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Monsieur Hervé Serry Les écrivains catholiques dans les années 20 In: Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 124, septembre 1998. De l’État social à l’État pénal. pp. 80-87. Citer ce document / Cite this document : Serry Hervé. Les écrivains catholiques dans les années 20. In: Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 124, septembre 1998. De l’État social à l’État pénal. pp. 80-87. doi : 10.3406/arss.1998.3267 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/arss_0335-5322_1998_num_124_1_3267

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Monsieur Hervé Serry

Les écrivains catholiques dans les années 20In: Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 124, septembre 1998. De l’État social à l’État pénal. pp. 80-87.

Citer ce document / Cite this document :

Serry Hervé. Les écrivains catholiques dans les années 20. In: Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 124, septembre1998. De l’État social à l’État pénal. pp. 80-87.

doi : 10.3406/arss.1998.3267

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/arss_0335-5322_1998_num_124_1_3267

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Hervé Serry

LES ÉCRIVAINS CATHOLIQUES

DANS LES ANNÉES 20

En 1938, Paul Claudel félicite Louis Chaigne qui vient de publier une Anthologie de la. renaissance catholique: «[...] cent trente-six ans après la publication du Génie du christianisme [...] voici qu'un livre comme le vôtre est devenu possible. Et l'on peut presque dire qu'il n'y a plus de poésie en France que la poésie chrétienne. C'est un fait considérable »1. Claudel désigne l'aboutissement d'un processus dont les débuts remontent aux années qui précèdent la Première Guerre mondiale avec l'émergence d'un mouvement de « renaissance littéraire catholique » . Cette « rencontre » entre des écrivains et l'Église, nouée autour d'une recherche réciproque de légitimité, passe pour les écrivains par un travail de définition de leur position face à une institution totalisante qui entend imposer ses propres limites éthiques et esthétiques à la pratique littéraire. Pour l'institution, reconnaître 1'« autonomie » de la création littéraire, ses règles propres, c'est prendre le risque d'une littérature non conforme à la morale catholique. Promouvoir le respect par l'écrivain de la doctrine catholique, c'est nier le «génie créateur» de l'artiste, et donc remettre en cause les mécanismes de la croyance à l'œuvre dans le champ littéraire. La constitution, par le biais d'anthologies, d'une généalogie d'écrivains catholiques, les querelles autour de la question des rapports du moralisme et de la littérature, par exemple à l'occasion de la Jeanne d'Arc de Joseph Del- teil, sont autant de tentatives caractéristiques pour imposer, au sein du champ littéraire, les règles d'une hétéro- nomie spécifique justifiant une littérature catholique : entre croyance littéraire et moralisme s'affrontent deux logiques de fonctionnement irréductibles, que traduit François Mauriac lorsqu'il évoque le « conflit » existant entre le romancier et le catholique2.

Les conditions d'une rencontre

II faut évoquer à gros traits les conditions de cette rencontre entre les écrivains et l'Église. Les catholiques, membres des classes dirigeantes de la fin du xixe siècle, voient les fondements de leur domination s'effriter au profit des républicains. Les «élites» sociales traditionnelles sont progressivement dépossédées des leviers du pouvoir. Du premier ralliement impulsé par Léon XIII en 1890, qui ouvre les voies d'une réflexion sur la possibilité de lier l'avenir politique des catholiques à un autre régime que la monarchie, à l'affaire Dreyfus, qui cristallise à nouveau les conflits et fédère les catholiques, à peu d'exceptions près, contre la République, jusqu'au combisme et à la séparation (1905), le catholicisme français se fige entre «reconquête sociale et repli idéologique»3. Ce repli idéologique dans 1'« intransigeantisme » qui affecte les milieux politiques et intellectuels est le cadre de la « renaissance littéraire catholique » qui, après s'être développée sporadiquement en réaction à la Troisième République, se constitue véritablement comme un mouvement durant la première décennie du xxe siècle4.

Pourquoi l'Église catholique, dans son effort de « réar-

1 - P. Claudel, in L. Chaigne, L'Anthologie de la renaissance catholique, t. 1, Paris, Alsatia, 1938, préface, non paginé. 2 - F. Lefèvre, Les Nouvelles littéraires, 26 mai 1923, p. 1-2. Repris dans F. Lefèvre, Une heure avec..., t. 1, Laval-Nantes, Siloë, 1996, p. 191-198. 3-D. Pelletier, Les Catholiques en France depuis 1815, Paris, La Découverte, 1997, p. 58-59. 4 - }. Julliard, «Naissance et mort de l'intellectuel catholique», in Mil neuf cent, 13, 1995, p. 6.

