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Département Afrique Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture Le dialogue entre les religions endogènes, le christianisme et l’islam au service de la culture de la paix en Afrique

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  • Dpartement Afrique

    Organisationdes Nations Unies

    pour lducation,la science et la culture

    Le dialogue entre les religions endognes,

    le christianisme et lislam au service de

    la culture de la paix en Afrique

    Africa Department

    United NationsEducational, Scientific and

    Cultural Organization

    Dialogue amongendogenous religions,Christianity and Islam

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    the culture of peace in Africa

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  • Le dialogue entre les religions endognes,

    le christianisme et lislam au service de

    la culture de la paix en Afrique

    Actes du Colloque international Cotonou, 20-21 aot 2007

    Dpartement Afrique

  • Les appellations employes dans cette publication et la prsentation des donnes qui y fi gurent nimpliquent, de la part de lOrganisation, aucune prise de position quant au statut juridique des pays, territoires, villes ou zones ou de leurs autorits, ni quant au trac de leurs frontires ou limites.

    Les ides et les opinions exprimes dans cette publication sont celles des auteurs ; elles ne refl tent pas ncessairement les points de vue de lUNESCO et nengagent en aucune faon lOrganisation.

    Publi par lOrganisation des Nations Uniespour lducation, la science et de la culture (UNESCO)7, place de Fontenoy, 75352 Paris 07 SP, France

    UNESCO, 2009Tous droits rservs

    Cration graphique et mise en page: UNESCO/CLD Imprim par UNESCO/CLDParis, France

    Ce document a t ralis par le Dpartement Afrique de lUNESCO.

    AFR-2009/WS/1

  • PRFACE

    Le monde a besoin, plus que jamais, dhommes et de femmes engags, qui dfen-dent vigoureusement la voie du dialogue et refusent la logique dun prtendu choc invitable des religions. Ce point de vue exige de chacun dentre nous un effort conscient et continu. Nous devons confronter nos expriences et nos savoirs ceux des autres afi n dtablir une situation dcoute. La connaissance, la comprhen-sion de lautre sont les seuls moyens de dissiper la haine et la mfi ance, et ddifi er une paix durable qui permette chaque membre de la famille humaine de vivre dans la dignit et dans la scurit.

    Cest pour rpondre cet objectif qu la requte du Directeur gnral de lUNESCO M. Kochiro Matsuura, le Bnin a accueilli, du 20 au 21 aot 2007 Cotonou, un colloque international sur le thme du dialogue entre les religions africaines endognes, lislam et le christianisme au service de la culture de la paix en Afrique organise par lUNESCO, en relation avec le gouvernement bninois et lappui de lAssociation mondiale pour lAppel de lIslam.

    Pendant ces deux jours, des croyants de diffrentes confessions et de grandes familles religieuses venus de plusieurs rgions, dminents leaders spirituels et tempo-rels, des chercheurs, des experts, des thologiens, des reprsentants dorganisations de la socit civile, des professionnels des mdias, des artistes et des crivains prove-nant de lAfrique et du monde se sont runis pour voquer, au-del de la diversit de leurs origines, de leurs religions et de leurs cultures, leur attachement au dialogue entre les religions et pour raffi rmer leur refus de lintolrance et de la haine.

    LUNESCO a t particulirement heureuse davoir runi ces personnalits cette occasion, pour raffi rmer le caractre sacr de la vie humaine et pour prner la tolrance, la comprhension mutuelle, le respect de la diversit et des convictions religieuses de chacun, la paix, la solidarit, autrement dit, des valeurs susceptibles de renforcer le processus dintgration rgionale en cours de construction en Afrique.

    Aprs avoir raffi rm leur conviction que le dveloppement de lAfrique et le bien-tre de ses populations ne peuvent tre raliss que dans le cadre dune culture de la paix soucieuse des principes de libert, de dmocratie, de tolrance et de solidarit, pour lavnement dun dialogue interreligieux, les participants ont adopt une dclaration dite Dclaration de Cotonou, qui fait des domaines de comptence de lUNESCO, des vecteurs essentiels de ce dfi collectif.

    Nourini Tidjani-SerposSous-Directeur gnralDpartement Afrique

  • IN MEMORIAM

    LUNESCO a appris avec beaucoup de tristesse, le dcs le 13 mai 2008 du Cardinal Bernardin Gantin, Doyen Emrite du Sacr Collge (Vatican), fi ls minent du Bnin et de lAfrique, estim de tous et anim par un esprit profondment apostolique. A loccasion de ce colloque, il avait fait parvenir lOrganisation un message audiovisuel et un tmoignage de soutien, lu par lAbb Quenum, Recteur de lUniversit Catholique de lAfrique occidentale.

    LOrganisation prsente ses sincres condolances toute sa famille, ses proches, aux vques de la Confrence piscopale du Bnin et tous les catho-liques africains.

  • SOMMAIRE

    ARGUMENTAIRE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .7

    DCLARATION DE COTONOU . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10

    RSUM EXCUTIF DU COLLOQUE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14

    SANCE DOUVERTURE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20Allocution de M. Nourini Tidjani-Serpos Sous-Directeur Gnral de lUNESCO pour lAfrique

    Allocution dEl Hadj Girigissou GadoSecrtaire gnral de lUnion Islamique du Bnin

    Allocution de Daagbo-HounonChef suprme du Vodun

    Allocution de Monseigneur Marcel Honorat AgbotonArchevque de Cotonou

    Message et Tmoignage de Feu Cardinal Bernardin GantinDoyen Emrite du Sacr Collge (Vatican). Lecture de son message par le Pre Alphonse Quenum

    Allocution douverture de Mme Christine Ouinsavi Ministre de lEnseignement primaire, de lalphabtisation et des langues nationales du Bnin, Prsidente de la commission nationale bninoise pour lUNESCO

    RSUMS

    TABLE RONDE I . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38Rle des religions et de leurs dirigeants dans la mise en place dune culture de la paix en Afrique

    TABLE RONDE II . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42Le rle du dialogue entre les diffrents courants philosophiques et spirituels dans un systme ducatif fond sur la transmission des valeurs communes de paix, de tolrance et des droits humains

  • TABLE RONDE III . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45Le dialogue des religions comme antidote aux tensions ethniques culturelles et sociales

    TABLE RONDE IV . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50La communication et les medias : comment sensibiliser lopinion publique limpact positif de la coexistence religieuse, de la comprhension mutuelle, de lharmonie et de la promotion du dialogue interreligieux parmi les populations africaines

    TABLE RONDE V . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53Les relations entre les religions et les dcideurs politiques, conomiques et sociaux : de la diplomatie prventive la promotion de lesprit de non violence et de rsolution pacifi que des confl its

    TABLE RONDE VI . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56Dans quelle mesure peut-on considrer les syncrtismes religieux de la diaspora africaine comme une forme de dialogue interreligieux ?

    SEANCE DE CLOTURE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59Allocution de Clture de M. Nourini Tidjani-SerposSous Directeur gnral de lUNESCO pour lAfrique

    ANNEXES Annexe I : Interventions des participants au cours des tables rondes . . . . . . . . . . . . 63Annexe II : Liste des Participants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 245

    REMERCIEMENTS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 252

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    ARGUMENTAIRE*

    Le Comit UNESCO pour le NEPAD, lors de sa troisime runion Tripoli les 7 et 8 mai 2005, avait recommand au Directeur gnral dorganiser une confrence sur linstauration dun dialogue entre les religions africaines endo-gnes, lislam et le christianisme, afi n de proposer des dmarches propres instaurer lharmonie, la paix et la tolrance sur le continent .

    Dans le cadre de la mise en uvre de cette recommandation, lUNESCO travers son Dpartement Afrique a organis un colloque international sur le dialo-gue interreligieux entre les religions endognes africaines (REA), lislam et le christia-nisme. La confrence sest tenue Cotonou, Bnin, les 20 et 21 aot 2007.

    Lobjectif de la Confrence tait de faire des recommandations sur les condi-tions favorables un dialogue authentique entre les Chrtiens, les musulmans et les croyants des religions endognes africaines et didentifi er les obstacles ce dialogue interreligieux.

    Les facteurs religieux trouvent leur place dans de nombreux confl its africains depuis lpoque pr-coloniale. En outre, depuis les indpendances, les religions ont continu jouer un rle dans les divers confl its arms. Les relations entre les trois principaux courants religieux en Afrique peuvent tre, en particulier, une source de tension sociale cause, principalement, dune mauvaise comprhension entre ces courants. Les musulmans et les chrtiens tendent percevoir les adeptes des reli-gions africaines endognes (REA) comme des paens, des animistes, des panthistes, des superstitieux ou des adeptes de la magie, tandis que les croyants des religions africaines endognes, dont la conscience dune identit ethnique encourage un senti-ment de suspicion lgard des autres religions, peroivent parfois les chrtiens et les musulmans comme des mercenaires des religions trangres et colonialistes et ainsi comme des traitres de lindpendance africaine et des ennemis la renaissance de lidentit africaine. De plus, la forte croissance dmographique et le poids politi-que de ces trois religions nous laissent apparatre de manire vidente que le dialogue interreligieux devient dornavant indispensable une paix future en Afrique, et ce, afi n dviter des foyers de tensions et de confl its.

    Ces trois grands courants religieux ont eu un pouvoir dattraction consid-rable sur les Africains, bien que ce soit pour diffrentes raisons. En effet, les diff-rentes religions endognes, lislam ou le christianisme, ont tour tour t utiliss et instrumentaliss, la fois des fi ns doppression et de libration. Ils ont aussi chacun t complices lors de confl its arms ou de perptuation de la violence. Mais ils ont galement chacun remarquablement contribu la paix.

    * Texte labor avant la tenue de la confrence.

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    Le dialogue entre les religions endognes, le christianisme et lislam au service de la culture de la paix en Afrique

    Ainsi, le concept de dialogue entre les chrtiens, les musulmans et les croyants des religions endognes africaines a pris une importance croissante face aux nouvel-les menaces multi-dimensionnelles la paix et la scurit en Afrique. Une rfl exion profonde sur les religions, lharmonie et la paix en Afrique doit donc aller de pair avec un respect rciproque et une comprhension mutuelle de la part des dirigeants de ces trois religions.

    Un autre point qui mrite galement dtre soulign est le fait que toutes les religions sont la fois traditionnelles et modernes, dans le sens o chacune se doit de rester fi dle ses valeurs de base tout en faisant un effort de comprhension envers les valeurs de nombreuses autres religions.

    Ce point est vrai pour lislam, le christianisme et les religions africaines endog-nes. Par contre, au sein de la diaspora africaine en Amrique, par exemple, lidentit culturelle africaine a de manire syncrtique beaucoup emprunt aux caractristi-ques des valeurs religieuses africaines.

