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d’informationDiffusion de jurisprudence, doctrine et communications

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N° 864

PPublication ublication bimensuellebimensuelle

1515 juin juin20172017

Prix TTC : 9,40 €ISSN 0750-3865

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2•

Bulletin d’informationEn quelques mots…

•15 juin 2017

En quelques mots…

Communications Jurisprudence

Le 1er février dernier, la première chambre civile a jugé (infra, no 773)

que « si le délai de forclusion prévu par l’article 333, alinéa 2,

du code civil peut être interrompu par une demande en justice, conformément à l’alinéa 1 de l’article 2241 du même code, l’action en contestation de la

filiation doit, à peine d’irrecevabilité, être dirigée contre le parent dont la filiation est contestée et contre

l’enfant », solution affirmant « nettement, pour la première fois […] une règle procédurale certes

acquise de longue date mais absente de nos textes de loi »

(Jérémy Houssier, AJ Famille 2017, p. 203), Isabelle Guyon-Renard

précisant (D. 2017, chron. p. 599) que cette action « est une action

attitrée, qui exige que tous les défendeurs désignés par la loi, et spécialement l’enfant, soient

assignés, à peine d’irrecevabilité de la demande pour défaut de qualité

en défense », l’article 2241 du code civil « ne s’appliqu[ant] qu’aux deux hypothèses qu’il énumère, excluant

ainsi les fins de non-recevoir ».

Le lendemain, la deuxième chambre civile, au motif (infra, no 752) que « la renonciation à un droit est un acte unilatéral qui n’exige pas l’existence de

concessions réciproques », dans une affaire où « un assuré [avait] accepté une proposition

d’indemnisation de son assureur au terme d’une « lettre

d’acceptation » et d’une quittance subrogeant ce dernier dans

ses droits », a cassé l’arrêt « qui décide que cet assureur ne peut

invoquer une renonciation de son assuré à se prévaloir à son égard

de l’inopposabilité d’une clause de limitation de garantie, au motif

que ces actes, qui ne prévoient aucune concession de sa part, ne constituent pas une transaction et

n’entraînent donc pas renonciation de l’assuré à toute contestation

ultérieure relative au paiement d’une indemnité supplémentaire », « solution bienvenue » selon Anne

Pélissier (RGDA 2017, p. 172), « de nature à inciter les assureurs

à précisément informer les assurés et à clairement déterminer l’objet

de leur renonciation ».

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15 juin 2017En quelques mots…

•Bulletin d’information

Doctrine

Le même jour, la troisième chambre civile a jugé (infra, no 748) « qu’en raison du principe d’unicité

de la réception, il ne peut y avoir réception partielle à l’intérieur d’un

même lot », solution approuvée par Pascal Dessuet (RGDA 2017, p. 129), qui note que « s’il est en effet parfaitement envisageable

de livrer les parties communes à la copropriété et les appartements

aux copropriétaires, il n’en va pas de même s’agissant de la

réception, laquelle ne peut être prononcée que par le seul maître

de l’ouvrage, au minimum pour un lot dans sa globalité et non par

tronçons », l’auteur ajoutant que « la sanction en cas de non-respect

de ce principe sera la nullité de la réception ainsi prononcée,

avec toutes les conséquences que cela suppose notamment en termes d’assurance, c’est-à-dire

l’impossibilité de mobiliser les garanties de la police dommages-

ouvrage par exemple », à l’exception cependant « du cas où l’ouvrage peut se décomposer en

zones géographiques parfaitement distinctes […] ».

Enfin, la chambre mixte, précisant « que l’évolution du

droit des obligations, résultant de l’ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016, conduit à

apprécier différemment l’objectif poursuivi par les dispositions

relatives aux prescriptions formelles que doit respecter le mandat,

lesquelles visent la seule protection du mandant dans ses rapports avec le mandataire », a jugé, le

24 février, que « la méconnaissance des articles 7, alinéa 1, de la loi

du 2 janvier 1970 et 72, alinéa 5, du décret du 20 juillet 1972

est sanctionnée par une nullité relative » et qu’« un locataire d’un local à usage d’habitation, auquel

un congé pour vendre a été signifié à la demande d’un agent

immobilier, spécialement mandaté par le propriétaire bailleur pour

délivrer un tel congé, ne peut donc demander la nullité du mandat conféré à l’agent immobilier en

raison de l’absence de mention, sur le mandat, de sa durée et du

report, sur le mandat resté en possession du bailleur, du numéro

d’inscription sur le registre des mandats ».

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4•

Bulletin d’informationTable des matières

•15 juin 2017

Table des matières

Jurisprudence

Cour de cassation (*)

I. - ARRÊT PUBLIÉ INTÉGRALEMENTArrêt du 24 février 2017 rendu par la chambre mixte Page

Agent immobilier 6

II. - ARRÊTS DES CHAMBRES STATUANT EN MATIÈRE DE QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ Numéros

Question prioritaire de constitutionnalité 741 à 744

III. - TITRES ET SOMMAIRES D’ARRÊTS - ARRÊTS DES CHAMBRES Numéros

Action civile 745

Appel correctionnel ou de police 746

Arbitrage 747

Architecte entrepreneur 748-749

Association 750

Assurance (règles générales) 751 à 754

Bail commercial 755 à 757

Bail rural 758

Chambre de l’instruction 759-760

Commune 761

Concurrence 762

Contrat de travail, exécution 763

Contrat de travail, rupture 764-765

Contrôle d’identité 766

Cour d’assises 767

Détention provisoire 768

Donation 769

Douanes 770

Élections professionnelles 771

Étranger 772

Filiation 773

Indivision 790

Instruction 774-775

Juge des libertés et de la détention 776

Majeur protégé 777

Mineur 778

Nom 779

Partage 790

Peines 780-781

Prescription civile 782

Presse 783 à 785

Professions médicales et paramédicales 786

Propriété littéraire et artistique 787

Protection des consommateurs 788-789

Régimes matrimoniaux 790

Responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle 791

Santé publique 792

Sécurité sociale 793 à 795

Sécurité sociale, accident du travail 796-797

Sécurité sociale, contentieux 797

Sécurité sociale, régime spéciaux 798

* Les titres et sommaires des arrêts publiés dans le présent numéro paraissent, avec le texte de l’arrêt, dans leur rédaction définitive, au Bulletin des arrêts de la Cour de cassation du mois correspondant à la date du prononcé des décisions.

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5•

15 juin 2017Table des matières

•Bulletin d’information

Société coopérative 799

Statut collectif du travail 800

Statuts professionnels particuliers 801

Urbanisme 802

Voirie 803

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6•

Bulletin d’informationAvis de la Cour de cassation

•15 juin 2017

Jurisprudence

Titre et sommaire Page 6

Arrêt Page 6

Note Page 8

Rapport Page 10

Avis Page 23

Agent immobilierMandat. - Validité. - Conditions. - Limitation dans le temps. - Défaut. - Sanction. - Nullité relative. -

Portée.

La méconnaissance des articles 7, alinéa 1, de la loi du 2 janvier 1970 et 72, alinéa 5, du décret du 20 juillet 1972 est sanctionnée par une nullité relative.

Un locataire d’un local à usage d’habitation, auquel un congé pour vendre a été signifié à la demande d’un agent immobilier, spécialement mandaté par le propriétaire bailleur pour délivrer un tel congé, ne peut donc demander la nullité du mandat conféré à l’agent immobilier en raison de l’absence de mention, sur le mandat, de sa durée et du report, sur le mandat resté en possession du bailleur, du numéro d’inscription sur le registre des mandats.

ARRÊTLa Cour de cassation, siégeant en chambre mixte, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par Mme Corinne X…, domiciliée (…), 06000 Nice,

contre l’arrêt rendu le 23 avril 2015 par la cour d’appel de d’Aix-en-Provence (11e chambre B), dans le litige l’opposant à la société Lepante, société civile immobilière, dont le siège est 10 avenue Georges Clemenceau, 06000 Nice,

défenderesse à la cassation :

Par arrêt du 6 octobre 2016, la troisième chambre civile a renvoyé le pourvoi devant une chambre mixte. Le premier président a, par ordonnance du 6 février 2017, indiqué que cette chambre mixte serait composée des première, troisième chambres civiles et de la chambre commerciale, financière et économique ;

La demanderesse invoque, devant la chambre mixte, le moyen de cassation annexé au présent arrêt ;

Ce moyen unique a été formulé dans un mémoire déposé au greffe de la Cour de cassation par Me Le Prado, avocat de Mme X… ;

Des premières observations en défense et un mémoire complémentaire ont été déposés au greffe de la Cour de cassation par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Lepante ;

Des observations complémentaires ont été déposées par Me Le Prado, avocat de Mme X… ;

Cour de cassation

I. - ARRÊT PUBLIÉ INTÉGRALEMENT

ARRÊT DU 24 FÉVRIER 2017 RENDU PAR LA CHAMBRE MIXTE

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7•

15 juin 2017Avis de la Cour de cassation

•Bulletin d’information

Des observations en vue de l’audience ont été déposées par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Lepante ;

Le rapport écrit de Mme Graff-Daudret, conseiller, et l’avis écrit de M. Sturlèse, avocat général, ont été mis à la disposition des parties ;

(…)

Sur le rapport de Mme Graff-Daudret, conseiller, assistée de M. Turlin, directeur des services de greffe au service de documentation, des études et du rapport, les observations de Me Le Prado et de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, l’avis de M. Sturlèse, avocat général, auquel Me Le Prado et la SCP Lyon-Caen et Thiriez, invités à le faire, ont répliqué, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique, pris en ses première et deuxième branches :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 23 avril 2015), que la SCI Lepante, représentée par la société Immobilière Parnasse, agent immobilier, a, le 29 octobre 2012, fait délivrer à Mme X…, locataire depuis le 15 mai 2007 d’un local à usage d’habitation lui appartenant, un congé avec offre de vente pour le 14 mai 2013 ; que Mme X… l’a assignée en nullité du congé ;

Attendu que Mme X… fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande en nullité du congé pour vente et d’ordonner son expulsion alors, selon le moyen :

1o) que le congé pour vente s’analysant en une offre de vente, l’agent immobilier doit être en possession d’un mandat spécial pour procéder à sa délivrance ; qu’en se bornant à énoncer que la société Parnasse immobilier avait été mandatée pour procéder à la vente du bien au motif qu’elle avait reçu un mandat de gestion et d’administration l’autorisant à délivrer « tous congés », sans relever l’existence d’un mandat spécial aux fins de délivrer un congé pour vendre, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1 et 6 de la loi no 70-9 du 2 janvier 1970 et de l’article 72 du décret no 72-678 du 20 juillet 1972 ;

2o) qu’un mandat pour vendre confié à un agent immobilier n’est valable que s’il est écrit et s’il mentionne une durée et un numéro d’inscription ; que pour débouter Mme X… de son action en nullité du congé et juger que la société Parnasse immobilier avait qualité pour faire délivrer un congé pour vendre, la cour d’appel s’est fondée sur une correspondance de la SCI Lepante adressée à la société Parnasse immobilier ; qu’en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette correspondance respectait les formalités obligatoires du mandat pour vendre confié à un agent immobilier, et notamment s’il mentionnait une durée et un numéro d’inscription sur le registre des mandats, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1 et 6 de la loi no 70-9 du 2 janvier 1970 et de l’article 72 du décret no 72-678 du 20 juillet 1972 ;

Mais attendu, d’une part, qu’ayant retenu que la société Immobilière Parnasse, titulaire d’un mandat d’administration et de gestion, avec pouvoir de donner tous congés, et d’une lettre datée du 19 octobre 2012 la mandatant spécialement pour vendre le bien occupé par Mme X… au terme du bail moyennant un certain prix et pour lui délivrer congé, la cour d’appel a procédé à la recherche prétendument omise ;

Et attendu, d’autre part, qu’il résulte des articles 1, 6 et 7 de la loi no 70-9 du 2 janvier 1970 et 72 du décret no 72-678 du 20 juillet 1972 que le mandat doit comprendre une limitation de ses effets dans le temps et que l’agent immobilier doit mentionner tous les mandats par ordre chronologique sur un registre des mandats à l’avance coté sans discontinuité et relié, et reporter le numéro d’inscription sur l’exemplaire du mandat qui reste en la possession du mandant ; que la Cour de cassation jugeait jusqu’à présent que ces dispositions, qui sont d’ordre public, sont prescrites à peine de nullité absolue, pouvant être invoquée par toute partie qui y a intérêt (1re Civ., 25 février 2003, pourvoi no 01-00.461 ; 3e Civ., 8 avril 2009, pourvoi no 07-21.610, Bull. 2009, III, no 80) ;

Que la nullité est absolue lorsque la règle violée a pour objet la sauvegarde de l’intérêt général, tandis que la nullité est relative lorsque la règle violée a pour objet la sauvegarde d’un intérêt privé ;

Que par la loi du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d’exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce, dite loi Hoguet, le législateur a entendu, tout à la fois, réguler la profession d’agent immobilier et protéger sa clientèle ; que la loi no 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et à un urbanisme rénové, comme il ressort de son étude d’impact, et la loi no 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques répondent aux mêmes préoccupations ;

Que la loi no 89-462 du 6 juillet 1989 encadre la délivrance d’un congé pour vendre au locataire d’un local à usage d’habitation qui constitue sa résidence principale, en posant notamment des conditions de délai, en ouvrant un droit de préemption et en imposant la délivrance d’une notice d’information avec le congé ;

Que l’évolution du droit des obligations, résultant de l’ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016, conduit à apprécier différemment l’objectif poursuivi par les dispositions relatives aux prescriptions formelles que doit respecter le mandat, lesquelles visent la seule protection du mandant dans ses rapports avec le mandataire ;

Que l’existence de dispositions protectrices du locataire, qui assurent un juste équilibre entre les intérêts de ce dernier et ceux du bailleur, et la finalité de protection du seul propriétaire des règles fixées par les articles 7, alinéa 1, de la loi du 2 janvier 1970 et 72, alinéa 5, du décret du 20 juillet 1972 conduisent à modifier la jurisprudence et à décider que la méconnaissance des règles précitées doit être sanctionnée par une nullité relative ;

Que, dès lors, la cour d’appel n’était pas tenue d’effectuer une recherche inopérante relative à la mention de la durée du mandat et au report, sur le mandat resté en possession du mandant, d’un numéro d’inscription sur le registre des mandats ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Et attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les autres branches du moyen, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

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8•

Bulletin d’informationAvis de la Cour de cassation

•15 juin 2017

PAR CES MOTIFS :REJETTE le pourvoi ;

Ch. mixte, 24 février 2017. REJET

No 15-20.411. - CA Aix-en-Provence, 23 avril 2015.

M. Louvel, P. Pt. - Mme Graff-Daudret, Rap., assistée de M. Turlin, directeur des services de greffe. - M. Sturlèse, Av. Gén. - Me Le Prado, SCP Lyon-Caen et Thiriez, Av.

Un extrait de l’avis de l’avocat général est paru au JCP 2017, éd. G, II, 305. Un commentaire de cette décision est paru au JCP 2017, éd. N, Act., no 294. Voir également le JCP 2017, éd. G, Act., 234, et II, 306, note Geneviève Pignarre, et chron. 325, spéc. no 5, note Yves-Marie Serinet, et le D. 2017, p. 793, note Bénédicte Fauvarque-Cosson.

Note sous chambre mixte, 24 février 2017

Par le présent arrêt, la chambre mixte de la Cour de cassation, opérant un revirement de jurisprudence, décide que les dispositions des articles 7, alinéa 1, de la loi no 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d’exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce, dite « loi Hoguet », et 72, alinéa 5, du décret no 72-678 du 20 juillet 1972 fixant les conditions d’application de la loi no 70-9 du 2 janvier 1970 visent la seule protection du mandant dans ses rapports avec le mandataire et que leur méconnaissance doit être sanctionnée par une nullité relative.

Le litige était le suivant : un locataire s’était vu délivrer un congé pour vendre par l’intermédiaire d’un agent immobilier, mandaté par le bailleur. Cet agent était titulaire d’un mandat d’administration et de gestion du bien donné à bail, à usage d’habitation, comportant le pouvoir de « donner tous congés ». À l’approche du terme du bail, et sur interpellation de l’agent immobilier, le propriétaire lui avait indiqué, dans une lettre, qu’il le mandatait pour vendre l’appartement moyennant un certain prix et délivrer congé au locataire. Le locataire a alors assigné le bailleur en nullité du congé, en invoquant la violation des prescriptions formelles de la « loi Hoguet » et de son décret d’application. Il faisait, plus précisément, valoir que l’agent immobilier ne justifiait pas d’un mandat spécial pour délivrer congé pour vendre et qu’en toute hypothèse, la lettre le mandatant ne mentionnait pas la durée du mandat et ne comportait pas le numéro d’inscription du mandat sur le registre des mandats, en violation, respectivement, des articles 6 et 7, alinéa 1, de la loi du 2 janvier 1970 et 72, alinéa 5, du décret du 20 juillet 1972. L’arrêt de la cour d’appel attaqué par le pourvoi a rejeté l’ensemble des demandes du locataire.

La chambre mixte de la Cour de cassation considère, tout d’abord, que le mandat spécial requis, sur le fondement de la « loi Hoguet », pour qu’un agent immobilier puisse délivrer congé pour vendre a bien été caractérisé par la cour d’appel.

La question principale ayant motivé la saisine de la formation solennelle de la Cour de cassation résidait dans le grief portant sur la conformité du mandat aux prescriptions formelles de la « loi Hoguet », et le point de savoir si le locataire, tiers au contrat de mandat, pouvait se prévaloir de la violation des dispositions de cette loi.

Jusqu’ici, une jurisprudence bien établie et concordante des première et troisième chambres civiles de la Cour de cassation énonçait qu’il résulte des articles 1 et 6 de la loi no 70-9 du 2 janvier 1970 précitée que les conventions conclues avec des personnes physiques ou morales se livrant ou prêtant d’une manière habituelle leur concours aux opérations portant sur les biens d’autrui doivent respecter les conditions de forme prescrites par l’article 72 du décret du 20 juillet 1972 précité à peine de nullité absolue, qui peut être invoquée par toute partie y ayant intérêt (1re Civ., 25 février 2003, pourvoi no 01-00.461 ; 3e Civ., 8 avril 2009, pourvoi no 07-21.610, Bull. 2009, III, no 80).

La solution était guidée par l’idée que la « loi Hoguet » avait, ainsi qu’il résulte clairement de ses travaux préparatoires, pour vocation tant de réglementer et assainir la profession d’agent immobilier que de protéger les clients de celle-ci : un double objectif, donc, répondant à l’impératif d’un ordre public de direction et d’un ordre public de protection, le premier ayant la primauté sur le second et conduisant, classiquement, à la nullité absolue des conventions conclues en violation des dispositions assurant la protection de ces impératifs.

Il reste que le tiers au contrat de mandat qui réclamait ici la protection des dispositions légales d’ordre public, en l’occurrence le locataire, bénéficie d’une protection particulière, depuis la loi no 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi no 86-1290 du 23 décembre 1986 (indication du motif du congé, droit de préemption et préavis). Et celle-ci a été singulièrement renforcée par les lois récentes, loi no 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové et loi no 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, lesquelles ont, notamment, allongé, dans certains cas, le délai de préavis et prévu une notice d’information.

Or la nature de la nullité détermine les titulaires du droit de critique de l’acte irrégulier. La nullité absolue peut être demandée par toute personne justifiant d’un intérêt, tandis que la nullité relative ne peut être demandée que par la partie que la disposition transgressée entend protéger. L’ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations a consacré la distinction jurisprudentielle entre nullité absolue et nullité relative fondée sur la nature de l’intérêt protégé, en énonçant que « la nullité est absolue lorsque la règle violée a pour objet la sauvegarde de l’intérêt général. Elle est relative lorsque la règle violée a pour seul objet la sauvegarde d’un intérêt privé » (article 1179, modifié, du code civil).

Cette évolution du droit des obligations conduit la chambre mixte de la Cour de cassation à apprécier différemment l’objectif poursuivi par le législateur à travers les dispositions de la « loi Hoguet », en cernant, précisément, celui de chaque disposition légale, ce qui l’amène à décider que les prescriptions formelles de cette loi, dont la violation était alléguée par la locataire, visent la seule protection du mandant dans ses rapports avec le mandataire.

En outre, les lois récentes de 2014 et 2015 précitées instituent de nouveaux mécanismes de régulation de la profession d’agent immobilier (obligation de formation continue, mise en place d’un code de déontologie, d’instances

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9•

15 juin 2017Avis de la Cour de cassation

•Bulletin d’information

disciplinaires et de contrôles ciblés de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), édiction de nouvelles sanctions pénales et administratives). La chambre mixte en déduit que l’ordre public de direction n’a plus à être assuré par les parties au procès.

Dès lors, eu égard au principe de proportionnalité que la Cour européenne des droits de l’homme et la Cour de justice de l’Union européenne commandent au juge de respecter, la chambre mixte considère que les dispositions protectrices du locataire assurent un juste équilibre entre les intérêts de ce dernier et ceux du bailleur.

Elle retient en conséquence que la recherche demandée par la locataire, portant sur la mention de la durée du mandat et le report sur le mandat resté en la possession du mandant du numéro d’inscription du mandat sur le registre des mandats était inopérante, le locataire n’ayant pas qualité pour se prévaloir des irrégularités de forme affectant le mandat.

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10•

Bulletin d’informationArrêt publié intégralement

•15 juin 2017

Rapport de Mme Graff-DaudretConseiller rapporteur

Cette affaire a été renvoyée en chambre mixte par arrêt de la troisième chambre civile du 6 octobre 2016.

1. - Rappel des faits et de la procédure

Par acte du 27 avril 2007, la SCI Lepante, représentée par son mandataire, la société Immobilier Parnasse, a donné à bail d’habitation à Mme X…, à compter du 15 mai 2007, un appartement situé à Nice.

Par acte d’huissier du 29 octobre 2012, la société Immobilier Parnasse a fait délivrer à la locataire un congé avec offre de vente pour le 14 mai 2013 pour un prix de 280 000 euros.

Par acte du 23 mars 2013, Mme X… a assigné la SCI Lepante devant le tribunal d’instance de Nice en nullité du congé.

Par jugement du 18 février 2014, le tribunal a rejeté sa demande.

Par arrêt du 23 avril 2015, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a confirmé ce jugement.

Le 23 juin 2015, Mme X… a formé un pourvoi contre cette décision.

Le 23 octobre 2015, elle a déposé un mémoire ampliatif dans lequel elle développe un moyen de cassation unique et sollicite une indemnité de procédure de 3 500 euros.

Le 30 décembre 2015, la SCI Lepante a déposé des premières observations en défense. Elle sollicite une indemnité de procédure de 3 000 euros.

Le 23 février 2015, elle a déposé des observations complémentaires.

La procédure paraît régulière et en état d’être jugée.

2. - Analyse succincte des moyens

Le moyen unique, en quatre branches, fait grief à l’arrêt d’avoir débouté Mme X… de sa demande en nullité du congé et d’avoir ordonné son expulsion.

La première branche est prise d’un manque de base légale au regard des articles 1 et 6 de la loi du 2 janvier 1970 et de l’article 72 du décret du 20 juillet 1972, en ce que la cour d’appel s’est bornée à énoncer que la société Immobilier Parnasse avait été mandatée pour procéder à la vente du bien au motif qu’elle avait reçu un mandat de gestion et d’administration l’autorisant à délivrer « tous congés », « sans relever l’existence d’un mandat spécial aux fins de délivrer un congé pour vendre » ;

La deuxième branche est prise d’un manque de base légale au regard des articles 1 et 6 de la loi du 2 janvier 1970 et de l’article 72 du décret du 20 juillet 1972, en ce que « la cour d’appel n’a pas recherché, comme elle y était invitée, si la correspondance de la SCI Lepante sur laquelle elle s’est fondée respectait les formalités obligatoires du mandat pour vendre confié à un agent immobilier, et notamment s’il mentionnait une durée et un numéro d’inscription sur le registre des mandats » ;

La troisième branche est prise d’un manque de base légale au regard de l’article 15, I, I, de la loi du 6 juillet 1989, en ce que « la cour d’appel n’a pas recherché si les locaux étaient précisément décrits dans le congé » ;

La quatrième branche est prise d’une violation de l’article 455 du code de procédure civile, en ce que « la cour d’appel n’a pas répondu au moyen tiré du caractère frauduleux du congé pour vente, le bailleur n’ayant jamais eu l’intention de lui vendre le bien mais souhaitant expulser sa locataire de son logement ».

Le moyen invoqué par la quatrième branche n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation en ce que :

- d’une part, la cour d’appel a, par motifs adoptés, répondu à ce moyen en l’écartant puisque le tribunal a retenu que Mme X… ne pouvait valablement arguer que l’appartement qui lui avait été donné à bail avait déjà été vendu, et ce, en fraude de ses droits, dans la mesure où il résulte de l’attestation établie par maître Arnaud, notaire, que le lot qui avait été vendu était le lot no 7, désigné par erreur comme étant le lot no 8 ;

- et, d’autre part, ayant par motifs propres retenu que Mme X… ne démontrait aucun comportement dolosif de la SCI Lepante, elle a par là même répondu, en les écartant, aux conclusions prétendument délaissées.

La troisième branche se fonde sur la jurisprudence, constante, selon laquelle, en matière de congé pour vente délivré sur le fondement de l’article 15, II, de la loi du 6 juillet 1989, l’offre de vente doit correspondre très précisément au bien loué, en tous ses éléments. Elle doit porter sur tous les locaux donnés à bail et seulement sur ces locaux.

Ainsi, l’omission d’une partie des lieux loués (cave, parking…) entraîne la nullité du congé (3e Civ., 13 juillet 1999, pourvoi no 97-18.862, Bull. 1999, III, no 168 ; 3e Civ., 21 juin 2000, pourvoi no 98-14.043, Bull. 2000, III, no 121 ; 3e Civ., 6 avril 2004, pourvoi no 02-21.519 ; 3e Civ., 4 mai 2004, pourvoi no 02-21.557 ; 3e Civ., 28 avril 2009, pourvoi no 08-14.037 ; 3e Civ., 7 juillet 2009, pourvoi no 08-14.367 ; 3e Civ., 9 mars 2010, pourvoi no 09-12.488).

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15 juin 2017Arrêt publié intégralement

•Bulletin d’information

Mais, à l’inverse, une simple erreur sur la numérotation du lot offert à la vente est indifférente, dès lors qu’il résulte du contenu du congé que le preneur a été clairement informé des conditions de la vente (3e Civ., 28 novembre 2012, pourvoi no 11-25.529 ; 3e Civ., 22 janvier 2014, pourvoi no 12-28.099).

La chambre mixte appréciera si la cour d’appel, qui a retenu que « la détermination des lieux offerts à la vente, qui sont les lieux loués, était établie sans ambiguïté et que le fait qu’une erreur figurait dans le bail sur le numéro du lot objet de la location était sans incidence sur la validité du congé, qui comportait les conditions de la vente avec la référence du prix et des lieux », a, au regard de la jurisprudence précitée, légalement justifié sa décision, en se demandant si la recherche prétendument omise n’a, ainsi, pas été effectuée, auquel cas un rejet non spécialement motivé de ce moyen pourrait également être envisagé.

3. - Identification du ou des points de droit faisant difficulté à juger

I. - L’affaire a été renvoyée en chambre mixte, afin que la chambre se prononce plus spécifiquement sur la question, posée par la deuxième branche, en évitant toute divergence de jurisprudence entre les première et troisième chambres civiles, qui ont à connaître de ce contentieux.

Cette question est de savoir si un agent immobilier doit disposer d’un mandat exprès et spécial, « obéissant au formalisme de la loi Hoguet du 2 janvier 1970 et de son décret d’application du 20 juillet 1972 », en l’espèce, selon les termes de la deuxième branche, « l’exigence sur le mandat de l’indication de sa durée et du numéro d’inscription au registre des mandats », pour délivrer valablement au locataire, pour le compte du bailleur, un « congé pour vendre » le logement loué.

Plus précisément, le pourvoi interroge sur la sanction du non-respect de ce formalisme, et invite à une réflexion plus générale sur le régime de la nullité applicable, absolue ou relative, en l’occurrence la partie ayant qualité pour invoquer la nullité tenant au non-respect des formes prescrites par la loi Hoguet, dès lors que, dans notre espèce, c’est le locataire, qui s’est vu délivrer un congé pour vente, ayant la nature, mixte, de congé et offre de vente, donc un locataire qui pourrait être assimilé à un tiers acquéreur ou tiers contractant, qui se prévaut du non-respect des dispositions de la loi Hoguet aux fins de faire annuler le congé pour vendre.

II. - Au préalable, il conviendra de s’interroger sur la question posée par la première branche, qui est de savoir si le mandataire, soumis aux dispositions de cette loi, peut, pour délivrer congé pour vendre, se « contenter » d’un mandat d’administration et de gestion, ou s’il doit justifier d’un mandat spécial et, le cas échéant, si la cour d’appel a caractérisé un tel mandat.

4. - Les textes

On indiquera d’emblée que l’agent immobilier est soumis tant aux dispositions de la loi du 2 janvier 1970 qu’à celles du droit commun relatives au mandat.

Les textes visés par le moyen

Les articles 1 et 6 de la loi du 2 juillet 1970 et 72 du décret du 20 juillet 1972 sont ainsi rédigés :

Article 1 de la loi no 70-9 du 2 juillet 1970, dite loi Hoguet :

« Les dispositions de la présente loi s’appliquent aux personnes physiques ou morales qui, d’une manière habituelle, se livrent ou prêtent leur concours, même à titre accessoire, aux opérations portant sur les biens d’autrui et relatives à :

1o L’achat, la vente, l’échange, la location ou sous-location, saisonnière ou non, en nu ou en meublé d’immeubles bâtis ou non bâtis ;

2o L’achat, la vente ou la location-gérance de fonds de commerce ;

3o La cession d’un cheptel mort ou vif ;

4o La souscription, l’achat, la vente d’actions ou de parts de sociétés immobilières donnant vocation à une attribution de locaux en jouissance ou en propriété ;

5o L’achat, la vente de parts sociales non négociables lorsque l’actif social comprend un immeuble ou un fonds de commerce ;

6o La gestion immobilière ;

7o A l’exclusion des publications par voie de presse, la vente de listes ou de fichiers relatifs à l’achat, la vente, la location ou sous-location en nu ou en meublé d’immeubles bâtis ou non bâtis ;

8o La conclusion de tout contrat de jouissance d’immeuble à temps partagé régi par les articles L. 121-60 et suivants du code de la consommation ».

Article 6 :

« I - Les conventions conclues avec les personnes visées à l’article 1 ci-dessus et relatives aux opérations qu’il mentionne en ses 1o à 6o doivent être rédigées par écrit et préciser conformément aux dispositions d’un décret en Conseil d’État :

Les conditions dans lesquelles ces personnes sont autorisées à recevoir, verser ou remettre des sommes d’argent, biens, effets ou valeurs à l’occasion de l’opération dont il s’agit ;

Les modalités de la reddition de compte ;

Les conditions de détermination de la rémunération, ainsi que l’indication de la partie qui en aura la charge.

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Bulletin d’informationArrêt publié intégralement

•15 juin 2017

Les dispositions de l’article 1325 du code civil leur sont applicables.

Aucun bien, effet, valeur, somme d’argent, représentatif de commissions, de frais de recherche, de démarche, de publicité ou d’entremise quelconque n’est dû aux personnes indiquées à l’article 1 ou ne peut être exigé ou accepté par elles, avant qu’une des opérations visées audit article ait été effectivement conclue et constatée dans un seul acte écrit contenant l’engagement des parties.

Toutefois, lorsqu’un mandat est assorti d’une clause d’exclusivité ou d’une clause pénale ou lorsqu’il comporte une clause aux termes de laquelle une commission sera due par le mandant, même si l’opération est conclue sans les soins de l’intermédiaire, cette clause recevra application dans les conditions qui seront fixées par décret.

Lorsque le mandant agit dans le cadre de ses activités professionnelles, tout ou partie des sommes d’argent visées ci-dessus qui sont à sa charge peuvent être exigées par les personnes visées à l’article 1 avant qu’une opération visée au même article n’ait été effectivement conclue et constatée. La clause prévue à cet effet est appliquée dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État ».

