courants_pensee_economique

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    Les principaux courants depense conomique

  • Contenus

    ArticlesHistoire de la pense conomique 1

    Chrmatistique 18

    Mercantilisme 20

    Physiocratie 34

    cole classique 38

    Marxisme conomique 41

    Historicisme 46

    Keynsianisme 49

    Montarisme 60

    cole autrichienne d'conomie 61

    cole noclassique 66

    Nokeynsianisme 72

    conomie de l'offre 74

    Synthse noclassique 75

    Nouvelle conomie classique 76

    RfrencesSources et contributeurs de larticle 77

    Source des images, licences et contributeurs 78

    Licence des articlesLicence 79

  • Histoire de la pense conomique 1

    Histoire de la pense conomiqueLa pense conomique peut tre dcoupe en trois grandes phases : les prcurseurs (grecs, romains, arabes), les

    pr-modernes (Mercantilisme, Physiocratie) et l'conomie moderne (qui dbute avec Adam Smith la fin du

    XVIIIesicle).

    [] les ides, justes ou fausses, des philosophes de lconomie et de la politique ont plus dimportance quon

    ne le pense en gnral. vrai dire le monde est presque exclusivement men par elles. Les hommes daction

    qui se croient parfaitement affranchis des influences doctrinales sont dordinaire les esclaves de quelque

    conomiste pass. Les illumins du pouvoir qui se prtendent inspirs par des voies clestes distillent en fait

    des utopies nes quelques annes plus tt dans le cerveau de quelque crivailleur de Facult[1] . John

    Maynard Keynes, Thorie gnrale de l'emploi, de l'intrt et de la monnaie, chapitre 24, 1936

    Les prcurseurs de l'conomie

    Le Code d'Hammurabi

    Code d'Hammurabi

    L'archologie a montr que la pense conomique est trs ancienne,

    comme en tmoignent les lois et les principes conomiques exposs

    dans le code d'Hammurabi (roi de Babylone au XVIIIesicle av.J.C.).

    L'tat fixe des salaires indicatifs, en fonction de la qualit de chaque

    uvre et du travail qu'elle ncessite (notion de valeur), il rglemente

    les emprunts, les locations, il tablit la responsabilit professionnelle...

    La pense conomique de l'Antiquit orientale etgrecque

    La rflexion conomique apparat d'abord en Grce antique et en Chine

    antique, l ou une production marchande et une conomie montaire

    semblent avoir t dveloppes en premier.

    Le mot conomie vient d'ailleurs du grec (de oikos, la maison,

    notamment en tant quunit sociale et conomique, et nomos, lordre, la

    loi).

    Parmi les penseurs, souvent philosophes, qui se sont intresss

    lconomie, Platon et son lve Aristote sont probablement les plus

    connus. Les philosophes grecs subordonnent lconomie la politique : cest lart dadministrer ses biens ou sa cit.

    La science conomique nexiste pas, au contraire de la science politique, qui se rapporte la cit et est considre par

    bien des Grecs comme la premire des sciences. Lconomie, que l'on envisage uniquement centre sur lindividu, est

    souvent vue de faon suspecte, et comme une activit servile. On peut observer la place de lconomie dans la socit

    antique et comment elle tait perue ses dbuts partir de quatre figures : Thals, Xnophon, Platon et Aristote.

    Thals

    Thals de Milet (circa 625 547 av. J.-C.) na jamais crit sur lconomie, mais son histoire montre un des premiers

    exemples de spculation conomique, un corner sur le pressage d'olives. Alors quon lui reprochait linutilit de la

    philosophie qui ne permettait aucune application avantageuse et que lon raillait sa pauvret constante, il se livra

    diffrents calculs astronomiques. Ceux-ci lui permirent de prvoir une priode particulirement chaude et ensoleille,

    durant laquelle on ferait vraisemblablement une abondante rcolte dolives. Il loua donc tous les pressoirs olives

    des rgions de Milet et de Chios bas prix, quand ils nintressaient personne. Ses prvisions se rvlrent exactes,

  • Histoire de la pense conomique 2

    et quand advint le moment de la rcolte, la demande en pressoirs se fit extrmement importante. Thals, qui dtenait

    un monopole rgional, put sous-louer les pressoirs aux conditions quil demandait, se plaant par l la tte dune

    certaine fortune.

    Si cette anecdote ne rvle pas une analyse pousse des mcanismes conomiques, elle les prfigure en ce qu'elle

    montre une rflexion sur des stratgies financires, reposant sur des ides diffuses de la loi de l'offre et de la

    demande, ou du monopole et de ses consquences.

    Xnophon

    Xnophon

    Il est ncessaire dvoquer Xnophon (circa 426 355 av. J.-C.), qui

    comme Platon fut lve de Socrate, propos de lhistoire de la pense

    conomique : non seulement parce quil est le premier employer ce

    terme, mais encore parce quil y consacrera tout un ouvrage,

    Lconomique (qui consiste en un dialogue entre Socrate et

    Ischomaque), autour dun thme unique, celui de ladministration dun

    domaine agricole. On peut ainsi se rendre compte combien dans

    lAntiquit le terme est li lide de ladministration domestique ;

    cependant le dialogue en vient presque porter sur des stratgies

    daccroissement des richesses, le pre dIschomaque achetant par

    exemple des terres bas prix pour les revendre bien plus cher aprs les

    avoir dfriches. En vrit, celui qui connat lart ou la science de

    lconomie est de facto un bon gestionnaire, et ce dans toute situation.

    Le bon pre de famille peut ainsi savoir ce qui est bon pour

    ladministration dune cit. Cest toutefois la femme que revient le

    rle de lentretien de la maison (oikos), de mme la politique est

    laffaire des hommes, et le travail, rserv aux seuls esclaves. Dans

    Lconomique, Ischomaque enseigne cet art sa femme : ce sera le

    rle de celle-ci que d'en faire l'application.

    Sur la fin de sa vie, Xnophon crira galement Les Revenus, ouvrage o il propose de multiplier les exploitations

    agricoles et industrielles dans lAttique, et notamment dexploiter plein rendement les mines dargent du Laurion.

    cette occasion, il aborde (mais de faon peu approfondie) des concepts comme ceux de la demande et de la valeur

    des biens, et du rapport quils entretiennent entre eux. L'uvre est un projet politique et conomique pour toute une

    rgion, et tente de dfendre un point de vue cohrent.

    En dfinitive, les ouvrages de Xnophon portent sur la manire de grer un domaine agricole, et sur l'conomie

    domestique (l'expression serait, en grec, tautologique) ; Les Revenus montre cependant bien que ces enseignements

    sont applicables ailleurs, et place l'conomie comme art de satisfaire les besoins dune socit. On peut pour

    Xnophon extrapoler de l'tude d'une microentit : n'est-ce pas la prmisse de la microconomie ?[rf.ncessaire]

  • Histoire de la pense conomique 3

    Platon

    Platon

    Platon (428 ou 427 347 ou 346 av. J.-C.), qui travers son dialogue

    La Rpublique expose sa vision de lutopie, se trouve entran

    aborder lconomie comme gestion des biens et des personnes de la

    faon la plus juste possible dans la cit idale.

    Il dfend ainsi lide dune socit divise en trois classes

    (magistrats/philosophes, gardiens et travailleurs/producteurs, en ordre

    dcroissant) o le droit de proprit nest rserv qu la classe

    infrieure des producteurs : les autres classes ne doivent pas tre

    tentes par le lucre et laccumulation des richesses. Le philosophe sait

    que la cit est suprieure lindividu ; pour prserver lquilibre de la

    cit et parvenir au plus haut degr de la vertu politique, il est ncessaire

    de poser une limitation de la fortune et des biens de chacun, dautant

    plus que pour Platon et son poque la quantit totale de richesse est

    imagine comme peu prs fixe. Il expose de cette faon une forme

    dorganisation sociale base sur la communaut des biens et propose mme dans Les Lois un partage galitaire de la

    terre. Lconomie platonicienne cherche ainsi rgir la rpartition des ressources, et ce une fin politique et

    philosophique. Moins quun art, lconomie pour Platon se rapprocherait donc plutt de ces savoir-faire dcrits dans

    Gorgias ; il n'en demeure pas moins que ses tentatives d'organisation d'une cit parfaite impliquent souvent des

    proccupations qui sont purement de l'ordre de la science conomique telle qu'on la connat aujourd'hui.

    Platon, le premier, s'intresse strictement au problme de la cit et de la manire dont il faut qu'elle soit rgie, et ce

    sur tous les plans. Il tire de son tude un modle social et conomique bas sur le collectivisme plusieurs niveaux

    (biens, femmes, terres) tout en ne remettant pas en cause le principe de l'tat (la cit de Platon n'est donc pas

    socialiste). Dans d'autres uvres, il confirmera la validit du recours l'esclavage comme moyen technique. Il

    critique en revanche de faon gnrale la volont de possession, l'appt des richesses, l'esprit de lucre.

    Aristote

    Aristote

    Chez Aristote (circa 384 322 av. J.-C.), on trouve une place

    beaucoup plus importante consacre lconomie : il s'agit de ce point

    de vue d'un auteur fondamental dans l'Antiquit, et qui aura une trs

    grande influence durant toute la priode mdivale.

    Aristote montre avec Les conomiques et l'thique Nicomaque la

    diffrence fondamentale entre l'conomique et la chrmatistique. La

    chrmatistique (de khrma, la richesse, la possession) est l'art de

    s'enrichir, dacqurir des richesses. Selon Aristote, l'accumulation de la

    monnaie pour la monnaie est une activit contre nature et qui

    dshumanise ceux qui s'y livrent : suivant lexemple de Platon, il

    condamne ainsi le got du profit et l'accumulation de richesses. Le

    commerce substitue largent aux biens ; lusure cre de largent partir

    de largent ; le marchand ne produit rien : tous sont condamnables d'un

    point de vue philosophique. Bien qu'Aristote traite de la chrmatistique

    comme ensemble de ruses et de stratgies dacquisition des richesses

    pour permettre un accroissement du pouvoir politique, il la

    condamnera toujours en tant que tel.

  • Histoire de la pense conomique 4

    Au contraire, lagriculture et le mtier permettent de fonder une conomie naturelle o les changes et la monnaie

    servent uniquement satisfaire les besoins de chacun, ce quil valorise. Aristote garde toujours le souci dagir

    conformment la nature. Celle-ci fournit la terre, la mer et le reste : lconomique est ainsi lart dadministrer,

    dutiliser les ressources naturelles, totalement loppos de lart dacqurir et de possder. Y est incluse lide dun

    rapport de rciprocit : Aristote ne spare pas lconomique du social, tablissant lchange comme un retour sur

    quivalence ; on comprend donc quil condamne la chrmatistique, qui substitue lobjet la relation sociale puis

    largent lobjet.

    De fait, l'change, bas sur la monnaie, est toujours envisag chez Aristote comme permettant de renforcer le lien

    social : il tablit son inexistence dans la tribu (o seul le troc existe) et son apparition avec la cit, c'est--dire la

    socit.

