Evaluation Conjointe - WISE-Paris

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Evaluation Conjointe WISE-Paris / Large & Associates ProblĂšmes de sĂ»retĂ© et de sĂ©curitĂ© / FS47 1 TRANSPORTS DE PLUTONIUM EN FRANCE ProblĂšmes de SĂ»retĂ© et de SĂ©curitĂ© du Container de Transport FS47 Yves Marignac, Xavier Coeytaux 1 , John H. Large 2 21 Septembre 2004 Nota: La prĂ©sente note est la traduction par WISE-Paris de la version anglaise, Joint Assessment: Plutonium transports in France – Safety and Security Concerns over the FS47 Transportation Cask, qui seule fait foi. CONTEXTE Des transports de dioxyde de plutonium (PuO2) de qualitĂ© rĂ©acteur, sĂ©parĂ© dans les usines de retraitement de COGEMA Ă  La Hague, traversent rĂ©guliĂšrement la France pour rejoindre les usines de fabrication de combustible MOX de Cadarache et Marcoule, au sud. Pour ces transports, qui empruntent un trajet d’environ 800 km sur le rĂ©seau routier public, le plutonium est acheminĂ© dans des containers de transport scellĂ©s, les FS47. Typiquement, les convois rassemblent deux vĂ©hicules chargĂ©s chacun de 9 ou 10 containers FS47, chaque container contenant environ 15 kg de PuO2 (soit au total 280 Ă  300 kg pour un convoi de deux vĂ©hicules). En moyenne, sur une annĂ©e, environ 45 transports de ce type ont lieu, soit un transport tous les 8 jours environ, pour une quantitĂ© totale de plutonium transportĂ©e autour de 12 tonnes par an. La France est signataire de la Convention sur la protection physique des matiĂšres nuclĂ©aires de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (IAEA274) 3 et s’engage Ă  ce titre Ă  satisfaire les recommandations de l’instruction INFCIRC/225/Rev.4 (IAEA225) 4 pour la protection et la sĂ©curitĂ© des matiĂšres de CatĂ©gorie I (c’est-Ă -dire le plutonium fissile). Par ailleurs, la France adopte les normes fixĂ©es par l’AIEA dans le RĂšglement de transport des matiĂšres radioactives TS-R-1 5 , selon lesquelles le transport de matiĂšres radioactives doit respecter certains standards, dans le cas prĂ©sent l’utilisation de containers de Type B(U) certifiĂ©s, dont les exigences sont selon elle respectĂ©es par la conception du FS47. Cependant, depuis le dĂ©but de l’annĂ©e 2003, des observations de terrain 6 et des rapports techniques d’experts indĂ©pendants 7 ont mis en cause la sĂ»retĂ© et la sĂ©curitĂ© des transports routiers de PuO2 de La Hague vers le sud de la France. En rĂ©ponse Ă  la pression croissante de ces analyses critiques, 1 Yves Marignac, Directeur, Xavier Coeytaux, ChargĂ© d’étude, WISE-Paris, Paris, France. http://www.wise-paris.org 2 John H Large, Consulting Nuclear Engineer, Large & Associates, IngĂ©nieurs consultants, Londres, Royaume-Uni. 3 AIEA, Convention sur la protection physique des matiĂšres nuclĂ©aires, INFCIRC/274/Rev.1, Mai 1980. 4 AIEA, La protection physique des matiĂšres nuclĂ©aires, INFCIRC/225/Rev.4 (corrigĂ©e), Juin 1999. 5 AIEA, RĂšglement de transport des matiĂšres radioactives, Collection Normes de SĂ»retĂ©N° TS-R-1 (ST-1, rĂ©visĂ©e), Ă©dition 1996 (rĂ©visĂ©e), Vienne, 2000. 6 Greenpeace France diffuse rĂ©guliĂšrement de l’information sur les convois de plutonium sur un site internet dĂ©diĂ© : http://stop-plutonium.org 7 Notamment WISE-Paris, France et Large & Associates, Royaume-Uni (svoir plus loin).

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WISE-Paris / Large & Associates ProblÚmes de sûreté et de sécurité / FS47 1

TRANSPORTS DE PLUTONIUM EN FRANCE

ProblÚmes de Sûreté et de Sécurité du Container de Transport FS47

Yves Marignac, Xavier Coeytaux1,John H. Large2

21 Septembre 2004

Nota: La prĂ©sente note est la traduction par WISE-Paris de la version anglaise, Joint Assessment: Plutoniumtransports in France – Safety and Security Concerns over the FS47 Transportation Cask, qui seule fait foi.

CONTEXTE

Des transports de dioxyde de plutonium (PuO2) de qualitĂ© rĂ©acteur, sĂ©parĂ© dans les usines deretraitement de COGEMA Ă  La Hague, traversent rĂ©guliĂšrement la France pour rejoindre les usinesde fabrication de combustible MOX de Cadarache et Marcoule, au sud. Pour ces transports, quiempruntent un trajet d’environ 800 km sur le rĂ©seau routier public, le plutonium est acheminĂ© dansdes containers de transport scellĂ©s, les FS47. Typiquement, les convois rassemblent deux vĂ©hiculeschargĂ©s chacun de 9 ou 10 containers FS47, chaque container contenant environ 15 kg de PuO2 (soitau total 280 Ă  300 kg pour un convoi de deux vĂ©hicules). En moyenne, sur une annĂ©e, environ45 transports de ce type ont lieu, soit un transport tous les 8 jours environ, pour une quantitĂ© totalede plutonium transportĂ©e autour de 12 tonnes par an.

La France est signataire de la Convention sur la protection physique des matiĂšres nuclĂ©aires de l’AgenceInternationale de l’Energie Atomique (IAEA274)3 et s’engage Ă  ce titre Ă  satisfaire lesrecommandations de l’instruction INFCIRC/225/Rev.4 (IAEA225)4 pour la protection et lasĂ©curitĂ© des matiĂšres de CatĂ©gorie I (c’est-Ă -dire le plutonium fissile). Par ailleurs, la France adopteles normes fixĂ©es par l’AIEA dans le RĂšglement de transport des matiĂšres radioactives TS-R-15, selonlesquelles le transport de matiĂšres radioactives doit respecter certains standards, dans le cas prĂ©sentl’utilisation de containers de Type B(U) certifiĂ©s, dont les exigences sont selon elle respectĂ©es par laconception du FS47.

Cependant, depuis le dĂ©but de l’annĂ©e 2003, des observations de terrain6 et des rapports techniquesd’experts indĂ©pendants7 ont mis en cause la sĂ»retĂ© et la sĂ©curitĂ© des transports routiers de PuO2 deLa Hague vers le sud de la France. En rĂ©ponse Ă  la pression croissante de ces analyses critiques,

1 Yves Marignac, Directeur, Xavier Coeytaux, ChargĂ© d’étude, WISE-Paris, Paris, France. http://www.wise-paris.org2 John H Large, Consulting Nuclear Engineer, Large & Associates, IngĂ©nieurs consultants, Londres, Royaume-Uni.3 AIEA, Convention sur la protection physique des matiĂšres nuclĂ©aires, INFCIRC/274/Rev.1, Mai 1980.4 AIEA, La protection physique des matiĂšres nuclĂ©aires, INFCIRC/225/Rev.4 (corrigĂ©e), Juin 1999.5 AIEA, RĂšglement de transport des matiĂšres radioactives, Collection Normes de SĂ»retĂ©N° TS-R-1 (ST-1, rĂ©visĂ©e), Ă©dition

1996 (rĂ©visĂ©e), Vienne, 2000.6 Greenpeace France diffuse rĂ©guliĂšrement de l’information sur les convois de plutonium sur un site internet dĂ©diĂ© :

http://stop-plutonium.org7 Notamment WISE-Paris, France et Large & Associates, Royaume-Uni (svoir plus loin).

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l’organisme d’appui technique nuclĂ©aire en France, l’Institut de radioprotection et de sĂ»retĂ©nuclĂ©aire (IRSN), a publiĂ© une courte note pour rĂ©futer ces analyses et confirmer ses Ă©valuations8.

Cette note examine la rĂ©ponse de l’IRSN au vu des rĂ©centes analyses techniques, de dĂ©positionsd’experts aux Etats-Unis, et de documents techniques relatifs aux performances du container detype FS47 face Ă  des conditions d’accidents rĂ©alistes et d’attaques terroristes potentielles.

LE TRANSPORT PROCHAIN DE PuO2 AMÉRICAIN

Au-delĂ  des transports rĂ©guliers internes Ă  la France, la sĂ»retĂ© et la sĂ©curitĂ© des transports terrestresde PuO2 sur le territoire français a fait l’objet d’une attention accrue Ă  l’approche d’un transportunique d’environ 140 kg de PuO2 de plutonium militaire en provenance des Etats-Unis. Cettecargaison, dans le cadre du programme Eurofab9, doit ĂȘtre acheminĂ©e prochainement en France viale port de Cherbourg10, puis transfĂ©rĂ©e Ă  l’usine de fabrication de combustible de Cadarache pourĂȘtre incorporĂ©e Ă  du combustible “mixed oxides”, ou MOX. Les assemblages MOX seront ensuiteretournĂ©s aux Etats-Unis, via le port de Cherbourg Ă©galement. Le plutonium amĂ©ricain importĂ©sera transportĂ© sur mer et sur terre dans des containers FS47, tandis que pour le retour lesassemblages tests (Lead Test Assemblies, ou LTA) de MOX seront conditionnĂ©s dans descontainers FS65.

Une importante controverse est suscitĂ©e l’approche duale, ou le double standard appliquĂ© par lesautoritĂ©s amĂ©ricaines pour les transports routiers de cargaisons de PuO2 sur le territoire des Etats-Unis , comparĂ© aux mesures de protection et de sĂ©curitĂ© mises en Ɠuvre pour les transportsen France.

