaire

Afin d’identifier les pensées automatiques qui sont souvent (cotés 4) ou tout le temps (cotés 5) retrouvées chez les sujets de notre échantillon : groupe contrôle et groupe des bipolaires, nous avons procédé de la façon suivante :

- Pour chacun des groupes de notre échantillon, nous avons établi dans un tableau les notes brutes données par chacun des sujets sur les 30 items

- Nous avons utilisé l’option « Filter » sur Microsoft Excel, afin de quantifier ces données.

- Nous avons considéré les items cotés 1(pas du tout) et 2 (parfois) correspondant aux pensées les moins reconnues comme vraies ; les items cotés 3 (Assez souvent) comme des réponses hésitantes, et les items 4 (souvent) et 5 (tout le temps) correspondant aux pensées dysfonctionnelles les plus fréquentes (Cf. Annexe G).

L’analyse des résultats obtenus nous permet de noter que dans les deux groupes : groupe contrôle et groupe des bipolaires 1 et 2, les pensées automatiques les plus retrouvées chez les sujets de notre échantillon, surtout chez les bipolaires, sont les suivantes : l’item 7 « J’aimerais être quelqu’un de mieux » et l’item 26 « Quelque chose doit changer ».

Ces deux items représentent le désir des sujets d’être mieux et d’opérer un changement.

2 Cités par JONES Lisa, SCOTT Jan, HAQUE Sayeed et coll., Cognitive style in bipolar disorder, British Journal of Psychiatry, 2005, Volume 187, p. 435.

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La pulsion de vie présente chez tout individu, le désir d’être mieux, l’envie d’être sain, d’être parfait, de vivre dans un état de bien être et d’être en bonne santé correspondent non seulement aux désirs des personnes bipolaires, mais aussi à ceux des personnes saines.

Par ailleurs, nous retrouvons chez les bipolaires, en plus des items 7 et 26, les items 9, 10 et 11. Les pensées correspondantes à ces items sont les suivantes :

7 « J’aimerais être quelqu’un de mieux » 26 « Quelque chose doit changer », 9 « Ma vie ne se déroule pas comme je le souhaite », 10 « Je me déçois moi-même » et 11 « Rien n’est bon comme avant ».

Ces pensées automatiques ruminées « souvent » ou « tout le temps » par les bipolaires montrent leur regret d’avoir une vie mouvementée, faite d’oscillation d’humeur et d’instabilité, différente de celle vécue avant leur premier accès dépressif ou maniaque qui a certainement bouleversé leur vie.

D’une part on peut noter chez eux et surtout chez les bipolaires I la force de l’instinct de vie qui les amène à souhaiter un avenir meilleur et les fait regretter leur passé. En revanche, la lutte contre l’instinct de mort les amène à s’auto-détruire, à s’auto-accuser et s’auto-agresser ou par moment à accuser et agresser les autres pour se défendre et se protéger.

Les pensées qui sont presque pas du tout retrouvées chez le groupe contrôle correspondent aux items 17 « Je me déteste », 18 « Je suis sans valeur », 21 «  Je suis un perdant » et 23 « Je suis un raté ».

La majorité du groupe contrôle ne se déteste pas (item 17), et ne se considère pas comme étant ratée (item 23), perdante et sans valeur. Les sujets du groupe contrôle ont pratiquement une image positive d’eux-mêmes et une bonne valorisation de soi. Cependant, cette appréciation de soi ne les empêche pas de rechercher à vouloir être encore mieux.

Comme les sujets du groupe contrôle, les bipolaires I et II ne se considèrent pratiquement pas comme « des ratés » (item 23), « pas bons »

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(item 2), « ayant une grande difficulté à faire face au monde » (item 1) et ne pensent pas que la vie ne vaut pas la peine d’être vécue (item 29).

Le désir de continuer à vivre représente pour eux l’instinct de vie et l’envie de continuer. Toutefois, la maladie qui les fait souffrir énormément, l’incompréhension de sa nature et de son évolution, sa non acceptation et l’insatisfaction liée à leur incapacité d’opérer un changement, surtout chez les bipolaires I (qui n’ont pas de pouvoir suffisant contre leurs épisodes maniaques), fait qu’ils se déçoivent eux-mêmes et finissent par déprimer.

En effet, on note chez plus que la moitié d’entre-deux un désir d’être quelqu’un de mieux (item 7) et un sentiment que quelque chose doit changer (item 23). De même, chez presque la moitié d’entre-deux nous retrouvons un sentiment de ne pas avoir une vie qui se déroule comme ils le souhaitent (item 9), un sentiment que rien n’est bon comme avant (item 11) et une déception d’eux-mêmes (item 10).

Nous pouvons conclure en disant que les bipolaires ne se détestent pas et ne se considèrent pas sans valeur, mais ils désirent être mieux et lutter contre l’instinct de mort ressenti souvent durant les épisodes dépressifs et les épisodes maniaques.

SYNTHESE   : VERIFICATION DE LA DEUXIEME HYPOTHESE

Après avoir analysé les résultats nous constatons que notre deuxième hypothèse est vérifiée.

Les pensées automatiques chez les bipolaires sont plus élevées qu’elles ne le sont chez le groupe contrôle. Ces résultats nous permettent de dire que les bipolaires perçoivent le monde, l’avenir et se perçoivent de façon plus négative que le groupe contrôle.

Le groupe bipolaire maniaque se montre plus dysfonctionnel dans sa façon de percevoir et de penser soi-même et le monde qui l’entoure que le groupe bipolaire dépressif (sans que la différence existante ne soit réellement significative).

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211

CHAPITRE IX   : INFLUENCE DU TROUBLE BIPOLAIRE SUR LA VIE AFFECTIVE : LES SCHEMAS PRECOCES D’INADAPTATION

– VERIFICATION DE LA TROISIEME HYPOTHESE –

Ce chapitre a pour objectif la vérification de notre troisième hypothèse qui est la suivante :

le trouble bipolaire affecte aussi la vie affective, manifestée à travers les schémas précoces d’inadaptation. Ces schémas semblent être plus élevés chez les bipolaires par rapport aux personnes saines ; et encore plus élevés chez les sujets à prédominance maniaque (type I) que les sujets à prédominance dépressive (type II).

Dans le troisième chapitre de notre partie théorique (Schémas précoces d’inadaptation d’après Young), nous avons développé le concept du « schéma précoce d’inadaptation » qui constitue la troisième variable dépendante de notre troisième hypothèse opérationnelle.

Nous aborderons dans ce chapitre les deux points suivants :

1- la comparaison des schémas précoces d’inadaptation entre le groupe contrôle et le groupe bipolaire

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2- la comparaison des schémas précoces d’inadaptation entre le groupe des bipolaires maniaques type I et le groupe des bipolaires dépressifs type II

Afin d’entreprendre ces comparaisons, nous avons montré dans le tableau n˚7 la significativité des moyennes dans les différents groupes.

Nous tenons aussi à rappeler qu’à mesure que la note est élevée, le schéma est plus dysfonctionnel.

Tableau 7 : Comparaison des 15 schémas précoces d’inadaptation entre les différents groupes : Tableau général (voir les items du questionnaire, annexe B)

GROUPES

SCHEMAS

Groupecontrôle

Nc = 39

Bipolaires(types I +II)

Nb = 40

Significativité des

moyennes :

Groupecontrôle /Bipolaires

Bipolairestype I

n1 = 21

Bipolairestype II

n2 =19

Significativité des

moyennes:

Bipolairestype I / type II

1/ Carenceaffective

M = 9,84σ = 4,82

M = 14,6σ = 7,40

S M = 14,47σ = 7,01

M = 14,73σ = 7,80

NS

2/ Abandon M = 11,64 σ = 4,71

M = 18,25σ = 6,26

S M = 18,47σ = 5,80

M = 18 σ = 6,73

NS

3/ Méfiance et abus

M = 9,82σ = 4,27

M = 17,62σ = 6,46

S M = 17,95σ = 6,18

M = 17,26σ = 6,73

NS

4/ Isolement social

M = 9,74σ = 4,21

M = 16,45σ = 7,32

S M = 16,95σ = 6,42

M = 15,89σ = 8,16

NS

5/ Imperfection M = 7,58σ = 3,71

M = 9,82σ = 5,91

FS M = 10,09σ = 4,63

M = 9,52σ = 7,04

NS

6/ Echec M = 8,28σ = 5,08

M = 12,22σ = 6,39

S M = 12,28σ = 5,01

M = 12,15σ = 7,63

NS

7/ Dépendance et incompétence

M = 8,64σ = 5,42

M = 14,15σ = 6,37

S M = 14,95σ = 6,27

M = 13,26σ = 6,35

NS

8/ Vulnérabilité M = 9,35σ = 4,09

M = 14,57σ = 6,08

S M = 14,47σ = 5,44

M = 14,68σ = 6,71

NS

9/ Relation fusionnelle

M = 9,41σ = 4,39

M = 14,47σ = 6,35

S M = 13,76σ = 6,37

M = 15,26σ = 6,23

NS

10/ Assujettissement

M = 8,89σ = 4,28

M = 10,57σ = 4,01

FS M = 10,28σ = 3,57

M = 10,89σ = 4,42

NS

11/ Sacrifice de soi

M = 15,97σ = 5,38

M = 20σ = 5,67

S M = 19,14σ = 6,04

M = 20,94σ = 5,06

NS

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213

12/ Contrôle émotionnelà outrance

M = 11,30σ = 4,85

M = 14,25σ = 6,82

S M = 13,38σ = 6,06

M = 15,21σ = 7,45

NS

13/ Exigences élevées

M = 17,64σ = 5,76

M = 22,72σ = 5

S M = 22,57σ = 5,08

M = 22,89σ = 4,91

NS

14/ Tout m’est dû

M = 14,41σ = 5,74

M = 19,75σ = 5,53

S M = 18,42σ = 5,99

M = 21,21σ = 4,54

S

15/ Manque d’auto-contrôle

M = 11,64σ = 4,73

M = 17,77σ = 6,23

S M = 17,90σ = 6,61

M = 17,63σ = 5,77

NS

S = Significatif NS = Non Significatif FS = Faiblement Significatif

1- Comparaison des schémas précoces d’inadaptation entre : le groupe contrôle et le groupe des bipolaires (type II dépressif + type I maniaque)

1/ Carence affective

Tableau 8

GROUPES

SCHEMAS

Groupecontrôle

Nc = 39

Bipolaires(types I +II)

Nb = 40Carence affective M = 9,84

σ = 4,82M = 14,6σ = 7,40

La comparaison de la carence affective entre le groupe contrôle et le groupe bipolaire nous permet de remarquer qu’elle est plus élevée chez les patients bipolaires (9,84 pour 14,6). D’après le calcul de l’intervalle de confiance de la moyenne et en fonction de la table t de Student, la différence est significative (les deux moyennes étant situées dans le même intervalle de confiance).

Ce résultat nous permet de dire que les bipolaires expérimentent plus que les personnes normales en bas âge des sentiments de manque affectif, c’est-à-dire de manque d’attention, de chaleur physique, de compréhension, d’écoute et de guidance (selon les items du questionnaire des schémas précoces d’inadaptation, annexe B).

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214

2/ Abandon

Tableau 9

GROUPES

SCHEMAS

Groupecontrôle

Nc = 39

Bipolaires(types I +II)

Nb = 40Méfiance et abus M = 9,82

σ = 4,27M = 17,62σ = 6,46

Le schéma d’abandon est plus élevé chez les patients bipolaires que chez les personnes saines (11,64 pour 18,25). D’après le t de Student, la différence est hautement significative.

Cette différence au niveau de ce besoin affectif montre que les bipolaires souffrent plus de menace d’abandon ou d’abandons réels, sont plus privés d’affection et de liens relationnels stables par rapport au groupe contrôle (selon les items du questionnaire).

Cet abandon ressenti par le Moi et la perte de l’objet d’amour se retrouvent au centre de l’explication psychodynamique du trouble dépressif et du trouble bipolaire (comme nous l’avons bien vu dans la partie theorique).

3/ Méfiance et abus

Tableau 10

GROUPES Groupe Bipolaires

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215

SCHEMAS

contrôle

Nc = 39

(types I +II)

Nb = 40Abandon M = 11,64

σ = 4,71M = 18,25σ = 6,26

En comparaison avec le groupe contrôle, le groupe des bipolaires a un schéma de méfiance et d’abus plus développé (9,82 pour 17,62). D’après le calcul de l’intervalle de confiance de la moyenne et selon la table t de Student, la différence est hautement significative.

Ce résultat très élevé chez les bipolaires atteste que les patients bipolaires souffrent au cours de leur vie, surtout durant leur enfance de maltraitance de la part de leurs parents. Abusés physiquement, verbalement ou sexuellement en bas âge, ils sont victimes de sentiments d’humiliation, de blessure, d’infidélité et de malhonnêteté de la part des autres (selon les items du questionnaire).

Nos résultats élevés attestent ce que nous avons développé dans le chapitre cinq de notre partie théorique (Trouble bipolaire et milieu familial). En effet, la famille du bipolaire est particulière dans sa façon de traiter son enfant et d’exprimer ses émotions. La maltraitance qu’elle lui fait subir a un impact énorme sur le début, le cours et l’évolution de sa maladie.

4/ Isolement social

Tableau 11

GROUPES

SCHEMAS

Groupecontrôle

Nc = 39

Bipolaires(types I +II)

Nb = 40Isolement social M = 9,74

σ = 4,21M = 16,45σ = 7,32

La moyenne obtenue chez les patients bipolaires sur l’isolement social est plus élevée que celle obtenue par le groupe contrôle (9,74 pour 16,45). D’après le calcul de l’intervalle de confiance, la différence est hautement significative.

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Isolés en bas âge de leur environnement social, expérimentant dans leurs familles une vie sociale limitée, les bipolaires semblent s’isoler plus que les personnes saines et souffrir plus de problèmes d’adaptation dans leur entourage (en considérant les items du questionnaire).

