CycleUrba Carnet de Voyage 2012

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CARNET DE VOYAGE EN POLOGNE 7 - 13 mai 2012 GDANSK VARSOVIE

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CARNET DE VOYAGE EN POLOGNE

7 - 13 mai 2012

GDANSK

VARSOVIE

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CARNET DE VOYAGE EN POLOGNE - mai 2012 - 3 -

ALWAN CamilleANDREOLETTI Étienne

AUDRAIN JustineBAILEY Guillaume

BARRIAT JulienBELLEGARDE Lou

BIBIÉ AntoineBOINOT Marc

BORZA AlexandraBOURDIN Audrey

CANTET PierreCAUDRON Louis

CHARLES RenaudCORDIER Hélène

DE LABOULAYE VictorDELHOMME Benjamin

DUCHEMIN PierreGALHAUT Julie

GOSSET BaptisteGRECO Lucille

HEIL-SELIMANOVSKI AliénorHOUEL GaëlleHUCAULT ElsaKERGUÉNOU MarineKERN AnnaKRZYZAMIAK CorinneLEGRAND AymericLEMONNIER Pierre-JeanMACE LE FICHER PaulaMAHR MathieuMERLIN-RAYNAUD SégolènePAILLARD ArnaudPINCA AmélieRANÇON JuliaRILLIE CarineSARRY RomainVAURY CharlotteVEVER MarineVITOUX Marie

LA PROMOTION 2012

Directeur scientifique : Michel MICHEAU

Sauf mention contraire, l’ensemble des cartographies et des photographies présentées dans cette étude a été réalisé par le Cycle d’Urbanisme de Sciences Po.

Cycle d’Urbanisme de Sciences – Po / 8 rue Jean Sébastien BACH, 75013 Paris / 01 53 60 80 40 / [email protected]

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ITINÉRAIRES...

INTRODUCTION

LES FORMES ET LE DÉPLOIEMENT DES VILLES : L’IMPACT DE LA GÉOGRAPHIE ET LES TRACES DE L’HISTOIRE

LES POLITIQUES URBAINES TELLES QU’ELLES SE LISENT PAR LE VISITEUR

L’URBANISME LIBÉRAL

L’ARCHITECTURE ET LES GRANDES OPÉRATIONS RÉCENTES

NOTES D’HUMEUR

PARTIE I.

PARTIE II.

PARTIE III.

PARTIE IV.

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QUELQUES ITINÉRAIRES...

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VUE DEPUIS L’AVION VERS VARSOVIE

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ITINÉRAIRES...

LUNDI 7 MAI 2012 - CENTRE-VILLE DE GDANSK

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Zlota Brama (Porte Dorée)

Dwor Artusa (Cour d’Arthur) et Ratusz (Hôtel de Ville)

Zielona Brama (Porte Verte) et Dlugie Pobrzeze (le Long Quai)

Kościół Mariacki (Basilique Sainte-Marie)

Wielka Zbrojownia (le Grand Arsenal)

Kamienica Gotyk (hôtel Gotyk House)

Kościół Sw. Mikołaja (Basilique Saint-Nicolas)

Kościół Sw. Katarzyny (Eglise Saint-Nicolas)

Plac Solidarności (Place Solinarnosc) et Europejskie Centrum Solidarnosci (Centre Européen des Solidarités)

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ITINÉRAIRES...

PLACE DE L’HÔTEL DE VILLE (LA COUR D’ARTUS EST À GAUCHE)2

PROMENADE LE LONG DES QUAIS3 VUE DEPUIS LE HAUT DE LA BASILIQUE SAINTE-MARIE5

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ITINÉRAIRES...

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Centre commercial Manhattan et tour de la Bank Pekao

Grands ensembles résidentiels à Gdansk

Arrêt à Gdansk dans le quartier d’Oliwa

Second arrêt à Gdynia dans le port de commerce et militaire

Premier arrêt à Gdynia sur les hauteurs de la ville et dans le port de plaisance

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MERCREDI 9 MAI 2012VISITE DE GDANSK, GDYNIA ET SOPOT

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Grands ensembles résidentiels à Gdynia

Troisième arrêt à Gdynia dans le centre-ville

Port commercial de Gdynia

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9 Arrêt à Sopot

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ITINÉRAIRES...

GRANDS ENSEMBLES RÉSIDENTIELS À GDYNIA6 7

CENTRE COMMERCIAL MANHATTAN ET TOUR DE LA BANK PEKAO1 GRANDS ENSEMBLES RÉSIDENTIELS À GDANSK2

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ITINÉRAIRES...

ARRÊT À GDANSK DANS LE QUARTIER D’OLIWA

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Parc Oliwski

Palais Opatow

Cathédrale Oliwska

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TROISIÈME ARRÊT À GDYNIA DANS LE CENTRE-VILLE

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Quartier de villas Modernes du début du XXème siècle

Belvedère sur la ville

Plage et port de plaisance

Port de Gdynia et Sea Tower

Pause déjeuné sur un bateau-restaurant

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ITINÉRAIRES...

BELVEDÈRE SUR LA VILLE5 PORT DE GDYNIA ET SEA TOWER7

CATHÉDRALE OLIWSKA1 QUARTIER DE VILLAS MODERNES DU DÉBUT DU XXÈME SIÈCLE4

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ITINÉRAIRES...

SECOND ARRÊT À GDYNIA DANS LE PORT COMMERCIAL ET MILITAIRE

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Palais de Justice de Gdynia

Immeubles Modernes sur la rue Wladislawa

ARRÊT À SOPOT

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Ensemble de villas de plaisance de la fin du XIX siècle

Centre ville de Sopot

Grand Hotel de Sopot

Jetée de Sopot

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3Immeubles Modernes sur la rue Wladislawa3

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ITINÉRAIRES...

VILLAS DE PLAISANCE4 JETÉE DE SOPOT7

CENTRE COMMERCIAL MANHATTAN ET TOUR DE LA BANK PEKAO2 GRANDS ENSEMBLES RÉSIDENTIELS À GDANSK3

CENTRE VILLE DE SOPOT5

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INTRODUCTION

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Alors que la crise de la dette publique déstabilise la vision d’avenir de la plupart des pays membres de l’Union européenne, la Pologne, restée au seuil de la zone Euro, affiche une santé étonnante. Bénéficiant depuis 2008, et pour cinq ans, de subventions européennes massives, elle s’est lancée dans une transforma-tion urbaine sans précédent que l’organisation de l’Euro 2012, conjointement avec l’Ukraine, vient ponctuer. Dans la presse de l’urbanisme, les photos de Varsovie et de ses projets de tours du centre-ville, destinés à faire oublier le cadeau du peuple-frère russe en 1954, le Palais de la culture, étaient suffisamment alléchantes pour organi-ser le voyage d’étude du Cycle d’Urbanisme de mai 2012, dans deux agglomérations polonaises : la triville Gdansk-Sopot-Gdynia, sur la Baltique et Varsovie.

Les problématiques étaient simples :

• Dans un pays qui a rejeté tout ce qui peut rappeler le socialisme et a opté pour la plus grande libéralisation possible, quels sont les effets et visages de cette ville libérale ?

• Gdansk, par les luttes dans les chantiers navals, a participé au bas-culement politique des pays de l’Est dans les années 80 ; mais elle est désormais confrontée à une transformation de son économie. Comment les projets de régénération urbaine se sont-ils traduits dans les faits ?

• Comment Varsovie, à la taille démographique modeste par rapport au pays, se conçoit-elle comme ville-capitale et comment a-t-elle mis en œuvre des formes d’urbanisme spécifiques après le socialisme ?

• Les deux sites à visiter avaient été détruits pour une large part au cours des deux guerres mondiales, puis reconstruits aussi fidèlement que possible à l’architecture du passé. Qu’en est-il aujourd’hui de la transformation des villes, de leurs extensions ? Comment ces villes et leur architecture pastiche abordent-elles la question du tourisme et de la compétition d’attractivité ?

PANORAMA DU NOUVEL «E-ARENA» DE GDANSK CONSTRUIT POUR L’EURO 2012

INTRODUCTION AU CARNET DE VOYAGE À GDANSK ET À VARSOVIE

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INTRODUCTION

Pour y répondre, il a été imaginé de réaliser un carnet de voyage à trois dizaines de mains mêlant le léger à la réflexion et aux photos. Ce travail a pré-féré garder quelques redites pour permettre au lecteur de s’attarder sur certains points sans avoir à lire l’ensemble, se laisser guider par le commentaire sur Var-sovie, sans avoir à lire le descriptif de l’urbanisme libéral version polonaise, etc.

Les grandes idées sont les suivantes :

Comme au XVIe siècle, le siècle d’or du commerce entre Baltique et mer Noire et de l’humanisme, ou des découvertes de Copernic, la Pologne enfin sta-bilisée dans ses frontières et ayant rejeté le régime socialiste, s’est ouverte au monde globalisé. La nouvelle richesse repose sur une économie largement ou-verte où les grands groupes internationaux notamment allemands et chinois ont pris pied. D’une économie planifiée et centralisée, la Pologne est vite passée à une forme de libéralisme désormais moins chaotique. L’adhésion à l’Europe et les subventions versées ont fait effet de levier et provoqué une remise à niveau des villes et prodigué une manne nouvelle pour la consommation urbaine. Les villes se transforment physiquement et l’organisation de l’Euro 2012 a donné un coup d’accélération au mouvement de restructuration urbaine. En ce sens, la Po-logne ressemble dans son mouvement à ce que le Portugal, l’Irlande, l’Espagne et la Grèce ont connu auparavant et qui a conduit à d’importantes désillusions. En sera-t-il de même pour le pays de la Baltique ?

Disposant d’une dette maîtrisée, le pays bénéficie d’une manne financière européenne extérieure qu’elle a optimisée astucieusement et qu’elle dépense rapidement, dans les délais imposés par Bruxelles.

La société urbaine des dix grandes villes polonaises ne porte plus les traits pays de l’Est. Elle est européenne par son mode de vie et de consommation. Elle semble avoir réussi sa transition européenne et se tient encore à distance de la crise actuelle. Mais il en va différemment dans les zones rurales, notamment à l’est du pays où la pauvreté et le chômage demeurent écrasants. La croissance polonaise ne peut cacher ni les différentiels de richesse, ni la montée des inéga-lités territoriales et sociales.

Cette croissance se traduit visiblement dans le mouvement de réhabilita-tion des centres villes mais plus encore dans une suburbanisation massive, sous la forme principalement de plots denses et d’immeubles en bandes, moins que

par des pavillons « à la française ». Si la grande bourgeoisie des villes du XVIe et du XVIIIe avait mis ses richesses dans des splendides immeubles du centre-ville, au XXIe, la richesse s’est diffusée par les nouvelles classes moyennes et territoriale-ment dans les banlieues de plus en plus lointaines, grâce à l’usage généralisé de la voiture. La mobilité y a explosé comme dans toutes les villes occidentales.

À l’origine de ce mouvement, on trouve, d’une part, le besoin de trouver un nouvel habitat en accession plus conforme aux nouveaux standards de consom-mation et, d’autre part, les effets de la mutation économique. Si le plan de Varsovie imaginé en1949 par les soviétiques avait imposé l’idée de faire venir les industries jusque dans le centre-ville et d’y adjoindre le logement des ouvriers qui y étaient attachés, le centre est devenu plus classiquement celui des activités tertiaires, du service aux entreprises, du commerce et du tourisme. Il a fallu alors adapter le tissu urbain à ces nouveaux établissements sous la forme de bureaux, de malls, d’équi-pements d’espaces de divertissement, avec force publicité. La présence d’industries obsolètes a été propice à d’énormes opérations de régénération urbaine aux succès architecturaux inégaux. L’accélération de la construction aidée par un urbanisme libéral réactif s’est toutefois trouvée confrontée à des problèmes fonciers et à des questions de financement public. D’où la situation de chaos dénoncée par les urba-nistes polonais qui trouvent difficilement leur place dans un paysage se transformant aussi vite avec un droit de facto faible et permissif. D’un modèle socialiste urbain régulé et plutôt mixte fonctionnellement et morphologiquement, la Pologne est pas-sée à une organisation caricaturale qui excède la vision du zoning, car ce sont de grandes plaques urbaines qui se juxtaposent désormais dans les agglomérations, où il n’existe aucune coopération intercommunale et dont la vision de l’actuel premier ministre est explicité « pouvoir construire ce que l’on veut, où l’on veut et quand on veut ». Régime libéral oblige et faiblesse de la fiscalité locale sont à l’origine d’un manque d’équipements publics dans cette nouvelle urbanisation. Avec une telle vi-tesse d’urbanisation, l’architecture est bien souvent banale.

Formellement le droit de l’urbanisme prévoit toutes les situations et devrait permettre une régulation harmonieuse. Il n’en va pas ainsi dans les faits et la tech-nique des investisseurs d’aller en contentieux avec une forte probabilité de gain de cause aboutit à la gestion au coup par coup des projets par les autorités publiques. Élément significatif, les acteurs rencontrés ne nous ont jamais parlé d’un projet ur-bain d’ensemble dans leur ville. Il nous a été présenté seulement des schémas rou-tiers optimisés, de nombreux équipements futurs, des bouts de quartiers.

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INTRODUCTION

Mais c’est au niveau foncier que bien des blocages se jouent. Absence de fiscalité incitative, longues procédures de retour des biens nationalisés à l’époque soviétique, stratégie spéculative des petits propriétaires fonciers en périphérie des villes expliquent largement les formes urbaines nouvelles non coordonnées par les pouvoirs publics qui en outre semblent avoir une très faible culture architecturale et urbanistique.

Tout serait-il nouveau en Pologne ? Non car la nature est très présente en ville et les masses forestières sont les meilleurs facteurs de blocage d’une urbanisation débridée. Non aussi car les villes visitées possèdent un patrimoine de grande qua-lité. Même s‘il relève souvent de la reconstruction des années 50-60, il a été réalisé à l’identique avec le maximum de moyens disponibles à cette époque. Il y a donc de l’authenticité dans les centres, mais surtout de la sélectivité dans la mémoire. Le centre-ville de Varsovie en est la caricature, c’est une ville des XVII et XVIIIe dont on a gommé toute référence au XIX et début du XXe. Ce type de ville est propice naturellement au tourisme. Sont-ce des villes – musées ?

Les nouveaux enjeux architecturaux et urbains apparaissent dans ces cen- tres : les reconstructions deviennent obsolètes. Sur quels principes va s’opérer leur réhabilitation ? Les opérations de régénération présentent d’autres types de patri-moines, industriels notamment. Comment les investisseurs les intégreront-ils ? Les Polonais de la génération précédente ont rejeté l’architecture socialiste du fait des mauvais souvenirs quotidiens qui lui était attachée, ils ont cependant hésité à la gommer et ce patrimoine a objectivement des qualités formelles. Comment la nou-velle génération les valorisera-t-elle ?

Les deux stades sont splendides, mais leur intégration urbaine et surtout leurs usages futurs sont incertains dans leur ville. L’urgence de la date d’ouverture et les problèmes très complexes d’aménagement ont laissé dans l’ombre bien des aspects. Mais lors de la visite, il est apparu évident que des équipements prévus sur le papier ne seraient pas achevés…

Les dynamismes des acteurs sont apparus clairement, qu’ils soient publics ou privés. Tout le monde se conçoit investisseur. Les villes et les universités vendent leur foncier pour diminuer leur endettement ou restructurer leurs bâtiments et se développer, favoriser l’attractivité des personnes et des capitaux. Les groupes natio-naux ou internationaux se ruent sur le foncier disponible, c’est-à-dire en taches de léopard ; les familles d’agriculteurs cèdent aux promesses des investisseurs. Mais

pour gérer l’ensemble à un niveau fin, les sociétés publiques d’aménagement sont curieusement absentes ou, quand elles existent, leurs fonctions techniques sont très réduites. La Pologne ne semble pas avoir les cadres d’aménagement opérationnel publics nécessaires à une cohérence des politiques d’urbanisation. Les insuffisances se lisent en filigrane : le logement social, la question environ-nementale, les échecs de la régénération et de la suburbanisation, la faible inter-communalité, l’insuffisance des ressources des communes, le débat démocra-tique de façade, etc.

Mais si ce voyage d’étude a permis de soulever bien des enjeux com-muns, il a laissé voir des situations très différentes et contrastées :

La triville : Gdansk, patrimoniale et industrielle, s’est dotée de moyens pour passer de la ville européenne petite à un statut supérieur, par sa démo-graphie et la création de facteurs d’attractivité. En fait, c’est une ville dont les élus et les techniciens semblent maîtriser parfaitement l’optimisation des finance-ments européens. Dans une mutation accélérée, de ses structures économiques et urbaines, elle s’étale. Sopot, la ville balnéaire splendide, attire les capitaux de Varsovie et les classes créatives, Gdynia, la ville nouvelle des années 20, peu al-térée par la guerre, mute progressivement sur un arrière-fond de développement portuaire. Entre les trois, aucune coopération sauf un train sur 25 km.

Varsovie : la capitale, son centre-ville historique, sa mémoire blessée, son centre des affaires qui commence à émerger, et sa rive droite, Praga, qui n’a pas changé depuis les années 20, puisqu’elle a été épargnée des bombardements. Celle-ci est le lieu d’habitat des plus pauvres mais aussi des personnes expa-triées, un lieu refuge des artistes. Un quartier bigarré qui accueille le grand stade, mais qui pourrait s’embourgeoiser très rapidement.

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PRÉAMBULE

Une économie en trompe l’œil ?

La Pologne se présente en 2012 comme le bon élève de l’Europe. Si l’on se réfère à des indicateurs simples comme le PIB ou la dette, c’est juste. Mais dans les trois années précédentes, on a vu comment ces indicateurs pouvaient se détériorer rapidement et à quel point les problèmes structurels ou les risques étaient différents d’un pays à l’autre. La Pologne ressemble-t-elle à l’Allemagne et adopte-t-elle les moyens ayant permis la réussite de la réunification ? Rien n’est moins sûr. La dynamique de l’Euro 2012 aura-t-elle des effets de longue durée ? Que deviendra l’économie polonaise lorsque les financements de l’UE se seront taris ? Au-delà des variables monétaires, le pays, qui a des points forts tait ses points faibles.

La démographie avec un taux de fécondité de 1,2 enfants est très faible, notamment pour un pays catholique, car pour des jeunes européens nés en Po-logne, la famille nombreuse rappelle trop la famille socialiste et empêche de faire carrière.

Le pays a été traditionnellement un pays d’émigration ; or alors qu’il béné-ficie d’une qualité de main d’œuvre, ce sont les plus formés qui partent.

Pays dynamique, mais de faible innovation, il est dépendant des grandes firmes étrangères et la Chine vient d’en faire son point d’entrée en Europe après avoir abandonné la Bulgarie ; or l’on connaît le caractère opportuniste de cette puissance mondiale.

L’administration demeure lourde et la bureaucratie n’a pas été éradiquée par les options libérales. Les disparités régionales sont énormes, la Pologne de l’Est et rurale n’a rien à voir avec celle des villes et notamment de Varsovie qui ne représente somme toute que 4% de la population, 8 avec l’agglomération. La proximité du pays avec les grands pays innovateurs (Allemagne, Finlande) est à l’origine de stratégies d’investissement dont la Pologne ne retire pas tous les bénéfices. La main d’œuvre qualifiée des IT de Gdansk a pris l’habitude de tra-vailler 5 jours par semaine à Helsinki, avant de revenir le WE chez elle ! La carte

des destinations aérienne de la Lot en dit long sur la dépendance de cette économie locale. Notre voyage a montré que le pays était en train de remettre en ordre ses infrastructures, mais il reste beaucoup à faire.

Quant à la pollution laissée par la politique industrielle socialiste massive, le pays est fort loin de l’avoir traitée et personne n’en parle. C’est bien ce qu’exprime Jakub Iwaniuk quand il parle d’une économie dynamique en voie d’essoufflement.

Encadré 1 : Une économie dynamique s’essoufflehttp://www.europolitics.info/dossiers/polish-presidency/dynamic-economy-running-out-of-steam-art308545-73.html. lundi 27 Juin 2011

« En pleine crise financière mondiale, le gouvernement polonais présentait en 2009 son pays comme une « île verte » sur une carte rouge – seule économie de l’UE à avoir échappé à la récession. Il est vrai que le pays a remarquablement fait face à la crise économique et affiché une croissance de 1,7 % en 2009, alors que l’UE 27 enregistrait une moyenne de - 4,2 %. Par une campagne de communication habile, le gouverne-ment de Donald Tusk avait alors présenté ce résultat comme la preuve de l’efficacité de sa politique économique.