    LUNESCO sest engage poursuivre des projets et des activits destines promouvoir le dialogue entre les peuples de diffrentes dnominations religieuses ou traditions spirituelles, dans un monde o les confl its intra- et interreligieux ont gagn en infl uence en raison de lignorance ou dune mauvaise comprhension des autres traditions spirituelles et de contextes culturels diffrents.

    Ds le dbut, lapproche de lUNESCO a consist rassembler diffren-tes civilisations, cultures, religions et traditions spirituelles travers ladoption de conventions et de dclarations normatives formelles, qui permettraient, dun ct, de reconnatre la proximit de leurs valeurs spirituelles, et, de lautre, de les engager vers un dialogue interreligieux.

    Aprs cette phase initiale, lUNESCO sest attache largir ltendue de ce dialogue en examinant et en valuant les concepts et les approches passs, puis en organisant une srie de confrences internationales dans diffrentes rgions du monde.

    De plus, la contribution du dialogue interreligieux la stabilit et au progrs dans les rgions dAfrique a t clairement mentionne dans les passages cls de la Dclaration dAbuja , qui a clos le Congrs international sur le dialogue entre les civilisations, les religions et les cultures en Afrique de lOuest , organis par lUNESCO Abuja (Nigeria) en dcembre 2003. Le document stipule quil est entendu que le dialogue est un moyen unique de promouvoir la paix parmi diffrentes communauts issues de diverses religions, modes de vie culturels ou ethniques .

    Par la suite, une IIme Dclaration dAbuja adopte lors de la premire Confrence rgionale africaine sur le dialogue entre les civilisations, les cultures et les peuples, organise par lUNESCO Abuja en juin 2006, mentionne que le dialogue commence chez soi et est indispensable au dveloppement pacifi que et prospre de tous les pays dAfrique. Il est le contrepoint de la longue et douloureuse histoire de division force de lAfrique hrite du colonialisme, de lesclavage et du racisme.

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    La Confrence de Cotonou entend rassembler les dirigeants religieux, les chefs traditionnels, les universitaires, qui partagent les mmes valeurs bases sur une aspiration thique et humaniste pour la paix.

    La Confrence mettra un accent particulier sur la contribution du dialogue interreligieux, ldifi cation dune voie devant mener une coexistence pacifi que, respectueuse du principe et de lesprit de la diversit. Elle sattachera examiner et valuer la manire dont les religions peuvent contribuer de faon constructive, travers le dialogue dans les domaines de comptence de lUNESCO lducation, la culture, les sciences, la communication et linformation plus de stabilit et de progrs dans les six rgions dAfrique (Afrique de lEst, Afrique du Nord, Afrique de lOuest, Afrique australe, Afrique centrale et la Diaspora). Ces discussions sinspire-ront des expriences, des meilleures actions et des leons apprises dans les diffren-tes rgions dAfrique.

    La Confrence sintressera aux questions et aux thmes clefs suivant, travers 6 tables-rondes :

    Table ronde I : Le rle des religions et de leurs dirigeants dans la mise en place dune culture de la paix en Afrique

    Table ronde II : Le rle du dialogue entre les diffrents courants philosophi-ques et spirituels dans un systme ducatif fond sur la transmission des valeurs communes de paix, de tolrance et des droits humains

    Table ronde III : Le dialogue des religions comme antidote aux tensions eth-niques, culturelles et sociales

    Table ronde IV : La communication et les mdias : comment sensibiliser lopi-nion publique limpact positif de la coexistence religieuse, de la comprhension mutuelle, de lharmonie et de la promotion du dialogue interreligieux parmi les populations africaines

    Table ronde V : Les relations entre les religions et les dcideurs politiques, conomiques et sociaux : de la diplomatie prventive la promotion de lesprit de non-violence et rsolution pacifi que des confl its.

    Table ronde VI : Dans quelle mesure peut-on considrer les syncrtismes reli-gieux de la Diaspora africaine comme une forme de dialogue interreligieux ?

    La confrence de Cotonou a adopt une Dclaration de Cotonou qui entrine les recommandations faites par lAssemble.

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    Le dialogue entre les religions endognes, le christianisme et lislam au service de la culture de la paix en Afrique

    DCLARATION DE COTONOU

    Le dialogue entre les religions endognes, le christianisme et lislam au service de la culture de la paix en Afrique

    Le Colloque international sur le dialogue entre les religions endognes, le christia-nisme et lislam au service de la culture de la paix en Afrique , sest tenu Cotonou (Rpublique du Bnin) les 20 et 21 aot 2007 linitiative du Directeur gnral de lUNESCO avec lappui de lAssociation mondiale pour lAppel lIslam et du Gouvernement bninois.

    Les participants cette rencontre ont adopt la dclaration suivante dite Dclaration de Cotonou.

    Nous, participants au Colloque international sur le dialogue entre les reli-gions endognes, le christianisme et lislam au service de la culture de la paix en Afrique, runis Cotonou les 20 et 21 aot 2007 ;

    Sensibles aux messages de la Reprsentante du chef de ltat bninois, Mme Ouinsavi Christine, ministre de lenseignement primaire, de lalphabtisation et des langues nationales, prsidente de la Commission nationale bninoise pour lUNESCO, du Reprsentant du Directeur gnral de lUNESCO, M. Nourini Tidjani-Serpos, du Reprsentant du Secrtaire gnral de lAssociation mondiale pour lAppel lIslam, docteur Amara Beet El Afi a, du Cardinal Bernardin Gantin, doyen mrite du Sacr Collge (Vatican), dEl Hadj Girigissou Gado, secrtaire gnral de lUnion Islamique du Bnin, de lArchevque de Cotonou, Monseigneur Marcel Honorat Agboton, de Dagbo-Hounon, chef suprme du Vodun, du Vizir Akande Olofi ndji, Prsident dAfrica Cultures International Institute ;

    Conforts par la participation active de chercheurs, dexperts, de thologiens, de reprsentants dorganisations de la socit civile, dminents leaders spirituels et temporels, de professionnels des mdias, dartistes et dcrivains provenant de lAfrique et du monde ;

    Convaincus que le concept de dialogue implique un investissement intellectuel et motionnel considrable mettant en jeu la confrontation pacifi que de deux ou plusieurs rationalits en vue douvrir une voie nouvelle qui favorise la reconnais-sance de lAutre comme interlocuteur ayant les mmes droits que soi ;

    Conscients du fait que le dialogue interreligieux est un instrument effi cace de lutte contre lignorance, de promotion du respect de la tolrance et de prser-vation des valeurs qui favorisent la diversit culturelle et lminente dignit de chaque tre humain ;

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    Dsireux de promouvoir un systme ducatif ouvert aux synergies, aux nou-veaux dfi s de notre temps et rejetant les replis identitaires gnrateurs de tensions intra-religieuses et interreligieuses ;

    Soucieux de rassembler les dcideurs politiques, les responsables religieux, les ONG, les femmes et les jeunes autour de stratgies interreligieuses novatrices qui favorisent le dialogue aux niveaux local, national et international ;

    Ayant lesprit :

    La Dclaration de principes sur la tolrance adopte par la Confrence gn-rale de lUNESCO (novembre 1995) ;

    La Dclaration universelle de lUNESCO sur la diversit culturelle adopte par la Confrence gnrale (novembre 2001) ;

    La Dclaration de Libreville sur le dialogue interculturel et la culture de la paix en Afrique centrale et dans la rgion des Grands Lacs (novembre 2003) ;

    La Dclaration dAbuja sur le dialogue des civilisations, des religions et des cultures en Afrique de lOuest (dcembre 2003) ;

    La Convention sur la protection et la promotion de la diversit des expres-sions culturelles adopte par la Confrence gnrale de lUNESCO (octobre 2005) ;

    Les recommandations et rsolutions de la Confrence internationale de Rabat intitule Encourager le dialogue entre les cultures et les civilisations par des initiatives concrtes et durables (juin 2005) ;

    La Dclaration dAbuja sur le dialogue entre les civilisations, les cultures et les peuples : le rle central de lducation et de la science (juin 2006) ;

    Dclarons solennellement :

    (1) que le continent africain ne peut connatre un dveloppement durable dans le cadre de sa lutte pour llimination de la pauvret que si la paix rgne dans le cadre dune culture de convivialit et du partage fonde sur les prin-cipes de libert, de justice, de dmocratie, de tolrance, de solidarit ; une culture qui respecte les droits de la personne humaine, rejette la violence, sattache prvenir les confl its leurs sources et rsoudre les problmes par la voie du dialogue, de la diplomatie prventive et de la ngociation ;

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    Le dialogue entre les religions endognes, le christianisme et lislam au service de la culture de la paix en Afrique

    (2) quun tel espace rgional ouvert sur le pluralisme est propice la reconnais-sance du rle croissant que les religions jouent dans le renforcement des valeurs thiques et de la cohsion sociale ;

    (3) que dans le dialogue interreligieux en Afrique, les leaders des diffrentes dnominations religieuses et traditions spirituelles ont une grande respon-sabilit dans le processus de lutte contre lintolrance qui exige deux din-tgrer dans la formation des futurs prtres, pasteurs, imams, prdicateurs, thologiens et responsables des religions endognes ainsi que de leurs fi dles une connaissance des autres religions ;

    (4) quil convient dencourager dans chaque pays africain la cration dun Conseil national provenant de linitiative mme des diffrentes confessions religieu-ses afi n que soit promu un cadre dchanges, dinformation, de rencontres et de formulation des principes devant guider le dialogue interreligieux ; cet gard, saluons la cration depuis le 25 mai 2007 du cadre de concerta-tion des confessions religieuses du Bnin ;

    (5) que lducation doit jouer un rle central dans la promotion du dialogue interreligieux ; dans cette perspective, les programmes scolaires et universi-taires doivent intgrer lenseignement de la diversit culturelle, du dialogue interreligieux, des principes de la tolrance et de la reconnaissance des diffrences comme une richesse ;

    (6) quune politique dducation de qualit pour tous soit vigoureusement poursuivie en Afrique afi n que les Objectifs du Millnaire pour le dve-loppement (OMD) dans ce domaine soient atteints et permettent aux Africains de faire reculer les frontires de lignorance par une meilleure matrise de la science, de la technologie et de la recherche scientifi que dans les domaines des sciences humaines et sociales ;

    (7) que les diffrents modes et structures communautaires de transmission du savoir prsents sur le sol africain, soient pris en compte dans les politiques et stratgies de dveloppement de lducation, dans le sens de lquit et de la mise en synergie des systmes ducatifs ainsi que dans le but de ren-forcer le rle de lducation dans la vulgarisation de la culture de la paix par lutilisation des langues nationales ;

    (8) que lUNESCO encourage les tats africains ratifi er et mettre en uvre les instruments internationaux relatifs la circulation et la diffusion des biens culturels en particulier le livre, contribuant ainsi lever les multi-ples obstacles entravant la promotion du livre et de la lecture, instruments majeurs pour le dialogue interreligieux ;

  • 13

    (9) que lUNESCO aide tablir dans les tats africains, des Chaires UNESCO charges des tudes interreligieuses et relies en rseaux de centres dexcellence ;

    (10) que toutes les prcautions dontologiques soient prises par les profession-nels de la presse eux-mmes pour que les organes de presse ne deviennent pas des mdias de la haine et de lintolrance, et soient de vritables vec-teurs et instruments de promotion de la tolrance, de la justice sociale, de la rconciliation et de la culture de la paix ;

    (11) que la dcision des Nations Unies de clbrer le 21 mai comme la Journe mondiale de la diversit culturelle pour le dialogue et le dveloppement soit applique dans tous les tats africains, pour ractiver la conscientisation des parties prenantes dans le dialogue interreligieux ;

    (12) que, conformment la Constitution de lUnion Africaine qui reconnat la diaspora comme la 6e rgion de lAfrique, les proccupations lies au dia-logue interculturel et interreligieux de la diaspora africaine issue de la traite ngrire et/ou de lmigration contemporaine soient prises en compte.

