GONTHIER - RELATIVISME ET VÉRITÉ SCIENTIFIQUES CHEZ MAX WEBER

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RELATIVISME ET VÉRITÉ SCIENTIFIQUES CHEZ MAX WEBER Author(s): Frédéric GONTHIER Source: L'Année sociologique (1940/1948-), Troisième série, Vol. 56, No. 1 (2006), pp. 15-39 Published by: Presses Universitaires de France Stable URL: http://www.jstor.org/stable/27890480 . Accessed: 20/09/2014 10:28 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Presses Universitaires de France is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to L'Année sociologique (1940/1948-). http://www.jstor.org This content downloaded from 181.1.208.138 on Sat, 20 Sep 2014 10:28:36 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

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  • RELATIVISME ET VRIT SCIENTIFIQUES CHEZ MAX WEBERAuthor(s): Frdric GONTHIERSource: L'Anne sociologique (1940/1948-), Troisime srie, Vol. 56, No. 1 (2006), pp. 15-39Published by: Presses Universitaires de FranceStable URL: http://www.jstor.org/stable/27890480 .Accessed: 20/09/2014 10:28

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  • RELATIVISME ET V?RIT? SCIENTIFIQUES

    CHEZ MAX WEBER

    Fr?d?ric GONTHIER

    ? L'homme peut bien dompter la nature, mais il est assujetti ? sa pens?e. ?

    Fustel de Coulanges.

    R?SUM?. ? En rappelant que les sciences sociales sont doublement li?es aux int? r?ts du sujet connaissant et ? un m?canisme de croyance, Weber ne c?de pas ? une ana

    lyse relativiste de l'objectivit? scientifique. Il d?gage au contraire les diff?rentes pr?suppo sitions cognitives qui rendent possible l'activit? scientifique. Le sociologue peut alors r?soudre la question de l'objectivit? scientifique par une d?finition circulaire, o? les sciences sociales sont fond?es sur leurs propres cons?quences empiriques.

    ABSTRACT. ? Though Weber recalls that social sciences are linked to the personal interests and to an act of belief coming from the scientist, he does not claim for a relati vist analysis of the scientifica! objectivity. Bringing out the different presuppositions that allow scientifica! activity, Weber solves an important epistemologica! difficulty concer

    ning the status of social sciences. Social sciences answer to a circular definition : their

    objectivity can only be founded on their own empirical consequences.

    Max Weber est aujourd'hui regard? comme le p?re, sinon du relativisme scientifique, au moins de son extension aux sciences sociales sous la double forme du ? relativisme normatif? et du ?relativisme cognitif?. Ainsi que le rappelle Raymond Boudon, cette g?n?alogie, plus douteuse que prestigieuse, tend ? s'imposer comme une id?e re?ue dans le milieu scientifique. Elle trouve sa source dans des interpr?tations fragiles, qui peuvent ?tre polaris?es de la fa?on suivante. Sur le volet du relativisme normatif, l'?pist?mologie web?rienne est assimil?e ? la proposition selon

    laquelle les croyances individuelles et collectives reposent sur des valeurs dont la l?gitimit? et la vahdit? sont ?quivalentes (Boudon, 2003, 152-155). Sur le volet du relativisme cognitif, une ?quiva lence analogue est postul?e entre propositions positives et proposi tions normatives. Cette ?quivalence conduit ? l'affirmation d'une

    L'Ann?e sociologique, 2006, 56, n? 1, p. 15 ? 39

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  • 16 Fr?d?ric Gonthier

    ?gale objectivit? (ou d'une ?gale absence d'objectivit?) entre les

    explications de type scientifique et les explications de type moral, religieux, esth?tique ou magique... (Boudon, 1995, 459-524).

    Il est indiscutable qu'une certaine forme d'h?ro?sme intellectuel s'attache ? la pens?e de Weber. L'affirmation du caract?re conflic tuel des valeurs et l'antinomie sous-jacente ? ?thique de la convic tion ?, ? ?thique de la responsabilit? ? ; la double reconnaissance de la ? v?rit? scientifique ? en tant que ? valeur ? et en tant que ? pro duit historique ? mobilisant un m?canisme de croyance ; une vision

    originale de l'historicit? comme ? destin ? et le ? paradoxe des

    cons?quences ? que cette vision implique1... ces notions signalent un principe intellectuel fort que Weber a revendiqu? pour lui m?me : le principe de ? coh?rence ? (Konsequenz) qui engage le savant ? ne pas se d?rober devant les conclusions que ses propres propositions lui imposent de tirer2.

    Ce principe intellectuel rend compte, pour une large part, du

    pouvoir de s?duction qu'exerce aujourd'hui l'id?e d'un relativisme weberien. Weber serait une figure hautement remarquable de la modernit? avanc?e, parce qu'il aurait pouss? jusqu'? ses ultimes

    cons?quences (avec notamment le double postulat d'une irr?ducti bilit? et d'un antagonisme des valeurs

    ? postulat r?sum? dans les

    c?l?bres formules de ? polyth?isme des valeurs ? et de ? guerre des dieux ?) l'atomisation des croyances engendr?e par le ? d?senchan tement du monde ?.

    Les pr?suppositions de la connaissance scientifique

    Weber a pourtant avanc? un ensemble de distinctions pr?cises, qui semblent immuniser son analyse de l'activit? scientifique contre ce type de r?duction relativiste. La plus importante de ces distinc tions, que Weber qualifie justement de distinctions ? de principe ?

    (au sens o? elles touchent aux principes, c'est-?-dire aux proposi tions premi?res de la connaissance) est celle qui s?pare le ? rapport aux valeurs ? (Wertbeziehung) du ?jugement de valeur ? (Werturteil). Cette distinction renvoie ? la philosophie weberienne de la

    1. Le ? paradoxe des cons?quences ? pose que le r?sultat final d'une agr?gation d'activit?s exc?de en g?n?ral les limites des intentions des acteurs (Weber [1920 b], 1996, 394).

    2. Sur le rapport entre la rationalit? et le principe weberien de la ? coh?rence ?, voir Boudon, 1999, 147-154.

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  • Relativisme et v?rit? scientifiques chez Max Weher 17

    connaissance scientifique, telle qu'elle est notamment expos?e dans l'article de 1904 intitul? Uobjectivit? de la connaissance dans les sciences et la politique sociales. Weber discerne ici les ? pr?suppositions ?

    (Voraussetzungen) qui rendent possible la validit? objective du savoir

    empirique produit par les sciences sociales3. La d?monstration weberienne s'inscrit toutefois dans une

    r?flexion th?orique plus ample, o? se m?lent consid?rations trans cendantales et consid?rations logiques, consid?rations axiologiques et consid?rations m?thodologiques sur les sciences sociales. Weber

    n'expose donc pas en tant que telles les pr?suppositions cognitives qui sont implicitement requises par les sciences sociales. Il les signale au fil de son argumentation, plut?t qu'il ne s'attache ? les ordonner

    analytiquement. On verra qu'il est n?anmoins possible de les ventiler en deux

    s?ries de pr?suppositions distinctes, qui se rapportent l'une ? l'autre de fa?on circulaire. Les pr?suppositions cognitives peuvent tout d'abord ?tre li?es aux principes qui permettent une compr?hension scientifique de la r?alit? sociale. Elles peuvent ensuite ?tre li?es aux

    principes qui permettent d'assigner aux sciences sociales une valeur

    sp?cifique de v?rit?. Weber identifie en premier lieu le ? rapport aux valeurs ?

    comme une pr?supposition imm?diate de la connaissance scienti

    fique. Le savant, nous dit-il, ne peut appr?hender le r?el (c'est-? dire s?lectionner et ordonner les diff?rents ph?nom?nes culturels), sans y investir un ensemble de ? points de vue ? qui ont trait ? la

    signification culturelle attribu?e par lui ? ces ph?nom?nes. Dans le champ des sciences sociales, la constitution de l'objet est

    d'embl?e associ?e ? un double rapport ? la culture et ? la valeur.

    Rapport ?pist?mologique ? la culture, dans la mesure o? les sciences sociales participent des sciences qui ?tudient les ph?nom?nes sous

    l'angle particulier de leur signification culturelle (les Kulturwissen

    schaften). Rapport cognitifi la valeur, dans la mesure o? le concept de culture que le savant mobilise est lui-m?me un concept de valeur autorisant ? d?finir ce qui est significatif dans le ph?nom?ne culturel consid?r?. En s'introduisant au principe du travail scientifique, le ? rapport aux valeurs ? recouvre ici la pr?supposition cognitive qui permet au sociologue, ? l'?conomiste ou ? l'historien d'estimer que

    3. Ces pr?suppositions sont des pr?suppositions de type cognitif, puisqu'elles concernent indistinctement le sujet connaissant, l'acte de connaissance et la facult? de conna?tre.

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  • 18 Fr?d?ric Gonthier

    tel ph?nom?ne culturel a un sens ?

    important ? ou ? essentiel ?, et

    tel autre un sens ? secondaire ? ou ? accessoire ?4.

