Guy Debord Cette Mauvaise Reputation
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y GuyJ)ebord
"Cette mauvaise: ~ . "" reputatlOn ....
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GuyDebord"Cette mauvaise réputation ..."
«Spéeialistes homologués par d es autorités inconnues,
ou sim ples supplétifs, les ex perts r évelent et commen-
tent d e tr es haut toutes mes sottes err eurs, détesta bles
talents, gr and es infamies, mauvaises intentions ... »
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Guy Debord
"Cette mauvaise~ . "reputatlon ...
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«J'es père ... m'être tenu à la r ègleque je m'étais f ixée au commence-
ment d e mon discour s. J'ai tentéd 'annuler l'injustice de cette mau-vaise r é putation et l'ignorance d el'o pinion. »
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En mai dernier, à l'occasion de la rééditiond'un livre de 1985 dans lequel j'avais été
amené à nier, assez aisément d'ailleurs, madouteuse culpabilité dans un assassinat,j'esti-mai qu'il convenait déjà d'évoquer la moder-nisation de la critique que ce temps a pu des-tiner à me contredire (il est vrai que j'ai eutoutes sortes d'aventures, et je conviendraiqu'aucun genre n'a pu venir pour améliorer les autres. Je n'ai pas cherché à plaire).
j'écrivais donc d'une telle critique toujoursmieux complétée: «Désormais, pour mefaire une mauvaise réputation, elle va accu-muler, sur chaque sujet, les dénonciations
pér emptoires. Spécialistes homologués par des autorités inconnues, ou simples supplé-tifs, les experts révèlent et commentent detrès haut toutes mes sottes erreurs, détes-
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tables talents, grandes infamies, mauvaisesintentions.» Je vais maintenant en apporter assezde preuves.
faillitbien réussir». Il ne dit pas comment j'aifait, ni si l'idée était bonne.
En janvier 1988, le tr ès vulgaire magazineillustré Globe me range parmi d es «GrandsSilencieux », qui se tiendraient à l'écart d es
vulgarités médiatiques; dans l'étrange com- pagnie, notamment, d 'un génér al FrançoisMermet, alors chef d es services secrets fran-çais, et de Jacques Focart, si longtemps«homme de l'ombr e» pour les menées capi-talistes en Mrique. Il révèle que ce Debord,«seul rivaldu mar xisme r égnant,jeta la géné-ration de 68 à l'assaut du Vieux Monde et
Dire que j'ai bien failli réussir me paraîtchoquant. La réussite sociale, sous quelque
forme que ce soit, n'a pasfiguré dans mespro- jets. D'un autre,côté,je pense qu'il m'était, enquelque sorte, impossible d'échouer, puisque,ne pouvant faire rien d'autre, j'ai certaine-ment fait ce que je devais. Pensant, presquesur tous les points, le contraire de ce que
presque tout le monde pensait, j'ai réussi à ledire assez publiquement, et la catastrophe
annoncée de toute une société a depuisdémontré que je ne manquais pas d'esprit. Jene crois quand même pas avoir été, en plus,astreint à l'obligation de réussir à convaincrede mes bonnes raisons des gens qui étaient
profondément attachés à des perspectivescontraires, ou au moins stipendiés pour fairesemblant d'y croire. j'ai réellement essayé,
mais pas au delà de mon talent, ni desjourshistoriques. Un trait de caractère m'a,je crois,
profondément distingué de presque tous mescontemporains, je ne l'aur ai pas dissimulé: jen'ai jamais cru que rien dans le monde avait étéfait dans l'intention pr écise d e me faire plaisir. Lescaves, pour dire le vr ai, raisonnent toujours àl'inverse.Je ne pensais pas non plus que nous
Je me limiterai aux plus étourdissantesséries d'exemples évoqués dans les proposdes médiatiques de mon pays, durant lesannées 1988 à 1992; etje publierai avec pré-cision les documents en suivant l'ordre chro-nologique, qui est plus impartial. Dante disaitque c'est plutôt avecle couteau qu'il faudraitrépondre à des arguments d'une telle bestia-
lité. C'était un autre temps. Je fer ai parfoisquelques observations mod érées: sansjamais penser à me fair e passer moi-même pour meilleur que je ne suis.
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étions là pour réussir de bonnes affaires; jedoutais même fort d e leur agrément. Je n'aiété le rivalde personne.
masse ment ou se trompe sur tout ce qui peut se rapprocher d'un commencementd'intérêt. Et ce n'est pas par un regr ettablehasard :c' est sa fonction comme cultur e demasse. C'est seulement dans un tel contexte
que l'historien Pascal Dumontier , qui a écr iten 1990 Les S i.tuationnist es et Mai 1968, estamené à fair e cette r emarque : «Eff ective-ment, il faut r appeler que seules les sour cesissues de l'1.S. ou d e ceux qui leur furent
proches nous permettent d 'en parler un tantsoit peu.}) Cette étonnante absence d e touteautr e source ind é pendante, touchant l'I.S.,
dans l'information contemporaine, ne peutêtre attr i buée au succès de la conspirationsituationniste; mais plutôt au changementde l'état du mond e. C'est ainsi que d é jà vers1960 en Eur ope occid entale, «la police dela pensée» médiatique pouvait traiter desrevues et d es livr es qui par aissaient légale-ment, et qui étaient tr ès lus.
En mai 1988, la r evue Le Dé bat , dans unerubrique intitulée Dictionnair e d e notr e é poque,me d éfinit ainsi : «L'homme le plus secret
pour l'un des sillages publics les plus signifi-catif s d es vingt-cinq d ernièr es années ... àl'âge d e la culture de masse, De bord et sescompagnons situationnistes auront fourni
l'exemple achevé des r essour ces d e la mino-rité active, auréolée d e son mystèr e et tr ans-for mant son absence même en pr inciped'influence.» Ici, on voudrait pr étendr e se
placer plus haut, à l'étage d e la pensée histo-rique, mais en réalité aujour d'hui elle ne
peut plus êtr e, là, rien d e mieux que le d es-sus du panier d'une néo-université se coop-
tant avec l'aid e d es med ia. Comment peut-ontransformer son absence même en principed 'inf luence? C'est idiot. Peut-on imaginer quel puéril rituel conspir atif pourrait êtr e
propre à aur éoler d e mystèr e un quidam?Ceux qui ont eux-mêmes tout cru pensenttout croya ble. Ils savent tr ès pertinemment,mais ne doivent pas dir e, que la cultur e de
Ce même Dé bat a d 'ailleurs vite comprisque j'avais a jouté, à la déplaisante aventure,quelques d éfauts qui m'étaient per sonnels:«Ce qui a fasciné chez De bord , c'est un style.Son impact: le résultat électr ique d 'une apo-logie du dérèglement d e tous les sens couléedans la fermeté fr oid e d 'une prose classique,
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quelque part entre R etz, Saint:Just et le Marx pam phlétair e.» On est facilement coupabled'avoir du style,là où il est d evenu aussi rar ed e le rencontrer que la personnalité elle-même. N'est-ce pas avouer son manque d e
consid ération pour l' es pr i t d émocratique-s pectaculair e? J'ai été assur ément allergiqueaux méthod es de dér èglement d es sens quiont été fa briquées par l'industrie d es tempsr écents, mais je ne m'étonne pas d 'êtr eintempor ellement r é puté vouloir encour ager au d érèglement d e tous les sens, avec cevoyou d e Rimbaud, aux yeux d e mod estes
fonctionnair es qui se sont toujours et partoutcrus obligés d e respecter le moindr e règle-ment d es modes d e l'instant. L'évocationindignée d e la clarté du langage paraît char-gée d e ra ppeler l'offensante ar istocratie,et donc d 'odieux temps moins scolarisés,c'est-à-dire moins riches en diplômes. Lesexemples des auteur s classiq ues cités, et ils
n'ont pas été choisis innocemment, ont ététous tr ois d es gens dangereux: ilsont du sangsur les mains, ayant par tici pé à d es guerr esciviles. Ils ont donc fait figur e, en diver smoments, d 'ennemis du Consensus. Ces pré-
paratifs bien cond uits, Le Dé hat peut alors pro-duir e avec assurance l'ex plication d éfinitived 'un per sonnage qui, au pr emier instant, lui
avaitparu digne de si gr aves méfiances: «Oùl'on voit l'as piration radicale à la pur eté semettre i jouer à l'intér ieur contr e l'entre-
pr ise r évolutionnair e et en défair e la possi bi-lité concrète au nom même de la sublimité
d e ses f ins.» Le mot dit beaucoup. Cela estécr it en 1988. .1 1 faut donc que l'auteur àce moment pense encor e que «l'entr e priser évolutionnaire ... concr ète» existait bel et
bien chez les bur eaucrates gouver nant la Rus-sie et divers États satellites. L'imposture ned evait tomber en poussièr e que dix-huit mois
plus tard .
En mai 1988, vient le tour d 'un pam- phlet d e 35 pages ser rées intitulé Échecs si-t uationnist es (B.P. n° 357 - 75968 Par isCEDEX 20). Les auteur s, Laura Romild etJacques Vincent, sem blent avoir cher ché à ne
rien oublier d e tout ce qui ser ait susce ptibled'éta blir la pertinence du titr e. On ne sait quiils sont, ce qu'ils ont f ait, ce qui cause encor eleur vive passion pr ésente. Ils y v ont si gaie-ment qu'il d evient vite dif ficile d e com-
pr endre comment leur ouvrage a pu rester nécessaire pend ant une si longue pér iod e, vule malheur eux sujet. Qu'est-ce d onc qu'un
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mond e où d e tels échecs ne s'oublient pasd 'eux-mêmes; laissent de si tenaces jalousies?Ils paraissen t vouloir fair e penser que leur motivation principale, c'est la pitié qui les aémus quand ils ont pu mesurer les r avagesentr aînés, sur tant d e pauvr es gens, par cette«id éologie », qui les aura d onc si f acilementd étr uits : «Elle fut d éterminante d ans la vied e milliers d e personnes, qui fond èr ent sur ces théories critiques implaca bles d es espoir sd émesur és, et qui se lancèr ent à cause d'ellesdans d es entr e prises a berrantes! »
d e son livre : "tout ce qui était dir ectementvécu s'est éloigné dans une r e pr ésentation",est faux. Il amalgame d ans le même terme dere présentation d es choses diff érentes et incom-
patibles. Il mélange la re pr ésentation poli-
tique, la d élégation d e pouvoir , avec ses homo-n ymes que sont la re pr ésentation-s pectacle ...»On m'en dira d es plus incompatibles encore,mais ce ser a peine perdue.