    Adopte lunanimit le 21 aot 2007 Cotonou

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    Le dialogue entre les religions endognes, le christianisme et lislam au service de la culture de la paix en Afrique

    RSUM EXCUTIF DU COLLOQUE

    Le dialogue entre les religions endognes, le christianisme et lislam au service de la culture de la paix en Afrique

    Cotonou, Bnin20-21 aot 2007

    A linitiative du Directeur gnral de lUNESCO, un colloque international sur le dialogue entre les religions endognes, le christianisme et lislam au service de la culture de la paix en Afrique , sest tenu Cotonou, Rpublique du Bnin, les 20 et 21 aot 2007, avec lappui de lAssociation mondiale pour lAppel lIslam (SMAI) et du Gouvernement bninois.

    Les crmonies solennelles douverture et de clture du Colloque ont t prsides par la Reprsentante du Chef de lEtat, Mme Ouinsavi Christine, Ministre de lEnseignement Primaire, de lAlphabtisation et des Langues nationales du Bnin, Prsidente de la Commission nationale pour lUNESCO, en prsence du Reprsentant du Directeur gnral de lUNESCO, M. Nourini Tidjani-Serpos, du Reprsentant du Secrtaire gnral de lAssociation mondiale pour lAppel lIslam, Dr Amara Beet El Afi a, dEl Hadj Girigissou Gado, Secrtaire gnral de lUnion islamique du Bnin, de lArchevque de Cotonou, Monseigneur Marcel Honorat Agboton, du Chef suprme du Vodun, Dagbo Hounon, du Prsident dAfrica-Cultures International Institute, Vizir Akonde Ulofi ndji, ainsi que de nombreux chercheurs, experts, thologiens, du-cateurs, leaders spirituels et temporels, professionnels des mdias, artistes, crivains et de reprsentants dorganisations de la socit civile, provenant dAfrique et du monde. Le Cardinal Bernardin Gantin, Doyen Emrite du Sacr Collge (Vatican), a fait parvenir au colloque un message audiovisuel et un tmoignage de soutien lu par lAbb Quenum, Recteur de lUniversit Catholique de lAfrique Occidentale (UCAO).

    Dans son allocution douverture, la Ministre de lEnseignement Primaire, de lAlphabtisation et des Langues nationales a dit que : le dialogue est la rencon-tre de deux rationalits qui pourraient sopposer, mais qui gagneraient au contraire, se fconder lune, lautre, pour un enrichissement mutuel . Malheureusement, partout dans le monde, les canons tonnent sur fond de confl its religieux ; partout, montent des clameurs de dsolation et dincomprhension dune violence aveugle , a-t-elle poursuivi avant de prciser que la destruction des statues de Bouddha, Patrimoine mondial irremplaable, constitue une expression douloureuse de cette incomprhension entre les religions . Quel Dieu a ordonn aux hommes de tuer leurs semblables ? , sest interroge Mme Ouinsavi, aprs avoir dmontr, se fondant sur plusieurs citations du Coran, des Evangiles et des Enseignements du Bouddhisme, que toutes les religions sont des religions de paix.

  • 15

    Mme la Ministre a remerci le Directeur gnral de lUNESCO pour linitiative de ce Colloque et a invit les participants faire en sorte que leurs travaux soient guids par les enseignements du Mahatma Gandhi selon qui les religions repr-sentent des routes diffrentes qui convergent au mme point. Peu importe si nos chemins ne sont pas les mmes, pourvu que nous atteignions le mme but .

    Auparavant, le Reprsentant du Directeur Gnral, avait fait part aux parti-cipants de lintrt personnel que M. Matsuura accorde cette rencontre et de ses regrets de ne pouvoir tre des leurs. Aprs avoir remerci la Socit mondiale pour lAppel lIslam (SMAI) pour lappui quelle a apport cette rencontre, le Sous-directeur gnral de lUNESCO pour lAfrique a exprim toute la gratitude de son Organisation au Prsident de la Rpublique, Son Excellence Dr. Boni Yayi et len-semble de son gouvernement, pour avoir bien voulu accueillir ce colloque auquel ils ont offert les meilleures conditions de russite.

    M. Nourini Tidjani-Serpos rappel que celui-ci procde dune recommanda-tion du Comit de lUNESCO pour le NEPAD et a prcis quil avait pour objectif de contribuer au dialogue des cultures et des civilisations dune faon gnrale, et plus spcifi quement de faire en sorte que lAfrique trouve, en tant que partie prenante, toute sa place dans cette problmatique dune brlante actualit.

    Lapport de lAfrique au dialogue interculturel, dont le dialogue interreligieux constitue une composante essentielle, a-t-il dit, cest son extraordinaire capacit de tolrance, dadaptation lautre tout en restant elle-mme, dont elle a fait la preuve travers lhistoire . A cet gard, a poursuivi le Sous-Directeur gnral, la route de lEsclave est bien une illustration du fait que le dialogue interculturel peut mme avoir lieu dans des circonstances aussi tragiques que celles de la Traite ngrire et de lesclavage, au point dinfl uencer les arts, les savoir-faire, les attitudes et les croyan-ces dans les socits esclavagistes et de faire en sorte que certains apports soient devenus aujourdhui des symboles constitutifs didentits socitales .

    M. Noureini Tidjani-Serpos a rappel ensuite que lUNESCO avait dores et dj beaucoup fait, au plan normatif comme programmatique, en faveur du dialogue interculturel et interreligieux, avant dassurer les participants que la Dclaration de Cotonou quils auront adopter, constituera pour lUNESCO un cadre dorienta-tion et daction pour la mise en uvre de ses programmes destins, dans ce domaine, lAfrique.

    Succdant au Sous-Directeur gnral de lUNESCO, Dr. Amara Beet El Afi a et El Hadj Girigissou Gado ont, au nom de leurs organisations respectives, salu lini-tiative de ce colloque, pleinement en phase avec les activits que mnent la SMAI et lUnion islamique du Bnin pour promouvoir le dialogue interreligieux.

    En sappuyant sur des versets du Saint Coran , ils se sont attachs dmon-trer en quoi lIslam est une religion de paix et de concorde , et ont appel viter tout amalgame entre Islam et fondamentalisme.

    El Hadj Girigissou, sest particulirement appesanti sur le cas de son pays, comme exemple encourageant le dialogue interreligieux, avec la cration en mai 2007, du cadre de concertation des confessions religieuses du Bnin .

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    Le dialogue entre les religions endognes, le christianisme et lislam au service de la culture de la paix en Afrique

    A leur suite, Dagbo Hounon, Chef suprme du Vodun et le Vizir Akande Olofi ndji, ont exhort leur tour un dialogue interreligieux authentique en faveur du renforcement de la paix, travers le respect et la comprhension mutuelle. Le Vodun, ont-ils prcis, est un culte tolrant qui ne met personne en cause pour sa religion ; qui ne mne aucun proslytisme, ni campagne de dnigrement contre dautres cultes .

    Cest parce que le Directeur gnral de lUNESCO, M. Matsuura est un Ambassadeur infatigable du dialogue inter-identitaire, qui donne toute sa place aux apports de la diaspora africaine, quil a t lev au rang de Dah Agbofa par le roi Vidognin Bhanzin a prcis le Chef suprme du Vodun avant de proclamer : nous sommes les hritiers de ceux qui sont morts, les associs de ceux qui vivent et la providence pour ceux qui natront. Notre devoir est de tout faire pour ne pas briser cette chane de solidarit.

    En guise de conclusion, Dagbo-Hounon a appel tous les vodunsi (adeptes du culte Vodun) aller lcole, car le monde est en perptuel changement et les religions doivent participer ce changement .

    LArchevque de Cotonou, Monseigneur Marcel Honorat Agboton et le Cardinal Bernardin Gantin, travers son message et son tmoignage au Colloque, se sont galement rjouis de cette rencontre pour la tenue de laquelle ils flicitent le Directeur gnral de lUNESCO.

    En effet, ont-ils poursuivi, dans leur souci de se propager, les religions peuvent tre tentes dimposer, pour simposer, au lieu de se proposer aux bonnes volonts libres. Elles se trouvent ainsi exposes aux dangers de la violence et de lexclusivisme. On ne peut donc les sous-estimer, ni les ignorer dans le champ de la prvention des confl its . Les religions ont chacune leurs spcifi cits. Elles ont aussi en commun des valeurs profondes dhumanisme que nous devons dgager comme autant de points de convergence mettre au service de la culture de la paix .

    La mission essentielle de toute religion est de rendre les hommes plus frater-nels en les reliant Dieu. Les guerres de religion sont donc en dfi nitive, une injure Dieu , ont-ils convenu, tout en reconnaissant que la ralit nen est pas plus facile. En effet, la tendance de tout porteur de convictions fortes, et partant de tout croyant, cest de ne vouloir couter que soi-mme, alors que le dialogue soffre comme un don de Dieu qui initie le rapprochement des intelligences et des curs . En cela, lAfrique donne quotidiennement, travers la cohabitation et le brassage intercon-fessionnels dans ses foyers et ses villages, des exemples dont le monde doit tenter de cerner les ressorts afi n de llargir pour le profi t de tous ont-ils conclu.