Article 72 du décret no 72-678 du 20 juillet 1972 :

« Le titulaire de la carte professionnelle portant la mention :

“Transactions sur immeubles et fonds de commerce” ne peut négocier ou s’engager à l’occasion d’opérations spécifiées à l’article 1 (1o à 5o) de la loi susvisée du 2 janvier 1970 sans détenir un mandat écrit préalablement délivré à cet effet par l’une des parties.

Le mandat précise son objet et contient les indications prévues à l’article 73.

Lorsqu’il comporte l’autorisation de s’engager pour une opération déterminée, le mandat en fait expressément mention.

Tous les mandats sont mentionnés par ordre chronologique sur un registre des mandats conforme à un modèle fixé par arrêté conjoint du garde des sceaux, ministre de la justice, du ministre de l’intérieur et du ministre de l’économie et des finances.

Le numéro d’inscription sur le registre des mandats est reporté sur celui des exemplaires du mandat, qui reste en la possession du mandant.

Ce registre est à l’avance coté sans discontinuité et relié. Il peut être tenu sous forme électronique dans les conditions prescrites par les articles 1316 et suivants du code civil.

Les mandats et le registre des mandats sont conservés pendant dix ans ».

Les autres textes relatifs :

1o Au congé pour vendre :

- en application de l’article 15, I, de la loi du 6 juillet 1989, le bailleur peut donner congé au preneur d’un bail d’habitation dans trois cas :

- pour reprendre le logement pour l’habiter ;

- pour vendre le logement ;

- pour un motif sérieux et légitime, notamment l’inexécution par le locataire de l’une des obligations lui incombant.

Lorsque le congé est délivré pour vente, le locataire bénéficie d’un droit de préemption, prévu par l’article 15, II, de la loi du 6 juillet 1989, qui dispose que le congé doit, à peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de la vente projetée et que ce congé vaut offre de vente au profit du locataire. Cette offre est valable pendant les deux premiers mois du délai de préavis.

Si le locataire accepte l’offre, la vente est parfaite.

À défaut, à l’expiration du délai de préavis, il est déchu de plein droit de tout titre d’occupation sur le local ;

- la loi no 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite ALUR, a renforcé la protection des locataires d’un bien immobilier en cas de reprise pour habiter ou en cas de vente du bien loué. La loi encadre plus strictement les délais et les conditions du congé pour vendre.

2o À la nullité :

Jusqu’à l’ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, le régime de la nullité des obligations trouvait son siège dans les articles 1304 à 1314 du code civil, auxquels il sera renvoyé.

L’ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016 a codifié le régime des nullités, aux articles 1178 à 1185 du code civil, consacrant une distinction entre nullité relative et absolue fondée sur la nature de l’intérêt protégé.

- Article 1179, modifié par l’ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016, article 2 :

« La nullité est absolue lorsque la règle violée a pour objet la sauvegarde de l’intérêt général.

Elle est relative lorsque la règle violée a pour seul objet la sauvegarde d’un intérêt privé ».

- Article 1180, modifié par l’ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016, article 2 :

« La nullité absolue peut être demandée par toute personne justifiant d’un intérêt, ainsi que par le ministère public.

Elle ne peut être couverte par la confirmation du contrat ».

- Article 1181, modifié par l’ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016, article 2 :

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15 juin 2017Arrêt publié intégralement

•Bulletin d’information

« La nullité relative ne peut être demandée que par la partie que la loi entend protéger.

Elle peut être couverte par la confirmation.

Si l’action en nullité relative a plusieurs titulaires, la renonciation de l’un n’empêche pas les autres d’agir ».

3o Au mandat :

Le mandat est régi par les articles 1984 et suivants du code civil. Il sera rappelé que :

L’article 1984, alinéa 1, du code civil dispose : « Le mandat ou procuration est un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom.

Le contrat ne se forme que par l’acceptation du mandataire ».

L’article 1987 du code civil distingue mandat général et mandat spécial :

« Il est ou spécial et pour une affaire ou certaines affaires seulement, ou général et pour toutes les affaires du mandant ».

L’article 1988 exige un mandat exprès pour les actes d’aliénation et de constitution d’hypothèques :

« Le mandat conçu en termes généraux n’embrasse que les actes d’administration.

S’il s’agit d’aliéner ou hypothéquer, ou de quelque autre acte de propriété, le mandat doit être exprès ».

L’ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016 a créé un régime général de la représentation, dans un nouveau paragraphe intitulé « la représentation » (articles 1153 et suivants nouveaux du code civil), au sein de la section 2, relative à « la validité du contrat ».

Elle consacre pour l’essentiel les règles du mandat et la jurisprudence rendue sur leur fondement, en clarifiant certains points, en particulier la question de la sanction encourue par l’acte accompli par le mandataire dépourvu de pouvoir.

Le nouvel article 1156 du code civil dispose que la sanction est celle de l’inopposabilité de l’acte au représenté, excepté en présence d’une représentation apparente, mais cet article prévoit désormais que le tiers contractant peut invoquer la nullité de l’acte accompli par le représentant lorsqu’il ignorait que ce dernier était dépourvu de pouvoir.

- Article 1156 nouveau du code civil :

« L’acte accompli par un représentant sans pouvoir ou au-delà de ses pouvoirs est inopposable au représenté, sauf si le tiers contractant a légitimement cru en la réalité des pouvoirs du représentant, notamment en raison du comportement ou des déclarations du représenté.

Lorsqu’il ignorait que l’acte était accompli par un représentant sans pouvoir ou au-delà de ses pouvoirs, le tiers contractant peut en invoquer la nullité.

L’inopposabilité comme la nullité de l’acte ne peuvent plus être invoquées dès lors que le représenté l’a ratifié ».

- Article 1158 nouveau du code civil :

« Le tiers qui doute de l’étendue du pouvoir du représentant conventionnel à l’occasion d’un acte qu’il s’apprête à conclure peut demander par écrit au représenté de lui confirmer, dans un délai qu’il fixe et qui doit être raisonnable, que le représentant est habilité à conclure cet acte.

L’écrit mentionne qu’à défaut de réponse dans ce délai, le représentant est réputé habilité à conclure cet acte ».

Sur l’application dans le temps de l’ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, celle-ci entrant en vigueur le 1er octobre 2016, l’ensemble des contrats conclus à compter du 1er octobre 2016 est soumis au droit issu de l’ordonnance. Corrélativement, l’article 9, alinéa 2, de l’ordonnance prévoit que « les contrats conclus avant le 1er octobre 2016 demeurent soumis à la loi ancienne ».

Si ces nouvelles dispositions ne sont pas applicables rétroactivement, on relèvera, cependant, avec la doctrine (A. Bénabent, Précis Domat, Droit des obligations, 15e éd., no 10), que, « d’une part, une bonne partie des nouveaux textes ne sont qu’une mise en forme à droit presque constant, de sorte que l’on ne se trouve véritablement en présence de deux régimes différents que sur très peu de points ; d’autre part, le phénomène classique d’éclairage rétroactif des nouveaux textes conduira sans doute la jurisprudence à aligner parfois l’ancien régime sur le nouveau ».

D’autres auteurs expriment la même idée sous une forme différente, estimant que les règles de résolution des conflits de lois dans le temps devraient « conduire à l’application de deux corps de règles distincts suivant la date de conclusion du contrat, étant entendu qu’à mesure de l’écoulement du temps, les « infiltrations » du droit issu de la réforme dans l’interprétation des textes originels devraient se faire plus nombreuses » (G. Chantepie, « L’application dans le temps de la réforme du droit des contrats », AJCA 2016, p. 412).

C’est en tous cas l’une des questions que la chambre devra se poser.

5. - Discussion citant les références de jurisprudence et de doctrine

I. - Sur la nécessité pour l’agent immobilier de disposer d’un mandat spécial aux fins de délivrer congé pour vendre (première branche)

La difficulté vient de la nature juridique du congé pour vendre, qui détermine les règles applicables au mandat.

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Bulletin d’informationArrêt publié intégralement

•15 juin 2017

a) Nature juridique du congé pour vendre

Les travaux parlementaires de la loi Quillot du 22 juin 1982 et de la loi du 6 juillet 1989 n’évoquent pas la nature juridique du congé pour vendre.

Il résulte de l’article 15, II, de la loi du 6 juillet 1989 précité que le congé pour vendre a une double nature : celle d’un congé et celle d’une offre de vente, cette offre valant vente en cas d’acceptation du locataire.

Lorsque le congé est délivré pour vente, le locataire bénéficie, en effet, d’un droit de préemption, prévu par ce texte, qui dispose que le congé doit, à peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de la vente projetée, et que ce congé vaut offre de vente au profit du locataire. Cette offre est valable pendant les deux premiers mois du délai de préavis. Si le locataire accepte l’offre, la vente est parfaite. À défaut, à l’expiration du délai de préavis, il est déchu de plein droit de tout titre d’occupation sur le local.

La loi ALUR du 24 mars 2014 a (article 15, alinéa 12, de la loi du 6 juillet 1989) introduit une obligation pour le bailleur d’accompagner le congé d’une notice d’information, en renvoyant à un arrêté du ministère du logement pour le contenu de la notice. Or l’arrêté du 29 mai 2015 pris en application de ladite loi mentionne : « Le bailleur doit lui donner congé en lui indiquant le prix et les conditions de la vente. Cela constitue une offre de vente ».

En conséquence, le congé pour vente étant indissociable de l’offre de vente, il ne peut être délivré que par ceux qui ont le pouvoir de disposer de l’immeuble concerné. C’est ainsi qu’un congé délivré par un indivisaire sans le consentement des autres est dépourvu d’effet (3e Civ., 8 avril 1999, pourvoi no 97-15.706, Bull. 1999, III, no 88). Mme Vial-Pedroletti écrit, dans le Juris-Classeur civil (Bail à loyer, fasc. 134-10 § 17) : « Contrairement en effet au congé pour habiter ou pour motif légitime et sérieux, qui sont considérés comme des actes d’administration, le congé pour vendre est qualifié d’acte de disposition ».

Mandat exprès ne se confond toutefois pas avec mandat spécial.

L’article 1988 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, exige un mandat exprès pour les actes d’aliénation, « le mandat conçu en termes généraux n’embrass[ant] que les actes d’administration ».

Selon le droit commun, le mandat exprès doit nettement préciser, en vertu de l’article 1988, la nature juridique des actes à consentir, le mandat spécial, en vertu de l’article 1987, leur objet.

Selon la loi du 2 janvier 1070, et plus précisément les articles 1 et 6 de la loi, dont la violation est invoquée par la première branche, les conventions conclues avec les agents immobiliers doivent être rédigées par écrit et la preuve de l’existence et de l’étendue du mandat de gestion immobilière délivré à un professionnel ne peut être rapportée que par écrit (1re Civ., 20 janvier 1993, pourvoi no 91-10.894, Bull. 1993, I, no 25), le mandat apparent ou la ratification de l’acte ne pouvant tenir en échec ces règles impératives (1re Civ., 2 décembre 2015, pourvoi no 14-17.211, en cours de publication ; 1re Civ., 5 juin 2008, pourvoi no 04-16.368, Bull. 2008, I, no 163, dans le cas d’un congé pour vente délivré par un agent immobilier avant de recevoir du propriétaire un mandat de gestion).

En application de l’article 64 du décret du 20 juillet 1972, ce mandat doit préciser l’étendue des pouvoirs du mandataire et l’autoriser expressément à recevoir des biens, sommes ou valeurs à l’occasion de la gestion dont il est chargé (1re Civ., 20 décembre 2000, pourvoi no 98-17.689, Bull. 2000, I, no 339).

L’article 72 du décret dispose qu’un agent immobilier ne peut négocier ou s’engager à l’occasion d’opérations spécifiées à l’article 1, 1o à 5o (au nombre desquelles figure « 2o la vente »), sans détenir un « mandat écrit préalablement délivré à cet effet par l’une des parties ».

La double nature du congé pour vendre conduit-elle à exiger, pour l’agent immobilier, non seulement un mandat exprès pour aliéner, mais aussi un mandat spécial, dès lors que le congé porte sur la vente d’un bien précis (« une affaire ou certaines affaires du mandant ») et, dès lors surtout, qu’il faut un mandat écrit et répondant aux conditions de l’article 72 du décret du 20 juillet 1972, texte invoqué par le moyen, pour que l’agent immobilier puisse procéder à une vente ?

Etant souligné que le moyen n’invoque pas le caractère non exprès du mandat litigieux, mais, sous le grief d’un manque de base légale, l’absence de mandat spécial, dès lors que le mandat litigieux était un mandat de gestion comportant la possibilité de donner « tous congés ».

b) Actes de disposition et mandat de gestion en droit commun

Sur le fondement du droit commun, et de l’exigence d’un mandat exprès pour les actes d’aliénation, il a été jugé que :

- constitue un mandat exprès d’aliéner la procuration donnée par une personne à une autre qui précise les pouvoirs de cette dernière et qui, outre le mandat général de gérer et d’administrer tous les biens qu’elle contient, charge le mandataire de vendre expressément tout ou partie des biens meubles et immeubles lui appartenant et de consentir ces ventes aux prix, charges et conditions que le mandataire aviserait (1re Civ., 6 juillet 2000, pourvoi no 98-12.800, Bull. 2000, I, no 209) ;

- ne constitue pas le mandat exprès confié à un agent immobilier de vendre un immeuble exigé par l’article 1988 du code civil une correspondance qui ne comporte pas expressément un tel mandat (1re Civ., 21 décembre 1976, pourvoi no 75-11.964, Bull. 1976, I, no 421) ;

- le mandat de gérer et d’administrer toutes les affaires concernant l’exploitation d’une ferme n’inclut pas celui de vendre des biens, alors que la procuration ne donne pas en termes exprès pouvoir d’aliéner tout ou partie du domaine (1re Civ., 17 janvier 1973, pourvoi no 71-13.053, Bull. 1973, I, no 25).

c) Actes de disposition et mandat de gestion de l’agent immobilier

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15 juin 2017Arrêt publié intégralement

•Bulletin d’information

Il a été jugé sur le fondement du droit commun :

- un mandat de « gérer l’immeuble et de représenter le propriétaire dans les relations contractuelles avec les tiers » confère au mandataire pouvoir de délivrer un congé pour vente : 3e Civ., 2 octobre 1996, pourvoi no 95-10.342, Bull. 1996, III, no 199, cassation au visa de l’article 1134 du code civil : « Qu’en statuant ainsi [en déclarant nul le congé pour vendre], alors qu’elle avait relevé que la société Paul Gandolfo avait reçu mandat de la société CIEL de gérer l’immeuble et de la représenter dans le cadre des relations contractuelles avec les tiers, d’où il résultait qu’elle avait le pouvoir de délivrer les congés, la cour d’appel a violé le texte susvisé » ;

-  l’agent immobilier qui s’est vu confier un mandat de gestion locative ne peut accomplir que des actes d’administration ; tel n’est pas le cas du renouvellement de baux commerciaux : 1re Civ., 20 novembre 2001, pourvoi no 99-10.541 : « Mais attendu qu’après avoir relevé, par une décision motivée, que la mandante avait donné à l’agence immobilière un mandat de gestion générale des immeubles litigieux, la cour d’appel en a déduit à bon droit que la mandataire ne pouvait accomplir que des actes d’administration et qu’en renouvelant les baux commerciaux sans en informer la mandante, la mandataire avait excédé ses pouvoirs » ;

et sur le fondement de la loi du 2 janvier 1970 :

- un mandat de gestion immobilière ne confère pas à l’agent immobilier le droit de vendre le bien : 1re Civ., 17 janvier 1973, pourvoi no 70-14.321, Bull. 1973, I, no 27 :

« Vu l’article 21 du décret no 65226 du 25 mars 1965, applicable à la cause ; [texte « ancêtre » de la loi du 2 janvier 1970]

Attendu qu’il résulte de ce texte que tout mandat donné pour des opérations d’achat ou de vente d’immeuble doit être écrit ;

Attendu que, saisie par X…, agent immobilier, d’une action tendant au paiement par dame Y… d’une commission, en rémunération du concours qu’il avait prêté à ladite dame, en 1967, comme intermédiaire, en vue de la vente d’un immeuble, la cour d’appel a, au motif qu’il existait en la cause un commencement de preuve par écrit résultant d’une comparution personnelle des parties, ordonné une enquête autorisant X… à établir par témoins l’existence du mandat verbal que dame Y… lui aurait donné de trouver un acquéreur ;

Qu’en statuant ainsi, alors que X… n’avait pas été en mesure de reproduire un mandat écrit, les juges du fond ont violé le texte susvisé » ;

- ni de consentir un bail commercial : 1re Civ., 2 décembre 2015, pourvoi no 14-17. 211, en cours de publication :

« Mais attendu que la cour d’appel a retenu à bon droit que la preuve de l’existence et de l’étendue du mandat de gestion immobilière délivré à un professionnel ne peut être rapportée que par écrit ; que ni le mandat apparent ni la ratification de l’acte ne peuvent tenir en échec ces règles impératives ;

Et attendu qu’ayant constaté que le bail commercial litigieux avait été consenti par le cabinet Laverdet, sans mandat spécial donné par écrit par l’ensemble des coïndivisaires, la cour d’appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision » ;

- et le mandat de vente donné à un agent immobilier ne l’autorise pas à délivrer congé pour vente au locataire à défaut de toute mention emportant autorisation de délivrer un tel congé : 1re Civ., 12 juillet 2006, pourvoi no 04-19.815, Bull. 2006, I, no 392 (et l’arrêt cité, 1re Civ., 20 décembre 2000, pourvoi no 98-17.689, Bull. 2000, I, no 339, sur la nécessité pour l’agent immobilier d’un mandat écrit précis) :

« Vu les articles 1 et 6 de la loi no 70-9 du 2 janvier 1970 et l’article 72 du décret no 72-678 du 20 juillet 1972 ;

Attendu que, selon les dispositions des deux premiers de ces textes qui sont d’ordre public, les conventions conclues avec les personnes physiques ou morales qui, d’une manière habituelle, se livrent ou prêtent leur concours aux opérations portant sur les biens d’autrui et relatives, notamment, à la vente d’immeubles doivent être rédigées par écrit ; qu’aux termes du troisième, le titulaire de la carte professionnelle « transactions sur immeubles et fonds de commerce » doit détenir un mandat écrit qui précise son objet et qui, lorsqu’il comporte l’autorisation de s’engager pour une opération déterminée, fait expressément mention de celle-ci ;

Attendu que pour décider que la société CIT avait reçu de Mme X… mandat de donner à M. Y… congé aux fins de vente de l’immeuble que celui-ci occupait en qualité de locataire et en déduire qu’en raison de l’acceptation par M. Y… de l’offre de vente attachée à ce congé, la vente dudit immeuble était parfaite, la cour d’appel retient que si le mandat de vendre donné par Mme X… à la société CIT ne précisait pas la nature de la vente envisagée, il résultait de la commune intention des parties que celui-ci était un mandat de vendre un bien libre de toute occupation, comportant l’obligation légale de donner congé au locataire ;

Qu’en se déterminant ainsi alors que selon ses propres constatations le mandat litigieux ne contenait aucune mention emportant autorisation pour la société CIT de délivrer un tel congé, la cour d’appel a violé, par refus d’application, les textes susvisés ».

Au cas présent, la cour d’appel a retenu que « la SCI Lepante avait donné le 12 juillet 2006 mandat d’administration et de gestion à la société Immobilière Parnasse, que le mandat prévoyait expressément que le mandataire avait le pouvoir de donner tous congés et que la SCI Lepante versait en outre à la procédure une correspondance du 19 octobre 2012 informant la société Immobilière Parnasse de son intention de vendre le bien occupé par Mme X… au terme du bail pour un prix de 280 000 euros, correspondance qui mandatait spécialement la société Immobilière Parnasse pour délivrer congé par l’intermédiaire d’un huissier ».

La chambre mixte appréciera la motivation critiquée au regard de l’ensemble des éléments de textes et de jurisprudence précités.

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II. - Sur les personnes ayant qualité pour invoquer la violation des dispositions formelles de la loi Hoguet du 2 janvier 1970 (deuxième branche)

La deuxième branche du moyen fait grief à l’arrêt attaqué de n’avoir pas recherché si la correspondance retenue par la cour d’appel comme constituant le mandat comportait une clause de durée et un numéro d’inscription sur le registre des mandats.

La loi Hoguet n’a assorti le non-respect de ces prescriptions d’aucune sanction. Elle ne comporte, au demeurant, aucune sanction explicite du non-respect des prescriptions formelles, hormis l’infraction pénale pour perception d’une rémunération en vertu d’un mandat irrégulier, et de la nullité spécifique du mandat « qui ne comporte pas une limitation de ses effets dans le temps » prévue par l’article 7 de la loi.

La jurisprudence, de la première comme de la troisième chambre, décide, quant à elle, de manière constante, que le mandat qui n’est pas limité dans le temps ou qui ne comporte pas le numéro d’inscription sur le registre des mandats est nul de nullité absolue (A).

La solution semble devoir être commandée par la finalité poursuivie par le législateur à travers la règle de fond et l’intérêt que celle-ci protège (B).

Mais une réflexion mettant en avant les titulaires du « droit de critique » du contrat peut aussi être envisagée (C).

A. - La sanction de la nullité des prescriptions formelles de la loi Hoguet

a) Nullité relative et nullité absolue

Tout d’abord, un bref rappel des termes de la distinction en cause :

sans qu’aucun texte n’emploie ces termes, la doctrine du XIXe siècle a construit la théorie des nullités sur une opposition : celle qui distingue les nullités relatives et les nullités absolues. Cette opposition était conçue comme devant gouverner tout le régime des nullités : droit de demander la nullité, confirmation, prescription. La prescription de l’action en nullité n’est plus un enjeu de la distinction entre les deux nullités, depuis la loi no 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription, qui a supprimé la prescription trentenaire pour les nullités absolues (sous réserve de quelques exceptions, en matière de mariage notamment).

La différence de régime qui nous occupe concerne les personnes aptes à invoquer la nullité de l’acte juridique, « les titulaires du droit de critique » (Ghestin, Loiseau et Serinet, La formation du contrat, tome 2 : L’objet et la cause - Les nullités, Lextenso éditions, 4e éd., 2013, no 2114).

Dans la théorie classique des nullités, la nullité est tributaire de la gravité du vice : le contrat est nul de nullité absolue, lorsqu’il est dépourvu d’un de ses éléments essentiels. La nullité est relative lorsque la cause de nullité n’affecte pas un élément essentiel de la convention.

Dans la théorie moderne des nullités, développée depuis le début du XXe siècle, « la nullité relative sanctionne la transgression d’une règle protectrice des intérêts privés, son régime étant défini en contemplation des objectifs qu’elle poursuit : seules les personnes protégées pourront agir en nullité. La nullité absolue sanctionnant la transgression d’une règle protectrice de l’intérêt général, il convient de lui donner un régime qui multiplie les chances d’anéantissement d’un tel contrat : « toute personne intéressée peut agir en nullité » (Droit civil, Les obligations, F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette, Précis Dalloz, 11e éd., no 393).

L’ordonnance du 10 février 2016 a consacré et, pour A. Bénabent, « solennisé » cette distinction (Droit des obligations, Précis Domat, 15e éd., no 209 et s.).

Cet auteur précise que « la nullité relative (à un contractant) concerne les cas où la règle méconnue protège un intérêt particulier : il en résulte que seul ce contractant est en droit d’invoquer la nullité ; ni l’autre partie, ni les tiers ne peuvent être « plus royalistes que le roi » et faire jouer en sa faveur une protection qu’il ne réclame pas lui-même (article 1181 nouveau) ». Et il cite, parmi les principaux cas, le « vice de forme dans les cas où le formalisme protège une partie, comme l’assuré, le consommateur ou l’emprunteur ». À l’inverse, la nullité absolue , indique-t-il, porte sur les « cas où la règle méconnue intéresse l’ordre public. On estime alors que la nullité peut être demandée par toute personne qui y trouve un intérêt, c’est-à-dire qui peut retirer un avantage de la nullité (nouvel article 1180). Cela concerne donc toutes les parties au contrat, mais encore les tiers […]. L’idée est d’accroître ainsi les chances de voir quelqu’un demander la nullité pour « fragiliser » les contrats contraires à l’ordre public. La nullité absolue concerne la plupart des règles qui ont trait non point aux parties, mais au contrat lui-même ». Et de citer l’inobservation des formes d’un contrat solennel, « sauf s’il s’agit d’un formalisme protecteur (consommateur) ».

Il a été admis, classiquement, que l’ordre public pouvait revêtir divers aspects, politique, moral, social, et économique, cette dernière catégorie prenant elle-même deux aspects : l’ordre public de protection, destiné à protéger des catégories faibles (consommateurs, emprunteurs, locataires, etc.) ; l’ordre public de direction, destiné à transmettre aux différents rouages de l’activité les impulsions que décide l’État.

Deux ordres publics, dont certains auteurs (Terré, Simler, Lequette, préc., no 382) soulignent que « les frontières ne sont d’ailleurs pas toujours assurées » ; Y. Picod (« Nullité », Rep. civ. Dalloz, mars 2013, actualisé juin 2016) estime, lui aussi, que « le nouveau critère de distinction n’est cependant pas toujours facile à appliquer. D’un côté, la frontière entre l’intérêt général et les intérêts privés est peu aisée à tracer dans certains cas ; c’est d’autant plus vrai que l’utilisation fréquente de la notion de « nullité d’ordre public » comme synonyme de celle de « nullité absolue » conduit à croire que la sanction des lois d’ordre public est la nullité absolue alors que les lois d’ordre public sont simplement celles auxquelles il n’est pas possible de déroger (Ghestin, op. cit., no 97 et 743, citant les règles d’incapacité que les conventions ne peuvent écarter et qui sont pourtant sanctionnées par la nullité

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relative). D’un autre côté, certaines règles tendent à protéger plusieurs intérêts privés ou un groupe plus large d’individus sans que l’intérêt général soit en cause. Aussi la jurisprudence, marquée par l’empirisme et la tradition, refuse-t-elle de se laisser enfermer dans un système trop rigide ».

La Cour de cassation exerce un contrôle sur la notion d’ordre public, mais l’examen des décisions montre que ce n’est que rarement qu’elle qualifie expressément la règle litigieuse comme relevant de l’ordre public de direction, ce qu’elle fait cependant dans un arrêt (de cassation : 1re Civ., 15 mai 2001, pourvoi no 99-12.498, Bull. 2001, I, no 139), qui énonce que « les articles 9 et 11 de la loi du 28 décembre 1966, devenus les articles L. 341-2 et L. 341-4 du code monétaire et financier, ne concernent pas seulement la protection des épargnants, mais aussi celle des autres établissements financiers ; qu’ils relèvent donc de l’ordre public de direction lorsqu’ils dressent la liste des établissements pouvant recourir au démarchage ».

L’examen de la doctrine et jurisprudence sur la question de l’ordre public permet d’observer que :

1o L’analyse de la Cour n’est pas celle d’un « bloc » législatif, mais bien un examen disposition par disposition, comme le montrent les visas, dans les arrêts, d’articles précis (cf. 1re Civ., 15 mai 2001, précité, et les arrêts (v. infra) précisant que tel ou tel article de la loi Hoguet (et non la loi Hoguet dans son ensemble) sont d’ordre public) ;

2o La détermination de la nature absolue ou relative, par rapport à l’intérêt, général ou particulier, protégé, peut être malaisée. N’est-il pas possible, en effet, de considérer que toute loi qui protège un intérêt particulier n’assure, en réalité, cette protection que dans le but, plus lointain, de sauvegarder l’intérêt général ? En d’autres termes, la sauvegarde de l’intérêt particulier, par exemple de la partie la plus faible, ne participe-t-elle pas de la sauvegarde de l’intérêt général ? (v. doctrine préc. ; l’arrêt rendu le 30 janvier 2007 par la première chambre civile (pourvoi no 05-19.352, Bull. 2007, I, no 46) fournit un exemple des hésitations qui peuvent affecter la détermination de la nature relative ou absolue d’une nullité. Il s’agissait en l’espèce de la cession d’un contrat d’édition conclu sans le consentement du représentant de l’auteur, en l’occurrence son fils. La cour d’appel avait qualifié la nullité entachant le contrat de nullité absolue mais la Cour de cassation a corrigé cette analyse, précisant que la règle avait été édictée dans le seul intérêt patrimonial des auteurs. On devait donc y voir une nullité relative) ;

3o Certaines règles traduisent à la fois un ordre public de protection et un ordre public de direction : dans ce cas, c’est ce dernier, donc la nullité absolue, qui prévaut (1re Civ., 15 mai 2001, préc.). C’est ce que rappelle également la doctrine : « Cette dichotomie (ordre public de protection/de direction) doit être relativisée car certaines règles traduisent à la fois un ordre public de protection et de direction. À titre d’exemple, les règles de validité du contrat de travail peuvent être prises tantôt pour protéger le salarié, tantôt pour contrôler la main d’œuvre […]. Dans ce cas, c’est la nullité absolue qui prévaut » (S. Sana-Chaillé de Néré, « Nullités et confirmation », Juris-Classeur Synthèse, sous articles 1304 à 1314 du code civil, novembre 2015) ; Terré, Simler et Lequette, Les obligations, Précis Dalloz, 11e édition, no 385 : « lorsqu’un intérêt général suffisamment net coexiste avec la protection d’un intérêt particulier, c’est le premier qui commande la nature de la nullité » ;

4o Il n’est pas certain qu’on puisse toujours assimiler ordre public de direction = intérêt général, ordre public de protection = intérêt[s] particulier[s]. Un auteur a cru distinguer « Les effets pervers de l’ordre public » (J. Ghestin, Mélanges Gavalda, Dalloz 2001, p. 123), observant qu’« une loi a des effets pervers lorsque, tout en atteignant le but recherché, elle a des effets, en quelque sorte secondaires, imprévus ou sous-estimés, contraires à l’intérêt général », des dispositions d’ordre public de direction pouvant avoir des effets contraires à l’intérêt général et/ou, au gré des politiques économiques, mettre tantôt l’une, tantôt l’autre partie en position de force ou de faiblesse, de même que « des dispositions d’ordre public de protection peuvent aggraver la situation de ceux-là mêmes qu’elles entendaient protéger ». On ajoutera que toute règle peut être considérée comme ayant un « effet pervers » lorsqu’elle constitue une « prime à la mauvaise foi » ;

5o En présence d’une règle suscitant une difficulté à cerner l’ordre public ou l’intérêt en cause, et la primauté de l’un sur l’autre, ou « d’effet pervers » (pour reprendre la terminologie de l’auteur précité), on peut se demander s’il ne convient pas de déterminer la nullité, aussi voire préalablement, par rapport à la titularité du droit de critique, donc aux personnes à qui l’on entend (dans un souci d’intérêt général au sens large du terme ?) ouvrir ou réserver le droit d’anéantissement du contrat.

b) L’état de la jurisprudence

La jurisprudence de la première chambre civile a, de longue date, retenu le caractère d’ordre public des dispositions de la loi Hoguet, et plus particulièrement de celles portant sur les prescriptions formelles de la loi, tenant notamment à la tenue du registre des mandats et aux mentions devant impérativement y figurer, comme le numéro d’inscription sur le registre des mandats et la durée du mandat. Elle a été rejointe en cela par la troisième chambre civile.

