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DROIT ADMINISTRATIF II Cours de M. Michel ERPELDING Travaux dirigés de Mme Eva CHARTIER 1 re séance : Classification et régime des AAU Documents : 1) Classification des AAU - Document n° 1 – CE, 5 octobre 2015, Comité d’entreprise du siège de l’Ifremer - Document n° 2 – CE, 15 mars 2017, Association Bail à part - Document n° 3 – CE Sect., 18 décembre 2002, Mme Duvignères - Document n° 4 – CE Ass., 21 mars 2016, Soc. Fairvesta et Soc. Numericable (2 arrêts) - Document n° 5 – CE Ass., 17 février 1995, Hardouin et Marie (2 arrêts) - Document n° 6 - CE, 30 novembre 1990, Association « Les Verts » - Document n° 7 - CE, 2 novembre 2005, Association Coordination des syndicats de marais de la baie de l’Aiguillon 2) Régime des AAU - Document n° 8 – CE Sect., 28 avril 2014, Anchling et autres - Document n° 9 – Code des relations entre le public et l’administration (extraits) - Document n° 10 – CE Ass., 13 juillet 2016, Czabaj - Document n° 11 – CE Ass., 18 mai 2018, CFDT Finances

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DROIT ADMINISTRATIF II

Cours de M. Michel ERPELDING

Travaux dirigés de Mme Eva CHARTIER

1 re séance   : Classification et régime des AAU

Documents :

1) Classification des AAU

- Document n° 1 – CE, 5 octobre 2015, Comité d’entreprise du siège de l’Ifremer- Document n° 2 – CE, 15 mars 2017, Association Bail à part- Document n° 3 – CE Sect., 18 décembre 2002, Mme Duvignères- Document n° 4 – CE Ass., 21 mars 2016, Soc. Fairvesta et Soc. Numericable (2 arrêts)- Document n° 5 – CE Ass., 17 février 1995, Hardouin et Marie (2 arrêts)- Document n° 6 - CE, 30 novembre 1990, Association « Les Verts »- Document n° 7 - CE, 2 novembre 2005, Association Coordination des syndicats de marais

de la baie de l’Aiguillon

2) Régime des AAU

- Document n° 8 – CE Sect., 28 avril 2014, Anchling et autres- Document n° 9 – Code des relations entre le public et l’administration (extraits)- Document n° 10 – CE Ass., 13 juillet 2016, Czabaj- Document n° 11 – CE Ass., 18 mai 2018, CFDT Finances

Exercice   : Dissertation : « Le droit administratif et le principe de sécurité juridique ». Rédigez entièrement

l’introduction et les transitions entre les parties. Prévoyez un plan détaillé en deux parties, deux sous-parties, avec environ quatre idées par sous-partie.

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Document n° 1 – CE, 5 octobre 2015, Comité d’entreprise du siège de l’Ifremer

Vu les procédures suivantes :1° Sous le n° 387899, par une requête enregistrée le 12 février 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le comité d’entreprise du siège de l’Ifremer, le syndicat CGT-Ifremer et la fédération de l’éducation, de la recherche et de la culture (FERC-CGT) demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du Premier ministre du 18 décembre 2014 de transférer le siège de l'Ifremer à Brest-Plouzané (Finistère) ;2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement des sommes de 3 000 euros au comité d'entreprise de l'Ifremer et de 500 euros chacun au syndicat CGT-Ifremer et à la FERC-CGT au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 388524, par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 6 mars et 8 juin 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la fédération générale des mines et de la métallurgie (FGMM-CFDT) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la même décision ;2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 500 euros à la FGMM CFDT au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. […]

1. Considérant que les requêtes du comité d’entreprise du siège de l’Ifremer, de la CGT Ifremer et de la FERC-CGT, d’une part, et de la FGMM-CFDT, d’autre part, sont dirigées contre le même acte ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

2. Considérant que si, dans un discours prononcé à Brest le 18 décembre 2014, le Premier ministre a entendu confirmer la « décision » de « transfert du siège social d’Ifremer » dans cette ville que son prédécesseur avait déjà annoncée le 13 décembre 2013, il y est spécifié qu’il s’agit d’un engagement à concrétiser ; que d’ailleurs, par un courrier daté du 17 décembre 2014, les ministres de tutelle de cet établissement public, après avoir rappelé l’annonce du « principe d’un transfert du siège de l’Ifremer sur le pôle brestois » ont demandé à son directeur général de « préparer le transfert sur le campus Ifremer de Brest-Plouzané du siège » ; que ces annonces, qui sont dépourvues par elles-mêmes de tout effet juridique direct, ne révèlent pas l’existence d’une décision susceptible d’être attaquée par la voie du recours en excès de pouvoir ; qu’il suit de là que la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche est fondée à soutenir que les requêtes sont irrecevables ; qu’elles doivent, dès lors, être rejetées ; […]

Document n° 3 – CE, 15 mars 2017, Association Bail à part

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un nouveau mémoire enregistrés le 10 juillet 2015 et le 23 février 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Bail à part, tremplin pour le logement demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision révélée par le discours prononcé par le Premier ministre le 29 août 2014 de ne mettre en oeuvre l'encadrement des loyers prévu par la loi du 24 mars 2014 qu'à Paris, à titre expérimental ;2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. […]

1. Considérant que, dans un discours prononcé à Paris le 29 août 2014, le Premier ministre a tenu les propos suivants au sujet du dispositif d'encadrement des loyers prévu notamment par l'article 17 de la loi du 6 juillet 1989, dans sa rédaction issue de la loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové : « Nous avons désormais assez de recul pour juger des difficultés de sa mise en oeuvre. Tous les acteurs le disent : les conditions techniques ne sont pas réunies, et ne le seront pas avant des mois, voire des années. C'est notamment le cas pour la collecte des données des loyers. Cette situation complexe génère trop d'incertitude pour les investisseurs. Le dispositif sera donc appliqué à titre expérimental à Paris. Il ne sera pas étendu aux autres agglomérations concernées tant qu'un bilan sur sa mise en oeuvre n'aura pas été réalisé » ; que, par une nouvelle déclaration du 31 août 2014, le Premier ministre a précisé que le dispositif d'encadrement des loyers créé par la loi du 24 mars 2014 pouvait également être expérimenté à Lille ; que l'association Bail à part, tremplin pour le logement demande l'annulation pour excès de pouvoir de la déclaration du 29 août précitée, complétée par celle du 31 août ;

Sur la recevabilité de la requête :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du I de l'article 17 de la loi du 6 juillet 1989, dans sa rédaction issue de la loi du 24 mars 2014 : « Les zones d'urbanisation continue de plus de 50 000 habitants où il existe un

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déséquilibre marqué entre l'offre et la demande de logements, entraînant des difficultés sérieuses d'accès au logement sur l'ensemble du parc résidentiel existant, qui se caractérisent notamment par le niveau élevé des loyers, le niveau élevé des prix d'acquisition des logements anciens ou le nombre élevé de demandes de logement par rapport au nombre d'emménagements annuels dans le parc locatif social, sont dotées d'un observatoire local des loyers prévu à l'article 16 de la présente loi. Un décret fixe la liste des communes comprises dans ces zones. / Dans ces zones, le représentant de l'Etat dans le département fixe chaque année, par arrêté, un loyer de référence, un loyer de référence majoré et un loyer de référence minoré, exprimés par un prix au mètre carré de surface habitable, par catégorie de logement et par secteur géographique. [...] » ; que les déclarations litigieuses révèlent la décision du Premier ministre de ne mettre en oeuvre ces dispositions législatives que dans les agglomérations de Paris et Lille et de subordonner à la réalisation d'un bilan de cette mise en oeuvre expérimentale l'application de ces mêmes dispositions dans les autres agglomérations concernées ; qu'une telle décision a le caractère d'un acte faisant grief ; […]

Sur la légalité de la décision attaquée :

4. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 2 que le Premier ministre a décidé de mettre en oeuvre les dispositions législatives précitées à titre expérimental dans les agglomérations de Paris et de Lille ; que si l'article 37-1 de la Constitution prévoit que « la loi et le règlement peuvent comporter, pour un objet et une durée limités, des dispositions à caractère expérimental », ces dispositions ne permettent pas au pouvoir réglementaire de procéder à une mise en oeuvre de la loi à titre expérimental lorsque la loi ne l'a pas elle-même prévu ; que la décision du Premier ministre révélée par ses déclarations des 29 et 31 août 2014 doit, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, être annulée ;

5. Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 € que l'association Bail à part, tremplin pour le logement demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; […]

Document n° 4 - CE Sect., 18 décembre 2002, Mme Duvignères

Vu la requête, enregistrée le 27 avril 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Joëlle X..., ; Mme X... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 23 février 2001 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a refusé de faire droit à sa demande tendant à l'abrogation, d'une part, du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique en tant que ce décret n'exclut pas l'aide personnalisée au logement des ressources à prendre en compte pour l'appréciation du droit au bénéfice de l'aide juridictionnelle et, d'autre part, dans la même mesure, de la circulaire du 26 mars 1997 ; 2°) de condamner l'Etat à lui rembourser le droit de timbre, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; […]

