DANS LA PETITE COLLECTION MASPERO152 Jean-Marie BROHM, Michel FIELD, Jeunesse et révo- lution. 153...

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  • DANS LA PETITE COLLECTION MASPERO

    123 K. MARX, Fr. ENGELS, Le parti de classe, IV. 124 Jacques RANCIÊRE, Lire Le Capital, III. 125 Roger ESTABLET, Pierre MACHEREY, Lire Le Capi-

    tal, IV. 126 Critiques de l'économie politique, L'inflation. 127 Claude PRULHIÈRE, Québec ou Presqu'Amérique. 128 Pierre JALÉE, L'exploitation capitaliste. 129 Guy CARO, La médecine en question. 130 Paulo FREIRE, Pédagogie des opprimés. 131 Karl MARX, Friedrich ENGELS, Le mouvement ou-

    vrier français, 1. 132 Karl MARX, Friedrich ENGELS, Le mouvement ou-

    vrier français, II. 133 Reimut REICHE, Sexualité et luttes de classes. 134 Abdallah LAROUI, L'histoire du Maghreb, I. 135 Abdallah LAROUI, L'histoire du Maghreb, II. 136 Michel GUTELMAN, Structures et réformes agraires.

    Instruments pour l'analyse. 137 Kader AMMOUR, Christian LEUCATE, Jean-Jacques

    MOULIN, La voie algérienne. Les 'contradictions d'un développement national.

    138 Roger GENTIS, Les murs de l'asile. 139 Mouvement d'action judiciaire. Les droits du sol-

    dat. 140 Mahmoud HUSSEIN, L'Egypte. Lutte des classes et

    libération nationale 1. 1945-1967. 141 Mahmoud HUSSEIN, L'Egypte. 11. 1967-1973. 142 Fernand DELIGNY, Les vagabonds efficaces et autres

    récits. Préface d'Emile Copfermann. 143 Pierre VIDAL-NAQUET, La torture dans la républi-

    que. 144 Les crimes de l'armée française. 145 Partisans, Garde-fous arrêtez de vous serrer les cou-

    des. 146 Collectif d'alphabétisation, GISTI, Le petit livre ju-

    ridique des travailleurs immigrés. 147, 148 Yves BENOT, Indépendances africaines. Idéolo-

    gies et réalité. 149 Manuel CASTELLS, Luttes urbaines. 150 Pierre ROUSSET, Le parti communiste vietnamien

    (volume triple). 151 Jacques VALIER, Sur l'impérialisme. 152 Jean-Marie BROHM, Michel FIELD, Jeunesse et révo-

    lution. 153 Comité Sahel, Qui se nourrit de la famine en Afri-

    que ? 154 Tankonalasanté. 155 Victor SERGE, Littérature et révolution. 156 Fédération C.F.D.T. des P.T.T., Des « idiots » par

    milliers. 157 MLAC — Rouen Centre, Vivre autrement dès

    maintenant. 158 Pierre SALAMA, Sur la valeur. 159 Marcel MARTINET, Culture prolétarienne.

  • p e t i t e c o l l e c t i o n m a s p e r o

  • Ligue communiste :évolutionnaire

    Oui, < te socialisme !

    FRANÇOIS MASPERO 1, place Paul-Painlevé PARIS-V" 1978

  • © Librairie François Maspero, Paris, 1978. ISBN 2-7071-1008-6.

  • Au-delà des échéances électorales et des polémiques immédiates, nous avons tenu à présenter publiquement une vision d'ensemble des principales positions de la Ligue communiste révolutionnaire.

    Ce texte est une arme : il rassemble et éclaire nos axes de lutte dans la période, face à la gravité de la crise, et quelle que soit l'issue électorale de mars 1978. Certaines parties reprennent des positions ayant fait l'objet de débats, dans les congrès, les conférences nationales, le comité central de l'organisation. D'autres sont le résultat du travail de commissions ou réunions de secteurs.

    Ce texte est donc aussi une contribution pour un débat nécessaire. Il fait le point, non avec l'intention de s'y arrêter, mais pour aller de l'avant. Il reste donc ouvert aux critiques et aux suggestions, pour être com- plété, corrigé, enrichi.

    C'est en ce sens qu'il constitue un jalon vers l'élabo- ration, en rapport permanent avec la vérification pra- tique de plusieurs milliers de militants, d'un programme de la L. C. R. pour la période qui s'ouvre.

    Le Bureau politique de la L. C. R. 15 janvier 1977

  • Introduction. Oui, le socialisme !

    Il y a dix ans à peine, à la veille de Mai 1968, la bourgeoisie se croyait encore éternelle. Ou du moins le feignait-elle.

    Elle prétendait avoir surmonté les antagonismes de classe, trouvé la voie de la prospérité pour tous et du progrès illimité.

    Il a suffi de quelques années pour que le décor se renverse, pour que le spectre de la crise hante à nou- veau l'Europe, avec son cortège de chômeurs, d'humi- liés, de désespérés.

    Mais, cette fois, l'inquiétude ne s'arrête pas au présent, elle embrasse le futur : on se demande si la croissance sauvage sur laquelle reposait hier l'ex- pansion n'a pas irrémédiablement compromis les condi- tions de vie sur la planète.

    Il serait vain de chercher à faire tourner en arrière la roue de l'histoire. Des millions d'exploités se sont mis en marche contre l'exploitation et l'oppression : des peuples coloniaux, des travailleurs manuels et intel- lectuels, mais aussi des immigrés qu'on déporte, des femmes qui rejettent le joug de la domination patriar- cale, des jeunes qui refusent le massacre de leur avenir.

    Seule la classe ouvrière est capable de lier en gerbe ces forces et ces volontés, pour changer le monde, changer la vie, et changer l'humanité elle-même.

    Déjà, en Mai 1968, la classe dominante a vu s'en- trouvrir l'abîme sous ses pas, sans avoir pu le prévoir. Sa banqueroute appelait une solution de rechange, et dix millions de travailleurs étonnés de leur propre force

  • montraient dans quel sens ils entendaient l'apporter. Le socialisme qu'on avait voulu enterrer était plus que jamais à l'ordre du jour.

    Dix ans durant, les partis majoritaires dans la classe ouvrière se sont efforcés de canaliser et domestiquer cette vague montante, se sont employés à combler le vide. Dès 1972, ils se sont portés candidats à la relève, autour du Programme commun.

    Le Programme commun ? Un programme qui se proposait de gérer l'expansion sans transgresser les limites du système, qui promettait au plus une « plus juste répartition » des richesses.

    Elaboré à huis clos, présenté comme le remède à tous les maux, il devenait, sans même avoir été dis- cuté par les premiers intéressés, la réponse à tout, la « seule solution », commode pour les slogans de cor- tèges. En réalité, un écran aux vrais problèmes.