Et pour quoi donc? «À la lutte réelle, lessituationnistes pr éfèr ent l'aff ectation d 'uncombat solitaire et d ésespér é contre le "s pec-tacle" ér igé par leur s soins en mal or wellien,alor s que ce "totalitar isme" inventé d e toutes
pièces est un pur ef f et d 'autosuggestion.» On pouvait savoir qu'Orwell aussi était sus pect:on voit d 'où il venait « < Les anar chis tes
avaient toujours effectivement la haute mainsur la Catalogne et la r évolution battaitencore son plein»). Il n' avait donc usur pésa gloir e rétr os pective que d e la d escrip-tion d 'un totalitar isme imaginair e. Et moi,d e quelle r use encor e plus tr iviale? «Le
pr ésupposé philosophique et psychologiqued e De bord , avancé dans la pr emièr e "thèse"
«Achar né à se bâtir une gloire r étr os pec-tive, De bor d fut le chef d e parti le plus mau-vais du siècle. Il n'a réussi en tr ente ans
d'autor ité incontestée qu'à discr éditer com- plètement sa cause et sa per sonne.» Oùaur aisje ainsi mené d e telles foules obéis-santes? On pr étend donc, assezcyniquement,que j'ai r echerché, ou exercé, une autor it é . Enfait, j'ai veillé, on le sait, à ce que le f ameux« pr estige d e l'I.S.» ne s'exer ce ni trop, nitr o p longtemps. Une seule fois dans ma vie,
le 14 mai 1968,j'ai signé une circulair e lan-cée d e Paris Au x membr es d e 1I .S . , aux cama-rad es qui se sont d éclar é s en accor d avec nos t hèses ,q ui disait ce qu'il fallait fair e maintenant. Je
pense que c'était juste, et aussi le justemoment. Mais on croirait que j'ai déchaîné
plutôt le feu nucléair e en voyant de tels excèsd'horr eur vingt ans plus tar d .
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«De bord considèr e le monde comme unéchiquier , et ceux qui gouvernent ne font pasautrement. (...) Il a montr é autr ement sonmanque d 'humanité, croyant montr er làdela
f or ce, particulièrement à chaque occasion oùil a honteusement d énigr é les exclus du situa-tionnisme, qu'il avait bel et bien acce ptésaupar avant, tels qu'ils étaient... » Il faut donc
penser que même à ne consid ér er que ceuxqui ont eu l'occasion d e par ticiper à cette 1.5.volontair ement si r estr einte, j'en avaisencor e bien trop séduit! (Mais, «tels qu'ils étaient»,
avaient-ilssu tous r ester ?) «Le langage d e laséduction, lorsqu'il sert à communiquer unethéorie par surcroît, est le langage d e lavente, c'est-à-dire d e la pr ostitution.» Onr econnaît à d e tels buts d es « bour geois », etmême d es «rentier s » .
politique.) «Alor s que les hommes politiquesd e n'importe quelle tend ance passent leur vieà détourner d es f ond s d e n'importe quelle
provenance au profit d e leur propagand e, lesterribles situationnistes qui n'ont même pas
eu à se salir les mains pour en avoir autantqu'ils voulaient n'ont su en fair e que d escocottes en papier !» Il faut r emarquer queces deux-là paraissent les deux d er nier s enFrance à cr oir e niaisement que l'ar gentd étourné par les politiciens aur ait réelle-ment pour but, civiquement nécessair e ensomme, le financement d es partis politiques,
«sans enrichissement personnel », commes'expriment toujour s les amnisties. Par tant d ece faux exemple, ilsm'inventent, pour me ler e procher dans le même instant, l'imbécile
projet, mû par on ne saitquel incroyable scru- pule, d e n'avoir peut-être rien r echer chéd 'autr e que la publication de livres.
«Le slogan d e ce bluff, c'est "Ne tra-
vaillez jamais". » Est-ceun bluff si facile à sou-tenir? Contr adictoirement, les auteurs d e ce
pamphlet éclair é pr étend ent m'a ppr endr e àarnaquer mieux. j'aurais d û faire meilleur usage d e tout l'argent soustrait, ou plutôt siscand aleusement taxé, chez Le bovici, disent-ils comme s'ils pouvaient savoir d e près toutce qui car actérise l'opération. (je ne f ais pas d e
Je connais tr ès bien mon temps. Ne jamaistr availler d emand e d e grands talents. Il estheureux que je les aie eus. Je n'en aur aismanifestement eu aucun besoin, et n'enaur ais certainement pas f ait usage, d ans le
but d'accumuler d es sur plus, si j'avais étéoriginellement riche, ou si même j'avaisau moins bien voulu m'employer dans un d es
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quelques ar ts d ont j'étais peut-êtr e plusca pable que d'autr es, en consentant uneseule fois à tenir le moindr e compte d es goûtsactuels du public. Ma vision personnelle dumond e n'excusait d e telles pr atiques autour de l'ar gent que pour garder ma complèteind é pendance; et donc sansm'engager eff ec-tivement à r ien en échange. L'é poque où toutse dissolvait a beaucoup f acilité mon jeu à cetégard. Le ref us du «tr avail» a pu être incom-
pris et blâmé chez moi. Je n'avais cer tes pas prétendu em bellir cette attitud e par quelq ue justif ication éthiq ue. Je voulais tout simple-ment faire ce que j'aimais le mieux. En f ait,
j'ai cher ché à connaître, dur ant ma vie, bonnombr e d e situations poétiques, et aussi lasatisfaction de q uelq ues-uns de mes vices,annexes mais im por tants. Le pouvoir ny f igu-rait pas. j'aime la liberté, mais sûr ement pasl'argent. Comme disait l'autre: «L'argentn'était pas un d ésir d e l'enf ance.»
Romild et Vincent ajoutent maladroitementcette seule ex plication que l'on sente r éalisteq uant à la nécessité d e ce libelle: «De bord etles situationnistes sont nos dernièr es photos-souvenirs d e mai 68, quand tous les autres
protagonistes de l'af f air e se sont rangés, sesont vendus, ont tout oublié.» Voilà pourquoion peut, si tar divement, mériter enfin queLaur a R omild et Jacques Vincent se mettent àl'.ouvrage pour vous tresser des laur iers s pé-Claux.
Je pense qu'on ne peut croir e, avec cela,que je me soisjamais montré trop séduisant,dans la société présente, puisque je n'ai enaucun cas d issimulé q uel mé pris me par ais-saient mériter ceux qui, à tant d e sujets,avaient si tranq uillement r ampé dans les illu-sions établies.
Dans Le Monde du 22juillet 1988, Roger-Pol Droit écr it: «Par temps de tapages, il f autq uelque fer meté pour cultiver l'ombr e. GuyDebor d est d evenu célè br e en secr et. Critiqueradical d e la société actuelle, il s'emploiede puis trente ans à d éf aire le système géné-ral d 'illusion qui englue l'Est comme l'Ouest.Membr e d e l'Internationale situationnisted ont il fut l'un des fond ateur s, il a notam-men t pu blié La Socié t é du s pectacle. Il a signé
plusieurs f ilms, et dif fusé bon nom br e d etextes sous divers pseud onymes, pas tousidentif iés. La plupart n'en savent pas beau-coup plus. De bord est en effet passé maître
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dans l'art de brouiller les pistes et de semer des silences au creux des phrases, sans laisser de traces. On le reconnaît seulement à desformules effilées comme un scalpel, à une prose froide, d'une dureté exemplaire. Àcet égard, pas de doute : ces Commentairessur la société du spectacle sont bien de GuyDebord, ayant adopté pour une fois son nomcomme pseudonyme. Vingt ans après, lediagnostic qui a fait sa renommée et assuréson influence - considérable en certainsmilieux - paraît largement confirmé par lesfaits. »
Je n'ai jamais rien publié sous un pseudo-nyme. C'est précisément parce que la véritése trouve être telle que ce médiatique doitévoquer divers pseudonymes, et qui ne sont«pas tous identifiés ». C'est pour donner trompeusement à penser qu'il aurait par lui-même r éussi à en id entifier au moins un, et plutôt six ou huit. Mais non, ce n'est qu'unmensonge. On souhaite, bien sûr, ajouter
beaucoup à mon genre interlope. Ces pseu-donymes imaginaires pourraient peut-êtreétablir que j'aurais bel et,bien consenti à tra-vailler; et alors à quoi? A moins que l'on ne prévoie, en édition posthume, d'illustrer dequelques faux utiles de tels pseudonymes
enfin révélés. Et alors M. Droit passant pour connaisseur, ce grossier maspérisateur se
proposerait peut-être pour les authentifier?Il touche à une sorte d'humour métaphy-sique en apportant cette preuve absolue,selon laquelle, cette fois - on sent bien quel'on ne pourrait pas dire cela de n'importequi -, j'en serais même venu à adopter mon propre nom comme pseudonyme : ensomme, ce n'est plus r ien d'autre qu'unequestion de terminologie. Je ne sais ce quel'on prétend insinuer en rappelant que j'aiacquis une influence considérable «en cer -tains milieux ». Dequels milieux peut-il s'agir?Il ne faut s'attendre à rien de recomman-dable,je présume.