Considérant que la demande de Mme X..., à laquelle la lettre du 23 février 2001 du garde des sceaux, ministre de la justice, dont l'annulation est demandée, a opposé un refus, doit être regardée, contrairement à ce qui est soutenu en défense, comme tendant à l'abrogation, d'une part, du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et, d'autre part, de la circulaire du 26 mars 1997 relative à la procédure d'aide juridictionnelle en tant que ces deux textes n'excluent pas l'aide personnalisée au logement des ressources à prendre en compte pour l'appréciation du droit des intéressés au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la lettre du 23 février 2001 en tant qu'elle porte refus d'abroger partiellement le décret du 19 décembre 1991 :

Considérant que la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique prévoit que cette dernière est accordée sous condition de ressources ; que son article 5 dispose que "sont exclues de l'appréciation des ressources les prestations familiales ainsi que certaines prestations à objet spécialisé selon des modalités prévues par décret en Conseil d'Etat" ; que l'article 2 du décret du 19 décembre 1991, pris sur le fondement de ces dispositions, indique que sont exclues des ressources à prendre en compte pour apprécier le droit au bénéfice de l'aide juridictionnelle "les prestations familiales énumérées à l'article L. 511-1 du code de la sécurité sociale ainsi que les prestations sociales à objet spécialisé énumérées à l'article 8 du décret du 12 décembre 1988 (à)" ; que le premier de ces textes mentionne l'allocation de logement familiale mais non l'aide personnalisée au logement instituée par l'article L. 351-1 du code de la construction et de l'habitation ; que cette dernière prestation n'est pas non plus au nombre de celles que retient l'article 8 du décret du 12 décembre 1988 relatif à la détermination du revenu minimum d'insertion ; qu'il résulte ainsi de l'article 2 du décret du 19 décembre 1991 que l'aide personnalisée au logement doit, à la différence de l'allocation de logement familiale, être prise en compte parmi les ressources permettant d'apprécier le droit au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

Considérant que le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que la différence de traitement qui en résulte soit, dans l'un comme l'autre cas, en rapport avec l'objet de

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la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des différences de situation susceptibles de la justifier ;

Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de la loi du 10 juillet 1991 que le législateur a entendu, d'une part, exclure l'allocation de logement familiale des ressources à prendre en compte pour apprécier le droit au bénéfice de l'aide juridictionnelle, d'autre part, laisser au pouvoir réglementaire le soin de définir les modalités suivant lesquelles certaines " prestations sociales à objet spécialisé " doivent être retenues au même titre ; qu'ainsi, la possibilité de traiter de manière différente les personnes demandant le bénéfice de l'aide juridictionnelle, suivant qu'elles perçoivent l'aide personnalisée au logement ou l'allocation de logement familiale, résulte, dans son principe, de la loi ;

Considérant, toutefois, que l'aide personnalisée au logement et l'allocation de logement familiale, qui sont exclusives l'une de l'autre, poursuivent des finalités sociales similaires ; qu'en outre, l'attribution à une famille de la première ou de la seconde dépend essentiellement du régime de propriété du logement occupé et de l'existence ou non d'une convention entre le bailleur et l'Etat ; que, par suite, le décret contesté ne pouvait, sans créer une différence de traitement manifestement disproportionnée par rapport aux différences de situation séparant les demandeurs d'aide juridictionnelle suivant qu'ils sont titulaires de l'une ou de l'autre de ces prestations, inclure l'intégralité de l'aide personnalisée au logement dans les ressources à prendre en compte pour apprécier leur droit à l'aide juridictionnelle ; qu'ainsi, le décret du 19 décembre 1991 méconnaît, sur ce point, le principe d'égalité ; que, dès lors, Mme X... est fondée à demander l'annulation de la décision contenue dans la lettre du 23 février 2001 par laquelle le garde des sceaux a refusé de proposer l'abrogation partielle de ce décret ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la lettre du 23 février 2001 en tant qu'elle porte refus d'abroger partiellement la circulaire du 26 mars 1997 :

Considérant que l'interprétation que par voie, notamment, de circulaires ou d'instructions l'autorité administrative donne des lois et règlements qu'elle a pour mission de mettre en œuvre n'est pas susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir lorsque, étant dénuée de caractère impératif, elle ne saurait, quel qu'en soit le bien-fondé, faire grief ; qu'en revanche, les dispositions impératives à caractère général d'une circulaire ou d'une instruction doivent être regardées comme faisant grief, tout comme le refus de les abroger ; que le recours formé à leur encontre doit être accueilli si ces dispositions fixent, dans le silence des textes, une règle nouvelle entachée d'incompétence ou si, alors même qu'elles ont été compétemment prises, il est soutenu à bon droit qu'elles sont illégales pour d'autres motifs ; qu'il en va de même s'il est soutenu à bon droit que l'interprétation qu'elles prescrivent d'adopter, soit méconnaît le sens et la portée des dispositions législatives ou réglementaires qu'elle entendait expliciter, soit réitère une règle contraire à une norme juridique supérieure ;

Considérant que si la circulaire contestée du 26 mars 1997 se borne à tirer les conséquences de l'article 2 du décret du 19 décembre 1991, elle réitère néanmoins, au moyen de dispositions impératives à caractère général, la règle qu'a illégalement fixée cette disposition ; que, par suite, Mme X... est recevable et fondée à demander l'annulation de la lettre du 23 février 2001, en tant qu'elle porte refus d'abroger dans cette mesure la circulaire contestée ; […]

Document n° 5 – CE Ass., 21 mars 2016, Société Fairvesta et Société Numericable

(2 arrêts)Vu la procédure suivante :

Par une décision du 10 juin 2015, le Conseil d’Etat, statuant au contentieux, saisi des requêtes des sociétés Fairvesta International GmbH, Fairvesta Europe AG, Fairvesta Europe AG II et Fairvesta Vermögensverwaltung International AG tendant à l’annulation pour excès de pouvoir de communiqués publiés par l’Autorité des marchés financiers et du refus de les rectifier, ainsi qu’à l’indemnisation du préjudice en résultant, a sursis à statuer jusqu’à ce que le Tribunal des conflits ait tranché la question de savoir quel est l’ordre de juridiction compétent pour connaître de ces requêtes.

Par une décision n° 4026 du 16 novembre 2015, le Tribunal des conflits a déclaré la juridiction administrative seule compétente pour connaître de l’action intentée par ces sociétés contre l’Autorité des marchés financiers.En application des dispositions de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées que la décision du Conseil d’Etat était susceptible d’être fondée sur le moyen, relevé d’office, tiré de que le recours tendant à l’annulation des communiqués litigieux est tardif, faute d’avoir été introduit dans le délai de deux mois à partir du jour de leur publication, conformément à l’article R. 421-1 du code de justice administrative. […]

2. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la société Fairvesta International GmbH, société domiciliée en Allemagne, a proposé aux investisseurs en France, à compter de 2009, des produits de placements immobiliers, dénommés Mercatus VIII, Lumis et Chronos, prenant la forme de prises de participation dans des sociétés en commandite simple de droit allemand ayant pour objet l’acquisition, la gestion ou le négoce

