Humanae Vitae pour les nuls ( de l'Eglise catholique) · 1 Humanae Vitae pour les nuls (... de...

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1 Humanae Vitae pour les nuls (... de l'Eglise catholique) Evêques, prêtres, diacres, personnes consacrées, fidèles laïcs, vous... et moi Réponse au Père Loïc Berge En préambule... "Je crois en l'Eglise sainte et apostolique" (Credo) "Seigneur Jésus Christ, ne regarde pas nos péchés, mais la foi de ton Église" (Ordinaire de la messe); et donne aux pécheurs que nous sommes d'aspirer à la sainteté à laquelle tu nous appelles tous et d'entrer dans l'intelligence de la foi, transmise par les apôtres... et leurs successeurs (en particulier le pape Paul VI, dans son encyclique Humanae Vitae). "Souvenez-vous de ceux qui vous ont dirigés : ils vous ont annoncé la parole de Dieu. Méditez sur l’aboutissement de la vie qu’ils ont menée, et imitez leur foi. Jésus Christ, hier et aujourd’hui, est le même, il l’est pour l’éternité. Ne vous laissez pas égarer par toutes sortes de doctrines étrangères." (Hébreux 13, 7-9a) ... Souvenez-vous du pape Paul VI, qui a dirigé l'Eglise catholique... Eglise qui l'a déclaré "Bienheureux". "Jésus dit à Pierre: « Heureux es-tu, Simon fils de Yonas : ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est aux cieux." Et moi, je te le déclare : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église ; et la puissance de la Mort ne l’emportera pas sur elle. Je te donnerai les clés du royaume des Cieux : tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que tu auras délié sur la terre sera délié dans les cieux. » (Matthieu 16, 17-19). "L'Eglise (…) enseigne que tout acte matrimonial doit rester ouvert à la transmission de la vie. (...) Cette doctrine, plusieurs fois exposée par le Magistère, est fondée sur le lien indissoluble que Dieu a voulu et que l'homme ne peut rompre de son initiative entre les deux significations de l'acte conjugal : union et procréation. En effet, par sa structure intime, l'acte conjugal, en même temps qu'il unit profondément les époux, les rend aptes à la génération de nouvelles vies, selon des lois inscrites dans l'être même de l'homme et de la femme. (Paul VI, successeur de Pierre, encyclique Humanae Vitae, 25 juillet 1968, n° 11 et 12 ) "Et invoquant les lumières du Saint-Esprit, Nous avons mis Notre conscience dans la pleine et libre disposition à la voix de la vérité, cherchant à interpréter la règle divine que Nous voyons surgir de l'exigence intrinsèque de l'amour humain authentique, des structures essentielles de l'institution du mariage, de la dignité personnelle des époux, de leur mission au service de la vie, comme de la sainteté du mariage chrétien. Nous avons réfléchi sur les éléments stables de la doctrine traditionnelle de l'Eglise, spécialement sur les enseignements du récent Concile. Nous avons pesé les conséquences de l'une ou de l'autre décision, et Nous n'avons plus eu de doute sur Notre devoir de Nous prononcer dans les termes exprimés par la présente encyclique. » (Paul VI, Vatican, audience générale du mercredi 31 juillet 1968, au sujet de Humanae Vitae) "Mes pensées ne sont pas vos pensées" (Isaïe 55, 7), dit Dieu, qui "connaît les pensées de l'homme et qu'elles sont du vent" (Psaume 93)... "Jésus, se retournant, dit à Pierre : « Passe derrière moi, Satan ! Tu es pour moi une occasion de chute : tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes." (Matthieu 16, 23) Dans son encyclique Humanae Vitae, Paul VI a lié les deux significations de l'acte conjugal, union et procréation. De deux choses l'une: - Ou bien son enseignement est inspiré par Dieu... Et ses pensées sont donc celles de Dieu, auquel cas, en tant qu'enfants de l'Eglise, nous ne pouvons qu'accueillir son enseignement dans l'obéissance de la foi - la foi catholique reçue des apôtres. Et ses nombreux détracteurs intra-ecclésiaux ont tort. - Ou bien ce n'est pas Dieu qui lui a révélé cette lubie. Et il faut donc, en cohérence avec la Parole de Jésus dans l'évangile, rejeter cet enseignement, parce qu'il ne vient pas de Dieu... mais des hommes ! Et donner raison à ses détracteurs. Face à cette alternative, en tant que fidèles de l'Eglise, ne devons-nous pas chercher à comprendre HV à partir de Dieu? De ses pensées, de ses volontés et de ses lois (y compris la loi naturelle)? Et nous convertir en renonçant à suivre le sens du vent (de la modernité), pour nous laisser guider par l'Esprit, l'Esprit de vie et d'amour (qui souffle de toute éternité)... Ou bien?

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Humanae Vitae pour les nuls (... de l'Eglise catholique) Evêques, prêtres, diacres, personnes consacrées, fidèles laïcs, vous... et moi

Réponse au Père Loïc Berge

En préambule... "Je crois en l'Eglise sainte et apostolique" (Credo)

"Seigneur Jésus Christ, ne regarde pas nos péchés, mais la foi de ton Église" (Ordinaire de la messe);

et donne aux pécheurs que nous sommes d'aspirer à la sainteté à laquelle tu nous appelles tous et d'entrer

dans l'intelligence de la foi, transmise par les apôtres... et leurs successeurs (en particulier le pape Paul VI, dans

son encyclique Humanae Vitae).

"Souvenez-vous de ceux qui vous ont dirigés : ils vous ont annoncé la parole de Dieu. Méditez sur

l’aboutissement de la vie qu’ils ont menée, et imitez leur foi. Jésus Christ, hier et aujourd’hui, est le même, il

l’est pour l’éternité. Ne vous laissez pas égarer par toutes sortes de doctrines étrangères." (Hébreux 13, 7-9a) ...

Souvenez-vous du pape Paul VI, qui a dirigé l'Eglise catholique... Eglise qui l'a déclaré "Bienheureux".

"Jésus dit à Pierre: « Heureux es-tu, Simon fils de Yonas : ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont

révélé cela, mais mon Père qui est aux cieux." Et moi, je te le déclare : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai

mon Église ; et la puissance de la Mort ne l’emportera pas sur elle. Je te donnerai les clés du royaume des

Cieux : tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que tu auras délié sur la terre sera

délié dans les cieux. » (Matthieu 16, 17-19).

"L'Eglise (…) enseigne que tout acte matrimonial doit rester ouvert à la transmission de la vie. (...)

Cette doctrine, plusieurs fois exposée par le Magistère, est fondée sur le lien indissoluble que Dieu a voulu et

que l'homme ne peut rompre de son initiative entre les deux significations de l'acte conjugal : union et

procréation. En effet, par sa structure intime, l'acte conjugal, en même temps qu'il unit profondément les époux,

les rend aptes à la génération de nouvelles vies, selon des lois inscrites dans l'être même de l'homme et de la

femme. (Paul VI, successeur de Pierre, encyclique Humanae Vitae, 25 juillet 1968, n° 11 et 12 )

"Et invoquant les lumières du Saint-Esprit, Nous avons mis Notre conscience dans la pleine et libre

disposition à la voix de la vérité, cherchant à interpréter la règle divine que Nous voyons surgir de l'exigence

intrinsèque de l'amour humain authentique, des structures essentielles de l'institution du mariage, de la dignité

personnelle des époux, de leur mission au service de la vie, comme de la sainteté du mariage chrétien. Nous

avons réfléchi sur les éléments stables de la doctrine traditionnelle de l'Eglise, spécialement sur les

enseignements du récent Concile. Nous avons pesé les conséquences de l'une ou de l'autre décision, et Nous

n'avons plus eu de doute sur Notre devoir de Nous prononcer dans les termes exprimés par la présente

encyclique. » (Paul VI, Vatican, audience générale du mercredi 31 juillet 1968, au sujet de Humanae Vitae)

"Mes pensées ne sont pas vos pensées" (Isaïe 55, 7), dit Dieu, qui "connaît les pensées de l'homme et

qu'elles sont du vent" (Psaume 93)... "Jésus, se retournant, dit à Pierre : « Passe derrière moi, Satan ! Tu es

pour moi une occasion de chute : tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes." (Matthieu 16, 23)

Dans son encyclique Humanae Vitae, Paul VI a lié les deux significations de l'acte conjugal, union et

procréation. De deux choses l'une:

- Ou bien son enseignement est inspiré par Dieu... Et ses pensées sont donc celles de Dieu, auquel cas, en tant

qu'enfants de l'Eglise, nous ne pouvons qu'accueillir son enseignement dans l'obéissance de la foi - la foi

catholique reçue des apôtres. Et ses nombreux détracteurs intra-ecclésiaux ont tort.

- Ou bien ce n'est pas Dieu qui lui a révélé cette lubie. Et il faut donc, en cohérence avec la Parole de Jésus dans

l'évangile, rejeter cet enseignement, parce qu'il ne vient pas de Dieu... mais des hommes ! Et donner raison à ses

détracteurs.

Face à cette alternative, en tant que fidèles de l'Eglise, ne devons-nous pas chercher à comprendre HV à

partir de Dieu? De ses pensées, de ses volontés et de ses lois (y compris la loi naturelle)? Et nous convertir en

renonçant à suivre le sens du vent (de la modernité), pour nous laisser guider par l'Esprit, l'Esprit de vie et

d'amour (qui souffle de toute éternité)... Ou bien?

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Cher Père Loïc,

J'ai lu votre livre :

Contraception : sortir du malentendu (Médiapaul, 2015)

J'aimerais vous répondre avec toute l'amitié et la fraternité dont je suis capable, conscient de

m'adresser à un frère dans le ministère, envoyé, comme Paul VI, vers les brebis du Christ. Ce

ne sont ni vos brebis ni les miennes, ni celles du Pape, mais de l'unique Pasteur, Jésus Christ !

Vous présentez votre livre "comme l'expression d'une sollicitude théologique et pastorale" (p

11), et comme "un service d'Eglise" (p 11 et p 171), inspiré par "le désir de voir grandir, dans

le monde d'aujourd'hui, la crédibilité de l'Evangile et pareillement celle de l'Eglise, dont la

mission est de l'annoncer." (p 12). Pour ma part, comme saint Bernadette, je me contenterai

de "dire" l'Evangile (ainsi que l'enseignement de l'Eglise et de son Magistère), en laissant

volontiers au Seigneur le soin de se charger Lui-même de sa crédibilité, selon sa Parole dans

l'Evangile : "l'œuvre de Dieu, c'est que vous croyiez en celui qu'il a envoyé. " (Jean 6, 29).

Pour ce qui concerne la double finalité de votre livre, à savoir "le débat" et "l'évangélisation",

je suis personnellement plus intéressé par l'évangélisation du monde moderne que par le débat

intra-ecclésial qui, à vrai dire, a déjà été tranché par celui que le Christ a chargé de confirmer

ses frères dans la foi - le bienheureux pape Paul VI -, qui s'est exprimé "en vertu du mandat

que le Christ lui a confié" (HV 6). De ce mandat confié à saint Pierre et à son successeur, qu'il

s'agisse de Pierre seul ou de "Pierre avec les apôtres" (toutefois cum Petro et sub Petro!), le

sensus fidei décèle quelques traces dans l'Evangile : "Amen, amen, je vous le dis : si

quelqu’un reçoit celui que j’envoie, il me reçoit moi-même ; et celui qui me reçoit, reçoit

Celui qui m’a envoyé." (Jean 13, 20). "Qui vous écoute m'écoute, qui vous rejette me rejette et

rejette Celui qui m'a envoyé" (Luc 10, 16).

