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L’A NTHOLOGIE PERMANENTE DES LITTÉRATURES DE L IMAGINAIRE S OLARI S Science-fiction et fantastique N˚ 171 10 $ Bienvenue – Welcome ANTICIPATION 2009 Neil GAIMAN Élisabeth VONARBURG Alain BERGERON Éric GAUTHIER Jean-Louis TRUDEL

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L ’A N T H O L O G I E P E R M A N E N T ED E S L I T T É R AT U R E S D E L ’ I M A G I N A I R E

S O L A R I SS c i e n c e - f i c t i o n e t fa n t a s t i q u e

N˚ 171 10 $

Bienvenue – WelcomeA N T I C I P A T I O N

2 0 0 9

Neil

GAIMANÉlisabeth

VONARBURGAlain

BERGERONÉric

GAUTHIERJean-Louis

TRUDEL

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Solaris 171Été 2009 Vol. 35 n° 1

Steve Bolduc est né en 1978 à Sherbrooke.Passionné très tôt par tout ce qui est art

visuel, il commence par recréer lespochettes de CD de ses groupes favoris

(Iron Maiden, Megadeath…), puis déve-loppe un fort intérêt pour le macabre, ce quil’amène à s’intéresser à des artistes commeDali, Giger et Helnwein. Autodidacte, Steve

Bolduc expose pour la première fois à laMaison de la culture de Bromptonville ; sesœuvres surréalistes choquantes contrastentavec les expositions qu’on y présente d’ha-bitude. Après avoir travaillé pour diversesentreprises, il devient peintre illustrateur à

plein temps. Il a réalisé ces dernières annéesplusieurs couvertures pour nombre de

périodiques et éditeurs québécois.

Sommaire3 Éditorial

Joël Champetier

7 Lettre d’amourNeil Gaiman

13 OrangeNeil Gaiman

21 Ors blancsAlain Bergeron

49 Recette maisonÉric Gauthier

77 DésaxésJean-Louis Trudel

93 La Mort aux désÉlisabeth Vonarburg

115 Les Carnets du FuturibleQue sont devenus les Moonwalkers?Mario Tessier

135 Sur les rayons de l’imaginairePascale Raud

147 Les LittéranautesÉ. Vonarburg et F. Martin

153 LecturesN. Faure, J.-O. Allard, R. Bozzetto, R. D. Nolane, P.-A. Côté et É. Vonarburg

Illustrations

Laurine Spehner : 7, 13, 21, 49, 77, 93Suzanne Morel : 115

Solaris 171 en lignewww.revue-solaris.com

161 Lectures

171 Écrits sur l’imaginaireNorbert Spehner

181 Sci-néma

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Rédacteur en chef : Joël Champetier

Éditeur : Jean Pettigrew

Direction littéraire : Joël Champetier, Jean Pettigrew, Daniel Sernine et Élisabeth Vonarburg

Site Internet : www.revue-solaris.com

Webmestre : Christian Sauvé

Abonnements : voir formulaire en page 5

Publicité : Pascale [email protected](418) 525-6890

Trimestriel : ISSN 0709-8863Dépôt légal à la Bibliothèque nationale du QuébecDépôt légal à la Bibliothèque nationale du Canada

© Solaris et les auteurs

Solaris est une revue publiée quatre fois parannée par les Publications bénévoles des litté-ratures de l’imaginaire du Québec inc. Fondéeen 1974 par Norbert Spehner, Solaris est lapremière revue de science-fiction et de fantastiqueen français en Amérique du Nord.

Solaris reçoit des subventions du Conseil desarts du Canada, du Conseil des arts et des lettresdu Québec et reconnaît l’aide financière accordéepar le gouvernement du Canada pour ses coûts deproduction et dépenses rédactionnelles par l’entre-mise du Fonds du Canada pour les magazines.

Toute reproduction est interdite à moins d’ententespécifique avec les auteurs et la rédaction. Lescollaborateurs sont responsables de leurs opinionsqui ne reflètent pas nécessairement celles de larédaction.

Date d’impression : juin 2009

Le Prix Solaris s’adresse aux auteurs de nouvelles canadiensqui écrivent en français, dans les domaines de lascience-fiction, du fantastique et de la fantasy

Dispositions généralesLes textes doivent être inédits et avoirun maximum de 7 500 mots (45 000signes). Ces derniers doivent être envoyésen trois exemplaires (des copies car lesoriginaux ne seront pas rendus). Afin depréserver l’anonymat du processus desélection, ils ne doivent pas être signésmais être identifiés sur une feuille à partportant le titre de la nouvelle ainsi quele nom et l’adresse complète de l’auteur,le tout glissé dans une enveloppe scellée.On n’accepte qu’un seul texte par auteur.

Les textes doivent parvenir à la rédactionde Solaris, au C.P. 85700, succ. Beauport,Québec (Québec) G1E 6Y6, et être iden-tifiés sur l’enveloppe par la mention« Prix Solaris ».

La date limite pour les envois est le19 mars 2010, le cachet de la poste fai-sant foi.

Le lauréat ou la lauréate recevra unebourse en argent de 1000 $. L’œuvreprimée sera publiée dans Solaris en2010.

Les gagnants (première place) des prixSolaris des deux dernières années, ainsique les membres de la direction littérairede Solaris, ne sont pas admissibles.

Le jury, formé de spécialistes, sera réunipar la rédaction de Solaris. Il aura ledroit de ne pas accorder le prix si laparticipation est trop faible ou si aucuneœuvre ne lui paraît digne de mérite. Laparticipation au concours signifie l’ac-ceptation du présent règlement.

Pour tout renseignement supplémentaire,contactez Pascale Raud, coordonnatricede la revue, au courriel suivant :

[email protected]

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ÉditorialUn numéro quadruplement exceptionnel

Ce 171e numéro de Solaris est encore plus remarquable qued’habitude, étant donné qu’il coïncide avec quatre événements qui,chacun pris à part, auraient mérité qu’on leur consacre un numérocommémoratif. Premièrement, il inaugure la 35e année de publicationde la revue, une longévité qui dans notre domaine n’a aucun équivalenten francophonie, même de loin. L’été 2009 correspond aussi aux trenteans des congrès Boréal, le premier s’étant déroulé à Chicoutimi en 1979.Je le sais car je fais partie des gens qui ont eu la chance d’y assister – jesuis une des très rares personnes qui peut s’enorgueillir de n’avoirjamais manqué un Boréal !

N’empêche que ces deux anniversaires se font faire de l’ombrepar un événement exceptionnel, pour ne pas dire unique, dans l’histoiredes littératures de l’imaginaire au Québec. Je parle du passage àMontréal d’« Anticipation », la 67e Convention mondiale de SF, quise déroule au Palais des congrès du 6 au 10 août – avec un peu dechance, c’est dans la salle de vente de la Worldcon que vous vous êtesprocuré cet exemplaire, et pendant que vous lisez ces lignes des milliersde fans, d’auteurs, de rédacteurs, d’artistes et créateurs de toutessortes circulent autour de vous.

Il fallait des fictions mémorables pour s’inscrire dans un alignementdes astres qui ne se reproduira sans doute pas de notre vivant. C’estcertainement le cas dans ce numéro, dont le sommaire des fictionspropose un trio de nos meilleurs auteurs, Alain Bergeron, Jean-LouisTrudel et Éric Gauthier, ainsi que deux écrivains invités d’honneurd’« Anticipation », les très distingués Élisabeth Vonarburg et NeilGaiman – un merci du fond du cœur à ces cinq auteurs d’avoir acceptéde participer à ce numéro qui fait l’histoire.

Parlant d’histoire, j’ai mentionné en introduction une quatrièmeraison de célébrer. Il s’agit encore d’un anniversaire, celui d’un exploitqui dépasse les frontières du Québec, voire de la Terre tout entière. Le20 juillet 2009, à 21 h 56, il y aura exactement quarante ans qu’unhomme a mis pour la première fois le pied sur la Lune. Qui était mieuxplacé pour parler de Neil Armstrong et des onze autres membres duclub le plus sélect de la planète, les Moonwalkers, que notre futuribleMario Tessier ?

Remercions aussi nos illustratrices, Laurine Spehner et SuzanneMorel, nos critiques et nos rédacteurs, ainsi que Steve Bolduc, qui est entrain de devenir un de nos illustrateurs de couverture les plus fidèles,pour avoir contribué à produire un autre excellent numéro de la revue.

