Implication au travail et relation d'emploi flexible: le ......statitiques publiés par la DARES un...

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HAL Id: tel-00527251 https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00527251 Submitted on 18 Oct 2010 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Implication au travail et relation d’emploi flexible : le cas des salariés intérimaires Alain Lacroux To cite this version: Alain Lacroux. Implication au travail et relation d’emploi flexible: le cas des salariés intérimaires. Gestion et management. Université Paul Cézanne - Aix-Marseille III, 2008. Français. tel-00527251

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  • HAL Id: tel-00527251https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00527251

    Submitted on 18 Oct 2010

    HAL is a multi-disciplinary open accessarchive for the deposit and dissemination of sci-entific research documents, whether they are pub-lished or not. The documents may come fromteaching and research institutions in France orabroad, or from public or private research centers.

    L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, estdestinée au dépôt et à la diffusion de documentsscientifiques de niveau recherche, publiés ou non,émanant des établissements d’enseignement et derecherche français ou étrangers, des laboratoirespublics ou privés.

    Implication au travail et relation d’emploi flexible : lecas des salariés intérimaires

    Alain Lacroux

    To cite this version:Alain Lacroux. Implication au travail et relation d’emploi flexible : le cas des salariés intérimaires.Gestion et management. Université Paul Cézanne - Aix-Marseille III, 2008. Français. �tel-00527251�

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  • UNIVERSITE PAUL CEZANNE - AIX MARSEILLE III Institut d’Administration des Entreprises d’Aix-en-Provence

    Ecole doctorale de sciences économiques et de gestion d’Aix-Marseille III

    CERGAM (centre de recherche en gestion d’Aix Marseille)

    Thèse pour l’obtention du titre de Docteur ès sciences de gestion

    Présentée et soutenue le 21 mai 2008 par

    Alain LACROUX

    IMPLICATION AU TRAVAIL ET RELATION D’EMPLOI

    ATYPIQUE : LE CAS DES SALARIES INTERIMAIRES

    Jury :

    Directeur de recherche : Co-directeur de recherche : Rapporteurs : Président du jury : Suffragant

    Madame Martine BRASSEUR Professeur des Universités – Université Paris V Monsieur Pierre GENSSE Professeur des Universités – Université du Sud Toulon Var Monsieur Jean Pierre NEVEU Professeur des Universités– Université de Bordeaux IV Madame Nathalie COMMEIRAS Maître de conférence HDR – Université de Montpellier II Monsieur Alain ROGER Professeur des Universités – Université de Lyon III Monsieur Jean-Louis CHANDON Professeur des Universités – Université d’Aix Marseille III

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  • 3

  • 4

    Remerciements

    Je présente mes remerciements les plus vifs et les plus chaleureux à ma directrice de recherche,

    Mme Martine Brasseur, pour sa grande disponibilité, ses remarques attentives tout au long de

    mon travail, et son soutien sans faille.

    Je tiens également à remercier Mr Pierre Gensse, directeur de l’IAE de Toulon, pour son accueil

    et son soutien au sein de l’Université de Toulon, où j’exerce. L’invitation aux réunions du

    laboratoire ERMMES a constitué pour moi une expérience stimulante et riche d’enseignements.

    J’exprime également toute ma reconnaissance envers les membres du CEROG, chercheurs et

    doctorants, pour leurs remarques et conseils durant les divers ateliers organisés à l’IAE d’Aix en

    Provence.

    Je pense tout particulièrement au Professeur Jean-Louis Chandon, que je remercie doublement

    pour ses précieux conseils, qui m’ont permis de m’orienter dans le champ (ou la jungle…) de

    l’analyse des données, et pour avoir accepté de participer au jury de soutenance.

    Je pense également et à Alain Roger, dont les remarques au cours des ateliers de présentation de

    travaux organisés à l’IAE m’ont été d’un grand secours durant les premières phases de mon

    travail, et qui a accepté d’en évaluer le résultat final.

    Je tiens à exprimer enfin ma gratitude au Professeur Jean-Pierre Neveu et à Madame Nathalie

    Commeiras, pour avoir accepté la charge de rapporteurs.

    Merci aussi à Sophie, Edouard, Maryse et Amandine, pour leur aide précieuse durant mon

    enquête sur le terrain.

    Et bien sûr un grand merci à K. pour sa (grande) patience et son (précieux) soutien…

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    SOMMAIRE

    INTRODUCTION GENERALE …………………………………...

    PREMIERE PARTIE : Implication au travail et relations d’emploi

    atypiques : une revue de la littérature ……………………………..

    CHAPITRE 1 : L’implication au travail : une approche

    multidimensionnelle ………………………………………......................

    CHAPITRE 2 : L’implication au travail des salariés intérimaires :

    les paradoxes de la flexibilité .…………………………………………..

    DEUXIEME PARTIE : S’impliquer dans la précarité ? Les leçons

    d’une étude empirique ……………………………………………….

    CHAPITRE 3 : Le lien précarité - implication : élaboration du modèle

    et des hypothèses de recherche .……………………………………….

    CHAPITRE 4 : L’opérationnalisation de la recherche : construction du

    questionnaire et validation des outils de mesure………………………..

    CHAPITRE 5 : Les résultats de l’étude empirique : test des

    hypothèses, analyse et discussion des résultats obtenus …………………

    CONCLUSION GENERALE ………………………………………

    REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES…………………………..

    ANNEXES……………….……………………………………………

    TABLE DES MATIERES…………………………………………..

    PAGES

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    19

    20

    86

    171

    172

    258

    324

    410

    417

    453

    598

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    Introduction générale

    Pour débuter le présent travail consacré à l’emploi atypique, et plus précisément à l’étude des

    attitudes au travail des salariés intérimaires, un questionnement paradoxal s’impose : la place

    accordée aux emplois précaires dans les discours et les réflexions actuelles sur les mutations du

    marché du travail n’est-elle pas excessive ? Malgré leur croissance rapide et continue depuis plus

    de vingt ans, mettre l’accent sur « l’arbre » des emplois précaires ne cache-t-il pas la « forêt » de

    la stabilité de l’emploi, selon l’expression de D. Mardsen [2001] ?

    On peut en effet se demander s’il est pertinent de se focaliser sur les salariés en emplois atypiques

    alors que plus de 85% des salariés français sont employés en contrat à durée indéterminée ?

    Dans le même ordre d’idée, pourquoi parler « d’emploi en miettes » [Lebaube - 1988] ou

    « d’effritement de la société salariale » [Castel - 1995] alors que plus de 84% des salariés travaillent

    à temps complet ?

    Finalement, pourquoi s’intéresser aux travailleurs intérimaires, alors que ceux-ci représentent

    aujourd’hui moins de 2,5 % de l’ensemble des salariés ?

    Nous soutenons pourtant qu’en réalité, le phénomène de l’emploi atypique ou précaire est plus

    important en France que ne le laissent apparaître les chiffres que nous venons de citer, à la fois

    sur le plan quantitatif, mais également au niveau du vécu des salariés.

    Si l’on s’intéresse en premier lieu au dénombrement des salariés précaires, il est possible

    de montrer que l’ampleur du phénomène est sous estimée, notamment en raison d’une

    vision en termes de stock, qui ne tient pas compte de la dynamique des mouvements de main-

    d’œuvre.

    Il est par exemple vrai de dire que plus de 8 salariés sur 10 sont employés en contrat à durée

    indéterminée, mais il ne faut pas oublier que plus de 72% des créations d’emploi se sont faites

    sous forme de CDD en 2007 ; et que l’embauche en CDI ne concerne aujourd’hui qu’un salarié

    sur quatre dans le secteur tertiaire1.

    Si l’on prend l’exemple précis de l’intérim, qui constitue notre terrain de recherche, le

    phénomène apparaît ici aussi marginal, de prime abord : les intérimaires ne représentent qu’un

    actif sur 40, mais ce chiffre doit encore être relativisé :

    - Le calcul du nombre de salariés intérimaires est généralement effectué en « équivalents temps

    plein » : les 735.000 « intérimaires » recensés par l’Unedic début 2008 correspondent à une

    1 DARES / Ministère du travail de la solidarité et des relations sociales – résultats de l’enquête sur les mouvements de main d’œuvre (disponible sur le site www.travail.gouv.fr ).

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    construction fictive, puisque rares sont les intérimaires qui travaillent effectivement à temps plein.

    Il est bien entendu très difficile de mesurer précisément le nombre de salariés ayant effectué au

    moins une mission en intérim durant la période de référence, mais on peut l’estimer en utilisant

    un coefficient multiplicateur de trois appliqué par la DARES (direction de l’animation de la

    recherche et des études et statistiques Ministère du travail et de la solidarité), qui considère qu’un

    équivalent temps plein (ETP) correspond à un peu plus de trois salariés intérimaires ayant

    effectivement effectué des missions [Glaymann – 2005 p.58]. Si l’on applique ce coefficient, on

    obtient par exemple une estimation de plus de 2,2 millions de salariés ayant effectué au moins

    une mission d’intérim sur les 12 derniers mois , ce qui représente 11% du total des salariés du

    secteur privé.

    - Si l’on raisonne non pas en termes de pourcentage par rapport à l’emploi total, mais en taux de

    recours (rapport entre nombre d’intérimaires et salariés du secteur privé), on obtient selon les

    statitiques publiés par la DARES un pourcentage d’intérimaires de 3,4% en moyenne en mars

    20082, avec des pics à 10% dans les entreprises de plus de 50 salariés de certains secteurs

    industriels.

    Le phénomène de l’emploi précaire est également important dans le vécu des salariés .