Cet isolement nous semble être favorisé en bas âge par la manifestation chez l’enfant d’un trouble psychiatrique précédent le trouble bipolaire. En effet, d’après les études sur les troubles rencontrés en bas âge chez les adultes bipolaires et que nous avons vu dans le premier chapitre (Trouble bipolaire), nous pouvons dire qu’un un enfant hyperactif ou anxieux risque d’être plus isolé et mis à l’écart par les personnes qui l’entourent et de développer un schéma d’isolement social.

5/ Imperfection

Tableau 12

GROUPES

SCHEMAS

Groupecontrôle

Nc = 39

Bipolaires(types I +II)

Nb = 40Imperfection M = 7,58

σ = 3,71M = 9,82σ = 5,91

La comparaison du groupe contrôle avec le groupe des bipolaires nous permet de constater que l’imperfection est plus élevée chez les patients bipolaires que chez les personnes saines (7,58 pour 9,82). La différence est faiblement significative statistiquement.

Cette imperfection retrouvée plus chez les bipolaires que chez les personnes saines est le produit de critiques humiliantes et de comportements manquants de respect, infligés par les parents à leurs enfants. Toutefois, la moyenne obtenue sur ce schéma n’est pas aussi élevée par rapport aux moyennes d’autres schémas obtenues auparavant et citées ci-dessus.

Ceci nous montre que les bipolaires libanais ne sont pas critiqués et rejetés par leurs parents de façon aussi intense qu’on le remarque d’après notre lecture des études faites sur l’expression émotionnelle, abordées dans

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217

le chapitre cinq de notre partie théorique (Trouble bipolaire et milieu familial).

6/ Echec

Tableau 13

GROUPES

SCHEMAS

Groupecontrôle

Nc = 39

Bipolaires(types I +II)

Nb = 40Echec M = 8,28

σ = 5,08M = 12,22σ = 6,39

Les bipolaires (type I + type II) ont une moyenne plus élevée au schéma d’échec que les personnes du groupe contrôle (8,28 pour 12,22). D’après le calcul de l’intervalle de confiance, la différence est statistiquement significative.

Ils se sentent plus que les personnes saines inférieures aux autres, incapables de réussir et voués à l’échec. Ces sentiments peuvent être favorisés par les changements cognitifs et comportementaux affectés par les épisodes thymiques.

7/ Dépendance et incompétence

Tableau 14

GROUPES

SCHEMAS

Groupecontrôle

Nc = 39

Bipolaires(types I +II)

Nb = 40Dépendance et incompétence M = 8,64

σ = 5,42M = 14,15σ = 6,37

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La moyenne obtenue par les bipolaires sur le schéma de dépendance et d’incompétence est plus élevée que celle obtenue par le groupe contrôle (8,64 pour 14,15). La différence est cliniquement significative.

Cette dépendance et cette incompétence est plus remarquée chez les bipolaires que chez les personnes saines vu leur incapacité de gérer et résoudre leurs problèmes nourris par leur maladie, de décider et de se débrouiller seul dans la vie (selon les items du questionnaire).

Nous savons que l’une des phases importantes de la thérapie comportementale et cognitive est l’apprentissage du patient de la gestion des problèmes.

8/ Vulnérabilité

Tableau 15

GROUPES

SCHEMAS

Groupecontrôle

Nc = 39

Bipolaires(types I +II)

Nb = 40Vulnérabilité M = 9,35

σ = 4,09M = 14,57σ = 6,08

La vulnérabilité rencontrée chez les patients bipolaires est plus élevée que celle rencontrée chez les personnes saines (9,35 pour 14,57). D’après le calcul de l’intervalle de confiance, la différence est statistiquement significative.

Les patients bipolaires semblent être plus anxieux et plus sensibles aux situations catastrophiques, au danger et aux maladies que les personnes saines (selon les items du questionnaire).

Leur crainte excessive de perdre leur argent, d’être touché par des catastrophes naturelles, d’être atteints par des maladies graves ou de perdre la raison ou le contrôle peut être expliquée par l’angoisse qui est accentuée pendant les phases maniaque et dépressive et qui persiste en moindre intensité durant la phase euthymique.

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9/ Relation fusionnelle

Tableau 16GROUPES

SCHEMAS

Groupecontrôle

Nc = 39

Bipolaires(types I +II)

Nb = 40Relation fusionnelle M = 9,41

σ = 4,39M = 14,47σ = 6,35

Par rapport au groupe contrôle, le groupe bipolaire a une relation fusionnelle plus intense avec ses parents (9,41 pour 14,47). La différence est statistiquement significative.

Cette relation fusionnelle nourrie durant l’enfance peut être entretenue avec le temps suite aux multiples accès qui génèrent une dépendance affective de la part du patient et de ses parents et suscite chez chacun d’eux la conviction que l’un a besoin de l’autre pour survivre.

10/ Assujettissement

Tableau 17GROUPES

SCHEMAS

Groupecontrôle

Nc = 39

Bipolaires(types I +II)

Nb = 40Assujettissement M = 8,89

σ = 4,28M = 10,57σ = 4,01

La moyenne sur le schéma d’assujettissement est plus élevée dans le

groupe bipolaire que dans le groupe contrôle (8,89 pour 10,57). Mais la différence est faiblement significative.

Par peur d’être critiqué, abandonné ou puni par les autres, les patients bipolaires étouffent leurs émotions, leurs besoins, leurs désirs plus que les personnes saines. Les critiques pouvant être vécues dans leur environnement familial et affectant le cours et l’évolution de leur maladie sont des raisons suffisantes pour les amener à se soumettre aux besoins et désirs des autres.

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11/ Sacrifice de soi

Tableau 18

GROUPES

SCHEMAS

Groupecontrôle

Nc = 39

Bipolaires(types I +II)

Nb = 40Sacrifice de soi M = 15,97

σ = 5,38M = 20σ = 5,67

La moyenne obtenue sur le sacrifice de soi dans le groupe contrôle est élevée par rapport aux autres moyennes obtenues par ce groupe sur les autres schémas abordés auparavant. Cette moyenne est de même plus élevée chez les bipolaires par rapport aux moyennes obtenues sur d’autres schémas et aussi par rapport à celle du groupe contrôle (15,97 pour 20). La différence entre ces deux moyennes est statistiquement significative.

Cela montre que le sacrifice de soi est tout d’abord élevé chez les personnes saines et encore plus élevé chez les patients bipolaires. Nous pouvons expliquer cette attitude par le fait que dans la culture de notre pays, l’individu est hypersensible aux besoins des autres et sent qu’il doit se sacrifier et épargner aux autres des sentiments de douleur.

Cette hypersensibilité excessive aux besoins des autres retrouvée encore davantage chez les patients bipolaires peut être expliquée par leur sensibilité, leur fragilité affective ou même leur sentiment de culpabilité dus à leur vécu propre à l’intérieur de leur famille.

12/ Contrôle émotionnel à outrance

Tableau 19GROUPES Groupe

contrôleBipolaires

(types I +II)

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SCHEMAS Nc = 39 Nb = 40Contrôle émotionnel à outrance M = 11,30

σ = 4,85M = 14,25σ = 6,82

Par rapport au groupe contrôle, le groupe des bipolaires a une

moyenne élevée au schéma de surcontrôle émotionnel (11,30 pour 14,25). La différence est statistiquement significative.

Ce surcontrôle de ses émotions positives et négatives peut provenir chez le bipolaire d’une peur de déranger les autres, d’être désapprouvé par eux et de réitérer l’expérience de l’humiliation expérimentée et ressentie en bas âge dans son environnement familial.

Nous pouvons comprendre ce contrôle émotionnel chez le patient comme une attitude d’auto-protection. En effet, comme l’entourage comprend mal la maladie du patient et comme il attribue la cause de son attitude à des facteurs internes « il est responsable de ce qu’il lui arrive », nous pouvons comprendre son introversion et sa réticence à partager avec les personnes qui l’entourent ses émotions.

13/ Exigences élevées

Tableau 20

GROUPES

SCHEMAS

Groupecontrôle

Nc = 39

Bipolaires(types I +II)

Nb = 40Exigences élevées M = 17,64

σ = 5,76M = 22,72σ = 5

En comparant le groupe contrôle au groupe bipolaire, nous constatons que les deux groupes ont une moyenne élevée au schéma d’exigences élevées, mais plus forte encore chez les bipolaires qu’elle ne l’est chez les personnes saines (17,64 pour 22,72). La différence est statistiquement significative.

Comme le sacrifice de soi, l’exigence élevée semble être liée à l’éducation assurée par les parents libanais à leurs enfants et provenir d’une

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culture prônant le perfectionnisme et la performance afin de ne pas être désapprouvé et intimidé dans la vie.

Dans les deux groupes cette exigence est élevée, mais elle l’est plus chez les bipolaires parce qu’elle semble être favorisée par l’attitude parentale qui culpabilise le patient bipolaire et qui l’accuse d’être responsable de ce qui lui arrive dans la vie et surtout de sa maladie (comme nous l’avons vu dans le deuxième chapitre de notre partie théorique).

14/ Tout m’est dû

Tableau 21

GROUPES

SCHEMAS

Groupecontrôle

Nc = 39

Bipolaires(types I +II)

Nb = 40Tout m’est dû M = 14,41

σ = 5,74M = 19,75σ = 5,53

Les bipolaires ont des droits personnels exagérés élevés par rapport aux personnes saines (14,41 pour 19,75). D’après le calcul de l’intervalle de confiance, la différence est statistiquement significative.

Ces droits personnels exagérés sont très élevés chez les patients bipolaires. Ainsi on peut postuler qu’à force d’être frustrés de leurs parents qui ne cessent de les critiquer, ils finissent par s’affirmer en agressant les autres et rejetant leurs besoins.

Cette attitude adoptée surtout par les bipolaires II peut être expliquée par leur forte tendance à avoir un locus de contrôle externe. De ce fait, ils rendent les autres responsables de ce qui leur arrive et les agresse pour éviter la douleur.

15/ Manque d’auto-contrôle

Tableau 22GROUPES

SCHEMAS

Groupecontrôle

Nc = 39

Bipolaires(types I +II)

Nb = 40Manque d’auto-contrôle M = 11,64 M = 17,77

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σ = 4,73 σ = 6,23

Les bipolaires manquent d’auto-contrôle plus que les personnes

saines (11,64 pour 17,77). La différence est statistiquement significative.

Frustrés dans leur vie personnelle, professionnelle et sociale à cause de leur maladie, ils finissent par devenir intolérants aux frustrations et par répondre à leurs désirs de façon impulsive afin d’éviter les situations douloureuses chargées de responsabilité, de conflit ou de stress.

2- Comparaison des schémas précoces d’inadaptation : entre le groupe bipolaire type I et le groupe bipolaire type II

D’après le calcul de l’intervalle de confiance d’une moyenne selon le t de Student, la différence entre les moyennes des bipolaires de type I et des bipolaires de type II sur les schémas de Young n’est pas suffisamment significative.

Le tableau 6 nous montre l’absence de significativité entre les moyennes, sauf pour un seul schéma : le schéma « tout m’est dû » qui est plus élevé chez les bipolaires de type II à prédominance dépressive (18,42 pour 21,21).

Cependant, la significativité entre ces deux moyennes est légère (l’intervalle de confiance pour la première moyenne étant : Li = 15,69 et Ls = 21,15. La seconde moyenne 21,21 se situe à l’extérieur mais se trouve très proche de cette limite).  

Parmi les schémas, nous avons deux autres schémas qui sont légèrement plus élevés chez les bipolaires de type II à prédominance dépressive sans qu’ils ne soient élevés de façon significative : le schéma de « relation fusionnelle » et le schéma de « contrôle émotionnel à outrance ».

La relation fusionnelle et le contrôle émotionnel excessif sont retrouvés plus chez les bipolaires II à prédominance dépressive que chez les bipolaires I à prédominance maniaque parce qu’il nous semble que les bipolaires dépressifs tendent à être plus repliés sur eux-mêmes, plus sensibles et introvertis que les bipolaires maniaques qui semblent être plus

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portés à l’indépendance, à l’expression de soi de façon agressive et impulsive (13,38 pour 15,21).

Les bipolaires II à prédominance dépressive ont des droits personnels exagérés plus que les bipolaires I à prédominance maniaque vu qu’ils ramènent davantage tout ce qu’il leur arrive aux autres personnes qui les entourent (lieu de contrôle externe « autres »). Cette attitude d’accusation des autres leur permet d’expliquer tout ce qu’il leur arrive par l’action des autres et du fait même de s’accorder des privilèges particuliers par rapport aux autres pour lutter contre leur influence en ne respectant pas leurs droits et leurs besoins (18,42 pour 21,21).

SYNTHESE   : VERIFICATION DE LA TROISIEME HYPOTHESE

L’analyse que nous venons d’entreprendre nous montre que notre troisième hypothèse a été en partie vérifiée.

Une vue d’ensemble nous permettra de mettre en relief les caractéristiques de nos groupes comparatifs dans les deux points suivants :

1- Les caractéristiques psychologiques des bipolaires en comparaison à la population normale :

d’après les résultats obtenus, les schémas précoces d’inadaptation sont plus élevés chez les bipolaires par rapport aux personnes saines, montrant que les bipolaires ont des croyances dysfonctionnelles représentant une vie affective hautement perturbée.

En effet, les 15 schémas élaborés par Young: la carence affective, l’abandon, la méfiance et l’abus, l’isolement social, l’imperfection, l’échec, la dépendance et l’incompétence, la vulnérabilité, la relation fusionnelle, l’assujettissement, le sacrifice de soi, le surcontrôle émotionnel, les exigences élevée, le sentiment « tout m’est dû » et le manque d’auto-contrôle sont tous plus sévères et dysfonctionnels chez les bipolaires que chez les personnes saines.

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2- La différenciation entre bipolaires I et bipolaires II :

l’autre partie de l’hypothèse n’a pas été vérifiée et les résultats ont montré que les schémas précoces d’inadaptation ne sont pas plus élevés chez les sujets à prédominance maniaque (type I) que les sujets à prédominance dépressive (type II).