En l’occurence, d’un cĂŽtĂ©, la partie terrestre du transport aux Etats-Unis devait ĂȘtre strictementconforme aux exigences du Gouvernement FĂ©dĂ©ral11 pour une cargaison unique et exceptionnelle dePuO2 militaire qui est dĂ©finie comme “matĂ©riel nuclĂ©aire stratĂ©gique spĂ©cial” (strategic special nuclearmaterial)12, pour lequel “les mĂ©thodes de transport employĂ©es [doivent] garantir la sĂ©curitĂ© contre lesabotage et le terrorisme, en mĂȘme temps que la sĂ»retĂ© en cas d’accident”, et auquel les garantiesadditionnelles du “standard d’entreposage des armes [nuclĂ©aires]” (Stored Weapons Standard) doiventĂȘtre appliquĂ©es. Pour cette phase de transport routier le DĂ©partement d’Etat Ă  l’énergieamĂ©ricain (US DOE) a menĂ© une Ă©tude exhaustive des risques et dangers, incluant une Ă©valuationdes consĂ©quences du relĂąchement de plutonium au cours ou Ă  la suite d’un Ă©vĂ©nement quiendommage sĂ©rieusement un ou plusieurs des containers FS47 transportant le plutonium13.

A l’opposĂ©, de l’autre cĂŽtĂ©, le US DOE se repose totalement sur les autoritĂ©s françaises pour ce quiconcerne la sĂ»retĂ© nuclĂ©aire, la protection et la sĂ©curitĂ© du transport Ă  travers la France. Or, aucune 8 IRSN, Risques de rejet radioactif lors du transport routier de poudre d'oxyde de plutonium en colis FS47, non

daté (mars/avril 2004).http://www.irsn.fr/vf/05_inf/05_inf_1dossiers/05_inf_35_pu/05_inf_35_pu.shtm

9 Voir US DOE, Storage and Disposition of Weapons-Usable Fissile Materials Final Programmatic Environmental ImpactStatement (Storage and Disposition PEIS) DOE/EIS-0229, décembre 1996; également US DOE, Surplus PlutoniumDisposition Environmental Impact Statement (SPD EIS), DOE/EIS 0283, novembre 1999.

10 La date effective d’arrivĂ©e dans le port français reste inconnue au 21 septembre 2004, mais on peut estimer que celle-ciinterviendra entre la fin septembre et la mi-octobre 2004.

11 Ces exigences ont Ă©tĂ© dĂ©taillĂ©es dans les documents soumis par le DOE sur le programme d’immobilisation duplutonium.

12 Selon le Code of Federal Regulations, Part 73, S73.1 et 73.2 ces prescriptions sont applicables pour des quantitĂ©ssupĂ©rieures Ă  5 kg d’U-235 enrichi Ă  20% ou davantage, et/ou 2,5 kg ou plus de plutonium.

13 US DOE, Supplement Analysis, Fabrication of Mixed Oxide Fuel Lead Assemblies in Europe, novembre 2003, DOE/EIS-0229-SA3.

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indformation publique ne suggĂšre que les mesures prises pour ce transport et les garantiesappliquĂ©es par les autoritĂ©s françaises compĂ©tentes diffĂšreront significativement de celles en placepour les transports existants des cargaisons de PuO2 civil de l’industrie française14.

APPROCHE DES AUTORITÉS FRANÇAISES

Les autoritĂ©s françaises compĂ©tentes pour la sĂ»retĂ© et la sĂ©curitĂ© des transports de plutonium sontrespectivement l’autoritĂ© de sĂ»retĂ©, la Direction gĂ©nĂ©rale de la sĂ»retĂ© nuclĂ©aire et de laradioprotection (DGSNR), et le Haut-fonctionnaire de dĂ©fense du MinistĂšre de l’industrie (HFD).Tous deux s’appuient, pour l’évaluation des risques et des mesures appropriĂ©es, sur le supporttechnique fourni par l’IRSN.

En rĂ©sumĂ©, l’approche française est basĂ©e sur la combinaison de deux principes essentiels, dont lepremier affirme que :

‱ les performances du container FS47 en termes de confinement en regard des normes TS-R-1de l’AIEA pour les conditions accidentelles indiquent que le container est suffisammentrobuste pour rĂ©sister dans toutes les situations envisageables suite Ă  des actes demalveillance (c’est-Ă -dire, terrorisme et/ou sabotage).

Ce principe est quelque peu dĂ©voyĂ©, dans la mesure oĂč les tests prescrits par l’AIEA sont basĂ©ssur des conditions d’accident “crĂ©dibles”, ou de rĂ©fĂ©rence, dont la sĂ©vĂ©ritĂ© a Ă©tĂ© prĂ©alablementdĂ©terminĂ©e par une Ă©tude probabiliste du risque, tandis qu’une attaque terroriste dont on peutattendre qu’elle serait exĂ©cutĂ©e Ă  dessein et avec intelligence, repose sur des Ă©lĂ©ments quiĂ©chappent Ă  l’approche probabiliste. Bien que le FS47 soit certifiĂ© conforme aux normes AIEAde 199615, cette certification ne s’applique pas aux performances du container soumis auxcirconstances et aux forces potentiellement extrĂȘmes d’actes terroristes intentionnels (et nonprobabilistes).

Et le second, que :

‱ le premier principe prĂ©citĂ© repose sur la capacitĂ© Ă  prĂ©venir la menace d’actes de terrorisme,notamment grĂące Ă  une politique de secret sur les routes et les horaires des transports deplutonium.

L’information publique sur l’approche française en matiĂšre de sĂ©curitĂ© et de protection physiquedes matiĂšres nuclĂ©aires en cours de transport (ou dans les installations nuclĂ©aires) est trĂšs limitĂ©e ;quelques Ă©lĂ©ments ont toutefois Ă©tĂ© fournis ces derniĂšres annĂ©es par une sĂ©rie de communicationsrĂ©fĂ©rences de l’IRSN16.

14 Voir J. H. Large, Y. Marignac, IAEA Requirements on Design Basis Threat Assessment - Non Compliance of Eurofab

Shipment from US to France on UK Vessel: Security and Physical Protection Issues, Submission to the InternationalAtomic Energy Agency, 20 septembre 2004.

15 CertifiĂ© Type B(U) conformĂ©ment Ă  la norme IAEA 1996, TS-R-1 – voir RĂšglement de transport des matiĂšresradioactives, Collection Normes de SĂ»retĂ©N° TS-R-1 (ST-1, rĂ©visĂ©e), Ă©dition 1996 (rĂ©visĂ©e), Vienne, 2000.

16 Notamment:‱ P. Cornu, et al Protection of Nuclear Facilities and Nuclear Materials Against Malevolent Actions, EUROSAFE 2001, Seminaire 5 SĂ©curitĂ© des matiĂšres nuclĂ©aires. http://www.eurosafe-forum.org/down2001/semb5_3.doc‱ R. Vernot, et al, Physical Protection, Accountancy and Control Systems Vulnerability Assessments, EUROSAFE 2002, Seminaire 5 SĂ©curitĂ© des matiĂšres nuclĂ©aires. http://www.eurosafe-forum.org/ipsn/pdf/euro2_5_5_physical_protection.pdf‱ J. Aurelle, et al, Short and Medium Term Consequences of the 11th September Attacks on Physical Protection Activities in France, EUROSAFE 2002, Seminaire 5 SĂ©curitĂ© des matiĂšres nuclĂ©aires. http://www.eurosafe-forum.org/ipsn/pdf/euro2_5_2_consequences_france.pdf

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Ainsi que l’indique l’IRSN dans une rĂ©cente communication consacrĂ©e Ă  “l’approche française enmatiĂšre de protection des containers de transport contre les actes de terrorisme”17, il n’existe pas dans larĂ©glementation française d’exigences formelles concernant la sĂ©curitĂ© des containers au-delĂ  desprescriptions Ă©tablies pour les accidents par les tests de l’AIEA. Contrairement aux obligationsfaites aux opĂ©rateurs d’installations nuclĂ©aires fixes, “il n’y a pas de cadre lĂ©gal permettant Ă  l’autoritĂ©compĂ©tente d’exiger que les transporteurs ou les concepteurs des colis procĂšdent Ă  l’évaluation de la tenuedes containers dans de telles conditions”, bien que cela semble contraire aux recommandations del’AIEA pour la protection physique des transports de matiĂšres nuclĂ©aires14.

En pratique, ceci confirme que le design du FS47 a Ă©tĂ© â€œĂ©valuĂ©â€ et certifiĂ© conforme sur la seule basede la satisfaction des exigence de sĂ»retĂ© dĂ©velopĂ©es pour les situations d’accident envisageables entermes de probabilitĂ© (c’est-Ă -dire crĂ©dibles). Ainsi il semble que le FS47, dont la conception date dudĂ©but des annĂ©es 198018, a Ă©tĂ© certifiĂ© et mis en service sans examiner sa rĂ©sistance spĂ©cifique auxactes de malveillance d’aucune sorte. L’IRSN reconnaĂźt d’ailleurs que, “pour fournir Ă  l’AutoritĂ© desĂ©lĂ©ments d’apprĂ©ciation, [il] a menĂ© des analyses basĂ©es Ă  la fois sur des expĂ©riences et des simulationsnumĂ©riques pour diffĂ©rentes sortes de containers et diffĂ©rentes conditions, depuis une dizaine d’annĂ©es”,motivĂ© par le constat que “la possibilitĂ© de telles agressions existe et considĂ©rant le nombre de transportsorganisĂ© chaque annĂ©e”17.

Toutefois, ce programme “d’apprĂ©ciation”, qui inclut des Ă©lĂ©ments sur la tenue du FS47 au feu et auxexplosifs, n’intĂšgre pas encore des exigences spĂ©cifiques au risque terroriste pour les transports, pourlesquelles le design du container pourrait ĂȘtre testĂ©. Au lieu de celĂ , l’IRSN base son approche pourestimer la sĂ©curitĂ© des containers de transport sur celle applicable pour les installations nuclĂ©aires19.Aussi, selon l’IRSN, “la procĂ©dure pour Ă©valuer les consĂ©quences du terrorisme sur les installationscomprend deux Ă©tapes. La premiĂšre est l’étude de sensibilitĂ© qui vise Ă  dĂ©terminer les consĂ©quencespotentielles (
). La seconde Ă©tape est l’analyse de la vulnĂ©rabilitĂ©, qui vise Ă  quantifier la difficultĂ© Ă mener une agression”.