Question : Paul VI a-t-il été envoyé par le Christ ?

Dans les actes des apôtres, "Pierre, avec les apôtres", déclare qu'il vaut mieux obéir à Dieu

plutôt qu'aux hommes (Actes 5, 29). Est-ce en référence aux commandements de Dieu (à sa

volonté et à ses lois) que Paul VI s'est exprimé? Aurait-il du mettre de côté l'obéissance à

Dieu, pour s'en remettre aux opinions des hommes qui - majoritairement -, se sont prononcés

"pour" la contraception? Y compris dans l'Eglise catholique ! C'est un peu comme si Moïse

laissait Dieu en plan, avec sa loi (la loi naturelle), pour rejoindre le peuple (de Dieu) pour

adorer avec ce dernier le veau d'or (de la contraception).

Je suis médecin, marié depuis 22 ans, père de famille, moniteur - en couple - d'une méthode

naturelle de régulation des naissances (la méthode Billings)... et diacre depuis 3 ans. Fils de

l'église catholique, c'est dans l'esprit d'obéissance filiale que j'accueille l'enseignement de son

Magistère, c'est-à-dire l'enseignement des successeurs de "Pierre avec les apôtres", le pape et

les évêques en communion avec lui. Pour moi, cet esprit d'obéissance est celui du Christ lui-

même, dans l'Evangile : "Car ce n’est pas de ma propre initiative que j’ai parlé; le Père lui-

même, qui m’a envoyé, m’a donné son commandement sur ce que je dois dire et déclarer ; et

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je sais que son commandement est vie éternelle. Donc, ce que je déclare, je le déclare comme

le Père me l’a dit." (Jean 12, 49-50)

C'est donc dans l'esprit d'obéissance du Christ lui-même que je veux ici "répéter", comme

Bernadette, l'évangile d'une part et l'enseignement du Magistère, d'autre part, Magistère que le

Christ a établi gardien de la foi et de la morale, "tant naturelle qu'évangélique" (HV 18)...

Comme pour tout homme renvoyé à sa conscience, vous êtes libre de "croire" ou de "ne pas

croire" ce que je déclare. Pour ma part, ce que je déclare, je le déclare comme le Christ le

déclare - dans l'évangile - et comme le Magistère le déclare, dans son enseignement...

Quel est le thème et le but de Humanae Vitae? L'encyclique traite "du mariage et de la

régulation des naissances".

Père Loïc, votre obstination à vouloir "abroger", "réformer", "réinterpréter" l'encyclique HV

(p 164) ne vous égare-t-elle pas hors du sujet magistériel? "L'encyclique HV pouvait-elle

vraiment être le tout dernier mot de l'Eglise catholique sur la contraception et la régulation

des naissances, sa parole ultime?" (p 164). En réalité, l'encyclique ne traite pas de "la

contraception et de la régulation des naissances", mais "du mariage et de la régulation des

naissances"... Je ne sais pas si vous saisissez la nuance, mais ce qui est premier, c'est le

mariage et le thème et le but de l'encyclique, c'est "le respect de la nature et des finalités de

l'acte matrimonial" (HV 11), comme Paul VI s'en est lui-même expliqué dans l'audience

générale du mercredi 31 juillet 1968 : « Humanae Vitae n'est pas seulement la déclaration

d'une loi morale négative - c'est-à-dire l'interdiction de tout acte se proposant de rendre

impossible la procréation (n. 14) - c’est d’abord et surtout la présentation positive de la

moralité conjugale, par rapport à sa mission d'amour et de fécondité « dans la vision

intégrale de l'homme et de sa vocation non seulement naturelle et terrestre, mais aussi

surnaturelle et éternelle » (n. 7)."

Il peut être utile de rappeler ici que Paul VI, avec son encyclique HV sur "le mariage et la

régulation des naissances", met ses pas dans ceux de Pie XI et de son encyclique Casti

Conubii (30 décembre 1930) qui, elle aussi, traite "du mariage chrétien". Pie XI, quant à lui,

s'est attaché aux pas de Léon XIII, et a fait sienne l'Encyclique Arcanum divinae sapientiae

(10 février 1880) sur le mariage chrétien, en la confirmant de son autorité apostolique.

"Combien grande est la dignité de la chaste union conjugale (...). Le Christ (...), ayant pris la chair de l'homme

déchu, ne s'est pas contenté d'inclure d'une façon particulière le mariage (...) dans le dessein d'amour qui lui a

fait entreprendre l'universelle restauration du genre humain : après l'avoir ramené à la pureté première de sa

divine institution, il l'a élevé à la dignité d'un vrai et « grand » [souligné dans le texte] sacrement de la Loi

nouvelle, et, en conséquence, il en a confié la discipline et toute la sollicitude à l'Eglise son Epouse. Pour que,

toutefois, cette rénovation du mariage produise dans toutes les nations du monde et dans celles de tous les temps

ses fruits désirés, il faut d'abord que les intelligences humaines soient éclairées sur la vraie doctrine du Christ

concernant le mariage ; il faut ensuite que les époux chrétiens, fortifiés (...) par le secours intérieur de la grâce

divine, fassent concorder toute leur façon de penser et d'agir avec cette très pure loi du Christ, par où ils

s'assureront à eux-mêmes et à leur famille le vrai bonheur et la paix. Mais, (...) nous constatons chez beaucoup

d'hommes, l'oubli de cette restauration divine et l'ignorance totale d'une si haute sainteté du mariage. (...) On la

méconnaît, cette sainteté, on la nie impudemment, ou bien encore, s'appuyant sur les principes faux d'une

morale nouvelle et absolument perverse, on foule cette sainteté aux pieds. Ces erreurs extrêmement

pernicieuses et ces mœurs dépravées ont commencé à se répandre parmi les fidèles eux-mêmes, et peu à peu,

de jour en jour, elles tendent à pénétrer plus avant chez eux : aussi, à raison de notre office de Vicaire du

Christ sur terre (...) et de Notre Magistère, Nous avons jugé qu'il appartenait à Notre mission apostolique

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d'élever la voix, afin de détourner des pâturages empoisonnés les brebis qui Nous ont été confiées, et, autant

qu'il est en Nous, de les en préserver. Nous avons donc décidé (...) d'entretenir toute l'Église du Christ, et même

le genre humain tout entier, de la nature du mariage chrétien, de sa dignité, des avantages et des bienfaits qui

s'en répandent sur la famille et sur la société humaine elle-même, des très graves erreurs contraires à cette

partie de la doctrine évangélique." (Pie XI, Casti Conubii, 31 décembre 1930)

Paul VI ne dit pas autre chose dans son encyclique Humanae Vitae : "Le mariage (...) est une sage

institution du Créateur pour réaliser dans l'humanité son dessein d'amour. Par le moyen de la donation

personnelle réciproque, qui leur est propre et exclusive, les époux tendent à la communion de leurs êtres en vue

d'un mutuel perfectionnement personnel pour collaborer avec Dieu à la génération et à l'éducation de nouvelles

vies." (HV 8)

"Donation personnelle réciproque": retenons dès maintenant cet aspect personnaliste majeur

de l'enseignement de HV, qui reprend la formule de l'échange des consentements dans le

sacrement de mariage ; "Je te reçois comme époux/épouse et je me donne à toi". En vertu de

la grâce sacramentelle, les époux acquièrent le pouvoir de se sanctifier mutuellement dans

tous les actes de leur vie quotidienne, y compris dans l'acte conjugal où, lorsqu'ils se donnent

l'un à l'autre, "personnellement" et "réciproquement", ils ne font plus "qu'une seule chair"

(Matthieu 19, 6), selon les paroles du Christ lui-même, dans l'évangile. C'est là, dans l'acte

conjugal, que la communion des conjoints apparaît - visiblement - comme une icône de la

communion trinitaire. "Ils ne sont plus deux, mais une seule chair"... Image du Dieu "un" en

trois Personnes.

Question : Quelle est la place de la contraception dans cette communion personnelle des

conjoints qui est à l'image de la communion des trois personnes divines?

Père Loïc, vous assumez votre "prise de distance par rapport à la morale traditionnelle" et la

"remise en cause" (p 163) du Magistère, que vous mettez en accusation : "Le Magistère se

fourvoie à fonder son argumentation sur le cycle féminin." (p 84). Vous lui reprochez son

"argumentation concentrée plus ou moins exclusivement sur le respect des aspects

biologiques" (p 57). "Le "biologique", en particulier le cycle féminin, doit-il être considéré

comme expression du plan de Dieu sur l'homme?" (p 16). A longueur de pages, vous

poursuivez la biologie de votre vindicte, comme dans ce passage où vous situez l'interdit de la

contraception dans la foulée de l'interdit de l'onanisme qui, selon vous, "résulte d'une

hypertrophie du regard sur les aspects biologiques, physiologiques et reproductifs de la vie

sexuelle, au détriment des autres aspects plus humanisants et plus personnalisants." (p 127).

Soit...

Autre reproche récurrent... "L'Evangile parle peu de sexualité et de rythmes naturels ou

biologiques, qui sont les points d'insistance du discours magistériel." (p 16). "Cet

enseignement n'a pas vraiment d'appui dans l'Ecriture, qui ne parle pour ainsi dire jamais

de nature ni de loi naturelle. Le recours à ces concepts constitue le problème philosophique

et anthropologique d'HV." (p 84) "Jésus dans les Evangiles ne parle ni de régulation des

naissances, ni de rythmes naturels, ni même de nature. De quoi Jésus parle-t-il?" (p 104)

Dans l'évangile, de quoi Jésus parle-t-il donc? Prenons l'évangile de la messe du vendredi 23

octobre dernier : "En ce temps-là, Jésus disait aux foules : « Quand vous voyez un nuage

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monter au couchant, vous dites aussitôt qu’il va pleuvoir, et c’est ce qui arrive. Et quand vous

voyez souffler le vent du sud, vous dites qu’il fera une chaleur torride, et cela arrive.

Hypocrites ! Vous savez interpréter l’aspect de la terre et du ciel ; mais ce moment-ci,

pourquoi ne savez-vous pas l’interpréter ? Et pourquoi aussi ne jugez-vous pas par vous-

mêmes de ce qui est juste?" (Luc 12, 54-57). Dans cet évangile, Jésus parle du temps qu'il va

faire, et que nous savons prévoir en interprétant l'aspect du ciel et de la terre. Pour cela, nous

disposons de notre bon sens, de notre intelligence, de notre raison. Nul besoin de recourir à la

foi dans ce domaine. Cependant, pour une prévision plus élaborée, nous pouvons recourir à

une science particulière : la météorologie.

Question : la météorologie est-elle évangélique? La question peut paraître saugrenue, mais si

l'aspect du ciel et de la terre relève de la météorologie (quoi qu'en dise l'évangile, en fait),

pour aborder la question de la transmission de la vie, qu'est-ce qui empêche le Magistère (ou

n'importe qui, d'ailleurs) de tenir un raisonnement fondé sur la biologie ? Et la physiologie?

"Biologie n. f. (du gr. bios, vie, et logos, science). Science de la vie et plus

spécialement, étude du cycle reproductif des espèces vivantes." (Petit Larousse 1989).

M'enfin! Comme dirait Gaston L., si la transmission de la vie devait sortir du champs de la

biologie, à quelle science pourrions-nous nous référer pour aborder cette question de

façon rationnelle? Rationnellement pertinente ? Et donc philosophiquement acceptable?

Quelle science, en effet... La sexologie? A laquelle semble aller votre préférence subjective?

"Faire l'amour maintient en bonne santé, disent unanimement les sexologues." (p 56)

Question : La sexologie est-elle évangélique? Est-elle plus évangélique que la biologie?