    Si l’on se réfère aux statistiques disponibles, on peut résumer la différence induite par une

    approche en termes de flux par rapport à la vision habituelle en termes de stock, en constatant

    que si plus de huit salariés sur dix sont employés en CDI, plus de trois sur quatre expérimentent

    ou ont expérimenté des situations d’emploi atypique dans leur vie professionnelle. L’emploi

    précaire ou flexible est donc une réalité, souvent passagère, mais indiscutable pour la très grande

    majorité des salariés français.

    On peut également soutenir que les formes contractuelles atypiques constituent peut-être une

    préfiguration de l’emploi « typique » de demain. En prenant encore en exemple le cas de l’intérim,

    on peut remarquer que les « nouvelles relations d’emploi » [Kissler- 1994], qui se traduisent

    notamment par une individualisation et une imprévisibilité plus grande des trajectoires

    professionnelles, associée à la mise en avant de la notion de mission ou de projet, s’ajuste bien au

    parcours de certains salariés intérimaires. Changer régulièrement d’environnement de travail,

    subordonner la durée de la relation d’emploi à la réalisation d’une mission déterminée, poursuivre

    des trajectoires professionnelles guidées par l’acquisition de compétences plutôt que par la

    progression hiérarchique, s’assurer une forme de sécurité d’emploi fondée sur l’employabilité

    2 L’augmentation du pourcentage d’intérimaire est lié à un mode de calcul différent : seuls sont pris en compte les salariés du secteur privé (l’intérim n’est pas autorisé dans la fonction publique).

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    plutôt que sur le statut : autant de caractéristiques des nouvelles relations d’emploi cadrant

    exactement avec l’expérience vécue par une fraction de la population des salariés intérimaires.

    On peut bien entendu envisager ces évolutions de manière positive ou négative, ce qui renvoie

    directement au débat sur les conséquences humaines des politiques de flexibilité menées dans les

    entreprises : la « bonne flexibilité « , fondée sur l’autonomie et la responsabilisation serait

    opposable à la « mauvaise flexibilité », fondée sur l’usage de contrats atypique et génératrice de

    précarité [Cadin & al. – 2004 p.165].

    Le thème de la flexibilité constitue toujours aujourd’hui un domaine de recherche important et

    transversal dans les sciences de gestion [Evaere – 1999]. Le lien a par exemple souvent été établi

    entre les impératifs stratégiques de réactivité et d’adaptation pesant sur les entreprises actuelles, et

    l’usage de politiques de flexibilisation de la main-d’œuvre permettant de satisfaire à ces exigences

    [ex : Atkinson – 1984 ; Boltanski & Chiapello – 1999 ; Coutrot - 2000].

    En adoptant un point de vue positif, certains auteurs mettent l’accent sur les nouvelles manières

    de mener carrière dans un environnement incertain [Arthur & Rousseau – 1996], en faisant

    l’éloge de l’employabilité et de la mobilité contre la stabilité [Kissler – 1994] , ou en s’intéressant à

    l’émergence de modèles d’emploi fondés sur une logique de compétence plutôt que sur la logique

    habituelle de poste de travail ou de statut [Zarifian–1999].

    La face sombre de l’évolution de la norme d’emploi est le plus souvent associée à la notion de

    précarité, déclinée sous toutes ses formes : précarité d’emploi [Barbier & Nadel – 2003] ,

    précarité du travail [Paugam – 2000], salariés précaires [Beaud & Pialoux – 1993], insécurité

    sociale [Castel – 2003]. Les auteurs mettent dans ce cas l’accent sur les conséquences

    déstabilisantes engendrées par l’évolution des relations d’emploi. La précarisation est par exemple

    au cœur de nombreux travaux menés sur les emplois atypiques dans le champ de la sociologie du

    travail [ex : Beaud–1993 ; Castel –1995 ; Sennet – 2000 ; Glaymann–2005]. On peut se référer à

    un ouvrage devenu classique de R. Castel3, qui décrit la remise en question de la « civilisation du

    travail », et affirme que l’émergence (ou plutôt la réapparition) des emplois flexibles remet en

    cause la prévisibilité et la durabilité de la relation d’emploi, au profit d’un emploi à la tâche,

    étroitement ajusté aux besoins conjoncturels, et qui constitue un facteur « alimentant la

    vulnérabilité sociale » (op. cit. p 648).

    L’intérimaire apparaît dans ces analyses comme l’archétype du salarié victime de la précarité,

    illustrant et préfigurant tout à la fois l’éclatement de la norme d’emploi.

    Comme le remarquent Cadin & al. [2004, p. 186] l’opposition entre « bonne » et « mauvaise »

    flexibilité doit évidemment être nuancée . L’autonomisation du travail s’accompagne parfois d’un

    3 « La métamorphose de la question sociale » – Paris Arthème Fayard, 1995.

  • 9

    « prix à payer » : l’intensification du travail et la responsabilisation accrue sont génératrices de

    stress et d’angoisse. A l’inverse, certains contrats de travail dits précaires, comme les contrats à

    temps partiel, peuvent se révéler épanouissants s’ils correspondent à un choix effectif de la part

    du salarié. Le choix de l’intérim comme terrain de recherche nous semble donc intéressant pour

    analyser ces tensions et ces paradoxes, car ce statut d’emploi est souvent présenté comme

    synonyme de précarité, alors même que certains salariés choisissent volontairement d’y faire

    carrière [Faure-Guichard – 2000].

    La problématique générale de la recherche Nous avons vu que l’objectif des mesures de flexibilisation est généralement une amélioration de

    la productivité et de la réactivité des entreprises : cette amélioration, qui passe souvent par la

    réduction des niveaux hiérarchique et l’augmentation des responsabilités et des compétences

    attendues, nécessite une participation plus active des salariés, un engagement et une adhésion

    supérieurs à ceux que l’on pouvait attendre d’un simple exécutant dans les systèmes tayloriens

    traditionnels : ce passage d’un taylorisme classique fondé sur la réduction de l’autonomie du

    salarié au néo-taylorisme, fondé sur des « modèles de production flexibles » [Bardelli – 1996]

    modifie donc quelque peu les perspectives en matière de management : l’adhésion des salariés

    devient une clé du succès de ces nouveaux modèles productifs.

    Parallèlement à ces changements de nature technique et organisationnelle, on assiste à des

    modifications profondes dans l’organisation de l’activité des entreprises, qui se traduisent par un

    déploiement progressif des métiers vers le client, avec une montée en puissance des activités de

    service. Comme le remarque Thévenet [2002], ces activités de service réclament une forme

    d’engagement spécifique de la part des salariés, car ceux-ci véhiculent une part de l’image de

    l’entreprise en raison de leur situation en interface avec « l’extérieur » (clients ou fournisseurs).

    Toutes ces évolutions conduisent alors non seulement à des modifications dans les relations

    d’emploi au niveau juridique et organisationnel, mais également à des bouleversements dans la

    manière de travailler : les organisations actuelles exigent finalement plus de flexibilité, mais aussi

    plus d’implication dans le travail et une participation plus active de la part de salariés.

    La conséquence de cette double évolution est que les entreprises vivent aujourd’hui un paradoxe :

    comment assurer la gestion simultanée de l’implication et de la précarité ? Lorsque l’entreprise ne

    peut pas offrir suffisamment d’avantages en échange de l’implication, elle s’expose en effet à un

    désinvestissement de la part de ses salariés.

  • 10

    Ce paradoxe induit par la nécessité de concilier deux exigences présentées comme antinomiques

    dans le modèle salarial traditionnel constitue un vrai défi managérial [Freiche & le Boulaire –

    2000] : comment rendre compatible la précarité et l’engagement ?

    Ce débat fait écho aux nombreux développements actuels portant sur la « flexicurité » : plusieurs

    exemples étrangers semblent montrer qu’il est possible de concilier une forte flexibilité d’emploi

    avec une sécurisation des parcours professionnels, ce qui démontrerait que flexibilité ne rime pas

    nécessairement avec précarité [voir par exemple Gazier – 2003]. Pour autant, l’analyse des liens

    unissant la recherche de flexibilité, la précarité de l’emploi et les attitudes au travail des salariés

    concernés demeure un domaine de recherche dans lequel de nombreux aspects restent encore à

    explorer.

    L’emploi atypique dans la recherche en gestion des ressources humaines

    Les recherches menées en GRH sur les situations d’emploi atypiques connaissent un

    développement significatif au niveau international. Elles ont longtemps porté sur les salariés en

    temps partiel, avant de se focaliser aujourd’hui sur les salariés dits contingents (contingent workers),

    avec un intérêt marqué pour les contrats temporaires [ex : Coyle-Shapiro & Morrow – 2006 ;

    Connelly & al. – 2007].

    Ces recherches sont très largement de type comparatif : les auteurs cherchent à mettre en

    évidence les différences d’attitudes entre salariés permanents et atypiques. Pour cela, ils utilisent

    largement les concepts et outils de mesure élaborés auprès de salariés en relation d’emploi

    standard (par exemple la satisfaction, l’implication ou le soutien organisationnel perçu), qui sont

    directement appliqués aux salariés en relation d’emploi atypique avec l’objectif de mettre en

    évidence des différences d’attitude ou de vécu entre les deux populations.

    On trouve également (mais plus rarement) dans la littérature de recherche des études qui

    s’intéressent spécifiquement aux problèmes de management posés par les salariés atypiques [ex :

    Feldman & al. – 1995 ; von Hippel & al. – 1997 ; Slattery & al. – 2006].