    Weber illustre cette premi?re pr?supposition par l'exemple de

    l'?change mon?taire. L'une des significations culturelles possibles de

    l'?change mon?taire r?side dans le fait qu'il repr?sente un ph?no m?ne de masse, et qu'il est ? ce titre constitutif de la civilisation moderne. On voit cependant la difficult? de cette pr?supposition. Elle risque d'assimiler le fait ? expliquer avec le fait qui explique : en

    quoi la pr?supposition ? l'?change mon?taire est un fait culturelle ment significatif, parce qu'il est un ph?nom?ne de masse ? est-elle diff?rente de la proposition exphcative ? l'?change mon?taire est un

    ph?nom?ne de masse, parce qu'il est un fait culturellement significa tif? ? Weber pr?cise aussit?t que la pr?supposition ? l'?change

    mon?taire est un fait culturellement significatif, parce qu'il est un

    ph?nom?ne de masse ? se redouble en fait d'une proposition interro

    gative : ? En quoi la signification culturelle de l'?change mon?taire

    permet-elle d'expliquer qu'il constitue un ph?nom?ne de masse ? ? Autrement dit, la pr?supposition cognitive selon laquelle un

    ph?nom?ne a une signification culturelle pour le savant n'imphque pas le jugement selon lequel ce ph?nom?ne doit avoir telle significa tion culturelle. Elle ouvre au contraire sur la probl?matique de

    ? exphcation causale ?, puisqu'elle pose la question de savoir quelle est la signification culturelle du ph?nom?ne consid?r?. Le ? rapport aux valeurs ? du sujet connaissant est donc, pour parler le langage de Weber, s?par? du ? jugement de valeur ? du sujet social par une ? h?t?rog?n?it? de principe ?. Il conditionne l'activit? scienti

    fique comme une modalit? analytique de mise en forme de la r?alit? culturelle, et non pas comme une d?termination axiologique fond?e a parte rei.

    L'orientation axiologique des int?r?ts de connaissance peut alors ?tre doublement gag?e. Sur le caract?re in?puisable du r?el, d'un c?t?. Sur les hmitations inh?rentes ? la finitude du sujet connaissant, d'un autre c?t?. Weber part en effet du principe que les ?l?ments causatifs d'un ph?nom?ne singulier sont infinis ; qu'ils sont, par suite, inaccessibles en totalit? ? l'entendement humain ; et qu'il n'existe pas dans les choses elles-m?mes de crit?re immanent, tel

    4. ? La r?alit? empirique est culture ? nos yeux parce que, et en tant que nous la rapportons ? des id?es de valeur, elle embrasse les ?l?ments de la r?alit? et exclusivement cette sorte d'?l?ments qui acqui?rent une signification pour nous par ce rapport aux valeurs ? (Weber [1904], 1992, 154, c'est Weber qui souligne).

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  • Relativisme et vent? scientifiques chez Max Weber 19

    qu'on pourrait en appr?cier d'embl?e l'importance ou le sens. Pour atteindre la connaissance d'un ph?nom?ne culturel, il faut donc admettre une autre pr?supposition cognitive. Il faut pr?supposer que ? seule une partie finie de la multitude infinie des ph?nom?nes poss?de une signification ?5.

    Weber prolonge manifestement sur le terrain des sciences socia les les r?flexions de Kant et de S?mmel, concernant les a priori uni versels ou g?n?raux de la connaissance6. La philosophie weberienne de la connaissance scientifique peut ainsi ?tre qualifi?e de relativiste : elle postule l'existence d'un ensemble de pr?suppositions cognitives qui assurent une mise en ordre de la r?alit? empirique. Mais Weber ne conclut pas du ? relativisme cognitif ? au ? scepticisme scienti

    fique ?. Il consid?re ? l'inverse que les pr?suppositions cognitives de la connaissance scientifique rendent droit aux pr?rogatives subjec tives, ? partir desquelles le savant d?cide d'interroger la multiplicit? des significations possibles d'un ph?nom?ne culturel. L'?v?nement

    singulier n'ayant pas de qualit? objective, immanente, il ne saurait ?tre construit comme un ph?nom?ne scientifique que relativement ? l'int?r?t particulier de celui qui le construit7.

    Le ? rapport aux valeurs ? repr?sente donc un moyen terme

    cognitif entre ce qui n'a pas de signification (sinnlos) et ce qui est

    significatif (sinnhaft), entre ce qui n'a pas de sens et ce qui est essen tiel. C'est l'orientation g?n?rale du savant par rapport aux valeurs

    qui, en isolant dans la r?alit? culturelle ou dans le devenir historique l'objet qui l'int?resse, organise tel ph?nom?ne par principe incon naissable en un ph?nom?ne connaissable parce que ? m?ritant d'?tre connu ? (wissenswert)8\

    L'impossibilit? d'une connaissance exhaustive du monde sensible ren contre alors les int?r?ts axiologiques comme une garantie de f?condit? heuns

    5. Weber [1904], 1992, 156, c'est Weber qui souligne. 6. S?mmel d?gage les a priori de la connaissance dans Les probl?mes de la philosophie de

    l'histoire [1892] et dans la Philosophie de l'argent [1900]. Voir notamment sur ce point R. Boudon, 1992 [1990], 409-439.

    7. ? La qualit? d'un ?v?nement qui nous le fait consid?rer comme un ph?nom?ne "social et ?conomique" n'est pas un attribut qui, comme tel, lui est "objectivement" inh?rent. Elle se laisse plut?t d?terminer par l'int?r?t de notre connaissance, telle qu'elle r?sulte de l'importance culturelle sp?cifique que nous accordons ? l'?v?nement en ques tion dans le cas particulier ? (Weber [1904], 1992, 137, c'est Weber qui souligne).

    8. ? Toute connaissance r?flexive de la r?alit? infinie par un esprit humain fini a par cons?quent pour base la pr?supposition implicite suivante : seul un fragment limit? de la r?alit? peut constituer chaque fois l'objet de l'appr?hension scientifique et seul il est "essentiel", au sens o? il m?rite d'?tre connu? (Weber [1904], 1992, 148-149, c'est

    Weber qui souligne).

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  • 20 Fr?d?ric Gonthier

    tique. En choisissant de valoriser telle caract?ristique du ph?nom?ne plut?t que telle autre, le savant contribue d'abord ? d?limiter quali tativement, ensuite ? ordonner rationnellement la portion de r?alit? ? laquelle il applique son concept de valeur. Mieux, en assurant un renouvellement permanent des ? points de vue ? port?s sur la culture, la vari?t? historique des int?r?ts axiologiques accr?dite l'id?e d'une extension infinie de la connaissance scientifique

    ? ce

    que Weber appelle m?taphoriquement ? l'?ternelle jeunesse ? des sciences sociales9.

    La notion de ? rapport aux valeurs ? permet ?galement d'expliquer pourquoi l'opposition n'est pas irr?ductible entre la

    pr?tention ? une th?orie objectiviste de la connaissance scientifique et la pr?supposition du fait que les sciences sociales sont des disci

    plines ? subjectivantes ? (subjektivierende) ? au sens o? la s?lection des

    objets d?rive d'une option m?tascientifique et subjectivement motiv?e.

    Weber conc?de que le sociologue, l'?conomiste ou l'historien

    expriment leur subjectivit? en choisissant leur objet d'?tude selon les int?r?ts qui les inspirent. Mais cette partialit? axiologique ne s'?tend pas ? la science elle-m?me. La validit? objective des sciences sociales est ind?pendante des pr?suppositions cognitives qui fondent

    subjectivement leur mode d'objectivation du r?el. Le savant est en effet H? aux normes rationnelles d?finies par la pens?e scientifique10. Il ne peut se soustraire ? la pr?supposition d'un mode de connaissance dont la validit? existe de fa?on autonome par rapport ? ses int?r?ts de connaissance. La subjectivit? du savant n'?chappe pas ? r?flectivit? d'? un ordre raisonn? de la r?alit? empirique dans le domaine des sciences sociales ?n.

    Weber n'est donc pas ? conventionnaliste ? : l'objectivit? des sciences sociales n'a pas pour fondement un ensemble de r?gles normatives, qui seraient le produit d'accords tacites et arbitraires contract?s par les membres de la communaut? scientifique. L'objec tivit? des sciences sociales est au contraire suspendue aux diff?rentes

    9. ? Il y a des sciences auxquelles il a ?t? donn? de rester ?ternellement jeunes. C'est le cas de toutes les disciplines historiques, de toutes celles ? qui le flux ?ternellement mouvant de la civilisation procure sans cesse de nouveaux probl?mes ? (Weber [1904], 1992, 191).

    10. Ou du moins, pr?cise Weber, il doit l'?tre pour autant qu'il se veut ?tre un savant et recherche alors la v?rit? qui ? pr?tend ? la validit? d'une mise en ordre raisonn?e de la r?alit? empirique m?me aux yeux d'un Chinois ? (Weber [1904], 1992, 131).

