Document 1 © Encyclopédie Bordas - asl.univ-montp3.frasl.univ-montp3.fr/E22MCM/DOCSE22MCM.pdf ·...

10
Document 1 © Encyclopédie Bordas

Transcript of Document 1 © Encyclopédie Bordas - asl.univ-montp3.frasl.univ-montp3.fr/E22MCM/DOCSE22MCM.pdf ·...

Document 1 © Encyclopédie Bordas

.Doc. 2 L. Dollot, Culture idividuelle et culture de masse, © PUF, 1974

Deux définitions de la culturePar définition faible on désignera un ensemble de signes et de conduites

constituant des distinctions dans le comportement de deux communautésappartenant à la même espèce. Pour faire culture, ces signes et conduitesdoivent être partagées par les membres du groupe, être transmis socialementet individuellement, manifester des variations dans le temps et dans l’espacetelles que ces variations appartiennent toutes finalement à un mêmeensemble. Or, si une telle définition peut effectivement s’appliquer à desprimates non-humains, elle ne suffit pas à rendre compte du fait culturelhumain dans sa profondeur et dans sa portée.

Il faut pour cela se donner une seconde définition de la culture qu’onpeut qualifier de définition forte. Par culture on envisagera alors l’ensembledes principes, des représentations et des valeurs partagées par les membresd’une même société (ou de plusieurs sociétés), et qui organisent leursfaçons de penser, leurs façons d’agir sur la nature qui les entoure et leursfaçons d’agir sur eux-mêmes, c’est-à-dire d’organiser leurs rapportssociaux, la société. Par valeurs on désigne les normes, positives ounégatives, qui s’attachent dans une société à des manières d’agir, de vivre,ou de penser ; les unes étant proscrites, les autres prescrites. On voit qu’unetelle définition forte de la culture met au premier plan la part idéelle de lavie sociale, puisque les principes, les représentations et les valeurs, partagésou contestés, sont d’abord des idéalités, transmises ou rejetées, et servent deréférent pour les actions des individus et des groupes qui constituent unesociété. (…) Il nous semble que les primates (…) ont des cultures au sensfaible, mais n’ont pas de culture au sens fort. (…) Les primates vivent ensociété, les hommes non seulement vivent en société, mais produisent de lasociété pour vivre.

Maurice Godelier, « Quelles cultures pour quels primates, définitionfaible ou définition forte de la culture ? », La culture est-elle naturelle ?Editions errance, 1998.

☛ On ne peut pas mettre sur le même plan la culture de l’homme etles productions sociales dans les espèces animales. Les règles animalessont et demeurent rudimentaires, alors que l’homme a une histoire etune culture.

ACCULTURATION

Acculturation : Adaptation, forcée ou non, à une nouvelle culture matérielle,à de nouvelles croyances, à de nouveaux comportements.

Acculturer : Adapter à une nouvelle culture un individu ou un groupe.

«L’acculturation comprend les phénomènes résultant du contact direct etcontinu entre des groupes d'individus de culture différente avec deschangements subséquents dans les types culturels originaux de l'un ou desdeux groupes ».Il en est ainsi de la vie de l'Indien d'Amérique du Nord transformé par leschevaux importés par les Espagnols, ou de l'agriculture européennetransformée par le maïs ou la pomme de terre.Cette définition demande desprécisions sur la notion de contact. On pourrait penser que l'on peut seprotéger de l'acculturation en s'isolant au sein de traditions (les Amish auxÉtats-Unis, vivant comme au XIX° siècle) ou par les frontières et un systèmeéconomique et social différent (le bloc communiste derrière le « rideau defer »). En fait, le refus de tout échange ne peut éviter un contactd'opposition. Il y a là aussi acculturation, non seulement parce que lafrontière peut se révéler poreuse (une contre-culture jeune en URSS dans lesannées 70-80, autour du rock et du Jeans) mais parce que les cultures s'entrouvent modifiées avec des phénomènes de crispation, de rejet exacerbé. Ily a là une « acculturation antagoniste » (Devereux), une culture qui sedéfinit par opposition à son voisin, qui résiste par « isolement, adoption demoyens et de techniques ou au contraire opposition à ces moyens ettechniques ». Ainsi les États-Unis ont connu des phénomènesd'acculturation antagoniste pendant leur affrontement idéologique avecl'URSS, comme le maccarthysme, ou la compétition pour la conquête del'espace. Seule l'ignorance complète de l'autre permet l'absenced'acculturation (Amérique ignorant l'Europe, Europe ignorant l'Amériqueavant Colomb). À notre époque, cette situation est quasiment impossible. Ilpeut encore exister quelques petits groupes humains, au fond des forêtsd'Amazonie ou de Nouvelle Guinée, qui ignorent et sont ignorés de « lacivilisation ». Encore seront-ils touchés par des contacts indirects comme lapollution atmosphérique.