    En ce qui concerne la France, la recherche sur l’emploi atypique reste assez peu développée dans

    le domaine des sciences de gestion, en comparaison avec les nombreuses études menées par les

    sociologues ou les économistes du travail [ex : Beaud & Pialoux – 1993 ; Ramaux – 1994 ; Faure

    Guichard – 2000 ; Jourdain – 2002 ; Cancé – 2002 ; Glaymann – 2005]. Dans le champ de la

    gestion des ressources humaines, on peut simplement remarquer que les travaux concernant les

    impacts individuels et organisationnels des politiques de flexibilité sont relativement récents [ex :

    Charles – Pauvert – 1997 ; Evaere – 1999 ; Manville - 2005], et demeurent encore peu nombreux.

  • 11

    Le cadre de notre recherche : l’étude de l’implication au travail des salariés intérimaires : Nous avons choisi de contribuer à une meilleure connaissance des impact de la flexibilité de

    l’emploi sur les attitudes des salariés, en prenant l’exemple précis de l’implication au travail des

    salariés intérimaires.

    Cette délimitation d’un objet de recherche relativement précis présente l’avantage incontestable

    de nous permettre d’explorer de manière approfondie le « paradoxe » de la flexibilité et de

    l’implication auprès de salariés qui sont conduit à le vivre au quotidien. Nous allons détailler plus

    avant les raison de notre choix dans les points suivants.

    Pourquoi s’attacher à l’implication au travail ?

    Les attitudes au travail constituent un champ de recherche classique dans le domaine de la gestion

    des ressources humaines : les concepts de motivation, de satisfaction, d’engagement, ou

    d’implication constituent la base des recherches menées dans le champ du comportement

    organisationnel (organizational behavior).

    Nous avons vu que l’engagement des salariés et leur participation active deviennent un élément

    important de l’efficacité des organisations actuelles : ces attitudes et comportements sont donc

    d’un intérêt particulier pour les professionnels des ressources humaines ; certains sont même

    aujourd’hui prises en compte comme critère de sélection, à travers la notion imprécise de savoir

    être [voir Périlleux – 1997].

    Le concept d’implication au travail, qui permet de rendre compte du lien particulier que le salarié

    entretient avec son travail, constitue un cadre adapté à la compréhension de ces phénomènes.

    Selon M. Thévenet [2002, p.5], l’intérêt de l’implication ne se limite pas à une simple grille de

    lecture, puisque celle-ci « paraît pouvoir représenter (pour certains gestionnaires) une finalité des

    politiques de personnel », autrement dit acquérir un statut stratégique.

    Le salarié impliqué « idéal » est classiquement décrit dans la littérature comme fidèle à son

    entreprise, peu absentéiste, loyal, susceptible d’adopter des comportements altruistes et prêt à

    faire des efforts importants pour contribuer au succès de son entreprise [Mowday & al – 1982,

    Morrow – 1983]. Les nombreux travaux menés dans ce domaine durant les vingt dernières

    années ont toutefois montré que ce portrait idyllique devait bien entendu être nuancé : le salarié

    impliqué peut également s’entêter et persister dans des comportements inefficaces [Staw – 1974 ;

    Singer & al. – 1986] , il peut ressentir une forte tension et un stress important, ou peut être

    amené à connaître des conflits entre vie familiale et vie professionnelle [Aryee & al. – 1992]. Il

  • 12

    faut également constater que l’implication ne se manipule pas directement : « On ne peut

    impliquer les personnes, comme on ne peut les changer….seules les personnes peuvent

    s’impliquer. La seule chose que l’entreprise peut faire c’est satisfaire aux conditions nécessaires de

    l’implication » [Thévenet – 2002 p.12].

    L’implication au travail apparaît de plus en plus actuellement comme une notion fédératrice : un

    salarié impliqué dans son travail tisse des liens particuliers avec différents domaines de son

    expérience professionnelle : il peut s’agir de groupes de personnes comme ses collègues de

    travail ou ses clients, ou de facettes plus générales comme sa profession, son entreprise ou le

    travail en général.

    Les recherches menées sur l’implication ont ainsi tendance à converger progressivement vers une

    prise en compte élargie du concept : l’implication dans l’entreprise ou l’organisation demeure le

    concept phare, mais d’autres objets sont également pris en compte : il s’agit essentiellement du

    travail en tant que tel [ex : Blau & Ryan - 1994] , de la profession [ex : Meyer & al. – 1993] , du

    groupe de travail [ex : Randall & al. – 1991] ou de l’emploi occupé [ex : Kanungo – 1982].

    Le concept d’implication multiple ou d’implication globale au travail (work commitment) vient

    finalement donner une cohérence théorique aux différents objets, en mettant en évidence les

    points communs entre les différentes cibles et construits d’implication. Cette recherche de

    cohérence trouve son aboutissement à travers la proposition de modèles intégrateurs [ex : Meyer

    & Hersovich – 2001, Cohen - 2003], dans lesquels l’implication est définie comme une sorte

    force amenant l’individu à adopter certaines attitudes et comportements en relation avec les

    différents domaines de son environnement professionnel.

    En raison de son importance dans les organisations actuelles et de son caractère

    multidimensionnel, nous considérons donc que l’étude de l’implication au travail demeure une

    étape importante dans la compréhension des comportements organisationnels, particulièrement

    lorsque l’on s’intéresse à des salariés dont la relation d’emploi est caractérisée par de faibles liens

    organisationnels. Il nous semble en effet important de montrer que, dans les situations d’emploi

    flexibles, la prise en compte de plusieurs « objets » d’implication permet d’aboutir à une vision

    plus complète des attitudes des salariés concernés.

    Pourquoi s’intéresser au cas des salariés intérimaires ?

    Le choix de limiter notre étude au cas d’une population salariée dont la relation d’emploi est

    complexe et originale présente une série d’avantages, que l’on peut résumer en quatre points

    principaux :

  • 13

    - En premier lieu, nous verrons au cours de notre travail que « l’emploi flexible »

    constitue une catégorie trop vaste, aux contours incertains, qu’il vaut mieux ne pas

    envisager de manière englobante : les attitudes, les motivations et les objectifs d’un salarié à

    temps partiel peuvent par exemple différer de celles d’un salarié en CDD ou d’un intérimaire

    [voir par exemple Feldmann – 2006]. Il est donc préférable de restreindre l’analyse à une

    catégorie de salariés bien identifiés. Le secteur de l’intérim constitue un choix intéressant pour

    plusieurs raisons :

    - Sur le plan statistique, la France demeure l’un des tout premiers marchés du monde en

    matière de travail temporaire (quatrième rang mondial et deuxième rang en Europe).

    - Au niveau qualitatif, on constate que l’intérim concerne toutes les professions et toutes

    les qualifications, ce qui n’est pas le cas du temps partiel, plutôt réservé aux emplois peu

    qualifiés.

    - Sur le plan de la gestion de la main d’oeuvre enfin, on peut remarquer au cours des

    dernières années que les entreprises de travail temporaire, qui sont devenues des acteurs

    incontournables du marché de l’emploi (surtout depuis que l’ANPE a perdu son

    monopole de placement), ont mis en place des procédures de gestion de personnel

    sophistiquées et relativement uniformisées, surtout au sein des réseaux appartenant à de

    grandes enseignes : nous pouvons donc considérer qu’une grande partie des informations

    et des résultats empiriques que nous pourrons obtenir auprès du nombre limité d’agences

    de travail temporaire qui constitueront notre terrain d’enquête seront assez représentatifs

    de la situation qui prévaut à un niveau plus général.

    - En second lieu, le choix des salariés intérimaires comme terrain d’étude permet

    d’explorer de manière détaillée le paradoxe entre flexibilité et implication : nous nous

    trouvons en effet face à des salariés dont la relation d’emploi est soumise à de très fortes

    contraintes de flexibilité, que l’on peut même parfois juger excessives4, et qui sont amenés à

    travailler dans des secteurs et organisations très variés, dans lesquels l’exigence d’implication peut

    être élevée : on peut citer en exemple les postes de serveurs dans la restauration, pour lesquels les

    contrats sont souvent courts et les exigences d’implication face à la clientèle sont très fortes ; ou

    encore les métiers du bâtiment dans lesquels la qualité du travail, souvent effectué dans une large

    autonomie, est primordiale : le sens des responsabilités et l’implication professionnelle sont donc

    très importants.

    4 Les missions « à la journée » sont par exemple monnaie courante dans le secteur de l’intérim, de même que les missions de très courte durée (en général une semaine) renouvelées de manière régulière sur une longue période.

  • 14

    Dans un autre ordre d’idées, on peut également remarquer que le contrat de travail temporaire

    (surtout dans le cadre de l’intérim qualifié) peut constituer le modèle d’une forme de relation

    d’emploi qui pourrait devenir très courante : le contrat de mission. On peut citer en exemple le

    modèle du travailleur contractuel ou consultant, appelé pour son expertise dans des organisations

    pour y réaliser des missions temporaires en s’intégrant aux équipes de travail en place, ou encore

    les formes récentes d’organisation du travail, qui valorisent la notion de projet et reposent sur la

    constitution d’équipes de travail par essence temporaires, dont la mission comporte à la fois un

    objectif précis et un terme fixé [voir par exemple Giard – 2004]. Cette évolution vient de trouver

    une traduction juridique dans l’accord du 11 janvier 2008 sur la modernisation du marché du

    travail, signé entre les organisations patronales et un certain nombre de syndicats. Cet accord

    prévoit la mise en place d’une forme particulière CDD « à objet défini et à terme incertain »,

    d’une durée maximum de 36 mois et réservé aux cadres et ingénieurs pour leur permettre de

    réaliser certains projets dont la durée est incertaine.

