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  • Benot de Cornulier

    Rversibilit : effets de rtroaction smantiqueIn: L'Information Grammaticale, N. 22, 1984. pp. 3-6.

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    de Cornulier Benot. Rversibilit : effets de rtroaction smantique. In: L'Information Grammaticale, N. 22, 1984. pp. 3-6.

    doi : 10.3406/igram.1984.2233

    http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/igram_0222-9838_1984_num_22_1_2233

  • Rversibilit

    Effets de rtroaction smantique

    Benot DE CORNULIER

    I. Quel est tell

    Dans la fable XI : 3 de Jean de La Fontaine, un Renard, entr dans un poulailler, "remplit de meurtres la cit" :

    Tel, et d'un spectacle pareil, Apollon irrit contre le fier Atride Joncha son camp de morts : on vid presque dtruit L'ost des Grecs, et ce fut l'ouvrage d'une nuit.

    Tel encore autour de sa tente Ajax, l'me impatiente,

    De moutons et de boucs fit un vaste dbris, Croyant tuer en eux son concurrent U lisse,

    Et les autheurs de l'injustice Par qui l'autre emporta le prix.

    Le Renard autre Ajax aux volailles funeste Emporte ce qu'il peut, laisse tendu le reste . . .

    Qui est compar qui ? Le sujet de la comparaison est-il le Renard, dont on dcrit le carnage en le comparant celui d'Apollon et d'Ajax ? Ou bien est-ce Apollon et Ajax, dont on exprime le caractre redoutable en les comparant au Renard ? L'ensemble de la fable et son titre, "Le Fermier, le Chien et le Renard" ne laissent aucun doute : c'est du Renard qu'il s'agit, et il est compar des personnages de l'Iliade qui sont des modles traditionnels de la puissance. Mais si, au lieu de se fier l'impression et T'intuition" on jugeait par le vocabulaire, on pourrait pencher dans l'autre sens : il est vrai que qualifier la fin le Renard d'"autre Ajax" (nouvel Ajax), c'est comparer le Renard, en prenant Ajax pour modle; mais, dans les phrases mmes qui forment la comparaison, les deux occurrences du mot tel et le mot pareil inversent le sens de la comparaison : Ajax et Apollon, dits "tels" que le Renard, lui sont littralement compars; de mme c'est le spectacle offert par Apollon qui, dit "pareil" celui du Renard, est littralement rapport ce dernier. Sans renier l'impression gnrale, essayons de prendre ces mots au srieux. Le point de vue littral peut avoir sa pertinence propre, localement; le terme de rfrence, Apollon ou Ajax, promu par le mot tel ou pareil littralement sujet de la comparaison, devient, le temps d'une phrase ou deux, le centre de l'attention : La Fontaine nous sert un petit morceau d'Iliade; peut-tre qu'en retour le Renard y gagne (qui sait ?) l'honneur de servir, un instant, de modle des personnages homriques.

    Comparez l'chaffaudage de comparaisons par quoi commence le prologue du Gargantua : Socrate tait "semblable aux silnes"; les silnes taient des botes dont l'aspect extrieur tait comique, mais le contenu prcieux : "quel fut Silne", est-il prcis dans une parenthse que les diteurs modernes ornent gnralement d'une note traduisant ce quel par tel en rappelant l'usage latin de qualis. "Tel" tait Socrate. Suit une autre comparaison d'o on peut dduire cette prtention : Mon livre est semblable Socrate, etc. Outre la relativit de la hirarchie sujet/modle de comparaison, dont justement il se joue, ce passage montre, ct d'un emploi normal de tel sans inversion comparative (Socrate est dit "tel" comme il est dit "semblable"), un emploi mancip (puisque isol dans une parenthse) de son corrlat subordonnant quel, et jouant sur cette rtroaction : si les silnes taient telles que (qualis) fut Silne, Silne fut tel que les silnes. Cette inversion aujourd'hui nous tonne, mais nous en faisons de semblables par le mme principe.