    ARGUMENTAIRE DU COLLOQUE

    Le colloque de Cotonou rpond une recommandation de la 3e session du Comit UNESCO pour le NEPAD, tenue Tripoli en mai 2005, qui invitait le Directeur gnral organiser une Confrence sur linstauration dun dialogue entre les

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    religions africaines endognes, lislam et le christianisme, afi n de proposer des dmar-ches propres instaurer lharmonie, la paix et la tolrance sur le continent.

    Cest que les relations entre les trois principaux courants religieux en Afrique deviennent de plus en plus une source de tensions. Les musulmans et les chrtiens tendent percevoir les religions africaines endognes comme de lobscurantisme rele-vant de la superstition ou de la magie ; tandis que les adeptes de celles-ci peroivent leur tour ceux-l comme des partisans de religions trangres et colonialistes .

    En outre, ces trois religions font de plus en plus lobjet dinstrumentalisation politique et/ou mercantile conduisant les populations les moins bien avises, des comportements violents voire terroristes. Ds lors, le dialogue interreligieux devient indispensable la paix en Afrique. Il se pose donc la question de son organisation et de ses modalits eu gard la spcifi cit des contextes. Lon pourrait par exemple, sinterroger sur le fait de savoir quel point le syncrtisme pratiqu dans la diaspora africaine participe du dialogue interreligieux.

    Pour sa part, lapport de lUNESCO a consist faire adopter des textes nor-matifs permettant dune part, de reconnatre la proximit des valeurs spirituelles et, dautre part, dengager les uns et les autres dans un dialogue interreligieux fcond. Cest dans ce cadre quelle a organis plusieurs confrences internationales et rgio-nales, dont certaines en Afrique, qui ont donn lieu notamment la Dclaration de Libreville (novembre 2003) et aux deux Dclarations dAbuja (dcembre 2003 et janvier 2006).

    Le colloque de Cotonou, qui sinscrit dans ce processus, mettra spcifi quement laccent sur les meilleures manires dont les domaines de comptence de lUNESCO pourraient conduire, dans le cadre de ce dialogue, plus de stabilit et de progrs sur le continent.

    Les travaux du colloque ont t organiss en tenant compte de cet argumentaire.

    ORGANISATION ET DROULEMENT

    Les travaux ont eu lieu autour de six tables rondes :

    La table ronde I a t consacre au: Rle des religions et de leurs dirigeants dans la mise en place dune culture de la paix en Afrique.

    Ce thme visait approfondir la rfl exion sur les principes thoriques et les axes pratiques daction de nature dterminer le cadre, le contexte et les prrogati-ves des Chefs religieux pour lexercice dun leadership spirituel au service de la paix.

    La table ronde II sest penche sur : Le rle du dialogue interreligieux entre les diffrents courants philosophiques et spirituels dans un systme ducatif

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    Le dialogue entre les religions endognes, le christianisme et lislam au service de la culture de la paix en Afrique

    fond sur la transmission des valeurs communes de paix, de tolrance et des droits humains.

    Partant du principe que toutes les religions ont en partage une essence commune qui est de mener les hommes, en les reliant Dieu, la paix et la fraternit, ce thme visait examiner dans quelles mesures le dialogue interreligieux pour-rait aider la transmission de ces valeurs communes essentielles, par le biais de lducation.

    La table ronde III a trait du : le Dialogue des religions comme antidote aux tensions ethniques, culturelles et sociales.

    Le dialogue interreligieux est un moyen de dcrispation des rapports sociaux ; et ce, au-del mme des rapports strictement confessionnels. Il concourt ds lors linstauration de la confi ance et la prvention des confl its, et le cas chant, facilite leur dsamorage et leur gestion.

    La table ronde IV a examin le rle de : La communication et les mdias : comment sensibiliser lopinion publique limpact positif de la coexistence religieuse, de la comprhension mutuelle, de lharmonie et de la promotion du dialogue interreligieux parmi les populations africaines.

    La coexistence religieuse est aussi indispensable la paix que la coexistence poli-tique, ethnique et culturelle. Elle ne saurait tre de manire suffi sante, luvre des seuls ducateurs et chefs spirituels. Elle requiert un travail dinformation et de sensibilisation qui passe notamment par lutilisation des langues nationales, de lalphabtisation et de tout organe dinformation et dopinion dont le livre, la radio, la tlvision et les nouveaux mdias.

    La table ronde V sest penche sur : Les relations et les dcideurs politi-ques, conomiques et sociaux : de la diplomatie prventive la promotion de lesprit de non-violence et de rsolution pacifi que des confl its.

    Elle a examin les confl its dintrts qui peuvent exister entre la sphre de la religion et les sphres politique, conomique et sociale. Un tel tat de fait est de nature entrainer les situations dinstrumentalisation de la premire par les secondes et, dinfl uence, voire de contrle de celles-ci par celle-l. Lune ou lautre de ces situations pouvant tre prjudiciable la coexistence religieuse du fait quelle en dsquilibre les bases, il convient de les prvenir ou den amoindrir la porte travers la promotion de la lacit et la mise en place de mcanismes conservatoires appropris.

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    La table ronde VI sest demande, quant elle, dans quelle mesure : Peut-on considrer les syncrtismes religieux de la Diaspora africaine comme une forme de dialogue interreligieux ?

    Les transformations gnres par la prsence de diasporas africaines, par-ticulirement celles issues de la Traite transatlantique, conduisent une rfl exion sur le futur du dialogue interculturel, ses formes globales et spcifi ques et leurs consquences.

    A cet gard, cette table ronde a cherch savoir si le dialogue interreligieux sarrtait lcoute de lautre, au respect et la tolrance de ses convictions et pratiques religieuses, dans le seul but de prserver la paix ; et dans ce cas, de quoi procderait alors limprgnation des pratiques religieuses des diasporas africaines par leurs croyances et rites dorigine ?

    Les principales conclusions de ces tables rondes ont fait lobjet de rapports spcifi ques. La Dclaration de Cotonou en constitue la synthse

    DECLARATION DE COTONOU

    Aprs avoir situ leur dmarche dans le cadre des dispositifs normatifs internationaux et rgionaux et raffi rm leur conviction que le dveloppement de leur continent et le bien-tre de ses populations ne peuvent tre raliss que dans le cadre dune culture de paix soucieuse des principes de libert, de dmocratie, de tolrance et de solidarit, pour lavnement de laquelle le dialogue interreligieux constitue un enjeu fondamental, les participants ont adopt une dclaration en douze (12) points, dite Dclaration de Cotonou, qui fait de lducation, de la formation, de la culture, des sciences exactes, humaines et sociales et de la communication des vecteurs essentiels de ce dfi collectif.

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    Le dialogue entre les religions endognes, le christianisme et lislam au service de la culture de la paix en Afrique

    SANCE DOUVERTURE

    Allocution de M. Nourini Tidjani-Serpos Sous-Directeur gnral de lUNESCO pour lAfrique

    La tolrance ne signifi e ni tolrer linjustice, ni renoncer ses propres convictions. La pratique de la tolrance signifi e que chacun a le libre choix de ses convictions et accepte que lautre jouisse du mme droit

    Madame la Ministre de lEnseignement Primaire, de lAlphabtisation et des Langues Nationales, Prsidente de la Commission Nationale bninoise pour lUNESCO,

    Mesdames et Messieurs les Prsidents des Institutions de la Rpublique,Monsieur le Mdiateur de la Rpublique, Messieurs les Anciens Prsidents de la Rpublique,Mesdames et Messieurs les membres du Gouvernement,Mesdames et Messieurs les membres du Corps diplomatique

    et consulaire ainsi que les Reprsentants des Organisations Internationales,Mesdames et Messieurs les membres du Cabinet du Prsident de la Rpublique,Mesdames et Messieurs les participants au colloque, Messieurs les Dignitaires religieux, les Ttes couronnes et Leaders dopinion,Madame le Prfet des dpartements du Littoral et de lAtlantique,Messieurs les Maires,Honorables Invits,Mesdames et Messieurs,

    Ce rappel en substance de larticle premier de la Dclaration de principes sur la tolrance adopte dans le cadre de lanne des Nations Unies pour la tolrance, nous projette au cur mme de notre rencontre daujourdhui et difi e, si besoin en tait, sur les motivations de lUNESCO lorganiser.

    La tolrance est en effet le respect, et mme lapprciation, de la richesse et de la diversit des cultures de notre monde, de nos modes dexpression et de nos manires dexprimer notre qualit dtre humain.

    Aussi, notre Organisation est-elle convaincue que la promotion de la diversit culturelle, et du dialogue interculturel, dont celui des religions et des croyances, constitue lun des enjeux contemporains les plus pressants.

    Dans ces conditions, vous comprendrez tout lintrt que le Directeur gnral de lUNESCO, Monsieur Kochiro MATSUURA, accorde notre rencontre et son sincre regret de ne pouvoir tre des ntres.

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    Aussi, ma-t-il instamment charg de vous remercier tous, davoir bien voulu rpondre notre invitation et de vous assurer quil prtera une attention personnelle aux rsultats de vos dlibrations.

    Madame la Ministre,Je voudrais macquitter dun agrable devoir dont Monsieur Matsuura ma charg par ailleurs, celui de faire part son Excellence Dr Yayi Boni, Prsident de la Rpublique, son gouvernement et lensemble du peuple bninois, de ses remerciements pour avoir bien voulu accueillir, avec tant de gnrosit et dhospitalit, cette rencontre laquelle ils ont offert les meilleures conditions de russite.

    Au demeurant, vous laurez compris, le choix du Bnin, terre dcumnisme sculaire, o cohabitent et co-agissent dans et pour la paix des curs et des esprits, religions endognes, christianisme et islam, ne doit rien au hasard. Il se veut haute-ment symbolique de la raison dtre mme de cette rencontre.

    Vous me permettrez galement de saisir loccasion qui mest offerte pour remercier la Socit Mondiale de lAppel Islamique (SMAI) sans le soutien de laquelle ce colloque naurait pu avoir lieu.

    Vous vous souviendrez, en effet, que celui-ci fait suite une recommandation du Comit de lUNESCO pour le NEPAD que la SMAI avait gnreusement accueilli Tripoli. Que Le Docteur Mohamed Ahmed Shrif, Secrtaire Gnral de la SMAI et Prsident du Comit de lUNESCO pour le NEPAD trouve ici mes remerciements ritrs.

    Je voudrais enfi n remercier Son Eminence le Cardinal Bernardin Gantin qui, depuis le dbut du processus menant cette runion, nous entoure de son appui et de ses conseils aviss. Nous le prions daccepter lexpression de notre gratitude pour sa constante sollicitude.