    Car s'il n'y avait pas d'changes, il ne saurait y avoir de vie sociale ;

    il n'y aurait pas davantage d'change sans galit,

    ni d'galit sans commune mesure.

    Ainsi, lapport dAristote est tout dabord une distinction fondamentale quil tablit entre conomie naturelle

    (conomique) et conomie dargent (chrmatistique) ; de l une rflexion fine sur le rle de l'change dans le lien

    social. Un autre rsultat original et remarquable des rflexions dAristote est la diffrenciation quil fait entre valeur

    subjective et valeur commerciale dun bien, que lon peut facilement rapprocher des notions de valeur d'usage et de

    valeur d'change qui apparatront chez Adam Smith au XVIIIesicle. On trouve ainsi dans l'thique Nicomaque

    des concepts comme les quatre causes (cause matrielle, cause formelle, cause efficiente, cause finale), qui sont,

    pour certaines de ces causes, des esquisses des notions de valeur d'change et de valeur d'usage utilises dans les

    thories conomiques modernes.

    La pense conomique judo-chrtienne

    L'Ancien Testament contient de nombreux jugements et prescriptions conomiques. Il ordonne l'absence de proprit

    perptuelle sur la Terre et instaure une redistribution priodique. Il interdit les prts intrt, et enfin il hirarchise

    selon leur honneur les activits conomiques, faisant de l'agriculture la premire et du commerce la dernire.

    Le Nouveau Testament encourage l'homme mettre en valeur ses talents, en faisant fructifier des placements

    (parabole des talents). Si l'homme travaille la terre, c'est un moyen de mettre en valeur ses talents en agriculture, et

    de mme dans tous les domaines de l'activit humaine, dans l'industrie et le commerce par exemple. Mais le

    Nouveau Testament prvient aussi contre les tentations matrielles lies l'accumulation et l'utilisation superflue

    des richesses. Il insiste sur une rpartition quitable des biens (Lazare).

    Au IVesicle se produisit une sparation nette entre le christianisme et le judasme sur les questions conomiques :

    le judasme commena laborer une codification de l'conomie (voir Intrt de l'argent et religions monothistes),

    tandis que le christianisme resta fig dans l'interdiction du prt intrt. Cette situation eut des consquences trs

    importantes par la suite sur les relations entre les chrtiens et les juifs, ces derniers assurant souvent la fonction de

    banquier, interdite aux chrtiens. Cela fut sans doute une des causes majeures de l'antijudasme au Moyen ge.

  • Histoire de la pense conomique 5

    La pense conomique l'poque mdivale

    Les thologiens

    Saint Thomas d'Aquin

    Le Moyen ge voit un renouveau des changes commerciaux et une

    multiplication des opportunits de profit. Les thologiens de lpoque

    ne sattachent pas alors dcrire des mcanismes conomiques mais

    cherchent dfinir leur moralit, leur caractre licite ou illicite selon la

    morale chrtienne.

    Pour Saint Thomas d'Aquin (1225-1274), les marchands doivent

    pratiquer un juste prix dcoulant de la coutume et qui est cens les

    prvenir dun enrichissement exagr. Lactivit commerciale doit tre

    lgitime par un apport rel de richesse au produit via sa

    transformation, son transport ou la limite par son caractre vital pour

    la survie du marchand et de sa famille. Il condamne par ailleurs le prt

    intrt, car selon lui la reconnaissance de lemprunteur ne doit pas se

    manifester par une rcompense financire, mais par lestime, la

    gratitude ou lamiti. ce sujet, Saint Thomas dAquin pressent bien le

    futur argument selon lequel time is money , mais pour lui le temps

    ne peut tre une marchandise : il nappartient qu Dieu.

    La pense conomique orientale

    l'poque mdivale, des penseurs arabes ont rflchi aux problmes conomiques. Notamment Ibn Khaldun (1332

    - 1406) a crit une thorie conomique et politique dans Prolegomena montrant par exemple, comment la densit de

    la population est lie la division du travail qui conduit la croissance conomique. Cette dernire contribue

    accrotre la population, formant ainsi un cercle vertueux. Il apporte aussi des premires explications quant la

    formation des prix.

    La pense conomique de l'poque moderne

    L'poque moderne napporta pas vritablement une thorie conomique. La Renaissance fut une priode de

    changement radical des mentalits et de vision du monde, d l'apparition de l'imprimerie et aux grandes

    dcouvertes. Le nouveau monde offrit brusquement des perspectives sur le plan conomique.

    Les besoins de rforme se faisaient sentir depuis le XIVesicle, justement sur ces questions. En effet, certains

    aspects conomiques pervers de cette poque, comme le trafic des indulgences, taient de plus en plus mal ressentis

    par la population, en particulier dans les pays du nord de l'Europe. Les grandes dcouvertes, qui permirent aux pays

    du sud de l'Europe de s'enrichir par le commerce transatlantique, ne fit qu'accentuer ce sentiment d'injustice. Le trait

    de Tordesillas excluait les pays du nord de l'Europe.

    La Rforme protestante de Luther se construisit ainsi autour d'une raction contre le systme des indulgences.

    Parmi les rformateurs protestants, Jean Calvin dfendit le prt intrt, en prconisant un taux modr de 5%. Le

    crdit put ainsi se dvelopper dans les villes protestantes.

    La Rforme protestante se dveloppa donc dans ce climat de changement de mentalit, dans lequel le travail prenait

    davantage de valeur par rapport au commerce pur. Cest la clbre thse de Max Weber (Lthique protestante et

    lesprit du capitalisme, 1905). Il explique quavec la Rforme, le travail devint une nouvelle vertu : auparavant

    destin la seule survie, il devint lorigine de la richesse et de son accumulation qui, selon la logique protestante de

    la prdestination, serait un signe d lection divine . Le travail et la richesse quil produit concourent la gloire de

    Dieu ; le temps est prcieux et lpargne devient une vertu. La pense protestante transmettrait aussi selon lui

  • Histoire de la pense conomique 6

    lthique du mtier, mais assurerait surtout une rationalit plus grande que celle permise par la pense catholique. Ce

    faisant, elle lve de nombreux obstacles moraux lactivit conomique.

    En 1516, Thomas More fit une premire critique des consquences sociales de la naissance de ce nouveau systme

    conomique, que marquait le mouvement des enclosures[2] en Angleterre en dcrivant dans Utopia une socit

    imaginaire ou rgnerait un rgime de communautaire, sans aucune monnaie. Les changes y taient rgis par un

    systme de troc. Toutefois, on ne peut considrer Utopia comme un trait d'conomie, et encore moins rduire la

    pense de Thomas More ce seul ouvrage : Thomas More n'tait pas un conomiste, mais plutt un juriste, un

    homme politique, et un thologien (voir l'uvre complet dans l'article Thomas More). Il est probable que, vu le peu

    de facilit dans l'impression, la traduction, et la diffusion des ouvrages l'poque moderne, la postrit ait effectu

    un biais sur la pense et l'uvre de Thomas More, prenant Utopia comme argument pour la satire d'un systme de

    privilges aux limites, puis pour la construction de penses uniformisantes, que nos contemporains assimilent vite,

    sans doute par un effet d'historicisme, au communisme.

    Paralllement, en Espagne, l'cole de Salamanque, partir de la thorie des droits naturels, propose une conception

    subjective de la valeur et justifie la proprit prive et la libert des changes. Ses auteurs principaux sont les jsuites

    Francisco de Vitoria (14831546), Martn de Azpilcueta (14931586), Domingo de Soto (14941560), et Luis de

    Molina (15351600). Cette tradition sera reprise par les classiques franais et l'Ecole autrichienne.

    Les guerres de religion la suite de la Rforme ont fait merger l'ide du libre-change qui sera formule plus tard

    par Hugo de Groot (Grotius).

    La naissance de l'conomie moderne

    Origines

    Les premiers prcurseurs de l'conomie moderne sont Pierre de Boisguilbert et l'conomiste irlandais Richard

    Cantillon. Ce dernier vcut Paris. Il dfinit pour la premire fois les circuits conomiques globaux, et inspira

    Franois Quesnay et les physiocrates. Adam Smith, dans son clbre trait Recherche sur la nature et les causes de

    la richesse des nations publi en 1776, cite en rfrence Richard Cantillon (l'un des rares auteurs cits).

    Le trait d'Adam Smith est souvent reconnu comme l'acte de fondation de l'conomie moderne. L'conomie est

    dsormais une branche distincte de la philosophie et de la thologie. Les penseurs en conomie ne sont plus issus de

    l'glise ni des milieux politiques.

    Le mercantilisme et les ides physiocrates contribueront l'autonomisation progressive de l'conomie.

  • Histoire de la pense conomique 7

    Le mercantilisme

    William Petty

    Dans un contexte de capitalisme commercial, marqu par la

    multiplication des transports, les grandes dcouvertes et les monarchies

    absolues de France et d'Espagne se dveloppe le courant mercantiliste,

    qui dominera la pense conomique europenne entre le XVIesicle et

    le milieu du XVIIIesicle.

    Au cours de cette priode, une littrature clate apparat, pendant

    laquelle les hypothses ont volu, rendant l'ide d'un courant unique

    assez vague. Il se rpandra dans la plupart des nations europennes en

    s'adaptant aux spcificits nationales. On distingue parmi les coles

    mercantilistes : le bullionisme (ou mercantilisme espagnol ) qui

    prconise l'accumulation de mtaux prcieux ; le colbertisme (ou

    mercantilisme franais ) qui est tourn pour sa part vers

    l'industrialisation ; le commercialisme (ou mercantilisme britannique

    ) qui voit dans le commerce extrieur la source de la richesse d'un

    pays et le chrysohdonisme (le fait de placer le bonheur au sein de

    l'or).

    Jusqu'au Moyen ge, les questions conomiques taient traites sous l'angle de la religion et les thologiens taient

    les principaux penseurs des questions conomiques. Cette rupture majeure sera ralise par les conseillers des

    princes et des marchands. Cette rupture est marque ds 1513 avec la parution du Prince de Machiavel o ce dernier

    va jusqu' expliquer que dans un gouvernement bien organis, l'tat doit tre riche et les citoyens pauvres . En

    1615, Antoine de Montchrestien publie son Trait d'conomie politique et utilise pour la premire fois l'expression

    d'conomie politique. Avec lui, les plus clbres mercantilistes sont le franais Jean Bodin, l'espagnol Luis de Ortiz

    et l'anglais William Petty.

    La thorie labore par les mercantilistes fait de l'accumulation de mtaux prcieux (comme l'or et l'argent) la source

    de la richesse et prne un excdent commercial. D'autre part, elle prend pour objectif le renforcement de la puissance

    de l'tat, reprsent par le monarque absolu. Dans ce sens est prne une guerre commerciale , se basant sur le

    protectionnisme et l'interventionnisme. Les mercantilistes veulent une conqute des marchs extrieurs (ventes

    l'extrieur des produits manufacturs) mais une prservation (ou une extension) du march intrieur (restriction aux

    importations).