En effet, parmi les 15 schémas précoces d’inadaptation un seul schéma s’est avéré significativement plus élevé chez les bipolaires dépressifs et 8 schémas sur 15 sont plus élevés chez ceux-ci par rapport aux bipolaires maniaques.

Toutefois, cette différence bien qu’elle soit légèrement significative, doit être prise en considération dans notre pratique clinique.

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CHAPITRE X   : INFLUENCE DES RELATIONS PRECOCES SUR LE TROUBLE BIPOLAIRE : LES ATTITUDES PARENTALES

– VERIFICATION DE LA QUATRIEME HYPOTHESE –

La quatrième hypothèse que nous voulons vérifier est la suivante :

le trouble bipolaire est affecté à son tour par les attitudes parentales précoces. Les bipolaires ont eu des relations plus détériorées en bas âge avec leurs pères et leurs mères qu’elles ne le sont chez les personnes normales ; et plus détériorées aussi chez les sujets à prédominance maniaque (type I) que chez ceux à prédominance dépressive (type II).

Dans le cinquième chapitre de notre partie théorique, nous avons parlé du milieu familial et des attitudes parentales qui constituent la quatrième variable de notre dernière hypothèse opérationnelle.

Nous aborderons dans ce chapitre :

1- la comparaison des schémas parentaux entre le groupe contrôle et le groupe bipolaire

2- la comparaison des schémas parentaux entre bipolaire maniaque type I et bipolaire dépressif type II

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Afin d’entreprendre ces comparaisons, nous avons montré dans le tableau n˚ 23 la significativité des moyennes dans les différents groupes.

Avant d’interpréter les résultats, nous tenons à rappeler qu’à mesure que la note est élevée le schéma est plus dysfonctionnel, sauf pour la carence affective où plus la note est faible, plus le schéma est dysfonctionnel.

Nous présenterons d’abord le tableau général des moyennes obtenues au questionnaire des attitudes parentales pour les 17 schémas selon les groupes comparatifs (Tableau n˚23).

Nous analyserons par la suite les résultats schéma par schéma selon ces groupes.

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228

Tableau 23: Comparaison des schémas parentaux entre les différents groupes : Tableau général (voir les items du questionnaire, annexe D)

GROUPES

SCHEMAS

Groupecontrôle

Nc = 39

Bipolaires(type I +type II)

Nb = 40

Significativité des

moyennes:Groupe

contrôle /Bipolaires

Bipolairestype I

n1= 21

Bipolairestype II

n2 = 19

Significativité des

moyennes :Bipolaires

I / II

1/ Carenceaffective

Mère M = 25σ = 4,46

M = 19,82σ = 7,34

S M = 19,57σ = 6,96

M = 20,10σ = 7,73

NS

Père M = 22,07σ = 6,26

M = 19,42σ = 6,88

S M = 18,85σ = 6,99

M = 20,05σ = 6,69

NS

2/ AbandonMère M = 4,94

σ = 2,55M = 7,87σ = 4,35

S M = 8,76σ = 4,12

M = 6,89σ = 4,39

NS

Père M = 5,17σ = 2,60

M = 8,06σ = 4,94

S M = 8,90σ = 4,78

M = 8,26σ = 5,09

NS

3/ Méfiance et abus

Mère M = 4,92σ = 2,61

M = 6,55σ = 2,92

S M = 6,61σ = 2,90

M = 6,47σ = 2,94

NS

Père M = 4,82σ = 2,01

M = 7,3σ = 4,93

S M = 6,42σ = 3,41

M = 8,26σ = 6,04

S

4/ Vulnérabilité

Mère M = 12,51σ = 5,57

M = 16,45σ = 5,04

S M = 16,23σ = 5,56

M = 16,68σ = 4,38

NS

Père M = 10,94σ = 4,67

M = 14,55σ = 5,29

S M = 15,04σ = 5,80

M = 14σ = 4,61

NS

5/ Dépendance

et incompétence

Mère M = 7,15σ = 3,93

χ = 9,92σ = 4,93

S M = 10,85σ = 4,89

M = 8,89σ = 4,76

NS

Père M = 7,02σ = 3,74

χ = 8,17σ = 4,59

NS M = 8,04σ = 4,68

M = 8,31σ = 4,49

NS

6/ Imperfection

Mère M = 6,48σ = 3,67

χ = 9,65σ = 5,64

S M = 10,47σ = 4,94

M = 8,73σ = 6,19

NS

Père M = 6,84σ = 3,37

χ = 8,7σ = 5,60

S M = 9,19σ = 5,82

M = 8,15σ = 5,30

NS

7/ Echec Mère M = 5,46σ = 2,79

χ = 6,05σ = 3,09

NS M = 7,19σ = 3,48

M = 5,73σ = 2,35

NS

Père M = 5,38σ = 2,64

χ = 7,12σ = 3,78

S M = 7,80σ = 3,77

M = 6,36σ = 3,65

NS

8/ Assujettiss

-ement

Mère M = 6,74σ = 4,08

M = 12,27σ = 6,38

S M = 13,61σ = 6,48

M = 10,78σ = 5,92

NS

Père M = 7,02σ = 4,00

M = 11,85σ = 6,72

S M = 12,52σ = 6,67

M = 11,10σ = 6,71

NS

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229

9/ Sacrifice de soi

Mère M = 11,17σ = 2,94

χ = 12,32σ = 4,40

FS M = 12,23 σ = 3,70

M = 12,42σ = 5,07

NS

Père M = 11,02σ = 3,20

M = 12,15σ = 4,36

FS M = 11,80σ = 4,17

M = 12,52σ = 4,54

NS

10/ Exigences élevées

Mère M = 22,84σ = 6,93

M = 27,27σ = 8,52

S M = 28,47σ = 8,19

M = 25,94σ = 8,68

NS

Père M = 24,51 σ = 7,53

M = 27,47σ = 8,45

S M = 28,28σ = 8,15

M = 26,57σ = 8,68

NS

11/ Tout m’est dû

Mère M = 11,30σ = 3,24

M = 12,1σ = 3,41

NS M = 11,57 σ = 3,47

M = 12,68σ = 3,24

NS

Père M = 10,74σ = 3,40

M = 12,75σ = 3,65

S M = 12,28σ = 4,08

M = 13,26σ = 3,02

NS

12/ Manque d’auto-contrôle

Mère M = 8,33σ = 3,04

M = 10,55σ = 3,01

S M = 10σ = 3,14

M = 11,15σ = 2,73

NS

Père M = 8,25σ = 3,40

M = 11,22σ = 3,62

S M = 11 σ = 4,14

M = 11,47σ = 2,94

NS

13/ Relation fusionnelle

Mère M = 11,64σ = 3,75

M = 13,57σ = 4,07

S M = 13,76σ = 3,91

M = 13,36σ = 4,24

NS

Père M = 11,23σ = 4,02

M = 13,35σ = 4,47

S M = 13,76 σ = 3,97

M = 12,89σ = 4,92

NS

14/ Négativisme

Mère M = 10,76σ = 5,56

M = 12,67σ = 4,54

FS M = 12,85σ = 4,71

M = 12,47σ = 4,34

NS

Père M = 10,92σ = 5,63

M = 13,77σ = 5,03

S M = 13,71σ = 5,12

M = 13,84σ = 4,93

NS

15/ Contrôle émotionnelà outrance

Mère M = 12,69σ = 3,40

M = 16,07σ = 5,04

S M = 17,04σ = 3,77

M = 15σ = 5,97

S

Père M = 15,87σ = 4,08

M = 17,97σ = 5,21

FS M = 18,85σ = 4,69

M = 17σ = 5,58

NS

16/ Sévérité

Mère M = 9,51σ = 4,24

M = 11,8σ = 4,33

S M = 11,85σ = 4,52

M = 11,73σ = 4,10

NS

Père M = 10σ = 4,62

M = 12,35σ = 5,34

S M = 12σ = 5,53

M = 12,73σ = 5,09

NS

17/ Recherche d’approbation

sociale

Mère M = 11,69σ = 4,41

M = 15σ = 4,90

S M = 15,57σ = 4,79

M = 14,36 σ = 4,95

NS

Père χ = 12,66 σ = 4,83

χ = 14,3σ = 5,29

FS χ = 13,66σ = 5,44

χ = 15σ = 5,03

NS

S = significatif NS = non significatif FS = Faiblement Significatif

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230

1- Comparaison des schémas parentaux entre : le groupe contrôle et le groupe bipolaire (à prédominance maniaque type I + à prédominance dépressive type II)

1/ Carence affective

Tableau 24

GROUPES

SCHEMAS

Groupecontrôle

Nc = 39

Bipolaires(type I +type II)

Nb = 40

Significativité des

moyennes :Groupe

contrôle /Bipolaires

Bipolairestype I

n1= 21

Bipolairestype II

n2 = 19

Significativité des

moyennes :Bipolaires

I / II

Carenceaffective

Mère M = 25σ = 4,46

M = 19,82σ = 7,34

S M = 19,57σ = 6,96

M = 20,10σ = 7,73

NS

Père M = 22,07σ = 6,26

M = 19,42σ = 6,88

S M = 18,85σ = 6,99

M = 20,05σ = 6,69

NS

La comparaison de la carence affective entre le groupe contrôle et le groupe bipolaire nous permet de remarquer que le manque affectif est plus élevée aussi bien chez les mères que chez les pères des patients bipolaires par rapport aux mères et aux pères du groupe contrôle (25 : moyenne des notes relatives aux questions à la mère pour le groupe contrôle et 19,82 pour celles relatives à la mère des bipolaires, contre 22,07 pour père du groupe contrôle et 19,42 pour père des bipolaires). D’après le calcul de l’intervalle de confiance et selon la table t de Student, la différence est significative.

Rappelons que seulement pour ce schéma, plus la note est élevée et plus le schéma est faible et donc plus faible est la carence affective1.

Par rapport au groupe contrôle les mères et les pères des bipolaires sont plus défectueux au niveau affectif que les parents des personnes saines. Par ailleurs, les pères sont plus défectueux au niveau affectif que les mères dans les deux groupes.

Ce résultat nous permet de dire que les bipolaires expérimentent plus que les personnes normales en bas âge des sentiments de carence affective,

1 BOUVARD M., op. cit., p. 217.

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231

surtout de la part de leurs pères que de leurs mères et sont plus privés d’attention, de chaleur physique, de compréhension, d’écoute et de conseil que les personnes saines (selon les items du questionnaire, annexe D).

2/ Abandon

Tableau 25

GROUPES

SCHEMAS

Groupecontrôle

Nc = 39

Bipolaires(type I +type II)

Nb = 40

Significativité des moyennes :

Groupecontrôle /Bipolaires

Bipolairestype I

n1= 21

Bipolairestype II

n2 = 19

Significativité des moyennes :

Bipolaires I / II

AbandonMère M = 4,94

σ = 2,55M = 7,87σ = 4,35

S M = 8,76σ = 4,12

M = 6,89σ = 4,39

NS

Père M = 5,17σ = 2,60

M = 8,06σ = 4,94

S M = 8,90σ = 4,78

M = 8,26σ = 5,09

NS

D’après le t de Student, l’abandon expérimenté en bas âge dans le groupe bipolaire est élevé de façon significative que l’abandon dans le groupe contrôle aussi bien chez leurs pères que chez leurs mères (4,94 : moyenne des questions relatives à la mère pour le groupe contrôle et 7,87 pour mère des bipolaires, contre 5,17 pour père du groupe contrôle et 8,06 pour père des bipolaires).

Rappelons que pour ce schéma et tous les schémas qui vont suivre, plus la note est élevée et plus le schéma est fort.

Dans les deux groupes et comme dans la carence affective, les pères semblent abandonner plus leurs enfants que les mères ; toutefois cette différence dans chacun des groupes n’est pas significative.

Les moyennes obtenues nous permettent de constater que les bipolaires vivent plus les personnes saines des situations d’abandon. En bas âge, ils semblent avoir vécu avec un parent imprévisible, qui a quitté la maison, qui a une préférence pour l’un des frères ou qui les a laissé seuls pendant de longues périodes (selon les items relatifs à ce schéma).

Les pères semblent favoriser davantage chez leurs enfants des sentiments d’abandon parce qu’on peut postuler que ce sont eux généralement qui s’absentent le plus du domicile familial pour différentes raisons (travail, voyage, divorce…).

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232

3/ Méfiance et abus

Tableau 26GROUPES

SCHEMAS

Groupecontrôle

Nc = 39

Bipolaires(type I +type II)

Nb = 40

Significativité des moyennes :

Groupecontrôle /Bipolaires

Bipolairestype I

n1= 21

Bipolairestype II

n2 = 19

Significativité des moyennes :

Bipolaires I / II

Méfiance et abus

Mère M = 4,92σ = 2,61

M = 6,55σ = 2,92

S M = 6,61σ = 2,90

M = 6,47σ = 2,94

NS

Père M = 4,82σ = 2,01

M = 7,3σ = 4,93

S M = 6,42σ = 3,41

M = 8,26σ = 6,04

S

Le sentiment de méfiance et d’abus ressenti en bas âge par les bipolaires et induit par leurs pères et leurs mères est plus élevé chez les personnes bipolaires que chez les personnes saines. D’après le calcul de l’intervalle de confiance et selon la table t de Student, cette différences est significative (4,92 pour les questions relatives à la mère pour le groupe contrôle et 6,55 pour celles relatives à la mère des bipolaires, contre 4,82 pour père du groupe contrôle et 7,3 pour père des bipolaires).

Nous remarquons que les bipolaires sont plus trompés et abusés physiquement, émotionnellement ou sexuellement par leurs parents que les personnes saines.

Les sentiments de méfiance et d’abus nourris par de tels comportements ont des effets négatifs sur le patient bipolaire. D’une part, ils peuvent le rendre paranoïaque dans son raisonnement, suspicieux, distant et favoriser la perturbation de ses relations avec son entourage. D’autre part, ils peuvent être un facteur de risque d’une mauvaise évolution du trouble, précipitant les rechutes.

