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  • Quel controle de gestion pour les startups ?

    Francois Meyssonnier

    To cite this version:

    Francois Meyssonnier. Quel controle de gestion pour les startups ?. 2015.

    HAL Id: hal-01116382

    https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01116382

    Submitted on 13 Feb 2015

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  • Dale Squires

    EA 4272

    Quel contrle de gestion pour les startups ?

    Franois Meyssonnier*

    2015/06

    (*) LEMNA, Universit de Nantes

    Laboratoire dEconomie et de Management Nantes-Atlantique

    Universit de Nantes Chemin de la Censive du Tertre BP 52231

    44322 Nantes cedex 3 France

    www.univ-nantes.fr/iemn-iae/recherche

    Tl. +33 (0)2 40 14 17 17 Fax +33 (0)2 40 14 17 49

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  • Quel contrle de gestion pour les startups ?

    What kind of management control for start-up?

    Franois MEYSSONNIER*

    * Professeur des Universits, Institut dAdministration des Entreprises Universit de Nantes

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    Rsum Une tude de huit PME fondes sur la science permet didentifier les spcificits du contrle de gestion des startups. Dans les startups mergentes le dirigeant nutilise que des linaments de contrle de gestion essentiellement pour dvelopper son approche cognitive du business model. Dans les startups en croissance le contrle de gestion a un rle de garde-fou et les outils de pilotage de la performance sont utiliss essentiellement de faon interactive et pour la prvision. Les principaux outils du contrle de gestion des startups sont identifis : le tableau de trsorerie et le compte de rsultat mensuel ; les tableaux de bord de production et commercial ; la comptabilit de gestion, le systme budgtaire et le tableau de bord global de pilotage. On montre que leurs usages respectifs sont diffrents selon la nature et le stade de dveloppement de la startup.

    MOTS-CLES : CONTROLE DE GESTION, SYSTEME DE PILOTAGE DE LA PERFORMANCE, PME, CROISSANCE, STARTUP.

    Abstract A study of eight SME based on science, enables to identify start-up management control characteristics. In emerging start-ups, the leader uses only management control lineaments mostly to develop his/her cognitive approach of the business model. In growing start-ups, management control acts as a watchdog and performance management tools are mainly used to support interactions and forecasting activities. Start-up management control main tools are identified: cash flow statement and monthly profit and loss account; production and trade dashboards; management accounting, budgetary system and piloting global dashboard. We show that their respective practices are different according to the start-up nature and development stage.

    KEYWORDS: MANAGEMENT CONTROL, PERFORMANCE MANAGEMENT SYSTEM, SMALL AND MEDIUM ENTERPRISES, GROWTH, START-UP.

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    Correspondance :

    Franois MEYSSONNIER IEMN-IAE (Universit de Nantes) Chemin de la Censive du Tertre 44000 Nantes [email protected]

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    Introduction

    La mondialisation de lconomie et la concurrence exacerbe des pays mergents ne laissent davenir aux pays mrs dAmrique du Nord, de la vieille Europe et au Japon que dans leur capacit maintenir un rythme dinnovations lev et une avance technologique leur permettant de remplacer les productions devenues obsoltes ou peu comptitives. Tout un courant de rflexions sur lcologie des populations dorganisations, la suite dHannan et Freeman (1977) et Aldrich (1979), a travaill sur ce sujet du renouvellement du tissu conomique. La croissance des entreprises mergentes a t tudie par de nombreux auteurs (cf. pour une synthse Delmar et al. (2003) et Biga et Gailly (2011)). Les petites entreprises fondes sur la science et capables de croitre trs rapidement en utilisant les nouvelles technologies reprsentent llment dterminant de la nouvelle conomie de la connaissance (Redis 2007). Ces startups sont des jeunes entreprises innovantes fort potentiel de croissance dans le secteur des nouvelles technologies. Ce sont des entreprises qui viennent d'tre lances par leurs dirigeants et actionnaires. Elles n'ont pas de pass, ni d'actifs corporels importants et elles voluent souvent dans un environnement technologique trs mouvant. Leurs flux de trsorerie disponibles sont ngatifs pour un moment et leur niveau de risque est trs lev ce qui explique qu'elles n'aient pas d'autre choix que de se financer par capitaux propres (daprs le Vernimmen.net). Pour survivre et crotre, ces jeunes pousses high tech, parmi d'autres facteurs importants, doivent se doter dun systme de pilotage de la performance adquat (Almus et Nerlinger 1999 ; Zahra et al. 2006). Le contrle de gestion des startups reprsente donc un enjeu considrable aussi bien dun point de vue conomique au niveau macro de la croissance de l'conomie que pour rpondre aux besoins spcifiques des gestionnaires des Petites et Moyennes Entreprises (PME) concernes au niveau micro par la russite de l'entreprise.

    Le contrle de gestion en PME est toutefois un terrain de recherche imparfaitement dfrich (Mitchell et Reid 2000) mme si certains travaux existent sur la mesure statique de loutillage du contrle de gestion dans les PME quelles soient artisanales ou entrepreneuriales. Notre projet de recherche se situe un niveau diffrent : il privilgie ltude de la structuration dynamique du contrle de gestion des startups. La dmarche sera qualitative et base sur des tudes de cas. Nous chercherons voir si les startups se comportent de la mme faon les unes par rapport aux autres et aussi par rapport aux autres PME dans la structuration de leur systme de pilotage de la performance aux diffrentes phases de leur croissance. Nous mettrons en vidence que comme la mise en place du contrle de gestion dans les startups dpend pour beaucoup du niveau de dveloppement de leur activit productive et commerciale, il y a de grandes diffrences entre les startups enracines dans la science qui cherchent principalement finaliser techniquement et commercialiser une innovation (comme beaucoup de bio-techs) et les startups qui souhaitent dvelopper par elles-mmes une chane de valeur au service de leur business model (comme souvent dans l'conomie numrique). Dans le premier cas le contrle de gestion est seulement utile alors que dans le second cas c'est une ncessit.

    Nous ferons dabord une synthse des rsultats connus dans la littrature en matire de contrle de gestion des PME et nous prsenterons les objectifs et les modalits de ltude que nous avons ralise auprs de startups (partie 1). Nous dcrirons ensuite les systmes de pilotage de la performance mis en uvre dans huit startups (partie 2). Enfin nous les analyserons (partie 3).

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    1. Problmatique et mthodologie de la recherche

    Un tat des outils et des pratiques de contrle de gestion en PME va dabord tre fait (section 1.1.) et complt par une rflexion sur le processus de structuration du contrle de gestion en PME (section 1.2.). Nous montrerons que la population des PME en croissance, innovantes et fondes sur les connaissances et la technologie, a des spcificits qui sont susceptibles de gnrer un comportement diffrent en matire de pilotage de la performance (section 1.3.). La mthodologie et le terrain de notre recherche seront enfin prsents (section 1.4.).

    1.1. Les outils et pratiques du contrle de gestion dans les PME

    Les PME sont habituellement caractrises par un certain nombre de critres lis la taille mesure en nombre de salaris, en chiffre daffaires et en total dactif au bilan. Pour lUnion Europenne (circulaire 361 tablie en 2003), la PME correspond lensemble des socits indpendantes (donc pas les filiales de grands groupes) ayant moins de 250 salaris et avec un chiffre daffaires infrieur 50 millions deuros ou un bilan infrieur 43 millions deuros. Cette classification inclut les Trs Petites Entreprises (TPE) de moins de 10 salaris, les Petites Entreprises (PE) de 10 50 salaris, les Moyennes Entreprises (ME) de 50 250 salaris. Elle est prolonge par la catgorie des Entreprises de Taille Intermdiaire (ETI) de 250 5 000 salaris. Si lon considre que ce qui caractrise la PME cest la proximit spatiale, hirarchique et fonctionnelle (Torres 2002), il est clair que le recours aux dispositifs formels garants de la convergence des comportements est limit par nature. Le dirigeant est sur le terrain et assure la mise en uvre de ses choix stratgiques et oprationnels par une supervision directe. Ceci est dautant plus vrai que les tches sont souvent peu spcialises dans la PME, les systmes dinformation sont trs simples et la stratgie peu formalise. Les instruments du contrle de gestion seront donc en gnral peu dvelopps, limits leur rle daide la prise de dcision, mis en uvre par les acteurs de terrain (en labsence trs souvent dune fonction contrle de gestion) et pars, sans mise en cohrence globale.

    La littrature relative au contrle de gestion en PME sest focalise sur la taille de lentreprise. Il est assez normal quune petite entreprise de type artisanal sans vocation de croissance et restant durablement en dessous de 50 salaris nait pas de raisons de structurer vraiment un systme de pilotage de la performance. Pour les entreprises moyennes les choses sont plus complexes. Une entreprise industrielle de taille moyenne, a une activit de transformation assez consquente au niveau des processus internes de sa chane de valeur et fait travailler en son sein des spcialistes trs diffrents. Une comptabilit de gestion est alors ncessaire surtout si la production est diversifie (Nobre 2001). A linverse, une entreprise commerciale regroupant un grand nombre de magasins, mais tous vendant le mme type de produits et organiss de faon simple et identique (un responsable de magasin, un ou deux vendeurs, une apprentie) avec un organigramme plat, na pas besoin de calculs de cots dtaills et peut se dvelopper mme de faon importante sans que structurer son contrle de gestion soit un impratif immdiat (cf. ce propos la situation dcrite par Meyssonnier et Zawadzki 2008). Mais en matire de budgets, un reporting mensuel est gnralement ncessaire et il en est de mme pour le suivi des indicateurs physiques et financiers des tableaux de bord (Germain 2005). Ainsi, les lois dusage et les comportements sont diffrents selon que lon parle des calculs et de lanalyse des cots (plus importants pour les PME industrielles que pour les PME commerciales), du pilotage de la performance par les budgets (qui semble li la taille) ou du pilotage de la performance par les indicateurs de gestion (qui sont courants en PME dans le cas des tableaux de bord oprationnels et privatifs mais qui napparaissent souvent qu partir dune certaine taille dans le cas des tableaux de bord

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    stratgiques de type balanced scorecard). Le seuil des 100 salaris est considr par Nobre (2001) comme celui dune gnralisation assez frquente des budgets et des tableaux de bord en PME. Ceci est toutefois un peu moins net quand la famille propritaire est fortement prsente dans le top management car alors la supervision collective de la famille peut partiellement suppler labsence de systme formalis de pilotage de la performance (Speckbacher et Wentges 2012).