    - Si l’on prend en compte les aspects théoriques et méthodologiques de la question de

    l’implication, le choix d’analyser le cas des salariés intérimaires nous permettra d’aborder

    le problème de la transposition des concepts et des outils de mesure. Plusieurs auteurs

    ayant été amenés à travailler sur les attitudes des salariés contingents [ex : Beard & Edwards –

    1996 ; Connelly & Gallagher- 2004] constatent en effet que la quasi-totalité des théories et

    modèles utilisés dans l’étude des comportements organisationnels en entreprise ont été fondés

    sur l’étude de salariés « permanents5 », en relation d’emploi standard (c'est-à-dire travaillant à

    temps plein et à durée indéterminée). La question se pose de savoir si ces connaissances sont

    directement transférables à l’étude des salariés occupant des emplois temporaires.

    Nous verrons dans notre revue de littérature que cette transposition est généralement effectuée

    sans précaution dans les études de type comparatif, qui s’efforcent de mettre à jour les différences

    d’attitudes entre salariés contingents et permanents en utilisant les mêmes outils de mesure

    appliqués aux deux populations. Pourtant, selon Sverke & Gallagher [2005, p.185], plusieurs

    variables fondamentales utilisées par les chercheurs travaillant sur l’implication au travail, comme

    le turnover ou la notion même d’emploi (job) doivent être manipulées avec précaution lorsque

    l’on s’intéresse à des salariés intérimaires.

    Dans le même ordre d’idée, Connelly & Gallagher [2004] remarquent, en conclusion de leur

    revue de littérature sur l’emploi contingent, que de nombreux travaux sont encore nécessaires

    5 Le salarié « permanent » ou typique est dénommé ainsi par opposition au salarié temporaire ou atypique, dont le contrat comporte un terme implicite ou explicite. Un salarié permanent est donc employé en contrat à durée indéterminée et à temps plein, sans que ce statut préjuge d’une quelconque permanence de sa relation d’emploi.

  • 15

    sur le plan théorique et empirique. Au niveau théorique, il s’agirait tout d’abord s’interroger sur la

    transférabilité des concepts et des résultats obtenus auprès de salariés permanents au cas des

    salariés atypiques. Leurs attitudes au travail peuvent-elle par exemple être conceptualisée de la

    même manière, surtout dans le cas des variables d’attitudes sensibles au temps de présence dans

    l’organisation, comme l’implication, ou les comportements de citoyenneté organisationnelle ?

    Sur le plan empirique, il est nécessaire de s’interroger sur la pertinence des outils de mesure

    élaborés à partir des travaux menés auprès de salariés permanents, avant de tenter de mettre en

    relation les variables caractérisant les relations d’emplois flexibles avec leurs conséquences

    attitudinales et comportementales. On peut par exemple se poser la question de la validité

    d’outils de mesure de l’implication intégrant la volonté de rester membre de l’organisation lorsque

    ceux-ci sont appliqués à des salarié dont la mission est par essence temporaire [ex : échelle

    d’implication affective de Meyer & Allen – 1991].

    - Au niveau managérial enfin , la gestion des salariés intérimaires constitue un véritable

    défi pour les employeurs.

    La présence de plus en plus significative d’intérimaires dans les entreprises rend nécessaire un

    questionnement sur les moyens de mobilisation les plus efficaces de cette main-d’œuvre

    particulière. Arnaud & Loriol [2002 p.11] remarquent par exemple que « la mobilisation des

    personnels externalisés sur les objectifs poursuivis dans un service ou un établissement constitue

    un véritable défi managérial, dans la mesure où il n'est plus possible d'avoir recours aux leviers

    classiques de la gestion des carrières ».

    La relation triangulaire de l’intérim pose en effet des problèmes de GRH relativement délicats. Le

    fait que les intérimaires travaillent simultanément pour deux organisations (l’entreprise de travail

    temporaire et l’entreprise utilisatrice) pose des problèmes de management. Leur relation d’emploi

    peut être qualifiée de relation d’agence multiple, dans le sens ou ces salariés doivent remplir des

    obligations vis-à-vis de plusieurs « employeurs » [Mc Lean Parks & Gallagher – 2001, p.185]. On

    peut remarquer à titre d’exemple que les variables d’environnement identifiées dans la littérature6

    comme ayant un impact potentiel sur l’implication organisationnelle (variables antécédent) sont

    en quelque sorte partagées entre les deux employeurs, selon le modèle suivant :

    6 On peut par exemple se référer aux synthèses de Cohen [2003] et Peyrat-Guillard [2002]. Les antécédents de l’implication seront détaillés dans le chapitre 3.

  • 16

    Antécédents contrôlés par l’entreprise cliente Antécédents contrôlés par l’entreprise de travail temporaire (ETT)

    Périmètre de travail (« job scope ») Autonomie Climat organisationnel

    Salaire Actions de formation Nombre de missions proposées

    Antécédents contrôlés conjointement par l’ETT et l’entreprise cliente Etat des rôles (ambiguïté ou conflit) Equité et soutien perçu Définition des tâches

    Chaque « employeur » du salarié intérimaire ne dispose alors que d’une partie des outils de gestion

    des ressources humaines susceptibles d’influer sur les attitudes des salariés intérimaires.

    Concernant cette «répartition des rôles » en matières de GRH, Kalleberg [2000 p.348] remarque

    à juste titre que les entreprises utilisatrices cherchent à transférer à l’ETT le maximum de

    responsabilités dans le domaine des ressources humaines, afin de réduire les coûts de gestion de

    la main-d’œuvre intérimaire : une telle attitude ne risque-t-elle pas d’être contre-productive dans

    le sens où l’entreprise utilisatrice se prive de leviers potentiels de mobilisation ?

    Un autre problème crucial posé par le management des salariés intérimaires est la nature de leurs

    relations avec les salariés permanents : les entreprises utilisatrices ont le choix entre diverses

    pratiques, allant de l’intégration complète au sein des équipes de travail à la séparation des

    intérimaires et des salariés permanents. Une étude récente de Bryson et Blacwell [2006] fondée

    sur l’interview de managers employant à la fois des salariés permanents et des intérimaires met en

    évidence cette dialectique entre différenciation et intégration : les auteurs remarquent de manière

    générale que l’articulation entre les pratiques de mobilisation et les stratégies de flexibilité

    quantitatives de la main d’œuvre génère des « tensions et des paradoxes » [p 207].

    Du côté des ETT, la gestion des intérimaires soulève également des questions : sachant que ces

    salariés véhiculent l’image de marque de l’ETT (surtout lorsqu’ils y travaillent depuis longtemps),

    les agences devraient mettre en place des procédures de fidélisation visant à décourager les

    meilleurs intérimaires de les quitter [Newton Mc Clurg – 1999, p.6].

    Favoriser l’implication et la mobilisation des salariés des intérimaires représente donc un défi

    pour les « employeurs » (ETT et entreprises utilisatrices) : la première étape pour relever ce défi

    consiste à bien appréhender le processus d’implication spécifique des intérimaires, ce qui peut

    permettre ensuite d’adopter des politiques et des outils mobilisation adaptés à cette population

    particulière. Le travail doctoral d’Isabelle Galois [2006] sur les outils de fidélisation des

    intérimaires est un bon exemple de ce type de démarche.

  • 17

    Ce rapide survol des enjeux de la recherche sur les formes particulières d’emploi nous a permis

    de voir que les questions soulevées par l’étude des attitudes des salariés atypiques, dont font

    partie les intérimaires, sont variées, et que ce terrain de recherche mérite d’être exploré.

    Méthodologie générale de l’étude :

    La prise en compte d’une population spécifique (les salarié intérimaires) et d’une vision élargie de

    l’implication (implication globale au travail) donnent un caractère exploratoire à notre recherche.

    Il existe toutefois un certain nombre de travaux, majoritairement anglo-saxons, qui traitent des

    impacts des situations d’emploi flexibles sur le vécu et les attitudes des salariés qui y sont soumis ;

    ce qui permet de considérer que le domaine de recherche est déjà balisé, car un certain nombre de

    résultats ont été obtenus à ce jour (pour une vue d’ensemble, on peut se reporter à Connely &

    Gallagher – 2004, ou De Cuyper & al – 2008). Notre travail a pour ambition de questionner et

    d’approfondir les travaux existants, qui sont pour la plupart fondés sur une approche

    comparative, et de proposer un modèle conceptuel permettant de tester les liens directs et

    indirects entre une forme particulière d’emploi (le contrat d’intérim), et l’implication au travail

    des salariés concernés, en adoptant une démarche adaptée à la cible étudiée. Notre objectif

    premier n’est pas de comparer le vécu de deux groupes de salariés (typiques et atypiques), mais

    d’approfondir l’étude d’une seule catégorie de salariés atypiques, afin de donner un fondement

    aux éventuelles différences d’attitudes apparaissant dans les études de type comparatif.

    Sur le plan pratique, notre objectif consiste à bâtir un modèle susceptible d’être testé, ce nous

    situe dans une démarche de recherche de type hypothético-déductive. Notre démarche de

    recherche empirique combinera approche qualitative et quantitative. Le caractère exploratoire de

    cette étude nous impose en effet d’approfondir notre connaissance des logiques et du vécu des

    différents acteurs du secteur de l’intérim. Cette condition est indispensable à l’élaboration d’un

    modèle de recherche réaliste et testable : c’est pourquoi la phase qualitative de notre recherche,

    fondée sur une série d’entretiens semi-directifs avec différents acteurs du marché de l’intérim

    revêt une grande importance.