4/ Vulnérabilité

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233

Tableau 27

GROUPES

SCHEMAS

Groupecontrôle

Nc = 39

Bipolaires(type I +type II)

Nb = 40

Significativité des

moyennes :Groupe

contrôle /Bipolaires

Bipolairestype I

n1= 21

Bipolairestype II

n2 = 19

Significativité des

moyennes :Bipolaires

I / II

Vulnérabilité Mère M = 12,51σ = 5,57

M = 16,45σ = 5,04

S M = 16,23σ = 5,56

M = 16,68σ = 4,38

NS

Père M = 10,94σ = 4,67

M = 14,55σ = 5,29

S M = 15,04σ = 5,80

M = 14σ = 4,61

NS

La vulnérabilité retrouvée chez les mères et les pères des bipolaires est plus élevée que celle retrouvée chez ceux des personnes saines (12,51 pour les questions relatives à la mère du groupe contrôle et 16,45 pour mère des bipolaires, contre 10,94 pour père du groupe contrôle et 14,45 pour père des bipolaires). En nous référant à l’intervalle de confiance selon la table t de Student, nous remarquons que cette différence est significative.

Les parents des bipolaires, surtout la mère semblent être anxieux et hyperprotecteurs plus que les parents des personnes saines. Ils semblent avoir une peur exagérée que leur enfant se blesse ou tombe malade.

Dans les deux groupes, les mères semblent être plus vulnérables que les pères. Cette vulnérabilité peut être expliquée d’une part par la prédisposition des femmes à développer des troubles anxieux plus que les hommes et d’autre part par la possibilité des femmes à exprimer leur crainte plus que les hommes.

5/ Dépendance et incompétence

Tableau 28GROUPES

SCHEMAS

Groupecontrôle

Nc = 39

Bipolaires(type I +type II)

Nb = 40

Significativité des moyennes :

Groupecontrôle /Bipolaires

Bipolairestype I

n1= 21

Bipolairestype II

n2 = 19

Significativité des moyennes :

Bipolaires I / II

Dépendance et

incompétence

Mère M = 7,15σ = 3,93

M = 9,92σ = 4,93

S M = 10,85σ = 4,89

M = 8,89σ = 4,76

NS

Père M = 7,02σ = 3,74

M = 8,17σ = 4,59

NS M = 8,04σ = 4,68

M = 8,31σ = 4,49

NS

Le sentiment de dépendance et d’incompétence que ressentent les parents bipolaires vis-à-vis de leurs enfants est plus élevé que celui ressenti par les parents des personnes saines (7,15 pour les questions relatives à la

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234

mère du groupe contrôle et 9,92 pour mère des bipolaires, contre 7,02 pour père du groupe contrôle et 8,17 pour père des bipolaires).

Toutefois, ce schéma est élevé de façon statistiquement significative chez les mères dans les deux groupes et pas chez les pères.

Ces résultats nous permettent de dire que les mères en général et celles des bipolaires en particulier doutent plus de la fiabilité des décisions de leurs enfants, de leur jugement, les traitent comme s’ils étaient plus jeune que leur âge et ont tendance à faire les choses à leur place plus que les pères.

Cette croyance qu’ils ont de leur enfant d’être incapable de prendre des décisions, de juger et d’accomplir ses tâches peut être expliquée par la tendance des mères dans la culture libanaise à croire que l’enfant reste toujours enfant et a besoin de l’aide de ses parents.

6/ Imperfection

GROUPES

SCHEMAS

Groupecontrôle

Nc = 39

Bipolaires(type I +type II)

Nb = 40

Significativité des

moyennes :Groupe

contrôle /Bipolaires

Bipolairestype I

n1= 21

Bipolairestype II

n2 = 19

Significativité des moyennes :

Bipolaires I / II

Imperfection Mère M = 6,48σ = 3,67

M = 9,65σ = 5,64

S M = 10,47σ = 4,94

M = 8,73σ = 6,19

NS

Père M = 6,84σ = 3,37

M = 8,7σ = 5,60

S M = 9,19σ = 5,82

M = 8,15σ = 5,30

NS

Tableau 29

Le sentiment d’imperfection que font ressentir les parents des bipolaires à leurs enfants est plus élevé que celui que font ressentir les parents du groupe contrôle à leurs enfants (6,48 pour les questions relatives à la mère du groupe contrôle et 9,65 pour mère des bipolaires, contre 6,84 pour père du groupe contrôle et 8,7 pour père des bipolaires). D’après le calcul de l’intervalle de confiance et selon la table t de Student, cette différence est significative.

Ce sentiment d’imperfection développé par les parents des bipolaires chez leurs enfants, surtout par leurs mères montre que les patients bipolaires sont plus sujets à des critiques humiliantes et des comportements de rejet et de répulsion de la part de leurs parents.

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235

Ces critiques et ces comportements de rejet venant surtout de la mère peuvent être expliqués de deux façons. D’une part, la présence plus longue de la mère auprès de ses enfants pour les élever, peut les exposer plus à des critiques et des remarques de sa part plus que de la part du père. D’autre part, l’importance de la mère dans la vie de l’enfant et l’impact plus pesant de ses critiques et de son rejet sur sa personnalité peut le pousser à exprimer les blessures qu’elle lui a infligé de façon plus intense.

7/ Echec

Tableau 30

GROUPES

SCHEMAS

Groupecontrôle

Nc = 39

Bipolaires(type I +type II)

Nb = 40

Significativité des moyennes :

Groupecontrôle /Bipolaires

Bipolairestype I

n1= 21

Bipolairestype II

n2 = 19

Significativité des moyennes :

Bipolaires I / II

Echec Mère M = 5,46σ = 2,79

M = 6,05σ = 3,09

NS M = 7,19σ = 3,48

M = 5,73σ = 2,35

NS

Père M = 5,38σ = 2,64

M = 7,12σ = 3,78

S M = 7,80σ = 3,77

M = 6,36σ = 3,65

NS

Le sentiment d’échec nourri par les parents des bipolaires chez leurs enfants est plus élevé que celui nourri par les parents du groupe contrôle (5,46 pour mère du groupe contrôle et 6,05 pour mère des bipolaires, contre 5,38 pour père du groupe contrôle et 7,12 pour père des bipolaires).

D’après le calcul de l’intervalle de confiance et selon la table t de Student, la moyenne des notes à propos des mères bipolaires est plus élevée que celle concernant les mères du groupe contrôle sans être significative.

Ce schéma d’échec plus élevé dans le groupe des bipolaires que dans le groupe contrôle et surtout chez les pères des bipolaires que chez leurs mères montre que les personnes bipolaires n’ont pas appris de leurs pères surtout la discipline nécessaire pour réussir à l’école, et que leurs pères ne croyaient pas à leurs talents et s’attendaient à ce qu’ils échouent (selon les items relatifs à ce schéma).

La moyenne non élevée de façon significative entre les mères des deux groupes (contrôle et bipolaire) et plus élevée chez les pères des

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236

bipolaires peut être expliquée par le rôle confié surtout aux pères d’évaluer le travail scolaire de leurs enfants.

8/ Assujettissement

Tableau 31

GROUPES

SCHEMAS

Groupecontrôle

Nc = 39

Bipolaires(type I +type II)

Nb = 40

Significativité des moyennes :

Groupecontrôle /Bipolaires

Bipolairestype I

n1= 21

Bipolairestype II

n2 = 19

Significativité des

moyennes :Bipolaires

I / IIAssujetti-ssement

Mère M = 6,74σ = 4,08

M = 12,27σ = 6,38

S M = 13,61σ = 6,48

M = 10,78σ = 5,92

NS

Père M = 7,02σ = 4,00

M = 11,85σ = 6,72

S M = 12,52σ = 6,67

M = 11,10σ = 6,71

NS

D’après le calcul de l’intervalle de confiance et selon la table t de Student, la moyenne du schéma d’assujettissement est nettement plus élevée dans le groupe des bipolaires que dans le groupe contrôle (6,74 pour mère du groupe contrôle et 12,27 pour mère des bipolaires, contre 7,02 pour père du groupe contrôle et 11,85 pour père des bipolaires).

Ce résultat montre que les personnes bipolaires expérimentent en bas

âge avec leurs parents, surtout avec leurs mères un sentiment de non respect de leurs opinions, avis, besoins, désirs et envies (selon les items relatifs à ce schéma).

Cette tendance chez les parents, surtout chez les mères de soumettre leurs enfants à leurs désirs et avis peut être expliquée par le mécontentement ressenti envers l’enfant qui peut dès son bas âge présenter des troubles psychiques (hyperactivité, angoisse de séparation…) favorisant chez lui des comportements d’opposition et de contrariété qui poussent le parent à imposer ses opinions et avis.

9/ Sacrifice de soi

Tableau 32

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237

GROUPES

SCHEMAS

Groupecontrôle

Nc = 39

Bipolaires(type I +type II)

Nb = 40

Significativité des

moyennes :Groupe

contrôle /Bipolaires

Bipolairestype I

n1= 21

Bipolairestype II

n2 = 19

Significativité des

moyennes :Bipolaires

I / II

Sacrifice de soi

Mère M = 11,17σ = 2,94

M = 12,32σ = 4,40

FS M = 12,23 σ = 3,70

M = 12,42σ = 5,07

NS

Père M = 11,02σ = 3,20

M = 12,15σ = 4,36

FS M = 11,80σ = 4,17

M = 12,52σ = 4,54

NS

Le sentiment de sacrifice de soi développé par les parents des bipolaires chez leurs enfants est élevé par rapport à celui développé par les parents du groupe contrôle (11,17 pour mère du groupe contrôle et 12,32 pour mère des bipolaires, contre 11,02 pour père du groupe contrôle et 12,15 pour père des bipolaires).

Toutefois, cette différence est faiblement significative statistiquement.

La moyenne de ce schéma qui est élevé dans le groupe contrôle si on la compare aux moyennes des schémas citées précédemment et qui est encore plus élevée dans le groupe des bipolaires montre que les mères libanaises en général et celles des bipolaires, en particulier apprennent à leurs enfants plus que les pères à se sacrifier, à assumer des responsabilités, à prendre en charge les autres d’une part et demandent d’être soutenue et comprise par leurs enfants d’autre part (selon les items relatifs à ce schéma).

Cette attitude transmise par les parents des bipolaires à leurs enfants peut être comprise si l’on postule que les parents des bipolaires risquent plus de présenter ou d’avoir présenté un antécédent psychiatrique quelconque (comme nous l’avons constaté dans notre entretien clinique précédant la passation des questionnaires de notre étude). En effet, le facteur héréditaire joue un rôle fondamental dans les maladies mentales comme dans le trouble bipolaire.

10/ Exigences élevées

Tableau 33

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238

GROUPES

SCHEMAS

Groupecontrôle

Nc = 39

Bipolaires(type I +type II)

Nb = 40

Significativité des

moyennes :Groupe

contrôle /Bipolaires

Bipolairestype I

n1= 21

Bipolairestype II

n2 = 19

Significativité des

moyennes :Bipolaires

I / II

Exigences élevées

Mère M = 22,84σ = 6,93

M = 27,27σ = 8,52

S M = 28,47σ = 8,19

M = 25,94σ = 8,68

NS

Père M = 24,51 σ = 7,53

M = 27,47σ = 8,45

S M = 28,28σ = 8,15

M = 26,57σ = 8,68

NS

Le schéma d’exigences élevées est le schéma le plus élevé parmi tous les autres schémas dans le groupe contrôle comme dans le groupe des bipolaires. Statistiquement, ce schéma est significativement plus élevé dans le groupe des bipolaires par rapport au groupe contrôle (22,84 pour mère du groupe contrôle et 27,27 pour mère des bipolaires, contre 24,51 pour père du groupe contrôle et 27,47 pour père des bipolaires). Il est de même plus élevé par rapport au père dans les deux groupes (contrôle et bipolaires) que par rapport à la mère.

Ce schéma nous paraît très élevé surtout chez les bipolaires parce qu’il nous semble que le développement des différentes branches dans les différents domaines professionnels, l’exigence de pousser très loin ses études pour pouvoir trouver un travail convenable, l’esprit de compétition et la pression qui règne dans notre société pousse les parents, surtout les pères qui prennent en charge plus que les mères cette responsabilité dans leurs foyers à transmettre leur angoisse quant à l’avenir et la stabilité financière de leurs enfants.

Les parents des bipolaires semblent avoir une exigence sociale élevée envers eux-mêmes. Ils se soumettent à elle par leur travail assidu et perfectionniste et la transmettent à leurs enfants (selon les items relatifs à ce schéma).

11/ Tout m’est dûGROUPES

SCHEMAS

Groupecontrôle

Nc = 39

Bipolaires(type I +type II)

Nb = 40

Significativité des

moyennes :Groupe

contrôle /Bipolaires

Bipolairestype I

n1= 21

Bipolairestype II

n2 = 19

Significativité des

moyennes :Bipolaires

I / II

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239

Tout m’est dû

Mère M = 11,30σ = 3,24

M = 12,1σ = 3,41

NS M = 11,57 σ = 3,47

M = 12,68σ = 3,24

NS

Père M = 10,74σ = 3,40

M = 12,75σ = 3,65

S M = 12,28σ = 4,08

M = 13,26σ = 3,02

NS

Tableau 34

D’après le calcul de l’intervalle de confiance, la différence entre les

moyennes relatives au père du groupe contrôle et au père des bipolaires, est significative, mais non significative pour ce qui concerne les mères des deux groupes (11,30 pour mère du groupe contrôle et 12,1 pour mère des bipolaires, contre 10,74 pour père du groupe contrôle et 12,75 pour père des bipolaires).

Cependant, les moyennes relatives à la mère et au père chez les bipolaires sont plus élevées chez les bipolaires que chez le groupe contrôle.