Père Loïc, pour répondre à votre prise de position sur la contraception (en désaccord radical

avec celle du Magistère), c'est sur le plan philosophique et éthique que je veux ici me situer.

Pour ce qui est de la philosophie, j'ai l'impression que vous n'êtes pas très "fan" d'Aristote et

de Thomas d'Aquin... On va donc s'en remettre au philosophe Luc Ferry, digne représentant

de la sagesse des modernes. Pour lui (aussi), "la philosophie commence toujours par

l’intelligence de ce qui est".

« La première tâche de la philosophie (…) consiste à acquérir un minimum de

connaissance du monde dans lequel notre existence va se dérouler. (…) [La philosophie] ne

peut pas ne pas commencer par s’interroger sur la nature de ce monde qui nous entoure.

Toute philosophie digne de ce nom part donc des sciences naturelles qui nous dévoilent la

structure de l’univers. (...) Pour les stoïciens, ouvrir les yeux sur le monde, c’est comme pour

un biologiste ouvrir les yeux sur le corps d’une souris ou d’un lapin pour y découvrir que tout

y est parfaitement « bien fait » ; l’œil admirablement constitué pour « bien voir », (…)

l’estomac pour digérer les aliments, (…). Tout cela est, aux yeux des stoïciens, à la fois

« logique », rationnel au sens du logos, et « divin », theion. Pourquoi ce terme ? Nullement

pour signifier qu’un Dieu personnel aurait créé toutes ces merveilles, mais plutôt pour

marquer le fait, tout d’abord qu’il s’agit bien de merveilles, mais aussi que nous, les êtres

humains, n’en sommes en rien les auteurs ou les inventeurs. Nous ne faisons, au contraire,

que les découvrir déjà toutes faites, sans les avoir créées nous-mêmes. Le divin, c’est le non-

humain lorsqu’il est merveilleux." (Luc Ferry, Apprendre à vivre, Traité de philosophie à

l’usage des jeunes générations, Plon, 2006, p 29 et p 37).

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Je ne partage pas la conception "à la Père Noël" que Luc Ferry se fait du "divin". par contre,

je suis entièrement d'accord avec lui sur son approche rationnelle de la structure de l'univers,

où il s'agit "d'ouvrir les yeux sur le monde, comme un biologiste les ouvre sur le corps" (qu'il

s'agisse d'une souris, d'un homme ou d'une femme), pour y "découvrir" que tout est, d'une

part, parfaitement "bien fait" - c'est le point de vue de la biologie - et d'autre part, "bien fait

pour fonctionner" - c'est le point de vue de la physiologie ...

"Physiologie n. f. 1. Science qui étudie les fonctions organiques par lesquelles la vie

se manifeste et se maintient sous sa forme individuelle." (Petit Larousse 1989).

Père Loïc, à la page 50, vous rapportez à vos lecteurs l'enseignement de Paul VI: "Dans la

tâche de transmettre la vie, les conjoints ne sont pas libres de procéder à leur guise" (HV 10),

mais ils doivent tenir compte des "processus biologiques". En effet, "par rapport aux

processus biologiques, la paternité/maternité responsable signifie connaissance et respect

de leurs fonctions." (HV 10)." (je souligne). De votre point de vue, "Paul VI n'explique pas

précisément quelles sont les fonctions [vous soulignez dans le texte] des processus

biologiques qu'il s'agit ici de respecter et de connaître, si bien qu'une réinterprétation du

texte serait ici possible, comme on le verra bientôt." (p 50-51).

"Réinterpréter" HV; le "réformer" à défaut de "l'abroger"... (à moins de le laisser tomber

discrètement dans l'oubli ?)" (p 163). Père Loïc, est-ce là l'objectif réel de votre livre? Si

telle est bien votre perspective, je comprends votre acharnement à mettre la biologie et la

physiologie à la poubelle, en les présentant comme des erreurs méthodologiques, dans

l'appréciation des fondements éthiques de HV. Tout comme la biologie, et même si Jésus

n'en parle pas explicitement dans l'évangile, la physiologie (qui s'occupe des "fonctions" des

processus biologiques qui régissent la transmission de la vie), constitue le fondement

philosophique incontournable de HV, pour se faire comprendre de tout homme de bonne

volonté, quelle que soit sa culture ou sa croyance. C'est là le fondement rationnel de

l'argumentation philosophique.

Pour sa part, la loi naturelle, sur laquelle s'appuie l'argumentation éthique de HV ne repose

ni sur la biologie ni sur la physiologie, mais sur la nature humaine - la nature de la

personne humaine -, concept tout aussi accessible à la raison, et que vous auriez pu prendre

la peine d'expliquer dans votre ouvrage, autrement que par inadvertance et entre parenthèses...

"Tout le monde admet l'obligation de faire le bien et d'éviter le mal (c'est la base de la loi

naturelle). Mais en quoi consistent le bien et le mal?" (p 151).

La loi naturelle ; il me semble que le Concile Vatican II a abordé ce sujet dans son

enseignement: "Au fond de sa conscience, l’homme découvre la présence d’une loi qu’il ne

s’est pas donnée lui-même, mais à laquelle il est tenu d’obéir. Cette voix, qui ne cesse de le

presser d’aimer et d’accomplir le bien et d’éviter le mal, au moment opportun résonne dans

l’intimité de son cœur : « Fais ceci, évite cela ». Car c’est une loi inscrite par Dieu au cœur

de l’homme ; sa dignité est de lui obéir, et c’est elle qui le jugera " (Gaudium et Spes, n° 16).

La loi naturelle se trouve dans la conscience et ne relève donc pas de la biologie ni de la

physiologie. Or, comme vous le dites à juste titre, la loi naturelle, "oblige" "tout le monde" "à

faire le bien et à éviter le mal"... Quant à savoir en quoi consiste le bien et le mal, chacun a le

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devoir de former sa conscience. Il faut "suivre sa conscience", assurément! Cependant, avant

de la suivre, il faut qu'elle soit un minimum formée, éclairée. La conscience d'un enfant livré à

lui-même (ou élevé par des loups), équivaut-elle à celle d'un enfant éduqué autrement? Penser

par soi-même, c'est bien. Juger par soi-même, c'est bien. Mais encore faut-il que l'on ait été

formé à le faire, éduqué par notre entourage. Cette éducation des consciences est la mission

légitime de l'Eglise en général et de son Magistère en particulier, notamment pour ce qui

concerne le mariage. "Le mariage n'est pas du monde, mais du Père" dit Jean-Paul II, à la

suite de ses prédécesseurs (Léon XIII, Pie XI, Paul VI). La mission du Magistère ne consiste

pas à "exhorter" les consciences, mais à les former, à les "éclairer", au sens "d'enseigner" :

"Allez, de toutes les nations faîtes des disciples, enseignez-leur à observer tout ce que je vous

ai commandé", dit Jésus dans l'évangile (Matthieu 28, 19-20). En publiant HV, Paul VI ne fait

que s'acquitter de cette mission qu'il a reçue du Christ. (HV 6).

Avant de poser - en conscience -, un jugement éthique suffisamment étayé sur la légitimité

(ou non) de la contraception (par rapport à la vérité de l'amour conjugal et des actes qui

l'expriment), pour ce qui concerne "la transmission de la vie", la raison ne peut pas faire

l'impasse sur la physiologie. D'ailleurs, c'est à partir des mêmes bases physiologiques que le

Planning Familial justifie sa promotion de la contraception : "Nous pouvons mieux

comprendre et aimer ce qui se passe dans notre corps si nous avons des connaissances

anatomiques et physiologiques." (Planning Familial, Guide de la contraception et de l’amour

sans risques, Syros, 1993, p 25). Par conséquent, il est évident qu'on ne peut comprendre HV

sans avoir un minimum de "connaissances" physiologiques et biologiques, claires et fiables,

que l'on peut trouver, par exemple dans un dictionnaire. Quoi de plus clair qu'un dictionnaire?

"Conception n. f. Fait (pour un être vivant sexué, pour un enfant) d’être conçu,

de recevoir l’existence. » (Petit Larousse 1989).

" Anticonceptionnel, elle adj. Qui empêche la fécondation, contraceptif." (Petit

Larousse 1989).

" Fécondation n. f. 1. Action de féconder: son résultat. 2. Union du gamète mâle avec

le gamète femelle, contenant chacun n chromosomes, pour donner un œuf ou zygote,

contenant chacun 2n chromosomes et dont le développement donne un nouvel individu." (Petit

Larousse 1989).

"Féconder v. t. Réaliser la fécondation de ." (Petit Larousse 1989).

A l'époque où Paul VI publie HV - en 1968, en pleine révolution sexuelle -, on ne parle pas de

contraception mais de "pilule anticonceptionnelle". Le mot signifie et manifeste bien la

finalité objective de la pilule : empêcher la conception d'un enfant ! Or, on ne peut, de

façon délibérée, empêcher "le processus biologique" de la conception, que si l'on connaît, au

préalable, le fonctionnement, c'est-à-dire les "fonctions" des mécanismes biologiques qui sont

mis en jeu; c'est-à-dire, précisément, la physiologie!

"La pilule pour homme existe-t-elle? Oui! Mais elle en est encore au stade

d'expérimentation et nul ne peut dire quand elle verra le jour. (...) Beaucoup de femmes

8

pensent que ce retard pris dans l'expérimentation est dû au fait que les hommes ne voudront

jamais prendre la pilule, et qu'ils font tout pour en retarder l'échéance. Nous savons

énormément de choses sur le cycle féminin, le mécanisme de l'ovulation, celui des règles,

mais nous ignorons tout de la fabrication des spermatozoïdes. Il est donc difficile de

bloquer un mécanisme dont on ignore le fonctionnement." (Dr David Elia, La pilule et le

stérilet en 10 leçons, "comment éviter l'interruption de grossesse", Hachette, 1976, p 99-100).

"La pilule pour homme est encore une utopie. Des produits ont été expérimentés mais

n'ont pas donné des résultats suffisamment performants. En effet, il faudrait en théorie

pouvoir bloquer de façon sélective la production de spermatozoïdes sans perturber la

production de l'hormone mâle (testostérone)." (Planning familial, Guide de la contraception et

de l’amour sans risques, Syros, 1993, p 116-117).

Pour mettre au point une contraception hormonale masculine, il faut "bloquer" le mécanisme

biologique, physiologique, de la fabrication des spermatozoïdes, c'est-à-dire empêcher le

fonctionnement de quelque chose qui fonctionne bien !!! On est parvenu à le faire chez la

femme - avec la pilule - mais aujourd'hui, soit 40 ans après le constat du Dr David Elia, on n'y

arrive toujours pas chez l'homme... Etonnant, non? Il paraît que la contraception a "libéré" la

femme. Qu'est-ce qu'on attend pour "libérer" l'homme?

En résumé, la contraception a pour but de bloquer les mécanismes biologiques et

physiologiques de la transmission de la vie. Le pape exhorte les conjoints à ne pas

bloquer ces mécanismes, mais à les "connaître", pour qu'ils puissent - librement - poser les

actes spécifiques de la relation conjugale, de façon éthique - moralement droite. Puisque ces

actes concernent autant l'homme que la femme, leur responsabilité conjointe est requise et

engagée dans "le très grave devoir de transmettre la vie humaine, qui fait des époux les libres

et responsables collaborateurs du Créateur" (HV 1). Où l'on voit que Paul VI ne laisse pas

Dieu de côté, mais le place à la source même de la qualification éthique de l'acte conjugal!

