Démosthène, Sur la couronne 296 et le vocabulaire grec de la mutilation corporelle

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61 Démosthène, Sur la couronne 296 et le vocabulaire grec de la mutilation corporelle Yannick Muller DOI  10.7358/erga-2013-001-mull ABSTRACT  In ancient Greek there is no general verb such as «to mutilate» in order to express corporal mutilation, however, there is a large variety of terms dealing with the cut- ting, the severing or the amputation of an individual’s part of his body. The main difficulty lies in the polysemous character of some of these words. The present article focuses on one of them, ਕțȡȦIJȘȡȚȗȦ, used by Demosthenes, On the Crown 296: he is accusing the pro-Macedonian politicians to «mutilate» their cities. This verb has three different mean- ings: either severing a human body’s extremities, cutting the prow of a vessel or forming a promontory. In our case, modern translators, following Harpocration, grammarian of the II th century AD, have chosen to use the verb in its first meaning, considering that the orator thus personified the cities. A close look at all the occurrences in the ancient literature shows a possible different approach, since ਕțȡȦIJȘȡȚȗȦ seems not to have been used to mean a mutilation on a human being before the middle of the Hellenistic period. Demosthenes may have rather used here the image of cities as defenceless as triremes amputated from their rams. KEYWORDS  Mutilation, Demosthenes, lexis. Le grec ancien ne connaît pas de terme générique pour désigner la muti- lation corporelle ou l’action de mutiler: en revanche, il existe toute une variété de mots pour exprimer l’action de couper, de trancher, d’amputer, de priver un individu d’une partie de son corps. La principale difficulté est que, le plus souvent, ces mots possèdent plusieurs sens, parfois éloignés les uns des autres, au point de compliquer le travail du traducteur, voire de gé- nérer des contresens. Nous nous proposons, à titre d’exemple, d’explorer l’un de ces termes. Dans un passage de son discours Sur la couronne, Dé- mosthène invective tous les traîtres qui, dans les principales cités grecques continentales, ont soutenu le parti macédonien: il les accuse d’avoir eux- mêmes «mutilé» 1 leurs patries respectives (țȡȦIJȘȡȚĮıȝȑȞȠȚ IJȢ Įਫ਼IJȞ 1 C’est la traduction habituelle que l’on retrouve aussi bien dans les éditions françaises qu’étrangères, voir Mathieu 1947 (2002), 118; Carlier - Bouchet 2000, 396; VISTO SI STAMPI PREVIO INSERIMENTO CORREZIONI SEGNALATE BOZZE DI STAMPA 13 MAGGIO 2013

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Article sur l'évolution sémantique du verbe akrôtèriazô en grec ancien.

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    Dmosthne, Sur la couronne 296 et le vocabulaire grec

    de la mutilation corporelle

    Yannick Muller

    DOI10.7358/erga-2013-001-mull

    ABSTRACTIn ancient Greek there is no general verb such as to mutilate in order to express corporal mutilation, however, there is a large variety of terms dealing with the cut-ting, the severing or the amputation of an individuals part of his body. The main difficulty lies in the polysemous character of some of these words. The present article focuses on one of them, , used by Demosthenes, On the Crown 296: he is accusing the pro-Macedonian politicians to mutilate their cities. This verb has three different mean-ings: either severing a human bodys extremities, cutting the prow of a vessel or forming a promontory. In our case, modern translators, following Harpocration, grammarian of the IIth century AD, have chosen to use the verb in its first meaning, considering that the orator thus personified the cities. A close look at all the occurrences in the ancient literature shows a possible different approach, since seems not to have been used to mean a mutilation on a human being before the middle of the Hellenistic period. Demosthenes may have rather used here the image of cities as defenceless as triremes amputated from their rams.

    KEYWORDSMutilation, Demosthenes, lexis.

    Le grec ancien ne connat pas de terme gnrique pour dsigner la muti-lation corporelle ou laction de mutiler: en revanche, il existe toute une varit de mots pour exprimer laction de couper, de trancher, damputer, de priver un individu dune partie de son corps. La principale difficult est que, le plus souvent, ces mots possdent plusieurs sens, parfois loigns les uns des autres, au point de compliquer le travail du traducteur, voire de g-nrer des contresens. Nous nous proposons, titre dexemple, dexplorer lun de ces termes. Dans un passage de son discours Sur la couronne, D-mosthne invective tous les tratres qui, dans les principales cits grecques continentales, ont soutenu le parti macdonien: il les accuse davoir eux-mmes mutil 1 leurs patries respectives (

    1 Cest la traduction habituelle que lon retrouve aussi bien dans les ditions franaises qutrangres, voir Mathieu 1947 (2002), 118; Carlier - Bouchet 2000, 396;

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    ). Les principaux outils lexicographiques notre disposi-tion proposent trois sens au verbe employ, qui manent des trois dfinitions du substantif : amputer un homme dextr-mits du corps ou et par extension mutiler; couper les akrtria des navires, cest--dire leurs lments saillants en mtal (ceux de la proue en particulier) 2; ou encore, dans un contexte gographique, former un promontoire, soit un akrtrion 3. Concernant le passage qui nous intresse, en croire Harpocration au IIe sicle de notre re 4, suivi par lensemble des traducteurs modernes, Dmosthne emploie le terme dans sa premire acception, mais au sens figur: la patrie se trouve ainsi mtaphoriquement personnifie. Cependant, une tude approfondie des occurrences de ce terme jusquau dbut de lpoque impriale met en vi-dence une apparition trs tardive de ce sens dans la littrature conserve. Il est donc ncessaire de reprendre de manire systmatique lanalyse des emplois d afin de mieux apprhender son volution sman-tique. Dans un premier temps, nous verrons son usage dans les crits ant-rieurs au milieu du IVe sicle av. J.-C. Puis, nous explorerons les textes des poques postrieures jusqu Harpocration, cest--dire la fin du IIIesicle de notre re 5. Enfin, nous reviendrons au passage de Dmosthne afin de le placer en perspective et de mieux comprendre limage voulue par lora-teur.

    mutilated their own countries, Vince - Vince 1926, 213; hacked off the limbs of their own country, Yunis 2001, 274. 2 Pour des reprsentations de la proue et de lperon sur les vases, les monnaies ou en trois dimensions, cf. Morisson - Williams 1968, pls. 13-20 et 26-28; Morrison - Coates - Rankov 20002, 123, fig. 33; 142-143, figg. 37-38. 3 Voir les dictionnaires classiques Bailly, LSJ, DGE s.v. ou encore Chantraine 1968 (2009), 42. Dans tous les cas, les diffrents sens sont dtaills avec rf-rences, mais sans que soit tablie une chronologie dans les usages. 4 Harp. s.v. : ayant mutil eux-mmes chacune de leurs patries, la place de ayant inflig des outrages: car, ceux qui infligeaient des outrages des indivi-dus avaient coutume de leur trancher les extrmits ( ). Pour le texte grec, voir Keaney 1991, 123. 5 Sur la date du rhteur dAlexandrie Valrius Harpocration, voir lintroduction de Keaney 1991, ix-xi. Cf. Suda, s.v. ( 4014); Gossen 1912, 2416-2417; Hem-merdinger 1959, 107-109.

    pl. (sing.) /pls. (plur.)

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    1. LE VERBE JUSQU LPOQUE DE DMOSTHNE 6

    Demble il faut noter la raret de lusage de ce verbe avant lpoque hell-nistique: en effet, parmi la littrature conserve et en excluant le cas dun fragment 7 , nous navons que deux emplois connus pour la priode prc-dant Dmosthne. En outre, il nest absolument pas question de mutilation corporelle, mais de prise de navire; il sagit donc du deuxime sens voqu en introduction:

    Her. II 59.

    Mais, la huitime anne, les gintes, les ayant vaincus en combat naval, les rduisirent en esclavage avec laide des Crtois et comme leurs navires por-taient des proues en forme de sangliers, ils les amputrent des akrtria et les consacrrent dans le temple dAthna gine.

    Xen. Hell. VI 2, 35-36.

    Et absolument tous les navires de Syracuse furent capturs avec leurs hommes. Bien sr, Iphicrate, aprs avoir amput lui-mme des akrtria les trires, les fit conduire en les remorquant au port de Corcyre.