- 1re Civ., 8 octobre 1986, pourvoi no 85-10.236, Bull. 1986, I, no 234 : « Mais attendu qu’ayant retenu la nullité du mandat exclusif au-delà de la première période, la cour d’appel en a justement déduit, en application des dispositions combinées des articles 6 et 7 de la loi du 2 janvier 1970 et des articles 73 et 78 du décret du 20 juillet 1972, que la société Neveu ne pouvait percevoir aucune somme au titre de ses « peines et soins », c’est-à-dire de ses activités de recherche, démarche, publicité ou entremise quelconque » ;

- 1re Civ., 3 mars 1998, pourvoi no 96-15.300, Bull. 1998, I, no 91 : « Mais attendu, d’abord, que l’arrêt constate que le mandat donné par le propriétaire des terrains à la société foncière Saint-Marc fixe le prix de vente à 31 millions de francs hors taxes, incluant la rémunération du mandataire à la charge du vendeur et que la délégation consentie à la société Kartel prévoit que cette dernière percevra directement ses honoraires auprès de l’acquéreur en sus du prix de vente ; qu’il en déduit, à bon droit, que cette délégation, qui n’est pas conforme au mandat originel quant à la charge de la rémunération de l’intermédiaire, est inopérante ; qu’ensuite, l’arrêt retient que le mandataire qui prétend à rémunération doit disposer d’un écrit préalable donnant une mission de négociation spécifiant la durée et la teneur du mandat, le montant des honoraires et leur prise en charge et devant être numéroté selon son inscription dans le registre spécial tenu par l’intermédiaire, et relève que la lettre

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par laquelle le représentant de la société GIP s’engage à régler des honoraires de 3,5 % du prix hors taxes des terrains ne remplit pas toutes les conditions précitées ; qu’enfin, dès lors qu’elle avait constaté que la société Kartel n’avait pas respecté les prescriptions d’ordre public de la loi du 2 janvier 1970, la cour d’appel n’avait pas à rechercher si la société GIP, qui en invoquait le bénéfice, était de mauvaise foi » ;

- 1re Civ., 26 novembre 1996, pourvoi no 93-19.917, Bull. 1996, I, no 412 : « Vu l’article 6 de la loi du 2 janvier 1970 et l’article 72 du décret du 20 juillet 1972 ;

Attendu qu’il résulte de ces textes que l’exemplaire du mandat, qui reste en la possession du mandant, doit à peine de nullité mentionner le numéro d’inscription au registre des mandats ;

Attendu que pour condamner M. X… à payer à la société International Home Investments la somme de 50 000 francs au titre de l’indemnité compensatrice stipulée au mandat de vente donné par celui-ci suivant acte sous seing privé du 6 décembre 1988, l’arrêt retient que ce mandat était régulier puisque l’exemplaire conservé par l’agence comportait bien un numéro qui avait été reporté à la date à laquelle il avait été signé sur le registre des mandats, et qu’un « double » en avait été remis au mandant ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi sans avoir constaté que le numéro d’inscription figurait sur ce double, la cour d’appel a violé le texte susvisé » ;

- 1re Civ., 16 octobre 2001, pourvoi no 99-16.920, Bull. 2001, I, no 253 : « Mais attendu qu’il résulte des articles 6 de la loi du 2 janvier 1970 et 72 du décret du 20 juillet 1972 que l’agent immobilier doit, à peine de nullité, mentionner tous les mandats par ordre chronologique sur un registre des mandats à l’avance coté sans discontinuité et relié, et reporter le numéro d’inscription sur l’exemplaire du mandat qui reste en la possession du mandant ; que la cour d’appel, qui a relevé que l’agent immobilier ne mentionnait pas tous les mandats par ordre chronologique sur le registre qui n’était pas coté sans discontinuité et que l’exemplaire du mandat resté en la possession des mandants ne comportait pas de mention d’un numéro d’enregistrement, a décidé, à bon droit, que le mandat était nul et que la commission prévue n’était pas due » ;

- Depuis un arrêt du 25 février 2003, pourvoi no 01-00.461, la première chambre civile affirme, de manière constante, que «  les conventions conclues avec les personnes physiques ou morales qui, d’une manière habituelle, se livrent ou prêtent leur concours aux opérations portant sur les biens d’autrui doivent être rédigées par écrit, lequel doit respecter les conditions de forme prescrites par le second de ces textes ; qu’à défaut, ces conventions sont nulles et que « ces dispositions, qui sont d’ordre public, peuvent être invoquées par toute partie qui y a intérêt » (cassation au visa des articles 6 de la loi du 2 janvier 1970 et 72 du décret du 20 juillet 1972) ;

- 1re Civ., 18 octobre 2005, pourvoi no 02-16.046, Bull. 2005, I, no 363 : « Mais attendu que l’arrêt attaqué, après avoir constaté que le commandement litigieux avait été délivré à la requête de « Mme Raymonde X…, née Y…, usufruitière, représentée par son mandataire, la société Satrag, administrateur de biens » et relevé que Mme X… se prévalait d’un mandat du 25 mars 1992, a retenu à bon droit que celui-ci, conclu pour une durée d’une année à compter de la date de sa signature, renouvelable tacitement « pour la même période », encourait la nullité édictée par l’article 7 de la loi du 2 janvier 1970, étant dépourvu d’une limitation dans le temps de ses effets, en énonçant exactement que cette nullité d’ordre public, entraînant la nullité du commandement, pouvait être invoquée par toute personne y ayant intérêt ; que la cour d’appel, qui n’avait pas à procéder à la recherche visée par la seconde branche du moyen, que ses énonciations rendaient inutile en l’absence de possibilité de confirmation de l’acte atteint d’une nullité absolue, a légalement justifié sa décision » ;

- 1re Civ., 10 décembre 2014, pourvoi no 13-24.352, Bull. 2014, I, no 205 : « Mais attendu qu’il résulte de l’article 72 du décret no 72-678 du 20 juillet 1972 que tous les mandats visés par ce texte sont mentionnés sur un registre unique ; qu’ayant constaté que la société Cabinet Bedin tenait un registre pour les mandats de vente et un registre différent pour les mandats de recherche, la cour d’appel a décidé à bon droit que cette pratique n’était pas conforme aux prescriptions de l’article 72 précité, et que le mandat de recherche donné par M. X… à la société Cabinet Bedin, ne satisfaisant pas à cette obligation, était donc nul, de sorte que la société ne pouvait s’en prévaloir au soutien de sa demande en paiement de la commission prévue par le mandat » (rejet).

- La troisième chambre civile statue dans le même sens :

3e Civ., 8 avril 2009, pourvoi no 07-21.610, Bull. 2009, III, no 80 : « Mais attendu qu’il résulte de l’article 6 de la loi du 2 janvier 1970 que les conventions conclues avec des personnes physiques ou morales se livrant ou prêtant d’une manière habituelle leur concours aux opérations portant sur les biens d’autrui doivent respecter les conditions de forme prescrites par l’article 72 du décret du 20 juillet 1972 à peine de nullité absolue qui peut être invoquée par toute partie y ayant intérêt ; qu’ayant relevé que l’agence immobilière n’avait pas, en violation des dispositions édictées par le décret susvisé, mentionné le mandat sur le registre des mandats et porté le numéro d’inscription sur l’exemplaire du mandat remis à Johann X…, la cour d’appel, qui a retenu à bon droit que M. X… n’était pas engagé envers M. Y… par l’offre formulée en son nom par l’agence immobilière en application d’un mandat irrégulier, a exactement déduit de ce seul motif que la vente du local commercial n’avait pas été conclue ».

c) Appréciations doctrinales

La jurisprudence qui sanctionne la violation des prescriptions de la loi Hoguet, et notamment les prescriptions formelles, par la nullité absolue est majoritairement approuvée par la doctrine.

Un auteur, E. Meiller, critique cependant cette solution (« La distinction du formalisme et de la formalité » D. 2012, p. 160) : « Il y a un domaine où ce recours exagéré à la nullité est patent. Il s’agit du mandat de l’agent immobilier. Dans cette hypothèse, la solution jurisprudentielle est arrivée à un point où elle est à la fois inopportune et incohérente avec les principes admis ». Cet auteur critique la solution de la nullité absolue, en observant que « le tiers subit donc l’anéantissement de l’acte qu’il a conclu, pour une cause qu’il ne peut suspecter même en examinant scrupuleusement le mandat de son cocontractant. En résulte une grande insécurité juridique, la

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15 juin 2017Arrêt publié intégralement

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vérification du mandat de l’agent immobilier ne garantissant pas qu’il ait le pouvoir de passer l’acte. La convention conclue reste menacée par le vice de forme de l’exemplaire du mandant, sans que le tiers puisse s’en protéger grâce à la théorie du mandat apparent ».

M. Meiller propose donc de distinguer le formalisme, d’une part, la formalité, d’autre part, en suggérant que « leur nature et leur finalité diffèrent » et que « par suite, leur sanction doit également être différente » (v. infra).

B. - Finalités poursuivies par le législateur et intérêt protégé

Si le régime de la sanction, en l’occurrence de la nullité, doit être commandé par la finalité de la règle, quelle est, relativement à la loi Hoguet, et à ses évolutions ultérieures, le but poursuivi par le législateur ?

Les travaux parlementaires préparatoires de la loi no 70-9 du 2 janvier 1970 montrent clairement que cette loi visait, à la fois, à réglementer, « sur le plan technique et de la moralité », la profession d’agent immobilier, pointée du doigt, en « organiser les conditions d’accès et d’exercice », voire « assainir » celle-ci, et, dans le même temps, protéger les intérêts des acquéreurs, « traumatisés par les scandales relativement fréquents qui se déroulent dans l’immobilier », car, « dans la majorité des cas, l’acquéreur méconnaît tout de la transaction commerciale et de sa méthode ».

L’article 6 de la loi du 2 janvier 1970 renvoie, dans sa version d’origine comme dans sa version actuelle, à un décret pris en Conseil d’État pour déterminer la forme que devront respecter les conventions conclues avec les agents immobiliers. Celles-ci sont précisées, notamment, aux articles 72 et 73 du décret no 72-678 du 20 juillet 1972, pris en application de cette loi.

Pour pouvoir exercer, l’agent immobilier doit disposer d’une carte professionnelle (article 3, loi du 2 janvier 1970). Il sera précisé que les préfectures délivrent, ou plutôt délivraient, deux types de cartes professionnelles, celles portant la mention « transactions », les autres, « gestion immobilière ». Depuis la loi ALUR1, « une seule carte est (désormais) nécessaire pour les activités de transaction ou/et de gestion immobilières, qui peuvent être exercées cumulativement par la même personne ». La loi ALUR, partant du constat que « la location constitue l’accessoire d’un mandat de gestion, dispense le professionnel de demander la carte « transaction » normalement exigée pour l’activité de location » (article 1-1 de la loi Hoguet).

L’exercice habituel de l’activité de négociateur immobilier impose d’être titulaire de la carte professionnelle visée à l’article 3 de la loi du 2 janvier 1970, dont la délivrance est subordonnée à des conditions strictes, régissant l’accès à la profession (aptitude professionnelle, exigence de moralité, garantie financière, souscription d’une assurance de responsabilité civile professionnelle2).

Prévu à l’article 72 du décret du 20 juillet 1972, le registre des mandats, qui doivent être numérotés de manière continue et chronologique, est un moyen de vérifier la détention préalable d’un mandat, par l’intermédiaire, préalablement à toute entremise ou négociation.

- La loi no 2014-366 du 24 mars 2014, pour l’accès au logement et à un urbanisme rénové, dite ALUR, n’a pas modifié les articles 1 à 6 de la loi du 2 janvier 1970. Les articles 72 et 73 du décret du 20 juillet 1972 ont également peu évolué depuis leur version d’origine. Mais la loi ALUR a modifié d’autres dispositions de la loi du 2 janvier 1970, dont on peut se demander si elles modifient les intérêts que la loi Hoguet vise à protéger. La loi ALUR fixe, comme deux de ses cinq objectifs prioritaires, la régulation du marché immobilier et la modernisation des professions de l’immobilier.

S’agissant de la régulation du marché et de la modernisation de la profession, sont dénoncés les « tarifs injustifiés et excessifs, non-respect des obligations, opacité, coûts de transaction trop élevés […] autant de mauvaises pratiques qui, tout en étant le fait d’une minorité, ont pu entacher et peser sur l’ensemble du secteur des professions immobilières. Le projet de loi entend donc moderniser en profondeur l’ensemble de ce secteur dont le rôle d’intermédiaire est essentiel au bon fonctionnement des marchés de l’immobilier ».

Mais cette loi est aussi motivée par une volonté de protéger le consommateur : « Les dispositions introduites […] obligent les professionnels à informer leurs clients sur les moyens qu’ils entendent mettre en œuvre pour accomplir la mission qui leur a été confiée dans le cadre d‘un mandat, qu’il soit simple ou exclusif. Le consommateur sera ainsi en mesure de mieux évaluer la manière dont le professionnel de l’immobilier remplit la tâche pour laquelle il l’a mandaté ».

Le terme « consommateur » n’est toutefois pas défini ni dans la loi ni dans l’étude d’impact.

L’étude d’impact de la loi ALUR consacre un important paragraphe au chapitre III de la loi, qui réforme en profondeur les dispositions de la loi du 2 janvier 1970 et de son décret d’application du 20 juillet 1972.

L’étude rappelle, par deux fois, que la loi Hoguet et son décret d’application « sont d’ordre public ». Elle précise que « le dispositif législatif et réglementaire a pour objectif d’encadrer la pratique des activités (entrant dans le champ d’application de la loi) afin d’assurer la protection de la clientèle. Les activités à forts enjeux économiques portent sur une préoccupation première, fondamentale, qui consiste à répondre au besoin de logement. Elles peuvent aussi avoir pour finalité de concourir à des investissements, dans un secteur considéré comme préservé des aléas et, à ce titre, très recherché ».

1 Qui a confié le pouvoir de délivrance des cartes professionnelles au président de la chambre de commerce et d’industrie territoriale (CCIT) ou de la chambre de commerce et d’industrie départementale d’Île-de-France ou, lorsque celui-ci exerce lui-même une activité d’intermédiation immobilière réglementée, à son vice-président.

2 Au titre des conditions de fond, les habilitations étaient, jusqu’au 1er juillet 2015, date d’entrée en vigueur de la réforme instituée par la loi no 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR), soumises, comme la délivrance des cartes professionnelles, au contrôle de l’autorité préfectorale. L’apposition du visa du préfet sur la carte était subordonnée à la justification, par le bénéficiaire, des conditions exigées par les deux derniers alinéa l’article 3 du décret (Crim., 14 juin 1984, pourvoi no 83-93.242, Bull. 1984, no 218), à savoir :

- l’absence d’interdiction ou d’incapacité d’exercer l’activité d’intermédiaire immobilier ; - ou relèvement d’une incapacité par la juridiction qui l’a prononcée.

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Parmi les mauvaises pratiques dénoncées dans le secteur de la transaction immobilière, l’étude d’impact cite les infractions au registre des mandats comme faisant partie de celles ayant inspiré une réforme de la loi Hoguet.

Le congé pour vente n’est pas mentionné dans l’étude d’impact de cette loi. L’article 15 de la loi du 6 juillet 1989 et ses évolutions sont évoquées, au bénéfice du seul locataire, à propos du délai de préavis dans certains cas précis.

La loi « Macron » no 2015-990 du 6 août 2015 n’a apporté aucune modification de fond à la loi Hoguet.

Elle s’est bornée à supprimer l’infraction pénale prévue par l’article 17-2 de la loi du 2 janvier 1970, sanctionnant d’une peine d’amende le fait, pour un agent commercial, d’effectuer une publicité en violation de l’article 6-2 ainsi que le fait de ne pas respecter l’obligation de mentionner le statut d’agent commercial prévue au même article.

En résumé, sur les lois récentes, ALUR et Macron, l’étude d’impact confirme explicitement la volonté de protection du locataire, en instituant des « règles protectrices du locataire en cas de vente du logement qu’il occupe », le congé pour vente ne pouvant être délivré par le propriétaire moins de trois ans après avoir acquis le logement (article 15 modifié de la loi du 6 juillet 1989). « La protection conférée au locataire demeure dans ces conditions meilleure à celle dont il bénéficiait avant la loi ALUR, où le congé pouvait être notifié à la fin du bail quelle que soit l’ancienneté de l’acquisition du bien. Le locataire a donc l’assurance de pouvoir être maintenu dans son logement pour une période de trois ans lorsque son logement a fait l’objet d’une acquisition en cours de bail », le législateur ayant cependant également exprimé le souci de « ne pas décourager l’investissement » et prévu une durée maximale de six ans durant laquelle un bailleur institutionnel ne peut délivrer un congé pour vente après l’acquisition d’un logement. Il est à noter que la loi Macron a supprimé la « mesure prorogeant automatiquement les baux des locataires lors de la division d’un immeuble en plusieurs lots de copropriété (vente à la découpe) dans une zone tendue ».

C. - Titularité du droit de critique et intérêt protégé

Quelquefois, le souci de protection, de l’intérêt général ou d’un ou plusieurs intérêts particuliers, peut se dégager, non de la règle de fond, mais en quelque sorte « à rebours » ou a contrario de l’ouverture plus ou moins large, réservée par le législateur, lorsqu’elle est prévue par celui-ci, voire par la jurisprudence, de l’action en « contestation » d’un acte.

S’agissant de la jurisprudence, il peut être intéressant de rappeler que celle-ci a évolué quant à la sanction du défaut de signature valable d’un acte authentique pour défaut de pouvoir du mandataire.

D’un côté, l’acte notarié qui n’est pas signé par les parties est entaché de nullité absolue sur le fondement du décret no 71-941 du 26 novembre 1971, d’un autre, la jurisprudence, au visa de l’article 1984 du code civil, était constante pour dire que la nullité d’un contrat, pour absence de pouvoir du mandataire, qui est relative, ne peut être demandée que par la partie représentée. Après avoir considéré qu’était nul de nullité absolue le titre exécutoire servant de fondement aux poursuites pour défaut de signature valable de l’acte authentique par le mandataire dépourvu de pouvoir (1re Civ., 12 juillet 2012, pourvoi no 11-22.637, Bull. 2012, I, no 164 ; 1re Civ., 27 février 2013, pourvois no 12-16.340 et 12-16.342), cette jurisprudence étant critiquée par la doctrine (cf. S. Piedelièvre, RD banc. fin. 2012, comm. no 191, qui considérait que « la solution est juridiquement incontestable, mais elle apparaît comme une prime à la mauvaise foi d’un débiteur soucieux de se soustraire à une mesure d’exécution forcée »), la chambre mixte (21 décembre 2012, pourvoi no 11-28.688, Bull. 2012, Ch. mixte, no 3) a néanmoins admis, dans cette hypothèse, la possibilité d’une ratification du mandat. Et le 2 juillet 2014, la première chambre (pourvoi no 13-19.626, Bull. 2014, I, no 118) a énoncé que « les irrégularités affectant la représentation conventionnelle d’une partie à un acte notarié ne relèvent pas des défauts de forme que l’article 1318 du code civil sanctionne par la perte du caractère authentique, et, partant, exécutoire de cet acte, lesquels s’entendent de l’inobservation des formalités requises pour l’authentification par l’article 41 du décret no 71-941 du 26 novembre 1971, dans sa rédaction issue de celui no 2005-973 du 10 août 2005 applicable en la cause ; que ces irrégularités, qu’elles tiennent en une nullité du mandat, un dépassement ou une absence de pouvoir, sont sanctionnées par la nullité relative de l’acte accompli pour le compte de la partie représentée, qui seule peut la demander, à moins qu’elle ratifie ce qui a été fait pour elle hors ou sans mandat, dans les conditions de l’article 1998, alinéa 2, du code civil ; que cette ratification peut être tacite et résulter de l’exécution volontaire d’un contrat par la partie qui y était irrégulièrement représentée ».

Dans le rapport sous cette dernière décision, le rapporteur observe que « Depuis lors, cette voie de nullité de l’acte authentique pour défaut de signature a été fermée aux investisseurs-débiteurs saisis qui, ayant commencé d’exécuter les obligations résultant de ce prêt, se sont vus opposer :

- soit que la règle selon laquelle l’exception de nullité peut seulement jouer pour faire échec à la demande d’exécution d’un acte qui n’a pas encore été exécuté s’applique sans qu’il y ait lieu de distinguer entre nullité relative et nullité absolue : 1re Civ., 24 avril 2013, pourvoi no 11-27.082, Bull. 2013, I, no 84 ;

- soit que l’irrégularité tenant à ce que le mandataire n’avait pas la qualité de clerc de notaire exigée dans la procuration s’analyse non pas en un défaut de signature de l’acte mais en une absence de pouvoir du mandataire, sanctionnée par une nullité relative, susceptible d’être couverte par une ratification ultérieure : 1re Civ., 13 décembre 2012, pourvoi no 11-11.592 ; 22 janvier 2014, pourvoi no 12-28.298 ».

Cette solution a été réitérée par un arrêt du 15 janvier 2015 (1re Civ., pourvoi no 13-12.479, Bull. 2015, I, no 10), qui a cassé une décision ayant retenu que « les discordances existant entre la procuration et l’acte de prêt sur la date à laquelle l’offre de prêt a été acceptée touchent à l’objet de la procuration et caractérisent un défaut de forme au sens de l’article 1318 du code civil », au motif que « les divergences qu’elle constatait n’affectaient que la représentation conventionnelle de M. X… à l’acte de prêt ».

Elle a reçu un accueil favorable de la part de la doctrine, N. Cayrol (RTD civ. 2015, p. 455) la qualifiant de « bonne nouvelle », tandis qu’un autre auteur, L. Leveneur (Contrats, Conc. consom. 2014, comm. 238), soulignait la prise en compte par la première chambre civile de la ratification de l’acte qui peut résulter de l’exécution volontaire par la partie irrégulièrement représentée.

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Le législateur « agit » également sur l’ouverture de l’action, eu égard aux intérêts protégés.

Ainsi, à titre d’exemple, en matière de procédures collectives, les personnes ayant qualité à demander la révocation du contrôleur (créancier désigné à sa demande par le juge-commissaire pour assister le mandataire judiciaire) ont évolué avec la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises. Dans les procédures ouvertes avant le 1er janvier 2006, la demande de révocation pouvait être faite par le juge-commissaire, le ministère public, l’administrateur, le représentant des créanciers ou le liquidateur (article L. 621-13 ancien, alinéa 4, du code de commerce). Désormais, l’article L. 621-10, dernier alinéa, du code de commerce réserve au ministère public l’exclusivité de la requête en révocation du contrôleur, laquelle doit être fondée sur la nécessité de préserver l’intérêt général dans les procédures collectives. La doctrine en déduit que les contrôleurs ont acquis, avec la loi nouvelle, une plus grande indépendance, propre à assurer la protection de l’intérêt général recherchée par les règles de fond.

S’agissant du mandat de droit commun, si l’ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016 consacre pour l’essentiel les règles du mandat et la jurisprudence en la matière, elle insère, cependant, dans le code civil, des dispositions relatives à la représentation qui s’inspirent des principes européens d’harmonisation du droit et permettent de définir un régime général de la représentation, quelle que soit sa source (conventionnelle, légale ou judiciaire). Par ailleurs, l’article 1156 « vient clarifier les sanctions du dépassement de pouvoir », la première étant l’inopposabilité à l’égard du représenté (alinéa 1), « en consacrant la théorie de l’apparence développée par la jurisprudence » et, nouveauté, en prévoyant une seconde sanction en cas de dépassement de pouvoir : le tiers contractant peut, désormais, agir en nullité lorsqu’il ne savait pas que l’acte était accompli par un représentant sans pouvoir (alinéa 2), ces sanctions n’étant applicables qu’en l’absence de ratification du représenté (alinéa 3).

En décidant que « lorsqu’il ignorait que l’acte était accompli par un représentant sans pouvoir ou au-delà de ses pouvoirs, le tiers contractant peut en invoquer la nullité », le législateur du 10 février 2016 entend mettre un terme à la jurisprudence, constante et concordante, entre les chambres qui, après avoir, un temps, retenu la nullité absolue (1re Civ., 9 juin 1976, pourvoi no 73-10.157, Bull. 1976, I, no 213 ; 1re Civ., 30 juin 2004, pourvoi no 99-15.294, Bull. 2004, I, no 193 ; 3e Civ., 6 octobre 2004, pourvoi no 01-00.896, Bull. 2004, III, no 166 ; Com., 21 septembre 2010, pourvoi no 09-11.707, Bull. 2010, IV, no 138) ou l’inopposabilité (1re Civ., 23 novembre 1976, pourvoi no 75-11.525, Bull. 1976, I, no 361), énonce de manière constante que « la nullité d’un contrat en raison de l’absence de pouvoir du mandataire, qui est relative, ne peut être demandée que par la partie représentée » (1re Civ., 2 novembre 2005, pourvoi no 02-14.614, Bull. 2005, I, no 395, D. 2005, 2824 ; RTD civ. 2006, 138, obs. P.-Y Gautier ; 1re Civ., 9 juillet 2009, pourvoi no 08-15.413, Contrats, conc. consom. 2009, no 260, obs. L. Leveneur).

Un auteur considère que la réforme autorisant désormais le tiers contractant à invoquer la nullité de l’acte accompli par le représentant lorsqu’il ignorait que ce dernier était dépourvu de pouvoir dépasse « le dualisme trop manichéen des nullités » (H. Barbier, « Contrat conclu par un dirigeant décédé : nullité relative … et pourquoi pas absolue ? », RTD civ. 2016, p. 105).

Car le droit de critique, réservé jusque-là au seul représenté, n’est pas pour autant ouvert à toute partie intéressée. S’ajoute au bénéficiaire initial de ce droit une autre partie nommément désignée, dont le législateur a ainsi expressément traduit l’atteinte potentielle à ses intérêts par l’absence ou le dépassement de pouvoir du représentant.

L’éventualité d’une voie médiane entre nullité absolue et nullité relative a déjà été entrevue par un auteur, quant aux conséquences de la sanction : « Sans doute, cette distinction entre nullité absolue et nullité relative n’a plus la rigueur qu’on lui a longtemps attribuée. En particulier, l’idée se fait jour que certaines nullités pourraient être mixtes, empruntant une partie de leur régime à la nullité absolue et une autre partie à la nullité relative (Juris-Classeur civil code, articles 1304 à 1314, fasc. 40, ou Notarial Répertoire, Vo Contrats et obligations, fasc. 128 à 130). Mais cette conception nouvelle n’a pas encore fait son chemin en jurisprudence. L’habitude reste d’attacher au caractère absolu ou relatif de la nullité, globalement, toutes les conséquences qui en découlent, qu’il s’agisse des personnes qualifiées pour invoquer la nullité ou de la possibilité ou de l’impossibilité de couvrir la nullité par une confirmation de l’acte » (Sandrine Sana-Chaillé de Néré, fasc. 30 : Contrats et Obligations - Nullité ou rescision des conventions.- Cas de nullité, Juris-Classeur code civil, sous les articles 1304 à 1314, 23 juin 2014, mise à jour 9 juin 2016), encore qu’un tempérament à la nullité absolue pour non-respect du formalisme peut être vu dans la jurisprudence qui décide que lorsque le mandat comporte une clause de renouvellement tacite, la nullité n’est encourue que pour les périodes de renouvellement et non pour la période initiale (1re Civ., 22 mai 1985, pourvoi no 84-10.572, Bull. 1985, I, no 159).

On pourrait peut-être d’ores et déjà déceler un assouplissement de la stricte dualité, critiquée par certains auteurs, dans certains tempéraments apportés par la jurisprudence à la nullité absolue pour non-respect du formalisme :

- après avoir cassé une décision ayant énoncé que « la loi du 2 janvier 1970, qui a pour but la protection de la clientèle, était inapplicable à la convention litigieuse, relative à un simple apport d’affaire et conclue entre deux commerçants, professionnels de l’immobilier » (1re Civ., 17 décembre 1991, pourvoi no 90-11.935, Bull. 1991, I, no 351), la première chambre retient que l’exigence d’un mandat écrit délivré préalablement à toute intervention n’est pas applicable dans les rapports entre l’agent immobilier et son propre mandataire, également agent immobilier, puisqu’il s’agit là de rapports entre professionnels (1re Civ., 7 février 1995, pourvoi no 93-14.158, Bull. 1995, I, no 68) ;

- la doctrine voit également un assouplissement de la rigueur de la sanction du non-respect des prescriptions de forme prévues par la loi du 2 janvier 1970 dans l’hypothèse où « la forme imposée ne vise qu’à défendre les tiers, cette finalité condui[san]t logiquement à écarter la nullité dès l’instant que la protection de ces derniers n’est pas indispensable » (Ghestion, Loiseau et Serinet, La formation du contrat, tome 2 : l’objet et la cause - les nullités, Lextenso éditions, 4e éd., 2013, p. 2193). La première chambre a ainsi jugé qu’il résultait de la combinaison de

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l’article 1165 du code civil et de l’article 73 du décret du 20 juillet 1972 que les mentions relatives à la commission ne doivent figurer à la fois dans le mandat et dans l’engagement des parties à l’opération que lorsque tout ou partie de cette commission est à la charge d’une personne autre que le mandant (1re Civ., 14 juin 1984, pourvoi no 83-12.556, Bull. 1984, no 198). L’intérêt des tiers n’est en effet menacé en aucune manière par l’absence des mentions sur les autres engagements lorsque le mandant est seul tenu de verser la commission. Mais la solution est peut-être à rechercher dans une application littérale de l’article 73, alinéa 2, du décret du 20 juillet 1972.

Les nouvelles dispositions sur le droit commun de la représentation sont-elles de nature à affecter les solutions retenues en droit de l’intermédiation immobilière ?

C’est l’avis d’un auteur, M. Thioye (« L’impact de l’ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016 sur le droit de l’intermédiation immobilière », AJDI 2016, p. 340). Cet auteur estime que « les intermédiaires dits immobiliers, dont le statut spécial est prévu par la loi no 70-9 du 2 janvier 1970 et le décret no 72-678 du 20 juillet 1972, seront fatalement « impactés » par la nouvelle donne législative… ». Selon cet auteur, « il faudra désormais, en droit de l’intermédiation immobilière et pour les contrats de mandat et assimilés qui seront conclus à partir du 1er octobre 2016, compter avec les nouveaux articles 1153 à 1161 du code civil, même si ces textes, quoique tout à fait inédits d’un point de vue « architectural », ne révolutionneront pas le fond de la matière dès l’instant qu’ils ne font, à quelques exceptions ou nuances près, qu’entériner des règles déjà consacrées de manière sectorielle ou de manière générale par le législateur et/ou la jurisprudence ».

Un autre auteur, G. Wicker (« Le nouveau droit commun de la représentation dans le code civil », Dalloz 2016, p. 1942), propose de cerner ainsi le champ d’application de la loi nouvelle : « En ce qu’elle [la théorie de la représentation] constitue un paragraphe de la section traitant de la validité du contrat, les textes proposés n’envisagent la représentation qu’en tant que modalité du contrat intéressant sa formation ou ses effets. Son objet se limite par conséquent aux seuls rapports externes, c’est-à-dire aux rapports qui se nouent entre, d’une part, le représenté ou le représentant, et, d’autre part, le tiers contractant ». Ou encore : « Son objet se limitant ainsi aux seules questions qui intéressent la formation du contrat et ses effets, le droit commun de la représentation ne traite donc de ce mécanisme qu’en tant que condition de validité du contrat ».

Cette analyse est intéressante pour la question qui nous occupe.

L’auteur qui critique la nullité absolue comme sanction des irrégularités de forme du mandat de l’agent immobilier, E. Meiller, suggère de distinguer les formalités, au sens étroit, (qui) sont extérieures à la formation du contrat. Elles se bornent à permettre la conclusion ou à en assurer l’entière exécution. Elles se distinguent donc du formalisme (qu’on oppose le plus souvent au consensualisme, définition considérée comme critiquable par l’auteur), puisque ce dernier désigne l’ensemble des prescriptions auxquelles la loi assujettit l’expression de la volonté lors de la formation du contrat. S’ensuivent - selon cet auteur - deux différences essentielles de régime entre formalité et formalisme. La première est que, si l’inobservation du formalisme conduit à l’anéantissement de l’acte (solennité) ou à sa non-prise en compte (preuve), il n’en va pas de même pour les formalités, qu’elles soient antérieures (publicité préalable des bans pour le mariage à l’étranger d’époux français) ou postérieures (enregistrement, duquel l’auteur rapproche le numéro d’inscription sur le registre des mandats).

En définitive, plusieurs d’interrogations peuvent, à l’aune de la loi applicable au litige et, le cas échéant, des « infiltrations » ou éclairages des lois postérieures, guider la réflexion :

- la recherche d’une sanction doit-elle se borner à appliquer l’équation ordre public de direction = nullité absolue/ordre public de protection = nullité relative, ou bien doit-elle inclure une distinction entre le formalisme, entendu comme une « formalité intrinsèque » à la formation du contrat, et les formalités qui, antérieures ou postérieures, lui seraient extérieures, et, dans l’affirmative, l’absence de mention, sur l’exemplaire du mandat de l’agent immobilier, relèverait-elle de la première ou de la seconde catégorie ? Autre déclinaison possible de la question : la règle de forme dont le non-respect est dénoncé par le moyen - qu’elle soit dénommée formalisme ou formalité - pourrait-elle, pour reprendre un raisonnement tenu en d’autres matières, être analysée en une absence de pouvoir ou une contestation du pouvoir du mandataire agent immobilier ? Et quelles sanctions ces distinctions appelleraient-elles ?