    Revenons au Renard : le point de vue littral et local n'exclut pas le point de vue d'ensemble, ils sont simplement dans une relation hirarchique : on parle un instant cTAjax et ^'Apollon; mais c'est pour parler du Renard; l'intrieur de la comparaison, mancipe pour ainsi dire de sa base, le sujet, ou thme, est bien Apollon ou Ajax; mais l'chelle de la fable le Renard est le sujet, ou le thme, de la comparaison. La dichotomie traditionnelle, absolue et univoque, entre thme et foyer d'un nonc, doit se nuancer, reflter cette hirarchie; Ajax est "thme" non dans l'absolu, mais par rapport Ajax fit un dbris; il n'est pas thme l'chelle o cette comparaison n'est qu'une comparaison propos du Renard. Cette analyse a des consquences linguistiques non triviales. Dans un dbat sur le sens littral de autant, on a utilis l'exemple : Alcibiade n'est pas bien fort : mme Socrate a bu autant que lui, o mme impose une valeur non-thmatique Socrate, pour montrer que le sujet grammatical de a bu autant que pouvait ne pas tre thme (1) ; nous voyons que cette valeur non-thmatique

    (1) Jean-Claude Anscombre et Oswald Ducrot (1983 : 70) ; l'analyse due notamment Gilles Fauconnier (1976) contre laquelle argumentent Anscombre et Ducrot est dfendue dans mon article paratre dans Pragmatics (1984).

  • de Socrate pourrait tre relative l'chelle de la suite des deux phrases (dont la seconde, la comparaison, fournit un argument la premire), et qu'il se pourrait qu'en mme temps Socrate puisse tre qualifi de thme dans le cadre restreint de la seconde phrase : on parle de Socrate en le comparant Alcibiade, pour parler en fait d'Alcibiade. Toute comparaison est potentiellement rversible : si Socrate est plus saoul qu'Alcibiade. Alcibiade est moins saoul que lui; si Socrate est aussi saoul qu'Alcibiade, Alcibiade n'est pas plus saoul que lui; si Socrate est moins saoul qu'Alcibiade, Alcibiade est plus saoul que lui. Dans les comparaisons (exactement) galitaires, la rversibilit devient parfaite symtrie : si Socrate est (exactement) aussi saoul qu'Alcibiade, Alcibiade est (exactement) aussi saoul que lui. Socrate ne peut tre tel qu'Alcibiade sans qu'Alcibiade soit tel que lui. La dualit des points de vue trahie par le vocabulaire dans la fable de La Fontaine est permise par cette symtrie; la symtrie implique dans la relation A est tel que B permet ce qu'on pourrait appeler une parfaite inversion comparative. Certains faits de grammaire, de syntaxe mme, ne se comprennent qu' la lumire de cette rversibilit du sens. 1) SUBORDINATION D'UNE PRINCIPALE : De mme que, dans Q aprs que P, la conjonction dite de subordination aprs que subordonne O la "principale" P, de mme dans A est tel que B l'expression tel que subordonne B A. Or considrons l'unique phrase : Renard, tel Ajax massacrant les gaulois, fait un massacre. On y paraphraserait volontiers l'incidente tel Ajax ... par tel qu'Ajax ... ou comme Ajax . . ., o Ajax apparat comme subordonn par tel que et comme; mais l'absence mme de que dans tel Ajax . . ., sans annuler la pertinence de ces rapprochements, en suggre un autre avec : Renard fait un massacre; tel Ajax massacrait les gaulois; l, tel qualifie Ajax, compar au Renard, et non plus le Renard, compar Ajax. Ainsi la construction incidente et l'absence de forme verbale personnelle dont Ajax serait sujet (massacrait et non massacrant) subordonne plutt Ajax au Renard, mais, en l'absence de que, le mot tel, construit comme une apposition (aussi) Ajax subordonne plutt le Renard Ajax. Cette "insubordination" du subordonn Ajax par l'omission de que est un condens syntaxique de l'inversion comparative tablie par La Fontaine au niveau du discours, quand il traite, l'intrieur de la comparaison, le modle comme thme mme de la comparaison. Ce renversement de perspective explique le conflit suivant. Faut-il crire La Pucelle, tel un lion, tombe les anglais, en accordant tel avec un lion ou La Pucelle, telle un lion, tombe les anglais, en l'accordant avec la Pucelle ? Nyrop tranche en faveur de la Pucelle, Laurent donne son accord au lion; Grevisse (1975 : 460), les citant, compte les points en montrant l'indcision de l'usage : La lune, tel un clown . . . (J. Renard), cet attelage, tel une pave (Alain-Fournier). Chaque accord a sa part de vrit, celui de La Pucelle, telle . . . parce qu'au niveau de l'ensemble de la phrase c'est la Pucelle qui est compare, celui de tel un lion parce que de l'intrieur de la comparaison, c'est le lion qu'on compare. L'ambigui't de l'usage reflte ici la duplicit de la construction et du sens.