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mement institutionnel »5, se tourne-t-elle vers les écrivains ? Si l'opposition au scientisme triomphant, incarné en littérature par le naturalisme, ouvre les portes à un retour au spiritualisme dans les milieux littéraires, - le mouvement des conversions au catholicisme s'amorce à partir des années 1880 avec notamment Huysmans ou Claudel -, c'est au moment de la crise moderniste que se noue le rapport de l'Église aux « intellectuels » . Cette crise est le produit d'«un antagonisme socio-religieux» qui voit s'affronter durant tout le XIXe siècle « la foi et la raison, la théologie et la science, les antiques traditions et l'esprit moderne, l'Église et le siècle, et - à l'extrême — les deux France A Si les travaux d'exégèse biblique d'Alfred Loisy, qui envisage la foi comme un phénomène connaissant une évolution, sont au centre de la crise moderniste, c'est plus généralement de la résistance de l'Église à la culture moderne qu'il s'agit. Aucun débat véritable sur cette question ne sera ouvert -, en 1907, l'encyclique Pascendi condamne sans appel le modernisme7.

Au moment de la laïcisation de la société entreprise par les républicains, au moment, aussi, de l'émergence des « intellectuels » pendant l'affaire Dreyfus, Rome ne concède pas à ses clercs « une autonomie qui, à travers la maîtrise des sciences philologiques, historiques et philosophiques, leur aurait permis d'accéder au statut nouveau d'intellectuel à l'intérieur de l'Église catholique »8. À la suite des analyses de Claude Langlois, on peut avancer que c'est ce repli imposé à la cléricature hors des débats intellectuels qui conduit l'institution à rechercher une alliance avec les écrivains, pour reconquérir une légitimité culturelle. Au point de vue de leur spécialité, les écrivains présentent l'avantage de ne pas soulever de questions de doctrines. En outre, leur statut de convertis9 est souvent un gage de leur docilité : tenus en suspicion permanente, sommés de faire leurs preuves en manifestant leur respect pour la plus stricte orthodoxie, les convertis s'apparentent aux oblats, « toujours les plus enclins à penser que hors de l'Église il n'est point de salut»10, et se transforment fréquemment en prosélytes zélés de l'obéissance à l'institution. Revendiquant massivement l'antimodernisme prôné par l'institution, ils lui évitent de se trouver confrontée directement à la question de la modernité, en lui permettant de se placer sur le terrain de la « contemporanéité » : ces écrivains, issus dans leur majorité des jeunes générations, «démontrent que le catholicisme est toujours vivant» et que sa capacité de mobilisation est intacte11.

Cette stratégie de l'Église n'est rendue possible que parce que l'institution rencontre une fraction d'intellectuels - minoritaire au départ et hétérogène, au moins en

apparence, par les traditions idéologiques et culturelles dont ils sont issus —, pour qui la mobilisation en tant que catholiques est une réponse à des luttes internes au champ littéraire à un moment où les effectifs croissent sensiblement dans les professions intellectuelles et où, en conséquence, la concurrence impose son mode de régulation12. Le lien entre ces écrivains et l'Église se fonde sur une homologie structurale floue entre leurs positions respectives face au monde moderne : le refus du « matérialisme •» identifié au capitalisme, qui porte atteinte aux valeurs « spirituelles » (la foi comme la croyance littéraire) et le rejet de la laïcisation — donc de la privatisation - du religieux cimentent une alliance dont les fondements reposent sur la volonté partagée de défendre la culture classique menacée par la démocratisation de l'enseignement public et le développement de l'enseignement scientifique. L'Église catholique apparaît comme un refuge de l'esprit contre la matière, comme le seul lieu où sont défendues les valeurs spirituelles et de désintéressement. La tradition catholique est investie par des écrivains qui s'appuient sur elle pour se poser en défenseurs des biens de salut13. L'institution ecclésiale se

5 - S. Miceli, Les Intellectuels et le pouvoir au Brésil (1920-1945), Paris, PUG-MSH, p. 49-51. 6 - E. Poulat, Histoire, dogme et critique dans la crise moderniste, Paris, Albin Michel, lre édition 1962, 1996, p. 8. 7 - P. Colin, L'Audace et le soupçon. La crise du modernisme dans le catholicisme français, 1893-1914, Paris, Desclée, p. 19- 8 - C. Langlois, «La naissance de l'intellectuel catholique», in P. Colin (sous la direction de), Intellectuels chrétiens et esprits des années 1920, Paris, Le Cerf, 1997, p. 224. Voir aussi E. Fouilloux, « "Intellectuels catholiques"? Réflexions sur une naissance différée», in Vingtième Siècle, 53, janvier-mars 1997, p. 13-24. 9 - F. Gugelot, Conversions au catholicisme en milieu intellectuel (1885-1935), thèse, E. Fouilloux (sous la direction de), université Lyon- II, 1997, 1087 p., à paraître aux CNRS Éditions, 1998. 10 - P. Bourdieu, Homo academicus, Paris, Minuit, 1984, p. 133. Et P. Bourdieu et M. de Saint Martin, «La sainte famille. L'épiscopat français dans le champ du pouvoir», in Actes de la recherche en sciences sociales, 44-45, novembre 1982, p. 5-7. 11 - C. Langlois, «La naissance de l'intellectuel catholique», op. cit., p. 226. 12 - C. Charle, Naissance des «intellectuels », Paris, Minuit, 1990, p. 41 sq. et p. 237. Et La Crise littéraire â l'époque du naturalisme, Paris, Presses de l'ENS, 1979, p. 41-60. 13 - H faudrait mener une réflexion sur l'identification entre la vocation religieuse et la vocation de l'artiste. Pour exister, elles doivent apparaître comme « un mouvement intérieur et comme un acte d'absolue liberté [...] (C. Suaud, La Vocation, Paris, Minuit, 1978, p. 7-8). On pense aussi à l'idée de l'artiste comme « créateur incréé » développée par les premiers romantiques, ou aux emprunts au vocabulaire sacramentel à l'œuvre dans les discours sur l'art. A. Cassagne, La Théorie de l'art pour l'art, Seyssel, Champ Vallon, lre édition 1906, 1997, p. 359- 365. P. Bourdieu, «Le marché des biens symboliques», in L'Année sociologique, vol. 22, 1971, p. 72.