    On distingue classiquement les PME selon la typologie bien connue de Julien et Marchesnay (1987) qui oppose les PME artisanales sans volont prioritaire de croissance (PME de type PIC : Prennit-Indpendance-Croissance) et les PME entrepreneuriales dont la petite taille correspond juste un moment particulier dans un projet consubstantiel de croissance (PME de type CAP : Croissance-Autonomie-Prennit). La taille est un facteur partiellement explicatif de la prsence variable doutils de contrle de gestion dans les PME stables de type artisanal (quoique de faon diffrencie et avec beaucoup de limites comme nous venons de le voir) mais apporte un clairage insuffisant si on considre spcifiquement les entreprises entrepreneuriales qui ne sont pas petites par nature mais petites pour un moment et nont pas vocation le rester. Dans le cadre dune approche dynamique de la structuration de leur contrle de gestion, cest cette catgorie de PME dont la vocation premire est de dpasser ltat dentreprise de petite taille dans une logique de dveloppement de leur activit et dinnovation au sens de Schumpeter (1935) que nous allons nous intresser (plus exactement un segment de cette population de PME CAP, les entreprises fondes sur la science et innovantes).

    1.2. La structuration du contrle de gestion dans les PME en croissance

    Plutt quune approche statique des pratiques de contrle de gestion en PME centre sur quelques outils gnriques en matire de contrle de gestion (calculs de cots, budgets, tableaux de bord), il nous semble prfrable pour comprendre le fonctionnement des PME de type CAP de dvelopper une approche du systme de pilotage de la performance de la PME qui soit plus large (incluant la formulation des objectifs stratgiques, lidentification des chanes de causalit, la dtermination des niveaux de performance, le systme incitatif dintressement). Cette approche globale et ouverte en matire d'instrumentation de gestion est plus mme de saisir la diversit des dispositifs de contrle qui concourent la mise sous tension de la startup. Elle est tout fait compatible avec l'approche de Simons (1995) qui distingue les usages diagnostique ou interactif des leviers du contrle. La rfrence nest donc plus trouver dans le contrle de gestion classique dAnthony (1965) centr sur la modlisation financire mais au niveau du systme global de pilotage de la performance de Ferreira et Otley (2009) qui garantit que les choix du business model seront mis en uvre dans les processus oprationnels. Nous nous situons donc dans une approche de type Performance Measurement Systems (PMS) plus que dans une approche de type Management Control Systems (MCS) si on reprend la classification des cadres de rfrence thoriques de la recherche en contrle de gestion de la PME de Garengo et al. (2005). Ltude du contrle de gestion va aussi changer de perspective, elle ne va pas tre statique (en coupe) mais dynamique (en processus) et elle ne se fera plus en prenant en compte le critre quantitatif de la taille mais le critre beaucoup plus qualitatif du moment dans le cycle de vie de lentreprise (Condor 2012). Ceci amnera naturellement sintresser aux effets de seuils et aux ruptures dans le fonctionnement interne lis la croissance des PME.

    Greiner (1972) a mis en vidence lapparition de seuils organisationnels dans le dveloppement de la PME. Son analyse a t reprise ensuite notamment par Adizes (1991) et

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    Godener (2002). La distinction en cinq phases, voire plus, intervenant systmatiquement dans la trajectoire de croissance des PME, utilise par Churchill et Lewis (1983) et beaucoup d'autres auteurs, est aujourd'hui trs conteste (Phelps et al. 2007 ; Levie et Lichtenstein 2010) car les constations empiriques sur la structure organisationnelle et le comportement gnral des PME ne sont absolument pas convergentes. Par contre, pour ce qui relve spcifiquement du contrle de gestion, les trois tapes de la structuration du contrle de gestion permettant de passer de la petite entreprise fonctionnement informel et peu instrument l'entreprise moyenne avec mise en place de procdures formalises et d'outils de contrle de gestion ddis et ensuite l'entreprise de taille intermdiaire avec dlgation des responsabilit et mise en place dun systme de contrle global, semblent assez naturelles.

    La petite entreprise son premier stade de dveloppement est dabord trs largement la projection de son dirigeant-fondateur : les modes de fonctionnement informels et la supervision directe sont essentiels. A un moment donn, dans sa croissance, lentreprise connat des dysfonctionnements internes en raison de linadaptation de plus en plus criante entre, dune part, sa taille et les problmes de gestion auxquels elle doit faire face et, dautre part, son type de management souvent intuitif et extrmement personnalis. La formalisation des procdures dans lorganisation devient donc indispensable. Cest l le premier seuil dans la vie de la PME : ltape de la formalisation qui intervient souvent quand lentreprise doit grer une cinquantaine de salaris (le nombre de personnes grer semblant un critre assez central) mais avec une grande variance lie lactivit et une multitude de facteurs de contingence. Si pour Brac de la Perrire (1978) ce premier seuil organisationnel se situe aux alentours de 50 salaris, pour Steimetz (1969) et Basire (1976) il est plus bas, environ 30 salaris, et pour Glinier et Gaultier (1974) ou Kalika (1985) il est plus lev, environ 100 salaris. Une fois cette transition effectue, au deuxime stade de son dveloppement, lentreprise moyenne (tudie par Reyes 2004) a rationalis et stabilis son fonctionnement et s'est dote de plusieurs instruments de contrle de gestion mais qui ne sont pas forcment articuls. Elle est confronte ensuite, si elle poursuit sa croissance, la ncessit dembaucher des spcialistes, de circonscrire et rpartir les fonctions et lentreprise doit sassurer alors de la convergence des comportements et du suivi de ses performances. Un systme global de pilotage doit donc tre mis en place car on ne peut concevoir de dlgation des responsabilits sans modalits de reporting ou systme daccountability. Cest alors quintervient souvent le second seuil dans la vie de la PME (combinant dcentralisation des responsabilits et structuration de la gestion) quand lentreprise doit grer de lordre de 250 salaris mais avec l encore une grande variance dans la taille dclenchant ce changement. Une fois dpass cette tape, le troisime niveau de dveloppement de la PME est atteint et au stade adulte les spcificits lies la taille sestompent et lEntreprise de Taille Intermdiaire (ETI) quelle est maintenant devenue relve fondamentalement des mmes problmatiques que les entreprises classiques pour ce qui a trait au contrle de gestion. On pourrait mme aller jusqu soutenir que cest lexistence dun contrle de gestion structur avec ses outils (de contrle budgtaire notamment) et ses acteurs (directeur financier ou contrleur de gestion) qui est le marqueur du passage de ltat de PME celui dentreprise standard .

    Le moment dans le cycle de vie de lentreprise semble logiquement important pour les modes de gestion et linstrumentation lie des PME en croissance, pourtant les approches par les processus lis au cycle de vie de lentreprise sont trs rares dans la littrature acadmique. Comme le remarque Condor (2012) on ne peut citer qu'une seule tude longitudinale mene sur la dure (Meyssonnier et Zawadzki 2008). Elle mettait dailleurs en vidence une structuration tardive de la gestion et les grandes difficults mettre en place le contrle de gestion, le deuxime seuil ntant pas encore survenu dans cette entreprise commerciale de

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    prs de 1000 salaris en pleine croissance mais avec un organigramme trs plat et avec une prsence trs forte de la famille tous les postes de direction. Dans cette perspective fonde sur le cycle de vie de la PME, ltude des startups est un champ dexploration particulirement intressant.

    1.3. Les spcificits de la structuration du contrle de gestion dans les startups

    Dans la mise en uvre des outils de gestion, on admet gnralement que trois dimensions sont prendre en compte : les aspects lis lenvironnement socio-politique, les aspects lis la dimension psycho-cognitive des acteurs, les aspects lis la rationalit technique des outils (De Vaujany 2005 ; Grimand 2006). Ces trois dimensions vont impacter la mise en uvre du contrle de gestion des startups de faon diffrente de ce qui se passe dans les autres PME.

    Dans le cas des PME familiales classiques qui constituent lessentiel du tissu conomique en rgions, les modes de gestion sont linterface de logiques gestionnaire (permettre la croissance et la rentabilit de lentreprise), patrimoniale (dvelopper la richesse de la famille propritaire) et de pouvoir (assurer le statut et linfluence du dirigeant). La structuration du contrle de gestion peut tre retarde quand les aspects sociologiques prennent le pas sur les ncessits gestionnaires. Ainsi Nobre et Zawadzki (2013) ont montr de faon convaincante comment un chec dans la mise en place dun systme de pilotage cohrent et global de la performance sexpliquait avec une grille de lecture dinspiration sociologique (lanalyse stratgique de Crozier). Dans dautres cas, ce sont les dimensions psycho-cognitives qui peuvent expliquer certains paradoxes et lcart entre ce qui semblerait souhaitable du point de vue de la rationalit de gestion et ce qui est possible au regard des dispositions psycho-cognitives des acteurs. Chapelier (1997) a mis ainsi en vidence limportance du profil des dirigeants et les difficults sapproprier les outils de gestion pour des dirigeants non forms cela.

    Le cas des startups est particulirement intressant car il semble thoriquement capable de rsister ces deux grilles danalyse (socio-politique et psycho-cognitive). Les startups ne sont pas hritires dune longue tradition familiale (avec les rgles, routines, contraintes dcoulant de lenvironnement familial). Ce sont des firmes purement entrepreneuriales qui ont vocation sextraire des pesanteurs sociologiques de toute nature pour russir. Comme elles ne subissent pas dhritage lourd en termes de contexte et de modes de fonctionnement, elles peuvent assez facilement saffranchir des obstacles sociologiques et mettre en place le contrle de gestion ncessaire. Par ailleurs, les startups sont des entreprises bases sur la technologie, fondes par des scientifiques innovants bien forms dans le domaine technique, assists par des spcialistes en gestion ou se donnant les moyens de se former eux-mmes aux techniques du management et donc dcids dpasser les obstacles psycho-cognitifs qui pourraient entraver la ncessaire instrumentation de leur gestion. Les limites socio-politiques et psycho-cognitives la structuration du contrle de gestion sont donc plus facilement leves dans les startups que dans les autres PME. Ltude des startups est un champ peu explor mais potentiellement riche dapports pour la recherche sur le contrle de gestion en PME. Il faudrait vrifier sur le terrain si comme nous venons de le supposer partir d'hypothses logiques, cest un domaine o a priori la structuration du contrle de gestion devrait se faire rapidement, de faon adapte aux besoins de lentreprise et dans une logique essentiellement rationaliste. Les startups seraient alors susceptibles de rentrer dans la catgorie mise en vidence par Torres (1997) des PME dnatures, cest dire petites par la taille mais se comportant en matire de pratiques et dinstrumentation de gestion (et pour nous spcialement en matire de contrle de gestion) mutadis mutandis comme les grandes entreprises.