«Ces faux-fuyants et ces propos codés peuvent irriter ou faire rire. À force de voir des espions partout, serait-ce que Debord, aulieu de démonter la machine façon Kafkaqui
broie l'humain, a finalement sombré dans un brouillard façon John Le Carré? Il semble. »L'ignorance a toujours tort de faire connaîtreson avis; l'incompétence dans le jugementdes ouvrageslittéraires d e son époque est tout
particulièrement ridicule. On admet facile-ment, depuis plus de soixante ans, et mêmesans l'avoir lu, que K afka annonçait une
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grande part sinistre de l'espr it d e c e siècle. Demême que l'on s'est d epuis plus longtempsrefusé à ad mettre q ueJarry en annonçait une
part beaucou p plus énorme. Ce sont ceux q uisavent ce q ui se passe dans le mond e, q uigoûtent ceux qui savent en parler. André Bre-ton, dans l'Anthologie d e l' humour noir , avaitsur -le-champ montré dans Jarry la préfigura-tion des d iscour s d es «procès d e Moscou ».Etd e puis nous avons pu voir , par tout sur la pla-nète, du Kremlin à Bucarest, en passant par Pék in et le bur eau politique du Parti commu-niste yéménite, les r èglements d e com ptes ouremplacements soudains d es pouvoirs totali-taires modernes menés d ans le styleexact d esexécutions putschistes d ' Ubu roi (
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été parcourue. M. Droit sera peut-êtr e encor e plus irrité; mais rira deux foismoins. L'Ouesten est presque arrivé à être dans un aussimauvais état. Au chapitr e VII des mêmes Co m-mentaires , j'avais dit qu'il fallait ajouter unrésultat négatif central «à cette liste d estr iomphes du pouvoir », au moment où lasociété du spectaculaire-intégré croyaitn'avoir plus qu'à téléguider sans répliq ue unseul monde consensuellement unifié d ansl'illusion: «Un État, dans la gestion duquels'installe dur a blement un grand déf icit d econnaissances historiq ues, ne peut plus êtr econduit stratégiquement. »
L'É vé nement du Jeudi écr it le 15 dé-cembre 1988, sous la signatur e d'un AndréClavel: «Fair e un por trait d e De bor d r elèvedonc d e la gageur e. Il mé pr ise la presse,r efuse toute inter view, entretient de machia-véliques énigmes autour de sa personne. Pasun mot le concer nant sur la couverture d eson dernier essai...» On voit ce qui est d evenula norme d'au jourd'hui, non sans beaucoupde raisons for t utilitair es, mais qu'il était d é jàen fait si extr aordinair e d e penser, avant untr ès récent conditionnement de telles sortes
de réflexes. Quel besoin a-t-on de «fair e un por trait» d e moi? N'aije pas fait moi-même,dans mes écrits, le meilleur portrait que l'on
pourra jamais en f aire, si le portrait en ques-
tion pouvait avoir la plus petite nécessité? Enquoi d'autre pourr aisje davantage intéresser mes contempor ains qu'en exposant ceq u'étaient, selon moi, certains aspects cru-ciaux et terribles d e la vie qui leur était faite,et dont génér alement les responsa bles ducour s d es choses ne voulaient pas qu'ils aientla tentation de les r egard er d e tr op près? Je
méprise la pr esse, j'ai raison; et voilà pour-quoije refuse d e puis toujours toute inter view.Je la mé pr ise pour ce qu'elle dit, et pour ceq u'elle est.Je ne suis évidemment pas le seul,mais sans doute celui qui peut le dire le plusfr anchement, sans aucune gêne: c'est parceq ue je me trouve peut-être le seul qui neme soucie aucunement de ses méprisables
éloges, et pas davantage de ses blâmes. Voilàd onc ce qui est appelé, dans la vision inver-sée du spectacle, entretenir «de machiavé-liques énigmes autour d e sa personne» (c'estce q ue l'homme du Mond e- tant pis sije metrompe - trouvait être « passé maître dansl'art d e br ouiller les pistes et de semer d essilences au creux d es phr ases ...») .
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consensus et l'oublier avec elle en l'accusantd'ar chaïsme (c'est l'esquive la plus moder-ne); on peut enfin, convaincu par l'auteur que son livre traite de "questions gr aves", selaisser aller à en discuter le contenu, mais
alor s on r isque d'écr ire d'après lui et non plus surlui (et c'est là, bien sûr , le danger ).»
pr écisément formés pour n'adhér er qu'à ceq u'ils entendent redire de tous les côtés d ansla chambre d'échos d e l'instant même, et àr éagir avec horreur contr e ce qu'ils soup-çonnent de n'être plus agréé par la dernière
mod e médiatique. Tout se passe comme siGoya ou Turn~r n'étaient admirables l'unou l'autre, mais pas simultanément, qu'aux
jours où sont organisées leurs grandes expo-sitions. M. Mouton n'est pas dupe de tellesniaiseries. Il sait que ce Consensus bientôtmondialisé ne fera figur e d 'aboutissement dumond e, et même, dans la pensée nippo-
américaine, d'heur euse «fin d e l'histoire",que pendant très peu de trimestres. C'est pourquoi, convaincu que «l'esquive la plusmod erne" va être aussi celle qui se d émoderale plus vite, il ne la cite qu'en troisième posi-tion. La plus funeste, et il a raison de la pros-crir e par -dessus tout, ce serait «se laisser aller à en discuter le contenu". Par un tel recours
à la barbarie du XIXe
siècle on risquer ait eneffet «d'écrire d'après lui et non plus sur lui(et c'est là, bien sûr, le danger )". L'histoireavaitcent foismontré, dans lestemps pré-spec-taculair es, et de puis que les vieilles censuresavaient été s'a bolissant, quelles difficultés etquels troubles risquaient d e surgir dans lessociétés q uand on avait l'archaïque ha bitude
On ne peut contester à M. Mouton unegrande lucidité, une bonne connaissance dusujet, une vr aie maîtrise de son métier. Jecrois qu'il a vu et a dit l'essentiel, dans l'ordr ede pr éférence qui doit êtr e ef f ectivement
choisi. La solution la plus recommandable, etla plus sûr e, est naturellement que l'on ne puisse pas me lir e (les maisons d 'édition sontmortelles), et que ceux qui encor e se mêlentd 'écrir e sur moi aient été intégr alementinformés sur d'autres sources, plus r espon-sables. La solution psychiatrique est sansdoute plus expéditive, et faisait grand usage
dans la Russie dite si longtemps et sifallacieu-sement «soviétique,,; mais elle n'est passûre. Déclar er plutôt toute ma problématiquethéorique a bsolument pér imée, parce qu'elleétait dé jà formée dans les tem ps primitifs eto bscur s qui pr écédèrent de plus d'une d écen-nie le lumineux consensus, voilà qui est de
bonne guerre: les êtres consensuels ont été
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d'écrire quelquefois d'apr ès ce qu'avaient ditcer tains auteurs, qui étaient peut-être mal-veillants.
M. Mouton a eu le tort, dans la suite d e son
étude, de se laisser aller à cer taines de cesimpr udences, que pourtant le rappor t Mou-ton lui-même avait très clairement condam-nées: il entre dans d e trop dangereux d étailssur ma pensée et ce qu'il en pense lui-même.Et il est patent qu'il se rallie d'abord à l'ex pli-cation principale par la paranoïa, alors qu'ilavait avoué en commençant son peu d e goüt
pour un tel choix. Il est vrai que c'est au prixd'une importante révision du conce pt mêmede paranoïa. Ainsi que M. Roger -Pol Droitavait apporté en mon honneur une sor te d erévolution spatiale anti-euclidienne d ans lavieille distinction-opposition du pseudonymeet du nom authentique, la par anoïa n'est plusce qu'elle était avant M. Mouton. C'était une
attitud e mentale qui justifiait par d es rationa-lisations une erreur qui éloignait visiblementde la compr éhension r éelle du monde. La
paranoïa d es temps moutoniens est inverse:elle par aît tomber plus près d 'une compré-hension exacte que la déficiente explicationofficielle d u monde actuel, qui n'est autr eque l'explication spectaculair e. J'en ai vu par -
tout la fai blesse, et M. Mouton la déploreaussi. C'est cet incontesta ble et paranoïdemalheur du monde réel ainsi changé qui estvenu appor ter à l'intelligence paranoïaqueune si grandiose et inattendue mutation
brusque. Il suffisait d e le savoir .,
« On l'a com pr is, Debord est une intelli-gence paranoïaq ue. Or, face à l'obscuritérationnelle dont s'enveloppent les sociétés"post-industrielles", face à l'étrange miroite-ment que réfractent en permanence tous leurséléments, il semble q u'une intelligence para-
noïaq ue réussisse mieux...» Ou bien: « cou péede son ob jet par une sorte d e méfiancehéroïque, l'intelligence paranoïaque est forcéede fair e dans la solitude un effort de logique ».Qu'est-ce q ui peut vraiment assur er M. Mou-ton d e ma « solitude»? Le simple fait que lui-même vienne de me gar antir paranoïaq ue. Ilrelève ce détail q ue j'ai annoncé dès l'ouver tur e
de ce livre (mais l'ai je effectivement réalisé? peut-être était-ce un leurre? peut-êtr e le seul?)que j'allais y mêler quelq ues leur r es, et s'enétonne: « Quel pr océdé bar oque que d'aver tir les gens qu'on va se moquer d 'eux!» Etailleurs, il croit pouvoir d ire que « Debor d nefait plus donner la d ialectique qui tenaitune place si im por tante dans La S ociét é d u spec-
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tacle». C'est que M. Mouton ne reconnaît pas partout la dialectique, dont il a dû avoir une approche assez rassurante et très schéma-tique. Je pense que M. Mouton n'aime pas laliberté.