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Prix Solaris 2009

Le Prix Solaris 2009 a été attribué à Luc Dagenais pour sa nouvellede science-fiction intitulée « La Vie des douze Jésus ». Né en 1973 àGatineau, l’auteur vit à Montréal (avec ses trois chats) où il est archivistede profession, après avoir fait des études universitaires en cinéma eten histoire de l’art. « La Vie des douze Jésus » sera sa première nouvellepubliée. L’auteur se mérite une bourse de 1000 $ et son texte serapublié dans Solaris 172 (automne 2009).

Le jury a également choisi deux finalistes : Philippe Roy, pour sanouvelle fantastique « L’Horloge vivante », et Frédéric Vacher pourson texte de science-fiction « Le Double d’éternité ».

Le jury du prix, appelé à délibérer selon un processus de sélectionanonyme, était composé d’Élisabeth Vonarburg, écrivaine et directricelittéraire de Solaris, Claude Janelle, critique et spécialiste des genresde l’imaginaire, et Philippe-Aubert Côté, auteur et critique.

La participation au Prix Solaris 2009 a été de quarante-trois textes,dont treize écrits par des femmes. Les genres de l’imaginaire se par-tagent comme suit : vingt-deux textes de science-fiction, dix-sept defantastique (incluant l’horreur), auxquels il faut ajouter quatre textesde fantasy. Le jury tient par ailleurs à souligner le très bon niveaud’ensemble des textes reçus.

Toute l’équipe de Solaris remercie chaleureusement les participantset les membres du jury de leur collaboration et prie ses lecteurs debien noter que la date limite de participation pour l’édition 2010 est le19 mars 2010.

Prochain rendez-vous

Avant de vous quitter, signalons que tous les auteurs au sommairede ce numéro, ainsi que l’équipe de rédaction de la revue, seront pré-sents à « Anticipation », soit par affaire, soit pour participer aux tablesrondes et autres événements inscrits au programme, ou simplementpour bavarder avec leurs collègues et amis autour d’une bière ou d’uncafé. N’hésitez surtout pas à venir nous saluer : le contact humain,surtout dans notre univers de plus en plus virtuel, c’est ce qui surnagedans la mémoire après un congrès. Je vous souhaite à tous un bel été,une bonne convention mondiale pour ceux qui auront la chance d’yassister, et de bonnes lectures. En attendant de se retrouver dans troismois avec le prochain Solaris…

Joël CHAMPETIER

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Ma chérie,

Commençons cette lettre, ce prélude à une rencontre, de manièreformelle, comme une déclaration, à la façon ancienne : je vousaime. Vous ne me connaissez pas (même si vous m’avez vu, m’avezsouri, avez déposé des pièces dans le creux de ma main). Je vousconnais (même si ce n’est pas autant que je le voudrais. Je veux être làlorsque vos paupières palpitent au réveil, le matin, et vous me voyez,et vous me souriez. Assurément, ce serait assez proche du paradis ?)Et donc je me déclare à vous à présent, en me servant d’un stylo etde papier. Je le déclare de nouveau : je vous aime.

Je rédige ceci en anglais, votre langue et une langue que je parleégalement. Mon anglais est bon. Il y a quelques années, j’ai été enAngleterre et en Écosse. J’ai passé tout un été dans Covent Garden,sauf le mois où j’ai été au Festival d’Edinburgh. Les gens qui ont misde l’argent dans ma boîte comprenaient Mr. Kevin Spacey, l’acteur,et Mr. Jerry Springer, la star de télévision qui était à Edinburghpour un opéra racontant sa vie.

Lettre d’amourpar Neil GAIMAN

Laurine Spehner

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J’ai si longtemps remis l’écriture de cette lettre, même si jevoulais le faire, même si je l’ai souvent composée dans ma tête.Écrirai-je sur vous? sur moi?

Vous d’abord.J’aime vos cheveux, longs et roux. La première fois que je vous

ai vue, j’ai pensé que vous étiez une danseuse, et je pense encoreque vous avez un corps de danseuse. Les jambes, la posture, la têtelevée, bien droite sur le cou. C’est votre sourire qui m’a dit que vousétiez une étrangère, avant même que je vous entende parler. Dansmon pays, nous sourions par intermittence, comme le soleil se montrepour illuminer les champs puis se cache de nouveau derrière unnuage, trop tôt. Les sourires ont de la valeur, chez nous, ils sontrares. Mais vous souriiez tout le temps, comme si tout ce que vousvoyiez vous ravissait. Vous avez souri la première fois que vousm’avez vu, encore plus largement qu’avant. Vous avez souri, etj’étais perdu, comme un petit enfant dans une grande forêt, qui netrouverait jamais plus le chemin de sa maison.

Quand j’étais jeune, j’ai appris que les yeux en révèlent trop.Dans ma profession, certains adoptent des lunettes noires ou même(et je me moque d’eux avec un rire sarcastique, car je les tiens pourdes amateurs) des masques qui recouvrent tout le visage. À quoisert un masque? Ma solution à moi, ce sont des verres de contact dethéâtre qui couvrent l’œil au complet. Ils sont gris foncé, bienentendu, et ressemblent à de la pierre. Ils m’ont coûté plus de500 euros, un investissement qui a été remboursé plusieurs fois.Vous pensez peut-être, compte tenu de ma profession, que je doisêtre pauvre, mais vous seriez dans l’erreur. En fait, j’imagine quevous seriez surprise de voir combien j’ai amassé. Mes besoins sontlimités et mes gains toujours très bons.

Sauf quand il pleut.Même quand il pleut, des fois. Les autres, comme vous l’avez

peut-être observé, mon amour, battent en retraite quand il pleut,avec des parapluies, ils se sauvent en courant. Je reste sur place.Toujours. Simplement, j’attends, sans bouger. Cela rend la perfor-mance encore plus convaincante.

Et c’est une performance, tout comme lorsque j’étais un acteurde théâtre, l’assistant d’un magicien, et même lorsque j’étais moi-même danseur. (C’est pour ça que le corps des danseurs m’est sifamilier.) Toujours, j’ai conscience de chaque individu dans l’assis-tance. J’ai retrouvé ce trait chez tous les acteurs et tous les danseurs,sauf ceux qui sont myopes et pour qui les spectateurs sont uneimage floue. J’ai une bonne vision, même à travers les verres decontact.

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(Réponse du troisième sujet au questionnaire écrit de l’enquêteur)

POUR VOS YEUX SEULEMENT / ACCÈS LIMITÉ

1. Jémina Glorfindel Pérula Ramsey.

2. Dix-sept ans le 9 juillet.

3. Les cinq dernières années. Avant, on vivait à Glasgow (Écosse).Avant ça, à Cardiff (Pays de Galles).

4. Je ne sais pas. Je crois qu’il est dans l’édition de magazines,à présent. Il ne nous parle plus. Le divorce s’est très mal passé etmaman a fini par lui payer tout un tas de sous. Ce qui me sembleplutôt pas juste. Mais ça en valait peut-être la peine juste pour enêtre débarrassés.

Orangepar Neil GAIMAN

Laurine Spehner

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5. Une inventeuse et une entrepreneuse. Elle a inventé Le MuffinFourré TM, et elle a créé la chaîne Le Muffin Fourré TM. Je les aimaisquand j’étais petite, mais on peut en avoir marre des MuffinsFourrés TM à chaque repas, surtout que maman nous utilisait commecobayes. Le pire, c’était le repas de Noël à la dinde du MuffinFourré TM. Mais elle a vendu ses parts dans la chaîne il y a environcinq ans, pour commencer à travailler sur Les Bulles Fluo de MaMaman (pas encore vraiment TM).

6. Deux. Ma sœur Nérys, qui avait quinze ans, et mon frèrePrydéri, douze ans.

7. Plusieurs fois par jour.

8. Non.

9. En ligne. Probablement eBay.

10. Elle achète des couleurs et des teintures dans le monde entierdepuis qu’elle a décidé que le monde voulait absolument des bullesde teintes fluo. Le genre de bulles qu’on souffle, avec un mélangesavonneux.

11. Pas vraiment un laboratoire. Je veux dire, elle l’appelle commeça, mais en réalité c’est juste le garage. Sauf qu’elle a pris un peude l’argent du Muffin Fourré TM et elle a converti le garage, alors ily a des éviers et des baignoires, des becs Bunsen et des trucs, et dela céramique sur les murs et le plancher pour les rendre plus facilesà nettoyer.

12. Je ne sais pas. Nérys était assez normale. Quand elle a eutreize ans, elle a commencé à lire ces magazines et à coller des postersde ces drôles de bonnes femmes idiotes sur son mur, comme BritneySpears et tout ça. (Désolée si un fan de Britney Spears lit ça, maisje ne comprends tout simplement pas.) Tout le machin orange acommencé seulement l’an dernier.