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donne ainsi l'espoir de reconquérir une audience sociale au-delà du cercle catholique, et ouvre à ces écrivains l'accès à des moyens symboliques {imprimatur) et matériels (réseaux d'édition catholique) permettant d'atteindre un vaste public.

Écrivain ou catholique?

Cependant l'accession à une position littéraire reconnue suppose une soumission, au moins partielle, aux règles spécifiques qui régissent le champ littéraire.

Il faut citer Charles Du Bos, critique converti au catholicisme, qui écrit au sujet de « la situation de l'écrivain catholique», que «le péril de l'intervention d'un automatisme quel qu'il soit dans cette sphère est au second degré, car d'ores et déjà, du seul fait qu'il est chrétien, dans l'écrivain les incroyants voient déjà un demi-automate». André Gide, et combien d'autres, ne vont-ils pas répétant sans cesse : « Votre siège est fait d'avance : vous ne pouvez ni écrire, ni penser, ni peut-être même sentir autrement que vous n'êtes obligés de penser, de sentir et d'écrire »l4?

Conquérir une légitimité auprès des instances du champ littéraire implique, pour les écrivains catholiques, de dépasser le cercle de la littérature édifiante, et donc de construire les modalités esthétiques spécifiques d'une littérature catholique. Cette conquête s'effectue par la formation d'un groupe qui se réclame d'un passé littéraire et qui développe une théorie esthétique. À ce titre, l'abondance de publications vouées à définir la littérature catholique - anthologies, recueils et essais critiques, ouvrages à prétentions historiques, travaux universitaires -, dès les années 1910, procède, comme l'a montré Anne-Marie Thiesse pour les écrivains régio- nalistes, d'«une stratégie de groupe», qui est utilisée, depuis le Parnasse, dans la quête de légitimité « comme une manifestation d'existence, comme un instrument de sélection et de distinction et comme une arme contre les éventuels rivaux »15. Le Manuel illustré de littérature catholique de l'abbé Henri Bremond, Le Renouveau catholique de la littérature contemporaine de l'abbé Jean Calvet ou l'ouvrage de Louis Chaigne précédemment évoqué connaissent alors de multiples éditions et constituent les tentatives d'autolégitimation les plus complètes de la « renaissance littéraire catholique», mais ne sont que la partie saillante d'un vaste corpus. Évoquons, parmi les premières, dès 1915, l'Anthologie de la poésie catholique de Robert Vallery- Radot, un des chefs de file les plus déterminés de ce mouvement, puis, en 1918, Julien Lauree (abbé Le

Riboux) publie Le Renouveau catholique dans les lettres, suivi en 1922, par Le Beau Réveil de Camille Melloy (abbé de Paepe)16. Une thèse est soutenue en Sorbonne sur cette question en 1933 sous la direction de Fernand Baldensperger.

La publication d'anthologies permet d'opérer des choix qui consacrent comme catholiques des auteurs et, ainsi, une lignée d'aînés inscrivant la littérature catholique dans une histoire. Ce type d'ouvrages répond à une logique d'élaboration d'un « panthéon » d'auteurs et de thèmes, et il impose une construction sociale de l'identité littéraire catholique passée au profit de la littérature contemporaine. Les stratégies de captation d'un grand écrivain du passé comme « écrivain catholique » - dont les débats autour de la véracité de sa conversion ne sont que la partie la plus visible - opèrent une relecture de l'histoire littéraire dont le but est l'intégration au profit de la « tradition catholique » . Les débats autour de Voltaire, Lamartine, Baudelaire, Rimbaud ou Verlaine pour déterminer si, dans leurs derniers instants, ou dans certaines de leurs œuvres, ils ont été catholiques, sont fréquents. Le cas de Paul Verlaine illustre cette question des « précurseurs », pour reprendre un terme utilisé par Louis Chaigne. La conversion de 1874 ne masque pas totalement la vie agitée de l'auteur de Sagesse, même si ce retour à Dieu constitue aussi une rupture avec Rimbaud. Si Verlaine est considéré, dans les nombreux essais qui lui sont consacrés à partir de la fin des années 1910, comme « l'un des plus grands parmi les poètes catholiques français »17, c'est « par la seule vertu de son repentir et de son génie »18, d'autant plus mis en avant par la critique catholique que Verlaine le présente lui-même comme un « acte de foi public » qui l'éloigné des « vers sceptiques et tristement légers »19.