    Son succès auprès des travailleurs tenait moins à son contenu qu'à l'expression déformée d'un réel souci unitaire. Mais, qu'on approche des questions concrètes : que faire de la Constitution ? qui et com- ment nationaliser ? quelle hiérarchie des salaires ? que faire du nucléaire ? et que faire encore de la bombe, des alliances, du Parlement européen ? ou, plus simple- ment, à combien le S. M. I. C.... ? Et la « seule solu- tion » se trouvait subitement muette, ou contradictoire, ou franchement cacophonique.

    Il a donc suffi que le vent de l'économie tourne, que la crise frappe, que la gestion du capitalisme ne s'annonce plus comme une rente ministérielle, mais comme une entreprise d'austérité face aux travailleurs, à l'image de ce qui se passe déjà au Portugal, en Grande-Bretagne, en Italie, en Espagne... pour que « un se divise carrément en deux » : pour qu'il n'y ait plus de « seule solution », mais seulement un Pro- gramme commun du parti communiste et un Pro- gramme commun du Parti socialiste.

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  • Les deux partis se sont désunis comme ils s'étaient unis : autour du tapis vert. Sans donner aux travailleurs, traités en piétaille électorale, soumis au chantage élec- toral, les moyens d'un débat unitaire et démocratique sur les conditions de l'unité. Sans que les millions de travailleurs qui avaient espéré aient même voix au chapitre.

    Les travailleurs, les immigrés, les femmes, les jeunes, les travailleurs de la terre, tous ceux qui reçoivent les coups de l'austérité, qui veulent un véritable change- ment, qui en ont un besoin pressant, qui ne sauraient attendre 1981 ou 1982, se retrouvent avec leurs illu- sions perdues ou leurs espoirs déçus, face à une droite faillie, désavouée, minoritaire, mais qui s'accroche et en profite. Et ils savent que les élections ne régleront rien, qu'ils n'ont pas le droit de baisser les bras, qu'il faut faire face et se défendre, tous les jours ; et, au-delà, trouver leur solution.

    Il faut savoir tirer les leçons de l'histoire, prendre les choses par le bon bout et repartir d'un bon pied.

    Le bon bout, c'est l'unité nécessaire pour se défen- dre d'abord et contre-attaquer ensuite. Mais l'unité solide, l'unité durable, pour en finir avec l'exploitation et l'oppression, est une chose trop sérieuse pour être confiée aux appareils. C'est d'abord dans les luttes qu'elle se forge et se trempe. Ce sont les besoins pro- fonds des travailleurs eux-mêmes qui lui donnent corps.

    Quoi qu'il advienne en mars 1978, le combat ne fait que commencer. Le choix n'est pas entre deux inter- prétations du Programme commun. Il est beaucoup plus fondamental : c'est un choix entre la résignation

  • et le refus, entre la capitulation et la lutte, entre la ges- tion de la crise et les solutions ouvrières. Au bout du compte, et cette fois plus que jamais, c'est un choix entre socialisme et barbarie.

    Entre les deux, il n'y a pas de replâtrages, de demi- mesures, d'étapes possibles.

    De toutes nos forces, nous répondons : oui, le socialisme !

  • I

    Un plan ouvrier face à l'austérité

  • L'austérité n'est pas un mauvais moment à passer. Elle n'est pas une politique conjoncturelle. Présentant à l'Assemblée nationale le projet de budget pour 1978, Barre expliquait : « Nous ne retrouverons pas les années de croissance rapide et fiévreuse où la drogue de l'inflation crée une euphorie temporaire qui appelle une cure de désintoxication. » Il annonçait sans sour- ciller une période prolongée de restrictions et de sacri- fices pour les travailleurs : « Ce n'est pas à brève échéance que le monde occidental retrouvera une croissance forte. L'action pour le redressement de la France doit se concevoir dans la durée. » A bon entendeur, salut !

    Cette politique n'est donc pas seulement de main- tenant ; elle n'est pas non plus seulement d'ici. Tous ceux qui, dans le monde capitaliste, accèdent au gou- vernement sans vouloir toucher à la logique et aux règles du capitalisme, quelle que soit leur étiquette, se soumettent à ses contraintes : qu'ils soient démo- crates-chrétiens, sociaux-démocrates ou communistes.

    Pour l'année 1977, première année d'application du plan Barre, le pouvoir d'achat aura reculé en France de 2 à 3 % en moyenne. Au-delà des moyennes abstrai- tes, cela signifie concrètement la misère pour des catégories, des professions, des régions entières. Et Barre annonce, pour 1978, le maintien du blocage des salaires en comptant sur une augmentation des prix de 6 %. De la même manière, il avait bloqué les augmentations de salaires pour 1977 en prenant pour « norme » un taux d'inflation de 6,5 %. On sait ce qu'il en fut en réalité : près du double ! Alors, comment peut-il prétendre faire moitié moins en 1978 ?

  • Le pouvoir a coutume de présenter l'impératif de l'austérité comme le résultat d'une fatalité (un « envi- ronnement économique difficile »), ou comme le contre- coup des dépenses énergétiques dues à l'augmenta- tion, depuis 1973, du prix du pétrole brut. L'appel compassé à l'austérité et à la solidarité nationale dans le sacrifice passe sous silence deux faits essentiels :

    — d'une part, le capitalisme engendre la gabegie et le gaspillage des richesses créées par le travail collectif des exploités ;

    — d'autre part, l'austérité est à sens unique dans un pays comme la France qui détient la médaille d'or des inégalités parmi les pays capitalistes développés.

  • 1. Le capitalisme c'est : la gabegie, le chômage, les inégalités

    0 Depuis le début des années soixante, l'ensemble des moyens de production sont utilisés en France 20 % au-dessous de leurs capacités en moyenne. Dans cer- taines branches, comme la sidérurgie, ces capacités inemployées ont même atteint ces dernières années le taux de 40 % ! Que l'on imagine le manque à pro- duire que tout cela représente sur quinze ans, alors que des millions de travailleurs vivent dans la gêne et le besoin... Sans parler des cadeaux à fonds perdus et des privilèges fiscaux dont bénéficient les possédants.

    0 Le règne du marché est une source permanente de gâchis et de chaos, tant au niveau de la production que de la consommation. On a détruit en France de 1967 à 1971 620 000 tonnes de fruits et légumes, dont on connaît aujourd'hui les cours astronomiques à l'étalage. Aux U. S. A., une famille dépense en moyenne 2 500 F par an seulement pour payer les emballages des produits consommés, et la France suit une évolution analogue. Dans les prévisions du VIe Plan, les dépenses de publicité prévues représentaient le double des crédits publics de recherche, le triple des crédits publics pour la santé et la moitié de la consom- mation des familles en médicaments.

    0 En 1977, les dépenses militaires représentaient plus de 4 % du produit national brut, ce qui plaçait la France au sixième rang du Pacte atlantique en la matière.

    e Ce gâchis matériel est indissociable d'un gigan- tesque gâchis humain.