    On leur doit par ailleurs (et notamment William Petty) le dveloppement et l'utilisation des statistiques et des

    mthodes empiriques en conomie. Celles-ci drivent de leur souci de surveiller la balance commerciale et les flux

    de mtaux prcieux, et parfois d'une sorte d'obsession du numraire.

    La thorie physiocratique

    Par la suite, les physiocrates ou comme ils s'appelaient entre eux la secte des conomistes, vont s'opposer aux ides

    des mercantilistes. Le terme de physiocrate, dvelopp par Pierre Samuel du Pont de Nemours, signifie littralement

    gouvernement de la nature (du grec kratos et physio ). L'cole des physiocrates est originaire de France et a eu

    son apoge au cours de la seconde moiti du XVIIIesicle. Le plus clbre d'entre eux est Franois Quesnay, qui

    publie en 1758 son fameux Tableau conomique.

    La thorie physiocratique voit dans la terre la source de toute richesse, et s'lve contre les politiques qui la

    dlaissent au profit de l'industrie naissante. Au contraire des mercantilistes, les physiocrates s'opposent

    l'intervention de l'tat. Ils mettent en avant l'existence de lois conomiques, comme il existe des lois en physique. Du

    fait de l'existence d'un ordre naturel gouvern par des lois qui lui sont propres, le seul rle des conomistes est de

    rvler ces lois de la nature.

  • Histoire de la pense conomique 8

    Autres contributions

    Bernard de Mandeville publie en 1714, La Fable des abeilles o il tend opposer la vertu et la prosprit. Selon cet

    auteur, la richesse conomique collective dcoule des vices privs , en particulier de la consommation de biens de

    luxe condamn par les mercantilistes ou les physiocrates comme un gchis. Cette tentative de sparer la morale de

    l'efficace montre la ncessit de rompre avec l'influence des valeurs et de refuser les a priori dangereux. En effet, la

    conclusion provocatrice de cet auteur est que les vices privs se rvlent en fait tre profitables la communaut et

    sont donc des vertus collectives . Son analyse qui tend faire de la consommation une action tout aussi utile que

    l'pargne annonce les thses futures de John Maynard Keynes. Par d'autres aspects, elle prfigure le libralisme

    conomique et, selon Friedrich Hayek, l'ordre spontan[3] .

    Les philosophes des Lumires dveloppent aussi des analyses conomiques. Montesquieu est salu par Keynes pour

    avoir compris le premier le rle des taux dintrt comme instrument de la cration montaire dans De lesprit des

    lois (1748), mme si, avant lui, Jean-Franois Melon et surtout, Nicolas Dutot, dans ses Rflexions politiques sur les

    finances et le commerce (1738), avaient en partie dj fond leurs analyses sur l'influence montaire des taux

    d'intrt. Dans cette uvre, Montesquieu voit aussi le commerce comme source d'adoucissement des murs et de

    paix entre les nations au contraire des mercantilistes qui en faisaient le nerf de la guerre . Jean-Jacques Rousseau

    dcrit quant lui le processus social de lappropriation des terres, fondement de lingalit parmi les hommes et

    origine du Droit et de la socit civile. L'cossais David Hume apporte la premire contribution majeure la thorie

    du libre-change en tentant de dmontrer que les dsquilibres commerciaux sont naturellement corrigs par des

    mcanismes montaires.

    L'cole classique et les rponses au classicisme

    Les classiques

    Adam Smith

    L'cole classique marque vraiment l'avnement de l'conomie

    moderne. La priode classique commence avec le trait dAdam Smith

    sur la Richesse des Nations en 1776 et se termine avec la publication

    en 1848 des Principes de John Stuart Mill. Cette pense est

    historiquement dveloppe en Grande-Bretagne et en France. C'est

    Karl Marx qui inventera le terme classique en opposant les

    conomistes classiques aux conomistes vulgaires. Les classiques tant

    ceux qui ont cherch dterminer l'origine de la valeur. Keynes adopte

    une vision plus large lorsqu'il fait rfrence aux Classiques car il tend

    cette cole jusqu'aux travaux de Pigou (1930). Pour lui, l'ensemble des

    conomistes qui adhrent la loi de Say font partie de l'cole

    Classique.

    Trois gnrations d'auteurs vont se succder :

    Adam Smith (1723 - 1790, Recherche sur la nature et les causes de

    la richesse des nations (1776)), Anne Robert Jacques Turgot

    (1727-1781 Rflexions sur la formation et la distribution des

    richesses (1766))

    David Ricardo (1772 - 1823 Des principes de l'conomie politique

    et de l'impt (1817)), Thomas Malthus (1776 - 1834 Essai sur le principe de population (1798)), Jean-Baptiste

    Say (1767 - 1832 Trait d'conomie politique (1803)),

    et John Stuart Mill (1806 - 1873 Principes d'conomie politique (1848)).

  • Histoire de la pense conomique 9

    Les classiques s'intressent principalement aux questions de production, de fixation des prix de rpartition, et de

    consommation. Il existe entre ces auteurs une grande communaut de pense. Libraux, contemporains de la

    rvolution industrielle en Grande-Bretagne, ils assistent la naissance du capitalisme industriel et en sont les

    fervents dfenseurs. Plusieurs principes et postulats sont au centre de la pense de cette cole.

    David Ricardo

    Tout d'abord, il existe un ordre relativement naturel dont les lois

    conduisent une relative harmonie des intrts particuliers. Mais cet

    ordre est constamment menac et il revient la puissance publique de

    le protger. Ainsi pour Jean-Baptiste Say, ltat se doit absolument de

    protger la proprit prive qui ne va pas de soi. Pour Adam Smith, il

    doit empcher les conspirations des entrepreneurs qui tentent par des

    ententes de faire monter les prix, ou encore prendre en charge

    lducation des ouvriers que la division du travail abrutit. Les libraux

    ont repris un physiocrate, Vincent de Gournay, la sentence Laissez

    faire les hommes, laissez passer les marchandises . Le march

    concurrentiel remplace donc ltat comme rgulateur de lconomie,

    mais ltat garde son pouvoir comme garant de lexistence du march.

    Il doit limiter ses autres interventions ses fonctions rgaliennes, ainsi

    qu' la fourniture de biens collectifs que l'initiative prive ne saurait

    fournir (routes, ponts, ducation)

    Enfin, le moteur de l'activit conomique est l'intrt individuel : en ce

    sens, le libralisme conomique est un individualisme. Pour Adam Smith ou Turgot, l'intrt de la collectivit est

    ralis par la confrontation des intrts individuels. Ainsi [...], les motifs gostes de l'homme mnent le jeu de leur

    interaction au plus inattendu des rsultats : l'harmonie sociale [4] (phnomne que Smith dsigne sous le terme de

    main invisible[5] ).

    La diffrence essentielle entre les classiques anglais et les classiques franais est dans leur conception de la valeur.

    Pour l'cole anglaise, le travail est la seule source de la valeur (thorie de la valeur travail[6] ). Pour l'cole franaise,

    la valeur est l'expression du dsir que les hommes prouvent pour les choses (thorie de la valeur-utilit chez Say).

    On trouve un autre clivage important dans l'cole classique entre le monde merveilleux d'Adam Smith [7] et les

    funestes pressentiments du pasteur Malthus et de David Ricardo [8] . Ainsi une partie des classiques dcrivent un

    monde autorgul par la main invisible o les crises durables sont impossibles (selon la loi dite de Say ) tandis

    que d'autres craignent de voir la surnatalit provoquer la famine, d la croissance conomique qui entraine un

    enrichissement de la population et donc un taux de mortalit dcroissant (chez Malthus et Ricardo), ou que

    l'volution logique de la rpartition des richesses en faveur des rentiers entrane l'conomie vers la stagnation (chez

    Ricardo).

    Prmices du socialisme

    Les classiques et leurs analyses ont t rapidement critiqus. En 1818, Jean de Sismondi publie ses Nouveaux

    principes dconomie politique o il critique les consquences sociales de l'industrialisation visibles dans lAngleterre

    de son poque : chmage, ingalit, pauprisation dnonant un libralisme qui ne se fait qu sens unique,

    procurant des droits aux entrepreneurs et imposant des obligations aux ouvriers. Il cherche aussi dvelopper une

    thorie conomique montrant la possibilit de dsquilibres globaux dans lconomie, notamment des crises

    majeures de surproduction. Pour ce faire, il introduit la notion de dlai entre la production et la consommation (un an

    dans le cas de lagriculture par exemple) pour rfuter la loi de Say selon laquelle les produits schangent contre des

    produits . titre dexemple lintroduction du progrs technique naccrot pas simultanment loffre et la demande,

    car son premier effet est de permettre le licenciement des ouvriers qui ne seront rembauchs qu moyen terme,

    condition que dici l les dsquilibres de court terme ne provoquent une crise de surproduction.

  • Histoire de la pense conomique 10

    Cette poque est aussi celle de lmergence de la pense socialiste. Certains socialistes utopiques comme Charles

    Fourier dnoncent lanarchie industrielle. Ce dernier rve de mettre en place des phalanstres, communaut de 1620

    personnes slectionnes pour leurs caractres et leurs aptitudes complmentaires afin que la communaut soit au

    mieux organise et puisse prosprer. De nombreux phalanstres furent par exemple crs aux tats-Unis. Certains

    industriels philanthropes comme Robert Owen thorisent et mettent en pratique des usines modles ou se

    dveloppent les cours du soir, la hausse de la productivit par la rduction du temps de travail, o les familles sont

    prises en charges et jouissent de nombreux agrments : coles, jardins denfants, etc. limage de Fourier, il rve de

    mettre en place des villages de coopration .

    En France, Claude Henri de Saint-Simon dveloppe le progressisme industriel et souhaite mettre en place une

    intervention technocratique de ltat base sur la planification industrielle et dont lobjectif serait lamlioration des

    conditions de la classe laborieuse. Autour de lui se forme une vritable secte conomique , le saint-simonisme. De

    son ct, Charles Brook Dupont-White dveloppe une critique radicale du capitalisme qui annonce celle du

    marxisme, et propose l'intervention de l'tat comme rgulateur du systme.

    Enfin, en Grande-Bretagne, le dernier des classiques anglais, John Stuart Mill prne que le libralisme est la

    meilleure faon de produire des richesses mais indique quil nest pas pour autant la meilleure faon de les rpartir

    Le marxisme

    Karl Marx

    Au dbut des annes 1840, des universitaires de gauche se

    revendiquant d'une analyse critique de Hegel, appels hgliens de

    gauche , critiquent les conomistes classiques. Les plus clbres

    penseurs issus de ce groupe sont Karl Marx et Friedrich Engels, qui ont

    crit ensemble ou sparment de nombreux ouvrages conomiques, le

    plus clbre tant Le Capital.