- La recherche d’une sanction ne devrait-elle pas, en tout état de cause, être guidée par le but en vue duquel la règle a été instituée et, dans ce cas, l’obligation de porter le numéro de registre sur l’exemplaire du mandat de l’agent immobilier, resté en la possession du mandant (dont le tiers contractant n’a donc par hypothèse pas connaissance), vise-t-elle à assurer la protection du mandant et uniquement de celui-ci ? Ou bien l’intérêt du tiers contractant ou d’autres tiers (agents immobiliers concurrents par exemple) voire l’intérêt général sont-ils également en jeu ? Et à qui cet intérêt protégé commande-t-il d’ouvrir l’action ?

Nombre de projet(s) préparé(s) : 2.

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15 juin 2017Arrêt publié intégralement

•Bulletin d’information

1. - Introduction

Alors que les plus récentes interventions législatives en matière de baux d’habitation1 ont exprimé clairement une volonté de trouver un meilleur équilibre entre la sécurité juridique et l’efficacité économique, ce dossier, d’une certaine façon, pourrait illustrer aussi la nécessité, pour le juge, de prendre en compte un objectif de même nature.

Ainsi, à notre sens, il importe que le juge veille à ce que le formalisme conserve sa fonction probatoire ou protectrice d’intérêts légitimes et ne devienne pas un prétexte pour fonder un contentieux artificiel, susceptible de devenir dissuasif pour l’investissement locatif.

Tel nous semble être l’enjeu plus général qui se dessine derrière l’examen de cette affaire particulière et de la question centrale qui est posée à cette chambre mixte. Car la question juridique sur laquelle se concentrera cette formation solennelle de la Cour se résume à la suivante : faut-il modifier la solution jurisprudentielle actuelle selon laquelle toute irrégularité formelle du mandat de l’agent immobilier est une nullité absolue susceptible d’être invoquée par tout intéressé ?

Toute l’acuité de la question tient aux circonstances de l’espèce, puisqu’ici, c’est un locataire qui poursuit la nullité du « congé pour vendre » que lui a délivré son bailleur par l’intermédiaire d’un mandataire professionnel, en se fondant sur l’irrégularité formelle du mandat.

Il est compréhensible que le formalisme spécifique du mandat immobilier institué par le législateur, lorsqu’il concerne la preuve ou l’étendue des relations contractuelles entre le professionnel de l’immobilier et son client, reçoive la sanction rigoureuse jusqu’alors retenue par la Cour. En revanche, il nous est apparu inapproprié, à travers cette affaire, de réserver cette même réponse à toute irrégularité de forme du mandat immobilier.

Il nous a donc semblé nécessaire de remédier aux effets perturbateurs indésirables de la réponse globale actuelle, par la recherche d’une sanction plus adaptée à l’objet et à la finalité du formalisme qui a été ici méconnu.

2. - Rappel succinct des faits et de la procédure

La SCI Lepante a confié, au terme d’un « mandat d’administration de biens », la gestion de son immeuble situé à Nice à la SARL Immobilier Parnasse, titulaire d’une carte professionnelle « gestion immobilière ».

Cette dernière a sollicité le 15 octobre 2012 des instructions de sa mandante concernant l’appartement occupé par Mme X…, dont le bail d’habitation arrivait à échéance le 15 mai 2013, tout en demandant un « pouvoir », dans l’hypothèse où la SCI Lepante envisagerait d’adresser à sa locataire un « congé pour vendre ».

Par lettre du 19 octobre 2012 adressée à son gestionnaire, la SCI Lepante fixe le prix de vente et donne instruction de faire délivrer à sa locataire par acte d’huissier un « congé pour vendre ».

La SARL Immobilier Parnasse fait délivrer ce congé avec offre de vente à ce prix, par acte d’huissier du 29 octobre 2012.

Le 23 mars 2013, Mme X… assigne sa bailleresse en nullité du congé devant le tribunal d’instance de Nice, lequel la déboute de sa demande le 18 février 2014.

Par arrêt du 23 avril 2015, la cour d’appel d’Aix-en-Provence confirme, par des motifs propres, ce jugement.

Devant la cour d’appel, Mme X… soutenait, notamment, que la SARL Immobilier Parnasse ne disposait pas d’un mandat écrit spécial pour délivrer le congé litigieux, que celui-ci ne permettait pas de déterminer la consistance des biens vendus et que son bailleur n’avait pas l’intention véritable de vendre, mais de « se débarrasser d’une locataire dérangeante ».

Pour la débouter, la cour d’appel a d’abord retenu que le mandat d’administration et de gestion de la SARL Immobilier Parnasse « prévoit expressément que le mandataire a pouvoir de donner tous congés » et que la correspondance du 19 octobre 2012 rappelée ci-dessus « mandate spécialement Parnasse Immobilier pour délivrer congé par l’intermédiaire d’un huissier ». Elle relève également que la détermination des lieux offerts à la vente est « établie sans ambiguïté ni imprécision » dans le congé litigieux et que la locataire ne démontre « aucun comportement dolosif » de son bailleur.

C’est l’arrêt attaqué.

La troisième chambre civile, saisie de l’examen du pourvoi, a décidé de renvoyer celui-ci devant cette chambre mixte.

3. - Le pourvoi

Le moyen unique comporte quatre branches. Pour trois d’entre elles (les branches 1, 3 et 4), il ne nous paraît pas utile, ici, de revenir sur les développements que nous leur avons déjà consacrés dans l’avis déposé lors de l’examen de l’affaire par la troisième chambre civile. Nous nous limiterons donc à rappeler que nous considérons que l’examen des griefs articulés dans ces trois branches doit conduire à les écarter sans véritable difficulté, pour les raisons indiquées dans notre précédent avis.

1 La loi ALUR du 26 mars 2004 et la loi dite Macron du 6 août 2015 pour la croissance et l’activité ; voir les développements dans l’étude d’impact de ce dernier projet de loi, T.1, p.143 et suiv. : « Habitation : clarifier les mesures sur les rapports locatifs pour soutenir l’investissement ».

Avis de M. SturlèseAvocat général

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Bulletin d’informationArrêt publié intégralement

•15 juin 2017

En revanche, c’est bien la deuxième branche du moyen qui nous semble avoir justifié la saisine de cette chambre mixte.

Cette deuxième branche du moyen reproche à l’arrêt un manque de base légale au regard des articles 1 et 6 de la loi du 2 janvier 1970 et de l’article 72 du décret du 20 juillet 1972 pour n’avoir pas recherché si le mandat spécial résultant de la correspondance précitée respectait les formalités obligatoires résultant de ces textes, et « notamment s’il mentionnait une durée et un numéro d’inscription sur le registre des mandats ».

4. - La discussion justifiant la saisine de la chambre mixte

Les griefs contenus dans cette seconde branche du moyen se fondent sur la possibilité pour la locataire, afin de poursuivre la nullité du « congé pour vendre », de se prévaloir d’une irrégularité affectant le mandat en vertu duquel l’intermédiaire immobilier a agi pour le compte du bailleur.

Mais la locataire est-elle titulaire d’un droit de critiquer le non-respect du formalisme du mandat conclu entre son bailleur et l’agent immobilier de ce dernier ? La question mérite d’être posée. La réponse dépend de la détermination de la nature de la sanction applicable en cas de non-respect de ce formalisme.

Or l’analyse de la jurisprudence actuelle de la Cour (A) conduit à réserver une sanction, selon nous, manifestement inadéquate dans cette affaire (B).

Et c’est très vraisemblablement cette difficulté-là qui a conduit également la troisième chambre civile à saisir cette chambre mixte.

A. - La solution résultant de la jurisprudence actuelle

Le mandat litigieux obéit à un formalisme spécifique (1) dont la sanction a été précisée par la jurisprudence de la première et de la troisième chambre de la Cour (2).

1. - Le formalisme spécifique du mandat de l’agent immobilier

Tout mandat donné à un agent immobilier obéit aux règles du droit commun du mandat (article 1984 et suivants du code civil), mais aussi à celles résultant de la loi dite « Hoguet » (loi no 70-9 du 2 janvier 1970) et de son décret d’application no 72-678 du 20 juillet 1972.

Ce dispositif spécial déroge au consensualisme du contrat de mandat en imposant un certain nombre de prescriptions formelles qui ont été encore amplifiées dernièrement par la loi dite ALUR du 24 mars 20142.

C’est ainsi qu’au titre de ce formalisme impératif, selon les articles 1 et 6 de la loi Hoguet, le mandataire professionnel doit disposer d’un mandat écrit qui doit comporter des mentions obligatoires précisées par le décret de 1972, dont certaines varient en fonction de la nature du mandat.

Il y a donc d’abord lieu de s’interroger, au regard du mandat litigieux, sur la soumission de celui-ci à ce dispositif (a) et sur les imperfections éventuelles qui affecteraient ce mandat (b).

a) La soumission du mandat litigieux au formalisme du dispositif de la loi « Hoguet »

Si l’on suit les développements de notre avis précédent devant la troisième chambre, on doit considérer dans cette affaire que le mandat général de gestion dont disposait le mandataire ne l’autorisait pas à délivrer un « congé pour vendre », parce que notamment un tel acte est assimilable à un acte de disposition, exigeant nécessairement un mandat spécial, en application de l’article 1988 du code civil3.

Il convient alors effectivement de s’interroger sur la correspondance précitée, seule susceptible de constituer ce mandat spécial. Cette correspondance a été adressée par la SCI Lepante, propriétaire de l’appartement loué à Mme X…, au gestionnaire de l’immeuble, en réponse à une demande écrite d’instructions spécifiques de ce mandataire à l’approche de l’échéance du bail. Il y est notamment indiqué : « […] la SCI a décidé de vendre l’appartement […] actuellement occupé par Mme X…, nous vous confirmons donc qu’il y a lieu de délivrer un congé dans le délai légal, nous vous mandatons à l’effet d’y procéder […] par exploit d’huissier […] de bien vouloir fixer le prix de vente à […] ». Il n’est pas contestable, ni d’ailleurs sérieusement discuté, qu’un tel échange est de nature à constituer un mandat écrit.

On observera qu’en l’espèce, ce mandat a un objet ponctuel et bien circonscrit : délivrer au locataire le « congé pour vendre » prévu par l’article15-II de la loi du 6 juillet 1989.

À notre sens, il autorise le mandataire à opérer sur le bien ce seul acte de procédure4 que constitue le « congé pour vendre ». Il ne devrait pas lui permettre, notamment, de se livrer ultérieurement à une activité d’entremise pour trouver un autre acquéreur, ni de conclure une quelconque vente du bien5.

En dépit de son caractère très limité, et parce qu’il est autonome et distinct du mandat général dont disposait déjà ce mandataire professionnel à l’égard du propriétaire de l’immeuble, il nous paraît peu discutable qu’un tel mandat est nécessairement soumis au formalisme du dispositif « Hoguet ».

2 La loi dite ALUR du 24 mars 2014 ajoute ainsi de nouvelles mentions visant à informer les mandants sur les moyens employés pour diffuser auprès du public les annonces commerciales, sur les actions que le mandataire s’engage à réaliser et les modalités d’une information périodique sur les diligences effectuées dans le cadre des mandats exclusifs…

3 Ce point de vue est conforté par la doctrine, unanime sur cette question. Voir notamment Mme Vial-Pedroletti, Juris-Classeur civil, « Bail à loyer », fasc.13-10, § 17, ou encore J. Lafond, “Les congés dans la loi du 6 juillet 1989 - Panorama de jurisprudence récente », JCP, éd. N, no 47, 21 novembre 2003, 1588.

4 Sur la qualification d’acte de procédure pour ce congé par la troisième chambre, voir 3e Civ., 15 mai 2008, pourvoi no 07-10.243, Bull. 2008, III, no 83.

5 La jurisprudence exige une mention spéciale dans le mandat d’entremise pour permettre à l’intermédiaire de conclure l’acte de vente pour le compte du vendeur : 1re Civ., 6 mars 1996, pourvoi no 93-19.262, Bull. 1996, I, no 114 ; 1re Civ., 8 avril 2010, pourvoi no 09-12.007 ; 3e Civ., 12 avril 2012, pourvoi no 10-28.637, Bull. 2012, III, no 61.

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15 juin 2017Arrêt publié intégralement

•Bulletin d’information

Face aux interrogations sur ce point du rapporteur6 devant la troisième chambre civile, nous avions déjà souligné qu’on ne voyait pas comment ce mandat pourrait donc échapper au formalisme de ce dispositif, alors que l’article 1 de la loi Hoguet en définit de façon très large le champ d’application ratione personae et materiae.

Selon cette disposition, il est ainsi applicable à toute opération portant sur la location, la vente, et à tout acte effectué par un intermédiaire, à titre professionnel, en relation avec l’un de ces contrats.

Nous relevions, en outre, la nature particulière de cet acte de procédure institué par l’article 15-II de la loi du 6 juillet 1989, qui est constitué indissociablement d’un congé et d’une offre de vente du logement loué, venant conforter la nécessaire soumission au formalisme de la loi Hoguet du mandat donné au professionnel pour faire diligenter un tel acte de procédure.

b) L’imperfection du mandat litigieux

Deux griefs d’irrégularité du mandat sont sous-tendus par la seconde branche du moyen, l’un relatif à la durée du mandat (i), l’autre à son absence d’enregistrement (ii). Seule cette dernière irrégularité paraît fondée et constituer ainsi l’imperfection du mandat.

(i) L’absence d’irrégularité au regard de la limitation dans le temps des effets du mandat (article 7 de la loi Hoguet)

Il résulte de l’article 7 de la loi Hoguet et de la jurisprudence de la première chambre civile que le mandat de l’agent immobilier doit comporter, « à peine de nullité », une limitation dans le temps de ses effets. C’est d’ailleurs la seule exigence du dispositif Hoguet qui est ainsi explicitement sanctionnée par la nullité.

On comprend qu’une telle exigence vise à combattre en particulier les mandats indéfiniment renouvelables. La première chambre sanctionne ainsi les mandats qui ne présentent pas « un terme extinctif certain »7.

Même si le pourvoi ne vise pas cet article 7, le grief tel qu’il est articulé, pour la première fois devant la Cour, renvoie nécessairement à cette disposition.

En outre, la nouveauté de ce grief n’est pas un obstacle à la recevabilité de son examen, alors que la première chambre admet que, s’agissant d’un moyen de pur droit, il peut être même soulevé d’office par la Cour8.

En revanche, la critique nous paraît en l’espèce infondée. En effet, nous avons relevé précédemment la spécificité de ce mandat litigieux, qui est un mandat ponctuel, autorisant l’accomplissement d’un seul type d’acte : la délivrance d’un « congé pour vendre », prévu par l’article 15-II de la loi du 6 juillet 1989.

En outre, on sait que ce type de congé ne peut intervenir qu’en fin de bail au profit du locataire dont le logement est mis en vente9.

Il nous apparaît donc que, par nature, en raison de son objet même, les effets de ce mandat litigieux sont nécessairement limités dans le temps.

Le grief tiré d’une non-conformité du mandat à l’article 7de la loi Hoguet ne peut donc, en toute hypothèse, qu’être écarté.

(ii) L’irrégularité tenant à l’absence de mention du numéro d’enregistrement du mandat (alinéas 4 et 5 de l’article 72 du décret de 1972)

Il résulte des articles 65 et 72 du décret de 1972 que tous les mandats de l’intermédiaire immobilier doivent être mentionnés par ordre chronologique sur un registre ad hoc unique, qui doit être conservé dix ans, et que le numéro d’enregistrement du mandat doit être reporté sur l’exemplaire remis au mandant.

On reviendra ultérieurement plus longuement sur la finalité de ce formalisme, mais on comprend d’emblée qu’il vise à permettre un inventaire fidèle10 des affaires confiées au professionnel concerné, ainsi qu’à conférer une date certaine aux mandats conclus avec ses clients.

Dans l’étude d’impact réalisée dans le cadre des travaux préparatoires à l’adoption de la loi ALUR, il était indiqué, au regard des infractions relevées en 2012 au sein de la profession par la DGCCRF, que ce registre des mandats était « en général régulièrement mis à jour. Pour autant, certaines agences le remplissent de manière incomplète (numérotation discontinue notamment) »11.

Un auteur12 n’a pas manqué de faire justement observer que si la plupart des mentions exigées par la loi Hoguet peuvent figurer sur des modèles de mandats préimprimés pour limiter le risque d’irrégularité, il en va à l’évidence différemment pour cette exigence du report du numéro de registre.

On ajoutera qu’en cas de conclusion à distance du mandat, l’absence de synchronie entre l’échange des volontés et l’enregistrement du mandat rend plus compliqué le respect de cette exigence.

Il n’est donc en l’espèce pas très surprenant, le mandat litigieux ayant été conclu par correspondance, que la correspondance constitutive de celui-ci, produite au dossier, ne comporte pas la mention requise.

6 Voir le rapport de Mme Anne-Lise Collomp et la question posée en page 3.7 Sur l’article 7, voir 1re Civ., 5 mai 1982, pourvoi no 91-11.028, Bull. 1982, no 159 ; 1re Civ., 9 mai 1990, pourvoi no 89-12.103, Bull.

1990, I, no 95.8 Voir 1re Civ.,13 avril 1983, pourvoi no 82-11.121, Bull. 1983, I, no 120.9 En outre, en cas de nullité du « congé pour vendre », celle-ci ne laisse pas subsister le droit de préemption du locataire et le bail est

renouvelé tacitement : 3e Civ., 9 novembre 2011, pourvoi no 10-23.542, Bull. 2011, III, no 187.10 La falsification du registre constitue un faux en écriture privée ou de commerce : Crim., 25 janvier 1988, pourvoi no 86-93.749, Bull.

crim. 1988, no 30.11 Étude d’impact du projet de loi, p. 69.12 Éric Meiller, « La distinction du formalisme et de la formalité », RDI 2012,160.

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Bulletin d’informationArrêt publié intégralement

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Cette absence n’en constitue pas moins une irrégularité du mandat dont on doit examiner les conséquences.

2. - La portée de la sanction actuelle du mandat irrégulier de l’agent immobilier

L’analyse de la jurisprudence de la Cour révèle une approche globale et rigoureuse de la sanction retenue pour sanctionner le mandat irrégulier de l’agent immobilier qui est dérogatoire du droit commun de la représentation (a).

La jurisprudence de la Cour conduit à sanctionner, indistinctement, par la nullité absolue, tout mandat qui n’obéit pas au formalisme de la loi Hoguet (b) et à anéantir les actes accomplis par le mandataire, en interdisant tout effet vis-à-vis des tiers par le refus du jeu de la théorie du mandat apparent (c). En l’espèce, l’approche actuelle fonderait donc le locataire à se prévaloir ici de l’imperfection du mandat (d).

a) Rapide regard sur les principes du droit commun

i) La nullité, sanction civile d’un défaut de formation d’un acte juridique

On sait d’abord que, hormis quelques domaines exceptionnels13, le juge peut toujours prononcer la nullité d’un acte juridique, même en l’absence de texte. La doctrine distingue à cet égard les nullités textuelles et les nullités dites virtuelles14.

Ainsi, lorsqu’il considère que la règle inobservée protège un intérêt suffisamment important, le juge peut donc appliquer la sanction civile qu’est la nullité de l’acte juridique, malgré le silence du texte.

Il convient néanmoins de souligner qu’il est admis que la nullité est destinée à sanctionner une règle nécessaire à la validité même de l’acte juridique. Le nouvel article 117815 du code civil consacre d’ailleurs pleinement cette approche.

Ce rappel permet de souligner que tout acte imparfait n’est donc pas nécessairement sanctionné par la nullité.

Par ailleurs, il est classiquement distingué entre la nullité relative et la nullité absolue pour leur appliquer un régime distinct. On reviendra plus tard sur le critère « finaliste » qui permet de distinguer entre ces deux types de nullité, la nullité absolue sanctionnant en principe le non-respect de règles érigées dans un but d’intérêt général, la nullité relative sanctionnant des règles édictées pour protéger un intérêt particulier.

À ce stade, il importe seulement de souligner qu’à la différence de la nullité absolue, qui peut être invoquée par tout intéressé et qui exclut toute confirmation de l’acte concerné, la nullité relative ne peut être invoquée que par la personne protégée par la règle méconnue, laquelle dispose en revanche de la possibilité de confirmer l’acte nul.

Le droit de critiquer le non-respect d’une règle de validité de l’acte juridique dépend donc étroitement de la nature de la nullité.

Ces principes sont pleinement consacrés par le nouveau droit des contrats16.

ii) La nullité relative du mandat de droit commun

Les solutions jurisprudentielles

Le défaut ou le dépassement de pouvoirs du mandataire est une question classique qui renvoie également à celle de l’efficacité vis-à-vis des tiers des actes passés par un tel mandataire.

À l’égard des mandataires du droit commun, la jurisprudence de la première chambre retient le caractère relatif de la nullité depuis un arrêt du 2 novembre 200517. Selon cette jurisprudence constante, la nullité d’un acte juridique accompli par un mandataire dénué de pouvoir est relative et elle ne peut être demandée que par la partie représentée.

La première chambre a encore tout récemment, au visa de l’article 1984 du code civil, réaffirmé cette solution en cassant l’arrêt qui, à la demande de la locataire, a prononcé la nullité du bail conclu après le décès du gérant de la SCI bailleresse pour défaut de capacité de contracter de la SCI, en énonçant que « la nullité d’un contrat fondée sur l’absence de pouvoir du mandataire social, qui est relative, ne peut être demandée que par la partie représentée »18.

Par ailleurs, le vice de formation du mandat de droit commun étant sanctionné par la nullité relative, la ratification par le pseudo-représenté des actes passés par le mandataire dénué de pouvoir est toujours possible.

En outre, la théorie du mandat apparent permet de protéger les tiers de bonne foi, puisqu’à l’égard de ceux-ci, le pseudo-représenté est considéré comme engagé par les actes qu’ils ont cru légitiment conclure avec lui.

La réforme du droit des contrats

On observera que, sur cette question de la représentation irrégulière en droit commun, la réforme du droit des contrats apporte des précisions et affecte aussi certaines de ces solutions.

Il est considéré par les auteurs que les nouveaux articles 1153 à 1161 du code civil constituent une théorie générale de la représentation19. Ces dispositions ne devraient donc trouver à s’appliquer qu’à défaut de droit spécial ou en présence de lacune de ce dernier.

13 Ainsi par exemple en matière de droit du mariage ou de droit des sociétés, il n’y a pas de nullité sans texte.14 Sur ce point, voir notamment Sandrine Sana-Chaillé de Néré, Juris-Classeur code civil, fasc. 10, sous articles 1304 à 1314.15 Selon le nouvel article 1178 du code civil, « Un contrat qui ne remplit pas les conditions requises pour sa validité est nul […] ».16 Voir notamment les articles 1179 à 1182 nouveaux du code civil.17 1re Civ., 2 novembre 2005, pourvoi no 02-14.614, Bull. 2005, I, no 395 ; voir également 1re Civ., 9 juillet 2009, pourvoi no 08-15.413.18 1re Civ.,12 novembre 2015, pourvoi no 14-23.340, en cours de publication.19 Voir notamment Philippe Didier, « La représentation dans le nouveau droit des obligations », JCP 2016, édition générale, 580 ;

Guillaume Wicker, « Le nouveau droit commun de la représentation dans le code civil », D. 2016, p. 1942.

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15 juin 2017Arrêt publié intégralement

•Bulletin d’information

On retiendra juste qu’en matière de défaut ou de dépassement de pouvoir du mandataire, le nouvel article 1156 du code civil retient la sanction de l’inopposabilité au lieu de celle, actuelle, de la nullité relative, afin de cantonner la privation d’effets du contrat au représenté sans remettre en cause l’effet obligatoire de celui-ci. Seul le pseudo-représenté peut contester ou ratifier l’acte.

L’inopposabilité de l’acte peut être écartée par les tiers de bonne foi (reprise de la solution résultant de la théorie du mandat apparent). Ceux-ci peuvent également solliciter la nullité de l’acte, selon l’alinéa 2 de l’article 1156.

Le pseudo-représenté et le tiers contractant qui a commis une erreur sur les pouvoirs du représentant sont donc les deux seuls attributaires du droit de critiquer l’acte conclu par ce dernier. Cependant, la ratification de l’acte éteint ces deux sanctions (l’inopposabilité et la nullité réservée au tiers contractant de bonne foi).

b) La nullité absolue de tout mandat irrégulier de l’agent immobilier

En dehors de l’infraction pénale pour perception d’une rémunération en vertu d’un mandat irrégulier et de la nullité spécifique déjà évoquée pour le mandat « qui ne comporte pas une limitation de ses effets dans le temps », explicitement prévue par l’article 7 de la loi de 1970, le dispositif Hoguet n’est assorti d’aucune sanction explicite.

C’est donc la jurisprudence de la Cour qui a eu à préciser les conséquences résultant de l’irrégularité formelle du mandat de l’agent immobilier.

En ce qui concerne la formalité spécifique qui nous intéresse ici, tenant au report du numéro d’inscription au registre des mandats, la première chambre a, il y a déjà longtemps, d’emblée clairement affirmé qu’il s’agissait d’une règle de validité du mandat en retenant la sanction de la nullité pour refuser au professionnel son droit à commission ou indemnisation20.

De l’examen de l’ensemble des décisions de la Cour, il nous est apparu qu’à l’exception d’une décision de la première chambre de 198221, qui affirme que la formalité du double (article 78 du décret) est aussi une condition de validité même du mandat, il faut attendre une décision de 2003 pour voir retenir, sans ambiguïté, que l’ensemble du formalisme intrinsèque du mandat de l’agent immobilier est un formalisme ad validitatem.

Jusqu’alors, la plupart des décisions de la première chambre, peut-être en raison même du caractère limité de l’objet du contentieux alors élevé devant elle, ne renvoyaient dans leur formulation qu’à un formalisme destiné à faire « la preuve de l’existence et de l’étendue du mandat » de l’agent immobilier22.

Mais l’arrêt, non publié, du 25 février 2003 (pourvoi no 01-00.461) lève toute ambiguïté et, par sa formulation générale, emporte des conséquences claires au regard du régime du mandat irrégulier.

En effet, celui-ci énonce, au visa des articles 6 de la loi du 2 janvier 1970 et 72 du décret du 20 juillet 1972, que les mandats de l’agent immobilier doivent résulter d’un écrit, « lequel doit respecter les conditions de forme prescrites par le second de ces textes ; qu’à défaut, ces conventions sont nulles et que ces dispositions, qui sont d’ordre public, peuvent être invoquées par toute partie qui y a intérêt ».

Avec cet arrêt, il apparaît donc clairement que, pour la première chambre, le formalisme imposé au mandat de l’agent immobilier par la loi Hoguet n’a donc pas seulement une fonction probatoire, mais qu’il participe de la validité même de ce contrat, puisqu’il doit être sanctionné par la nullité.

Selon cette jurisprudence, le mandat confié au professionnel de l’immobilier devient ainsi un contrat solennel23.

En outre, la nullité retenue, implicitement, par cette décision est la nullité absolue, puisqu’il y est affirmé que la nullité du mandat peut être sollicitée par tout intéressé. On ne manquera cependant pas d’observer que, dans l’affaire concernée par cette décision, la Cour a censuré un arrêt qui avait dénié à l’assureur de l’agent immobilier ce droit de critiquer le non-respect du formalisme du mandat. Un tel assureur, assigné en l’espèce avec l’agent immobilier par le client de celui-ci en réparation de son préjudice, reste, nous semble-t-il, un tiers un peu particulier.

Enfin, le caractère général de la formulation utilisée par la Cour ne laisse pas place à une distinction au sein même du formalisme résultant du dispositif Hoguet, puisque, selon cet arrêt, ce sont toutes les conditions de forme édictées par l’article 72 du décret qui doivent être respectées à peine de nullité absolue.

Ce régime de la nullité absolue a d’ailleurs été ensuite retenu également par la première chambre pour la nullité édictée par l’article 7 de la loi pour le mandat dont les effets ne sont pas limités dans le temps, dans un arrêt publié de 200524.

c) L’anéantissement des actes accomplis en vertu du mandat irrégulier et le refus de la protection des tiers par le mandat apparent

La nullité absolue du mandat irrégulier, au-delà du rapport des parties à ce contrat, est susceptible d’avoir des conséquences pour les tiers, concernant les actes conclus ou accomplis par le mandataire, puisque celui-ci doit être considéré comme ayant agi sans pouvoir.

La nullité absolue du mandat confié au professionnel entraîne ainsi en principe l’anéantissement de tels actes.

20 1re Civ., 26 novembre 1996, pourvoi no 93-19.917, Bull. 1996, I, no 412 ; 1re Civ., 16 octobre 2001, pourvoi no 99-16.920, Bull. 2001, I, no 253 ; 1re Civ., 28 septembre 2016, pourvoi, no 15-19.313 (en cours de publication), qui affirme qu’à défaut de date certaine résultant de l’inaccomplissement de la formalité de l’enregistrement chronologique, le mandat est nul.

21 1re Civ., 5 mai 1982, pourvoi no 81-11.028, Bull. 1982, I, no 159.22 1re Civ., 20 janvier 1993, pourvoi no 91-10.894, Bull. 1993, I, no 25, qui censure la solution fondée sur un mandat tacite aux motifs que

« la preuve de l’existence et de l’étendue du mandat de gestion immobilière délivré à un professionnel ne peut être rapportée que par écrit » ; pour un autre exemple de la formulation toujours strictement identique, au visa des articles 1 et 6 de la loi de 1970 : 1re Civ., 20 décembre 2000, pourvoi no 98-17.689, Bull. 2000, I, no 339.

23 Au regard de la définition du contrat solennel codifiée dans le nouvel article 1109, alinéa 2, « Le contrat est solennel lorsque sa validité est subordonnée à des formes déterminées par la loi ».

24 1re Civ., 18 octobre 2005, pourvoi no 02-16.046, Bull. 2005, I, no 363.

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Bulletin d’informationArrêt publié intégralement

•15 juin 2017

C’est la solution qui résulte directement de l’arrêt de 2005 précédemment cité. En l’espèce, la Cour entérine la solution retenue par la cour d’appel selon laquelle la nullité absolue du mandat entraîne la nullité de l’acte de procédure litigieux (un commandement aux fins de constatation de l’acquisition de la clause résolutoire du bail) accompli par le mandataire irrégulier.

Par ailleurs, non seulement, comme le rappelle aussi ce même arrêt, la nullité absolue interdit, très classiquement, la possibilité de la part du mandant de toute confirmation de l’acte en cause, mais, depuis un arrêt du 31 janvier 200825, la première chambre a également refusé toute possibilité de faire jouer la théorie du mandat apparent au profit des tiers de bonne foi qui voudraient bénéficier des effets des actes conclus avec eux par le mandataire irrégulier.

Selon la théorie classique du mandat apparent, consacrée par l’arrêt de l’assemblée plénière du 13 décembre 1962, « le mandant peut être engagé sur le fondement d’un mandat apparent, même en l’absence d’une faute susceptible de lui être reprochée, si la croyance du tiers à l’étendue des pouvoirs du mandataire est légitime, ce caractère supposant que les circonstances autoriseraient le tiers à ne pas vérifier les limites exactes de ces pouvoirs ».

Le recours à cette théorie pour valider à l’égard des tiers les actes passés par un intermédiaire professionnel, dont le mandat ne respecte pas les prescriptions de la loi Hoguet, était ainsi admis par la jurisprudence de la Cour26, jusqu’à cet arrêt précité de 2008.

Par cet arrêt, la première chambre affirme désormais que « le mandat apparent ne peut tenir en échec ces règles impératives » tenant en particulier à l’obligation de mentionner par écrit dans le mandat son objet et l’autorisation expresse de s’engager pour une opération déterminée.