Pourtant en Pologne, de nombreux économistes affir-ment fermement que ce n’est pas dans la politique du gouver-nement qu’il faut chercher les raisons de ce succès. « L’écono-mie polonaise a été immunisée contre la crise pour des raisons structurelles qui lui sont propres, affirme l’économiste Krzysztof Rybinski, ancien vice-directeur de la Banque Centrale de Po-logne. Quant à la politique économique de ce gouvernement depuis quatre ans, elle a surtout brillé par son inaction, ce qui est inquiétant pour l’avenir du pays ».

Ce jugement sévère est partagé par une grande partie des économistes polonais, une communauté largement domi-née par la pensée libérale.

CARNET DE VOYAGE EN POLOGNE - mai 2012 - 19 -

INTRODUCTION

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UNE ÉCONOMIE ÉPARGNÉE PAR LA CRISE

Le moteur de la croissance du pays est incontestablement la force de sa demande intérieure, sur un marché de 38 millions d’habitants. Elle est stimulée notamment par la hausse du crédit aux ménages qui, en dépit de la crise écono-mique, n’a cessé d’augmenter à un rythme soutenu : +12 % en 2009, +14,2 % en 2010. Malgré ces chiffres, l’endettement privé en Pologne reste toujours relative-ment faible, la somme des crédits des ménages et des entreprises représentant à peine 50 % du PIB polonais. C’est une économie par ailleurs très diversifiée. L’in-formatique « IT » et les services – financiers notamment – n’en restent pas moins des secteurs dont les Polonais ont fait leur spécialité, et qui ont peu souffert durant la crise. Enfin, l’économie polonaise est considérée comme relativement fermée en comparaison avec d’autres pays de la région, ce qui la rend moins sensible aux secousses de la conjoncture économique mondiale.

Sur la période 2007-2013, la Pologne est le premier bénéficiaire des fonds européens, ce qui selon les économistes contribue à amener un point de crois-sance supplémentaire chaque année. Les 60 milliards d’euros injectés dans l’éco-nomie depuis 2007, au titre de la politique structurelle et de cohésion, ont fait du pays le plus grand « chantier » d’Europe en matière d’infrastructures diverses. Enfin, le pays bénéficie d’un capital humain très dynamique, caractérisé par un fort esprit d’initiative et un sens de l’effort apprécié par les employeurs. Avec plus de 2 millions de micro-entreprises, la Pologne est l’un des pays européens où le nombre d’auto-entrepreneurs est le plus élevé.

Ce sont ces facteurs qui ont relativement épargné l’économie du pays contre la crise. Ainsi, le gouvernement n’a pas eu à appliquer de plan de relance massif, ni à renflouer les banques à coup de milliards de zlotys, pratiquant une politique de l’offre. Depuis son entrée dans l’UE, la croissance moyenne du PIB polonais a été de 4,6 % par an, malgré la crise financière. Le PIB en volume a cru de 53 % sur cette période. Le salaire moyen est quant à lui passé de 580 à 815 euros entre 2004 et 2010.

DES FAIBLESSES NON NÉGLIGEABLES

Mais l’économie polonaise a également des faiblesses non négligeables qui font planer la menace de complications dans les années à venir. Tout d’abord, c’est une économie très peu innovante. Seulement 15 à 20 % des entreprises polo-naises sont considérées comme innovatrices par les statistiques économiques - un pourcentage qui a considérablement baissé depuis la fin des années 1990.

Ensuite, l’économie polonaise est très polluante. Les économistes pré-voient que les objectifs climatiques fixés à l’échelle européenne vont coûter 15 milliards de zlotys aux entreprises polonaises en 2013, par l’achat de droit d’émission de CO2 - un chiffre qui pourrait atteindre 35 milliards en 2020. Les importantes disparités régionales sont également un handicap du pays, où cer-taines régions font face à des problèmes économiques structurels. La qua-lité des infrastructures (routes, autoroutes, voies ferroviaires, aéroports) laisse encore largement à désirer dans l’ensemble du pays, et freine de manière importante la croissance. Les économistes polonais soulignent également la mauvaise qualité de l’administration, qui par sa bureaucratie imposante freine l’esprit d’initiative, et qui est considérée dans les classements mondiaux comme très peu favorable aux entrepreneurs. Enfin, le pays manque de grandes indus-tries d’envergure mondiale au capital polonais, ce qui témoigne d’une trop forte dépendance des investissements étrangers.

Beaucoup d’économistes prévoient ainsi un ralentissement de la crois-sance à l’horizon 2013-2015. « En matière de politique économique, il faudrait préparer le pays à ce ralentissement, et ce travail n’est pas fait par le gou-vernement actuel, précise Krzysztof Rybinski. Il faudrait réaliser d’importantes réformes pour anticiper les difficultés à venir, de même qu’une plus grande maîtrise de nos finances publiques. ». Avec un déficit public de 7,9 % en 2010, le pays a vu sa dette passer de 47 % à 55 % de son PIB après la crise écono-mique, malgré l’absence de plan de relance massif. Selon l’économiste « C’est beaucoup trop, prenant en compte que la Pologne n’a pas les mêmes capacités de remboursement que des pays comme la France, l’Allemagne, l’Angleterre ».

Face aux turbulences que traverse la zone euro, la Pologne ne semble plus pressée d’adopter la monnaie unique. Il faut admettre que pendant la crise, la forte dépréciation du zloty a permis de stimuler l’export et de minimiser les effets de la crise. Une majorité de Polonais semble par ailleurs aujourd’hui op-posée à l’adoption de l’euro, ayant peur de la flambée des prix qu’elle pourrait susciter.

Le gouvernement polonais a transmis récemment à la Commission eu-ropéenne ses engagements dans le cadre du « pacte euro-plus ». Ils prévoient entre autres d’importants investissements en matière de recherche et déve-loppement, de réseaux de transport et d’énergie, d’Internet à haut débit et de soutien aux PME. A la veille de la présidence polonaise, le pays tient ainsi à faire office de bon élève de l’UE en matière économique. »

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INTRODUCTION

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Les traductions urbaines d’une économie renouvelée et attractive :

Le pays bénéficie de facteurs d’attractivité urbaine indéniables, ce dont témoignent les 13% du PIB représentés par Varsovie qui attire emploi et immobi-lier d’entreprises et dont le centre où les tours s’érigent, manifestent cette crois-sance. Le pays communique sur des opérations de reconversion réussie, comme le grand centre commercial de Lodz, tandis que subsistent encore de vastes zones de l’industrie lourde (cf. les mines de Katowiche).

Dans les deux ensembles urbains visités, les bases économiques tradition-nelles se sont partiellement effondrées ou ont muté en laissant la place à d’autres formes urbaines au gré des disponibilités foncières et des stratégies des acteurs privés. Les villes se sont adaptées, chacune en fonction de leur histoire propre et de leur taille. Les dynamiques d’agglomérations ont cependant des points com-muns : la multipolarisation et les effets de zoning issus des stratégies des acteurs mêmes.

• L’explosion de la demande de consommation est à l’origine d’un déve-loppement de grands malls commerciaux, à l’architecture parfois inté-ressante comme Golden Terrace, à Varsovie, en position centrale mais bien plus, de façon classique, en périphérie. La conséquence directe est la perte d’animation des axes commerçants traditionnels,

• Les demandes de services aux entreprises dynamisées par des poli-tiques très libérales et accueillantes aux Investissement Directs Étran-gers sont à l’origine de la forte poussée du tertiaire de bureau, évidente visuellement. Dans le cas de Varsovie, on a assisté de façon classique au développement des fonctions métropolitaines, c’est-à-dire de coor-dination économique entrainant la spécialisation partielle dans des fonctions stratégiques de décision ainsi que de la finance. La capitale se distingue ainsi nettement des autres grandes villes polonaises par la concentration d’emplois tertiaires (58% en 1988 et 76% en 2001) de services souvent de haut niveau et a entrainé la constitution d’une vaste économie résidentielle tirant à son tour une intense activité im-mobilière. Varsovie est le lieu privilégié des sièges sociaux des grandes entreprises, où les besoins immobiliers des secteurs de la finance et du conseil sont en croissance. Les services non marchands (adminis-tration et services publics) et les emplois productifs industriels sont

en retour faiblement représentés. Ces activités de décision se localisent dans l’hypercentre, qui accueille en outre un certain nombre de centres de recherche ou de développement, ainsi que l’hôtellerie. Deux autres quartiers, Mokotow, au sud, et Wola, à l’ouest, émergent aussi dans la répartition de ces fonctions supérieures, mais à une degré moindre que le centre. Toutefois les formes urbaines peuvent y prendre des aspects différents : cluster de recherche ou encore bureaux et petites tours iso-lées. Enfin, la poursuite du mouvement de privatisation des entreprises publiques est à l’origine de partenariats privés et de nouveaux investisse-ments immobiliers tertiaires.

• Le développement de l’économie de la connaissance, dans un pays à la main d’œuvre bien formée, entreprenante est à l’origine des transforma-tions des espaces universitaires et de recherche, sur des secteurs bien placés en centre-ville.

• Les disparitions d’entreprise industrielles ou leur mutation sont les traits marquants des grandes villes. À Gdansk, les chantiers navals (jusqu’à 50 000 salariés) ont laissé place à un vaste espace de régénération urbaine, où l’opération Young city, conçue au début des années 2000 et qui devait accueillir un million de m2 reste cependant à l’abandon. En revanche, le savoir-faire n’est pas totalement perdu, puisque la ville s’est spécia-lisée dans le Yacht de luxe, les activités lourdes de chantier demeurant en revanche, à 20km, dans l’autre grand centre portuaire, Gdynia. Les villes de la façade maritime font ainsi évoluer leur économie maritime afin de se situer autrement dans la concurrence commerciale de la Baltique. C’est pourquoi Gdansk développe son port de containers et y adapte une grande partie de ses infrastructures : la ligne ferroviaires, les grandes in-frastructures routières pour l’arrivée des camions, etc.

• Les espaces de régénération urbaine liés aux activités récentes ou loin-taines disparues (cf. Ile des greniers de Gdansk) ne manquent pas ! Mais les moteurs d’activités ne sont pas suffisants pour les transformer. Les villes polonaises visitées constituent donc un mélange hétérogène où la mémoire des économies industrielles anciennes est encore très vive (cf. le quartier ouvrier Praga de Varsovie). De nombreux projets s’y succèdent, non sans polémiques architecturales !

CARNET DE VOYAGE EN POLOGNE - mai 2012 - 21 -

INTRODUCTION

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• Dans un pays qui s’est adapté facilement aux modes de consommation européens et qui bénéficie d’un patrimoine authentique et de qualité, quoique reconstruit, les acteurs privés et publics ont joué en chœur la stratégie de la chaîne touristique et de ses multiples maillons. Les villes visitées se vendent bien. Les centres historiques, bénéficiant par ailleurs des effets de classements UNESCO font montre de leurs richesses, tan-dis que le commerce sous toutes ses formes, banal ou de luxe, propre au lieu (ambre) ou international s’y développe. La mémoire des évènements tragiques qui ont marqué la Pologne, ainsi que les grands évènements, comme l’Euro 2012, sont des occasions supplémentaires de nourrir la manne touristique, mais aussi d’accroître les effets de notoriété, qui nour-riront à leur tour les facteurs d’attractivité des individus et des entreprises étrangères. Les multiples politiques publiques bénéficient aux habitants mais renforcent le secteur touristique. L’objectif est de maintenir les villes à une bonne place dans la concurrence européenne, les Arena étant les nouveaux marqueurs de la modernité économique. Enfin, la culture polo-naise (musicale, graphique) stimule les activités et l’image des villes par ses équipements et sa programmation.

Il fallait des infrastructures à la hauteur de ces ambitions économiques et urbaines, ainsi que la modernisation des transports publics ; les financements européens le permettent.

Les villes polonaises socialistes ignoraient les mots efficacité et valorisation. Ils sont désormais des qualificatifs quotidiens et constituent les miroirs des entreprises.

Sans nul doute, les villes et les entreprises développent un discours commun : l’ave-nir est à la croissance. Jusqu’à quand ?

Encadré 2 : Young City, un échec patent et un trou noir d’informations :

Dans l’histoire de Gdansk, ce petit territoire des bords de la Vistule possède une extraordinaire charge historique et symbolique. Lieu d’implan-tation des chevaliers teutoniques qui imaginèrent y créer une nouvelle ville, il resta longtemps non construit sur les glacis de la muraille de la cité, avant de devenir le lieu de chantiers navals, au XIXe. Ces derniers se transformè-rent en Chantiers Lénine et furent le cadre d’action de Solidarnosc. Après la faillite de 1996, ce centre de fabrication et de réparation devint un ter-ritoire de projet (73 ha, la même taille que l’opération de Boulogne Billan-court) aux mains de la filière immobilière des chantiers navals concurrents de Gdansk, Synergia 99 sP.Z.O.O. Son grand avantage est sa proximité du centre-ville, ses principales faiblesses, fort coûteuses, sont l’absence d’équipements d’infrastructure pour le desservir, la pollution, la fragilité de son sol pour accueillir des activités urbaines. L’option prise par la ville de ne pas y investir et les mauvaises appréciations des risques financiers mirent en difficulté deux investisseurs et laissent le terrain vide de ses plus vieux bâtiments, supprimés pour accueillir un concert sans précédent de Jean-Michel Jarre. Pourtant le programme et les plans réalisés par des grands architectes n’étaient pas sans intérêt :

• un million de m2 de services et bureaux• 350 000 m2 logements• 60 M€ d’investissements en équipements publics• une zone d’entreprises pour donner des espaces de bureaux de

qualité manquant à la ville.

Mais en fait, les contraintes multiples étaient trop fortes : tracés et financement du contournement routier du centre, accès à la mer, mise en valeur de la Place Solidarnosc, liens à la gare, etc.

En 2012, à côté des vieilles grilles de Solidarnosc et les photos de Walesa et Jean-Paul II, émerge un bâtiment de mémoire, aux finalités tou-ristiques marquées : le centre Solidarnosc.

Or, de la situation du projet immobilier et des acteurs qui l’ont repris après une décote financière importante, personne n’a voulu ou n’a pu nous parler, y compris à la mairie ou à l’université.

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INTRODUCTION

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PARTIE I.

A. L’URBANISME TÉMOIGNE DE L’HISTOIRE ÉCONOMIQUE, POLITIQUE ET SOCIALE DU PAYS AUX FRONTIÈRES RÉCEMMENT STABILISÉES

B. LES GRANDES CARACTÉRISTIQUES DE GDANSK ET DE VARSOVIE : REPÈRES GÉOGRAPHIQUES

C. L’INÉGALITÉ DE DÉVELOPPEMENT GRANDES VILLES / MILIEUX RURAUX

D. L’INTENSIFICATION DES TISSUS URBAINS DU CENTRE-VILLE DE VARSOVIE

LES FORMES ET LE DÉPLOIEMENT DES VILLES :L’IMPACT DE LA GÉOGRAPHIE ET LES TRACES DE L’HISTOIRE

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Une histoire mouvementée.Quelques repères dans la transformation des villes.

La Pologne est un pays dont les frontières n’ont cessé d’être malmenées du-rant des siècles, au gré des guerres et des ambitions de leurs voisins. L’urbanisme témoigne de ces bouleversements, il les rend visible ou les cache derrière le pastiche architectural des deux ensembles urbains visités.

Au IIe, Kalisz fut la première ville mentionnée de la grande Pologne : c’était un poste de commerce de la route de l’ambre, entre Baltique et méditerranée. Cette économie subsiste encore tout autour de Gdansk et c’est d’ailleurs la couleur rete-nue pour le nouveau stade.

Les X et XIe furent des époques de lutte entre chrétienté d’orient et d’occi-dent, la dynastie Polane des Piast se rallie à Rome pour contrer le Saint Empire Romain germanique. Breslaw Miesko (dynastie des Piast) est sacré premier roi de Pologne en 1025 par le Pape. De la période intense d’évangélisation naquit un ca-tholicisme qui demeure toujours très fort et marque les mentalités ainsi que les pay-sages urbains et ruraux par les multiples églises. En l’an mille, le pays avait ainsi des frontières très proches de celles actuelles, mais cela ne dura pas….

Si les XII et XIIIe sont des siècles de fragilité politique, du fait des rivalités entre héritiers de la couronne, c’est une période d’essor économique, liée à l’im-plantation de colons allemands et hollandais qui maintiennent leur culture, leur droit et privilèges lorsqu’ils fondent villes et villages. Les juifs persécutés trouvent aussi refuge dans le pays. Gdansk passe sous la dépendance des chevaliers teutoniques en 1308, la ville principale recevant sa charte municipale et les chevaliers fondant Nowe Miasto, (Nouvelle ville). La ville restera marquée par cette culture et le droit allemand et constituera d’ailleurs l’un des facteurs du déclenchement de la seconde guerre mondiale, par l’attaque nazie de Westerplatte en 1939, à l’entrée du couloir de Dantzig.

Au XIIIe, Varsovie se développe du fait de sa position stratégique sur les routes commerciales (entre Cracovie et Vilnius), tout autour de la résidence des ducs de Mazovie. À l’emplacement de l’actuel château royal se développe la vielle ville dont on admire encore les traits médiévaux.

C’est à partir de XIVe que les bourgeois de Gdansk, appartenant désor-mais à la ligue hanséatique, édifient d’imposants édifices municipaux, que la ma-gnifique église Sainte-Marie, la plus grande construction de brique du monde est construite.

Casimir le grand (1333-1370) réalisa une œuvre immense d’unification du royaume et fit de Cracovie la capitale. Mort sans enfants, les grands seigneurs fi-rent alliance avec la Lituanie, la nouvelle dynastie des Jagellon ayant les moyens de battre les chevaliers teutoniques en 1410 (Grunwald) et en récupérant Gdansk. Ce fut le plus grand état européen de la Baltique à la mer Noire, englobant une partie de l’Ukraine et de la Biélorussie. Les deux tiers du commerce extérieur du pays passaient par cette ville qui s’enrichit et le traduisit par un urbanisme et des constructions conçues par des maîtres flamands (architectes et artistes) auxquels les familles firent appel. La rue longue (Dluga) est bordée de bâtiments remarquables qui sont toujours, même reconstruits, la raison d’un tourisme actif.

L’âge d’or de la Pologne date du XVIe où le pays est libéré du pouvoir prussien. La Renaissance et la Réforme protestante se conjuguent pour ouvrir le pays à l’humanisme. La Pologne est un havre de paix dans une Europe du XVIe siècle tourmentée par les guerres de religion.

À partir du XVIIe, le pays vit sous influence étrangère, en dépit du « délu-ge » suédois, cette invasion brutale. Varsovie jouit d’une grande prospérité dans la deuxième moitié du XVIIe, et le Baroque impose son style. Le déclin politique est engagé et en 1717, les nobles donnent à la Russie des droits de regard, le pays devient un protectorat du puissant voisin.

En dépit de la présence du roi des Lumières, Stanislas Poniatowski, le pays est partagé progressivement entre Prusse, Russie et Autriche. Le roi conti-nue cependant à attirer les plus grands peintres et sculpteurs de l’époque, dont Canaletto le jeune qui va réaliser des vues précises de la Capitale. Ses tableaux serviront à la reconstruction de la ville en 1945.

En 1795, quatre ans après s’être doté de la première constitution euro-péenne, le pays n’existe plus dans ses frontières et cela pour 123 ans !

Après un bref espoir lié à l’épopée napoléonienne vers la Russie, le congrès de Vienne de 1815, donne au pays un roi : le Tsar !

I. A. L’URBANISME TÉMOIGNE DE L’HISTOIRE ÉCONOMIQUE, POLITIQUE ET SOCIALE DU PAYS AUX FRONTIÈRES RÉCEMMENT STABILISÉES

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CARNET DE VOYAGE EN POLOGNE - mai 2012 - 25 -

Comment dans de telles conditions, une fierté nationale n’aurait pu émer-ger et se maintenir jusqu’à nos jours ? Des insurrections nationalistes ont bien lieu en 1830, 1846, 1848, 1861,1863, 1905, mais ce sont des échecs tandis que la russification et la germanisation s’accentuent et l’émigration se fait forte, no-tamment vers la France (notamment Chopin).

Le XIXe est l’époque d’une industrialisation massive, à Lodz notamment mais aussi à Gdansk et Varsovie. L’urbanisation obéit partiellement aux réfé-rences des zones d’influence des pays dominants.