    Chaque jour, 6 travailleurs meurent dans une usine ou sur un chantier. Il y a plus d'un million d'accidents

  • du travail par an pour 13 millions de salariés, la plu- part dans les secteurs où la journée de travail est la plus longue. En 1975, le nombre de journées de tra- vail perdues pour incapacités temporaires dues aux accidents du travail s'élevait à plus de 30 millions, ce qui équivaut au travail d'une population active de 130 000 personnes et à un manque à gagner, dans les conditions de production en vigueur, de près de 12 milliards (auxquels il faut ajouter les dépenses de 12 milliards de prestations versées). Dans le seul sec- teur du bâtiment, 845 670 journées de travail ont été perdues en 1974 en raison d'accidents ayant entraîné une incapacité temporaire. Ces journées perdues repré- sentent le temps nécessaire à la construction de 100 000 logements. Or les statistiques officielles recon- naissent que 30 % au moins des accidents sont dus au non-respect des règles de sécurité, et l'expérience montre que l'allongement du temps de travail et l'inten- sification des cadences entraînent inévitablement l'aban- don de ces règles.

    Le chômage structurel atteint depuis 1974 environ 7 % de la population active qui pourraient, dans les conditions actuelles de qualification et de productivité, produire quelque 130 milliards de F par an (moins en comptant sur une réduction des cadences et de la durée du travail) ; encore faudrait-il pouvoir évaluer ce que pourrait apporter la libération de l'initiative et de la créativité au travail, la mise en œuvre col- lective de cette fabuleuse source d'énergie que repré- sente la matière grise aujourd'hui aliénée, endormie, étouffée, ou simplement laissée en friche.

    Dans un rapport très officiel sur La Lutte contre le gaspillage remis au gouvernement en juillet 1974 par le « groupe interministériel d'évaluation de l'environne- ment », on trouvait, bien que de façon voilée, la prise en compte des dégâts causés par la croissance capita- liste. Ce rapport proposait de promouvoir l'utilisation collective des automobiles, des infrastructures électro- ménagères et des résidences secondaires ; d'encadrer la publicité pour réduire les consommations inutiles et

  • nocives ; d'imposer sur tous les produits une étiquette indiquant leurs effets sur l'environnement ; d'intégrer le temps de transport dans la durée du travail. On retrouve là certaines idées directrices de la fameuse lettre envoyée en 1972 par Sicco Mansholt au président de la commission européenne de Bruxelles. Il suggérait une priorité à la production alimentaire, en investissant dans des produits agricoles « réputés non rentables », une forte réduction des biens matériels par habitant compensée par l'extension des services sociaux et cultu- rels, la lutte contre le gaspillage des produits et la pollution.

    Mais que signifierait demander à un capitaliste d'in- vestir dans des productions réputées non rentables, alors que sa raison d'être est la recherche du profit ? Que signifierait une forte réduction de la consommation de biens matériels et leur utilisation collective, alors que le règne de la concurrence et de la compétition, relayé par tous les médias et les moyens de publicité, présen- tent la consommation individuelle comme l'indice de réussite et la preuve de la supériorité du monde qu'ils disent libre ? Que signifierait prolonger la durée de vie des biens d'équipement, quand on sait pertinem- ment que les entrepreneurs, constructeurs d'automo- biles et fabricants en tous genres s'ingénient, selon le principe de l' « usure intégrée », à limiter la durée d'utilisation de leurs produits pour accélérer la rota- tion de leur capital ? Quand on sait pertinemment que la course effrénée aux armements accélère le rythme des innovations technologiques ?

    Si timides et prudentes soient-elles, si respectueuses de l'ordre établi, toutes les suggestions de lutte contre le gaspillage et la destruction de l'environnement ten- dent à la même conclusion : la nécessaire intrusion des choix collectifs dans le domaine de la sacro-sainte propriété privée. Le réel problème qui se profile dcr- rière ces bricolages, c'est celui de la planification économique, c'est-à-dire de l'utilisation consciente et coordonnée des richesses et ressources au service des besoins sociaux collectivement définis. Voilà donc à

  • l'ordre du jour cette économie planifiée tant décriée au nom de la « libre concurrence », de la « libre entreprise » et du « libre jeu du marché ».

    Les défenseurs du système aiment à souligner qu'un changement de logique se traduirait par un recul du « bien-être matériel par habitant ». Tout dépend de la conception du bien-être matériel retenue pour modèle. Qui décide et au nom de quoi, de qui, de l'utilité et des priorités ? Les sociologues ? Les experts ? Une poignée de gouvernants et de patrons ? Selon quels critères ?... La collectivité des travailleurs n'est-elle pas mieux à même de connaître les conséquences de son travail, l'importance de la pollution, le rythme d'épuisement des richesses naturelles, la longévité possible des machines et des produits ? N'est-elle pas mieux placée pour confronter les besoins aux ressources ? N'est-elle pas seule capable, par mille connaissances et expé- riences échangées, de construire une économie au ser- vice des besoins socialement définis ?

    Une étude de l'O. C. D. E. a attribué à la France la palme des inégalités dans le monde capitaliste occi- dental. Une étude de l'I. N. S. E. E. de 1977 a précisé ces inégalités dans les limites des sources disponibles. Or les riches n'aiment pas faire étalage de leur for- tune ; pour tromper le fisc, les moyens de dissimulation sont multiples et ingénieux. Pourtant, l'écart entre les revenus déclarés mensuels va de 1 (minimum vieillesse) à 105 ! Les 10 % des ménages les plus riches reçoivent 32,2 % du revenu disponible brut, soit en moyenne 18 500 F par mois après impôt. Mais il ne s'agit encore que d'une moyenne : le centième supérieur des ménages reçoit à lui seul 9 % du revenu disponible brut, soit une moyenne de 52 000 F par mois après impôt.

    A cette inégalité des revenus déclarés, il convient d'ajouter une inégalité non moins prononcée dans la répartition du patrimoine. Le patrimoine (c'est-à-dire l'ensemble des avoirs d'une famille) est encore plus concentré que les revenus. Le patrimoine moyen est en France de 200 000 F par ménage. Les 10 % des ménages les mieux nantis détiennent un patrimoine

  • moyen d'au moins 600 000 F déclarés. Les 1 % supé- rieurs de ce dixième détiennent un patrimoine d'au moins 2 000 000. Et, à l'intérieur de ces 1 %, il y a encore d'importantes « inégalités ». Qu'il suf- fise d'indiquer synthétiquement que le quart des ména- ges détenant les plus gros patrimoines possèdent 75 % du patrimoine total, que 9 % des ménages détiennent à eux seuls la moitié du patrimoine ; alors qu'à l'autre bout de la chaîne le tiers des ménages possèdent à eux tous moins de 1 % du patrimoine total.

    On comprend mieux, dès lors, que les sacrifices dont aime parler Barre ne sauraient être que très inéga- lement répartis. Qu'en un mot ils ne sauraient qu'ac- centuer l'exploitation féroce déjà subie par la masse des travailleurs.