    Le marxisme repose sur une vision philosophique du monde, laquelle

    l'conomie est intimement lie. L'conomie de Marx repose sur des

    concepts existants (le travail, la proprit, la consommation, la

    production, le capital, l'argent...) que Marx a complts et surtout

    redfinis. Il a notamment dvelopp la thorie de la valeur et la

    valeur-travail, qu'il a repris aux classiques anglais (en particulier

    Ricardo).

    Le marxisme est rest une thorie htrodoxe fconde surtout dans les

    domaines de la philosophie et de la sociologie, ainsi que de l'conomie o notamment Rosa Luxemburg avec

    L'Accumulation du capital[9] (1913), ou plus rcemment Paul Baran ou Paul Sweezy(en) ont continu les travaux

    des marxistes.

    L'cole historique

    L'cole historique apparat dans les annes 1840 en raction l'universalisme des classiques. Elle rejette l'ide de

    lois conomiques dissocies de leur contexte historique, social et institutionnel. Wilhelm Roscher dclare que la

    recherche conomique doit tre pluridisciplinaire, incorporant des mthodes d'historiens et de sociologues en plus

    d'conomistes.

    L'Allemagne est le pays o la pense historiciste s'est le plus dveloppe et a eu le plus d'influence, allant mme

    jusqu' rendre ce pays plus ou moins impermable aux influences exerces par le courant marginaliste en Europe la

    fin du XIXe sicle et au dbut du XXe sicle.

    L'cole historique allemande s'est forme dans les annes 1840 avec les crits de Bruno Hildenbrand (1812-1878),

    Karl Knies (1821-1898) et surtout de Wilhem Roscher(en) (1817-1894). Par la suite, Gustav von Schmoller,

  • Histoire de la pense conomique 11

    Friedrich List et Max Weber entre autres contribueront cette cole.

    L'cole historique anglaise s'est dveloppe paralllement et indpendamment de sa consur germanique. Bien que

    s'appuyant sur une importante tradition empiriste et inductiviste hrite de Bacon et de Hume, elle n'aura pas la

    mme aura que cette dernire. Il faut nanmoins remarquer que durant la priode de transition sparant la domination

    de l'conomie classique ricardienne et l'mergence du marginalisme dans les annes 1870, l'cole historique anglaise

    constituera pour un temps l'orthodoxie de l'conomie politique britannique. Ainsi, W.S. Jevons aura toutes les peines

    du monde s'imposer dans le milieu acadmique.

    Trs influence par les auteurs allemands, la version franaise de l'historicisme n'aura qu'une porte limite et une

    unit contestable. Le principal lment fdrateur sera un rejet de l'cole de Lausanne de Lon Walras. Ses

    principaux auteurs seront Charles Gide (1847-1932) et Franois Simiand (1873-1935).

    Voir cole des Annales : Fernand Braudel

    L'cole noclassique et les rponses au noclassicisme

    L'cole noclassique et ses hritiers

    Vilfredo Pareto

    L'cole noclassique nat de la rvolution marginaliste dans les

    annes 1870. Elle forme avec le keynsianisme l'essentiel de

    l'conomie orthodoxe qui domine l'enseignement et la pratique

    universitaire de la discipline conomique depuis le dbut du

    XXesicle.

    Le terme marginalisme vient du fait que cette cole a t la premire

    utiliser l'utilit marginale comme dterminant de la valeur des biens et

    le calcul diffrentiel comme instrument principal de raisonnement. Elle

    se caractrise en particulier par une extrme mathmatisation. Cette

    cole s'est constitue partir des travaux de Stanley Jevons

    (1835-1882), Carl Menger (1840-1921) et Lon Walras

    (1834-1910).On peut distinguer trois coles issues du marginalisme :

    l'cole de Lausanne, avec Lon Walras et Vilfredo Pareto; l'cole de

    Vienne, avec Carl Menger (voir ci-dessous) et l'cole de Cambridge,

    avec William Jevons.

    L'cole autrichienne, d'abord assimile l'cole noclassique, a

    toujours soutenu des positions trs diffrentes de celles de Walras et Jevons et est maintenant considre comme

    htrodoxe.

    Plusieurs courants noclassiques contemporains se rclament des noclassiques : les No-walrasiens (Kenneth

    Arrow, Grard Debreu), l'cole des choix publics (James M Buchanan, Gordon Tullock), les Nouveaux classiques

    (Robert Lucas Jr, Paul Romer), l'cole de Chicago (Frank Knight, Jacob Viner, George Stigler, Gary Becker) ou

    encore les montaristes (Milton Friedman).

    L'cole autrichienne

    Lcole autrichienne dconomie, issue de Carl Menger en 1871, se distingue de l'cole noclassique en rejetant

    lapplication lconomie des mthodes employes par les sciences naturelles, et en sintressant aux relations

    causales entre les vnements et non aux quilibres. Outre Carl Menger, ses reprsentants les plus connus sont

    Ludwig von Mises et Friedrich von Hayek. Elle dfend le libralisme en matire conomique et plus gnralement

    dorganisation de la socit.

  • Histoire de la pense conomique 12

    La tradition autrichienne se rattache aux scolastiques espagnols du XVIesicle (cole de Salamanque), via les

    conomistes classiques franais.

    Lcole autrichienne sest oppose lcole historique allemande (suite la Methodenstreit), puis Lon Walras et

    aux noclassiques, la conception objective de la valeur et donc Karl Marx et au socialisme, et enfin Keynes et

    aux macroconomistes. Ces controverses sont encore vivaces et mettent la tradition autrichienne en conflit avec

    presque toutes les autres coles de la pense conomique contemporaine.

    L'institutionnalisme

    Thorstein Veblen

    Thorstein Veblen publie en 1899 Why is Economics not an

    Evolutionary Science?, le document fondateur de l'cole

    institutionnaliste. Il rejette de nombreux postulats de l'cole

    noclassique, comme l'hdonisme individuel justifiant la notion

    d'utilit marginale, ou l'existence d'un quilibre stable vers lequel

    l'conomie converge naturellement. L'cole institutionnaliste

    comprend des hritages de l'cole historique allemande ; elle se

    dveloppe principalement aux tats-Unis.

    Reprsentants : Arthur R Burns, Simon Kuznets, Robert Heilbroner,

    Gunnar Myrdal, John Kenneth Galbraith.

    La thorie des cycles

    La croissance conomique ne se fait pas de faon continue. Elle passe

    par des phases de croissance rapide et de croissance plus faible, voire

    de dcroissance momentane ou mme de crise conomique.

    L'volution de l'activit conomique sur des priodes courtes

    (typiquement sur quelques annes) est dnomme la conjoncture conomique. Cette notion permet de distinguer

    ces hauts et bas relativement rapprochs des priodes d'volutions plus longues de dveloppement, stagnation, voire

    dclin conomique pouvant s'taler sur des gnrations.

    Observant une certaine rgularit dans ces fluctuations de la croissance, des auteurs ont bti la thorie des cycles

    afin de rendre compte des successions de phases, et ainsi d'envisager une prvision des crises et des reprises de

    l'conomie.

  • Histoire de la pense conomique 13

    Le keynsianisme

    L'analyse de Keynes

    Harry White saluant John Maynard Keynes (

    droite, 1946)

    La crise de 1929 met en exergue la porte limite des enseignements

    de la thorie noclassique : ce courant ne peut en effet apprhender et

    analyser l'existence dans les annes 1930 d'un phnomne de chmage

    massif. Les thoriciens orthodoxes ne peuvent expliquer que la

    prsence d'un chmage volontaire (au taux de salaire fix par le march

    du travail, certains agents conomiques ne prfrent pas travailler).

    John Maynard Keynes dveloppe au contraire une thorie gnrale

    car elle rend compte non seulement des situations d'quilibre de

    sous-emploi, mais aussi de plein emploi de toutes les forces de travail

    et de capital, alors que l'existence d'au moins un quilibre gnral est

    l'unique rsultat dmontr par la thorie noclassique (encore

    aujourd'hui). Son approche thorique est considre comme la

    premire thorie macroconomique, qui remet en question plusieurs

    des principes noclassiques : la monnaie n'est pas un voile des

    changes, le montant de l'pargne n'est pas dtermin sur le march des

    capitaux, la dtermination du taux d'intrt est montaire et non relle.

    Keynes montre qu'une conomie de march parvient le plus souvent un quilibre de sous-emploi durable des

    forces de travail et de capital. Il rompt ainsi avec lanalyse noclassique qui analysait le chmage comme

    frictionnel ou volontaire , afin de montrer que lconomie peut durablement souffrir dun chmage de masse que

    les mcanismes du march seuls ne peuvent rsoudre. Ainsi Keynes dcrit une dynamique qui empche toute reprise

    spontane de lconomie. Une offre excdentaire initiale provoque des licenciements. Keynes nie de la sorte qu'il

    occurera un ajustement par les salaires permettant en retour selon les noclassiques un rajustement des profits et un

    retour de linvestissement, de la croissance et en fin de lemploi. La monte du chmage signifie au contraire la

    disparition des dbouchs. Et cette baisse de la demande effective provoque le scepticisme des entrepreneurs qui

    ninvestissent plus induisant une aggravation de la crise. Il importe de ne pas oublier une autre partie de l'analyse : les

    taux d'intrt montaire dterminent principalement le niveau de l'activit conomique (chapitre 17 de la thorie

    Gnrale).

    Pour sortir de cette situation non optimale, il est essentiel de stimuler la demande, ce qui permettra de redonner

    confiance aux investisseurs. Pour ce faire, ltat dispose de plusieurs moyens. Il peut tout dabord redistribuer les

    revenus des plus riches (qui ont une plus forte propension pargner) aux plus pauvres (qui eux ont une forte

    propension consommer). Ltat peut aussi stimuler la cration montaire via une baisse des taux dintrt qui

    encouragera les gens emprunter pour consommer et surtout rendra rentable des projets d'investissement dont

    l'Efficacit Marginale du Capital tait infrieure au niveau du taux d'intrt montaire. Enfin ltat peut accrotre ses

    dpenses publiques induisant une augmentation de la demande globale en lanant des programmes de grands travaux

    par exemple. Pour ce faire, il peut mme recourir au dficit budgtaire dont il peut esprer quil sera moyen terme

    combl par la reprise conomique. Le financement de cette politique interventionniste s'opre soit par des

    prlevements obligatoires supplmentaires, soit une mission de titres sur les marchs des capitaux. Les mthodes de

    Keynes qui sappuient sur ltude des agrgats conomiques (entreprises, mnages, tat) et se distinguent de

    ltude noclassique des comportements individualistes, fondent la macroconomie [10] .