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    La littrature spcifique sur le contrle de gestion des startups est trs limite. Granlund et Taipaleenmki (2005) ont montr, partir dune tude de neuf PME de la nouvelle conomie, que la pression du temps et les contraintes en terme de dlais, chances et enjeux temporels poussent les dirigeants des startups privilgier la prvision plus que le contrle. Ils doivent aussi intgrer la pression de parties prenantes externes aux premiers rangs desquelles les fonds de capital-risque puis plus tard les analystes financiers quand les dirigeants envisagent de se faire financer par les marchs. Ceci conduit les auteurs insister sur lapproche par le cycle de vie de lentreprise pour comprendre lvolution des systmes de contrle de gestion des startups, comme le font dans un autre contexte Moores et Yuen (2001). Davila et Foster dans une tude de rfrence auprs de 78 startups de moins de 10 ans et entre 50 et 100 salaris (Davila et Foster 2005) mettent en vidence que ladoption des budgets pour assurer le pilotage de la performance est corrl avec plusieurs facteurs : la prsence dans le capital de fonds dinvestissement ; lexprience de gestion du principal dirigeant de lentreprise et sa croyance dans les bienfaits du systme de prvisions budgtaires ; la prsence dun Directeur Administratif et Financier (DAF) ; le nombre demploys. Aprs ces explications relatives aux facteurs explicatifs de la structuration du contrle de gestion, voyons maintenant la nature et le contenu des systmes de pilotage de la performance des startups d'aprs la littrature. Davila et Foster (2007) montrent quavec les documents comptables prvisionnels, trois outils de contrle de gestion sont souvent articuls : le suivi des processus oprationnels, le suivi de la trsorerie, le suivi des ventes. Avec en gnral un rythme mensuel et une comparaison du prvisionnel et du ralis. A ct de cela les startups amricaines mettent en uvre des outils stratgiques et de management tels que : charte de valeurs, guide des procdures, identification des objectifs stratgiques et des objectifs RH en dcoulant en termes de recrutements.

    Par ailleurs, pour tenter de caractriser le style de mise en uvre du contrle de gestion dans les startups, on peut aussi s'inspirer de la typologie de la fonction contrle de gestion propose par Lambert et Sponem (2009) prenant en compte lautorit plus ou moins importante dans lentreprise et le client principal du contrleur de gestion dans la structure. Pour eux : le contrle de gestion peut tre discret quand son autorit est faible et son client est le management local (fonction efface, essentiellement dans les groupes domin par les commerciaux) ; le contrle de gestion est garde-fou quand son autorit est faible et son client la direction gnrale (fonction cantonne, essentiellement dans les groupes domins par les ingnieurs) ; le contrle de gestion est partenaire quand son autorit est forte et son client est le management local (fonction assume, dans les groupes contrle budgtaire assez lche) ; le contrle de gestion est omnipotent quand son autorit est forte et son client est la direction gnrale (fonction dominante, dans les groupe contrle budgtaire strict). Il nous semble que cette grille de lecture est susceptible d'aider la caractrisation des configurations de contrle de gestion dans les startups avec une adaptation due au fait qu'on rencontre souvent un Responsable Administratif et Financier (RAF) au primtre de responsabilit plus large que le seul contrle de gestion dans ces petites structures.

    1.4. La dmarche de recherche mise en uvre

    Notre tude, de nature qualitative, porte sur le contenu et les modalits de mise en place du contrle de gestion dans les startups fondes sur la science. La dmarche qui vient spontanment l'esprit serait de mener une tude longitudinale dans une ou plusieurs startups comme cela a dj t effectu dans une PME familiale par Meyssonnier et Zawadzki (2008).

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    Mais ceci a plusieurs inconvnients. Il faudrait suivre sur de nombreuses annes plusieurs startups en sachant que la mortalit est trs forte dans les premires annes. Ceci imposerait de slectionner une dizaine de startups mergentes afin de pouvoir analyser les cas des deux ou trois qui auraient survcu et se seraient dveloppes de faon autonome sans sombrer ou tre absorbes. C'est une dmarche trs chronophage, alatoire et illustrative mais peu probante car aboutissant la description d'un cas unique ou d'une poigne de cas. Nous avons donc opt pour une dmarche alternative. Au lieu de faire un travail sur la dure dans une startup qui se dvelopperait et constituerait progressivement son systme de pilotage de la performance, nous avons dcid de travailler en coupe sur un chantillon de huit startups des moments diffrents de leur cycle de croissance, donc en slectionnant des cas d'entreprises performantes plusieurs titres (leur notorit dans leur cosystme rgional entrepreneurial, leur prennit et leur croissance) avec une certaine diversit de leurs activits. Et ceci nous a permis galement d'interroger nos interlocuteurs sur les volutions passes de leurs outils de contrle de gestion dans une approche historique rtrospective.

    Il y a un intrt tudier les processus de cration et de dveloppement des startups dans une logique spatiale comme lont montr Garnier et Mercier (2007). Cest pourquoi nous avons men notre recherche exploratoire au niveau de lcosystme nantais constitu autour de la valorisation conomique de la science (un des plus dynamiques en France aprs Paris et Rhne-Alpes). Des contacts ont t pris avec les structures nantaises en lien avec les startups et nous avons utilis toutes les informations publiques disponibles (greffes des tribunaux de commerce, sites Internet des entreprises, coupures de presse, etc.). Nous avons pris en compte les rapports de stage de nos tudiants dans ces entreprises ainsi qu'un mmoire universitaire rdig par le dirigeant fondateur de lentreprise A qui a pass un master Management et Administration des Entreprises, option contrle de gestion et a produit une rflexion sur son exprience propre. Des entretiens enregistrs dune dure dune deux heures ont eu lieu avec les dirigeants des huit startups (cf. tableau 1 a, page suivante) en utilisant un guide d'entretien (permettant de balayer les points suivants : parcours du fondateur-dirigeant et histoire de l'entreprise ; business model et chane de valeur de l'entreprise ; structure et tats comptables de l'entreprise ; description des outils de contrle de gestion en place ; tapes de la structuration de son systme de pilotage ; enjeux et perspective en matire de contrle de gestion ; etc.). Nous avons collect le maximum possible de documents internes sur leur contrle de gestion cette occasion. Ils se prsentent sous la forme de documents crits ou plus souvent de fichiers numriques et tableaux Excel, parfois de nature comparable comme pour les budgets de trsorerie ou les documents prparatoires aux dclarations fiscales pour bnficier du statut de Jeune Entreprise Innovante (JEI) ou du Crdit dImpt Recherche (CIR), parfois assez diffrents quand il sagit de tableaux de bord oprationnels lis la R&D, la production ou lactivit commerciale.

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    Tableau 1 a : Les huit entretiens raliss avec les startups

    Personne rencontre Fonction Structure Date Fabien P.

    PDG Entreprise A Juin 2013

    Maryvonne H.

    PDG Entreprise B Janvier 2014

    Frdric R.

    PDG Entreprise C Dcembre 2013

    Alexis N.

    PDG Entreprise D Dcembre 2013

    Cdric H.

    RAF Entreprise E Novembre 2013

    Julien H.

    PDG Entreprise F Dcembre 2013

    Kristell D-P.

    DAF Entreprise G Novembre 2013

    Romain le G.

    DAF Entreprise H Dcembre 2013

    Ceci a t complt par des entretiens auprs de leurs partenaires les plus proches : l'incubateur rgional, les fonds de capital risque et les experts comptables spcialiss dans les startups qui contribuent au dveloppement des outils de contrle de gestion de ces entreprises.

    Tableau 1 b : Les six entretiens raliss avec les partenaires des startups

    Personne rencontre Fonction Structure Date Jean-Marc S. Charg de mission

    accompagnement des startups Incubateur rgional Atlanpole Septembre 2013

    Patrick B. Dlgu innovation Bpifrance Antenne des Pays de la Loire

    Janvier 2014

    Didier A.-D.

    PDG Fonds dinvestissement Atlantic Business Angels Booster

    Janvier 2014

    Jrme G. Directeur dinvestissements Fonds dInvestissement Grand Ouest Capital

    Dcembre 2013

    Yoann J.

    Expert-Comptable spcialis dans les startups

    Cabinet In Extenso

    Dcembre 2013

    Hugues de N.

    Expert-comptable spcialis dans les startups

    Cabinet HLP-audit Janvier 2014

    Les entreprises tudies (qui constituent un chantillon de convenance, non significatif statistiquement mais trs illustratif de la situation des startups ayant russi et bien gres daprs les experts du secteur rencontrs sur place) sont prsentes dans le tableau 2 page suivante. Nous avons privilgi les startups dont les experts locaux nous avaient indiqu qu'elles taient les plus intressantes, celles dployant les mthodes et les outils jugs les plus adapts et qui russissaient en dveloppant une approche avance et pertinente en matire de pilotage de la performance d'aprs les diffrents experts-comptables, les investisseurs, les responsables de structures d'accueil et leurs collgues de la communaut des entrepreneurs high tech. Ainsi notre tude porte plus sur l'analyse fine ancre dans le terrain des best practices (auprs de startups slectionnes) que sur une simple mesure des pratiques moyennes de toutes les startups (possible par questionnaire mais d'un intrt plus rduit notre avis).

    Dans notre dmarche nous nous sommes arrts cet chantillon car en raison du principe de saturation cognitive, il nous a sembl que la multiplication des cas napporterait plus dinformation pertinente supplmentaire significative aprs ces quelques tudes de startups (et d'ailleurs localement on nous a fait plusieurs fois la remarque que nous avions identifi et rencontr les entreprises probablement les plus intressantes). Nous tudierons donc

  • 12

    successivement : le cas de deux startups naissantes de moins de 10 salaris et peu ou pas de CA ; le cas de trois startups en dveloppement de 5 10 ans dexistence avec une vingtaine de salaris et 1 2 millions de CA ; le cas de deux startups en croissance de 5 10 ans dexistence, une cinquantaine de salaris et quelques millions de CA ; le cas d'une startup mature de 15 ans dexistence, 250 salaris et 140 millions de CA.