Ces résultats montrent que les mères et surtout les pères des bipolaires ne semblent pas apprendre assez à leurs enfants leurs obligations envers les autres, paraissent tolérants à leurs égards, les gâtent et ne s’intéressent qu’à leurs propres intérêts personnels (selon les items relatifs à ce schéma).

12/ Manque d’auto-contrôle

Tableau 35

GROUPES

SCHEMAS

Groupecontrôle

Nc = 39

Bipolaires(type I +type II)

Nb = 40

Significativité des

moyennes :Groupe

contrôle /Bipolaires

Bipolairestype I

n1= 21

Bipolairestype II

n2 = 19

Significativité des

moyennes :Bipolaires

I / II

Manque d’auto-contrôle

Mère M = 8,33σ = 3,04

M = 10,55σ = 3,01

S M = 10σ = 3,14

M = 11,15σ = 2,73

NS

Père M = 8,25σ = 3,40

M = 11,22σ = 3,62

S M = 11 σ = 4,14

M = 11,47σ = 2,94

NS

Les moyennes relatives aux mères et aux pères des bipolaires sont plus élevées que celles du groupe contrôle pour ce schéma du manque d’auto-contrôle. La différence entre leurs moyennes est statistiquement significative (8,33 pour mère du groupe contrôle et 10,55 pour mère des bipolaires, contre 8,25 pour père du groupe contrôle et 11,22 pour père des bipolaires).

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240

Ces résultats montrent que dans la famille des bipolaires les repères, la discipline, les règles et les responsabilités ne sont pas assez assurés surtout de la part des pères. De même, les fortes colères sont tolérées par eux et la discipline peu imposée.

13/ Relation fusionnelle

Tableau 36GROUPES

SCHEMAS

Groupecontrôle

Nc = 39

Bipolaires(type I +type II)

Nb = 40

Significativité des moyennes :

Groupecontrôle /Bipolaires

Bipolairestype I

n1= 21

Bipolairestype II

n2 = 19

Significativité des

moyennes :Bipolaires

I / IIRelation

fusionnelleMère M = 11,64

σ = 3,75M = 13,57σ = 4,07

S M = 13,76σ = 3,91

M = 13,36σ = 4,24

NS

Père M = 11,23σ = 4,02

M = 13,35σ = 4,47

S M = 13,76 σ = 3,97

M = 12,89σ = 4,92

NS

D’après le calcul de l’intervalle de confiance, la différence entre les moyennes sur la relation fusionnelle est significativement plus élevée dans le groupe des bipolaires par rapport au groupe contrôle (11,64 pour mère du groupe contrôle et 13,57 pour mère des bipolaires, contre 11,23 pour père du groupe contrôle et 13,35 pour père des bipolaires).

Nous pouvons expliquer cet attachement chez les enfants bipolaires à leurs parents, surtout à leurs mères de deux façons. Soit par la vulnérabilité de celles-ci qui génère chez eux des sentiments d’angoisse et un comportement de surprotection vis-à-vis de leurs enfants (comme nous l’avons vu dans le titre sur la vulnérabilité), soit par la forte personnalité des parents qui étouffe l’enfant et le rend privé d’une identité distincte des leur.

14/ Négativisme

Tableau 37

GROUPES

SCHEMAS

Groupecontrôle

Nc = 39

Bipolaires(type I +type II)

Nb = 40

Significativité des

moyennes :Groupe

contrôle /

Bipolairestype I

n1= 21

Bipolairestype II

n2 = 19

Significativité des

moyennes :Bipolaires

I / II

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241

BipolairesNégativisme Mère M = 10,76

σ = 5,56M = 12,67σ = 4,54

FS M = 12,85σ = 4,71

M = 12,47σ = 4,34

NS

Père M = 10,92σ = 5,63

M = 13,77σ = 5,03

S M = 13,71σ = 5,12

M = 13,84σ = 4,93

NS

Le négativisme des parents des bipolaires est plus élevé que celui des parents du groupe contrôle. D’après le calcul de l’intervalle de confiance, la différence entre les moyennes relatives aux mères des deux groupes (contrôle et bipolaire) est faiblement significative et est significative pour ce qui concerne les pères des deux groupes (10,76 pour mère du groupe contrôle et 12,67 pour mère des bipolaires, contre 10,92 pour père du groupe contrôle et 13,77 pour père des bipolaires).

Ce négativisme plus élevé chez les parents bipolaires et surtout chez les pères nous permet de constater qu’ils ont une vision pessimiste des choses, qu’ils mettent l’accent sur les aspects négatifs de la vie et qu’ils ont des réponses exagérées quand leur enfant commet la moindre erreur.

Ce négativisme est un facteur générateur de stress pour la famille entière et surtout pour les enfants bipolaires. Cette vision pessimiste peut influencer le raisonnement des bipolaires et rendre l’évolution de leur trouble péjorative à cause du stress qui peut s’en suivre.

15/ Contrôle émotionnel à outrance

Tableau 38

GROUPES

SCHEMAS

Groupecontrôle

Nc = 39

Bipolaires(type I +type II)

Nb = 40

Significativité des

moyennes :Groupe

contrôle /Bipolaires

Bipolairestype I

n1= 21

Bipolairestype II

n2 = 19

Significativité des

moyennes :Bipolaires

I / II

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242

Contrôle émotionnelà outrance

Mère M = 12,69σ = 3,40

M = 16,07σ = 5,04

S M = 17,04σ = 3,77

M = 15σ = 5,97

S

Père M = 15,87σ = 4,08

M = 17,97σ = 5,21

FS M = 18,85σ = 4,69

M = 17σ = 5,58

NS

Les parents des bipolaires contrôlent plus leurs émotions par rapport aux parents du groupe contrôle. (12,69 pour mère du groupe contrôle et 16,07 pour mère des bipolaires, contre 15,87 pour père du groupe contrôle et 17,97 pour pères des bipolaires).

Par rapport aux autres schémas, ce schéma compte parmi les schémas les plus élevés.

Les résultats nous montrent que les pères en général contrôlent plus leurs émotions que les mères. Par ailleurs, les parents des bipolaires, surtout les pères ont des difficultés à exprimer leurs émotions, leurs affections et leurs sentiments. Un sentiment de faiblesse et de manque de force et de courage peut être associé à l’expression des sentiments et expliquer ce surcontrôle émotionnel de la part des pères.

Le surcontrôle émotionnel des parents peut être ressenti par les

enfants comme un manque d’affection à leur égard. Il peut également leur causer des difficultés dans leur vie affective et relationnelle en raison de la frustration des sentiments et du manque d’affirmation de soi qu’il peut engendrer.

16/ Sévérité

Tableau 39

GROUPES

SCHEMAS

Groupecontrôle

Nc = 39

Bipolaires(type I +type II)

Nb = 40

Significativité des

moyennes :Groupe

contrôle /Bipolaires

Bipolairestype I

n1= 21

Bipolairestype II

n2 = 19

Significativité des

moyennes :Bipolaires

I / II

Sévérité Mère M = 9,51 M = 11,8 S M = 11,85 M = 11,73 NS

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243

σ = 4,24 σ = 4,33 σ = 4,52 σ = 4,10

Père M = 10σ = 4,62

M = 12,35σ = 5,34

S M = 12σ = 5,53

M = 12,73σ = 5,09

NS

Les parents des bipolaires sont plus sévères que les parents du groupe contrôle (9,51 pour mère du groupe contrôle et 11,8 pour mère des bipolaires, contre 10 pour père du groupe contrôle et 12,35 pour père des bipolaires). La différence des moyennes entre les deux groupes est significative.

Les résultats obtenus nous permettent de constater que les parents des bipolaires surtout les pères critiquent, injurient, blâment et punissent leurs enfants quand ils font des erreurs (selon les items relatifs à ce schéma).

17/ Recherche d’approbation sociale

Tableau 40

GROUPES

SCHEMAS

Groupecontrôle

Nc = 39

Bipolaires(type I +type II)

Nb = 40

Significativité des

moyennes :Groupe

contrôle /Bipolaires

Bipolairestype I

n1= 21

Bipolairestype II

n2 = 19

Significativité des

moyennes :Bipolaires

I / II

Recherche d’approba

-tion sociale

Mère M = 11,69σ = 4,41

M = 15σ = 4,90

S M = 15,57σ = 4,79

M = 14,36 σ = 4,95

NS

Père M = 12,66 σ = 4,83

M = 14,3σ = 5,29

FS M = 13,66σ = 5,44

M = 15σ = 5,03

NS

La recherche d’approbation sociale est d’après le calcul de l’intervalle de confiance élevée de façon significative chez les parents des bipolaires par rapport aux parents du groupe contrôle (11,69 pour mère du groupe contrôle et 15 pour mère des bipolaires, contre 12,66 pour père du groupe contrôle et 14,3 pour père des bipolaires). Toutefois, elle est faiblement significative entre les pères des deux groupes (contrôle et bipolaires).

Les parents des bipolaires semblent accorder une importance à la réussite et à la compétition, s’inquiéter de l’impact de la conduite de leurs enfants sur le regard que les autres vont leur porter et donner plus d’attention à leurs enfants quand ils réussissent.

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244

Nous pouvons expliquer ce souci excessif du statut social et de l’apparence des parents bipolaires, surtout des mères par un désir d’avoir des enfants qui ne posent pas de problèmes, qui réussissent bien et qui les honorent.

En comparant les moyennes des parents dans les deux groupes : contrôle et bipolaires, nous trouvons que les scores des pères et des mères des bipolaires sont toujours plus élevés par rapport à ceux du groupe contrôle.

Par ailleurs, nous avons constaté que certains schémas étaient le plus élevés chez les pères des sujets bipolaires et d’autres plus élevés chez leurs mères.

Parmi les deux groupes : contrôle et bipolaires, les pères des bipolaires ont les scores les plus élevés sur les schémas suivants : carence affective, abandon, méfiance et abus, échec, exigences élevées, tout m’est dû, manque d’autocontrôle, négativisme, contrôle émotionnel à outrance et sévérité.

Par contre et toujours parmi les deux groupes : contrôle et bipolaires, les mères des bipolaires ont les scores les plus élevés sur les schémas suivants : vulnérabilité, dépendance et incompétence, imperfection, assujettissement, sacrifice de soi, relation fusionnelle, et recherche d’approbation sociale.

Nous pouvons dire que les pères des bipolaires privent plus leurs enfants du sentiment de sécurité (carence affective, abandon, méfiance et abus), de spontanéité (négativisme, contrôle émotionnel à outrance, sévérité, exigences élevées) et de limites (tout m’est dû, manque d’autocontrôle).

Alors que leurs mères les privent plus de l’autonomie (dépendance et incompétence, vulnérabilité, relation fusionnelle) et de l’expression de soi (assujettissement, sacrifice de soi, recherche d’approbation sociale).

Ceci nous montre les caractéristiques correspondantes à la personnalité du père et de la mère en général.

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2- Comparaison des schémas parentaux entre : le groupe bipolaire à prédominance maniaque type I et le groupe bipolaire à prédominance dépressive type II

En comparant les moyennes des schémas obtenues chez les parents des bipolaires I et des bipolaires II, nous constatons que la différence entre les moyennes n’est significative que pour deux schémas : la méfiance et l’abus, et le contrôle émotionnel à outrance.

Les pères des bipolaires II à prédominance dépressive sont plus abuseurs que les pères des bipolaires I à prédominance maniaque (6,42 pour 8,26). Cette différence de moyenne entre les pères des deux groupes est statistiquement significative.

Les mères des bipolaires I à prédominance maniaque contrôlent plus leurs émotions que les mères des bipolaires II à prédominance dépressive (17,04 pour 15). Cette différence de moyenne entre les mères des deux groupes est statistiquement significative.

Si nous comparons les résultats obtenus sur les deux questionnaires portant sur les schémas (le questionnaire des schémas de Young et le questionnaire des attitudes parentales) entre les bipolaires I et les bipolaires II, nous trouvons que les résultats ne sont pas concordants (c’est-à-dire les bipolaires dépressifs ont des schémas précoces d’inadaptation plus dysfonctionnels que les bipolaires maniaques et ces derniers ont des parents plus toxiques que les bipolaires dépressifs).

Ceci peut être expliqué par la participation des deux parents dans le développement d’un schéma et la possibilité qu’un parent empêche le développement de ce schéma ou tempère sa sévérité.

En comparant le nombre des schémas élevé entre les pères et les mères du groupe contrôle à ceux du groupe des bipolaires, nous remarquons que le nombre de schémas forts est plus élevé chez les pères plutôt que chez les mères, chez les deux groupes comparatifs.

Ceci nous permet de dire que les pères favorisent plus le développement des schémas inadaptés chez leurs enfants et sont plus destructeurs que les mères.

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Par ailleurs, si nous comparons les résultats pour chacun des schémas entre les pères et les mères, nous constatons que les pères des bipolaires II à prédominance dépressive sont plus nocifs que leurs mères (5 schémas élevées pour les mères contre 12 schémas pour les pères).

En effet, plus il y a des schémas élevés et plus l’attitude parentale est nocive.

Par contre, pour les bipolaires I, les pères sont aussi nocifs que les mères (8 schémas élevés pour les mères contre 8 schémas pour les pères).

Par ailleurs, si nous comparons le nombre de schémas élevés des parents des bipolaires maniaques au nombre de schémas élevés des parents des bipolaires dépressifs, nous remarquons que ceux des parents bipolaires maniaques sont plus nombreux que ceux des parents des bipolaires dépressifs (10 schémas plus élevés contre 7). Ainsi nous pouvons dire que les parents des bipolaires maniaques avaient des attitudes plus négatives en bas âge qui ont favorisé le développement du trouble bipolaire en type I (à prédominance maniaque).

SYNTHESE   : VERIFICATION DE LA QUATRIEME HYPOTHESE

L’analyse des résultats que nous venons d’entreprendre nous montre que notre quatrième hypothèse est vérifiée.