DECULTURATION

Quand l'acculturation fait que les changements liés au contact deviennentmajoritaires, qu’il y a remplacement et non transformation, que les change-ments sont imposés brutalement, que la culture réceptrice tend àdisparaître,on peut parler de déculturation.

INTERCULTURALITE

Il s'agit d'une communication qui s'instaure entre des individus ou desgroupes appartenant à des cultures différentes.

La notion peut jouer sur tous les éléments d'identification culturelle, âge,sexe, profession, origine sociale, mais s'utilise le plus souvent pour lescommunications entre membres de nations et d'aires géographiquesdifférentes. Il s'agit alors d'un élément essentiel de notre monde où leséchanges, les voyages, les communications concernent de plus en plus demonde sur des distances de plus en plus grandes.

Les personnes en communication peuvent se trouver en situation de contact(simple proximité dans un lieu public ou un moyen de transport, parexemple), d'interaction (réunion de travail entre professionnels de différentesnationalités, ou entre deux catégories professionnelles) ou de conflit (rivalité,dispute...).

Lipianski donne comme exemple une réunion où se rencontrent des hommesd'entreprise français et américains. Le côté direct de l'Américain qui souhaitetraiter des choses importantes dès le début est perçu comme de la grossièretépar les Français, alors que la politesse formelle et l'approche prudente deproblème sont perçues comme de la duplicité par les Américains.

L'interculturel peut déboucher sur des phénomènes d'acculturation lorsqu'il y aéchange et transformation. Mais cela n'est pas obligatoire, la communicationpouvant être trop localisée dans le temps et dans l'espace pour avoir des effetsautres que individuels (meilleure compréhension, ou au contraire crispation).Pour Lipianski, on peut aussi utiliser le terme d'interculturel dans le cas d'unedémarche de comparaison sur un phénomène présent dans plusieurs cultures,afin d'en déterminer les permanences et les nuances.

Document : Gilles Verbunt, la notion d’interculturel

La notion d’ « interculturel » connaît aujourd’hui une certaine fortune, sans que l’ondistingue toujours bien ce qu’elle recouvre et sur quelles bases théoriques elle repose.Pourquoi ce succès ? Souci humanitaire ? Volonté politique ? Recherche d’une plus grandeefficacité dans les échanges internationaux ? Besoin profond de sortir d’ornières culturellestraditionnelles ? Sans doute tout cela à la fois.

Une chose est sûre : l’évolution actuelle entraîne la multiplication des échanges. Commerce,migrations, Internet, tourisme ont le vent en poupe. La gestion des ressources (eau, air,énergies non renouvelables), de la santé, de la flore, de la faune… deviennent régionale ouplanétaire et entraîne la création d’institutions supra-nationales.

Nous ne sommes plus « chez nous », et en même temps tout se passe « chez nous ». Lerisque nous guette d’être dépossédés de notre espace vital, et nous réagissons. La globalisationentraîne la recherche d’unités de vie plus familières, plus communautaires. Nous voudrionsretrouver une culture qui ne soit pas globale, une identité qui ne soit pas un mélange confus,une langue chargée de nuances et d’affectivité, des communautés avec des valeurs solides, desappartenances à des groupes de taille humaine.