13. Des crèmes auto-bronzantes. On ne pouvait pas l’approcherpendant des heures quand elle s’en mettait. Et elle ne donnait jamaisle temps au produit de sécher après se l’être étalé partout, alors çatachait ses draps ou la porte du frigo, et dans la douche, ça laissaitdes traces orange partout. Ses amies en portaient aussi, mais ellesne s’en mettaient jamais comme elle. Je veux dire, elle se beurraitavec, en n’essayant même pas d’obtenir une couleur d’aspect humain,et elle pensait qu’elle avait l’air super. Elle a fait le truc du salon debronzage, une fois, mais elle n’a pas aimé, je crois, parce qu’ellen’y est jamais retournée.

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Ors blancspar Alain BERGERON

Suite des Mémoires d’André Antonikas, maître de séméiologie à l’Université de Providence (Arkadie), concernant le périple

qu’il fit en pays de Galactée au cours de l’année christique et impériale mil neuf cent quatre-vingt-quatorze1

— Öooooool ! J’wig öoooool, svine !Le Varangue avait hurlé comme si la Lune s’apprêtait à le

transformer en loup, ce qui n’eût guère été difficile considérant sonapparence. Les épais pelages dont le rustre couvrait son corps seconfondaient avec sa propre fourrure naturelle d’un brun rougeâtre,proche parente sûrement de celle de ces bêtes sauvages qui terrorisaientles forêts du Nouveau Continent. Son langage se limitait à de brèves

Laurine Spehner

1 AVERTISSEMENT. Depuis quelques années, la découverte de nouveaux frag-ments des Mémoires d’André Antonikas ne manque jamais de susciter engouementsautant que controverses au sein des cénacles du savoir. Aussi, la décision depublier ces pages inédites nous expose à raviver maintes polémiques sur lalégitimité d’un auteur depuis longtemps décédé et d’une œuvre sévèrement

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vociférations gutturales que tout honnête homme eût éprouvé grandmal à supporter. Le mot öl était celui qui, dans sa bouche, retentissaitavec le plus de fréquence. Il désignait cette cervoise amère, brune ettrop épicée, qui affluait en abondance à toutes les tables autour demoi. Le rustre et ceux de sa race ne cessaient de réclamer à boire,interpellant sans la moindre délicatesse la jeune puelle de l’auberge,et employant pour ce faire les paroles les plus crues et les plus inju-rieuses qui se pussent prononcer dans leur infâme parler. À mongrand effarement, toute cette vulgarité n’avait l’air de choquer quema jeune sensibilité. Aucun des autres convives – et j’inclus ici mespropres compagnons – ne paraissait s’en offusquer. Frère Maxenceet Frère Jon buvaient l’öl avec allégresse eux aussi, à même la bar-rique parfois, et la puelle, une forte gueuse rousse, suffisait tout juste àles ravitailler. Moi qui ne supportais que le vin, et en très menuesquantités, je me morfondais dans un coin humide de cette salle debeuverie, trop loin de l’âtre, et subissais avec une affliction toujourscroissante chaque nouvelle manifestation de ce sordide spectacled’hommes se muant en animaux.

Le lieu maudit où sévissait ma détresse s’appelait l’Auberge duChien qui mord, nom qui seyait fort bien à sa clientèle. Nous n’étionspas plus d’une vingtaine assemblés à cet endroit, retenus de forceou presque, car, dehors, rageait la plus diabolique des tempêtes deneige. Tel un fléau de l’Apocalypse, les éléments s’étaient déchaînésdès notre arrivée à Aquilenne, le matin même. Il faisait jour encoreet, pourtant, depuis d’interminables heures, le souffle de blancheur

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condamnée par les autorités ecclésiastiques et impériales. Le lecteur est doncinvité à faire preuve de discernement et de circonspection. Dans « Ors blancs »,André Antonikas – s’il s’agit bien de lui et non d’un imposteur – poursuit lanarration de son périple dans l’une des contrées les plus inhospitalières del’Empire roman. Les incidents rapportés ici se seraient produits à Aquilenne,petite ville sise sur la rive nord du fleuve Galacta, au cours du mois de mars 1994,soit tout juste après le synode d’historiosophie de Mont-Boréal. Celui-ci, rap-pelons-le, fait l’objet d’une autre section des Mémoires d’André Antonikas,connue sous le titre « Le huitième registre ». Si l’exhumation tardive d’un texteencore inconnu laisse planer le doute sur son authenticité, on aurait tort de lecondamner trop vite comme apocryphe. Sans commettre l’imprudence deprendre parti en cette matière, nous osons néanmoins attirer l’attention du lecteursur le fait qu’« Ors blancs » partage avec « Le huitième registre » de nombreuxattributs de style et de composition, attributs qui accusent chez l’auteur despages présentées ici – qui qu’il soit – une indiscutable familiarité avec lesmaniérismes d’écriture d’André Antonikas. Nous donnerons pour exemples latendance soutenue et quelque peu irritante du narrateur à s’apitoyer sur lui-même,de même qu’une propension des plus vaniteuses à s’ingérer dans la résolutionde mystères de nature criminelle.

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qui enveloppait la ville créait une opacité extrême, pire que la plusnoire des nuits. Ce qui me terrifiait davantage, c’est que pareilleépreuve était coutumière dans la région, à ce qu’on nous avait assuré,même en ce début d’avril, et qu’elle se produisait certaines annéesplusieurs fois par semaine. Je ne sais quelle orgueilleuse perversitéavait poussé les édiles d’Aquilenne à s’en vanter ainsi, mais cetteville damnée où le sort me gardait prisonnier s’était déjà proclaméecapitale universelle de l’hiver.

Que m’avait-il pris d’accepter de me rendre là-bas? Jamais, enquittant le monastère de Mont-Boréal, je n’aurais eu seul l’idée deremonter le fleuve Galacta. Après les funestes événements que j’avaisvécus au synode d’historiosophie, je n’aspirais qu’à rentrer chezmoi, beaucoup plus au sud, dans la tiédeur parfumée de Providence,ma ville natale, et du pays d’Arkadie que je n’aurais jamais dû quitter.Mais deux moines venus de Britanie, Frère John Seymour de Glencoeet Frère Maxence Ingham de Sarum, s’étaient mis en tête de prolongerleur séjour dans les contrées désolées de la Galactée. Ces doctespratiquants de la philosophie spéculative de l’histoire étaient venus ausynode appuyer les thèses audacieuses de l’école d’Adam de Can-torbery. Mon maître, Justin Cantarumène, et moi avions fait de même.Hélas ! La fourberie, le mensonge et le meurtre avaient triomphé, etnous avions subi la plus cuisante des défaites aux mains de l’écoleadverse, celle de Jean de Thébaïde. En ces jours de malheur extrême,seule une petite flamme avait pu chasser mon désespoir, un tropbref instant, celle d’un amour éphémère pour un être qui n’eût jamaisdû se trouver là, mais cette flamme avait été brutalement emportéedans les circonstances les plus dramatiques.

Alors même que j’avais perdu jusqu’au goût de la vie, mes frèresbritans me proposèrent de les suivre.

— Cette petite évasion vous servira de cure, André Antonikas,m’avait dit Frère Maxence. Nous comptons nous rendre jusqu’àAquilenne, à environ quatre jours d’ici. Les habitants n’ont aucunintérêt, tout juste quelques colons taillés à la hache, des Varanguespour la plupart, qui s’obstinent à y faire pousser de maigres chosesdans la glace. On nous dit cependant le plus grand bien d’un certainpanorama, visible du haut d’un cap, qu’il faut avoir admiré, paraît-il,une fois au moins dans sa vie.

Mon devoir m’eût commandé de demeurer au chevet de monmaître Justin Cantarumène, encore alité, mais les murs du monastèrede Mont-Boréal m’étaient devenus trop pénibles. Moi qui avais le cœurà vif et l’âme tourmentée, je ne cessais de trouver ces paysages deGalactée beaucoup trop blancs. Je me sentais vide comme eux, je me

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sentais glacé. Pourtant, je n’arrivais pas à haïr tout à fait la pureté desneiges qui couvraient le pays jusqu’à l’horizon, car – ô surprenantparadoxe ! – cette pureté m’apportait à sa façon une lointaine pro-messe de réconfort. J’eus dû refuser l’invitation de mes compagnons,mais je me surpris à l’accepter, presque sans hésitation.