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d’immeubles ; que ces placements étaient commercialisés en France par l’intermédiaire d’agents immobiliers et de conseillers en gestion du patrimoine qui démarchaient les investisseurs potentiels ; que, le 21 juillet 2011, l’Autorité des marchés financiers a publié sur son site Internet, dans la rubrique « Mises en garde », un communiqué intitulé « L’Autorité des marchés financiers attire l’attention du public sur les activités de la société Fairvesta », rédigé comme suit : « L’Autorité des marchés financiers (AMF) reçoit de nombreuses questions de la part d’investisseurs particuliers et de professionnels relatives aux activités de la société Fairvesta. Cette société (…) propose des placements immobiliers tels que Mercatus VIII, Lumis, ou encore Chronos avec des perspectives de rendement élevées. Ces placements sont souvent commercialisés en France de manière très active par des personnes tenant des discours parfois déséquilibrés au regard des risques en capital encourus. Ces produits ne relèvent pas de la réglementation applicable aux titres financiers. La société Fairvesta n’est d’ailleurs ni autorisée à fournir en France des services d’investissement ou des conseils en investissement financier ni habilitée à se livrer à une activité de démarchage bancaire ou financier et les placements proposés n’ont pas donné lieu à l’élaboration d’un document d’information visé ou revu par l’AMF » ; que le communiqué invitait ensuite les épargnants, d’une manière générale, à appliquer des règles de vigilance avant tout investissement, et notamment à mesurer le risque des produits, à se renseigner de façon approfondie sur leurs caractéristiques, sur les intermédiaires les proposant, sur leurs modes de valorisation et leurs modalités de revente, en précisant que les épargnants pouvaient s’adresser à l’Autorité pour obtenir de plus amples informations ; que, le 17 juillet 2012, l’Autorité des marchés financiers a publié, dans les mêmes conditions, un communiqué attirant à nouveau l’attention du public sur les activités de la société Fairvesta, qui reprenait les termes du premier communiqué et précisait, dans une note de bas de page, que deux autres sociétés du groupe Fairvesta, les sociétés Fairvesta Europe AG et Fairvesta Europe AG II, domiciliées au Liechtenstein, émettaient des obligations ayant fait l’objet de visas délivrés par l’autorité de régulation de ce pays et de certificats d’approbation et prospectus notifiés à l’Autorité des marchés financiers ; que, le 5 novembre 2012, l’Autorité a publié un nouveau communiqué attirant cette fois l’attention du public sur le site Internet « Fairvesta », dans des termes quasiment identiques à ceux utilisés en juillet 2012 ; que, par un courrier reçu par l’Autorité des marchés financiers le 16 janvier 2013, la société Fairvesta International GmbH a demandé l’indemnisation du préjudice qu’elle estimait avoir subi à la suite de la publication de ces trois communiqués ainsi que la publication d’un communiqué rectificatif sur son site Internet ; que, par un courrier du 13 février 2013, l’Autorité des marchés financiers a refusé de faire droit à cette demande, position qu’elle a confirmée dans un courrier du 12 avril 2013 en réponse à une nouvelle demande de la société ; que la société Fairvesta International GmbH et autres demandent l’annulation de ces trois communiqués, des décisions ayant refusé de les rectifier, et, dans le dernier état des conclusions, la condamnation de l’Autorité des marchés financiers à verser une somme de 15 millions d’euros à la société Fairvesta International GmbH au titre du préjudice financier et du préjudice d’image qu’elle estime avoir subis ;

Sur la compétence de la juridiction administrative :

3. Considérant que, sur renvoi effectué par la décision du Conseil d’Etat, statuant au contentieux du 10 juin 2015 visée ci-dessus, le Tribunal des conflits a déclaré, par une décision du 16 novembre 2015 visée ci-dessus, la juridiction administrative seule compétente pour connaître du litige né des demandes des sociétés Fairvesta International GmbH, Fairvesta Europe AG, Fairvesta Europe AG II et Fairvesta Vermögensverwaltung International AG tendant à l’annulation des communiqués litigieux et du refus de les rectifier, ainsi qu’à l’indemnisation du préjudice en résultant ; que l’Autorité des marchés financiers n’est, dès lors, pas fondée à soutenir que la juridiction administrative ne serait pas compétente pour en connaître ;

Sur le recours pour excès de pouvoir, introduit sous le n° 368082, tendant à l’annulation des communiqués publiés par l’Autorité des marchés financiers :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par l’Autorité des marchés financiers :

4. Considérant que les avis, recommandations, mises en garde et prises de position adoptés par les autorités de régulation dans l’exercice des missions dont elles sont investies, peuvent être déférés au juge de l'excès de pouvoir lorsqu'ils revêtent le caractère de dispositions générales et impératives ou lorsqu’ils énoncent des prescriptions individuelles dont ces autorités pourraient ultérieurement censurer la méconnaissance ; que ces actes peuvent également faire l'objet d'un tel recours, introduit par un requérant justifiant d’un intérêt direct et certain à leur annulation, lorsqu'ils sont de nature à produire des effets notables, notamment de nature économique, ou ont pour objet d’influer de manière significative sur les comportements des personnes auxquelles ils s’adressent ; que, dans ce dernier cas, il appartient au juge, saisi de moyens en ce sens, d’examiner les vices susceptibles d’affecter la légalité de ces actes en tenant compte de leur nature et de leurs caractéristiques, ainsi que du pouvoir d’appréciation dont dispose l’autorité de régulation ; qu'il lui appartient également, si des conclusions lui sont présentées à cette fin, de faire usage des pouvoirs d’injonction qu’il tient du titre Ier du livre IX du code de justice administrative ;

5. Considérant que les communiqués attaqués ont été émis par l’Autorité des marchés financiers dans le cadre de sa mission de protection de l’épargne investie dans les placements offerts au public ; qu’ils sont destinés aux investisseurs et ont pour objet de les mettre en garde contre les conditions dans lesquelles sont commercialisés plusieurs produits de placement, précisément identifiés, offerts au public par la société Fairvesta International

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GmbH et de leur adresser des recommandations de vigilance ; qu’ils ont été publiés sur le site internet de l’Autorité des marchés financiers, ont connu une large diffusion et sont depuis lors restés accessibles sur ce site ; que la société Fairvesta International GmbH fait valoir des éléments sérieux attestant que la publication de ces communiqués a eu pour conséquence une diminution brutale des souscriptions des produits de placement qu’elle commercialisait en France ; qu’ainsi, les communiqués contestés doivent être regardés comme étant de nature à produire des effets économiques notables et comme ayant pour objet de conduire des investisseurs à modifier de manière significative leur comportement vis-à-vis des produits qu’ils désignent ; que, dans les circonstances de l’espèce, ces communiqués, qui font référence à « la société Fairvesta » doivent être regardés comme faisant grief à la société Fairvesta International GmbH et aux sociétés Fairvesta Europe AG, Fairvesta Europe AG II et Fairvesta Vermögensverwaltung International AG, filiales du groupe Fairvesta, qui sont recevables à en demander l’annulation ; que, par suite, la fin de non-recevoir soulevée par l’Autorité des marchés financiers doit être écartée ; […]

***Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire ampliatif, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 6 mai, 2 juin, 27 octobre 2015 et 4 février 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la société NC Numericable demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler la délibération de la commission permanente de l’Autorité de la concurrence du 23 mars 2015 et la lettre en date du 31 mars 2015, adressée à son directeur général, du président de cette Autorité, par laquelle celle-ci a pris position sur la demande de la société Groupe Canal Plus (GCP) du 23 février 2015 concernant, dans le cadre du suivi des injonctions de la décision n° 12-DCC-100 du 23 juillet 2012 relative à la prise de contrôle exclusif de TPS et CanalSatellite par Vivendi et GCP, l’incidence d’une fusion des plateformes propriétaires de Numericable et de SFR ; […]

2. Considérant que, par la décision n° 12-DCC-100 du 23 juillet 2012, relative à la prise de contrôle exclusif de TPS et CanalSatellite par Vivendi et Groupe Canal Plus (GCP), l’Autorité de la concurrence a autorisé les sociétés GCP et Vivendi Universal à regrouper au sein de la société Canal Plus les activités de télévision payante de TPS et de GCP ; qu’elle a assorti cette autorisation d’injonctions, en particulier de l’injonction 5 (a), imposant à GCP, dans les contrats de distribution conclus avec les éditeurs, de « valoriser de manière transparente et distincte la distribution sur chaque plateforme propriétaire […] en identifiant de manière précise la valeur, le cas échéant, de l’exclusivité accordée pour la distribution sur chaque plateforme en cause », en précisant que ces offres de distribution exclusives devaient se faire sur la base de critères économiques objectifs, transparents et non-discriminatoires, prenant en compte le nombre d’abonnés desservis par les plateformes concernées par les contrats ;

3. Considérant que l’injonction 5 (a) a ainsi pour objet, d’une part, de permettre aux distributeurs alternatifs de concurrencer de manière effective GCP pour l’obtention de droits exclusifs de diffusion, en contraignant GCP à formuler des offres distinctes pour chaque plateforme, afin qu’elles soient réplicables par chaque distributeur concurrent individuellement et, d’autre part, de donner aux éditeurs la possibilité de choisir entre une distribution exclusive sur CanalSat ou une distribution, exclusive ou non, au sein des offres d’opérateurs concurrents ; que, cependant, étant donné le choix de Numericable de ne pas proposer CanalSat en auto-distribution à ses abonnés, l’Autorité de la concurrence, dans sa décision d’agrément n° 13 DAG 01 du 7 juin 2013 de l’offre de référence élaborée par GCP en application de l’injonction 3 (c) de la décision du 23 juillet 2012, a estimé que l’acquisition par GCP de droits exclusifs pour la diffusion de chaînes sur la plateforme de Numericable aurait pour effet de priver l’opérateur de la faculté de proposer ces chaînes à ses abonnés ; que, compte-tenu de ce risque d’éviction de Numéricable et des effets qui en résulteraient pour le fonctionnement concurrentiel des marchés de la télévision payante, l’Autorité de la concurrence a, dans les motifs de cette décision d’agrément, interprété l’injonction 5 (a) comme interdisant à GCP d’obtenir des droits de distribution exclusive sur la plateforme de tout opérateur qui refuserait de transporter l’offre CanalSat ; que GCP a tiré les conséquences de cette interprétation de l’injonction 5 (a) en modifiant son offre de référence et en s’abstenant, en pratique, d’acquérir des droits de diffusion exclusive sur la plateforme de Numericable ;