  • Histoire de la pense conomique 14

    L'tat-providence Beveridgien

    Alors que la Seconde Guerre mondiale a finalement succd la crise, un conomiste et parlementaire britannique,

    William Beveridge, fait de nombreuses propositions visant redfinir le rle de ltat daprs-guerre. En 1942, il

    prconise dans le rapport Social Insurance and Allied Services un rgime de scurit sociale visant librer

    lhomme du besoin en garantissant la scurit du revenu, sans cesse menace par les alas de la vie : maternit,

    maladie, dcs, chmage, accident du travail Pour ce faire, il propose la mise en place dun systme totalement

    gnralis, uniforme et centralis. Il s'intresse plus spcifiquement au problme du chmage quil considre comme

    le risque majeur dans nos socits (Full Employment in a Free Society, 1944), et comme laboutissement dfinitif de

    tous les autres risques (maladie, maternit). Il assimile le devoir de l'tat de garantir le plein emploi aux fonctions

    rgaliennes : Ce doit tre une fonction de ltat que de protger ses citoyens contre le chmage de masse, aussi

    dfinitivement que cest maintenant la fonction de ltat que de protger ses citoyens contre les attaques du dehors et

    contre les vols et les violences du dedans. Depuis, le rle de l'tat dans l'conomie a t profondment modifi.

    Les dbats contemporains

    Les keynsiens

    Les keynsiens vont sortir l'analyse de Keynes de son contexte original, celui d'une crise conomique, pour en faire

    une mthode de rgulation permanente des marchs.

    Les prolongements de l'cole keynsienne sont :

    le keynsianisme ou macroconomie traditionnelle

    la thorie du dsquilibre : Edmond Malinvaud

    le courant post-keynesien : Michal Kalecki, Nicholas Kaldor, Joan Robinson, Roy Forbes Harrod, Evsey

    Domar(en)...

    la nouvelle conomie keynsienne : George Akerlof, Joseph Stiglitz, Janet Yellen(en), Stanley Fischer...

    l'cole de la rgulation : Michel Aglietta, Robert Boyer, Alain Lipietz...

    Les no-keynsiens

    Paul Samuelson

    Le courant no-keynsien (appel aussi quilibres prix fixes ou

    cole du dsquilibre ) est une synthse des thories keynsiennes et

    noclassiques. Les conomistes de cette cole s'intressent aux

    fondements microconomiques de la macroconomie. Sur certains

    points, tel la rationalit, les nokeynsiens sont plus proches des

    conceptions de Friedman que de celles de Keynes. Mais ils conservent

    le caractre non volontaire du chmage en intgrant les systmes de

    march des noclassiques auxquels ils ajoutent des imperfections du

    march du travail comme cause de non-ralisation du plein emploi

    (asymtrie d'information. ala moral, Thorie des insiders-outsiders...).

    Ce courant a t initi par John Hicks dans les annes 1930, qui a

    prsent un modle succinct de la Thorie gnrale en termes

    noclassiques, le modle IS/LM. Ses reprsentants comportent : Franco

    Modigliani, Paul Samuelson, Robert Mundell, Robert Solow ou encore

    Edmond Malinvaud en France.

    Il convient de ne pas confondre ce courant avec celui des nouveaux

    keynsiens et les post-keynsiens.

  • Histoire de la pense conomique 15

    Les montaristes

    Au dbut des annes 1960, plusieurs conomistes mens par Milton Friedman (chef de file de l'cole de Chicago)

    tentent de relancer la thorie quantitative de la monnaie mise mal par les analyses keynsiennes. tudiant le cas

    amricain (M. Friedman et Anna Schwartz, Une histoire montaire des tats-Unis) il remarque que toute volution

    brutale de la masse montaire (aussi bien son augmentation prconise par les keynsiens dans le cadre des

    politiques interventionnistes, que sa diminution dans le cadre de politique de rigueur) est synonyme de dsquilibres

    conomiques. Renouant avec la thorie quantitative de la monnaie, ils recommandent une politique montaire

    restrictive o l'mission de monnaie serait limite une proportion fixe de la croissance du PIB, assurant une

    expansion parallle celle de lactivit. Les montaristes pronent galement la mise en place d'un change flottant

    permettant le rquilibrage automatique de la balance extrieure. Ces conclusions remettent en cause la base des

    politiques keynsiennes et suscitent de nombreux dbats depuis.

    cole des choix publics

    La thorie des choix publics s'est impose comme une discipline de l'conomie qui dcrit le rle de l'tat et le

    comportement des lecteurs, hommes politiques et fonctionnaires. Elle entend ainsi appliquer la thorie conomique

    la science politique. Le texte fondateur de ce courant est The Calculus of Consent publi en 1962 par James M.

    Buchanan ( Prix Nobel d'conomie 1986) et Gordon Tullock.

    La politique y est explique l'aide des outils dvelopps par la microconomie. Les hommes politiques et

    fonctionnaires se conduisent comme le feraient les consommateurs et producteurs de la thorie conomique, dans un

    contexte institutionnel diffrent : entre autres diffrences, l'argent en cause n'est gnralement pas le leur (Cf. le

    problme principal-agent). La motivation du personnel politique est de maximiser son propre intrt, ce qui inclut

    l'intrt collectif (du moins, tel qu'ils peuvent le concevoir), mais pas seulement. Ainsi, les hommes politiques

    souhaitent maximiser leurs chances d'tre lus ou rlus, et les fonctionnaires souhaitent maximiser leur utilit

    (revenu, pouvoir, etc.)

    Thorie de l'Offre

    La thorie de l'offre ou supply-side, est un courant dvelopp partir des annes 1970 aux tats-Unis qui vise

    dmontrer que la drglementation ainsi que la diminution de la fiscalit agissent sur l'offre favorablement et

    permettent d'agir en profondeur sur l'conomie. Ce courant, bas en particulier sur la courbe de Laffer, a eu une

    influence certaine sur la politique conomique de Ronald Reagan, les reaganeconomics ainsi que sur celle de

    Margaret Thatcher. L'cole des choix publics est relativement proche de ce courant, les principaux reprsentants en

    sont Arthur Laffer, Robert Mundell, sans en faire partie s'inscrit par certains aspects dans ce mouvement.

    Thorie du capital humain

    La thorie du capital humain est une thorie/concept conomique introduit par Theodore W. Schultz, puis prcis par

    Gary Becker -dans Human Capital, 1964- visant rendre compte des consquences conomiques de l'accumulation

    de connaissances et d'aptitudes par un individu ou une socit. Il comprend donc non seulement le savoir,

    l'exprience et les talents (capital-savoir), mais aussi sa sant physique ou sa rsistance aux maladies.

    Thorie des contrats implicites

    La thorie des contrats implicites cherche expliquer la dfaillance du march suivante : les salaires ne varient pas

    en fonction de la productivit marginale des travailleurs. Les observations empiriques montrent une progression

    constante des salaires au cours de la carrire. Cela s'explique par l'aversion au risque des travailleurs et par la peur de

    manquer de personnel de la part des employeurs. Cela conduit l'tablissement d'un contrat implicite pass entre ces

    deux agents o le salari accepte un salaire infrieur au march en priode de plein-emploi/haute conjoncture et un

    maintien de son salaire en priode de sous-emploi/basse conjoncture (Azariadis, Implicit contracts and

  • Histoire de la pense conomique 16

    unemployment equilibria, 1975).

    Selon Bernard Salani, l'objet de la thorie des contrats est d'apprhender les relations d'change entre des parties

    en tenant compte des contraintes institutionnelles et informationnelles dans lesquelles elles voluent.

    Nouvelle conomie classique

    La Nouvelle conomie classique ou Nouvelle macroconomie classique est un courant de pense conomique qui

    s'est dvelopp partir des annes 1970. Elle rejette le keynsianisme et se fonde entirement sur des principes

    noclassiques. Sa particularit est de reposer sur des fondations micro-conomiques rigoureuses, et de dduire des

    modles macroconomiques partir des actions des agents eux-mmes modliss par la micro-conomie.

    Les nouveaux classiques comprennent Robert Lucas Jr, Finn E. Kydland, Edward C. Prescott, Robert Barro, Neil

    Wallace(en), Thomas Sargent

    Nouvelle conomie keynsienne

    Joseph Eugene Stiglitz en 2002

    cole de pense conomique se rclamant de la pense keynsienne

    pour quelques ides seulement et s'opposant l'intervention trop

    rigoureuse de l'tat chaque fois que le march est incapable d'assurer

    une situation efficace.

    Cette nouvelle cole n'est pas un courant de pense unifi, mais ses

    principaux participants, - George Akerlof, Joseph Eugene Stiglitz,

    Gregory Mankiw, Stanley Fischer, Bruce Greenwald, Janet Yellen et

    Paul Romer, sont d'accord sur deux points fondamentaux: la monnaie

    n'est pas neutre et les imperfections des marchs expliquent les

    fluctuations conomiques[11] .

    Diversification actuelle de la pense conomique

    Depuis les apports de John Maynard Keynes (macroconomie) dans les

    annes 1930, on note une grande diversification des courants de pense

    conomiques de nos jours, notamment par l'application de nouvelles

    approches techniques :

    conomie quantitative, l'un des supports de l'conomtrie, utilisant des techniques de modlisation drives des

    sciences physiques,

    conomie exprimentale applique notamment la microconomie,

    conomie comportementale, ne notamment de l'tude des anomalies des marchs financiers,

    neuroconomie tude du processus mental de dcision conomique,

    thorie des jeux, lie aux problmes de coordination des agents conomiques.

    Par ailleurs, l'essor des sciences de gestion (management, marketing, organisation, relations humaines, technologies

    de l'information) a perfus en conomie, aboutissant en particulier la reconnaissance du savoir, de la comptence et

    de l'information comme facteur essentiel (conomie de la connaissance) de production et de dveloppement, en plus

    des trois classiques : ressources naturelles, travail et capital.

  • Histoire de la pense conomique 17

    Notes et rfrences[1] G.Lelarge, Dictionnaire thmatique de citations conomiques et sociales, Hachette ducation, Paris, 1993, pp.115

    [2] imposition de la proprit prive des terres

    [3] Friedrich Hayek, "Lecture on a Master Mind : Dr. Bernard Mandeville", Proceedings of the British Academy, 1966, vol. 52, p. 125-141

    [4] Robert L. Heilbroner, Les grands conomistes, Points Seuil, p.55

    [5] cette rfrence est souvent abusive : l'expression n'apparat qu'une seule fois dans l'immense ouvrage que constitue La Richesse des Nations et

    ne sert dcrire que les activits du petit artisanat

    [6] Chez Smith, c'est la valeur travail command alors que Ricardo opte pour la valeur travail incorpor

    [7] R. Heilbroner, Les grands conomistes, p. 41

    [8] R. Heilbroner, Les grands conomistes, p. 75

    [9] Rosa Luxembourg : R. Luxemburg : L'accumulation du capital (http:/ / www. marxists. org/ francais/ luxembur/ works/ 1913/ index. htm)

    [10] on peut toutefois noter que Ricardo avait dj fait des tudes sur linfluence de la rpartition des revenus entre classes sociales

    [11] Marc Montouss (1999), Thories conomiques, Paris, Bral, p.242

    Annexes

    Bibliographie

    Joseph Alois Schumpeter, Histoire de lanalyse conomique, Traduit de l'anglais sous la direction de Jean-Claude

    Casanova, prface de Raymond Barre, trois tomes, Gallimard, 1983, collection Tel 2004 (1600 p. au total, une

    vritable mine, un monument drudition et dintelligence de la connaissance conomique).