    Mesdames, Messieurs,Le thme de ce colloque le dialogue des religions endognes, du christianisme et de lislam au service de la culture de la paix en Afrique , est bien une rponse une interpellation brlante de lactualit, lheure o lon assiste une exacerbation de lintolrance et de la xnophobie et o il est question de confl it, voire de choc des civilisations. Cependant, il se veut dans le mme temps, pour nous Africains, une rponse une autre problmatique : celle dune exclusion supplmentaire de lAfri-que aprs bien dautres, en tant que partie prenante et protagoniste part entire de la marche du monde et de ldifi cation de la civilisation pan-humaine. En dehors des religions endognes le dialogue interreligieux serait incomplet et inachev.

    Mesdames, Messieurs, LAfrique nest donc pas en dehors de lHistoire, elle a fait lHistoire.

    Il est vrai que les Africains ont toujours t plus enclins user de la religion, que celle-ci soit endogne ou acquise, comme moyen de rsistance et de libration plutt que dexpansion et dasservissement. Il en a t ainsi lorsque dans de nombreux

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    Le dialogue entre les religions endognes, le christianisme et lislam au service de la culture de la paix en Afrique

    pays, aprs la dfaite et la dislocation des royaumes et chefferies traditionnelles par la conqute coloniale, les populations ont trouv auprs des chefs religieux et dans le cadre confrrique, de nouvelles formes dorganisation et de rsistance. Il en a t galement ainsi lorsque les esclaves, dports outre-Atlantique, ont trouv dans leurs croyances et leurs religions traditionnelles des armes ultimes de survie.

    Cest justement, Mesdames, Messieurs, cette extraordinaire capacit de tol-rance, dadaptation lautre tout en restant profondment soi-mme, que lAfrique peut apporter au dialogue, avec elle-mme - en ces temps troubles et de pertes des repres - et au dialogue des civilisations, des cultures et des religions. Aujourdhui encore, lAfrique donne au monde la preuve de son indicible esprit de tolrance et douverture. En effet, tandis que les prtres, adeptes et disciples des religions endognes continuent doffi cier, de vivre et pratiquer leurs croyances, on trouve de nombreux Africains parmi le haut clerg catholique, protestant et vanglique o ils sont investis de lautorit que leur confrent la solidit de leur foi, leur probit et leur sacerdoce au service de Dieu. De mme, nos chefs religieux et lettrs musulmans jouissent, partout dans le monde, pour les mmes raisons, du respect et de la consi-dration des plus grands ulmas de lUMMA islamique.

    Le programme de dialogue interreligieux de lUNESCO, composante essen-tielle du dialogue interculturel, a pour objectif majeur de promouvoir le dialogue entre les diffrentes religions, traditions spirituelles et humanistes dans un monde o les confl its, associs aux appartenances religieuses, prennent une place de plus en plus importante. Il met laccent sur les interactions et les infl uences rciproques entre les religions, les traditions spirituelles et humanistes dune part, et sur la nces-sit de promouvoir la connaissance rciproque entre celles-ci pour lutter contre les ignorances ou les prjugs, et parvenir ainsi un respect mutuel dautre part. Le dialogue nous concerne tous : des dcideurs et responsables aux membres indi-viduels de chaque communaut. A ct des grandes confrences internationales de sensibilisation, lUNESCO cherche promouvoir des activits de terrain, surtout des aires go-stratgiques sensibles, afi n de toucher des populations cibles, telles que les femmes, les jeunes, les minorits et les personnes marginalises.

    De mme, sur la base des Dclarations adoptes lors des runions interreli-gieuses organises par lUNESCO, il a t dcid de crer un rseau des Chaires UNESCO de dialogue interreligieux pour la comprhension interculturelle dans des centres universitaires ayant une exprience reconnue dans ce domaine, regroupant des professeurs et des chercheurs spcialistes dhistoire des religions et engags dans le dialogue interreligieux. Les rseaux ainsi tablis, permettront de mobiliser des tu-diants, des chercheurs et des professeurs, de faon bnfi cier dun enseignement la fois lac, multi religieux et interculturel.

    Cependant, Mesdames, Messieurs, pour autant, il nous faut rester vigilant.En effet, plusieurs vnements contemporains, sans doute favoriss par la glo-

    balisation des changes et des ides ; mais aussi faut-il le dire, par lexploitation politi-cienne et/ou mercantile de lignorance de certaines populations, font observer sur le sol africain, des manifestations inquitantes dintgrisme et dintolrance religieuse. Il

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    nous faut donc, et cest tout lobjet de notre rencontre, conforter notre disposition naturelle la tolrance religieuse par un travail collectif de consolidation structu-relle. Il sagira dune uvre inter et pluridisciplinaire faite dducation, de recherches, de formation et de communication, qui interpellera certes les responsables religieux, mais aussi politiques, dassociations, de mdias, les enseignants, les juristes, les his-toriens, les sociologues, les crivains, les philosophes ainsi que les prescripteurs et leaders dopinion ; en somme, autant de sphres dactivits invites la prsente rencontre.

    Mesdames, Messieurs,LUNESCO continuera de prendre toute sa part dans ce travail au long cours mais indispensable notre survie collective. Notre Organisation a dj beaucoup fait pour promouvoir le dialogue et la tolrance.

    Cest ainsi quelle a t, depuis sa cration, lorigine, ou partie prenante plusieurs textes normatifs internationaux parmi lesquels :

    La Dclaration Universelle sur la diversit culturelle ; Le Cadre dorientation et daction concernant les perspectives dactions rela-

    tives au dialogue entre les civilisations et les cultures ; La Convention pour la protection de la diversit des expressions

    culturelles ; La Dclaration de New Delhi sur le dialogue entre les civilisations ; LEngagement de Rabat pour encourager le dialogue entre les cultures et les

    civilisations ; La Dclaration dAbuja sur le rle central de lEducation et de la Science dans

    le dialogue entre les civilisations, les cultures et les peuples.

    Plusieurs projets et programmes interculturels majeurs ont t conus dans le cadre de la mise en uvre de ces textes normatifs en vue damener la communaut internationale substituer une culture de la paix la culture de la guerre. Parmi les programmes les plus connus fi gurent : les Routes de la Soie , le Plan Arabia , les Dialogues du XXIe sicle et la Route de lEsclave .

    La Route de lEsclave est une illustration de ce que le dialogue interculturel peut mme avoir lieu dans des circonstances aussi tragiques que celles de la traite ngrire et de lesclavage. Il concerne les voies et moyens utiliss par les Africains mis en esclavage pour infl uencer les arts, les savoir-faire, les croyances et les attitudes dans des socits esclavagistes, au point que certains de leurs apports sont aujourdhui devenus des symboles constitutifs des identits socitales.

    Ainsi, en analysant les transformations globales gnres par cette rencontre frontale entre peuples et continents, la Route de lEsclave noffre pas seulement un historique et une gographie du dialogue interculturel travers les sicles ; elle contribue galement la rfl exion sur le futur du dialogue interculturel dans les socits modernes, qui sont de plus en plus multi ethnique et multiculturel, du fait

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    Le dialogue entre les religions endognes, le christianisme et lislam au service de la culture de la paix en Afrique

    notamment de lhritage de lesclavage et des colonisations. Dans ces socits, le dia-logue interculturel prend de nouvelles dimensions, celles souleves par la construc-tion des nouvelles citoyennets respectueuses de la diversit culturelle et de la multiplicit des modles didentifi cation.

    Les activits menes dans le cadre de ce projet, qui comprend des program-mes de recherche scientifi que, denseignement sur la tragdie, dinventaire de sites et lieux de mmoire, de collecte des donnes de la tradition orale, de cration de muses de lesclavage et de mise en rseau de sites et de centres de recherche scientifi que et pdagogique, visent mettre en lumire les multiples interactions culturelles - dans les domaines de la musique, de la danse, des arts, de la gastronomie, de la pharmacope et des traditions spirituelles -gnres par cette tragdie en vue damliorer la connaissance mutuelle et approfondir le dialogue interculturel.

    Mesdames, Messieurs,En dpit de tout ce qui a t dj entrepris, il reste beaucoup faire car il sagit de changer les mentalits et ddifi er les consciences. A cet gard, vous le savez, le rle des pouvoirs publics est fondamental. Il nous faut asseoir dans chacun de nos pays une vritable lacit ; non pas une lacit fonde sur une neutralit indiffrente, mais sur une neutralit agissante qui reconnat chaque religion une gale dignit, en mme temps quelle cre et garantit les meilleures conditions de sa pratique dans le respect des autres religions et des institutions rpublicaines.

    Pour sa part, lUNESCO accordera, dans le cadre de la mise en uvre de sa stratgie Moyen terme (2008-2013), notamment travers la plate-forme intersec-torielle consacre aux priorits de lAfrique, une attention particulire au dialogue interreligieux en Afrique.

    Aussi, les recommandations que vous formulerez dans la Dclaration de Cotonou , seront-elles pour nous dun prcieux apport ; de mme que vos commu-nications qui seront rapidement publies afi n de donner une large diffusion aux ides qui auront t exprimes ici.

    Je vous remercie de votre aimable attention.

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    Allocution dEl Hadj Girigissou GadoSecrtaire gnral de lUnion Islamique du Bnin

    Madame la Ministre de lEnseignement Primaire, de lAlphabtisation et des Langues Nationales, Prsidente de la Commission Nationale Bninoise pour lUNESCO,

    Monsieur le Reprsentant du Directeur Gnral de lUNESCO,Monsieur le Mdiateur la Prsidence de la Rpublique,Son Excellence Monseigneur Marcel Honorat Agboton, Archevque de Cotonou, Monsieur le Reprsentant du Secrtaire Gnral de lAssociation Mondiale Pour

    lAppel lIslam,Monsieur le Directeur de Cabinet, Reprsentant le Ministre de lIntrieur et de la

    Scurit PubliqueHonorables Invits,Mesdames et Messieurs,

    Au nom de lUnion Islamique du Bnin je vous souhaite la chaleureuse bienvenue et vous dit en consquence Salam Aleikoun warahamatoulaye wabaraka touhou que la paix et la bndiction de Allah soient avec vous Mesdames et Messieurs.

    Le choix du Bnin, mon pays, pour abriter cette rencontre nous rjouit parti-culirement lUnion Islamique du Bnin, car Bnin rime dsormais avec des valeurs que sont la dmocratie, la diversit des cultures, la tolrance, le dialogue et la paix.

    En effet, cest ici au Bnin que, lors de lun de ses voyages en Afrique, Sa Saintet le Pape Jean-Paul II a eu rencontrer des responsables de lislam, des res-ponsables des religions endognes africaines de mon pays.

    Oui, cest ici au Bnin que dans le cadre du dialogue des religions, le dialogue islamo-chrtien se manifeste depuis 1987 Porto-Novo.