Dans le cadre rĂ©glementaire français, qui “repose sur une approche basĂ©e sur l’évoluation desperformances plutĂŽt que la dĂ©monstration de conformitĂ©â€, c’est essentiellement la vulnĂ©rabilitĂ© qui estĂ©valuĂ©e dans les Ă©tudes spĂ©cifiques de sĂ©curitĂ© – lesquelles ne sont pas appliquĂ©es aux transports20.“L’analyse de sensibilitĂ© se base en particulier sur les Ă©tudes de sĂ»retĂ© pour identifier les sĂ©quencesaccidentelles possibles”, et est conduite “principalement sur la base d’une liste standard d’incidents etd’accidents prise en compte dans la phase de conception de l’installation”21 ou, pour le transport, laconception du vĂ©hicule ou du container. De surcroĂźt, s’agissant des objectifs de la protectionphysique, “les consĂ©quences considĂ©rĂ©es comme acceptables sont celles qui conduisent Ă  des niveaux derejets radioactifs infĂ©rieurs ou Ă©gaux Ă  ceux pris en compte dans l’étude de sĂ»retĂ© de l’installation (
)”17.

17 B. Autrusson, D. Brochard, “The French approach concerning the protection of shipping casks against terrorism”,

communication présentée à la conférence ASME Pressure Vessels and piping, Cleveland (USA), 21-24 juillet 2003.http://www.irsn.fr/net-science/liblocal/docs/docs_DEND/frenchapproach.pdfLes citations tirées de ce document, ainsi que des autres références en anglais citées dans cette note, sont traduitespar WISE-Paris.

18 A l’époque par la filiale de COGEMA, TransnuclĂ©aire (aujourd’hui COGEMA Logistics).19 Comme l’affirme l’IRSN, op.cit., “pour les installations nuclĂ©aires, les rĂ©glementations françaises Ă©tablissent que les

consĂ©quences d’agressions visant Ă  gĂ©nĂ©rer un danger en terme de sĂ»retĂ© et/ou des rejets de radioactivitĂ© dans l’environnementdoivent ĂȘtre estimĂ©es [et pour cela] Ă©valuĂ©es en termes de sĂ»retĂ©, de pollution de l’environnement et d’impact radiologiquepour la population”.

20 R. Vernot, et al, op. cit.21 J. Aurelle, et al, op. cit.

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Cette approche basĂ©e sur les consĂ©quences peut, si l’on considĂšre les grandes quantitĂ©s de plutoniumentreposĂ©es plutĂŽt que les quantitĂ©s moindres mises en jeu dans les transports Ă  un moment donnĂ©,se dĂ©velopper aux dĂ©pends d’un examen correct du potentiel liĂ© Ă  la plus grande frĂ©quenced’accidents et Ă  la plus forte vulnĂ©rabilitĂ© aux attaques terroristes concernant les cargaisons deplutonium au cours de leur transport22. En fait, une transposition de l’approche combinantsensibilitĂ© et vulnĂ©rabilitĂ© aux modalitĂ©s de transport indique un niveau de risque plus grand, ou aumoins comparable, par rapport au plutonium gĂ©rĂ© dans les installations fixes. En particulier, leniveau infĂ©rieur de protection (essentiellement celle offerte par le container FS47 lui-mĂȘme –Figure 1), et le niveau supĂ©rieur de vulnĂ©rabilitĂ© et de risque (le nombre beaucoup plus importantd’opportunitĂ©s offertes tout au long des itinĂ©raires, accessibles au public), explique pourquoi lesecret des transports (itinĂ©raires, contre-mesures Ă©quipant les vĂ©hicules et les remorques) est unĂ©lĂ©ment clĂ© et un pilier de l’approche française de la sĂ©curitĂ©.

Figure 1ïżœ: SchĂ©ma de l’emballage FS47 (Ă  gauche)et de son cylindre interne AA227 contenant jusqu’à cinq boĂźtes AA432 (Ă  droite)

Source : DGSNR, 2003; DOE, 2003

22 Par exemple, les quantités de plutonium mises en jeu dans les transports nucléaires sont bien sûr inférieures à celles

actuellement entreposĂ©es dans les usines de combustible MOX telles que l’ATPu Ă  Cadarache oĂč les LTAs doivent ĂȘtrefabriquĂ©s. Cependant, si l’ATPu utilisait environ 2,5 t de plutonium pour la fabrication de MOX par an, il estprobable que le volant de dioxyde de plutonium nĂ©cessaire Ă  la production n’était que de 1 Ă  1,5 t prĂ©sent Ă  un instantdonnĂ©. Ce volant peut ĂȘtre comparĂ© aux 150 kg environ de plutonium transportĂ©s par un seul camion, qui ne peutraisonnablement pas prĂ©senter les mĂȘmes garanties de dĂ©fense en profondeur contre les actes de terrorisme (ou desabotage) pendant son trajet sur le domaine routier, que le stock de plutonium placĂ© dans des cellules d’entreposagesĂ©curisĂ©es de l’usine de Cadarache. De plus, alors que l’éventail des dangers potentiels et des menaces sur le volant deplutonium sĂ©curisĂ© Ă  Cadarache peut ĂȘtre identifiĂ© avec un degrĂ© Ă©levĂ© de certitude (i.e. impact d’avion, vĂ©hicule piĂ©gĂ©,assaut d’un groupe armĂ©, etc.), l’éventail des dangers potentiels pour un transport de plutonnium est beaucoup pluslarge, et tellement variĂ© qu’il est virtuellement impossible d’en faire une liste et de s’en protĂ©ger de façon exhaustive.

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LA POLITIQUE DE SECRET

Le secret qui entoure les transports de PuO2 a Ă©tĂ© rĂ©guliĂšrement mis en dĂ©faut parGreenpeace (France) ces derniĂšres annĂ©es. Sur la base d’information publique, essentiellementd’observation sur le terrain des routes et des jours de transport, l’organisation environnementalemet ainsi Ă  jour de sĂ©rieuses failles dans les mesures de sĂ©curitĂ© appliquĂ©es pour les convois deplutonium. Greenpeace s’est ainsi montrĂ© en mesure de prĂ©voir les dates, les horaires et lesitinĂ©raires empruntĂ©s par le convoi de plutonium, essentiellement Ă  partir de sources d’informationdiretement accessibles au public23. A une occasion, le 19 fĂ©vrier 2003, des activistes de Greenpeaceont interceptĂ© et immobilisĂ© pendant plusieurs heures, dans le centre-ville de Chalon-sur-SaĂŽne, uncamion transportant environ 150 kg de plutonium.

En rĂ©ponse Ă  cette dĂ©monstration de Greenpeace, les autoritĂ©s françaises ont introduit un arrĂȘtĂ©hautement controversĂ©24 interdisant, dans le cadre de la loi sur la protection du secret-dĂ©fense, ladĂ©tention et la diffusion de certaines informations concernant les conditions d’entreposage, demanipulation, ou de transport des matiĂšres nuclĂ©aires. Suite aux trĂšs fortes rĂ©actions politiques etpubliques, une version plus prĂ©cise de l’arrĂȘtĂ© a Ă©tĂ© publiĂ©e en janvier 200425, bien que la dĂ©finitionde l’information devant ĂȘtre classĂ©e secrĂšte y reste trĂšs ambigĂŒe, y compris dans la circulaired’explication peu Ă©clairante qui l’accompagnait26. Concernant la classification de l’informationrelative aux transports, l’arrĂȘtĂ© stipule clairement que le secret s’applique spĂ©cifiquement auxmatiĂšres nuclĂ©aires dĂ©finies comme CatĂ©gorie I27 et aux matiĂšres non irradiĂ©es de CatĂ©gorie II, ce quiselon l’application française de ces catĂ©gories dĂ©finies par l’AIEA, vise en particulier les transportsde plutonium sĂ©parĂ© et de combustible MOX non irradiĂ©. Ceci est justifiĂ© par le fait que,“considĂ©rant le niveau actuel des menaces existantes”, il n’y a pas lieu de classifier l’informationrelative aux autres transports de matiĂšres nuclĂ©aires (matiĂšres irradiĂ©es de CatĂ©gorie II et toutesmatiĂšres de CatĂ©gorie III). Cet arrĂȘtĂ© “secret dĂ©fense” reste contestĂ© sur le terrain juridique parplusieurs organisations concernĂ©es28.

Cependant, la poursuite de l’action de Greenpeace, incluant une information en ligne et en tempsrĂ©el sur des transports de plutonium en cours29, a montrĂ© que la logique de classification peutdifficilement garantir le secret, alors mĂȘme que les convois de transport sont trĂšs facilementidentifiables sur la voie publique. En d’autres termes, si l’organisation environnementaleGreenpeace est en mesure d’identifier et de localiser par avance les transports de plutonium, il n’y a

23 Voir : http://www.stop-plutonium.org24 ArrĂȘtĂ© du 24 juillet 2003 relatif Ă  la protection du secret de la dĂ©fense nationale dans le domaine de la protection et du

contrÎle des matiÚres nucléaires, Journal Officiel, n° 183, 9 août 2003, p. 13859.http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/UnTexteDeJorf?numjo=INDI0301765A

25 ArrĂȘtĂ© du 26 janvier 2004 relatif Ă  la protection du secret de la dĂ©fense nationale dans le domaine de la protection et ducontrĂŽle des matiĂšres nuclĂ©aires pris pour l’application du dĂ©cret n° 98-608 du 17 juillet 1998 relatif Ă  la protection dessecrets de la dĂ©fense nationale, Journal Officiel, n° 24, 29 janvier 2004, p. 2092.http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/UnTexteDeJorf?numjo=INDI0402369A

26 Circulaire du 26 janvier 2004 prise pour l’application de l’arrĂȘtĂ© du 26 janvier 2004 relatif Ă  la protection du secret de ladĂ©fense nationale dans le domaine de la protection et du contrĂŽle des matiĂšres nuclĂ©aires, Journal Officiel, n° 24,29 janvier 2004, p. 2098 - circulaire du Haut-fonctionnaire de dĂ©fense auprĂšs du MinistĂšre de l’industrie, DidierLallemand.http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/UnTexteDeJorf?numjo=INDI0402369C

27 AIEA INFCIRC/225/Rev 4.28 Plusieurs recours contre la premiĂšre et la seconde version de l’arrĂȘtĂ© ont Ă©tĂ© introduits au Conseil d’Etat, notamment

par une organisation environnementale (Greenpeace), des agences indĂ©pendantes d’expertise etd’information (CRII-Rad, WISE-Paris), et une association de journalistes (Reporters sans frontiĂšres).