Enfin, la république renait en 1918, les traités donnent à la Pologne l’ac-cès à la mer, le couloir de Dantzig. Le pays veut un port pour vivre, il construit en très peu de temps la ville nouvelle de Gdynia, puisque Gdansk est libre, donc sous influence allemande. Il se crée ici une ville homogène, où les immeubles modernes, sobres mais audacieux se multiplient sur de grands axes clairs et conçus pour la voiture ou les trams.

Mais dès le 1er septembre 1939, la tragédie commence. L’Allemagne et la Russie qui ont signé un pacte secret, envahissent le pays. Staline qui haïssait la Pologne et la considérait comme un obstacle à son expansion organise le massacre de son élite à Katyn. Varsovie est détruite en deux fois. En 1945, il ne reste que 15% des bâtiments sur le centre-ville et 25% dans le quartier Praga sur la rive droite de la Vistule. Gdansk est détruite à 80%.

La période de l’après-guerre est un moment d’intense reconstruction par la population, avec les moyens du bord, et l’aide du grand frère soviétique. Les débats ont lieu sur ce qu’il faut reconstruire. On refait à l’identique, mais d’abord la partie patrimoniale, des centres historiques en triant dans les bâtiments de mémoire. La partie ancienne de Varsovie était si dense qu’on ne reconstruit que 50%, et uniquement les bâtiments antérieurs au XIXe !

Des débats d’urbanisme passionnants ont lieu à Varsovie, des plans d’un modernisme étonnants marqués par la pensée allemande puis russe sont pro-posés, mais ce sont les blocs soviétiques qui s’imposent et encore de manière insuffisante, car les pays n’a pas les moyens de sa reconstruction. Des quartiers immenses, des barres, qui cependant tiennent bien au temps, émergent et abri-tent la bureaucratie nécessaire au fonctionnement d’une économie totalement centralisée. Au tissu dense du ghetto de Varsovie, se substituent des immeubles massifs et si caractéristiques de l’époque.

L’alignement idéologique se traduit par un cadeau de Staline : le Palais de la culture bâti par la main d’œuvre polonaise, avec des matériaux d’Ukraine. Mais rien n’est construit autour pour en garder sa pureté stylistique.

Les Polonais n’aimaient pas ce bâtiment et de nombreuses stratégies ont vu le jour pour en atténuer l’effet. Un centre-ville fait de tours est en train de la cacher progressivement.

À Gdansk, le problème émergeant est celui de la contestation syndicale des années 70, de la répression sanglante aboutissant aux accords de 1980 avec So-lidarnosc. En 2012, la mémoire de ces évènements tente de se célébrer avec un bâtiment Solidarnosc et un aménagement chaotique.

Lorsque le système socialiste tombe en 1989, les Polonais veulent passer à autre chose et dans le domaine urbain, accéder à un habitat digne. Les choix li-béraux en économie et en urbanisme aboutissent à transformer très rapidement les villes. La suburbanisation se déclenche au-delà des banlieues socialistes et la régé-nération urbaine devient le moyen de reconquête urbaine des territoires industriels libérés d’entreprises obsolètes, du fait de l’ouverture à la concurrence. Le « far West » urbanistique commence ! Les villes vendent leurs immenses parcs d’habitat collec-tif ; le « tous propriétaires » devient un leitmotiv. L’habitat de luxe d’abord laisse dans l’ombre la question de l’habitat des plus pauvres et du logement social.

2000. Les villes de Pologne s’engagent dans l’Europe, la tertiarisation de l’économie s’accompagne de la production de quartiers nouveaux largement mar-qués par le zoning. La planification ne suit pas ; les bâtiments sont souvent le résultat du coup par coup.

2008-2013. Les élus et les techniciens dans leurs communes respectives se singularisent par leur capacité à maximiser l’obtention et l’usage des subventions européennes. L’Euro 2012 et ses stades apparaissent un peu comme un prétexte à financer la remise à niveau des grandes infrastructures de transport ou de service urbain du pays. La Pologne hisse le niveau de son réseau de villes. Une nouvelle classe moyenne urbaine et entreprenante émerge, laissant les milieux ruraux, no-tamment de l’est, dans une situation peu enviable.

Le pays est libéral dans l’âme. Il veut aller vite.

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I. B. LES GRANDES CARACTÉRISTIQUES DE GDANSK ET DE VARSOVIE : REPÈRES GÉOGRAPHIQUES

Gdansk ne se comprend pas sans Sopot station balnéaire et ville résidentielle «coin-cée» entre la ville historique et Gdynia, ville nouvelle tournée vers l’activité industria-lo-portuaire. Ce tout forme une conurbation s’étendant sur 30 km de rivage.

Cette entité urbaine forme une rupture sur une côte polonaise de 700 km plutôt recti-ligne et bordée de dunes à l’exception de la baie de Gdansk. A l’Est l’embouchure de la Vistule se forme le long d’un cordon littoral marqué par la présence d’îles multiples.

Le site, enserré entre la mer et les collines morainiques de Poméranie, offre des paysages contrastés allant des plateaux au Sud aux vues dégagées vers la baie.

POPULA

TION D

E

L’AGGL

OMÉRAT

ION:

1 035

000 HA

BITANT

S

DENSIT

É:

1739,

4 HAB/

KM2.

SUPERF

ICIE:

262 KM

2

6E VIL

LE DU

PAYS.

UNE TRIVILLE ENTRE MERS ET COLLINES

UNE MÉTROPOLE À L’OUEST DE LA BAIE DE GDANSKSOURCE : WIKIPEDIA

La fonction maritime de Gdansk s’est affirmée au départ dans des ports de bas-sins sur les îles et berges du delta, avant de progresser vers l’aval jusqu’à at-teindre le nouveau port de Gdynia.

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CARNET DE VOYAGE EN POLOGNE - mai 2012 - 27 -

SOURCE : WIKIPEDIA

VARSOVIE : UNE CAPITALE ET UNE MÉTROPOLE EUROPÉENNE

Varsovie, traversée par la Vistule s’est installée sur la rive haute du fleuve.

Cette rive gauche était la plus favorable à un établissement humain parce que plus élevée et donc plus sèche, plus praticable. Varsovie est née sur une terrasse haute d’une trentaine de mètres au-dessus de la Vistule. Cette terrasse constitue un plateau d’une centaine de mètres d’altitude au-dessus du niveau de la mer coupé par les vallées en pente douce des petites rivières qui descendent de la Vistule.

POPULATION D

E

L’AGGLOMÉRAT

ION:

1 720 398 HA

BITANTS

DENSITÉ:

1739, 4 HAB/

KM2

SUPERFICIE:

431,4 KM2

La ville s’est donc installée au sec, sur un plateau à la circulation facile tout en étant situé à proximité du confluent du Bug Narew.

Varsovie doit son existence à cette situation privilégiée qui lui confère des facilités de communication.

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CARNET DE VOYAGE EN POLOGNE - mai 2012 - 28 -

I. C. L’INÉGALITÉ DE DÉVELOPPEMENT GRANDES VILLES / MILIEUX RURAUXLe constat est simple : au cours de notre voyage, le monde rural n’a pas été

visité et il n’a été que peu évoqué. Pour autant, trois occasions nous ont permis d’approcher quelques aspects de la campagne du pays et de comprendre quelles inégalités il y a entre le monde urbain et le monde rural.

La première confrontation que nous avons eue avec le milieu rural polonais est paradoxalement lors de notre déplacement en avion et de notre survol des cam-pagnes polonaises. Ce moyen de transport est loin de cet aspect de la Pologne mais il nous permet d’observer de loin l’aspect des campagnes et le type d’agriculture qui y est pratiqué ; avant d’apercevoir le skyline très contemporain des villes. Le terri-toire se caractérise par des cultures en openfields aux lanières très serrées. En tant qu’ancien pays du bloc communiste, la Pologne constitue une exception puisqu’elle n’a pas connu la collectivisation des terres et a préservé les petites exploitations privées en parallèle des fermes d’État et des coopératives. La réalité de cette agricul-ture est éloignée de nos références françaises, induisant des rendements assez bas.

VUE AÉRIENNE DU PARCELLAIRE EN LANIÈRES

La modernisation de ce secteur a d’ailleurs fait partie des préalables à l’entrée du pays dans l’Union Européenne. Bien que des progrès soient en cours, la plupart des agriculteurs travaillent sur des exploitations de 7,5 ha en moyenne, ce qui est très réduit (45 ha en moyenne en France). L’exploitation familiale de type vivrière reste donc la base du système agricole polonais et l’un des secteurs d’emploi les plus importants du pays : 17,4% de la population active en 2004 (3,5% en France).

Vus du ciel, les champs sont généralement de couleur verte, jaune ou marron témoignant ainsi des principales cultures pratiquées et des périodes de jachère. La Pologne, du fait de ses sols peu riches s’est orientée vers une agri-culture de quantité favorisant les céréales (2ème producteur mondial de seigle au milieu des années 2000), la pomme de terre, la betterave à sucre, et le colza. La production des fruits, tels que pommes ou groseilles, est importante et il est possible d’apercevoir des vergers le long des routes. La diversité de production d’une région à l’autre est forte, la Pologne étant reconnue pour sa polyculture.

Le second indice que nous avons pu avoir à propos du monde rural nous a été donné par le professeur Piotr Llorens de l’Université Polytechnique de Gdansk. Lors d’une présentation au sujet de l’aménagement du territoire polo-nais, M. Lorens a évoqué le fait que les campagnes polonaises connaissaient un retard structurel. Devant une photographie aérienne de la campagne, ces pro-pos (en anglais) ont été : « je vous défie de vous trouver ici avec une voiture en panne, et un mètre de neige autour de vous, en hiver sur ces routes », confirmant là aussi notre vision lors du survol de la Pologne. Il est à noter qu’il demeure aussi de grandes disparités géographiques entre l’est (plus pauvre et agricole) et l’ouest (plus riche et développé)

En effet, alors que la Pologne valorise ses atouts urbains (en construisant des tours et des malls), le monde rural accuse un retard cristallisé autour de plusieurs enjeux dont l’accès à l’information, à la formation et aux infrastructures de services sociaux et de santé. De plus, les aides européennes vont en priorité au développement des villes. L’exode rural étant stabilisé depuis le début des années 1990 (62% de la population est urbaine contre 78% en France), c’est le lieu où se concentrent une grande partie de la pauvreté.

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Ceci explique en partie le lien qu’entretiennent les polonais avec la campagne, et nous amène au troisième point de notre observation du monde rural polonais : la Pologne dispose d’une nature riche, et très apprécié et préservée de la population.

LES RURAUX VENDENT LEURS PRODUITS À LA VILLE

Ce type de pauvreté touche principalement les familles nombreuses. Les écoles rurales polonaises constituent une destination de l’aide alimentaire euro-péenne.

Pour autant, la Pologne est un pays ou les liens familiaux sont forts, ce qui atténue certaines conséquences de la pauvreté et il est notable de voir les interactions qu’entretiennent populations urbaines et rurales. Ainsi, les vendeurs de fleurs sont nombreux dans les rues de Varsovie, venus de la campagne pour proposer leur marchandise en ville. Également, la majeure partie des gens qui vivent en ville ont une grande partie de leur famille à la campagne. Beaucoup ont accès aux aliments de base à moindre prix ou même gratuitement et il est courant de voir des personnes avec des sacs de légumes ne provenant pas de la grande distribution.

UN LIEN FORT AVEC LA NATURE

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La Pologne compte de nombreuses réserves naturelles (dont la seule forêt primaire d’Europe) et ses parcs nationaux hébergent une faune riche et rare : loups, ours et derniers descendants des bisons européens.

Les Polonais semblent d’ailleurs garder un lien très fort avec la nature.

Varsovie possède une cein-ture verte localisée en ville composée de forêts urbaines et de très grands parcs où il n’y a pas de déchets. A Gdy-nia, les forêts que nous avons pu observer en s’éloignant un peu de la ville sont fréquen-tées et très bien entretenues. Agnès, notre guide, nous a d’ailleurs confié qu’elle pré-férait souvent passer par les bois plutôt que de se déplacer en voiture (quitte à prendre plus de temps).

LA CEINTURE VERTE DE VARSOVIE

Autre fait marquant, Sopot et son front de mer d’une grande qualité paysagère n’a pas été urbanisé. En effet, les préoc-cupations qui ont prévalu ont permis de préserver le front de mer de toute urbanisation disproportionnée.

LA PRÉSERVATION DU TRAIT DE CÔTE

Néanmoins, ces paysages viennent de plus en plus à être détériorés.

Certaines taxes ainsi que la qualité médiocre des lo-gements en ville poussent les ménages de classe moyenne à s’établir aux franges des villes, dans des habitats collectifs, différents des banlieues pavillonnaires françaises. Ceci a été parti-culièrement visible lors de notre visite de la triville.

Sans gagner d’habitants, les villes s’étendent et consomment le paysage à l’image du développement urbain français des années 1980-1990.

Ceci constitue sans doute l’un des défis majeurs de l’urbanisme po-lonais pour les prochaines années. Mais une plus grande structuration du territoire nécessite de prendre en compte les territoires à une échelle plus adaptée, intégrant les villes et la campagne, et réduisant les clivages qu’il existe entre ces deux espaces du territoire polonais.

LES FRANGES DES VILLES

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I. D. L’ INTENSIFICATION DES TISSUS URBAINS DU CENTRE-VILLE DE VARSOVIEParmi les points saillants de l’urbanisme polonais, le travail de densifica-

tion du centre-ville de Varsovie, organisée principalement autour du Palais de la Culture, n’est pas le moindre. Ces tissus urbains datant de la reconstruction soviétique restent fondamentalement marqués par cette idéologie, leur position au cœur de la ville et de ses infrastructures ainsi que la montée des prix du fon-

cier de la capitale Polonaise en font cependant des lieux de vie et de densification préférentiels.

Nous insisterons en particulier sur les tissus des quartiers de Gryzbowska et l’avenue Marszałkowska.

LE QUARTIER GRYZBOWSKA

1) Une histoire récente

Le long de la rue Gryzbowska, s’est érigé sur les ruines du ghetto de Varsovie un ensemble d’habitation sur le modèle des unités d’habitation de Le Corbusier.

Alors que ce dernier n’a pu construire qu’un très petit nombre de ces unités dis-persées à travers la France, qui sont de fait des objets autonomes et singuliers dans le paysage urbain et qui sont parfois très isolés du reste de la ville, 19 unités se regroupent au Nord du palais de la culture ce qui en fait une expérience unique de cette nouvelle manière d’habiter préconi-sée par Le Corbusier.

Si la dimension globale des bâti-ments (des barres assez hautes, de lon-gueur moyenne, regroupant 200 apparte-ments environ) a été respectée, ce n’est pas le cas de la conception même des bâ-timents : les appartements sont beaucoup plus petits (environ 30 m²), ne sont pas en duplex et ne disposent pas de balcons. Il n’y a pas d’équipements sur le toit ni de commerces au 7e niveau et les bâtiments ne sont pas sur pilotis.

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En revanche, l’idée de la ville parc, c’est-à-dire celle où l’homme doit s’extraire de la nature pour mieux pouvoir la contempler, a guidé l’implantation des barres : elles sont toutes orientées perpendiculairement à la rue Gryzbowska pour recevoir le soleil du matin et celui du soir. L’espacement entre chacun des blocs est très im-portant, dégageant de généreux espaces verts. C’était donc un quartier peu dense et peu équipé bien que regroupant beaucoup de logements.

2) Situation actuelle

La situation centrale de l’ensemble, entre le Palais de la Culture et la vieille ville reconstruite, et son utilisation du sol minimale, ne permettait pas d’imaginer cet ensemble figé. De plus l’ouverture des marchés a donné un prix au foncier, qui a vite grimpé et rendu impossible la conservation en l’état de tous ces es-paces verts. Sur la question du modèle de la ville parc, les avis sont partagés : tous les Polonais que nous avons rencontrés sont d’accord pour dire que la pré-sence de la végétation et d’espaces verts nombreux apporte de la qualité à la vie quotidienne ; mais le constat est que la rue commerçante et une certaine densité autour des axes de déplacements du quotidien, sont souhaités.

Bien que de nombreux bâtiments existaient déjà dans les espaces intersti-tiels entre les unités d’habitation, ceux-ci respectaient globalement le principe de la ville parc, ignoraient la rue et étaient beaucoup moins hauts que ces barres qui continuaient d’émerger dans la végétation.

Aujourd’hui l’intensification a pris de l’ampleur et a changé de forme urbaine. De hauts immeubles de bureaux, de grands hôtels, des immeubles de logements luxueux viennent refermer les rues, marquer les carrefours et dessiner un nou-veau skyline. On retrouve les notions d’alignement et de prospect, et on ménage des vues sur le parc depuis ces immeubles. Les rez-de-chaussée sont dédiés

LE MODÈLE DE LA VILLE-PARC

au commerce. Le grand parc dans lequel étaient posés les premiers bâti-ments se transforme en poches de végétation en cœur d’îlots, bien que ceux-ci restent des îlots « ouverts ».

L’INTENSIFICATION,LA NOUVELLE SKYLINE

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3) Demain la suite

Il est difficile de dire à quoi ressemblera ce quartier dans quelques années car tout est encore en process, autant les nouvelles constructions que les réamé-nagements des espaces publics.

Pour le moment le résultat de la densification est à l’image de la ville : un joyeux désordre, où toutes sortes de formes urbaines se juxtaposent mais où la qualité de vie et la végétation demeurent visibles. Avec l’implantation de ces nou-veaux programmes ainsi que le maintien de ceux qui préexistaient (notamment un grand marché), le quartier a gagné en qualité de vie et en animation sans perdre ses qualités intrinsèques, peut-être même en les protégeant.

La prochaine étape est de savoir si conserver ces quelques éléments quali-tatifs pour la vie quotidienne des habitants va être possible dans la durée alors que la facilité demanderait certainement de réduire encore la part d’espaces verts et de remplacer les bâtiments trop bas par des immeubles plus hauts.

QUEL AVENIR POUR CE QUARTIER ?

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L’AVENUE MARSZAŁKOWSKA

1) Une histoire marquée

L’avenue Marszałkowska est un axe majeur du centre-ville de Varsovie. Elle est devenue après la reconstruction le lieu d’expression du modernisme soviétique des années 50 aux années 80.

Ainsi les soviétiques commencent dans les années 50 par sa reconstruction par le Sud avec la place Konstytucji. Cette place rectangulaire entourée de bâtiments monumentaux néo-classiques à l’instar du Palais de la Culture et des Sciences. Ce style est repris dans le début de l’avenue Marszałkowska, dans l’optique de créer une avenue monumentale de représentation et de défilés.

Puis face au Palais de la Culture et des Sciences s’élève dans les années 60 et 70 un ensemble de bâtiments modernes sous forme de barres et de tours. Ils accueillent principalement des activités avec des commerces, des bureaux, un hôtel, mais aussi des logements. L’ambiance de l’avenue change ainsi ra-dicalement, avec de grands linéaires commerciaux en rez-de-chaussée ponctués d’espaces publics et de bâtiments remar-quables par leur forme ou leur hauteur.

L’AVENUE MARSZALKOWSKA :UN AXE MAJEUR DU CENTRE-VILLE DE VARSOVIE

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1) Situation actuelle

De nos jours, cet ensemble moderne est resté un lieu de représentation : les grandes marques internationales ont envahies les façades des bâtiments mo-dernes. La vocation commerciale de l’avenue s’est ainsi renforcée par la société de consommation actuelle polonaise. Les galeries basses ont été réhabilitées et accueillent des marques prestigieuses. Les fonctions et les espaces publics demeurent, perdant en qualité avec la surenchère publicitaire, mais restant des espaces agréables et très fréquentés.

La densification de ce tissu est difficile car il comporte peu d’espaces lais-sés vacants, le foncier est déjà quasiment totalement utilisé. L’ensemble des bâ-timents est dans un relativement bon état, et leur forme ne semble pas obsolète. La voie de la réhabilitation semble donc être privilégiée. Les locaux d’activité se renouvelant plus rapidement que les logements les surplombants, des contrastes se créent dans ce quartier.

2) Une évolution continue

L’ensemble des projets urbains actuels vont dans le sens d’une forte urba-nisation de l’avenue Marszałkowska sur l’ensemble de ses bords, en particulier celui du Palais de la Culture et des Sciences. En effet, le parc autour du Palais servant de dégagement à ce monument est considéré comme foncier potentielle-ment mutable par l’ensemble des acteurs privés et publics.

LA VOCATION COMMERCIALE DE L’AVENUE MARSZALKOWSKA

Le croisement Centrum est lui aussi réaménagé avec une nouvelle émergence face

LES PROJETS EN COURS

Cette nouvelle vague d’urbanisation de l’avenue semble être en continuité avec les précédentes. Chaque époque laissant sa marque dans cette avenue cen-trale, le prolongement de son urbanisation semble immanquable.