Se réclamant des aînés littéraires, se réunir autour

14 - C. Du Bos, Journal V, 1929 ; Paris, Le Vieux Colombier, 1954, p. 240-241. 15 - A.-M. Thiesse, Écrire la France, Paris, PUF, 1991, p. 122. 16 - H. Bremond et al, Paris, Spès, 1925, 255 p. J. Calvet, Paris, Lanore, 1927, 434 p. R. Vallery-Radot, Paris, Crès, 1915 ; 1933. J. Lauree, Paris, Maison de la Bonne Presse, 1918, 350 p. C. Melloy, Tours, Emile Cattier, 1922, 247 p. E. M. Fraser, Le Renouveau religieux d'après le roman français de 1886 à 1914, Paris, Les Belles Lettres, 1934, 218 p. 17 - R. Clauzel, Sagesse de Paul Verlaine, Paris, Malfère, l6l, 1928, p. 18. 18 - A. Bersaucourt, Paul Verlaine. Poète catholique, Paris, Henri Falque, s. d., p. 6. 19 - P. Verlaine, «Préface de la première édition [de Sagesse] » , in Œuvres poétiques complètes (édition d'Y. G. Le Dantec et J. Borel), Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade, 1962, p. 259. Voir la présentation de Sagesse par J. Borel, p. 221-258.

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d'une revue, publier des manifestes proclamant une rupture avec la littérature en vigueur, fût-ce par un « retour » à la tradition, autant de moyens d'affirmer son existence et de la faire reconnaître. Les instances du champ littéraire - comme les critiques des grandes revues institutionnalisées et les instances de consécrations - instruisent les procès en légitimation des prétendants. Ainsi, André Beaunier de La Revue des Deux Mondes écrit à propos de Robert Vallery-Radot, François Mauriac, Jean Variot et André Lafon, animateurs de la première revue de la « renaissance littéraire catholique », les Cahiers de l'amitié de France : « Dans l'extraordinaire désordre et dans l'abondance éparpillée de la littérature contemporaine, voici un groupe, et qui mérite d'être signalé»20. Cette identification d'un groupe s'appuie sur le grand prix du Roman de l'Académie française qu'André Lafon vient de recevoir et sur les effets de l'article élogieux que Maurice Barrés consacre au premier recueil de poèmes de Mauriac dans L'Écho de Paris en mars 191021.

Entre moralisme et littérature : la quête de reconnaissance

Ce travail collectif d'affirmation comme groupe est aussi à l'œuvre dans les nombreuses polémiques littéraires autour de la question des rapports entre moralisme et littérature. L'incompatibilité entre moralisme et littérature, conséquence de la revendication permanente d'autonomie du champ littéraire, est à l'origine de la difficulté que rencontrent ces écrivains catholiques dans la construction d'une position littéraire crédible. La soumission au dogme catholique, qui est leur signe distinctif, apparaît comme une contrainte qui remet en cause l'autonomie de la création. Ils sont renvoyés à leur dogmatisme et soupçonnés de vouloir asservir l'art. Le romancier et poète José Vincent, feuilletoniste de La Croix, constate que la critique catholique « déchaîne des fureurs qui amènent invinciblement ses adversaires à proclamer qu'elle n'est point»22. Lorsqu'en 1920 le contempteur maurrassien du romantisme Pierre Lasserre s'attaque simultanément à Péguy, Jammes et Claudel, Robert Vallery-Radot prend la défense de l'auteur de L'Annonce faite à Marie. Il conteste à Lasserre, faute d'être chrétien, de pouvoir comprendre la beauté de l'art claudélien, qui a permis de revenir à « des sources oubliées depuis longtemps, [à] toute une tradition profonde et à peu près tarie depuis trois siècles»23. Lasserre n'a pas de mal à lui

rétorquer que ce « veto préalable qui vaut en principe contre toute prétention [. . .] d'exercer ma critique sur ce poète » « bouleverse considérablement la tradition des lettres »24. Il ne se contente par de réaffirmer ainsi la primauté du jugement littéraire, mais il montre l'invalidité d'une critique fondée sur la doctrine catholique qui, en voulant s'assurer le monopole du jugement esthétique, déroge aux règles du jeu au point de s'en exclure.

Pour sortir de cette position périlleuse, il apparaît nécessaire d'établir autrement les fondements de cette critique catholique. Les critiques catholiques ont d'autant plus de chance de se faire reconnaître qu'ils prennent leurs distances avec le moralisme bien-pensant.