    6 Quand il est question de la mutilation, nous avons pris le parti de traduire le plus sou-vent le verbe akrtriaz par amputer des extrmits (du corps) un homme, afin de conser-ver la transitivit du verbe grec et de rester au plus prs de ltymologie. Cette lourdeur de traduction permet une certaine neutralit en attendant, et cest le but de lexpos, dtudier plus prcisment lventuel glissement progressif vers le sens plus large de mutiler en dgageant une chronologie de cette volution. Les traductions du grec sont personnelles. 7 Il sagit dun fragment dHellanicos de Lesbos (fr. 133bis Mette) contenu dans une scholie Pindare prserve dans un papyrus dOxyrhynchos (P.Oxy. 26, 2442), voir Mette 1978, 7. Le papyrus est dat du IIIe sicle ap. J.-C. et il est difficile daffiner la datation pour la scholie elle-mme, dautant que le passage qui nous intresse intervient non pas aprs la mention dHellanicos, mais aprs celle du livre LX des Gnalogies dpimnide. Il rapporte que deux guerres survinrent, lune aprs que Klymnos eut pri, lautre aprs quHracls eut amput dextrmits de leur corps ceux qui taient venus pour le tribut(> _>@ > @ >@). Nous avons l bien videmment un rsum de ce qui devait apparatre dans les Gnalogies, il est donc probable que le scholiaste a paraphras le texte sans ncessairement employer un vocabulaire identique. Par ailleurs, sagit-il dpimnide le Crtois (FGrHist 457) de la fin du VIIe sicle av. J.-C. qui purifia Athnes de la souillure lie lantique meurtre des Cylonides et qui crivit une Thogonie (parfois aussi appele Gnalogie) ou dun historien postrieur, homonyme du prcdent et cit par Diogne Larce (I 115) comme auteur de Gnalogies?

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    Dans un cas, comme dans lautre, le sens est vident et bien explicit par le contexte. Nous pouvons cependant noter lemploi indiffrenci de la forme active et mdio-passive pour qualifier laction mene contre les navires. Il ne semble donc pas, sauf accident dans ltat de conservation de notre documentation ce qui ne peut tre totalement exclu que le verbe ait t utilis pour qualifier une mutilation corporelle avant Dmosthne.

    2. LES EMPLOIS JUSQU HARPOCRATION

    Aprs Dmosthne, la littrature antique conserve ne rvle aucun usage d pendant prs de deux sicles, si nous laissons de ct les fragments dauteurs du dbut de lpoque hellnistique. En effet, ces quatre fragments dhistoriens ou de philosophes apparaissent dans des uvres plus tardives et ne correspondent probablement pas des citations directes: ils relvent au mieux de la paraphrase 8, lexclusion peut-tre dun fragment de Mgasthne, qui voque un chtiment en Inde pr-voyant que celui pris en flagrant dlit de faux tmoignage soit amput des extrmits 9. Nous reviendrons sur ce fragment plus tard lors de la

    8 Dans un fragment de Philochore (FGrHist 328 F 3b), cit dans une scholie Aris-tophane, Lysistrata 1094, akrtriaz prcde de deux lignes la citation de latthidographe et nintervient pas dans la suite logique. Il na probablement t inclus par Jacoby que pour contextualiser le passage. Il faut sans doute voir ici un emploi tardo-hellnistique, voire imprial de linitiative mme du scholiaste et qui correspond tout fait au sens don-n au verbe la mme poque: le scholiaste nous dit que des Hermocopides amputrent de leurs extrmits les Herms ( ). Il est notable que le verbe nest jamais employ par les tmoignages contemporains (Thuc. VI 27-29; Andoc. De Mysteriis), par contre il lest par Plutarque (Alc. 18, 6; Nic. 13, 3). Pour les deux autres cas, il sagit plutt de paraphrase: ainsi un fragment de Clarque de Soles (fr. 46, 9 Wehrli) cit par Athne (XII 524d) illustre la violence extrme des Scythes par le fait quils amputaient des extrmits les nez de tous les hommes ( ). Lenfant 2007, 43-72, a montr que lorsque Athne emploie, comme ici en 524c, il raconte (), il sagit dun rsum ou dune paraphrase et cela signale logiquement une reformulation (51). Quant au dernier frag-ment, il sagit dune citation de Chrysippe de Soles (Fragmenta logica et physica, fr. 397 von Arnim) que lon trouve chez Philon dAlexandrie (De aeternitate mundi 49): le long passage qui semble directement tir de luvre du philosophe stocien est entrecoup de commentaires de Philon et cest ce dernier qui emploie alors que Chrysippe, dans la phrase introduite par , utilise , exciser. 9 Ce fragment repris par Strabon (XV 54) est attribu Mgasthne (FGrHist 134 F 24) qui est cit bien plus haut au paragraphe 53. Biffi 2005, 27-28, linclut, comme Jacoby, au sein de cet important fragment allant des paragraphes 53 55, mais sans le

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    synthse finale. En ne considrant que la tradition directe conserve, nous arrivons donc directement au IIe sicle av. J.-C.

    2.1. lpoque hellnistique

    partir du milieu de lpoque hellnistique, la frquence du mot aug-mente: dans luvre de Polybe, nous comptons quatre mentions 10, six dans celle de Diodore 11, auxquelles sajoutent quelques autres occurrences, lune chez un auteur secondaire et un certain nombre de fragments 12. Il est notable qu la fin du IIIe sicle av. J.-C., le sens exclusif du mot tel que lattestent les sources classiques 13 na pas totalement disparu, puisque Philon de Byzance lemploie dans son trait de poliorctique: en effet, dans le cadre dun combat maritime, il conseille aux attaquants dordonner aux soldats les meilleurs et les plus expriments, de ne pas amputer les akr-tria ni daborder aucun navire ennemi, mais de les peronner 14.

    Chez Polybe nous trouvons tout dabord lattestation la plus ancienne du dernier sens du mot voqu en introduction caractrisant un espace en forme de cap ou de promontoire 15, mais il est surtout le premier auteur conserv avoir employ de manire certaine ce verbe pour dcrire une mutilation inflige un tre humain. Quant savoir ce quil entendait pr-cisment par l, regardons de plus prs les trois emplois qui correspondent des outrages physiques.

    Tout dabord, Polybe relate au livre IV lacharnement des mercenaires rvolts de larme carthaginoise lencontre de leurs prisonniers puniques (milieu du IIe sicle av. J.-C.): aprs quils leur eurent coup les mains, ils amputrent les malheureux dextrmits de leur corps: les ayant ainsi tron-

    discuter vritablement; Radt 2009, 191, galement en remarquant tout de mme que le style indirect est abandonn par Strabon ds la fin du paragraphe 53; Leroy 2012, xxxix, prfre le mettre entre parenthses. Labandon du style indirect suggre nanmoins une reformulation. 10 Polyb. I 80, 13; IV 43, 2; V 54, 10 et VIII 21, 3. 11 Diod. IV 10, 3; XIII 57, 3; XVII (sommaire) et XVII 69, 3. Il est possible dy ajou-ter trois passages fragmentaires (XXV fr. 3; XXXIV/XXXV fr. 8 et fr. 14 Walton). 12 Ce sont les fragments problmatiques de Posidonios dApame, voir n. 31 13 Si lon excepte videmment le passage de Dmosthne, objet de la prsente tude. 14 IV 67 Rochas dAiglun (= 104, 12 Diels - Schramm): . Voir Rochas dAiglun 1882 et Diels - Schramm 1920, 17-84. 15 Polybe voque en IV 43, 2 une avance en forme de promontoire situe en face de Byzance entre un temple dHerms et lEurope ( ).

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    qus 16 et leur ayant bris les jambes, ils les jetrent encore vivants dans une fosse 17. Il semble bien tre question ici dablation de membres ou dor-ganes: la mutilation commence par les mains et stend dautres parties du corps, peut-tre du visage. En second lieu, Polybe, de manire plus vague, expose au livre V les atrocits commises par Hermias, ministre dAntio-chos III dans la seconde moiti du IIIe sicle av. J.-C.: en amputant les extrmits, en assassinant et en torturant, il fit prir beaucoup dhabitants de Sleucie 18. Enfin, au livre VIII, la dcision quant au sort dAchaos, prtendant sleucide contemporain de lpisode prcdent, prvoit que dabord on amputerait le malheureux dextrmits de son corps, et, qu la suite de ces outrages, aprs lui avoir tranch la tte et lavoir cousue dans la peau dun ne, on exposerait son corps sur un pieu 19. Dans le dernier exemple, on peut conjecturer que lemploi du pluriel suggre de mul-tiples ablations. Un parallle pourrait dailleurs tre le supplice subi par Bessos sur les ordres dAlexandre le Grand et concerner les appendices de la tte 20. Par ailleurs, Polybe utilise une formulation trs voisine de celle du livre IV avec ladjonction du substantif , ce qui pourrait suggrer que pour un mme type de dommages, il se sert dune terminologie iden-tique. Mais force est de constater quil ne stend pas suffisamment pour que nous soyons absolument certains quil entendait ce verbe dans le sens damputer les extrmits dun corps et non dans celui plus gnral de mutiler.