Une vue d’ensemble nous permettra de mettre en relief les caractéristiques de nos groupes comparatifs dans les deux points suivants :

1- Les caractéristiques psychologiques des bipolaires en comparaison à la population normale :

d’après les résultats obtenus, nous pouvons constater que les bipolaires ont eu des relations plus détériorés en bas âge avec leurs pères et leurs mères que les personnes saines. Ces résultats nous montrent que les bipolaires vivent une enfance plus difficile et endurent dans leur relation avec leurs parents.

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En effet, ils expérimentent plus que les personnes saines en bas âge la carence affective, l’abandon, la méfiance et l’abus, la vulnérabilité, la dépendance et l’incompétence, l’imperfection, l’échec, l’assujettissement, le sacrifice de soi, l’exigence élevée, le sentiment que tout leur est dû, le manque d’auto-contrôle, la relation fusionnelle, le négativisme, le contrôle émotionnel, la sévérité et la recherche d’approbation sociale.

2- La différenciation entre bipolaires I et bipolaires II :

l’analyse des résultats nous permet de constater que les bipolaires I (à prédominance maniaque) ont eu des relations plus détériorés en bas âge avec leurs pères et leurs mères que les bipolaires II (à prédominance dépressive).

En effet, les pères et les mères des bipolaires I ont des notes plus élevés sur la moyenne des schémas que les pères et les mères des bipolaires II (9 schémas pour 8 chez leurs pères et 13 schémas pour 4 chez leurs mères). Cela signifie que les pères et les mères des bipolaires maniaques sont plus nocifs avec leurs enfants par rapport aux bipolaires dépressifs.

Le tableau 41 nous permettra de voir ces différences entre les parents des bipolaires I et II et de visualiser dans quel type de trouble bipolaire et chez quel parent les schémas sont plus dysfonctionnels.

Tableau 41   : comparaison entre les moyennes des parents des bipolaires I et II sur les 17 schémas de Young

Moyennes des

schémas

Schémasdes pères

Bipolaires I Bipolaires II Moyennes des

schémas

Schémasdes mères

Bipolaires I Bipolaires II

1- + dysfonctionnel

1- + dysfonctionnel

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248

2- + dysfonctionnel

2- + dysfonctionnel

3- + dysfonctionnel

3- + dysfonctionnel

4- + dysfonctionnel

4- + dysfonctionnel

5- + dysfonctionnel

5- + dysfonctionnel

6- + dysfonctionnel

6- + dysfonctionnel

7- + dysfonctionnel

7- + dysfonctionnel

8- + dysfonctionnel

8- + dysfonctionnel

9- + dysfonctionnel

9- + dysfonctionnel

10- + dysfonctionnel

10- + dysfonctionnel

11- + dysfonctionnel

11- + dysfonctionnel

12- + dysfonctionnel

12- + dysfonctionnel

13- + dysfonctionnel

13- + dysfonctionnel

14- + dysfonctionnel

14- + dysfonctionnel

15- + dysfonctionnel

15- + dysfonctionnel

16- + dysfonctionnel

16- + dysfonctionnel

17- + dysfonctionnel

17- + dysfonctionnel

9 schémas plus élevés

8 schémas plus élevés

13 schémas plus élevés

4 schémas plus élevés

SYNTHESE GENERALE

Nous pouvons conclure notre travail sur le terrain en disant que les bipolaires sont nettement plus affectés dans leur vie affective et cognitive (par leur trouble) que les personnes saines qui constituent le groupe contrôle :

Facteurs cognitifs

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249

1- Leur lieu de contrôle est plus élevé que celui des personnes saines, donc leur interprétation des événements qui les entourent est plus erronée qu’elle ne l’est dans le groupe contrôle.

2- Leurs pensées automatiques sont plus négatives que celles des personnes saines, donc leur perception du monde, de l’avenir et de soi est plus négative que celle du groupe contrôle.

Facteurs affectifs

3- Leurs schémas précoces d’inadaptation sont plus élevés par rapport aux personnes saines, donc ils ont plus des croyances dysfonctionnelles représentant une vie affective hautement perturbée.

4- Ils ont eu des relations plus détériorées en bas âge avec leurs parents que les personnes saines, donc ils vivent une enfance plus difficile et endurent plus dans leur relation avec leurs parents.

Ensuite, en comparant les bipolaires dépressifs aux bipolaires maniaques nous pouvons dire que :

Facteurs cognitifs

1- Les bipolaires dépressifs ont un lieu de contrôle plus externe se rapportant aux autres tout-puissants que les bipolaires maniaques.

2- Les bipolaires maniaques ont des pensées automatiques plus négatives que les bipolaires dépressifs.

Facteurs affectifs

3- Les bipolaires dépressifs ont des schémas précoces d’inadaptation plus élevés que les bipolaires maniaques.

4- Les bipolaires maniaques ont vécu en bas âge des expériences avec leurs parents plus nocives que les bipolaires dépressifs.

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Toutefois, ces différences entre les bipolaires dépressifs et les bipolaires maniaques sont légèrement significatives et nous permettent de constater que malgré la différence dans la nature de leurs accès, les patients bipolaires souffrent finalement d’un même trouble « le trouble bipolaire » qui affecte la vie affective et cognitive des sujets presque de la même façon.

Nous allons représenter les résultats des bipolaires I et II sur les différents questionnaires dans le tableau 42.

Tableau 42 :

QUESTIONNAIRES BIPOLAIRES I BIPOLAIRES II

1/ Lieu de contrôle Moins externes Plus externes

2/ Pensées automatiques

Plus négatives Moins négatives

3/ Schémas précoces d’inadaptation

Moins dysfonctionnels Plus dysfonctionnels

4/ Attitudes parentales Plus nocives Moins nocives

Les bipolaires dépressifs semblent avoir des schémas précoces d’inadaptation plus intense alors que les bipolaires maniaques semblent avoir vécu en bas âge des expériences plus nocives.

Ces résultats ne nous semblent pas concordants. En effet, les événements vécus en bas âge dans la famille sont sensés généralement influencer les schémas précoces d’inadaptation de l’adulte et ses croyances. Donc ont est amené à penser que les parents des bipolaires dépressifs sont plus nocifs que les parents des bipolaires maniaques, puisque leurs schémas précoces d’inadaptation sont plus intenses.

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Or l’explication qui nous paraît plausible pour comprendre ces résultats est la suivante :

lorsque les bipolaires dépressifs sont en accès, ils tardent à venir consulter, à se faire traiter et restent souvent plusieurs semaines avant de demander une aide, donc ils intériorisent et remuent plus les pensées dysfonctionnelles. Du coup, les schémas précoces d’inadaptation dysfonctionnels s’installent, se développent et se solidifient.

Par contre, les bipolaires qui sont en accès maniaque, du fait de la symptomatologie bruyante de leur accès, refoulent moins, évacuent plus et sont souvent rapidement hospitalisés. Leur accès est souvent vite jugulé ce qui ne permet pas à leurs schémas cognitifs de se développer mais permet à leurs pensées automatiques concernant soi-même, le monde et le futur d’être plus altérées et erronées.

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252

CONCLUSION

Notre recherche auprès des patients bipolaires libanais adultes nous a démontré que le trouble bipolaire est influencé dans sa genèse par les relations familiales précoces. Par ailleurs, cette maladie affecte à son tour la personnalité au niveau cognitif et affectif.

Depuis leur enfance, ces personnes souffrent plus que les autres de leur relation avec leurs parents, surtout leur père, ce qui favorise le

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développement de croyances erronées impliquant des processus cognitifs et affectifs détériorés.

Cette souffrance commence dès le bas âge au sein de la famille, en amont de l’apparition du trouble et peut se perpétuer tout au long de l’évolution du trouble.

Ces expériences précoces nocives vécues au sein de la famille constituent les premiers souvenirs, pensées, émotions et sentiments, qui restent ancrés profondément dans la mémoire, reflétant ainsi une image déformée du monde externe et se consolidant lorsque les événements de la vie externe correspondent à ceux du vécu familial.

La souffrance peut commencer tôt et persister aux différents âges de la vie, vu la chronicité de la maladie, la sévérité des épisodes, les dégâts que le trouble peut engendrer à différents niveaux (travail, argent, vie conjugale…), l’incompréhension de la maladie par l’entourage, l’importance de l’adhérence ou non au traitement ainsi que d’autres difficultés laissant un impact sévère sur le patient.

Toutefois, le vécu des bipolaires dépressifs et l’évolution de leur maladie semblent d’après notre étude être plus délétères. En effet, leurs épisodes sont souvent inaperçus ou banalisés par leur entourage. De plus, le recours à l’hospitalisation pour les sortir de leurs accès n’est pas souvent la règle suivie par les parents. Enfin, leur lieu de contrôle est hautement externe (responsabilisant les autres de ce qui leur arrive dans la vie), avec des pensées automatiques négatives et des schémas précoces d’inadaptation très détériorés (comme les droits personnels exagérés : schéma de tout m’est dû). Tous ces facteurs les exposent à un risque suicidaire si un traitement médicamenteux n’est pas vite installé et une prise en charge rapidement envisagée.

L’échantillon de notre étude (bipolaire et contrôle) semble se caractériser par certaines spécificités :

-Un « sacrifice de soi » élevé chez le groupe contrôle et encore plus élevé chez les bipolaires. Il nous semble que la population de notre échantillon est très sensible aux besoins des autres et souhaite leur assurer le plaisir et leur épargner la douleur. Cette sensibilité aux besoins des autres peut être expliquée par les périodes difficiles par

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lesquels le pays est passé et par le besoin d’être altruiste et résiliant afin de diminuer la douleur ressentie par la maladie et ses effets et de traverser les épreuves.

-Des « exigences élevées » constatées dans les deux groupes (bipolaire et contrôle). Cette exigence élevée semble provenir d’une culture prônant la performance et répond aux sollicitations sans cesse renouvelées par les parents dans l’éducation de leurs enfants.

-Des « droits personnels exagérés » élevés chez les personnes saines et surtout chez les bipolaires. Ces droits peuvent être expliqués par le souhait du libanais d’avoir des privilèges particuliers répondant ainsi à une culture individualiste où manque de façon poignante l’esprit collectif.

Par ailleurs, l’évaluation faite par les patients bipolaires de leurs parents confirme ces résultats :

- Le « sacrifice de soi » est retrouvé le plus chez les mères libanaises en général et celles des bipolaires en particulier, à une différence faiblement significative.

- Le « schéma d’exigences élevées » est le schéma le plus élevé parmi tous les autres schémas dans le groupe contrôle comme dans le groupe des bipolaires. Il est de même plus élevé chez les pères que chez les mères dans les deux groupes.

- Le schéma de « tout m’est dû » n’est pas significatif entre les mères du groupe contrôle et ceux du groupe des bipolaires montrant que les mères n’inculquent pas assez à leurs enfants leurs obligations envers les autres.

- Le sentiment de dépendance et d’incompétence où nous avons relevé que les pères libanais font confiance à leurs enfants et ne favorisent pas chez eux une dépendance à leur égard et un sentiment d’incompétence. Par ailleurs, les mères libanaises apprennent en général à leurs enfants la discipline nécessaire pour réussir à l’école et croient en leurs talents et à leur réussite.

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Dans un autre ordre d’idées, les données que nous avons retenues de la partie théorique et pratique nous montrent l’importance qu’il faut accorder à la prise en charge médicamenteuse, psychothérapeutique et familiale1.

Un suivi médical, une prise en charge psychothérapeutique et une prise en charge familiale sont indispensables à installer ensemble pour réaliser une stabilité thymique et un bien-être psychologique et relationnel. En effet, la prise en charge du trouble repose sur deux grands axes : d’une part, la résolution de l’accès maniaque, hypomaniaque ou dépressif qui nécessite un temps d’hospitalisation et une intervention pharmacologique d’une grande importance. D’autre part, une fois que le patient est euthymique et pour éviter des rechutes futures, une médication est nécessaire pour la maintenance couplée à trois ordres d’intervention :

1- une psychothérapie d’inspiration cognitivo-comportementale ayant pour objectif une pédagogie du trouble, son génie évolutif et surtout comment reconnaître les premiers symptômes avant-coureurs, les prodromes, afin d’éviter de sombrer dans l’accès. Des études contrôlées, randomisées et à large échelle ont confirmé que, combinée à la médication stabilisatrice, cette psychothérapie qui est un genre de psychoéducation, démontre son efficacité dans le fait de développer moins d’épisodes futurs, moins de jours à passer dans l’épisode au cas où l’accès se manifeste de nouveau et surtout moins d’admissions en milieu hospitalier (les étapes de cette approche sont détaillées dans le premier chapitre).

2- une intervention familiale afin d’amener les différents membres de la famille proche du malade à comprendre son trouble, reconnaître aussi les symptômes et savoir accepter souvent l’hypersensibilité relationnelle intercritique dont souffrent les patients bipolaires2.

3- un groupe de parole entre les patients bipolaires eux-mêmes dans le cadre d’une association les aiderait sans doute à partager leurs expériences, améliorer leurs performances et rehausser leur estime de soi.1 HIRSCHFELD Robert M. A., Guideline Watch   : practice guideline for the treatment of patients with bipolar disorder, 2nd edition, APA Practice Guidelines, 2005, p. 52 HIRSCHFELD Robert M. A., op. cit., p. 5.

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Notre étude nous semble pertinente dans la mesure où dans notre recherche nous n’avons pas retrouvé d’autres études récentes comparant les bipolaires entre eux, la plupart des études des dernières décennies se bornant à comparer des patients bipolaires et unipolaires.

Enfin comme pour toute étude, la nôtre souffre de multiples limites dont la prise de conscience servira certainement à des recherches futures meilleures:

- Notre échantillon n’est pas très large. Ceci peut être expliqué par la difficulté de trouver des bipolaires qui acceptent d’être évalués par une batterie de tests.

- De même, souvent, les patients ne viennent en consultation chez le psychiatre que s’ils vont mal ou s’ils ont fait une rechute imposant une consultation, souvent d’urgence.