Dans l’affaire ayant donné lieu à ce revirement, on était donc à nouveau sur la question importante et délicate de l’étendue du pouvoir du mandataire, puisque le mandat dont disposait le professionnel était formellement un mandat de courtage n’autorisant pas la signature de la vente litigieuse, en l’absence de clause spéciale et expresse. La première chambre, encore récemment, a réaffirmé que « […] la preuve de l’existence et de l’étendue du mandat de gestion immobilière délivré à un professionnel ne peut être rapportée que par écrit ; que ni le mandat apparent ni la ratification de l’acte ne peuvent tenir en échec ces règles impératives »27.

Le fondement du revirement opéré par l’arrêt du 31 janvier 2008 semble reposer sur la crainte que l’admission, dans ce domaine, de la théorie du mandat apparent conduise à permettre de systématiquement écarter les exigences formelles du dispositif Hoguet, dès lors que, dans la plupart des situations, la consultation par les tiers du contenu du mandat du professionnel ne correspond pas aux usages28.

d) La conséquence mécanique : le caractère opérant du grief de la deuxième branche du moyen

C’est dans ce contexte jurisprudentiel qu’est intervenu l’arrêt de la troisième chambre civile du 8 avril 2009 (pourvoi no 07-21.610, Bull. 2009, III, no 80) se ralliant à cette conception rigoureuse de la sanction du mandat irrégulier, dans l’hypothèse d’une irrégularité du mandat, identique à celle de l’affaire soumise à cette chambre mixte, puisque tenant à un défaut d’enregistrement.

En revanche, dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt de 2009, la nullité du mandat était excipée par le propriétaire-mandant à l’encontre de son locataire, afin d’échapper à la réitération de la vente résultant de l’acceptation par ce dernier de l’offre de vente du bien qu’il occupait et qui lui avait été transmise par l’agent immobilier.

Or, pour conforter l’arrêt de la cour d’appel qui avait considéré que le propriétaire n’était pas engagé par l’offre formulée en son nom par l’agent immobilier, en raison de l’irrégularité du mandat tenant à ce défaut d’enregistrement, la troisième chambre reprend la formulation générale de la première chambre, en énonçant même encore de façon plus explicite que le mandat de l’agent immobilier doit respecter « […] les conditions de forme prescrites par l’article 72 du décret du 20 juillet 1972 à peine de nullité absolue, qui peut être invoquée par toute partie y ayant intérêt ».

Ne faut-il pas s’étonner de voir ici, d’une part, réaffirmée aussi explicitement la sanction du formalisme par la nullité absolue, alors que la titularité du droit de critiquer l’irrégularité du mandat n’était pas discutable, puisque la nullité était invoquée par le mandant ? D’autre part, cette unique motivation n’apporte pas de réponse explicite à la véritable question, pourtant centrale, qui était articulée par le moyen, selon lequel l’irrégularité du mandat ne doit affecter que « les seules relations entre le mandant et l’agent immobilier ». Certes, le moyen était ainsi maladroitement formulé ou insuffisamment précis.

On doit néanmoins se résoudre à admettre que cette décision de la troisième chambre intègre implicitement, mais nécessairement, la solution de la première chambre précédemment évoquée relative au refus du jeu de la théorie du mandat apparent.

Un auteur29 n’a d’ailleurs pas manqué de relever, à juste raison selon nous, que cet arrêt de 2009 de la troisième chambre consacrait « une extension sévère », à une simple irrégularité de forme du mandat, de la solution de la première chambre donnée par l’arrêt précité de 2008, qui portait quant à lui, comme nous l’avons déjà souligné, sur une question plus fondamentale d’étendue des pouvoirs résultant du mandat.

C’est à cet égard que l’on mesure mieux la sévérité de la décision de 2009 de la troisième chambre puisque l’irrégularité en cause est difficilement détectable, même au terme d’une vérification du mandat par le tiers qui est imposée à ce dernier par cette orientation jurisprudentielle.

25 1re Civ., 31 janvier 2008, pourvoi no 05-15.774, Bull. 2008, I, no 30.26 Comme cela résulte de 1re Civ., 6 janvier 1994, pourvoi no 91-22.117, Bull. 1994, I, no 1.27 1re Civ., 2 décembre 2015, pourvoi no 14-17.211 (en cours de publication).28 Voir à ce propos le rapport de Mme Gelbard-Le Dauphin dans l’affaire ayant donné lieu à ce revirement, p. 7.29 Éric Meiller, op. cité supra, note 12.

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15 juin 2017Arrêt publié intégralement

•Bulletin d’information

Au terme de cette analyse de la jurisprudence actuelle de la première et de la troisième chambre, on constate donc que la seconde branche du moyen est opérante si on lui applique cet acquis jurisprudentiel, dès lors qu’elle reproche à l’arrêt attaqué d’avoir validé un congé délivré par un agent immobilier dont l’irrégularité du mandat résulte de l’absence d’enregistrement de celui-ci.

Pourtant, pour notre part, il nous est apparu inadéquat de consacrer ainsi un droit de critique pour le locataire, susceptible de lui permettre d’anéantir le « congé pour vendre » dont il est destinataire, pour une irrégularité du mandat de l’agent immobilier tenant au défaut d’enregistrement de celui-ci.

B. - L’inadéquation de la solution actuelle

L’importance des arguments (1) formulés à l’appui de la remise en cause de la solution actuelle doit inciter à élaborer une réponse jurisprudentielle nouvelle (2).

1. - Les arguments

La critique de la solution actuelle peut se fonder à la fois sur des arguments juridiques et d’opportunité.

a) Une sanction inadaptée au regard de la finalité du formalisme inobservé

On perçoit bien que, dans cette affaire, le nœud de la difficulté se réduit en définitive à la question de savoir s’il est admissible, ou pas, de reconnaître au locataire, donc un tiers au contrat de mandat immobilier, le droit de critiquer la régularité formelle du mandat.

Or un tel droit de critique découle directement de la nature de la sanction à retenir dans une telle hypothèse.

Cela doit donc conduire à s’interroger sur la nature et la fonction de la prescription qui n’a pas été respectée, à savoir ici l’enregistrement du mandat dans le registre de l’agent immobilier.

i) Condition de validité ou de publicité du mandat immobilier ?

Dans l’article déjà cité (voir supra, note 12), M. Éric Meiller, non sans pertinence, va jusqu’à considérer que cette formalité de l’enregistrement du mandat serait postérieure à la formation même du contrat et qu’elle ne constituerait qu’une formalité extérieure dont l’inobservation ne devrait donc pas rendre le mandat nul, puisqu’elle ne serait pas une condition de formation de celui-ci.

Et il suggère ainsi, plutôt que la nullité, de ne retenir qu’une sanction financière à l’égard du professionnel (la perte de son droit à commission) qui n’a pas rempli cette formalité, dont l’accomplissement repose effectivement sur celui-ci et ne dépend que de lui seul.

Cet auteur estime que la formalité en cause exprime en réalité une défiance à l’égard du professionnel et qu’habituellement, dans une telle hypothèse, le législateur écarte l’anéantissement de l’acte pour ne retenir qu’une sanction pécuniaire.

Pour étayer sa thèse, cet auteur prend notamment l’exemple de l’obligation annuelle d’information de la caution mise à la charge du banquier (article L. 313-22 du code monétaire et financier).

Dans l’hypothèse où la Cour n’envisagerait pas d’aller aussi loin dans la remise en cause de sa jurisprudence, ancienne et constante, qui a fait de cette formalité une condition de validité du contrat de mandat, en fondant la perte du droit à commission de l’agent immobilier sur la nullité du mandat, elle ne pourra pas éluder une autre très sérieuse interrogation.

Cette interrogation est celle relative à la pertinence du type de nullité, jusqu’alors retenu par la jurisprudence, au regard de la finalité de la formalité omise.

ii) La nullité absolue n’est pas conforme à un formalisme par essence protecteur du mandant

La jurisprudence de la Cour a peut-être un peu trop hâtivement déduit la nullité absolue de l’affirmation du caractère d’ordre public du dispositif Hoguet, sans s’interroger véritablement sur la finalité de celui-ci, et encore moins en cherchant à distinguer entre ses différentes prescriptions.

On sait pourtant que la distinction entre nullité absolue et nullité relative n’est pas liée au caractère d’ordre public du dispositif méconnu30. La sanction de la loi d’ordre public n’est en effet pas nécessairement la nullité absolue. En réalité, les dispositions d’ordre public ne sont que celles auxquelles il n’est pas possible de déroger.

La jurisprudence consacre d’ailleurs cette analyse.

Ainsi, la troisième chambre considère par exemple que les règles d’ordre public relatives aux mentions obligatoires du contrat de construction de maison individuelle (article L. 231-2 du code de la construction) doivent être sanctionnées par la nullité relative31.

On sait en effet qu’il est distingué, dans l’ordre public, celui de direction, qui est au service de l’intérêt général, qui appelle la nullité absolue, et l’ordre public de protection, destiné à défendre un contractant souvent considéré comme plus faible, qui est sanctionné par la nullité relative.

Comme cela a déjà été indiqué, la ligne de partage entre les deux types de nullité s’appuie sur le fondement de la règle transgressée. Le départ entre ces deux catégories de nullité s’opère sur la base d’un critère finaliste.

Ainsi, la nullité relative sanctionne le non-respect de règles édictées pour protéger un intérêt particulier, la nullité absolue sanctionne la méconnaissance de règles édictées dans un but d’intérêt général.

30 Tous les auteurs s’accordent sur ce point ; voir notamment Yves Picod, « Nullité », Rep. civ. Dalloz, ou Sandrine Sana-Chaillé de Néré, Juris-Classeur, fasc. sous les articles 1304 à 1314 du code civil.

31 3e Civ., 6 juillet 2011, pourvoi no 10-23.438, Bull. 2011, III, no 123.

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Bulletin d’informationArrêt publié intégralement

•15 juin 2017

Dans un très récent article32, le professeur Mustapha Mekki souligne d’ailleurs que le législateur, à l’occasion de la réforme du droit des contrats, a consacré « la théorie du droit de critique » d’où découle la distinction entre nullité relative et nullité absolue. Plus exactement, écrit-il, « […] une théorie du droit de critique inspirée des travaux de Eugène Gaudemet et René Japiot mais moins pragmatique en ce qu’elle se contente de deux catégories d’intérêts et de deux types de nullité : l’intérêt général face à l’intérêt privé et la nullité absolue face à la nullité relative. La nullité est absolue lorsque la règle violée poursuit un intérêt général. Elle est relative lorsqu’elle a pour « seul objet » la sauvegarde d’un intérêt privé (article 1179 du code civil) […] Cette formule est néanmoins maladroite car toute règle par définition poursuit au moins en partie un but d’intérêt général […] ».

À notre sens, ce n’est donc pas tant les objectifs généraux postulés du dispositif législatif global qu’il faut scruter que la finalité spécifique de la règle méconnue qu’il faut apprécier in concreto, afin de déterminer la nature de la nullité applicable.

À cet égard, les objectifs que l’on peut identifier dans le dispositif Hoguet actuel, tel qu’issu des différentes modifications législatives, sont multiples : moraliser la profession des agents immobiliers, éviter les manœuvres des concurrents pour les professionnels eux-mêmes, protéger le client de l’agent immobilier, notamment contre les aléas du contrat verbal, lui permettre de mieux évaluer l’efficacité du professionnel… On le voit, de telles finalités relèvent pour certaines de l’intérêt général, pour d’autres de la protection d’intérêts privés.

Mais, pour revenir plus particulièrement aux prescriptions contenues dans l’article 72 du décret d’application de la loi Hoguet, il nous apparaît que la finalité dominante reste celle propre à un ordre public de protection, car la plupart d’entre elles ne participent que d’un souci de protection d’intérêts particuliers, ceux du mandant, voire ceux du tiers contractant.

Dès lors, l’affirmation générale de la jurisprudence que toutes les dispositions de cet article sont sanctionnées de la nullité absolue nous semble déjà inadaptée. En outre, la nullité absolue nous paraît, à l’évidence, inadaptée à la prescription litigieuse de l’alinéa 5, alors qu’il est difficilement soutenable que celle-ci est protectrice de l’intérêt général.

En effet, l’exigence du report du numéro d’enregistrement sur l’exemplaire du mandant permet de conférer une date certaine au mandat. Une telle exigence protège donc, à notre sens, essentiellement les intérêts du mandant, notamment lorsqu’il importe d’apprécier la durée du mandat, ou encore de déterminer son antériorité à une négociation engagée avec un tiers par le professionnel.

On peut aussi penser que cette formalité, qui est le corollaire de l’obligation pour le professionnel de tenir un registre chronologique de ses mandats, permet également aux clients d’avoir une vision exhaustive et fidèle de l’activité d’un professionnel pour apprécier l’opportunité de lui confier un mandat. Mais là encore, cela relève de la protection d’intérêts particuliers.

Et enfin, on peine à discerner, ici, en quoi la méconnaissance de cette formalité a pu faire défaut aux intérêts protégés du locataire, qui bénéficie par ailleurs d’un formalisme de protection spécifique et intrinsèque au « congé pour vendre ».

b) Les incohérences de la solution actuelle

On sait en effet que le « congé pour vendre » (article 15-II de la loi du 6 juillet 1989 modifiée) est un mécanisme encadré et assorti d’un formalisme spécifique pour garantir la protection du locataire.

La loi impose, à peine de nullité du congé, l’indication du motif, la mention du prix et des conditions de la vente ainsi que la reprise expresse de certains termes de la loi.

Le locataire destinataire d’un tel congé peut, comme cela a d’ailleurs été fait dans cette affaire, contester la forme du congé comme invoquer une fraude éventuelle du bailleur.

Néanmoins, la jurisprudence de la troisième chambre atténue la portée de la sanction de ce formalisme, en qualifiant le « congé pour vendre » d’« acte de procédure » et en lui appliquant le régime de la nullité de l’article 114 du code de procédure civile, qui requiert la preuve d’un grief33.

En outre, elle a toujours considéré que la nullité de ce congé était à la disposition du seul locataire et qu’elle ne pouvait pas être soulevée par le bailleur34.

À travers ce régime de sanction, on comprend que ce formalisme du « congé pour vendre » est envisagé essentiellement pour garantir l’exercice effectif du droit de préemption du locataire.

On mesure bien à travers cette affaire que l’éventuelle absence de certitude quant à la date du mandat liée à l’irrégularité litigieuse est sans conséquence sur celle du congé, puisque la date de délivrance du congé est établie incontestablement par son mode de notification (acte d’huissier ou lettre recommandée).

Est-il légitime et bienvenu d’admettre d’étendre au vice de forme affectant le mandat de l’agent immobilier la possibilité pour le locataire de contester la déchéance de son droit de se maintenir dans les lieux ?

On ne manquera pas de relever que la nullité absolue du mandat immobilier confère au locataire un droit de critiquer une quelconque méconnaissance du formalisme de ce contrat qui lui est pourtant extérieur, alors que le formalisme du « congé pour vendre », qui a été institué pour lui garantir une protection spécifique, ne pourra être sanctionné que de façon conditionnée en l’obligeant à rapporter la preuve d’un grief.

32 Mustapha Mekki, « La nullité, entre tradition et modernité », GP, 3 janvier 2017, no 1, doctrine, p. 21.33 3e Civ., 15 mai 2008, pourvoi no 07-10.243, Bull. 2008, III, no 83.34 3e Civ.,18 février 2009, pourvoi no 08-11.615, Bull. 2009, III, no 41 ; 3e Civ., 15 septembre 2010, pourvoi no 09-15.192, Bull. 2010, III,

no 154.

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15 juin 2017Arrêt publié intégralement

•Bulletin d’information

Non seulement la solution actuelle permet au locataire de « jouer » du cumul de deux formalismes, au seul motif que le congé ne lui a pas été adressé directement par son bailleur mais par le mandataire professionnel de celui-ci. Mais également, la conjugaison des deux formalismes fonctionne de façon paradoxale, puisque le jeu du formalisme du mandat qui n’est pas directement protecteur du locataire sera plus puissant et efficace que la protection « naturelle » de ce dernier, qui se fonde sur le formalisme du « congé pour vendre ».

Et faudrait-il admettre que le bailleur, normalement interdit du droit de critiquer le « congé pour vendre » lorsqu’il l’adresse directement à son locataire, retrouverait indirectement ce droit lorsqu’il serait adressé par un intermédiaire professionnel, en raison des conséquences absolues issues de la jurisprudence critiquée lui permettant d’invoquer toute irrégularité du mandat et de paralyser le jeu de tout mandat apparent ?

Ce serait pourtant à ce résultat choquant que pourrait conduire encore une application symétrique et mécanique des solutions actuelles, en permettant au bailleur d’invoquer la nullité du congé fondée sur une défaillance du mandat afin, pour des motifs inavouables, d’empêcher le locataire d’acquérir le bien loué. De telles inconséquences ne sont pas satisfaisantes ni opportunes.

c) Une réponse inopportune

La nullité absolue, conjuguée en outre avec le refus de la théorie du mandat apparent, ne cantonne pas, dans des limites raisonnables et admissibles, le droit de critiquer le non-respect du formalisme intrinsèque au mandat de l’agent immobilier.

Ne discriminant pas au sein de ce formalisme, conférant ce droit de critique à toute personne au bénéfice parfois d’intérêts étrangers à une protection véritablement légitime, fermant la possibilité de toute consolidation postérieure de l’imperfection du mandat, refusant toute protection aux tiers de bonne foi, les solutions actuelles débouchent sur des conséquences souvent inopportunes.

Au regard de l’imperfection en cause dans cette affaire, on constate que la solution actuelle fragilise inconsidérément le « congé pour vendre » délivré par un agent immobilier, pour une irrégularité du mandat qui reste difficile à prévenir, lorsqu’il est conclu à distance, comme cela semble être fréquent. Voire même, pourquoi pas, pour une irrégularité artificiellement « construite » par le mandant, puisqu’il pourrait lui suffire ainsi de soutenir faussement que la copie du mandat ne lui a pas été remise…

Dans cette affaire, on constate que la jurisprudence actuelle surajouterait une protection à celle déjà existante du locataire et qui irait à rebours des objectifs affirmés du législateur lors de ses dernières interventions en la matière : la recherche d’une volonté d’équilibrer la protection du locataire tout en ne décourageant pas l’investissement dans le secteur immobilier.

Tel est l’objectif clairement affiché par la loi dite Macron, qui a notamment apporté quelques retouches en matière de bail d’habitation. Selon cette loi, un niveau élevé de protection du locataire doit aussi concilier la sécurité juridique et l’efficacité économique35. La solution actuelle trahit cet équilibre affirmé et voulu, en la matière, par le législateur.

2. - Vers quelle solution ?

Pour répondre directement au grief du pourvoi, la Cour, si elle partage notre analyse, pourrait d’abord, par l’abandon de la formulation globale de la jurisprudence actuelle, envisager de discriminer au sein même du formalisme de l’article 72 du décret, en énonçant une solution propre à la formalité litigieuse de son alinéa 5, relative au report du numéro d’enregistrement du mandat.

Ensuite, la Cour devrait examiner attentivement la perspective plus radicale, mais non dénuée de fondement, de ne plus considérer cette formalité comme une condition de validité du mandat immobilier, et donc d’écarter la sanction de la nullité en cas d’inobservation de celle-ci.

Cela implique de retenir un nouveau type de sanction assurant néanmoins un maintien des conséquences de la jurisprudence actuelle relatives à la perte du droit à commission et à l’absence de date certaine du mandat.

À défaut, la Cour pourrait adopter une « solution minimaliste » consistant à retenir que la méconnaissance de l’alinéa 5 de l’article 72 est sanctionnée par une nullité relative, ne pouvant être invoquée que par le mandant.

Au-delà de la solution apportée dans cette affaire particulière, toute solution nouvelle affectera un équilibre général.

Ainsi, si le tiers au contrat de mandat immobilier ne peut plus soulever la violation de cette formalité, cela suppose à l’avenir de ne pas renoncer à protéger le tiers de bonne foi contre les conséquences d’un anéantissement du mandat provoqué par le seul mandant, en permettant de sauvegarder les actes passés en son nom grâce à une réadmission du jeu de la théorie du mandat apparent.

Pour l’ensemble de ces raisons et sous le bénéfice de ces observations, je conclus au rejet du pourvoi.

35 Voir supra, note 1.

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Bulletin d’informationQuestion prioritaire de constitutionnalité

•15 juin 2017

II. - ARRÊTS DES CHAMBRES STATUANT EN MATIÈRE DE QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ

No 741

Question prioritaire de constitutionnalitéBaux commerciaux.  - Code de commerce.  - Article L. 145-34. - Droit de propriété. - Article 1 du Protocole additionnel no 1 de la Convention européenne des droits de l’homme. - Question identique posée à l’occasion d’une même instance. - Irrecevabilité.

Vu l’article  23-1, alinéa  2, de l’ordonnance no  58-1067 du 7  novembre  1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, modifiée par la loi organique no 2009-1523 du 10 décembre 2009 ;

Attendu que, saisi par la société France Loisirs, locataire, d’une demande de fixation du loyer en application de la règle du plafonnement prévue par l’article  L.  145-34 du code de commerce, le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Dieppe a transmis, par un jugement du 27 juillet 2016, une question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée :

« L’article L. 145-34 du code de commerce issu de la loi no 2014-626 du 18 juin 2014 porte-t-il atteinte aux droits et libertés garantis par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et l’article 1 du Protocole additionnel no 1 de la Convention européenne des droits de l’homme ? » ;

Que, par arrêt du 3 novembre 2016 (QPC no 16-40.239), la Cour de cassation a déclaré la question irrecevable ;

Attendu que, par jugement du 15 décembre 2016, le juge des loyers commerciaux a rectifié l’erreur affectant la date de son précédent jugement et a ordonné de nouveau la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité ;

Attendu que, sous le couvert d’une décision rectificative, la Cour de cassation ne peut être saisie de la question prioritaire de constitutionnalité sur laquelle elle a déjà statué ;

Que la question est irrecevable ;

Par ces motifs :

DÉCLARE IRRECEVABLE la quest ion pr ior i ta i re de constitutionnalité.

3e Civ. - 9 février 2017. IRRECEVABILITÉ

No 16-40.252. - TGI Dieppe, 15 décembre 2016.

M. Chauvin, Pt. - Mme Corbel, Rap. - M. Bailly, Av.

Note sous 3e Civ., 9 février 2017, QPC, no 741 ci-dessus, et 3 novembre 2016, BICC no 859, du 1er avril 2017, rubrique

« arrêts des chambres statuant en matière de question prioritaire de constitutionnalité », no 326

La troisième chambre civile a été saisie, à deux reprises, par un juge des loyers commerciaux de la même question prioritaire de constitutionnalité.

Des irrégularités affectant chacune des procédures ont conduit aux deux décisions d’irrecevabilité présentement commentées.

La première fois, il a été constaté que, devant le juge des loyers commerciaux, l’affaire avait été communiquée au ministère public le 5 août 2016, soit postérieurement au jugement, qui était daté du 27 juillet 2016.

La question prioritaire de constitutionnalité a été déclarée irrecevable par un arrêt du 3 novembre 2016 (QPC no 16-40.239) pour ne pas avoir respecté la prescription de l’article  23-1, alinéa 2, de l’ordonnance no 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, modifiée par la loi organique no 2009-1523 du 10 décembre 2009, qui impose que, devant les juridictions relevant de la Cour de cassation, lorsque le ministère public n’est pas partie à l’instance, l’affaire lui est communiquée dès que le moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est soulevé, afin qu’il puisse faire connaître son avis.

Cette formalité, d’ordre public, n’est remplie que si l’affaire est communiquée au ministère public « dès que » le juge est saisi de la question, c’est-à-dire sans délai, donc sans attendre l’audience des débats, afin que le ministère public soit mis en mesure de donner son avis et que celui-ci puisse être porté à la connaissance des parties. Elle ne peut donc être considérée comme satisfaite lorsque la communication n’a lieu qu’au cours du délibéré, encore moins sans que les parties ne soient informées de la teneur de l’avis.

Par jugement du 15  décembre  2016, le juge des loyers commerciaux a non seulement rectifié l’erreur matérielle affectant la date de son premier jugement en disant qu’il s’agissait du 5 août 2016, mais statué, de nouveau, sur la même la question prioritaire de constitutionnalité dont il a ordonné sa transmission, sans avoir été saisi à cette fin par une partie.

Force est de constater que la rectification matérielle, qui inversait la chronologie entre l’avis du ministère public et le jugement, n’était pas de nature à modifier l’appréciation de la régularité de la procédure dans la mesure où, s’il apparaissait que le juge n’avait pas statué avant d’avoir eu l’avis, celui-ci avait été sollicité et donné en cours de délibéré, le jour même où le jugement avait été rendu.

Mais surtout, c’est la saisine de la Cour de cassation qui était cette fois-ci irrégulière. Ayant déjà été statué sur la question prioritaire

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15 juin 2017Question prioritaire de constitutionnalité

•Bulletin d’information

de constitutionnalité, le juge des loyers commerciaux ne pouvait pas, sous le couvert d’une décision rectificative, faire « revivre » cette question et la transmettre une seconde fois.

No 742

Question prioritaire de constitutionnalitéLicenciement.  - Code du travail.  - Article L. 1243-4.  - Principe de nécessité et de personnalité de la peine. - Principe d’égalité devant la loi.  - Principe de liberté contractuelle.  - Principe de liberté d’entreprendre.  - Applicabilité au litige. - Caractère sérieux. - Défaut. - Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel.

Attendu que la question transmise est ainsi rédigée :

« Les dispositions de l’article L. 1243-4 du code du travail portent-elles atteinte aux principes constitutionnels de nécessité et de personnalité de la peine, d’égalité, de liberté contractuelle et de liberté d’entreprendre ? ».

Attendu que la disposition contestée est applicable au litige, lequel se rapporte à la sanction de la rupture anticipée par l’employeur d’un contrat de travail à durée déterminée, hors les cas de rupture prévus par la loi ;

Qu’elle n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel ;

Que la question, ne portant pas sur l’interprétation d’une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n’aurait pas encore eu l’occasion de faire application, n’est pas nouvelle ;

Et attendu que cette question ne présente pas un caractère sérieux en ce que la fixation de l’indemnité destinée à réparer les conséquences de la rupture injustifiée d’un contrat de travail à durée déterminée ne constitue pas une sanction ayant le caractère d’une punition au sens de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et en ce que le salarié et l’employeur n’étant pas placés dans la même situation au regard des conséquences indemnitaires de la rupture du contrat à durée déterminée, le législateur pouvait régler de façon différente des situations différentes en adoptant les dispositions litigieuses, qui ne portent aucune atteinte disproportionnée à la liberté contractuelle et à la liberté d’entreprendre ;

D’où il suit qu’il n’y a pas lieu de renvoyer la question au Conseil constitutionnel ;

Par ces motifs :

DIT N’Y AVOIR LIEU À RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité.

Soc. - 8 février 2017. NON-LIEU À RENVOI AU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

No 16-40.246. - CPH Lille, 4 novembre 2016.

M. Frouin, Pt. - M. Schamber, Rap. - Mme Courcol-Bouchard, P. Av. Gén. - SCP Gatineau et Fattaccini, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la revue Dr. soc. 2017, p. 272, note Jean Mouly. Voir également la Rev. dr. tr., mars 2017, Chron., p. 198, note Sébastien Tournaux.

No 743

Question prioritaire de constitutionnalitéObligations et contrats civils. - Code de la construction et de l’habitation.  - Article L. 442-6.  - Loi no 48-1360 du 1er septembre 1948. - Articles 63 et 68. - Interprétation

jurisprudentielle constante. - Principe d’égalité devant la loi. - Caractère sérieux. - Défaut. - Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel.

Attendu qu’à l’occasion d’une instance en répétition de charges indûment versées, l’association L’Amicale des locataires et 47 locataires au sein d’un immeuble soumis à la législation sur les habitations à loyer modéré appartenant à la société Immobilière 3 F ont posé les questions prioritaires de constitutionnalité ainsi rédigées :

« Les articles 63 et 68 de la loi no 48-1360 du 1er septembre 1948 portant modification et codification de la législation relative aux rapports des bailleurs et locataires ou occupants de locaux d’habitation ou à usage professionnel et instituant des allocations de logement, subsidiairement leur interprétation par la jurisprudence constante de la Cour de cassation, méconnaissaient-ils, jusqu’à l’entrée en vigueur de l’article 7-1 de la loi no 89-462 du 6 juillet 1989, le principe d’égalité devant la loi tel que garanti par les articles 1 et 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ainsi que par l’article 1 de la Constitution de 1958, en ce qu’il résulte de la combinaison des articles 63 et 68 de la loi du 1er septembre 1948 que les actions en répétition de charges locatives perçues par le bailleur au titre d’un bail relevant de la loi du 1er septembre 1948 sont soumises à la prescription abrégée de trois ans et non à la prescription trentenaire puis quinquennale qui se sont appliquées successivement à de telles actions, jusqu’à l’entrée en vigueur de l’article 7-1 de la loi no 89-462 du 6 juillet 1989, lorsque ces actions étaient exercées dans le cadre d’un bail conclu sous l’empire de la loi du 6 juillet 1989 ? » ;

« L’article L. 442-6 du code de la construction et de l’habitation, que ce soit dans sa rédaction issue de la loi no 2000-1208 du 13 décembre 2000 ou dans celle issue de l’ordonnance no 2005-1566 du 15 décembre 2005 ou encore dans celle issue de la loi no 2006-872 du 13 juillet 2006, et les articles 63 et 68 de la loi no  48-1360 du  1er  septembre  1948, subsidiairement leur interprétation par la jurisprudence constante de la Cour de cassation, méconnaissaient-ils, jusqu’à l’entrée en vigueur de l’article 7-1 de la loi no 89-462 du 6 juillet 1989, le principe d’égalité devant la loi tel que garanti par les articles 1 et 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ainsi que par l’article 1 de la Constitution de 1958, en ce qu’il résulte de la combinaison des articles L. 442-6 du code la construction et de l’habitation et 63 et 68 de la loi du 1er septembre 1948 que les actions en répétition de charges locatives perçues par le bailleur au titre d’une habitation à loyer modéré sont soumises à la prescription abrégée de trois ans et non à la prescription trentenaire puis quinquennale qui se sont successivement appliquées à de telles actions, jusqu’à l’entrée en vigueur de l’article 7-1 de la loi no 89-462 du 6 juillet 1989, lorsque ces actions étaient exercées dans le cadre d’un bail conclu sous l’empire de la loi du 6 juillet 1989 ? » ;

Attendu que les dispositions contestées sont applicables au litige au sens de l’article  23-2 de l’ordonnance no  58-1067 du 7  novembre  1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Qu’elles n’ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel ;

Mais attendu que les questions, ne portant pas sur l’interprétation d’une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n’aurait pas encore eu l’occasion de faire application, ne sont pas nouvelles ;

Et attendu que les questions posées ne présentent pas un caractère sérieux dès lors, d’une part, que les articles 63 et 68 de la loi du 1er septembre 1948 et L. 442-6 du code de la construction et de l’habitation n’opèrent aucune discrimination entre les locataires de logements entrant dans leur champ d’application respectif, d’autre part, que le principe d’égalité ne fait pas obstacle à ce que la loi établisse des règles non identiques

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34•

Bulletin d’informationQuestion prioritaire de constitutionnalité

•15 juin 2017

à l’égard de catégories de personnes se trouvant dans des situations différentes, de sorte que ne constitue pas une atteinte au principe d’égalité devant la loi le fait qu’à des baux soumis à des régimes juridiques différents pour des raisons objectives tenant, notamment, à la date de construction de l’immeuble ou aux conditions d’attribution des logements, ne soient pas appliquées des règles identiques ;

D’où il suit qu’il n’y a pas lieu de les renvoyer au Conseil constitutionnel ;

Par ces motifs :

DIT N’Y AVOIR LIEU À RENVOYER au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité.

3e Civ. - 9 février 2017. NON-LIEU À RENVOI AU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

No 16-22.445. - CA Paris, 16 mai 2013 et 14 avril 2016.

