Classification des cardiopathies congénitales

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Classification des cardiopathies congénitales M Iselin Classification anatomique et analyse segmentaire (fig 1) La base de cette classification est la division du coeur en trois segments principaux : oreillettes, ventricules et gros vaisseaux [4] . On appelle « étage » l’ensemble d’un segment et sa connexion proximale. L’analyse segmentaire est l’étude de chacun des étages, complétée par la description des anomalies associées et la mention de certaines particularités supplémentaires. Étage viscéroatrial C’est l’ensemble du segment auriculaire et des connexions veino-auriculaires. À l’état normal, on parle de situs solitus : situation droite de l’oreillette droite, de la bronche souche droite et du foie ; situation gauche de l’oreillette gauche, de la bronche souche gauche et de la rate [5] . Le situs inversus est la situation en miroir de la précédente. La concordance quasi constante entre la topographie des viscères et le situs atrial permet la détermination de ce dernier par des méthodes radiographiques simples (cliché thoracoabdominal) [7] . Le situs ambigus est défini par la symétrie de certains viscères par rapport au plan sagittal : dextro-isomérisme quand les deux moitiés droite et gauche ont la morphologie de la moitié droite normale (cas de l’asplénie) ; lévo-isomérisme dans le cas contraire (polysplénie). Michel Iselin : Cardiologue, cabinet de cardiologie, 17, rue Jean-Romain, 14000 Caen, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Iselin M. Classification des cardiopathies congénitales. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Radiodiagnostic – Coeur-Poumon, 32-015-A-11, 1999, 3 p. Étage auriculoventriculaire C’est l’ensemble du segment ventriculaire et des connexions auriculoventriculaires [2] . À l’état normal, il y a concordance auriculoventriculaire : l’oreillette droite communique avec le ventricule droit, l’oreillette gauche avec le ventricule gauche. Il y a discordance lorsque l’oreillette droite communique avec le ventricule gauche et l’oreillette gauche avec le ventricule droit (cas de la « transposition corrigée des gros vaisseaux »). Une connexion est de type ventricule à double entrée quand les deux oreillettes communiquent avec un même ventricule par deux orifices auriculoventriculaires. Enfin, il peut y avoir absence d’un orifice auriculoventriculaire (cas de l’atrésie tricuspidienne). Le mode de connexion auriculoventriculaire peut être à deux valves perforées ou à une valve commune. La position relative des deux ventricules dans l’espace doit être précisée : normalement, on parle de boucle droite quand le ventricule droit est à droite du ventricule gauche. Dans le cas contraire, on parle de boucle gauche (« transposition corrigée des gros vaisseaux »). Enfin, les ventricules peuvent être superposés [6] . On donne le nom de ventricule à une cavité pourvue de ses trois composantes normales : chambre d’admission, zone trabéculée et chambre de chasse. Les caractéristiques de ces composantes différencient nettement le ventricule droit du gauche. Un coeur est dit « biventriculaire » s’il a deux ventricules, même si l’un d’entre eux est hypoplasique. On donne le nom de « chambre accessoire » à une cavité située dans la masse ventriculaire qui est dépourvue de chambre d’admission. Un coeur composé d’un ventricule complet et d’une chambre accessoire porte le nom de « coeur univentriculaire » (cas du ventricule unique) [1] . Étage ventriculoartériel C’est l’ensemble du segment artériel et des connexions ventriculoartérielles. À l’état normal, les connexions sont concordantes : l’aorte naît du ventricule gauche et l’artère pulmonaire du ventricule droit. Dans le cas contraire, il y a discordance (cas de la transposition des gros vaisseaux). 32-015-A-11 ENCYCLOPÉDIE MÉDICO-CHIRURGICALE 32-015-A-11 © Elsevier, Paris

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Classification des cardiopathiescongénitales

M Iselin

Classification anatomique et analysesegmentaire (fig 1)

La base de cette classification est la division du cœur en trois segmentsprincipaux : oreillettes, ventricules et gros vaisseaux[4].On appelle « étage » l’ensemble d’un segment et sa connexionproximale.L’analyse segmentaire est l’étude de chacun des étages, complétée parla description des anomalies associées et la mention de certainesparticularités supplémentaires.

Étage viscéroatrial

C’est l’ensemble du segment auriculaire et des connexionsveino-auriculaires.À l’état normal, on parle de situs solitus : situation droite de l’oreillettedroite, de la bronche souche droite et du foie ; situation gauche del’oreillette gauche, de la bronche souche gauche et de la rate[5].Le situs inversus est la situation en miroir de la précédente. Laconcordance quasi constante entre la topographie des viscères et le situsatrial permet la détermination de ce dernier par des méthodesradiographiques simples (cliché thoracoabdominal)[7].Le situs ambigus est défini par la symétrie de certains viscères parrapport au plan sagittal : dextro-isomérisme quand les deux moitiésdroite et gauche ont la morphologie de la moitié droite normale (cas del’asplénie) ; lévo-isomérisme dans le cas contraire (polysplénie).