    Plus clairants sont les emplois quen fait Diodore: ainsi, lhistorien sici-liote de la fin du Ier sicle av. J.-C., rapporte lpisode des mutils de Per-spolis. En 331 av. J.-C., alors quil sapprte prendre la capitale perse, Alexandre est approch par un groupe de Grecs mutils par le pouvoir ach-mnide 21. Immdiatement aprs avoir employ le verbe pour

    16 est un autre verbe souvent traduit par mutiler, tronquer ou amputer. 17 Polyb. I 80, 13: . 18 Polyb. V 54, 10: . 19 Polyb. VIII 21, 3: . 20 Arr. Anab. IV 5, 3: nous apprend quAlexandre ordonna que le nez et les oreilles soient amputs des extrmits ( ). Cf. aussi Curt. VII 5, 40. 21 Diod. XVII (sommaire) et XVII 69, 3. pisode voqu en outre par Trogue-Pom-pe (Iust. XI 14, 11) et Quinte-Curce (V 5, 5-24), mais non par Arrien; Radet 1927, 5-34, accepte lhistoricit de lvnement, Badian 1985, 443, est rserv, alors que Heckel 1980, 173, estime lanecdote forge par Clitarque pour renforcer leffet dramatique et lhostilit du lecteur envers lempire perse.

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    qualifier ce quils avaient subi, Diodore prcise les parties concernes par la mutilation: tous ayant t amputs dextrmits de leurs corps, les uns des mains, les autres des pieds, dautres encore doreilles et de nez 22. Le mme verbe avait dj t utilis au livre XIII pour qualifier les violences commises par les mercenaires au service des Carthaginois peut-tre des Ibres lors de la prise de Slinonte en 409 av. J.-C.: ils amputrent les morts des extrmi-ts des membres selon la coutume de leurs pres; certains dentre eux furent vus avec des mains accroches en grappe autour de leur corps, dautres des ttes piques sur leurs javelots et leurs lances 23. La mutilation dans ces deux cas consiste explicitement en lablation des du corps (tte, main, pieds, nez ou oreilles) que ce soit sur des vivants ou des cadavres.

    Cest toujours par le mme verbe et sans autre prcision que Diodore exprime le sort que rserve Hracls aux envoys du roi dOrchomne Erginos venus rclams tribut aux Thbains: il chassa de la ville aprs les avoir amputs de leurs extrmits les Minyens survenus pour la rclamation du tribut et qui en exigeaient le paiement avec violence 24. Cependant, propos de ce dernier vnement mythologique, nous bnficions galement du texte de la Bibliothque du Pseudo-Apollodore, qui, bien que postrieur Diodore, se base sans doute sur des mythographes de lpoque classique, notamment Phrcyde dAthnes: or, il y est bien prcis quattachant leurs cous au moyen de cordes, aprs les leur avoir coups, les oreilles, le nez et les mains, il leur dit de porter ce tribut Erginos et aux Minyens 25. Il semble donc bien que Diodore ait employ ce verbe dans le sens dune amputation de parties du corps.

    Dailleurs, les fragments des livres perdus de Diodore comportent trois occurrences d qui vont tout fait dans le mme sens: le pre-mier nest quune redite de lpisode des mercenaires rvolts de Carthage

    22 Diod. XVII 69, 3: . 23 Diod. XIII 57, 3: . 24 Diod. IV 10, 3: . 25 Apollod. Bibl. II 4, 11: . Si lon ne suit pas Frazer 1921, 180, n.1, et son prdcesseur Heyne en considrant quil faille dplacer et que lon adopte la lecture des manuscrits, cela ne change pas foncirement lide gnrale: Hracls ampute les envoys dErginos de diffrentes parties de leur corps. Cf. les objections de Carrire - Massonie 1991, 185-186.

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    dj racont dans des termes identiques par Polybe 26, le second voque les amputations de bras perptres par les esclaves rvolts syriens en Sicile 27 et le troisime la mutilation quinflige Ptolme Physcon son fils 28. Ce dernier est tronqu de ses membres afin que lensemble de son corps soit mis dans un coffre 29. Dans les trois cas, nous sommes toujours en prsence dun sens trs littral: on tranche aux supplicis un ou plusieurs appendices corporels. Et il est exclu dy voir un vocabulaire choisi par le citateur, car ces fragments sont tirs des Excerpta Constantiniana, un recueil dextraits dhistoriens antiques collationns au Xe sicle de notre re 30. En outre, ils pourraient remonter Posidonios dApame, une des sources de Diodore, antrieur ce dernier dune gnration 31.

    Avant de changer de priode, on peut ajouter que la Septante comporte deux passages incluant le verbe : tous deux se trouvent dans les livres des Maccabes et relatent les supplices des sept frres, martyrs juifs sous la rpression dAntiochos piphane. Dans le second livre des Maccabes 32, ils sont torturs et le roi ordonne que le premier subisse une ablation de la langue et, aprs avoir t scalp, quil soit amput dextrmits de son corps. La suite ne laisse aucun doute sur ltendue de la mutilation, puisque le malheureux tait devenu inapte se servir de

    26 Diod. XXV fr. 3, 3 Goukowski = 3, 1 Walton = De virtutibus et vitiis I 210: quon coupe la main aux allis des Puniques et quon les envoie amputs de cette extrmit de leur corps Carthage ( ). Cf. Polyb. I 80, 13 (n. 17). 27 Diod. XXXIV/XXXV fr. 8, 1 Walton = De virtutibus et vitiis I 306, 27: Non seulement les esclaves fugitifs syriens coupaient les mains, mais, ne se satisfaisant pas des ablations le long des poignets, en amputant ces extrmits de leur corps avec leurs bras ( ). 28 Diod. XXXIV/XXXV fr. 14, 1 Walton = De virtutibus et vitiis I 262, 25: ampu-tant des extrmits le corps de son fils et les dposa dans un coffre ( ). 29 Cf. Iust. XXXVIII 8, 13, qui fait galement tat des membres tranchs (corpusque in membra divisum). 30 Sauf en dbut et en fin dextrait, les excerpteurs ne rcrivent pas, nabrgent pas, mais choisissent des extraits dans les uvres de certains auteurs, la manire dun recueil de morceaux choisis, comme le rappelle Cohen-Skalli 2012, xxxii-xxxiii, ce sont donc des citations littrales. Cf. Cohen-Skalli 2012, xxv-xlvi, pour une mise au point r-cente sur les Excerpta. 31 Fr. 142 (= FGrHist 87 F 108p Anhang) et fr. 150 Theiler. Theiler les inclut dans leur corpus, cependant, Edelstein - Kidd 19892, xx, n. 3, bien que ne niant pas que Posi-donios ait t une source de Diodore, en particulier pour les livres XXXIV et XXXV prfrent la prudence car Diodore ne cite jamais expressment Posidonios et les passages en question ne peuvent tre recoups avec dautres mentions. 32 LXX, 2 Mach. 7, 4: .

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    toutes choses 33, cest--dire compltement mutil, comme certaines traductions choisissent de traduire cette proposition 34. Dans 4 Maccabes 10, 20, les outrages sont exprims de manire quasiment identique bien que le texte soit un peu plus prcis. Ainsi, les supplicis apostrophent leur tortionnaires: avec joie pour Dieu nous sommes amputs dextrmits de parties de notre corps 35. Ici, de manire redondante, renforce lide dj comprise dans et, en loccurrence, il sagit encore dune ablation de la langue 36.

    2.2. Lusage au dbut de lpoque impriale

    lpoque impriale, le nombre doccurrences augmente de faon impor-tante: lui seul Philon dAlexandrie emploie le verbe dix-huit fois, le go-graphe Strabon, sept fois, Flavius Josphe et Plutarque, trois fois chacun.