à la tour du Novotel et la reconstruction des bâti-ments formant les angles de la place.

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DES EXEMPLES DE MORCEAUX URBAINS SIGNIFICATIFS

GDANSK

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GDYNIA

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VARSOV

IE

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PARTIE II.

A. ÉMERGENCES

B. LES ACTEURS ET LEURS LOGIQUES

L’URBANISME LIBÉRAL EN POLOGNE

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II. A. ÉMERGENCESL’expérience socialiste a suffisamment marqué le peuple polonais et ses ins-

titutions pour qu’ils rejettent massivement les pratiques de planification autoritaire.

Lors de la préparation du voyage, des interlocuteurs nous avaient décrit les villes polonaises, et notamment le centre de Varsovie, comme un chaos urbain. On avait donc craint de découvrir des villes défaites par les règles du libéralisme. Or, après visites et rencontres, sans nier les effets des choix économiques et politiques faits par les politiques et les acteurs économiques et mis en forme par des archi-tectes généralement locaux, l’apriori d’une dérégulation mérite d’être réexaminé. Il correspond à une phase de l’histoire urbaine de ce pays qui en a vu d’autres bien plus cruelles !

UNE LONGUE TRADITION DE PLANIFICATION QUI SE PERD DANS LES SABLES JURIDIQUES ET RÉGLEMENTAIRES

Au début du XIXe, comme la plupart des pays européen, la Pologne a connu un mouvement d’intérêt très grand pour la planification urbaine, largement porté par les questions de l’habitat et des transports, avec des lois sur l’embellissement des villes en 1918 et 1928. « Dans un État émancipé en 1918 des trois empires, archi-tectes et urbanistes contribuent à forger une culture nationale» écrit et démontre finement Corinne Jaquand. Par ailleurs, du fait de la proximité de l’Allemagne et des échanges entre les élites, les débats sur le devenir de Berlin ont largement influencé les perceptions modernistes polonaises. Le concours du Grand Berlin de 1910 a inspiré les plans métropolitains de Varsovie en 1916 et 1931. Les idées de Tadeuzsz Tolwinski marquent les esprits par son urbanisme paysager, la rationalisation de tous les réseaux ; etc. Mais il n’a pas été appliqué pour des raisons constitutionnelles. Le plan de 1931 voit plus grand, avec une métropole de 3 millions d’habitants et reprend les idées antérieures en leur donnant plus de cohérence. Mais la dépression des années 30 l’a rendu inapplicable !

Durant la guerre, la résistance continua à penser de nouveaux plans de Varso-vie, alors que les allemands voulaient réduire la ville à 130 000 habitants seulement ! Mais en 1945, la destruction de la capitale a généré des questions fortes : fallait-il reconstruire au même endroit ? À l’identique ? En dépit des grandes difficultés du moment, il fut décidé de reconstruire sur place, voire même sur les ruines. La renais-

sance de la capitale cristallisa l’élan patriotique avant tout sur la reconstruction de la ville médiévale et des monuments emblématiques. La municipalisation des terrains de la ville fut décidée en 1945 et facilita grandement cette reconstruction, tandis que les débats d’architectes modernistes, les uns proches des CIAM, les autres formés en URSS, était vifs.

Une fois le rideau de fer tombé, c’est le modèle imposé d’une Varsovie socialiste qui prit forme en 1949 avec la force massive des quartiers d’habitations socialistes mais aussi un centre en béance, où fut érigé le Palais de la culture, cadeau imposé du grand frère russe.

Mais globalement les moyens demeurèrent largement insuffisants pour ré-pondre aux besoins d’habitat. Presque toute la période socialiste, fut donc mar-quée par la pénurie, les difficultés de la vie quotidienne et la stagnation urbaine.

Après 1989 et les élections libres, les lois de 1990 et 1994 limitèrent ce qui pouvait s’opposer à la liberté des investisseurs. À Varsovie, le plan de 1992 rendit constructibles des terrains non urbanisés, des espaces verts, ce qui provoqua un excédent de terrains mis sur le marché.

Cependant, les autorités et le milieu professionnel étaient bien conscients de la nécessité d’un travail de planification, d’où le lancement de nombreux pro-jets et concours d’urbanisme, non seulement dans la capitale mais aussi dans les autres grandes villes. Toutefois au-delà des grands discours, il n’y eut pas de réels plans globaux et les velléités de proposer une forme urbaine maîtrisée furent vite étouffées. C’est de là que provient le hiatus entre discours, textes et pratiques et dont les nouvelles formes urbaines rendent visuellement compte.

À l’origine des problèmes de cohérence et de qualité de cette forme contemporaine de la ville, on trouve une question foncière non ou mal résolue, un droit fonctionnant mal et une logique d’acteurs où le secteur public trouve difficilement sa place.

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LA QUESTION FONCIÈRE

Durant la période socialiste, la nationalisation des biens n’a porté en fait que sur les propriétés urbaines, le milieu rural gardant le droit de propriété, soit 70% du sol du pays. Par ailleurs, en ville, les propriétaires pouvait garder un logement et un seul, mais devait se plier à la règle socialiste de n’utiliser que 17m2 par personne ce qui signifiait qu’ils devaient accepter le principe des ap-partements communautaires imposé par les autorités. Après la chute du régime, il fut décidé que les propriétaires étaient fondés à retrouver leurs droits : trouver une solution pour ceux qui partageaient l’usage d’un appartement, redonner les parcelles détruites à ceux qui avaient été spoliés, etc. Cette question se révéla extrêmement difficile à traiter notamment pour l’ancien ghetto, dont la popula-tion avait été complètement exterminée, mais pour lequel des ayants droits de parents du monde entier pouvaient introduire des requêtes. Il en allait de même pour les ayant-droits dans des immeubles détruits dont les parcelles avaient fait l’objet d’une nationalisation et d’une reconstruction socialiste.

La question est devenue d’une très grande complexité, lente à traiter alors que les intérêts en jeu sont très grands dès que l’on s’approche de l’hypercen-tre : pas plus de 20 % des cas ont été traités ! On comprend que les avocats de Varsovie constituent un lobby d’une puissance fortement intéressée.

Comme il fallait répondre aux nouvelles demandes d’habitat, ce sont les terrains de la périphérie qui ont été alors rapidement convoités. Leurs formes en lanière ont défini la forme bâtie ; en effet, l’absence de plan fait à temps a pri-vilégié les attributions de permis de construire au coup par coup et rapidement, du fait des lois générales très libérales. Les extensions urbaines n’ont pas pris majoritairement la forme des maisons individuelles, comme en France. Ce sont plutôt des immeubles de 2 à 3 étages, selon les dimensions des lots d’un seul tenant, qui sont à l’origine de ces plaques monofonctionnelles d’habitat denses et architecturalement très diverses ou composites que l’œil découvre dès que l’on sort un peu des centres. Le puzzle des anciennes propriétés foncières se lit ai-sément désormais avec ces nouvelles urbanisations, et la densité bâtie ne cesse d’augmenter dans les opérations les plus récentes.

Quand on se rapproche des centres, les paysages urbains sont truffés de dents creuses. En parallèle à la suburbanisation, les acteurs, principalement privés, se sont lancées dans des opérations de régénération urbaine de taille va-

riable, issues de l’apparition de friches péricentrales provoquées par les fermetures d’usines obsolètes.

La Pologne urbaine change brusquement de visage de tous les côtés, tout en gardant une image patrimoniale.

La fiscalité foncière n’est pas un instrument de régulation de cette fièvre. En effet, elle est uniforme à l’échelle du pays et de surcroît légère. Elle favorise la ré-tention foncière alors que le pays connaît une croissance économique forte et attise toutes les convoitises. De manière classique, prix foncier et densité croissent simul-tanément, sans que le droit puisse corriger grand-chose.

Le foncier public fait l’objet de deux autres politiques significatives :

• Les logements communaux de la période socialiste ont été rapidement vendus au dixième de leur valeur, car les villes ne voulaient pas les entre-tenir. Il semble cependant qu’il reste des immeubles communaux, souvent les plus obsolètes qui peuvent ne pas être réhabilités (cf. Praga à Varso-vie) faute de moyens.

• Enfin, les institutions publiques ont tendance à vendre leur foncier pour se désendetter ou pour financer leur développement. À Gdansk, l’univer-sité a de nombreux établissements dispersés dans toute l’agglomération. Parmi ses emprises foncières, l’une est particulièrement à enjeu : 15 ha en centre-ville ; elle souhaite y regrouper tous ses centres de recherches et facultés. Elle a commencé par accorder des baux précaires renouve-lables aux promoteurs commerciaux, ce qui lui donnait de la ressource pour commencer à construire. Il nous a ainsi été possible de découvrir une immense zone commerciale avec en arrière-plan des bâtiments d’ensei-gnement en construction, une mixité fonctionnelle très temporaire. Autre exemple, la ville de Gdansk s’étant engagée dans la modernisation de son réseau routier au prix fort, elle vend des terrains publics pour garder un endettement soutenable.

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UN DROIT PROBLÉMATIQUE

Le droit de l’urbanisme est régi par deux lois principales, mais elles sont mo-difiées en permanence par décrets pour des raisons politiques, ce qui augmente sa complexité :

• La loi de 1994 sur la construction est abondamment utilisée lorsque les plans d’urbanisme ne sont pas encore publiés.

• La loi de 2003 sur l’urbanisme est une loi en théorie très complète. Basée sur un mode de pensée linéaire de l’urbanisme, elle est très peu pratique et n’est pas efficace.

Formellement, l’urbanisme apparaît comme sur-régulé par les textes, mais dans la réalité, libérale d’application, les lois sur l’environnement étant peu contrai-gnantes.

L’urbanisme est une prérogative communale et les intercommunalités n’exis-tent pas. À Varsovie l’État a donc procédé à des fusions pour rationaliser l’aménage-ment et permettre un meilleur fonctionnement de la métropole. Mais les anciennes communes périphériques, transformées en arrondissement, gardent cependant leur propre rythme de planification et d’élaboration de projets…

Les niveaux supérieurs à la commune (Voïvodes, départements) ont en théo-rie la possibilité d’émettre des orientations, mais cela est sans effet, les lois ne préci-sant pas explicitement les objectifs de la planification aux différents niveaux.

La loi de 2003 définit deux types de document :

• Studium (Études des conditions et directions de l’aménagement spa-tial d’une commune). En théorie, chaque commune doit le réaliser avant de définir son plan d’occupation des sols, qui est le seul opposable aux tiers. Le Studium relève d’une obligation de moyens et les études (des ressources naturelles, aux risques en passant par la mobilité et les be-soins d’habitat) à réaliser sont en très grand nombre. Il définit la politique spatiale mais aussi la politique économique et coordonne la multiplicité des plans locaux ; il sert d’indicateur aux investisseurs locaux. Il définit notamment où seront localisés les principaux investissements publics,

ainsi que les lieux où les plans locaux sont obligatoires. Sa complexité en fait une procédure coûteuse pour des villes peu riches ou sous équipées de personnel technique. Le Studium doit intégrer les projets d’équipement public du niveau national ou du Voïvode. Si ces projets changent, la ville doit réintégrer ces nouvelles données c’est-à-dire re-faire une grande partie du Studium ! Enfin, sans Studium, pas de plan local.

• Le plan d’aménagement local est destiné à encadrer les zones en développement. À l’échelle d’une grande ville, il se présente non pas sous la forme d’un document unitaire mais sous la forme d’une marqueterie de plans à des échelles petites inégalement répartis ; ces plans localisés faisant suite au Studium sont longs à établir et font l’ob-jet de procédures formellement lourdes. La loi prévoit des révisions tous les 10 ans, mais il semble que les plans peuvent être en révision permanente. Le plan local impose toutes les règles que l’on trouve dans les PLU français, voire plus, et intègre l’équivalent de nos études d’impact. Initié par le Maire et discuté avec la Région, financé par la ville il est très compliqué doit être signé par un urbaniste agréé.

Il semble que le faible nombre de documents publiés tient non seulement à l’incertitude sur les projets sous-jacents, mais surtout au partage du finance-ment des équipements. En effet, le plan local ressemble à un Paz par sa finesse et ses intentions, mais il n’organise pas une juste répartition de la charge des équipements entre les investisseurs, les propriétaires et la puissance publique. Il donne des droits à construire mais pas des obligations d’équipement. Dans ces conditions, la collectivité doit tout assumer : d’abord acheter les terrains néces-saires aux équipements d’infrastructures ou de superstructure au prix du marché puis le financer par elle-même ! Comme les finances publiques sont faibles et que le libéralisme est le credo politique du moment, il n’y a ni urbanisme concerté à la française, ni urbanisme stratégique à l’anglo-saxonne. Aussi, la municipalité ne s’engage dans ces plans que lorsqu’elle a un projet fort ou que celui-ci ne porte pas à conséquence. Dans la mesure où le plan définit finement les droits à construire, les PC s’obtiennent ensuite facilement.

On comprend que les plans locaux soient si peu nombreux.

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Le droit de la construction plutôt que le droit de l’urbanisme. En consé-quence, les investisseurs préfèrent demander des autorisations de construction qu’utiliser le droit de l’urbanisme, y compris pour de grandes parcelles nécessi-tant des aménagements. Si la ville s’y oppose, le pétitionnaire se présente devant la juridiction et gagne son procès la plupart du temps car les juges n’ont pas d’autres critères que l’égalité de traitement de tous les propriétaires et investis-seurs. La question se réduit alors rapidement à celle de la hauteur de bâtiment -« la limite est le ciel »-, les aspects qualitatifs n’étant pas abordés. Comme le disait un de nos interlocuteurs à propos des tours du centre-ville de Varsovie : « une fois réglés les problèmes fonciers issus des nationalisations, cette forme d’urba-nisation n’a pas de limite, une tour devenant l’argument pour la prochaine dans sa proximité ». 55 % des permis polonais sont les résultats de cette procédure.

Avec une telle logique d’acteurs, de tels principes de l’économie des opé-rations et étant donnée la lenteur de production des plans, les investisseurs ont pris très tôt des positions sur des terrains non urbanisables et ont construit en utilisant les règles minimales : un terrain peu coûteux, de taille maîtrisable et un accès routier par un côté. Ensuite, ils ont réduit les aménagements au minimum et se sont rarement engagés dans les équipements (publics ou privés comme les commerces) nécessaires à la population. Quand les conditions n’étaient pas rem-plies, ils ont construit dans l’illégalité. Un professionnel a fait état de 30 000 biens de ce type à régulariser en Pologne. Un autre professionnel caricaturait les posi-tions des développeurs : l’existence d’un plan fait fuir, car les droits à construire ont donné aux propriétaires des prétentions non compatibles avec les taux de rendement exigés dans les opérations. Il ne reste que les terrains agricoles, peu importe les distances et les conséquences en termes de mode de vie ; de toute façon, il n’y a pas d’intercommunalité pour réguler et, finalement, régulariser une construction illégale ou non faite dans les règles coûte généralement moins cher.

Sans pouvoir communal fort en face, avec des instruments réglementaires déficients, en dépit de leur qualité théorique, les investisseurs génèrent de nou-velles formes urbaines uniquement branchées sur les réseaux existants, laissant aux collectivités le soin d’en assurer les conséquences en termes d’usage : les écoles, le dimensionnement des routes, les fluides, etc. Aux usagers d’y vivre grâce à l’usage obligatoire de la voiture pour toute chose. L’étalement urbain ne trouve de résistance que sur les massifs boisés ou des éléments de nature forts. Dans cette situation, la densité ne peut donc être freinée que par les règles du marché.

Les nouveaux tissus urbains visités durant le voyage peuvent se caractériser comme une sorte de kaléidoscope, non de bâtiments comme à Tokyo, où la petite maison peut coexister avec une tour de dix étages, mais comme de vastes plaques monofonctionnelles qu’il est fort difficile de faire muter. Un exemple significatif nous a été montré à Gdansk où au milieu d’un quartier de villas de standings, en retrait de la route principale, un promoteur a construit 4 tours de 12 étages se touchant presque sans qu’il y ait eu modification des réseaux routiers d’accès. Cette tectonique d’opé-rations est vraiment surprenante car les ensembles sont autistes les uns par rapport aux autres.

Au vu des discussions avec nos interlocuteurs, il n’y a pas de vision d’en-semble ni volonté apparente d’imposer un plan global. Alors qu’on aurait pu s’at-tendre à se voir présenter une vision globale, il nous a été présenté uniquement des projets de quartiers de tailles différentes. La stratégie des investisseurs aboutit à produire des villes largement conditionnées par le zoning, plus faciles et rapides à faire, et répondant mieux aux demandes d’une société dont l’économie repose large-ment sur l’explosion de la consommation. Comme l’offre des grands malls répond à la demande, il en ressort une perte de vitalité des centres ou à la transformation des hyper centres en zones touristiques. Le modèle de « la ville franchisée » de David Mangin s’applique bien aux sites visités.

Il nous a été présenté à Gdansk, la situation d’une route à 2 voies constituant l’ossature d’un quartier que les habitants se refusent à voir transformée en une deux fois deux voies, alors qu’elle saturée. Serait-ce à dire que le débat sur l’urbanisme serait vif et encouragé par les textes ? En fait, la population a gardé un sens aigu de la veille sur son environnement dans le cadre du Nymbisme traditionnel. Mais ses propositions ou les discours les plus argumentés des professionnels, n’ont pas de débouché concret. Les élus les ignorent et la Justice a toujours le dernier mot en fa-veur des investisseurs privés ! Un détail significatif : il n’y a pas d’enquête publique, mais seulement un registre en mairie qui n’est jamais facile à trouver…

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II. A. LES ACTEURS ET LEURS LOGIQUES

LE SECTEUR PUBLIC

Il s’est opéré à partir des années 90, un mouvement de décentralisation où la commune joue un rôle pivot en urbanisme. Il n’y a pas de vision d’agglomération, chaque collectivité agit comme elle l’entend pour se développer.

Dans un contexte de libéralisme, elle ne fait pas l’objet de rejet de la part de la population, même si les professionnels nous ont indiqué que les débats étaient vifs avec les habitants ou les urbanistes. Du fait des équilibres politiques en présence elle est considérée comme cédant trop facilement aux demandes des intérêts privés et ne voyant pas les conséquences des actes qu’elle pose.

En 2012, la conjoncture est très spécifique. La préparation de l’Euro 2012 et le déversement de subventions de l’Europe jusqu’en 2013, mobilisent très fortement les institutions. Celles-ci veulent bénéficier de cette « conjonction exceptionnelle des astres » pour passer à un autre niveau dans la concurrence des villes européennes. C’est le temps de l’investissement, de la remise à niveau des infrastructures pour les grandes villes ; viendra l’autre temps, celui de la gestion et de l’entretien que per-sonne n’a d’ailleurs évoqué durant le voyage (cf. le syndrome grec). Il s’agit d’aller vite, de bien dépenser et de justifier. Être élu libéral en Pologne, c’est avant tout être du même parti que celui qui est au pouvoir central pour bénéficier du maximum de crédits d’équipement (Le premier Ministre habite Gdansk…). Tout est organisé pour maximiser la ressource financière et construire les routes, autoroutes, voies ferro-viaires ou faire surgir les grands équipements publics.

Il est significatif que les stades soient construits majoritairement par les villes concernées avec de l’argent de l’UE, et non en PPP. Les villes se situent dans une politique de l’offre de grands services urbains : Arena, tram et bus, espaces publics.

Au vu de ce qui nous a été montré, il semblerait que les villes se conçoivent avant tout comme les producteurs du réseau du futur cadre urbain, aux investisseurs privés de faire le reste, tout le reste. De nos discussions, il semblerait que les planifi-cateurs urbains du niveau national ne soient pas des urbanistes, mais avant tout des macroéconomistes déliant les obstacles à un développement économique libéral ; aux villes de se débrouiller et de mettre tout en œuvre !

Les villes semblent organisées comme en France avec, cependant, des ser-vices de l’urbanisme moins importants en effectifs. Du fait de la faiblesse des sa-

laires, il n’est pas inhabituel de trouver des personnes, notamment de la fonction publique, exerçant plusieurs activités différentes mais il n’a pas été possible de pousser nos observations quant aux effets sur les politiques d’urbanisme.

Si le secteur privé a autant d’importance, c’est aussi parce que les villes n’ont pas de gros moyens : l’impôt sur le revenu et une partie de la taxe foncière, avec des effets non attendu. Sopot, le Deauville polonais abrite régulièrement 45 000 personnes, mais ne touche que l’équivalent de revenus d’une ville de 32 000, puisque les varsoviens qui l’habitent déclarent leur résidence principale dans la capitale ; quant aux impôts fonciers, ils sont faibles. Le budget des villes dépend donc de leur patrimoine, qu’elles vendent et des subventions nationales ou euro-péennes, d’où la nécessité d’être dans les bons réseaux.