Comme je le regrettais à présent !— Saaaa? Jeg spurgt’öooooo1, de sviiiine. Öoooool !Le bestial Varangue émit un rot, puis d’autres bruits qui n’eurent

pas pour effet d’alléger l’atmosphère. Quel barbare ! Absolumenttypique des habitants de cette ville, tous colons incultes et privés debonnes manières. Les Varangues s’étaient implantés en Galactéedès le début de la colonisation du pays, dans la première moitié duvingtième siècle. Depuis la découverte du Nouveau Continent en1809, le pouvoir impérial de Constantinople n’avait cessé de vouloiraffirmer ses revendications sur ce territoire, avant que les Chinois,en expansion d’ouest en est, ne parvinssent à s’y étendre. La lutteétait âpre, car, de son côté, l’Empire céleste avait déjà conquis etpacifié la partie occidentale du continent et entreprenait de s’installerdans les vastes plaines fertiles du centre. Pour occuper et défricherles rudes terres de Galactée, le choix de Constantinople se porta surles Varangues, un peuple aux mœurs primitives et rompu au froid,qui avait toujours vécu dans les régions les plus septentrionales del’Empire. Chargés par milliers sur des navires, souvent de force,ceux que l’on surnommait les peaux-rouges en raison de leurs tachesde rousseur et de leur chevelure carotte, franchirent la mer d’Atlaset prirent possession des rives glacées du fleuve Galacta. L’une desdix-sept communes qu’ils y fondèrent, un simple hameau appeléLodhoviga par ses premiers bâtisseurs, portait aujourd’hui le nomd’Aquilenne et connaissait quelque croissance depuis que l’admi-nistration impériale de la nouvelle province de Galactée avait choiside s’y établir.

J’appris que le rustre à peau de bête se nommait pour sa partUhlaf, quand une nouvelle barrique d’öl roula jusqu’à lui et que sescompagnons, tous aussi hirsutes, s’empressèrent de boire à sa bonnesanté. Je me détournai de cette scène répugnante, et mon regardcroisa celui de la puelle de l’auberge. Il ne m’avait pas échappé quela jeune gueuse me fixait souvent des yeux. Tout en assurant sonservice, elle ne perdait pas une occasion de venir nous frôler, mescompagnons et moi. De fait – je me dois d’en rendre compte avecintégrité –, c’est ma propre bure qu’elle semblait frôler avec le plusd’insistance. La manœuvre me mettait mal à l’aise, sans que je sussepourquoi. La corpulente fille n’avait sans doute pas plus de dix-huit ans.

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Ses généreuses rotondités, amples et molles, reflétaient un solide étatde santé, mais ne m’inspiraient aucune forme d’intérêt particulier.Ses yeux avaient une onctuosité étrange que j’associai à l’apparenceet à la texture du beurre. Cela m’horripila, car je n’ai jamais aimé lebeurre. Je m’efforçai cependant de me montrer courtois avec elle etallai jusqu’à lui demander son nom. Je crois qu’elle saisit le sens dela question mais, malgré tous mes efforts, je n’eus aucun succès àdéchiffrer sa réponse. Même si je la fis répéter lentement, une syllabe àla fois, sa prononciation me parut impossible à transcrire en quelquelangue que ce fût. On devait m’informer plus tard que la puelles’appelait Jadwige Küulka, mais je jugeai qu’il s’agissait tout auplus d’une translittération approximative, fort éloignée de la suitede curieux crachotements qu’elle ne cessait d’émettre lorsque j’in-sistais pour apprendre son nom.

Depuis mon entrée à l’auberge, Jadwige Küulka s’était fait undevoir de m’apporter de l’öl, sans égard à mes refus maintes foisréitérés. Il semblait au-dessus de ses forces de croire que l’épaissemousse alcoolisée dont les buveurs autour de moi faisaient leursdélices ne convenait pas à mes fragiles viscères. Non seulement labarrière de la langue m’empêchait-elle de le lui expliquer, maislorsque je tentais un effort pour m’adresser à elle, ses yeux de beurreprovoquaient en moi un mauvais frisson. Je ne sais comment elleinterprétait cette réaction proche de la nausée, mais je jurerais qu’ellese mettait chaque fois à roucouler comme une palombe.

Bientôt cependant, mon attention fut attirée par autre chose. Àpeine les Varangues venaient-ils de célébrer la bonne santé d’Uhlafque la porte de l’auberge s’ouvrit soudainement de façon quelquepeu théâtrale, laissant entrer rafales de vents et de neige, mais aussitrois soldats de la garde d’Aquilenne. Ces hommes portaient l’illustreuniforme impérial, quoique d’une confection manifestement adaptéeau climat nordique. À l’ampleur de son panache, l’on se doutait queleur chef avait au moins rang de préfet. La porte refermée, un grandsilence se fit. Puis l’officier pointa un doigt ganté dans la directiondes buveurs en lançant d’une voix riche d’autorité :

— Uhlaf! Misérable canaille! Je me doutais bien que tu serais ici!L’interpellé avala lentement une goulée d’öl et prit le temps

d’émettre un nouveau rot, l’un des plus sordides qu’il m’eût été donnéd’entendre. Ses compagnons se tenaient cois. Ils avaient aussi cesséde boire, ce qui m’étonna davantage.

— Titusss Castorrrr, grommela le Varangue en passant nonsans labeur de son dialecte barbare à la langue impériale. Monvieux camarrrade ! Viens donc t’asseoirrrr avec nous?

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Mathilde resta longtemps figée devant la porte, seule dans lecouloir beige. Elle tenait entre ses doigts un petit papier pliéserré. Coincé dans le papier, le texte de la petite annonce

qu’elle connaissait déjà par cœur pour l’avoir retranscrit :Amante de la vie cherche colocataire pour meubler moments

tranquilles. Enquiquineuses, prudes et amazones, s’abstenir.Elle aurait préféré avoir son propre domaine où s’étaler et

paresser sans complexes, mais le choix était restreint en cette sessiond’hiver. Son budget aussi ; plus, même. Au moins, celle qui avaitplacé cette annonce savait ce qu’elle voulait. Mathilde appréciait lefait qu’elle ait utilisé de longs mots même si elle payait à la ligne.

Pourquoi hésiter, alors ? Elle restait plantée là, bête et muette, àtenir son papier serré.

Elle s’apprêtait à cogner quand la porte s’ouvrit. Une fille élancéel’observait, vive et immobile comme un passereau, les cheveux

Recette maisonpar Éric GAUTHIER

Laurine Spehner

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enserviettés en une haute coiffe élaborée à faire l’envie d’une reineafricaine.

— Vert ou pourpre? demanda-t-elle.Mathilde hésita, honteuse d’avoir été aperçue avant d’avoir agi.

Puis :— Vert, dit-elle puisqu’il fallait bien répondre.— Merci !La fille retourna vers le fond de l’appartement en laissant la

porte ouverte. Mathilde risqua un pas à l’intérieur.La cuisine-salle-à-manger était grande comme un timbre-poste.

De la vaisselle sale sur les comptoirs, mais pas trop. Sur un tabouret,une plante en pot : toujours bon signe. La table ployait sous lespapiers, magazines, journaux, factures, disques compacts, livres depoche… et clés à mollette. Du plafond pendait un mobile constituéde photos de vedettes et de correspondances de métro. Une cageaussi, suspendue au-dessus du téléphone à cadran. Mathilde approchaet découvrit entre les barreaux un perroquet de bois peint à la main.Le plafond était d’un bleu-mauve pâle, semi-lilas. C’était à peu prèsla teinte que Mathilde employait pour les points les plus éclairés duventricule droit et de l’oreillette droite, quand elle dessinait cetorgane qui d’ordinaire ne voyait pas la lumière.

La fille ne revenait pas, alors Mathilde s’enfonça plus avant,son papier toujours serré entre les doigts. Elle passa la salle debains – petite mais propre – et deux chambres dans lesquelles ellen’osa pas regarder. Elle trouva la maîtresse des lieux au fond, dansle grand salon, en train de garnir sa palette de multiples teintes de vert.

— Alors, lança l’artiste sans se retourner, qu’est-ce qui t’amèneici ?

Outre la toile blanche sur le chevalet, Mathilde en comptait unedouzaine entassées le long des murs, perdues parmi les plantes etautres cages à oiseaux de bois et le divan bariolé et le fauteuil écorchéet la télé aux coins ronds coiffée d’un bibelot pseudo-africain. Aprèsles toiles, Mathilde remarqua surtout la lumière, chaude, qui entraitpar une porte-fenêtre et une grande fenêtre.

— Je viens pour l’annonce.— « Artiste cherche modèle famélique, barbu, intense et felli-

nien »? T’as pas le physique…Mathilde tendit son papier. La fille le déplia, le lut, puis scruta

Mathilde. Elle lui fit signe de tourner sur elle-même et Mathildes’exécuta avant de se rendre compte à quel point c’était ridicule. Lafille hocha la tête puis dit :

— Anémone.— Quoi?