Les cultures locales et régionales, voire internationales dans le cas des religions, se portentbien ; pour ne citer qu’eux, Basques et Corses, Tsiganes et Inuit, Bambara et Ouolofs, juifs,musulmans et chrétiens sont préoccupés d’affirmer leurs spécificités. Des traditions sontremises à l’honneur, les discours sur l’identité excitent les passions. Des démagogues jouentsur les peurs pour mieux tenir leurs troupes ; ils prêchent le repli identitaire : celui-ci esttoujours mortifère, même quand il n’est pas poussé jusqu’à la purification ethnique.L’ambiance qui revalorise les communautés se fait sentir jusqu’au sein de la République, quidoit répondre à cette aspiration communautaire tout en restant une et indivisible. Mais presquepartout dans le monde les revendications identitaires se font entendre, tout en se greffant surdes histoires nationales, ethniques ou régionales dissemblables.

L’interculturel est l’effort pour créer un type de lien social et de philosophie politiquesusceptibles de concilier la globalisation avec le besoin de communautés à taille humaine. Lasociété inetrculturelle (ou l’interculturel tout court) est une manière de concilier l’universel etle particulier, le global et le local.

Pour le moment, il n’y a pas de modèle : aucune nation n’a réalisé une sociétéinterculturelle. En même temps, das nos pays occidentaux, des initiatives sont prises, qui sedonnent les étiquettes de multiculturel, transculturel, interculturel. Ces termes flouss’expiquent historiquement ; ils permettent un usage « tous azimuts » et imprécis, qui n’estpas favoreble à la prise au sérieux du projet de société interculturelle car ils la cantonnentsouvent au monde restreint des militants humanistes.

En réalité, l’outillage conceptuel traditionnel est incapable de décrire de façon adéquate cequi se passe. La culture et l’identité ne sont peut-être pas ce que nous pensons. Au temps de lamondialisation, pour vivre mieux le tourbillon qui nous emporte, il importe aujourd’hui deposer autrement les problèmes de personnes et de société dans leurs rapports à la culture.« Autrement » signifie d’abord ceci : abandonner l’idée qu’il est normal de vivre dans un seulmilieu culturel, avec une identité homogène et en compagnie de gens de même origine.

Gilles Verbunt, La société interculturelle, Paris, Seuil, 2001.

Document : définitions possibles

«Société multiculturelle : Différentes cultures et groupes nationaux, ethniques et religieuxvivant sur le même territoire, mais n’ayant pas forcément de contacts. Une sociétémulticulturelle est une société dans laquelle la différence est souvent perçue négativementet constitue la principale justification de la discrimination. Les minorités peuventéventuellement être tolérées de manière passive mais jamais acceptées ou appréciées. Laloi, qui prévoit éventuellement des droits pour mettre un terme aux pratiquesdiscriminatoires, n’est pas toujours appliquée uniformément.

Société Interculturelle: Différentes cultures et groupes nationaux, ethniques et religieuxvivant sur le même territoire et entretenant des relations ouvertes d’interaction, avec deséchanges et la reconnaissance mutuelle de leurs modes de vie et valeurs respectives. Ils’agit dans ce cas d’un processus de tolérance active et de maintien de relations équitablesau sein desquelles chacun a la même importance.

L'identité culturelle française, à l'heure de la mondialisation de la communication

12 septembre 2000

La culture a toujours été liée à l'idée d'ouverture et de communication. Maissimultanément, il n'y a pas de création culturelle sans identité ; si bien que les relations entreidentité culture et communication ne sont jamais simples. Du 18 au 20e siècle, les élitesculturelles ont assuré l'ouverture et la circulation des œuvres, pendant que les États Nationsrenforçaient au contraire l'identité nationale.

Tout a changé depuis cinquante ans. Le modèle dominant est devenu celui del'ouverture, surtout depuis dix ans avec la fin du communisme et la mondialisation. Lestechniques de communication et le commerce facilitent cette ouverture, en même temps quel'ONU et les organisations internationales, en sont le symbole.

Le lien entre culture et communication a donc changé, rendu visible par la percéedes industries culturelles mondiales. Ce mouvement s'accompagne simultanément d'une sortede dévalorisation des identités culturelles nationales, considérées un peu comme "dépassées".Si l'identité individuelle plaît, ainsi que la défense de l'identité des communautés, il y a unesorte de méfiance à l'égard de l'identité collective trop facilement identifiée à un nationalismed'autrefois. Et comme simultanément les nouvelles techniques de communication permettentde créer autant de marchés culturels qu'il y a d'individus solvables, on arrive à une sorted'émiettement de la culture.