En mars 1989, parmi une grande quantitéde ragots inventés, Actuel, qui veut résumer
l'histoire de l'Internationale situationniste,note: « En mars 1962, le grand lessivage setermine. Il aura fallu moins de deux ans pour que Debord mette les quelque vingt artistes àla porte de l'LS.» Un tel résumé vient juste
pour soutenir le point de vue nashiste du néo-musée appelé « Centre Pompidou» ; lequel aessayéde démontrer que le temps qu'avait en
vérité duré l'LS. s'était limité aux cinq ans dela période 1957-1962. Les dix années sui-vantes, dont il avait été fait un trop mauvaisusage, se voyaient en ce risible Wonderland
barrées d'un trait de plume muséographique-historique. Il ne s'agit pas de nuancer ladurée des périodes glaciaires. On peut rayer les deux tiers d'une période qui s'est dérou-
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lée il Ya seulement trois décennies. Ce côtédu spectaculaire sent fortement le «concen-tré », comme il était pratiqué autour deStaline.
Cet Actuel prétend en outre que des capita-listes italiens, de Benedetti, Berlusconi, ainsiqu'un nommé Car lo Freccer o auraient apprisdes situationnistes le meilleur de leur s mal-tôtes. Mais est-ce q ue c'est seulement vrai? Etsi c'était vr ai, à quoi cela pourr ait-il lesmener? Il est dans l'essence du capitalismetardif que les mieux instruits d e ses aventu-
rier s ne vont tir er d es avantages per sonnels passagers qu'en tant que leurs meilleurscoups ser ont aptes à accélér er encor e la dis-solution patente d e l'ensemble du système.«Des chefs d'entr e prise et des banquiers d ela "génér ation 68" - ilsveulent gard er l'ano-nymat - ont monté une cellule d e r éf lexion,
A mardi. Ils sont formels: Car lo de Bened etti
a aussi bien lu Censor que De bord .» Quisont-ils pour juger d e qui a bien lu? Je peuxêtr e tout aussi for mel: je ne connais rien d eCarlo de Bened etti. Aucun du reste des ban-q uiers cités n'a bénéficié d e mes conseils, etn'a pas davantage été victime d 'une d e mes
belles escroqueries. On souhaite encor e f air erêver sur mes r elations louches. «Et Gérard
Lebovici? (...) l'ami intime de Guy De bord (...) assassiné en 1984. Pour quoi? On ne saittoujours pas. Il reste d es zones d 'ombr eautour des situs.» Au moins, maintenant, ilsne savent pas: je préfère.
Dans le livre publié par Serge Quadrup- pani au d é but de 1989 aux Éditions de LaDécouverte, L' A ntiter r or isme en France, il n'ya qu'un détail qui me concerne, mais c'estun truquage parfaitement extr avagant, une
sorte de cuvée r éservée aux objectifs spé-ciaux: «Et quand G. De bord assure que Moroétait d étenu dans un bâtiment impénétrable(sous-entendu, sans doute: l'ambassade d esÉtats-Unis), on peut êtr e interloq ué (...) Ilest seulement d ommage qu'il faille croir el'auteur de La Socié t é d u s pect acle sur parole. »
j'avais montré, et c'est réellement un traitassezr écent dans la d escr i ption de la sociétédémocratique: «Il y a toujour s un plus gr and nombr e d e lieux, d ans les gr and es villescomme dans quelques espaces réservés de lacampagne, qui sont inaccessibles, c'est-à-dir egard és et protégés d e tout regard (...) sansêtre tous proprement militaires, ils sont
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sur ce modèle placés au d elà de tout risquede contrôle par des passants ou des habi-tants...» Désireux de me faire passer pour unarchaïque imbécile, Quadruppani croit qu'il
peut confondre cette triste nouveauté avecle
vieux statut de l'extraterritorialité diploma-tique, aux caves du Vatican, ou à cette exces-sive ambassad e des États-Unis, si habituée àtout faire en Italie qu'elle irait même se char-ger d e séquestr er Aldo Moro. Il a l'a berranteaud ace d e r egr etter que l'on doive croireseulement «sur parole» une niaiserie que jen'ai pas dite, il le sait bien; puisqu'il d écid e,
tout seul, que je l'ai «sans doute» pensée!On peut tr ouver pr esque également sus-
pecte, quand c'est un Quadr uppani quil'emploie, sa tournur e exagér ément pom- peuse q ui évoque «l'auteur d e La S ocié t é duspectacle». Voudr ait-on aussi m'en attr ibuer la responsa bilité? Les vér ita bles auteurs d ela société du spectacle, il me semble que
c'est bien plutôt vous autres, em ployés auxétranges travaux.
Libération du 29juin 1989 rapporte que leTimes de Lond res venait de publier cette r évé-lation plus directe : «Guy De bord, le philo-
so phe et l'intellectuel héros révolutionnair ,a été, dans les d erniers mois, éclairé d'un jour tout nouveau. Le mois dernier, un article d efond du Village Voice révélait que Debord avaitété recruté par la C.LA. dans les toutes pre-
mièr es années d e l'LS., et recevait des paie-ments r éguliers, de ses bureaux parisiens.Cette information longtemps dissimulée vientseulement d'être déterrée par hasar d, au coursdes la bor ieuses r echerches dans les documentsde la Sécur ité américaine r écemment ouvertsau public...» Le héros jour nalistique qui avait«d éter r é» un fait si bien caché s'a ppelait pour
cette f oisAdrian Dannat. Quelques per sonnesd e Londr es qui avaient l'innocence d e s'inté-r esser à ce que l'on pourr ait lir e dans «lesd ocuments d e la Sécurité américaine », ou à ceque le Times de Londr es peut vomir à mon pro-
pos d e puis qu'il a été racheté par Mur d och- et parmi elles on comptait l'histor ien amé-r icain Gr eil Marcus -, ayant bronché, Dannat
se borna à les rassurer sur le fait que ce n'étaitqu'une f a brication «imaginair e, une blague ».Il peut le pr ouver en aff irmant que r ien de teln'avait paru dans le Village Voice. Et Libérationassur e d e son côté: «Au Village Voice à NewYork, Scott Samuelson confirme qu'il n'a
jamais lu d ans son hebdomadaire d 'article qui parle d e liens entre De bord et la C.LA.» On
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voit donc que Samuelson est posItIVementd 'une tr ès pr udente modér ation sur cet aspectde la question. Et Libération même a l'air de ne
pas approuver l'allégation non réellementdémontr ée «contre un homme qui a déjà eu
plus que sapar t de diffamation». Ceux qui ontseulement eu ce q ue ce scrupuleux journalsemble considérer comme leur juste part ded iffamation ne sont jamais que ceux qui n'ont
pas extraordinairement déplu à tout le monde.Comment on acquiert un tel genr e de mérite,
je laisse mes lecteurs y penser par eux-mêmes.C'est un fait que je me suis trouvé si souvent
«éclairé d'un jour tout nouveau », et d e puis silongtemps, que je crois me trouver placé sim-
plement au-d essus d e toute calomnie - et je pèse mes mots - par la seule var iété d e leursabus accumulés. En tout cas, c'est ainsi que jeme consid èr e, moi, à sijuste titr e.
On peut relever en cette matièr e quelques
techniques pr écises qui sont d ésor mais pla-cées à la disposition d es déf enseurs d esvaleurs d e notre é poque. Un jeu d e mir oirsd'ordinateurs bien programmés se renvoie àl'infini les citations qui se sont une fois mar -quées dans la machine de la r é pétition. N'importe qui, appartenant à ces secteur s d esemplois sociaux responsables d e la vérité, ou
du moins de l'information, pourra relancer lafausse nouvelle au jour qui lui conviend r a,dans n'importe q uel journal de Singapour oude Bogota, en citant le Times de Londres, ouaussi bien Libér at ion , ou peut-être même le
V illage Voice.
L'autre fait notable, c'est qu'un médiatiquea désormais le droit de plaisanter avec sonoutil prof essionnel, en cer tains cas. Un géné-ral, par exemple, n'avait pas le droit de plai-santer à la tête d e ses troupes, ou un juge en
prononçant ses sentences, etje ne sais même pas s'il est encor e tout à f ait permis au respon-sable d'une centrale où l'on produit l'énergienucléair e d e plaisanter, au sens pr opr e dumot, à l'instant où il fait connaître ses direc-tives. Mais il est littéralement hors d e doutequ'un médiatique ne peut êtr e privé d e ced r oit. C'est un salarié remarquablement spé-
cial, qui ne r eçoit d 'ordre de personne, et quisait tout sur tous les su jets dont il veut parler .Il por te donc, suivant sa déontologie, qu'il nesaur ait trahir sans hideuse concussion, littéra-lement toute la conscience de l'époque. S'iln'avait pas le d r oit de plaisanter, où seraitdonc la li berté d e la presse et, partant, ladémocr atie elle-même?
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La pittoresque plaisanterie du Times, qui peut être corrigée un jour (on croyait d'abord que c'était une plaisanterie, mais on s'estaperçu depuis que c'était précisément la véri-
té...), ne cache pas que c'est par simple appâtdu gain que j'en serais venu «dès les pre-mières années d e l'LS.» à faire quelque chosed'aussi ouvertement contraire à mes goûts
bien connus, et assez hautement proclamés. Ilsemble que la même intention r e par aisse sousune autr e figur e: confirmer que je n'avaisvraiment aucun meilleur moyen d e me procu-
r er plus honora blement d es r essources, avantde tomber sibas. On peut dir e que, pour prou-ver que j'aur ais été une fois le mercenair ed'une mauvaise cause, on iraitjusqu'à la plai-santerie. J'en acce pte le risque. Je ne suis pasquelqu'un qui pourrait êtr e conduit au sui-cid e, comme Roger Salengro, par d'imbécilescalomnies; et encore moins aur aisje un car ac-
tèr e à m'aff ecter d'une quelconque r évélationqui tr ouverait coupa ble quelque chose que j'aurais f ait r éellement. Je suis sûr d'avoir toutfait pour le mieux.