    L’organisation de notre travail :

    Notre étude sera organisée en cinq chapitres, articulés autour de deux parties principales.

    La première partie, qui comprend deux chapitres, nous permettra de faire le point sur notre objet

    d’étude. Le premier chapitre sera consacré au concept d’implication au travail : nous y

    retracerons l’évolution des recherches menées dans le domaine, en montrant que la prise en

    compte du caractère multidimensionnel de l’implication conduit à adopter une vision

  • 18

    synthétique, fondée sur une définition intégrative de l’implication. Nous proposerons pour

    terminer un modèle inspiré des travaux de synthèse mentionnés, permettant de prendre en

    compte simultanément plusieurs dimensions et plusieurs objets d’implication.

    Le deuxième chapitre sera consacré au recensement des recherches menées sur l’implication des

    salariés en relation d’emploi temporaire. Après une clarification de la notion d’emploi flexible et

    une étude plus approfondie de la relation d’emploi intérimaire, nous effectuerons une revue des

    travaux conceptuels et empiriques consacrés aux attitudes des salariés temporaires. Nous verrons

    à cette occasion que ces recherches, quasi exclusivement consacrées à l’implication

    organisationnelle, présentent des résultats contradictoires, ce qui amène à formuler un certain

    nombre de questions de recherche, qui serviront à structurer notre étude de terrain.

    La seconde partie de notre travail sera consacrée à la recherche proprement dite. Les trois

    chapitres qui composent cette partie correspondent aux trois phases de l’enquête menée sur le

    terrain : l’étude qualitative permettant l’élaboration du modèle de recherche et formulation des

    hypothèse, la préparation des outils, et enfin le test des hypothèses et la discussion des résultats

    obtenus.

    Le troisième chapitre sera donc consacré à l’élaboration de notre cadre de recherche. Une étude

    qualitative exploratoire sera tout d’abord entreprise, afin de compléter les résultats issus de la

    revue de littérature, et recueillir les informations nécessaires à l’élaboration de notre modèle de

    recherche. Chacune des questions de recherche formulée à l’issue de la revue de littérature

    donnera lieu à l’élaboration d’un cadre conceptuel, qui permettra de sélectionner un certain

    nombre de variables pertinentes, et formuler plusieurs hypothèses destinées à être testées auprès

    d’un échantillon de salariés intérimaires.

    Le quatrième chapitre, entièrement consacré à l’élaboration et la vérification de la fiabilité de

    notre questionnaire de recherche, nous permettra d’adapter l’outil au public visé, et d’épurer les

    échelles de mesure afin de les rendre plus fiables.

    Le dernier chapitre de notre étude comprendra l’exploitation des données recueillies par

    questionnaire, le test des hypothèses et la discussion des résultats obtenus : nous pourrons à cette

    occasion évaluer la pertinence du réseau de relations unissant les différentes variables

    sélectionnées dans notre modèle de recherche.

  • 19

    PREMIERE PARTIE

    IMPLICATION AU TRAVAIL

    ET RELATIONS D’EMPLOI ATYPIQUES :

    UNE REVUE DE LA LITTERATURE

    CHAPITRE 1 :

    L’implication au travail : une approche

    multidimensionnelle

    CHAPITRE 2 :

    L’implication au travail des salariés intérimaires :

    les paradoxes de la flexibilité

  • 20

    CHAPITRE 1 L’implication au travail : une approche multidimensionnelle

    PLAN DU CHAPITRE :

    INTRODUCTION...................................................................................................................21

    SECTION 1. LE CONCEPT D’IMPLICATION EN GRH : UNE APPROCHE MULTIDIMENSIONNELLE................................................................................................22

    1. L’IMPLICATION : UNE APPROCHE ATTITUDINALE................................................................23 1.1 Le concept d’attitude..................................................................................................23 1.2 L’implication au travail comme attitude particulière face à des « objets » liés à la

    sphère professionnelle de l’individu .................................................................................24 1.3 Les déterminants de l’attitude d’implication au travail (affects ou comportements ?)

    ...........................................................................................................................................25 2. L’IMPLICATION : UNE ATTITUDE MULTIFORME ..................................................................28

    2.1 La multiplicité des formes d’implication (multidimensionnalité « interne »).............29 2.2 La multiplicité des objets de l’implication.................................................................32 2.3 Synthèse : une multidimensionnalité « duale »...........................................................42

    3 LE CHOIX D’UNE DEFINITION ET D’UNE CONCEPTUALISATION DE L’IMPLICATION ..............43 3.1 Les diverses tentatives de définition ..........................................................................43 3.2 Le choix d’une approche intégrative .........................................................................45

    SYNTHESE DE LA SECTION 1 ..................................................................................................52

    SECTION 2. L’IMPLICATION GLOBALE AU TRAVAIL (WORK COMMITMENT) : NOTRE CADRE D’ETUDE ..................................................................................................53

    1. LE CONCEPT D’IMPLICATION GLOBALE AU TRAVAIL (« WORK COMMITMENT ») ...............53 1.1 Le concept et son intérêt empirique ............................................................................53 1.2 Les modèles d’implication globale ............................................................................57

    2. LES QUESTIONS THEORIQUES ET EMPIRIQUES SOULEVEES PAR LE CONCEPT D’IMPLICATION GLOBALE................................................................................................................................73

    2.1 Le problème du chevauchement entre les objets d’implication ..................................73 2.2 Le problème du choix des cibles d’implication..........................................................76 2.3. Les questions soulevées par le choix des instruments de mesure ..............................77

    3. PROPOSITION D’UN CADRE D’ETUDE POUR L’IMPLICATION GLOBALE .................................79 3.1. Le choix des objets d’implication ..............................................................................79 3.2. Un modèle-cadre d’implication globale ....................................................................81

    SYNTHESE DE LA SECTION 2...................................................................................................83

    CONCLUSION DU CHAPITRE...........................................................................................84

  • 21

    Introduction L’implication au travail est aujourd’hui un domaine d’étude important en gestion des ressources

    humaines. Plusieurs raisons peuvent expliquer l’intérêt pour ce champ de recherche :

    Au niveau théorique tout d’abord, l’implication est un concept très large, qui permet d’expliciter

    les liens que l’individu entretient avec son travail [Thévenet – 2002]. Le terme travail englobe tous

    les domaines qui composent la sphère professionnelle : l’emploi occupé, le métier, la carrière,

    l’organisation, les collègues de travail, voire le syndicat d’appartenance ou les clients.

    Les recherches théoriques sur l’implication se sont développées dans le sillage des travaux sur les

    attitudes au travail, traitant de la satisfaction et de la motivation au travail, avec pour objectif de

    mieux appréhender les causes de certains comportements organisationnels problématiques,

    comme l’absentéisme ou le turnover [Mowday & al. – 1982]. Ces recherches sont très

    majoritairement menées sur des domaines spécifiques de l’implication, pris isolément :

    l’organisation et l’emploi constituant par exemple les deux champs d’implication les plus

    largement explorés à l’heure actuelle.

    Au niveau empirique, l’implication retient l’attention des praticiens, car son lien avec certains

    comportements au travail particulièrement recherchés par les managers a été souvent établi : les

    salariés impliqués dans leur entreprise ou leur carrière seraient par exemple moins absentéistes

    [Mowday & al – 1982 ; Mathieu & Zajac 1990], plus fidèles à leur entreprise [Mathieu & Zajac –

    1990 ; Allen & Meyer - 1996], et davantage enclins à faire des efforts [Mowday & al. – 1982 ;

    Sager & Johnson - 1989] et adopter des comportements citoyens [Organ & Ryan - 1995].

    Le concept d’implication a donné lieu à une littérature très abondante en GRH, incorporant des

    définitions et des théorisations très variées. Une présentation des différentes approches du

    concept d’implication, qui nous permettra d’en délimiter les contours et de proposer une

    définition constitue donc un préalable indispensable à toute étude empirique (section 1)

    Nous nous intéresserons en second lieu au concept d’implication globale au travail (work

    commitment), qui constitue le cadre de notre étude (section 2).

  • 22

    Section 1. Le concept d’implication en GRH : une approche multidimensionnelle

    Il existe une littérature abondante sur l’implication en GRH, qui s’est beaucoup développée

    depuis le milieu des années 1980, à la suite de certains travaux de synthèse (ex : la méta analyse de

    P. Morrow sur les divers objets de l’implication en 1983, ou l’ouvrage de synthèse de R.

    Mowday et ses collègues sur l’implication organisationnelle en 1982).

    L’implication est une notion complexe : la preuve en est que l’un des ouvrages majeurs dans le

    domaine, écrit par Paula Morrow7 ne définit tout simplement pas ce qu’est l’implication. L’auteur

    utilise une approche indirecte, en indiquant en introduction que l’absence d’implication est la

    cause de comportements problématiques dans les organisations (absentéisme, turnover, absence

    d’effort, vol, insatisfaction au travail….), avant de s’intéresser aux divers objets de l’implication au

    travail8.

    Maurice Thévenet, dans un ouvrage plus récent (« Le plaisir de travailler » – 2004), remarque que

    certains auteurs (il cite Jeffrey Pfeffer) « ne s’épuisent pas à définir le concept d’implication pas

    plus que ne le font les dirigeants qui cherchent désespérément à créer ou augmenter l’implication

    de leurs salariés ». M. Thévenet lui-même propose une voie « phénoménologique », en

    s’intéressant prioritairement aux manifestations (ou symptômes) de l’implication, dans une

    perspective méthodologique qualitative qui nous paraît proche des « théories ancrées » (Glaser &

    Strauss – 1967 ; voir Duchene & Savoie-Zajac – 2005 pour une application au domaine de

    l’implication dans la profession).