  • 2. Défendre les salaires

    Dans une telle situation, la première urgence pour les travailleurs, c'est la défense pied à pied du pouvoir d'achat.

    Dans la discussion sur la hausse ou le recul du pou- voir d'achat, il faut d'abord tenir compte de la fonction trompeuse des indices officiels retenus, l'indice des salaires et l'indice des prix :

    w L'indice des salaires est en effet celui du salaire horaire des ouvriers dans les entreprises de plus de dix salariés. Cet indice étant horaire, il ne prend pas en compte les réductions du temps de travail hebdoma- daire en période de crise. Il ne prend pas en compte les salaires des petites entreprises de moins de dix sala- riés, nombreuses en France, et où la tradition syndicale est moins solide.

    a Quant à l'indice des prix, du propre aveu des spé- cialistes de l'I. N. S. E. E., il « ne saurait être un indice du coût de la vie. Ce dernier, si on savait le calculer, intégrerait non seulement l'indice des prix, mais encore l'effet des politiques commerciales, des ventes forcées, du progrès technique, de la publicité et de la convention sociale ». Cela veut dire aussi que l'indice mis au point par la C. G. T. ou le budget type de la C. F. D. T., s'ils sont plus proches de la réalité vécue par les travailleurs, ne peuvent davantage pré- tendre représenter un indice scientifique du coût de la vie. Ils ne constituent que des indicateurs utiles per- mettant de démasquer l'ampleur de l'intoxication gou- vernementale.

    Au bout du compte, si l'on en croyait les statistiques officielles, la France serait un pays de Cocagne pour les

  • travailleurs, puisque le pouvoir d'achat aurait augmenté de près de 4 % en moyenne chaque année depuis 1968. La réalité est tout autre, et les comptes sont vite faits : la masse des travailleurs n'a nullement le sentiment que sa vie est moins chère et plus facile.

    La réalité brute en France, c'est qu'un salarié sur deux gagnait en 1976 moins de 2 200 F par mois et qu'un salarié sur cinq gagnait moins de 1 500 F. 800 000 travailleurs et travailleuses étaient payés au S. M. I. C. et plus de 8 millions avaient un salaire infé- férieur à 2 500 F par mois. Dans le textile, 94 % des salariés touchaient moins de 2 000 F par mois, et 63 % moins de 1 700 F ; 35 % des postiers avaient un salaire inférieur à 2 000 F et 40 % des cheminots un salaire inférieur à 2 500 F.

    Encore ces chiffres globaux n'expriment-ils pas toute la profondeur des inégalités qui divisent la société française. Quand on dit qu'il y a eu, en 1977, régression moyenne du pouvoir d'achat, cette moyenne cache d'importantes disparités selon le sexe, les branches, les régions :

    — pour le même travail, les écarts entre salaires masculins et féminins restent de 23 % en moyenne chez les employés et de 30 % chez les ouvriers ;

    — les écarts de salaires entre la branche de l'ha- billement et celle de la métallurgie varient de 20 à 40 % ; le salaire d'un O. S. 1 dans le pétrole est de 41 % supérieur à celui d'un O. S. 1 dans la chaus- sure ;

    — les salaires en province sont inférieurs de 13 à 32 % par rapport à ceux de la capitale ; ainsi le salaire d'un O. S. 1 dans le Languedoc-Roussillon est-il de 29 % inférieur à celui d'un O. S. 1 de la région pari- sienne, celui d'un P 3 inférieur de 45 %.

    A ces disparités s'en ajoutent d'autres, plus difficile- ment chiffrables, liées à l'individualisation des salaires, par le jeu des primes et le développement du salaire

  • posté, par l'extension de l'auxilariat et du travail intérimaire.

    Au bout du compte, s'il y a un recul global du pou- voir d'achat, ce recul touche inégalement les diffé- rentes catégories de travailleurs et de travailleuses. Il en résulte dans certaines professions ou régions l'ap- parition de véritables zones de pauvreté ou de misère.

    I. LA REVALORISATION DU S. M. I. C.

    Au printemps 1977, la C. G. T. et la C. F. D. T. ont d'un commun accord porté la revendication du S. M. I. C. à 2 200 F ; ce qui reste en deçà du salaire minimum revendiqué par l'accord unitaire des syndi- cats C. G. T. et C. F. D. T. de la fonction publique par exemple.

    Actuellement, le budget type établi par la C. F. D. T. pour une personne vivant seule à Paris est de 2 244 F, mais avec des postes dont l'estimation est au plus juste : 441 F de loyer mensuel, 23 F d'alimentation par jour petit déjeuner inclus...

    Ajoutons à cela que, en 1977 toujours, l'Union nationale des allocations familiales estimait à 3 515 F mensuels les besoins incompressibles d'une famille ouvrière type. Or, dans une telle famille avec deux enfants, et si la mère ne travaille pas, le père gagne 2 200 F par mois et les prestations sociales rapportent 240,40 F par mois. Soit au total un revenu mensuel de 2 440,40 F par mois : 1 100 F de moins que les besoins dits « incompressibles ».

    Le S. M. I. C. à 2 400 F par mois au printemps 1978, comme le réclament les syndicats, c'est donc bien le minimum que puissent exiger les travailleurs, sans reculer d'un pouce, et en exigeant l'alignement du S. M. I. C. sur la revendication de fédérations syndi- cales plus ambitieuses, comme celles de la fonction publique.

    Pour la tenue à jour du S. M. I. C., la C. G. T. pro-

  • pose la révision semestrielle par la commission supé- rieure des conventions collectives. Cette proposition présente l'inconvénient évident de laisser un délai de six mois pendant lequel les travailleurs les plus exploi- tés subissent l'augmentation du coût de la vie sans la moindre compensation. Il serait donc légitime de revendiquer l'indexation mensuelle du S. M. /. C. sur un indicateur unique des prix élaboré en commun par les organisations ouvrières.

    II. POUR LES AUGMENTATIONS UNIFORMES ET L'ÉCHELLE

    MOBILE DES SALAIRES

    Dans la lutte pour la défense et l'amélioration du pouvoir d'achat, nous défendons systématiquement les revendications qui vont le plus clairement dans le sens de la mobilisation unitaire des travailleurs. Nous évitons donc les formulations qui aboutiraient en pra- tique à des augmentations différenciées de salaire par catégories de travailleurs, dans la mesure où elles pour- raient entraîner à la division dans le cadre de la ges- tion de la masse salariale.

    Le plus clair, le plus simple et le plus unifiant consiste donc à s'en tenir à :

    Une augmentation en pourcentage au moins égale à l'augmentation des prix, à condition que cette augmentation soit appréciée sur la base d'un indicateur unique des organisations ouvrières. C'est ce que nous appelons l' échelle mobile des salaires. Elle présente l'avantage de défendre dans l'unité le maintien du pouvoir d'achat de tous les salariés, de l'O. S. à l'in- génieur.