Les affrontements autour des « droits et des devoirs de l'écrivain et du critique [catholique] »25 permettent de porter au jour les principes de polarisation qui structurent l'espace des écrivains catholiques. Si l'on écarte ici les enjeux idéologiques, les stratégies d'alliance et les luttes de générations qui sous-tendent aussi les prises de position dans ces affrontements, on reconnaît une des oppositions structurales du champ littéraire entre autonomie et hétéronomie. La posture moraliste est revendiquée par tous, cependant on constate que plus un écrivain est reconnu par le pôle légitime, plus il tend à refuser l'étiquette d'écrivain catholique et à faire valoir les droits de la littérature (en mettant, par exemple, comme François Mauriac, l'accent sur les dilemmes que suscitent les contradictions entre la foi et l'art26) ; inversement, ceux qui, ayant pour principal capital l'autorité que leur confère leur position de représentants autopro- clamés de l'Église, sont relégués aux marges du champ littéraire. Ces prétendants, menant à la fois une carrière de journaliste et de critique, qui peut prendre le pas sur celle de romancier ou de poète, tendent à faire de l'orthodoxie doctrinaire une condition de la création

20 - A. Beaunier, «Un groupe», in Revue des Deux Mondes, 1er septembre 1913, p. 205-216. 21 -J. Lacouture, François Mauriac, t. 1, Paris, Le Seuil, 1980, p. 115- 144 et 151-158. 22 - J. Vincent, Propos un peu vifs, Paris, Le Monde moderne, 1927, p. 9. Souligné par J. Vincent. 23 - Cité par H. Charasson, «La question Claudel», in Les Lettres, octobre 1921, p. 595. 24 - P. Lasserre, Les Chapelles littéraires, Paris, Garnier, 1920, p. xvii. 25 - J- Vincent, « Des droits et des devoirs de l'écrivain et du critique — À propos d'une controverse récente et du Jardin sur l'Oronte», in Les Lettres, novembre 1922, p. 653-672. 26 - G. Sapiro, «Salut littéraire et littérature du salut. Deux trajectoires de romanciers catholiques: François Mauriac et Henry Bordeaux», in Actes de la recherche en sciences sociales, 111-112, mars 1996, p. 36-58.

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littéraire. Or, ceux qui sont les plus disposés à reconnaître les valeurs littéraires seront le plus à même d'imposer la légitimité de la posture de l'écrivain catholique, comme on le verra avec Jacques Maritain. Ils se trouvent confrontés dans ces débats au pôle de l'hétéronomie représenté par La Croix.

Le recours à la philosophie (la métaphysique) permet de donner au moralisme ses lettres de noblesse en détournant l'art d'une subordination intrinsèque à la morale. Les travaux de Jacques Maritain — notamment Art et scolastique (1919) qui contribue fortement à la renommée du philosophe auprès des écrivains —, apportent une armature théorique à ces questions très en vogue dans les années 192027. Jacques Maritain, à propos au Jardin sur l'Oronte, déduit de la contribution de l'art au bien de l'homme, les inévitables restrictions que le moraliste et le théologien doivent faire subir à la liberté de l'artiste. Il s'appuie sur saint Thomas, dont il est le spécialiste officiel, pour affirmer que l'art « est la fin de l'artiste, et, [. . .] comme tel, a pour but la délectation » . Selon Maritain, « si nous maintenons dans toute sa force le primat pratique de la moralité, nous maintenons en même temps l'autonomie de l'art dans son domaine propre ». Dans le cadre de la société moderne, l'Église doit imposer à l'artiste des limites qui, dans une société chrétienne, « devraient se produire par le simple jeu des contraintes sociales spontanées», écrit-il, mais elle doit reconnaître aussi les règles de l'art. Et de conclure par une mise en garde en forme de programme : « Chaque fois que, dans quelque milieu catholique, il trouve le mépris de l'Intelligence ou de l'Art, c'est-à-dire de la vérité et de la beauté, qui sont des noms divins, soyons sûrs que le diable marque un point >»28.

L'alliance entre les écrivains et l'Église

À ce pôle du «renouveau littéraire catholique», où prévaut un principe d'hétéronomie spécifique, Jacques Maritain est, par sa position, le porteur des valeurs littéraires dans le mouvement de « renaissance catholique » . La polémique qui l'oppose, en 1925, à Jean Guiraud, le rédacteur en chef de La Croix, au sujet du roman Jeanne d'Arc de Joseph Delteil, est le produit d'un antagonisme de positions dans le champ littéraire, qui conduit le philosophe à la défense de l'art et des artistes à l'opposé de la logique d'institution que poursuit le journaliste.

Jacques Maritain, né en 1882, est le petit-fils d'un des fondateurs de la troisième République, Jules Favre, sénateur et académicien, devenu protestant à la faveur d'un remariage. Après des études à Henri IV, il évolue dans un milieu doté d'un capital économique, culturel et social important mais en déclin. En 1886, sa mère obtient le divorce, et élèvera seule ses deux enfants. Dreyfusard, proche de Péguy, il poursuit un double cursus de sciences naturelles et de philosophie lorsqu'il découvre, au tournant du siècle, la philosophie de l'intuition d'Henri Bergson, qui le détourne du rationalisme et du positivisme alors dominants à la Sorbonne. Après sa rencontre avec Léon Bloy, il se convertit au catholicisme en juin 1906, avec sa femme, Raïssa, qui, elle, vient du judaïsme. Agrégé de philosophie, Maritain se détache progressivement des sciences exactes. En 1914, il est nommé professeur à l'Institut catholique de Paris. Son premier livre remet en cause la philosophie bergsonienne et marque le début d'une carrière consacrée à la pensée de saint Thomas, restaurée comme doctrine officielle de l'Église par Léon XIII en 1879- Le philosophe se voit rapidement honoré de hautes distinctions par Rome. Cet engagement dans la foi catholique est accompagné d'un engagement politique au sein de l'Action française. Acteur central des milieux intellectuels catholiques, Maritain est le maître à penser d'une partie des catholiques des années 192029. Ce philosophe s'investit d'autant plus dans les