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— Ç’a été le dernier sursaut de folie de mes parents, de menommer comme ça. Depuis, ils voguent dans la routine et la drabi-tude… Et toi ?

— Oh. Euh… Mathilde.— Parfait. La chambre la plus près de l’entrée est toute à toi.

Tu décores à ta guise. Tu reçois qui tu veux, mais une personne à lafois. Les robinets d’eau chaude et d’eau froide sont inversés dans lasalle de bains et la porte du frigo ferme mal. À part moi, tu devrast’habituer à Moustache. Mon chat. Il est facile à reconnaître, c’estune bête patchée brun, beige et gris avec un œil vert et un œil bleu.Attention, il est farouche, sournois, et il rend jamais ce qu’on lui prête.

Mathilde, un brin étourdie, acquiesça et fit le tour des toiles. Ily avait de tout : des portraits impressionnistes, des paysages extra-terrestres, des études en gros plan de feuilles et d’oiseaux et d’oiseauxcomposés de feuilles… Elles portaient une variété de signatures.

— Tu entreposes pour des amis? demanda Mathilde.— Non. Elles sont toutes de moi. Je suis bannie des galeries

sous mon vrai nom, alors je peins sous pseudonymes. Marie-AngeDeCarufel peint des paysages qu’elle voit en rêve. Everett Jankowskiest un paraplégique qui donne dans le monochrome minimaliste.Consuela Pleau fait surtout des portraits, mais son style commenceà changer depuis qu’elle a entamé une liaison torride avec Everett…

Cette fille est folle, se dit Mathilde en regardant Anémone énu-mérer ses identités fictives, l’air très sérieux, les yeux clairs sousdes sourcils plus sombres que ses cheveux. Elle s’approcha pourmieux voir la toile blanche, qui ne portait que quelques marques plutôtcryptiques au plomb.

— Attention, dit Anémone, si tu ne prends pas la chambrebientôt, je vais retirer mon offre. Allez hop !

Mathilde se hâta d’aller voir.

Mathilde n’était pas installée depuis un mois que déjà elle seretrouvait exilée de sa chambre, portant une boîte dans laquelle cli-quetaient bouteilles d’encre, parfums, crayons et marqueurs, lesquelques outils et cosmétiques dont elle ne pouvait se passer. Pourapprendre à cohabiter, avait décrété Anémone, rien ne valait unesemaine passée chacune dans le décor de l’autre. Mathilde avaitaccepté, non sans scepticisme.

À première vue, la chambre d’Anémone ne recelait pas de poilsde chat, pas plus que le reste de l’appartement. Aucun signe deMoustache – si Moustache il y avait. Mathilde n’avait pas vu un

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chat depuis qu’elle vivait là. Pas de litière ni de bol non plus : audire d’Anémone, la bête entrait et sortait à sa guise et chassait sapropre nourriture.

Mathilde posa sa boîte sur le lit, ouvrit la garde-robe. Plutôtbigarré là-dedans. Du vêtement rétro d’occasion, pigé çà et là, uneesthétique de pie voleuse. Comme pour la vaisselle: une cacophoniede porcelaine dans les armoires, des morceaux hérités ou empruntésou achetés dans des ventes-débarras.

Mathilde partit chercher ses vêtements et revint les accrocher,prenant soin de maintenir un espace entre ses effets et ceux d’Ané-mone. Sa coloc lui avait permis d’essayer ses robes, mais Mathilden’y tenait pas et avait pris soin de ne pas retourner l’invitation.

En soirée, Anémone partit danser, seule. Mathilde s’était de-mandé si quelque activité commune viendrait sceller cet échange dechambres. Apparemment, non. De toute façon, elle et sa coloc nefréquentaient pas le même genre de bars. Au plus, elles sortaientprendre un thé ensemble la fin de semaine. La conversation n’étaitjamais ennuyante. Mathilde appréciait Anémone malgré les capricesde celle-ci. Elle avait du caractère : tout le contraire de Yannick, quis’était réfugié dans l’ordinaire et n’osait plus rien oser. Mathildes’était lassée de le voir s’effacer un peu plus chaque jour, lasséeaussi de son divan qui tentait de les avaler tous deux chaque foisqu’ils s’assoyaient pour regarder encore la télé… Tout valait mieuxque de continuer à languir chez lui, mais elle n’avait pas les moyensd’habiter seule. Pas question de s’imposer chez une amie: ses amitiésétaient trop rares pour qu’elle risque d’en désaccorder une ainsi.Mieux valait s’accommoder d’une étrangère.

Elle passa au salon pour aborder son travail de session en pré-sentation visuelle. Elle avait choisi l’approche traditionnelle, encreet aquarelle sur papier. On lui imposait déjà trop de travail à l’ordi-nateur. Elle appréciait le contrôle que l’ordinateur permettaitd’exercer, et la netteté du résultat. Après tout, si elle se spécialisaiten illustration médicale, c’est qu’elle aimait pouvoir exposer lessecrets du corps humain de façon propre et claire. Il fallait tout demême savoir y mettre de la vie, c’était crucial.

Elle étala son matériel. Aussi bien en profiter pendant qu’elleétait seule : Anémone ne rechignait pas à partager le salon, mais elleétait si intense quand elle peignait…

Au bout de dix minutes, Mathilde en avait déjà assez. Elle allas’étendre sur le lit d’Anémone, savoura l’odeur des draps frais lavés.Le plafond était orné d’étoiles impossibles et les murs étaient couvertsde lointaines collines bleutées, le tout semé de bribes de phrasesinsensées. C’était comme de flotter dans le cerveau d’Anémone,

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Sur le seuil de la porte, Daniel faillit se raviser et laisser la fêteaux autres. Le monde basculerait, mais lui avait déjà perdul’équilibre. Un simple non avait suffi à tout ébranler : une

confiance née dès l’enfance, une entente muette de tous les instantset des habitudes acquises au fil des ans, aussi certaines que les nuitsglaciales d’Encelade.

Il s’effaça pour laisser passer d’autres invités, conscient de serendre ridicule. Il avait un peu de mal à croire que le monde neserait plus à la même place quand il repasserait par cette porte…

Ils étaient venus pour cela. Une fête qui changerait le mondede place.

Lui souhaitait seulement qu’elle changeât le mal de place.— Daniel, tu es venu !Jasminder l’embrassa, rejetant vers l’arrière ses longs cheveux

transformés en torsades embrasées pour l’occasion. Il lui rendit son

Désaxéspar Jean-Louis TRUDEL

Laurine Spehner

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étreinte avec une tiédeur qui devait plus à son découragement qu’àses sentiments pour sa vieille amie.

— Je n’ai jamais manqué une fête de Diwali quand c’était toiqui l’organisais.

— Je sais, mais c’est toi qui avais le plus de chemin à faire.Que je suis contente de te voir. Et ta fille ? Olinda n’est pas avectoi ?

— Elle viendra plus tard. Peut-être.Ne t’inquiète pas. C’est de son âge.— Ne t’inquiète pas. C’est de son âge.— Oui…Elle se trompait rarement sur les pensées qu’il brassait derrière

les mots de circonstance, mais elle croyait qu’Olinda faisait la fêteailleurs. Il aurait voulu en être sûr. Le pire, c’était l’incertitude.

Il dut lui paraître si distrait qu’elle s’efforça aussitôt de trouverun moyen de le faire penser à autre chose. Il attendit poliment qu’ellelui posât la question attendue. Puis-je te demander un service?

— Puis-je te demander un service?— Ce ne sera pas aujourd’hui que je te dirai non. De quoi

s’agit-il ?— Occupe-toi des ambassadeurs de la Dyarchie de Néréis,

s’il te plaît.— Mais je n’en sais pas assez pour répondre à leurs questions.C’est bien pourquoi je te le demande.— C’est bien pourquoi je te le demande.— Avec plaisir, dans ce cas.Guidé par les indications de l’Omni, il trouva la délégation de

Néréis dans une salle dont la voûte transparente supportait le poidsd’un filon de glace d’Encelade, aux marbrures bleuâtres soulignéespar un éclairage halogène. Les trois ambassadeurs de la Dyarchies’étaient joints à l’assistance qui entourait une paire de championsen plein jeu du miroir.

Il reconnut la femme, une anthropologue chargée d’analyser lesfaits et gestes de la Terre pour le gouvernement lunaire. Elle tenaittête à un tout jeune homme ayant l’air d’un étudiant qui s’amusaitde tout.