    Une augmentation uniforme, égale pour tous, que l'on peut aujourd'hui chiffrer à 300 F, et qui présente l'avantage de fixer un objectif

  • unificateur, le même pour tous, et de contri- buer à un tassement vers le haut de la hiérar- chie des salaires.

    Il faut répéter que l'échelle mobile constitue un objectif permettant de mobiliser unitairement les tra- vailleurs pour la défense de leur niveau de vie. Un tel mot d'ordre revêt une importance toute particu- lière en période d'austérité et d'attaque frontale du pouvoir d'achat, au moment où la bourgeoisie cher- che à faire gérer la masse salariale par les organisa- tions syndicales ou les travailleurs eux-mêmes, à travers toutes les formes possibles et imaginables de « pacte social ». Ce n'est pas par hasard si, en Italie, la remise en cause des clauses d'échelle mobile fut une précondition posée par le Fonds monétaire interna- tional à toute aide monétaire. Dire de l'échelle mobile qu'il s'agit d'une revendication défensive, c'est dire qu'elle est nécessaire mais qu'elle ne règle pas tout. Son application même pose bien d'autres questions : quel indice de base, et qui le définit ? est-il possible de contrôler les prix à la consommation sans con- trôler les prix à la production ?

    III. A TRAVAIL ÉGAL, SALAIRE ÉGAL.

    CONTRE L'ARBITRAIRE ET LA DIVISION

    Nous sommes pour l'abolition du salaire par poste qui attribue le salaire à la machine ou au poste de travail au mépris de la qualification réelle du travail- leur et aboutit à une individualisation extrême des salaires qui est source de divisions. Nous sommes pour l'intégration des primes au salaire et l'abolition de toute forme de salaire au rendement, même sous la forme restreinte qu'accepte la C. G. T. : « Il est possible d'admettre que, dans certains cas, une partie du salaire puisse varier selon le rendement, dans

  • des proportions strictement limitées, et à condition que cette partie du salaire soit effectivement payée en supplément de la partie garantie qui doit consti- tuer l'essentiel. »

    Nous sommes pour l'application stricte du prin- cipe à travail égal, salaire égal. La loi de 1972 sur l'égalité des salaires masculins et féminins n'est même pas respectée. D'après la C. G. T., les salaires fémi- nins demeurent inférieurs, toutes catégories réunies, de 33,6 % aux salaires masculins. Les salaires des immigrés et des jeunes connaissent des discrimina- tions semblables. Pour imposer l'application du prin- cipe à travail égal salaire égal, il faut commencer par exiger que les fiches de paye soient rendues publi- ques et contrôlées par les syndicats.

    Dans un nombre croissant de conventions sala- riales d'entreprises, le point de départ des barèmes retenus (le salaire minimum de base) est nettement inférieur au S. M. I. C. Cette situation oblige dans les faits les patrons à opérer des raccordements qui aboutissent à un tassement vers le bas des salaires ouvriers. Pas de salaire minimum de base inférieur au S. M. J. C. !

    Le principe d'une grille unique des salaires de l'O. S. à l'ingénieur n'est pas faux dans la mesure où, surtout dans une période de développement massif du chômage, il contribue à défendre la reconnais- sance de la qualification, et par la même à défendre le salaire ; à condition toutefois que la base de réfé- rence soit la même dans toutes les branches. Ce qu'il est pratiquement impensable d'imposer aux patrons tant que la bourgeoisie garde le pouvoir. Dans ces conditions, la lutte pour une grille unique risque fort d'entraîner les travailleurs sur le terrain glissant de la définition d'une « juste grille » ; autre- ment dit, d'une « juste hiérarchie », en système capi- taliste ; c'est-à-dire sans que la division du travail imposée par le patronat ait été remise en cause.

    C'est pourquoi nous considérons que les travailleurs n'ont pas à s'aventurer dans la définition d'une « bonne

  • grille », mais à considérer que les grilles en vigueur sont avant tout le résultat d'un rapport de forces entre exploités et exploiteurs.

    Contre l'arbitraire et la division : les luttes pour la reconnaissance des qualifications sanctionnées par l'école et acquises par l'expérience, pour la simpli- fication des catégories, contre l'arbitraire patronal en matière salariale, doivent déjouer les pièges capitalistes. Pour unifier les revendications ouvrières d'une région ou d'une branche, ce sont des grilles uniques par bran- ches ou par régions qu'il faut revendiquer, en exigeant leur alignement sur les grilles les plus avantageuses pratiquées dans les branches et les régions concer- nées.

    IV. POUR LA RÉDUCTION DE L'ÉVENTAIL HIÉRARCHIQUE

    DES SALAIRES

    La polémique engagée pendant l'été 1977 entre le P. C. et le P. S. a mis en évidence le débat sur la hiérarchie des salaires.

    Le P. C. F. avançait la réduction de la hiérarchie à un éventail de 1 à 5 « au terme de la législature » et la garantie du pouvoir d'achat jusqu'à cinq fois le S. M. I. C. Le P. S. parlait sans autres précisions de « réduction de l'éventail des salaires ». La C. F. D. T., pour sa part, proposait d'atteindre rapidement un écart de 1 à 6, avec maintien du pouvoir d'achat pour les salaires allant jusqu'à 12 000 F par mois.

    Les données de cette controverse demeurent cepen- dant assez floues quant au contenu exact des propo- sitions, quant aux modalités et aux rythmes d'applica- tion. L'éventail en question concerne-t-il l'ensemble des revenus ou seulement les salaires ? porte-t-il sur les salaires avant ou après l'impôt ? enfin, quelles sont les bornes de l'éventail ? En effet, la différence est importante selon que l'on parle de l'écart entre la

  • moyenne des plus bas et des plus hauts salaires, de l'écart effectif entre le plus bas et le plus haut salaire d'une entreprise, ou encore de l'écart entre le plus bas et le plus haut revenu : dans ce dernier cas, l'écart actuel est officiellement entre le minimum vieillesse et les plus gros contribuables de 1 à 105, et encore ne s'agit-il que des revenus déclarés !

    Il faut aussi noter que le resserrement de 1 à 5 de l'éventail hiérarchique que réclament la C. G. T. et la C. F. D. T. ne toucherait, en partant d'un S. M. I. C. à 2 400 F au printemps 1978, qu'une infime minorité de cadres. Le nombre de ceux qui bénéficient aujour- d'hui d'un salaire supérieur à 12 000 F est en effet éva- lué à 3 % de l'ensemble, soit 160 000 cadres environ, dont 20 000 seulement déclarent un salaire supérieur à 20 000 F par mois.