milieux littéraires que son catholicisme militant tend à l'éloigner des milieux de la philosophie universitaire, à la différence, par exemple, d'Etienne Gilson, nommé à la Sorbonne en 1921. L'auteur d'Art et scolastique souhaite, à l'automne 1924, créer une revue littéraire catholique concurrente de La Nouvelle Revue française. Ce projet, mené en association avec Stanislas Fumet, Henri Massis et Frédéric Lefevre, se concrétise en juin 1925 par la création, chez Pion, du Roseau d'or, qui permet d'offrir un lieu de publication aux convertis qui gravitent autour de Maritain. Depuis 1922, il est très proche de Jean Cocteau, qui revient au catholicisme sous son influence et qui sera, avec Ghéon, Claudel et Reverdy, au sommaire du premier numéro des « Chroniques » du Roseau d'or.

C'est dans ce contexte que Maritain est violemment pris à partie en mai 1925 par Jean Guiraud de La Croix. Celui-ci dénonce les encouragements que le philo-

27 - Art et scolastique fut d'abord publié dans Les Lettres (septembre 1919, p. 485-522 et octobre 1919, p. 579-620), revue qui fut au centre de la «renaissance littéraire catholique» dans les années 1920. Voir J. et R. Maritain, Œuvres complètes, t. 1, Fribourg-Paris, Éditions universitaires-Éditions Saint-Paul, 1984, p. 619-792. 28 - J. Maritain, Les Lettres, décembre 1922, p. 791-792 et 796. 29 - J-L. Barré, Jacques et Raïssa Maritain, Paris, Stock, 1995, 657 p.

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sophe a prodigués au romancier Joseph Delteil, auteur d'une Jeanne d'Arc couronnée par le prix Fémina 1925, où la sainte, canonisée en 1920, est campée sous les traits d'une jeune femme sensuelle, dotée de superbes cheveux rouges, de cuisses robustes portant un corps plein de vie. Maritain est tout à fait conscient que, à rebours des images pieuses habituelles, cette Jeanne d'Arc va heurter le public catholique. Il autorise cependant Delteil à publier dans l'hebdomadaire culturel Les Nouvelles littéraires une lettre par laquelle il lui a exprimé tout le bien qu'il pense de ce livre d'où émane « une poésie vraie et vivace, une fraîcheur, une franchise authentique »30. Il perçoit chez Delteil, qui a rompu depuis peu avec les surréalistes, un véritable talent qui doit être soutenu et encouragé, d'autant que cet auteur semble revenir à la foi catholique de son enfance31. Tout au long de cette longue polémique - elle ne prend fin qu'en 1927 -, que nous n'évoquons que très rapidement ici32, Maritain se veut un intercesseur entre les artistes et le catholicisme. Il ne s'agit donc pas seulement de Delteil, mais de toute une génération d'auteurs prêts à renforcer la littérature catholique. Il explique à un critique qu'«il faut [les] ménager pour ne pas gâter les voies d'un retour à la foi. Rien n'empêche de signaler les déficiences d'un livre et de montrer de la sympathie pour l'auteur»33. Cet espoir de parvenir à construire un pôle de littérature catholique, reconnu et suffisamment fort pour détourner les jeunes générations de la NRF et attirer des non-catholiques, passe par la reconnaissance d'une autonomie de la création. Dans une interview où il se défend des attaques de Jean Guiraud, Joseph Delteil, ayant évoqué d'autres écrivains en butte au « parti sacristain», Bloy, Barbey d'Aurevilly, Huysmans, Barrés, Montherlant ou Mauriac, explique: «Tient-on absolument à nous prouver qu'on ne peut être à la fois catholique et artiste? [...] En art, il y a les droits de l'imagination, la quête de la transposition. En art, et notamment comme c'est le cas dans les ouvrages qui ne traitent ni du dogme, ni de la morale, il ne s'agit pas de vérité mais de beauté »34.

Jean Guiraud est loin de concevoir ainsi le rôle de l'artiste. Ses positions dans l'affaire Delteil se réduisent à une soumission de la littérature à la morale. En première page de La Croix, il dénonce Delteil qui, au mépris de la vérité historique, « déverse sur l'une des gloires les plus sublimes de la France et de l'Église les images d'un érotisme exaspéré et les expressions les plus grossières »35.