— Tu allais dire : « On ne te voit pas beaucoup. C’est à causede la crise des Poulpiquets ? »

— Tu allais dire : « Je suis loin d’être une recluse. Tu devraissortir plus souvent. »

— Tu allais dire : « Cela m’embête d’avoir à penser à ce queje dois mettre. Les femmes n’ont pas ce problème. Une petite robenoire et on tombe à genoux devant elles. »

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La Mort aux déspar Élisabeth VONARBURG

Laurine Spehner

«Ce n’était pas vraiment de sa faute, à Mayriali, si elle a tuéson frère! Elle ne l’avait pas reconnu! Et puis, il y avait laprophétie, ce que le Rêveur avait vu ! »

Je vois Maroussia esquisser un léger sourire un peu attristé : safille est très fâchée. Comme nous nous y attendions, notre petiteNaalani n’a pas aimé la fin de mon histoire. Je l’ai racontée exprèspour elle, mais elle ne s’en rend pas compte, pas clairement, justeassez pour être troublée et irritée. De tous mes arrière-petits-enfants,c’est celle qui me ressemble le plus : quand elle a mal, elle se meten colère. Comme Mayriali.

« Les Rêveurs ne sont pas des prophètes, Naalani », dit sonpère-Danëlan avec douceur, en l’attirant sur ses genoux.

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Elle résiste d’un air buté : « Ils Rêvent de l’avenir. »Danëlan me jette un bref coup d’œil. Je le laisse poursuivre.« Et du passé, et du présent. Mais bien plus souvent d’un passé,

d’un présent, d’un avenir. Pas forcément les nôtres. Mayriali auraitdû faire encore plus attention, justement, parce qu’il y avait le Rêveoù elle tuait son frère…

— Mais il ne l’a pas reconnue non plus ! proteste Naalani. Etil a dit des paroles offensantes.

— Parce qu’elle l’avait bousculé. Sans s’excuser », remarqueMaroussia d’un ton entendu : c’est un des défauts de la bouillanteNaalani.

« Ce n’était pas la faute de son frère s’il ne l’avait pas reconnue.Il avait voyagé pendant très longtemps… » dit Liandras d’un tonhésitant : le cadet de Naalani, dont elle est si jalouse, le deuxièmeenfant de Maroussia avec le même père, ce qui est très rare. Et pouraggraver le tout, il a des cheveux rouges, un “enfant des dieux”, commeon dit, même si tous les adultes de la famille mettent un pointd’honneur à ne pas le gâter. Il n’a que cinq saisons, et d’ordinaire necontrarie pas sa sœur. Peut-être a-t-il entendu l’histoire mieux qu’elle?

Maroussia reprend la parole : « Mais ni l’un ni l’autre n’auraitdû se fâcher, ni l’un ni l’autre n’aurait dû se battre. On ne se batpas, que ce soit avec un étranger ou avec quelqu’un de sa famille.

— Pourquoi pas? » réplique Naalani d’un ton encore plus buté.Là, sa rébellion devient trop grave. Avec un bel ensemble,

Maroussia et Danëlan commencent : « Parce que… »En dominant le brouhaha, je dis : « Je connais une histoire. »La formule rituelle des conteurs : les deux adultes, bien dressés,

se taisent avec un “chut !” impératif aux enfants.« C’est l’histoire de Dïaëllud, le premier des Chasseurs.— Tiens, je ne l’ai jamais entendue, celle-là, remarque

Danëlan.— C’est parce que tu n’en as jamais eu besoin », lui glisse

Maroussia avec un petit coup de coude : il a toujours eu une dispo-sition ensoleillée.

Je m’installe plus confortablement dans mon grand fauteuildont le rembourrage est bien doux à mes vieux os, et je commence :

« Il ne s’appelait pas Dïaëllud. C’est ainsi qu’on l’a nommé parla suite. Cela signifie “Vagabond Éternel”. Son véritable nom étaitAlkaraï Ménéghim Palanktaru et il vivait à Paaltaïr, le port situé àl’embouchure de la grande rivière qui irrigue les plaines centralesde Paalu. Il était issu d’une noble famille, car les Palanktar étaientalliés par le sang à une ancienne famille royale de Paalu, et il appar-tenait à une longue lignée de hékel par sa mère Ménéghim, pourvue

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de tous les dons de Hananai. Lui-même n’en possédait aucun, et ilétait fils unique. La lignée s’interromprait avec lui, et il en ressentaitune grande amertume. Capricieux, rebelle à toute autorité, Alkaraïfaisait le désespoir de sa famille… »

Comme il était de très forte stature, même pour un Paalao,Alkaraï se plaisait à étaler sa force et son habileté, souvent auxdépens d’autrui. Il n’aimait rien tant que parier qu’il accompliraittel ou tel acte difficile, parfois dangereux et le plus souvent stupide.Car il appréciait le risque. C’était un joueur. Tous les jeux l’intéres-saient, mais surtout ceux qui impliquaient le hasard, la chance : dés,cartes, osselets, tout lui était bon. Et s’il aimait gagner, il acceptaitmal de perdre.

Et voilà qu’un jour, alors qu’il jouait comme à son habitude surla terrasse d’une des tavernes du port, il gagna tellement et avectant de constance que plus personne ne voulait jouer avec lui. Ilramassa donc ses gains en riant : « Vous avez bien raison, bande defroussards, aujourd’hui, je pourrais même battre Iptit aux dés ! »

C’étaient là de dangereuses paroles : Iptit est le petit dieu despetites choses, le dieu du hasard, ou de la chance, et Alkaraï auraitété plus avisé d’être reconnaissant parce que les dés roulaient en safaveur.

Sur le grand nuage où les Enfants de Hananai aiment à se ras-sembler pour bavarder, Iptit l’entendit et il décida de venir rencontrerce mortel arrogant. Il prit la forme de nain qu’il affectionne pour sepromener parmi les humains et se rendit à Paaltaïr.

Quand Alkaraï le vit approcher de sa table, il se mit à rire denouveau: « Eh bien, demi-portion, auras-tu plus de courage que tousces nanurks et viendras-tu jouer aux dés avec moi?

— Bien sûr, dit Iptit. Jouons avec les miens. »C’étaient de très beaux dés d’ivoire, où les symboles des

chiffres étaient sertis de tellaod doré et d’ultellaod rouge… »

« C’était Hananai qui les lui avait donnés, je me rappelle, Nanehnous a raconté hier…! interrompt Liandras.

— Ce n’est pas l’histoire qui est racontée maintenant », ditMaroussia, souriante, mais c’est un reproche; le petit l’entend bien:il se mord les lèvres en baissant la tête.

Alkaraï ramassa les dés pour les examiner. « Ils sont à mongoût, dit-il en les soupesant. Je les garde.

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2009marque le quarantième anniversaire du premier pasde l’Homme sur la Lune. Cette entreprise tita-nesque a nécessité le labeur de plus de 450 000

hommes et femmes durant une décennie entière pour la préparationet le lancement des missions Apollo. Mais seulement douze d’entreeux ont eu le privilège de marcher sur la Lune. Quarante ans aprèscet exploit unique dans les annales de l’humanité, que sont devenusles Moonwalkers?

Déjà quelques-uns d’entre eux nous ont quittés. Leur club, le plussélect du monde, s’étiole peu à peu. Que nous laissent-ils en héritage?En quoi leur expérience unique les a-t-elle changés?

Bien que certains astronautes aient écrit leurs mémoires, lesagences spatiales, qui doivent compter sur l’écu du public pourprospérer, protègent les biographies de leurs protégés comme,autrefois, les grands studios de cinéma préservaient l’image aseptiséede leurs vedettes. Le peu que nous savons de leur expérience intimese résume bien souvent aux journaux de bord officiels des missions

Suzanne Morel

Que sont devenus les

Moonwalkers ?

par Mario TESSIER

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Apollo1, très techniques, et aux entrevues qu’ils ont subséquemmentaccordées. (Pourtant, plusieurs astronautes ont écrit des livres surleur aventure spatiale ; et ces ouvrages se vendent moins bien quenombre de livre de fantasy !) Dans la première partie de cet article,nous tenterons de cerner tant bien que mal le parcours de vie et lecaractère des Moonwalkers. Dans la seconde partie, nous jetterons uncoup d’œil aux missions Apollo dans la littérature de science-fiction.

Les Moonwalkers

12e Harrison « Jack » Schmitt : Apollo 17 (1972).