    Oui, cest ici au Bnin que dans la voie des changes, diverses initiatives pren-nent corps travers le projet de cration dun Conseil National des Dignitaires Religieux pour la paix au Bnin labor en 2005. La mise au point du contenu de ce projet, a conduit aujourdhui les confessions religieuses initiatrices transformer la structure envisage en un Cadre de Concertation des Confessions Religions du Bnin lissue des travaux de leur sminaire des 24 et 25 mai 2007 sur la place et le rle des Confessions Religieuses dans la socit civile bninoise.

    Dans le Cadre de Concertation des Confessions Religieux du Bnin on retrouve des confessions religieuses issues des familles ci-aprs : le christianisme, lislam et les religions traditionnelles. Conformment lambition des promoteurs, le dialogue se poursuit en ce moment pour que tous les membres de chacune de ces trois grandes familles de religions occupent la place qui leur revient au sein du Cadre de Concertation des Confessions Religieux du Bnin.

    Oui, cest ici au Bnin que les Confessions Religieuses revendiquent et enten-dent occuper leur place au sein de la socit civile bninoise o, fortes de leurs

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    Le dialogue entre les religions endognes, le christianisme et lislam au service de la culture de la paix en Afrique

    solides expriences, elles tiennent jouer leur rle pour la paix et la concorde entre nos concitoyens quelque soient leurs convictions politiques et idologiques.

    Mesdames et Messieurs, je voudrais donc, au nom de lUnion Islamique du Bnin, former le vu que ces quarante huit heures en terre bninoise, terre de dia-logue, les changes entre participants au colloque fortifi ent et vivifi ent la vertu que renferme le dialogue et aident viter les drapages et dformations qui sobservent aujourdhui travers le monde afi n que la paix et la concorde ne soient pas de vains mots en Afrique.

    En tous cas, lUnion Islamique du Bnin o se retrouvent tous les musul-mans de mon pays, Islam ne rime pas avec la violence ni avec le terrorisme car le verset 256 de la sourate La Vache du Saint Coran enseigne clairement quil ny a pas de contrainte en religion. En sa qualit de membre fondateur du Cadre de Concertation des Confessions Religieuses du Bnin, lUnion Islamique du Bnin uvre de toutes ses forces pour asseoir et dvelopper la culture du dialogue entre les confessions reli-gieuses et ainsi apporte sa pierre de qualit ldifi cation de la paix et de la concorde, non seulement en Rpublique du Bnin, mais en Afrique et dans le monde.

    Ainsi donc, comme vous vous en rendez compte, dans notre pays, dialogue interreligieux un sens et se pratique intensment et quotidiennement.

    Au terme de mes propos, je voudrais partager avec vous les mditations sur le verset 25 de la sourate Jonas du Saint Coran, je cite :

    Dieu appelle les hommes la demeure de la paix et guide qui il veut vers la voie du salut Fin de citation

    Puissions-nous travailler pour mriter le salut divin.Tel est le message quau nom de lUnion Islamique du Bnin japporte aux pr-

    sentes assises. Plein succs aux travaux du colloque.Bon et agrable sjour au Bnin aux htes de mon pays.Je vous remercie de votre aimable attention.

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    Allocution de Daagbo-HounonChef suprme du Vodun

    Honorables invits, Cest pour moi une immense joie que de me retrouver aujourdhui parmi vous ici Cotonou et de prendre part pendant ces deux jours aux travaux du Colloque inter-national sur le dialogue des Religions Endognes, du Christianisme et de lIslam au service de la culture de la paix en Afrique.

    Au terme de nos travaux, nous devons faire apparaitre clairement les recom-mandations justes et favorables, pour linstauration dun dialogue interreligieux durable et profond au service de la mise en valeur de la culture Afrique et du renfor-cement de la paix entre les Hommes sur le continent et dans la diaspora.

    Avant que nous commencions changer nos diffrentes visions et que dbutent les tables rondes, je voudrais au nom de tous les Vodouns-non et de tous adeptes du vodoun remercier le Directeur Gnral de lUNESCO, Monsieur Kochiro Matsuura, et ses collaborateurs qui ont permis lorganisation de ce colloque ; infati-gable Ambassadeur du dialogue interculturel, homme de paix et de dialogue reconnu, il a t juste titre, lev au rang de Dah Agbofa par le roi Behanzin lors de la visite offi cielle qui a t effectu dans notre pays.

    Honorables invits,Nous devons travailler tous ensemble dans le respect et la comprhension mutuelle afi n qu lissue de ces deux journes chacun dentre nous ressente quun grand pas a t franchi.

    Je reprsente la tradition Vod, celle que nos pres, nos mres, nos grands -pres et aeux ont porte et qui Hati, au Brsil, Cuba et dans dautres pays des Carabes a servi de carte didentit nos frres et surs arraches de lAfrique par lesclavage.

    Je suis fi re de venir parmi vous la reprsenter, fi er de venir vous dire que le Vodoun nest ni obscurantisme, ni diabolique mais une authentique religion qui dialo-gue avec les forces de la nature, avec les hommes et avec le crateur.

    Le dialogue cest le respect rciproque de chaque foi, chaque tradition spiri-tuelle. Cest lacceptation de la diffrence. En cela, le Vodoun est un culte tolrant qui ne met personne en cause pour sa religion ; qui ne mne aucune campagne de dnigrement contre les croyants des autres fois. Pour le Vodoun, toutes les religions sans exception sont des chemins diffrents qui mnent vers le mme Dieu.

    Je profi te de loccasion qui mest offerte aujourdhui pour vous annoncer que le premier grand chantier de mon pontifi cat est un projet scolaire. Tous les vodounsi lcole .

    En vous annonant offi ciellement aujourdhui ce projet, je voudrais rendre mon illustre prdcesseur le vnrable Daagbo Hounon Houna un vibrant hommage

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    Le dialogue entre les religions endognes, le christianisme et lislam au service de la culture de la paix en Afrique

    car, ds le dbut des annes quatre vingt dix, il avait lui-mme jet, les premires bases dun systme dducation scolaire adapt au milieu initiatique vod.

    Ladoption dans un avenir proche du projet tous les Vodounsi lcole est indispensable pour une bonne cohsion des trois principales communauts religieu-ses du pays.

    En effet, le Christianisme et lIslam ont cre des coles dans lesquelles les grands cadres de ce pays ont t forms.

    Pour dialoguer avec tous ces cadres, le Vodoun doit aussi crer des struc-tures permettant ses adeptes de concilier les tudes scolaires avec la formation religieuse.

    Chers Honorables invits ! Je vous demande ds aujourdhui de prendre en considration la naissance de ce projet et de maider par votre soutien le raliser.

    Je vous remercie les mnes de nos anctres ; tachons de ne pas les dcevoir et adoptons une fois pour toutes, un vritable changement dans notre faon de nous grer.

    Le Bnin est un pays de diversit culturelle, le Bnin est un pays o la biodiver-sit nous permet de vivre dans un bel environnement.

    Le Bnin doit continuer tre un pays de paix, de dialogue et de coexistence pacifi que, des ethnies, des rgions et des religions.

    Nous sommes les Hritiers de ceux qui sont morts, les associs de ceux qui vivent et la providence de ceux qui natront ; saisissons tous, ensemble cette provi-dence pour un avenir meilleur en Afrique.

    La seule loi universelle, cest la loi du changement.Autour de nous, le monde se transforme et nous devons donc apprendre

    nous adapter ce mouvement perptuel du changement. Les religions doivent participer ce changement. Le dialogue interreligieux est lun des leviers de participation au changement. Je vous remercie.

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    Allocution de Monseigneur Marcel Honorat AgbotonArchevque de Cotonou

    Madame la Ministre,Monsieur le Reprsentant du Directeur Gnral de lUNESCOHonorables reprsentants des diffrentes confessions religieuses,Messieurs les Professeurs et Experts,Mesdames, Messieurs,

    Lglise Catholique au Bnin salue linitiative de ce Colloque international sur le dia-logue des religions endognes, du christianisme et de lislam au service de la culture et de la paix en Afrique .

    Point nest besoin dtre un analyste chevronn de la gopolitique internatio-nale pour se rendre compte que lAfrique est la croise des chemins et quau dbut de ce troisime millnaire de lre chrtienne, se joue pour elle un enjeu historique de taille : ou elle saisit lopportunit de la dmocratisation du Continent et se donne les moyens dun dveloppement intgral durable ou elle se marginalise durablement. Une telle opportunit ne pourrait tre saisie que si la question combien dlicate et complexe de la rconciliation, de la justice et de la paix est prise bras le corps. Cest dans ce sens que Sa saintet le Pape Benoit XVI, la suite de son Prdcesseur de vnre mmoire, Jean-Paul II le Grand, a convoqu pour bientt Rome une Deuxime Assemble Spciale pour lAfrique du Synode des Evques sur le thme de : lglise en Afrique au service de la rconciliation, de la justice et de la paix : Vous tes le sel de la terre Vous tes la lumire du monde (Mt 5, 13.14)

    Tmoin du Christ, Prince de la Paix, dans une Afrique qui a connu rcemment de graves dchirures intertribales et qui continue de vivre des drames qui interpel-lent tout autant la conscience de tous, comme le Darfour, lglise a conscience quelle naura pas travailler toute seule sur ce terrain de la rconciliation, de la justice et de la paix. Avant les gouvernants et les organisations internationales, dont elle ne manque pas dapprcier grandement la collaboration, elle discerne comme ses parte-naires naturelles les autres religions. Comme elle, quoique dune manire diffrente et avec diffrentes propositions sens, les diffrentes religions travaillent toutes toucher le cur de lhomme et lveiller aux choses essentielles qui permettent de jeter un regard renouvel sur les choses phmres. Nous savons que ce sont ces choses phmres qui sont souvent, malheureusement, au cur des confl its o un prix cher est toujours pay : la vie de tant dhommes, de femmes et denfants. Cest dans ce sens que lglise Catholique accueille avec joie le Colloque de Cotonou.