4. Considérant que, à la suite de la prise de contrôle exclusif de SFR par Numericable, filiale du groupe Altice, en novembre 2014, GCP a, par une lettre en date du 23 janvier 2015, demandé à l’Autorité de la concurrence de constater la fusion des plateformes de Numericable et de SFR et de prendre position sur l’incidence de cette fusion sur l’exécution de l’injonction 5 (a) à cet égard ; que, par une délibération de la commission permanente de l’Autorité de la concurrence du 23 mars 2015, dont le sens et les motifs ont été révélés à la société requérante par la lettre en date du 31 mars 2015 que lui a adressée le président de l’Autorité, cette Autorité, après avoir relevé que le parti pris par la nouvelle entité issue de l’opération de concentration entre SFR et le groupe Altice de fusionner les plateformes propriétaires de Numericable et de SFR, proposant ainsi CanalSat en auto-distribution à une partie de ses abonnés, a eu pour effet de supprimer, sur cette nouvelle plateforme fusionnée, le risque d’éviction analysé au point précédent, a constaté, selon les termes de la lettre du 31 mars 2015, « que les plateformes de Numericable ont effectivement fusionné » et que « les considérations des décisions n° 12 DCC 100 et 13 DAG 01 ayant pour effet de prévenir l’acquisition par GCP de droits exclusifs de diffusion sur la

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plateforme câblée de Numericable sont donc désormais sans objet » ; que la société NC Numericable doit être regardée comme demandant l’annulation de la position de l’Autorité de la concurrence adoptée par sa commission permanente dans sa délibération du 23 mars 2015 et dont les motifs ont été révélés par la lettre en date du 31 mars 2015 qui en constitue le complément ;

Sur la fin de non recevoir :

5. Considérant que les avis, recommandations, mises en garde et prises de position adoptés par les autorités de régulation dans l’exercice des missions dont elles sont investies, peuvent être déférés au juge de l'excès de pouvoir lorsqu'ils revêtent le caractère de dispositions générales et impératives ou lorsqu’ils énoncent des prescriptions individuelles dont ces autorités pourraient ultérieurement censurer la méconnaissance ; que ces actes peuvent également faire l'objet d'un tel recours, introduit par un requérant justifiant d’un intérêt direct et certain à leur annulation, lorsqu'ils sont de nature à produire des effets notables, notamment de nature économique, ou ont pour objet d’influer de manière significative sur les comportements des personnes auxquelles ils s’adressent ; que, dans ce dernier cas, il appartient au juge, saisi de moyens en ce sens, d’examiner les vices susceptibles d’affecter la légalité de ces actes en tenant compte de leur nature et de leurs caractéristiques, ainsi que du pouvoir d’appréciation dont dispose l’autorité de régulation ; qu'il lui appartient également, si des conclusions lui sont présentées à cette fin, de faire usage des pouvoirs d’injonction qu’il tient du titre Ier du livre IX du code de justice administrative ;

6. Considérant qu’il résulte de ce qui a été dit au point 4 que la prise de position adoptée par l’Autorité de la concurrence le 23 mars 2015 a pour effet, en reconnaissant à GCP la possibilité d’acquérir des droits de distribution exclusive sur la plateforme de Numericable, de lui permettre de concurrencer la société NC Numericable sur sa plateforme ; qu’il ressort des pièces du dossier que, comme le soutient la société requérante, cette prise de position est de nature à avoir des effets économiques notables ; qu’elle a, en outre, pour objet de modifier le comportement des opérateurs sur le marché de l’acquisition de droits de distribution de chaînes de télévision ; que, dans ces conditions, la délibération attaquée doit être regardée comme faisant grief à la société NC Numericable ; que la fin de non-recevoir soulevée par l’Autorité de la concurrence doit donc être écartée […]

Document n° 6 - CE Ass., 17 février 1995, Hardouin et Marie (2 arrêts)

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 mai 1988 et 10 juin 1988 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Pascal X..., demeurant ... prolongée à Tulle (19000) ; M. X... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Versailles qui, le 29 février 1988, a rejeté comme irrecevable sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 29 juin 1987 par laquelle le directeur de la maison d'arrêt des hommes de Fleury-Mérogis lui a infligé la sanction de la mise en cellule de punition pour une durée de huit jours, avec sursis, ensemble la décision implicite du directeur régional des services penitentiaires rejetant son recours contre ladite sanction ; 2°) d'annuler ces deux décisions pour excès de pouvoir ; […]

Considérant qu'aux termes de l'article D. 167 du code de procédure pénale : "La punition de cellule consiste dans le placement du détenu dans une cellule aménagée à cet effet et qu'il doit occuper seul ; sa durée ne peut excéder quarante cinq jours ..." ; que l'article D. 169 du même code prévoit que "La mise en cellule de punition entraîne pendant toute sa durée, la privation de cantine et des visites. Elle comporte aussi des restrictions à la correspondance autre que familiale ..." ; qu'en vertu de l'article 721 du même code, des réductions de peine peuvent être accordées aux condamnés détenus en exécution de peines privatives de liberté "s'ils ont donné des preuves suffisantes de bonne conduite" et que les réductions ainsi octroyées peuvent être rapportées "en cas de mauvaise conduite du condamné en détention" ; que, eu égard à la nature et à la gravité de cette mesure, la punition de cellule constitue une décision faisant grief susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir ; que M. X... est, dès lors, fondé à demander l'annulation du jugement attaqué, par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté comme non recevable sa demande tendant à l'annulation de la décision du 29 juin 1987 par laquelle le directeur de la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis lui a infligé la sanction de mise en cellule de punition pour une durée de huit jours, avec sursis, ainsi que de la décision implicite du directeur régional des services pénitentiaires rejetant son recours hiérarchique contre cette décision ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Versailles ;

Considérant qu'aux termes de l'article D. 262 du code de procédure pénale, "Les détenus peuvent, à tout moment, adresser des lettres aux autorités administratives et judiciaires françaises ( ...) Les détenus qui mettraient à profit la faculté qui leur est ainsi accordée soit pour formuler des outrages, des menaces ou des imputations calomnieuses, soit pour multiplier des réclamations injustifiées ayant déjà fait l'objet d'une décision de rejet, encourent une sanction disciplinaire, sans préjudice de sanctions pénales éventuelles" ;

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Considérant que, pour infliger à M. X... la sanction de huit jours, avec sursis, de cellule de punition, le directeur de la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis s'est fondé sur ce que la lettre du 4 juin 1987 adressée par ce détenu au chef du service de l'inspection générale des affaires sociales, pour se plaindre du fonctionnement du service médical de l'établissement, avait le caractère d'une réclamation injustifiée ;

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier et qu'il n'est du reste pas allégué, que cette réclamation, à la supposer injustifiée, ait fait suite à de précédentes plaintes ayant fait l'objet de décisions de rejet ; que si le Garde des sceaux, ministre de la justice soutient que cette réclamation comportait des imputations calomnieuses, un tel grief ne figure pas dans les motifs de la décision attaquée et qu'au surplus, si la lettre de M. X... énonce des critiques dans des termes peu mesurés, elle ne contient ni outrage, ni menace, ni imputation pouvant être qualifiés de calomnieux ; que, dès lors, en prenant la décision attaquée, le directeur de la maison d'arrêt dont la décision a été implicitement confirmée par le directeur régional des services pénitentiaires, s'est fondé sur des faits qui ne sont pas de nature à justifier une sanction ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. X... est fondé à demander l'annulation de ces décisions ; […]

***

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 12 juin 1989 et 6 octobre 1989 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Philippe X..., demeurant "Le Clos", Mazet par Beaufort-en-Vallée (49250) ; M. X... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler le jugement du 6 avril 1989 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 14 mars 1986 aux termes de laquelle le ministre de la défense a rejeté son recours hiérarchique contre la punition de dix jours d'arrêt qui lui avait été infligée le 8 novembre 1985, ensemble à l'annulation de cette dernière décision ; 2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions des 8 novembre 1985 et 14 mars 1986 ; […]

Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article 30 du décret du 28 juillet 1975 modifié portant règlement de discipline générale dans les armées : "A l'exception de l'avertissement, les sanctions disciplinaires font l'objet d'une inscription motivée au dossier individuel ou au livret matricule" ; que l'article 31 du même décret, dans sa rédaction résultant du décret du 21 août 1985 dispose : "Les arrêts sanctionnent une faute grave ou très grave ou des fautes répétées de gravité moindre. Le militaire effectue son service dans les conditions normales mais il lui est interdit, en dehors du service de quitter son unité ou le lieu désigné par son chef de corps ( ...). Le nombre de jours d'arrêt susceptibles d'être infligés est de un à quarante. Pendant l'exécution de cette punition, le militaire ne peut prétendre au bénéfice d'une permission" ; que, tant par ses effets directs sur la liberté d'aller et venir du militaire, en dehors du service, que par ses conséquences sur l'avancement ou le renouvellement des contrats d'engagement, la punition des arrêts constitue une mesure faisant grief, susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir ; que M. X... est, dès lors, fondé à demander l'annulation du jugement attaqué, par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté comme non recevables ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 14 mars 1986 par laquelle le ministre de la défense a rejeté son recours contre la punition de dix jours d'arrêts qui lui a été infligée le 8 novembre 1985 par le commandant de son unité ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Rennes ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, conformément aux dispositions de l'article 33 du décret du 28 juillet 1975 modifié, M. X... a été mis à même de s'expliquer devant son chef de corps avant qu'une punition ne lui soit infligée ;