Le douzième et dernier homme à ‘être descendusur la Lune est né le 3 juillet 1935, à Santa Ritaau Nouveau-Mexique. C’est également le seulgéologue certifié des vols Apollo. Le Dr Schmitta quitté la Nasa en 1975, pour se porter candidatrépublicain au poste de sénateur de son Étatnatal, où il a été élu en 1976. Il a été défait en1982 ; son rival démocrate avait adopté commeslogan de sa campagne: « Qu’est-ce qu’il a fait surTerre? » (Grâce à leur célébrité, les astronautes

finissent souvent en politique, comme John Glenn, ou notre premierastronaute canadien, Marc Garneau.) Maintenant âgé de 74 ans, ilvit à Albuquerque, au Nouveau-Mexique, après avoir enseigné àl’Université du Wisconsin.

11e Eugene « Geno » Cernan : Apollo 17 (1972).Site : marklarson.com/genecernan/

La Lune a été ma demeure pour trois jours dema vie […] ça c’est de la science-fiction, Cernandans In the Shadow of the Moon.

Eugene Andrew Cernan est né à Chicago, enIllinois, le 14 mars 1934. Il est d’origine slo-vaque, et c’est un grand gaillard de 6 pieds et190 livres, aux yeux bleus. Il est le dernier hu-main à avoir laissé son empreinte sur le sollunaire. Il a quitté la Nasa en 1976, après 20 ansau sein de la Marine américaine. En 1981, ilfonda la Cernan Corporation, une entreprise deconsultation dans le domaine de l’aérospatiale.

Il a publié avec Donald A. Davis, The LastMan on the Moon: Astronaut Eugene Cernan

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Kevin J. ANDERSON(SF) La Saga des Sept soleils T.3 : Tempête sur l’horizonParis, Bragelonne (Science-fiction), 2009.Troisième tome d’une saga de space opera flamboyante, parun auteur qui collabore également avec Brian Herbert pourl’écriture de la fin de la série Dune.

Poul ANDERSON(R) (FY) Le Roi d’Ys T.1 : Roma MaterParis, Le Livre de Poche, 2009, 576 p.

Piers ANTHONY(R) (FY) Xanth T.1 : Lunes pour Caméléon(R) (FY) Xanth T.2 : La Source de magie(R) (FY) Xanth T.3 : Château-RoognaParis, Milady, 2009, 384, 384 et 384 p.

Sarah ASH(FY) La Fuite dans les ténèbres : séquelle aux Larmes

d’ArtamonParis, Bragelonne (Fantasy), 2009.Rieuk Mordiem, qui a libéré sans le vouloir l’esprit Azilis –dont la mission est de maintenir l’équilibre entre le royaumedes vivants et des morts –, veut lui faire réintégrer sa prison.

En raison de sa périodicité trimestrielle, de sa formule et de son nombrerestreint de collaborateurs, la revue Solaris ne peut couvrir l’ensemblede la production de romans SF, fantastique et fantasy. Cette rubriquepropose donc de présenter un pourcentage non négligeable des livresdisponibles en librairie au moment de la parution du numéro. Il nes’agit pas ici de recensions critiques, mais strictement d’informationsbasées sur les communiqués de presse, les 4es de couverture, les articlesconsultés, etc. C’est pourquoi l’indication du genre (FA: fantastique ;FY: fantasy ; SF: science-fiction ; HY: plusieurs genres) doit être consi-dérée pour ce qu’elle est, c’est-à-dire une simple indication préliminaire!Enfin, il est utile de préciser que ne sont pas présentés ici les livres dontnous traitons dans nos articles et rubriques critiques. La mention (R)indique une réédition.

par Pascale RAUD

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Sarah ASH(R) (FY) Les Larmes d’Artamon T.2 : Le Prisonnier de la

tour de ferParis, Le Livre de Poche (Fantasy), 2009.

Isaac ASIMOV(R) (SF) Le Retour des ténèbresParis, Pocket (Science-fiction), 2009, 535 p.

A. A. ATTANASIO(FY) Arthor T.1 : Le Dragon et la licorneParis, Calmann-Lévy (Héroïc Fantasy), 2009, 216 p.Premier tome d’une saga qui, selon l’éditeur, « redéfinit lamythologie arthurienne à l’aune de la physique quantique ».

Scott BAKKER(FA) Neuropath, un tueur dans la têteParis, Bragelonne (L’ombre), 2009, 331 p.Tom découvre que son ami Neil a mis au point des tech-niques d’interrogatoire particulièrement atroces et a basculédans une spirale de meurtres et de mutilations. Qui pourral’arrêter ?

Clive BARKER(FA) Livres de sang, l’intégrale T.1Paris, Bragelonne (Fantasy), 2009, 600 p.Réédition de l’intégrale de la célèbre série par le maître de laterreur.

Brunonia BARRY(FA) Sortilèges de dentelleParis, Calmann-Lévy, 2009, 456 p.Les femmes de la famille Whitney savent lire l’avenir dansune pièce de dentelle. Lorsque Towner revient dans sa maisond’enfance pour enquêter sur la disparition de sa tante Eva,elle atteint la limite entre le monde réel et le monde du pos-sible.

Hilari BELL(FY) La Trilogie Farsala T.1 : La FlammeParis, Milady (Poche fantasy), 2009, 320 p.Soraya, Jiann et Kavi sont devenus, par la force des choses,des héros à la suite de l’écroulement du royaume de Farsala.

Alain BÉRARD(SF) Sous le signe du LemmingOulon, Nuit d’avril, 2009, 179 p.Kay, tueur pour le compte de l’État, fuit avec sa fiancée et lepère de celle-ci, qu’il était supposé éliminer. Mais sur cetteTerre de la fin du XXIe siècle détruite par les catastrophesécologiques, c’est une véritable course pour leur survie quis’engage.

Claude BERTOUT et Sophie LUCIDE(SF) Le Diable, l’astronome et la naine rougeParis, Le Pommier (Romans & plus), 2009, 400 p.Le jour même où il a été licencié, Klein se fait proposer parBarberaz, un nain chasseur de têtes, une mission dans la Voielactée.

Pierre BORDAGE(R) (FY) L’Enjomineur T.1 : 1792Paris, J’ai Lu (Fantasy), 2009, 471 p.

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Esther RochonLa Dragonne de l’auroreLévis, Alire (Romans 123), 2009, 463 p.

Il est des Autres et des Ailleurs plusdiscrètement symboliques que des pla-nètes lointaines et des humains méta-morphosés, mais leur résonance dansl’imaginaire des lecteurs auxquels ilssont destinés leur confère néanmoinsune intense réalité seconde. C’est le casde toute l’œuvre d’Esther Rochon. Onréédite chez Alire L’Espace du diamant,originellement publié à La Pleine Luneet nous retrouvons ici le ton inimitablede l’auteure, qui emprunte avec la plusaimable désinvolture à la SF, à la fan-tasy, au fantastique et à la littératureordinaire et en réussit à chaque fois lafusion avec une aisance déconcertante,faisant se côtoyer les plus splendidesenvolées poético-mystiques avec desconsidérations d’un humour souvent pi-quant. (Sutherland, après une maladiepresque mortelle : « Je deviens fou, etje conquiers le cœur des Asvens ; jedeviens paralysé et je conquiers celuides Cathades. Il ne me reste plus qu’àmourir et je serai le maître du monde.Dire que certaines personnes se donnenttant de mal… »)

Si on veut considérer ce roman commela conclusion de ce qui est devenu lecycle de Vrénalik, c’est une conclusionextrêmement ouverte, car il se passeaprès et fait rebondir plusieurs per-sonnages dans un lieu tout différent,donnant ainsi une inflexion nouvelle àtout ce qui l’a précédé. Car enfin, quese passe-t-il après la réalisation de laprophétie qui libère un pays? Ce n’estpas tout d’être libre, il faut vivre avec

cette liberté, il faut en faire quelquechose. Et que deviennent les héros,lorsque leur épopée est derrière eux ?Nous retrouvons donc le jayènn TaïmSutherland, l’ancien chef de Vrénalik,Strénid, la sorcière Anar Vranengal etquelques autres, après. Ils errent pen-dant un temps, décrochage nécessairepour assimiler et dépasser leur intimitébrûlante avec des mythes ancestraux.Ainsi, Strénid vit longuement à Ister-Inga, dans le Sud du Nord de Rochon –Montréal : pour lui, notre culture est unAilleurs et un Autrement dont il jouitavec volupté (alors que pour AnarVranengal et Taïm Sutherland, c’est uneexpérience plutôt pénible) : coexistencefoudroyante, et éclairante, de l’espace-temps de la fantasy et de notre ici-et-maintenant, téléphones, permis deconduire et magie ! Mais ils finissentpar se retrouver au Catadial, petit payssecret enfermé dans ses montagnes, uneutopie communautaire où Strénid veutdéménager le peuple asven. Le terme« utopie » peut susciter des réflexesinadéquats : rien de rigide ni d’autori-taire dans l’utopie rochonienne, maisde l’humour, encore, beaucoup de sou-plesse, et un côté pragmatique, voireterre à terre, des plus réjouissants ; àcôté de cela, cette société a des aspectsaussi déroutants pour nous que pourTaïm Sutherland ; par exemple, un desarts qu’on y pratique est le « laissermourir » – la version rochonienne dudroit non pas à la paresse de PaulLafargue, mais à un nécessaire lâcher-prise plus oriental qu’occidental ; on serappelle alors que l’auteure est unepratiquante éclairée du bouddhisme

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tibétain. Par ailleurs, les Cathades nesont pas des égoïstes heureux dans leurpetit cercle magiquement bien protégé.L’énergie de la tendresse (le motrevient souvent), de la bonté, de ladroite et juste simplicité, est conta-gieuse et, lorsque Sutherland donneson allégeance (par contrat signé !) àl’empereur Othoum, c’est « pour le biende tous les êtres ».