Cela dit, l'homme est naturellement, physiologiquement, toujours fécond - à tous les coups, si

vous me permettez l'expression. La femme elle, a une fécondité cyclique, alternant - de façon

physiologique - des périodes fécondes et des périodes infécondes. Dans les cas où les époux

souhaitent légitimement différer la venue d'une nouvel enfant, le pape les invite à recourir,

pour leurs unions conjugales, aux seules périodes infécondes de la femme. De cette manière,

"l'acte conjugal sauvegarde le lien indissoluble entre union et procréation" (HV 12), "que

Dieu a voulu et que l'homme ne peut rompre de son initiative" (HV 12). Ce faisant, l'acte

conjugal - la relation sexuelle des conjoints - manifeste en vérité, "la donation personnelle

réciproque" (HV 8) des époux; sans bloquer quoi que ce soit... Même pas la libido!

Une différence essentielle apparaît ici entre la contraception (qu'elle soit chimique ou

physique) qui "bloque" la transmission de la vie et les méthodes naturelles de régulation

des naissances, qui sont des méthodes de "connaissance" des mécanismes physiologiques (de

la transmission de la vie), et qui ne "bloquent" rien du tout! Ces méthodes "n'entravent" rien,

"n'empêchent" pas le déroulement normal des mécanismes biologiques/physiologiques. Et

surtout, surtout, les méthodes naturelles ne séparent pas ce que la contraception sépare :

l'union et la procréation. Pour paraphraser les hippies des seventies, on peut dire que la

contraception, c'est "Faire l'amour, pas la vie"! La contraception, c'est "faire l'amour sans

faire la vie"! Cette dissociation a permis le développement des techniques de Procréation

Médicalement Assistées - les fameuses PMA -, où cette fois-ci, il s'agit de "faire la vie sans

faire l'amour"! C'est à partir de cette dissociation primordiale que découle toute une série de

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dissociations en cascades : "entre fécondation et sexualité, entre procréation et vie sexuelle

normale, entre insémination et acte sexuel, entre procréation et paternité, entre féminité et

maternité, entre procréation et plaisir." (Pascal Ide, Le corps à cœur, éditions Saint-Paul,

1991, p 81). La revendication "moderne" de la GPA, du mariage et de la parentalité pour les

couples de même sexe, prend racine dans la première des dissociations, la dissociation de

"l'union et de la procréation". Ce sont là les fruits de la contraception. Jésus n'a-t-il pas dit

(dans l'évangile) qu'on reconnaît un arbre à ses fruits ?

Si la différence éthique entre contraception et méthodes naturelles ne vous saute pas (encore)

aux yeux, elle est pourtant très claire aux yeux du Planning Familial :

"Les méthodes dites "naturelles" ou d'observation du cycle sont avant tout des

méthodes d'observation et de connaissance du cycle plutôt que des contraceptions. Il vaut

mieux les considérer comme permettant à la rigueur d'espacer les naissances." (Guide de la

contraception et de l’amour sans risques, op. cité, p 101)

Soit dit en passant, "pilule anticonceptionnelle", ça ne fait pas très glamour. Les tenants de la

révolution sexuelle ont donc décidé de changer de vocable et opté pour "la contraception".

ça fait tellement plus sexy, moins "anti"... Mais, changer le mot ne change pas la nature de

la réalité qu'il désigne : la contraception empêche la fécondation; s'oppose directement à la

conception; bloque les mécanismes biologiques engagés dans le processus physiologique de la

conception... Au sujet de la contraception, comme vous en convenez vous-même : "Le texte

d'Humanae Vitae est clair : "Est exclue toute action qui, soit en prévision de l'acte conjugal,

soit dans son déroulement, soit dans le développement de ses conséquences naturelles, se

proposerait comme but ou comme moyen de rendre impossible la procréation." (HV 14)". (p 52).

L'encyclique HV condamne des "actes", pas des personnes. C'est dans la logique de la morale

traditionnelle... L'Eglise distingue la personne de ses actes. L'église condamne le péché -

l'acte, le fait d'user de la contraception -; elle ne condamne pas le pécheur, qui se

condamne tout seul en recourant à un acte qui est mauvais "en soi" - "intrinsèquement"

mauvais... Le pécheur (ne le sommes-nous pas tous plus ou moins?) garde toutefois la

possibilité de se convertir; c'est-à-dire la liberté de se détourner du mal où il s'est fourvoyé,

pour se tourner vers le bien, et notamment le Bien suprême qui est Dieu. Dans la foulée, il

peut aussi changer sa manière d'agir en se conformant au "mode d'agir" que Dieu a imprimé

en lui, comme en tout homme, avec la loi naturelle. Comme le rappelle le concile Vatican II,

chacun peut découvrir cette loi (et rencontrer Dieu), au fond de sa conscience (GS 16). C'est

ce que fait le fils prodigue quand, après avoir mené une vie dissolue, "il rentre en lui-même"

(Luc 15, 17), avant de décider de retourner chez son père. Dans ma présentation du péché (la

contraception est un péché) et de la loi naturelle, je ne fais que "répéter" l'enseignement de

l'Eglise. Est-ce que l'Eglise se trompe dans son enseignement? Sur ce point essentiel, vous

"prenez des distances vis-à-vis de la condamnation pontificale de la contraception"(p 122).

Au nom de "l'évangile et de son éthique de la communion des personnes." (p 171) Soit!

Pour porter sur la contraception un jugement (éthique) éclairé, ne faut-il pas avoir une idée

claire de ce qu'est la contraception (en soi) et de son but? Bien que nous ayons déjà développé

la question, d'un point de vue biologique (et un peu éthique), il me semble intéressant de voir

la présentation qu'en font ses promoteurs zélés. Peut-être que nous pourrons ensuite mieux

comprendre les prises de position du Magistère? Peut-être...

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« On entend par contraception, la pratique de moyens divers, qui permettent à un homme ou

à une femme d’avoir des relations sexuelles sans qu’il y ait fécondation. (...) La découverte

de moyens efficaces et sans danger, permettant de dissocier l’acte sexuel de la procréation, a

une portée véritablement révolutionnaire. Elle oblige en effet à remettre en question les

rapports entre les sexes. Pendant vingt siècles, le mâle a été seul maître de la procréation ;

aujourd’hui sa compagne peut en décider elle aussi. » (Catherine Vallabrègue, Dominique

Dallayrac, Tout savoir sur la contraception, Filipacchi, 1973, p 13 et p 5)

« Les années 1960 ont vu naître une des plus grandes conquêtes de notre siècle : la

contraception. La maîtrise de la fécondité a bouleversé largement la condition humaine en

dissociant la procréation de la sexualité. […] On a alors observé une véritable mutation

dans les mœurs. » (Guide de la contraception et de l’amour sans risques, Planning

familial, Syros, 1993, p 13). La première version de ce livre a été publiée en 1985 sous le titre

Contraception, croquez la pomme sans les pépins, aux éditions Syros.

"1956. Porto Rico. Le biologiste Pincus et ses collaborateurs mettent au point une méthode

contraceptive révolutionnaire: la pilule. (...) Un des outils les plus importants de

l'émancipation de la femme vient d'être découvert. Et l'ère des grossesses désirées et

planifiées est ouverte. (...) La découverte de cette pilule, c'est aussi un peu de pouvoir retiré

aux hommes. Les femmes sont plus responsables. Elles sont moins dépendantes. (...) Depuis

vingt ans, les progrès ont été considérables et chaque année, un nombre plus grand de

femmes adopte la pilule. C'est qu'à l'évidence, les mœurs ont changé. Les laboratoires

pharmaceutiques, eux, ne s'y sont pas trompés: il y avait là un immense marché financier."

(Dr David Elia, La pilule et le stérilet en 10 leçons, op. cité, p 22).

"La contraception est certainement l'un des problèmes les plus controversés de notre époque,

parce qu'elle a bousculé tout un pan de l'ordre social et moral traditionnel. Pourtant, la

question paraît assez simple: nous avons envie de faire l'amour avec un homme sans avoir

d'enfants, en tout cas pas pour le moment, et peut-être jamais. Nous voulons pouvoir jouir

des rapports sexuels sans avoir à craindre une grossesse, et nous refusons de passer chaque

mois des jours et des nuits dans l'attente de nos règles. Et c'est si facile d'être enceinte!

Chaque mois, pendant au moins trente ans, notre corps se prépare minutieusement à une

éventuelle grossesse; et l'homme possède trois cents millions ou plus de spermatozoïdes

disponibles à tout moment... Comme c'est nous [souligné dans le texte] qui serons enceintes,

nous voulons une méthode contraceptive efficace, sûre, bon marché et facile à se procurer. Au

cours des dix dernières années, la recherche scientifique a progressé et la législation a évolué

dans un sens plus libéral. Toute femme, même mineure, peut se procurer des contraceptifs

librement (...). Depuis peu de temps, le stérilet est remboursé. Malgré cette amélioration [!],

la contraception est loin d'être généralisée, et n'est pas toujours pratiquée de façon efficace.

C'est qu'il ne suffit pas qu'une loi soit votée (...) pour la faire passer dans notre vie

quotidienne. Un trop grand conditionnement s'y oppose, dans lequel nous enferment aussi

bien l'école que l'Eglise, agents de la morale régnante. Le cheval de bataille de notre

gouvernement "libéral et avancé" - l'éducation sexuelle dans l'enseignement secondaire - s'est

vite essoufflé. Les cours n'abordent que des connaissances anatomiques ou physiologiques.

(...) Mais la réalité des désirs sexuels reste une question taboue. Il est toujours interdit de

11

dissocier sexualité et reproduction.; on a le droit d'expliquer "comment on fait les enfants",

mais toute initiative sortant de ce cadre est réprimée par les autorités. (...) C'est l'illusion la

plus répandue que d'imaginer que le choix en matière de contraception est libre, parce qu'il

s'effectue dans l'intimité du couple. Il est soumis à toutes sortes d'influences sociales qui

conditionnent toutes nos réactions, même celles qui nous semblent les plus spontanées et

personnelles. Toute femme sait qu'en général trois personnes sont impliquées dans le choix du

moyen de contraception : elle même, son partenaire et le médecin." (Collectif de Boston sur

la santé des femmes, Notre corps, nous-mêmes, écrit par des femmes pour les femmes,

adaptation française, Albin Michel, 1977, p. 106-108)

En clair et sans décodeur, quelques mois après Mai 68, à contre-courant de la révolution

sexuelle, le pape Paul VI nous exhorte à ne pas dissocier l'acte sexuel de la procréation.

Pourquoi? Tout simplement parce qu'il considère, en conscience, que cette "dissociation"

entre union et procréation constitue une opposition au vrai bien de l'homme" (HV 18).

Dans votre livre, vous citez Xavier Lacroix, professeur de morale à la Catho de Lyon. Je l'ai

entendu à Saint-Etienne à la fac de lettres, dans les années 1990, au cours d'une conférence

tout public sur Veritatis Splendor, l'encyclique de Jean-Paul II sur les fondements de la

morale (1993). A cette occasion, le professeur a donné son avis sur HV; texte "potable" (ce

sont ses termes) si l'on en avait extrait deux mots : "licite" et "illicite". Et? Et puis, c'est tout!

Père Loïc, permettez-moi de reprendre ici votre citation du professeur Xavier Lacroix : "même

si je crois que les méthodes naturelles dites "d'auto-observation" respectent mieux l'intégrité

du corps de la femme et ses rythmes biologiques, je pense que d'un point de vue moral, il n'y

a pas un abîme avec les méthodes chimiques. On ne passe pas des ombres à la lumière en

adoptant une méthode plutôt qu'une autre: choisir délibérément les périodes infertiles pour

s'unir, c'est déjà distinguer union et procréation" (LACROIX, 2014 76)." (p 120)

"Distinguer", c'est une chose. "Dissocier", c'est autre chose! Les couples qui recourent aux

méthodes naturelles "distinguent" les périodes fécondes et infécondes de la femme, sans

"dissocier", dans l'acte conjugal, l'union de la procréation. Alors que ceux qui ont recours à la

contraception "dissocient" objectivement l'union de la procréation : "ils croquent la pomme

sans les pépins." C'est pourtant pas compliqué à comprendre!? "Il ne s'agit tout de même pas

d'expliquer le mystère de a Sainte Trinité!" (p 84).