    Chez Philon dAlexandrie, philosophe juif hellnis du dbut du Ier sicle ap. J.-C., il ny a aucun doute possible: il nentend ce verbe que comme laction de couper quelque chose, le plus souvent un corps humain: la tte 37, la main 38, le prpuce 39, le nez ou les oreilles 40 ou des lments non dfinis 41. Mais aussi, dans certains cas et de manire plus image, il sagit

    33 LXX, 2 Mach. 7, 5: . 34 Cest ainsi traduit dans la TOB ou encore celle de Giguet 1872. 35 LXX, 4 Mach. 20, 10: . En grec, le mot a un sens plus large que notre terme membre, cf. Arist. Hist. an. I 1, 486a, 9-12 et le commentaire Louis 1964, 1, n. 3. Le quatrime livre des Maccabes ne date cependant pas de lpoque hellnistique, mais fut probablement crit entre la fin du Ier et le dbut du IIe sicle de notre re. Cf. Baslez 2012, 190, n. 5 pour rfrences. 36 LXX, 4 Mach. 20, 9: ; 20, 11: . 37 Philo De sacrificiis Abelis et Caini 115-116: la tte des actions est la finalit de ces dernires, qui dune certaine faon vivent tant quelles lui sont rattaches, mais qui mourraient si tu voulais lexciser et lamputer de cette extrmit ( ). Il nest pas directement question de couper la tte mais la tte des actions. Il sagit bien videmment dune image, mais comme le montrent les lignes qui prcdent o il voque la mort qui choit aux animaux qui on enlve la tte et lassociation avec le verbe , il sagit bien dune mtaphore de la dcapitation. 38 Philo De specialibus legibus II 245; III 179. 39 Philo De specialibus legibus I 3 et 9, o il traite spcifiquement de la circoncision. 40 Philo De somniis II 168: ; Legatio ad Gaium 135: . Il sagit ici de statues de chevaux qui sont mutiles. Elles ont perdu en plus des oreilles, des queues, des pattes, et beaucoup dautres parties ( ). 41 Philo De vita contemplativa 44: et ayant amput dextrmits leurs corps ( ). Philon fait allusion aux beuveries qui finissent en rixe, o il

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    simplement de retrancher quelque chose un ensemble plus grand: lme, la terre, larme 42. Dans lensemble des passages, est troitement associ des prverbs de 43 ( 44, 45, 46, 47) ou de ( 48) dont il semble un synonyme pour lau-teur 49, lide de sparer quelque chose dun tout 50, la coupe dlments dtermins du corps ou simplement au mot , partie 51. Mme si dans quelques cas le verbe est employ au sens figur il sagit soit de la Terre qui est prive de ses parties saillantes, englouties par le Dluge 52, des quali-ts humaines ou morales retrancher ou non de lme 53 soit de la cavalerie dont on ampute larme 54 lide exprime est sans conteste celle dune ablation. Le terme apparat galement dans un contexte mdical et associ

    tait possible de perdre un morceau doreille ou de nez: il est plus prcis en De somniis II 168, o il traite dun type daltercation similaire. Voir note prcdente. 42 Voir n. 52 54. 43 Ou les substantifs correspondant. Ainsi, en De specialibus legibus I 9, on trouve et , courants dans un contexte de circoncision. 44 Philo De Abrahamo 44. 45 Philo De specialibus legibus I 3. 46 Philo De cherubim 96; De sacrificiis Abelis et Caini 115; De specialibus legibus III 179; De aeternitate mundi 49. 47 Philo De agricultura 86. 48 Philo De specialibus legibus II 245, III 179-180; De aeternitate mundi 49. 49 Sur dix-huit passages, dix comprennent galement au moins un de ces verbes, qui sont dailleurs totalement interchangeables. En tmoigne le passage De aeternitate mundi49, o Philon voque deux personnages, Thon et Dion. Le premier est celui qui nest amput dextrmit daucune partie du corps: ; le second est celui qui est amput du pied, exprim par deux groupes nominaux syno-nymes: et . 50 Philon dans De sacrificiis Abelis et Caini 110 complte par le par-ticipe de , sparer, diviser. Dans ce passage, lauteur insiste de manire image sur le fait que les facults pures ne doivent pas tre amputes de notre me. 51 Philo De somniis II 95; De specialibus legibus I 47 et 80, II 245, III 179; De aeterni-tate mundi 49. 52 Philo De Abrahamo 44. Gorez 1966, 41, traduit par comme mutil par une grande incision, mais lide de Philon est pourtant clairement exprime: les flots submer-grent non seulement les plaines, mais aussi les sommets des plus hautes montagnes, cest comme si lon avait dun seul coup amput la terre de tout ce qui dpassait de la surface. Ici est entendre dans son sens premier de section ou dablation et non dans celui dincision. 53 Philo De cherubim 96: il voque les mes qui ont cd au vice, amputs et exciss des meilleures vertus ( ), cela fait pendant lanimal qui nest ni complet ni intact ( ) et quon exclut du sacri-fice trait au dbut du paragraphe; De sacrificiis Abelis et Caini 110. Ici linverse, ce sont les facults pures quil ne faut pas amputer en les sparant ( ). Lme est alors offerte Dieu dans son intgrit, la manire dun lholocauste. 54 Philo De agricultura 86.

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    avec deux autres techniques chirurgicales, lincision et la cautrisation 55. Absent du corpus hippocratique 56, le verbe a d faire son entre dans le vo-cabulaire mdical dans le courant de lpoque hellnistique. Enfin, dans un cas, il est associ une srie de chtiments infamants que ceux qui parlent trop librement contre les rois et les tyrans font subir eux-mmes et leurs familles, tant marqus, fouetts et amputs dextrmits de leur corps 57.

    Chez Flavius Josphe, autre juif hellnis, mais dune gnration post-rieure au prcdent, le sens nest pas aussi clairement tabli: il sagit bien de mutilation sur des tres humains, mais est-ce entendre de manire vague ou rellement en tant quamputation dune partie du corps? Les trois pas-sages concerns ne donnent pas assez de dtails, le verbe tant chaque fois sans complment. Cependant, deux reprises ils dsignent une population associe dans le texte avec des lpreux et donc avec lide dimperfection en relation avec lintgrit physique 58. Le contexte historique est, dans les deux cas, la loi de Mose. Josphe pourrait ainsi se rfrer aux criminels ayant subi des amputations en tant que chtiment pnal: le droit oriental comporte pour le deuxime et le premier millnaire nombre dexemples de cette forme particulire de talion, o le coupable est puni par lablation de lorgane jug responsable du crime 59. Mais le deuxime passage suggre une perte accidentelle dune partie du corps et rappelle le caractre impar-fait de ceux qui ont perdu lintgrit de leur corps 60. Ces individus devaient

    55 Philo Quod deus sit immutabilis 66: . Philon voque ici la non ncessit pour les mdecins de dire la vrit leurs patients notam-ment concernant leur maladie ou leur traitement afin de les gurir. 56 Dans le corpus hippocratique, lamputation nest que trs peu traite, probable-ment cause des risques que suppose ce type dintervention. Cependant, dans le trait Sur les articulations 68, Hippocrate voque les bonnes chances de survie aprs une amputation des doigts, des orteils, de la main, du pied ou de bas de la jambe si elle est pratique au niveau de larticulation. Elle y est exprime au moyen du verbe . Au para-graphe69, apparat trois fois et dsigne des amputations en cas de gangrne. 57 Philo De somniis II 84: . 58 Joseph, Ap. I 256 et 284. Il ne sagit pas vritablement dimpuret au contraire des lpreux. Cf. Neusner 1973 et Wright 1987, 165, n. 5. 59 Voir le code de lois dHammourabi ( 192-198, 200, 218, 282) ou certaines lois assyriennes, Cardascia 1969, 99-102, 108-110, 120, 134, 145, 202, 276. Le plus souvent ces mutilations se pratiquent dans un contexte de talion ou parfois de contrapasso, tel le chtiment que subissent les mes dans lEnfer de Dante (Divina commedia XXVIII 142), li lorgane par lequel leur corps a pch. Des exemples sont connus pour lensemble du monde oriental, voir Westbrooke 2003, 290, 342, 345-346 et 805 (gypte); 649 et 651-652 (Hittites); 553 (Assyrie); 69, 219, 416, 423, 554, 556 et 586 (Msopotamie); 1004 et 1006 (Levant). 60 Joseph, Ap. I 284: il [Mose] a aussi refus ceux ayant t amputs en quelque manire de la moindre partie de leur corps dtre prtres ( ). Dans la suite du passage, est

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    ainsi se retrouver marginaliss tout comme les lpreux et se voir interdire certaines fonctions, comme la prtrise. Il y a l une allusion directe au Lvi-tique, o cette rgle est trs prcisment exprime 61. Dans le troisime cas, il est question de loutrage subi par le roi de Jrusalem Adonizebek lors de sa dfaite face Judah, fils de Josu, et Simon: Flavius Josphe dit simple-ment quil fut amput dextrmits du corps 62 sans autre prcision. Mais lpisode est galement narr dans la Bible et, dans le livre des Juges, les termes grecs sont sans quivoque: ils lui tranchrent les extrmits des mains et des pieds 63, une manire de leur nier de manire permanente tout accs la royaut 64.