Larevue Critique d'octobre 1989a confié latâche à quelqu'un qui signe Laurent Jenny.Celui-ci est prêt aussi à témoigner que, «demégalomane, le situationnisme est devenu
paranoïaque». La preuve, c'est que mainte-
nant je me méfie de la moitié de mes lec-teurs : ce qui pour rait bien être accorder uneexcessiveconf iance à toute l'autre moitié. Oùavait-on rien vu de par eil? Le monde achangé ainsi. «Là où la vie réelle devait adve-nir dans le sans image d 'une pratique histo-rique, une conspiration comploteuse a pris sa
place. Fantôme d e la tyr annie, elle hante
toutes les appar ences sociales sans jamais ya ppar aîtr e elle-même.» Cette conspirationm'échappe donc tellement qu'elle semble nem'avoir laissé plus rien à dire. Ce qui évoqueau sensible et moderne Jenny «le mond e du
Riva ge des Syrtes deJulien Gracq, sa somptuosité poussiér euse et vide». Ce médiocre littéraire vamaintenir l'image jusqu'à la fin, tant il est ravi
d'avoir trouvé, lui, une pareille richesse d'argu-mentation, une si éclatante force de convic-tion : «Aux avant-postes d'une Amirauté per-due, Guy De bord guette un ennemi d'autant
plus infigur a ble que cet ennemi s'identifie àla totalité des apparences. Scrutant l'horizon,il y décèle d'imperceptibles indices sans ja-mais pouvoir en d émontrer l'évidence à autrui
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avec assezde sûreté. D'ailleurs, à qui se confie-rait-il? L'ennemi n' a-t-il pas ses ramifications
jusque dans la forteresse chargée de le guetter?Le guetteur ne doit-il pas sedéfier de lui-mêmeen tout premier lieu? À défaut d'amis sûrs, il
livre au papier des pensées sans d estinataires plausibles. Ses Commentaires sont de ceuxqu'on écrit, le soir, dans une humide chambredes cartes, pour tromper l'ennui et le "mal-heur des temps". Les citations qu'il s'autoriseconfir ment l'austérité d e la bibliothèque dontil dis pose : Clausewitz, Machiavel, Thucyd id eou Gr acian (ce sont d e ces livr es qu'on aime à
méditer d ans un exil volontair e, a près une vied'intr igues de cour et de batailles per dues). Lestyle même du guetteur se r essent d e son exil:o bséd é d e d étails peut-être insignifiants, il agagné en froid eur classique et en distance hau-taine, mais c'est aussi qu'il est contr aint à laréserve et à la r use par l'omnipr ésence d esespions. Écrir e, ce n'est pour lui qu'une autr e
façon d'arpenter un rivage d ésolé en tir ant ver sl'infigur a ble ennemi les d ernièr es cartouchesd e la métaphysique. »
Pour son malheur, le cr itique n'avait pas sulire non plus le roman d e Gracq. Dans Le Rivage des S yrtes, l'attente s'est r éellementter minée par l'invasion et la d estruction d e la
R épublique d'Orsenna. Ce ne peut laisser aucun doute à qui l'a lu. Le héros, marchantà la dernière page, parmi les lumières d e laville endormie, comme dans un théâtre vid e,dit: «Je savais pour quoi désormais le décor
était planté.» Précédemment, à un tiers de laf in du livre, il avait par avance évoqué le «cau-chemar qui monte pour moi du rougeoie-ment de ma patrie détruite ». Mais peut-êtrea-t-on négligé de faire informer l'ordinateur d e ces d eux f ugitif s détails? Il fallait avoir luGracq dans l'original.
Les T emps mod ernes d e novembr e 1989, etcette f ois sous la plume d e Marc Le biez, vont
philosophant, comme si l'on avait été cou-ramment apte à le faire aupar avant d ans cetterevue. On y appr ouve avec vingt années der etard La S ociété du spectacle: «Relu aujour-
d'hui, hors du contexte de l'Internationalesituationniste, La Société du spectacle apparaîtcomme un gr and ouvrage théorique, extrê-mement intelligent et stimulant...» Hegel plaît toujours beaucoup moins quand lesr évolutions paraissent revenir; et le «con-texte de l'Internationale situationniste »,c'était mai 1968. «On s'étonne que ce texte
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philosophique ... ait pu susciter des r éac-tions aussi violentes que celles de F. Châtelet
par lant "d 'exclur e purement et simplement"d e "sembla bles énoncés (qui) d écouragentd 'avance toute critique".» Quel dommage!
Voilà donc que j'ai si vite et si malheur euse-ment perdu la si récente estime de ces excel-lentes têtes hégéliennes, qui me voient main-tenant a band onner dialectique et révolutionen ayant l'inconvenante id ée d e décrire lestad e s pectaculaire-intégr é ou le gouverne-ment parallèle d'And reotti. «Si la totalité dumond e est r enversée, alors ce r enver sement
d evient la seule réalité et ne peut plus êtr e pr ésenté comme une f alsif ication.» On voitla f orce du sophisme. C'est tout simple-ment comme si l'on me blâmait de ne plusêtr e héraclitéen, puisque Héraclite avait posécet axiome que «le langage est ce qui estcommun»; alors que notr e temps l'aur aconnu entièr ement ex pr o prié par ceux qui
en contr ôlent désor mais l'emploi média-tique. Où n'en arr ive-t-on pas? Mais est-cemême une chose à dire? «Quand Thucydid e
pr end la place d e Marx, le changement estaussi politique: Thucydid e n'a jamais passé
pour un r évolutionnaire.» Cette sorte d e pr euve par la notoriété antérieure manquede sérieux, comme tout le reste. Comment
nous appar aîtra exactement, d ans les luttesde demain, Thucydid e?
Le 14 novembr e 1989, au moment oùGor batchev se l~nce dans sa pér illeuse fuiteen avant, Le Quotidien d e Paris , sous la plumedu néo- philosophe Jean-Mar ie Benoist, écritq ue «Gorbatchev vér ifie les analyses d e GuyDebord ». Ainsi, d ans la ligne d e tout ce quenous avons d é jà vu ici, on me suppose encor ecapa ble d e tirer d 'autr es ressour ces d e mes
com pétences; et cette fois en acce ptant d ed evenir le conseiller du tyran. Et l'on insinue,en surplus, que j'aurais tr ahi d élibér émentmon client, puisque j'aur ais poussé l'imbéciled ans une voie où je sais avec la plus indiscu-table certitud e qu'il est cond amné à perd retout, d ans le plus br ef d élai. Aucun bon ana-lyste str atégique ne peut ignor er, depuis plu-
sieur s siècles, que le moment le plus d ange-r eux, pour un mauvais gouvernement, est justement celui où il entr e pr end de se r éfor -mer . Et q ue les car tes sur lesquelles Gorbat-chev comptait jouer tout son sort étaient pr é-cisément les plus illusoires d e toutes.
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Enjanvier 1990, le numéro 12 d 'un bulle-tin intitulé Les mauvais jours finiront ... r evientune fois d e plus sur son su jet favor i. C'est latr ibune d'un certain GuyFargette, q ui sembletrès averti de tout ce que l'on doit savoir dela question; et notamment d e nombreux dos-siers italiens. Il se f ait fort d e connaîtr e nonseulement les plus tragiques de mes er reur s,mais aussi d 'où elles sont venues. Il d iscer ne,d e puis toujours, les plus lointaines de leurs
or igines et les plus f unestes de leurs sûresconséquences; comme aussi, du reste, lesplussecr ètes intentions. Il assur e q ue «G. Debord a joué un méchant tour à ses admirateurs;alor s qu'il n'a jamais su prendre la mesur e dur ef lux social apr ès 1968, il ne voit désormais
plus que lui. Son tard if r éveil sur des phéno-mènes qu'il avaitignor és d e puis trente ans lui
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procure une illusion assez compr éhensible:les choses lui paraissent encore plus terr i blesqu'elles ne le sont en réalité. Mais en se per -dant d ans la d escription fascinée des procé-d és du pouvoir (qui ont été inventés en
Europe centrale d ans l'entre-deux-guerr es, et parfois même d ès avant la Premièr e Guerremondiale), il sombre dans un d éfaitisme à lafois scandaleux et éclairant sur le sens detoute son activité. Répondant sans en avoir l'air à ma note du numéro 9 d es Mauvais
jours ... , l' E ncyclopé die d es Nuisances affirmeque le s pectaculair e-intégr é d écrit une situa-
tion d e bureaucratisation r éussie. Mais la"théorie du spectacle" d es années soixanteexcluait par postulat une telle éventualité his-torique. En r evenant là-d essussans s'en expli-quer , la théorie situationniste f r anchit son point d e d ésintégr ation. La position d e GuyDe bord pr ésente une inconséquence plusr emarquable encor e: on n'avait jamais vu d e
"r évolutionnair e" (c'est-à-d ir e d e gens se pr étendant tel) d écrir e la contr e-révolution pour la d éclar er d'avance victorieuse. Cetteétrangeté est étroitement liée au style deG. De bord, puisqu'il r e pose sur un tond e "prophétie s'auto-accomplissant". Sa d é-marche apparaît nécessair ement comme undésir d 'avènement de la catastrophe.