La question peu abordée dans le voyage est celle des équipements et de leur financement. Quand une ville s’étend, les écoles ferment en centre-ville et il faudrait en ouvrir en périphérie. Or les moyens des collectivités sont si faibles qu’elles ne peuvent accompagner la vague d’urbanisation avec les mêmes normes qu’auparavant. Les parents doivent donc amener leurs enfants en voi-ture là où certaines demeurent, le nombre d’élève par classe augmente, etc. Le voyage a permis de traverser un espace public dans le centre de Varsovie, très apprécié des habitants et salarié du quartier, réalisé par l’investisseur suédois Svenska. Ce dernier a proposé de la donner à la Ville, celle-ci s’y est refusée pour des questions d’entretien.

Si la commune joue théoriquement un rôle fondamental dans le droit de l’urbanisme, en fait c’est le droit de la construction qui est le principal instrument largement utilisé. Et le droit ne va pas systématiquement dans son sens. On a ainsi noté des effets contrastés de discours, entre les urbanistes municipaux qui baissent les bras devant des projets privés inadéquats mais qui passeront grâce à la Justice et les techniciens des réseaux, très optimistes, qui voient la moder-nisation en cours et estiment que les retards pris ou les difficultés techniques rencontrées sont seconds.

Le voyage n’a pas permis de détailler le mode d’organisation aval de l’aménagement. À Gdansk cependant, il existe l’équivalent de nos SEM, la Giki, dont la tâche est réduite à la construction du réseau routier et à la construction du bâtiment emblématique « Solidarnosc ». C’est donc une société avant tout technique qui n’a pas de réelle compétence sur les questions de l’aménagement.

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Les autres institutions publiques se « débrouillent » avec leur patrimoine, et les privées font de même. L’armée reconvertit ses casernes comme elle l’en-tend, l’université se réorganise et vend son foncier au privé. Mais de coordination entre acteurs publics il n’a pas été question dans le voyage.

Et surtout, une fois la manne de l’Europe versée, comment seront gérées ou entretenues ces infrastructures ? Sur quelles bases économiques les institu-tions publiques évolueront-elles ?

Le secteur public est actuellement très polarisé par la construction neuve et souvent par ses rapports de la ville à la nature. Mais, la question de la réhabi-litation du patrimoine socialiste ne va pas tarder à se poser. Or personne n’en a parlé durant ce voyage.

LE SECTEUR PRIVÉ DE LA CONSTRUCTION ET DE L’URBANISME

Il est objectivement très dynamique, du particulier au développeur en pas-sant par le propriétaire foncier rural ou urbain. Jusqu’à ce jour, la Pologne des villes a réussi sa mutation dans l’Europe libérale.

Les développeurs privés sont chargés de l’aménagement de leurs par-celles jusqu’à 250 ha ! Ils le font généralement avec une parcimonie de moyens. Les espaces publics faits par le privé sont très hétérogènes, parfois pauvres, parfois généreux en fonction de la clientèle visée par la promotion. Ainsi, il nous a été montré un quartier remarquablement conçu au sud de Varsovie, où les ha-bitants avaient renoncé à une partie des traits de leur Gated Community, pour y vivre mieux, en ouvrant leurs barrières au passage des piétons.

Il n’a pas été possible de déterminer l’origine des capitaux qui s’inves-tissent dans la ville. Simple observation, les grandes opérations du centre de Varsovie (Terrasses d’or, tours du Manhattan) sont le fait de grands investisseurs internationaux qui ont pris des positions très tôt notamment dans le secteur de l’immobilier d’entreprise ou l’hôtellerie. En revanche, les capitaux polonais sem-blent avoir investi le champ de logement, secteur particulièrement en retard de-puis les années 70. La croissance urbaine polonaise par la périphérie semble donc le fait des Polonais eux-mêmes. Le mouvement d’ensemble de la construc-

tion contribue à la croissance du PIB polonais.

Jusqu’à présent, l’offre d’habitat neuf s’est surtout focalisée sur le logement de luxe puis celui des classes moyennes, puisqu’il y a un encouragement à l’accession à la propriété. Mais ce qui correspond au secteur du logement social semble inéga-lement couvert.

La Pologne est-elle un pays où l’on gagne à tout coup ? Il faut être prudent pour avancer quelques conclusions :

• À Gdansk, l’opération de régénération urbaine des chantiers navals, Sy-nergia 99, a entraîné la faillite de deux investisseurs privés qui avaient pris des positions trop avancées sur le foncier. Depuis 15 ans, il ne s’est donc rien passé. C’est une sorte d’opération « Ile Seguin », dont on ne voit pas le devenir, sauf un équipement en mémoire de Solidarnosc.

• À Gdynia, une tour sur le port, audacieuse par son architecture vient rom-pre avec la linéarité des entrepôts et n’est toujours occupée qu’à 30 %.

• Dans la périphérie, les opérations de logement neuf semblent bien oc-cupées, mais du fait de la pauvreté de la vie collective, les habitants des classes moyennes y resteront-ils ?

• Il existe un marché hypothécaire du logement neuf, mais pas de l’ancien. Cela peut-il continuer à fonctionner avec la fluidité souhaitée ?

• Le voyage a permis d’observer que l’architecture était majoritairement ba-nale voire pauvre, et surtout que, tout ayant été construit dans une même période de temps, les effets de masses urbaines sont parfois aussi im-pressionnants que les quartiers socialistes.

Mais surtout, la situation polonaise se révèle faite d’une incroyable diversité.

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Le voyage a permis de découvrir des bâtiments neufs, résidentiels, d’activité, de commerce, des équipements publics à l’architecture de qualité, attestant de l’ima-gination d’une maitrise d’œuvre polonaise. Il se constitue le patrimoine de demain.

C’est en ce sens qu’il faut comprendre l’invitation préliminaire de ces propos à examiner les aprioris que l’on peut avoir sur la ville libérale polonaise. Quel qu’en soit le visage, les personnes croisées semblaient heureuses d’y vivre.

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PARTIE III.

A. EUROPE ET COMMUNE : LES ACTEURS DE L’URBAIN

B. UNE LOGIQUE DE PATRIMONIALISATION ET DE MÉMOIRE SÉLECTIVE

C. LA VILLE, UN TERRAIN INCERTAIN POUR LES OPÉRATIONS DE RÉGÉNÉRATION URBAINE

D. DES POLITIQUES PUBLIQUES QUI SEMBLENT FOCALISÉES PAR LA QUESTION DE LA REMISE EN ORDRE DES RÉSEAUX ROUTIERS: PLANIFICATION, ESPACES PUBLICS

E. LES SERVICES PUBLICS

F. DES GRANDS ENSEMBLES QUI SEMBLENT BIEN OCCUPÉS

G. LA QUESTION DU LOGEMENT : LECTURE DE L’INSCRIPTION DES CLASSES SOCIALES ET MÉCANISMES SOUS JACENTS

H. POIDS LOCATAIRES/PROPRIÉTAIRES ET VENTE DES PATRIMOINES COMMUNAUX

I. LE COMMERCE ET SA TRADUCTION DANS L’ESPACE, SA RESPONSABILITÉ DANS L’ANIMATION URBAINE

J. LES FORMES SOCIALISTES DE L’URBANISME : PERMANENCE ET HÉSITATION D’APPROPRIATION

LES POLITIQUES URBAINES TELLES QU’ELLES SE LISENT PAR LE VISITEUR

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III. A. EUROPE ET COMMUNE : LES ACTEURS DE L’URBAIN Les espaces urbains connaissent en Pologne une transformation remar-

quable. Après la thérapie de choc des années 1990 (privatisation des entreprises d’Etat et libéralisation de l’économie), une croissance dynamique s’est installée dans le pays (+ 3,2 % de croissance moyenne du PIB entre 2000 et 2010). Ses effets sont particulièrement visibles dans la capitale et les autres villes visitées (Triville).

Cette nouvelle Pologne à dominante urbaine expérimente un standard de vie de type occidental, qui s’approprie une grande variété d’espaces. La généralisation de l’automobile permet l’étalement urbain le long des axes routiers, la suburbisation s’impose. Le développement de l’immobilier tertiaire et commercial précipite de nou-velles polarités urbaines (malls, quartier d’affaires, ville-musée…).

Le marché reste l’opérateur majeur des transformations urbaines actuelles, combiné avec un double mouvement de décentralisation et d’intégration à l’Union européenne.

La loi de décentralisation de 1998 a permis la mise en place de pouvoirs lo-caux autonomes du pouvoir central. Les communes perçoivent notamment une part de TVA et le produit de l’impôt sur le revenu, tandis que l’Europe a financé, dès avant la candidature officielle de la Pologne en 1994, le rattrapage et la mise à niveau des grandes infrastructures du pays (aéroports, réseaux routiers ou de transports en commun…). Plus récemment et parfois grâce au concours de l’U.E., les villes se sont lancées dans la construction d’équipements emblématiques, musées ou stades en particulier.

COMMUNE ET FABRIQUE DE L’URBAIN

La commune représente le pivot de l’organisation territoriale polonaise. Il existe 2 489 communes (« gmina »), auxquelles il faut ajouter un échelon intermé-diaire - 305 districts ruraux et 65 villes cumulant le statut de commune et de district (« powiat ») - et 16 régions (« wojewodztwo »).

Chaque commune dispose d’une assemblée délibérante et d’un bureau exé-cutif dirigé par le Maire. Elle est responsable des services de base à offrir à la popu-lation (distribution d’eau, de gaz, d’électricité, chauffage urbain, assainissement et gestion des déchets) mais se préoccupe peu de logement. La Pologne post-commu-

niste a en effet largement privatisé le parc social (vente aux occupants), alors que les communes n’envisagent plus de politique active de construction.

Cette approche explique la position exclusive qu’occupent les promoteurs (essentiellement polonais) sur le marché de l’immobilier résidentiel. Leur activité est soutenue tant en première couronne (densification et privatisation des grands ensembles édifiés sous le communisme) qu’en deuxième couronne (réalisation de programmes résidentiels ex-nihilo).

En matière d’urbanisme, les communes sont responsables de l’élaboration d’un schéma directeur ou « étude », sans caractère de contrainte mais permettant l’affichage de grands objectifs spatialisés en matière de construction (fonctions, hauteur, densité…), d’environnement ou de transport. Elles doivent également élaborer et valider des plans locaux détaillés pour l’ensemble de leur territoire, qui sont les seuls documents opposables aux tiers (permis de construire). Cette procédure d’élaboration des plans locaux souffre néanmoins de difficultés cer-taines…

A titre d’exemple, moins de 30 % du territoire de Varsovie est couvert par un plan détaillé en 2012. Ceci plus de 10 ans après le lancement de la procédure de planification dans la capitale.

Les plans locaux détaillés (échelle au 1:2000) exigent une préparation mi-nutieuse. Leur production à l’échelle du fragment de quartier est un défi pour les équipes municipales, dans un contexte où les visions politiques de l’urbanisme restent sommaires. Les administrations locales avancent donc sans schéma d’ensemble, priorités ou calendrier pour couvrir les zones blanches.

Les élus semblent s’accommoder d’une absence de règles par trop contrai-gnantes. La plupart des permis de construire accordés le sont de façon provisoire (zones blanches), sans grand risque d’invalidation par le juge. Si cette culture du laisser-faire est favorable à l’investissement, elle freine la mise en œuvre de projets urbains complexes.

La crise financière a ainsi eu raison de la conversion des docks et des chantiers navals de Gdansk avec le retrait de deux investisseurs successifs (américains puis danois). Sans perspective de long terme, la Ville est incapable de relayer l’investissement privé, le projet « Young City » reste à l’arrêt.

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En règle générale, la maîtrise de l’urbanisation par les communes appa-raît limitée. En plein cœur de Varsovie, l’émergence d’un « Manhattan » face au Palais de la Culture ne connaît qu’une mince limite, la reconnaissance de pers-pectives monumentales liées au statut de la vieille ville (reconstruite après 1945 et inscrite au patrimoine protégé par l’UNESCO).

Dans les communes périphériques des grandes villes, le laisser faire et l’absence de coopération intercommunale, ainsi que le poids politique des pro-priétaires ruraux aboutissent à une mise en coupe réglée des terres agricoles. Les lotissements (pavillons ou petits collectifs) poussent donc de façon dispersée au gré des opportunités.

Les pouvoirs locaux, comme en attestent différents professionnels de l’ur-banisme et universitaires rencontrés, ne disposent donc pas d’outils régulateurs capables d’encadrer le déploiement des forces de marché. Un mot revient sou-vent, celui de chaos.

L’EUROPE, UN LEVIER ESSENTIEL DE FINANCEMENT

Au-delà de cette croissance quelque peu anarchique, les communes peu-vent compter sur le soutien financier de l’UE dans les domaines du transport, de la protection de l’environnement et de la culture.

Beaucoup reste à faire… Le rattrapage d’infrastructures routières et auto-routières, initié dès 1991 par des fonds spécifiques (programme PHARE), est tou-jours d’actualité. La Pologne ne dispose pas encore d’un réseau autoroutier com-plet la traversant d’est en ouest et du nord au sud. Parallèlement, l’UE conduit des politiques relativement ambitieuses en direction des grandes villes. Il s’agit de soutenir la réalisation d’équipements culturels pouvant contribuer à l’ancrage du pays au sein de l’édifice européen.

Accélérée depuis l’adhésion officielle de la Pologne à l’UE, cette stratégie repose d’abord et avant tout sur l’apport des fonds structurels européens. Ces derniers ont permis, à titre d’exemple, de financer 60% de la construction d’un centre mémoriel « Solidarnosc » à Gdansk, dont le mouvement syndical éponyme sera l’exploitant définitif (la Ville de Gdansk assurant le reste du cofinancement).

Ce véritable musée de la résistance au communisme consacrera une part importante de ses espaces d’exposition aux différents mouvements de lutte et de dissidence ayant existé en Europe de l’Est pendant la domination soviétique. Il abri-tera 25 000 m2 de galeries d’exposition, un auditorium, une médiathèque et une bibliothèque pour un coût de construction estimé à 70 millions € (300 M. POL). Ce montant équivaut à celui du Centre Pompidou de Metz, qui compte pour sa part 5 000 m2 d’espaces d’exposition et autant d’espaces logistiques.

Pour donner la pleine mesure de l’aide européenne à la Pologne, il convient d’évoquer l’Euro 2012 de football. Plus de 25 milliards € ont été distribués par l’UE depuis l’attribution de cette compétition sportive à la Pologne, afin que soient ache-vés les travaux d’infrastructures nécessaires à l’accueil des 500 000 visiteurs at-tendus (aéroports et tronçons autoroutiers principalement). Les villes hôtes de la compétition en bénéficient pleinement sans toujours parvenir à terminer les chantiers à temps (cas de la voie express conduisant au stade de Gdansk). Ce fait demeure anecdotique au regard des aides versées pour l’achèvement du réseau autoroutier : 38 milliards € programmés pour la période 2007-2015 au travers du FEDER.

Afin de conclure, il est possible d’affirmer l’existence d’un système de gou-vernance hybride, au sein des villes polonaises, où la classe politique locale et les investisseurs semblent converger vers un certain laisser faire, mais où l’UE intervient fortement pour le financement des projets d’infrastructures et désormais de grands équipements. Les projets commerciaux et tertiaires se développent rapidement, la ville franchise triomphe en quelque sorte, synthétisant la vision de court terme des acteurs de l’urbain.

Il n’est pas excessif de parler d’une certaine incapacité politique à combiner au plan local vision de long terme, dynamique du privé et force de frappe des fonds eu-ropéens. Il est fort possible qu’une fois épuisés les ressorts d’un succès rapide, tant les populations que les acteurs publics et privés seront contraints d’inventer d’autres manières de faire et défaire la ville.

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III. B. UNE LOGIQUE DE PATRIMONIALISATION ET DE MÉMOIRE SÉLECTIVE Témoignage de l’histoire, le patrimoine hérité des différents régimes succes-

sifs polonais est parfois encombrant. L’espace urbain polonais en porte la marque, fondamentalement soviétique.

A la chute du régime communiste, la question du devenir de ces formes ur-baines a fait largement débat.

Dès lors, deux options se sont offertes aux polonais. La première option consistant à détruire ce patrimoine, au risque d’en oublier la mémoire, la seconde consistant à le préserver, quitte à basculer dans une lecture muséifiée de l’urba-nisme.

La question de la patrimonialisation ou non de ces témoins urbains est donc une question sensible pour la démocratie polonaise, et se traduit par une patrimonia-lisation très inégale selon les époques, signe d’une mémoire sélective.

UNE QUESTION SENSIBLE, ET UNE PATRIMONIALISATION DIFFICILE

La sensibilité de la question et l’antagonisme des approches sont tels que même quand la patrimonialisation semble décidée, le destin du lieu ou du bâtiment en question n’est pas scellé pour autant. Ainsi même quand un monument est pro-tégé au titre des monuments historiques, il peut continuer à être menacé par des actes de vandalisme ou par des projets d’aménagement urbain. L’un des exemples les plus flagrants est celui de la préservation du palais de la culture de Varsovie. Ce monument soviétique, qui marque le paysage urbain de la ville de manière specta-culaire avec des dimensions grandioses, a été préservé. Néanmoins, il est difficile de parler d’une réelle valorisation puisque les projets aujourd’hui visent à étouffer ce monument par des tours à proximité immédiate pour gommer un vaste espace public qui met d’autant plus le monument en valeur.

« Préserver, oui ; mais valoriser, non ! » tel pourrait être l’adage qui caractéri-serait le rapport au patrimoine socialiste en Pologne.

D’UN RAPPORT AMBIVALENT AU PATRIMOINE SOCIALISTE…

Les raisons justifiant les choix de conserver ou non des monuments sont multiples et ne répondent pas forcément à une logique de destruction volontaire. En effet, le patrimoine socialiste est récent, et en comparaison avec les monu-ments les plus anciens, et dispose d’une considération patrimoniale particulière. Des menaces pèsent sur ces bâtiments en raison du coût que peut représenter leur réhabilitation et surtout de l’espace foncier qu’ils représentent en cas de démolition du fait de leur forte emprise au sol. De plus, au-delà de toute consi-dération esthétique de leur aspect massif, ces constructions, encombrantes sur les plans spatial et visuel, sont parfois une contrainte importante dans l’évolution de l’urbanisme notamment pour la requalification des quartiers où ils sont situés.

Encore une fois, l’exemple emblématique est ici le Palais de la Culture et de la Science (Palac Kultury i Nauki, PKiN) de Varsovie. Offert par Staline à la Pologne, alors un des pays satellites de l’URSS, il fut construit entre 1952 et 1955. A son inauguration, c’était la plus haute construction d’Europe après la Tour Eiffel, mesurant 230 mètres auxquels s’ajoutent les 43 mètres de l’antenne. Aujourd’hui, 6ème gratte-ciel en Europe et classé au monument historique depuis 2007, il provoque une réaction ambivalente de la part des Polonais. En effet, s’il est considéré comme un symbole de la ville, celui-ci n’est pas forcément aimé par les habitants comme le montrent les surnoms qui lui sont attribués tels que la « pièce montée », le « gâteau de mariage russe », la « caserne verticale », ou encore le « monstre ». En ce sens, il apparaît qu’aujourd’hui son appréciation esthétique et son intégration au reste de la ville ne semblent pas aller de soi. Aussi, régulièrement, un homme politique polonais, Radoslaw Sikorski, relance la polémique en appelant à la démolition du bâtiment. Selon lui, cette démolition permettrait de libérer de la place pour créer des espaces verts en centre-ville et de faire de substantielles économies. En effet, le bâtiment par son entretien et son fonctionnement est une charge financière importante.

… A UNE PATRIMONIALISATION SÉLECTIVE…

Tant à Gdansk qu’à Varsovie, le centre historique, bien qu’en très grande partie détruit, a été reconstruit à l’identique après la seconde guerre mondiale. Ces quartiers sont dans un excellent état de conservation, à la différence des

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quelques rares quartiers datant de la fin du XIXème siècle comme Praga à Var-sovie, qui eux sont dans des états de délabrement avancés. Il semble que les polonais s’attachent tout particulièrement à valoriser le patrimoine de l’époque où la Pologne rayonnait au-delà des frontières.