29 Voir par exemple les dĂ©tails publiĂ©s sur le site internet “Stop plutonium” de Greenpeace Ă  propos d’un transportsurvenu les 31 aoĂ»t et 1er septembre 2004.

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pas d’obstacle pour que d’autres organisations, moins bien intentionnĂ©es et non pacifiques, puissentfaire de mĂȘme. Autrement dit, le “secret dĂ©fense” est totalement inefficace en la matiĂšre.

POTENTIEL POUR UNE CATASTROPHE

Le comportement mĂ©canique et thermique du container FS47, lorsqu’il est soumis Ă  certainescontraintes, qui ne reprĂ©sentent pas nĂ©cessairement les situations les plus endommageantes, ainsique les projections sur les fractions du contenu en plutonium relĂąchĂ©es et leurs consĂ©quences, ontĂ©tĂ© analysĂ©s, estimĂ©s et discutĂ©s dans une sĂ©rie de publications.

Plusieurs Ă©tudes ont contestĂ© les estimations officielles sur la sĂ»retĂ© et la sĂ©curitĂ© des transports deplutonium en France. En particulier, des Ă©tudes sĂ©parĂ©es commanditĂ©es par Greenpeace (France) etGreenpeace International ont conduit l’agence indĂ©pendante française WISE-Paris30 et le cabinet deconsultants britannique Large & Associates31 Ă  identifier sensiblement les mĂȘmes lacunes dans lagestion des transports de plutonium en France. De façon exceptionnelle, l’IRSN a rĂ©pondupubliquement, en mettant en ligne sur son site internet une brĂšve rĂ©ponse constestant vivement lesanalyses critiques et les rĂ©sultats de ces deux Ă©tudes32.

Cette rĂ©futation de l’IRSN, toutefois, ne faisait aucune mention et ne tenait aucun compte derecherches antĂ©rieures du mĂȘme IRSN sur l’intĂ©gritĂ© du container FS47 qui montrent que sescaractĂ©ristiques permettent (par rupture de l’emballage) de trĂšs importants relĂąchements deplutonium33.

En premier lieu, les conclusions argumentées des études de WISE-Paris et Large & Associates sontles suivantes :

Rapport de WISE-Paris : Le rapport de WISE-Paris, qui s’appuie sur une prĂ©cĂ©dente Ă©tudede 199534, arrive en rĂ©sumĂ© aux conclusions suivantes:

o Le nombre de transports de PuO2 en France pour une annĂ©e typique, ou reprĂ©sentative35,s’élĂšve Ă  de l’ordre de 89 cargaisons parcourant une distance cumulĂ©e d’environ 250.000 kmpar an.

o Il est relativement simple de confronter les informations sur les mouvements de plutoniumavec les statistiques d’accidentologie routiĂšre disponibles et avec les dangers identifiĂ©s sur les

30 Y. Marignac (Dir.), X. Coeytaux, M. Schneider & al., Les transports de l’industrie du plutonium en France : une activitĂ© Ă 

haut risque, WISE-Paris, février 2003.Résumé: http://www.wise-paris.org/francais/rapports/transportpu/030219TransPuResume.pdfRapport: http://www.wise-paris.org/francais/rapports/transportpu/030219TransPuRapport.pdfAnnexes: http://www.wise-paris.org/francais/rapports/transportpu/030219TransPuRapport_Annexes.pdf

31 Large & Associates, Potential Radiological Impact and Consequences Arising from Incidents Involving a Consignment ofPlutonium Dioxide under Transit from COGEMA La Hague to Marcoule/Cadarache, R3108-A6, 2 mars 2004.http://www.greenpeace.org/international_en/multimedia/download/1/424600/0/Large_report.pdf

32 IRSN, Risques de rejet radioactif lors du transport routier de poudre d'oxyde de plutonium en colis FS47, nondaté (mars/avril 2004).http://www.irsn.fr/vf/05_inf/05_inf_1dossiers/05_inf_35_pu/05_inf_35_pu.shtm

33 B. Autrusson, D. Brochard, op. cit.34 M. Pavageau, J. Hazemann & M. Schneider, Les transports de l’industrie du plutonium en France,

WISE-Paris, octobre 1995.35 AnnĂ©e reprĂ©sentative dĂ©duite d’un total de 450 cargaisons environ, reprĂ©sentant un total de 39 tonnes de poudre de

dioxyde de plutonium sur une période de 5 ans ou plus.

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itinĂ©raires empruntĂ©s, tels que la frĂ©quence des vitesses d’impact, des feux, etc. et lalocalisation des ponts Ă©levĂ©s, des viaducs, des tunnels, etc.

o Il en rĂ©sulte que le container FS47, avec une rĂ©sistance certifiĂ©e conforme aux rĂšgles detransport de l’AIEA36, verrait sa sĂ»retĂ© dĂ©gradĂ©e dans les conditions rencontrĂ©es dans1 accident routier rĂ©el sur 20 (dont la moitiĂ© inclut un feu grave) tels qu’ils se produisent surles routes françaises.

o En consĂ©quence, “le dimensionnement mĂ©canique et thermique des emballages detransport (FS47) est au moins minimaliste, voire insuffisant”, ceci Ă©tant illustrĂ© par l’évaluationde la tenue du container dans des scĂ©narios rĂ©alistes, incluant un choc suivi d’un feu avec uncamion citerne d’hydrocarbure, et une action terroriste utilisant une arme lourde anti-char.

o Selon une analyse globale des consĂ©quences radiologiques prĂ©visibles d’un tel Ă©vĂ©nementsurvenant dans la banlieue nord de Lyon, les populations concernĂ©es par l’accident avecimpact et feu pourraient atteindre 6.000 personnes, entraĂźnant plusieurs dizaines de cancersfatals, tandis que pour l’attaque terroriste, 250.000 personnes pourraient ĂȘtre concernĂ©es,sur une zone de plus de 250 km2, avec des consĂ©quences de l’ordre de 500 cancersdĂ©veloppĂ©s Ă  moyen et long terme.

o En guise de recommandation, “il serait souhaitable que les autoritĂ©s compĂ©tentes chargent leursappuis techniques, en l’occurrence l’IRSN (
) des calculs dĂ©taillĂ©s des consĂ©quences de ce typed’accident. Les rĂ©sultats de ces Ă©tudes devraient ĂȘtre rendus publics”.

La rapport WISE-Paris pointait Ă©galement le manque d’information et l’insuffisante prĂ©paration desautoritĂ©s locales Ă  une situation d’urgence le long des itinĂ©raires empruntĂ©s par le plutonium de LaHague Ă  Cadarache et Marcoule, notant qu’en cas de besoin le public serait trĂšs mal prĂ©parĂ© Ă mettre en Ɠuvre ne serait-ce que les plus basiques mesures d’auto-protection dans les suitesimmĂ©diates du rejet radioactif.

Rapport de Large & Associates : Cette Ă©tude Ă©tait spĂ©cifiquement centrĂ©e sur les risques associĂ©sau “transports routiers de dioxyde de plutonium entre l’usine de retraitement de la COGEMA Ă  LaHague, prĂšs de Cherbourg et les usines de fabrication de MOX (combustible oxyde mixte) de Cadarache etde Marcoule, dans le sud-est de la France”, et incluait les principaux Ă©lĂ©ments prĂ©sentĂ©s ensuite parLarge & Asssociates au cours d’auditions37 de la U.S. NRC sur l’exportation de plutonium vers laFrance (programme Eurofab), dont les conclusions peuvent ĂȘtre rĂ©sumĂ©es comme suit :

36 Le RÚglement AIEA 1996, TS-R-1 spécifie que le dimensionnement des containers de transport, incluant le

container FS47, comme le demande aussi la rĂ©glementation française, elle-mĂȘme dĂ©rivĂ©e des standards de sĂ»retĂ© del’AIEA, doit ĂȘtre basĂ© sur des considĂ©rations de sĂ»retĂ© de rĂ©sistance aux chocs mĂ©talliques et aux conditions de feu,telles que celles rencontrĂ©es en cas d’accident.Les exigences de sĂ»retĂ© applicables au FS47 guarantissent la tenue ducontainer dans les conditions suivantes :- une chute de 9 mĂštres sur une surface indĂ©formable et de 1 mĂštre sur un poinçon mĂ©tallique ;- un feu enveloppant de 800°C pendant 30 minutes ;- une immersion sous 0,9 m d’eau au moins pendant 8 heures;

et, non applicable au transports terrestres mais pertinent pour les transports maritimes tels que dans le cas du transportde plutonium amĂ©ricain :- une immersion sous 200 m d’eau pendant au moins une heure.

37 J. H. Large, 1) Disposition of Surplus Weapons Plutonium Using Mixed Oxide Fuel – Comments on Opinion on theApplicability and Sufficiency of the Safety, Security and Environmental Requirements and Measures as these Apply to theTransatlantic Shipment, European Waters and France, 2) The Role of PNTL Ships in the Atlantic Transit Phases, UnitedStates of America Nuclear Regulatory Commission, 26 novembre 2003, 3) Summary of the Findings of the French-sourced Plutonium Dioxide Transportation, 23 mars 2004 – Auditions devant la Nuclear Regulatory Commission, 2004.