"Distinguer", c'est une chose. "Dissocier", c'est autre chose... J'ai reçu en 1993 le sacrement

de confirmation. A cette occasion, on m'a offert Théo, l'encyclopédie catholique pour tous

(Droguet/Ardant Fayard, 1993). Page 682, les auteurs expliquent que "le Christ, tout en ayant

deux natures, l'une humaine et l'autre divine, n'a qu'une "hypostase", c'est-à-dire ne forme

qu'une seule personne. C'est ce qu'on appelle "l'union hypostatique". La Trinité divine, pour

sa part, est composée de trois hypostases (le Père, le Fils, l'Esprit Saint) qui partagent la

même nature divine. Les termes auxquels les théologiens se trouvaient bien obligés de

recourir pour évoquer de manière aussi précise que possible le mystère de Dieu, celui de sa

Trinité, celui de son Incarnation, furent longtemps source de difficultés et de malentendus.

(...) Ce fut l'œuvre des conciles des premiers siècles de procéder à l'indispensable

clarification des notions et des termes: la notion d'hypostase est due au concile de

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Chalcédoine (451)." Dans l'unique personne du Christ, il faut donc distinguer sa nature

humaine de sa nature divine. Dissocier, dans le Christ, la nature humaine de la nature divine

revient à séparer l'homme de Dieu, et "séparer l'homme de Dieu, c'est couper en deux

Jésus Christ", selon l'expression d'un père jésuite...

"Distinguer", c'est une chose. "Dissocier", c'est autre chose... Dans son encyclique sur la foi

et la raison, le philosophe Jean-Paul II "distingue" la foi de la raison, sans les "dissocier".

Autrement, on aurait d'un côté un rationalisme sans foi et de l'autre un fidéisme irrationnel !

Ce qui n'est pas très heureux...

Autre exemple : Descartes "dissocie" l'âme (la chose qui pense) du corps (la chose étendue),

et verse dans un dualisme qui n'est pas celui du philosophe Jean Paul II qui, lui, "distingue"

l'âme du corps, sans les dissocier, tout en les maintenant dans l'unité substantielle de la

personne, "corpore et anima unus" (VS 48)!

"Dissocier" l'âme du corps, c'est comme "dissocier" la personne de sa liberté, quand

cette liberté se prétend absolue - c'est-à-dire déliée de tout lien de dépendance, en particulier

vis-à-vis du corps... "Une liberté qui prétend être absolue finit par traiter le corps humain

comme un donné brut, dépourvu de signification et de valeur morales tant que la liberté ne l'a

pas saisi dans son projet. En conséquence, la nature humaine et le corps apparaissent comme

des présupposés ou des préliminaires, matériellement nécessaires au choix de la liberté, mais

extrinsèques à la personne, au sujet et à l'acte humain." (Jean-Paul II, VS 48).

"La vérité vous rendra libres" (Jean 8, 32)

Ces paroles de Jésus - dans l'évangile ! -, sont le fondement de la morale de l'Eglise... De

l'Eglise, qui "enseigne la vérité sur l'homme et sur sa liberté" (VS 48).

L'Eglise enseigne la vérité "sur l'unité de l'être humain dont l'âme rationnelle est (...) la forme

du corps. L'âme (...) est le principe d'unité de l'être humain, elle est ce pour quoi il existe

comme un tout - corpore et anima unus - en tant que personne. (...) Ces définitions (...)

rappellent le lien de la raison et de la volonté libre avec toutes les facultés corporelles et

sensibles. La personne, comprenant son corps, est entièrement confiée à elle-même, et c'est

dans l'unité de l'âme et du corps qu'elle est le sujet de ses actes moraux. (...) Et puisque la

personne n'est pas réductible à une liberté qui se projette elle-même (...), une doctrine qui

dissocie l'acte moral des dimensions corporelles de son exercice (...) fait revivre, sous des

formes nouvelles, certaines erreurs anciennes que l'Eglise a toujours combattues, car elles

réduisent la personne humaine à une liberté « spirituelle » purement formelle. Cette

réduction méconnaît la signification morale du corps et des comportements qui s'y rattachent

(cf. 1 Co 6, 19). (... ) En effet, le corps et l'âme sont indissociables : dans la personne, dans

l'agent volontaire et dans l'acte délibéré, ils demeurent ou se perdent ensemble. (VS 48-49)

Le père Pascal Ide saura, mieux que moi, vulgariser les rapports problématiques que la liberté

des "modernes" entretient avec le corps. Dans Le corps à cœur (Saint-Paul,1996), Pascal Ide

cite notamment le Dr Pierre Simon, gynécologue-obstétricien, deux fois Grand Maître de la

Grande Loge de France, cofondateur du Planning Familial en France, conseiller du ministre

de la santé Simone Veil. Les citations du Dr Simon donnent un aperçu de sa philosophie de la

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vie : "La vie humaine perd aujourd'hui ce caractère absolu qu'elle avait dans la Genèse ou

pour Aristote et Buffon, pour devenir un concept qui évolue selon des lois, des idées et des

connaissances. La vie est devenue ce qu'en font les vivants : c'est la culture qui la détermine.

(...) Prométhée est ainsi revenu, mais il ne s'est pas contenté de nous rapporter le feu : c'est

de tous ses pouvoirs qu'il a dépossédé Zeus et fait cadeau aux hommes. Il s'agit pour nous

d'une liberté à conquérir". (...) Le combat n'est pas seulement technique mais philosophique.

La vie comme matériau, tel est le principe de notre lutte." (Dr Pierre Simon, De la vie avant

toute chose, éditions Mazarine, 1979).

S'appuyant sur le Dr Simon, Pascal Ide explique que l'introduction de la contraception - en

tant que technique - a profondément transformé notre regard sur la vie et sur l'homme

et donc sur la société, qui s'est emballée pour mettre en œuvre une véritable révolution.

Pour le Dr Pierre Simon, la vie n'est plus de la responsabilité de la famille, ni même de la

femme, mais du politique en quelque sorte divinisé. "Déjà la société prend le pas sur la

transcendance", affirme-t-il, la "seule transcendance" étant la "transcendance sociale"!

"D’un côté, le couple affectif et sexuel – la femme procréatrice, l’homme non géniteur – de

l’autre, la société médiatisée par le médecin, qui rapproche la demande d’enfant d’une

disponibilité de semence anonyme, contrôlée et gouvernée par « la banque du sperme ». C’est

en un sens la société toute entière qui féconde le couple. (…) Ainsi, le mariage deviendra une

communauté sociale. Son problème : ne pas empiéter sur la vie sexuelle. Au géniteur

succédera l’amant. La sexualité sera dissociée de la procréation, et la procréation de la

paternité. C’est tout le concept de famille qui est en train de basculer ici. » (De la vie avant

toute chose, 1979).

Le Dr Simon est un stratège de la déconstruction de la famille... Plutôt efficace, ma foi.

Je laisse à Pascal Ide le soin de commenter :

"Ne confondons pas principes et conséquences : l'usage du contraceptif, de peu

d'importance, est en réalité prégnant d'immenses effets. Or, Aristote le notait déjà : une petite

erreur dans les principes est source d'une grande déviance dans les conséquences. La

contraception est, historiquement une révolution, et, anthropologiquement, une décision

capitale (au sens étymologique du terme). Seule une mise en perspective historique permet de

le mesurer. La représentation actuellement dominante du corps humain s'articule autour de

trois pôles : le premier, négatif et passif, c'est le corps humain; le second, positif et moteur,

est la liberté; le troisième, neutre et au service de la liberté désirante, est la technique. (...)

Deux conséquences en découlent. D'abord, la représentation actuelle du corps, qui croyait

avoir enfin réglé ses comptes avec l'antique dualisme du corps et de l'âme, la réintroduit

subrepticement sous la forme sauvage et violente du dualisme-corps-liberté. Ensuite, le corps

n'a plus de sens autre que celui que lui délègue la liberté; or un corps qui n'est pas reçu finit

par ne plus être possédé." (Pascal Ide, le corps à cœur, Saint-Paul, 1996, p 82-83).

C'est la contraception comme technique qui a permis le développement de l'idéologie du

Gender, où la liberté "absolue" ne tient pas compte des données anatomiques, biologiques et

physiologiques du corps sexué, et décide souverainement d'être ce qu'elle décide d'être "en se

projetant elle-même" (VS 48) : un homme, une femme, ni l'un ni l'autre ou les deux à la fois,

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selon son bon plaisir... Avec « l’humanisme ou la naissance de la philosophie moderne », Luc

Ferry présente l’émergence d’une « nouvelle théorie de la connaissance : un ordre du monde

qui n’est plus donné, mais construit. (...) Si le modèle à imiter n’est plus donné, comme l’était

la nature des Anciens, il faut désormais l’inventer » (Luc Ferry, Apprendre à vivre, Traité de

philosophie à l’usage des jeunes générations, op. cité, p 111, 116 et 121). On atteint ici, me

semble-t-il, la quintessence de la Modernité (et de sa philosophie), qui nie la primauté du

donné cosmologique (la nature créée, la Création), avec le Créateur en prime.

Absolutisée, la liberté "moderne" refuse toute donnée qui lui préexiste - le corps et son sexe

(masculin ou féminin) - et se met à "construire" ce que bon lui semble, sans tenir compte des

"matériaux" qu'elle utilise et qu'elle considère comme insignifiants, en général et "pré

moraux" en particulier (comme vous, Père Loïc, page 153, quand vous parlez de "la nature"

et des "comportements biologiques et psychologiques préconscients"). Cette drôle de

dissociation "constitue le danger de la contraception, sur lequel Benoît XVI met l'accent, celui

de la dissolution de l'unité de l'âme et du corps" (Loïc Berge, Contraception, p 64-65).

La contraception, en dissociant la liberté humaine de son nécessaire enracinement dans le

corps sexué, a réussi cette prouesse inouïe, non seulement d'imprimer dans les esprits une

véritable dissociation du corps et de l'âme, mais à présenter cette dissociation comme une

"libération"!

La libération sexuelle des années 1960-1970 a été présentée comme une libération de la

femme ! Et grâce à qui ? La contraception ! Comme en témoigne le MLAC, qui retrace son

histoire sur un site internet. MLAC ; "Mouvement pour la Liberté de l’Avortement et de la

Contraception" ; toujours l’étendard de la « liberté » ! « Le Mouvement de Libération des

Femmes (MLF) contribue depuis 1970, par des actions spectaculaires et provocatrices,

utilisant la chambre d’écho que représentent les médias, à dissocier dans les esprits

procréation et sexualité. » La contraception, c’est la technique qui a permis de « dissocier

l’acte sexuel de la procréation ». La contraception, c’est une technique ! Dissocier « dans

les esprits » la procréation de la sexualité, c’est ce qu’on appelle la mentalité contraceptive.

Diffuser cette mentalité, c’est la mission que s’est donnée le Planning Familial, non seulement

en France, mais dans le monde entier. La contraception, c’est « la liberté » ; « c’est l’amour

sans risques ». Ces mots d’ordre, relayés par tous les médias, ont imprégné et continuent

aujourd’hui d’imprégner les mentalités… Le leadership intellectuel de la révolution sexuelle

et l’industrie pharmaceutique se sont mutuellement renforcés, au point de déclencher une

déflagration telle qu’elle « marqua la vie de générations entières », selon l’analyse de Benoît

XVI.