Son attitude est conforme aux paroles d ucommandant Schill, héros d e l'insurr ectionmanquée contre Napoléon en 1809 et fusilléquelq ue temps plus tard: "Mieuxvaut une f in
d ans l'horr eur que l'horreur sans fin." Un passage d'un autre livrerécent d e G. Debord,Pané gyrique, tome l (1989), décrit avec uneadmiration révélatr ice, nihiliste, les assautsmilitaires désespér és. Il est clair que la catas-trophe historique constituerait pour lui unesecr ète r evanche sur une humanité qu'il acomprise d e façon tr ès aléatoire. L'attention
qu'il accordait à l'ex pr ession des émotions pour rendr e vivants les actes et les par oles ad égénér é en un irrationalisme morbid e. »
Le magazine Globe d e févr ier 1990 par-vient à établir que je loge « pr esq ue cland es-
tinement au cœur d e Paris, d ans un belimmeuble bourgeois» dans la rue du Bac,et plusieurs faits annexes dont son ingénio-sité habituelle lui permet de fair e les plussymptomatiques usages. «Le cofondateur d el'Internationale situationniste, l'enragé de1968,vit au jour d ' hui d es jours paisibles dansson appar tement confortable d u tr oisième
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étage, à la porte fraîchement blindée. Et éter-nellement fermée. Guy Debord est de touteévidence un homme mystérieux. Ceux avecq ui il s'est brouillé ne veulent pas en parler. »On se plaît à conclure que je vis des jours
apaisés, voire même embourgeoisés; mais onrappelle quelques signes de la violence du
passé, et notamment que ceux qui ont étéamenés en d 'autr es temps à se compr omettreavec moi ne se sentent pas autorisés à en par -ler . And ré Breton avait été souvent en butteaux faux témoignages d e vérita bles sur r éa-
listes r e pentis de tout ce qu'ils avaient fait d egr and. Rien d e tel ici. À quoi bon, autrement,êtr e un homme mystér ieux? On n'aura d onctr ouvé personne pour s'y risq uer . Deux outrois imposteurs sous-médiatiq ues ont par f ois
pr étendu m'avoir connu autr ef ois, mais ilsn'avaient naturellement rien à dire. Et moi,
je n'avais justement r ien à r é pondre à ceux-
là; me réser vant pour nuire à un authentiqueq ui oserait un jour s'essayer à ce jeu. Aucund e ceux d ont les noms avaient paru d ans l'1.S .n'est jamais venu rien r évéler clair ementd epuis. On sait ce que peuvent or dinair e-ment devenir les pr éférences d e beaucoup d egens, q uand vingt-cinq ans ont passé. Mais ilfaut se souvenir que même d ans la pur e I.S.
de 1967,ilYavait dé jà deux provocateur~ iIlf i1 -trés, trois peut-être.
«De toute façon, son ad r esse n'est connud e personne. Ou presque. Guy Debor d ne se
cache pas: il refuse. »On peut le dire. Et G lobea pu savoir aussi que l'I.S., entre juillet 1957(Conférence de fondation à Cosio d 'Arros-cia) et 1969, n'a jamais compté «que 70membres. Quarante-cinq seront exclus»; etq uelques autr es en surplus contraints à lad émission. C'est donc beaucou p plus de lamoitié d e l'ef f ectif . Quel mépris des Droits
d e l'Homme! Mais aussiil est plus facile, con-sid érant une si f ine équipe, d e prévoir quetout le mond e va devoir préfér er garder sonnez pr o pr e. «En 1957, De bord avec son film H ur lements en faveur d e S ad e annonce la fin ducinéma : on y voit une séquence de vingt-q uatr e minutes pendant laquelle l'écran restenoir .» Je l'ai même f ait encor e un peu plus
tôt, et la pr euve s'en est f ait attendre cinq années d e plus puisque l'aff reux exploit, envérité, a of f ensé l'année 1952. Et le titre seuln'avait-il pas suf fi à faire voir la mentalitéd 'une sinistre jeunesse? La suite s'en estmontrée digne. «Aujourd 'hui, Guy Debor d ne possèd e pas le téléphone et déclarecomme résidence princi pale saferme de Bel-
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levue-Ia-Montagne, où il passe quelques moisl'été.» Je peux pr étend re élir e là mon domi-cile parce que, entre les nombreuses rési-d ences où s'est par tagé mon temps dans lesvingt d er nières années, celle-là est eff ective-
ment la plus ancienne et, sur l'ensemble d ece temps, celle qui a été, relativement, la plussouvent occupée.
«Il est toujours mar ié avec Alice Beck er -Ho, d e dix ans sa cad ette. Il boit toujours
beaucoup, d éclar e tr ès peu d 'impôts.» Toutesces bonnes nouvelles n'ont r ien de très éton-
nant: on sait que les salar iés sont seulsà payer beaucoup d 'impôts.
Claud e R oy parle un peu d e moi d ans sonlivr e L' É t onnement du voyageuT (Gallimard ,1cr tr imestr e 1991). Il dit que «Guy Debord
est allègrement mégalomane». Il dit aussiqu'il a lui-même écr it, voilà bientôt vingt ans,q u'il r econnaissait en moi une
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parfois son devoir ) est tout bonnement maca-ronique, je crains que le conce pt ne soit aussiembr ouillé que le style. » Qui aur ait l'injusticede tr aiter Claud e Royd e «vieil im bécile»? Letemps ne f ait rien à l'affair e.
Au pr intem ps d e 1991, une r evue q ui s'a p- pelle glorieusement Maint enant, le commu-
nisme se pro pose d'en arriver enf in à la néces-saire «cr itique d e 1'1.S.»: «L'LS. a véhiculésuf f isamment d 'illusions et de mythes autour d 'elle pour a ppar aîtr e comme le point d er éf érence obligé d e la théorie cr itique. Il nes'agit pas d e la d é passer au sens où l'ar ticled 'ouver ture d u numéro 12 - en plein pas-tiche hégélien -l'entend ait ("Nous sommes
d ésormais sûr s d'un a boutissement satisf ai-sant d e nos activités: l'1.S.ser a d é passée"). Sil'LS. r este un mouvement impor tant dans
bien d es domaines (cr itiq ue du s pectacle, d ela notion d e rôle, d e l'urbanisme, etc.), ellene possèd e r ien de communiste. (...) Ainsi lesouvrier s ne sont pas d evenus dialecticiensmais les événements d e Mai 68 fur ent la
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chance historique de l'I.S. qu'elle a su saisir au bond. (...) La dénonciation de la sociétémarchande n'a jamais été le monopole d el'I.S.» Peut-être avaient-ils, en effet, un peutrop surestimé cette affolante I.S.?
nants, personne n'avait vu les films d e De/)m'(l.C'était presque vrai».
Il me semble que c'est plutôt moi qui aientr aîné, vingt ans avant eux, la dissolutionde l'I.S., et écrit: «Que l'on cesse d e nousad mir er...» Ils maspérisent : «Qui parle d e"t'ad mirer", De bord?» On annonce, sous
peu, dès le pr ochain numéro, une démystif i-
cation qui n'avait que trop tar d é: C ontr e Debord : la magie situationniste ne constitue pasla thé or ie r é volutionnair e d e notr e t emps.
Je dois convenir qu'il y a toujours eu dansmon esthétique négative quelque chose q ui
se plaisait à aller jusqu'à la néantisation. Est-ce que ce n'était pas tr ès authentiquementreprésentatif d e l'art moderne? Quand on«annonce la fin du cinéma» d e puis si long-temps, n'y a-t-il pas comme d e la cohérenceà faire dispar aître les films? Il faut sans doutevoir là une sorte d e succès d'une nature peucour ante. Je crois que je n'aur ais jamais
im pr essionné personne, sinon par cette sin-cér ité tranquille, qui n'a douté d e rien.
À l'hiver d e 1991, dans la r evue ' T ra- f ic , Ser ge Daney signale qu'au f estival d e
Taor mina où l'on pr ésentait en bancs-titr esq uelques photos tir ées d e mes films faute,fort heur eusement, d'avoir pu dis poser d eco pies d e ces films disparus, «une séanceétait consacrée à Guy Debor d et d es discourssavants y fur ent tenus. La scène, vite, d evintd igne d e Mor etti lor sque quelqu'un d ans lasalle f it remarquer que même che z les int erve-
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Les r évélations sont fa buleusement nom- br euses d ans les souvenir s d e M. Gérar d Gué-
gan, qui s'intitulent U n cavalier à l a mer (F.Bourin,janvier 1992). Ilveut nous parler d esavie. Tout le fait penser à moi. Et chaque f oisqu'il pense à moi, j'ai tort. Le secr et le mieuxocculté sous cette fausse rhétorique d e l'indi-gnation per sonnelle, c'est q ue je n'ai jamaisaperçu M. Guégan q u'une seule f ois, autemps où il se trouvait êtr e em ployé chez mon
éd iteur . Ce br ef instant lui a donné l'occa-sion d e pr od uire un faux témoignage, tr èsr e présentatif d e sa manièr e, sur ma pr emièrer encontr e avec Le bovici, où il s'est trouvér éellement pr ésent, et muet, mais q ui ne r es-semblait en r ien à ce q u'il en rap por te:«De bor d command e d e la bièr e, et nous d escaf és. Son plan était d es plus simples. Puisqu
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Buchet-Chastel n'assurait pas à son livre larenommée qu'il mér itait, il estimait avoir rempli ses d evoirs envers cette maison, etnous autorisait par conséquence à le rééditer .Il s'agissait ni plus ni moins d 'un piratage, car
pour rompre un contr at il faut être d eux.Gér ard Le bovici en acce pta par br avad e le
pr inci pe. »
ce détail f âcheux q ue je prétend ais manif 's-tement me faire justice moi-même; r é pu-gnant à porter sur le terrain d es vulgaires chi-canes jud iciair es un conf lit d e pr incipe q ui yétait si évidemment su périeur .
Ce Guégan arrange tou jours les chosesselon d e tr ès instructives intentions, et cached 'a bord l'essentiel de ce qui est. L'éd iteur Buchet, dont le succès d u Spectacle avait assez
tourné la tête, et qui croyait peut-être avoir làune occasion de r entabiliser encore un peu plus tout cela, a jouta au tr oisième ou qua-trième tirage d e ce livr e, et à mon insu,un faux sous-titre qui prétend ait marq uer qu'il s'agissait tout simplement d e «la théo-rie situationniste ». Dès qu'un exemplair eainsi maspér isé me vint sous les yeux, j'écr i-
vis à Buchet, un peu comminatoir ement jel'avoue, par une simple lettr e r ecomman-d ée, qu'il n'était plus mon éditeur . Le bovicil'ap pr it, et se proposa aussitôt pour me r éédi-ter .Je n'avais donc rien eu à lui d emander ce
jour -là; d e même que mes raisons d'agir étaient d es plus sér ieuses. Je n'ignorais pasq ue la seule fai blesse d e ma position tenait à
Je note d'ailleur s que j'avais affirmé, dansle tome premier, paru en 1989, de mon Pané -gyr ique , à propos de l'ensem ble d e la li bertéavec laquelle j'ai pu me conduire, en d estermes explicites: «Cela n'a pu êtr e mené à
bien que parce que je ne suis jamais allé cher -cher personne, où que ce soit. Mon entou-
rage n'a été composé que de ceux q ui sontvenus d 'eux-mêmes, et ont su se fair e acce p-ter . Je ne sais pas si un seul autr e a osé seconduire comme moi, d ans cette é poq ue?»Cette seule constatation suffirait à montr er comment était impossi ble la scène imaginée
par Gérard Guégan. Ceci est une autre f açond e montr er la gr and e utilité d 'un livre q ue
j'avais pr écisément destiné à r éta blir la vér itécomplète sur beaucou p de cir constances peucommunes d e ma conduite; qui sont pour -tant aussi tr ès r ar ement citées.