Historien reconnu de l'Inquisition du xiiie siècle et du catha- risme, Jean Guiraud, né en 1866, est le fils d'un instituteur devenu comptable d'une usine de drap. Après des études brillantes, il est admis à l'ENS à dix-neuf ans et, sur les conseils d'un de ses frères maître de conférences à Ulm, il se dirige vers l'histoire. Il enchaîne alors l'agrégation, un séjour au palais Farnèse à Rome, puis une thèse soutenue en 1889, qui lui permet de quitter l'enseignement secondaire pour obtenir un poste universitaire. Il parachève ce brillant début de carrière par un mariage avec la fille du célèbre professeur Petit de Juleville. Mais en 1905, la Séparation le propulse dans l'engagement politique : il abandonnera progressivement l'université - ses positions antilaïques lui valent des difficultés avec son administration - pour devenir un des pionniers des associations catholiques de chefs de famille et un farouche défenseur de l'enseignement «libre». Peu avant la Première Guerre, il intègre l'équipe du quotidien assomptionniste, La Croix, qu'il ne quitte qu'en 193936. Au fil de la polémique, Jean Guiraud ne fait que

radicaliser ses attaques. Dans sa croisade contre ce «livre sacrilège», il a beau jeu d'insister sur le fait que Delteil est défendu par Maritain, un professeur de l'Institut catholique : « Même chez ceux qui se présentent comme les mainteneurs de la vérité intégrale, le sens critique s'est émoussé totalement, tant notre société tombe en déliquescence »>37. Début 1927, il publie une brochure diffusée confidentiellement qui reprend ses attaques contre « la décadence profonde de la critique, et plus particulièrement de la critique catholique »38. Il suppose l'existence d'un groupe d'écrivains catholiques, soutenu par des journaux et des revues, qui voudrait nuire à La Croix. Selon la rhétorique du complot, il insinue que ces écrivains ont « eu la bonne for-

30 - J. Maritain à J. Delteil, lettre du 10 mai 1925, reproduite par Les Nouvelles littéraires, l6 mai 1925, p. 1. Et J. et R. Maritain, Œuvres

complètes, t. 3, op. cit., p. 1321-1322, 31 - Sur Delteil, voir R. Briatte, Joseph Delteil, Lyon, La Manufacture, 1988, 374 p. 32 - Pour plus de détails, voir mon article « L'artiste et le sacré. Jacques Maritain et P"affaire de la Jeanne d'Arc" de Joseph Delteil», Cahiers Jacques Maritain, à paraître. 33 - J. Maritain à R. Johannet, lettre du 19 mai 1925, archives du Cercle d'études Jacques et Raïssa Maritain, Kolbsheim. 34 - F. Lefèvre, Les Nouvelles littéraires, 16 mai 1925, p. 1-2. Repris dans F. Lefèvre, Une heure avec..., t. 2, Laval-Nantes, Siloë, 1997, p. 239-257. 35 - J- Guiraud, «Un livre sacrilège», in La Croix, 11-12 mai 1925, p. 1. 36 - Y. Dossat, «Centenaire de la naissance de J. Guiraud», in Cahiers deFanjeaux, 2, 1967, p. 275-289. 37 - J. Guiraud, «Société en déliquescence», in La Croix, 9 juin 1925, p. 1. 38 - J. Guiraud, La Critique en face d'un mauvais livre, Paris, Imprimerie Guillemot et de Lamothe. 1926, avant-propos.

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tune de trouver un maître en Israël, M. Maritain, docteur honoris causa en saint Thomas, professeur à l'Institut catholique, sympathique à l'Action française d'une part, et de l'autre aux jeunes catholiques dont il était en quelque sorte le directeur spirituel. Son intégrité dogmatique servirait de bouclier à M. Delteil et à "l'actif éditeur" contre toute attaque venant des catholiques »39.

Maritain avait justifié son point de vue sur la Jeanne d'Arc à l'archevêque de Paris, le cardinal Dubois qui préside le conseil de vigilance du diocèse de Paris. La mise en place dans chaque diocèse d'un conseil de vigilance doctrinal avait été prévue par l'encyclique Pascendi (1907), pour combattre le modernisme. Composé des membres du Conseil archiépiscopal et d'autres choisis dans le clergé séculier et régulier, il tient séance tous les deux mois et a pour mission, aux cours de délibérations secrètes, de dénoncer toutes manifestations modernistes dans les enseignements et les publications. Il possède des moyens de contrainte, puisqu'il gère, notamment, l'attribution de l'imprimatur et publie ses avis dans Les Semaines religieuses40.

En juin 1925, au moment où Delteil accepte d'amender certaines parties du livre - afin de le présenter au prix Fémina-Vie heureuse —, Maritain livre au cardinal les difficultés que pose ce roman d'un point de vue catholique, mais insiste aussi sur le fait que Delteil est sincère dans ses intentions et qu'il se rapproche du catholicisme41.