    Maurice Basl, Histoire des penses conomiques, Sirey, Paris, 1997.

    Ghislain Deleplace, Histoire de la pense conomique, Sirey, Paris, Dunod, 1999, ISBN 2-10-004233-5

    Franoise Dubuf, Introduction aux thories conomiques, Repres, La Dcouverte, 1999, ISBN 2707129577

    Philippe Steiner, Sociologie de la connaissance conomique. Essai sur les rationalisations de la connaissance

    conomique (1750-1850), PUF, 1998.

    Karl Pribram, Les fondements de la pense conomique, Economica, 1986

    Articles connexes

    Histoire conomique

    conomie

    Thorie conomique

    Chronologie de la pense conomique

    Orthodoxie et htrodoxie en conomie

    Prix de la Banque de Sude en sciences conomiques en mmoire d'Alfred Nobel

    Chronologie des faits conomiques

    Liens externes

    (en) History of Economic Thought Website (http:/ / cepa. newschool. edu/ het/ )

    Histoire des faits et des ides conomiques (VIIIme-XXmes sicles), Cours de l'Universit de Bretagne

    Occidentale (http:/ / www. univ-lille1. fr/ bustl-grisemine/ pdf/ cours-td/ G2002-37. pdf)

    Pense conomique orientale :

    Islam and Science: Ibn Khaldun (http:/ / web. archive. org/ web/ 20000920053801/ http:/ / www. bath. ac. uk/

    ~mamjr/ ibnkhaldun. htm)

    Ibn Jaldun: El Primer Sociplogo de la Historia par R.H. Shamsuddin Elia, Instituto Argentino de Cultura

    Islamica (http:/ / web. archive. org/ web/ 20030608172026/ http:/ / www. ryerson. ca/ ~lovewell/ khaldun. html)

    The Sharia'h economic framework (http:/ / www. financialislam. com/ islamic-economics--finance. html)

    Pense scolastique:

  • Histoire de la pense conomique 18

    Le "juste prix" dans la Scolastique , Jean-Pierre Potier (http:/ / ses. ens-lsh. fr/ potier/ index. php?arc=ht1a)

    ChrmatistiqueLa chrmatistique (de chrmatistikos, qui concerne la gestion ou la ngociation des affaires et plus particulirement

    les affaires d'argent ; ta chrmata, les richesses ou deniers) est une notion cre par Aristote pour dcrire la pratique

    visant l'accumulation de moyens d'acquisition en gnral, plus particulirement de celui qui accumule la monnaie

    pour elle-mme et non en vue d'une fin autre que son plaisir personnel[1] . Aristote condamne cette attitude.

    Aristote

    Une notion aristotlicienne

    Aristote (vers 384 322 av. J.-C.) montre dans de nombreux textes dont

    l'thique Nicomaque la diffrence fondamentale entre l'conomique et la

    chrmatistique. La chrmatistique est l'art de s'enrichir, dacqurir des

    richesses. Elle s'oppose la notion d'conomie (de okos, la maison donc la

    communaut au sens largi, et nomia, la rgle, la norme) qui dsigne, elle, la

    norme de conduite du bien-tre de la communaut, ou maison au sens trs

    largi du terme.

    Aristote introduit deux formes possibles de chrmatistique.

    La "chrmatistique naturelle" ou "ncessaire"

    La premire est lie la ncessit de l'approvisionnement de l'okos,

    c'est--dire de la famille largie au sens de communaut. On ne peut pas la

    dnigrer, car elle est ncessaire la survie. On distingue dans cette chrmatistique naturelle l'art naturel au sens

    propre - celui reli la prise de possession directe ou l'utilisation du travail des esclaves pour s'autosuffire - de l'art

    naturel par l'change ncessaire. Ce dernier est indispensable puisque l'autosuffisance reste difficile maintenir.

    Aristote admet le troc et l'change pratiqu par la monnaie comme important, mais insiste sur le fait que cette

    dernire ne doit pas tre accumule, qu'elle ne doit tre utilise que pour raliser l'change.

    La "chrmatistique" proprement dite ou "commerciale"

    La seconde forme de chrmatistique est radicalement diffrente et est lie au fait de "placer la richesse dans la

    possession de monnaie en abondance". C'est l'accumulation de la monnaie pour la monnaie (la chrmatistique dite

    "commerciale") qui, selon Aristote, est une activit "contre nature" et qui dshumanise ceux qui s'y livrent : en effet,

    toujours selon Aristote, l'homme est par nature un "zoon politikon" animal politique (politikos, citoyen, homme

    public) . Et dans de nombreux textes, Aristote prcise bien qu'il est "fait pour vivre ensemble" ou encore "en tat de

    communaut". C'est de ce point de vue qu'Aristote se place lorsqu'il dclare que la politique consiste avant tout

    "organiser et maintenir l'tat d'amiti entre les citoyens". Ainsi, suivant lexemple de Platon, il condamne le got du

    profit et l'accumulation de richesses. En effet, la chrmatistique commerciale substitue largent aux biens ; lusure

    cre de largent partir de largent ; le marchand ne produit rien : en l'absence de rgles strictes visant leurs activits

    et d'un contrle de la communaut dans son ensemble, tous sont condamnables d'un point de vue politique, thique et

    philosophique.

    Bien qu'Aristote traite la chrmatistique comme un ensemble de ruses et de stratgies dacquisition des richesses

    pour permettre un accroissement du pouvoir politique, il la condamnera toujours en tant que telle et donnera une

    place beaucoup plus importante lconomie : il s'agit de ce point de vue d'un auteur fondamental dans l'Antiquit, et

    qui aura une trs grande influence durant toute la priode mdivale.

  • Chrmatistique 19

    Une reprise du concept par la chrtient mdivaleL'glise catholique tout au long du Moyen ge reprend la critique aristotlicienne contre cette pratique conomique

    et la dclare contraire la religion. Thomas d'Aquin, dans sa Somme Thologique, affirme ainsi: Le ngoce

    consiste changer des biens. Or Aristote distingue deux sortes d'changes. L'une est comme naturelle et

    ncessaire, et consiste changer [...] pour les ncessits de la vie." L'autre forme, au contraire, "consiste

    changer [...] non plus pour subvenir aux ncessits de la vie, mais pour le gain.[...] Voil pourquoi le ngoce,

    envisag en lui-mme, a quelque chose de honteux, car il ne se rapporte pas, de soi, une fin honnte et

    ncessaire.

    Cependant, Thomas d'Aquin relve ensuite qu'il est possible que le gain dans l'change puisse tre tolr, ds lors

    qu'entre l'achat et la revente, "soit que l'on ait amlior cet objet, soit que les prix aient varis selon l'poque [...],

    soit en raison des risques auxquels on s'expose en transportant cet objet [...]." Dans ce cas, le ngoce avec un gain

    est licite. De mme "quand un homme se propose d'employer le gain modr qu'il demande au ngoce, soutenir sa

    famille ou secourir les indigents, ou encore quand il s'adonne au ngoce pour l'utilit sociale [...]"[2] , il n'est pas

    illicite de raliser un gain dans l'change. C'est donc le mobile du ngoce qui est condamnable ou licite pour Thomas

    d'Aquin.

    De nombreux auteurs estiment que la mise en uvre de cette doctrine de l'glise fut un obstacle au dveloppement

    conomique.

    Condamnation de la chrmatistique commerciale par l'conomie politiqueLa critique aristotlicienne de la chrmatistique est reprise par de grands auteurs, notamment avec les analyses de

    l'cole classique. Ainsi, Karl Marx, dans des pages fameuses du Capital reprend l'analyse des consquences sur les

    personnes de ce qu'il nomme, aprs Virgile (nide, III, 57), auri sacra fames (maudite soif de lor) du nom latin

    donn cette passion dvorante de l'argent pour l'argent, c'est--dire de la chrmatistique commerciale instaure par

    ceux qu'il appelle les conomistes . En laborant une analyse de la "mtamorphose" du capital, Marx montre que

    le capitalisme est un systme permettant avant tout de faire de l'argent pour de l'argent. Pour lui, la marchandise n'est

    plus qu'un moyen d'accrotre le capital, ce qu'il reprsente par ce circuit: A - M - A' , o une somme d'argent de

    dpart (A) permet, grce la production de marchandise (M), de crer une somme d'argent suprieure (A'), qui elle

    mme pourra gnrer encore plus d'argent grce une nouvelle production de marchandises.

    Par la suite, John Maynard Keynes n'aura de cesse de critiquer l'amour de l'argent et de condamner l'appt du

    gain[3] . Keynes cherchera comprendre quels sont les mcanismes psychologiques poussant chacun accumuler la

    monnaie pour elle-mme, en reprenant les analyses freudiennes ce sujet. L'incertitude quant l'avenir, et plus

    gnralement la peur de la mort en sont les principaux moteurs ; la possession de monnaie et l'accumulation sont

    alors l pour rassurer l'individu. On peut citer Keynes pour montrer sa condamnation ferme de ce que l'on peut

    clairement apparenter la chrmatistique :

    L'amour de l'argent comme objet de possession - distinct de l'amour de l'argent comme moyen de goter aux

    plaisirs et aux ralits de la vie - sera reconnu pour ce qu'il est, une passion morbide plutt rpugnante, une de ces

    inclinations moiti criminelles, moiti pathologiques, dont on confie le soin en frissonnant aux spcialistes des

    maladies mentales[4] .

  • Chrmatistique 20

    Critiques contemporainesPlus rcemment d'autres auteurs ont considr que la pratique chrmatistique a usurp le nom d'conomie pour agir

    sous couvert de recherche du bien-tre gnral et pour bnficier d'une aura de scientificit, l'conomie tant devenue

    une science.

    Les conomistes noclassiques, avec la thorie du management telle qu'elle est enseigne aujourd'hui dans les coles

    de gestion, auraient procd une vritable trahison chrmatistique, selon l'expression d'Omar Aktouf[5] .

    En 2010, l'conomiste amricain Joseph Eugene Stiglitz publie son livre Le triomphe de la cupidit.

    Rfrences[1] Les mercantilistes feront plus tard allusion la thsaurisation et l'accumulation des richesses, notamment de la monnaie mtallique.

    [2] Thomas d'Aquin, Somme Thologique, ditions du Cerf, lien (http:/ / bibliotheque. editionsducerf. fr/ par page/ 1411/ TM. htm)

    [3] Keynes et ses combats, G. Dostaler, Albin Michel, 2009. Dostaler affirme dans son ouvrage que Keynes a lu Aristote et tombe d'accords

    avec lui sur la condamnation de la chrmatistique commerciale. Keynes aurait ainsi affirm, propos de l'Ethique Nicomaque: "on n'a

    jamais parl en si bon sens - avant ou aprs.