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o Comme hypothĂšse de rĂ©fĂ©rence sur le relĂąchement en cas de rupture d’un container,Large & Associates adopte la fraction relĂąchĂ©e dĂ©terminĂ©e par l’étude Eurofab du U.S.DOE38, sur le projet de transfert de plutonium en France, cette fraction Ă©tant Ă©gale Ă  595 g,sous forme de particules aĂ©rosol de taille respirable (ou 3,5 % du contenu du containerrompu), et l’applique aux transports français de PuO2 de qualitĂ© rĂ©acteur, avec 9 containerspar vĂ©hicule.

o Cette fraction relĂąchĂ©e est appliquĂ©e pour les scĂ©narios (i) d’un accident de la route causantde sĂ©rieux dommages au cours duquel un container FS47 se rompt, (ii) d’un accidentsimilaire au cours duquel, dans un vĂ©hicule, trois containers FS47 se rompent (pour tenircompte de la diffĂ©rence entre l’analyse du DOE sur un transport de trois FS47 par vĂ©hiculeet la pratique française oĂč chaque camion transporte neuf FS47), (iii) un accident de la routeoĂč les deux vĂ©hicules sont pris dans un incendie sous un tunnel, oĂč tous les containers serompent (soit 18 containers), et (iv) une attaque terroriste soigneusement prĂ©parĂ©e etexĂ©cutĂ©e contre l’un des deux vĂ©hicules du convoi (oĂč neuf containers se rompent).

o La probabilitĂ© (frĂ©quence) de chaque scĂ©nario d’accident, dĂ©terminĂ©e Ă  partir des estimationsamĂ©ricaines, indique que “la probabilitĂ© d’une collision avec un car ou un camion Ă  une vitessede 80 km/h par exemple, avec impact sur un obstacle tel qu’une pile de pont, suivie d’un feuenveloppant d’une durĂ©e de deux ou trois heures est de 6,06.10-7”, soit un risque de 1 sur1,6 million, tandis que pour le scĂ©nario d’attaque terroriste l’approche probabiliste estĂ©cartĂ©e car non applicable, le risque Ă©tant mathĂ©matiquement celui d’une Ă©ventualitĂ©.

o A partir de modĂšles numĂ©riques de rĂ©fĂ©rence39, alimentĂ©s par des donnĂ©es mĂ©tĂ©orologiques,gĂ©ographiques et dĂ©mographiques rĂ©elles pour deux localisations considĂ©rĂ©es (prĂšs de Pariset de Lyon), en intĂ©grant les effets de contre-mesures raisonnablement envisageables, lesprojections calculĂ©es sur le taux de mortalitĂ© Ă  long terme indiquent, pour la mortalitĂ©moyenne, un nombre de 34 Ă  1.323 victimes, et pour la mortalitĂ© maximum, de 523 Ă 11.250 victimes, les valeurs les plus Ă©levĂ©es correspondant Ă  l’accident routier avec un feudans un tunnel.

o Dans le scĂ©nario oĂč le relĂąchement est provoquĂ© par une action terroriste, la population quidevrait s’abriter, autour de Paris par exemple, va de 40.000 Ă  plusieurs millions de personnessur une zone allant jusqu’à 900 km2, et les zones nĂ©cessitant le relogement des populationspourraient s’étendre jusqu’à 15 km du lieu de l’incident.

38 Les différents documents évaluant la sûreté du FS47 dans le cadre des transports de plutonium requis pour le

programme MOX dans le plan d’immobilisation du plutonium en surplus amĂ©ricain incluent les rapports Ă  la NRCsuivants :‱ Department of Energy, Storage and Disposition of Weapons-Usable Fissile Materials Final Programmatic Environmental Impact Statement (Storage and Disposition PEIS), DOE/EIS-0229, dĂ©cembre 1996 ;‱ Department of Energy, Surplus Plutonium Disposition Environmental Impact Statement (SPD EIS), DOE/EIS-0283, novembre 1999 ;‱ Department of Energy, Supplement Analysis, Fabrication of Mixed Oxide Fuel Lead Assemblies in Europe, DOE/EIS-0229-SA3, novembre 2003.

39 La modĂ©lisation de la concentration, de la dispersion et du dĂ©pĂŽt du panache est rĂ©alisĂ©e avec le modĂšle NOAAHYSPLITT de concentration et dispersion atmosphĂ©rique du USD Air resources Laboratory.La prĂ©vision sur la hauteur du panache utilise Hotspot, le modĂšle prĂ©dictif du Lawrence Livermore NationalLaboratory sur les relĂąchements.L’impact environnemental, y compris les consĂ©quences sanitaires, est calculĂ© avec COSYMA, le modĂšle soutenu etapprouvĂ© par la Commission europĂ©enne pour l’évaluation des accidents nuclĂ©aires, dĂ©veloppĂ© pour les installations Ă partir du code Maria (Methods for Assessing Radiological Impact of Accidents). Le modĂšle adopte l’hypothĂšseuniverselle d’une relation dose-effet linĂ©aire et se base sur les recommandations de la Commission internationale sur laprotection radiologique (CIPR) pour les facteurs de morbiditĂ© et de mortalitĂ© et l’utilisation de la mĂ©thode des doseseffectives Ă©quivalentes (effective dose equivalent, EDE). Pour les donnĂ©es sur la population le modĂšle COSYMA utilisedes donnĂ©es dĂ©mographiques rĂ©elles sur la base d’une grille de 10 km2.

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Large & Associates a aussi tĂ©moignĂ© Ă  trois reprises37 dans le cadre d’auditions sur la licensed’exportation de l’U.S. DOE pour l’envoi de plutonium militaire amĂ©ricain vers laFrance (Eurofab), permettant d’établir une comparaison entre les approches respectives desautoritĂ©s françaises et amĂ©ricaines sur la sĂ»retĂ© et la sĂ©curitĂ©, qui conclut : “bien qu’utilisant lesmĂȘmes containers pour le transport (FS47), les Etats-Unis limitent le nombre de containers par vĂ©hiculeĂ  3, contre 9 containers pleins chargĂ©s par vĂ©hicule dans les transports français. Le convoi amĂ©ricaincomprend des camions construits sur mesure (Safe Secure Transport, ou SST), totalement blindĂ©s etĂ©quipĂ©s avec au moins deux systĂšmes empĂȘchant automatiquement l’enlĂšvement des containers, et desvĂ©hicules blindĂ©s de transport de troupes qui escortent le vĂ©hicule tout au long de son trajet, alors que levĂ©hicule français semble Ă  peine plus qu’un vĂ©hicule de traction commercial tirant une remorquestandard sur laquelle est fixĂ© un conteneur ISO, les deux camions formant le convoi Ă©tant accompagnĂ©spar 6 Ă  8 gendarmes transportĂ©s dans ce qui ressemble Ă  une fourgonnette et une voiture banale, tous deuxnon blindĂ©s”, et note un incroyable – et inexpliquĂ© – Ă©cart dans les Ă©valuations de la sĂ»retĂ© ducontainer dans les conditions accidentelles, puisque “l’analyse amĂ©ricaine arrive Ă  la conclusion que lecontainer FS47 peut se rompre dans un accident de la route, et qu’un relĂąchement de 595 g par colisembarquĂ© est possible, tandis que l’analyse française affiche une confiance absolue dans la sĂ»retĂ© du colisFS47, au point que le plus grave accident considĂ©rĂ© comme crĂ©dible ne conduit qu’au relĂąchementde 0,07 g”.

RÉPONSE DE L’IRSN

La brĂšve note publiĂ©e par l’IRSN40 en rĂ©ponse aux Ă©tudes respectives de WISE-Paris et Large &Associates rejette globalement leurs conclusions sur l’échelle des consĂ©quences potentielles localessur le trajet des transports, et confirme l’estimation de l’IRSN selon laquelle 0,07 g est la quantitĂ©maximale de plutonium relĂąchĂ© par un FS47, et donc le niveau sur lequel se basent les plansd’urgence ; elle rejette Ă©galement, de façon trĂšs lĂ©gĂšre, les fractions de relĂąchement Ă©valuĂ©es auxEtats-Unis, adoptĂ©es par l’analyse de Large & Associates.

La rĂ©ponse de l’IRSN est loin d’apporter une rĂ©futation effective aux conclusions prĂ©cises des deuxĂ©tudes indĂ©pendantes :

‱ L’IRSN ne fait aucun commentaire sur l’inadĂ©quation des exigences et tests TS-R-1 del’AIEA avec les conditions rĂ©elles d’évĂ©nements, accidents ou agressions, en particulier lestests de chute, de pĂ©nĂ©tration d’objet perforant et de rĂ©sistance thermique.

‱ L’IRSN n’apporte aucune rĂ©ponse aux conclusions de WISE-Paris sur l’insuffisance desexigences de sĂ»retĂ© au regard des statistiques d’accidents routiers et des conditions de trafficpour le transport de matiĂšres dangereuses en France, pas plus qu’à la faible mais nonnĂ©gligeable probabilitĂ© d’accidents trĂšs endommageants identifiĂ©e par Large & Asssociates.

‱ L’IRSN n’apporte aucune explication correcte au fait qu’il apparaĂźt raisonnable dansl’analyse amĂ©ricaine, pour le plutonium en transit sur les routes des Etats-Unis, de conclureĂ  une fraction relĂąchĂ©e beaucoup plus Ă©levĂ©e, comme l’a retenu Large & Associates, alorsque l’IRSN justifie, pour le mĂȘme container FS47 transportĂ© dans un vĂ©hicule apparemmentmoins robuste, de rĂ©duire l’hypothĂšse de relĂąchement la plus pĂ©nalisante d’un facteurde ~8.500, de 595 g aux Etats-Unis Ă  0,07 g pour le mĂȘme emballage FS47 en transiten France.