    2) PANTARCHIE : c'est--dire rgime o tout le monde se prend pour le chef. Exemples : Autant j'aime les frites chaudes, autant je dteste les frites tides; Tel fut Ajax, tel tait le Renard; Tel pre, tel fils; Aussitt dit, aussitt fait. Au dpart sont les phrases structure hirarchique verticale du type Le Renard tait tel (proposition principale inconteste) que fut Ajax (proposition subordonne bien soumise). Nous avons dj vu que la subordonne, s'insubordonnant pour cause de rversibilit smantique, pouvait s'arroger le qualificatif tel par rejet du subordonnant que. Il ne reste qu' donner mme pouvoir chacun; dans Tel fut Ajax, tel tait le Renard, il y a deux sujets de comparaison puisque chacun est dit tel (que l'autre), et c'est la symtrie (2) de la relation tel (que), jointe au paralllisme syntaxique dans le cadre limit de la "phrase", qui impose chacun comme modle de l'autre et non plus sujet. La syntaxe paradoxale n'est ici qu'un reflet pour ainsi dire aplati de la complexit du sens. 3) INVERSION COMPARATIVE. On peut sans se djuger qualifier Jean de bte comme tout puis de bte comme pas un. La premire expression suppose une interprtation non-restrictive de comme (= au moins aussi bte que quoi que ce soit), la seconde semble supposer une interprtation restrictive (= d'une btise (gale mais) non-suprieure nulle autre, donc suprieure toute autre). Pourtant cette dernire paraphrase n'est pas trs satisfaisante intuitivement. Le fait que bte comme pas un signifie bte UN point o pas un n'est bte, plutt que bte AU point o pas un n'est bte, suggre ici que le vritable repre de la comparaison est non, comme on s'y attendrait, le degr de btise de ce qu'introduit comme ( savoir pas un), mais plutt le degr de btise de la personne qualifie par bte : on part de la btise de Jean, et on dit que la btise de personne (pas un) ne l'gale (3); comparer nonpareil, signifiant "sans pareil" (et peut-tre mme la position quelque peu ambigu de I adjectif dans nul autre pareil). Mais puisque, forcment, ce qui serait "le degr de btise de personne" n'est pas l'objet de la conversation, c'est bien de la btise de Jean qu'il s'agit finalement. Et en fin de compte, la suite de ce rtablissement de la hirarchie thmatique, comme retrouve son rle argumentatif ordinaire, qui est d'exprimer un degr lev de son compar littral (cf. Anscombre et Ducrot, 1983).

    (2) On m'objectera que la comparaison en plus, ou en moins, qui ne peut pas tre symtrique comme celle en autant, n'en donne pas moins lieu aux constructions du type Plus on est chauve, plus on est intelligent, semblables aux constructions du type Autant P, autant Q. Mais cette ressemblance est trompeuse. L'exemple cit ne signifie pas qu'on est plus chauve que (plus?) intelligent et si j'ose dire rciproquement; mais qu'un supplment de calvitie entrane un supplment d'intelligence; on ne peut mme pas dire, comme le font nombre de grammairiens, que Plus P, plus Q "compare" des "proportions" puisque ce tour, contrairement au tour Q d'autant plus que P, n'indique pas que l'accroissement de Q est gal l'accroissement 6e P : on sait seulement qu'il est entran par lui. Que la relation entre plus P et plus Q est de type conscutif, plutt que comparatif, se manifeste au fait qu'on peut y insrer et : Plus P, et plus Q.