- Par ailleurs, nos critères d’inclusion des bipolaires ont été limités et sévères :

*tranche d’âge entre 20 et 40 ans pour que les patients soient capables de répondre aux questionnaires de façon convenable et pour limiter les biais que peut causer la maladie ainsi que le traitement médicamenteux eu égard aux difficultés cognitives (oubli, perception, jugement…).

*les patients de notre échantillon devaient avoir un niveau d’étude universitaire afin de pouvoir répondre aux questionnaires désormais limités à la langue française.

Nous aurions souhaité approfondir notre analyse et faire une comparaison entre les hommes et les femmes bipolaires afin de voir s’il existe une différence par rapport au sexe au niveau affectif et cognitif.

Nous aurions également voulu faire une étude avec des réponses ouvertes permettant une approche personnalisée et laissant la possibilité aux bipolaires de verbaliser réellement ce qu’ils pensent de leur maladie, de leurs parents, de leur entourage et d’eux-mêmes.

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En définitive, notre étude nous ouvre des perspectives intéressantes de réflexion sur de futurs travaux portant sur les événements de vie stressants, rencontrés spécifiquement au Liban, ainsi que la qualité de vie des patients bipolaires. Ces études seraient utiles afin d’approfondir les connaissances sur ce trouble et aider encore plus les patients qui en souffrent.

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45.WALL R., HINRISCSEN G., POLLACK S., Psychometric characteritics of the multidimentional health locus of control scales among psychiatric patients, Journal of Clinical Psychology, January, 1989, Volume 45, N◦ 1, pages 94-98.

46.WENDEL J., MIKLOWITZ D. J., RICHARDS J. A., GEORGE E., Expressed emotion and attributions among the families of bipolar patients: An analysis of problem-solving interactions, Journal of Abnormal Psychology, 2000, Volume 109, N◦ 4, pages 792-796.

SITES INTERNET

1. http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/platon/theetetefr.htm

2. http://fr.wikipedia.org/wiki/Locus_de_contr%C3%B4le

3. http://www.psychologiesociale.com/index.php? option=com_content&task=view&id=131&Itemid=76

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ANNEXES

ANNEXE A - Lieu de contrôle tridimensionnel (IPAH)

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Consigne : Le but des questions suivantes est de connaître vos opinions personnelles face à différentes situations qui se passent dans votre vie. Pour chaque phrase veuillez dire à chaque degré vous êtes en accord ou en désaccord avec l’énoncé en cochant la colonne qui correspond à votre opinion. Assurez-vous de répondre selon ce que vous pensez qui se passe réellement plutôt que selon ce que vous aimeriez qui se passe idéalement. S’il vous plaît, donnez une réponse pour chaque énoncé même si vous n’êtes pas tout à fait sur (e).

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1- Lorsque ce n’est pas moi qui mène la situation, c’est généralement parce que je n’ai pas toute la compétence requise. 2- En grande partie, ma vie est contrôlée par des événements qui arrivent par hasard.3- Il me semble que ce qui m’arrive dans la vie est surtout déterminé par des gens qui ont du pouvoir. 4- Que je sois impliqué(e) ou non dans un accident d’automobile, dépend surtout de ce que je suis un mauvais ou un bon conducteur. 5- Le fait que mes projets se réalisent ou pas dépend essentiellement de moi.6- Il arrive souvent qu’il n’y ait aucun moyen de protéger mes intérêts personnels contre la malchance.7- Lorsque j’obtiens ce que je désire, c’est généralement parce que j’ai de la chance. 8- Quelle que soit ma compétence, le seul moyen que l’on me confie des responsabilités importantes est de faire appel à ceux qui détiennent le pouvoir de décision. 9- C’est essentiellement le fait que je sois aimable ou pas qui détermine si je suis estimé(e) par les autres.10- J’ai souvent constaté dans ma vie que ce qui doit m’arriver doit m’arriver.11- Ma vie est surtout contrôlée par des personnes qui ont du pouvoir.12- Que je sois impliqué(e) ou non dans un accident d’automobile est surtout une question de chance ou de malchance.13- Il est presque impossible à des gens comme moi de protéger leurs intérêts lorsque ces derniers sont en opposition avec ceux de groupes puissants de la société. 14- Il n’est pas toujours sage, en ce qui me concerne, de faire des projets trop longtemps à l’avance parce que souvent c’est plutôt le hasard qui décide du cours des événements. 15- Pour avoir ce que je veux, il me faut plaire à ceux qui sont au-dessus de moi. 16- Lorsque c’est moi plutôt qu’un autre qui mène la situation, c’est parce que j’ai eu la chance de me trouver au bon endroit, au moment propice. 17- S’il arrivait que dans un milieu, des personnes qui ont de l’influence sur les autres décident qu’elles ne m’aiment pas, je ne serais probablement pas très estimé(e) dans ce milieu. 18- Les choses qui m’arrivent dans la vie

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ANNEXE B - Questionnaire abrégé des schémas(Young Schema Questionnaire YSQ-S1. Short form, 1994)

Consigne : Vous trouverez ci-dessous un ensemble de propositions qui sont susceptible de vous décrire. Veuillez lire chacune d’elles et indiquez dans quelle mesure elles vous correspondent en cochant la colonne correspondante.

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1- La plupart du temps, je n’ai jamais eu quelqu'un pour prendre soin de moi, partager avec moi ou prêter attention à ce qu’il m’arrivait.2- En général, les gens n’ont pas été là pour me donner chaleur, soutien et affection.3- Dans ma vie, je n’ai jamais senti que j’étais spécial(e) pour quelqu'un. 4- Pour une grande part, je n’ai pas eu quelqu'un qui m’écoutait réellement, me comprenne ou qui soit sensible à mes vrais besoins et sentiments.5- J’ai rarement eu une personne forte pour me donner des conseils avisés ou me guider quand je n’étais pas sûr(e) de ce que je devais faire.6- Je m’accroche aux gens dont je suis proche car j’ai peur qu’ils ne me quittent.7- J’ai tellement besoin des autres que l’idée de les perdre me préoccupe. 8- L’idée que les gens dont je me sens proche puissent me quitter ou m’abandonner me rend anxieux (se). 9- Quand je sens qu’une personne que j’estime s’éloigne de moi, je deviens désespéré(e). 10- Parfois, j’ai tellement peur que les autres ne me quittent que je les rejette.11- J’ai l’impression que les autres profitent de moi.12- Je pense que je ne dois pas baisser la garde en présence d’autres personnes, sinon ils me blesseraient volontairement.13- Etre trahi(e) n’est juste qu’une question de temps.

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14- Je suis soupçonneux (se) à l’égard des motivations des gens.15- Je guette souvent les mobiles cachés des autres.16- Je ne suis pas dans mon élément.17- Je suis fondamentalement différent (te) des autres.18- Je suis à part ; je suis un(e) solitaire.19- Je me sens en marge des autres.20- J’ai toujours l’impression d’être en dehors des groupes.21- Aucun homme (femme) que je désire ne peut m’aimer une fois qu’il (elle) a vu mes défauts (imperfections).22- Aucune personne que je désire ne voudrait rester proche de moi si elle me connaissait réellement.23- Je ne suis pas digne de l’amour, de l’attention et du respect des autres.24- J’ai l’impression que je ne peux pas être aimé(e). 25- Je suis trop inacceptable pour me révéler aux autres. 26- La plupart des choses que je fais au travail (ou à l’école) ne sont pas aussi bonnes que celles que font les autres.27- Je ne suis pas compétent(e) quand il s’agit de réussir.28- La plupart des gens sont plus compétents que moi dans le domaine du travail et de la réussite.29- Je ne suis pas aussi talentueux (se) au travail que la plupart des gens le sont.30- Je ne suis pas assez intelligent (te) que la plupart des gens quand il s’agit du travail (ou de l’école).31- Je ne me sens pas capable de me débrouiller par moi-même, dans la vie courante.32- Je me considère comme une personne dépendante, au niveau de la vie de tous les jours.33- Je manque de bon sens.34- Mon jugement n’est pas fiable dans les situations quotidiennes.35- Je n’ai pas confiance en ma capacité à résoudre les problèmes quotidiens qui peuvent survenir.

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36- Il ne me semble pas possible d’échapper au sentiment que quelque chose de mauvais va se produire. 37- Je sens qu’un désastre (naturel, criminel, financier ou médical) pourrait survenir à tout moment. 38- J’ai peur d’être agressé(e).39- J’ai peur de perdre tout mon argent et d’être déchu(e).40- Je m’inquiète d’avoir une maladie grave même si rien n’a été diagnostiqué par un médecin. 41- Je n’ai pas été capable de me séparer de mes parents comme les autres gens de mon âge semblent l’avoir fait.42- Mes parents et moi avons tendance à être surimpliqués dans la vie et les problèmes de chacun. 43- Il est vraiment difficile, pour mes parents et moi, de garder des détails de notre vie intime sans se sentir trahis ou coupable. 44- J’ai souvent l’impression que mes parents vivent à travers moi, je n’ai pas une existence qui me soit propre. 45- Je ressens souvent que je n’ai pas une identité distincte de celle de mes parents ou de mon partenaire.46- Je pense que si je faisais ce que je voulais, j’irais au devant des ennuis.47- Je pense que je n’ai pas d’autres choix que de me soumettre aux désirs des autres ou alors ils me rejetteront ou me le feront payer d’une façon ou d’une autre.48- Dans les relations, je laisse les autres avoir la main mise sur moi. 49- Je laisse toujours les autres faire des choix pour moi, ainsi je ne sais pas réellement ce que je veux pour moi-même. 50- J’ai beaucoup de difficultés à faire respecter mes droits et à faire en sorte que mes sentiments soient pris en compte.51- Je suis celui (celle) qui finit habituellement par prendre soin des gens qui me sont proches.

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52- Je suis une personne «bonne» parce que je pense aux autres plus qu’à moi-même. 53- Je suis tellement occupé(e) à faire des choses pour les gens dont je me soucie que j’ai peu de temps pour moi.54- J’ai toujours été celui (celle) qui écoutait les problèmes de tout le monde.55- Les gens me voient comme celui (celle) qui en fait trop pour les autres et pas assez pour lui-même (elle-même). 56- Montrer des sentiments positifs m’embarrasse beaucoup. 57- Je trouve embarrassant d’exprimer mes sentiments aux autres. 58- Je trouve qu’il est difficile d’être chaleureux (se) et spontané(e).59- Je me contrôle tellement que les gens pensent que je suis dépourvu(e) d’émotions. 60- Les gens me considèrent comme étant « coincé(e) » émotionnellement.61- Je dois être le (la) meilleur(e) dans tout ce que je fais, je ne peux pas accepter d’être second(e).62- J’essaye de faire de mon mieux. Je ne peux accepter un «assez bien ». 63- Je dois faire face à toutes mes responsabilités. 64- J’ai l’impression qu’il y a une pression constante pour que je réussisse et termine les choses. 65- Je ne me tire pas d’affaire facilement ou ne fais pas d’excuses pour mes erreurs. 66- J’ai beaucoup de difficultés à accepter qu’on me réponde «non » quand je veux quelque chose des autres. 67- Je suis particulier et n’ai donc pas à accepter la plupart des restrictions auxquelles les autres doivent se soumettre.68- Je déteste être contraint(e) de faire quelque chose ou d’être empêché(e) de faire ce que je veux. 69- Je sens que je n’ai pas à suivre les rôles et conventions normales comme les autres. 70- Je pense que ce que j’ai à offrir a une plus grande valeur que les contributions des autres.

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71- Il ne me semble pas possible de me discipliner pour terminer des tâches routinières ou ennuyeuses. 72- Si je ne peux pas atteindre mon objectif, je deviens facilement frustré(e) et j’abandonne.73- J’ai un moment difficile lorsque je dois sacrifier une gratification immédiate pour atteindre un but à plus long terme. 74- Je ne peux pas me forcer à faire des choses que je n’aime pas, même si je sais que c’est pour mon propre bien. 75- J’ai rarement été capable de tenir mes résolutions.

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ANNEXE C - Questionnaire des pensées automatiques

Consigne : vous trouverez ci-dessous une liste de 30 pensées qui peuvent émerger dans l’esprit des gens. Veuillez lire attentivement chaque pensée et indiquez avec quelle fréquence, si c’est le cas, cette pensée a été vôtre dans les dernières années. Lisez chacune des 30 pensées attentivement et cochez la colonne correspondante.

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Tout

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ps

1- J’ai la plus grande difficulté à faire face au monde.2- Je ne suis pas bon.3- Pourquoi est-ce que je ne réussis jamais ? 4- Personne ne me comprend.5- J’ai laissé tomber les autres.6- Je ne pense pas pouvoir continuer.7- J’aimerais être quelqu'un de mieux.8- Je suis si faible.9- Ma vie ne se déroule pas comme je le souhaite.10- Je me déçois moi-même. 11- Rien n’est bon comme avant.12- Je ne puis supporter cela plus longtemps.13- Je n’arrive pas à commencer les choses.14- Qu’y a-t-il de mauvais en moi ?15- Je souhaite être quelqu'un d’autre.16- Je ne puis faire marcher les choses.17- Je me déteste.18- Je suis sans valeur.19- Je souhaite disparaître. 20- Qu’est-ce qui ne va pas en moi ?21- Je suis un perdant.22- Ma vie est un gâchis. 23- Je suis un raté.24- Je n’y arriverai pas.25- Je suis tellement sans espoir.26- Quelque chose doit changer.27- Il doit y avoir quelque chose de mauvais en moi.28- Mon avenir est lugubre.29- Cela ne vaut pas la peine.30- Je n’arrive pas à terminer les choses.

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ANNEXE D - Young Parenting Inventory (J. Young)Questionnaires des attitudes parentales

Consigne: Vous trouverez ci-après un ensemble de propositions qui peuvent décrire l’attitude de vos parents lorsque vous étiez enfant. Indiquez dans quelle mesure vous êtes d'accord ou non avec ces affirmations en vous référant à l’échelle de cotation ci-dessous. Si une autre personne agissait en tant que substitut maternel ou paternel, complétez l’échelle en fonction de cette personne. Dans le cas de l’absence du père ou de la mère, laissez la colonne vide.