Père Loïc, je crois que vous n'êtes pas indemne de cette mentalité contraceptive :

"Pour le plus grand nombre de couples, la contraception (quelle qu'elle soit) a permis

de libérer la femme d'un fardeau - non le fardeau de la maternité en elle-même, mais

celui de la maternité non souhaitée." C'est en effet la femme en premier lieu (puis

secondairement l'homme, le mari) que "frappent" l'angoisse d'une naissance et le

poids d'une maternité supplémentaire." (p 32).

En mettant le doigt sur la différence anthropologique fondamentale qui existe entre la

contraception et le recours aux rythmes du cycle féminin, avec ses périodes fécondes et

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infécondes - ce que Benoît XVI appelle « le respect des temps de la personne aimée » -,

Humanae vitae a heurté de plein fouet le modèle subversif de la « sexualité libérée » du

« fardeau » de la transmission de la vie.

Père Loïc, l'erreur est humaine. Persévérer dans l'erreur est diabolique. "Passe derrière moi,

Satan", dit Jésus dans l'Evangile. Vous soulignez, avec raison, "la continuité sans faille du

Magistère romain dans le maintien de l'enseignement de HV depuis 1968" (p 61), "jusqu'à

Benoît XVI au moins", (p 171). On est donc en droit de vous poser la question : Père Loïc, de

vous ou du Magistère, qui persévère dans la vérité et qui persévère dans l'erreur? On

peut affirmer, sans risque de se tromper, que Paul VI est le chaînon qu'il ne faut pas manquer,

dans la "continuité sans faille de l'enseignement du Magistère", que l'on peut faire remonter

jusqu'à Pie XI, et à son encyclique Casti Conubii, (1930), que vous citez page 22 : "Tout

usage du mariage, quel qu'il soit, dans l'exercice duquel l'acte est privé, par l'artifice des

hommes, de sa puissance naturelle de procréer la vie, offense la loi de Dieu et la loi

naturelle." Vous citez Pie XI... et vous le commentez : "La pratique ici visée est bien sûr

l'onanisme au sens historique (biblique), car les autres pratiques contraceptives sont encore

assez marginales à cette époque." (p 22). Pour ma part, en toute objectivité, je dis avec le

Planning Familial que l'onanisme (c'est-à-dire le coït interrompu), est une contraception.

C'est même la seule méthode "naturelle" de contraception. Objectivement, le coït

interrompu ne vise qu'une chose : "croquer la pomme sans les pépins"? En dissociant -

"naturellement" - la sexualité de la procréation (Planning Familial), l'union de la

procréation (HV), le coït interrompu "prive l'acte conjugal de sa puissance naturelle de

procréer" (Casti Conubii). Avec Pie XI et Paul VI, il est donc logique de classer l'onanisme

parmi les méthodes contraceptives. Et d'exclure cette pratique des méthodes naturelles de

régulation des naissances...

Une erreur largement répandue consiste à penser qu’il y a d’un côté les méthodes "naturelles"

de régulation des naissances et de l’autre des méthodes "artificielles" de contraception. Une

méthode naturelle de régulation des naissances n’est pas une contraception, dans la mesure où

elle ne s’oppose jamais directement à la conception. C'est tout... Du point de vue éthique et

philosophique, une méthode est dite « naturelle », en référence à "la nature humaine", c'est-à-

dire en référence à la personne, qui n’est pas soumise de façon mécanique à des lois

biologiques, mais qui se soumet librement à ces lois, avec son intelligence et sa volonté, en

intégrant la pratique de la sexualité au niveau de la personne, en vue d'une "donation

personnelle réciproque".

"L'homme et la femme devront toujours veiller à bien situer les rapports sexuels dans une union objective des

personnes. (...) Le danger de l'amour affectif est de projeter sur la personne des valeurs qu'elle ne possède pas.

Celui de la sensualité s'attache uniquement à la valeur sexuelle de la personne. Ces deux mouvements sont

tournés vers certaines valeurs de la personne seulement. (...) La sensualité n'est pas l'amour mais plutôt un

matériau de l'amour. Mal vécue, elle conduit à dissocier la personne de son corps pour la réduire à un objet de

jouissance, au risque de perdre le respect de la valeur de la personne. Or, on ne peut dissocier le corps de

l'ensemble de la personne. (...) C'est pourquoi il faut tendre à "l'intégration". Le mot latin "intergerer"

signifie "entier". L'intégration est totalisation, tendance à l'unité, à la plénitude. Il convient de voir la personne

(...) telle qu'elle est, avec son intériorité. Rechercher ainsi la vérité est condition de la liberté. C'est par ce

regard sur la vérité de la valeur de la personne, que l'homme et la femme conservent leur faculté

d'autodétermination, propre à leur nature. L'amour peut alors être vrai, car la personne choisit l'autre dans tout

ce qu'elle est, librement. Dans ce cas, la dimension subjective de l'amour (mouvement d'affection, émotion,

16

sensualité) est intégrée à la vérité objective de la personne." (Ghislain de Barnon, Jean-Paul II professeur

d'amour, Une lecture d'Amour et responsabilité, François-Xavier de Guibert, 2005, p 32, 39, 40).

L'homme est justement une personne parce qu'il est maître de lui-même et qu'il se domine

lui-même. C'est dans la mesure où il est maître de lui-même qu'il peut « se donner » à l'autre.

Et c'est cette dimension – la dimension de la liberté du don - qui est essentielle et décisive

pour que l'union conjugale exprime toute la beauté et la vérité du "don personnel réciproque",

requis pour que l'homme et la femme se donnent mutuellement comme des personnes et non

comme des animaux...

L'intégration de l'amour au niveau de la personne - la sexualité intégrée à la personne -

explique sans doute le soin particulier de Paul VI à préciser les caractéristiques de "l'amour

conjugal" (HV 9).

- Première caractéristique : l'amour conjugal est un amour pleinement humain, c’est-à-dire

à la fois corporel et spirituel, où et là, je cite à nouveau Jean Paul II, « le corps et l'âme sont

indissociables : dans la personne, dans l'agent volontaire et dans l'acte délibéré, ils demeurent

ou se perdent ensemble. On peut alors comprendre le vrai sens de la loi naturelle : elle se

réfère à la nature propre et originale de l'homme, à la « nature de la personne humaine », qui

est la personne elle-même dans l'unité de l'âme et du corps. » (VS 49, 50). Est-il besoin de le

rappeler? La loi naturelle ne relève pas de la biologie...

La loi naturelle? « Mise dans nos âmes par le Créateur, la raison peut en avoir une

connaissance vraie et certaine, il y a cependant bien des obstacles qui l’empêchent d’user

efficacement et avec fruit de son pouvoir naturel, car les vérités qui concernent Dieu et les

hommes dépassent absolument l’ordre des choses sensibles, et lorsqu’elles doivent se traduire

en action et informer la vie, elles demandent qu’on se donne et qu’on se renonce. L’esprit

humain, pour acquérir de semblables vérités, souffre difficulté de la part des sens et de

l’imagination, ainsi que des mauvais désirs nés du péché originel. De là vient qu’en de telles

matières les hommes se persuadent facilement de la fausseté ou du moins de l’incertitude des

choses dont ils ne voudraient pas qu’elles soient vraies. » (Pie XII, Humani Generis

(1950),CEC n°37).

Ceux qui ont dénigré Paul VI - en 1968, et jusqu'à aujourd'hui... - n’ont pas remarqué que

c’est la raison qui justifie ses positions. C’est pourquoi HV ne peut être comprise que si est

revalorisée le rôle de la raison dans la quête du sens ultime de la vie et de l’amour !

- Deuxième caractéristique : l’amour conjugal est un amour total, "c'est-à-dire une forme

toute spéciale d'amitié personnelle. Qui aime vraiment son conjoint ne l'aime pas seulement

pour ce qu'il reçoit de lui, mais pour lui-même, heureux de pouvoir l'enrichir du don de soi".

Se donner, c’est fort ! Si, pour de justes raisons, clairement établies dans l’encyclique, le

couple décide, en conscience, de différer l’accueil d’un nouvel enfant, alors, se renoncer pour

se donner, c’est encore plus fort ! C'est là le fondement de "la continence périodique" (p 54).

Si ce renoncement se base sur la connaissance biologique des rythmes de fécondité de la

femme, vivre ce renoncement dans la chasteté relève d’une attitude du cœur. La chasteté, ce

n’est pas faire ceinture, pour faire ceinture, c’est vivre une sexualité intégrée à la

personne, par la maîtrise de la tyrannie de l’instinct et des passions par la raison et la volonté

(HV17).

17

- Autres caractéristiques : l’amour conjugal est "fidèle, exclusif, et fécond". Pour continuer

d'essayer de faire comprendre la malice de la contraception - ce en quoi elle constitue un

mal "en soi" - je me bornerai ici aux deux premières caractéristiques de l'amour

conjugal.

"Aimer, c'est tout donner et se donner soi-même", dit sainte Thérèse de l'Enfant Jésus. Le

caractère total de l'amour conjugal implique une "donation personnelle réciproque" totale, qui

ne peut donc pas être amputée d'une partie essentielle de la personne humaine : sa fécondité.

En amputant la personne de sa fécondité, la contraception constitue objectivement une

limitation du don "total", et donc une falsification de l'amour conjugal tel que les époux l'ont

exprimé le jour de leur mariage, en échangeant leurs consentements : "Je te reçois comme

époux (épouse) et je me donne à toi." En recevant leur consentement, le ministre ordonné

(prêtre ou diacre) donne à entendre aux époux et à toute l'assemblée, la façon dont le Christ

ratifie leur mariage sacramentel : "Que l'homme donc ne sépare pas ce que Dieu a uni."

(Matthieu 19, 6). Ces paroles du Christ (dans l'évangile) ne se limitent pas à l'indissolubilité

du mariage, elles ne s'appliquent pas seulement aux exigences de fidélité et d'exclusivité de

l'amour conjugal, mais à toutes les caractéristiques (de l'amour conjugal) telles que le Pape

Paul VI les a précisées...

Les Paroles du Christ condamnent le divorce "à cause de notre dureté de cœur" (Matthieu 19, 8).

Le pape Léon XIII n'a fait que rappeler cette volonté divine dans son encyclique Arcanum

divinae sapientae ... (1880). Les Paroles du Christ se rapportent aussi au caractère "humain"

de l'amour conjugal, c'est-à-dire à sa dimension à la fois "corporelle et spirituelle"; dans

l'union conjugale, il ne faut pas séparer le corps de l'âme. Elles se rapportent aussi à son

caractère "total". Dans l'acte conjugal, il ne faut pas séparer le don des corps de l'ouverture à

la vie...

« On peut dire que, dans le cas d'une séparation artificielle de ces deux significations, union et

procréation, s'accomplit dans l'acte conjugal une véritable union corporelle, mais qui ne correspond pas à la

vérité intérieure et à la dignité de la communion des personnes. Une telle communion exige que le « langage du

corps » soit exprimé dans la réciprocité, dans toute la vérité de ce qu'il signifie. Si cette vérité vient à manquer,

on ne saurait parler ni de vérité dans la maîtrise de soi ni de vérité dans le don réciproque et dans l'accueil

réciproque de soi de la part de la personne. Une telle violation dans l'ordre intérieur de la communion

conjugale, dont les racines plongent dans l'ordre de la personne elle-même, constitue le mal essentiel de l'acte

contraceptif. » (Jean Paul II, audience générale, 22/08/1984)

Père Loïc, il est possible que mes tentatives d'expliquer HV n'emportent pas votre adhésion.