ET À UNE COMMÉMORATION DE L’HISTOIRE JUIVE DISCRÈTE

L’occultation de l’histoire juive du pays reste aussi problématique. Par exemple il ne subsiste que très peu de traces du ghetto de Varsovie. En ce sens, la Pologne semble avoir mémoire relativement sélective, préférant occulter les moments les plus sombres de son histoire, et valoriser uniquement un patrimoine qui rappelle la grandeur pays. Mais le musée de l’histoire des Juifs de Pologne, devant ouvrir en 2013 dans le quartier de Muranow, devrait néanmoins permettre une réappropriation progressive de ce passé.

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III. C. LA VILLE, UN TERRAIN INCERTAIN POUR LES OPÉRATIONS DE RÉGÉNÉRATION URBAINE LA POLOGNE, UN TERREAU FERTILE POUR LES OPÉRATIONS DE RÉ-GÉNÉRATION URBAINE

La ville polonaise, subissant le contrecoup du choc politique et économique de la fin de l’épisode communiste est un terrain d’expression particulièrement favorable à la régénération urbaine.

Dans la tri-ville, les zones portuaires et d’activités navales représentent des fonciers à fort potentiel : proximité du centre, valorisation résidentielle du bord de l’eau, bonne desserte par les infrastructures routières.

A Varsovie, les secteurs péricentraux (Praga, quartier autour du musée de l’insurrection de la ville) contiennent de nombreuses friches industrielles et des îlots dégradés particulièrement intéressants dans un contexte de croissance et de muta-tion économiques.

TERRAIN VAGUE AU PIED DU CENTRE SOLIDARNOSC À GDANSK

IMMEUBLES DÉGRADÉS DANS PRAGA À VARSOVIE

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MAIS LA RÉGÉNÉRATION URBAINE EST À L’OPÉRATION ET SOUS PERFUSION EUROPÉENNE

LA SEA TOWER À GDYNIAET LA TOUR D’HABITATION

DE DAVID LIBESKINDDANS CENTRUM À VARSOVIE

Peut-on parler de régénération urbaine ? Les projets d’équipements (stades, musées, in-frastructures) sortent au prix de financements eu-ropéens, tandis que les opérations d’envergure (chantier navals de Gdansk, secteur portuaire de Gdynia) portées par le privé ne sortent pas ou ne trouvent pas preneur. La ville se régénère autant qu’elle s’étend à l’échelle de l’opération (tours de bureaux à Varsovie, secteurs résiden-tiels dans la périphérie de Gdynia).

La régénération du tissu passe par un pro-cessus de démolition-reconstruction plutôt que par la rénovation de l’existant, en témoigne la tour d’habitation proche du Palais de la Culture, conçue par D. Libeskind. Cette opération a été rendue possible par la démolition d’un immeuble édifié 25 ans auparavant.

Par ailleurs la régénération n’a pas été catalysée par l’Euro 2012 : les chantiers d’infras-tructures et d’équipements ont pris du retard.Au moins les stades seront, semble-t-il, prêts !

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III. D. DES POLITIQUES PUBLIQUES QUI SEMBLENT FOCALISÉES PAR LA QUESTION DE LA REMISE EN ORDRE DES RÉSEAUX ROUTIERS : PLANIFICATION, ESPACES PUBLICS

POLITIQUE DE PLANIFICATION INACHEVÉE : L’EXEMPLE DE VARSOVIE

La Pologne connaît plusieurs strates de documents d’urbanisme :

• Les plans locaux réglementent et orientent l'urbanisme à l'échelle du quar-tier. Leur niveau de détail est important. Ils sont les seuls documents d'ur-banisme servant de base légale à la délivrance de permis de construire.

- A Varsovie peu de plans locaux ont été adoptés : ils ne couvrent que 30 % du ter-ritoire. Le reste du territoire peut se trouver dans deux situations. Soit un plan local est en cours d’adoption et les permis doivent respecter certaines procédures parti-culières. Soit le territoire n’est couvert par aucune règle spécifique : 52% des permis sont délivrés sans aucun plan.- L’élaboration de ces plans est également très lente puisque la durée prévue de la loi est d’un an et trois mois alors que les plans aujourd’hui élaborés ont nécessité sept ans et six mois en moyenne.- Par ailleurs, il arrive que l'administration ne les respecte pas, privilégiant les déci-sions politiques aux documents de planification.

• A une échelle plus large, l'étude sur les conditions et les orientations du développement du territoire est censée assurer la cohérence de l'aména-gement du territoire à l'échelle de la gmina (municipalités). Lors de l'éla-boration des plans locaux, ces lignes directrices doivent être prises en compte. Cependant, ces documents d'urbanisme ne sont pas obligatoires.

- A Varsovie, les autorités de la ville ont adopté l’Étude des conditions et des orien-tations de l'aménagement du territoire en 2006. Si elle est toujours d'actualité, il est possible de lui reprocher de se borner à décliner les différentes questions sectorielles (infrastructures, trames vertes, perspectives patrimoniales) sans réelle vision d’en-semble.

• L’absence de gouvernance métropolitaine est problématique. Bien qu’une loi prévoyant les modalités d’une gouvernance métropolitaine soit en dis-cussion, il n’existe pas encore de politique à l’échelle de la métropole.

- A Varsovie, cela conduit inévitablement certains acteurs à contourner les politiques de planification en dépassant les limites administratives de la ville.

Le système de planification présente finalement des dysfonctionnements majeurs. Il est à la fois trop précis et contraignant en ce qui concerne les plans locaux, et peu efficaces pour assurer une véritable cohérence du développement des territoires municipaux et métropolitains. Il peut être à la fois un frein au dé-veloppement de certains quartiers tout en ne permettant pas d'empêcher, dans d'autres cas, un développement incontrôlé (ex : il n'y a pas d'outils légaux pour protéger les espaces verts et les corridors écologiques).

Le fait que certains documents n'aient toujours pas été actualisés et que l'administration ne les respectent pas non plus crée un climat d'incertitude pour les promoteurs qui ne savent plus sur quel document s'appuyer.

La volonté d'ordonner, rationaliser et simplifier le système de planification est donc une étape indispensable pour un développement économique durable.

DES ESPACES PUBLICS PARFOIS TRÈS INTÉRESSANTS

L’urbanisme polonais est marqué par une place importante dévolue à l’au-tomobile. Les infrastructures routières prennent une grande part des espaces publics, et la ville est pensée pour être facilement traversée en voiture. Dans le quartier de gare de Varsovie, le piéton est relégué aux espaces souterrains et son déplacement est fragmenté par des barrières, des coupures urbaines contrai-gnant la fluidité mais aussi la lisibilité des espaces publics. Il reste que les centres villes, récemment réaménagés ou en cours de réaménagement, offrent des es-paces de qualité, même s’ils sont ceinturés par des voies routières de fort gabarit

C’est paradoxalement dans la couronne urbaine péricentrale, qui alterne espaces verts et habitat collectif, que les espaces publics paraissent le mieux traité.

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CARNET DE VOYAGE EN POLOGNE - mai 2012 - 55 -CARNET DE VOYAGE EN POLOGNE - mai 2012 - 55 -

III. E. LES SERVICES PUBLICSLa Pologne a connu en 1990 un renversement complet, politique, social

et économique. Le passage du communisme à une démocratie libérale a boule-versé la place et la gestion des services publics au sein des villes. Les systèmes de santé, d’éducation et de transports, piliers du système communiste, ne sont-ils pas aujourd’hui les parents pauvres de l’urbanisme polonais ?

UN CHANGEMENT DE PARADIGME

1) D’un système communiste intégré…

Le communisme considère le logement et plus largement l’organisation urbaine comme des supports pour la production. Au lendemain de la guerre, c’est cette logique qui guide l’effort de construction : il faut redresser l’économie et renforcer la productivité des travailleurs. Entièrement publics, les programmes de construction communistes sont caractérisés par des durées de construction très rapides, une forte homogénéité architecturale et une intégration des services publics. Il faut permettre l’accès rapide et gratuit aux soins et à l’éducation, déve-lopper des transports collectifs à même de lier foyer et travail. La Pologne connait ainsi pendant plus de 40 ans un « urbanisme total » où l’Etat prend en charge l’ensemble des besoins individuels et l’éducation des enfants dès 3 ans. Outre quelques bâtiments publics monumentaux, la Pologne possède ainsi dans les années 90 un maillage important d’écoles et d’hôpitaux et de transports publics. La majeure partie du système de tramway de Gdansk est issu de cette période :

4 KONSTAL NGD99 DE 1997

115 TRAMWAYS KONSTAL 105NA/105NAD, DE 1975

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Kowale en 2

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Kowale 

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2004 

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Gdansk 

 

 

Une opération iimportante de l

immobilière typel’automobile. En 

e : petit collectif, cours de réalisat

 place tion.  

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GDANSK

KOWALE

KOWALE

GDANSK

On observe ici le mitage de l’espace urbain produit par l’urbanisation non maitrisée à proximité de Gdansk. Les promoteurs produisent des morceaux de ville sans aucun service ni aucune desserte en transports publics, d’où la place centrale des parkings. L’école la plus proche est à Kowale, et les lieux de travail sont Gdansk, Gdynia ou Sopot.

b) À un système libéral fragmenté

La chute du communisme a provoqué l’ouverture des marchés, l’émer-gence d’un secteur d’activité concurrentiel dans l’immobilier et le retrait progressif des politiques publiques liées au logement. L’organisation foncière et l’absence de règlement d’urbanisme, conjugués à cette ouverture des marchés, entrainent rétention et spéculation. Les promoteurs achètent les anciens terrains agricoles et développent des programmes adaptés aux nouvelles aspirations sociales : calme de la campagne, qualité du lieu de vie. Témoin de ce phénomène : le marché du neuf est florissant tandis que le marché de l’ancien quasi-inexistant. Il en découle une extension urbaine sans précédent, soutenue par l’exode rural et l’émergence de nouvelles classes moyennes. Cette extension n’est ni contiguë à la ville ni structurée par les voies de communication : les opérations des promo-teurs sont isolées, se soucient peu de l’accès aux services publics, et induisent un fort mitage de l’espace.

KOWALE EN 2004

KOWALE EN 2011

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III. 6. DES GRANDS ENSEMBLES QUI SEMBLENT BIEN OCCUPÉSRéalisés selon le modèle de la charte d’Athènes, les grands ensembles

des années 1960 et 1970 semblent montrer une réalité tout autre que celle qui prévaut en France. On y trouve une morphologie relativement homogène (essen-tiellement des barres et très peu de tours) mais une certaine diversité architec-turale. Leur insertion dans la ville diffère aussi : ville-parc, front de rue, quartier urbain.

Les bâtiments semblent bien entretenus, ne présentant pas de graves signes de dégradation, et les espaces publics les entourant possèdent une qualité paysagère et une qualité d’usage. L’utilisation du relief naturel, la création d’une coulée verte et le choix d’une végétation diverse font des espaces publics des paysages travaillés. Les usages récréatifs sont aussi présents, avec des jardins collectifs ou encore des terrains de sport dans l’enceinte même de la ville-parc.

Un certain nombre de facteurs peuvent expliquer cette impression de réussite du modèle. Ces quartiers de logements sont très bien connectés à la ville et intégrés dans le paysage urbain. Ainsi, le quartier d’Ursinow est directement desservi par le métro depuis le centre-ville de Varsovie (7 stations) ; quant au quartier Zaspa à Gdansk, il est traversé par le tramway (4 lignes) et le train. Ils disposent d’autre part des équipements et services utiles à la vie quotidienne, tels que des commerces de proximité.

L’occupation de ces barres de logements explique aussi certainement la dif-férence qui peut exister avec les quartiers de grands ensembles français. Chaque unité possède une mixité de statuts d’occupation : propriétaires, locataires en sec-teur libre, locataire de logement social. Cet équilibre et cette mixité évitent les effets de relégation que l’on peut trouver en France.

QUARTIER ZASPA À GDANSK (SOURCE : YARMO, 2005) QUARTIER ZASPA À GDANSK (SOURCE : ARTUR ANDRZEJ)

CARNET DE VOYAGE EN POLOGNE - mai 2012 - 57 -CARNET DE VOYAGE EN POLOGNE - mai 2012 - 57 -

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Enfin, des règles plus simples sur la copropriété peuvent contribuer à un meilleur fonctionnement des ensembles et à l’entretien des espaces collectifs.

QUARTIER CENTRAL À VARSOVIE

Cependant, ces quartiers ne sont pas uniformes dans leur peuplement. Ainsi en va-t-il du quartier des 19 barres identiques à Varsovie hébergeant une forte communauté vietnamienne dans des logements exigus (33 m²). Délaissé

CARNET DE VOYAGE EN POLOGNE - mai 2012 - 58 -CARNET DE VOYAGE EN POLOGNE - mai 2012 - 58 -

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par les Polonais et dévalué sur le marché de l’immobilier, ce quartier est désor-mais habité par des immigrés peu fortunés, n’ayant pas le choix de leur localisa-tion résidentielle. Se pose donc la question de l’évolution de ce type de quartiers à l’avenir.

QUARTIER URSINOW À VARSOVIE

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III. 7. LA QUESTION DU LOGEMENT : LECTURE DE L’INSCRIPTION DES CLASSES SOCIALES ET MÉCANISMES SOUS-JACENTS.

L’attitude des Polonais envers l’habitat et le logement peut être traduite par le sentiment que rien n’est acquis : « Dans ce pays, ne possède rien, parce que soit les Russes soit l’Etat te le prendront ». Le spectre de la dépossession est aujourd’hui en-core présent, avec l’éventualité de la restitution des biens aux ayants-droits d’avant-guerre.

POIDS LOCATAIRES / PROPRIÉTAIRESET VENTE DES PATRIMOINES COMMUNAUX

58 % de la population est propriétaire en Pologne (Eurostat, 2007). La ma-jorité de la population urbaine vit dans des grands ensembles (une moyenne na-tionale de 50% masque des valeurs proches de 70% dans les plus grandes villes). La taille moyenne des logements coopératifs en milieu urbain est de 50 m². Les occupants des copropriétés y jouissent d’un statut de propriétaires (en fait de « qua-si-propriétaires ») ou de locataires. Les rapports de propriété dans le patrimoine résidentiel évoluent, vers la privatisation et la restitution. La privatisation consiste à transférer des logements locatifs ou coopératifs-en propriété (ou en quasi propriété) à leurs occupants, qui en deviennent alors pleinement propriétaires. Cette procédure concernait jusqu’à récemment le parc communal et d’entreprises ; elle instaure des situations de copropriétés totalement privées ou associant des personnes morales (la commune par exemple). Depuis 1998, les pouvoirs publics détiennent un quart des logements urbains, et sont propriétaires d’une bonne partie du parc ancien (la commune de Varsovie possède les deux tiers du parc antérieur à 1945), notamment dans les agglomérations industrielles.

Le socialisme a laissé en héritage un habitat, mais aussi un habiter. Le rapport au lieu d’habitation, comme cadre de vie et comme localisation dans l’espace urbain est profondément marqué par les pratiques et les politiques de logement depuis 1945. Pour la grande majorité de la population, le lieu de résidence ne résulte pas d’un choix, mais d’une attribution administrative (venue de la coopérative, de la com-mune, ou de l’entreprise). On disait « j’ai eu ce logement », rarement « j’ai acheté », ou « j’ai loué ». En outre, la mobilité résidentielle était très faible, compte tenu de la pénurie structurelle et de la faible élasticité du marché secondaire d’échanges ou

de ventes de logements. Ainsi, le rapport entre le logement et ses occupants est marqué d’une certaine fatalité, mais aussi d’une résignation compréhensible : les aspirations résidentielles mesurées sous le socialisme étaient modestes, à l’image de la réalité.

Cette mobilité résidentielle réduite, l’assurance de pouvoir demeurer à vie dans un logement à un prix symbolique, l’extrême rareté des expulsions (faute de parc de relogement), ont forgé une attitude d’enracinement : très rarement pro-priétaires « vrais », les citadins n’en considéraient pas moins que l’appartement qui leur était attribué était « à eux ». Le sentiment d’appropriation individuelle du logement résulte d’une pratique plus que d’un droit. Ce n’est pas surprenant dans un pays anciennement socialiste ; l’originalité de la Pologne dans ces processus d’appartenance et de territorialisation à travers l’habitat tient au cadre du coopé-ratisme qui dans certaines conditions de peuplement a pu donner naissance à des pratiques d’investissement collectif du lieu d’habitat, à l’origine de sa valori-sation symbolique, matérielle, et aujourd’hui financière.

La reprivatisation (ou restitution) des biens immobiliers concerne le pa-trimoine foncier et/ou immobilier nationalisé en 1945 (géré par les communes jusqu’en 1989, transféré juridiquement à celles-ci après) sur la base de la dispa-rition physique des anciens propriétaires pendant la guerre (cas des biens juifs), de leur expulsion (biens allemands) ou de leur confiscation (cas des biens dits du décret Bierut, en référence à la loi sur la communalisation du sol à Varsovie en 1945). Le débat se heurte à des légitimités rivales : les propriétaires revendiquent une légitimité présocialiste et contestent celle du décret de Bierut sur la forme et sur le fond ; mais les occupants installés après 1945, locataires voire quasi-pro-priétaires occupent ou possèdent ces locaux tout à fait légalement.

Le droit du locataire a été précarisé en 1994 par l’assouplissement (théo-rique) des mesures d’expulsion. Un nouveau rapport de force social se développe donc dans un contexte où les loyers, les charges ont régulièrement augmenté, achevant de persuader la population que le logement était bel et bien devenu une « marchandise ».

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LECTURE DE L’INSCRIPTION DES CLASSES SOCIALESET MÉCANISMES SOUS-JACENTS

Le patrimoine résidentiel polonais est binaire : aux grands ensembles construits à partir des années 1960 et qui résument pour les habitants la ville du « socialisme réel » s’oppose la catégorie plus nuancée de l’habitat « ancien ».

• Dans les immeubles « petit-bourgeois » d’avant 1945, les petits pro-priétaires immobiliers (ou leurs ayants droit) tentent difficilement de re-couvrer un patrimoine « présocialiste ». Ils se heurtent aux occupants -modestes et âgés souvent - de leurs immeubles qui souhaitent faire durer un rapport de force « socialiste » éminemment favorable à leur situation de locataire, et auquel ils doivent tout.

• Les centres historiques partiellement gentrifiés subissent une pression touristique, mais qui n’a rien de comparable au dépeuplement affectant certains centres-villes. Ce processus touche moins les petites villes.

• A une échelle collective, la nostalgie de l’habitat présocialiste s’exprime par des manifestations d’appropriation commune de ce patrimoine.

• Les quartiers de villas de l’entre deux-guerres ont traversé le temps: ils ont toujours attiré l’élite artistique et intellectuelle (mais pas les élites « postsocialistes » nées de la finance ou l’industrie), et leur valeur sur le marché secondaire actuel confirme cette tendance, tout comme leur position première dans les préférences résidentielles.

• Pour les nouvelles élites, les promoteurs ont bâti des enclaves luxueuses, dans l’hypercentre ou à la périphérie, selon des canons esthétiques bigarrés (empruntant au répertoire architectural du manoir polonais, de la maison californienne, ou d’un post-modernisme atten-du) : la ville « post-socialiste », dans la capitale surtout, se construit par et pour eux.

• Entre les deux, les habitants des grands ensembles sont soumis à des logiques diverses : certains quartiers des années 1970 ont à peine changé en 30 ans. Les hypermarchés français, belges et allemands ont fini par les rattraper, et des façades ont été couvertes de matériaux isolants colorés.

• A l’inverse, certains grands ensembles jouissent d’un véritable renou-veau (densification / diversification du bâti, aménagement d’espaces publics) et d’une réintégration dans la ville (transports publics, com-

merces, emplois). Des exemples frappants de ce renouveau sont of-ferts par les quartiers coopératifs peuplés par l’intelligentsia des années 1980.

Finalement, la ville postsocialiste est victime d’une double fragmentation. A la fragmentation spatiale de l’espace résidentiel, largement héritée des modes so-cialistes de la fabrication de l’habitat, et accentuée par les nouveaux immeubles ou lotissements ostentatoires, s’ajoute une fragmentation sociale puissante. Elle sépare ceux qui peuvent s’insérer dans les nouveaux rouages de l’économie du logement de ceux qui sont piégés dans une situation héritée. De plus, les nouvelles constructions, coopératives mais surtout privées, immeubles ou lotissements, s’iso-lent fermement dans l’espace urbain derrière une clôture physique et des systèmes de gardiennage plus ou moins sophistiqués. Ces Gated Communities mettent à jour de nouvelles formes de fragmentation spatiale dans l’espace habité. Leur dimension sociale exclusive est nettement perçue par les habitants des morceaux ordinaires de la ville « socialiste ».