    Nous tenterons dans cette première section de faire le point sur les différentes conceptualisations

    et typologies de l’implication (1), avant d’en proposer une définition (2), puis de présenter un

    modèle synthétique de l’implication au travail, inspiré des travaux récents de J.P Meyer et L.

    Herscovitch (3).

    7 “The theory and measurement of work commitment” (JAI press – 1993) 8 Dans le même esprit, l’ouvrage de synthèse de Meyer & Allen [1997, p.3 ] débute par une description de ce qu’est un salarié impliqué, avant de proposer plus loin une définition

  • 23

    1. L’implication : une approche attitudinale La vision de l’implication la plus usitée en GRH prend sa source dans les travaux de psychologie

    sociale. Ces approches mobilisent les concepts d’attitude ou d’engagement pour étudier le lien

    entre un sujet et un objet (le travail ou ses composantes).

    Le concept même d’attitude doit donc être envisagé rapidement, avant de mettre l’accent sur la

    façon dont il est mobilisé dans l’étude de l’implication.

    1.1 Le concept d’attitude Il est généralement admis que les attitudes comportent trois dimensions (affective, cognitive et

    conative), ainsi résumées dans une définition courante : « Les attitudes correspondent à des

    tendances à évaluer une entité avec un certain degré de faveur ou de défaveur, habituellement

    exprimées dans des réponses cognitives, affectives et comportementales » [Eagly et Chaiken,

    1993 p1]. Les entités dont il est question peuvent être des objets, des évènements, des personnes

    ou des institutions ; elles sont par essence inobservables, et doivent être inférées à partir de

    réponses mesurables [Ajzen – 2005, p3].

    Cette distinction entre les trois composantes des attitudes, due à Rosenberg & Hovland [1960] a

    été progressivement enrichie par des auteurs qui ont mis en évidence un aspect dynamique et

    séquentiel dans leur articulation. Selon le modèle théorique de l’action raisonnée [Ajzen &

    Fishbein – 1980], on considère par exemple que les intentions d’action des individus par rapport

    à une entité sont déterminées par les attitudes (degré d’affect vis-à-vis de l’entité) et les croyances

    portant sur cette entité. L’intention d’action (dimension conative de l’attitude) est ici considérée

    comme la résultante d’une combinaison entre affects et croyances.

    Figure 1 La théorie de l’action raisonnée (d’après Fishbein & Ajzen – 1975 p.16)

    Croyances portant sur les résultats du comportement

    Croyances portant sur le

    jugement des groupes

    de référence concernant

    le comportement

    Attitude vis-à-vis du comportement

    Norme

    subjective

    Intention Comportement

    Importance relative des

    considérations attitudinales

    et normatives

    Croyances portant sur les résultats du comportement

    Croyances portant sur le

    jugement des groupes

    de référence concernant

    le comportement

    Attitude vis-à-vis du comportement

    Norme

    subjective

    Intention Comportement

    Importance relative des

    considérations attitudinales

    et normatives

    Cette vision séquentielle, qui réserve la dénomination d’attitude à une combinaison d’affects et de

    cognitions envers un objet est notamment adoptée sous une forme modifiée par J.P. Neveu dans

    son étude portant sur l’intention de départ des cadres [Neveu – 1993].

  • 24

    1.2 L’implication au travail comme attitude particulière face à des « objets » liés à la sphère professionnelle de l’individu Envisager l’implication au travail comme une attitude nous amène naturellement à lui attribuer

    les trois composantes habituellement associées au concept [voir Brasseur & Mzabi – 2003]. On

    constate pourtant que très peu d’auteurs traitant de l’implication au travail comme une attitude

    mobilisant simultanément les composantes affective/cognitive/conative pour les intégrer à leur

    définition (il existe quelques exceptions : Blau – 1985 ; Bijeire– 1996 ). Il existe certes plusieurs

    conceptualisations tri-dimensionnelles de l’implication professionnelle [Meyer & Allen- 1991,

    O’Reilly & Chatman- 1986 , Penley & Gould – 1988, Jaros & al. 1993] qui seront détaillées plus

    loin, mais aucune d’entre elles n’est explicitement fondée sur la combinaison

    affectif/cognitif/conatif.

    Certains auteurs [Neveu - 1993, précédemment cité ; Mc Caul & al – 1995 ; Cohen – 2003 p.116]

    nous paraissent éclairer le débat, en se référant explicitement à la théorie de l’action raisonnée

    d’Ajzen & Fishbein [1975] dans le domaine de l’implication au travail pour considérer que

    l’intention d’action dérive de l’attitude générale envers l’objet considéré. Ce positionnement

    permet de définir l’implication en utilisant les dimensions affectives et/ou cognitives, et d’utiliser

    des variables d’intention comme indicateurs de cette implication.

    Une telle approche semble pertinente dans notre cadre d’étude de l’implication, car elle permet

    d’éviter un problème méthodologique propre à certains travaux empiriques portant sur

    l’implication au travail :

    On peut en effet noter que de nombreuses études portant sur l’implication dans l’organisation, la

    profession ou le travail en général cherchent à mesurer les conséquences (variables dépendantes)

    de l’implication (considérée comme variable indépendante). Parmi ces variables indépendantes,

    on trouve des construits décrivant des comportements effectifs comme l’absentéisme [ Mowday

    & al. – 1982], l’effort [Randall & al - 1991], ou les comportements de citoyenneté

    organisationnelle [Gregersen – 1993]. On trouve également des variables décrivant des

    intentions : intention de quitter l’organisation [ Mowday & al. 1982], ou intention de quitter la

    profession [ Blau – 1988].

    Or, comme le font remarquer T. Pittinsky & M. Shea dans une étude récente sur la mobilité et

    l’implication, si on utilise une définition et un outil de mesure de l’implication incorporant une

    dimension conative (ex : intention de rester membre de l’organisation), on se retrouve alors dans

    une situation de chevauchement entre variables dépendantes et indépendantes lorsque l’on

    étudie des variables d’intention (ex : intention de rester) comme conséquence de l’implication.

    Autrement dit, les chercheurs incorporent l’intention de rester dans leur définition de

    l’implication, puis essaient de prédire l’intention de rester à partir de l’implication [Pittinsky &

  • 25

    Shea – 2004]. Ce chevauchement, déjà noté par Reichers [1985] et Thévenet [1992], peut par

    exemple être constaté dans les études qui utilisent la définition et l’outil de mesure de

    l’implication de R. Mowday et ses collègues (Organizational commitment questionnaire – Mowday,

    Porter & Steer – 1979) pour essayer de prédire l’intention de départ [ex : Mowday & al. – 1982 ;

    Angle & Perry – 1981]. Notons cependant que cette difficulté concerne uniquement les travaux

    dans lesquelles l’outil de mesure de la variable indépendante incorpore la variable dépendante, ce

    qui n’est pas toujours le cas.

    1.3 Les déterminants de l’attitude d’implication au travail (affects ou comportements ?) Même si l’implication est généralement envisagée comme une attitude intégrant plusieurs

    composantes, il faut noter que les auteurs ont commencé par explorer ces composantes

    séparément : on peut, comme le fait J.P. Neveu , distinguer un courant « transactionnel », mettant

    l’accent sur l’aspect calculé ou instrumental de la relation de travail , et un courant

    « relationnel », mettant l’accent sur l’aspect affectif de cette relation [Neveu – 2002, p.27].

    Les approches affectives de l’implication traitent par exemple de l’adhésion aux buts et aux

    valeurs de l’organisation ou de la profession [ex : Mowday & al. 1982 ; Aryana & al. – 1981 ] ou

    de l’identification psychologique de l’individu à son travail [ex : Lohdal & Kejner – 1965]. Les

    approches instrumentales se basent par exemple sur un arbitrage entre les bénéfices liés à la

    participation à une organisation ou une profession et les coûts liés à l’abandon de cette

    organisation ou cette profession [ex : Becker – 1960 ; Alutto & al. - 1973].

    Ces deux approches font référence à des cadres théoriques différents, mais ne sont pas forcément

    antagonistes : il est possible de les articuler, en suivant l’approche proposée par Salancik [1977],

    résumée par Commeiras [1994 p. 67].

    Salancik propose de différencier l’implication attitudinale, perçue comme une identification aux

    buts et aux valeurs de l’organisation et l’implication comportementale, envisagée comme résultant

    des investissements engagés par le salarié vis-à-vis de l’objet d’implication (l’organisation, dans ce

    cas). On voit donc dans un cas que l’implication correspond à un attachement psychologique de

    l’individu à l’objet d’implication (dimension affective de l’attitude) et dans le second cas que cette

    implication est générée par un jugement porté sur les comportements passés de l’individu

    (dimension cognitive, résultant d’un calcul et d’un jugement). Cette typologie bi-dimensionnelle,

    qui se retrouve sous des formes différentes chez un certain nombre d’auteurs [ex : Thévenet –

  • 26

    1992 ; Allen & Meyer – 1984]9 va être brièvement présentée, avant d’envisager la manière dont les

    deux perspectives sont articulées.