M. Chauvin, Pt. - M. Parneix, Rap. - M. Bailly, Av. Gén. - SCP Didier et Pinet, SCP Foussard et Froger, Av.

No 744

Question prioritaire de constitutionnalitéUrbanisme. - Code de l’urbanisme. - Article L. 442-9. - Principe d’égalité devant la loi. - Inapplicabilité au litige. - Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel.

Attendu qu’un arrêt irrévocable a assorti d’astreintes au profit du syndicat des copropriétaires de l’immeuble Californie Favorite (le syndicat), coloti, les condamnations prononcées contre la société civile d’attribution La Favorite (la société La Favorite) d’avoir à déposer un permis de construire permettant la mise en conformité de son immeuble et à démolir un mur de soutènement et une

pergola réalisés sur une zone non aedificandi de son lot de lotissement ; que le syndicat a assigné la société La Favorite en liquidation des astreintes ;

Attendu qu’à l’occasion du pourvoi formé contre l’arrêt ayant liquidé les astreintes pour la période comprise entre le 1er juin 2013 et le 31 mars 2014, la société La Favorite demande, par mémoire spécial et distinct, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité suivante :

« L’article L. 442-9 du code de l’urbanisme, en ce qu’il exclut les clauses contractuelles des cahiers des charges approuvés de la caducité frappant les clauses réglementaires, soit à l’expiration d’un délai de dix ans à compter de la délivrance de l’autorisation de lotir, soit à compter de l’entrée en vigueur de la loi du 24 mars 2014, méconnaît-il le principe constitutionnel d’égalité procédant de l’article 1 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et du préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 ? » ;

Mais attendu que la disposition contestée n’est pas applicable au litige, lequel concerne la seule liquidation d’une astreinte que le juge de l’exécution peut seulement liquider ou modérer, sans remettre en cause le principe de l’obligation ;

D’où il suit qu’il n’y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;

Par ces motifs :

DIT N’Y AVOIR LIEU À RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité.

3e Civ. - 2 février 2017. NON-LIEU À RENVOI AU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

No 16-21.262. - CA Aix-en-Provence, 27 mai 2016.

M. Chauvin, Pt. - M. Maunand, Rap. - M. Charpenel, P. Av. Gén. - SCP Thouin-Palat et Boucard, Me Haas, Av.

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15 juin 2017Arrêts des chambres

•Bulletin d’information

III. - TITRES ET SOMMAIRES D’ARRÊTS

ARRÊTS DES CHAMBRES

No 745

Action civilePartie civile. - Constitution. - Constitution à l’instruction. - Consignation. - Montant. - Personne morale. - Personne morale à but non lucratif. - Détermination. - Modalités. - Pouvoirs du juge.

L’obligation faite à la partie civile de verser, sauf admission au bénéfice de l’aide juridictionnelle ou décision de dispense, une consignation fixée en fonction de ses ressources s’applique à toute personne, physique ou morale.

Si les personnes morales à but non lucratif ne sont pas soumises à l’obligation de joindre à leur plainte leur bilan et compte de résultat, pour vérifier leurs ressources et fonder leur décision les juges peuvent les inviter à produire toutes pièces, notamment ces pièces comptables.

La finalité de la consignation, énoncée à l’article 88-1 du code de procédure pénale, à savoir l’éventualité du prononcé d’une amende civile, justifie que les juges prennent en compte également le contenu de la plainte et tous autres éléments versés au dossier.

Crim. - 1er février 2017. REJET

No 16-81.852. - CA Paris, 25 février 2016.

M. Guérin, Pt. - M. Larmanjat, Rap. - M. Lagauche, Av. Gén. - SCP Piwnica et Molinié, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la revue Dr. pénal 2017, comm. 47, note Albert Maron et Marion Haas. Voir également le JCP 2017, éd. G, chron. 355, spéc. no 19, note Jean-Baptiste Perrier.

No 746

Appel correctionnel ou de policeProcédure devant la cour.  - Demande d’actes.  - Application. - Conditions. - Détermination.

Lorsque les poursuites devant le tribunal correctionnel ont été engagées par voie de citation ou de convocation en justice, la procédure de demande d’actes prévue par l’article 388-5 du code de procédure pénale est applicable devant la chambre des appels correctionnels, conformément à l’article 512 du même code.

Crim. - 8 février 2017. REJET

No 16-80.057. - CA Lyon, 14 décembre 2015.

M. Guérin, Pt. - Mme Caron, Rap. - M. Wallon, Av. Gén. - SCP Boutet et Hourdeaux, Av.

No 747

ArbitrageArbitrage international. - Convention d’arbitrage. - Effets. - Honoraires. - Obligation solidaire des parties au paiement. - Loi étatique. - Absence d’influence.

En matière d’arbitrage international, le juge étatique saisi d’un litige relatif à la rémunération des arbitres n’a pas à se référer à une quelconque loi étatique, la nature solidaire de l’obligation des parties au paiement des honoraires des arbitres résultant du contrat d’arbitre.

1re Civ. - 1er février 2017. REJET

No 15-25.687. - CA Paris, 30 juin 2015.

Mme Batut, Pt. - M. Matet, Rap. - M. Sassoust, Av. Gén. - SCP Hémery et Thomas-Raquin, SCP Ortscheidt, Av.

Un commentaire de cette décision est paru au JCP  2017, éd.  G, II, 339, note Sylvain Bollée. Voir également la revue Procédures 2017, comm. 68, note Laura Weiller.

No 748

Architecte entrepreneurRéception de l’ouvrage. - Réception partielle. - Exclusion. - Cas. - Réception à l’intérieur d’un même lot.

Il ne peut y avoir réception partielle à l’intérieur d’un même lot.

3e Civ. - 2 février 2017. REJET

No 14-19.279. - CA Paris, 26 mars 2014.

M. Chauvin, Pt. - M. Pronier, Rap. - M. Charpenel, P. Av. Gén. - SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Boulloche, SCP Sevaux et Mathonnet, SCP Waquet, Farge et Hazan, SCP Capron, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la RGDA 2017, p. 129, note Pascal Dessuet.

Note sous 3e Civ., 2 février 2017, no 748 ci-dessus

La réception est l’acte par lequel le maître de l’ouvrage déclare accepter l’ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l’amiable, soit, à défaut, judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement (article 1792-6 du code civil).

Après avoir jugé (3e Civ., 12 juillet 1989, pourvoi no 88-10.037, Bull. 1989, III, no 161) que viole l’article 1792-6 du code civil, en

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Bulletin d’informationArrêts des chambres

•15 juin 2017

ajoutant une condition qu’il ne comporte pas, la cour d’appel qui, pour rejeter la demande d’un maître de l’ouvrage en réparation de malfaçons fondée sur la garantie décennale, retient que la construction de l’immeuble n’est pas terminée et que la réception ne peut intervenir que lorsque l’ouvrage est achevé, la Cour de cassation en a déduit, d’une part, que l’achèvement de l’ouvrage n’était pas une des conditions nécessaires de la réception (3e Civ., 9 octobre 1991, pourvoi no 90-14.739, Bull. 1991, III, no 230 ; 3e Civ., 11 février 1998, pourvoi no 96-13.142, Bull. 1998, III, no 28), d’autre part, que la réception partielle par lots n’était pas prohibée par la loi (3e Civ., 21 juin 2011, pourvoi no 10-20.216).

Restait à définir l’objet de la réception partielle, l’immeuble, les tranches de travaux, les lots, les parties de lots.

Dans l’espèce commentée, la construction était prévue par lots séparés.

Un procès-verbal de réception des lots menuiseries extérieures et fermetures avait été produit. Ce document comportait la mention « non réceptionné » en face de plusieurs postes.

Après avoir relevé qu’un refus de réception d’un lot ne pouvait être partiel, la cour d’appel en avait déduit que le refus exprès de certains postes entraînait une absence de réception de ces lots.

La question posée par la première branche du moyen était celle de savoir s’il pouvait y avoir réception partielle à l’intérieur d’un même lot.

L’auteur du pourvoi se fondait sur le principe selon lequel, là où la loi ne distingue pas, il n’y a pas lieu de distinguer et précisait que « l’article 1792-6, alinéa 1, du code civil, dès lors, d’une part, qu’il ne donne aucune précision et, d’autre part, qu’il est considéré comme autorisant la réception par lot, par tranche de travaux ou par bâtiment, autorise nécessairement les parties à l’opération de construction à procéder à une réception partielle à l’intérieur d’un même lot ».

Cette analyse ne pouvait prospérer pour plusieurs raisons.

La réception marquant l’exécution des travaux commandés (3e Civ., 9 décembre 1998, pourvoi no 96-20.588) et, donc, à la fois, la fin des contrats d’entreprise et le transfert des risques et de la garde, une réception partielle d’un même marché ou d’un même lot n’est pas envisageable, à moins que le marché puisse être scindé en un ensemble cohérent (immeuble ou tranche de travaux).

La jurisprudence selon laquelle l’article 1792-6 du code civil ne prohibe pas la réception partielle par lot est cantonnée à des parties de l’ouvrage formant des « tout cohérents », qu’il s’agisse de lots contractuels prédéfinis, de tranches de travaux ou de bâtiments ; un tel cantonnement est d’autant plus fondé en raison des effets de la réception, qui déterminent tout à la fois le point de départ de certaines prescriptions et le régime des responsabilités qui peuvent être mises en œuvre et ne sauraient souffrir quelque incertitude.

La réception, qu’elle soit tacite ou expresse, manifeste la volonté non équivoque du maître de l’ouvrage de recevoir l’ouvrage ou le lot en cause. Or, le maître de l’ouvrage ne peut, sans se contredire, accepter tout à la fois la réception des travaux relevant d’un lot considéré et refuser, dans le même temps, une partie de ces travaux. S’il lui est loisible d’assortir la réception de réserves, elle doit être envisagée pour chaque lot, de façon globale et définitive.

La gestion des points de départ des différents délais de garantie deviendrait, si on descendait plus avant dans le détail des éléments constitutifs de l’ouvrage, impossible et sujette à d’infinies contestations.

L’arrêt ici commenté tranche très nettement la difficulté en retenant expressément qu’il ne peut y avoir réception partielle à l’intérieur d’un même lot.

Il s’ensuit que le lot est l’ensemble cohérent de travaux en deçà duquel aucune réception partielle n’est possible. En revanche, il

peut, bien évidemment, y avoir réception de tranches de travaux au-delà de cette entité minimale, par exemple par bâtiment en cas de construction de plusieurs immeubles.

No 749

Architecte entrepreneurResponsabilité.  - Responsabilité à l’égard du maître de l’ouvrage.  - Obligation de résultat.  - Domaine d’application. - Étendue. - Détermination.

Lorsque des désordres sont réservés à la réception, l’obligation de résultat de l’entrepreneur persiste jusqu’à la levée des réserves.

3e Civ. - 2 février 2017. CASSATION PARTIELLE

No 15-29.420. - CA Paris, 30 octobre 2015.

M. Chauvin, Pt. - M. Nivôse, Rap. - M. Charpenel, P. Av. Gén. - SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la RD imm. 2017, p. 196, note Philippe Malinvaud.

No 750

AssociationStatuts. - Modification. - Augmentation des engagements des associés. - Unanimité. - Nécessité.

Il résulte de l’article  1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016, et de l’article 1 de la loi du 1er  juillet 1901 que, dans le silence des statuts d’une association, seules les modifications statutaires ayant pour effet d’augmenter les engagements des associés doivent être adoptées à l’unanimité.

Viole ces textes la cour d’appel qui annule la délibération d’une association refusant l’admission de sociétaires pour une nouvelle saison de chasse. La modification des statuts de l’association, décidée à la majorité des membres présents de l’assemblée générale, rendant renouvelable chaque année l’admission des sociétaires, n’avait pas eu pour effet d’augmenter les engagements des associés.

1re Civ. - 1er février 2017. CASSATION

No 16-11.979. - CA Montpellier, 10 novembre 2015.

Mme Batut, Pt. - M. Vigneau, Rap. - M. Sassoust, Av. Gén. - SCP de Chaisemartin et Courjon, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la RLDAff. 2017, no 6148. Voir également le D. 2017, p. 743, note Dorothée Gallois-Cochet.

No 751

Assurance (règles générales)Action de la victime. - Opposabilité des exceptions par l’assureur. - Conditions. - Avis à la victime et au fonds de garantie. - Domaine d’application. - Action récursoire entre assureurs de conducteurs impliqués dans le même accident.

Les formalités prescrites par l’article R.  421-5 du code des assurances n’ont pour objet que d’informer le fonds de garantie et la victime qui demande réparation ou ses ayants droit de ce qu’il est susceptible d’indemniser ceux-ci en application de l’article L. 421-1 du même code.

Dès lors, une cour d’appel, statuant en matière de référé, qui constate que l’assureur de l’un des véhicules impliqués a

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15 juin 2017Arrêts des chambres

•Bulletin d’information

informé concomitamment le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) et la victime dont l’indemnisation est en cause par lettres recommandées avec demande d’avis de réception de ce qu’il ne prendrait pas en charge les conséquences de l’accident en raison de la résiliation du contrat antérieurement à celui-ci, ce dont il résultait que le formalisme prévu à l’article R. 421-5 du code des assurances avait été respecté tant à l’égard du FGAO que de la victime qui demandait réparation, en déduit exactement, sans avoir à rechercher si le refus de prise en charge a été notifié à d’autres victimes, qu’il n’est pas sérieusement contestable que la cause de non-garantie invoquée est opposable à l’assureur d’un autre véhicule impliqué.

2e Civ. - 2 février 2017. REJET

No 15-26.518. - CA Orléans, 7 septembre 2015.

Mme Flise, Pt. - Mme Touati, Rap. - M. Grignon Dumoulin, Av. Gén. - Me Le Prado, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, Av.

No 752

Assurance (règles générales)Garantie. - Limitation. - Inopposabilité. - Renonciation de l’assuré. - Nature. - Détermination. - Portée.

La renonciation à un droit est un acte unilatéral qui n’exige pas l’existence de concessions réciproques.

Dès lors, un assuré ayant accepté une proposition d’indemnisation de son assureur au terme d’une « lettre d’acceptation » et d’une quittance subrogeant ce dernier dans ses droits, viole l’article 1234 ancien du code civil la cour d’appel qui décide que cet assureur ne peut invoquer une renonciation de son assuré à se prévaloir à son égard de l’inopposabilité d’une clause de limitation de garantie, au motif que ces actes, qui ne prévoient aucune concession de sa part, ne constituent pas une transaction et n’entraînent donc pas renonciation de l’assuré à toute contestation ultérieure relative au paiement d’une indemnité supplémentaire.

2e Civ. - 2 février 2017. CASSATION

No 16-13.521. - CA Nancy, 11 janvier 2016.

Mme  Flise, Pt.  - M.  Besson, Rap.  - M.  Lavigne, Av. Gén.  - Me  Le  Prado, SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la RGDA 2017, p. 172 et 175, note Anne Pélissier.

No 753

Assurance (règles générales)Police.  - Résiliation.  - Résiliation par l’assuré.  - Article L. 113-15-2 du code des assurances. - Application dans le temps. - Détermination.

Les dispositions de l’article L. 113-15-2 du code des assurances, issues de la loi no 2014-344 du 17 mars 2014, ne s’appliquent, selon l’article 61, II, de cette même loi, qu’aux contrats conclus ou tacitement reconduits à compter du 1er janvier 2015, lendemain de la publication du décret no 2014-1685 du 29 décembre 2014 précisant les modalités et conditions de leur application.

Encourt dès lors la cassation le jugement qui fait application de ces dispositions à un contrat conclu ou tacitement reconduit avant le 1er janvier 2015.

2e Civ. - 2 février 2017. CASSATION

No 16-12.997. - Juridiction de proximité de Bourges, 28 juillet 2015.

Mme Flise, Pt. - M. Boiffin, Rap. - M. Lavigne, Av. Gén. - SCP Boullez, SCP Rousseau et Tapie, Av.

Un commentaire de cette décision est paru au JCP 2017, éd. G, II, 338, note David Noguéro.

No 754

Assurance (règles générales)Risque. - Survenance. - Clause stipulant la cessation de la garantie en cas de résiliation du contrat.  - Licéité.  - Conditions. - Détermination. - Portée.

Viole l’article 1131 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, une cour d’appel qui décide que doivent être réputées non écrites des clauses d’un contrat d’assurance souscrit par un professionnel de l’immobilier pour le compte de propriétaires bailleurs afin de garantir le risque d’impayés locatifs, aux motifs que ces stipulations, prévoyant que la prise en charge des loyers cessera en cas de résiliation du contrat, créent un avantage illicite au profit du seul assureur ayant perçu les primes sans contrepartie, que le fait générateur du sinistre est intervenu pendant la période de validité de la garantie et que le versement des primes pour la période qui se situe entre la prise d’effet du contrat et son expiration a pour contrepartie la garantie des dommages qui trouvent leur origine dans un fait qui s’est produit durant cette période, alors qu’il résultait de ses propres constatations, d’une part, que l’obligation faite aux assurés de payer les primes avait pour contrepartie l’obligation faite à l’assureur d’indemniser les assurés des pertes locatives subies antérieurement à la résiliation du contrat ainsi que, postérieurement à celle-ci, de prendre en charge la totalité des frais de procédure et d’assurer le suivi de la procédure jusqu’à son terme lorsque les conditions du contrat sont remplies, et, d’autre part, que les pertes pécuniaires liées aux défaillances postérieures à la résiliation ne trouvaient pas leur origine dans les impayés survenus pendant la période de validité du contrat (arrêt no 1, pourvoi no 15-28.011 et arrêt no 2, pourvoi no 16-10.165).

Arrêt no 1 :

2e Civ. - 2 février 2017. CASSATION PARTIELLE

No 15-28.011. - CA Versailles, 29 septembre 2015.

Mme Flise, Pt. - Mme Gelbard-Le Dauphin, Rap. - M. Lavigne, Av. Gén. - SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, SCP Spinosi et Sureau, Av.

Un commentaire de cette décision est paru au D. 2017, somm., p. 350. Voir également le JCP 2017, éd. G, chron. 325, spéc. no 3, note Yves-Marie Serinet.

Arrêt no 2 :

2e Civ. - 2 février 2017. CASSATION

No 16-10.165. - CA Nîmes, 5 novembre 2015.

Mme Flise, Pt. - Mme Touati, Rap. - M. Lavigne, Av. Gén. - SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, Me Le Prado, Av.

Un commentaire de cette décision est paru au JCP 2017, éd. G, chron. 325, spéc. no 3, note Yves-Marie Serinet.

No 755

Bail commercialCongé. - Congé donné à l’issue de la période triennale. - Interdiction. - Exploitation d’une résidence de tourisme. - Application immédiate aux baux en cours.

L’article L. 145-7-1 du code de commerce, d’ordre public, issu de la loi no 2009-888 du 22 juillet 2009, s’applique aux baux en cours.

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38•

Bulletin d’informationArrêts des chambres

•15 juin 2017

3e Civ. - 9 février 2017. CASSATION

No 16-10.350. - CA Poitiers, 10 novembre 2015.

M. Chauvin, Pt. - Mme Provost-Lopin, Rap. - Mme Guilguet-Pauthe, Av. Gén. - SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, SCP Le Bret-Desaché, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la revue Administrer, mars 2017, p. 31, note Danielle Lipman-W. Boccara.

No 756

Bail commercialDéspécialisation. - Demande d’extension d’un commerce. - Activité connexe ou complémentaire. - Contestation par le propriétaire. - Régularité. - Conditions. - Détermination.

Pour ne pas encourir la déchéance prévue à l’article L. 145-47 du code de commerce, il suffit que le bailleur, qui n’est pas tenu de motiver sa contestation, manifeste de façon non équivoque, dans le délai imparti par ce texte, son opposition à la despécialisation partielle envisagée par le locataire.

3e Civ. - 9 février 2017. REJET

No 15-28.759. - CA Grenoble, 5 novembre 2015.

M. Chauvin, Pt. - Mme Corbel, Rap. - Mme Guilguet-Pauthe, Av. Gén. - SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Monod, Colin et Stoclet, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la revue Administrer, mars 2017, p. 30, note Danielle Lipman-W. Boccara.

No 757

Bail commercialPrix. - Révision. - Clause d’indexation. - Référence à un indice de base fixe. - Licéité. - Conditions. - Détermination.

Lorsqu’une clause d’indexation comporte un indice de base fixe, l’indice multiplicateur doit correspondre au même trimestre que celui de l’indice de référence.

3e Civ. - 9 février 2017. REJET

No 15-28.691. - CA Versailles, 20 octobre 2015.

M. Chauvin, Pt. - Mme Provost-Lopin, Rap. - Mme Guilguet-Pauthe, Av. Gén. - SCP de Nervo et Poupet, SCP Bénabent et Jéhannin, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la Gaz. Pal.  2017, no  11, p.  65, note Charles-Edouard Brault. Voir également le JCP 2017, éd. E, II, 1173, note Bastien Brignon, et la revue Administrer, mars 2017, p. 27, note Jehan-Denis Barbier.

No 758

Bail ruralBail à ferme. - Résiliation. - Causes. - Changement de destination de la parcelle. - Classement en zone urbaine. - Exclusion. - Cas. - Classement dans une zone constructible à vocation d’habitat par une carte communale.

Le propriétaire d’un bien donné à bail à long terme peut, en application de l’article L. 411-32 du code rural et de la pêche maritime, résilier à tout moment le bail sur des parcelles dont la destination agricole peut être changée et qui sont situées en zone urbaine en application d’un plan local d’urbanisme ou d’un document d’urbanisme en tenant lieu.

Ne sont pas situées en une zone urbaine au sens de ce texte des parcelles classées dans la zone constructible à vocation d’habitat d’une carte communale.

3e Civ. - 9 février 2017. REJET

No 15-24.320. - CA Caen, 19 juin 2015.

M. Chauvin, Pt. - M. Barbieri, Rap. - Mme Guilguet-Pauthe, Av. Gén. - SCP Foussard et Froger, SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, Av.

No 759

Chambre de l’instructionAppel des ordonnances du juge d’instruction. - Ordonnance de mise en accusation. - Appel de la personne mise en examen. - Renvoi devant la cour d’assises. - Décision. - Obligation.

Il résulte des articles 214 et 215 du code de procédure pénale que la chambre de l’instruction, saisie de l’appel d’une ordonnance de mise en accusation, doit apprécier par elle-même s’il existe à l’encontre d’une personne mise en examen des charges suffisantes d’avoir commis un crime et ordonner son renvoi devant la cour d’assises.

Méconnaît ces dispositions la chambre de l’instruction qui se borne à rejeter cet appel et à confirmer ladite ordonnance sans ordonner la mise en accusation et le renvoi du mis en examen devant la cour d’assises.

Crim. - 7 février 2017. CASSATION

No 16-86.926. - CA Cayenne, 31 octobre 2016.

M. Guérin, Pt. - M. Ricard, Rap. - M. Cordier, P. Av. Gén.

Un commentaire de cette décision est paru au JCP 2017, éd. G, chron. 355, spéc. no 21, note Jean-Baptiste Perrier.

No 760

Chambre de l’instructionNullités de l’instruction.  - Examen de la régularité de la procédure.  - Annulation d’actes.  - Garde à vue.  - Placement.  - Droits de la personne gardée à vue.  - Notification.  - Notification des droits attachés au placement. - Remise du document mentionnant les droits du gardé à vue. - Défaut. - Portée.

Il résulte de l’article 803-6 du code de procédure pénale, tel qu’issu de la loi no 2014-535 du 27 mai 2014, que toute personne suspectée ou poursuivie soumise à une mesure privative de liberté se voit remettre, lors de la notification de cette mesure, un document énonçant les droits dont elle bénéficie au cours de la procédure en application dudit code.

Justifie sa décision la chambre de l’instruction qui, pour rejeter la requête en nullité du placement d’une personne en garde à vue et des actes subséquents, relève que l’intéressé, ayant, d’une part, bénéficié, par le truchement d’un interprète, de l’information de l’intégralité de ses droits mentionnés à l’article 63-1 du code de procédure pénale aux différentes étapes de sa garde à vue, d’autre part, renoncé, de manière non équivoque, à l’assistance d’un avocat, ne démontre, dès lors, aucun grief résultant du défaut de remise du document prévu par l’article 803-6 de ce code dans le temps de la mesure.

Crim. - 7 février 2017. REJET

No 16-85.187. - CA Bordeaux, 30 juin 2016.

M. Guérin, Pt. - M. Ricard, Rap. - M. Cordier, P. Av. Gén. - SCP Thouin-Palat et Boucard, Av.

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39•

15 juin 2017Arrêts des chambres

•Bulletin d’information

Un commentaire de cette décision est paru au JCP 2017, éd. G, chron. 355, spéc. no 17, note Jean-Baptiste Perrier.

No 761

CommuneRedevances. - Redevance spéciale pour l’enlèvement des déchets commerciaux et artisanaux. - Assujettissement. - Convention entre la collectivité et le redevable. - Nécessité (non).

Viole les articles L. 2333-78, L. 2214-14 et R. 2224-28 du code général des collectivités territoriales la juridiction de proximité qui, pour annuler le titre exécutoire d’une collectivité territoriale aux fins de paiement d’une redevance spéciale pour l’enlèvement des déchets commerciaux et artisanaux, retient qu’une convention conclue entre la collectivité et le redevable était nécessaire pour faire payer la redevance spéciale et qu’en son absence, le ramassage des déchets du redevable ressortait du service financé par la taxe d’enlèvement des ordures ménagères, alors que celle-ci n’a pas pour objet de financer l’élimination des déchets non ménagers et que la délibération à caractère réglementaire instituant la redevance spéciale n’a pas subordonné à la conclusion d’une convention l’assujettissement à cette redevance, laquelle est due pour service rendu.

Com. - 8 février 2017. CASSATION

No  15-22.892.  - Juridiction de proximité de Montpellier, 2 juin 2015.

Mme Mouillard, Pt. - Mme Bregeon, Rap. - M. Debacq, Av. Gén. - SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, SCP Richard, Av.

No 762

ConcurrencePratique anticoncurrentielle.  - Sanctions.  - Sanction pécuniaire.  - Montant maximum.  - Détermination.  - Association .- Chiffre d’affaires. - Absence d’influence.

Si toute entité exerçant une activité économique peut, quelle que soit sa forme juridique, faire l’objet d’une sanction fondée sur les articles 102 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) et L. 420-2 du code de commerce, l’article L. 464-2, I, alinéa 4, du code de commerce institue un plafond de sanctions différent selon que l’entité contrevenante est ou non une entreprise, le législateur ayant ainsi fixé un montant maximum de la sanction pécuniaire, proportionné au montant du chiffre d’affaires pour celles qui sont constituées selon l’un des statuts ou formes juridiques propres à la poursuite d’un but lucratif et fixé en valeur absolue pour les autres contrevenants.

Fait l’exacte application de l’article L. 464-2 précité la cour d’appel qui définit la sanction applicable à une association, régie par la loi du 1er  juillet 1901, par référence au plafond encouru pour les contrevenants qui ne sont pas des entreprises, au sens du quatrième alinéa de ce texte, peu important que cette association réalise un chiffre d’affaires.

Com. - 8 février 2017. REJET

No 15-15.005. - CA Paris, 26 février 2015.

Mme Mouillard, Pt. - Mme Tréard, Rap. - M. Debacq, Av. Gén. - SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Piwnica et Molinié, Av.

No 763

Contrat de travail, exécutionEmployeur.  - Modification dans la situation juridique de l’employeur.  - Définition.  - Transfert d’une entité économique autonome conservant son identité. - Entité économique. - Reprise par une personne publique dans le cadre d’un service public administratif. - Proposition aux salariés repris d’un contrat de droit public. - Refus du salarié. - Portée.

Selon l’article L. 1224-3 du code du travail, lorsque l’activité d’une entité économique employant des salariés de droit privé est, par transfert de cette entité, reprise par une personne publique dans le cadre d’un service public administratif, il appartient à cette personne publique de proposer à ces salariés un contrat de droit public qui, sauf disposition légale ou conditions générales de rémunération et d’emploi des agents non titulaires de la personne publique contraires, reprend les clauses substantielles du contrat dont les salariés sont titulaires, en particulier celles qui concernent la rémunération.

En cas de refus des salariés d’accepter le contrat proposé, leur contrat prend fin de plein droit et la personne publique applique les dispositions relatives aux agents licenciés prévues par le droit du travail et leur contrat.

Une cour d’appel qui constate que le premier contrat de droit public accepté par un salarié, en application de ce texte, a fait l’objet dans le délai de quatre mois d’un arrêté de retrait en raison de son illégalité, lequel emporte disparition rétroactive de ce contrat, les parties se trouvant dans la situation qui était la leur avant la conclusion de ce contrat, doit examiner la nouvelle proposition faite au salarié par la personne publique et les conséquences du refus de ce dernier (arrêt no 1, pourvoi no 15-18.480, et arrêt no 2, pourvoi no 15-18.481).

Les dispositions de l’article L. 1226-9 du code du travail ne sont pas applicables lorsque les conditions de la rupture de plein droit prévue par l’article L. 1224-3 sont réunies (arrêt no 2, pourvoi no 15-18.481).

Si la rupture produit les effets d’un licenciement, les dispositions de l’article L. 1232-2 du code du travail, relatives à la convocation à l’entretien préalable en cas de licenciement pour motif personnel, ne sont pas applicables (arrêt no 1, pourvoi no 15-18.480, et arrêt no 2, pourvoi no 15-18.481).

Soc. - 1er février 2017. CASSATION PARTIELLE

Arrêt no 1 :

No 15-18.480. - CA Paris, 13 mars 2015.

M. Frouin, Pt. - Mme Farthouat-Danon, Rap. - M. Weissmann, Av. Gén. - SCP Piwnica et Molinié, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, Av.

Arrêt no 2 :

No 15-18.481. - CA Paris, 13 mars 2015.

M. Frouin, Pt. - Mme Farthouat-Danon, Rap. - M. Weissmann, Av. Gén. - SCP Piwnica et Molinié, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, Av.

No 764

Contrat de travail, ruptureLicenciement. - Cause. - Cause réelle et sérieuse. - Faute du salarié. - Faute lourde. - Définition.

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40•

Bulletin d’informationArrêts des chambres

•15 juin 2017

La faute lourde est caractérisée par l’intention de nuire à l’employeur, laquelle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d’un acte préjudiciable à l’entreprise.

Soc. - 8 février 2017. CASSATION PARTIELLE

No 15-21.064. - CA Nîmes, 30 janvier 2008, 6 septembre 2011 et 5 mai 2015.

M. Frouin, Pt. - M. David, Rap. - Mme Courcol-Bouchard, P. Av. Gén. - SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Le Bret-Desaché, Av.

Un commentaire de cette décision est paru au JCP 2017, éd. E, Act., no 146. Voir également le JCP 2017, éd. G, Act., 209, note Gilles Dedessus-Le-Moustier, le D. 2017, somm., p. 411, le JCP 2017, éd. S, Act., no 45, et II, 1089, note Damien Chenu, et la Rev. dr. tr., mars 2017, Act., p. 163, note Alain Moulinier.

No 765

Contrat de travail, ruptureLicenciement.  - Nullité.  - Cas.  - Discrimination.  - Discrimination fondée sur la religion.  - Applications diverses.  - Licenciement d’un agent de la RATP ayant refusé la formule de serment. - Portée.

Il résulte de l’article 23 de la loi du 15 juillet 1845 sur la police des chemins de fer que le serment des agents de surveillance exerçant au sein des entreprises visées par cette disposition peut être reçu selon les formes compatibles avec leur religion.

Il s’ensuit qu’un salarié du service de surveillance n’a commis aucune faute en proposant une telle formule lors de la prestation de serment devant le président du tribunal de grande instance et que le licenciement prononcé du fait des convictions religieuses du salarié est illicite.

Soc. - 1er février 2017. CASSATION

No 16-10.459. - CA Paris, 21 janvier 2015.

M. Frouin, Pt. - M. Huglo, Rap. - M. Weissmann, Av. Gén. - SCP Boulloche, SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, Av.

Le rapport du conseiller rapporteur et l’avis de l’avocat général sont parus dans la revue Dr. soc. 2017, p. 215. Un commentaire de cette décision est paru au D. 2017, p. 550, note Jean Mouly. Voir également le JCP 2017, éd. G, II, 312, note Joël Colonna et Virginie Renaux-Personnic, le JCP 2017, éd. E, II, 1190, note Jean-Marc Chonnier, et la Gaz. Pal. 2017, no 13, p. 22, note Vincent Valentin.