  • Tableau 2 : Les huit startups nantaises tudies

    A B C D E F G H Nature de lactivit

    Plate-forme dcoute web

    Immunothrapie Perage vibratoire Logiciels darchivage de linformation patrimoniale

    Simulation numrique maritime

    Gestion de le-relation

    Industrialisation de logiciels libres

    Vente produits high-tech en ligne

    Phase du cycle de vie

    Trs petite entreprise en phase de lancement

    Trs petite entreprise en phase de lancement

    Petite entreprise

    Petite entreprise

    Petite entreprise

    Entreprise moyenne

    Entreprise moyenne

    Entreprise de taille intermdiaire

    Date et lieu de cration

    2011 Nantes

    2007 Nantes

    2007 Nantes

    2007 Nantes

    2007 Nantes

    2009 Nantes

    2005 Nantes

    1998 Nantes

    Sige Nantes Nantes Nantes Vertou (agglomration nantaise)

    Nantes Nantes Carquefou (agglomration nantaise)

    Grandchamps des Fontaines (agglomration nantaise)

    Dirigeant Fabien P (docteur en informatique de lUniversit de Nantes)

    Mme H (Ingnieur de lcole polytechnique fminine)

    Frdric R (financier)

    Alexis M (diplm Audencia Nantes)

    Erwan J (Ingnieur docteur Centrale Nantes)

    Julien H (informaticien issu dun IUT)

    Stphane L (Ingnieur INSA Rouen)

    Jean-Philippe F (informaticien issu dun IUT)

    Actionnariat Fabien P Fondateurs (45%) le reste auprs dune centaine dactionnaires

    Frdric R et une famille amie

    Alexis M (90%) Christophe L (10%)

    Erwan J et Ecole Centrale 5%

    Fondateurs, Business Angels et fonds

    Stphane L Etienne J Jonathan M

    Jean-Philippe F

    Nombre de salaris

    6 11 12 23 19 50 52 250

    CA 2013

    70 K 4 M de cession de licence

    1,5 M 1,6 M 1,9 M 2,6 M 3 M 140 M

    Informations complmentaires

    Prix OSEO 2012 Accord de licence avec un grand laboratoire pharmaceutique

    Laurat des trophes de linnovation 2012

    Parmi les 100 startups les plus prometteuses en France

    Laurat des trophes de linnovation 2011

    n1 sur le march franais

    n2 sur le march franais du e-commerce high-tech

  • 2. Description des modes de contrle de gestion des startups

    Lorganisation et linstrumentation du contrle de gestion des huit startups nantaises diffrentes tapes de leur dveloppement vont maintenant tre dcrites : les startups naissantes (section 2.1.), les petites entreprises en dveloppement (section 2.2.), les moyennes startups en croissance (section 2.3.) et une entreprise devenue mature (section 2.4.). Cette classification en fonction de la taille et de l'ge de l'entreprise est prise par commodit pour prsenter les startups tudies mais elle ne prsume pas dune ventuelle corrlation avec la question de la structuration du contrle de gestion qui est au coeur de notre recherche.

    2.1. Startups naissantes : les trs petites entreprises A et B

    Lentreprise A est dans sa deuxime anne dexistence. Elle a t fonde fin 2011 par deux docteurs en informatique, spcialiss en traitement automatique des langues, de lUniversit de Nantes. Lentreprise a t laurate du concours national de cration dentreprise du Ministre de la Recherche et de lEnseignement Suprieur en 2012. Fin 2012, il y a six personnes travaillant dans lentreprise, un des deux fondateurs est parti, une salarie actionnaire depuis lorigine a aussi t licencie. Le dirigeant qui pilote cette TPE indique ses attentes en matire de systme de pilotage (Poulard 2013) :

    En tant que dirigeant, je suis tiraill entre deux visions de mon entreprise. La premire est celle de mon business plan. Celui-ci couvre trois ans dactivit avec les bilans et comptes de rsultat correspondants et fournit un plan de financement. Le problme est quil est dconnect de la ralit la minute o il est imprim. La seconde est celle de ma banque ou plutt de la trsorerie disponible, de la production en cours, des charges payer et des factures clients en attente de paiement. Cest une vision plus proche du terrain et de la ralit mais qui ne permet aucune prise de recul ni de se projeter dans lavenir. (Verbatim 1, le dirigeant)

    Un systme de pilotage de la performance simple est mis en place par le dirigeant. Cest un instrument de gestion personnel, aliment et utilis uniquement par lui, ce qui est classique dans une TPE. Il est compos de trois lments : un suivi mensuel de la trsorerie (trois indicateurs), un suivi hebdomadaire et trimestriel de leffort commercial (une petite dizaine dindicateurs), un suivi mensuel et annuel du CA ralis (deux indicateurs). En matire de trsorerie :

    Lobjectif du suivi mensuel est de vrifier ladquation de la balance mensuelle de trsorerie avec les budgets et de calculer le burn rate de lentreprise (soit le nombre de mois pendant lesquels je peux maintenir mon activit de prospection et de production supposer que je ne fasse pas de ventes). Si lhypothse peut paratre trange pour une socit bien tablie, cest un indicateur utile pour une socit comme la ntre qui cherche encore son march. (V2)

    La socit est donc en phase dexploration. Un suivi hebdomadaire permet de piloter de faon trs dtaille leffort commercial au plus prs de loprationnel en adaptant la stratgie si ncessaire. Les indicateurs retenus pour ceci concernent : leffort de prospection en nombre denvoi de mails ou de coups de tlphone ; le nombre, lidentification et la qualification des contacts pertinents ; le nombre de contacts et de rendez-vous pris ; le nombre de rendez-vous de dcouverte raliss pendant la semaine ; le nombre de propositions commerciales envoyes ; le nombre de contrats signs et le Chiffre dAffaires (CA) gagn. La proportion entre chacun de ces indicateurs permet de calculer un taux de transformation refltant lefficacit de la dmarche. Ces lments servent de support la runion hebdomadaire qui permet de dresser le bilan de la semaine coule et de prparer la semaine venir. De son

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    ct, la ralisation de la stratgie globale est juge mensuellement avec une comparaison entre le prvu et le rel en matire de CA.

    Lentreprise B existe depuis 2007. Elle dveloppe une nouvelle molcule vitant les rejets et les effets indsirables en cas de transplantation sur laquelle elle a dpos cinq brevets. La molcule va entrer en phase 1 (essais sur lhomme) et lentreprise a pass rcemment un accord de licence avec un groupe pharmaceutique important. Elle na pas de CA mais des redevances permettant de couvrir les frais de dveloppement de la molcule jusqu la phase 1. Elle fait des pertes depuis sa cration. Une autre molcule en phase moins avance bnficie de subventions et une troisime molcule va tre slectionne afin dtre dveloppe. Le cycle de dveloppement des molcules par les bio-techs est long et passe par diffrentes tapes dexploration :

    Pour la premire molcule on a pass un deal avec un laboratoire pharmaceutique. Ceci nous permet de financer notre R&D. On est confiant sur le risque scientifique. On a tout test par rapport aux animaux. Mais limportance de limpact positif sur lhomme est encore alatoire et il peut y avoir des problmes de dlais. La molcule nest pas fabrique par nous. Tout est sous-trait des partenaires diffrents pour le manufactoring et on fait appel galement des consultants scientifiques extrieurs pour avoir les avis les plus pointus selon les questions quon se pose. Chacun est le meilleur dans son domaine. (V3, la PDG)

    Lentreprise ne cherche pas grossir fortement : On veut rester une petite quipe. Monter jusque vers 30 50 personnes mais pas plus. On ne cherche pas constituer notre propre plateforme scientifique et de dveloppement. On veut garder le lien avec les centres acadmiques et les groupes industriels et faire de lingnierie avec leurs plates-formes spcialises dans des partenariats diffrents selon la nature des molcules. (V4)

    La dirigeante, qui est maintenant assiste par une Responsable Administrative et Financire (RAF), sappuie essentiellement sur un tableau de trsorerie. Cest loutil principal de contrle financier. La comptabilit est sous-traite un expert-comptable. Le recours aux projets collaboratifs et au Crdit dImpt Recherche (CIR) est essentiel. On ventile les charges et les temps de travail sur les activits (molcule dveloppe n1, molcule mergente n2, autres molcules en phase de slection) et sur les frais gnraux. Le comit de direction (PDG, RAF et directeur de la recherche) se runit toutes les semaines mais les documents comptables ne servent quune fois par an.

    2.2. Startups en dveloppement : les petites entreprises C, D et E

    Lentreprise C a mis au point une technologie de perage assist par vibrations basses frquences. Elle a dpos quatre brevets. Ses clients sont des industriels comme Airbus et dautres entreprises de laronautique ainsi que des ensembliers intgrateurs vendant une gamme de perceuses industrielles dont certaines dotes de la technologie de lentreprise C. Lentreprise a t fonde en 2007. De 2007 2010, lactivit commerciale est reste embryonnaire. A partir de 2011, lactivit sest fortement dveloppe. Le dclic a t lobtention de deux gros contrats de plusieurs milliers de machines quiper pour le lancement de lAirbus 350. Lentreprise a t cre par un agrg de mcanique mort prmaturment trente-six ans. Lassoci et la famille du fondateur ont poursuivi le dveloppement de lentreprise. Sur les douze salaris, quatre soccupent de la R&D (amliorer la technologie actuelle et prparer la nouvelle technologie alternative). Le dirigeant soccupe du commercial et de la gestion. Il est assist dun directeur scientifique qui supervise dune part les process de la R&D et dautre part la production et le bureau dtude pour les

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    clients. Lentreprise na jamais perdu dargent. Un comit de gestion, avec le dirigeant, le responsable scientifique et la famille du fondateur, se runi tous les trimestres. Lentreprise a un plan trois ans. La technologie suit un cycle quil faut parcourir tape aprs tape afin de se faire rfrencer et dtre accept par les clients industriels. Lentreprise travaille beaucoup par affaires et donc avec des problmes de dcalages frquents dans le temps des projets industriels. Il ny a pas de prospection commerciale globale mais il faut gagner des projets industriels auprs de gros donneurs dordre avec une croissance qui se fait par sauts en fonction du lancement de leurs investissements mme si la technologie est aussi intgre sur les machines des fabricants de machines outils les plus connus (ce qui gnre des revenus rcurrents). Le contrat de 2011 a gnr une trsorerie excdentaire considrable qui a permis le dveloppement de lentreprise. Lentreprise a atteint une phase de consolidation de sa technologie initiale et repart pour le dveloppement dune nouvelle technologie (phase dexploration). Le dirigeant insiste sur limportance du suivi de la trsorerie dans son pilotage :