    1.3.1 L’implication attitudinale (affective) Selon cette approche, un individu impliqué s’identifie aux buts et aux valeurs de l’entité

    d’implication (ex : son organisation, sa profession ou son syndicat). Ce type d’implication a été

    largement étudié vis-à-vis de l’organisation sous des dénominations diverses : outre l’expression

    d’implication attitudinale [Staw& al. – 1977], on trouve également la notion d’implication

    organisationnelle affective [Meyer & Allen – 1991] , implication organisationnelle [Mowday & al -

    1982] , ou encore implication par internalisation [O’Reilly & Chatman – 1986]. Les approches

    multidimensionnelles de l’implication que nous développerons au paragraphe suivant comportent

    toutes une dimension affective, qui sera abordée alors de manière plus détaillée.

    1.3.2 L’implication comportementale (calculée) L’étude de la dimension comportementale de l’implication doit beaucoup à H. Becker [1960], qui

    a développé le concept, largement repris, de « side-bets » : il s’agit d’investissements

    comportementaux particuliers réalisés par un individu dans une organisation (ex : niveau

    hiérarchique atteint, compétences acquises, construction d’un réseau relationnel), qui peuvent

    être perdus car non transférables, à partir du moment où il quitte cette organisation.

    De manière générale, plus ces « investissements irrécupérables », qui correspondent à la notion de

    « side-bets »10. ont été importants vis-à-vis d’une entité professionnelle (organisation, profession,

    syndicat…), plus les coûts engendrés par l’abandon de cette entité seront importants. Le salarié

    peut donc juger qu’il est dans son intérêt de poursuivre sa relation avec l’entité considérée et

    développer une implication particulière : l’implication à continuer (« continuance commitment » ;

    Kanter – 1968). Cette implication à continuer peut être comprise, comme le fait J.P. Neveu

    [1993- p.108], dans le cadre de la théorie de la dissonance cognitive [Festinger – 1957 ; Poitou -

    1974] : l’individu « bloqué » dans son entreprise par ses investissements passés peut se retrouver

    en situation de dissonance cognitive s’il souhaite par exemple quitter l’organisation, mais que

    cette décision lui apparaît trop coûteuse : il va alors tenter d’éviter de se retrouver en

    contradiction avec lui-même, en réduisant cette dissonance cognitive. Adopter une attitude

    positive envers l’organisation et/ou s’impliquer dans cette organisation va lui permettre de

    9 Pour les points commun et les différences au sein de ces différentes typologie, voir Commeiras [1994 - p 67 et suivantes] 10 J.P. Neveu propose le terme de « gages concurrents » pour traduire la notion de « side bets ». Il est également possible d’utiliser la notion économique de coûts irrecouvrables (sunk costs), qui représentent les investissements non récupérables réalisés par les individus ou les firmes pour accéder à un marché. La prise en compte de tels coûts au niveau du capital humain de l’individu constitue un frein à sa mobilité, ce qui correspond tout à fait à la notion de « side bets » proposée par H. Becker.

  • 27

    « maximiser » les aspects positifs issus de ses comportements passés (expérience, expertise,

    rémunération…) et minimiser les aspects négatifs (la sensation d’être « enfermé » dans son

    organisation).

    On peut noter, en accord avec Commeiras [1994 – p 67] que cette implication à continuer, si elle

    relève d’un jugement et d’un calcul, correspond à une notion plus précise qu’un simple calcul

    coût/avantage, tel qu’il apparaît par exemple dans la conception de l’implication calculée

    développée par Alutto & al. [1973]11, ou plus généralement dans les approches transactionnelles

    fondées sur l’échange réciproque [Homans – 1960] ou la décision de participer en fonction des

    avantages perçus [March & Simon- 1958].

    On peut aussi remarquer que l’implication à continuer apparaît moins « positive » que

    l’implication affective : l’individu s’implique parce qu’il s’y sent obligé, et non parce qu’il le désire.

    Plusieurs recherches ont utilisé la notion d’implication à continuer pour montrer que certains

    individus pouvaient se retrouver prisonniers de leurs investissements passés au point d’adopter

    des conduites apparemment irrationnelles : il s’agit des cas « d’implication-surenchère12» dans

    lesquels des salariés en viennent à adopter des comportements contraires à leurs intérêts, par

    souci de cohérence [ex : Staw – 1976 ; Bockner & al. – 1981 ; Keil – 1995 ; Biyalogorsky & al.

    2006 ]. Une étude expérimentale fondatrice de Staw [1976] montre par exemple que des salariés

    placés en position de décideurs avaient tendance à poursuivre une ligne de conduite

    précédemment choisie (en l’occurrence l’allocation de ressources à un projet industriel) malgré

    l’échec de cette stratégie.

    Des travaux récents [Herrbach – 2005] confirment par ailleurs que l’implication calculée est plus

    souvent accompagnée d’états affectifs négatifs, et que l’implication affective s’accompagne plus

    souvent d’états affectifs positifs.

    1.3.3. L’articulation des deux approches (schéma en boucle) Les deux approches présentées ci-dessus ne sont pas forcément exclusives : nous verrons plus

    loin que la majorité des travaux actuels considèrent que l’implication peut simultanément

    présenter une dimension comportementale et attitudinale. Staw & Salancik [1977] proposent une

    vision dynamique, en considérant qu’il existe un cycle attitude/comportement dans le processus

    d’implication : par exemple, un salarié impliqué dans son organisation va avoir tendance à adopter

    des comportements lui permettant de demeurer dans cette organisation, lesquels comportements

    11 Alutto et ses collègues mesurent le degré d’implication calculée par la propension de l’individu à quitter son organisation ou sa profession si on lui propose de meilleures conditions (salaire, responsabilités…) dans une autre organisation ou profession. 12 voir Neveu – 1993 p. 110 pour une présentation détaillée

  • 28

    vont lui permettre, le cas échéant, d’accumuler des expériences de travail positives qui viendront

    renforcer son attitude initiale vis-à-vis de l’organisation.

    Les ouvrages de synthèse de Mowday & al. [1982] et de Meyer & Allen [1997] présentent

    également une vision cyclique : les comportements passés peuvent ainsi apparaître comme un

    antécédent de l’attitude d’implication. On peut finalement intégrer les deux approches distinguées

    par Staw et Salancik, et représenter le processus attitude/comportement par le schéma suivant :

    Figure 2 Implication attitudinale et comportementale

    Implication attitudinale Comportements

    traduisant l’implication

    Expériences de travailpositives

    Investissements irrécupérables(« side-bets »)

    Implication comportementale

    Implication attitudinale Comportements

    traduisant l’implication

    Expériences de travailpositives

    Investissements irrécupérables(« side-bets »)

    Implication comportementale

    2. L’implication : une attitude multiforme Comme nous venons de le voir, l’implication est de plus en plus envisagée en GRH comme un

    concept multidimensionnel, appartenant au domaine général des attitudes, telles qu’elles sont

    envisagées en psychologie sociale.

    On peut identifier dans la littérature deux approches de cette multidimensionnalité : une

    conception « interne », dans laquelle l’implication est considérée comme une attitude dont la

    nature est multidimensionnelle (comportant le plus souvent au moins une dimension affective et

    une dimension cognitive/calculée), et une conception « externe », dans laquelle l’implication au

    travail est considérée comme une attitude dont les objets ou cibles sont multiples (organisation

    emploi, métier….). Ces deux approches de la multiplicité sont parfois combinées chez certains

    auteurs [ex : Meyer & Allen – 1997, p.21 ; Meyer & Herscovitch – 2001], pour aboutir à une

    vision intégrative d’une relative complexité. Nous allons envisager successivement ces deux

    conceptions de la multidimensionnalité, en abordant les principales représentations de

    l’implication en GRH.

    Les approches que nous allons présenter dans les développements à venir s’appuient en général

    sur l’exemple de l’implication organisationnelle. La transposition des conclusions tirées de l’étude

    de l’implication organisationnelle vers les autres objets appartenant à la sphère professionnelle

    des individus (métier, travail, syndicat …) a été réalisée par plusieurs auteurs (ex : Meyer & Allen

  • 29

    – 1993 pour l’implication dans le métier ; Kelloway & al. – 1992 pour l’implication syndicale).

    Cette transposition soulève quelques questions qui seront abordées à la fin du présent chapitre.

    2.1 La multiplicité des formes d’implication (multidimensionnalité « interne ») La plupart des auteurs proposent aujourd’hui d’envisager l’implication comme un construit

    comportant plusieurs dimensions. Ces dimensions sont variables, mais on retrouve une

    articulation commune dans la plupart des études entre un pôle affectif et un pôle instrumental

    ou « calculé », ainsi que nous l’avons envisagé au paragraphe précédent. Une troisième dimension

    est parfois ajoutée, qui diffère selon les auteurs.

    Cette multidimensionnalité n’a pas toujours été la règle : plusieurs travaux fondateurs dans le

    domaine de l’implication se sont intéressés à une dimension spécifique. On emploie souvent le

    terme d’approches « unidimensionnelles » pour qualifier les travaux de Porter & al. (implication

    affective - 1979) , Alutto & al. (implication calculée - 1973 ), Wiener & Vardi (implication

    normative - 1982). Ces approches sont qualifiées d’unidimensionnelles car elles mettent

    simplement l’accent sur une dimension particulière et non exclusive de l’implication : elles ne

    remettent pas, selon nous, en cause l’idée selon laquelle l’implication présente plusieurs

    dimensions.

    2.1.1 Recensement des conceptualisations multidimensionnelles Le tableau suivant présente les principales conceptualisations multidimensionnelles portant sur la

    nature de l’implication. On pourra remarquer que ces typologies portent quasiment toutes sur

    l’implication organisationnelle (à l’exception de Cohen – 1993 et Meyer & al – 2001), et que les

    conceptualisations les plus récentes et les plus utilisées (ex : Meyer & Allen – 1991 ; O’Reilly &

    Chatman – 1986) sont directement issues de propositions théoriques plus anciennes, mais qui

    n’ont pas toujours été testées empiriquement.