    [4] Perspectives conomiques pour nos petits enfants in Essais de Persuasion, J. M. Keynes, 1930, Les Classiques des Sciences Sociales, lien

    (http:/ / dx. doi. org/ doi:10. 1522/ cla. kej. ess)

    [5] in La Stratgie de l'Autruche, Omar Aktouf, 2002

    Mercantilisme

    Le Lorrain, Port de mer avec la villa Mdicis,

    1638

    Le mercantilisme est un courant de la pense conomique,

    contemporain de la colonisation du Nouveau Monde et du triomphe de

    la monarchie absolue ( depuis le XVIesicle jusqu'au milieu du

    XVIIIesicle en Europe).

    Il considre que "le prince, dont la puissance repose sur l'or et sa

    collecte par l'impt, doit s'appuyer sur la classe des marchands et

    favoriser l'essor industriel et commercial de la Nation afin qu'un

    excdent commercial permette l'entre des mtaux prcieux[1] ".

    Cette croyance va se gnraliser et plaider en faveur d'une vision

    dynamique de la politique de l'conomie nationale. Les tenants du

    mercantilisme prnent le dveloppement conomique par

    l'enrichissement des nations au moyen d'un commerce extrieur convenablement organis en vue de dgager un

    excdent de la balance commerciale.

    Rsultat qui est obtenu par un investissement raisonn et volontaire dans des activits conomiques rendement

    croissant, comme l'avait identifi l'conomiste italien Antonio Serra ds 1613. Pour ce faire l'tat se trouve investi de

    la responsabilit de dvelopper la richesse nationale, en adoptant des politiques pertinentes de nature dfensive

    (protectionnisme) mais aussi offensive (Exportation et Industrialisation).

    De nos jours, la discussion de la pertinence et de la validit des ides mercantilistes refait surface, notamment dans le

    dbat trs contemporain sur la mondialisation.

    Se reporter ci dessous au chapitre final, en prenant garde ne pas rduire ce mouvement ses seuls aspects dfensifs

    (protectionnisme).

  • Mercantilisme 21

    OriginesLe terme vient du latin mercari, faire du commerce, et de la racine merx, la marchandise. Le marquis de

    Mirabeau est le premier employer ce terme en 1763, popularis partir de 1776 par Adam Smith [2] .

    Certains auteurs font valoir que le mercantilisme n'est pas un courant de pense en tant que tel [3] , d'autres comme

    Georges Lefranc [4] sont d'un avis tout fait contraire.

    Pour ces derniers, nous sommes en prsence d'une rupture remarquable. Jusqu'au XVI sicle en effet,la thorie

    conomique tient peu de place. Mais , avec le mercantilisme, celle-ci va commencer apparaitre dans le dbat

    public . Et cette doctrine prend corps dans un contexte doublement favorable et porteur : D'une part au lendemain des

    dcouvertes maritimes , d'autre part l'poque de l'mergence des tats-Nations. Du XVI au XVIII, le

    mercantilisme se constitue progressivement en formalisant et en unifiant les "usages et bonnes pratiques" de la

    thorie mercantile. Par suite les formulations deviennent plus labores et plus volontaristes, comme celle promue et

    systmatise en France par Jean-Baptiste Colbert (le Colbertisme).

    Au cours de cette priode une littrature diversifie se rpand dans la plupart des nations europennes en s'adaptant

    aux spcificits nationales:

    Le bullionisme - influent en Espagne - prconise l'accumulation de mtaux prcieux ;

    Le colbertisme - mis en uvre en France - fait de l'tat un promoteur actif dans la sphre du Commerce, mais

    aussi de l'Industrie ;

    Le commercialisme - mis en uvre en Hollande ou en Angleterre - voit dans le commerce extrieur la source

    de la richesse d'un pays.

    Consquence de cette rupture : les questions conomiques chappent aux thologiens, certains d'entre eux devenant

    eux-aussi thoriciens du mercantilisme comme Giovanni Botero. L'autonomisation naissante de l'conomie est

    ralise par les conseillers des princes et des marchands : Cornelius Houtman est le fondateur en Hollande de la

    Compagnie des Pays lointains (1592), Montchrestien (1576-1621) est conseiller du prince, Jean Bodin (1530-1596)

    et Charles de Montesquieu sont des magistrats, Jean-Baptiste Colbert et Jacques Necker des ministres des Finances,

    Thomas Mun et Josiah Child sont dirigeants de la Compagnie anglaise des Indes orientales, William Petty

    (1623-1687) un homme d'affaires, John Law et Richard Cantillon financiers. (Etner 2005, p.3012).

    Progrs des savoirs, des techniques et des modes de vie

    Le mercantilisme se dveloppe en pleine transition de l'conomie europenne:

    progrs techniques dans la navigation (gouvernail d'tambot qui permet de piloter des navires d'une charge

    utile plus importante)

    dveloppement des centres urbains qui provoque une forte demande de consommation et favorise une

    croissance rapide du commerce local et/ou international[5]

    introduction du principe de la comptabilit en partie double et de la comptabilit moderne. Cette comptabilit

    permet de prsenter d'une faon claire les flux de commerce, et contribue l'tude attentive de la balance

    commerciale[6]

    cration de socits par actions permanentes(alors qu'autrefois elles ne vivaient que la dure d'une expdition)

    o les associs n'ont qu'une responsabilit limite (les commanditaires des systmes prcdents taient

    engags de manire illimite)[7]

  • Mercantilisme 22

    Autonomisation de l'activit conomique

    Jusqu'au XVIs, la rflexion conomique en Europe est principalement l'uvre des thoriciens scolastiques.

    L'objectif est de trouver un systme conomique compatible avec les doctrines chrtiennes de pit et justice. Les

    rflexions portent principalement sur les changes au niveau local entre individus.Inspires d'Aristote et Platon,et

    fortement influences par l'glise, les conceptions conomiques d'alors dnoncent la chrmatistique , l'accumulation

    des richesses et le prt intrt. L'activit conomique est considre comme un jeu plutt statique, somme nulle,

    dans lequel ce qui est gagn par l'un, est obtenu aux dpens de l'autre.

    Les ides mercantilistes marquent la fin de ces reprsentations. Le mercantilisme apparat dans un contexte

    intellectuel o l'homme, avec Copernic et Galile, passe du monde clos l'univers infini [8] . L'esprit de la

    Renaissance entend librer la crativit humaine de l'ordre cosmique prdtermin. La nouvelle mentalit

    mercantiliste concide avec cet objectif et met en avant la problmatique de l'enrichissement partir d'activits

    ayant un rendement croissant ( fabriquer et vendre des produits manufacturs plutt que de vendre des produits bruts

    ).

    Si la vision mercantiliste justifie les rflexes dfensifs (protectionnisme) il serait injuste de ne pas voir que certains

    de ses courants promeuvent l'ide plus positive et offensive selon laquelle certaines activits conomiques sont

    prfrables d'autres (effets de rendements croissants ou comme dit l'poque plus que proportionnels ). Ds

    1485, la formule d'Henri VII "exporter des biens manufacturs et importer des produits bruts" rsume l'essentiel de

    ce que sera la politique industrielle anglaise et sa future prosprit.

    Essor des tats-nations

    Alors que les anciens pouvoirs fodaux cdent la place des tat-nations centraliss, le mercantilisme a su

    correspondre avec les besoins de l'poque : Il recherche activement les meilleures conditions pour que les nouveaux

    tats soient en mesure d'assurer leurs nouvelles responsabilits, notamment par le biais d'un commerce raisonn et

    bnfique

    L'mergence d'ides mercantilistes concide avec la monte en puissance d'tats nations face , d'un ct

    l'universalisme du pouvoir de l'glise, et, de l'autre, le localisme des structures du pouvoir fodal[9] . La priode voit

    la naissance d'un art du politique , orient vers l'efficacit pratique, (cf.Nicolas Machiavel 1513 -1520) puis

    l'apparition de la primaut de la raison d'tat dont Giovanni Botero (1589) est le premier thoricien - dans les

    relations internationales. Mais c'est surtout Jean Bodin, qui, dans Les Six Livres de la Rpublique (1576) associe

    thorie de la souverainet de l'tat aux ides mercantilistes.

    Ces rflexions se traduisent rapidement par la promulgation de rglements et de lgislations mercantilistes : ainsi,

    en Angleterre,les lois sur la navigation (Navigation Act, 1651) mises en place par le gouvernement d'Oliver

    Cromwell[10] grce auxquelles la puissance de la Royal Navy, assurera la prminence de ce pays sur le

    commerce international. (Aprs limination du rival Hollandais par les quatre guerres anglo-hollandaises du

    XVIIIesicle).

    Les ides mercantilistes alimentent des conflits arms tout au long des XVIIe et XVIIIesicle. Alors que le stock

    de richesses est considr comme relativement fixe, la seule faon d'accrotre la richesse d'un pays ne peut se faire

    qu'au dtriment d'un autre. De nombreuses guerres, dont les guerres anglo-hollandaise, franco-hollandaise, et

    franco-anglaise se dclenchent sur la base d'un "nationalisme conomique".

    Le mercantilisme contribue galement au dveloppement de relations conomiques plus ou moins forces et/ou

    ingales (Apparitions de l'imprialisme et du colonialisme): toute nation rpute forte doit chercher s'emparer de

    territoires pour obtenir un accs aux matires premires et/ou un dbouch ses activits. Au cours de la priode,

    le pouvoir des nations europennes s'tend tout autour du globe. l'instar de l'conomie intrieure, cette

    expansion fut souvent le fait de monopoles, tels que les Compagnie des Indes ou la Compagnie de la Baie

    d'Hudson.

  • Mercantilisme 23

    Monte de l'esprit individualiste

    Cette vision pessimiste de la nature humaine,(intgre par exemple aux travaux de Thomas Hobbes) selon laquelle

    chaque agent essaye de trouver son avantage, fut-ce aux dtriment des autres, se retrouve galement dans la vision

    puritaine du monde. Pour les membres des nouvelles classes sociales et des nouveaux mtiers, la russite se rvle

    tre une affaire d'action, d'initiative et de volont largement personnelle. Le "salut individuel" apparait de plus en

    plus conditionn par les uvres, et moins par le statut ou le discours.

    Politiques mercantilistesElles sont l'illustration de la diffusion et de l'adaptation des ides mercantilistes dans toute l'Europe au dbut de la

    priode moderne, avec cependant des destins divers[11] :

    Echec en Espagne

    Le mercantilisme se rsume un "bullionisme" (ide selon laquelle la possession de mtaux prcieux fait la richesse

    et la puissance des nations). Selon CJ Gignoux cit par G Lefranc (op cit) : "la mentalit qui l'inspire n'est pas celle

    d'un commerant, mais d'un propritaire soucieux de ne rien laisser sortir de son domaine et qui d'ailleurs au terme

    de ce rgime s'puisera dans une lente et progressive anmie". La dcadence politique et conomique de l'Espagne

    est consacre en 1588, suite la droute de l'"Invincible Armada". Lors de la crise conomique qui la touche au

    XVIIesicle, l'Espagne met en place de nombreuses politiques conomiques sans trop de cohrence, mais l'adoption

    par Philippe V d'Espagne des mesures inspires du "mercantilisme la franaise" connait un succs relatif.