    Nous sommes pour la réduction de l'éventail hiérarchique, mais à condition qu'une telle mesure participe d'une offensive d'ensemble contre le capi- tal, la fortune et les hauts revenus. Car le problème des inégalités ne se réduit pas, loin de là, aux gros salaires. Il concerne aussi bien les revenus autres que salariaux, les capacités de dissimulation fiscale dont jouissent les entreprises, les professions libérales et les gros commerçants. Comment prétendre faire payer les riches sans lever le secret commercial et ouvrir les livres de comptes des entreprises ? Comment prétendre imposer les mandarins profiteurs de la médecine sans exiger la nationalisation des services de santé ? Com- ment prétendre débusquer les fraudeurs et spéculateurs en tous genres sans un contrôle d'Etat sur le commerce extérieur, sans la levée du secret bancaire, sans l'obli- gation pour les entreprises et les individus d'avoir un compte unique facilement vérifiable dans une banque unique ? Comment enfin s'en prendre à la hiérarchie par le biais des salaires sans en contester les fonde- ments, c'est-à-dire la division capitaliste du travail ? Cela suppose un contrôle des organisations ouvrières sur la politique de formation, une large démocratie pour les travailleurs dans l'entreprise leur permettant

  • de remettre en cause les rouages de commandement exercé sous couvert de « compétences ».

    Si la lutte anti-hiérarchique ne s'intègre pas à ces batailles d'ensemble, il y a tout à craindre qu'elle ne soit qu'un prétexte idéologique à une politique d'aus- térité et qu'elle entraîne les travailleurs à fixer eux- mêmes un plafond de salaire à ne pas dépasser, quitte à rabaisser le plafond en question en fonction des fluctuations d'une économie dont les capitalistes reste- raient les maîtres. Barre n'avait-il pas lui-même envi- sagé, dans l'ébauche de son plan, de ne garantir le pouvoir d'achat jusqu'à un niveau « X », au nom de la lutte contre les inégalités ? Il est vrai que, dans un souci électoral, à l'automne 77, il s'est montré assez généreux dans la détermination de ce niveau X, puis- qu'il a promis aux cadres une garantie du maintien de leur pouvoir d'achat jusqu'aux salaires mensuels de 30 000 F !

    La suggestion, faite par certains dirigeants socia- listes, de privilégier le développement de services sociaux par rapport à l'augmentation directe des rému- nérations pose un problème analogue à celui de la lutte contre l'éventail hiérarchique. En effet, dans une société socialiste, nous serions pour la réduction encore plus énergique de l'éventail hiérarchique. Nous serions aussi pour le développement, prioritaire par rapport à l'aug- mentation du salaire nominal, de services collectifs gra- tuits, et pas seulement dans les domaines généralement considérés comme services (santé, transport, éducation), mais aussi par la distribution de certaines denrées ali- mentaires de base (lait, pain). Toutes ces mesures vont dans le sens du dépérissement des catégories mar- chandes et du dépérissement corrélatif de la forme salaire auxquels doit aboutir le socialisme.

    Mais, dans le cas du développement des services comme dans le cas de la lutte sur la hiérarchie, les directions réformistes s'emparent d'une aspiration légi- time des travailleurs pour la dévoyer dans le sens de la collaboration aux politiques bourgeoises d'austérité. En effet, on leur demanderait de modérer leurs reven-

  • dications salariales en leur promettant en échange le développement de services sociaux gratuits. Aux yeux des dirigeants réformistes, un tel système présente l'avantage de mieux maîtriser l'inflation, de mieux prévoir les tendances à la consommation, donc de mieux contrôler les choix d'investissement. En revan- che, pour les travailleurs, aussi longtemps qu'ils ne sont pas au pouvoir, ils n'ont aucune garantie que les sacrifices consentis sur les salaires directs seront com- pensés par des services dont ils ne contrôlent ni les crédits ni la qualité.

    C'est pourquoi la lutte contre l'austérité s'articule d'abord à nos yeux sur un corps de mots d'ordres indissociables qui sont le relèvement du S. M. I. C., les augmentations uniformes, le salaire égal pour un travail égal et l'échelle mobile sur la base d'un indice unique.

    V. POUR LA DÉFENSE DU POUVOIR D'ACHAT : LE

    CONTRÔLE OUVRIER

    Par quelque bout qu'on les prenne, les revendications unifiantes pour la défense du pouvoir d'achat appellent l'organisation des travailleurs en vue de l'exercice d'un contrôle :

    — contrôle sur les prix, à la production comme à la consommation, afin de participer directement à la définition d'un indice unique des organisations ouvriè- res ;

    — contrôle, par la publicité, de l'ensemble des salai- res et des primes, par leur vérification atelier par ate- lier, service par service, afin d'appliquer le principe à travail égal, salaire égal ;

    — contrôle par l'ouverture des livres de comptes, la levée du secret commercial et bancaire, pour faire

  • payer les riches et lutter réellement contre les inéga- lités ;

    — contrôle sur la formation professionnelle pour défendre en particulier la qualification et les rémuné- rations correspondantes.

  • 3. Défendre l'emploi. Pour le plein emploi par la réduction massive du temps de travail

    2,5 millions de personnes inscrites en 1976 pendant plus d'un mois comme demandeurs d'emploi. Plus de 700 000 femmes et près de 700 000 jeunes sans emploi et des milliers d'autres à la recherche du pre- mier emploi. Toutes les catégories de salariés sont touchées. Aucune région n'est épargnée. En un an, la durée moyenne du chômage, pour ceux qui ont eu la chance de retrouver un emploi, est passée de trois à quatre mois. Et, de 1975 à 1976, la proportion de ceux qui sont inscrits depuis plus de six mois comme deman- deurs d'emploi est passée de 20 à 30 %. Plus de la moitié des chômeurs sont des femmes.

    D'autre part, patronat et presse aux ordres insistent de plus en plus sur le fait qu'il y a en Europe 6 mil- lions de demandeurs d'emploi et 6 millions de travail- leurs immigrés, en soulignant cette « coïncidence trou- blante qui devrait faire réfléchir ». La première réponse de la bourgeoisie au chômage, c'est la division des tra- vailleurs, les femmes au foyer et les immigrés au pays. Tel est bien le langage des Beullac et des Stoleru.

    Au total, d'après les statistiques officielles, le nombre de chômeurs est passé en France de 380 000 en 1972 à 1 060 000 en 1977. Les syndicats avancent pour leur part le chiffre de 1 500 000, peut-être plus. Et, chose nouvelle, le Conseil économique et social a donné raison aux estimations syndicales contre celles du gouvernement en constatant : « Les insuffisances du système actuel apparaissent manifestes en ce qui concerne à la fois les données qui servent de base à

  • l'élaboration des prévisions, les méthodes de prévision et le fonctionnement des institutions et organismes qui traitent les problèmes de l'emploi. »

    Ce qui est certain, c'est qu'il n'y a pas d'améliora- tion en vue, bien au contraire. D'ici 1980, 20 000 licenciements sont d'ores et déjà prévus dans la sidé- rurgie, 20 000 dans le papier-carton et l'imprimerie, plusieurs milliers dans le textile et la machine-outil, sans parler du sort de 15 000 travailleurs de l'aéro- nautique, suspendu aux mésaventures du Concorde et de l'Airbus.