No 766

Contrôle d’identitéContrôle dans les zones accessibles au public des ports, aéroports et gares ferroviaires ou routières ouverts au trafic international. - Régularité. - Conditions. - Détermination. - Portée.

Pour l’application de l’article 78-2, alinéa 8, du code de procédure pénale, dans sa rédaction en vigueur au 31 mai 2014, le contrôle d’identité destiné à prévenir et rechercher les infractions liées à la criminalité transfrontière, dans les zones définies par ce texte, est indépendant du recueil d’éléments objectifs, déduits de circonstances extérieures à la personne concernée, de nature à faire apparaître sa qualité d’étranger.

Crim. - 8 février 2017. CASSATION

No 16-81.323. - CA Colmar, 20 janvier 2016.

M. Guérin, Pt. - M. Moreau, Rap. - Mme Moracchini, Av. Gén. - SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, Av.

No 767

Cour d’assisesArrêt. - Arrêt de condamnation. - Peines. - Prononcé. - Motivation (non).

En cas de condamnation, la cour d’assises ne doit pas motiver la peine qu’elle prononce (arrêt no 1, pourvoi no 15-86.914, arrêt no 2, pourvoi no 16-80.389, et arrêt no 3, pourvoi no 16-80.391, arrêt no 4, pourvoi no 16-81.242).

Crim. - 8 février 2017. REJET

Arrêt no 1 :

No 15-86.914. - Cour d’assises du Var, 20 octobre 2015.

M. Guérin, Pt. - M. Stephan, Rap. - M. Gaillardot, Av. Gén. - SCP Piwnica et Molinié, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la Gaz. Pal. 2017, no 13, p. 17, note Alexis Mihman et Aline Maes.

Arrêt no 2 :

No  16-80.389.  - Cour d’assises du Tarn-et-Garonne, 25 novembre 2015.

M. Guérin, Pt. - M. Stephan, Rap. - M. Gaillardot, Av. Gén. - SCP Boullez, Av.

Un commentaire de cette décision est paru au D. 2017, somm., p. 355. Voir également la Gaz. Pal. 2017, no 13, p. 17, note Alexis Mihman et Aline Maes.

Arrêt no 3 :

No  16-80.391.  - Cour d’assises du Tarn-et-Garonne, 3 décembre 2015.

M. Guérin, Pt. - M. Stephan, Rap. - M. Gaillardot, Av. Gén. - SCP Lyon-Caen et Thiriez, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la revue Procédures 2017, comm. 71, note Anne-Sophie Chavent-Leclère. Voir également la Gaz. Pal. 2017, no 13, p. 17, note Alexis Mihman et Aline Maes.

Arrêt no 4 :

No 16-81.242. - Cour d’assises du Haut-Rhin, 2 décembre 2015.

Crim. - 8 février 2017. CASSATION

M. Guérin, Pt. - M. Béghin, Rap. - M. Gaillardot, Av. Gén. - SCP Piwnica et Molinié, Av.

Note sous Crim., 1er février 2017, no 767 ci-dessus

Par ces quatre arrêts en date du 8  février 2017, la chambre criminelle de la Cour de cassation rappelle qu’aux termes de l’article  365-1 du code de procédure pénale, en cas de condamnation d’un accusé par la cour d’assises, la motivation consiste dans l’énoncé des principaux éléments à charge qui ont convaincu la cour d’assises de la culpabilité de l’accusé. En l’absence d’autre disposition légale ou conventionnelle le prévoyant, la cour et le jury ne doivent pas motiver le choix de la peine qu’ils prononcent dans les conditions définies à l’article 362 du code susvisé.

La chambre criminelle rejette ainsi le pourvoi qui faisait grief à une cour d’assises de ne pas avoir motivé la peine qu’elle prononçait (arrêt no 4).

En revanche, elle prononce trois décisions de cassation concernant des arrêts de cours d’assises ayant retenu dans la feuille de motivation les éléments suivants :

- « l’absence de remise en cause de l’accusé n’est pas apparue comme un gage de réadaptabilité » (arrêt no 1) ;

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41•

15 juin 2017Arrêts des chambres

•Bulletin d’information

- « la gravité des faits, au cours desquels les accusés n’ont pas hésité à exercer des violences graves sur des victimes âgées, les antécédents judiciaires des accusés et leur positionnement consistant à nier les évidences à l’audience, ce qui est de pronostic très défavorable pour l’avenir, justifient le prononcé de peines fermes significatives, étant relevé que X… se trouve en état de récidive légale » (arrêt no 2) ;

-  «  La dangerosité de X…, en totale inadéquation avec les problèmes de voisinage qu’il invoque, les conséquences irréversibles de cet incendie dans lequel une jeune fille de vingt-six ans a trouvé la mort et le peu d’introspection et de compassion manifestées par l’accusé plus de cinq ans après les faits justifient le prononcé d’une peine d’enfermement d’une durée très significative » (arrêt no 3).

En raison de la rédaction différente des dispositions légales applicables (respectivement articles 132-1 et 132-19 du code pénal, 485 et 365-1 du code de procédure pénale), la solution désormais clairement consacrée, en ce qui concerne les arrêts de cour d’assises, reste donc différente de celle concernant la motivation des peines prononcées par les juridictions correctionnelles, qu’elles soient privatives de liberté (Crim., 29 novembre 2016, pourvoi no 15-83.108, publié au Bulletin ; Crim., 29  novembre  2016, pourvoi no  15-86.116, publié au Bulletin ; Crim., 29 novembre 2016, pourvoi no 15-86.712, publié au Bulletin [trois arrêts]), ou non (Crim., 1er février 2017, pourvoi no 15-85.199, publié au Bulletin ; Crim., 1er février 2017, pourvoi no 15-84.511, publié au Bulletin ; Crim., 1er février 2017, pourvoi no 15-83.924, publié au Bulletin [trois arrêts]).

No 768

Détention provisoireDemande de mise en liberté. - État de santé incompatible avec le maintien en détention.  - Rejet.  - Motifs.  - Régularité. - Détermination.

Justifie sa décision, au regard des articles 3 de la Convention européenne des droits de l’homme et 147-1 du code de procédure pénale, une chambre de l’instruction qui, pour confirmer une ordonnance de rejet de mise en liberté d’une personne mise en examen, analyse, par des motifs dépourvus d’insuffisance comme de contradiction, les conclusions du rapport de l’expert désigné par le juge d’instruction, en vue de déterminer si son état de santé est compatible avec la détention et vérifie que l’intéressé fait l’objet, dans l’établissement pénitentiaire, de la prise en charge médicale et d’un régime d’hébergement et d’activité physique correspondant aux conditions déterminées par l’expert pour retenir cette compatibilité.

Crim. - 7 février 2017. REJET

No 16-86.877. - CA Aix-en-Provence, 7 novembre 2016.

M. Guérin, Pt. - Mme Durin-Karsenty, Rap. - M. Desportes, Av. Gén. - SCP Spinosi et Sureau, Av.

No 769

DonationDonation déguisée. - Manœuvres dolosives. - Partage. - Égalité. - Rupture.

Après avoir retenu qu’une veuve avait déclaré, de façon mensongère, qu’elle avait acquis un immeuble au moyen de deniers personnels, alors que celui-ci avait été financé par son époux, décédé, que cette donation déguisée n’avait pas été déclarée au notaire chargé de la succession, que la veuve avait rapidement renoncé à la succession de son époux pour en favoriser la clôture et qu’en réponse à une lettre de la fille de son époux lui demandant de réintégrer cette donation dans la succession, elle s’était bornée à l’inviter à se rapprocher du

notaire, lequel ne pouvait que réitérer que celle-ci était clôturée, une cour d’appel a caractérisé les manœuvres dolosives de la veuve, intervenues avant l’ouverture de la succession, afin de rompre l’égalité du partage.

1re Civ. - 1er février 2017. REJET

No 16-14.323. - CA Versailles, 28 janvier 2016.

Mme Batut, Pt. - M. Vigneau, Rap. - M. Sassoust, Av. Gén. - SCP Caston, SCP Rousseau et Tapie, Av.

Un commentaire de cette décision est paru au D. 2017, chron. p.  599 et 600, note Isabelle Guyon-Renard. Voir également la revue AJ Famille  2017, p.  203, note Jérémy Houssier, et p. 209, ainsi que la Gaz. Pal. 2017, no 11, p. 24, note Stéphane Piédelièvre.

No 770

1o DouanesOrdonnance autorisant la visite.  - Appel.  - Premier président. - Compétence. - Détermination des moyens de preuve de l’existence de la fraude présumée (non).

2o DouanesVisites domiciliaires. - Autorisation judiciaire. - Vérification du bien-fondé de la demande. - Référence aux éléments fournis par l’administration. - Présomption de fraude. - Appréciation souveraine.

1o Aucun texte ne subordonnant la saisine de l’autorité judiciaire par l’administration des douanes, en application des dispositions de l’article 64 du code des douanes, au recours préalable à d’autres procédures, le premier président a légalement justifié sa décision en retenant qu’il ne lui appartenait pas de déterminer quels seraient les moyens de preuve les plus appropriés pour que l’administration puisse démontrer l’existence de la fraude présumée, sans avoir à justifier autrement de la proportionnalité de la mesure qu’il confirmait dès lors que sont remplies les conditions requises pour autoriser une visite domiciliaire.

2o  L’article  64 du code des douanes exigeant de simples présomptions, le premier président, qui s’est référé, en les analysant, aux éléments fournis par l’administration qu’il a retenus, a apprécié souverainement l’existence de présomptions de fraude.

Com. - 8 février 2017. REJET

No 15-21.740. - CA Montpellier, 2 juillet 2015.

Mme Mouillard, Pt. - M. Gauthier, Rap. - M. Debacq, Av. Gén. - SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, SCP Boré et Salve de Bruneton, Av.

No 771

Élections professionnellesProcédure. - Décision du tribunal d’instance. - Contentieux préélectoral. - Voies de recours. - Détermination.

La décision du tribunal d’instance, saisi, sur le fondement de l’article 267 de la loi no 2015-990 du 6 août 2015, d’une contestation relative à une décision de l’autorité administrative statuant sur le nombre et le périmètre des établissements distincts pour les élections au comité d’entreprise, est rendue en dernier ressort.

Le pourvoi est formé, instruit et jugé dans les conditions fixées par les articles 999 à 1008 du code de procédure civile.

Soc. - 1er février 2017. REJET

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42•

Bulletin d’informationArrêts des chambres

•15 juin 2017

No 16-60.062. - TI Paris 16, 29 janvier 2016.

Mme Lambremon, Pt (f.f.). - Mme Farthouat-Danon, Rap. - SCP Capron, Av.

Un commentaire de cette décision est paru au JCP 2017, éd. S, II, 1093, note Jean-Yves Kerbourc’h.

No 772

ÉtrangerContrôles.  - Vérification du droit de circulation ou de séjour.  - Retenue dans un local de police ou de gendarmerie. - Durée légale. - Modalités. - Fractionnement dans le temps. - Régularité. - Condition.

La mesure de retenue prévue à l’article L. 611-1-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) peut, dès lors que la durée maximale de seize heures n’est pas dépassée, être fractionnée dans le temps, notamment lorsque l’interruption temporaire intervient pour rendre effectives les vérifications administratives concernant le droit de circulation et de séjour de l’intéressé.

1re Civ. - 1er février 2017. REJET

No 16-14.700. - CA Lyon, 17 mars 2015.

Mme Batut, Pt. - Mme Gargoullaud, Rap. - M. Sassoust, Av. Gén. - SCP Hémery et Thomas-Raquin, Av.

No 773

1o FiliationActions relatives à la filiation. - Actions en contestation de la filiation. - Délai de forclusion. - Interruption ou suspension. - Demande en justice. - Portée.

2o FiliationActions relatives à la filiation. - Actions en contestation de la filiation. - Possession d’état conforme au titre. - Délai de cinq ans. - Droit au respect de la vie privée et familiale. - Compatibilité. - Appréciation abstraite.

1o Si le délai de forclusion prévu par l’article 333, alinéa 2, du code civil peut être interrompu par une demande en justice, conformément à l’alinéa 1 de l’article 2241 du même code, l’action en contestation de la filiation doit, à peine d’irrecevabilité, être dirigée contre le parent dont la filiation est contestée et contre l’enfant.

2o Justifie légalement sa décision une cour d’appel qui procède, en l’absence de conclusions précises et étayées sollicitant la mise en balance des intérêts en présence et l’examen du caractère excessif, au regard du but légitime poursuivi, de l’atteinte portée au droit au respect de la vie privée et familiale par la disposition légale critiquée, au contrôle in abstracto qui lui était demandé, au regard de l’intérêt supérieur de l’enfant.

1re Civ. - 1er février 2017. REJET

No 15-27.245. - CA Paris, 22 septembre 2015.

Mme Batut, Pt. - Mme Guyon-Renard, Rap. - M. Sassoust, Av. Gén. - SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, SCP Waquet, Farge et Hazan, Av.

Un commentaire de cette décision est paru au D. 2017, chron. p. 599 et 600, note Isabelle Guyon-Renard, et pan., p. 733, note Frédérique Granet-Lambrechts. Voir également la revue AJ Famille 2017, p. 203, note Jérémy Houssier.

No 774

InstructionInterrogatoire. - Première comparution. - Convocation par lettre recommandée ou par notification par un officier de police judiciaire. - Droits de la personne mise en examen. - Assistance d’un avocat. - Droit de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire. - Information. - Défaut. - Sanction.

Il résulte de l’article 116, alinéa 4, du code de procédure pénale, dans sa version issue de la loi no 2014-535 du 27 mai 2014, que, lorsqu’il a fait application des dispositions de l’article 80-2 du code de procédure pénale et qu’il procède à la première comparution de la personne qu’il envisage de mettre en examen, le juge d’instruction l’informe de son droit de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire.

Crim. - 7 février 2017. CASSATION PARTIELLE

No 16-84.353. - CA Paris, 16 juin 2016.

M. Guérin, Pt. - Mme Durin-Karsenty, Rap. - M. Lemoine, Av. Gén. - SCP Spinosi et Sureau, SCP Foussard et Froger, Av.

Un commentaire de cette décision est paru au JCP 2017, éd. G, chron. 355, spéc. no 20, note Jean-Baptiste Perrier.

No 775

InstructionOrdonnances. - Appel. - Appel de la personne mise en examen.  - Ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel. - Recevabilité. - Ordonnance à caractère complexe. - Cas. - Appel pendant devant la chambre de l’instruction contre une ordonnance de rejet de demande d’acte. - Chambre de l’instruction saisie par ordonnance du président.

Il se déduit de l’article 186-3, alinéa 3, du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi no  2016-731 du 3  juin 2016, que l’appel formé contre l’ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel est recevable lorsqu’un précédent appel du mis en examen contre une ordonnance du juge d’instruction ayant rejeté une demande d’acte est pendant devant la chambre de l’instruction saisie par le président de cette juridiction.

Excède ses pouvoirs le président de la chambre de l’instruction qui déclare non admis l’appel interjeté dans de telles circonstances par le mis en examen contre l’ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel alors que cette dernière décision revêtait, en l’absence d’arrêt ayant confirmé l’ordonnance de rejet de demande d’acte à la date de la non-admission prononcée, un caractère complexe.

Crim. - 7 février 2017. NON-LIEU À STATUER

No 16-86.835. - CA Aix en Provence, 2 novembre 2016.

M. Guérin, Pt. - M. Ascensi, Rap. - M. Desportes, Av. Gén. - SCP Bouzidi et Bouhanna, Av.

No 776

Juge des libertés et de la détentionDétention provisoire.  - Prolongation de la détention.  - Saisine tendant à la prolongation d’une détention provisoire. - Matière criminelle. - Saisine par erreur selon les délais institués en matière correctionnelle. - Pouvoirs. - Étendue. - Détermination. - Portée.

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43•

15 juin 2017Arrêts des chambres

•Bulletin d’information

Le juge des libertés et de la détention, saisi par le juge d’instruction, à la suite d’une erreur d’enregistrement, d’une demande de prolongation, selon les délais institués en matière correctionnelle, de la détention provisoire d’une personne qui a été mise en examen pour des faits de nature criminelle, peut, sans débat contradictoire préalable, constater le caractère criminel du mandat de dépôt, lequel résulte, par l’effet de la loi, de la qualification donnée aux faits, et dire n’y avoir lieu à statuer sur la demande de prolongation.

Crim. - 7 février 2017. REJET

No 16-86.761. - CA Paris, 16 septembre 2016.

M. Guérin, Pt. - M. Bonnal, Rap. - M. Cordier, P.Av. Gén. - SCP Spinosi et Sureau, Av.

No 777

Majeur protégéMandat de protection future. - Fin. - Placement en curatelle de la personne protégée. - Condition. - Mise à exécution du mandat. - Exclusion. - Cas. - Décision contraire du juge. - Applications diverses.

Seul le mandat de protection future mis à exécution prend fin par le placement en curatelle de la personne protégée, sauf décision contraire du juge qui ouvre la mesure.

Par suite, une cour d’appel qui constate qu’un mandat de protection future a été signé avant l’ouverture d’une curatelle mais enregistré après cette ouverture en déduit à bon droit que la mesure n’a pas eu pour effet d’y mettre fin.

En tout état de cause, la révocation du mandat peut être prononcée par le juge des tutelles, en application de l’article 483, 4o, du code civil, lorsque son exécution est de nature à porter atteinte aux intérêts du mandant, intérêts qui sont appréciés souverainement par les juges du fond.

1re Civ. - 4 janvier 2017. REJET

No 15-28.669. - CA Paris, 20 octobre 2015.

Mme Batut, Pt. - Mme Le Cotty, Rap. - Mme Ancel, Av. Gén. - SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Delaporte et Briard, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la revue Dr. fam. 2017, comm. 49, note Ingrid Maria.

No 778

MineurMise en péril. - Propositions sexuelles à un mineur de 15 ans en utilisant un moyen de communication électronique. - Requalification.  - Corruption de mineur.  - Éléments constitutifs. - Élément intentionnel. - Intention de pervertir la sexualité du mineur. - Défaut. - Cas.

Le délit de corruption de mineur suppose l’intention de pervertir la sexualité du mineur.

En l’absence de cette intention, des propositions sexuelles faites par un majeur à une mineure de quinze ans par un moyen de communication électronique peuvent toutefois constituer l’infraction prévue et réprimée par l’article 227-22-1 du code pénal.

Crim. - 8 février 2017. CASSATION

No 16-80.102. - CA Nouméa, 8 décembre 2015.

M. Guérin, Pt. - Mme Caron, Rap. - M. Wallon, Av. Gén. - SCP Potier de la Varde, Buk-Lament et Robillot, Av.

No 779

NomNom patronymique. - Convention de cession de marque. - Engagements. - Résiliation unilatérale par chaque partie. - Possibilité. - Applications diverses.

Les engagements pris, dans un acte de cession d’une marque verbale composée d’un nom patronymique, par le titulaire du nom, d’autoriser la société cessionnaire, dont la dénomination sociale et le nom commercial sont constitués de ce nom, à l’utiliser afin d’exercer des activités commerciales et de la dispenser d’autorisation pour tout usage de ce nom lors du dépôt d’une nouvelle marque ou pour étendre la masse des produits et services que la marque cédée est susceptible de couvrir constituent un contrat à exécution successive qui, bien qu’aucun terme ne soit prévu, n’est pas nul, mais qui, étant à durée indéterminée, peut être résilié unilatéralement par chaque partie.

Com. - 8 février 2017. CASSATION PARTIELLE

No 14-28.232. - CA Paris, 10 octobre 2014.

Mme  Mouillard, Pt.  - Mme  Darbois, Rap.  - Mme  Pénichon, Av. Gén. - SCP Hémery et Thomas-Raquin, SCP Ortscheidt, Me Ricard, Av.

Un commentaire de cette décision est paru au JCP 2017, éd. G, chron. 325, spéc. no 7, note Grégoire Loiseau, et chron. 425, spéc. no 24, 26, 30, 31 et 35, note Nicolas Binctin. Voir également le D. 2017, p. 678, note Anne Etienney-de Sainte Marie.

No 780

PeinesPeines complémentaires. - Interdictions, déchéances ou incapacités professionnelles. - Interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement toute entreprise ou personne morale. - Prononcé. - Motivation. - Nécessité.

Il résulte des articles 132-1 du code pénal et 485 du code de procédure pénale qu’en matière correctionnelle, toute peine doit être motivée au regard de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle.

Justifie sa décision la cour d’appel qui a motivé le choix de la peine de cinq ans d’interdiction de gérer qu’elle a prononcée à l’encontre d’un prévenu poursuivi du chef d’abus de biens sociaux, en relevant que celui-ci avait suivi une école de commerce, était dirigeant de sociétés depuis 1978, avait repris la gérance d’une société, placée en redressement judiciaire en novembre 2013, et ne percevait pas de rémunération au titre de sa gérance et qu’il bénéficiait de revenus fonciers, et en retenant qu’il avait privilégié les intérêts de ladite société dans laquelle il était particulièrement intéressé et qui se trouvait en état de cessation des paiements, en réalisant à son profit, en l’absence de convention de trésorerie, des apports effectués par une autre société, non remboursés, entraînant la déconfiture de cette dernière.

Crim. - 1er février 2017. REJET

No 15-85.199. - CA Reims, 20 mai 2015.

M. Guérin, Pt. - Mme Chaubon, Rap. - M. Gaillardot, Av. Gén. - Me Blondel, Av.

Un commentaire de cette décision est paru au JCP 2017, éd. G, II, 277, note Jocelyne Leblois-Happe. Voir également la revue Dr. pénal 2017, étude 7, note Elisabeth Pichon, la RLDAff. 2017, no 6017 et 6162, le Bull. Joly sociétés 2017, p. 239, note Eva

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44•

Bulletin d’informationArrêts des chambres

•15 juin 2017

Mouial-Bassilana, la Gaz. Pal. 2017, no 13, p. 17, note Alexis Mihman et Aline Maes, et la revue Procédures 2017, comm. 72, note Anne-Sophie Chavent-Leclère.

No 781

PeinesPeines correctionnelles.  - Amende.  - Prononcé.  - Motivation.  - Éléments à considérer.  - Ressources et charges.

En matière correctionnelle, le juge qui prononce une amende doit motiver sa décision au regard des circonstances de l’infraction, de la personnalité et de la situation personnelle de son auteur, en tenant compte de ses ressources et de ses charges.

Encourt la censure la cour d’appel qui, pour porter le montant des amendes prononcées à l’encontre de deux personnes condamnées pour des délits de blanchiment et de recel, de 5 000 euros à 50 000 et 3 000 euros, fonde sa décision, pour la première, sur le bénéfice financier, pour la seconde, sur la gravité des faits et des éléments de personnalité, sans s’expliquer sur les ressources et les charges des prévenues qu’elle devait prendre en considération.

Crim. - 1er février 2017. CASSATION PARTIELLE

No 15-83.984. - CA Versailles, 28 mai 2015.

M. Guérin, Pt. - Mme Pichon, Rap. - M. Cordier P. Av. Gén. - SCP Waquet, Farge et Hazan, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la Gaz. Pal. 2017, no 13, p. 17, note Alexis Mihman et Aline Maes. Voir également le JCP 2017, éd. G, II, 277, note Jocelyne Leblois-Happe, et la revue Dr. pénal 2017, étude 7, note Elisabeth Pichon.

No 782

Prescription civileInterruption. - Acte interruptif. - Prêt d’argent. - Autorisation de prélèvement mensuel donnée par l’emprunteur.

Est interruptif de la prescription de la créance portant sur le solde d’un prêt le paiement intervenu en exécution de l’autorisation de prélèvement mensuel donnée par l’emprunteur.

1re Civ. - 25 janvier 2017. REJET

No 15-25.759. - CA Aix-en-Provence, 3 juillet 2015.

Mme Batut, Pt. - M. Vitse, Rap. - M. Ingall-Montagnier, P. Av. Gén. - SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, Av.

No 783

PresseLiberté d’expression. - Abus. - Réparation. - Fondement juridique. - Détermination. - Portée.

Les abus de la liberté d’expression prévus et réprimés par la loi du 29 juillet 1881 ne peuvent être réparés sur le fondement de l’article 1382, devenu l’article 1240, du code civil.

Il s’ensuit que l’action de la partie civile à l’encontre de la personne relaxée ne peut être fondée que sur la loi précitée, à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite.

Crim. - 7 février 2017. CASSATION

No 15-86.970. - CA Basse-Terre, 20 octobre 2015.

M. Guérin, Pt. - M. Barbier, Rap. - M. Cuny, Av. Gén. - Me Haas, Av.

No 784

PresseProcédure. - Action publique. - Extinction. - Prescription. - Délai. - Point de départ. - Diffusion sur le réseau internet. - Réactivation d’un site internet désactivé.  - Nouvelle publication. - Conditions. - Détermination.

Il résulte de l’article 65 de la loi du 29  juillet 1881 que toute reproduction, dans un écrit rendu public, d’un texte déjà publié est constitutive d’une publication nouvelle dudit texte, qui fait courir un nouveau délai de prescription.

Méconnaît ses dispositions une cour d’appel qui constate la prescription de l’action civile engagée par un plaignant, alors qu’une nouvelle mise à disposition du public d’un contenu litigieux précédemment mis en ligne sur un site internet dont le titulaire a volontairement réactivé ledit site sur le réseau internet, après l’avoir désactivé, constitue une telle reproduction faisant courir un nouveau délai de prescription.

Crim. - 7 février 2017. CASSATION

No 15-83.439. - CA Paris, 15 mai 2015.

M. Guérin, Pt. - Mme Durin-Karsenty, Rap. - M. Cuny, Av. Gén. - SCP Waquet, Farge et Hazan, SCP Piwnica et Molinié, Av.

No 785

PresseProvocation à la discrimination, la haine ou la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.  - Peines.  - Peines complémentaires. - Inéligibilité. - Prononcé. - Motivation. - Nécessité. - Portée.

Il résulte des articles 132-1 du code pénal et 485 du code de procédure pénale qu’en matière correctionnelle, toute peine doit être motivée au regard de la gravité des faits, de la personnalité de son auteur et de sa situation personnelle.

En matière de presse, les juges vérifient le caractère proportionné de l’atteinte portée par la sanction au principe de la liberté d’expression défini par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme tel qu’interprété par la Cour européenne.

Justifie sa décision une cour d’appel qui, pour condamner l’auteur d’une provocation à la discrimination raciale à une peine complémentaire d’inéligibilité pour une durée d’un an, retient que les faits ont été commis par un homme politique, maire d’une commune depuis treize ans, dont la mission est avant tout d’assurer la sécurité de l’ensemble des personnes sur sa commune, et que cette peine est prononcée compte tenu de la personnalité du prévenu et de la gravité des faits, motifs procédant de son appréciation souveraine qui, d’une part, répondent à l’exigence résultant des articles 132-1 du code pénal et 485 du code de procédure pénale, et dont il se déduit, d’autre part, que les juges ont apprécié le caractère proportionné de l’atteinte portée au principe de la liberté d’expression.

Crim. - 1er février 2017. REJET

No 15-84.511. - CA Aix-en-Provence, 26 mai 2015.

M. Guérin, Pt. - M. Parlos, Rap. - M. Cordier, P. Av. Gén. - SCP Piwnica et Molinié, SCP Bouzidi et Bouhanna, Av.

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45•

15 juin 2017Arrêts des chambres

•Bulletin d’information

Un commentaire de cette décision est paru au JCP 2017, éd. G, II, 276, note Emmanuel Dreyer, et 277, note Jocelyne Leblois-Happe. Voir également la revue Dr. pénal 2017, étude 7, note Elisabeth Pichon, et comm. 50, note Virginie Peltier, la Gaz. Pal. 2017, no 13, p. 17, note Alexis Mihman et Aline Maes, et la revue Procédures 2017, comm. 72, note Anne-Sophie Chavent-Leclère.

Note sous Crim., 1er février 2017, commune aux no 780, no 781 et no 785 ci-dessus

Par ces trois décisions rendues le 1er février 2017, la chambre criminelle de la Cour de cassation, réunie dans sa formation plénière, infléchit sa jurisprudence relative au prononcé des peines au regard de leurs nécessité et proportionnalité. Elle entend préciser les exigences auxquelles sont soumis les juges correctionnels ainsi que la nature du contrôle qu’elle-même exerce sur leurs décisions.

Les arrêts ici commentés posent un principe général de motivation des peines en matière correctionnelle (1) et déterminent le cadre spécifique dans lequel s’opère un contrôle de proportionnalité (2).

1. - La motivation de toutes les peines prononcées en matière correctionnelle

Selon une jurisprudence ancienne et constante, hormis les cas expressément prévus par la loi, la détermination de la peine par les juges du fond, dans les limites légales, relève d’une faculté dont ils ne doivent aucun compte, de sorte que les juges ne sont pas tenus de justifier la sanction prononcée (Crim., 19 décembre 1996, pourvoi no 96-81.647, Bull. crim. 1996, no 482).

Il convient de rappeler que le législateur a imposé une obligation de motivation spéciale, dont la chambre s’assure du respect, en cas de prononcé d’une peine d’emprisonnement sans sursis (article 132-19 du code pénal ; Crim., 29 novembre 2016, pourvoi no 15-86.712, publié au Bulletin ; Crim., 29 novembre 2016, pourvoi no 15-83.108, publié au Bulletin, et Crim., 29 novembre 2016, pourvoi no 15-86.116, publié au Bulletin, également commentés au Rapport), et, dans certains cas, de celui de la peine d’interdiction du territoire français (Crim., 26 juin 2013, pourvoi no 13-80.594, Bull. crim. 2013, no 168).

S’agissant de la peine d’amende, la chambre criminelle de la Cour de cassation estimait que, si une disposition législative du code pénal (article 132-24 puis article 132-20 à compter de l’entrée en vigueur de la loi no 2014-896 du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales) prévoyait que la juridiction devait déterminer le montant de l’amende en tenant compte des ressources et des charges de l’auteur de l’infraction, il ne lui imposait pas de motiver spécialement sa décision à cet égard (Crim., 22 octobre 1998, pourvoi no 97-84.186, Bull. crim. 1998, no 276 ; Crim., 8 avril 2010, pourvoi no 09-83.514).

C’est sur cette peine spécifique que la chambre criminelle s’est d’abord penchée. Concernant le prononcé par une cour d’appel de deux amendes de 30 000 et 50 000 euros en répression de faits de recel et blanchiment après que le tribunal correctionnel les a fixées à 5  000 euros, la décision relative au pourvoi no 15-83.984 censure l’arrêt attaqué. En effet, la motivation retenue par les juges du fond sur le prononcé des peines était la suivante : la première prévenue a, en sa qualité de conjointe d’un auteur des infractions principales, reçu un bénéfice quotidien, sur de nombreuses années, des pratiques d’extorsion ; les faits commis par la seconde revêtent une particulière gravité en raison de la criminalité empruntée à ses frères et de la complaisance manifestée à l’égard de leurs agissements. Elle se fondait ainsi, pour l’une des prévenues, sur la gravité des faits et des éléments de personnalité, pour l’autre, sur le profit retiré, sans référence aucune à leurs situations financières actuelles.

La décision opère un revirement de cette jurisprudence, la chambre criminelle de la Cour de cassation estimant dorénavant

nécessaire que le juge correctionnel s’explique sur les ressources et les charges de l’auteur de l’infraction qu’il doit prendre en considération pour fonder sa décision.

En effet, au visa du texte propre à l’amende, mais également de l’article 132-1 du code pénal, qui fixe les critères généraux régissant le prononcé des peines, et enfin des dispositions spécifiques du code de procédure pénale relatives à la motivation des décisions, à savoir les articles 485, 512 et 593 du code de procédure pénale, il est affirmé qu’en matière correctionnelle, le juge qui prononce une amende doit motiver sa décision au regard des circonstances de l’infraction, de la personnalité et de la situation personnelle de son auteur, en tenant compte de ses ressources et de ses charges.