    Chez Strabon, trait gographique oblige, nous retrouvons lusage d pour qualifier un espace en forme de cap 65, mais galement pour exprimer une amputation de parties du corps. Comme chez Philon, lassociation avec la partie sectionne et le contexte ne laissent aucun doute sur ce qui est sous-entendu: lablation dun ou de plusieurs appendices de la tte 66. Notons que Strabon passe sans problme dun sens lautre, parfois au sein dun mme chapitre: ainsi, au chapitre 2 du livre XVI, il emploie le verbe successivement pour voquer lorigine du toponyme Rhinocoloura, aux portes de lgypte, appele ainsi daprs des hommes installs ici autrefois qui avaient t amputs de leur nez 67, puis pour qualifier de pro-montoire la colline qui reut la spulture de Pompe 68. Plus intressants sont deux passages du livre XVII, o, deux reprises, Strabon qualifie les

    voqu le cas des prtres qui sont mutils par accident () et qui perdent ainsi leur charge. 61 LXX, Lev. 21, 16-20. Toutes sortes daltrations somatiques sont voques, mais en 18, il est prcis que seront exclus: un homme boiteux ou aveugle, ou ayant le nez tronqu, ou loreille coupe ( ). 62 Joseph, AJ V 122: . 63 LXX, Iudc. I 6: . La suite nous apprend quAdonizebek avait lui-mme pratiqu cette mutilation sur 70 rois. 64 Sur la mutilation de lennemi dans la Bible, cf. Lemos 2006, 225-241. 65 Strab. I 2, 20, dcrit la Thrace formant un promontoire ( ) en II 1, 40, il dit que le Sounion forme un promontoire comme la Laconie ( ) enfin, en XVI 2, 33, il voque le Kasion, une colline de sable et sans eau qui forme un promontoire ( ). 66 Strab. XV 54, passage dj voqu prcdemment, voir n. 9. Strabon na pas cru bon dadjoindre de complment, mais, dans la suite du passage, il prcise que, pour un autre crime, la mme peine est alourdie de lablation de la main. On peut en conclure que le premier chtiment avait pour objet le visage. Pour Strab. XVI 2, 31, il sagit du nez, voir note suivante. 67 Strab. XVI 2, 31: . 68 Strab. XVI 2, 33.

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    sacrilges commis par Cambyse lencontre de temples gyptiens au moyen du verbe qui nous occupe 69. Tout comme pour le passage de Dmosthne, on trouve souvent dans les ditions modernes la traduction par lentremise de mutiler, qui est videmment entendre de manire figure 70. Mais ne sagit-il pas plutt ici de pillage: laction damputer le sanctuaire de ses richesses 71? Dautant que dans lun des cas, Strabon prcise quensuite le btiment est soumis aux flammes 72. Pourquoi mutiler un espace que lon va de toute faon dtruire?

    Le dernier auteur que nous traiterons de manire dtaille est Plu-tarque. Ce dernier utilise deux reprises dans ses Vies pour qualifier la mutilation des herms en 416 av. J.-C., alors que, dans les sources contemporaines, nous trouvions 73. Il rappelle quen une nuit, tous sauf un que lon dsigne du nom dAndocide 74 ou la plu-part dentre eux furent amputs des extrmits de leur visage 75. Dans les uvres morales, on ne note quune seule mention. Elle ne semble accor-der au verbe que le sens trs vague de mutiler 76: Plutarque, en faisant lloge de lamour fraternel, conclut quil serait fou de parer le portrait dun frre en mme temps que de frapper son corps et de le mutiler 77. Dans ce cas, tout comme chez Flavius Josphe, il est vrai quaucune infor-mation ne permet dy voir une amputation dextrmits, mais lanalogie avec la mutilation des herms tend le suggrer. On ne peut cependant pas exclure un glissement vers un sens plus gnral. Cependant, dans les sicles

    69 Strab. XVII 1, 27: 1, 46: . 70 Par exemple, Tardieu 19093, 430 et 450; Jones 1959, 79 et 123. Radt 2005, 457 et 485, traduit diffremment les deux passages. Dans le premier il prfre rester littral et traduit par indem er Spitzen abschlug, dans le second, il opte pour verstmmelt. 71 Nous pourrions aussi ici avoir une approche smantique trs littrale: ampu-ter les acrotres, cest--dire des parties dcoratives amovibles des temples. Les Perses avaient lhabitude demporter dans leurs capitales les plus beaux spcimens de la statuaire des peuples conquis, comme par exemple le groupe des Tyrannoctones Athnes ou encore la statue du temple dApollon de Didymes. 72 Strab. XVII 1, 27: . 73 Voir n. 8 pour les rfrences compltes. 74 Plut. Nic. 13, 3: . 75 Plut. Alc. 18, 6: . Concernant la traduction de par visage et non face, voir les objections de Lvy 1995, 229, n.51; Furley 1996, 28 pour plus de rfrences sur ce sujet. 76 Cest le choix de traduction de Dumortier - Defradas 1975, 145, et de Helmbold 1939, 255. 77 Plut. Mor. [De frat. amor.] 479d: .

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    qui suivent, dans une majorit de cas, reste compris comme lablation dune partie du corps.

    2.3. Tour dhorizon des emplois jusqu Harpocration

    ct de ces auteurs principaux, une foule dautres historiens, philo-sophes, rhteurs grecs ou hellnisants font usage du verbe entre la fin du Ier sicle et lpoque dHarpocration. Parmi ces mentions, nous pouvons distinguer trois tendances.

    Tout dabord, nous trouvons une petite srie de citations directes ou paraphrases dauteurs plus anciens dont nous avons conserv loriginal: cest le cas du passage de Dmosthne sur lequel nous reviendrons, repris par deux auteurs analysant sa rhtorique 78 et du passage de Strabon vo-quant la ville de Rhinocoloura 79.

    En second lieu, force est de constater que le sens damputation dex-trmits du corps continue dtre majoritairement employ, de manire concrte, abstraite ou figure. En ce qui concerne des ablations dextrmi-ts corporelles, Aelius Aristide 80, Polyen 81, le Pseudo-Apollodore 82, Ath-ne 83 ou Hrodien 84 rapportent tous cinq des cas damputations au niveau du visage; Polmon se sert en toile de fond des msaventures du frre dEs-chyle, Cyngire, qui se vit trancher les deux mains Marathon 85; enfin H-rodien commente les pertes parmi les soldats de Svre Alexandre fuyant la Mdie, prcisant que peu dentre eux ne furent pas amputs dextrmits

    78 [Longinus] Subl. XXXII 2; Ael. Th. Progymnasmata 107. 79 Ael. Hdn. De prosodia catholica 264. 80 Ael. Aristid. Panathenaicus 128 Dindorf (= 118 trad. Behr), rapporte les menaces de Xerxs la veille de la deuxime guerre mdique de contraindre [les Athniens], ayant t amputs dextrmits de leur corps [] ( ). Cette menace est tout fait dans la logique de la vision grecque de la violence despotique perse qui se manifeste par des mutilations corporelles, voir Muller 2013. 81 Polyaenus, Strategemata VII 12, 1; VII 13, 1. Dans les deux cas le participe est complt par et concerne la mutilation faciale volontaire de Si-racs et de Zopyros. Dans ce dernier cas, Hrodote, III 154, nous apprend quil se mutile, ayant tranch son propre nez et ses oreilles ( ). Les Excerpta de Polyen (41, 5) reprennent lpisode de Zopyros dans les mmes termes. 82 Apollod. Bibl. III 35. Il sagit des amputations perptres par Hracls sur les envoys des Minyens. Cf. n. 25 pour le texte et la traduction. 83 Athenaeus, XII 524d. Athne, suivant probablement Clarque, voque la pra-tique des Scythes de trancher le nez de leurs ennemis. Cf. n. 8 pour la citation du passage et la traduction. 84 Hdn. VIII 4, 10: . Il sagit dun des multiples ravages de la poix sur les troupes de Maximin devant Aquile (238 ap. J.-C.). 85 Polem. Declamationes II 44: .

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    de leur corps dans une rgion au climat rigoureux 86. Dans la continuit de Philon, Origne, premier auteur chrtien faire usage d, luti-lise, lui, entre autres, pour qualifier comme amputation dextrmit labla-tion du prpuce chez les Juifs 87. Pour finir, notons que Pollux, dans son Onomasticon, associe deux reprises des amputations sur des animaux: dune part pour prciser que les btes destines aux sacrifices ne doivent avoir t, entre autres, ni tronques, ni estropies, ni amputes dextrmits de leur corps, ni contrefaites 88; dautre part pour caractriser lamputation de la queue du chien dAlcibiade 89.