    On na pas de fabrication. On recourt des sous-traitants. Nous on conoit, on assemble, on contrle et on assure la mise sur le march : on est de la matire grise uniquement. Dans cette situation, pour moi le plus important cest la trsorerie. Le suivi dtaill du plan de trsorerie par quinzaines sur Excel est mon outil de pilotage essentiel. A travers la trsorerie on voit tout. (V5, le dirigeant)

    Les autres outils de pilotage de la performance (inexistants dans les cas prcdents des entreprises A et B) sont trs rduits :

    On na pas de suivi comptable. Les comptes sont entirement tenus par un expert-comptable qui passe 2 fois par an (en fin de premier semestre et la clture). On a une comptabilit analytique trs rudimentaire, juste pour distinguer les charges de R&D (pour le Crdit dImpt Recherche) des charges dexploitation courante. On ne suit pas les charges par affaires ou projets : juste par nature. Lessentiel des charges est fixe : comme charges variables, on na que les achats consomms et on ne fait pas de suivi dtaill des temps. (V6)

    Il ny a donc pas de comptabilit analytique. Lentreprise fixe ses prix de vente partir dune estimation de ce que le client va conomiser grce la technologie quon lui vend. On ne raisonne pas partir dun chiffrage des cots (dmarche par lamont de type cost + ) ni par une comparaison avec les prix de march (dmarche par laval de type target costing ) mais partir dun seuil dacceptabilit pour le client en fonction de lavantage technico-commercial dlivr par la technologie.

    Une autre entreprise, entre dans cette mme catgorie de startups. Il sagit de lentreprise D, cre il y a six ans, qui est spcialise dans les logiciels de gestion de linformation patrimoniale (archives historiques, muses, valorisation du patrimoine priv des entreprises) pour assurer la numrisation de documents physiques existants ou la cration de documents directement dmatrialiss. Lentreprise est sur un modle dditeur (quatre personnes en R&D) et dintgrateur de ses produits (huit personnes en relation avec les clients). Les clients sont 90% publics et il y a toujours un contrat de maintenance associe. Le facteur cl de succs de lentreprise est la connaissance intime du mtier et des rgles de gestion des archives. Lentreprise ne fait pas trop de recherche fondamentale ou de contrats collaboratifs sur fonds publics. Elle sest lance tout de suite sur le march. La croissance est deux chiffres en moyenne depuis la cration, toujours avec un bnfice. Le dirigeant est diplm dAudencia Business School. Un des deux fondateurs est parti rcemment. Le dirigeant a rachet ses parts et cette occasion un investisseur, personne physique, est entr dans le capital pour 10%. Il ny a pas dobjectif dlargir le capital ou de recourir des fonds dinvestissement (lentreprise recourt des avances remboursables de la banque publique

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    Bpifrance pour financer la R&D). Dans lactivit il ny a pas de trs gros projets, plutt un ensemble de contrats diffus autour de 100 K chacun. Il y a une forte part rcurrente avec les licences de maintenance chez les clients qui reprsentent un tiers du CA. Le contrle de gestion commercial est trs dvelopp, dans une logique dexploitation et avec un systme diagnostique au sens de Simons, avec une dizaine dindicateurs commerciaux mensuels (prises de commandes, ventes concrtises, taux de conversion en vente des propositions, marge commerciale, dlais de rglement, impays) :

    Dans le domaine commercial on a une vision trs fine avec douze segments et cinq tapes commerciales. On a donc une prvision trs dtaille en amont du budget des ventes. (V7, le dirigeant).

    Linstrumentation de gestion est moins dveloppe dans les autres domaines : On a une RAF depuis 6 mois avec toujours le cabinet dexpert-comptable en soutien. La RAF fait la compta, la trsorerie, la GRH et on tient un budget depuis 2 ans avec un reporting mensuel. Avant, on avait juste des extraits dinformations comptables venant du cabinet et on faisait une analyse trimestrielle succincte sur Excel. Aujourdhui, on na toujours pas de comptabilit analytique. On na pas de ventilation de frais gnraux. On vient de se doter dun nouvel outil de gestion de projet qui intgrera le suivi des heures et permettra de calculer les cots lis et les carts, mais pour le moment on na pas encore les indicateurs. Pour la grille tarifaire, on ne part pas des cots mais des prix du march avec une optimisation par rapport aux concurrents. On gagne de largent mais on nen sait pas le dtail. (V8)

    Il y a depuis un an un comit de direction avec le directeur des oprations et la directrice commerciale qui se runit une fois par mois (le dirigeant envisage de distribuer des actions gratuites aux deux directeurs sur la base de contrats dobjectifs). Il y a un tableau stratgique mensuel avec des indicateurs commerciaux, dexploitation et financiers. Il y a des runions mensuelles avec tout le personnel sur des questions diverses et le PDG fait des points comptables et stratgiques deux fois par an.

    La troisime entreprise relevant de cette catgorie est lentreprise E. Lactivit de lentreprise E est la mcanique des fluides et lentreprise est directement issue des laboratoires de lEcole Centrale de Nantes. Elle est spcialiste de la simulation numrique hydrodynamique maritime. Elle est capable de prdire pour ses clients les comportements des bateaux dans leau sans avoir besoin de faire des essais en carne mais juste par simulation numrique. Elle vise tendre ses activits par del le maritime vers dautres champs dapplication utilisant les flux deau ou dhuile. Elle comporte maintenant une vingtaine de salaris dont quinze ingnieurs et neuf docteurs (les deux catgories se recoupant). Lentreprise sest dveloppe avec des projets collaboratifs subventionns et des projets industriels pour de grandes entreprises clientes. Grce au statut de Jeune Entreprise Innovante (JEI) et au dispositif de Crdit dImpt Recherche (CIR), elle na jamais eu de rsultat dficitaire depuis sa cration (les subventions reprsentant de 30% 70% des dpenses selon les projets). Aprs un passage de un six salaris lors des trois premires annes o elle ne faisait quasiment que des projets collaboratifs, elle a connu une phase de structuration avec lembauche dun Responsable Administratif et Financier (RAF), dun responsable commercial et dun responsable production. Elle a alors atteint trs rapidement une quinzaine de salaris et a dvelopp ses contrats avec des clients industriels. Lobjectif est que les projets collaboratifs aids qui permettent de dvelopper les savoir-faire et la R&D ne reprsente plus que 25% du CA, le reste provenant des projets industriels. Ltape future (sept ans aprs la cration et trois-quatre ans aprs cette premire structuration) est pour lentreprise de se dvelopper linternational (des projets existent en Amrique du Sud et en Asie) et datteindre rapidement les 50 salaris. Il ny a pas eu de pertes en matire de rsultat ni de problmes de trsorerie au quotidien mais

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    pas non plus de croissance exponentielle. Lobjectif de dvelopper de faon trs importante une nouvelle activit de vente de logiciels sous la forme de licences, avec des droits dusage encaisss annuellement, amnera embaucher beaucoup de programmeurs et se confronter des problmes de financement et de dveloppement rejoignant ceux habituellement rencontrs par les startups. Elle combine donc exploration et exploitation des marchs. Pour cela il est prvu de faire appel des fonds dinvestissement. Le pilotage de lentreprise, qui semble de forme interactive au sens de Simons, avec un contrle budgtaire assez lche, est principalement fond sur les temps des ingnieurs, que ce soit dans la recherche-dveloppement ou dans la prestation de services pour les clients. Mais ce contrle de gestion oprationnel est fait dans les quipes et pas directement par le RAF :

    Les activits de recherche-dveloppement sont homognes et tout est modlis en fonction des temps passs. On suit tous les projets dans une maquette de chiffrage. On connat le prix moyen par jour vendu. Et derrire on a un budget temps gr chaque semaine par chaque chef de projet. On fait des runions de production hebdomadaires pour manager les quipes. On a des dclarations de temps (qui servent aussi pour les justificatifs du Crdit dImpt Recherche). Tous les frais sont affects sur cette base en cot charg sur la base des heures. Les frais ne donc sont pas distingus par projets mais rpartis de faon indirecte forfaitairement. On ne calcule pas de rsultats par projets. Les ingnieurs sont essentiellement pilots par les temps. On fait du r-estim et on a un rsultat mensuel global de lentreprise mis jour au fil de leau. (V9, le RAF)

    Linstrumentation gnrale de gestion est bien dveloppe. Le RAF indique : Je moccupe de la RH, de la comptabilit et du contrle de gestion. On tient un compte de rsultat mensuel. On a sur Excel un suivi hebdomadaire de la facturation et des recouvrements ; des indicateurs de trsorerie, de suivi des sous-traitants, de mesure de lavancement des projets ; un suivi diffrenci des projets collaboratifs, industriels et de R&D pure. Je sors galement un tableau de bord mensuel global de lentreprise avec des indicateurs RH, de production, commerciaux et de rsultat. (V10)

    2.3. Startups en croissance : les entreprises moyennes F et G

    Lentreprise F est spcialiste de le-relation instantane en ligne. Elle est leader sur le march franais dans son domaine. Elle offre aux entreprises de linternet des solutions techniques permettant damliorer la satisfaction du client, de diminuer les cots de production dans la prise de contact et daccrotre le CA. Elle est passe de 15 50 salaris en 2013, a un CA de 2,6 millions deuros, 1 000 socits clientes dont la moiti du top 15 du e-commerce, des socits dassurance et de la finance, des institutionnels, etc. Elle a t cre, il y a quatre ans par un ancien tudiant dIUT aprs une premire exprience de startup qui stait rvle un chec. La premire anne a t consacre lvanglisation du march (mise en place gratuitement sur le net de 5 10% de ce qui fait la solution) et a permis dobtenir le premier contrat avec la Fnac.com qui est devenu la rfrence client. La seconde anne a permis datteindre un CA de 450 K et de devenir rentable. Dans une logique dexploitation des marchs, la troisime anne a permis de structurer lactivit en quatre ples : le commercial (en direct et en indirect), la communication en amont et les services aux professionnels en aval, enfin la R&D. Le CA est compos 70% dabonnements la solution et 30% des services lis dinstallation et de configuration chez le client. Lentreprise est possde majoritairement par le dirigeant et son associ (qui est dans la socit mais na plus de poste responsabilit) et a dans son capital des business angels et un fonds dinvestissement trs connu. Le comit de direction (PDG plus les quatre directeurs de ples) se runit toutes les

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    semaines et discute des indicateurs qui remontent de chacun des ples (tableau de bord global construit bottom-up). Tous les mois un compte de rsultat tabli par le cabinet dexpertise-comptable est discut et communiqu aux investisseurs lors dune runion de reporting. Tous les mois galement les salaris sont runis pendant 20 minutes pour une information descendante. Le budget est actualis tous les six mois et prsent lors dun sminaire de tout le personnel par le PDG et les managers. On a donc un contrle budgtaire plutt strict. Lentreprise na pas de projets de R&D collaboratifs et ne recourt pas au CIR. Elle a une culture du rsultat conomique et est tourne vers la satisfaction client. Pour justifier la vente de la solution au client, on calcule avec lui son ROI sur cet investissement. Il ny a pas de comptabilit analytique dans lentreprise. Lentreprise envisage de se doter dun ERP permettant dautomatiser le reporting et dviter les saisies manuelles. Le recrutement dun Directeur Administratif et Financier (DAF) est galement en projet.