Considérant que si M. X..., se fondant sur les dispositions de la loi du 11 juillet 1979, soutient que la décision par laquelle le ministre de la défense a rejeté son recours hiérarchique contre la décision qui lui avait infligé des arrêts, est irrégulière faute d'être motivée, l'obligation de motivation des sanctions posées par cette loi concerne la décision infligeant la sanction et non la décision qui se borne à rejeter la réclamation contre cette sanction ;

Considérant qu'il est établi que, lors de son retour le 8 novembre 1985 vers 0 h 45 sur l'unité navale sur laquelle il servait, M. X..., alors maître timonier manifestait des signes d'ébriété ; qu'il a refusé de se soumettre à l'épreuve d'alcootest ; que ces faits étaient de nature à justifier une punition disciplinaire et qu'en infligeant une punition de 10 jours d'arrêt, l'autorité militaire n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à soutenir que la décision du ministre de la défense, en date du 14 mars 1986, est entachée d'excès de pouvoir ; […]

Document n° 7 - CE, 30 novembre 1990, Association « Les Verts »

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Requête du parti "Les Verts", qui demande que le Conseil d'Etat annule la décision implicite par laquelle le premier ministre a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'actuel découpage des cantons et à ce que lui soit substitué un découpage conforme au principe d'égalité ;

Vu l'ordonnance n 45-2604 du 2 novembre 1945 ; l'ordonnance n 45-1708 du 31 juillet 1945 ; le décret n 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

*1* Considérant qu'il appartient à tout intéressé de demander à l'autorité compétente de procéder à l'abrogation d'une décision illégale non réglementaire qui n'a pas créé de droits, si cette décision est devenue illégale à la suite de changements dans les circonstances de droit ou de fait postérieurs à son édiction ;

*2* Cons. que si, à l'appui de sa requête dirigée contre la décision implicite du Premier ministre rejetant sa demande tendant à ce qu'il abroge, par voie de décrets en Conseil d'Etat pris en application de l'article 3 de l'ordonnance susvisée du 2 novembre 1945, les actes dont résulte le découpage actuel des cantons, le parti "les Verts" allègue que ce découpage ne serait pas conforme au principe d'égalité devant le suffrage, il se borne à une allégation générale sans préciser en quoi la délimitation de tel ou tel canton serait devenue illégale ; qu'ainsi le requérant ne met pas le juge administratif à même d'apprécier le mérite de sa requête, qui ne peut dès lors qu'être rejetée ; [rejet].

Document n° 8 - CE, 2 novembre 2005, Association Coordination des syndicats de marais de la baie de l’Aiguillon

Vu la requête sommaire, et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 juin et 20 octobre 2004, présentés par l'association COORDINATION DES SYNDICATS DE MARAIS DE LA BAIE DE L'AIGUILLON POUR LE MAINTIEN DURABLE DES ACTIVITES HUMAINES (COSYMDAH), dont le siège social est sis à la maison des communes du Petit Poitou à Chaille Les Marais (85450), représentée par son président en exercice, M. Jean X, demeurant ..., M. Jean-Baptiste Y, demeurant ...et M. Guy Z, demeurant ... l'association COORDINATION DES SYNDICATS DE MARAIS DE LA BAIE DE L'AIGUILLON POUR LE MAINTIEN DURABLE DES ACTIVITES HUMAINES (COSYMDAH) et les autres requérants demandent au Conseil d'Etat :

1°) l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite, née du silence gardé sur leur demande du 21 février 2004, tendant à l'abrogation de l'arrêté du ministre de l'écologie et du développement durable du 27 août 2002 portant désignation du site Natura 2000 du marais poitevin (zone de protection spéciale) et de son arrêté du 23 décembre 2003 le modifiant ; 2°) l'annulation pour excès de pouvoir de ces deux arrêtés ;

Vu les autres pièces du dossier ;Vu la directive 79/409/CEE, du Conseil, du 2 avril 1979, concernant la conservation des oiseaux sauvages ;Vu la directive 92/43/CEE, du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages ;Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de justice administrative ; […]

Sur les règles applicables :

Considérant que l'article 4 de la directive 79/409/CEE, du Conseil, du 2 avril 1979, concernant la conservation des oiseaux sauvages (directive « Oiseaux ») prévoit que les Etats membres classent en zones de protection spéciale les territoires les plus appropriés à la conservation des espèces d'oiseaux mentionnées à l'annexe I ainsi que, dans certaines conditions, d'autres espèces d'oiseaux migratrices et que l'article 3 de la directive 92/43/CEE, du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (directive « Habitats ») prévoit que ces zones concourent au réseau Natura 2000 ; que dans ce cadre, le II de l'article L.414-1 du code de l'environnement , dans sa version applicable au litige, prévoit que « Les zones de protection spéciale sont : / - soit des sites maritimes et terrestres particulièrement appropriés à la survie et à la reproduction des espèces d'oiseaux sauvages figurant sur une liste arrêtée dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ; / - soit des sites maritimes ou terrestres qui servent d'aires de reproduction, de mue, d'hivernage ou de zones de relais, au cours de leur migration, à des espèces d'oiseaux autres que celles figurant sur la liste susmentionnée. » ; que selon l'article R. 214-20 du même code : « Saisi d'un projet de désignation d'une zone de protection spéciale, le ministre chargé de l'environnement prend un arrêté désignant la zone comme site Natura 2000. Sa décision est notifiée à la Commission européenne » ; que selon l'article R. 214-22 du code de l'environnement : « L'arrêté portant désignation d'un site Natura 2000 est publié au Journal officiel de la République française. L'arrêté et ses annexes comportant notamment la carte du site, sa dénomination, sa délimitation, ainsi que l'identification des habitats naturels et des espèces qui ont justifié la désignation du site, sont tenus à la disposition du public dans les services du ministère chargé de l'environnement et à la préfecture » ;

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En ce qui concerne l'arrêté du 27 août 2002 et le refus implicite de l'abroger :

Considérant que, pour demander, à la fois l'annulation de l'arrêté du ministre de l'écologie et du développement durable du 27 août 2002 portant désignation du site Natura 2000 du marais poitevin (zone de protection spéciale) et l'annulation de la décision implicite par laquelle le ministre a refusé de l'abroger, les requérants soutiennent qu'il était, dès l'origine, entaché d'excès de pouvoir ;

Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 27 août 2002 a été publié au Journal officiel de la République française le 17 novembre 2002 ; que la présente requête, enregistrée le 22 juin 2004, n'a été précédée, dans le délai de recours contentieux, d'aucun recours gracieux ou contentieux suivant sa publication ; que, par suite, la fin de non-recevoir, opposée par le ministre de l'écologie et du développement durable et tirée de ce que les conclusions tendant à l'annulation de cet arrêté sont tardives, doit être accueillie ; Considérant, d'autre part, que l'arrêté désignant un site Natura 2000 n'a pas le caractère d'un acte réglementaire dont les intéressés peuvent demander au gouvernement après l'expiration du délai de recours, l'abrogation au motif qu'il serait, depuis l'origine, illégal ; que, par suite, les conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le ministre de l'écologie et du développement durable a rejeté la demande que les requérants lui ont présentée le 21 février 2004 tendant à ce qu'il prononce l'abrogation de cet arrêté, au motif qu'il serait, depuis l'origine, illégal, doit être rejetée ; […]

Document n° 9 – CE Sect., 28 avril 2014, Anchling et autres

Vu l’ordonnance n° 11NC01089 du 21 février 2012, enregistrée le 24 février 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, par laquelle le président de la cour administrative d’appel de Nancy a transmis au Conseil d’Etat, en application de l’article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à cette cour par Mme HZ…et autres ;

Vu la requête, enregistrée le 4 juillet 2011 au greffe de la cour administrative d’appel de Nancy, et les nouveaux mémoires, enregistrés les 20 juin et 8 octobre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour [Anchling] et autres demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler le jugement n° 1005562-1005592 du 15 juin 2011 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg, interprétant la délibération du 16 mars 2006 par laquelle le syndicat intercommunal des eaux de Domnom-lès-Dieuze a fixé le tarif de l’eau et en appréciant la légalité, a déclaré que cette délibération a un effet rétroactif et n’est pas entachée d’illégalité ;2°) de déclarer que la délibération du 16 mars 2006 est entachée d’illégalité ;3°) de mettre à la charge du syndicat intercommunal des eaux de Domnom-lès-Dieuze la somme de 100 euros à verser à chacun d’entre eux au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; […]