Michel Iselin : Cardiologue, cabinet de cardiologie, 17, rue Jean-Romain, 14000 Caen,France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Iselin M. Classification descardiopathies congénitales. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Radiodiagnostic –Cœur-Poumon, 32-015-A-11, 1999, 3 p.

Étage auriculoventriculaire

C’est l’ensemble du segment ventriculaire et des connexionsauriculoventriculaires[2].À l’état normal, il y a concordance auriculoventriculaire : l’oreillettedroite communique avec le ventricule droit, l’oreillette gauche avec leventricule gauche. Il y a discordance lorsque l’oreillette droitecommunique avec le ventricule gauche et l’oreillette gauche avec leventricule droit (cas de la « transposition corrigée des gros vaisseaux »).Une connexion est de type ventricule à double entrée quand les deuxoreillettes communiquent avec un même ventricule par deux orificesauriculoventriculaires.Enfin, il peut y avoir absence d’un orifice auriculoventriculaire (cas del’atrésie tricuspidienne).Le mode de connexion auriculoventriculaire peut être à deux valvesperforées ou à une valve commune.La position relative des deux ventricules dans l’espace doit êtreprécisée : normalement, on parle de boucle droite quand le ventriculedroit est à droite du ventricule gauche. Dans le cas contraire, on parle deboucle gauche (« transposition corrigée des gros vaisseaux »). Enfin, lesventricules peuvent être superposés[6].On donne le nom de ventricule à une cavité pourvue de ses troiscomposantes normales : chambre d’admission, zone trabéculée etchambre de chasse. Les caractéristiques de ces composantesdifférencient nettement le ventricule droit du gauche.Un cœur est dit « biventriculaire » s’il a deux ventricules, même si l’und’entre eux est hypoplasique.On donne le nom de « chambre accessoire » à une cavité située dans lamasse ventriculaire qui est dépourvue de chambre d’admission.Un cœur composé d’un ventricule complet et d’une chambre accessoireporte le nom de « cœur univentriculaire » (cas du ventricule unique)[1].

Étage ventriculoartériel

C’est l’ensemble du segment artériel et des connexionsventriculoartérielles.À l’état normal, les connexions sont concordantes : l’aorte naît duventricule gauche et l’artère pulmonaire du ventricule droit. Dans le cascontraire, il y a discordance (cas de la transposition des gros vaisseaux).

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On parle de ventricule à double issue quand les deux vaisseaux naissentdu même ventricule, de cœur à issue unique lorsqu’il n’y a qu’un troncartériel naissant du cœur (cas du tronc artériel commun).Dans les quatre types de connexions définis (cf supra), le mode deconnexion peut être à deux valves sigmoïdes perforées, à une seule valveperforée, l’autre étant absente ou non perforée.Indépendamment de leurs connexions avec les ventricules, les relationsspatiales des gros vaisseaux doivent être précisées. Normalement,l’orifice aortique est à droite, en arrière et en dessous de l’orificepulmonaire. Toutes les autres relations sont anormales.De même, il importe de préciser la position gauche ou droite de la crosseaortique par rapport à l’axe aérodigestif, la forme et la dimension dechacun des gros vaisseaux et de leurs collatérales.

Anomalies associées

Au terme de l’analyse segmentaire, il faut décrire les anomaliesassociées qui peuvent s’observer à tous les étages : sténoses ouhypoplasies valvulaires, interruptions vasculaires, communicationsanormales, de même que la distribution des artères coronaires.Cette analyse systématique est indispensable dans l’étude descardiopathies complexes. L’identification précise des différentssegments cardiaques, de leurs connexions et de leur localisation spatiale,est maintenant possible par l’échocardiographie[3].

Classification physiopathologique

C’est la plus utilisée dans la plupart des cas. En effet, la physiopathologieexplique les retentissements cliniques et radiologiques des cardiopathieset leur pronostic. Les cardiopathies qui ont les mêmes conséquenceshémodynamiques ont souvent le même aspect clinique et nécessitent lesmêmes indications opératoires.Quatre principaux groupes seront envisagés : les shunts gauche-droite,les malformations obstructives, les cardiopathies cyanogènes et enfin lescardiopathies qui n’appartiennent pas à ces trois grands groupes,appelées cardiopathies complexes.

Shunts gauche-droite

Sous cette définition seront envisagées les malformations simples dontl’élément physiopathologique initial et fondamental est le passageanormal de sang de la grande vers la petite circulation. Ce sont lescardiopathies les plus fréquentes, dominées par les communicationsinterventriculaires, les communications interauriculaires et lapersistance du canal artériel.