Échelle de cotation :

1. Complètement faux2. Faux dans l’ensemble3. Plutôt vrai que faux4. Moyennement vrai5. Vrai dans l’ensemble6. Le ou la décrit parfaitement

1. M’aimait et me traitait comme quelqu’un d’important.2. Me consacrait du temps et de l’attention.3. Me conseillait quand j’en avais besoin.4. M’écoutait, me comprenait et partageait des sentiments avec moi. 5. Était chaleureux (se) et physiquement affectueux (se) (par exemple : me prenait dans ses bras …).6. Est décédé(e) ou a quitté le domicile familial quand j’étais enfant.7. Était imprévisible, d’humeur changeante ou alcoolique.8. Avait une préférence pour ma (mes) sœurs ou mon (mes) frères.9. Était renfermé(e) ou me laissait seul(e) pendant de longues périodes.10. Me mentait, me trompait ou me trahissait.11. Abusait de moi physiquement, émotionnellement ou sexuellement.12. M’utilisait pour satisfaire ses propres besoins.13. Semblait prendre plaisir à blesser les gens.14. Craignait exagérément que je me blesse.15. Craignait exagérément que je devienne malade.16. Était une personne craintive ou phobique.17. Me surprotégeait.

Mère Père

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18. Mettait en doute la fiabilité de mes décisions ou de mon jugement.19. Avait trop tendance à faire les choses à ma place.20. Me traitait comme si j’étais plus jeune que mon âge.21. Me critiquait beaucoup.22. Son attitude me donnait le sentiment d’être rejeté(e), pas aimé(e).23. Me traitait comme si j’étais quelqu’un de mauvais, inacceptable.24. Me rendait honteux (se) d’aspects importants de moi-même.25. Ne m’a jamais appris la discipline nécessaire pour réussir à l’école.26. Me traitait comme si j’étais stupide et sans talent.27. Ne souhaitait pas que je réussisse dans la vie.28. S’attendait à ce que j’échoue.29. Me considérait comme si mes opinions ou désirs n’avaient pas d’importance. 30. Faisait ce qu’elle (il) voulait sans tenir compte de mes besoins. 31. Dirigeait ma vie sans tenir compte de mon avis.32. Tout devait être fait à sa manière.33. Sacrifiait ses propres besoins dans l’intérêt de la famille.34. Était incapable d’assumer plusieurs responsabilités quotidiennes, j’ai donc dû en assumer plus qu’il se doit. 35. Était très malheureux (se) et comptait sur moi pour un soutien et la compréhension.36. Me considérait comme quelqu’un de fort pouvant prendre encharge les autres.37. Devait réussir dans tout ce qu’il (ou elle) faisait.38. S’attendait à ce que je donne toujours le maximum de moi-même.39. Était perfectionniste dans plusieurs domaines.40. N’était jamais réellement satisfait (e) par ce que je faisais.41. Était strict (e), avait des idées arrêtées sur ce qui était bien et mal.42. Devenait impatient (e) si les choses n’étaient pas faites convenablement ou assez rapidement.43. Accordait plus d’importance au travail qu’au plaisir ou à la détente.44. Me gâtait ou était trop tolérant (e).45. Me faisais sentir que j’étais spécial(e), meilleur(e), que la plupartdes autres personnes.46. Attendait beaucoup des autres; tenait surtout compte de ses intérêts.47. Ne m’apprenait pas mes obligations envers les autres personnes.48. Me donnait très peu de discipline ou de repères.

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49. M’imposait peu de règles ou me donnait peu de responsabilité.50. Tolérait mes fortes colères ou mes pertes de contrôles.51. Était peu discipliné(e).52. Nous étions tellement proches que nous nous comprenions presque parfaitement.53. Je n’avais pas l’impression d’avoir une identité différente de la sienne.54. Durant mon enfance, j’étais étouffé(e) par sa forte personnalité.55. Si nous nous étions séparé (e) s l’un de l’autre, je pense que nous en aurions été blessé (e) s.56. Était très préoccupé(e) par les problèmes financiers de la famille.57. Me faisait sentir que si je faisais la moindre erreur, quelque chose de catastrophique aurait pu se produire.58. Avait une vision pessimiste des choses, s’attendait souvent au pire.59. Mettait l’accent sur les aspects négatifs de la vie ou sur les choses qui tournaient mal.60. Avait besoin de tout contrôler.61. Avait des difficultés à exprimer de l’affection ou de lavulnérabilité.62. Était structuré(e) et organisé(e); n’aimait pas le changement ou les imprévus.63. Exprimait rarement de la colère.64. Était secret (e) ; parlait rarement de ses sentiments.65. Me critiquait sévèrement ou se mettait en colère si je faisaisquelque chose.66. Me punissait quand je faisais quelque chose de mal.67. M’injuriait (comme «stupide», «idiot(e)») quand je faisais des erreurs.68. Blâmait les gens quand les choses allaient mal.69. Était soucieux(e) du statut social et de l’apparence.70. Mettait l’accent sur l’importance du succès et la compétition.71. S’inquiétait de l’impact de ma conduite sur le regard que les autres pouvaient lui porter.72. Semblait m’aimer plus ou me portait plus d’attention lorsque je réussissais.

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282

ANNEXE E - Table t de Student

P

γ

0,10 0,05 0,02 0,01

1234567891011121314151617181920212223242526272829303540455060∞

6,342,922,352,132,021,941,901,861,831,811,801,781,771,761,751,751,741,731,731,721,721,721,711,711,711,711,701,701,701,701,691,681,681,681,671,64

12,714,303,182,782,572,452,362,312,262,232,202,182,162,142,132,122,112,102,092,092,082,072,072,062,062,062,052,052,042,042,032,022,022,012,001,96

31,826,964,543,753,363,143,002,902,822,762,722,682,652,622,602,582,572,552,542,532,522,512,502,492,482,482,472,472,462,462,442,422,412,402,392,33

63,669,925,844,604,033,713,503,363,253,173,113,063,012,982,952,922,902,882,862,842,832,822,812,802,792,782,772,762,762,752,722,712,692,682,662,58

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283

ANNEXE F – Recueil des notes sur l’échelle du Lieu de contrôle

Groupe contrôle Nc = 39

Réponses

Questions

1 2 3 4 5 6 TOTAL

39

LOC interne

145*91819*21*23

7 11 3 5 9 49 10 1 7 11 10 1 1 7 21 97 6 9 6 8 35 4 4 6 18 21 2 2 4 22 81 2 0 7 19 101 2 3 10 16 7

69 75 168LOC ExterneAutres

381113151720*22*

17 17 3 0 1 111 15 4 0 7 221 14 2 0 2 04 18 6 4 7 011 8 3 6 8 36 14 3 8 6 20 3 10 18 7 16 8 6 11 7 1

173 84 55LOC ExterneChance

26*71012141624

7 16 5 5 4 22 14 0 13 8 29 12 4 8 5 16 9 6 5 8 56 12 5 7 6 38 20 2 2 5 23 14 3 9 9 111 16 2 7 3 0

165 83 64

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284

Trouble Bipolaire1+2Nb = 40

Réponses

Questions

1 2 3 4 5 6 TOTAL

40

LOC interne

145*91819*21*23

6 3 4 5 7 1513 3 6 4 7 70 1 2 5 17 153 5 2 4 13 136 8 7 6 7 61 1 2 3 14 191 1 1 4 15 187 4 4 4 8 13

63 63 194LOC ExterneAutres

381113*151720*22*

16 11 1 1 5 614 7 5 5 5 418 10 3 2 4 38 3 4 8 7 1012 5 4 7 7 517 7 2 1 4 92 5 12 8 8 58 7 4 9 6 6

150 76 94LOC ExterneChance

26710*1214*16*24

5 10 6 6 7 68 6 4 8 7 712 8 3 6 5 65 3 4 5 8 1511 4 6 7 4 88 7 3 1 10 116 10 3 4 7 1016 9 5 4 3 3

128 75 117

Trouble Bipolaire1n1 = 21

Réponses

Questions

1 2 3 4 5 6 TOTAL

21

LOC interne

145*91819*21*23

3 1 2 3 5 77 3 2 1 3 50 1 1 2 9 83 1 2 2 7 64 5 2 5 2 30 0 0 2 8 111 1 0 1 9 93 2 1 4 4 7

35 30 103LOC ExterneAutres

381113*151720*22

8 8 1 1 3 07 5 4 2 1 210 7 2 1 1 05 2 3 3 3 57 4 2 4 3 110 4 1 1 2 31 2 7 2 6 34 4 2 6 1 4

88 42 38LOC ExterneChance

26710*121416*24

3 7 1 3 4 35 3 3 4 3 35 4 1 3 4 43 1 3 2 3 95 2 5 3 2 45 6 0 0 5 51 5 2 2 4 78 5 3 1 1 3

68 36 64

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285

Trouble Bipolaire 2 n2 = 19

Réponses

Questions

1 2 3 4 5 6 TOTAL

19

LOC interne

145*91819*21*23

3 2 2 2 2 86 0 4 3 4 20 0 1 3 8 70 4 0 2 6 72 3 5 1 5 31 1 2 1 6 80 0 1 3 6 94 2 3 0 4 6

28 33 91LOC ExterneAutres

381113*15*1720*22

8 3 0 0 2 67 2 1 3 4 28 3 1 1 3 33 1 1 5 4 55 1 2 3 4 47 3 1 0 2 61 3 5 6 2 24 3 2 3 5 2

62 34 56LOC ExterneChance

26*710*1214*1624

2 3 5 3 3 33 3 1 4 4 47 4 2 3 1 22 2 1 3 5 66 2 1 4 2 43 1 3 1 5 65 5 1 2 3 38 4 2 3 2 0

Page 286: INTRODUCTION · Web viewDans ses « Leçons d’introduction à la psychanalyse », Freud appelle le processus par lequel l’objet perdu a été érigé dans le Moi lui-même «

286

60 39 53

ANNEXE G - Recueil des notes sur le questionnaire des penséesautomatiques

Groupe contrôleNc = 39

Réponses

Questions

1 2 3 4 5 TOTAL

39

Pensées automatiques

12345

67*89*10

1112131415

16171819

23 11 2 3 025 9 2 3 026 8 2 2 118 17 3 0 123 14 2 0 0

23 10 4 1 14 22 2 4 721 12 2 4 08 19 4 2 622 8 5 4 0

21 14 2 1 119 15 1 3 120 15 1 2 117 13 3 3 327 4 2 6 0

24 9 4 2 032 5 1 0 133 4 1 0 129 6 2 2 016 15 3 2 3

Page 287: INTRODUCTION · Web viewDans ses « Leçons d’introduction à la psychanalyse », Freud appelle le processus par lequel l’objet perdu a été érigé dans le Moi lui-même «

287

20

2122232425

26*27282930

30 7 2 0 027 8 2 2 033 5 0 0 025 9 4 1 027 10 1 1 0

8 19 5 3 420 13 1 4 025 8 4 1 013 23 0 3 021 13 2 3 0

Groupe Bipolaire1+2Nb = 40

Réponses

Questions

1 2 3 4 5 TOTAL

40

Pensées automatiques

12345

67*89*10*

1112131415

1617181920

2122232425

26*27282930

13 18 2 5 223 9 5 2 19 9 11 6 57 13 7 9 414 11 7 7 1

13 8 7 6 53 3 8 9 1712 9 9 7 22 9 11 10 86 11 5 11 7

9 7 7 7 1010 6 9 9 611 8 7 11 312 9 5 6 714 7 5 10 3

10 12 10 5 318 10 3 6 327 2 6 3 216 9 5 3 79 12 6 10 3

15 10 8 5 214 11 8 5 220 10 5 2 321 7 7 3 218 7 8 2 5

3 5 8 9 1515 11 5 3 617 5 6 7 418 11 3 5 311 12 4 5 8

Page 288: INTRODUCTION · Web viewDans ses « Leçons d’introduction à la psychanalyse », Freud appelle le processus par lequel l’objet perdu a été érigé dans le Moi lui-même «

288

Groupe Bipolaire1N1 = 21

Réponses

Questions

1 2 3 4 5 TOTAL

21

Pensées automatiques

12345

67*89*10

1112131415

1617181920

5 13 1 2 011 4 5 1 04 5 8 3 13 6 4 5 36 9 2 4 0

8 5 3 2 30 2 3 5 115 6 5 4 11 7 3 6 43 8 1 6 3

7 5 2 2 55 3 5 4 46 5 3 6 18 4 3 2 46 4 4 5 2

4 7 6 2 28 5 2 5 114 0 4 3 06 8 3 1 34 8 1 7 1

Page 289: INTRODUCTION · Web viewDans ses « Leçons d’introduction à la psychanalyse », Freud appelle le processus par lequel l’objet perdu a été érigé dans le Moi lui-même «

289

2122232425

26*27282930

6 6 4 4 17 7 3 3 112 4 2 1 212 2 5 2 09 3 6 0 3

1 4 3 4 98 4 2 3 49 2 4 4 210 5 2 2 27 5 2 3 4

Groupe Bipolaire2N2 = 19

Réponses

Questions

1 2 3 4 5 TOTAL

19

Pensées automatiques

12345

67*89*10*

11*12131415

1617181920

2122232425

26*27282930

8 5 1 3 212 5 0 1 15 4 3 3 44 7 3 4 18 2 3 3 1

5 3 4 4 23 1 5 4 67 3 4 3 11 2 8 4 43 3 4 5 4

2 2 5 5 55 3 4 5 25 3 4 5 24 5 2 5 38 3 1 5 1

6 5 4 3 110 5 1 1 213 2 2 0 210 1 2 2 45 4 5 3 2

9 4 4 1 17 4 5 2 18 6 3 1 19 5 2 1 29 4 2 2 2

2 1 5 5 67 7 3 0 28 3 2 3 28 6 1 3 14 7 2 2 4