L’IRSN concentre en fait sa rĂ©ponse sur les marges entre les exigences rĂ©glementaires desĂ»retĂ© (TS-R-1) et ce qu’il prĂ©tend ĂȘtre les limites rĂ©elles de rĂ©sistance mĂ©canique et thermique duFS47. Il s’appuie pour cela sur les Ă©valuations conduites sur les performances du FS47 au delĂ  des

40 IRSN, mars-avril 2004, op. cit.

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exigences de sûreté entre 1994 et 2002. Sur la base des résultats de ce programme, ledimensionnement du FS47 est proclamé résistant à des conditions bien plus sévÚres que cellesrequises par la réglementation française (TS-R-1) :

‱ “Il a en particulier Ă©tĂ© montrĂ© qu’en cas d'impact dans des conditions d’accidentrĂ©alistes (impact Ă  70 km/h sur diverses cibles mĂ©talliques, impact Ă  113 km/h sur une dallede bĂ©ton armĂ©), il n’y avait pas de dĂ©faillance du confinement de l’oxyde de plutonium” ;

‱ “il a Ă©tĂ© dĂ©terminĂ© par calcul que, pour une hauteur de chute de 50 mĂštres [sur une dalle enbĂ©ton armĂ©], l’endommagement du colis serait comparable Ă  celui rĂ©sultant d’une chute de 9mĂštres sur une cible indĂ©formable” ;

‱ selon les deux types de joint d’étanchĂ©itĂ© utilisĂ©s, l’intĂ©gritĂ© du container dans un feu de800°C est maintenue pendant 5 h 30 mins etenviron 10 heures, et pour un feu de1.000°C pendant 4 heures et 7 heures.

L’IRSN tire de ces rĂ©sultats la conclusion absolue “qu’un accident de transport ne peut pas conduire Ă une brĂšche dans le colis” et que “le rejet d’oxyde de plutonium lors d’un tel accident ne pourrait rĂ©sulterque de la perte d’efficacitĂ© du joint d’étanchĂ©itĂ© de l’emballage en cas d'incendie de longue durĂ©e, associĂ©e Ă une dĂ©gradation des trois barriĂšres de confinement internes”. L’IRSN considĂšre que seule une fractionde la petite quantitĂ© de poudre de plutonium qui peut s’échapper dans la cavitĂ© interne du containerpourrait ĂȘtre remise en suspension et s’échapper lors de la dĂ©pressurisation, au moment de ladĂ©gradation du joint d’étanchĂ©itĂ© sous l’effet du feu. L’IRSN Ă©value cette fraction Ă  0,07 g et dĂ©signele scĂ©nario de rĂ©fĂ©rence qui pourrait conduire Ă  ce niveau le plus pĂ©nalisant de rejet, soit “unscĂ©nario avec collision d’un convoi de colis FS47 et d’une citerne d'hydrocarbure, suivie d’un incendie delongue durĂ©e” – qui, prĂ©cise l’IRSN, “couvre le cas d’un accident survenant dans un tunnel routier”.

Toutefois, un examen plus dĂ©taillĂ© du programme de test dĂ©veloppĂ© sur le FS47 entre 1994 et 2002rĂ©vĂšle des lacunes dans la dĂ©monstration de l’IRSN :

‱ Les Ă©tudes thermiques menĂ©es dans le cadre du programme IRSN41 ne comprennent, endehors d’un seul test thermique rĂ©el Ă  800°C pendant 3 heures et 25 minutes rĂ©alisĂ© en 1993,que des simulations numĂ©riques.

‱ Ainsi, les conclusions de l’IRSN sur la tenue thermique du FS47 Ă  des tempĂ©ratures et pourdes durĂ©es plus Ă©levĂ©es sont extrapolĂ©es d’une seule expĂ©rience avec des conditions moinssĂ©vĂšres – une mĂ©thodologie qui s’accompagne d’une grande incertitude intrinsĂšque.

‱ Il en va de mĂȘme pour l’évaluation de la rĂ©sistance aux impacts du FS47, l’IRSN notant parexemple, dans le cas d’un FS47 tombant, en position inclinĂ©e, de 16 m sur un second FS47,en position verticale (Figure 2), que “la partie supĂ©rieure de son systĂšme de fermeture est

41 Les programmes de recherche sur les performances mécaniques et techniques du FS47 qui constituent la base de la

dĂ©claration de l’IRSN sont respectivement dĂ©crits et commentĂ©s dans :‱ R. VallĂ©e, L. Piot, “Simulations du comportement mĂ©canique de colis de transport de matiĂšres radioactives sur cibles rĂ©elles”, in apport scientifique et technique IRSN, 2002, IRSN, dĂ©cembre 2002, pp. 102-108. http://www.irsn.org/net-science/liblocal/docs/docs_DIR/RST2002/Chap03_art1.pdf‱ F. Chalon, M. HĂ©ritier, B. Duret, “Numerical Study of the Thermal Behaviour of Packages Subjected to Fires of Long Duration”, in Proceedings, PATRAM’98, 12th International Conference on the Packaging and Transportation of Radioactive Materials, Paris, 10-15 mai 1998, vol. 4, pp. 1773-1780.Des informations complĂ©mentaires sont donnĂ©es par :‱ S. Felix, F. Chalon & al, “Safety margins for radioactive material transport packages subject to fire: experimental work-development of numerical simulation tools”, in Rapport scientifique et technique IRSN, 2000, IRSN, dĂ©cembre 2000, pp. 87-93. http://www.irsn.fr/vf/09_int/09_int_3_lib/pdf/rst2000/087-93.PDF

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impactĂ©e, mais la modĂ©lisation utilisĂ©e n’est pas assez prĂ©cise pour permettre de dĂ©terminerl’endommagement causĂ© et diagnostiquer une Ă©ventuelle perte d’étanchĂ©itĂ©â€.42

Figure 2ïżœ: Test grandeur rĂ©elle (Ă  gauche) et simulation numĂ©rique (Ă  droite)pour l’évaluation de la tenue du FS47 en cas d’accident de manutention

Source : DSIN, 2001; IRSN, 2002

Tenue mĂ©canique : Par rapport Ă  la reconstitution de conditions rĂ©elles d’accident ou d’attaqueterroriste, les tests et simulations menĂ©s par l’IRSN sont assez Ă©loignĂ©s de la rĂ©alitĂ©. Par exemple,l’IRSN ne fait pas rĂ©fĂ©rence aux impacts perforants ; de plus, les simulations sont toutes appliquĂ©esĂ  des impacts longitudinaux, avec une chute verticale du container, sans rotation induite, et lesimpacts se produisent toujours Ă  l’extrĂ©mitĂ© oĂč ils sont amortis par l’absorbeur de choc.

Le thĂšme gĂ©nĂ©ral des programmes de tests et modĂ©lisations rĂ©alisĂ©s par l’IRSN se rĂ©fĂšre clairementaux problĂšmes de manutention, en particulier dans les opĂ©rations de levage par grue, et pas auxsituations d’accident au cours du transport routier, oĂč les forces en jeu seraient probablement pluscomplexes et de plus grande magnitude. En particulier, la tenue d’un groupe de containersmaintenus par un rĂątelier (Figure 3) et soumis Ă  un impact transversal n’est absolument pasdĂ©terminĂ©e.

42 R. Vallée, L. Piot, op. cit.

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Figure 3ïżœ: Une cargaison de plutonium de FS47 maintenus verticalementdans un rĂątelier, en cours de chargement dans un camion non blindĂ©,conformĂ©ment aux dispositions courantes en France

Source : DSIN, 2001

Tenue Ă  l’impact et au feu : Une omission importante de l’évaluation des performances du FS47dans le programme de l’IRSN concerne la tenue dans un feu enveloppĂ© d’un FS47 prĂ©alablementendommagĂ© par un choc.

Bien que la conformitĂ© aux exigences du Type B(U) de l’AIEA impose que le test thermique suive letest de chute de 9 mĂštres, l’IRSN se dĂ©robe, lorsqu’il affirme que le FS47 est capable de rĂ©sister Ă  desconditions plus sĂ©vĂšres, a cette question, en particulier des dommages mĂ©caniques et/ou desdĂ©placements subis par les Ă©quipements d’évacuation de la chaleur et de protection thermique, avantd’ĂȘtre soumis au feu enveloppant. Alors que les rĂ©sultats de l’IRSN dĂ©montrent que “l’effetd’isolation thermique produit par le composite et le plĂątre joue un rĂŽle trĂšs important dans la protectiondu contenu”43, cet effet peut ĂȘtre perdu aprĂšs les dommages crĂ©Ă©s par un impact. En d’autres termes,la fragilitĂ© apparente de la protection thermique interne (en plĂątre) peut rendre insuffisante la tenued’un container endommagĂ© Ă  un feu enveloppant d’une durĂ©e significative, auquel cas les accidentsroutiers les plus graves identifiĂ©s par WISE-Paris et Large & Associates reprĂ©senteraient une sĂ©rieusemenace pour l’intĂ©gritĂ© du FS47.

Une autre omission des tests thermiques, qui les rendrait plus reprĂ©sentatifs d’accidents rĂ©els si elleĂ©tait prise en compte, est que les tests thermiques et les simulations numĂ©riques neprennent (apparemment) pas en compte l’apport en chaleur radiante des surfacesavoisinantes (Ă©missivitĂ©). Ce facteur est important lorsque le feu enveloppant se situe dans un espaceconfinĂ© tel qu’un tunnel (ce qui s’applique Ă©galement au conteneur du camion de transport), oĂč lestempĂ©ratures peuvent nettement dĂ©passer les tempĂ©ratures de combustion deshydrocarbures (~880°C). Des feux Ă  des tempĂ©ratures aussi Ă©levĂ©es contribueraient Ă©galementsensiblement Ă  l’élĂ©vation du panache, et donc Ă  l’extension des zones de dispersion et de retombĂ©ede la fraction relĂąchĂ©e de plutonium, ainsi que le montrent les modĂ©lisations de Large & Associates.