Leur dénominateur commun est l’élévation du débit pulmonaire et laréduction du débit systémique. Le volume du shunt correspond à ladifférence entre les deux débits, exprimée par le rapport du débitpulmonaire sur le débit systémique.Le volume du shunt est un élément important du retentissement clinique.S’il est important, il se produit une pléthore vasculaire pulmonaire àl’origine de dyspnée et de troubles ventilatoires, une réduction du débitsystémique responsable de troubles de croissance.Le volume du shunt est conditionné par la taille et le siège de lacommunication, mais également par le niveau des résistancespulmonaires : en période néonatale, un intervalle libre asymptomatiquedû à la persistance de résistances vasculaires pulmonaires de type fœtalest fréquemment observé.L’évolution est dominée par le risque d’altérations progressivementirréversibles du lit vasculaire pulmonaire qui aboutissent à une élévationdes résistances, susceptibles d’atteindre, voire de dépasser le niveau desrésistances systémiques et d’inverser le shunt.Il existe, par ailleurs, une autre catégorie de shunt gauche-droite quin’est pas influencée par le niveau des résistances pulmonaires et que l’onappelle «shunts obligatoires », dont les principales variétés sont lacommunication ventricule gauche-oreillette droite, le canalatrioventriculaire commun et les fistules artérioveineuses périphériques.Enfin, il faut compter avec les possibilités évolutives du defect avec lacroissance, notamment la possibilité de restriction, voire de fermeturespontanée de certaines communications interventriculaires.

Malformations obstructives

Elles sont responsables soit d’une gêne à l’éjection ventriculaire(sténoses valvulaires pulmonaires ou aortiques, coarctations del’aorte...), soit d’un obstacle à l’écoulement du retour veineux (cœurtriatrial, malformation mitrale...).Les obstacles à l’éjection ont un retentissement myocardique d’autantplus important qu’ils sont plus serrés : hypertrophie des paroisventriculaires avec réduction de la cavité, altération de la compliance,voire plus exceptionnellement altération de la contractilité avecdilatation du ventricule. Les perturbations hémodynamiques des lésionssévères (atrésies orificielles) pendant la vie fœtale peuvent êtreresponsables d’une insuffisance de développement du ventricule.Les obstacles au remplissage touchent presque exclusivement le cœurgauche et sont à l’origine d’une stase veineuse, voire d’un œdèmepulmonaire avec son cortège de manifestations cliniques (toux,dyspnée...). Plus la pression auriculaire gauche est élevée, plus lavasoconstriction pulmonaire réflexe est marquée. L’hypertensionartérielle pulmonaire qui en découle peut être très élevée, voiresuprasystémique.

Od Og

F

E

OdOg

VdVg

VdVg

AoAp

Vd

12

Ao

Ap

Vd1

2

1

Ao

Ap

1 Cardiopathies congénitales. Ao : aorte ; Ap : artère pulmonaire ; E : esto-mac ; F : foie ; Od : oreillette droite ; Og : oreillette gauche ; Vd : ventricule droit ;Vg : ventricule gauche ; 1 : conus ; 2 : mitrale.

A. Situs solitusB. Situs inversus.C. Boucle droite.D. Boucle gauche.E. Position normale.F. Transposition.G. Double issue.

A B C D

E F G

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Cardiopathies cyanogènes

Elles sont à l’origine d’une coloration anormale des téguments et desmuqueuses, la cyanose, correspondant à une teneur d’au moins 50 g/Lde sang d’hémoglobine réduite (de couleur rouge sombre), circulantdans les capillaires cutanés.Les cyanoses d’origine cardiaque sont liées à la contamination du sangartériel par du sang veineux désaturé (shunt droite-gauche). Ellescorrespondent le plus souvent à l’association d’un obstacle sur la petite

circulation et d’une communication anormale (exemple de la tétralogiede Fallot) ou d’une malposition d’une structure cardiaque (exemple dela transposition des gros vaisseaux, du retour veineux pulmonaireanormal total).

Elles peuvent mettre en jeu le pronostic vital dès la période néonatale(hypoxie aiguë, acidose métabolique) ou à plus long terme (survenue demalaises anoxiques, polyglobulie et ses complications, risque d’abcèscérébraux...).

Références

[1] Lev M. Pathologic diagnosis of positional variations in car-diac chambers in congenital heart diseases. Lab Invest1954 ; 3 : 71-81

[2] Macartney FJ, Shinebourne EA, Anderson RH. Conne-xions, relations, discordance, and distorsions. Br Heart J1976 ; 38 : 323-326

[3] Shinebourne EA, Macartney FJ, Anderson RH. Sequentialchamber localization-logical approach to diagnosis in con-genital heart disease. Br Heart J 1976 ; 38 : 327-340

[4] Van Praagh R. Terminology of congenital heart disease.Glossary and commentary. Circulation 1977 ; 56 : 139-l43

[5] Van Praagh R. The importance of segmental situs in thediagnosis of congenital heart disease. Semin Roentgenol1985 ; 20 : 254-271

[6] Van Praagh R, Van Praagh S, Vlad P, Keith JD. Anatomictypes of congenital dextrocardia. Diagnostic and embryo-logic implications. Am J Cardiol 1964 ; 13 : 510-531

[7] Van Praagh S, Kakou-Guikahue M, Kim HS et al. A trialsitus in patients with visceral heterotaxy and congenitalheart disease : conclusions based on findings in 104 post-mortem cases. Cœur 1988 ; 9 : 484-502

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