    11. Weber [1904], 1992, 136.

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  • Relativisme et vente scientifiques chez Max Weher 21

    modalit?s de contr?le formel auxquelles le savant est tenu de se sou mettre : ? Tout travail scientifique pr?suppose toujours la validit? des r?gles de la logique et de la m?thodologie qui forment les fon dements g?n?raux de notre orientation dans le monde. ?12

    C'est dans ce cadre que Weber souligne l'importance de la notion d'? exphcation causale ? comme un moyen d'?prouver la

    pertinence objective des propositions scientifiques et, lat?ralement, comme un moyen de neutraliser a posteriori les options axiologiques du savant. Prenons l'exemple du sociologue. Le sociologue ne peut se suffire de recomposer les diff?rentes motivations dont il estime

    qu'elles ont vraisemblablement guid? les sujets sociaux. Il lui faut encore confronter ces hypoth?ses interpr?tatives avec la r?alit? des conduites des acteurs. Il faut donc que la relation significative (la liaison intentionnelle plausible entre un moyen et un but, ou une

    croyance et un acte) soit valid?e dans son rapport causal avec le d?roulement r?ellement observable de l'activit? consid?r?e.

    En termes weberiens, une ? interpr?tation compr?hensive ?

    (Sinndeutung) devient une ? exphcation compr?hensible ? (verstehen des Erkl?rung) lorsqu'elle a ?t? contr?l?e par les m?thodes courantes de l'imputation causale. En s'assurant de la convergence effective entre le ? sens subjectivement v?cu ? et le ? sens objectivement valable ?, le sociologue rend visible la continuit? entre la significa tion int?rieure ? une activit? sociale et son d?roulement ext?rieur : la motivation peut alors appara?tre comme la cause de l'action

    (Weber [1922], 1995, vol. 1, 34-38). M?connaissant la port?e objective de la distinction entre ? rap

    port aux valeurs ? et ?jugement de valeur ?, les lectures relativistes ont cherch? ? retourner cette distinction contre Weber lui-m?me. Le sociologue n'aurait pas ?t? cons?quent avec ? h?t?rog?n?it? de

    principe ? que le th?oricien des sciences sociales revendiquait entre faits et valeurs. Pour L?o Strauss par exemple, la th?orie weberienne des valeurs ne saurait ?chapper ? ses propres cons?quences nihilistes.

    Min?e par son incapacit? ? reconna?tre l'existence de principes inconditionnellement valables (le Bien, le Vrai, le Juste, etc.), elle

    12. Weber [1919], 1963, 77. Comme le rappelle Pierre Bouretz, ? le d?passement du perspectivisme s'effectue non pas gr?ce ? la supposition qu'il existe un point de vue ultime d'o? le r?el s'ordonne en vertu d'une finalit? rationnelle, mais au sein m?me de la connaissance : par une th?orie commune de l'objectivit?, des proc?dures de d?monstra tion qui sont universalisables et des r?gles conventionnelles d'argumentation qui permet tent une reconnaissance et une communication entre les perspectives sur le monde ?

    (Bouretz, 1996, 76-77).

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  • 22 Fr?d?ric Gonthier

    achopperait sur une irr?ductibilit? des pr?f?rences et conduirait ? un

    pand?monium inacceptable (de type ? Ecoute ton d?mon, sans te soucier de savoir s'il est bon ou mauvais ?) (Strauss [1953], 2000, 50-55).

    De fa?on plus g?n?rale, on peut dire que les commentaires rela tivistes tirent de l'?pist?mologie weberienne la conclusion selon

    laquelle la v?rit? scientifique est une valeur analogue aux autres valeurs. Les explications scientifiques et les explications morales, esth?tiques, magiques ou religieuses du monde auraient ainsi une

    ?gale qualit? : elles seraient toutes axiologiquement partiales. En France, c'est Raymond Aron qui a ouvert la voie ? ce renversement de perspective. En interpr?tant la conf?rence de 1919 sur Le m?tier et la vocation de savant comme le t?moignage d'une conception ? tra

    gique ? du rapport aux valeurs, il a durablement associ? l'axiologie weberienne ? l'id?e selon laquelle les antagonismes de valeurs auraient un caract?re ? inexpiable ? (Aron, 1963, 45-52).

    On peut ?tre ?galement tent? de reconduire le th?me de la ? guerre des dieux ? dans l'?quation personnelle de Max Weber. Aron a mis l'accent, non sans subtilit?, sur la dualit? entre la figure r?solue du penseur et la figure ind?cise de l'homme d'action (Aron [1935], 1981, 102-110). Mais les interpr?tations relativistes poussent aujourd'hui plus loin. Elles n'h?sitent pas ? brouiller, voire ? outrer les distinctions weberiennes, pour confirmer leurs propres hypoth?ses.

    Selon Strauss, l'impossibilit? weberienne de r?soudre les antago nismes de valeurs r?sulterait, en derni?re analyse, d'une conception de la vie humaine qui puiserait son caract?re ? tragique ? ? la double source de l'ath?isme et de la religion r?v?l?e (Strauss [1953], 2000, 69-78). Selon Eug?ne Fleischmann, le perspectivisme weberien

    prendrait acte d'une contradiction immanente au r?el, qui trouve son anal?gon philosophique dans l'antinomie nietzsch?enne entre la v?rit? comme valeur et la vie comme valeur. Le sociologue aurait ?t? psychiquement ?cartel? entre sa vocation scientifique et son ambition politique. Fleischmann convoque finalement Nietzsche pour souligner que les pr?tentions weberiennes ? l'objectivit? scien

    tifique seraient en fait la couverture intellectuelle de pr?tentions personnelles avort?es13.

    13. ? Par la force des choses, Weber fut accul? ? une solution dualiste ? pour ne pas dire manich?iste - o? la personnalit? m?me du chercheur traduit le conflit entre deux mondes s?par?s et contradictoires dans leur essence : le monde objectif de la science cau sale et le monde subjectif des valeurs extra-scientifiques ? (Fleischmann, 1964, 205-206).

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  • Relativisme et v?rit? scientifiques chez Max Weber 23

    Cette double lecture (la v?rit? scientifique est en conflit avec les autres valeurs ; la personnalit? de Weber fait ?cho ? ce conflit14) est

    probl?matique. Elle n'introduit pas seulement l'hypoth?se lourde d'une ? fausse conscience ?, dont on voit difficilement comment elle pourrait ?tre concili?e avec la distinction entre ? rapport aux valeurs? et ?jugement de valeur?. Elle est surtout incompatible avec une proposition m?thodologique forte de la sociologie

    weberienne de la connaissance, celle de la ? neutralit? axiologique ?

    (Wertfreiheit).

    Du relativisme ? la critique scientifique

    La notion de ? neutralit? axiologique ? est en effet le corollaire

    m?thodologique de la distinction th?orique entre ?jugement de valeur ? et ? rapport aux valeurs ?. Elle r?pond ? une autre distinc tion de principe concernant le savoir empirique : la distinction entre ? conna?tre ? (erkennen) et ? porter un jugement ? (beurteilen).

    Weber propose par l? d'observer un cloisonnement ?tanche entre la constatation des faits et la prise de position du savant15.

    Prenons l'exemple de l'historien. Lorsqu'il analyse causalement certains ?v?nements, l'historien peut avoir int?r?t ? reconstituer les d?hb?rations de l'homme historique. Il peut, par exemple, envisa ger que ce soit une d?cision personnelle de Bismarck qui est ?

    l'origine de la guerre de 1866. L'historien est alors pris dans

    l'exigence d'atteindre ? la connaissance circonstancielle des id?es et des valeurs qui ont guid? l'homme historique dans ses diff?rents choix possibles. Il conclura ainsi qu'aux yeux de Bismarck, l'unification de l'Allemagne passe par un renforcement de la puis sance de l'Etat prussien.

    Mais pour porter cette reconstitution d'un degr? de plausibilit? rationnelle (la guerre de 1866 peut ?tre consid?r?e comme la cons?

    quence effective d'une intention de Bismarck : renforcer l'autorit? de la Prusse en isolant l'Autriche) ? un degr? de vraisemblance histo

    rique (si Bismarck n'avait pas d?cid? d'entrer en guerre, l'Autriche

    14. Weber a pourtant indiqu? que l'id?e d'? antagonisme des valeurs ? et l'id?e de ? relativisme normatif? s'excluent mutuellement. Lorsqu'il endosse une croyance norma tive, le sujet social admet tacitement une hi?rarchie interne au syst?me de valeurs auquel il se r?f?re. Il ne peut donc simultan?ment admettre que la valeur dont il se r?clame ait une validit? ?quivalente aux autres valeurs (Weber [1917], 1992, 390-391).