La troisième partie du roman basculeà nouveau dans le mythe et la magiequi en constituaient, avec les souvenirsde Strénid, l’ouverture. Anar Vranengal,qui se partage les parties en JE du récitavec celui-ci, va réveiller en pleine merl’ombre du Rêveur Shaskath, origine dela malédiction qui pesait sur l’Archipelnoir, et lui offre d’émigrer avec elle, cequ’il finit par accepter en la possédantpar intermittences. Et Taïm Sutherland,avec le couple royal du Catadial, Othoumet son épouse Solune, rencontre la Dra-gonne de l’Aurore, l’énergie même quitraverse le monde, ce qui nous vaut despassages d’une extraordinaire et exal-tante beauté.

Et pourtant, la magie a été remiseauparavant à sa place avec verdeur (si

l’on peut dire, de par son nom) parJouskilliant Green, personnage issu dupassé de la sorcière Anar Vranengal :visité par elle, il lui déclare sans am-bages que sa magie est une illusion, cequ’elle accepte avec équanimité en s’enallant, remarquant que son fils Carguèn« (…) semble irrité. Peut-être vient-ilde se rendre compte que, tel que sonpère [Strénid] et nous tous, y comprisJouskilliant Green, il pourra être con-fronté à plusieurs manières contradic-toires de voir le monde. » Mais le miraclerochonien, encore à l’œuvre ici, c’est queces manières de voir ne nous semblentpas contradictoires mais – honneur auTao – complémentaires, nécessaires àun équilibre transcendant les opposi-tions apparentes.

Je parlais plus haut des lecteurs ;ceux auxquels est destiné ce livre, cesont d’abord les Québécois, pour quiles résonances que j’évoquais au début,politiques, sociales, historiques, se pré-sentent de manière parfois inattendueà bien des détours de l’intrigue. Et il yaura aussi ceux qui vivent un exil, quelqu’il soit, et qui peuvent comprendre icique cet exil, cette solitude dans l’Ail-leurs, est la condition essentielle del’être humain en ce monde selon Rochon,ce à partir de quoi on peut être en-semble avec les Autres. Mais surtout,comme le reste de l’œuvre rochonienne,ce texte parlera à tous ceux qui, dansleur petit coin, sans poses et sans fan-fare, s’essaient simplement à l’humblemagie d’être mieux humains. Tous cesRêveurs au jour le jour, sans qui l’avenirn’existera pas – ou si mal.

Élisabeth VONARBURG

Francine PelletierUn tour en ArkadieLévis, Alire (Romans 125), 2009, 334 p.

Frédérique Laganière est capitainedu Gagneur, un astronef transportant

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Neil GaimanL’Étrange Vie de Nobody Owens.Paris, Albin Michel (Wiz), 2009, 310 p.

« Il y avait une main dans lesténèbres… et cette main tenait un cou-teau… »

Voici le début d’une histoire sordide,terrible, de mort, trahison, fantômes,peuplée de créatures étranges dontbien peu sont humaines. Ne vous ytrompez pas ! Ce roman, même s’il estvendu dans une collection pour adoles-cents, est l’un des meilleurs de l’auteurà ce jour et plus que recommandé auxadultes !

Neil Gaiman nous a habitués depuislongtemps à croiser les genres. Fan-tastique, étrange, fantasy urbaine… toutest prétexte à raconter des histoirespalpitantes, profondes et divertissantes,qui font aussi frissonner de peur, portéespar des personnages humains et atta-chants. Passé maître dans l’art de poserdes questions sur le sens de la vie sansavoir l’air d’y toucher, il déroule sonhistoire dans le cadre d’un cimetièreanglais bien tranquille, devenu petitparc urbain. Roman de passage à l’âgeadulte, L’Étrange Vie de NobodyOwens s’adresse à ceux qui aimentfrissonner et rêver, passer au travers deces frontières floues entre notre mondeet d’autres, peuplés de merveilles et dedangers.

Angleterre, date indéterminée, findu XXe siècle. Un homme tue toute une

famille au couteau. Il suit un plan com-mandité. De ce personnage patibulaire,on ne connaît que son nom, le Jack, saprécision dans l’art du crime et un flairplus qu’humain.

Le meurtrier n’a cependant pas trouvéle petit dernier de la famille, un jeunegarçon de dix-huit mois, parti explorerles environs à quatre pattes. Suffisam-ment vaillant pour ramper jusqu’auvieux cimetière tout proche, le garçon ya trouvé la protection inattendue ducouple Owens qui cède aux supplica-tions du fantôme de sa mère. Il estdéclaré citoyen libre du cimetière parles fantômes présents après la visite dela Dame au Cheval Blanc. Silas va deve-nir son tuteur, car il est le seul à pou-voir sortir la nuit pour aller faire descourses. Les parents adoptifs, pour être

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fantômes, n’en sont pas moins aimants,mais manquent quelque peu de moyensphysiques pour l’aider. Le jeune garçon,bientôt connu sous le nom de Nobody(personne), Owens par adoption, gran-dit dans cet univers étrange et clos,protégé à la fois par son innocence, sontuteur Silas, la bienveillance de sesparents adoptifs et de toute la tribu ducimetière extrêmement haute en cou-leurs ! Il apprend à lire sur les tombes,rencontre une petite fille curieuse queles parents ont tôt fait d’écarter deslieux, apprivoise une jeune sorcière,affronte des goules, apprend petit àpetit le monde qu’il ne peut pas voirparce qu’à l’extérieur la menace esttoujours là, le Jack rôde pour terminerle travail…

Un univers traversé par l’imaginairede l’enfance… qui va doucement céderla place à la réalité au début de l’ado-lescence.

Roman touchant, subtil à bien deségards, qui évoque la mort et le rapportdes hommes avec elle, mais de façonsensible, souvent drôle, décalée, poé-tique même lors de cette danse parmiles fleurs que je vous laisse découvrir…Le passage à l’école est un pur délice,car Nobody a du mal à ne pas se faireremarquer avec ses vêtements tropgrands et démodés, et des connais-sances qui dépassent un peu les pro-grammes… C’est en cherchant la clé deses origines que Nobody Owens vadevenir quelqu’un, découvrir ses forces,et penser à voler de ses propres ailes, àun âge où bien des jeunes sont encoreconsidérés comme des enfants. Nuldoute qu’il devra s’adapter à un mondebien plus étrange… le nôtre. Mais ilpartira du cimetière en sachant que« où qu’on aille, on s’emmène avecsoi » pour « entrer dans la vie les yeuxet le cœur grand ouverts. »

Du très grand Gaiman. C’est émou-vant, c’est excellent, c’est déjà primé eten nomination pour le Hugo, à justetitre. Et même si, comme moi, vous re-lativisez la portée d’un prix, laissez celade côté et foncez, c’est le genre de livredont on ralentit la lecture pour en profi-ter plus longtemps. Les superbes illus-trations de Dave McKean dans le corpsmême du texte assurent une ambianceencore plus prenante, tout en encragenoir et blanc, tout simplement superbe !

Nathalie FAURE

Max BrooksGuide de survie en territoire zombieParis, Calmann-Lévy (Interstices), 2009,305 p.

Six ans après la publication en an-glais de The Zombie Survival Guide :Complete Protection from the LivingDead, les éditions Calmann-Lévy ontdécidé (enfin!) d’offrir au public franco-phone une traduction de cet incontour-nable ouvrage de référence écrit parMax Brooks, le fils de celui nous ayantoffert nombre de classiques cinémato-

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