    Aurelius Augustinus, fi ls dAfrique, n Thagaste (aujourdhui Souk-Ahras en Algrie) et mort Hippone (aujourdhui Annaba), Romain dAfrique, matre de la pense et de la culture latines, dont luvre est compare celle de Cicron, fi ls et Evque de lglise Catholique, dont le pays est aujourdhui dominante musulmane, est sans doute celui qui a le mieux exprim, dans un genre littraire dont il a t lun

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    Le dialogue entre les religions endognes, le christianisme et lislam au service de la culture de la paix en Afrique

    des initiateurs-les confessions-ce qui fait le cur de la recherche commune qui nous rassemble ici Cotonou, sous lgide de lUNESCO, pour ces deux jours de rfl exion et de partage : Tu nous as fait pour toi Seigneur, et notre cur est sans repos tant quil ne demeure en toi . Si la paix du cur de lhomme dpend de son repos en Dieu, la promotion dune culture de la paix sera avant tout luvre des religions qui touchent directement les consciences humaines. La rponse la question de savoir si lhomme peut sadresser lautre en tablissant une relation authentique de per-sonne personne dont dpend la rponse au problme politique de la possibilit des contrats et dune histoire pacifi e, porte en amont lexigence dune ouverture la transcendance ou linfi niment plus profond. Les deux sens dans lesquels est comprise ltymologie latine de religio le corroborent bien. Si, la suite de Lactance et de Tertullien, cest lide de ligare, religare (lier, relier) qui est accentue, la religion apparait comme ce qui relie fondamentalement. Si, au contraire, dans la ligne de Cicron, cest lide de legere et religere (cueillir, recueillir) qui est mise en avant, la religion apparat comme ce qui offre lhomme cette capacit unique de revenir lui-mme pour donner sens sa parole et son agir, au monde et aux vnements qui sy droulent.

    Lglise du Christ, Verbe de Dieu, qui a pris lhomme comme chemin pour aller vers lhomme, a toujours t attentive, par-del les asprits de lhistoire, cette recherche fondamentale qui est au cur de lhomme. A limage de son Divin Matre qui a su, en son temps, dplacer les barrires, et mieux, dans sa mort sur la Croix, abattre le mur de la haine qui divisaient Juifs et Gentils, lglise a su indiquer pour notre temps la direction dans laquelle elle pense ouvrir aux peuples le chemin de la paix vritable. Deux dclarations fortes du Concile Vatican II, toujours actuelles, affi r-ment sans dtour le grand respect que mrite chaque religion, et au sein de chaque religion et dans toute socit humaine, le caractre sacr de la conscience humaine, sanctuaire inviolable de libert religieuse : Nostra Aetate (Dclaration sur les relations de lglise avec les religions non chrtiennes), Dignitatis Humanae (Dclaration sur la libert religieuse).

    Les documents ecclsiaux postrieurs nont fait quapprofondir ces deux dcla-rations et clairer les gestes prophtiques que les Souverains Pontifes ont poss et l dans le sens de ce dialogue interreligieux. Les rencontres dAssise inities par le Pape Jean-Paul II, les rencontres quil a eues avec les reprsentants des diffrentes religions au cours de ses multiples plerinages dans notre village plantaire, celles quil a eues ici mme au Bnin, avec les Dignitaires de la religion islamique ainsi que ceux de la religion Vodum, constituent autant dattestations de la comprhension que lglise Catholique a de la rencontre avec les autres religions.

    Si, dans sa mission universelle, lglise a dj la vocation de rejoindre tout homme, quelle que soit sa religion, elle veut favoriser aussi au bnfi ce des peuples et des cultures une collaboration institutionnelle, un Dialogue structurel en vue de la Paix et du Bonheur de tout homme et de tout lhomme. Cest dans ce sens quaprs linsistance du Pape Jean-Paul II sur linstance thique du Dialogue interreligieux, le Pape Benot XVI qui, ds le dbut de son Pontifi cat, a orient le regard des chrtiens,

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    des croyants et de tout homme de bonne volont vers lAmour quest Dieu, voudrait mettre au centre du Dialogue la question de la Raison. Linviolabilit de la Conscience et le service de la Raison constituent donc les deux rails sur lesquels le train du dialo-gue interreligieux pourra rouler pour assurer lAfrique un devenir harmonieux.

    En souhaitant plein succs aux travaux de ce colloque, je voudrais en commu-nion avec tous les Evques Catholiques du Bnin implorer sur tous les participants et acteurs la Bndiction Divine.

    Daigne le Tout-Puissant et Misricordieux que nous invoquons tous comme Pre, faire de nous, chercheurs et hommes de Dieu, des artisans de Paix, avec lambition de dvelopper non seulement une Culture de la Paix mais aussi une Spiritualit de la Paix ici en Afrique, et pourquoi pas, dans le Monde.

    Je vous remercie.

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    Le dialogue entre les religions endognes, le christianisme et lislam au service de la culture de la paix en Afrique

    Message et Tmoignage de Feu Cardinal Bernardin GantinDoyen Emrite du Sacr Collge (Vatican)Lecture de son message par le Pre Alphonse Quenum

    Je voudrais, avant tout, exprimer ma profonde reconnaissance Monsieur Kochiro Matsuura, Directeur Gnral de lUNESCO, pour mavoir fait lhonneur de masso-cier votre runion, de Cotonou.

    Je me dois aussi de prsenter mes excuses aux divers organisateurs de cette rencontre. Javais pens pouvoir tre l pour vous apporter mon fragile soutien de quelques instants de prsence, malheureusement, des devoirs importants me retien-nent loin de Cotonou. Mais soyez assurs que mes prires vous accompagnent, avec mes sincres encouragements.

    Lanagramme de lUNESCO indique, par lui-mme, limportance et lutilit de ce grand organisme des Nations-Unies. Il sagit, en effet, dEducation, de Science et de Culture, qui sont des domaines majeurs pour la vie des Peuples et les relations que lhistoire les oblige tisser.

    Les religions sont un lment constitutif essentiel des cultures, quelles contri-buent structurer par leur anthropologie, leur thodice, les mythes et les symbo-les quelles vhiculent. Dans leur souci de se propager, elles peuvent tre tentes dimposer, pour simposer au lieu de se proposer aux bonnes volonts libres. Les religions se trouvent ainsi exposes aux dangers de la violence et de lexclusivisme. On ne peut donc les sous-estimer ni les ignorer dans le champ de la prvention des confl its et dun travail dlaboration dune stratgie pour une culture durable de la paix.

    Pour men tenir au thme de votre runion, savoir : le dialogue entre les religions endognes, le christianisme, lislam au service de la culture de la paix en Afrique, il faut convenir que ces religions ont leur spcifi cits. Mais, il est souhaita-ble que les valeurs profondes dhumanisme quelles reclent et que vous dgagerez de vos rfl exions et analyses, comme points de convergence, puissent trouver les canaux les meilleurs pour servir une culture de la paix.

    La mission essentielle de toute religion qui est de rendre les hommes plus fraternels en les reliant Dieu, comme Pre de tous, ne devrait jamais induire ni violence ni exclusion, encore moins la guerre. Les guerres de religions sont donc une injure Dieu. Cest bien cela que le grand Pape Jean-Paul II avait peru lorsquil initia le dialogue interreligieux par la rencontre dAssise, le 27 septembre 1986. Il sagissait alors dun vnement important et indit dont on na pas encore peru toute la porte historique.

    Cet acte prophtique de Jean-Paul II, Assise, sinscrivait dans une volu-tion positive de lglise Catholique, voulue par le Concile Vatican II. Ce concile avait construit, en effet, une vision pastorale profondment humaniste pour ses relations avec les religions non chrtiennes, dont les religions endognes et lIslam. La srie de demande de pardons, exprime par le Pape Jean-Paul II, durant son pontifi cat,

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    sinscrivait dans ce souci de dialogue avec les hommes, tous les hommes et leurs raisons de vivre quils puisent, avant tout, dans leurs religions.

    Lorsque le Pape Paul VI dclara, la tribune des Nations Unies, que lglise tait experte en humanit , cest cette transformation qualitative de son regard approfondi sur lhomme et sa culture, avec ses droits et devoirs, quil qualifi ait en des termes aussi nobles.

    LUNESCO avait dj rfl chi, Libreville, en novembre 2003, sur le dialogue interculturel. Elle possde, de ce fait, une grande exprience pour un dbat sur les problmes de civilisation. Je voudrais, cependant, mautoriser dire que, sagissant de dialogue interreligieux, les choses, quoique ncessaires, sont souvent dlicate voire diffi ciles.

    Il convient alors de sentendre sur la signifi cation du mot dialogue pour viter de senfermer dans des illusions. Nous voudrions entrevoir le dialogue, ici, comme des petits pas vers un rapprochement des intelligences et des curs. Il devrait sagir de trouver les voies et moyens pour dboucher sur une cole dinitiation la tolrance.

    Jai dit tolrance parce que la tendance premire de tout croyant ou de tout porteur dune conviction forte, cest de ne vouloir couter que soi-mme, alors que le dialogue soffre comme un don de Dieu qui donne dapprendre de lautre. Il propose divers acteurs religieux la possibilit dentendre la parole de lautre, qui se rvle libre de tout prjug, ds lors quelle est sincre.

    Le dialogue permet ainsi de mieux connatre linterlocuteur et de donner chacun loccasion de mieux se redcouvrir et dapprofondir ses propres convictions. Il constitue une chance offerte aux enfants de Dieu, fi ls dun mme Pre, puisque tous crs son image et sa ressemblance, comme le croit et laffi rme la foi chrtienne. Il largit lespace de la confi ance et recherche ce qui unit plutt que ce qui divise et loigne.

    Mme si les choses ne sont pas toujours et partout faciles, cette ralit, nous la vivons dj dans bien des familles et des villages africains subsahariens o les reli-gions endognes chrtiennes et musulmanes se croisent, parfois dans une tonnante solidarit. Il faut en cerner les ressorts pour en largir le mouvement au service dune culture de la paix sociale et politique.

    Puisquil sagit de culture de la paix en Afrique, aucune initiative ne peut tre de trop. Chacun doit apporter du sien pour ce Bien Commun difi er. Mais, lducation, pour tre effi cace et durable doit compter avec la patience et le temps. Dans lAfrique croyante o la religion se porte bien, il faut former les formateurs ce grand esprit de tolrance qui implique la reconnaissance des droits inalinables de chacun dont celui de croire.

    Permettez-moi de terminer en disant que le choix de Cotonou au Bnin, terre du dialogue des religions mapparat des plus heureux. Le panthon des divinits de lancien royaume dAbomey en tmoigne. Les grandes religions monothistes se res-pectent, sans renoncer leur mission.

    Au-del de toutes les interprtations religieuses qui font lobjet de biens des nuances y compris dans la manire de vivre sa foi, le dialogue sera bnfi que pour

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    Le dialogue entre les religions endognes, le christianisme et lislam au service de la culture de la paix en Afrique

    tous sil dbouche sur le respect et la protection de la vie de chacun et de tous. En dfi nitive, cest de cela quil sagit.

    Je vous souhaite alors des changes trs fconds.