    15. M. Weber [1917], 1992, 380.

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  • 24 Fr?d?ric Gonthier

    n'aurait pas accept? ? comme elle a effectivement eu ? le faire lors

    du trait? de Prague - la dissolution de la Conf?d?ration germanique

    et la recomposition d'une Conf?d?ration d'Allemagne du Nord autour de la Prusse), l'historien doit pr?alablement s'arracher ? la tentation de cautionner ou de condamner. Il doit, par exemple, s'interdire de glisser de l'enregistrement des faits historiques (du type : en ?cartant le Landtag, la collaboration entre Guillaume Ier et Bismarck ?tait pr?judiciable ? l'?quilibre des pouvoirs, et elle laissait le champ libre ? ce dernier) ? des ?valuations morales litigieuses (du type : Bismarck avait une politique r?actionnaire qui servait davan

    tage l'Etat prussien que la nation allemande ; la Weltpolitik de Guil laume II appara?t comme une justification ultime de l' uvre de Bis

    marck...). Weber pr?cise, en effet, que les motivations et les intentions imputables ? l'homme historique ne sont pas elles-m?mes

    l'objet de l'explication historique. Elles constituent seulement les ?l?ments ? partir desquels l'historien construit la structure des rela tions possibles entre les ?v?nements.

    La notion de ? neutralit? axiologique ? est par cons?quent indis sociable de la dimension ? critique ? de la connaissance scientifique (au sens kantien o? la critique s'appuie sur un jugement logico formel, qui autorise ? d?gager les pr?suppos?s implicites aux juge ments de valeur et aux jugements de r?alit?). Pour Weber, la ? cri

    tique ? scientifique remplit, en effet, dans les sciences sociales, une fonction de contr?le des intentions humaines et des valeurs qui les fondent : elle soumet leur coh?rence (Konsequenz) interne ?

    l'?preuve rationnelle du principe de non-contradiction. Autrement dit, les sciences sociales sont susceptibles d'?clairer

    les hommes dans leurs arbitrages et dans leurs d?cisions. Elles leur

    permettent d'abord de prendre conscience des id?aux (ce que Weber appelle les ? axiomes et les ?talons ultimes ?) sur lesquels reposent leurs croyances et leurs jugements de valeur. Elles leur per

    mettent ensuite de prendre conscience du champ des possibles qui s'offre ? leurs choix, et des implications concr?tes que leur ? vou loir ? entra?ne lorsqu'il s'objective dans le tissu du monde v?cu16. Le

    postulat de la non-contradiction logique entre id?alit? et intentionna lit? se retrouve ici h? ? ce que Weber appelle une ? pr?supposition transcendantale ? : la possibilit? th?orique d'une conscience scienti

    fiquement adjuvante s'appuie, en effet, sur la possibilit? philoso

    16. Weber [1904], 1992, 124-125.

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  • Relativisme et v?rit? scientifiques chez Max Weber 25

    phique de caract?riser l'homme comme dot? d'un jugement d?lib? ratif et d'une conscience r?flexive17.

    Weber prend l'exemple du syndicaliste. Il ne suffit pas, nous

    dit-il, de d?montrer logiquement ? un syndicaliste que son activit? militante peut ?tre sans effets r?els sur la soci?t?, pour infirmer ses

    jugements de valeur ou pour diminuer la force persuasive des convictions auxquelles il adh?re. La proposition positive ? le syndi calisme ne modifie g?n?ralement en rien les conditions de travail

    imparties aux salari?s ? n'entame pas la proposition normative ? le

    syndicalisme est un moyen ad?quat au service de l'?galisation des conditions de travail ?. Elle n'entame pas non plus le jugement de valeur ? l'?galit? et la justice sociales sont des biens en soi ?.

    Il serait tout aussi vain, affirme Weber, de faire observer ? ce m?me syndicaliste que son activit? militante peut conduire ? des effets pervers, pour arriver ? hypoth?quer sa conscience de l'action. La proposition positive ? le syndicalisme engendre g?n?ralement un

    blocage de l'appareil de production qui conduit ? d?grader la situa tion mat?rielle des travailleurs ? n'entame pas les pr?suppos?s axio

    logiques du type ? les conflits sociaux sont un signe positif de la jus tesse de l'activit? syndicale ?. A la limite, remarque Weber, l'inefficacit? de l'action pratique sert ? encore confirmer psychique

    ment l'authenticit? de la vocation syndicale. Quelles cons?quences g?n?rales tirer de cet exemple ? La

    ? valeur de succ?s ? (Erfolgswert) est partiellement ind?pendante de la ? valeur de conviction ? (Gesinnungswert). La science ? axiologique

    ment neutre ? peut alors aider l'acteur ? ?prouver la coh?rence

    logique et la compatibilit? avec le r?el des id?aux dont il se r?clame. Elle posera donc au syndicaliste des questions du type : ? L'acti visme militant permet-il vraiment d'am?liorer les conditions de tra vail des salari?s ? ?

    Il reste que la science ? axiologiquement neutre ? trouve son

    cran d'arr?t dans l'irr?ductibilit? du jugement logico-formel (l'efficacit? du syndicalisme) et du jugement de valeur (l'authen ticit? de la vocation syndicale). L'appr?ciation positive des effets

    17. ? La pr?supposition transcendantale de toute science de la culture (consiste) dans le fait que nous sommes des ?tres civilis?s, dou?s de la facult? de prendre consciemment position face au monde et de lui attribuer un sens ? (Weber [1904], 1992, 160, c'est Weber

    qui souligne). Il faut ajouter que, pour Weber comme pour Simmel, le caract?re ration nel des croyances normatives est en g?n?ral masqu? aux sujets sociaux : ils per?oivent spontan?ment les valeurs comme des propri?t?s objectives des choses. C'est la raison pour laquelle Weber propose de ? ramener ? leur contenu id?el les jugements de valeur

    qui s'imposent ? nous sans r?flexion ? (Weber [1904], 1992, 128).

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  • 26 Fr?d?ric Gonthier

    empiriques du syndicalisme n'est pas commensurable ? l'?valuation normative du syndicalisme comme une activit? bonne en soi.

    L'?clairage critique que les sciences sociales portent sur les ph?no m?nes laisse donc en dehors de lui-m?me la question du ? devoir ?tre ?. L'?pist?mologie weberienne ne peut pas ?tre plus stricte : les sciences sociales sont tenues d'abandonner la question du ? devoir

    ?tre ? ? un registre de type d?cisionniste. C'est ce registre m?tascien

    tifique de la volont? individuelle qui s'impose comme le ressort ultime du jugement et de l'action18.

    La sociologie weberienne des religions permet d'expliciter le

    programme d?fini dans L'objectivit? de la connaissance. L'exemple du

    puritanisme asc?tique illustre notamment la coh?rence logique du

    rapport entre id?alit? et intentionnalit?. Weber part du principe que les religions rationnelles sont soumises ? une contrainte de coh?rence sp?cifique, qui leur commande de d?duire t?l?ologique

    ment leurs postulats pratiques de leurs postulats th?oriques et intel lectuels19. La figure id?al-typique du puritain pr?sente ? cet ?gard un caract?re paradoxal. D'une part, sa conception

    ? th?or?tico

    intellectuelle ? du monde (comme espace irrationnel du p?ch?) lui

    impose une fuite hors du monde (Weltablehnung). Mais d'autre part, il lui faut accepter psychologiquement ce m?me monde comme un

    espace o? sa conduite ? ?thico-pratique ? prend la forme d'une vocation ?prouv?e par Dieu.

    Il existe ainsi une tension forte entre les exigences de rejet du monde (telles qu'elles sont d?finies par le postulat th?ologique de la

    corruption des cr?atures, ou par le dogme de la pr?destination) et la n?cessit? de son acceptation pratique (telle qu'elle est d?finie par le

    postulat th?ologique d'une insuffisance ?thique de l'homme). Weber montre comment cette tension est r?solue par le hen qui se noue, sous la forme originale de l'asc?tisme intramondain, entre

    l'?thique religieuse et la vie m?thodique de type bourgeois. Lors

    qu'il adh?re ? la croyance en une vocation religieuse ax?e sur la recherche des signes mat?riels de son ?lection, le puritain assure en fait une unit? synth?tique entre sa personnalit? ?thique et son acti

    18. ? La science axiologiquement neutre a d?finitivement rempli son office une fois qu'elle a ramen? le point de vue du syndicaliste ? sa forme logiquement la plus coh?rente et la plus rationnelle possible et qu'elle a d?termin? les conditions empiriques de sa for

    mation, ses chances et les cons?quences pratiques qui en d?coulent d'apr?s l'exp?rience ?

    (Weber [1917], 1992, 399-400, c'est Weber qui souligne). 19. Weber [1920 a], 1996, 412.

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  • Relativisme et v?rit? scientifiques chez Max Weber 27

    vit? professionnelle : les t?moignages providentiels du salut de son ?me lui sont fournis par sa r?ussite dans les affaires.