    La seconde entreprise relevant de cette catgorie de startups est lentreprise G. G est une startup du domaine de lindustrialisation des logiciels. Elle a t cre en 2005 par trois associs dveloppeurs informatiques en lien trs troit avec le laboratoire dinformatique de lUniversit de Nantes. Lentreprise fait des outils pour les informaticiens. Elle industrialise les logiciels en modlisant les plans de logiciels libres. Elle a plusieurs gros clients dans linformatique embarque. Ce sont des solutions ddies avec plus de service de paramtrage pour les grands groupes que de ventes de licences. Lentreprise, qui combine exploration et exploitation des marchs, na connu aucune perte au cours de son dveloppement, sauf une anne. Lentreprise bnficie des aides JEI et CIR (les subventions ou des Crdits dImpt Recherche reprsentent environ 1/3 du CA de lentreprise). Le CA de la dernire anne est un peu en de des objectifs en raison du dcalage dun projet dans le temps et de lannulation dun autre projet. 20% des effectifs fait de la recherche et il y a plus de dix docteurs en informatique dans lentreprise. La croissance a t trs rapide jusquen 2009. Pendant trois ans, elle a embauch une personne par mois. Un des trois associs a quitt lentreprise tout en gardant ses parts. Le grant soccupe aussi du commercial. La DAF a t recrute dbut 2007 et un directeur oprationnel a t recrut en 2008. Daprs la DAF, les acteurs du pilotage de la performance sont variables selon les domaines :

    Le grant a la haute main sur la finance comme sur la stratgie. Le pilotage des projets industriels est fait par le directeur oprationnel. Moi je moccupe surtout des projets collaboratifs et de loptimisation des subventions et de la fiscalit. Je fonctionne alors presque comme un centre de profit. Et puis je fais tout le reste : RH, trsorerie, juridique, support la gestion interne, etc. (V11, la DAF)

    Le temps des programmeurs est llment central dans la modlisation des cots et des devis en matire de CA :

    Tous les salaris compltent des dclaratifs pr-remplis toutes les semaines. Le directeur oprationnel suit les heures des projets industriels et collaboratifs de faon hebdomadaire et rend des comptes au grant une fois par mois. On prend le cot des programmeurs plus un coefficient pour ventiler les charges indirectes. Pour les projets industriels ddis aux grands comptes cest le directeur oprationnel qui pilote aid par moi (la DAF). Pour les projets collaboratifs, cest linverse : le directeur oprationnel me fournit des informations sur les temps et moi je fais la synthse. (V12)

    Linstrumentation de gestion est trs riche et les bases de donnes trs compltes, le fonctionnement est de type diagnostique pour ce qui concerne les indicateurs physiques et le suivi oprationnel mais la formalisation agrge dans des tableaux de bord structurs nest pas trop dveloppe. Le contrle budgtaire dominante financire est donc pour sa part plutt lche.

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    2.4. Startup mature : lentreprise de taille intermdiaire H

    Lentreprise H a t fonde la fin des annes 90 par un tudiant en IUT informatique. Elle ralise la vente de produits numriques high tech. Depuis la fondation de lentreprise, la croissance est deux chiffres. Environ sept ans aprs sa fondation la socit navait toujours quune situation comptable tous les six mois. Un poste de DAF est alors cr. Lquipe de direction comprend actuellement, quatorze ans aprs sa fondation, un directeur du marketing (qui soccupe du site et de la vente sur internet), une directrice des oprations (hot line, logistique, SAV), un directeur du dveloppement (achats, agences avec conseillers mais pas de vente), plus le DAF, un Directeur des Systmes dInformation (DSI), un directeur qualit. La croissance a t trs forte. Lentreprise est numro deux sur son march quelle explore et exploite. Les recrutements ont t trs importants mais se tassent un peu. Lentreprise se finance en partie avec un Besoin en Fonds de Roulement (BFR) ngatif (rglement 30 jours fin de mois pour les fournisseurs alors que les clients rglent la livraison). La marge en frontal baisse mais les marges arrire sont trs importantes. Cela pose un problme dans la budgtisation car les ristournes interviennent en fin dexercice avec des effets de seuils trs importants et pas facilement budgtisables mensuellement. On ne fait pas un suivi budgtaire sur la base de lexercice comptable avec prvisionnel ralis et carts mais il y a tous les mois des runions de forecast. Lentreprise, dont le fonctionnement actuel est de type diagnostique et le contrle budgtaire est lche, doit structurer son fonctionnement, rationaliser et automatiser son pilotage de la performance avec des Key Performance Indicators (KPI) et des Return On Investment (ROI) intgrs. Le recrutement dun contrleur de gestion est en cours.

    Un rsum des donnes collectes sur le systme de pilotage de la performance des startups est prsent dans le tableau 3.

  • Tableau 3 : Caractristiques des systmes de pilotage de la performance observs

    A B C D E F G H Nature de lentreprise TPE TPE PE PE PE ME ME ETI Problmatique de gestion prdominante au moment de lenqute

    Trouver le march Finaliser la molcule

    Elargir la palette des technologies

    Elargir la clientle Dvelopper une nouvelle activit dcoulant naturellement de la premire

    Extension produits et marchs

    Rester la rfrence dans sa technologie en consolidant les savoir-faire

    Structurer et rationaliser la gestion

    Principaux acteurs du pilotage de la performance

    - PDG - PDG - directeur de la recherche - RAF nouvellement recrute

    - PDG

    - PDG

    - RAF nouvellement recrute

    - PDG pour le CG stratgique et la supervision technique - RAF pour le CG financier

    - PDG - PDG / CG stratgique - DAF / CG financier - Dir. Technique / CG oprationnel

    - PDG

    - DAF

    Nature de la fonction CG

    Absente Absente Absente Garde-fou Garde-fou Absente Garde-fou Garde-fou

    Comportement prdominant dans la phase stratgique

    Explorer Explorer Explorer Exploiter Explorer et exploiter

    Exploiter Explorer et exploiter

    Explorer et exploiter

    Utilisation du compte de rsultat pour le pilotage

    Faible Faible Faible Forte Forte Forte Trs importante en lien avec le budget

    En lien avec le budget

    Calcul et analyse des cots

    Non significatif (trs peu de CA ralis)

    Non significatif (pas de CA ralis)

    Non Non Ventilation charges indirectes en taux charg / MO

    Non Ventilation charges indirectes en taux charg / MOD

    Non

    Contrle budgtaire

    Non significatif

    Non significatif Budget de trsorerie

    Trs dvelopp dans le domaine commercial

    Lche Plutt strict

    Lche Lche

    Tableaux de bord Uniquement pour la prospection commerciale

    Pas formaliss Surtout pour la prvision

    Pour la prvision et le contrle

    Surtout pour la prvision Pour la prvision et le contrle

    Pour la prvision et le contrle

    Pour le contrle

    Nature du systme de contrle (absence ou prsence et caractrisation au sens de Simons quand il est prsent)

    Seulement des outils pour le dirigeant

    Inexistant Embryonnaire Diagnostique dans le domaine commercial

    Interactif actuellement

    Interactif Diagnostique Interactif

  • 3. Analyse et discussion des modes de contrle de gestion des startups

    Nous allons utiliser une mthodologie de recherche la Gioia (Gioia et al. 2013) pour synthtiser les entretiens recueillis sur le terrain. Nous pouvons structurer les verbatims, cits dans la partie 2 loccasion de la prsentation des configurations de contrle de gestion mis en uvre dans les diffrentes startups, en les regroupant par thmes communs transversaux que nous prsenterons en quatre catgories (instruments, contexte managrial, tapes dans la croissance, caractrisation du systme) dans le tableau ci-dessous.

    Tableau 4 : Synthse des verbatims particulirement significatifs

    Concepts de 1er ordre verbatims de terrain

    Concepts de 2me ordre et dimensions agrges

    V8 : comptabilit analytique peu dtaille V9 : ventilation des charges indirectes sur la base des temps V10 : tableaux de bord oprationnels

    Outils du contrle de gestion

    V1 : diversit des horizons temporels V4 : lien avec la science V5 : matire grise uniquement V3 : sous-traitance gnralise

    Business model et gouvernance

    V2 : importance de la trsorerie au lancement V12 : importance du suivi des temps ensuite

    Phases de la structuration du systme de pilotage

    V6 : information comptable pas centrale V11 : suivi ncessaire des projets et des aides V7 : budget commercial trs dtaill

    Nature du contrle de gestion au sens large

    Les douze verbatims issus du terrain (rsums ici dans les concepts de premier ordre) seront donc utiliss en tant regroups dans quatre thmatiques agrges (identifies dans des concepts de second ordre) qui nourriront notre analyse. Nous commencerons par dcrire linstrumentation mise en uvre dans les startups tudies (section 1). Ensuite, en prenant en compte galement dautres verbatims recueillis auprs des partenaires des startups, nous pourrons expliquer lusage des outils par le rle des actionnaires et des dirigeants dans la mise en uvre du contrle de gestion, par la nature de lactivit de la startup ainsi que par les tapes dans la croissance de la startup. Une caractrisation diffrencie de la nature du contrle de gestion des startups pourra en tre dduite. Tout ceci sera effectu dans la section 2.