    (3)Ph. Boggio crit dans Le Monde du 2-9-83, aprs avoir not que la formule intellectuels de gauche gne certains correspondants : "Il n'est pas inintressant de noter qu'une formule lie comme peu d'autres l'histoire de la gauche franaise embarrasse les crivains, les enseignants qui se rangeaient dlibrment hier encore derrire ce label"; l'expression comme peu d'autres, qui a retard ma comprhension de ce texte premire lecture, a une valeur ngative analogue celle de pas un (pas beaucoup) dans bte comme pas un.

  • II. Quoi arrive quand ?

    Une femme couverte d'hommes raconte dans le Sunday People du 22 mai 1983 :

    "I was just leaving someone else's room after a particularly steamy date when who was getting out of the elevator but Richard."

    Littralement : Je quittais peine la chambre d'un autre aprs une rencontre particulirement tor ri de, quand qui sortait de l'ascenseur sinon Richard; ce qu'on peut transposer par exemple par : Je quittais peine la chambre. . . que devinez qui je vois sortir de l'ascenseur : Richard. On remarque d'abord l un beau casd' "insubordination", comme dit Alice Davison : la subordonne en quand (when) contient une interrogative qui, pour tre "rhtorique", n'en est pas moins directe : elle se comporte mo- dalement (4) comme une indpendante. De plus, comparons cet exemple les squences suivantes :

    A. Quand est-ce que je quittais peine la chambre d'un autre ? Quand Richard apparut. B. Quand est-ce que Richard apparut ? Quand (au moment o) je quittais peine la chambre d'un autre.

    Seule la squence B me semble correspondre relativement bien l'esprit de l'exemple tudi; autrement dit, on a l'impression, dans cet exemple, que l'apparition de Richard est date par la sortie de la femme, plutt qu'inversement la sortie de la femme par l'apparition de Richard; cette impression est confirme par la pertinence du mot just ( peine) : la sortie de la femme de sa chambre est un lment du rcit, il pourrait donc tre pertinent de la dater; mais il est non-pertinent de dater en soi "le moment o elle vient de sortir", s'il ne s'agit pas alors d'autre chose que de cette sortie mme; par contre il est pertinent de dater l'apparition du deuxime homme par "le moment o la femme vient de sortir de la chambre". Or la phrase exprime littralement l'inverse : dire X quittait la chambre quand Z sortit de l'ascenseur, c'est littralement dater le quitter de X par le sortir de Z. Cette inversion de reprage temporel ne se comprendrait pas sans la rversibilit de la datation; si un moment M arrive au moment N, le moment N arrive au moment M; par l, P quand Q pouvant impliquer Q quand P, en disant P quand Q, on peut indirectement signifier Q quand P; I' "insubordination" de Q dans l'exemple tudi s'autorise de cette signification indirecte et, en quelque sorte, en anticipe l'effet.

    Ce type d'insubordination de temporelle se manifeste souvent en franais par des incises, propositions qui normalement n'apparaissent que dans des indpendantes. Or comparons :

    (4) Henri Bonnard (1981 : 308) caractrise la "subordination inverse" de Je n'tais pas dix mtres qu'il me rappela ou On tait au fromage quand un orage clata par le fait que la subordonne "y exprime le propos". Cependant, dans A quel moment a-t-on mang le fromage ? Quand l'orage a clat, et dans C'est quand l'orage a clat que nous avons mang le fromage, la subordonne en quand est "propos" sans qu'il y ait subordination inverse, ce qui permet de prciser, quant a la perspective thmatique, qu'en cas de "subordination inverse" dans Q, quand P, la proposition P, plutt que l'ensemble quand P, doit tre "propos"; ceci, du reste, n'empchant pas la proposition Q d'tre aussi propos au moment o elle est, d'emble, asserte son propre compte.