    Weber interroge ?galement cette coh?rence entre id?alit? et intentionnalit? du point de vue de ses implications historiques. Il

    montre que les cons?quences paradoxales de la combinaison ?lec tive entre puritanisme et capitalisme r?sultent principalement d'une dissolution de la coh?rence t?l?ologique entre postulats th?oriques et postulats pratiques. La foi religieuse est en effet ?puis?e lorsque le

    motif transcendant (le salut de l'?me) cesse d'?tre consid?r? comme un bien en soi. Deux cons?quences paradoxales vont alors se pro duire. D'un c?t?, la vocation ?thique va s'autonomiser en tombant en dehors des moyens (la conduite de vie m?thodiquement orient?e vers les signes mat?riels du succ?s professionnel) qui lui permet taient jusque-l? de se r?aliser en tant que fin. D'un autre c?t?, les activit?s conduites de fa?on rationnelle en valeur vont s'instrumen taliser en se soustrayant ? leur destination axiologique (garantir du salut de l'?me). Ces activit?s ne vont plus subsister que par l? o? elles prendront la forme d'un devoir professionnel, d?sormais atta ch? ? une norme impersonnelle et contraignante. C'est ce d?couplage t?l?ologique entre postulats th?oriques et postulats pratiques que r?sume la fameuse formule : ? Le puritain voulait ?tre un homme

    besogneux - et nous sommes forc?s de l'?tre ? (der Puritaner wollte

    Berufsmensch sein. Wir m?ssen es sein)20. Les distinctions de principe entre

    ? rapport aux valeurs ? et

    ? jugement de valeur ?, entre

    ? conna?tre ? et ? porter un juge ment ?, entre ? ?tre ? et ? devoir-?tre ? constituent donc les th?ses

    principales de la th?orie weberienne de la connaissance scienti

    fique. Elles s'inscrivent dans le sillage de la nuance, avanc?e par Rickert, entre ? m?thode g?n?ralisante ? et ? m?thode individuali sante ?. Alors que la ? m?thode g?n?ralisante ? surmonte l'infini du

    monde sensible en saisissant les r?gularit?s empiriques par des connexions causales qui prennent la forme de lois g?n?rales, la ? m?thode individualisante ? vise, par un ? rapport aux valeurs ?, ? la compr?hension du sens de ph?nom?nes ou d'?v?nements qui sont uniques.

    20. Weber [1905], 1994, 128. L'articulation weberienne entre ?vouloir? et ? devoir ? - ou, dans le langage philosophique, entre le concept de la volont? et celui de la n?cessit? - renvoie de sa conception critique de la science vers sa conception tragique de l'historicit?. Le travail critique des sciences sociales prend en effet tout son sens dans le cadre d'une comparaison entre les intentions des hommes et les cons?quences non vou lues de leurs actions (Weber [1920 b], 1996, 394).

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  • 28 Fr?d?ric Gonthier

    Weber retient de Rickert que ce sont bien les options axiologi ques dont les individus (sujets connaissants et sujets sociaux) se r?cla ment qui donnent aux ph?nom?nes culturels leur coloration absolu ment singuli?re. Mais il voit n?anmoins la principale impasse de la

    position rickertienne : comment le ? rapport aux valeurs ? peut-il simultan?ment poss?der une qualit? qui explique les cat?gories axio

    logiques du savant et une qualit? qui explique les cat?gories axiologi ques des acteurs sociaux ? Comment d?passer alors la contingence historique des syst?mes de valeur, sans accorder imphcitement une validit? transcendantale ou universelle aux valeurs scientifiques ?

    Rickert ?chappait ? l'ambigu?t? de deux mani?res. Il soutenait d'abord que la variabilit? historique des jugements de valeur n'atteint pas au c ur des diff?rents syst?mes de valeur. Chaque sys t?me de valeur tire son objectivit? du fait qu'il est socialement contrai

    gnant : les individus d'une soci?t? donn?e, s'ils ?mettent des juge ments de valeur diff?rents, ne peuvent n?anmoins manquer de s'accorder sur la validit? formelle d'une m?me grille de valeurs.

    Rickert postulait ensuite la transcendantalit? de la v?rit? scienti

    fique : le savant est pris dans la n?cessit? d'admettre de fa?on absolue la validit? des valeurs th?oriques qui fondent la science

    (Rickert [1926], 1997, 180-193). Weber se s?pare de Rickert sur l'un et l'autre de ces deux

    points. Il d?place d'abord le hen entre faits et valeurs vers l'analyse de la condition pr?sente du savant : ce sont nos propres valeurs que nous actualisons lorsque nous d?cidons d'interroger tel aspect d'un

    ph?nom?ne plut?t que tel autre. Dans cette perspective, il raffine la notion rickertienne de ? rapport aux valeurs ? (Wertbeziehung) en lui substituant la notion de ? rapport aux id?es de valeur ? (Beziehung auf Wertideen)21.

    Weber relativise ensuite le postulat rickertien (la v?rit? scienti

    fique est une valeur dont la validit? est pr?suppos?e comme absolue), en le resituant ? l'int?rieur de sa th?orie de la connaissance scienti

    fique. En refusant de concevoir les croyances positives comme des normes logico-transcendantales de l'activit? humaine, Weber rap pelle Rickert ? la philosophie des valeurs ? laquelle ce dernier sous crit tacitement. A l'absoluit? transcendantale de la v?rit? scientifique,

    Weber substitue ainsi l'id?e que la valeur de v?rit? du savoir empirique est elle-m?me une pr?supposition constitutive de la connaissance scientifique.

    21. Weber [1904], 1992, 154. Sur le ? rapport aux valeurs ? chez Rickert et chez Weber, Aron [1935], 1981, 82-85. Voir aussi Watier, 1998, 35-41.

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  • Relativisme et v?rit? scientifiques chez Max Weher 29

    La circularit? de la connaissance scientifique

    Cette derni?re pr?supposition nous ram?ne vers l'article de 1904. Weber ramasse l'ensemble de son argumentation dans la

    proposition suivante : ? La validit? objective de tout savoir empirique a pour fondement et n'a d'autre fondement que le suivant : la r?alit? donn?e est ordonn?e selon des cat?gories qui sont subjectives en ce sens sp?cifique qu'elles constituent la pr?supposition de notre savoir et qu'elles sont li?es ? la pr?supposition de la valeur de v?rit? que seul le savoir empirique peut nous fournir. ?22

    La d?marche weberienne est de toute ?vidence conduite de

    fa?on r?gressive : elle renvoie l'objectivit? des sciences sociales vers les diff?rentes pr?suppositions cognitives qui la fondent. Elle peut ? ce titre ?tre comprise comme une r?ponse au ? trilemme de

    M?nchhausen ?, tel qu'il a notamment ?t? analys? par Raymond Boudon23. Weber introduit, en effet, l'id?e essentielle d'une ?rcula rit? de la connaissance scientifique. Il r?pond, autrement dit, au ? tri lemme de M?nchhausen ? en d?montrant la validit? objective du savoir empirique ? partir de ses propres cons?quences.

    L'objectivit? des sciences sociales peut alors ?tre fond?e sur trois s?ries interd?pendantes de pr?suppositions cognitives. D'abord, la validit? objective des connaissances empiriques peut ?tre fond?e sur les ? cat?gories subjectives ?, qui rendent possible une appr?hension scientifique de la r?alit? sociale24. Ensuite, ces ? cat?gories subjec tives ? peuvent ?tre fond?es sur la valeur de v?rit? qui est attribu?e aux sciences sociales. Finalement, la valeur de v?rit? des sciences

    22. Weber [1904], 1992, 199, c'est Weber qui souligne. 23. Boudon ?nonce le ? trilemme de M?nchhausen ? de Hans Albert de la fa?on

    suivante : ? Soit une th?orie quelconque ; elle s'appuiera toujours sur des propositions "premi?res", en d'autres termes sur des principes. Or, de trois choses l'une : 1 / ou bien l'on renonce ? ?tayer lesdits principes et on les traite comme des ind?montrables ; 2 / ou bien l'on cherche ? d?montrer ces principes en s'appuyant sur d'autres principes qu'on cherchera ? d?montrer ? partir d'autres principes et ainsi ? l'infini, ce qui est impossible ; il faut donc s'arr?ter en chemin ; on retombe alors sur le premier cas ; 3 / ou bien l'on cherche, de fa?on circulaire, ? d?montrer lesdits principes ? partir de leurs cons?quences ?

    (Boudon, 1999, 19-20). 24. Pour produire des r?sultats empiriquement valables, les sciences sociales doivent

    en effet pr?supposer les diff?rents principes positifs qui ont ?t? examin?s plus haut : rap port imm?diat du sujet connaissant aux concepts de culture et de valeur ; possibilit? d'un ordonnancement raisonnable du r?el ; articulation entre finitude du sujet connaissant et impossibilit? d'une connaissance exhaustive du r?el ; irr?ductibilit? entre jugement logico-formel, jugement de valeur et jugement de r?alit? ; transcendantalit? de la capa cit? humaine ? donner un sens au monde, etc.