    Confirmant son vocation par Philon, les traits mdicaux accordent un certain crdit lamputation dextrmits: elle y occupe une petite place dans la chirurgie au ct de lincision et de la cautrisation 90. Cependant lemploi dun mot de la famille d reste circonscrit aux cas dempoisonnement et plus prcisment ceux qui sont lis aux animaux venimeux. Ainsi, dans le du Pseudo-Dioscoride, lamputation, avec le substantif verbal , est prconise pour gurir les morsures de serpents, en particulier celles des aspics et des serpents cornes, condition quelles soient localises sur un appendice du corps 91. Quelques dcennies plus tard, Philoumne reprend dans des termes identiques les mmes recommandations 92. Galien voque trs peu ce type de pratique 93: il cite nanmoins deux cas dindi-

    86 Hdn. VI 6, 3: . 87 Orig. C. Cels. II 13; Philocalie XXIII 16. Dans ces deux cas, est asso-ci . 88 Poll. Onom. I 29: . 89 Poll. Onom. V 45: . 90 Pseudo-Dioscorides, De venenatis animalibus, Proem. 30: sur le champ se char-ger des incisions, pratiquer la cautrisation et, si la partie touche sy prte, lamputa-tion ( ); cf. Philo Quod deus sit immutabilis 66. 91 Pseudo-Dioscorides, De venenatis animalibus, Proem. 19 et 33: tantt par lampu-tation ( ), il faut indubitablement pratiquer lamputation ( ); lamputation amliore ltat en peu de temps ( ). Sur le Pseudo-Dioscoride, voir Touwaide 1994, 1892. 92 Philum. Ven. VII 5 = Pseudo-Dioscoride, De venenatis animalibus, Proem. 19; XVI 6: les personnes atteintes par celles-ci (les morsures) sont guries en peu de temps au moyen dun amputation ( ); XVIII 3, trs similaire: mais une amputation est approprie pour ceux-ci (atteints de morsure), si cela est possible ( ). l est probable que le trait du Pseudo-Dioscoride soit une de ses sources majeures. Diller 1941, 209-211; Touwaide 1994, 1892. 93 Gal. Ad Glauconem de medendi methodo II 9 Khn, napporte gure plus dans le domaine de lamputation quHippocrate, la limitant lablation de parties mortes.

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    vidus ayant subi, suite une morsure daspic, une amputation russie de doigt au niveau de larticulation, confirmant ce que nous apprennent nos deux tmoignages. On peut cependant noter quil nemploie jamais ou son substantif, mais 94.

    Lassociation de ce verbe la mutilation des herms, dj illustre chez Plutarque et dans la scholie Aristophane, connat un certain dvelop-pement: le Pseudo-Lucien voque en ces termes les mfaits dAlcibiade, qui amputa des extrmits les statues des dieux 95. De plus, Pollux, dans son dictionnaire dj voqu, cite le verbe , et son substan-tif verbal, parmi les actions ngatives que peuvent subir les statues 96. Une inscription emploie prcisment le verbe sans ce sens: il sagit dune base de statue remploye sous lempire afin dy recevoir la statue de Faustine. Linscription, dont la forme des lettres indique un terminus post quem cor-respondant la fin de lpoque hellnistique, est une mise en garde: Au nom des dieux toi, nampute aucune extrmit ici mme 97. Le parallle avec le sort subi par les piliers hermaques est ici vident; cest au visage surtout que lon pense, mais sans doute aussi par extension lensemble du corps de la statue 98.

    Un peu plus avant dans la mtaphore, le sens figur amputer des ra-lits abstraites personnifies dj prsent chez Philon, est un peu plus fr-quemment employ, mais demeure cependant marginal: dj sous le rgne dAuguste ou de Nron, lHraclite des Allgories dHomre discute lar-gument des critiques qui accusent Homre, en prsentant Hphastos en boiteux, damputer les attributs de sa nature divine 99. Plus tardivement, lpitom de lhistoire romaine de Dion Cassius rapporte que Caracalla,

    94 Gal. De loc. aff. III 11 Khn: . En revanche dans les crits dOribase, au IVe sicle ap. J.-C., la place accorde non seulement lamputation, mais aussi lemploi dakrtriaz gagne en importance. Dans les Collections mdicales XLV 14, 4, on trouve voque lamputation dun doigt ( ) la suite dun formicaire verrue noirtre ressemblant une piqre de fourmi particulirement grave XLVII 14 a pour titre De lamputation ( ) et concerne les amputations la suite de la gangrne, notamment la main ou le pied; enfin, en XVLII 16, il traite plus particulirement de la ncrose de doigts et cest nouveau le substantif qui est retenu (en 3 et en 5). 95 Ps.-Luc. Am. 24: . 96 Poll. Onom. I 12: . 97 CIG IV 6855: . Publie pour la premire fois dans Muratori 1740, mdcix, nr. 3, mais lu incorrectement. Un dessin de la base, avec la statue de Faustine place postrieurement dessus, se trouve dans Zanetti 1740, tav. 25. 98 On peut aussi rapprocher le passage de Philon mentionnant les statues de chevaux mutiles, voir n. 40. 99 Heraclit. All. XXVI 1.

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    amputa Rome, la privant de ses meilleurs hommes 100 et Philostrate de manire similaire voque le Snat sous Domitien amput de ses membres les plus estims 101. un niveau plus moral, Maxime de Tyr argue quen dpouillant Hracls de es exploits, on ampute son mrite 102. Dans le mme esprit, chez Origne, dj voqu, cest au niveau de lme que se situe lamputation qui est dpouill dquit et de modration 103, un sens dont les Pres de lglise aimeront se servir dans leurs discours.

    Nous terminons ainsi notre relev des occurrences de ce verbe, les sicles suivants napportant pas dclairage supplmentaire: la littra-ture chrtienne des IVe et Ve sicle domine trs largement dans lemploi d 104, les autres mentions tant en regard trs marginales 105. La grande majorit de ces mentions tardo-antiques concernent lamputa-tion dextrmits du corps ou de manire figure mais toujours comme mtaphore dune mutilation lencontre dun humain celle de la partie dun tout 106. Du reste, lpoque byzantine, les lexiques et encyclopdies nemploient ce terme que dans des contextes dj connus et toujours avec lide de couper les extrmits 107. Ainsi, on retrouve le passage de D-mosthne dont il est question ici, les lexicographes suivant fidlement Har-pocration, rappelant que est synonyme de ceux qui ont coup les extrmits, parce quils avaient pour usage de couper les extr-

    100 Cass. Dio. LXXVII fr. 6, 1 Boissevain (= LXXVIII fr. 6, 1 Cary = Xiphilin, 329, 14): . Plutt que Dion Cassius, cest plus vraisemblablement un commentaire du byzantin Jean Xiphilin, auteur de lpi-tom la fin du XIe sicle. 101 Philostr. VII 4: . 102 Max. Tyr. Dialexeis XXXIV 8: . 103 Origen, C. Cels. VII 45-56. Akrtriaz est employ trois fois dans le mme contexte et la troisime fois, il est associ . 104 On trouve ainsi de nombreuses occurrences chez Grgoire de Nysse (13), Eusbe de Csare (8), piphane de Salamine (9), Grgoire de Nazianze (2), Athanase dAlexan-drie (4), Basile de Csare (6) Jean Chrysostome (31) et divers autres auteurs secondaires. Le mouvement se poursuit dans la littrature religieuse byzantine. 105 Notons tout de mme Libanios qui lemploie trois fois dans ses Orations et quatre fois dans ses Dclamations. 106 Cest dailleurs ce dont tmoigne, au Ve sicle, le Lexique dHsychios, s.v. ( 2624): couper les extrmits ( ) s.v. (2648): avoir coup (); s.v. ( 2652): avoir tranch les extrmits ( ). 107 Sans originalit et daprs Hsychios, la Souda est trs claire s.v. (1030): [avec] laccusatif; je coupe les extrmits, [il existe] galement akrtriasms ( ). Cf. aussi Etymologicum parvum, s.v. ( 87) Etymologicum Gudianum, s.v. ( 75); Etymologicum Magnum, s.v. ( 54). Mais ce sens est aussi voqu dans certains de ces lexiques sous lentre , lobe, afin dillustrer la perte du lobe suite une mutilation.