  • 30

    Tableau 1 : les conceptions multidimensionnelles de l’implication

    AUTEURS TYPOLOGIE DEFINITIONS A. Etzioni (1961) repris par Penley & Gould (1988) 3 dimensions

    - Implication morale (moral involvement) - Implication calculée (calculative involvement) - Implication aliénante (aliénative involvement)

    - acceptation et identification avec les buts de l’organisation - implication basée sur l’évaluation des récompenses reçues par rapport aux contributions effectuées - attachement contraint, provoqué par des pressions de l’environnement

    Kelman (1958) repris par O’Reilly & Chatman (1986) 3 dimensions

    - Implication par soumission ou implication instrumentale (compliance) - Implication par Internalisation (internalisation) - Implication par identification (identification)

    - implication instrumentale, liée aux récompenses reçues - implication liées à la congruence entre les valeurs de l’organisation et de l’individu - attachement fondé sur le désir de faire partie de l’organisation

    Cohen (1993) d’après O’reilly & Chatman (1986)

    - Identification - Affiliation - Implication morale (moral involvement)

    - adoption des buts et des valeurs de la cible d’implication - sentiment d’appartenance vis-à-vis de la cible d’implication - sentiment de se sentir concerné par la cible d’implication

    Caldwell, O’Reilly & Chatman (1990 ; modèle révisé) 2 dimensions

    - Implication instrumentale - Implication normative

    - l’implication instrumentale correspond à l’implication par soumission (compliance) - l’implication normative est fondée sur un partage des valeurs de l’organisation (combinaison d’implication par identification et internalisation)

    R.M. Kanter (1968) 3 dimensions

    - Implication à continuer (continuance commitment) - Implication de cohésion (cohesion commitment) - Implication contrôle (control commitment)

    - implication reposant sur des investissements et sacrifices personnels passés, qui empêchent ou rendent très coûteuse la décision de quitter l’organisation - implication reposant sur les relations sociales et l’attachement porté au groupe - Implication fondée sur l’adoption des normes propres de l’organisation par les individus

    Meyer & Allen (1991) 3 dimensions

    - Implication affective (affective commitment) - Implication à continuer (continuance commitment) - Implication normative (normative commitment)

    - attachement émotionnel, identification en engagement dans l’organisation - Implication fondées sur la prise de conscience des coûts associés au départ de l’organisation - sentiment de devoir moral vis-à-vis de l’organisation

    Meyer & Herscovich (2001) 3 dimensions

    - Implication fondée sur le désir - Implication fondée sur les coûts perçus - Implication fondée sur l’obligation perçue

    Modèle général de l’implication, généralisant l’approche tri-dimensionnelle de l’implication organisationnelle à tous les objets d’implication (voir plus loin)

  • 31

    Mc Gee & Ford (1997) 4 dimensions

    - Implication affective - Implication à continuer (sacrifices consentis) - Implication à continuer (manque d’alternatives) - Implication normative

    Mc Gee & Ford ont mis en évidence deux composantes différentes dans l’implication à continuer : une composante liée aux investissements consentis (side-bets) et une composante liée au manque d’alternatives perçues

    Jaros & al. (1993) 3 dimensions

    - Implication affective (affective commitment) - Implication à continuer (continuance commitment) - Implication morale (moral commitment)

    - degré d’attachement psychologique de l’individu envers son organisation, fondé sur des sentiments tels que la loyauté ou l’affection, - sentiment d’être « enfermé » dans une organisation en raison des coûts associés au départ - degré d’attachement psychologique fondé sur l’internalisation des buts et valeurs

    Angle & Perry13 (1981) 2 dimensions

    - Implication-valeur (value commitment) - Implication à rester (commitment to stay)

    - implication fondée sur le partage des buts de l’organisation - volonté de demeurer membre de l’organisation

    Mayer & Schoorman (1992) 2 dimensions

    -Implication -valeur (value commitment) - Implication à continuer (continance commitment)

    - Croyance et acceptation des buts de l’organisation + volonté d’exercer des efforts pour contribuer au succès de l’organisation - Désir de demeurer membre de l’organisation

    On remarque que toutes les typologies présentées isolent au moins deux dimensions dans

    l’implication : l’une d’entre elles reposant sur l’affect (désir de participer, identification

    psychologique, loyauté….) et l’autre sur les résultats d’un calcul (calcul des

    contributions/rétribution, calcul des coûts liés au départ). On retrouve bien la typologie de Staw

    & Salancik [1977] présentée plus haut.

    2.1.2. : La généralisation de l’approche tri-dimensionnelle de J.P.Meyer & N. Allen La conceptualisation tri-dimensionnelle de l’implication défendue par John Meyer & Natalie

    Allen s’est progressivement imposée et tend à se généraliser aujourd’hui. En résumé,

    l’implication y est envisagée comme « état d’esprit » (psychological state) comportant une dimension

    affective (sentiment de désir), une dimension calculée (sentiment de nécessité) et une dimension

    normative (sentiment de devoir moral).

    Les échelles de mesure mises au point par N. Allen & J. Meyer pour mesurer les trois dimensions

    de l’implication sont très majoritairement choisies par les chercheurs actuels travaillant dans le

    domaine : une méta analyse récente publiée en 2002 recensait par exemple 155 échantillons

    13 La typologie proposée par Angle & Perry, est le résultat d’une analyse factorielle du questionnaire de mesure de l’implication de Porter & al. (OCQ : organizational commitment questionnaire) : cet outil de mesure était en principe censé mesurer la seule dimension affective de l’implication organisationnelle ; or, les analyses font apparaître une structure bi-factorielle, reflétant une dimension affective et une dimension « calculée » (mesurée par l’intention de rester membre de l’organisation).

  • 32

    représentant plus de 50.000 employés [Meyer, Stanley, Herscovitch & Topolnytsky – 2002], dans

    lesquels l’implication était mesurée de manière tri-dimensionnelle.

    Cette approche semble s’être imposée en raison de sa cohérence et de la fiabilité des instruments

    de mesure associés. Il semble également que les conceptualisations concurrentes présentent

    certaines limites [voir par exemple Commeiras – 1994], que nous allons envisager rapidement :

    - L’approche tri-dimensionnelle proposée par O’reilly & Chatman [1986] est celle qui a suscité le

    plus de travaux [ex : Caldwell & al. 1990 ; Orpen -1993 ; Vandenberg & al. – 1994 ]. Elle pose

    des problèmes de validation en raison de la trop forte corrélation entre les dimensions

    d’internalisation et d’identification. On peut noter que les auteurs ont eux-mêmes pris en compte

    cette difficulté en agrégeant ces deux dimensions dans une dimension « normative », dans un

    modèle révisé de l’implication [Caldwell, O’Reilly & Chatman – 1990]. Meyer & al. [2001]

    remarquent par ailleurs que la dimension « instrumentale » (compliance commitment) corrèle

    positivement avec le turnover, ce qui apparaît contradictoire avec la définition même de

    l’implication organisationnelle comme volonté de poursuivre la relation avec l’organisation.

    En ce qui concerne la conceptualisation tri-dimensionnelle de Penley & Gould [1988], un

    problème se pose avec la dimension « aliénante » de l’implication. Les auteurs définissent

    l’implication aliénante comme un attachement affectif à l’organisation, ce qui paraît pour le moins

    paradoxal et redondant avec la dimension affective [voir Commeiras – 1994 p. 93]. Par ailleurs,

    leur outil de mesure n’a pas été suffisamment testé pour pouvoir se prononcer sur sa validité.

    2.2 La multiplicité des objets de l’implication La grande majorité des approches théoriques multidimensionnelles que nous venons d’envisager

    portent sur un objet particulier d’implication : l’organisation. Cette focalisation est parfaitement

    compréhensible dans une perspective de gestion des ressources humaines : l’implication apparaît

    en effet comme un déterminant plus ou moins direct de comportements organisationnels dont

    les impacts positifs (effort, comportements citoyens) ou négatifs (turnover, absentéisme) sont

    indiscutables.

    Il semble tout de même réducteur de considérer que l’implication au travail ne puisse concerner

    que cette dimension. C’est pourquoi une autre vision de la multidimensionnalité

    (multidimensionnalité des cibles ou objets) s’est progressivement développée suite à l’article de

    synthèse fondateur de P. Morrow publié en 198314 L’auteur y recense les différentes approches

    de l’implication professionnelle disponibles dans la littérature, ce qui l’amène à constater une

    14 “Concept redundancy in organizational theory : the case of work commitment”.(1983)- Academy of management review 8(3).

  • 33

    grande variabilité dans les objets (et les définitions) de l’implication. Après avoir isolé plus de 30

    « formes » d’implications différentes, elle propose une taxonomie, encore largement utilisée

    aujourd’hui, des différentes « cibles d’implication » (focus of commitment). Cette taxonomie regroupe

    les différents construits relevés dans la littérature en 5 grandes catégories :

    Tableau 2 : Les cibles universelles d’implication [ d’après Morrow – 1983]

    CIBLES CONSTRUITS ASSOCIES (EXEMPLES) Valeurs du travail (value focus)

    - Ethique protestante du travail [Mirrel & Garrett – 1971] - Implication dans le travail [Kanungo – 1982]

    Carrière (career focus)

    - Implication dans la carrière [Greenhaus – 1971] - Implication dans la profession [Aranya