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  • 30 Fr?d?ric Gonthier

    sociales peut ?tre fond?e sur les r?sultats empiriques produits par les sciences sociales. Les trois s?ries de pr?suppositions cognitives sont bien circulairement r?f?r?es les une aux autres : objectivit? du savoir empirique est pr?suppos?e par des cat?gories subjectives ; ces

    cat?gories subjectives sont, ? leur tour, pr?suppos?es par la valeur de v?rit? des sciences sociales ; et la valeur de v?rit? des sciences sociales est en retour d?duite de la pr?supposition d'un savoir empirique objectivement valable.

    En clair, le savoir empirique que produisent les sciences sociales ne peut pr?tendre ? la validit? objective que parce qu'il repose, de

    fa?on circulaire, sur la valeur de v?rit? qui est, par principe, attribu?e aux sciences sociales. R?ciproquement, la valeur de v?rit? dont les sciences sociales se recommandent ne peut pr?tendre ? la validit? objective que parce qu'elle est attest?e, de fa?on ?galement circulaire, par ses propres cons?quences, c'est-?-dire par le savoir

    empirique que les sciences sociales produisent. La conf?rence sur Le m?tier et la vocation de savant se pr?sente ? la

    fois comme une g?n?ralisation et comme un approfondissement de l'id?e de circularit? de la connaissance scientifique. Comme une

    g?n?ralisation, dans la mesure o? Weber y examine les pr?supposi tions communes aux sciences de la nature et aux sciences de la

    culture. Comme un approfondissement, dans la mesure o? il inter roge surtout les pr?suppositions cognitives de type axiologique, c'est-?-dire les pr?suppositions inh?rentes ? la v?rit? scientifique en tant que valeur.

    Apr?s avoir d?gag? les deux grands instruments du travail scien

    tifique que sont le concept et l'exp?rimentation rationnelle (respec tivement identifi?s ? la philosophie antique et ? la Renaissance),

    Weber s'attache ? d?finir la science. Plus pr?cis?ment, il caract?rise la science de la fa?on suivante : ? La science met naturellement ? notre disposition un certain nombre de connaissances qui nous per mettent de dominer techniquement la vie par la pr?vision, aussi bien dans le domaine des choses ext?rieures que dans celui de l'activit? des hommes. ?25

    25. Weber [1919], 1963, 72-76, 88-89. L'id?e d'une ?misera disposition du monde ? traverse toute la philosophie sociale allemande, de Hegel ? l'?cole de Francfort en passant par Marx. Elle constitue ?galement le c ur de la r?flexion de Habermas sur le rapport entre science, technique et soci?t? : les informations scientifiques entrent dans le

    monde social v?cu par la bande de leur valorisation technologique, par l? o? elles nous

    permettent d'?tendre notre pouvoir de disposer techniquement des choses (Habermas [1968], 2000, 78).

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  • Relativisme et v?rit? scientifiques chez Max Weber 31

    On peut se demander pourquoi Weber privil?gie ici une d?fini tion finaliste et instrumentale de la science. Pourquoi, autrement dit, il la suspend ? un ensemble de moyens (le concept, l'exp?rimen tation rationnelle, l'exercice m?thodiquement contr?l? de la

    pens?e, etc.) en vue d'une finalit? instrumentale (ma?triser techni

    quement la vie par la pr?vision rationnelle)26. Une triple r?ponse peut ?tre donn?e ? cette question.

    D'abord, les limites que dessinent les d?finitions, les concepts ou les types id?aux sont toujours arbitraires. Elles isolent, comme on l'a vu, la singularit? du ph?nom?ne relativement ? un ? point de vue ?

    particulier.

    Ensuite, la d?finition weberienne fait fond sur la d?finition car t?sienne de la science. Weber ?tend le projet d'une rationalit? visant la possession de la nature ext?rieure par le calcul ? une rationalit? visant la ma?trise de la vie par la pr?vision27.

    Enfin, Weber opte pour une d?finition r?solument circulaire de la science. Puisque l'activit? scientifique est tributaire de certaines

    pr?suppositions cognitives de type axiologique (la science a valeur de v?rit?, le travail scientifique est important en soi, ses r?sultats valent la peine d'?tre connus, etc.) et puisque ces pr?suppositions cognitives ne sauraient ?tre d?montr?es scientifiquement, alors la science ne peut ?tre fond?e que sur ses propres cons?quences (les connaissances empiriques qui autorisent une ma?trise technique de la vie).

    Cette circularit? de connaissance scientifique autorise ? ?lucider certains points qui, dans la conf?rence de 1919, peuvent pr?ter le flanc ? une lecture relativiste. Weber est tout d'abord loin d'ent?riner l'affirmation de Tolsto? : la science est vide de ? sens ?

    parce qu'elle ne comporte pas de finalit? prescriptive, parce qu'elle ne nous renseigne pas sur notre ? devoir-?tre ?. Il souligne ? l'inverse que le ? sens ? de la science peut ?tre circulairement trouv? dans les pr?suppositions de la connaissance scientifique.

    26. L'id?e de ? pr?vision rationnelle ? (Vorausberechnung) gomme n?anmoins une distinction essentielle. Dans le champ de la nature inerte qui est soumise

    ? sinon en fait, du moins en droit - ? un d?terminisme strict, la pr?vision est rigoureusement quantifiable et affect?e d'un fort coefficient de rationalit?. Mais dans l'espace du devenir historique d?limit? par les sciences de la culture, la pr?vision conserve un caract?re probabiliste qui implique un degr? largement plus variable de certitude rationnelle.

    27. Weber mobilise ici un point essentiel de la tradition kantienne. La conceptuali sation n'a pas vocation ? fournir une copie repr?sentative du r?el. Elle renvoie plut?t ? un projet de ? ma?trise ? de la portion de r?alit?, sur laquelle sont projet?es les cat?gories formelles de la pens?e (Weber [1904], 1992, 193).

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  • 32 Fr?d?ric Gonthier

    Pour Weber, la science a donc un ? sens ?, mais ce ? sens ? est

    pr?suppos? par les buts empiriques que la science s'assigne : ? Tou tes les sciences de la nature nous donnent la r?ponse ? la question :

    Que devons-nous faire si nous voulons ?tre techniquement ma?tres de la vie. Quant aux questions : Cela a-t-il au fond et en fin de compte un sens ? Devons-nous et voulons-nous ?tre techniquement ma?tres

    de la vie ? Elles les laissent en suspens ou bien les pr?supposent en fonction de leur but. ?28

    On comprend ainsi pourquoi Weber se refuse ? couronner la science d'une quelconque qualit? morale. La science administre la

    question du comment les hommes doivent faire pour dominer tech

    niquement la vie, mais elle reste muette devant la question du pour quoi les hommes doivent dominer techniquement la vie. Les scien ces naturelles (comme la physique ou la chimie) pr?supposent, par exemple, que la ma?trise des forces naturelles permet ? l'homme

    d'agir sur le monde ? son avantage. Les sciences sociales (comme la

    sociologie ou l'?conomie oh tique) expriment une intention ana

    logue. Elles pr?supposent que la connaissance scientifique de la vie sociale devrait donner aux hommes la ma?trise de leur soci?t? et de leur histoire. Pourtant, ni les sciences naturelles ni les sciences socia les ne sont susceptibles de prouver que leurs ?nonc?s empiriques ont une valeur en soi. Elles ne peuvent pas non plus ?tablir la ? signi fication ? du monde qu'elles d?crivent.

    Il est, d?s lors, impossible de d?montrer, par des moyens scienti

    fiques, la pr?supposition axiologique selon laquelle la science doit avoir une valeur de v?rit? telle que ses r?sultats objectifs ? m?ritent d'?tre connus ? (wissenswert). A la hmite, la science n'obhge que ceux qui croient en la valeur de la v?rit? scientifique : ? Nous ne

    pouvons rien fournir, avec les moyens de notre science, ? celui qui consid?re que cette v?rit? n'a pas de valeur

    - la croyance en la valeur de la v?rit? scientifique est un produit de certaines civilisa tions et n'est pas une donn?e de nature. ?29

    Cette derni?re remarque permet ?galement d'expliquer pour quoi Weber ne disjoint pas le registre des croyances positives et

    28. Weber [1919], 1963, 78, c'est Weber qui souligne. 29. Weber [1904], 1992, 199. Le raisonnement weberien est impeccable sur le pian

    de la rigueur logique. Toute pr?supposition ?tablit sa v?rit? par rapport ? un ordre du discours dans lequel elle prend sa r?f?rence. Or, le r?f?rent de la pr?supposition selon

    laquelle la science est ? vraie ? ressortit ? la sph?re des valeurs, et non ? celle des faits. La

    qualit? du pr?suppos? ne s'?tend donc pas ? l'objet - le savoir empirique

    - engag? par la

    pr?supposition. De la pr?supposition axiologique selon laquelle la science est ? vraie ?, il n'est pas possible de d?duire la cons?quence que le savoir empirique a une valeur en soi.