    C. J'allais m'loigner, quand : Un instant ! deman- da-t-elle.

    D. J'allais m'loigner, aprs que : Un instant ! de- manda-t-elle.

    E. J'allais m'loigner, avant que : Un instant ! de- manda-t-elle.

    L'insubordination parat plus naturelle sous quand que sous aprs que ou avant que, et il semble difficile de rendre D et E naturels en changeant le contenu de la "principale"; cependant, plus tt que semble autoriser l'insubordination dans F :

    F. Je n'avais pas plus tt tourn le dos que : Un instant I demanda-t-elle.

    Par contre F devient peu naturel si on supprime la ngation de sa principale. Ainsi les expressions autorisant l'insubordination sont quand et ne . . . pas plus tt que, c'est--dire des expressions de la simultanit (5). Il parat naturel que l'inversion du reprage temporel prenne une importance particulire et se traduise par des faits de syntaxe justement dans les cas o, comme avec tel au paragraphe prcdent, il s'agit d'une relation symtrique. Dans cet exemple,

    G. Il n'est pas plus tt entr dans la salle, qu'il avait dj pris la parole.

    du type Non plus ttP, que dj Q, l'expression plus tt que rapporte littralement le temps de P celui de Q; le mot dj, renvoyant au temps de P, rapporte au contraire le temps de Q celui de P; ainsi deux directions de reprage temporel se croisent, dont l'une s'explique par la subordination de la subordonne, et l'autre par son insubordination (6).

    III. Qui est qui ?

    Le pronom sujet ce veut un verbe au singulier (*Les films, ce sont distrayants), sauf parfois quand le verbe tre prend pour attribut une expression nominale plurielle : C'est eux / Ce sont eux, C'est des fous /Ce sont des fous. On pourrait nier cette exception en disant que dans Ce sont eux, il y a inversion, et que le sujet est eux et l'attribut ce; mais dans Sont-ce des fous ?, Certes c'en sont, l'inversion de ce clitique, la substitution de en l'attribut, garantissent que ce est bien sujet.

    On m'a appris l'cole qu'en thme latin, il est bon de traduire Ceci est ma gloire par Haec est mea gloria ("Celle- ci" est ma gloire), comme si le sujet pouvait, quant au

    (5) En mme temps que se rend parfois en latin par simul et/ ac/atque (en mme temps "et"). Le que temporel du type La mort nous prend que nous sommes encore tout pleins de nos misres (Svign, cit par Grevisse, 1017) semble restreint aux cas de "subordination inverse" (cf. Bonnard, 1981 : 308).

    (6) Dans Phdre (V : 6) Thramne commence ainsi son rcit : "A peine nous sortions des portes de Trzne, Il tait sur son char (. . .)", puis, au bout de dix vers : "Un effroyable cri, sortant du fond des flots, Des airs en ce moment a troubl le repos"; spontanment, je comprends, par ce moment celui o peine nous sortions; cette interprtation suppose une rfrence croise d' peine ce moment (anticipation de dix vers !) et de en ce moment peine. Sur une autre forme d'inversion de reprage temporel, voir Marcel Vuillaume (1979); voir aussi Marc Dominicy (1983).

  • genre, n'tre trait que comme attribut de trait comme sujet.

    l'attribut

    Ainsi dans des expressions du type S est A o S semble jouer le rle de sujet et o ,4 est nominal,^ semble parfois usurper des pouvoirs de S, et rgir le nombre du verbe ou le genre du sujet (7). Si on convient de dire que normalement, S et A tant nominaux, dans S est A l'expression S reprsente l'identifi et l'expression A i'identi- fieur, alors on peut dire qu'il s'agit ici de cas o l'identi- fieur se comporte quelque gard comme un identifi. Cette inversion des rles se comprend mal sans la symtrie de l'identification : si X est identique Y, alors Y est identique X; identifier X Y peut donc tre indirectement une manire d'identifier Y X, ce dont parfois les inversions d'influence en nombre ou en genre tiennent justement compte (8).

    du style deux ou plusieurs niveaux de la construction du sens; il s'agit ici en particulier de cas o la belle ordonnance de la hirarchie syntaxique principale/ subordonne, sujet/attribut est drange par des implications de rciprocit qui en brouillent la rigoureuse dissymtrie.