De votre côté, vous bataillez à longueur de pages contre "l'importance démesurée donnée à

l'enseignement sur les moyens [en italique dans le texte] de la régulation des naissances" (p

98). Pour vous, "le choix des moyens est une question secondaire" (p 119). Au fond, comme

Xavier Lacroix, vous ne faîtes pas de différence éthique entre la contraception et les méthodes

naturelles de régulation des naissances qui ne sont pour vous que des "moyens". "La question

du choix des moyens pour la régulation des naissances n'est pas une question essentielle de

l'éthique conjugale." (p 120). Pour vous, "ce ne sont pas tellement les actes qui, en eux-

mêmes, sont bons ou mauvais, c'est-à-dire qui sont vertueux ou péchés, mais ce sont les

actes considérés dans la perspective de la communion des personnes." (p 117).

Père Loïc, vous avez choisi, pour qualifier la moralité de l'amour conjugal le critère éthique

de la communion des personnes. Vous êtes donc pleinement d'accord avec Jean-Paul II, d'une

part et Paul VI d'autre part, qui parle de "communion entre époux" (HV 9), de "communion de

18

leurs êtres" (HV 8). Cela dit, une question me taraude quand vous écrivez : "Les alternatives

à l'esclavage de la prise quotidienne de la pilule hormonale (et corrélativement à la peur de

l'oublier) ne manquent pas. C'est en tout cas à chaque couple de faire en conscience le choix

du moyen [en italique dans le texte] de régulation de naissances, dans la perspective de la

communion des personnes, pour elles-mêmes et pour les enfants déjà nés." (p 126).

Question : Père Loïc, franchement, si vous pensez sérieusement - en conscience, après avoir

jugé par vous-même (Luc 12, 57) -, que la pilule est un "esclavage", n'est-ce pas manquer de

sollicitude pastorale que de laisser vos brebis s'y fourvoyer? Le choix d'un acte que vous

qualifiez "d'esclavage" est-il éthique ? L'esclavage peut-il vraiment être considéré comme

"bon" dans la perspective de "la communion des personnes", et "mauvais" dans d'autres

perspectives? L'esclavage n'est-il pas bon ou mauvais en soi? Que je pose la question à Jésus,

au pape ou au commun des mortels - comme vous et moi -, je pense que la réponse tombe

sous le sens...

La contraception est-elle un péché ? Est-ce qu'on se demande si l'esclavage est un péché? Il

fut un temps où la question se posait, comme pour l'infanticide. Mais, vaille que vaille,

l'évangélisation a fait son œuvre et met aujourd'hui en pleine lumière le caractère

peccamineux de l'avortement et de la contraception. L'enseignement de l'Eglise est clair et

sans équivoque, lumineux...

"Et le Jugement, le voici : la lumière est venue dans le monde, et les hommes ont

préféré les ténèbres à la lumière, parce que leurs œuvres étaient mauvaises. Celui qui

fait le mal déteste la lumière : il ne vient pas à la lumière, de peur que ses œuvres ne

soient dénoncées ; mais celui qui fait la vérité vient à la lumière, pour qu’il soit

manifeste que ses œuvres ont été accomplies en union avec Dieu. » (Jean 3, 19-21)

Même si ceux qui la composent sont des pécheurs, l'Eglise, qui est sainte (credo), ne peut pas

ne pas appeler ses ouailles des ténèbres à la lumière, c'est-à-dire à la sainteté, comme Paul VI

le fait dans HV (n° 25) ! Comme Dieu le fait dans la Bible : "A l’exemple du Dieu saint qui

vous a appelés, devenez saints, vous aussi, dans toute votre conduite, puisqu’il est écrit : Vous

serez saints, car moi, je suis saint." (1 Pierre 1, 15-16). Comme Vatican II le fait avec "l'appel

universel à la sainteté" (LG 40). Comme le cardinal Vingt-Trois le fait quand il rappelle, pour

le déplorer, que "souvent les couples n'estiment pas que l'utilisation de méthodes

anticonceptionnelles soit un péché et donc tendent à ne pas en faire une matière à confession

et à recevoir ainsi la communion sans problème." (p 5).

L'Eglise qualifie la contraception de "péché". Qui êtes-vous, Père Loïc, pour la juger et

l'accuser de "se fourvoyer"? Comme tous les baptisés, catholiques ou non, nous ne sommes,

vous et moi, que de pauvres pécheurs, toujours en chemin pour être à la hauteur de l'appel

exigeant du Christ et de son Eglise pour vivre l'amour de façon vraie et authentique, dans la

liberté des enfants de Dieu. Dans cette perspective, l'évangélisation consiste-t-elle à rabaisser

les exigences de l'amour conjugal (au niveau de la contraception) ou à appeler les conjoints à

élever leur amour au niveau où Dieu lui-même les appelle à le situer? Celui de la sainteté... En

vérité, Père Loïc, qu'est-ce qui vous empêche de reconnaître, avec le Magistère, la validité

19

toujours actuelle de "la morale traditionnelle [qui] considère que la contraception est

toujours un désordre, qu'elle est intrinsèquement mauvaise (HV 14; FC 32)" (p 157)?

Qu'est-ce qui vous empêche de travailler, avec le Magistère, à éclairer les consciences pour

aider les couples à vivre un amour pleinement épanouissant, conforme aux desseins du

Créateur ? Qui n'est jamais, au fond, qu'un appel au bonheur conjugal, que Pierre Perret

chante avec tellement d'entrain : "Le bonheur conjugal nous tendait les bras"...

Père Loïc, il est temps de conclure.... J'aimerais ici aborder un dernier point, pour mettre la

contraception à sa juste place - éthique. Je ne sais pas si vous avez remarqué le sous-titre du

livre du Dr David Elia, La pilule et le stérilet en 10 leçons : "comment éviter l'interruption

de grossesse"... Curieux, non? On s'attendrait plutôt à ce que la contraception ait pour but

"d'éviter une grossesse". Or, pour le Dr Elia (aussi...) la contraception n'a pas pour but

d'éviter une grossesse mais une "interruption de grossesse". Nous sommes ici renvoyés à

la filiation historique entre contraception et avortement, qui prolonge la filiation entre

avortement et infanticide. Professeur d'histoire à l'université Paris VII, l'historienne Michèle

Perrot l'explique, avec toute la compétence requise, au cours d'un colloque à l'Unesco :

"Je voudrais vous raconter une histoire, celle qui, à travers les trois grandes séquences infanticide,

avortement-contraception, mène à cette maîtrise de la vie, qui dans le long terme de l'histoire est un fait

relativement récent. (...) Les sociétés d'autrefois limitaient leurs naissances (...) par le mariage tardif (...) et le

coït interrompu. Ce coït interrompu montre bien que l'homme était le maître du jeu de la sexualité et de la

conception (...). La femme est un vase, réceptacle, où l'homme dépose sa semence; elle est en quelque sorte

passive. Alors, comme ça ne réussit pas toujours, ce coït interrompu, quand la femme est enceinte contre son

gré, quel recours a-t-elle? Deux essentiellement, l'abandon d'enfant qui se pratiquait très largement, notamment

dans les villes, et l'infanticide, moyen largement répandu, surtout dans les campagnes, jouissant d'ailleurs d'une

large tolérance, car les conceptions qu'on avait de l'enfant ne sont évidemment pas les mêmes qu'aujourd'hui.

[évidemment... ]. Au XIXème siècle encore, il y a de très nombreuses affaires d'infanticides qui sont traduites

devant les tribunaux: par exemple entre 1830 et 1880, il y a plus de 8000 affaires d'infanticides. A cette époque,

on sévit contre l'infanticide, il y a des femmes condamnées pour cela (...) mais, il faut ajouter que les jurés

d'assises sont tout de même relativement indulgents puisque 40 à 60% des femmes traduites pour infanticides

sont acquittées et on supprimera vers la fin du XIXème siècle, la peine de mort en matière d'infanticide. (...)

Deuxième grand fait du XIXème siècle, le développement de l'avortement. L'avortement n'est pas du tout une

nouveauté - vous savez que l'époque romaine le pratiquait, d'ailleurs sans gros scrupules et sans tellement de

problèmes - la nouveauté du XIXème siècle, c'est la généralisation de l'avortement, son extension massive à

toutes les couches de la société, bourgeoises, mais surtout populaires. Cette extension de l'avortement est liée

surtout aux villes (l'avortement est surtout un fait urbain par rapport à l'infanticide qui est un fait rural);

l'avortement est pratiqué par des femmes - et c'est là peut-être la nouveauté - mariées, multipares, qui voient

dans l'avortement un moyen d'éviter aussi bien les horreurs de l'infanticide, qui leur deviennent de plus en plus

difficiles à admettre, que les naissances non désirées. (...) Les tribunaux d'assises - car l'avortement est traduit

devant les tribunaux d'assises étant un crime d'après le Code Pénal - sont généralement indulgents, acquittant

les femmes dans 60% des cas, et reconnaissant des circonstances atténuantes dans 80% des cas.

(...) Et voilà le troisième fait qui s'annonce à la fin du XIXème siècle: c'est le Mouvement pour la Génération

Consciente, comme on dit, l'appel à la contraception volontaire. Les gens de Paris, par exemple, vers les années

1905 pouvaient lire sur les réverbères de petits papillons qui étaient apposés par les militants néo-malthusiens

de l'époque où on pouvait lire "femme, apprends à n'être mère qu'à ton gré", "ouvrier, fais peu d'enfants", et ces

deux appels vers les femmes et les ouvriers indiquent d'ailleurs les deux directions vers lesquelles se déployait

l'action néo-malthusienne, nom donné à ces mouvements de la fin du XIXème siècle." (Michèle Perrot, naissance

d'une liberté, in Choisir de donner la vie, Colloque international de "Choisir" des 5, 6, 7 octobre 1979, à

l'Unesco, précédé de La liberté des libertés par Gisèle Halimi, idées/Galllimard, 1979, p 48 à 53).

Le recours à la contraception, aujourd'hui, pour éviter "le drame de l'avortement" (Simone

Veil, discours à l'Assemblée nationale, 26 novembre 1974) s'inscrit donc dans la même

logique du recours à l'avortement, hier, pour éviter "les horreurs de l'infanticide".

20

"Rappelons que l'avortement reste à l'heure actuelle le complément nécessaire de la contraception.

Certes, avec les progrès et la diffusion de la contraception, il ne sera plus nécessaire d'avorter. Mais jusque-là,

nous affirmons notre droit à l'avortement comme moyen de pallier les échecs de la contraception. (...) L'ironie

est que cette prise en charge de la contraception par les femmes est récente : pendant des siècles, avant

l'invention du diaphragme en 1882, les femmes dépendaient entièrement des méthodes pratiquées par les

hommes (préservatifs, coït interrompu). Si elles se trouvaient enceintes, elles avaient recours à de dangereux

avortements ou à l'infanticide." (Notre corps, nous-mêmes, écrit par des femmes pour les femmes, par le

collectif de Boston pour la santé des femmes, adaptation française, Albin Michel, 1977, p 107-108)

Rappelons que l'avortement est le complément nécessaire de la contraception... Rappelons...

"La contraception est-elle un problème essentiellement contemporain ?" "Non. Ce problème exista dès

l’origine d’une vie sociale structurée. (…) Les seuls moyens de planification des naissances se résumaient en

trois mots : avortement, infanticide, abandon, et cela, quel que soit le lieu : en Orient comme en Occident (…).

Au Japon, les premiers textes condamnant les manœuvres abortives et infanticides datent du XIème siècle de

notre ère. (...) La Bible condamne la contraception sous la forme du coït interrompu [le fameux péché d’Onan]."