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    Yannick MULLERinflig des outrages

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    mits de leur corps (celui des individus outrags) 108. Mais sont galement cits lpisode des mutils de Perspolis 109 et celui des Hermocopides 110. Dautre part, est employ pour expliciter un autre verbe, , ainsi que divers substantifs, ou , qui lui sont associs. Il sagit, pour les rudits byzantins, dune amputation dextrmits qualife de maschalismos perptre sur un cadavre par son meurtrier: ce dernier lie ensuite les morceaux tranchs au moyen dune corde place sur le mort ou son meurtrier, les avis divergent afin de se prmunir contre la vengeance du mort ou en expiation du crime 111.

    3. SYNTHSE

    Cette tude diachronique de lemploi du verbe appelle plu-sieurs remarques. Tout dabord, avant Dmosthne, un seul sens de ce mot est conserv dans la littrature notre disposition: il sagit de laction de couper les akrtria, donc la proue ou plus prcisment lperon. Le terme moderne qui semble se rapprocher le plus est dsarmer. Ce sens semble disparatre au dbut de lpoque hellnistique, puisquune seule mention postrieure est noter, chez Athne, mais qui voque prcisment des vnements du Ve sicle av. J.-C., en sappuyant probablement sur des sources contemporaines. Ce qui renforce cette hypothse est que la littra-ture classique comporte plusieurs cas damputations dextrmits, toujours exprims par lemploi dun prverb de ou de 112. Lexemple le plus caractristique est une anecdote de Lysias dans laquelle il voque la

    108 Cest--dire , voir n. 4 pour la dfinition dHarpocration. Cf. Phot. Lexicon, s.v. ( 65); Suda, s.v. (184). 109 Suda, s.v. ( 1121). 110 Suda, s.v. ( 523). 111 Ces articles citent comme autorit Aristophane de Byzance et Pausanias le Gram-mairien, de sorte que les fragments de ces auteurs comportent galement , mais il est difficile de savoir si le vocabulaire tait dj prsent ou non chez ces grammai-riens antiques. Dans laffirmative, cela ne changerait pas nos conclusions, puisque lemploi quils en font correspond tout fait lusage de leur poque. Tout au plus, nous remon-terions dun demi-sicle (fin IIIe sicle av. J.-C.) pour la premire occurrence de ce verbe pour qualifier une amputation dextrmits sur un corps humain. Pour toutes les entres concernes et les rfrences associes, voir Muller 2011. 112 Hrodote est ce titre emblmatique: il emploie presque exclusivement le pr-verb , quil soit question damputer des oreilles, le nez, des mains ou le bras, les seins ou encore la tte (II 139, 162; III 69, 79, 118, 154; IV 62, 71, 103, 202; V 114; VII 35, 88, 238; VIII 90, 118; IX 78, 112). deux reprises, il se sert d propos de mains quon tranche (VI 91, 114). Le verbe est employ pour dsigner la castra-tion (VI 32 et VIII 105) et galement pour lablation de la langue (IX 112).

    akrtria > akrtria ?

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    peur dAndocide Kition dtre amput des extrmits 113 pour sa trahi-son. Eschyle, quelques dcennies plus tt, qualifiait un ensemble damputa-tions, actes propres la justice archaque ou barbare, d, un hapax, quil est difficile dinterprter, mais que les lexicographes comprennent comme dsignant des supplices 114.

    En second lieu, lusage d pour caractriser une amputation de parties dun corps humain napparat qu la fin du IIe sicle av.J.-C. chez Polybe. Le fragment de Mgasthne, voqu plus haut, est probablement exclure. En effet, dune part le paragraphe concern chez Strabon est par-ticulirement confus: il mlange plusieurs sources, dont lune consiste pro-bablement en une compilation rcente; dautre part, il est isol en regard de labsence dattestation d jusqu lhistorien de Mgalopolis 115. Mais partir de ce dernier, lusage est de plus en plus frquent et il sagit galement du sens le plus couramment employ. Et cest le seul qui perdure lpoque tardo-antique et byzantine. Ainsi, dans les lexiques byzantins, nest connu que dans ce sens. De plus, le substantif verbal, , dsigne spcifiquement le supplice consistant en lamputa-tion des extrmits. Il est noter que dans la majorit des exemples, il sagit de lablation dappendices du visage (nez, langue, oreilles).

    Processus courant dans toutes les langues, le mot prend aussi progres-sivement un sens plus imag, comportant lide dune amputation, mais ce nest plus une partie du corps qui subit une ablation, mais une partie de lme, de la Terre, dun groupe humain 116, voire dune statue 117. Mais cette volution nest pas antrieure la fin de lpoque hellnistique et lappli-cation de lide damputation des objets inanims ou des concepts abs-traits ne va pas jusqu un largissement du sens: aucune des occurrences analyses ne semble donner la signification plus vague de mutiler, cest--dire une action dfigurante qui ne comporterait pas n-cessairement dablation proprement dite 118. En dautres termes, le traduire ainsi peut se rvler rducteur.

    113 Lys. In Andocidem 26: . 114 Aesch. Eum. 188. On peut y voir le dsir dEschyle de trouver un mot rare, mais aussi peut-tre labsence dun autre vocabulaire substantiv disponible: en effet, la premire occurrence atteste d date de lpoque impriale (Pseudo-Dioscoride). 115 Voir n. 9. Lutilisation par Strabon de plusieurs sources renforce lide dune reformulation par le gographe dans son rsum des coutumes de lInde. Sur ces sources, cf. Leroy 2012, xxxix-xli. 116 Voir Philon, Maxime de Tyr, Dio Cassius ou encore Philostrate. 117 Cest le sens que lon trouve chez Philon, Plutarque, Pollux et sur la seule inscrip-tion qui comporte ce verbe. 118 Voir ce titre par exemple: Rey 2001, IV, 1171-1172, s.v. mutiler: v. tr. 1334; lat. mutilare retrancher, diminuer, de mutilus amoindri, diminu, mutil 1. (Rare lactif).

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    Ces diffrents sens sont finalement trs proches: le suffixe dnominatif -- exprime ici la section et le radical, , dsigne ce quon enlve. y regarder de plus prs, il ne sagit pas tant dextrmits que de ce qui dpasse, toute partie saillante 119 au sens propre comme au sens figur: la proue des navires, les appendices corporels que sont les lments du visage ou les membres du corps, les qualits de lme ou, dans le cas du passage de Philon concernant le Dluge, toutes les excroissances formes par le relief de la Terre. Cependant, quand cest au sens figur qu est choisi par un auteur, il importe de savoir ce que prcisment figure la mutilation voque, afin de bien adapter la traduction et surtout de comprendre la pense de lauteur en question. Dj lpoque impriale, quand les rudits rencontraient des termes dusage aussi rare que le verbe qui nous occupe, ils taient confronts ce type de problmatique. Cest prcisment ce qui dut arriver avec lexpression chez Dmosthne.

    4. LA DFINITION DHARPOCRATION ET LE SENS DE LIMAGE DE DMOSTHNE

    Les traductions que nous trouvons aujourdhui de ce passage sappuient en effet sur une explication du passage donne par Harpocration dans son Lexique des dix orateurs, preuve quau IIe sicle de notre re, lemploi d dans ce discours pouvait poser difficult aux lecteurs de Dmosthne de lpoque. Harpocration propose lquivalence suivante: la place de ayant inflig des outrages: car ceux qui infligeaient des ou-trages des individus avaient coutume de leur trancher les extrmits 120.

    lpoque dHarpocration, il tait possible de donner le sens plus gnral de mutiler ou tout au moins de sen servir pour quali-fier une amputation dun point de vue abstrait, mais toujours avec lide de retrancher une partie dun tout 121. Nanmoins ici, lamputation nest pas trs claire, limage de la mutilation ne va pas de soi, mme pour le lecteur clair. Si on se reporte aux deux emplois voqus o le verbe est asso-

    Altrer (un tre humain ou un animal) dans son intgrit physique, soit en le privant dun membre ou de quelque autre partie externe du corps, soit en lui infligeant des blessures qui le dforment gravement. Blesser, couper, charper, estropier []. 119 Bailly, s.v. . 120 Cf. n. 4. 121 Mais rien dans notre tude ne rvle demploi au sens figur avant la fin de lpoque hellnistique.

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    ci, comme dans notre passage, une collectivit politique, lallusion est beaucoup plus explicite: le snat ou Rome ont t amputs de nombreux hommes de valeur 122. Lide exprime correspond tout fait lvolu-tion du sens mis en vidence par ltude. Ce nest pas le cas chez lorateur athnien: on ne comprend pas trs bien comment il pourrait tre question dune amputation, ni ce que les politiciens montrs du doigt par Dmos-thne auraient amput de leurs patries.