    Benot DE CORNULIER Universit de Nantes

    Chacun des trois groupes d'exemples peine effleurs ci-dessus suppose une tude plus approfondie. Mais le point de cette note tait seulement de souligner un phnomne qu'ils illustrent de manire convergente : travers nos noncs littraux, il nous arrive banalement de signifier des implications de ces noncs; et notre syntaxe trahit le fait que nous anticipons ces consquences, mlangeant ainsi dans l'apparente continuit

    (7) L'accord avec l'attribut dans Ce sont eux peut tre facilit par la neutralit du pronom clitique sujet ce quant au nombre (cf. J.Y. Pollock, 1983 : 101) : le pluriel desont n'est pas positivement en "dsaccord" avec ce si celui-ci n'est pas positivement "singulier". L'inacceptabilit de Ce sont nous/vous au lieu de C'est nous/vous, que Pollock explique par le caractre "argumentai" de nous et vous (Pollock, 1983 : 95, cf. Kayne 1982), pourrait aussi tre lie la neutralit fondamentale de nous et vous quant au nombre (Cornulier, 1978). Marcel Vuillaume m'crit (1983) : "A l'appel de leur nom, les allemands rpondent : Das bin ich (a suis je) et quand il frappent une porte et veulent se faire reconnatre, ils disent : Ich bin's (Je suis ce); pourquoi avons-nous abandonn l'usage ancien du Ce su is- je ?" ; y a-t-il dans ces exemples comme une inversion de l'accord en "personne" ?

    (8) Certaines des particularits des propositions du type GN est GN que M.L. Moreau dcrit par une rgle syntaxique permutant le sujet et l'attribut pourraient tre imputables la rversibilit smantique de la relation d'identification.

    Bibliographie

    Anscombre, J.C. & O. Ducrot, 1983, L'argumentation dans la langue, Mardaga, Bruxelles. Bonnard, H., 1981 , Code du franais courant, Magnard, Paris. Cornulier, B. de, 1978, "Marquage et dmarquage dans les pro

    noms personnels franais : nounoiement et vouvoiement". Studies in French Linguistics 1, 115-158, Indiana University Linguistics Club, Bloomington, E.-U. Cornulier, B. de, 1984, "Pour l'analyse minimaliste de certaines expressions de quantit : Rponse des objections d'Ans- combre et Ducrot", paratre dans le Journal of Pragmatics, Reidel, Hollande.

    Dominicy, M., 1983, "Time, tense and restriction (On the French periphrasis venir de + infinitive", in Communication and cognition, vol. 16, n 1/2, p. 133-154.

    Fauconnier, G., 1976, "Remarques sur la thorie des phnomnes scalaires", Semantikos 1 : 3, 13-36; republi dans /4s- pects logiques et grammaticaux de la quantification et de l'anaphore, 1980, diffus par Champion, Paris.

    Grevisse, M., 1975, Le bon usage, 10me dition, Duculot, Gem- bloux, Belgique. Kayne, R., 1982, "Complex inversion chains in French", Wiener Linguistische Gazette, 27-28, 39-69.

    Moreau, M.L., 1976, C'est : Etudes transformation nel les. Presses Universitaires de Mons, Belgique.

    Pollock, J.Y., 1983, "Sur quelques proprits des phrases copulatives en franais", Langue franaise 58, 89-125, Paris.

    Vuillaume, M., 1979, Le fonctionnement des dictiques de temps dans les textes narratifs en allemand, n 26 des Linguistica Palatina, Centre Universitaire du Grand Palais, Paris.

    InformationsAutres contributions de Benot de CornulierCet article est cit par :Vuillaume Marcel. Le reprage temporel dans les textes narratifs. In: Langages, 27e anne, n112, 1993. Temps, rfrence et infrence. pp. 92-105.

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    PlanI. Quel est tel ?II. Quoi arrive quand ?III. Qui est qui ?Bibliographie