C'est donc ce jour -là q ue Gérard Lebovicientra dans la voie d u cr ime, qui l'a mené siloin depuis, séd uit qu'il f ut au premier ins-
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tant par le styledu voyou, et sans plus vouloir considér er rien d 'autr e. Pour défend re samauvaise cause, Buchet fit saisir en réf érél'éd ition de «Champ Libr e». Quand le pro-cès vint, lesjuges de Paris, qui se souviennent
encor e du ridicule qu'ils se sont donné encondamnant jadis Baudelair e et Flau bert, etqui d e puis répugnent à donner tort auxauteur s, conclur ent, consid érant la gravité dumanquement de Buchet, que son contratavait été dissous d ès l'instant d e ma lettr er ecommand ée, et le titre resta tr ès longtempsà Le bovici; apr ès même sa mort. Voici donc
ce qu'a été cette af f air e, et l'on admirera l'artd e Guégan pour r éussir à m'y donner unemauvaise figure, alor s que c'est peut-êtr e, detoute ma vie, le cas où je fus le plus justif -ié.Je crois q u'il n'a pas menti là où il dit que je buvais de la bière dans je ne sais plus quelcaf é.
Debor d aurait-elle pu me tenter? Et d 'sBOildarel, autour d e De bord, il n'en manqu',il pas... » «Tr ès vite, il s'imposa comme Ilseul leader , et tous ceux q ui pensaient q ul'art n'était pas mor t avec Dad a d ésertèr ent,
déconf -itsou dégoûtés, une organisation quifonctionna d ès lor s comme n'im por te quela ppareil politique. Avecson catéchisme et sesexclusions. R este que pour avoir lu, mêmed 'assez loin, Stir ner, Cravan et Castoriad is,les situationnistes d é ployèr ent en quelquesoccasions des qualités d 'analyse qui man-quèr ent à leurs concurr ents ...» «Je m'en étais
ouver t à Jacques Baynac, q ui s'en souvintlor sque le conf lit avec Le bovici d éboucha sur notr e d émission collective, q ue nous transfor -mâmes en licenciement économique, car nous n'avions pour vivre que nos maigressalair es et non un beau-frère antiquair e àHong Kong comme GuyDe bord . »
M. Guégan semble f -ierd'avoir connu d ansle stalinisme la seule sor te d e gr and eur qu'ilait cru avoir unjour a ppr ochée, et en tout cassait nous faire voir qu'il en a retenu d e sonmieux les leçons pour simplif -ier avec gr âcel'histoir e de l'Internationale situationniste :«Je connaissais le stalinisme dans son formatgéant; en q uoi la version mesquine d 'un
Il se tr ouve que je n'ai pas d e beau-frèr e antiquair e à Hong Kong. Mais enf -in,dir ait Guégan, pour quoi pas? Et s'il l'était,n'en ser ais je pas évid emment coupable? Quiignor e les immenses traf -icsqui tr ansitent par Hong Kong? On en plaisante jusq u'à laB.E.R .D.! Il suf f it d 'ailleurs que q uelq u'unsoit riche pour que l'envie contem poraine
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en d éduise mathématiq uement que j'auraislevé sur son amitié l'impôt or dinair e, et lesextraord inaires en sur plus. Pour quoi s'en pr i-ver? A pr ès tout, personne n'a ignoré ce que
je pensais de l'ar gent; et ne pouvait pas
s'attendr e à fair e avecmoi d e bonnes affair es.
nécessair ement pauvr e. Rien n'étaitjam·.isgar anti. «Le temps était sorti d e ses gond », pour le dir e en termes shakespeariens, lcette fois c'était véritablement partout: d anla société, d ans l'art, d ans l'économie, dans la
f açon même d e penser et de ressentir la vie.Rien n'avait plus d e mesur e. J'ai été avanttout quelqu'un d e ces temps-là, mais sans en
par tager les illusions. Je me flatte d 'avoir avant tout raisonné selon le principe: «Àche-val donné, on ne r egar d e pas la br id e.» J'ai pratiqué le potlat ch avec assez d e grandeur pour ne pas m'inquiéter d e quelques d élica-tesses excessives.
Je viens de voir que l'on par lait à pr ésentde financier s italiens qui paraissent vouloir se f latter d e me connaître; et à quel pr ix?Mais q ue n'avait-on pas d é jà dit d e Gian-fr anco Sanguinetti? Et, beaucoup plus extra-ordinair ement, du stalinien Giangiacomo
Feltr inelli à qui pour tant j'avais r efusé d em'éditer, en ter mes outr ageants? Je n'ai
jamais d étesté d es r iches pour la seule raisonqu'ils l'aur aient été. Il leur suf fisait d e savoir se conduire avec assez d e tact; et d e style.
N'aurais je pas été beaucoup plus blâmablesi la r ichesse d e tel ou tel ind ividu avait par um'im pressionner? lui avait d onné à penser
qu'il pouvait, par ce seul d étail, m'influen-cer ? ou seulement pouvoir me par ler d 'un
peu plus haut? Je crois qu'ils ont bien vuque non. En tout cas, c'est ce que j'avaiscontinuellemen t pensé, e t j'ai agi en consé-quence, comme je le d evais.Je n'ai jamais étéquelqu'un d e riche; et je n'ai pas eu non plus à me reconnaître comme quelqu'un de
Ce remarqua ble Guégan a en outre men-tionné, sur l'ensemble, un autr e d étail vrai.C'est là où il dit, mais sans a jouter aucunesorte d e commentair e: «Il a aujourd 'huisoixante ans.» Il est tr ès invr aisembla ble q u'il
ait reconnu d ans l'événement quelq ue chosequi serait r are et ad mir a ble. Peut-êtr e par-tage-t-il ici les opinions d e Balzac sur les ré-flexions que peut inspir er «un voleur con-sommé, qui, d e puis longtemps, a r ompu avecla société, qui veut r ester voleur toute sa vie,et qui d emeure fid èle quand même aux loisd e la haut e pègr e... Quel aveu d 'impuissance
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pour la justice que l'existence de voleurs sivieux! ».
«Ce fait o blige à rechercher l'o bstacle aud évelop pement d e la théor ie situationniste àl'origine d e cette théor ie, dans la valorisationdu changement permanent comme moteur passionnel d e la subver sion, l'idée d e la r i-chesse infinie d'une vie sans œuvr e, et le dis-
cr édit conséquemment jeté sur le caractère par t ielde toute r éalisation positive. Parler à cesujet d'er r eur serait f utile, puisq u'il faut sur -tout voir que cette "erreur" était inévita ble,imposée par les besoins de la négation del'ar t et de la politique. Ce travail de démoli-tion, avec sa valorisation conséquente d 'unevie vouée à l'é phémèr e, était histor iquement
nécessaire; et il cor respondait pleinem nl 'Illgénie personnel de Debor d (...) En fail 1." but des situationnistes", "la par ticipationimmédiate à une abondance passionnelle d ela vie", à travers le changement de moments
périssables déli bérément aménagés (Debord,T hèses sur la r évolution cult urelle , 1. S. n°1,
juin 1958), ce but a bien été atteint, mais par le seul Debord, comme aventure individuelle brillamment menée, et ré,affirmée contre lad ébâcle collective de l'LS. (...) il serait plusintér essant et concret de dire, non pas pour -quoi l'LS. a échoué (si l'on reste à ce niveau
d e généralité, on peut se contenter d'incrimi-ner la faiblesse du mouvement social dans sonensemble), mais pourquoi elle a échoué decet te manière-là , par mi toutes les manièresd'échouer possibles. Cela est d 'autant plusdigne d 'attention q ue l'LS. est eff ectivement par venue à éviter la fin ha bituelle des avant-gard es, le vieillissement confortable (..,) En
fait lajustification historique suf f isante d e ladissolution d e l'I.S. était, comme celle de bien d es exclusions aupar avant, d e constituer une mesur e déf ensive obligée : d ans la positionà la fois très af f aiblie et très ex posée où ellese trouvait en 1970-1971. C'était sans doute lameilleur e manière d e limiter les dégâts. Il fal-lait décrocher, vite et bien, sous peine de finir
En avril 1992, le numéro 15 de l'Encyclopé -die des N uisances (Directeur de la publica-tion :Jaime Semprun, 20 rue d e Ménilmon-tant, Par is 20e) a donné, sous le titr e Abrégé,une sorte d e conclusion historique génér alesur l'Inter nationale situationniste, ou plutôt,sans plus hésiter à envisager les choses en f aced'un r egard désabusé, sur mes propr es aven-
tur es.