1. Considérant que, par un jugement du 10 novembre 2005, devenu définitif, le tribunal administratif de Strasbourg a déclaré que les délibérations de l’organe délibérant du syndicat intercommunal des eaux de Domnom-lès-Dieuze des 11 avril 1988, 3 décembre 1989, 3 mars et 9 avril 1990, 22 janvier et 19 mars 1993 fixant le tarif du service public de distribution d’eau potable étaient entachées d’illégalité ; qu’à la suite de ce jugement, l’organe délibérant du syndicat intercommunal a, par une délibération du 16 mars 2006, ” décidé de maintenir le prix de l’eau tel qu’il a été arrêté et facturé aux différents usagers sur la période du 11 avril 1988 au 31 décembre 2003 ” ; que, par deux jugements du 17 septembre 2010, le tribunal d’instance de Metz a sursis à statuer sur les demandes de Mme HZ…et autres dirigées contre les titres exécutoires émis les 24 avril et 13 novembre 2003 pour le paiement de leur consommation d’eau de l’année 2003 et invité les parties à saisir la juridiction administrative de la question du caractère rétroactif ou non de la délibération du 16 mars 2006 et de l’appréciation de la légalité de cette délibération ; que Mme HZ…et autres font appel du jugement du 15 juin 2011 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a déclaré que cette délibération avait un caractère rétroactif et n’était pas entachée d’illégalité ;Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, le tribunal administratif a répondu au moyen tiré de ce que la délibération du 16 mars 2006 était entachée d’une rétroactivité illégale ;

Sur la délibération contestée :

3. Considérant, en premier lieu, qu’il ressort des termes de la délibération du 16 mars 2006 et qu’il résulte de l’instruction que le syndicat intercommunal des eaux de Domnom-lès-Dieuze a entendu tirer les conséquences de la déclaration d’illégalité des précédentes délibérations ayant arrêté les tarifs de l’eau en fixant non seulement, pour l’avenir, le tarif du service public de distribution d’eau potable mais aussi le tarif devant être appliqué, pour les périodes litigieuses, aux abonnés qui avaient engagé une action en justice pour contester les redevances mises à leur charge, au soutien de laquelle ils avaient soulevé l’exception d’illégalité des délibérations fixant le tarif de l’eau ; que la délibération du 16 mars 2006 a donc, dans cette dernière mesure, un caractère rétroactif ;

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4. Considérant, en second lieu, que la déclaration d’illégalité des délibérations des 11 avril 1988, 3 décembre 1989, 3 mars et 9 avril 1990, 22 janvier et 19 mars 1993 par lesquelles l’organe délibérant du syndicat intercommunal des eaux de Domnom-lès-Dieuze avait fixé les tarifs des services de l’eau n’a eu pour effet ni de faire disparaître rétroactivement ces délibérations de l’ordonnancement juridique, ni de faire revivre la délibération, précédant immédiatement celle du 11 avril 1988, par laquelle cet organe avait antérieurement fixé le tarif de l’eau ; que, par suite, pour les périodes litigieuses, en raison de cette déclaration d’illégalité, aucun tarif n’était légalement applicable aux prestations fournies aux usagers du service public de distribution d’eau qui avaient engagé une action tendant à la décharge ou à la réduction des redevances qui leur ont été réclamées et soulevé, dans ce cadre, l’exception d’illégalité des délibérations fixant le tarif de l’eau ;

5. Considérant, toutefois, qu’eu égard à la nature et à l’objet des redevances pour service rendu, qui constituent la rémunération des prestations fournies aux usagers, cette déclaration d’illégalité ne saurait avoir pour effet de décharger les usagers ayant ainsi contesté les montants de redevance mis à leur charge de toute obligation de payer une redevance en contrepartie du service dont ils ont effectivement bénéficié ; que, dès lors, le syndicat intercommunal a pu légalement, pour régulariser les situations nées de ces litiges, adopter une délibération fixant de manière rétroactive, dans le respect des motifs constituant le support nécessaire du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 10 novembre 2005, le tarif de l’eau devant être appliqué, pour les périodes de consommation litigieuses, aux usagers ayant bénéficié du service et contesté, par la voie contentieuse, les montants de redevance mis à leur charge en raison de l’illégalité des délibérations fixant le tarif de l’eau ;

6. Considérant que, pour adopter une telle délibération, qui n’a pas eu pour effet de valider les titres exécutoires émis sur le fondement des délibérations illégales, il incombait au syndicat intercommunal, ainsi qu’il a été dit au point précédent, de tenir compte des motifs constituant le support nécessaire du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 10 novembre 2005 ayant déclaré illégales les délibérations fixant le tarif de l’eau des 11 avril 1988, 3 décembre 1989, 3 mars et 9 avril 1990, 22 janvier et 19 mars 1993 ; qu’il ressort des termes de ce jugement que ces délibérations ont été déclarées illégales au seul motif qu’elles avaient été adoptées selon une procédure irrégulière, le conseil syndical n’ayant pas délibéré à la majorité de ses membres ; que, par suite, le syndicat intercommunal n’a pas méconnu l’autorité de la chose jugée par le tribunal administratif en fixant le tarif de l’eau au même niveau que celui qui résultait des délibérations illégales ;

7. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que Mme HZ… et autres ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a déclaré que la délibération du 16 mars 2006 avait un caractère rétroactif et que l’exception d’illégalité soulevée devant le tribunal d’instance de Metz n’était pas fondée ; […]

Document n° 10 – Code des relations entre le public et l’administration (extraits)

Sous-section 1 : Actes réglementairesArticle L221-2 Créé par ORDONNANCE n°2015-1341 du 23 octobre 2015 - art.

L'entrée en vigueur d'un acte réglementaire est subordonnée à l'accomplissement de formalités adéquates de publicité, notamment par la voie, selon les cas, d'une publication ou d'un affichage, sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires ou instituant d'autres formalités préalables.

Un acte réglementaire entre en vigueur le lendemain du jour de l'accomplissement des formalités prévues au premier alinéa, sauf à ce qu'il en soit disposé autrement par la loi, par l'acte réglementaire lui-même ou par un autre règlement. Toutefois, l'entrée en vigueur de celles de ses dispositions dont l'exécution nécessite des mesures d'application est reportée à la date d'entrée en vigueur de ces mesures.

Article L221-3 Créé par ORDONNANCE n°2015-1341 du 23 octobre 2015 - art.

Lorsque les actes mentionnés à l'article L. 221-2 sont publiés au Journal officiel de la République française, ils entrent en vigueur, dans les conditions prévues à l'article 1er du code civil, à la date qu'ils fixent ou, à défaut, le lendemain de leur publication. Il en va différemment, ainsi que le prévoit ce même article, en cas d'urgence ou lorsque des mesures d'application sont nécessaires à l'exécution du texte.Article L221-4 Créé par ORDONNANCE n°2015-1341 du 23 octobre 2015 - art.

Sauf s'il en est disposé autrement par la loi, une nouvelle réglementation ne s'applique pas aux situations juridiques définitivement constituées avant son entrée en vigueur ou aux contrats formés avant cette date.Article L221-5 Créé par ORDONNANCE n°2015-1341 du 23 octobre 2015 - art.

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L'autorité administrative investie du pouvoir réglementaire est tenue, dans la limite de ses compétences, d'édicter des mesures transitoires dans les conditions prévues à l'article L. 221-6 lorsque l'application immédiate d'une nouvelle réglementation est impossible ou qu'elle entraîne, au regard de l'objet et des effets de ses dispositions, une atteinte excessive aux intérêts publics ou privés en cause. Elle peut également y avoir recours, sous les mêmes réserves et dans les mêmes conditions, afin d'accompagner un changement de réglementation.Article L221-6 Créé par ORDONNANCE n°2015-1341 du 23 octobre 2015 - art.

Les mesures transitoires mentionnées à l'article L. 221-5 peuvent consister à : 1° Prévoir une date d'entrée en vigueur différée des règles édictées ; 2° Préciser, pour les situations en cours, les conditions d'application de la nouvelle réglementation ; 3° Enoncer des règles particulières pour régir la transition entre l'ancienne et la nouvelle réglementation.

[…]

Titre IV : LA SORTIE DE VIGUEUR DES ACTES ADMINISTRATIFS

Article L240-1 Créé par ORDONNANCE n°2015-1341 du 23 octobre 2015 - art.

Au sens du présent titre, on entend par :1° Abrogation d'un acte : sa disparition juridique pour l'avenir ;2° Retrait d'un acte : sa disparition juridique pour l'avenir comme pour le passé.

Article L240-2 Créé par ORDONNANCE n°2015-1341 du 23 octobre 2015 - art.

Le présent titre est applicable, outre aux administrations mentionnées au 1° de l'article L. 100-3, aux organismes et personnes chargés d'une mission de service public industriel et commercial pour les actes qu'ils prennent au titre de cette mission.