    3.1. Les outils du contrle de gestion des startups

    En matire doutils de contrle de gestion, plusieurs pistes de rflexion apparaissent suite ltude des startups nantaises. Dans le tableau 5 (ci-dessous), nous identifions les outils du contrle de gestion prsents, un degr ou un autre, dans les startups tudies.

  • 23

    Tableau 5 : Outils de contrle de gestion mis en uvre dans les startups nantaises tudies

    Les 7 instruments identifis

    Nature de lusage

    Rythme de lusage

    Facteurs de contingence

    1 Tableau de trsorerie

    Suivi des encaissements et des dcaissements par le dirigeant

    Tous les 15 jours ou tous les mois

    - usage seul dans les TPE - dans le cadre du SPP pour PE et ME - rserv au DAF dans les ETI et GE

    2 Compte de rsultat de la comptabilit gnrale

    Suivi des produits et des charges par le dirigeant

    Mensuellement ou trimestriellement

    - fourni par lexpert-comptable ou par le RAF dans les PE et ME - labor par un comptable et pour le DAF dans les ETI et GE

    3 Tableau de bord de production

    Suivi des oprations par le responsable technique et le dirigeant

    hebdomadaire Si la startup effectue elle-mme de la production (pas si elle se concentre sur la R&D)

    4 Tableau de bord commercial

    Suivi des ventes par le responsable marketing et le dirigeant

    hebdomadaire Si la startup prospecte ou dveloppe un march avec de nombreux clients (pas si elle a quelques gros contrats et un nombre limit de donneurs dordres)

    5 Comptabilit de gestion (souvent fonde sur les temps)

    Calcul et analyse des cots et des marges par le responsable technique et le dirigeant

    Alimente au quotidien mais analyse seulement trimestrielle ou annuelle

    Si production effective et souvent influence par les dispositifs daide de type JEI et CIR

    6 Prvision et contrle budgtaire global

    Suivi par lquipe de direction

    Reporting mensuel prpar par le RAF ou le CG

    Usage plutt interactif que diagnostique sauf pour les startups matures

    7 Tableaux de bord de pilotage stratgique

    Suivi par les dirigeants et les propritaires

    Mensuels pour le CODIR et trimestriellement ou semestriellement pour le CA

    Peu de cartes cognitives formalises sous la forme dun balanced scorecard

    On a pu identifier sept instruments de rfrence du pilotage de la performance des startups : - le budget de trsorerie pour suivre les encaissements et les dcaissements et le

    compte de rsultat de la comptabilit gnrale pour analyser les produits et les charges ;

    - les deux tableaux de bord oprationnels de production et commercial ; - les trois outils classiques du contrle de gestion que sont la comptabilit de gestion

    (souvent avec une ventilation forfaitaire des charges indirectes sur la base des temps), le systme budgtaire (plus pour la prvision que pour le contrle) et le tableau de bord global de pilotage (mais trs rarement aussi labor quune balanced scorecard).

    Le suivi de la trsorerie est le premier des outils utiliss et il est toujours essentiel. Les postes du compte de rsultat (charges et produits) sont eux souvent suivis mensuellement de faon peu dtaille dans les plus petites des startups (TPE). La startup plus dveloppe (PE) utilise galement les documents comptables de synthse pour effectuer un pilotage simplifi de la performance de lentreprise. Les tableaux de bord oprationnels, lis aux mtiers, sont dvelopps et pris en charge par le dirigeant et les acteurs de lexploitation, notamment le directeur marketing pour le tableau de bord commercial (en cas de conqute et de gestion dune base de clientle large) et le directeur des oprations pour le tableau de bord de production (en cas dactivit productive de lentreprise) ds que ces fonctions sont cres.

    Dans les calculs de cots, les charges sont en gnral imputes aux prestations de services dans des dmarches de cots complets (et pas de cots partiels) mais les clefs de rpartition sont trs sommaires. On nutilise ni les centres danalyse de la mthode traditionnelle, ni les activits et les processus de la mthode Activity Based Costing (ABC) : on affecte forfaitairement tous les frais gnraux sur la base des heures de main duvre directe dans

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    une dmarche trs sommaire qui ne permet aucune traabilit des calculs de cots. Dans ces mtiers du numrique ou de la prestation de services haute valeur ajoute, le pilotage se fait essentiellement par les temps des ingnieurs et des chercheurs. On a donc une modlisation conomique fonde sur les temps qui pourrait se prter dans une phase ultrieure du dveloppement des startups la mise en uvre dune mthode plus sophistique mais de mme inspiration, comme le Time Driven ABC (Kaplan et Anderson 2008).

    La tendance qui se dgage est que les budgets sont utiliss plus comme des lments prvisionnels dans le cadre dun plan trois ou cinq ans que comme un vritable systme de contrle de lexploitation. Comme le remarquaient dans un autre contexte Gervais et Thenet (1998, p. 85) :

    En priode dinstabilit, la finalit de la planification et de la gestion budgtaire est moins dallouer les ressources pour optimiser le fonctionnement de lentreprise que de retrouver le sens de la situation, en observant, en analysant, en exprimentant et en donnant aux dcideurs la possibilit de se rorienter rapidement en cas derreur.

    Ce nest que si la startup prend en charge la production effective des solutions inventes, donc si dune entreprise de matire grise et de R&D on passe une entreprise dlivrant directement des outputs utilisables raliss au travers de processus productifs organiss par elle-mme ou bien si on a atteint un stade de maturit (ETI), que le contrle budgtaire se dploie pleinement avec prvisions, reporting, analyse dcarts et actions correctives.

    Pour les tableaux de bord stratgiques, les dirigeants se construisent des outils ad hoc. Peut-tre que la rfrence la balanced scorecard serait instructive (Kaplan et Norton 1996) par la prise en compte de ses quatre axes (dimensions de performance financire, de satisfaction client, doptimisation des processus productif et de renouvellement du potentiel en termes de ressources matrielles et immatrielles disponibles pour la croissance). Mais cest surtout par sa logique de construction prenant en compte les liens de causalit entre les indicateurs des diffrents axes et les mises en relation entre les indicateurs avancs aux sources de la performance et les indicateurs retards constatant la performance ralise que la balanced scorecard est un outil prometteur pour les startups.

    3.2. Elments explicatifs des usages constats

    Si nous reprenons les dimensions agrges issues des entretiens avec les dirigeants des startups, compltes par des entretiens raliss avec leurs partenaires naturels (animateurs institutionnels de lco-systme, investisseurs spcialiss, experts-comptables, etc.), nous pouvons identifier plusieurs lments dterminants en matire de contrle de gestion des startups.

    1) Spcificits du financement et de la gouvernance des startups franaises

    Blatt (2009) insiste sur l'importance de la formalisation des cartes cognitives et des modes dcisionnels des quipes de direction des startups. De ltude des expriences de huit startups, nous pouvons tirer des enseignements sur lenvironnement et les acteurs de la mise en uvre du contrle de gestion dans les startups en liaison avec leur chane de valeur.

    Lanalyse des startups de notre chantillon nous amne rejoindre les conclusions de Granlund et Taipaleenmki (2005) sur limportance de la pression temporelle et linsistance sur la prvision plus que sur le contrle dans linstrumentation de gestion. Par contre les startups franaises sont encore dans un environnement o le poids des pouvoirs publics (par

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    les nombreuses structures daccompagnement, les dispositifs de subventionnement, de contrat aids et de crdits dimpts) sont plus prgnants dans la phase initiale de dveloppement que les mcanismes de type march (business angels, fonds dinvestissement risqus, cotation sur des marchs, etc.). Et si des business angels entrent au capital dans la phase prcoce damorage (avant les fonds de capital risque), ils ne poussent pas spcialement au dveloppement de linstrumentation du pilotage de la performance :

    En tant de business angels, on signe un pacte avec le dirigeant de la startup. On a des runions pour tre informs de la gestion, en gnral tous les trimestres. Mais le support des changes est souvent une note rdige plus que des chiffres. On ne demande pas dinformations chiffres trs dveloppes. On cherche seulement se faire une ide sur le comportement du dirigeant par rapport son business model et avoir des repres sur son business plan. (V13, Didier A.-D., prsident dun rseau rgional de business angels).

    Dans notre petit chantillon, les investisseurs externes exercent donc une plus faible influence sur le dveloppement des outils du contrle et linformation financire que dans les pays de tradition anglo-saxonne. Cest peut-tre regrettable car la startup bnficiant des dispositifs institutionnels daide fiscale profite moins de limplication de partenaires financiers privs avertis et exigeants.

    Dans notre chantillon, les fonds dinvestissements sont beaucoup moins prsents que dans l'tude nord-amricaine de Davila et Foster (2005). Dans lchantillon des 78 startups amricaines dun ge moyen de cinq ans, lexprience des dirigeants est en moyenne de 18 ans, le nombre moyen demploys est de 120 employs avec un CA moyen de 11 millions de $, alors que pour notre chantillon, lge moyen de lentreprise est plus lev, lexprience des dirigeants plus rduite, les effectifs plus faibles et le CA gnr galement plus faible. Davila et Foster (2007) remarquent que la mise en place des systmes de management formaliss va parfois de pair avec le dpart de dirigeants comme si les entrepreneurs initiaux ntaient pas toujours les mieux placs pour tre les managers de la croissance future. Dans les startups que nous avons tudies, nous navons pas vu de changement du principal dirigeant (cela tant probablement li la faible prsence des fonds dinvestissements) mais par contre nous avons vu des dparts au sein de lquipe des fondateurs, le dirigeant maitrisant le mieux les aspects managriaux prenant progressivement lensemble des pouvoirs et les autres fondateurs sloignant ou tant carts.

    2) Influence des diffrences sectorielles

    Un facteur de contingence important qui a merg dans notre tude est limpact considrable des diffrences sectorielles entre les bio-techs et les startups du numrique. Un expert-comptable nantais spcialis des startups et rencontr lors de notre tude relve :

    Il ny a pas plus de casse dans les entreprises techno que dans les business traditionnels. Les dirigeants se dbrouillent mieux dans les startups : ils recherchent les techniques de gestion les plus adaptes et il existe pas mal de moyens de financement ddis. Il y a une diffrence toutefois entre les bio-techs et le numrique. Dans les bio-techs cest beaucoup plus risqu, plus compliqu et il y a moins de volume au dbut. Les entrepreneurs dans les bio-techs sont trs tourns vers linnovation et la recherche. Ceux des TIC sont plus polyvalents. (V14, Yoann J., expert-comptable)

    Cest ce qui ressort aussi de nos entretiens avec la dirigeante de la bio tech B. Et cela impacte linstrumentation du contrle de gestion.