L’Etat s’est progressivement désengagé et n’assure qu’une aide indirecte aux différents constructeurs.

La croissance du parc immobilier est assurée par le secteur privé (individus et promoteurs) et les coopératives. Le patrimoine résidentiel s’accroît très lentement depuis 1990 – du fait de la crise dans la construction qui débuta dès la fin des années 1970 et culmina pendant les années 1980. Le parc de logements urbain n’a crû que de 9% entre 1990 et 2000 (plus 650 000 logements), alors que la pénurie à la fin du régime socialiste était estimée à 2 millions de logements pour tout le pays. Le sys-tème de financement de la construction coopérative s’effondra du jour au lendemain sans qu’un secteur alternatif de la construction n’ait eu la possibilité de se mettre en place. En faillite, en cours d’éclatement, transformées en « développeurs » ou réduites à l’état de copropriété de gestion, les coopératives assurent encore malgré tout la majorité de la construction résidentielle urbaine, alors qu’ailleurs elles sont concurrencées par les « développeurs » et les constructeurs privés. Les entreprises ne construisent plus de logements, et la construction communale commence tout juste à renaître. Prioritairement chargées de soutenir les organismes de logements sociaux créés en 1995, les communes leur facilitent l’accès au foncier.

Spatialement, la construction neuve privilégie les marges, voire le cœur des grands ensembles existants : là, les terrains sont équipés, et surtout les coopératives y disposent de nombreuses réserves foncières (héritage des nombreux investisse-ments jamais réalisés pendant les années 1970-80).

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III. 8. LE COMMERCE ET SA TRADUCTION SPATIALE : SA RESPONSABILITÉ DANS L'ANIMATION URBAINE Du point de vue du commerce, le voyage se distingue par deux ambiances

distinctes : les petits commerces installés le long d’une rue historique et les grandes enseignes autour d’un vaste espace public.

Dans le premier cas qui regroupe les villes de Gdansk, Gdynia et Sopot, le schéma de petites boutiques implantées en rez-de-chaussée donne une animation urbaine similaire bien que l’architecture a été différente. Le rapport à l’échelle hu-maine est en effet présent par un espace adapté à la promenade du piéton.

RUE ŚWIĘTOJAŃSKA À GDYNIA

A Gdynia, la rue commerçante principale (la rue Świętojańska) est parallèle à la côte et laisse donc apparaître quelques échappées visuelles vers la mer au croisement des voies De plus, l’échec d’un ancien projet urbain d’amé-nagement en voie piétonne montre l’importance de la voiture pour les commer-çants. Ces derniers avaient en effet craint la désertion de leurs boutiques en cas d’absence de stationnement immédiat. La simplicité des façades de l’architecture des années 20, ajoutée à la répétition du même gabarit, donne une ambiance austère à la rue malgré la présence de nombreux commerces.

LA VOIE ROYALE

LA RUE SPÉCIALISÉE EN AMBRE

A Gdansk, la voie royale (la rue Dluga) entièrement piétonne ainsi que la rue de l’ambre (la rue Mariacka) laissent place à des terrasses surélevées (les « Beischlä-gen »1) permettant un enrichissement visuel et usuel du paysage de la rue. Initia-lement prévu pour rehausser les entrées des bâtiments en cas d’inondations, ces terrasses donnent un statut semi-privé à ce seuil permettant ainsi de créer un filtre de l’espace public vers l’espace privé des commerces.

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A l’inverse, la rue commerçante de Sopot (la rue Bohaterdw Monte Cassi-no) laisse penser à une mise en scène de l’architecture. La façade dismorphique de la galerie commerçante, semblable à ce que l’on pourrait trouver dans un parc d’attraction, renforce l’impression d’un décor créé à l’unique distraction des touristes.

Enfin dans le cas de Varsovie, les voies commer-çantes autour du palais de la culture montrent une re-cherche de modernité met-tant en valeur le monument historique. Les grandes enseignes de la rue Mar-szalkowska se disposent autour d’un vaste vide, lais-sé à la circulation des voi-tures, où l’échelle humaine est oubliée. Le front bâti de ces commerces fait en effet face au vide disproportion-né au pied du palais de la culture.

L’alternative pour se promener reste alors le centre commercial Zlote Ta-rasy qui offre la possibilité s’enfermer dans une bulle en plein centre-ville. La pré-sence de ce centre com-mercial pointe le paradoxe de l’animation urbaine de la principale place de Varso-vie que le projet urbain d’un quartier de type « Manhat-tan » devra développer.

1. GRANDES ENSEIGNES SUR LA RUE MARSZALKOWSKA À VARSOVIE

2. CENTRE COMMERCIAL ZLOTE TARASY

3. RUE BOHATERDW MONTE CASSINO À SOPOT

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III. 9. LES FORMES SOCIALISTES DE L’URBANISME : PERMANENCE ET HÉSITATION D’APPROPRIATION Dans les quartiers marqués par cet urbanisme, l'aspect monumental des bâ-

timents et des infrastructures surprend, comme les grandes tours de bureaux du centre-ville ou les imposants immeubles d’habitation. L’hégémonie des logements collectifs même aux franges des villes.

La dimension des espaces publics impressionne elle aussi, par la taille des places agrémentées de statues, les trottoirs et le gabarit des rues. L’impression d’être écrasés par une ville monumentale sans bâtiments à taille humaine est parfois estompée par la présence massive d’arbres dans les espaces publics.

Les ilots sont souvent très grands, délimités par de larges avenues, et faible-ment innervés par des rues de desserte. La majorité d’un trafic automobile intense se concentre donc dans ces rues assez bruyantes.

Cet environnement semble de prime abord hostile pour le piéton, mais cet as-pect ne se vérifie pas à l’usage. La présence d’arbres, la desserte fréquente par des tramways circulant en site propre ainsi que la largeur des trottoirs, rendent le trajet piéton agréable. Aux points stratégiques, des passages souterrains isolent celui-ci du flot des automobiles.

Ces caractéristiques expliquent que l’extension du trafic automobile ait pu s’accommoder de ce type d’urbanisme sans entraver la circulation des piétons. L’ap-propriation de ces parties de ville par les citadins est ainsi naturelle.

Les permanences de l’urbanisme soviétique :• Les projets récents montrent une certaine prévalence des caractéristiques

propres à l’urbanisme soviétique. • À Gdansk les projets pour le monument Solidarnosc comme pour le mu-

sée de la seconde guerre mondiale ont un aspect monumental, presque disproportionné à leur fréquentation et usages attendus.

• À Varsovie, les tours de bureaux en construction ou en projet ont pour ambition de rivaliser avec la hauteur pourtant conséquente du palais de la culture (231 mètres).

• Dans les périphéries, même dans les espaces ruraux en cours d’urbani-sation, les nouveaux développements sont principalement des immeubles collectifs. Ceux-ci malgré un changement d'inspiration architecturale gar-dent des dimensions propres à cet urbanisme en faisant plus de quatre étages.

Si les formes d’urbanisme demeurent, sa conception a radicalement chan-gé, la planification a laissé place à la dérèglementation, l’omniprésence de l’inter-vention étatique a cédé le pas à celle du marché. Cette révolution a des consé-quences dans l’équipement des quartiers et leur intégration urbaine.

LE MONUMENT-SYMBOLE DU SOCIALISME DÉPASSÉ PAR LES CONSTRUC-TIONS RÉCENTES

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PARTIE IV.

A. LE PROJET DU MUSÉE DE LA SECONDE GUERRE

B. LE CENTRE SOLIDARNOSC

C. LES TOURS

D. ARCHITECTURES DE LA MÉMOIRE

L’ARCHITECTURE : QUELQUES OPÉRATIONS RÉCENTES

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Un système de passerelle en contrebas reprend le tracé d’une voie historique.

Un matériau unique, du béton teinté en rouge, harmonise l’ensemble de ces trois entités.

VUE DU PROJET ETDES PASSERELLES

Le parcours du visiteur est mis en scène de manière à le guider de l’ombre des salles d’exposition aux sujets emplis de gravité vers la lumière naturelle et la ville en transformation.

VUE DU PROJET ETDE LA PLACE

Le choix de localiser le programme en majorité en sous-sol peut paraître surprenant du fait de l’implantation du musée en bordure du fleuve. Les études menées ont prouvé que le niveau de la Vistule variait peu. En cas d’inondation, les architectes ont prévu un caisson d’isolation des parties souterraines. Sur le parvis, les eaux de pluie sont évacuées grâce à un système de double toit.

Par ailleurs, une surface vitrée d’une telle ampleur nécessite un système de nettoyage spécifique qui a été prévu ici par des crochets d’alpinistes implantés dans la structure en métal qui porte la verrière.

PRÉSENTATION DU PROJET À L’AGENCE

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IV. 1. LE PROJET DU MUSÉE DE LA SECONDE GUERRELa ville de Gdansk a été choisie pour accueillir le musée de la seconde guerre

mondiale en 2014. Il s’agit d’une décision symbolique qui rappelle que la guerre a débuté à cet endroit, après l’annexion du couloir de Dantzig par Hitler.

Le projet est cofinancé par l’Etat polonais, au titre des musées nationaux, et par la municipalité de Gdansk. Il abritera des objets et témoignages venus du monde entier et participant de la mémoire collective de cette période.

C’est une agence d’architecture locale, Studio Architektoniczne Kwadrat, qui a remporté le concours international auquel ont participé plus de 150 équipes.

MAQUETTE DU PROJET

Afin de libérer un espace public généreux autour de l’équipement public situé au bord de la Vistule, les architectes ont pris le parti de placer les salles d’exposition en sous-sol. Le toit devient alors un parvis aux usages multiples (expositions tem-poraires, évènements, promenade) sous lequel sont aussi dissimulés les parkings.

Au centre de cet espace triangulaire émerge une tour inclinée, percée sur une de ses faces par une grande verrière qui ouvre sur la ville. Cette émergence abrite une bibliothèque, des salles de conférences et d’accueil de groupes sco-laires ainsi qu’un restaurant panoramique.

Un bâtiment contigu à l’espace public concentre la fonction administrative.

COUPE DU PROJET

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IV. 2. LE CENTRE SOLIDARNOSC

Solidarnosc est le syndicat d’ouvriers à l’origine des grèves aux chantiers na-vals de Gdansk en 1980. Ces grèves sont perçues en Pologne comme le point de départ de la chute du régime communiste ; leur leader, Lech Walesa, est une figure historique et charismatique.

Le Centre Solidarnosc est un site multifonction (musée, médiathèque, centre de conférence …) bâti à l’entrée des chantiers navals, face à un monument qui com-mémore les grandes luttes syndicales. En cours de construction (dates du chantier : automne 2010 – fin 2013), il est conçu par l’architecte Polonais Daniel Libeskind, et est financé à 50% par l’Union Européenne. La ville de Gdansk en assure la maîtrise d’ouvrage. La surface totale est de 25 000 mètre carré.

Deux impressions principales à la visite du site :

• Sa monumentalité : le bâtiment majestueux s’élève face aux chantiers navals, sur des espaces en friches. Ses murs porteurs obliques sont une prouesse technique, ils semblent soutenir un paquebot dans la tempête. L’impression est renforcée par la couverture du bâtiment par un matériau qui rappelle la rouille. Néanmoins, pour une ville de la taille de Gdansk, le centre semble démesuré, on a du mal à l’imaginer vivre au quotidien (les 400 000 visiteurs de prévus par an suffiront-ils à animer le site ?)

CENTRE SOLIDARNOSC EN CONSTRUCTION ET, AU PREMIER PLAN, MONUMENT EN HOMMAGE AU MOUVEMENT DE GRÈVE ET DE RÉSISTANCE SOLIDARNOSC

MONUMENT EN HOMMAGE AU MOUVEMENT DE GRÈVE ET DE RÉSISTANCE SOLIDARNOSC

(FACE AU CENTRE EN CONSTRUCTION)

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• Son symbolisme : Solidarnosc étant un symbole très fort pour les Po-lonais, le bâtiment joue sur l’imagerie héroïque de Walesa et de ses camarades : les frontières entre les valeurs nationales et l’activité du syndicat sont minces. Les dimensions du bâtiment sont à la mesure de l’attachement du pays à ce syndicat. Il semble que ce soit le seul exemple de bâtiment édifié à la gloire d’un syndicat encore en acti-vité, financé sur des fonds publics (ville, Etat polonais et Union Euro-péenne).

Enfin, on peut s’interroger sur la taille du bâtiment et son impact sur son en-vironnement immédiat : quid de l’aménagement de ses abords ? Quels types de programmes proposer pour répondre à ce bâtiment et équilibrer le site ?

CENTRE SOLIDARNOSC EN CONSTRUCTION Friche des anciennes usines (à côté du Centre)

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IV. 3. LES TOURS

Une majorité des immeubles de grande hauteur de Varsovie se concentre à proximité du Palais de la culture, repère historique de la ville. Contrairement à une lecture rapide de la skyline qui opposerait ce symbole à une nouvelle génération de tours, Varsovie connaît une longue tradition de ces hautes constructions. Les premières d’entre-elle datent de 1908 et de 1934 – PASTa (60 m) / Warszawa Hotel (69m), ce qui démontre la capacité de la ville à se projeter en hauteur. Les vingt-cinq dernières années de l’ère communiste ont elles aussi connues plusieurs pro-grammes de grandes hauteurs : Riviera (80m) / Intraco I (138m) / Intraco II (149m)…

Enfin, les deux dernières décennies ont également contribuées à dépasser à de nombreuses reprises le plafond des 100m – Warsaw Financial Centre (165m), Intercontinental Hotel (164m). Ces dernières répondent bel et bien aux nouveaux besoins du développement du capitalisme.

Bien que répartis sur l’ensemble du territoire de la ville, les tours sont majo-ritairement concentrées dans le secteur de la gare de Centrum. La programmation de ces édifices de grande hauteur est diverse : bureaux, logements, hôtels (Marriott,

Intercontinental, Novotel)… On trouve même une … résidence étudiante : Riviera (67 m), 1964 ! Elle ne se résume pas aux seules opérations de bureau comme c’est très souvent le cas en France. Le programme de logement de grand stan-ding en cours de construction Zlota 44 de Daniel Libeskind (192m) montre le dy-namisme de ce secteur de la cité. Cependant, les conséquences de la crise finan-cière mondiale se font sentir sensiblement sur ce type d’activités. Par exemple, la tour Lilim Tower (101 m), financée par l’investisseur Lilium et dessinée par Zaha Hadid, est à l’arrêt depuis 2009.

Visuellement, la stratégie plus ou moins concertée de rassembler ces IGH autour du Palais de la Culture porte ses fruits. Si l’objectif n’est certainement pas de « cacher » ce monument, sa « normalisation » symbolique par la construction de tours plus hautes est désormais actée.

La construction de tours à Varsovie est donc un phénomène ancien, dynamisé par l’ouverture à l’économie de marché du pays et menacé par la crise actuelle.

VUE DES NOUVELLES TOURS DE VARSOVIE DEPUIS LE HAUT DU PALAIS DE LA CULTURE

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IV. 4. ARCHITECTURES DE LA MÉMOIRE LA MÉMOIRE PAR LA RECONSTRUCTION À L’IDENTIQUE

Les centres historiques de Varsovie et Gdansk ont été en partie recons-truits à l’identique.

Cette reconstruction sert à retrouver les racines de ces villes. Elle exprime l’envie mettre en valeur la Nation polonaise à travers son histoire. Elle est un gage de continuité et un manifeste de son existence dans le temps. C’est fina-lement cette exigence populaire qui a forcé les communistes à continuer cette reconstruction. Aujourd’hui, cette permanence est lisible tant pour les habitants de Varsovie qui investissent ces parties-là de la ville que pour les touristes qui prennent conscience de cette histoire.

Le paradoxe. Cette intervention conduit indirectement à nier la période de destruction, c’est-à-dire de la guerre. Cet acte de mémoire est donc aussi un effacement.

LA MÉMOIRE DISCURSIVE DES NOUVELLES RÉALISATIONS

Dans le pays, sont en constructions trois monuments marquants trois épi-sodes de l’histoire du pays, l’histoire des juifs de Pologne (musée à Varsovie), la seconde guerre mondiale (musée à Gdansk) et la chute du communisme (centre Solidarnosc à Gdansk).

Ces réalisations posent la question de la place qu’occupent ces événe-ments dans les préoccupations des Polonais.

LA MÉMOIRE PAR LA PRÉSERVATION DES RUINES ET TRACES

Cette mise en valeur de la mémoire passe par une absence d’intervention architecturale.

À Gdansk, la friche faisant face au centre-ville est un témoignage des bom-bardements qu’a subi la ville. On comprend mal la vocation de cet espace. Il semble que les terrains soient en réalité à vendre à des promoteurs qui pourraient y réaliser un programme générique. La conservation de cette trace n’est donc pas garantie. Qui plus est, elle n’est pas mise en valeur de manière évidente pour le visiteur qui est susceptible de passer à côté de sa signification.

A Varsovie, aucun espace ne traite la question de cette manière.

Ce parti pris pose plusieurs questions, d’abord celui de son intégration dans une aire urbaine soumise à des pressions foncières importantes.

La deuxième question est également liée à la pérennité d’une trace qui s’ef-face par l’action du temps. Comment et à quel prix conserver une ruine qui aura tendance à se dégrader ?

Cette intervention présente sans doute l’avantage d’une certaine honnêteté voire de dureté dans l’expression du passé. Il ne faut toutefois pas perdre de vue qu’il s’agit bien d’un parti pris et comme on le voit à Gdansk, qu’il a besoin d’être expliqué pour pouvoir être compris parce que l’histoire nécessite d’être expliquée et aucune ruine ne peut se passer de commentaires.

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NOTES D’HUMEUR...LA PROMOTION 2012

AU GRAND COMPLET

AU STADE DE GDANSK

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FESTIVAL DES MUSIQUES ÉTUDIANTES

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Série de concerts et attractions au sein des universités à travers tout le pays, jUWenalia est l’un des événements étudiants les plus importants en Pologne !

C’est pourtant un hasard qui nous a conduit à nous retrouver dans la grande cour de l’université de Varsovie, rue Krakowskie Przedmies-cie. Les basses de la sono et la cohue pour rentrer sur le site nous ont convaincu de l’intérêt d’aller voir plus loin. Emportés par la foule, qui nous traine, nous entraine, nous franchissons la grille magistrale d’un ancien palais, et parcourons l’allée centrale dont l’alignement d’arbres était sou-ligné d’un linéaire de stands de bière. Nous nous retrouvons alors de la jeunesse déclamant du rap polonais. Elle transpire les paradoxes et les contradictions que nous avons pu ressentir en Pologne : le catholicisme et la discipline d’un côté, des tenues et des chevelures exubérantes de l’autre. Ces dernières ne sont pas sans évoquer l’esprit punk des années 80 ou l’underground berlinois. Cette insouciance affichée est-elle un réel optimisme face à l’avenir ou un simple exutoire à des conditions de vie difficile ?

L’ENTRÉE DE L’UNIVERSITÉ

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Au premier abord, pas de dépaysement gastronomique...

POLOGNE VS. GASTRONOMIE

LE CENTRE COMMERCIAL À VARSOVIE

Dans les Terrasses du Soleil, comme à Créteil Soleil, les mêmes néons nous invitent à entrer au Subway, KFC ou Mc Donald. L’américanisation des moeurs culinaires n’aura pas épargné la Pologne !

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Mais dès lors qu’on s’enfonce dans les petites rues, on découvre une autre face de la gastronomie polonaise. Sur les étals de ce marché de Varsovie, des fruits et légumes de saison nous mettent en appétit. Les fondamentaux de la cuisine polonaise sont en première ligne : cornichons et choux, harengs à toutes les sauces et charcutaille...

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Mais il ne suffit pas de regarder, il faut aussi expérimenter... Si les ogorki, ces gros cornichons en saumure, ne sont pas du goût de tout le monde, en revanche les patissons miniatures remportent l’as-sentiment général.

L’apéritif : vu.

L’entrée maintenant, un incontournable : la soupe de betteraves servie froide avec de la ciboulette et un oeuf... Si texture et couleur suscitent la méfiance, les audacieux seront récompensés par ce plat aux saveurs inconnues !

Les golabki eux aussi peuvent choquer les âmes sensibles... Mais ces choux farcis à la viande et au riz et servis aves une sauce à la tomate ou aux champignons s’avèrent délicieux !

Pour les fameux pierogi en revanche, la bonne im-pression visuelle ne garantit pas la bonne surprise gus-tative... La qualité de ce mets très courant varie du tout au tout suivant les restaurants ! Parfois délicats, farcis aux épinards et fromage, accompagnés de leur salade, ils leur arrive également d’arriver sur la table un peu flé-tris et baignant dans l’huile... gloups.