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honteusement. Mais comment en était-onarrivé là? (...) Debord a sans aucun d oute sin-cèrement cherché à faire que 1'1.S. soitl'organisation anti-hiérarchique et démocra-tique qu'elle avait dit être: ses interventions
de 1966 et 1972 manifestent qu'il n'étaitd'aucune façon soucieux de perpétuer sapr é-éminence, bien au contraire, et qu'il avait sur le moment mieux que quiconque compris cequi était enjeu. L'explication d e son échec àcet égard doit donc être r echer chée d ans lecar actèr e même de son génie, tel que l'avaitformé son histoire singulièr e, et dans le ra p-
port changeant d e "cet élément actif qui meten br anle des actions universelles", avec lesconditions elles-mêmes mouvantes où il a pu s'exercer (...) Cette mise en perspec-tive, dont il s'agit seulement ici d e don-ner quelques éléments, permettra en mêmetemps d e r emettre à leur place exacte d euxf aits qui ont jusqu'à maintenant d issuad é del'entreprendre, en figeant l'I.S. dans un passéadmirable: d'une part le fait que De bord lui-même ait assez r emarqua blement r éussi àtr ansformer la part d e succès historique del'opération collective d e l'I.S. en un nouvelenjeu individuel (c'est-à-dire qu'il soit par -venu, selon ses propr es termes, à ne pas plus"d evenir une autorité d ans la contestation de
la société que dans cette société mêm ,Il) ;d 'autre part le fait qu'il ait ensuite, en fou '-tion d e cette "r éussite" personnelle d 'ungenre assurément original- un peu commesi Marx apr ès la Commune et l'effondrement
d e la Premièr e Internationale avait écr it d es Mé moir es d'outr e-tombe d e sa façon -, eu ten-dance à négliger r étrospectivement la partd'échec de l'1.S. qu'il avait pour tant r essen-tie plus vivement que quiconque sur le mo-ment... »
Je ne sais pas ce q ue croient d écouvrir detelles consid érations amères. ]' étais comme j'étais; et r ien d e très d ifférent ne pouvait envenir .Je ne d is pas que d 'autres n'auraient pas pu aboutir à d e meilleur s résultats; mais quim'aur aient sans doute moins bien convenu.L'I.S. a d'ailleurs peut-êtr e plus gagné à cer -tainsd e mes incroya bles d éfauts qu'à plusieurs
d e mes qualités assezcourantes. Les aventuresd eshommes doivent se d érouler en par tant d ece qui est là. La str atégie même, chacun le sait,d evient beaucoup plus f acile quand l'heur ed es choix est passée. C'est exactement à pro- pos d e la d estr uction d e Paris q uej'ai qualifiéles années 70 d e «r é pugnantes ». Il ne fautrien pr étendr e en d éd uir e d e plus universel
l ê i i
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Quels talents nécessaires ont-ils par f ois faitd éfaut aux gens qui avaient le mér ite d 'êtr e
là? Durant plusieur s récentes années, on a vuun seul d é sinformat eur se montrer capa bled 'exercer la plus ridicule influence sur toutecette tr ès savante E ncyclo pédie. Quelqu'un quisait vivr e reconnaît toujour s vite un d ésinfor-mateur, r ien qu'à remarquer ses thèmes f avo-r is; et saur a pr évoir expérimentalement d ansquels r aisonnements on le fer a facilement
tomber d ans l'instant qui suivr a: car lesmachines obéir ont toujour s aux mêmes loismécaniques (bien sûr , je n'évoque ici que led ésinformateur d e désta bilisation, qui agit
pour soutenir certains intérêts. Car le d ésin-formateur qui peut r ester dor mant est d e cefait même indétecta ble pendant la même pér iod e). C'est un d omaine où l'erreur,
même br ève, n'est littér alement pas permise.On peut en mourir . Il f aut donc y d é ployer une sorte d 'art; et le d ernier peut-êtr e qu'ilsoit nécessair e d e pr atiq uer. L'I.S., en toutcas, n'en a pas manqué.
Dans la même petite revue Act uel q 1I icontinuait encore d e paraîtr e en mai 1992, Bi-zot déconne d e son mieux. «Finissons p'lr Guy Debord et sa mod e r enouvelée. Debor d qui écr it comme le cardinal de Retz n'avait
pas forcément prévu ce qu'on trouve aujour-d'hui dans son œuvre. Pourquoi s'est-il mis~ l'écar t et de façon presque prémonitoire?A l'é poque de R etz, on pouvait se fair e em- bastiller. Aujourd'hui Debord s'est embastillétout seul. En plus on ne trouve même plusses livr es d e puis que Champ Libr e, son éd i-teur, a d es pr oblèmes. De bord les a r etirés d u
circuit. »
sur ce que j'ai pensé de la périod e :j'ai princi- palement dit q ue je n'étais plus à Paris.
Il n'y a pas d e «mode r enouvelée» à mon pr o pos: c'est d'une façon tr ès constanteet tr ès naturelle que je d é plais. Je n'écris
pas comme le cardinal d e R etz. j'avais for cé-ment pr évu ce que j'allais mettr e dans mon«œuvre» avant de l'écr ir e, puisqu'elle se vou-
lait un d ésagr éable por trait de la société pr é-sente, et qu'elle a été reconnue r essemblant e.Je ne me suis pas à partir d 'un certain jour «mis à l'écart» ;c'est littér alemen tjamais q ue
je ne me suis laissé convaincr e, ou appr ocher, par ce qui m'a r é pugné, sous ce seul mauvais pr étexte que cela se faisait or dinairement. Jene me suis «embastillé» à aucun point de
j' i l tôt bi d it j L et n'en pronostiquer au surplus ri n (Iv
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vue; j'ai plutôt bien conduit mon jeu. Lesseuls problèmes qu'eut en 1991mon éditeur,Lebovici, lui sont venus d e moi. À la suite d uchangement de génération dans la pro pr iétéde cette maison, j'ai retiré ma confiance à la
famille Le bovici;j'ai fait savoirq ue je les quit-tais en tout cas. Ils ont promptement été ame-nés à conclure q u'ils n'avaient plus qu'à semettr e en liquid ation. J'ai fait pilonner tousmes livr es parce que je ne voulais pas laisser des suspects tirer un profit de prestige du seulfait d 'a pparaître encore liésà moi, et d'autantmoins y tr ouver l'occasion de manipuler
encor e des sommes incontrôlées: je consid é-rerais que le mond e serait trop scand aleu-sement à l'envers, si pour f inir je laissaisd es bourgeois s'enhardir jusqu'à r êver d e mevoler. Quand «on ne r etrouve même plus meslivr es" comme s'exaltait tr op vite cet imbéciled e Bizot, il serait plus logique d'en déduir eque cela ne va probablement pas durer trop
longtemps.
et n en pronostiquer au sur plus ri n (Iv bon: «Affir mer son moi, dans un mond e L Itout cons pire à liquid er les identités, est d é jàun acte salutaire au plus haut point, et c'e Lla pro péd eutique de toute révolte authen-
tiq ue. Dire ' ' je' ' . Voilà un ind ivid u pour lemoins exceptionnel dans la société française.(...) N'est-il pas urgent de pléiad iser Debord,n'est-il pas urgent de l'empailler , d e le mo-mifier, à l'heure même où, d e l'autr e côtéde l'ex-Rid eau d e fer, se sont écroulés desrégimes (voir La Socié té du spect acle) que cemême Debord consid érait comme les adver -
sair es ou pseudo-adversaires les plus utiles d el'ordre ca pitaliste, d ès lor s qu'ils s'en appro- priaient s pectaculair ement la négation. (...)Le situationnisme a besoin de son antidote:les "pro-situs".Car le Pouvoir - tel qu'il s'ins-taur e à l'échelle du monde, réduit à la basse-cour d'un "villageplanétaire" médiatisé -, lePouvoir , donc, veut avoir en main toutes les
cartes: introniser lui-même, et ceux q ui luitiendront lieu d'alliés, et ceux q ui lui tien-dront lieu d 'ennemis. Les autres - les "out-sid ers", les moutons noir s, les inassimilables(quand ce seraient les allumés islamistes) -,il les étouff era d ans son silence ou saura fort
bien "mettr e en scène" leur d estruction, sousle r egard de ses caméras: et sous l'œil passif
Dans les Lettr es françaises d 'octobre 1992,l'écrivain Mor gan Sportès, sans doute mieuxinstruit que tant d 'autr es sur les affaires dutemps, sem ble par tir du cœur d e la question;
du citoyen spectateur et téléspectateur entre ouvriront pour la première fois ces ci 'II
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8/15/2019 Guy Debord Cette Mauvaise Reputation
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d u citoyen-s pectateur, et téléspectateur entr eautres ... » Il se peut q ue ce pessimisme d eMorgan Sportès soit à plusieurs égard s justi-fié. Et qu'en d evr ait-on penser? Derr ière ler e proche plutôt d élirant d 'écr ire comme les
c1assiques,je sais que l'on m'a envié plus sou-vent d e les avoir lus et d 'avoir eu parfois lali berté de raisonner comme eux (
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8/15/2019 Guy Debord Cette Mauvaise Reputation
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principaux il aura f acilement charmé ce fauxauteur . Le bénéfice annexe, pour Cr é pu, estd e fair e oublier un instant q ue je « prophé-tise» sur un indiscuta ble présent; et c'étaitdé jà vrai en 1967.
d émocratie s pectaculaire. Les yeux d hf )ileur en comptent les mer veilles.
«En gr os une chose, une seule : q ue toutest d ésor mais soumis à la loi du "spectaculaireintégr é" : com prenons simplement que plusrien n'écha ppe d ésormais à une techniq ue d egouver nement d es êtr es et d es choses entiè-r ement r églée par une sorte d e "one huma-nit y show". Hor s du spectacle où tout ser ésume et s'annule, point d e salut. R econnais-
sons que ce n'est pas d e l'eau q ui va au mou-lin d e Guy De bor d , c'est un tor rent.» Mais cen'est q uand même pas une raison pour aller tom ber dans l'excès. Les chr étiens recycléssur ce mod ule, on le compr end, ne vont pasêtr e d es Bloyou d es Ber nanos. Le conciliairea été le nom d e leur pr o pr e «spectaculaireintégr é ». Ils se sont f ièrement r alliés à la
«Àce glacial constat d 'une aliénation géné-
ralisée, on oser a toutefois une pr emièr e r e-mar que: ce n'est cer tes point la pr emièr e f oisqu'un homme d e plume pr étend voir mieuxq ue tout le mond e d ans quel genr e d e galèr echacun s'agr ippe