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  • Relativisme et v?nt? scientifiques chez Max Weber 33

    celui des croyances normatives. Il y a, en effet, une circulante explica tive entre les objectifs empiriques poursuivis par l'activit? scienti

    fique et les pr?suppositions axiologiques qui font d?pendre la science de l'affirmation pr?alable de sa valeur de v?rit? : ? Il faut chercher la caract?ristique de la connaissance scientifique dans la validit? "objective" de ses r?sultats consid?r?s comme des vent?s. ?30

    Weber ne pense donc pas, contrairement ? Comte, que l'id?e de pr?vision rationnelle plaide en faveur de l'autonomie objective du savoir empirique31. Son ? relativisme axiologique ? implique que les productions scientifiques sont irr?m?diablement subordonn?es ? une adh?sion implicite dans la valeur de la v?rit? scientifique. Mais le mot ? relatif? ne s'oppose pas ici au mot ? absolu ?, comme un

    signe de l'inach?vement des sciences. Le mot ? relatif? s'oppose au mot ? sans pr?suppositions ?, comme un signe des limitations

    (Begrenzungen) inh?rentes ? toute science. Au th?or?me positif de Comte (th?or?me de type : il faut savoir pour pouvoir), Weber peut alors avantageusement substituer un th?or?me cognitif (th?or?me de type : il faut pr?supposer pour savoir).

    Weber reste par ailleurs fid?le ? la tradition du relativisme scien

    tifique inaugur?e par Hume. Il d?finit, en effet, la science comme un horizon d'attentes empiriques fond?es sur un m?canisme de

    croyance, plut?t que comme un corpus de v?rit?s inconditionnelle ment certaines. Mais dans le m?me geste, Weber ?mancipe la science du scepticisme humien, puisqu'il r?sout la condition ? fid?iste ? de l'activit? scientifique dans un ensemble de pr?supposi tions cognitives.

    Le fait que la v?rit? scientifique d?pende d'une croyance n'invite pas ? ramener ses principes vers des habitudes de l'esprit qui seraient (comme c'est le cas chez Hume) contract?es devant la r?p? tition de successions causales identiques32. Au contraire, si les connaissances empiriques peuvent ?tre dites objectivement valables,

    30. Weber [1904], 1992, 120, c'est Weber qui souligne. 31. Comte voit dans la ? pr?vision rationnelle ? la preuve de ce que l'esprit humain

    s'est d?finitivement arrach? au double r?gime ? m?taphysique ? et ? th?ologique ? de la

    pens?e, pour se fixer dans le champ de l'observation des r?alit?s ph?nom?nales (Comte [1830/1842], le?on 48).

    32. Le statut r?gulateur que Weber attribue au ? savoir nomologique ? indique clai rement son rejet d'un relativisme scientifique bas? sur la r?p?tition des m?mes occurren ces causales. Les connexions causales issues des r?gles g?n?rales de l'exp?rience, ou du devenir, permettent en effet de contr?ler la validit? objective des ?nonc?s hypoth?tiques (sur l'usage de ces r?gles en sciences sociales, Weber [1904], 1992, 158-159. Sur leur usage particulier en histoire, Weber [1906], 1992, 281-299.

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  • 34 Fr?d?ric Gonthier

    c'est du point de vue formel des r?gles logiques qui les contr?lent et de la m?thodologie qui les guide. Weber r?duit le ? relativisme

    sceptique ? aux dimensions nettement plus acceptables du ? relati visme cognitif ? : le travail scientifique repose sans doute sur des

    pr?suppositions cognitives de type axiologique ; mais la relativit? de la croyance en la valeur de la v?rit? scientifique ne se communique pas ? la validit? objective des connaissances empiriques.

    Weber ne se soustrait donc pas au ? trilemme de M?nchhau sen ? en marquant un coup d'arr?t fid?iste (au sens o? la th?orie de la connaissance scientifique serait fond?e sur des principes dont la validit? devrait ?tre pos?e comme absolue) ? la r?gression infinie des principes. Il se soustrait au ? trilemme de M?nchhausen ? en fondant circulairement la science sur ses propres cons?quences

    empiriques. Une chose est en effet la v?rit? scientifique en tant que valeur. Et

    la v?rit? scientifique en tant que valeur est fond?e sur un acte de foi

    qui est scientifiquement ind?montrable. Mais une autre chose est la science en tant que ma?tnse technique de la vie. Et la science en tant que ma?tnse technique de la vie ne peut ?tre fond?e que sur la base du savoir empirique qu'elle nous fournit. En d'autres termes, l'impos sibilit? de d?montrer scientifiquement la v?rit? scientifique est pr? cis?ment ce qui interdit de fonder la science sur l'arbitraire d'un acte de foi. Mais l'impossibilit? de d?montrer scientifiquement la v?rit?

    scientifique est aussi ce qui astreint ? fonder la science sur ses propres cons?quences empiriques.

    Les lectures relativistes commettent toutes la m?me erreur

    d'interpr?tation. Non seulement elles se m?prennent sur la nature du relativisme weberien, qui s'appuie en fait sur la reconnaissance des pr?suppositions implicitement constitutives de la science. Mais elles revendiquent encore une inclusion (Weber est relativiste, parce qu'il admet que la v?rit? scientifique est une valeur ind?mon

    trable) l? o? il faudrait en toute rigueur revendiquer une exclusion

    (Weber n'est pas relativiste, pr?cis?ment parce qu'il admet que la v?rit? scientifique est une valeur ind?montrable).

    S'il accepte tacitement le paradoxe socratique (pour que la science puisse se conna?tre elle-m?me, il faudrait qu'elle connaisse

    davantage que ce qu'elle conna?t r?ellement ; ce qui est une propo sition ?videmment contradictoire), Weber se refuse surtout ? laisser la v?rit? scientifique sur le terrain des inconditionn?s. Admettre avec Rickert que la v?rit? scientifique est absolument valable, c'est en effet renoncer ? d?montrer la science de fa?on circulaire. Et c'est

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  • Relativisme et v?rit? scientifiques chez Max Weber 35

    du m?me fait briser le cercle d'une science ? axiologiquement neutre ? pour entrer dans celui de la philosophie des valeurs.

    La croyance en la valeur de la v?rit? scientifique ne conduit pas ? la hquidation de objectivit? scientifique. Elle ne nous montre pas l'illusion dont nous sommes dupes, lorsque nous traitons la valeur de la v?rit? scientifique comme un ind?montrable. Elle indique cir culairement la pr?supposition que nous sommes tenus de faire, pour autant que nous voulons atteindre un certain objectif (ma?triser tech

    niquement la vie par la pr?vision) : ? Toutes les sciences de la nature nous donnent la r?ponse ? la question : que devons-nous faire si nous voulons ?tre techniquement ma?tres de la vie ? ?

    Mais alors, qu'est-ce que la science ? axiologiquement neutre ?

    peut nous dire sur la qualit? de notre ? vouloir ? ? Weber reprend ? nouveaux fiais le postulat de la non-contradiction logique entre les id?es et les intentions humaines. En appliquant ce postulat au travail

    scientifique, il ?lucide une derni?re interrogation : ? Quelle est la vocation de la science dans l'ensemble de la vie humaine et quelle est sa valeur ? ?

    La r?ponse de Weber ? cette interrogation a fait l'objet de nom breux commentaires qu'il n'est pas question d'examiner par le d?tail. Ces commentaires rabattent, pour l'essentiel, la conception weberienne de la vocation scientifique sur sa conception d?cisionniste de la personne humaine. La hmite des interpr?tations relativistes est trac?e ici, de fa?on exemplaire, par L?o Strauss. En d?laissant la notion de droit naturel, Weber abandonnerait la vie sociale ? l'affrontement concurrentiel de pr?f?rences personnelles et souve

    raines, mais partiales et arbitraires. Le dernier mot du sociologue serait ainsi : ? chacun de choisir son d?mon, qu'il soit d'inspiration divine ou diabolique33.

    Il est en fait plus judicieux de rapprocher la conception weberienne de la vocation scientifique de la dimension ? critique ? de la science, d?finie notamment dans L'objectivit? de la connaissance. En assumant la pr?supposition normative selon laquelle la science est digne de constituer une vocation, Weber admet qu'il formule un jugement de valeur. Mais il ne conc?de pas pour autant sortir du cadre circulaire dans lequel il a fond? l'activit? scientifique. Le

    33. Strauss oppose ? Weber la th?se suivante : la comprehension naturelle du monde (ce que Strauss appelle le ? sens commun ?) doit ?tre regard?e comme une r?alit?

    objective qui, parce qu'elle comporte ses propres principes d'appr?ciation normative (le Bien, le Vrai, le Juste, etc.), est ant?c?dente ? la pluralit? des jugements de valeur (Strauss [1953], 2000, 79-82).