43 F. Chalon, M. HĂ©ritier, B. Duret, op. cit.

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Fraction relĂąchĂ©e : C’est ainsi l’affirmation rĂ©solue de l’IRSN sur la fraction relĂąchĂ©e de 0,07 g quiest sans substance.

Une sĂ©rieuse lacune, Ă©vidente dans le raisonnement de l’IRSN, concerne le fait que, dans untransport d’un lot de 9 ou 10 containers par vĂ©hicule, un seul container connaĂźtrait un relĂąchement,limitant ainsi le rejet Ă  la fraction prĂ©dĂ©terminĂ©e de 0,07 g. En fait, il n’y a rien dans la rĂ©ponse del’IRSN ou dans ses publications sur le programme de test qui explique comment les tests et lessimulations menĂ©s pour un seul container FS47 peuvent ĂȘtre extrapolĂ©s pour justifier que sur unrĂątelier de 9 Ă  10 containers un seul subisse une perte de confinement, mĂȘme mineure.

Dans sa rĂ©futation de la valeur bien plus Ă©levĂ©e retenue dans ses Ă©valuations par le US DOE, l’IRSNdĂ©clare que la fraction relĂąchĂ©e de 10 % de la NUREG-017044 n’est pas valide, car cette valeur estbasĂ©e sur des expĂ©riences menĂ©es dans les annĂ©es 1970 sur des containers beaucoup plus lĂ©gers quele FS47 qui sont dĂ©passĂ©es et ne peuvent ĂȘtre directement transposĂ©es. En rĂ©alitĂ©, l’IRSN semĂ©prend sur, ou refuse de prendre en compte, la fraction adoptĂ©e par l’US DOE, qui utilise unevaleur relĂąchĂ©e plus faible, de 3,5 %, dans les scĂ©narios d’accident routiers45 (valeur Ă©galementappliquĂ©e par Large & Associates)46, bien que cette fraction utilisĂ©e par l’US DOE soit 8.500 foissupĂ©rieure Ă  la valeur de relĂąchement postulĂ©e par l’IRSN de 0,07 g, et bien que l’étude du USDOE, datĂ©e de 2003, soit plus rĂ©cente que les derniers travaux publiĂ©s par l’IRSN dans ce domaine.

Tenue du FS47 face aux actions terroristes : Jusque trĂšs rĂ©cemment, la principale riposte del’approche française en matiĂšre de contre-terrorisme pour les transports de plutonium semblait ĂȘtrelimitĂ©e au maintien du secret sur les horaires et itinĂ©raires des convois, bien que ceci se soit rĂ©vĂ©lĂ©totalement inefficace au vu de l’information publiĂ©e par Greenpeace sur les transports.

Toutefois, il apparaĂźt que “l’approche française concernant la protection des containers de transportcontre les actes terroristes” (rendue publique il y a quelques mois seulement)47, a intĂ©grĂ© des tests etdes essais car “bien que ceci ne soit pas explicitement exigĂ© dans la rĂ©glementation française, la sĂ©curitĂ©des containers doit ĂȘtre Ă©tudiĂ©e dans le contexte des conditions susceptibles d’ĂȘtre provoquĂ©es parle terrorisme”.

Pour cette recherche, “en 1996, l’IRSN a entamĂ© un programme concernant le FS47, utilisĂ© pour letransport de poudre de PuO2, soumis Ă  une dĂ©tonation d’une large quantitĂ© d’explosif”. Ce programme

44 NRC, Final Environmental Impact Statement on the Transportation of Radioactive Material by Air and Other Modes,

NUREG-0170, dĂ©cembre 1977.45 L’ignorance des bases des plus rĂ©centes Ă©valuations du DOE a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© mise en Ă©vidence dans les apprĂ©ciations nĂ©gatives

de l’autoritĂ© de sĂ»retĂ© nuclĂ©aire au moment de la parution du rapport de Large & Associates, en mars 2004. Parexemple, “Jacques Aguilar, directeur en charge du cycle du combustible et des transports au sein de l’agence de contrĂŽlenuclĂ©aire, la DGSNR, a dĂ©clarĂ© que le relĂąchement de 595 g utilisĂ© dans le DOE EIS et repris par Large Ă©tait basĂ© sur une‘valeur empirique ou enveloppe’ de coefficient de relĂąchement tirĂ©e d’un document de 1977, jamais mis Ă  jour”, citĂ© dans“Greenpeace: Pu shipments vulnerable; Cogema, French official disagree”, Nuclear Fuel, vol. 29, n° 6,15 mars 2004 (traduction WISE-Paris).

46 En fait, contrairement Ă  l’affirmation de l’IRSN, Large & Associates n’utilise pas la fraction relĂąchĂ©e de 10 % deNUREG-0170, Ă  part comme variante pour un scĂ©nario extrĂȘme d’attaque terroriste oĂč le vĂ©hicule transportant leplutonium est pris dans un tunnel, les containers ouverts avec une charge explosive et soumis ensuite Ă  un feuenveloppant.

47 B. Autrusson, D. Brochard, op. cit. Bien que ce papier ait peut-ĂȘtre Ă©tĂ© accessible aux participants de la confĂ©rencede 2003 de Chicago en janvier 2004, il a Ă©tĂ© placĂ© dĂ©finitivement en accĂšs public sur le site web de l’IRSN aux alentoursdu 23 fĂ©vrier 2004.

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comprend des tests d’abord menĂ©s par l’IRSN d’impact sur des modĂšles rĂ©duits de chargesexplosives placĂ©es contre l’enveloppe externe du FS47 et, plus rĂ©cemment, une sĂ©rie de simulationsnumĂ©riques.

‱ Les tests Ă  l’explosif consistaient en dĂ©tonations de “larges quantitĂ©s d’explosifs (plusieurscentaines de kilogrammes)”48 Ă  proximitĂ© de modĂšles rĂ©duits de containers FS47 – dans cestests l’enveloppe externe et la coque de transfert thermique en cuivre Ă©taient sĂ©vĂšrementendommagĂ©es, et virtuellement dĂ©truites, et l’enveloppe interne dĂ©formĂ©e.

‱ Les donnĂ©es de ces tests Ă  l’explosif ont Ă©tĂ© utilisĂ©es pour construire des simulationsnumĂ©riques.

‱ Les tests Ă  Ă©chelle rĂ©duite incluaient aussi une maquette des parois de la remorque duvĂ©hicule, ces “parois de remorque Ă©tant simulĂ©es par une feuille d’aluminium double-Ă©paisseur”,ce qui semble cohĂ©rent avec l’usage de conteneurs ISO commerciaux standard plutĂŽt qu’unconteneur spĂ©cialement blindĂ©, mais cette paroi latĂ©rale n’ajoutait que trĂšs peu Ă  larĂ©sistance de l’ensemble, et “la prĂ©sence du mur induit un dĂ©lai dans l’attaque de l’enveloppeexterne de la maquette, mais son influence sur la vitesse de propagation du choc et sur la pressionmaximale reste limitĂ©e”.

Les dommages subis par les composants du FS47 sont illustrés par la Figure 4.

Figure 4ïżœ: Exemple de l’impact d’un engin explosif sur l’enveloppeintermĂ©diaire en cuivre (Ă  gauche) et le cylindre interne (Ă  droite) d’un FS47

Source : IRSN, 2003

Au mieux, ces essais d’explosifs reprĂ©sentent une charge explosive placĂ©e sur la surface externe d’uncontainer FS47 isolĂ©, alors que dans un transport rĂ©el chaque container serait retenu par le rĂątelierdu vĂ©hicule, cette absence de contrainte sur le container Ă©tant sujette Ă  critique car ceci “seraitsusceptible d’augmenter localement la dĂ©formation plastique Ă©quivalente du tube interne au-delĂ  du seuilde ductilitĂ©, entraĂźnant sa rupture”49. L’IRSN, dans une certaine mesure, le reconnaĂźt en ce que “deuxtests additionnels ont Ă©tĂ© programmĂ©s pour analyser le comportement des attaches du container et del’influence de la configuration de transport”, mĂȘme si l’IRSN, apparemment impĂ©nitent, conclut que“le cylindre interne en inox ne se romprait pas”, puisque dans les conditions des expĂ©riences et tests “la

48 Il n’est pas clairement prĂ©cisĂ© si les tests cherchent Ă  simuler un engin artisanal (type explosif fabriquĂ© Ă  l'aide de

fertilisants au nitrate) ; la charge explosive devrait par ailleurs plutĂŽt ĂȘtre exprimĂ©e en Ă©quivalent TNT.49 J. H. Large, 2nd Supplemental Declaration of 23 March 2004 of John H. Large in Support of Petitioners’ Hearing Request and

Petition to Intervene, Declaration before the NRC, 23 mars 2004.

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dĂ©formation plastique Ă©quivalente maximale n’excĂšderait pas 14 %, alors que le seuil de ductilitĂ© estproche de 32 %”.

Large & Associates suggĂšre qu’on peut raisonnablement attendre qu’une attaque terroristerelativement dĂ©veloppĂ©e utiliserait des charges formĂ©es, peut-ĂȘtre dans l’enveloppe interne ducontainer prĂ©alablement ouvert avec une lance thermique ou un outil de dĂ©coupe Ă©quivalent, ouque des munitions relativement avancĂ©es avec des capacitĂ©s perforantes ou dispersantes seraientutilisĂ©es. Cette Ă©ventualitĂ© a Ă©tĂ© Ă©valuĂ©e dans une seconde sĂ©rie de tests conduits par l’IRSN enutilisant une charge conique pour simuler une munition de type roquette : “il y a plusieurs annĂ©es,l’IRSN a menĂ© des tests sur deux FS47 remplis de sable pour simuler la poudre de PuO2, avec une chargeconique (nommĂ©e CSC1) choisie sur la base de l’accessibilitĂ© pour les terroristes d’armes prĂ©sentant descaractĂ©ristiques similaires” et, plus rĂ©cemment, “l’IRSN a engagĂ© le dĂ©veloppement de modĂšlesnumĂ©riques pour identifier et comprendre les phĂ©nomĂšnes en jeu dans l’interaction entre charge etcontainer (
), et Ă©galement pour Ă©valuer les consĂ©quences avec une arme plus efficiente appelĂ©e CSC2”50.