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Et ce n’est pas fini ! Les pâtisseries à Gdansk, le poulet farci avec vue sur mer à Sopot, la version polonaise du fish and chips (avec sa sauce au beurre et à l’ail) sur un bateau à Gdynia... Autant d’aventures culinaires qui ponctuent agréablement notre voyage.

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Les carafes d’eau n’existant manifestement qu’à Sopot, nous avons été contraints de nous rabattre sur d’autres boissons pour nous hydrater ou accompagner les repas. La bière s’avère un substitut intéressant : on dispose d’un panel varié, et on consomme local !

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A la nuit tombée, par souci d’intégration, nous nous initions aux coutumes du pays. La vodka ? Les vodkas plutôt ! Myrtille, citron, noisette... Mais à l’unanimité, c’est la Zoladkowa Gorzka que l’on préfère, et qui vient alourdir quelques valises dans l’avion qui nous ramène à Paris...

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PALAIS DE LA CULTURE ET DE LA SCIENCE - I

Le Palais de la Culture et de la Science inauguré en 1955, est l’un des plus beaux exemples de l’architecture stalinienne hors Russie. Son style le rapproche évidemment des « Sept sœurs de Staline », massif, empruntant autant à l’architecture gothique qu’au mouvement Art déco.

Il est intéressant de remarquer à quel point les modèles économique et politique à la base de sa construction peuvent influencer jusqu'à son architecture. A contrario des modèles de tours venant des Etats-Unis, reposant sur un modèle capitaliste, le Palais de la Culture et de la Science s’étend sur une emprise au sol maximisée. Ainsi, bien plus qu’une simple entrée de bâtiment, le rez-de-chaussée de l’édifice in-tègre une programmation génératrice d’animation urbaine.

Le monument s’étirant autant verticalement, qu’horizontalement, les sur-faces de planchers construites sont importantes et des hauteurs graduées sont possibles au sein d’un même immeuble. Alors que les gratte-ciel « classiques » sont souvent des ponctualités élevées créant naturellement une impression de hauteur, son architecture étagée la replace dans son environnement urbain et ainsi amoindrit cette sensation de gigantisme.

Les grands espaces publics présents tout autour renforcent sa dimen-sion monumentale. Les espaces intérieurs sont eux aussi conçus dans ce même objectif : les larges hauteurs sous plafond, les divers niveaux et la vue panoramique sur la ville de Varsovie créent l’émerveillement.

SOURCE : INTERNET SOURCE : INTERNET

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PALAIS DE LA CULTURE ET DE LA SCIENCE - IIDepuis l’avion, c’est le premier bâtiment que l’on aperçoit dans la nuit varso-

vienne. Il jette sa pointe vers le ciel pour mieux dominer la ville. C'est le Palais de la Culture et de la Science.

Au premier abord, on ne peut comprendre les habitants de Varsovie. Pourquoi désirent-ils à ce point le voir disparaitre ? Les pierres massives de sa façade et son architecture gothique constituent un ensemble remarquable et monumental.

LE PALAIS DE LA CULTURE À VARSOVIESOURCE : INTERNET

Au fil des jours, c’est une autre Varsovie que l’on découvre. Une Varsovie po-lonaise, faite de petites rues, de façades classiques et de parcs. Et pourtant, où que l’on soit, on ne peut oublier cette tour sombre qui vous observe.

Et comment ne pas être intimidé à mesure que l’on s’approche du bâtiment ? Des portes aux statues, chaque élément architectural est disproportionné et participe à nous écraser. Comment apprécier un édifice qui vous rend insignifiant ?

C'est là où l'on s'imagine le mieux ce que fut le régime communiste en Po-logne. Son architecture stalinienne (cf. les sept sœurs de Moscou) rappelle le poids de la domination soviétique. Ses dimensions écrasantes et son omniprésence dans la ville évoquent une société surveillée fondée sur la négation de l’individu.

GOTHAM CITY, UNE VILLE PLONGÉE DANS LA NUIT. LE PALAIS DE LA CULTURE ÉVOQUE SES BUILDINGS SOMBRES À L'ARCHITECTURE GOTHIQUE.

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SOURCE : INTERNET

Si cette tour dominait le ciel parisien, je crois que moi aussi je chercherai à la dissimuler sous une multitude de gratte-ciels.

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POLYCENTRISME À VARSOVIE

Varsovie, capitale polonaise est une métropole vaste et complexe, où l’histoire violente du pays s’exprime dans son urbanisme. Ainsi chaque époque, chaque épi-sode historique vient marquer avec force et fracas sa trace sur le sol de la capitale.

Cette superposition complexe et brutale est difficile à appréhender de prime abord. Il est difficile pour le visiteur de comprendre le fonctionnement de la ville et de ses milliers d’habitants. Cela est particulièrement vrai pour le centre-ville. Il n’existe en effet pas de centre de ville au sens traditionnel européen. Traverser Varsovie c’est passer d’un univers à un autre sans avoir jamais l’impression d’être dans le centre de la ville.

Depuis les ravages de la Seconde Guerre mondiale et sa reconstruction, la ville a totalement changé d’organisation. Le centre-ville historique reconstruit à l’identique n’est pas resté le cœur de la nouvelle ville. Cette dernière ne s’orga-nise plus de façon traditionnelle et concentrique autour de cette forme originelle.

Le centre-ville historique est devenu un centre touristique, où les com-merces de proximités ont laissé place aux boutiques de souvenirs et autres bars et restaurants.

La réorganisation urbaine de l’occupant soviétique s’est opérée autour de grandes infrastructures autoroutières et ferroviaires, créant ainsi un nouveau centre-ville au sud-est de la ville historique à l’emplacement de l’ancienne gare, et où s’élève dorénavant le Palais de la Culture et des Sciences. Ce nouveau phare architectural, ainsi que les grands axes qui l’entourent sont devenus les emblèmes de la ville. Ainsi Centrum, lieu de transfert et de transition intermodale, est le centre fonctionnel de la ville.

Le Palais de la Culture constitue une petite ville à lui seul et son fonctionne-ment complexe donne lieu à de multiples usages. Il est à la fois, musée, attraction pour les visiteurs et Bourse de Varsovie. Son image glissant de la symbolique Stalinienne à celle libérale.

En plus d’être le lieu de concentration des flux, Centrum devient aussi le lieu de la consommation et de l’attractivité commerciale et tertiaire. Il est là où se créées les richesses, donc le lieu de forte pression foncière et de l’expression de la verticalité architecturale. Ainsi des tours et des centres commerciaux émergent tout autour du Palais de la Culture. Ce dernier perdant son hégémonie dans le skyline varsovien.

Mais il en reste le symbole fort, son image se substituant à Varsovie.

Cependant un axe de vie fort se dégage de la Capitale : Nowy Swiat. Loin des grands axes soviétiques, Nowy Swiat est un axe historique conservé dans son gabarit urbain et architectural d’origine. Il possède une échelle humaine et une fonction urbaine primordiale : relier le centre historique au Centrum. Il est donc resté un lieu de vie très fréquenté par les Varsoviens, notamment par les jeunes. Il vit en permanence : pendant la journée avec ses nombreux magasins, pendant la nuit avec ses restaurants et ses bars. En cela, il se distingue du Cen-trum, qui devient inhabité dès l’heure de fermeture des centres commerciaux et des bureaux.

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Un nouveau pôle se développe sur les abords de la Vistule avec la biblio-thèque universitaire et le musée de la technique. Attractives et verdoyantes les rives de la Vistule sont aussi le lieu d’implantation du nouveau stade. La program-mation sur le site avait la vocation de créer un nouveau centre et ainsi d’orienter la croissance de la ville vers l’est le long du fleuve et le quartier de Praga. Cepen-dant, le manque de moyens semble remettre en cause cette volonté planifica-trice. Le Stade ne dépassera pas sa vocation d’équipement sportif pour devenir un véritable équipement urbain.

La dispersion des équipements et logements universitaires dans toute la ville a beaucoup d’avantages, mais ne permet pas de créer une centralité univer-sitaire à la manière des campus américains.

Mais où vivent les Varsoviens ? C’est seulement lors de notre visite dans les quartiers plus résidentiels que l’on a eu l’impression de rencontrer la popula-tion de la capitale. Ursinov et Praga, deux quartiers d’habitation opposés :

• de petites centralités commerciales et ses immeubles d’habitations non rénovées de Praga

• les Gated Communities du sud de la ville entre immeubles de standing, parcs pour les enfants et petites ruelles piétonnes.

Nous avons pu mesurer les écarts de richesse au sein de cette nouvelle ville capitaliste.

Finalement, la polycentralité de Varsovie, pose surtout la question de la mixité. En effet, ni la mixité fonctionnelle, ni la mixité sociale ne semblent poser question aux Varsoviens. La ville s’organise spontanément de façon monofonc-tionnelle et mono-sociale. Sauf en de rares lieux très appréciés comme Nowy Swiat, la ville comprend différents pôles qui ne se parlent pas entre eux. Ainsi on retrouve la ville touristique, la ville commerciale et tertiaire, et les quartiers d’habitation. L’ensemble forme le centre de Varsovie, une ville éclatée mais dont les réseaux et infrastructures sont efficaces et permettent à l’ensemble de bien fonctionner.

Au fond, Varsovie nous interroge sur notre vision de la mixité, notion élevée comme principe fondateur de nos projets urbains actuels mais qui ne semble pas être nécessaire pour faire une ville fonctionnelle et agréable à vivre. La ville mo-nofonctionnelle peut fonctionner dans la mesure où ses infrastructures de trans-ports en particulier publics sont suffisamment développées.

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RELATIONS GARE/VILLE : EXEMPLES DE GDANSK ET VARSOVIE

On ne peut parler de la Pologne sans parler de ses gares. Porte d’entrée de ses villes et de sortie, elle constitue un élément majeur des possibilités de mobilité des agglomérations principales. Cependant, les villes ne sont pas toujours bien reliées entre elles, en témoignent la difficulté de trajet en train entre Varsovie et Gdansk

Deux cas opposés.Ces deux villes s’opposent, par leur fonctionnement, leur développement actuel, et donc finalement l’utilisation du train.

Une gare de Gdansk bien intégrée au système de transport.

La gare a un rôle fonctionnel dans le système des 3 villes côtières de Gdansk, Sopot et Gdynia, assurant un service de qualité et efficace des différents secteurs de la Triville. Il en résulte une gare fonctionnelle de na-vetteurs avec un accès facile depuis le centre-ville et les activités commer-ciales à proximité, les lignes de tram, les arrêts de bus et de taxis. De plus, le bâtiment voyageur de style néo-renaissance construit au tout début du 20ème siècle est visible et constitue un bon repère dans la ville

Une double-gare de Varsovie difficilement accessible.Le bâtiment voyageurs de la gare de Varsovie semble une aérogare place à proximité du Palais de la Culture, mais semble aujourd’hui « noyée » dans le tissu urbain actuel marqué par des immeubles de grand hauteur. La gare est bordée de larges boulevards autoroutiers qui forment une barrière à son accès. C’est pourquoi l’essentiel des accès piétonnier se fait par souterrain. En revanche les accès véhicule sont efficaces malgré l’absence d’un véri-table parking en ouvrage.

Une constante. Le bâtiment voyageur n’est pas l’élément central des circulations de voya-geurs. Par conséquent les deux gares visitées semblent tourner le dos à leur bâtiment voyageur. L’essentiel des accès se fait par souterrain, créant alors une très importante animation souterraine, avec des commerces, des flux de voyageurs et d’usagers du passage public donnant à l’endroit une ambiance vivante et sécurisée. Alors que le bâtiment voyageur est beau-coup plus vide, présentant peu d’intérêt commercial, chose étonnante, cer-taines voitures peuvent circuler sur le quai en gare de Gdansk.

SOURCE : INTERNET

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Situé dans le quartier de Letnica, au nord de la ville historique (à environ 6 km du centre), le stade de Gdansk est un équipement imposant par sa qualité es-thétique. Il est constitué de de 18000 plaques polycarbonate, dont la couleur rappelle l’ambre, qui est l’un des symboles de la ville. Sa forme arrondie n’est pas sans similarité avec celle de l’Allianz Arena de Münich, sans doute l’un des plus beaux stades d’Europe. Le design a été conçu par le studio Rhode – Kellermann – Warowsky.

Plongé dans l’enceinte de ce joyau, on apprécie les volumes et la qualité de la lumière perçant à travers sa structure translucide. Avant de communier avec le public, les joueurs pourront se recueillir au sein d’une chapelle intérieure aux installations. Quant aux VIP, ils disposeront de tout le confort possible (vue imprenable sur la pelouse, espaces de détente, bar, écran géant…).

Ouvert en 2011 après 3 ans de travaux, le stade accueillera 3 matches du groupe C opposant l’Espagne à ses équipes concurrentes (Italie, Irlande et Croatie). S’y jouera également un quart de finale avec la présence potentielle de l’équipe de Pologne (groupe A). La PGE Arena dispose d’une capacité de 40 000 places qui pourra être augmentée à l’issue de l’Euro en raison de l’im-portance de la tribune d’honneur.

Si l’essentiel des parkings et des aménagements immédiats (dont un centre d’affaires) sont réalisés, les infrastructures de desserte routière sont toujours en chantier et ne seront pas prêtes à temps. Au-delà de l’Euro, se pose la question de l’avenir de cet équipement, notamment en termes d’insertion ur-baine et d’exploitation. Dès aujourd’hui, le stade accueille les matches du Le-chia Gdansk, équipe figurant en bas de tableau du championnat professionnel polonais.

Construit en lisière de Gdansk, à proximité d’un quartier d’habitat traditionnel peu dense et d’une zone industrielle, le stade ne jouit pas d’un abord propice à le valoriser et n’est pas à même de constituer un moteur puissant dans le contexte local. La difficulté avec laquelle sont menés les projets urbains inter-roge le devenir du secteur en matière d’aménagement et de développement (construction d’espaces commerciaux et tertiaires).

LE STADE DE GDANSK (PGE ARENA)

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Des marqueurs visibles de gentrificationEmblême de la vague «bohème» et artistique qui déferle depuis une vingtaine d’années sur Praga, la Fabryka Trz-ciny, ancienne usine de confiture puis siège de l’industrie du caoutchouc polonais, abandonnée à la chute du commu-nisme, incarne la transformation du quartier. 3000 m2 de bars, clubs lounge, restaurants, salles de concerts et d’expo-sitions installés en un lieu improbable et reculé de Praga.

Par ailleurs, signe habituel des transformations de quartiers par une lame de fond artistique, les graffitis et éléments de design urbain envahissent les lieux.

Le marché du neuf se développe dans le quartier, avec quelques nouvelles opérations notamment autour du parc Praski, probalement de plus en plus nombreuses avec l’arri-vée future du métro...

Un point de basculementSigne de la mutation latente mais prégnante du quartier, les cours, caractéristiques du site, peuvent être investies de lieux festifs éphèmères, reflets de la culture «underground» à la berlinoise, dont Praga commence à être comparée sur les sites internet branchés ! Les enceintes et bars extérieurs remplacent peu à peu les traditionnels autels à la vierge.

Quel avenir pour Praga ?Quartier touristique impulsé par l’arrivée d’un musée ? Lieu hyper branché à l’échelle européenne ? Decrépitude de bâ-timents déjà en piteux état emportant le quartier dans un cycle de dégradation ? Praga est aujourd’hui à un tournant de son développement. Tout porte à croire que le mouvement de gentrification n’en est qu’à ses balbutiements et que la place prise par Varsovie sur la scène européenne ne pourra qu’entraîner le quartier dans cette direction.

Le potentiel de projet urbain se dégageant de la présence de friches industrielles et ferroviaires encore inexploitées, est à la fois une opportunité à saisir par les pouvoirs publics mais également un risque de voir évoluer en un sens commun un quartier à l’atmosphère singulière.

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EH, LGMai 2012

PRAGA : VITRINE DU VARSOVIE D’AVANT GUERRE ET PREMICES DE GENTRIFICATION« Quartier bohème», «repaire d’artistes», «ambiance branchée»... En s’en tenant aux descriptions des guides touristiques présentant Praga, nous nous attendions à plonger dans le commun des quartiers de creative class des métropoles européennes. Cette image préconçue s’est rapidement effacée... Dès nos premiers pas, confrontés à l’aprêté des façades et à la prégnance de l’architecture de barres, nous avons compris que Praga ne se laisse pas si facilement envahir, du moins en apparence, par la gentrification. Pourtant, celle-ci semble bel et bien présente dans un quartier où l’histoire vous saisi malgré vous.

Les fantômes du passé...Praga étant le seul quartier de Varsovie épargné par la guerre il est l’unique reflet de l’architecture du XIXe siècle. Ainsi, Roman Polanski, soucieux de retrouver le cadre historique adéquat a tourné Le Pianiste dans la rue Zabowska.

Praga : scène historique ignoréeLes troupes de Staline s’y sont installées en 44 lors de l’insu-rection de la ville, laissant les allemands intervenir de l’autre côté de la Vistule. Après le conflit, les indésirables du régime sont relégués à Praga, le quartier garde depuis lors une cer-taine réputation de lieu mal famé. Tandis que l’histoire de la Vieille ville est mise en valeur, Praga reste pour l’instant à la marge du processus de patrimonialisation. Néanmoins un musée d’histoire de Praga prendra bientôt place dans une ancienne distillerie de vodka, signe d’une appropriation tar-dive de son histoire ?

Un quartier populaire...Praga demeure après la guerre un faubourg ouvrier, en ga-gnant des grands ensembles, il ne se détache pas de sa répu-tation de quartier mal famé. Les difficultés de circulation et son isolement géographique, coupé du reste de la ville par la Vistule, participent à la mauvaise image qu’il subit. Néan-moins, en plein après-midi, le week-end, le quartier nous a semblé plus paisible qu’insécure.

...en voie de gentrificationDès les années 1990, attirés par les bas loyers et les prix de l’immobilier défiant toute concurrence, Praga commence sa métamorphose. Aujourd’hui à peine perceptible, ce phéno-mène de gentrification est pourtant bien présent, quelques indices nous permettent de l’affirmer...

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N’importe quel visiteur qui a préparé son voyage à Varsovie attend avec fé-brilité l’instant où il pénètrera dans un des temples les plus spectaculaires du sovié-tisme : le Palais de la Culture.

Au contraire, si la publicité change la conception que les Polonais se font du bâtiment, serait-ce une nouvelle manière de percevoir la ville après la dicta-ture ? Le contraste est assez net, puisque le paysage urbain, jadis gris et uni-forme, devient, à travers notamment l’impact des affiches publicitaires, coloré et lumineux. Ainsi, en prévision de l’Euro 2012, ce matraquage signifie à toute l’Europe l’appartenance définitive de la Pologne à la sphère libérale.

Les colonnes austères de l’entrée convient le touriste au recueillement et à l’humilité. Jusqu’à ce qu’un gros cube « Orange » mi- humain mi- feutrine lui distribue des prospec-tus dans un hall immense retapissé d’affiches publicitaires aux couleurs criardes… Staline en aurait la moustache qui tombe / Staline se retournerai dans sa tombe !

C’est comme si des millions de personnes se déplaçaient pour admirer, au moins une fois dans leur vie, la Tour Eiffel affu-blée d’un logo Nike. Étrange…

Et dangereux ! À un carrefour stratégique, placarder un bikini « H&M »3 et son contenu sur un immeuble de 15 étages, relève du marketing agressif. En témoigne le nombre de nez en l’air parmi les étudiants. Heureusement qu’ils étaient à pied !

Bref, nous avons été plutôt surpris par le volume des af-fichages publicitaires, dans les rues, sur les immeubles, les lo-gements, les friches... Même l'îlot central des avenues permet l'installation régulière d’immenses panneaux.

Cela conduit à s’interroger sur la protection des bâti-ments à valeur patrimoniale en Pologne. En effet, à côté d’une vieille-ville-musée quasi épargnée, se développe une ville-nou-velle-franchisée sous influence privée. Faire des bâtiments les vecteurs privilégiés de la publicité sert-il à nier leur valeur sym-bolique ? Ou bien cela ne change-t-il rien aux yeux des Polo-nais ?

Si la forme a une incidence sur le contenu, alors quels éléments permettent de retenir un bâtiment propre à supporter une nouvelle propagande ? Plusieurs pistes retiennent notre at-tention : la valeur symbolique, la dégradation, la fonction com-merciale, sont autant de pistes propices à la réclame.

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MONSIEUR MICHEL MICHEAU

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