    Face à une telle situation, le ministre du Travail Beullac est arrivé à énumérer huit formes de chô- mage (chômage « de spécialisation », « d'insertion », « de discontinuité », « d'inflation », « d'exigence », « d'attente », « de rigidité », « de dissimulation »), dont le trait commun est que les travailleurs en sont toujours responsables : parce qu'ils n'ont pas la qualification suffisante, parce qu'ils sont trop exigeants sur les salai- res, parce qu'ils n'acceptent pas d'emploi inférieur à leur qualification, parce que les indemnisations leur permettent d'attendre...

    Ne pouvant endiguer le chômage, le gouvernement a multiplié les efforts pour dissimuler les chômeurs. Un véritable arsenal de mesures de répression contre les chômeurs s'est mis en place, visant à les radier au moindre prétexte, en même temps que la « bonne presse » engageait une campagne tapageuse sur les « chômeurs millionnaires » ! De sorte que, lorsque le ministère du Travail se félicite d'une amélioration mîme minime de la situation de l'emploi, il s'agit plutôt de l'efficacité de ses mesures policières que de l'embauche effective de travailleurs !

    I. LA LUTTE CONTRE LE CHÔMAGE

    0 La lutte contre le chômage, c'est d'abord la lutte contre le droit patronal de licenciement. Le Programme

  • commun prévoyait : « La nouvelle législature sociale abolira le droit discrétionnaire de licenciement, toute décision correspondante devant être soumise au comité d'entreprise, avec possibilité d'un recours suspensif devant les juridictions du travail. L'Etat s'assurera que tout licenciement soit accompagné de mesures de reclassement préalable assurant une équivalence de qualification. » Mais, devant les patrons du forum de L'Expansion, Georges Marchais s'est montré moins catégorique à ce propos. Quant aux radicaux de gau- che, ils ont proposé, dès que s'est ouverte la discussion sur l'actualisation du Programme commun, une modi- fication de la formule initiale afin de tenir compte, d'une part, « du licenciement pour motif réel et sérieux », d'autre part des problèmes qu'éprouveraient les entreprises en difficulté. Ces préoccupations ont également été exprimées par Gaston Defferre. Il ne saurait être question de transiger sur ce point : pas de licenciement sans reclassement préalable aux mêmes conditions de salaire ! Droit de veto des travailleurs contre les licenciements !

    e En avançant leurs propositions de création d'em- plois, le P. C. et le P. S. n'ont jamais envisagé que les travailleurs puissent déterminer eux-mêmes leurs caden- ces de travail et définir les effectifs nécessaires dans leur atelier, leur entreprise ou leur branche. Il est vrai qu'une telle démarche part des intérêts des travailleurs, des exigences de leur santé et de leur sécurité, de leur droit à vivre autrement, et non de ce qui est compa- tible avec le maintien ou la sauvegarde des profits capitalistes.

    e La retraite à 55 ans avec plein salaire pour ceux et celles qui le désirent.

    e S'il est vrai, comme le prétend Barre, que le battement moyen pour un changement de travail est de trois mois, il est possible d'exiger que l'Agence nationale pour l'emploi devienne une bourse unique du travail, chargée d'assurer les reclassements et recy- clages. Maintien du salaire d'origine pour les chômeurs.

  • Indemnité égale au S. M. I. C. pour les jeunes et les femmes à la recherche d'un premier emploi.

    II. POUR LA SEMAINE DE 35 HEURES

    Il n'y aura pas de résorption du chômage sans diminution des cadences, sans augmentation des effec- tifs, sans abaissement massif du temps de travail.

    En 1936, voilà plus de quarante ans, les travail- leurs français avaient conquis la semaine de 40 heures. Le procès-verbal des accords de Grenelle, le 27 mai 1968, disait : « Le C. N. P. F. et les confédérations syndicales ont décidé de conclure un accord-cadre dont le but est de mettre en œuvre une politique de réduction progressive de la durée hebdomadaire du travail en vue d'aboutir à la semaine de 40 heures. » Quarante ans après ! C'est comme s'il fallait reprendre la Bastille ! Résultat : en 1976, la moyenne horaire par semaine restait de 42,5 heures pour les ouvriers et de 41 heures pour les employés. Mais elle était beau- coup plus élevée dans certaines branches : plus de 46 heures dans l'extraction des minerais, le bâtiment, le bois et l'ameublement... Un tiers des ouvriers tra- vaillaient encore plus de 45 heures par semaine.

    Derrière ces chiffres, la réalité est pire encore. La durée effective du travail dans la vie d'un ouvrier n'a pratiquement pas diminué en un siècle. La durée du travail était alors de 12 heures par jour, mais, du fait de la proximité du lieu de travail et d'habitat, elle coïncidait la plupart du temps avec la durée d'ab- sence du domicile. Aujourd'hui, dans la région pari- sienne, 40 % des travailleurs et travailleuses consa- crent plus d'une heure par jour au transport, souvent deux, parfois trois et plus. Les travailleurs parisiens sont absents plus de 12 heures par jour de leur domi- cile, et 35 % plus de 14 heures. De plus, si l'âge d'en- trée au travail a reculé de six à huit ans environ en un siècle, la durée de la vie active a été prolongée de

  • près de trente ans en moyenne. Un ouvrier qui tra- vaille 46 heures par semaine, soit 2 200 heures par an, travaille environ 120 000 heures dans sa vie, soit 10 % de plus qu'il y a un siècle, et sa journée de tra- vail est souvent plus pénible que jadis, du fait de l'ac- célération des cadences et de l'organisation dite « scientifique » du travail : dans la sidérurgie, par exemple, la production a augmenté de 100 % entre 1950 et 1965 pour un même temps de travail. A la S. N. C. F., le tonnage transporté a quadruplé depuis la Libération, pendant que les effectifs étaient réduits de moitié, de 500 000 à 250 000 travailleurs. La produc- tivité y a doublé depuis 1958, alors que les effectifs étaient réduits de 100 000. Ces « gains de produc- tivité » ne sont pas dus aux seules améliorations technologiques, mais aussi à l'intensification des caden- ces et à la transgression des normes de sécurité : com- bien d'accidentés, de mutilés et de morts au travail ?

    Voilà plusieurs aimées que les syndicats des métal- los en Angleterre, en Italie, et même récemment en Allemagne, votent des motions réclamant la semaine de 36 ou 35 heures. En avril 1976, la Confédération européenne des syndicats a adopté en congrès une charte revendicative où figure la revendication des 35 heures (en France, F. O. et la C. F. D. T. sont membres de la C. E. S. et la C. G. T. y a demandé son admission). Il serait donc grand temps que s'en- gage une bataille d'envergure de toute la classe tra- vailleuse pour la semaine de 35 heures et moins pour le travail posté. Certains disent que c'est utopique quand existent encore des horaires de travail ahuris- sants. C'est pourtant juste, et unifiant. La classe ouvrière a mené par le passé de grandes batailles qui sont restées commes des pages glorieuses de son histoire. Pour la journée de huit heures au début du siècle. Pour la semaine de 40 heures entre les deux guerres. Aujourd'hui, ce sont les 35 heures qui sont à l'ordre du jour, 35 heures sans diminution de salaire. Le passage aux 35 heures immédiatement représente- rait même une réduction du temps de travail propor-

  • tionnellement moindre que l'adoption des 40 heures en 1936 !