Il y a bien trop peu de dĂ©tail dans le papier de l’IRSN, sur les hypothĂšses correspondant auxmunitions CSC2, et aucun rĂ©sultat n’est donnĂ© concernant les modĂšles numĂ©riques Ă  part lecommentaire que “ces tests ont montrĂ© que la munition CSC1 passerait Ă  travers un premier containeret endommagerait lĂ©gĂšrement le second, sans toutefois atteindre son cylindre. Une estimation de laquantitĂ© de matĂ©riel nuclĂ©aire extraite de l’emballage expĂ©rimental a Ă©tĂ© obtenue (
) les calculs avec unecharge du type CSC1 (
) les calculs menĂ©s pour CSC2 ont montrĂ© l’augmentation des dommages infligĂ©saux containers (surtout le second) et justifient le besoin d’expĂ©rimentions supplĂ©mentaires”.

Les rĂ©sultats des simulations numĂ©riques sur le CSC1 sont prĂ©sentĂ©es Ă  la Figure 5. Bien quedifficiles Ă  interprĂ©ter, ils indiquent clairement qu’une charge conique projetĂ©e contre le containerperpendiculairement Ă  son axe pĂ©nĂštrerait les enveloppes externe et intermĂ©diaire, transperserait lecylindre interne et traverserait pour ressortir Ă  l’opposĂ© du container, emportant au passage unefraction de la poudre d’oxyde de plutonium. NĂ©anmoins, la communication de l’IRSN attirel’attention sur le fait que “le diamĂštre de pĂ©nĂ©tration est sous-estimĂ© et la quantitĂ© de matiĂšre nuclĂ©aireextraite est surestimĂ©e par la modĂ©lisation (le second phĂ©nomĂšne Ă©tant liĂ© au fait que la matiĂšre nuclĂ©aireextraite du cylindre interne peut atteindre l’extĂ©rieur)”. Ainsi, dans la logique de l’IRSN, une plus largebrĂšche sur le cĂŽtĂ© du cylindre interne rĂ©sulte dans une dispersion moindre du PuO2 qu’il contient –ce qui paraĂźt trĂšs Ă©trange !

50 L’IRSN n’indique pas ce que reprĂ©sente la CSC2 par rapport aux armes anti-char modernes, mais selon les

spécifications disponibles pour de telles armes, les lance-missiles modernes peuvent atteindre des cibles fixes ou mobilesdans un rayon de plusieurs centaines de mÚtres (le M-47 Dragon, par exemple, a une portée de 800 m pour desvéhicules roulant à 70 km/h) avec des munitions de 100 mm ou plus, atteignant une vitesse supérieure à 200 m/s. Cesarmes sont capables de pénétrer un blindage de 900 mm.

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Figure 5ïżœ: Impact of a moderate efficiency conical shaped charge:penetration of the cask (above) and interaction with the nuclear material (below)

Source : IRSN, 2003

L’IRSN ne fait aucun commentaire sur ces rĂ©sultats au regard de futures actions terroristespotentielles ; de fait, l’objectif global de son programme n’est pas de dĂ©montrer que le FS47 rĂ©siste Ă des scĂ©narios conformes aux menaces de rĂ©fĂ©rence (DBT)51 pour les transports, dont aucunedĂ©finition n’existe dans le cadre rĂ©glementaire français14. En pratique, les conditions basiques destests et simulations numĂ©riques de l’IRSN ne rĂ©pondent pas aux conditions effectives de scĂ©nariosrĂ©alistes, oĂč de nombreux facteurs doivent ĂȘtre pris en compte52. Bien qu’elles n’apportent donc pasla base nĂ©cessaire pour une Ă©valuation dĂ©finitive du comportement du FS47 dans de telles situations,les conclusions de l’IRSN mettent nĂ©anmoins en Ă©vidence la possibilitĂ© de scĂ©narios dedĂ©tournement ou de dispersion du plutonium.

51 La menace de rĂ©fĂ©rence, ou “Design Basis Threat” (DBT), dont l’AIEA recommande que sa dĂ©finition par les autoritĂ©s

compĂ©tentes de chaque Etat constitue un Ă©lĂ©ment essentiel de la sĂ©curitĂ© nuclĂ©aire, sont dĂ©finies dans la rĂ©glementationfrançaise comme “la menace contre laquelle l’opĂ©rateur doit ĂȘtre capable de protĂ©ger son installation”. Elle comprend “desmenaces internes impliquant l’action de personnels de l’intĂ©rieur, seuls ou non” et “des menaces externes impliquant l’actionde petits groupes d’assaillants”, soit “une petite Ă©quipe d’attaquants avec des ressources limitĂ©es”, soit “une Ă©quipe plusimportante avec des moyens plus sophistiquĂ©s” (in J. Aurelle, et al, op. cit.).

52 Par exemple, “les menaces internes n’ont pas Ă©tĂ© prises en compte” dans l’élaboration du programme de recherche, aumotif que “de tels agresseurs ne disposent pas des outils nĂ©cessaires pour endommager significativement le container” (in B.Autrusson, et al, op. cit.).

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En particulier, en indiquant qu’une quantitĂ© non nĂ©gligeable de PuO2 pourrait ĂȘtre relĂąchĂ©e lorsd’une attaque avec une arme anti-char, ces conclusions sont contradictoires avec le principe Ă©tablipour l’acceptabilitĂ© du risque, selon lequel les consĂ©quences d’actes de malveillance ne doivent pasdĂ©passer, en termes de rejets de radioactivitĂ©, celles prises en compte dans l’étude de sĂ»retĂ© (sur labase des accidents). En d’autres termes, les essais de l’IRSN dĂ©montrent que, contrairement Ă  laposition de l’IRSN selon laquelle la tenue aux accidents du container FS47 est suffisante pourgarantir sa tenue face aux actions terroristes, le container ne rĂ©sisterait pas, et la certification AIEATS-R-1 ne constitue pas pour cela une base fiable.

COMMENTAIRES ET OBSERVATIONS

AprĂšs des annĂ©es de silence, des observations rĂ©centes et des analyses indĂ©pendantes ont finalementpoussĂ© l’IRSN Ă  justifier son approche sur la sĂ»retĂ© et la protection du PuO2 transportĂ© de LaHague aux usines de fabrication de combustible au plutonium de Cadarache et Marcoule.

La rĂ©ponse de l’IRSN, sous la forme d’une brĂšve rĂ©futation des rĂ©sultats et recommandationsd’études indĂ©pendantes30,31,37, et d’observations de terrain non contestables23, tourne le dos Ă  larĂ©alitĂ©. De fait, les arguments de l’IRSN soulĂšvent plus de questions qu’ils ne prĂ©tendenty rĂ©pondre, de mĂȘme que ses publications rĂ©centes sur les essais de tenue au choc mĂ©canique,thermique et aux explosifs soulĂšvent des doutes sur la validitĂ© du programme dĂ©veloppĂ© par l’IRSNsur le dimensionnement du container FS47.

Hormis la rĂ©futation des analyses et rĂ©sultats de WISE-Paris et de Large & Associates, l’IRSN rejetteĂ©galement l’évaluation du dimensionnement du FS47 menĂ©e aux Etats-Unis par le DOE pour leprogramme Eurofab. Le rĂ©sultat des Ă©tudes amĂ©ricaines est que, pour le transport terrestre auxEtats-Unis :

o les cargaisons de PuO2 sont limitĂ©es Ă  3 containers FS47 par camion au standard “special safesecure” (SST), tandis que les autoritĂ©s françaises permettent le chargement de jusqu’à 9 ou10 FS47 par vĂ©hicule;

o le scĂ©nario rĂ©aliste le plus pĂ©nalisant (d’accident de la route) de l’analyse amĂ©ricaine conduitĂ  des relĂąchements multiples de 595 g en particules respirables pour un, deux ou les troiscontainers transportĂ©s, tandis qu’en France le relĂąchement pris en compte est limitĂ© Ă 0,07 g, apparemment appliquĂ© Ă  un seul des 9 ou 10 containers chargĂ©s dans un vĂ©hicule ;

o qu’en plus des exigences AIEA225, le PuO2 doit ĂȘtre considĂ©rĂ© aux Etats-Unis comme un“matĂ©riel nuclĂ©aire stratĂ©gique spĂ©cial” auquel le “standard d’entreposage des armesnuclĂ©aires” doit ĂȘtre appliquĂ©, tandis qu’en France la distinction semble peu marquĂ©e (Ă  enjuger par le faible niveau apparent de la sĂ©curitĂ© et de la protection mises en Ɠuvre) parrapport aux autres transports de matiĂšres nuclĂ©aires, y compris non hautement fissiles ;

o que les Etats-Unis ont menĂ© une procĂ©dure de consultation publique et d’enquĂȘte sur lesmesures de protection et de sĂ»retĂ© applicables au transport de PuO2 envisagĂ©, une ouverturerefusĂ©e au public français du fait de la politique de secret imposĂ©e par les autoritĂ©s.

C’est peut-ĂȘtre la poursuite de cette politique de secret sur les transports français de plutonium dequalitĂ© rĂ©acteur qui est aujourd’hui au cƓur du problĂšme : ce secret, qui paraĂźt peu efficace pour ladĂ©fense en profondeur contre des terroristes potentiels et leur accĂšs Ă  l’information sur les dates etles itinĂ©raires des convois de plutonium, sert surtout Ă  Ă©viter aux autoritĂ©s françaises de rendrecompte et de justifier de leurs pratiques actuelles, par lesquelles elles affirment garantir la pleine etentiĂšre protection de la population dans le contexte d’instabilitĂ© et de risque actuel.