Chapitre Ier : Règles généralesArticle L241-1 Créé par ORDONNANCE n°2015-1341 du 23 octobre 2015 - art.

Sous réserve des exigences découlant du droit de l'Union européenne et de dispositions législatives et réglementaires spéciales, les règles applicables à l'abrogation et au retrait d'un acte administratif unilatéral pris par l'administration sont fixées par les dispositions du présent titre.

Article L241-2 Créé par ORDONNANCE n°2015-1341 du 23 octobre 2015 - art.

Par dérogation aux dispositions du présent titre, un acte administratif unilatéral obtenu par fraude peut être à tout moment abrogé ou retiré.Chapitre II : Les décisions créatrices de droitsSection 1 : Abrogation et retrait à l'initiative de l'administration ou sur demande d'un tiers

Article L242-1 Créé par ORDONNANCE n°2015-1341 du 23 octobre 2015 - art.

L'administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d'un tiers que si elle est illégale et si l'abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision.Article L242-2 Créé par ORDONNANCE n°2015-1341 du 23 octobre 2015 - art.

Par dérogation à l'article L. 242-1, l'administration peut, sans condition de délai : 1° Abroger une décision créatrice de droits dont le maintien est subordonné à une condition qui n'est plus remplie ; 2° Retirer une décision attribuant une subvention lorsque les conditions mises à son octroi n'ont pas été respectées.

Section 2 : Abrogation et retrait sur demande du bénéficiaire

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Article L242-3 Créé par ORDONNANCE n°2015-1341 du 23 octobre 2015 - art.

Sur demande du bénéficiaire de la décision, l'administration est tenue de procéder, selon le cas, à l'abrogation ou au retrait d'une décision créatrice de droits si elle est illégale et si l'abrogation ou le retrait peut intervenir dans le délai de quatre mois suivant l'édiction de la décision.Article L242-4 Créé par ORDONNANCE n°2015-1341 du 23 octobre 2015 - art.

Sur demande du bénéficiaire de la décision, l'administration peut, selon le cas et sans condition de délai, abroger ou retirer une décision créatrice de droits, même légale, si son retrait ou son abrogation n'est pas susceptible de porter atteinte aux droits des tiers et s'il s'agit de la remplacer par une décision plus favorable au bénéficiaire.

Section 3 : Abrogation et retrait dans le cadre d'un recours administratif préalable obligatoire

Article L242-5 Créé par ORDONNANCE n°2015-1341 du 23 octobre 2015 - art.

Lorsque le recours contentieux à l'encontre d'une décision créatrice de droits est subordonné à l'exercice préalable d'un recours administratif et qu'un tel recours a été régulièrement présenté, le retrait ou l'abrogation, selon le cas, de la décision est possible jusqu'à l'expiration du délai imparti à l'administration pour se prononcer sur le recours administratif préalable obligatoire.

Chapitre III : Les actes réglementaires et les actes non réglementaires non créateurs de droits

Section 1 : Abrogation

Article L243-1 Créé par ORDONNANCE n°2015-1341 du 23 octobre 2015 - art.

Un acte réglementaire ou un acte non réglementaire non créateur de droits peut, pour tout motif et sans condition de délai, être modifié ou abrogé sous réserve, le cas échéant, de l'édiction de mesures transitoires dans les conditions prévues à l'article L. 221-6.Article L243-2 Créé par ORDONNANCE n°2015-1341 du 23 octobre 2015 - art.

L'administration est tenue d'abroger expressément un acte réglementaire illégal ou dépourvu d'objet, que cette situation existe depuis son édiction ou qu'elle résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures, sauf à ce que l'illégalité ait cessé.

L'administration est tenue d'abroger expressément un acte non réglementaire non créateur de droits devenu illégal ou sans objet en raison de circonstances de droit ou de fait postérieures à son édiction, sauf à ce que l'illégalité ait cessé.

Document n° 10 – CE Ass., 13 juillet 2016, Czabaj

Vu la procédure suivante :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 24 juin 1991 du ministre de l'économie et des finances lui concédant une pension de retraite, en tant que cet arrêté ne prend pas en compte la bonification pour enfants prévue par les dispositions du b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite, d'autre part, d'enjoindre au ministre de l'économie et des finances de procéder à une nouvelle liquidation de sa pension prenant en compte cette bonification. Par une ordonnance n° 1408180 du 2 décembre 2014, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 6 février et 6 mai 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;2°) réglant l'affaire au fond, d'annuler l'arrêté du ministre de l'économie et des finances du 24 juin 1991, d'enjoindre au ministre des finances et des comptes publics de modifier dans le délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt du Conseil d'Etat les conditions dans lesquelles sa pension lui a été concédée, de revaloriser rétroactivement cette pension à compter du 1er janvier 2010 , d'assortir les sommes dues des intérêts au taux légal à compter du 19 novembre 2014 et d'ordonner la capitalisation ultérieure de ceux-ci ;3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. […]

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1. Considérant qu'aux termes de l'article R. 104 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, en vigueur à la date de la décision contestée devant le juge du fond et dont les dispositions sont désormais reprises à l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. " ; qu'il résulte de ces dispositions que cette notification doit, s'agissant des voies de recours, mentionner, le cas échéant, l'existence d'un recours administratif préalable obligatoire ainsi que l'autorité devant laquelle il doit être porté ou, dans l'hypothèse d'un recours contentieux direct, indiquer si celui-ci doit être formé auprès de la juridiction administrative de droit commun ou devant une juridiction spécialisée et, dans ce dernier cas, préciser laquelle ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M.B..., ancien brigadier de police, a reçu le 26 septembre 1991 notification de l'arrêté du 24 juin 1991 lui concédant une pension de retraite, ainsi que l'atteste le procès-verbal de remise de son livret de pension ; que cette notification mentionnait le délai de recours contentieux dont l'intéressé disposait à l'encontre de cet arrêté mais ne contenait aucune indication sur la juridiction compétente ; qu'ainsi, en jugeant que cette notification comportait l'indication des voies et délais de recours conformément aux dispositions de l'article R. 421-5 citées ci-dessus, le tribunal administratif de Lille a dénaturé les pièces du dossier ; que M. B... est donc fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée, qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

3. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article R. 102 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, alors en vigueur, repris au premier alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. " ; qu'il résulte des dispositions citées au point 1 que lorsque la notification ne comporte pas les mentions requises, ce délai n'est pas opposable ; 5. Considérant toutefois que le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance ; qu'en une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable ; qu'en règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance ;

6. Considérant que la règle énoncée ci-dessus, qui a pour seul objet de borner dans le temps les conséquences de la sanction attachée au défaut de mention des voies et délais de recours, ne porte pas atteinte à la substance du droit au recours, mais tend seulement à éviter que son exercice, au-delà d'un délai raisonnable, ne mette en péril la stabilité des situations juridiques et la bonne administration de la justice, en exposant les défendeurs potentiels à des recours excessivement tardifs ; qu'il appartient dès lors au juge administratif d'en faire application au litige dont il est saisi, quelle que soit la date des faits qui lui ont donné naissance ;¨

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. B...a reçu notification le 26 septembre 1991 de l'arrêté portant concession de sa pension de retraite du 24 juin 1991, comme l'atteste le procès-verbal de remise de son livret de pension, et que cette notification comportait mention du délai de recours de deux mois et indication que l'intéressé pouvait former, dans ce délai, un recours contentieux ; que si une telle notification était incomplète au regard des dispositions de l'article R. 421-5 du code de justice administrative, faute de préciser si le recours pouvait être porté devant la juridiction administrative ou une juridiction spécialisée, et si, par suite, le délai de deux mois fixé par l'article R. 421-1 du même code ne lui était pas opposable, il résulte de ce qui précède que le recours dont M. B...a saisi le tribunal administratif de Lille plus de vingt-deux ans après la notification de l'arrêté contesté excédait le délai raisonnable durant lequel il pouvait être exercé ; que sa demande doit, en conséquence, être rejetée comme tardive ; qu'il en résulte que les conclusions présentées par M. B...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ; [rejet]

Document n° 11 – CE Ass., 18 mai 2018, CFDT Finances

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés le 25 septembre 2017 et le 18 décembre

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2017, la Fédération des finances et affaires économiques de la CFDT (CFDT Finances) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite du Premier ministre et la décision du ministre de l'action et des comptes publics en date du 31 août 2017 rejetant la demande qu'elle a présentée le 25 mai 2017 tendant à l'abrogation du décret n° 2017-436 du 29 mars 2017 fixant la liste des emplois et des types d'emplois dérogatoires à l'emploi permanent des établissements publics administratifs en tant qu'il fixe ces emplois en ce qui concerne l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) ;2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;3°) d'enjoindre au Premier ministre d'abroger, dans la mesure de sa demande, le décret du 29 mars 2017. […]

Considérant ce qui suit :

1. La Fédération des finances et affaires économiques de la CFDT a saisi le Premier ministre d'une demande tendant à l'abrogation du décret du 29 mars 2017 fixant la liste des emplois et types d'emplois des établissements publics administratifs de l'Etat prévue au 2° de l'article 3 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat en tant qu'il détermine la liste des emplois pour lesquels l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) peut recruter des agents contractuels par dérogation à la règle selon laquelle les emplois permanents des établissements publics administratifs de l'Etat sont occupés par des fonctionnaires. Elle demande l'annulation pour excès de pouvoir du refus opposé à cette demande.