(Catherine Valabrègue, Dominique Dallayrac, Tout savoir sur la contraception, Filipacchi, 1973, p 14-15).

Catherine Valabrègue est journaliste; Dominique Dallayrac est une pionnière du Planning familial en France. La

couverture de leur livre est un patchwork d'articles de journaux, dont l'un ressort nettement :"Infanticide à 20

ans, Elizabeth n'a jamais entendu parler de contraception"... CQFD !

Conclusion : la contraception est à l'avortement ce que l'avortement est à l'infanticide.

Qu'on le veuille ou non, les faits sont têtus. 200 000 avortements par an, chiffre constant en

France depuis 40 ans, malgré la généralisation massive de la contraception chez les femmes

en âge de procréer (plus de 85% ). Les chiffres font mentir la prophétie selon laquelle "avec

les progrès et la diffusion de la contraception, il ne sera plus nécessaire d'avorter." Comme

dans l'Ancien testament, il y a les faux prophètes - et ils sont légion -, et il y les vrais

prophètes, comme Paul VI, avec HV. Sa prophétie apparaîtra sans doute plus clairement si

nous nous référons à l'évangile...

« Voici que tu vas concevoir et enfanter un fils » (Luc 1, 31).

L'annonce de l’ange Gabriel à Marie reprend une formulation qui vient des tréfonds de

l’Ancien Testament : « L’homme connut Eve, sa femme ; elle conçut et enfanta Caïn »

(Genèse 4, 1). « Elqana s’unit à sa femme Anne. Anne conçut et au temps révolu, mit au

monde un fils, qu’elle nomma Samuel » (1 Samuel 1, 19- 20). Dans la langue réaliste de la

Bible, celui qui naît est le même que celui qui est conçu ; un « fils » nommé Caïn, Samuel ou

Jésus.

Pour le sens commun, la vie et l’existence personnelles commencent à la conception, comme

nous l'avons déjà vu dans le dictionnaire. « Conception : fait (pour un être vivant sexué, pour

un enfant) d’être conçu, de recevoir l’existence. » (Petit Larousse 1989).

... Ce que confirme l'astrophysicien Hubert Reeves, qui traque les origines de l’univers, le

confirme. Pour lui, sa vie personnelle a commencé à la conception :

« Pour nous, le mot « origine » indique un évènement qui se situe dans le temps. Notre

« origine » personnelle, par exemple, est le moment où nos parents ont fait l’amour et nous

21

ont conçus. Elle connaît un « avant » et un « après ». Nous pouvons la dater, l’inscrire dans

le fil de l’histoire. Et nous admettons que le monde existait avant cet instant ». (La plus

belle histoire du monde, le secret de nos origines, ouvrage collectif, Seuil, 1996).

Le Professeur René Frydman lui fait écho :

« En fait, je poursuis un rêve, m’approcher au plus près des mystères de la création,

être présent au moment où la vie se forme. De la conception, on peut dire qu’elle préexiste à

l’objet visible [l’embryon] car avant, il y a mise en commun des deux désirs, celui du père,

celui de la mère. Avant, c’est le projet qui lentement se forme, c’est la préhistoire de la vie. »

(René Frydman, L’irrésistible désir de naissance, Presses universitaires de France, 1986, p.

65-66).

Situer la « préhistoire de la vie » avant la conception (avec le professeur René Frydman),

revient à reconnaître (avec Hubert Reeves), que l’histoire de la vie – la vie d’un homme –

commence à la conception... Le sens commun, la science (René Frydman est le "père

scientifique" d'Amandine, le premier bébé-éprouvette français, né par Fécondation in vitro, en

1982) et la Parole de Dieu (la Bible) convergent pour témoigner dans le même sens...

« Comme le nouveau-né, l’enfant, l’adolescent, l’adulte et la personne âgée, et avant

lui l’œuf fécondé, l’embryon est à un moment donné l’expression morphologique d’UNE

SEULE ET MÊME VIE » (Jean François Mattei, le Monde, 12 octobre 1993). Le docteur

Mattei est professeur de pédiatrie et de génétique médicale, ancien ministre de la santé. Pour

lui, « il est arbitraire de vouloir limiter la notion d’embryon avec un début et une fin dans le

temps, tant cet embryon apparaît comme un continuum d’un processus vital qui le dépasse. »

(Professeur Matteï ; Rapport au Premier Ministre ; La vie en questions ; pour une éthique

biomédicale ; 1994, p 91).

Tout cela pour dire, avec saint Irénée, que "la gloire de Dieu, c'est l'homme vivant." Or, la vie

de l'homme, telle que l'expérience nous l'enseigne, se développe de façon continue selon la

séquence « conception, naissance, enfant, homme vivant. A cette séquence de vie s’oppose,

objectivement, et point par point, la séquence de mort « contraception, avortement,

infanticide, homicide » (qui est une opposition directe à la gloire de Dieu).

- La contraception a pour but d'empêcher (volontairement) la conception.

- L'avortement provoqué a pour but d'empêcher la naissance de l'enfant conçu

(communément appelé "produit de conception"...). Le dictionnaire en témoigne : "Avorter:

du latin abortare, de ab. et ortus, né" (Petit Larousse 1989); littéralement, "empêcher de

naître"... la Femen qui a mimé l'avortement de Jésus devant l'autel de l'Eglise de la

Madeleine, le 20 décembre 2013, a accompli son forfait dans le cadre d'une campagne

internationale au thème on ne peut plus limpide : "Noël est annulé, Jésus est avorté"...

L'avortement de jésus a pour but d'empêcher sa naissance. On voit bien que le combat des

Femen poursuit, avant la naissance, le massacre des innocents, perpétré par Hérode et relaté

dans l'évangile? (Mathieu, chapitre 2). A l'époque, on voulait éliminer jésus par l'infanticide...

- L'infanticide est le meurtre délibéré d'un nouveau-né, d'un enfant vivant...

22

- Est-il besoin de préciser ce qu'est un homicide? Quoi qu'il en soit, à la racine de cette culture

de mort, on retrouve l'antique serpent des origines, l'Adversaire, père du mensonge et

homicide, dès le commencement... "Passe derrière-moi, Satan, tes pensées ne sont pas celles

de Dieu, mais des hommes", dit Jésus, dans l'évangile...

Père Loïc, pour la sagesse populaire, "qui vole un œuf vole un bœuf". La filiation évidente

entre contraception, avortement et infanticide n'est-elle pas de nature à éclairer le caractère

"mauvais" - en soi - de la contraception du point de vue éthique. Mauvais, parce que c'est le

point d'aboutissement, d'une attaque contre "ce que Dieu a uni, et que l'homme ne peut rompre

de son initiative" (HV 12). Une attaque contre la vie, à sa racine, à sa source, sous couvert de

"liberté de la femme" et de "libération sexuelle". vraiment ? La liberté n'est-elle pas "fausse"?

Et "l'esclavage" (comme vous dites), réel et véritable?

Je me souviens du prêtre qui nous a présenté l’Evangile de la Vie (Jean-Paul II, 1995) lors de

sa parution. Il a, malgré lui, exprimé le lien entre contraception et avortement dans un lapsus

révélateur que je ne suis pas prêt d’oublier... « L’avortement provoqué est le meurtre délibéré

et direct, quelle que soit la façon dont il est effectué, d’un être humain dans la phase initiale

de son existence, située entre la conception et la naissance ». (EV 58). Le prêtre a lu, à haute

voix : « L’avortement est le meurtre (…) situé entre la contraception et la naissance ». Je

pense que la contraception est le doigt que l’on met dans l’engrenage qui mène tant de

femmes, à l'insu de leur plein gré, au "drame de l’avortement". Je ne doute pas que

l'Adversaire démentira : « Mais non, mais non »... Et vous ?

Je me souviens aussi de cette jeune femme de 28 ans, qui envisageait de se marier, et

d'accueillir des enfants. Elle a donc arrêté de prendre sa pilule après 10 ans d’utilisation non

stop. Elle m'a fait part de son ressenti. Grosse panique ! Elle s’est trouvée prise d’un grand

vertige, "comme si elle était au bord d’un précipice". Elle a alors demandé à ses amies

comment ça se passait pour elles. C'était pareil ! Elle m’a demandé ce qui lui arrivait. Je lui ai

répondu qu'elle faisait l’apprentissage de la liberté - une liberté, à apprivoiser ! je ne lui ai pas

dit, parce que je ne vous avais pas encore lu, qu'elle avait à se libérer d'un certain "esclavage".

"C'est pour que nous restions libres que le Christ nous a libérés" (Galates 5, 1) (VS, chap. III).

J'aurais voulu, avec Paul VI, ne pas trop m'appesantir sur la condamnation de la pilule. Ma

foi, chaque couple fait comme il peut. Je crois qu'il faut donner aux couples une vraie

catéchèse, notamment dans la préparation au mariage, qui intègre la belle présentation de

l'amour conjugal, tel que Paul VI l'enseigne dans HV. Cependant, je ne pouvais pas ne pas

essayer de répondre à votre critique du Magistère. Il y a tellement de points que je n'ai pas

abordés... Je devais me concentrer sur l'essentiel.

Père Loïc, si pour vous, la contraception n'est qu'un "moyen" pour vivre la sexualité "pour

elle-même". (p 55), du point de vue de la sainteté du mariage chrétien (qui est celui du

Magistère), la sexualité, pour être "pleinement humanisante et personnalisante" (selon vos

propres termes), n'est pas à vivre "pour elle-même", mais intégrée à la personne, dans un don

de soi réciproque total des conjoints, non amputé de la capacité de procréer. "L'accueil de

l'autre, de sa personne tout entière, corps, cœur et âme" (p 118), pour "être rencontre

authentique de deux personnes et non de deux corps seulement" (p 119), impose d'une part

que "l'âme ne soit pas dissociée du corps, dans l'unité de la personne" (Jean-Paul II, Benoît

XVI) et d'autre part, que la personne soit accueillie dans sa totalité, c'est-à-dire avec sa

fécondité, qui fait intrinsèquement partie de son corps.

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Je laisse le mot de la fin au Christ et à Jean-Paul II.

- Au Christ : "La vérité vous rendra libres." (Jean 8, 32)...

- A Jean-Paul II : "N'ayez pas peur, ouvrez toutes grandes vos portes au Christ"... Au Christ

et à sa parole définitive : "Que l'homme donc ne sépare pas ce que Dieu a uni", appliquée à

l'acte conjugal : l'union et la procréation. (HV 12).

"Les conjoints peuvent rencontrer de sérieux obstacles dans leurs efforts

pour vivre correctement l’amour conjugal à cause d’une certaine mentalité

hédoniste courante, des moyens de communication sociale, des idéologies et des

pratiques contraires à l’Evangile. Mais cela peut aussi arriver, et avec des

conséquences réellement graves et désagrégatrices, quand la doctrine enseignée

par l’Encyclique est mise en discussion, comme cela est arrivé, même de la part

de certains théologiens et pasteurs d’âmes. Cette attitude, en fait, peut insinuer

le doute sur un enseignement qui, pour l’Eglise, est certain, obscurcissant ainsi

la perception d’une Vérité qui ne peut-être discutée. Ce n’est pas là un signe de

« compréhension pastorale » mais d’incompréhension du vrai bien des

personnes. La Vérité ne peut-être mesurée d’après l’opinion de la majorité. »

(Jean-Paul II, "Un enseignement qui, pour l'Eglise, est certain", discours pour les

20 ans de Humanae Vitae, DC 1988, p. 439)

Je vous assure, Père Loïc, de toute ma fraternité, dans le Christ. Que votre ministère soit

heureux et fécond.

Christian Ratrema, Saint Etienne, le 10 novembre 2015, en la fête de saint Léon le Grand