    III. POUR LE DROIT AU TRAVAIL POUR TOUS(TES) !

    POUR L'ÉCHELLE MOBILE DES HEURES DE TRAVAIL !

    La lutte contre le chômage, les 35 heures, ce n'est pas encore le plein emploi, le droit au travail pour tous.

    Si la réduction du temps de travail continuait au rythme actuel, nous atteindrions les 40 heures en 1980. Une étude gouvernementale établit que le passage immédiat à la semaine de 38,7 heures permettrait théo- riquement la création de 560 000 emplois. Théorique- ment, mais non pratiquement. D'abord parce que la réduction de productivité n'est pas directement propor- tionnelle au temps de travail : si un ouvrier fabrique 40 pièces en 40 heures, par exemple, il n'en fabrique- rait pas 38 mais 39 en 38 heures. C'est pourquoi, d'après l'enquête gouvernementale toujours, le pas- sage à 38,7 heures ne créerait que 280 000 emplois sans réduction de salaire (et seulement 180 000 avec réduction de salaire, car il faudrait alors tenir compte en retour de la réduction en conséquence de la consom- mation). Le gouvernement n'a pas poussé l'étude jusqu'aux effets d'une réduction à 35 heures de la semaine de travail. Et pour cause ! Mais il semble qu'une telle réduction, compte tenu de la masse actuelle des chômeurs, pourrait dans le meilleur des cas la résorber.

    Ce qui ne suffit donc pas à régler le cas des tra- vailleurs potentiels. Dans son discours de rentrée de 1977, Edmond Maire a lancé dans une envolée : « Qui à gauche ose dire que, si dans toute la France les femmes étaient placées dans les conditions d'em- ploi de la région parisienne, deux millions de femmes de plus travailleraient ? Qui ose dire que, si les équi- pements collectifs, notamment pour la petite enfance,

  • 160 K . MARX, F r i e d r i c h ENGELS, U t o p i s m e e t c o m m u - n a u t é d e l ' a v e n i r .

    161 K. M A R X , F r i e d r i c h E N ú H s , L e s u t o p i s t e s . 162 P i e r r e JALEE, L e p r o j e t s o c i a l i s t e .

    163 L é o n TROTSKY, L ' a n n é e 1917 .

    164 J e a n CHESNEAUX, D u p a s s é , f a i s o n s t a b l è r a s e .

    165 Y v e s LACOSTE, L a g é o g r a p h i e , ç a s e r t d ' a b o r d à f a i r e l a g u e r r e .

    166 J a c q u e s VALIER, L e P . C . F . e t l e c a p i t a l i s m e m o n o - p o l i s t e d ' E t a t .

    167 R . PELLETIER, S . RAVET, L e m o u v e m e n t d e s s o l - d a t s .

    168 E m i l e COPFERMANN, V e r s u n t h é â t r e d i f f é r e n t . 169 F i d e l CASTRO, B i l a n d e l a r é v o l u t i o n c u b a i n e .

    170 S a l l y N ' D O N G O , « C o o p é r a t i o n » e t n é o c o l o n i a l i s m e .

    171 K a r l MARX, F r i e d r i c h ENGELS, C r i t i q u e d e l ' é d u c a - t i o n e t d e l ' e n s e i g n e m e n t .

    172 D a n i e l GUÉRIN, L a r é v o l u t i o n f r a n ç a i s e e t n o u s . 173 P i e r r e K R o n o ï k i N t , Œ u v r e s . 174 J e a n JAURÈS, L a c l a s s e o u v r i è r e .

    175 C h a m p s o c i a l .

    176 R . D . LAINCI, A ESIERSON, L ' é q u i l i b r e m e n t a l , l a f o l i e e t l a f a m i l l e .

    177 C l a u d e ALZON, L a f e m m e p o t i c h e e t l a f e m m e b o n - n i c h e .

    178 C . WRIGHT MILLS, L ' i m a g i n a t i o n s o c i o l o g i q u e . 179 L e s m é m o i r e s d e G é r o n i m o .

    180 M i c h e l TORT, L e q u o t i e n t i n t e l l e c t u e l .

    181 L a F r a n c e , t r a j ï q u a n t d ' a r m e s .

    182 A l e x a n d r a KOLLON J AI, M a r x i s m e e t r é v o l u t i o n se - x u e l l e .

    183 R e n é LEFORT, L ' A f r i q u e d u S u d : h i s t o i r e d ' u n e c r i se .

    184 E u g è n e VARLIN, P r a t i q u e m i l i t a n t e e t é c r i t s d ' u n o u v r i e r c o m m u n a r d .

    185 J é s u s SILVA HERZOG, L a r é v o l u t i o n m e x i c a i n e . 186 L i o n e l RICHARD, L e n a z i s m e e t l a c u l t u r e .

    187 M o n g o BETI, M a i n b a s s e s u r l e C a m e r o u n .

    188 E r n e s t MANDEL, C r i t i q u e d e l ' e u r o c o m m u n i s m e .

    189 R é m y BUTLER e t P a t r i c e N O I S L I I L , D e l a c i t é o u - v r i è r e a u g r a n d e n s e m b l e .

    190, 191 M a u r i c e GODLLIER, H o r i z o n , t r a j e t s e n a n t h r o - p o l o g i e .

    192 R o g e r FALIGOT, L a r é s i s t a n c e i r l a n d a i s e .

    193 L é o n TROTSKY, L ' a v è n e m e n t d u b o l c h e v i s m e .

    194 P e r r y ANDERSON, S u r le m a r x i s m e o c c i d e n t a l .

    195 S . G . E . N . - C : F . D . T . , L ' é c o l e e n l u t t e .

    196 P . DOBB, P . M . SWEEZY, D u f é o d a l i s m e a u c a p i t a l i s - m e : p r o b l è m e s d e l a t r a n s i t i o n . 1.

    197 P . DOBB, P . M . SWEEZY, D u f é o d a l i s m e a u c a p i t a l i s - m e : p r o b l è m e s d e l a t r a n s i t i o n . 11.

    198 P i e r r e FRANK, L e s t a l i n i s m e .

    199 J . - P h . COLSON, L e n u c l é a i r e s a n s les F r a n ç a i s .

    2 0 0 L a u r a CONTI, Q u ' e s t - c e q u e l ' é c o l o g i e ?

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    CouverturePage de titreIntroduction. Oui, le socialisme !I - Un plan ouvrier face à l'austérité1. Le capitalisme c'est : la gabegie, le chômage, les inégalités2. Défendre les salaires3. Défendre l'emploi. - Pour le plein emploi par la réduction massive du temps de travail

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