2. Le contrôle exercé par le juge administratif sur un acte qui présente un caractère réglementaire porte sur la compétence de son auteur, les conditions de forme et de procédure dans lesquelles il a été édicté, l'existence d'un détournement de pouvoir et la légalité des règles générales et impersonnelles qu'il énonce, lesquelles ont vocation à s'appliquer de façon permanente à toutes les situations entrant dans son champ d'application tant qu'il n'a pas été décidé de les modifier ou de les abroger.

3. Le juge administratif exerce un tel contrôle lorsqu'il est saisi, par la voie de l'action, dans le délai de recours contentieux. En outre, en raison de la permanence de l'acte réglementaire, la légalité des règles qu'il fixe, comme la compétence de son auteur et l'existence d'un détournement de pouvoir doivent pouvoir être mises en cause à tout moment, de telle sorte que puissent toujours être sanctionnées les atteintes illégales que cet acte est susceptible de porter à l'ordre juridique.

4. Après l'expiration du délai de recours contentieux, une telle contestation peut être formée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure prise pour l'application de l'acte réglementaire ou dont ce dernier constitue la base légale. Elle peut aussi prendre la forme d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre la décision refusant d'abroger l'acte réglementaire, comme l'exprime l'article L. 243-2 du code des relations entre le public et l'administration aux termes duquel : " L'administration est tenue d'abroger expressément un acte réglementaire illégal ou dépourvu d'objet, que cette situation existe depuis son édiction ou qu'elle résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures, sauf à ce que l'illégalité ait cessé [...] ". Si, dans le cadre de ces deux contestations, la légalité des règles fixées par l'acte réglementaire, la compétence de son auteur et l'existence d'un détournement de pouvoir peuvent être utilement critiquées, il n'en va pas de même des conditions d'édiction de cet acte, les vices de forme et de procédure dont il serait entaché ne pouvant être utilement invoqués que dans le cadre du recours pour excès de pouvoir dirigé contre l'acte réglementaire lui-même et introduit avant l'expiration du délai de recours contentieux.

5. Il résulte de ce qui précède que la fédération requérante ne peut utilement invoquer, à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du refus d'abroger le décret du 29 mars 2017, les moyens tirés respectivement de l'irrégularité de la consultation du conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat et de ce que ce décret différerait à la fois du projet qui avait été soumis par le Gouvernement au Conseil d'Etat et de celui adopté par ce dernier.

6. Aux termes de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Sauf dérogation prévue par une disposition législative, les emplois civils permanents de l'Etat, des régions, des départements, des communes et de leurs établissements publics à caractère administratif sont, à l'exception de ceux réservés aux magistrats de l'ordre judiciaire et aux fonctionnaires des assemblées parlementaires, occupés soit par des fonctionnaires régis par le présent titre, soit par des fonctionnaires des assemblées parlementaires, des magistrats de l'ordre judiciaire ou des militaires dans les conditions prévues par leur statut ". L'article 3 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat dispose, dans sa rédaction issue de la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, que : " les emplois permanents de l'Etat et des établissements public de l'Etat énumérés ci-après ne sont pas soumis à la règle énoncée à l'article 3 du titre Ier du statut général (...) 2) Les emplois des établissements publics qui requièrent des qualifications professionnelles particulières indispensables à l'exercice de leur missions spécifiques et non dévolues à des corps de fonctionnaires, inscrits pour une durée déterminée sur une liste établie par décret en Conseil d'Etat (...) Les agents occupant ces emplois sont recrutés par contrat à durée indéterminée

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(...) ". L'article 4 de la loi du 11 janvier 1984 dispose que " par dérogation au principe énoncé à l'article 3 du titre Ier du statut général, des agents contractuels peuvent être recrutés dans les cas suivants : / 1° Lorsqu'il n'existe pas de corps de fonctionnaires susceptibles d'assurer les fonctions correspondantes (...) ". Il résulte des dispositions précitées de l'article 3 de la loi du 11 janvier 1984 que la possibilité pour un établissement public administratif de l'Etat de pourvoir, sur leur fondement, à des emplois permanents en recourant à des agents contractuels recrutés par contrat à durée indéterminée, par dérogation à la règle selon lequelle ces emplois sont occupés par des fonctionnaires, est subordonnée à l'absence de corps de fonctionnaires possédant les qualifications professionnelles particulières requises pour occuper ces emplois afin d'exercer les missions spécifiques de cet établissement public.

7. Le décret du 29 mars 2017 fixe la liste des établissements publics administratifs et les types d'emploi concernés par la dérogation prévue à l'article 3 de la loi du 11 janvier 1984. Il prévoit que l'INPI bénéficie de cette dérogation pour huit types d'emplois. 8. Aux termes de l'article L. 411-1 du code de la propriété intellectuelle, l'Institut national de la propriété industrielle " a pour mission : / 1° De centraliser et diffuser toute information nécessaire pour la protection des innovations et pour l'enregistrement des entreprises, ainsi que d'engager toute action de sensibilisation et de formation dans ces domaines ; / 2° D'appliquer les lois et règlements en matière de propriété industrielle et de registre du commerce et des sociétés ; à cet effet, l'Institut pourvoit, notamment, à la réception des dépôts de demandes des titres de propriété industrielle (...), à leur examen et à leur délivrance ou enregistrement et à la surveillance de leur maintien ; il centralise le registre du commerce et des sociétés (...) ; il assure la diffusion des informations techniques, commerciales et financières contenues dans les titres de propriété industrielle ; il assure la diffusion et la mise à la disposition gratuite du public, à des fins de réutilisation, des informations techniques, commerciales et financières qui sont contenues dans le registre national du commerce et des sociétés et dans les instruments centralisés de publicité légale (...) / 3° De prendre toute initiative en vue d'une adaptation permanente du droit national et international aux besoins des innovateurs et des entreprises (...) ".

9. Il ressort des pièces du dossier que les spécificités des missions confiées à l'INPI requièrent, eu égard aux compétences techniques et juridiques dont elles supposent la maîtrise, des qualifications professionnelles particulières dans le domaine de la propriété industrielle. Il ressort également des pièces du dossier que l'ensemble des huit types d'emplois retenus par le décret du 29 mars 2017 requièrent une expertise dans le domaine de la propriété industrielle et, en particulier, dans le maniement des titres et des données ainsi que du registre national du commerce et des sociétés.

10. Contrairement à ce qui est soutenu, ni le corps des ingénieurs de l'industrie et des mines qui, en vertu du décret du 29 avril 1988 portant création et statut particulier de ce corps ont " vocation à servir en position d'activité (...) dans les établissement publics de l'Etat " et " sont chargés de fonctions de direction d'encadrement, d'expertise, d'étude, d'administration, de recherche ou d'enseignement dans les domaines scientifique, technique, environnemental, économique ou social " ni le corps des techniciens supérieurs de l'économie et de l'industrie qui, en vertu du décret du 22 août 2012 portant statut particulier de ce corps, " effectuent des études, des enquêtes, des expertises et des contrôles dans les domaines de la sécurité, de la protection de l'environnement, de l'exploitation des ressources minières, de la métrologie et de l'économie " ne donnent à leurs membres vocation à détenir, eu égard à la spécificité des missions de l'INPI, les qualifications professionnelles particulières requises pour occuper les huit types d'emplois mentionnés dans le décret du 29 mars 2017 pour lesquels l'INPI peut recruter des agents contractuels sur le fondement de l'article 3 de la loi du 11 janvier 1984.

11. Il ne ressort pas des pièces du dossier que d'autres corps de fonctionnaires donneraient à leurs membres vocation à détenir les qualifications professionnelles particulières requises, compte tenu de la spécificité des missions de l'INPI, pour occuper les huit types d'emplois mentionnés dans le décret du 29 mars 2017. Il s'ensuit que le décret litigieux a pu légalement ranger ces types d'emplois au nombre de ceux pour lesquels il peut être dérogé, sur le fondement de l'article 3 de la loi du 11 janvier 1984, à la règle selon laquelle les emplois permanents des établissements publics administratifs sont occupés par des fonctionnaires.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la Fédération des finances et affaires économiques de la CFDT n'est pas fondée à demander l'annulation pour excès de pouvoir du refus d'abroger le décret du 29 mars 2017 en tant qu'il a ouvert à l'INPI la faculté, pour huit types d'emplois, de déroger à la règle selon laquelle les emplois permanents des établissements publics administratifs sont occupés par des fonctionnaires. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées. [rejet]

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