Entre la segmentation des marchés culturels individuels et la mondialisation, lesidentités collectives liées aux États semblent menacées. Et les médias, en passant du"Broadcasting" au "Narrow casting", semblent avoir signé la fin de la culture de masse. Aufond, hier, il y avait les cultures nationales fortes protégées par des États et des médiasnationaux. Aujourd'hui, il y a, à la fois, une mondialisation des industries culturelles et lasegmentation des marchés culturels reposant sur les individus et les communautés. Leproblème a donc changé. Il fallait assurer, autrefois, l'ouverture et la communication entre lescultures nationales, aujourd'hui, il faut éviter que la mondialisation ne contribue à diluer lesidentités collectives culturelles. Hier, la norme était l'identité collective et, l'émancipation étaitliée à la communication. Aujourd'hui, la communication est un fait, plus qu'une valeur,assurant à terme par les réseaux, une culture "point à point".

Entre la mondialisation et la segmentation, il faut donc préserver la place desidentités culturelles nationales, sinon elles feront un retour violent. Autrement dit, ce sont lesrapports entre identité et ouverture qui ont changé en un siècle. Ce changement permet deréexaminer le rôle des médias. Hier, les médias nationaux (presse, écrit, radio, télévision) ontété à la fois un facteur d'identité culturelle nationale, et d'ouverture sur le monde. Avec lesnouvelles techniques de communication, c'est le règne des médias thématiques etindividualisés. C'est un progrès aux sens où les individus trouvent plus facilement ce qu'ilscherchent, mais c'est aussi un risque. Celui de laisser chacun, enfermé dans ses choixindividuels, et indifférent à ce qui ne l'intéresse pas. Il ne faut donc pas opposer, dans lacommunication, les médias classiques nationaux de masse et les médias individualistes. Ils

sont complémentaires. Et même, plus il y a de segmentation de la culture et des médias, plusil faut simultanément préserver la place des médias nationaux, facteur d'identité collective.

Au fond, il y a trois niveaux de culture. La culture individuelle, celle descommunautés, celle des États Nations. Et si les nouveaux médias assurent bien lacommunication des deux premiers niveaux, ce sont les médias de masse qui sont les mieuxadaptés à la défense de la culture collective. Le triangle culture - identité - communication,constitue donc probablement un des enjeux socio-politiques majeur du siècle à venir. D'autantque les intérêts des industries culturelles mondiales, qui n'arrêtent pas de parler des bienfaitsde "l'ouverture", ne sont pas directement complémentaires de la logique universaliste quiessaye de penser le rapport entre soi et les autres.

Par rapport à cet enjeu culturel et politique, on comprend l'atout de la culturefrançaise. Celle-ci est à la fois fortement liée à une identité historique, en même temps qu'elleest depuis toujours ouverte sur le monde, et porteuse d'un certain universalisme. Cette identitéforte, construite au fil des siècles et, un universalisme lié aux valeurs philosophiques,culturelles, politiques et religieuses, peuvent lui faire jouer un rôle considérable, dansl'Europe, et en faveur d'un certain modèle de mondialisation. Si la France est en tête du débatsur la diversité culturelle, la protection des libertés pour l'informatique et la recherche d'uncadre juridique pour Internet, c'est au nom d'une conception humaniste universelle des droitsde l'homme, assez différentes de celle qui prévaut pour les industries culturelles mondiales...

Autrement dit, l'identité culturelle française, dans un monde de plus en plus ouvert,est aujourd'hui une chance, d'autant que ses industries culturelles essayent d'être présentes auxtrois niveaux : individuels, communautaires, nationaux. Avec ses atouts la France peutcontribuer à ce que cette mondialisation ne soit pas seulement celle des industries culturelles,mais soit aussi respectueuse des diversités culturelles collectives. Et c'est en défendant cettediversité culturelle que la France contribue à un certain universalisme, qui fait, depuislongtemps, partie de la spécificité de sa culture.

 Dominique Wolton, directeur de recherche au CNRS

Claude Mollard © L’ingénierie culturelle, PUF