    Brve hgmonie hollandaise

    De 1588 jusque vers 1650, les Pays Bas du Nord sont des prcurseurs: une bonne partie de l'empire portugais tombe

    entre leurs mains. Ils fondent les premires compagnies maritimes et augmentent la charge utile des navires : Vers

    1650,on estime qu'ils disposent de 16.000 batiments (contre 4.000 anglais et 500 franais) qu'ils n'hsitent pas

    rentabiliser tant l'export qu' l'import.

    L'activit commerciale est accompagne par une activit industrielle oriente l'exportation. Simultanment, les

    premires socits par actions permanentes et responsabilit limite sont cres. La place d'Amsterdam remplace

    celle d'Anvers, et la Banque d'Amsterdam est cre en 1609. En 1611, est cre la premire "Bourse" runissant les

    ngociants en un lieu dtermin et heures fixes. Sur le plan du Droit, leur juriste Grotius(1609) formule le principe

    de la "libert des mers" et conteste toute ide de "partage du monde".

    Rsultat de cette politique ? : " l'opulence parfois un peu vaniteuse des riches bourgeois hollandais frappe les

    contemporains. Huet, Evque d'Avranches admire qu'une poigne de marchands rfugis dans ce petit pays

    qui ne produit pas beaucoup prs de quoi nourrir ses habitants, aient abattu la puissance norme de la

    monarchie d'Espagne et aient fond un tat puissant qui fait quilibre entre toutes les autres puissances[12] "

  • Mercantilisme 24

    Le Colbertisme

    M

    mercantiliste, Jean-Baptiste Colbert

    En France, le mercantilisme aurait vu le jour au dbut du XVIesicle, peu de

    temps aprs l'affermissement de la monarchie. En 1539, un dcret royal interdit

    l'importation de marchandises base de laine d'Espagne et d'une partie de la

    Flandre. L'anne suivante, des restrictions sont imposes l'exportation d'or[13] .

    Des mesures protectionnistes se sont multiplies tout au long du sicle.

    Jean-Baptiste Colbert (1619-1683), contrleur gnral des finances pendant

    dix-huit ans (1665-1683), est le principal instigateur des ides mercantilistes en

    France, ce qui conduit certains parler de colbertisme en dsignant le

    mercantilisme franais.

    Sous Colbert, le gouvernement franais s'implique de faon importante dans

    l'conomie afin d'accrotre les exportations. Des Manufactures , voire des

    villages-usines sont crs . Ainsi par exemple la ville nouvelle de

    Villeneuvette ( dans l'Hrault , Voir site prsentation :[14] ) qui est construite

    pour fabriquer des draps adapts aux dbouchs orientaux de la mditerrane :

    Nous avons approuv l'tablissement qui a t fait sous notre bon plaisir d'une Manufacture de draps

    Villeneuve-lez-Clermont , diocse de Lodve en notre province de Languedoc . [15]

    Colbert intervient galement pour abaisser les obstacles au commerce en rduisant les droits de douane intrieurs et

    en construisant un important rseau de routes et canaux. Les politiques menes par Colbert sont dans l'ensemble

    efficaces, et permettent l'industrie et l'conomie franaises de crotre considrablement durant cette priode,

    faisant de la France une des plus grandes puissances europennes. Malgr ces politiques efficaces, l'Angleterre et la

    Hollande devancent toujours la France[16] .

    L'angleterre puissance commerciale

    William Petty

    En Angleterre, le mercantilisme atteint son apoge durant la priode dite du Long

    Parliament (16401660). Les politiques mercantilistes ont aussi t appliques

    durant les priodes Tudor et Stuart, avec notamment Robert Walpole comme

    principal partisan. Le contrle du gouvernement sur l'conomie domestique tait

    moins important que dans le reste du continent, en raison de la tradition de la

    Common law et le pouvoir croissant du parlement[17] .

    Les monopoles contrls par l'tat n'taient pas rares, notamment avant la

    premire rvolution anglaise. Mais leur existence fait l'objet de dbats : Les

    auteurs mercantilistes anglais sont partags sur la ncessit d'un contrle de

    l'conomie intrieure. Le mercantilisme anglais s'intresse surtout au contrle du

    commerce international. Une large gamme de rgulations encourage les

    exportations et dcourage les importations. Des droits de douane sont instaurs

    sur les importations et des subventions l'exportation ont t mises en place.

    L'exportation de certaines matires premires est interdite. Les Navigation Acts interdisent aux marchands trangers

    de faire du commerce intrieur en Angleterre.

    Lorsque l'Angleterre tend ses colonies et les fait passer sous son contrle, des rgles y sont dictes les autorisant

    produire seulement des matires premires et faire du commerce uniquement avec l'Angleterre. Cela conduit des

    tensions croissantes avec les habitants de ces colonies. Difficults qui seront par exemple une des causes majeures de

    la guerre d'indpendance des tats-Unis. ( cf l'pisode fameux de la Boston Tea Party )

  • Mercantilisme 25

    Ces politiques ont grandement contribu ce que l'Angleterre devienne le plus important commerant au monde, et

    une puissance conomique internationale s'appuyant sur sa flotte de guerre, la Royal Navy, constitue grce la

    puissance fiscale de l'tat, comme le montre Patrick O'Brien. Sur le plan intrieur, la conversion des terres non

    cultives en terres agricoles a eu un effet durable. Les mercantilistes pensaient que pour maximiser le pouvoir d'une

    nation, toutes les terres et les ressources devaient tre utilises au maximum, ce qui conduisit lancer des projets

    majeurs comme le drainage de la rgion des Fens[18] .

    Dans d'autres pays

    Les autres nations ont pous les thses mercantilistes des degrs divers.

    En Europe centrale et en Scandinavie aprs la Guerre de Trente Ans (16181648), o Christine de Sude et

    Christian IV de Danemark deviennent de notables partisans du mrcantilisme. Les empereurs d'Autriche-Hongrie

    Habsbourg ont longtemps t intresss par les ides mercantilistes, mais l'tendue et la relative dcentralisation

    de cet empire rendaient l'application de telles mesures difficiles. Certains tats de l'empire ont embrass les thses

    mercantilistes, notamment la Prusse, qui sous Frdric le Grand a peut-tre connu l'conomie la plus rigide

    d'Europe. L'Allemagne allait ainsi donner, sur cette base doctrinale, naissance une cole dite des camralistes

    qui allait garder une influence jusqu'au XIXesicle.

    En Russie, o Pierre Ier de Russie (Pierre le Grand) tente de le mettre en uvre sans trop de succs cause de

    l'absence d'une classe significative de commerants ou d'une base industrielle.

    La bataille de Scheveningen, 10 aot 1653 par Jan Abrahamsz

    Beerstraaten, dessin c. 1654, reprsente la bataille finale de la

    premire guerre anglo-hollandaise

    Thorie mercantiliste

    Le mercantilisme n'est au dpart certainement pas un

    courant de pense homogne, et pas davantage une thorie

    conomique unifie. Il renvoie des pratiques et des

    politiques diverses d'tats naissants la recherche de

    lgitimit dans des contextes diffrents : Espagne,

    Hollande, Angleterre, France ...

    Si tous les conomistes europens qui ont crit entre 1500

    et 1750 sont, de nos jours, tiquets comme mercantilistes,

    aucun d'eux ne se situe sur le plan de la thorie

    conomique: En revanche tous s'efforcent de dgager les

    meilleures pratiques relatives un domaine particulier de

    l'conomie [19] .

    Un certain degr de formalisation viendra par la suite, et de faon pragmatique, sous la conduite de personnalits

    fortes comme Jean Baptiste Colbert qui, pour forger la doctrine du Colbertisme, bnficiera d'un champ d'action

    tendu,d'une longue dure aux affaires, et d'un pouvoir quasi sans limite (comme ministre d'tat du "Roi-Soleil")

    Ce n'est que bien plus tard ( au XXs) que des chercheurs s'efforcent - avec plus ou moins de succs- de regrouper

    ces diverses pratiques dans un corpus thorique. Eli F. Heckscher[20] voit dans les crits de l'poque la fois un

    systme de pouvoir politique, un systme de rglementation de lactivit conomique, un systme protectionniste et

    aussi un systme montaire avec la thorie de la balance du commerce. Toutefois d'autres auteurs rejettent l'ide d'un

    systme mercantiliste pour la raison qu'il est fond sur une unit fictive de concepts disparates[21] L'historien de la

    pense conomique, Mark Blaug, allant mme jusqu' qualifier le mercantilisme de valise encombrante , de

    diversion dhistoriographie , et de baudruche thorique gante[22] .

    Toutefois, on peut trouver des paramtres communs chez les diffrents auteurs:

    Le commerce comme enjeu de puissance : Certains mercantilistes conoivent le systme conomique comme

    un jeu somme nulle, o le gain ralis par un agent se traduit par la perte d'un autre agent . Comme le dit

  • Mercantilisme 26

    l'poque Jean Bodin il ny a personne qui gagne quun autre ny perde (Les Six livres de la Rpublique). De ce

    fait, toute politique conomique bnficiant un groupe d'individus, tant par dfinition nfaste un autre,

    l'conomie intrieure n'a que trs peu d'effet sur l'augmentation du bien-tre social gnral [23] . Et puisque le

    commerce intrieur n'augmente pas ou peu la richesse nationale, il est donc justifi et souhaitable de donner la

    priorit au commerce extrieur pour rpondre cet impratif.

    Au dbut du XVIIIesicle, la thse de l'avantage mutuel est plus gnralement accepte : Elle assure que

    chaque pays qui prend part au commerce international peut prtendre y trouver avantage et profit [24] . Mais il

    semble que les crits mercantilistes sont gnralement produits pour justifier a posteriori des choix politiques,

    plutt que d'en valuer l'impact a priori, en vue de dterminer la meilleure option mettre en uvre[25] .

    La recherche de la richesse : Les premires thories mercantilistes dveloppes au dbut du XVIesicle sont

    marques par le bullionisme (de l'anglais bullion : or en lingots).

    La double fonction que remplit lArgent, comme instrument de commerce et comme mesure des valeurs, a

    naturellement livr cette ide populaire que lArgent fait la richesse, ou que la richesse consiste dans

    labondance de lor et de largent []. On raisonne de la mme manire lgard dun pays. Un pays riche est

    celui qui abonde en argent, et le moyen le plus simple denrichir le sien, cest dy entasser lor et largent [].

    Du fait du succs croissant de ces ides, les diffrentes nations dEurope se sont app