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    Allocution douverture de Mme Christine Ouinsavi Ministre de lEnseignement primaire et maternel du Bnin,Prsidente de la commission nationale bninoise pour lUNESCO

    Cest avec un rel plaisir que je vous souhaite la bienvenue au Bnin dans le cadre du dialogue interreligieux qui nous runira pendant ces deux jours. Je voudrais, au nom du Chef de lEtat, son Excellence le Docteur Boni YAYI, du Gouvernement, du peuple bninois et en votre nom tous, remercier le Directeur General de lUNESCO, Monsieur Kochiro Matsuura et tous ceux qui ont pris linitiative de cette rencon-tre internationale de Cotonou sur un problme aussi crucial et dactualit, savoir : dialogue des religions endogenes, du chrisitannisme et de lislam au service de la culture de la paix en Afrique.

    Lislam est rsolument une religion de paix comme le dit la salutation assa-lamou alakoum ; le christianisme dans la fi gure de son initiateur est galement une religion de paix et le judasme lest aussi comme en atteste le mot Shalom ! Les religions traditionnelles, notre connaissance, ne le sont pas moins.

    Do vient alors la violence religieuse qui les oppose et tient le monde dans la peur des dtournements davion, de lexplosion des bombes, des enlvements, toutes choses qui dstabilisent notre monde ? La religion a t pervertie par les confl its politiques.

    Il se peut bien que nous nayons pas compris le sens du mot dialogue qui signifi e mot mot : travers , traverser et logos : discours , logique ou rationalit .

    Le dialogue, en dautres termes, est donc la rencontre de deux discours ou de deux rationalits qui pourraient sopposer mais qui gagneraient au contraire se fconder lune et lautre pour un enrichissement mutuel.

    Malheureusement, le monde sest veill le matin du 11 septembre 2001 pour se rendre brutalement compte que si la page de la Guerre Froide a t enfi n tourne, une autre souvrait, qui annonait le choc des civilisations opposant lOccident Chrtien lOrient Musulman.

    Certains esprits ont vu dans leffondrement des Tours Jumelles, la colre de Dieu et ont cherch dans la Bible une annonce de cette tragdie (Gense chapitre11, verset 9 (11 septembre en dautres termes) dans laquelle Dieu a dtruit la Tour de Babel, symbole de larrogance de LHomme et dans le cas du World Trade Center la destruction du culte de largent et du matrialisme rampant.

    Mesdames et Messieurs ! Partout dans le monde, les canons tonnent sur fond de confl its religieux ; partout, montent des clameurs de dsolation et dincompr-hension dune violence aveugle. La destruction des statues de Bouddha, patrimoine mondial irremplaable est une expression douloureuse de cette incomprhension entre les religions. Quel Dieu a ordonn aux hommes de tuer leurs semblables ?

    Des hommes de bonne volont ayant une vue panoramique de lhistoire de lhumanit, ont pris conscience du danger dun embrasement possible de la plante

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    Le dialogue entre les religions endognes, le christianisme et lislam au service de la culture de la paix en Afrique

    si rien nest fait pour arrter les drives fondamentalistes. Ainsi, le Prsident de la Rpublique Islamique dIran, Mohamed Khatami, a propos la 53e session de lAssemble Gnrale des Nations Unis, que lanne 2001 soit dclare Anne des Nations-Unis pour le dialogue entre les Civilisations. En octobre 2001, LUNESCO a adopt la Dclaration Universelle de la Diversit Culturelle. Trois ans plus tard en 2004, Alger, lOrganisation Islamique pour lEducation, les Sciences et la Culture (ISESCO), a adopt sa propre Dclaration sur le Diversit Culturelle et entrepris de rapprocher les coles divergentes de la Oumma Islamique en initiant les rencontres des diffrents leaders religieux, les madhahibs islamiques et les savants du monde islamique pour rtablir la vrit sur lIslam, face la monte de lintgrisme et du fanatisme. Il y a eu bien dautres rencontres allant dans le mme sens.

    Ce sont l autant de signes qui montrent la ncessit dune coexistence pacifi -que des cultures, des civilisations et par consquent, des religions. Les affrontements au sein des religions Chrtiennes relvent dsormais du pass mme sil y a encore des poches dantagonismes qui sont moins du fait religieux que du fait conomique.

    Loccupation des lieux saints aujourdhui et les affrontements entre le Judasme et lIslam au Moyen Orient sont les seuls vrais vestiges du confl it religieux divisant la famille des descendants dAbraham.

    Mesdames et Messieurs une poque o lHomme parcourt les espaces interstellaires la recherche dautres intelligences dans le Cosmos, il est paradoxal quil ne puisse pas vivre en paix avec son semblable. LHomme a march sur la Lune et nous a fait rver dun monde hro-que fait de paix universelle, de comprhension mutuelle, de solidarit, une sublime aventure humaine qui surmonterait tous les confl its et problmes. Mais le rve na dur quun temps ; le temps de notre merveillement et notre tonnement devant les prodiges de la science et de la technologie. Lgosme des Etats a repris le dessus, perptuant les injustices porteuses de confl its civilisationnels.

    La voix des prophtes sest tue depuis et le monde rsonne du fracas des armes, dans le bruit et la fureur qui ne signifi ent rien comme dirait Shakespeare qui parlait dj de Mahu en 1606 dans sa pice Le Roi Lear (Acte III, Scne 4). Mais Ghandi, le Pre de la non-violence, dont les discours ont t runis par la Commission Nationale Franaise pour lUNESCO, au centenaire de sa naissance, nous rappelle que nous sommes tous des frres et dclare ceci qui doit clairer et nourrir notre rfl exion sur nos a priori, nos fanatismes, nos sectarismes et intolrances religieuses :

    Les religions reprsentent des routes diffrentes qui convergent au mme point. Peu importe si nos chemins ne sont pas les mmes, pourvu que nous attei-gnions le mme but. A vrai dire, il y a autant de religions que dindividus. (SB, 224).

    De mme quun arbre a un seul tronc mais de nombreuses branches et feuilles, de mme il ny a quune seule Religion vraie et parfaite, mais elle se diversifi e en de nombreux rameau par lintervention des hommes. La Religion unique est au-del de toute parole. Il faut pourtant recourir au langage pour en rendre compte. Or les mots ncessaires sont mis au point et interprts par des hommes qui ne sont

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    pas parfaits. Des diffrentes interprtations proposes, quelle est la vraie ? Chacun a raison selon son propre point de vue mais il est impossible que tout le monde ait tort. Do la ncessit dtre tolrant, ce qui ne signifi e aucune indiffrence pour sa propre religion, mais lobligation de mieux la comprendre et de laimer dun amour purifi . La tolrance est aussi loigne du fanatisme que le Ple Nord, du Ple Sud. Une connaissance approfondie des religions permet dabattre les barrires qui les sparent. (SB, 225)

    Quant au Saint Coran, il nous enseigne les vertus fondamentales de tolrance comme en tmoignent ces deux sourates :

    Il vous a lgifr en matire de religion, ce quil avait enjoint No, ce que nous tavons rvl, ainsi que ce que nous avons enjoint Abraham, Mose et Jsus : Etablissez la religion ; et nen faites pas un sujet de division . Sourate 42 verset 13

    Si Dieu lavait voulu, il aurait fait de vous une seule communaut. Mais il a voulu vous prouver par le don quil vous a fait. Cherchez vous surpasser les uns les autres dans les actions bonnes. Tous vous retournerez Dieu. Alors, il vous clairera au sujet de vos divergences. Sourate 5 verset 48

    Jsus Christ a prch lvangile de paix et damour et nous a enseign la para-bole du bon Samaritain emblmatique de cet amour.

    Que dire de plus ? Sinon que les religions doivent nous rapprocher les uns des autres dans un dialogue fructueux et fcond exempt de tout rejet de lAutre et de sa foi. Il nous appartient tous dtablir ce pont entre toutes les cultures, toutes les civi-lisations et toutes les religions. Et quand survient le naufrage de la Raison, la fl ambe de violence religieuse, la tension entre les communauts de confessions religieuses diffrentes,-mais pas opposes-, soyons les autorits morales capables de ramener la paix, la concorde et la cohsion sociale dans nos pas et nos cits.

    Je souhaite donc plein de succs vos travaux. Quil en sorte la Dclaration de Cotonou, un Appel au dialogue des religions pour la paix en Afrique et dans le monde.

    Mesdames et Messieurs, Cest sur ces mots que je dclare ouvert le Colloque International sur le dialogue des religions endognes, du Christianisme et de lIslam au service de la culture de la paix en Afrique .

    Merci pour votre aimable attention.Que Dieu vous bnisse !Wassalamou alakoum !Shalom !

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    Le dialogue entre les religions endognes, le christianisme et lislam au service de la culture de la paix en Afrique

    TABLE RONDE I

    Rle des religions et de leurs dirigeants dans la mise en place dune culture de la paix en Afrique

    Modrateur : Professeur Roger Ahoyo Rapporteur : Olofi n II, Vizir Akand Olofi ndji

    Intervenants offi ciels :

    1 M. Baker Al Hiyari2 Dah Alligbonon3 M. Etienne Bio Yari

    1 Gnralits

    Plus de quarante (40) personnes ont pris part la Table Ronde No. 1. Nous avons cout quatre (4) communications, trois (3) interventions offi cielles et douze (12) interventions volontaires. Les dbats taient trs riches, constructifs et instructifs.

    Dans la croyance africaine yoruba, lorsque deux frres senferment pour parler et quils sortent en souriant, cest quils ne se sont pas dit la vrit. Ce ntait pas le cas la Table Ronde NI. Des voix se sont leves entre communicateurs et partici-pants et entre pratiquants de diffrentes religions.

    Mais comme la langue et les dents ne se battent pas au point de quitter la bouche, nous avons conclu en beaut et nous nous sommes retrouvs fraternelle-ment autour de la table du cocktail aprs les dbats.

    LUNESCO sest flicite davoir invit pour la toute premire fois les diri-geants des croyances africaines antiques ce colloque interreligieux.

    Interpell pour expliquer la notion de religion endogne, lUNESCO a dclar quil fallait un terme pour dsigner cette catgorie de pratiques religieuses, que le colloque pourrait instruire la meilleure appellation lavenir.

    2 Les conclusions de la Table Ronde No. 1

    Tous les participants la table ronde No. 1 ont reconnu que :

    2.1 il y a un danger qui plane sur lAfrique quand la cohabitation entre diffrentes religions.

    2.2 lAfrique antique connat de multitudes croyances qui se sont toujours concer-tes pour rsoudre les problmes de la cit.

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    2.3 aucune religion nest trangre lAfrique -Berceau de lhumanit- car le Christianisme et lIslam, originaires du Moyen-Orient, ne sont que des ramifi -cations du monothisme de Mose parti de lEgypte, donc de lAfrique ; de plus, leur dveloppement na pas pu se faire sans une contribution apprciable de lAfrique.

    2.4 linstar du dialogue entre les croyances africaines antiques, et pour lever le danger qui plane, il urge dinstaurer un dialogue permanent entre les