    Depuis lAntiquit et les exgtes de Dmosthne, nous savons que lorateur apprcie particulirement les mtaphores et remplit ses discours dimages de toutes sortes. Que nous dit Dmosthne dans les lignes qui prcdent notre passage 123? Il insiste sur le fait que les individus quil a nomms ont provoqu lasservissement de leurs concitoyens, de leurs cits et de la Grce tout entire. Il stend sur la corruption de cette classe poli-tique et laccuse, non pas de mutilation, mais, reprenant une image que tout Athnien de lpoque comprenait, davoir dsarm leur cit comme cela se pratique sur une trire arraisonne.

    La seule tude lexicographique ne suffit peut-tre pas clairer cette hypothse, mais la lecture de la suite du discours est on ne peut plus claire: Dmosthne senorgueillit davoir lui, au contraire, contribu larmement de sa cit 124. Concrtement, par des travaux de fortification et de terrasse-ment, mais surtout en lui procurant des armes, des cits, des positions, des ports, des navires, des chevaux, des hommes pour les dfendre 125 et par des lois lui garantissant des allis et un approvisionnement continu. Ses ad-versaires politiques Athnes et dans les autres cits concernes ont men, eux, une politique inverse, qui a peu peu priv la cit de sa force de frappe et limage de la proue, symbole de la puissance athnienne, fonctionne en ce sens merveille: ils ont amput chacune de leurs patries respectives de leur proue, de leur force de combat, livrant la merci de lenvahisseur macdo-nien des cits sans capacit offensive ou dfensive 126. Certes toutes les cits auxquelles Dmosthne fait allusion ne sont pas des puissances navales, mais lorateur sadresse ici un public athnien, habitu la mtaphore du

    122 Cass. Dio. LXXVII fr. 6, 1 Boissevain (= LXXVIII fr. 6, 1 Cary = Xiphilin, 329, 14); Philostr. VA VII 4. Cf. nn. 100 et 101. 123 Dem. De cor. 295-296. 124 Dem. De cor. 299-302. 125 Dem. De cor. 299-300: >@ . 126 Lperon est larme principale de la trire; lamputer de cet lment, cest la rendre inoffensive. Cest tout fait ce quentend Hrodote (I 166) quand il dit: les na-vires [] ntaient plus daucun usage: ils avaient leurs perons tordus ( ). Comme le rappelle Cartault 1881, 71: lpoque de la guerre du Ploponnse, larme la plus formidable du navire cest lperon.

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    navire pour caractriser ltat 127. Il lemploie dailleurs une autre fois pour accuser Eschine des mmes fautes dont il blme ici les politiciens corrom-pus: et il na pas choisi de faire en sorte quelle [la cit] vogue en ligne droite, mais il la fait chavirer, couler et a ralis ce qui tait en son pouvoir pour quelle tombe aux mains des ennemis 128. Trois des verbes employs relvent du vocabulaire maritime et nous retrouvons lide que la mauvaise politique de certains a men le navire quest ltat sa perte.

    5. CONCLUSION

    Ltude des occurrences d a permis de mettre en vidence une volution dans lusage de ce mot. Nous avons mis en lumire trois phases: dabord, le verbe na t connu que dans un contexte naval, puis, en mme temps que ce sens disparaissait, celui damputer des extrmits du corps faisait son apparition. Enfin, progressivement, lamputation a pu prendre une dimension plus abstraite, sans que le sens concret en soit cependant occult. Un obstacle demeure dans linterprtation de ce verbe: en effet, en labsence de partie du corps spcifie, il est trs difficile de savoir prcis-ment en quoi lamputation consistait 129.

    Comment expliquer cette volution smantique? lpoque archaque et classique, la mutilation corporelle est quasiment absente en Grce; elle ne sexprime ni dans le droit, ni dans la vie quotidienne 130. Elle est rserve

    127 Cette mtaphore est tout fait banale et on la retrouve chez de nombreux potes et tragiques ds le VIIe sicle av. J.-C., comme chez Alce (fr. 46, 119 Diehl) ou au Ve sicle chez Eschyle (Sept. 1-3, 62-64, 652, 760-761, 795, par exemple), Aristophane (Vesp. 29) et chez dautres encore, cf. Taillardat 1964, 25 avec les rfrences compltes; galement chez Platon (Leg. 758a ou Resp. VII 488a-489a entre autres), cf. Louis 1945, 155-156; Cicron reprend dailleurs abondamment cette comparaison et cest le mot latin dsignant le pilote, gubernator, dont est issue en franais toute la famille de gouverner, cf. Bonjour 1982. 128 Dem. De falsa legat. 250: . Il reprend limage de Soph. Ant. 190, quil cite en 247. 129 Le catalogue prsent ici donne tout de mme limpression gnrale qu a t, lorigine du moins, plutt destin qualifier des ablations faciales (nez, oreilles, langue). 130 lexception du marquage des esclaves, une mutilation infamante pour les Grecs. Lvocation par Dmosthne (Adv. Timocr. 140), Diodore (XII 17, 4) ou lien (VH XIII 24) dune loi archaque de Locres pizphyrenne prvoyant lablation dun il est un cas isol, au contenu confus et sujet caution, cf. Link 1992, 13-14; et la ralit historique de la pratique du maschalismos nest pas tablie avec certitude, voir Muller 2011.

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    au mythe et aux populations dites barbares 131. Elle est dailleurs souvent incomprise, considre comme un acte dhybris, digne des despotes ou des tyrans 132. lpoque hellnistique, on dcouvre linstitutionnalisation de cette forme de chtiment dans dautres cultures, en Orient principale-ment 133. Alors se fait sans doute sentir le besoin de trouver un terme gn-rique, vitant de longues priphrases. Une telle conclusion est sduisante et sadapte parfaitement la situation rvle par notre documentation. Mais comme nous lavons dj rappel, celle-ci est incomplte et nos conclusions resteront ltat dhypothse.

    Quant au concept d, de sanction pnale consistant en lamputation dextrmits du corps, il serait intressant dapprofondir sa fonction et le symbolisme cach derrire ces mutilations 134. Y a-t-il un lien avec le droit oriental ou faut-il y voir simplement la volont de priver un individu de son intgrit physique dans ses parties les plus visibles? On le considre souvent comme un trait typique des monarchies orientales, mais noublions pas que, chez Homre, le chevrier Mlanthios, qui trahit Ulysse, subit un tel chtiment des mains des serviteurs du roi dIthaque 135. Il sagit certes dun mythe et non dun cadre institutionnalis, mais la porte sym-bolique de lacte nest pas pour autant ngliger.

    Enfin, il ne sagit que dune tude restreinte lun des nombreux mots que connat le grec pour exprimer lablation ou lamputation. Pour avoir une vision globale, il faudrait complter ce travail par une recherche sur des termes tels que , , , rencontrs ici, et dautres encore. Nous aurions alors une image plus complte de lvolution sman-

    131 De nombreux mythes grecs comportent des exemples damputations dextrmi-ts, mais le contexte est toujours celui dune vengeance individuelle ou dun acte de vio-lence extrme: la mutilation nest jamais le rsultat dun acte codifi. Par ailleurs, le mythe est un lieu de transgression, ce nest donc pas surprenant dy voir exprim ce que la ralit rprouvait. 132 Cest sous cet angle quHrodote comprend les amputations dextrmits corpo-relles, cf. Muller 2013. 133 Ce nest lexistence de ces pratiques, mais leur codification quon dcouvre dans la pnalit orientale. Les auteurs les prsentent dsormais non plus comme des signes de larbitraire despotique, mais comme des usages relevant dune lgislation, cf. Megasth. FGrHist 134 F 24; Diod. I 78, 3-5, propos des lois gyptiennes. Ces usages ont pu influencer les Macdoniens: on pense au supplice subi par Bessos, probablement hrit dun chtiment perse ou encore celui dcid lencontre dAchaos, voqus tous deux prcdemment. Voir nn. 19 et 20. 134 La courte tude de Halm-Tisserant 1998, 23-31, serait complter. 135 Hom. Od. XXII 475-477: Ils tranchrent dun bronze impitoyable son nez et ses oreilles, arrachrent ses parties gnitales, en les distribuant crues aux chiens, couprent les mains et les pieds dun cur irrit ( ).

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    tique du vocabulaire grec de la mutilation corporelle et de ses implications tant anthropologiques quhistoriques.

    YANNICK MULLER Universit de Strasbourg [email protected]

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