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    3) Identification des diffrentes phases de la structuration du systme de pilotage

    Notre tude permet de distinguer les tapes du dveloppement des startups et les dispositifs de pilotage de la performance dvelopps successivement.

    Les TPE et certaines PE tudies nont pas ou peu de CA. Il y a une priorit la finalisation de la technologie pour les bio techs avec une prvision de la trsorerie et un suivi de la R&D. Dans les startups du numrique, cest la recherche du march qui est essentielle avec une prvision de la trsorerie et un suivi de la prospection commerciale. Le rle psycho-cognitif et daide la dcision de loutillage de contrle de gestion est primordial cette tape. Comme le remarque un expert-comptable spcialis dans les startups :

    En gnral au dbut la startup na pas de ventes. Il faut tenir pendant les 2 annes o on fait de la R&D. On na pas alors de contrle de gestion mais du contrle de la trsorerie. On est la recherche de lquilibre du cash avant de chercher atteindre le seuil de rentabilit. Les premires annes, on na pas besoin de beaucoup de tableaux de bord ou doutils de pilotage. (V15, Yoann J.)

    Le dirigeant de lentreprise A a un retour dexprience simple aprs six mois de conception et fonctionnement du systme de pilotage de la performance de sa TPE :

    Jen retire trois enseignements principaux. Premirement, un systme de pilotage ne rsiste que sil est mis jour rgulirement. Un tableau de bord non actualis est contreproductif. Deuximement, il ne faut pas tomber dans une recherche excessive de prcision. Les chiffres ne reprsenteront jamais la totalit de la ralit de terrain et il est frustrant de chercher aller trop loin. Enfin, il faut savoir remettre en cause ses choix. Comme lactivit, les indicateurs ne sont pas figs et doivent voluer. Si jai gard un certain nombre de ces indicateurs ces derniers mois, cest essentiellement pour permettre une prise de recul. Mais je nutilise pas le suivi de lcart de trsorerie avec le prvisionnel, cest une information superflue qui mencombre. A loppos, les problme de report de trsorerie non pris en compte lors du redressement du prvisionnel sont problmatiques et risquent de minduire en erreur : je dois absolument les intgrer mon analyse. (V16)

    On remarque donc limportance du tableau de trsorerie et le rle des chiffres plus pour la prvision que pour le contrle. A cette tape les partenaires financiers, comme la banque publique Bpifrance qui attribue des prix et verse des aides sous diverses formes, ne demandent pas plus :

    On finance de lexploratoire. On teste les verrous technologiques. On veut des rapports l dessus mais le contrle de gestion nest pas au cur de nos proccupations. Cest diffrent des investisseurs en capital risque qui arriveront une tape plus tardive et qui eux sont plus actifs par rapport au reporting. (V17, Patrick B., responsable innovation Bpifrance).

    Ensuite une seconde tape, dans certaines PE et ME, le CA se dveloppe rapidement avec parfois cohabitation de projets collaboratifs de R&D et de projets plus appliqus, valoriss auprs de clients industriels. Ces entreprises recourent fortement aux dispositifs JEI et CIR. Souvent dans ces entreprises, il y a seulement un RAF rapportant au dirigeant alors quil y a dj un directeur scientifique et un directeur commercial. Comme le remarque un investisseur :

    Il y a un seuil un ou deux millions deuros de CA et autour des 15 20 personnes. Cest un cap en matire dorganisation. (V18, Jrme G., charg daffaire dun fond dinvestissement)

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    Un systme de pilotage interactif de la performance est alors mis en place en gnral avec un budget simplifi utilis principalement pour la prvision et assez peu pour le reporting, des calculs de cots limits avec seulement des taux chargs sur la MOD pour ventiler en masse les frais gnraux et pas danalyse dtaille dcarts sur lensemble des postes. Un compte de rsultat mensuel est aussi souvent fourni par lexpert-comptable :

    Dans cette phase lexpert-comptable est souvent le mieux plac pour raliser toutes les oprations comptables et sortir les indicateurs ncessaires. (V19, Yoann J., expert-comptable)

    Enfin, troisime phase du dveloppement du systme de pilotage, dans certaines ME et les ETI, la structuration de lentreprise et la mise en place dun DAF et parfois dun contrleur de gestion sont en cours ou ralises. Le contrle de gestion permet dassurer la convergence des comportements avec analyse dcarts, usage diagnostique des outils et structuration de la gestion ce qui permet dassurer un dveloppement important et qui se diversifie (dveloppement international, croissance externe, etc.).

    4) Caractrisation de la place et de la nature du contrle de gestion des startups

    Si nous reprenons la typologie de Lambert et Sponem (2009) et que nous l'appliquons notre chantillon, nous constatons des situations diffrencies. Il ny a pas de personne en charge du contrle de gestion en dehors du dirigeant dans les TPE A et B ou dans la petite entreprise C et la moyenne entreprise F, alors que les startups D, E, G, H ont un RAF ou un DAF qui exerce une fonction garde-fou .

    Les outils de prvision sont ncessaires pour voir si le business model fonctionne ou sil faut linflchir. Les budgets de trsorerie, de CA et spcificit des startups de subventions, crdit dimpts et autres ressources annexes, sont indispensables. Mais leur usage nest pas top-down avec une mise en uvre de la stratgie avec procdures de reporting strict avec calculs dcarts et mise sous tension de lorganisation pour atteindre les objectifs. On assiste plutt un usage bottom-up avec un suivi en temps rel de limpact de laction de lentreprise, des remontes des indications du terrain, un ajustement en temps rel des efforts de lentreprise, des re-prvisions frquentes et un apprentissage collectif des membres de la startup. Si on reprend la distinction de Simons (1995), on nest pas dans un contrle de type diagnostique o les systmes dinformation formels sont utiliss pour contrler le rsultat et corriger les dviations par rapport aux standards prtablis de performance. On est plutt dans un contrle interactif o linformation produite fait lobjet de discussions et interprtations et permet de dbattre sur les donnes, les plans et leurs hypothses sous-jacentes. En phase de dmarrage dactivits, de lancement de produits ou services, cest dailleurs assez naturel car on est dans une dmarche dexploration plus que dexploitation (Burns et Stalker 1961).

    Ainsi, dans les startups mergentes le dirigeant nutilise que des linaments de contrle de gestion essentiellement pour dvelopper son approche cognitive du business model. Dans les startups en croissance le contrle de gestion a un rle de garde-fou et les outils de pilotage de la performance sont essentiellement utiliss de faon interactive et pour la prvision. Dans les startups matures, le contrle de gestion est structur comme dans les autres entreprises et fonctionne souvent de faon diagnostique. Il faut toutefois faire attention un biais possible dans notre tude. Nous avons rencontr des startups qui ont russi souvent parce que leur dirigeant avait les qualits de manager ncessaires et savait faire sa place au contrle de gestion. Ce nest pas toujours le cas. Un expert-comptable spcialis dans les startups tmoigne :

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    Beaucoup de dirigeants de startups ne sont pas assez ouverts loutillage de gestion. Ils sont avant tout des chercheurs focaliss sur la technique, sur linnovation et pas assez tourns vers le commerce et la valeur pour le client. Par exemple, ils sont parfois moins tourns vers le march que les dirigeants dentreprises familiales classiques. Ils pensent plus la possibilit de rcolter des aides publiques directes ou indirectes qu satisfaire une clientle solvable. (V20, Hugues de N., expert-comptable)

    Conclusion

    La startup nest pas une PME classique. On peut la qualifier dentrepreneuriale dans son projet et de managriale dans ses mthodes, se comportant telle une grande entreprise en miniature (Torres 1998, p. 162). Ceci se manifeste clairement dans le champ particulirement significatif du contrle de gestion. Dans le processus de dveloppement de la startup, on remarque dabord le faible impact des jeux sociologiques des acteurs classiques dans les PME (famille, expert-comptable gnralistes, etc.) qui peuvent souvent tre des obstacles au dveloppement autonome dune fonction DAF et loutillage de gestion interne (cf. ce propos Nobre et Zawadzki 2013). La culture des dirigeants entrepreneurs qui sont pour la plupart issus dcoles dingnieurs ou de management ou docteurs en sciences est rationaliste et managriale mais parfois elle est trop peu tourne vers le march et nintgre pas assez la valeur cre pour le client, ce qui signe lchec de la startup. Les experts-comptables et les partenaires qui les conseillent et les accompagnent dans le processus de dveloppement de la startup poussent la structuration la plus rapide possible du systme de pilotage de lentreprise. Les dispositifs de contrle de gestion des startups qui russissent semblent donc en gnral bien adapts aux besoins. Ils ne sont pas ajusts ex post la suite de la constatation de dysfonctionnements ou de carences mais sont souvent mis en place ex ante pour accompagner la croissance anticipe.

    Notre tude exploratoire nous a permis de dgager des traits communs aux processus de mise en place du systme de pilotage de la performance des startups. Le principal outil de contrle de gestion utilis dans les startups mergentes encore ltat de TPE avec un CA nul ou trs faible est le budget de trsorerie pour le suivi des encaissements (y compris subventions ou aides diverses) et surtout des dcaissements. Dans les startups en dveloppement, encore petites entreprises, le compte de rsultat mensuel simplifi (permettant un suivi des produits et des charges) ainsi que les tableaux de bord oprationnels de production et/ou commercial sont souvent utiliss en plus du budget de trsorerie qui reste central. Dans les entreprises moyennes high tech, les outils habituels du contrle de gestion apparaissent : comptabilit de gestion simplifie fonde trs souvent sur la ventilation forfaitaire des frais gnraux sur la base des heures de travail (impact interne des modes de calcul ncessits par le CIR) ; systme budgtaire (avec usage plus pour la prvision que pour le contrle) ; tableau de bord de pilotage global (mais rarement formalis sous la forme dune balanced scorecard).

    On constate aussi une diversit des seuils de structuration du contrle de gestion (phnomne dj mis en vidence par Meyssonnier et Zawadzki 2008) et la contingence des formes prises par cette structuration. Des dispositifs diffrents de pilotage de la performance sont mis en place selon que lon a une activit de conception (ou de production la commande pour quelques gros contrats et des revenus rcurr