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  • 36 Fr?d?ric Gonthier

    caract?re ind?montrable de la v?rit? scientifique ne mine pas, on l'a vu, l'objectivit? de la science. L'affirmation de l'int?r?t de la science ne compromet pas non plus la possibilit? de s'interroger sur sa ? valeur ?, et de discerner ? l'ultime apport de la science au service de la clart?, apport au-del? duquel il n'y en a plus d'autres. ?

    Weber caract?rise cet apport de la fa?on suivante : ? Si nous sommes, en tant que savant, ? la hauteur de notre t?che (ce qu'il faut ?videmment pr?supposer ici) nous pouvons alors obliger l'individu ? se rendre compte du sens ultime de ses propres actes, ou du moins ? l'y aider. ?34 Le savant peut (il a m?me le devoir) de confronter l'acteur, d'abord, ? la vision du monde (ou aux diff?ren tes visions du monde) qui est sous-jacente ? ses prises de position normatives ; ensuite, aux valeurs et aux ?valuations qui lui dictent alors ses d?cisions ; et enfin, ? la compatibilit? de ses intentions avec le r?el.

    La formulation all?gorique et allusive de ce programme ? cri

    tique ? ne doit plus d?concerter que les interpr?tations d?cisionnis tes dont il a ?t? recouvert. Rappelons ses conditions de possibilit?. Il se soutient positivement du postulat de non-contradiction

    logique entre id?alit? et intentionnalit? : le jugement logico-formel autorise ? ?prouver la coh?rence entre les repr?sentations que les individus se donnent du monde et les actions qu'ils y accomplissent. Il se soutient transcendentalement d'une d?finition de l'homme comme un ?tre capable de prendre position face au monde : le

    jugement logico-formel s'adresse au sujet en tant qu'il est dot? de ? rationalit? axiologique ? (au sens que Raymond Boudon a donn? ? ce mot : les jugements de valeur que le sujet endosse sont fond?s, dans son esprit, sur des syst?mes de raisons qui sont per?ues comme fortes (Boudon, 1999, 137-203 ; Boudon, 1995, 278-292)).

    Weber pose ici un probl?me essentiel, et peut-?tre m?me le

    probl?me essentiel des sciences sociales : de quelles formes de reconnaissance sociale la connaissance scientifique peut-elle se pr? valoir ? Les r?ponses relativistes qui s'inspirent de Weber compor tent g?n?ralement deux degr?s de relativisme.

    Le degr? ?l?mentaire est celui du ? relativisme historique ?. Il consiste ? tirer l'id?e weberienne ( ? la croyance en la valeur de la v?rit? scientifique est un produit de certaines civilisations et n'est

    pas une donn?e de nature ? ) dans le sens d'une validit? locale et cir

    34. Weber [1919], 1963, 90, c'est Weber qui souligne.

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  • Relativisme et vent? scientifiques chez Max Weber 37

    constancielle de la science. Durkheim formulerait ici la r?ponse la

    plus satisfaisante au probl?me de la reconnaissance sociale de la connaissance scientifique, en pla?ant la science sous la d?pendance historique de l'?tat de l'opinion35. Cette r?ponse est ? la fois ?vi dente et inconsistante. Elle est ?vidente s'il est question de la

    croyance scientifique comme donn?e psychologique : rien ne nous

    emp?che de croire que ? le jour est noir ? et que ? la nuit est blanche ?. Mais cette r?ponse est inconsistante s'il est question de la v?rit? scientifique comme donn?e logique. La proposition ? le jour et la nuit sont de deux couleurs diff?rentes ? ne cesserait pas d'?tre vraie, quand bien m?me on d?ciderait de croire que ? le jour est noir ? et que ? la nuit est blanche ?.

    Le degr? suppl?mentaire est celui du ? relativisme absolu ? (ou de ? hyperrelativisme ?). Il consiste ? dire que l'antagonisme fon damental des valeurs m?ne ? une incompatibilit? radicale entre le ? point de vue ? scientifique et les autres ? points de vue ?. Cette

    r?ponse au probl?me de la reconnaissance sociale de la connaissance

    scientifique n'est pas uniquement fausse parce que, comme l'a relev? Aron, elle est intrins?quement contradictoire : une proposi tion ne peut ?tre en m?me temps et vraie et fausse, ou ni vraie ni fausse36. La r?ponse hyperrelativiste est ?galement fausse parce qu'elle pr?suppose une irr?ductibilit? entre la rationalit? scientifique et la rationah t? courante. Or, cette pr?supposition est contredite par la sociologie weberienne de la connaissance, qui ?tablit au contraire une nomologie entre rationalit? scientifique et rationalit? courante.

    Le type de rationalit? auquel le savant se conforme n'est bien s?r

    pas identique au type de rationalit? auquel les sujets sociaux adh? rent. L? o? une pomme tombe, le physicien verra la loi de la chute des corps, le travailleur agricole l'annonce d'une r?colte imminente, le po?te un signe de l'harmonie universelle, etc. Il reste que la ratio nalit? scientifique et la rationalit? courante ne sont pas exclusives l'une de l'autre : la loi physique de la chute des corps n'?hmine pas la loi po?tique de l'harmonie universelle.

    Il existe, d?s lors, un continuum de rationalit? axiologique entre le

    sujet connaissant et le sujet social. Les raisons qui poussent le savant ? souscrire ? la valeur de la v?rit? scientifique sont de m?me nature

    35. ? ? chaque moment de l'histoire et dans la conscience de chaque individu, il y a

    pour les id?es claires, les opinions r?fl?chies, en un mot pour la science, une place d?ter min?e au-del? de laquelle elle ne peut s'?tendre normalement ? (Durkheim [1893], 1998, 217).

    36. Aron, 1963, 51.

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  • 38 Fr?d?ric Gonthier

    que les raisons qui poussent le sujet social ? souscrire ? cette valeur, ou ? lui pr?f?rer telle autre valeur. Dans l'un comme dans l'autre cas, les raisons que le sujet a d'adopter une valeur sont soumises ? une contrainte similaire : elles doivent ?tre per?ues comme des rai sons valables eu ?gard ? la valeur mobilis?e par le sujet.

    L'homologie entre rationalit? scientifique et rationalit? courante ne disqualifie pas seulement le ? relativisme absolu ?. Elle rend sur tout justice au programme critique de Weber, puisqu'elle lib?re la

    possibilit? d'une communication entre le ? point de vue ? du savant et celui du sujet social. Le savant et le sujet social sont mus par une rationalit? analogue de type axiologique. Ils ne peuvent donc se d?tourner du principe logique qui les engage ? articuler, de fa?on coh?rente, leurs id?es et leurs intentions, ou leurs croyances et leurs actes. Finalement, la conscience scientifique et la conscience sociale sont li?es par l'exigence rationnelle dans laquelle elles sont prises d'?tre

    cons?quentes avec les valeurs dont elles se r?clament.

    Fr?d?ric GONTHIER Laboratoire GEPECS - Universit? Ren?-Descartes, Paris 5

    45, rue des Saints-P?res ? 75006 Paris

    [email protected]

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    Article Contentsp. [15]p. 16p. 17p. 18p. 19p. 20p. 21p. 22p. 23p. 24p. 25p. 26p. 27p. 28p. 29p. 30p. 31p. 32p. 33p. 34p. 35p. 36p. 37p. 38p. 39

    Issue Table of ContentsL'Anne sociologique (1940/1948-), Troisime srie, Vol. 56, No. 1 (2006), pp. 1-238Front MatterIN MEMORIAM: JEAN CAZENEUVE (1915-2005) [pp. 7-11]TUDESRELATIVISME ET VRIT SCIENTIFIQUES CHEZ MAX WEBER [pp. 15-39]LES COMMUNAUTS DE FANS DE "MATRIX" SUR INTERNET: UNE TUDE DE SOCIOLOGIE DE LA CONNAISSANCE [pp. 41-66]JEU, RSEAU ET CIVILISATION. MTAPHORES ET CONCEPTUALISATION CHEZ NORBERT LIAS [pp. 67-82]ANDR DAVIDOVITCH (1912-1986) ET LE DEUXIME GE DE LA SOCIOLOGIE CRIMINELLE FRANAISE [pp. 83-117]LA POLITIQUE DE LA DIVERGENCE. QUELQUES REMARQUES SUR LE RELATIVISME [pp. 119-136] SUR LA PSYCHOLOGIE SOCIALE DE L'HOSTILIT OU LA DERNIRE APPARITION DE GEORG SIMMEL SUR LA SCNE SOCIOLOGIQUE FRANAISE [pp. 137-168]SUR LA PSYCHOLOGIE SOCIALE DE L'HOSTILIT [pp. 169-175] LA MONADE ET L'UVRE D'ART . LA CONTRIBUTION DE GABRIEL TARDE AU DOMAINE ARTISTIQUE [pp. 177-200]LA COURBE DE GRAVIT DES CRIMES [pp. 201-227]

    ANALYSES BIBLIOGRAPHIQUESReview: untitled [pp. 231-235]Review: untitled [pp. 235-238]

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