En I927, Maritain prévoit, pour répondre à Guiraud, la publication d'une brochure42. Contre la forme pamphlétaire et quasi diffamatoire adoptée par le journaliste de La Croix, le philosophe construit sa réplique comme un échange épistolaire entre lui et le directeur des Lettres, Gaétan Bernoville, et Victor Bucaille, un homme d'organisation, critique occasionnel et ami du cardinal Dubois, qui l'ont soutenu durant la polémique. Avec un rapport résumant ses positions, Maritain soumet à l'approbation du cardinal Dubois la publication de la brochure. La logique d'opposition disciplinaire entre le philosophe et l'historien a, sans aucun doute, alimenté la rivalité. Maritain explique qu'il refuse à Guiraud une quelconque compétence littéraire. Il a pris cette Jeanne dArc pour « un ouvrage de critique et d'histoire » , et Maritain d'ajouter : « C'est seulement de l'autorité de l'Église et de votre eminence que nous voulons relever»43. Par ailleurs, il n'a jamais été question de promouvoir ce livre auprès du public catholique, et donc de défendre la « liberté absolue de l'art » . Le philosophe réaffirme la nécessité d'une défense simultanée des droits de la morale et de ceux de « l'intelligence » .

Ce rapport est discuté lors de la séance du conseil de vigilance du 1er avril 1927. Jean Guiraud trouve, au sein du conseil, un défenseur en la personne du cardinal Baudrillart, normalien et agrégé d'histoire comme lui. Le cardinal Baudrillart, recteur de l'Institut catholique de Paris, refuse les justifications que donne le rapport de Maritain. Malgré les corrections apportées, de nombreux aspects du livre de Delteil restent « répugnants » . Soutenu par monseigneur Batiffol, ancien recteur de l'Institut catholique de Toulouse, Baudrillart dit ne pas douter des « bonnes intentions du philosophe » , mais conclut que dans le cas présent il s'est lourdement trompé.

C'est le cardinal Dubois qui met fin à la discussion, et ainsi à toute la controverse : il refuse d'entrer dans l'examen du contenu de la Jeanne dArc, « ne jugeant que le ton de la polémique, estime que M. Guiraud a exagéré et qu'il eût mieux fait de ne pas prolonger ce débat en publiant et en répandant la brochure44 » . Contre Jean Guiraud, Jacques Maritain se constitue, et est conforté dans sa position de défenseur de l'autonomie relative de l'art. Porteur d'un rapport privilégié à la culture, Maritain assure une médiation entre l'institution catholique et le champ intellectuel. L'autorité que lui confère sa position de philosophe thomiste majeur, certifié par l'Église, en tant que porteur de valeurs cléricales et romaines dans un milieu laïc, lui permet de se livrer à « cette œuvre si difficile (et si contrariée) d'apostolat auprès des écrivains et des artistes, à laquelle je ne crois pas pouvoir me dérober »45, comme il l'a écrit au cardinal Dubois.

Au milieu des années 1930, les revues et organisations qui ont porté le mouvement de « renaissance littéraire catholique » - Les Lettres de Gaétan Bernoville,

39 -)■ Guiraud, ibid., p. 109. « L'actif éditeur » désigne Bernard Grasset qui publie Delteil. 40 - G. Marsot, « Conseil de vigilance », Catholicisme, hier, aujourd'hui, demain, Paris, Letouzey et Ané, 1952, t. III, col. 77-78. Et Ordo divini officii, Paris, Poussièlgue, 1909, p. 76. 41 - J. Maritain au cardinal Dubois, lettre du 13 juin 1925, archives du diocèse de Paris, I DXII, 66. 42 - J. Maritain, G. Bernoville et V. Bucaille, D'une mauvaise critique. Réponse à M. Jean Guiraud, Corbeil, Imprimerie Crété, 1927, 29 p. Repris dans J. et R. Maritain, Œuvres complètes, t. 3, op. cit., p. 1318-1321. 43 - J. Maritain, «Rapport à son eminence», 28 mars 1927, archives du Cercle d'études Jacques et Raïssa Maritain, Kolbsheim. 44 - Archives du diocèse de Paris, série 4 E 1, 3, « Conseil de vigilance. Procès-verbaux», p. 2 et 3- 45 - J. Maritain au cardinal Dubois, lettre du 13 juin 1925, archives du diocèse de Paris, I DXII, 66.

LES ÉCRIVAINS CATHOLIQUES DANS LES ANNÉES 20 87

Les Cahiers catholiques de l'abbé Roblot ou la Semaine nent ce « renouveau ». Est-ce un hasard s'ils se retrou- des écrivains catholiques, pour ne citer que quelques vent tous les trois, pendant la guerre d'Espagne, exemples - auront disparu. Force est de constater que à dénoncer la « croisade » franquiste, soutenue par les luttes pour affirmer la légitimité d'une littérature l'Église? On peut en effet se demander dans quelle catholique ont bien contribué à l'émergence d'un cou- mesure la « renaissance littéraire catholique » a, para- rant catholique, mais que celui-ci est représenté par les doxalement, ouvert les conditions de possibilité d'une écrivains qui sont parvenus à se faire reconnaître par le parole catholique spécifique dans le champ intellec- pôle le plus autonome du champ littéraire : François tuel, libérée de la tutelle de l'Église, et critique vis-à-vis Mauriac, Georges Bernanos ou Jacques Maritain incar- d'elle.