Dans la deuxième espèce (pourvoi no 15-85.199), concernant l’interdiction de gérer, peine privative ou restrictive de liberté prononcée à titre complémentaire pour une durée de cinq années à l’encontre d’un dirigeant de société condamné pour abus de biens sociaux, la chambre criminelle de la Cour de cassation raisonne de façon identique mais rejette le pourvoi, prenant appui sur des éléments relevés par les juges tenant aux faits et à la personne du prévenu afin de considérer que la condamnation était suffisamment motivée (à savoir : l’intéressé a repris la gérance de la société placée en redressement judiciaire en novembre 2013 ; il ne perçoit pas de rémunération au titre de sa gérance et bénéficie de revenus fonciers de l’ordre de 10 000 euros par mois ; il a privilégié les intérêts de ladite société et délibérément sacrifié l’autre société, qu’il a placée dans l’impossibilité de désintéresser ses créanciers).

Cette décision présente une grande importance car, au-delà du cas spécifique de l’interdiction de gérer, il a été jugé que le juge correctionnel a l’obligation, lorsqu’il prononce une peine, de justifier sa décision en tenant compte de la gravité des faits ainsi que de la personnalité et la situation personnelle de son auteur.

Est ainsi clairement affirmée l’obligation générale de motivation des peines, limitée à la seule matière correctionnelle. On précisera qu’en revanche, la matière criminelle obéit à une disposition spécifique, l’article 365-1 du code de procédure pénale, qui énonce que la motivation consiste dans l’énoncé des principaux éléments à charge qui ont convaincu la cour d’assises de la culpabilité de l’accusé, de sorte qu’en l’absence d’autre disposition le prévoyant, le choix de la peine ne doit pas être motivé (voir Crim., 8 février 2017, pourvoi no 15-86.914, publié au Bulletin ; Crim., 8 février 2017, pourvoi no 16-80.389, publié au Bulletin ; Crim., 8 février 2017, pourvoi no 16-80.391, publié au Bulletin ; Crim., 8 février 2017, pourvoi no 16-81.242, publié au Bulletin ; également commentés au Rapport).

Dans son raisonnement, la chambre criminelle de la Cour de cassation se fonde essentiellement sur des dispositions législatives de droit interne.

L’impératif de motivation découle des textes du code de procédure pénale qui posent la règle selon laquelle les arrêts et jugements doivent contenir des motifs (notamment les articles 485 et 593 du code de procédure pénale précités).

La chambre criminelle prend également appui sur l’article 132-1 du code pénal précité, qui fixe les trois grands critères généraux dont le juge correctionnel doit tenir compte lorsqu’il prononce une peine : les circonstances de l’infraction, ou la gravité des faits, la personnalité de l’auteur de l’infraction et la situation personnelle de ce dernier, et ce, conformément aux finalités et fonctions de la peine énoncées à l’article 130-1 du même code (finalités de la peine : assurer la protection de la société, prévenir la commission de nouvelles infractions et restaurer l’équilibre social, dans le respect des intérêts de la victime ; ses fonctions : sanctionner l’auteur de l’infraction et favoriser son amendement, son insertion ou sa réinsertion).

Cette évolution se fonde sur une lecture renouvelée de ces différents textes du code pénal et du code de procédure pénale

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Bulletin d’informationArrêts des chambres

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à la lumière d’impératifs d’individualisation, de nécessité et de proportionnalité des peines, issus des droits constitutionnel et européen.

Il ne s’agit pas pour autant de remettre en cause le pouvoir de personnaliser les peines, tant dans leur nature que dans leur quantum, qui relève de l’office des juges du fond.

Quant au rôle du juge de cassation, celui-ci se limite à s’assurer que les motifs se réfèrent aux circonstances de l’espèce et sont dénués d’insuffisance comme de contradiction.

Il convient de souligner qu’à l’appui de son pourvoi, le demandeur invoquait la violation de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et du principe de proportionnalité, et soutenait, dans un des griefs, qu’en prononçant une interdiction générale et absolue de gérer pendant cinq ans, la cour d’appel n’avait pas justifié son arrêt au regard de la nécessaire proportion entre le prononcé d’une peine complémentaire et le principe résultant de la liberté d’entreprendre et de travailler.

La Cour de cassation ne suit pas le requérant dans cette argumentation. Ecartant toute atteinte à la disposition conventionnelle invoquée, elle n’admet pas qu’on puisse se prévaloir d’un principe général de proportionnalité, en l’espèce articulé autour de libertés constitutionnelles. Elle se positionne clairement sur le terrain des seules dispositions légales.

Il a été procédé de façon analogue dans la dernière affaire, concernant le prononcé de la peine complémentaire de privation du droit d’éligibilité (pourvoi no 15-84.511).

Le demandeur au pourvoi, maire condamné, pour des propos tenus à propos des Roms lors d’une réunion publique, du chef de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence envers un groupe de personnes en raison de leur origine ou de leur appartenance à une ethnie, une race, une religion ou une nation déterminée, à notamment la privation de son droit d’éligibilité pendant un an, présentait un grief tiré du défaut d’individualisation de la peine.

Dans la logique de la précédente décision, au rappel du même principe général de motivation des peines, la chambre criminelle considère, dans le premier temps de sa réponse, que les éléments retenus par les juges du fond étaient de nature à justifier du respect dudit principe (à savoir, les faits ont été commis par un homme politique, maire d’une commune depuis treize ans, dont la mission est avant tout d’assurer la sécurité de l’ensemble des personnes sur sa commune et la peine est prononcée compte tenu de la personnalité du prévenu et de la gravité des faits).

2. - La mise en œuvre circonscrite du contrôle de proportionnalité

Dans cette dernière affaire, le maire alléguait également une violation des articles 6 et 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, reprochant à la cour d’appel d’avoir prononcé la peine complémentaire sans présenter des motifs sur le caractère proportionné de l’atteinte portée par la sanction à la liberté d’expression reconnue, dans une société démocratique, à un élu, intervenant, sur un sujet d’intérêt général, lors d’un débat politique.

La chambre criminelle de la Cour de cassation, pour la première fois, - et il s’agit de l’apport principal de l’arrêt - contrôle que les juges du fond ont bien apprécié le caractère proportionné de l’atteinte portée par la sanction au principe de liberté d’expression, garanti par l’article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales tel qu’interprété par la Cour européenne des droits de l’homme.

Pour ce faire, les motifs relevés par les juges tels que rappelés ci-dessus, pris de la gravité des faits, de la personnalité et de la situation personnelle du prévenu, ont été jugés comme justifiant suffisamment que la pesée des intérêts en présence avait été opérée par les juges d’appel.

Il est important de souligner que l’affaire en cause était relative à une incrimination - le délit de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence envers un groupe de personnes en raison de leur origine ou de leur appartenance à une ethnie, une race, une religion ou une nation déterminée - dont la Cour européenne des droits de l’homme juge qu’elle constitue en soi une ingérence dans l’exercice de la liberté d’expression et que la juridiction européenne prend en considération la nature et le quantum de la condamnation afin de mesurer la proportionnalité de l’atteinte.

Dans ce domaine spécifique, la chambre criminelle exerce déjà un contrôle strict sur la déclaration de culpabilité. Dorénavant, son contrôle s’étend au prononcé de la peine.

Toutefois, il se déduit de la décision que le juge de cassation n’effectue pas lui-même le contrôle de proportionnalité de la peine prononcée, considérant que cet examen relève de l’appréciation souveraine des juges du fond, sous réserve de l’existence d’une réponse et d’une suffisance - et d’une absence de contradiction - des motifs de la décision. La répartition traditionnelle des rôles respectifs des juges du fond et du juge de cassation, qui n’a pas à se substituer aux juges du fond, n’est pas remise en cause.

En outre, la mise en œuvre du principe de proportionnalité est réservée aux peines qui caractérisent une ingérence dans un droit ou une liberté garantis par la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Cette décision s’inscrit dans une logique en cohérence avec des arrêts précédents concernant la peine complémentaire de confiscation de tout ou partie du patrimoine.

La chambre criminelle a déjà eu l’occasion d’énoncer que les juges doivent évaluer et motiver la nécessité et la proportionnalité du choix de cette peine qui, déconnectée du produit ou de l’objet de l’infraction, ouvre la faculté légale d’une confiscation générale des biens du condamné et porte atteinte au droit au respect des biens, protégé par l’article 1 du premier Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, tel qu’amendé par le Protocole no 11 (voir Crim., 30 mars 2016, pourvoi no 15-81.550, Bull. crim. 2016, no 104 ; Crim., 7 décembre 2016, pourvoi no 15-85.136, publié au Bulletin).

L’exigence de motivation de la peine et le respect du principe de la proportionnalité, bien qu’ils soient en lien évident dès lors que justifier du choix de la sanction invite à le mesurer et ouvre la voie à un contrôle, présentent des spécificités propres dont il appartient aux juridictions de tenir compte.

No 786

Professions médicales et paramédicalesMédecin. - Responsabilité contractuelle. - Dommage. - Réparation.  - Perte d’une chance.  - Evaluation des préjudices. - Préjudice ne pouvant être égal aux atteintes corporelles.

Le dommage consécutif à une perte de chance correspond à une fraction des différents chefs de préjudice subis qui est déterminée en mesurant la chance perdue et ne peut être égale aux atteintes corporelles résultant de l’acte médical.

Dès lors, en présence de coresponsables dont l’un répond du dommage corporel et l’autre d’une perte de chance, il ne peut être prononcé une condamnation in solidum qu’à concurrence de la partie du préjudice total de la victime à la réalisation duquel les coresponsables ont l’un et l’autre contribué.

1re Civ. - 8 février 2017. CASSATION PARTIELLE

No 15-21.528. - CA Grenoble, 12 mai 2015.

Mme Batut, Pt. - Mme Duval-Arnould, Rap. - Me Le Prado, SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, Av.

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15 juin 2017Arrêts des chambres

•Bulletin d’information

No 787

Propriété littéraire et artistiqueŒuvre de l’esprit. - Œuvre de collaboration. - Coauteur. - Action en justice. - Défense de ses droits patrimoniaux. - Mise en cause des autres auteurs. - Nécessité.

Méconnaît les articles 125, alinéa 1, 553 du code de procédure civile et L. 113-3 du code de la propriété intellectuelle une cour d’appel qui, après avoir relevé que certains des coauteurs de deux œuvres de collaboration n’avaient pas été intimés devant elle, a infirmé le chef du jugement ayant prononcé la résiliation des contrats d’édition et de cession du droit d’adaptation audiovisuelle portant sur ces œuvres, alors qu’il lui incombait de relever d’office l’irrecevabilité de l’appel formé par l’éditeur, en tant qu’il était dirigé contre cette disposition, eu égard au lien d’indivisibilité unissant les coauteurs, parties aux contrats litigieux.

1re Civ. - 8 février 2017. CASSATION

No 15-26.133. - CA Paris, 5 septembre 2014.

Mme Batut, Pt. - Mme Canas, Rap. - SCP Hémery et Thomas-Raquin, SCP Potier de la Varde, Buk-Lament et Robillot, Av.

No 788

Protection des consommateursCrédit à la consommation. - Défaillance de l’emprunteur. - Action. - Délai biennal de forclusion. - Point de départ. - Echéance de prêt personnel. - Compte courant avec solde insuffisant. - Absence de convention de découvert.

Il ne peut être fait échec aux règles d’ordre public relatives à la détermination du point de départ du délai biennal de forclusion propre au crédit à la consommation par l’inscription de l’échéance d’un prêt au débit d’un compte courant dont le solde est insuffisant pour en couvrir le montant, quand aucune convention de découvert n’a été préalablement conclue.

1re Civ. - 25 janvier 2017. CASSATION

No 15-21.453. - CA Aix-en-Provence, 23 janvier 2014.

Mme Batut, Pt. - M. Avel, Rap. - M. Ingall-Montagnier, P. Av. Gén. - SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, SCP Lévis, Av.

No 789

Protection des consommateursCrédit immobilier. - Défaillance de l’emprunteur. - Action. - Prescription. - Délai biennal prévu en matière de biens et services fournis aux consommateurs.  - Exclusion.  - Financement d’une activité professionnelle même accessoire. - Emprunteur.

Viole les articles  L.  312-3, 2o, et L.  137-2 du code de la consommation, devenus L. 313-2, 2o, et L. 218-2 du même code en vertu de l’ordonnance no 2016-301 du 14 mars 2016, une cour d’appel qui, pour annuler les saisies-attributions pratiquées par une banque à l’encontre d’un emprunteur, retient que la prescription biennale de la créance est acquise, alors que le prêt litigieux était destiné à financer une activité professionnelle, fût-elle accessoire, exclusive de la prescription biennale applicable au seul consommateur.

1re Civ. - 25 janvier 2017. CASSATION PARTIELLEMENT SANS RENVOI

No 16-10.105. - CA Nîmes, 5 novembre 2015.

Mme Batut, Pt. - M. Avel, Rap. - M. Ingall-Montagnier, P. Av. Gén. - Me Le Prado, SCP Bénabent et Jéhannin, Av.

No 790

1o Régimes matrimoniauxCommunauté entre époux. - Actif. - Disposition. - Biens de la communauté. - Donation. - Conditions. - Consentement de l’autre époux. - Exclusion. - Cas. - Sommes provenant de ses gains et salaires après acquittement des charges du mariage. - Libre disposition.

2o PartageSoulte. - Provision. - Effets. - Détermination.

3o Régimes matrimoniauxCommunauté entre époux. - Liquidation. - Récompenses. - Récompenses dues à la communauté. - Cas. - Compte d’épargne de retraite complémentaire souscrit par un époux. - Conjoint bénéficiaire d’un capital garanti en cas de décès. - Absence d’influence.

4o Régimes matrimoniauxCommunauté entre époux. - Dissolution. - Indivision post-communautaire. - Chose indivise. - Usage par l’un des époux. - Immeuble. - Indemnité d’occupation. - Occupation par un parent avec les enfants. - Fixation. - Contribution de l’autre à leur entretien. - Recherche nécessaire.

5o IndivisionCommunauté entre époux.   - Indiv is ion post-communautaire. - Immeuble commun. - Conservation. - Impenses nécessaires. - Indemnité. - Montant. - Calcul. - Modalités. - Détermination.

1o Selon l’article 1422 du code civil, les époux ne peuvent, l’un sans l’autre, disposer entre vifs, à titre gratuit, des biens de la communauté. Toutefois, chaque époux peut disposer librement de ses gains et salaires après s’être acquitté des charges du mariage.

Ainsi, après avoir relevé que l’époux avait donné à des enfants communs du couple des fonds provenant de son activité professionnelle, et retenu, dans l’exercice de son pouvoir souverain, que l’épouse, qui était présente à l’acte notarié et ne s’y était pas opposée, avait consenti à cette donation de fonds communs, une cour d’appel en a exactement déduit que l’époux ne devait pas de récompense de ce chef à la communauté.

2o Au cours d’une instance en partage d’une indivision post-communautaire, la décision par laquelle le juge de la mise en état accorde à un époux une provision à valoir sur le paiement d’une soulte n’est pas définitive.

Cette ordonnance n’a donc pas pour effet de fixer la date de jouissance divise.

3o Un époux qui a alimenté, par des revenus communs, des comptes d’épargne de retraite complémentaire, désignant comme bénéficiaire du capital garanti, en cas de décès de l’adhérent, le conjoint de celui-ci, doit une récompense à la communauté.

Il résulte en effet des articles 1437 du code civil, 1096 du même code et L. 132-9 du code des assurances que, par l’effet du divorce, l’ex-épouse ne sera pas considérée comme le conjoint bénéficiaire et que le souscripteur pourra révoquer la désignation du bénéficiaire du capital garanti en cas de décès.

4o  Une cour d’appel ne peut pas mettre une indemnité d’occupation à la charge du père occupant un appartement indivis, avec les enfants issus du mariage, au motif que l’ordonnance de non-conciliation a attribué à l’époux la jouissance privative et onéreuse de ce bien, sans rechercher si l’occupation de l’immeuble ne constitue pas une modalité d’exécution, par la

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Bulletin d’informationArrêts des chambres

•15 juin 2017

mère, de son devoir de contribuer à l’entretien des enfants, de nature à réduire le montant de l’indemnité d’occupation depuis la date des effets du divorce.

5o  Il résulte de l’article  815-13 du code civil que, pour le remboursement des dépenses nécessaires à la conservation d’un bien indivis, il doit être tenu compte à l’indivisaire, selon l’équité, de la plus forte des deux sommes que représentent la dépense qu’il a faite et le profit subsistant, et que ce profit se détermine d’après la proportion dans laquelle les deniers de l’indivisaire ont contribué à la conservation du bien indivis.

Ainsi, l’époux qui a remboursé pendant l’indivision post-communautaire une partie du prêt bancaire ayant permis l’acquisition d’un bien commun dispose d’une créance sur cette indivision calculée selon la règle du profit subsistant, par rapport à la valeur du bien au moment de la dissolution de la communauté, et non à sa valeur au moment de l’acquisition.

1re Civ. - 1er février 2017. CASSATION PARTIELLE

No 16-11.599. - CA Paris, 2 décembre 2015.

Mme Batut, Pt. - M. Vigneau, Rap. - M. Sassoust, Av. Gén. - Me Rémy-Corlay, SCP Bénabent et Jéhannin, Av.

No 791

Responsabilité délictuelle ou quasi délictuelleDommage. - Réparation. - Préjudice moral. - Préjudice moral lié aux souffrances psychiques et aux troubles qui y sont associés. - Préjudice non distinct. - Portée.

Le préjudice moral lié aux souffrances psychiques et aux troubles qui y sont associés est inclus dans le poste de préjudice temporaire des souffrances endurées, quelle que soit l’origine desdites souffrances.

Encourt en conséquence la cassation l’arrêt qui indemnise séparément le préjudice lié à la conscience de sa mort prochaine, qu’il qualifie de préjudice d’angoisse de mort imminente.

2e Civ. - 2 février 2017. CASSATION PARTIELLE

No 16-11.411. - CA Amiens, 4 août 2015.

Mme Flise, Pt. - Mme Bohnert, Rap. - M. Lavigne, Av. Gén. - SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, Av.

Un commentaire de cette décision est paru au D. 2017, somm., p. 350. Voir également la Gaz. Pal. 2017, no 12, p. 38, note Alicia Mâzo uz.

No 792

Santé publiqueProtection des personnes en matière de santé. - Réparation des conséquences des risques sanitaires.  - Risques sanitaires résultant du fonctionnement du système de santé. - Indemnisation des victimes. - Indemnisation par l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM). - Cas. - Indemnisation des dommages résultant d’infections nosocomiales.  - Seuil de gravité fixé par l’article L. 1142-1-1. - Victimes directes ou indirectes.

Il ressort des dispositions des articles L. 1142-1, I, alinéa 2, et L. 1142-1-1, 1o, du code de la santé publique que, sauf s’ils rapportent la preuve d’une cause étrangère, les établissements, services et organismes mentionnés à l’article L. 1142-1, I, alinéa 1, sont tenus, sur le fondement de leur responsabilité de plein droit, de réparer l’ensemble des dommages résultant d’infections nosocomiales, qu’ils aient été subis par les victimes directes

ou indirectes, et que, lorsque les dommages résultant de telles infections atteignent le seuil de gravité fixé par l’article L. 1142-1-1, 1o, leur réparation incombe, dans les mêmes conditions, à l’ONIAM en leur lieu et place.

Ce régime spécifique de prise en charge des dommages au titre de la solidarité nationale est distinct de celui prévu par l’article L. 1142-1, II, de sorte que ne sont alors pas applicables les dispositions de ce texte qui, en cas de survenue d’un accident médical, d’une affection iatrogène ou d’une infection nosocomiale n’engageant pas la responsabilité d’un professionnel, d’un établissement, service ou organisme mentionné au I et répondant à certaines conditions d’imputabilité, d’anormalité et de gravité, limitent la réparation aux préjudices du patient et, en cas de décès, de ses ayants droit.

1re Civ. - 8 février 2017. CASSATION PARTIELLE

No 15-19.716. - CA Poitiers, 15 avril 2015.

Mme Batut, Pt.  - Mme Duval-Arnould, Rap.  - M. Drouet, Av. Gén. - SCP Foussard et Froger, SCP Gaschignard, Me Haas, Me Le Prado, SCP Sevaux et Mathonnet, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la revue Resp. civ. et assur. 2017, comm. 114, note Laurent Bloch.

No 793

Sécurité socialeCaisse. - URSSAF. - Obligations. - Attestation selon laquelle le débiteur est à jour de ses obligations de déclaration et de paiement. - Délivrance. - Exclusion. - Cas.

Il résulte de l’article L. 243-15 du code de la sécurité sociale que l’attestation prévue par ce texte, dite attestation de vigilance, qui permet au cocontractant de vérifier que la personne qui exécute ou doit exécuter un contrat portant sur l’exécution d’un travail, la fourniture d’une prestation de services ou un acte de commerce est à jour de ses obligations auprès des organismes de recouvrement des cotisations et contributions sociales, ne peut être délivrée à la personne qui conteste par recours contentieux, sans les acquitter, les cotisations et contributions qui lui sont réclamées à la suite d’une verbalisation pour travail dissimulé.

L’impossibilité de contracter dans laquelle se trouve cette personne est une conséquence de l’application de la loi et le juge du référé du contentieux général de la sécurité sociale, saisi d’une contestation du refus de délivrance de ladite attestation par un employeur faisant l’objet d’un redressement pour travail dissimulé, n’a le pouvoir de prendre les mesures propres à prévenir l’imminence du dommage qu’il constate que si la décision de redressement lui paraît manifestement infondée.

En conséquence, justifie sa décision l’arrêt qui rejette les demandes d’un employeur tendant à la suspension du refus de délivrance et à la délivrance de l’attestation de vigilance après avoir constaté que celui-ci ne conteste pas la régularité de la procédure ayant abouti à la notification du redressement, ni le redressement lui-même.

2e Civ. - 9 février 2017. REJET

No 16-11.297. - CA Douai, 27 novembre 2015.

Mme Flise, Pt. - M. Poirotte, Rap. - M. de Monteynard, Av. Gén. - SCP Ortscheidt, SCP Gatineau et Fattaccini, Av.

Un commentaire de cette décision est paru au JCP 2017, éd. S, II, 1094, note Henri Guyot.

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15 juin 2017Arrêts des chambres

•Bulletin d’information

No 794

Sécurité socialeCotisations.  - Assiette.  - Abattement pour frais professionnels. - Déduction forfaitaire spécifique. - Calcul. - Modalités. - Détermination.

Selon l’article R. 242-1 du code de la sécurité sociale, le montant des rémunérations à prendre, lors de chaque paie, pour base de calcul des cotisations de sécurité sociale ne peut être inférieur, en aucun cas, au montant cumulé, d’une part, du salaire minimum de croissance applicable aux travailleurs intéressés fixé en exécution de la loi no 70-7 du 2 janvier 1970 et des textes pris pour son application et, d’autre part, des indemnités, primes ou majorations s’ajoutant audit salaire minimum en vertu d’une disposition législative ou d’une disposition réglementaire.

Si l’article 9 de l’arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, dans sa rédaction issue de l’arrêté du 25 juillet 2005, ouvre aux voyageurs représentants placiers le bénéfice d’une déduction forfaitaire spécifique de 30 % dans la limite de 7 600 euros par année civile, l’application de ce texte s’entend sans préjudice des dispositions de l’article R. 242-1 du code de la sécurité sociale.

Il en résulte que l’assiette de la déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels de 30 % dans la limite de 7 600 euros par année civile dont bénéficient les voyageurs représentants placiers doit être appréciée non pas annuellement, mais à chaque échéance de la paie de ces salariés.

2e Civ. - 9 février 2017. REJET

No 15-20.858. - TASS Brest, 5 mai 2015.

Mme Flise, Pt. - Mme Palle, Rap. - M. de Monteynard, Av. Gén. - SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Boutet et Hourdeaux, Av.

Un commentaire de cette décision est paru au JCP 2017, éd. S, II, 1100, note Catherine Millet-Ursin.

No 795

Sécurité socialeCotisations.  - Paiement.  - Convention conclue entre un salarié et un employeur dont l’entreprise n’a pas d’établissement en France. - Convention prévoyant à la charge du salarié désigné les obligations déclaratives et de versement des cotisations sociales. - Nullité.

Il résulte de l’article L. 243-1-2 du code de la sécurité sociale que, pour remplir ses obligations relatives aux déclarations et versements des contributions et cotisations sociales, l’employeur dont l’entreprise ne comporte pas d’établissement en France peut désigner un représentant résidant en France qui est personnellement responsable des opérations déclaratives et du versement des sommes dues.

Selon l’article  L.  241-8 du même code, la contribution de l’employeur aux cotisations de sécurité sociale reste exclusivement à la charge de celui-ci, toute convention contraire étant nulle de plein droit.

Il résulte de la combinaison de ces textes que la convention par laquelle l’employeur dont l’entreprise ne comporte pas d’établissement en France désigne un salarié de son entreprise pour remplir ses obligations déclaratives et de versement des cotisations sociales est nulle de plein droit et ne peut produire aucun effet, quand bien même elle prévoit que le salarié ne supportera pas définitivement la charge résultant de ce versement.

2e Civ. - 9 février 2017. CASSATION

No 16-10.796. - CA Colmar, 26 novembre 2015.

Mme Flise, Pt. - M. Poirotte, Rap. - M. de Monteynard, Av. Gén. - SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Gatineau et Fattaccini, Av.

Un commentaire de cette décision est paru au JCP 2017, éd. S, II, 1092, note Philippe Coursier.

No 796

Sécurité sociale, accident du travailFaute inexcusable de l’employeur.  - Employeur responsable. - Accident survenu au salarié d’une entreprise de travail temporaire.

Il résulte de l’article L. 452-1 du code la sécurité sociale, auquel l’article L. 412-6 du même code ne déroge pas, que l’action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur ne peut être engagée qu’à l’encontre de l’employeur de la victime.

Viole les textes susvisés la cour d’appel qui déclare un salarié, victime d’un accident du travail, recevable à agir en reconnaissance de la faute inexcusable de l’entreprise utilisatrice en raison d’une confusion avérée entre cette entreprise et l’employeur de la victime, ces motifs étant insuffisants à caractériser la qualité d’employeur de l’entreprise en cause à l’égard de la victime.

2e Civ. - 9 février 2017. CASSATION PARTIELLE

No 15-24.037. - CA Paris, 11 juin 2015.

Mme Flise, Pt.  - Mme Le Fischer, Rap.  - M. de Monteynard, Av. Gén. - SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Piwnica et Molinié, Av.

Un commentaire de cette décision est paru au JCP 2017, éd. S, II, 1091, note Camille-Frédéric Pradel, Perle Pradel-Boureux et Virgile Pradel.

No 797

1o Sécurité sociale, contentieuxContentieux spéciaux.  - Contentieux technique.  - Maladies professionnelles. - Reconnaissance du caractère professionnel d’une maladie par la caisse. - Procédure. - Avis. - Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. - Composition. - Irrégularité. - Portée.

2o Sécurité sociale, accident du travailMaladies professionnelles.  - Dispositions générales.  - Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.  - Avis.  - Avis d’un comité régional autre que celui qui a déjà été saisi par la caisse primaire d’assurance maladie. - Nécessité. - Cas.

1o  Le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles ne peut régulièrement émettre un avis que lorsqu’il est composé conformément aux dispositions de l’article D. 461-27 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure au décret no 2016-756 du 7 juin 2016.

2o Aux termes de l’article R. 142-24-2, alinéa 1, du code de la sécurité sociale, lorsque le différend porte sur la reconnaissance de l’origine professionnelle d’une maladie dans les conditions prévues aux troisième et quatrième alinéas de l’article L. 461-1 du même code, le tribunal recueille préalablement l’avis d’un comité régional autre que celui qui a déjà été saisi par la caisse.

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50•

Bulletin d’informationArrêts des chambres

•15 juin 2017

Il en résulte qu’en cas d’irrégularité des avis des comités régionaux respectivement saisis par la caisse et par le tribunal, la cour d’appel est tenue, avant de statuer, de recueillir un avis auprès d’un autre comité régional.

2e Civ. - 9 février 2017. CASSATION PARTIELLE

No 15-21.986. - CA Amiens, 26 mai 2015.

Mme Flise, Pt. - Mme Palle, Rap. - M. de Monteynard, Av. Gén. - SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Foussard et Froger, Av.

Un commentaire de cette décision est paru au JCP 2017, éd. S, II, 1083, note Marion Haas et Stéphanie Gonsard.

No 798

Sécurité sociale, régimes spéciauxRégie autonome des transports parisiens. - Assurances sociales. - Vieillesse. - Pension. - Majoration pour enfants. - Conditions. - Détermination. - Portée.

Selon l’article 25 du décret no 2008-637 du 30 juin 2008 portant règlement des retraites du personnel de la Régie autonome des transports parisiens, applicable à la date de liquidation des droits à pension litigieux, la pension de retraite attribuée par le régime de la RATP est majorée pour les assurés ayant élevé au moins trois enfants pendant neuf ans avant leur seizième anniversaire.

Les enfants ouvrant droit à la majoration sont les enfants nés de l’assuré dont la filiation est établie, les enfants adoptés ou les enfants recueillis, ces derniers ne pouvant être pris en compte que s’ils ont été élevés, au sens de la réglementation relative aux prestations familiales, par l’assuré pendant au moins neuf ans avant leur seizième anniversaire ou avant d’avoir cessé d’être à charge au sens de la même réglementation.

Viole cette disposition, par fausse application, la cour d’appel qui, pour rejeter la demande d’attribution de majoration de pension de l’assuré, a statué sur le fondement des dispositions relatives à la prise en compte des enfants recueillis, alors que le litige se rapportait à la prise en compte d’un enfant légitime de ce dernier.

2e Civ. - 9 février 2017. CASSATION

No 16-10.201. - CA Paris, 26 février 2015.

Mme Flise, Pt. - Mme Burkel, Rap. - M. de Monteynard, Av. Gén. - Me Bouthors, SCP Lyon-Caen et Thiriez, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la revue AJ Famille 2017, p. 201, note Maïté Saulier.

No 799

Société coopérativeStatuts. - Domaine d’application. - Associés. - Adhésion, retrait et exclusion. - Conditions. - Détermination.

Aux termes de l’article 7 de la loi du 10 septembre 1947, les statuts des coopératives fixent les conditions d’adhésion, de retrait et d’exclusion des associés.

Dès lors, les conditions dans lesquelles les liens unissant une société coopérative et un associé peuvent cesser sont régies par les statuts de cette dernière et échappent à l’application de l’article L. 442-6, I, 5o, du code de commerce.

Com. - 8 février 2017. CASSATION PARTIELLE

No 15-23.050. - CA Paris, 28 mai 2015.

Mme Mouillard, Pt. - Mme Tréard, Rap. - M. Debacq, Av. Gén. - SCP Bénabent et Jéhannin, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, Av.

No 800

Statut collectif du travailConventions et accords collectifs.  - Dispositions générales. - Accords collectifs. - Création de commissions paritaires professionnelles.  - Salarié membre d’une commission. - Statut protecteur. - Bénéfice. - Fondement. - Détermination.

Il résulte des articles L. 2234-3 et L. 2251-1 du code du travail que le législateur a entendu accorder aux salariés membres des commissions paritaires professionnelles créées par accord collectif la protection prévue par l’article L. 2411-3 du code du travail pour les délégués syndicaux en cas de licenciement.

Ces dispositions, qui sont d’ordre public en raison de leur objet, s’imposent, en vertu des principes généraux du droit du travail, à toutes les commissions paritaires professionnelles créées par accord collectif, y compris celles créées par des accords antérieurs à l’entrée en vigueur de la loi no 2004-391 du 4 mai 2004.

Soc. - 1er février 2017. CASSATION PARTIELLE

No 15-24.310. - CA Paris, 25 juin 2015.

M. Frouin, Pt. - Mme Salomon, Rap. - M. Weissmann, Av. Gén. - SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, SCP Gatineau et Fattaccini, Av.

Un commentaire de cette décision est paru au JCP 2017, éd. S, Act., no 34, également publié au JCP 2017, éd. E, Act., no 124. Voir également le JCP 2017, éd. G, Act., 210, note Nathalie Dedessus-Le-Moustier, la Rev. dr. tr., mars 2017, Act., p. 165, note Alain Moulinier, et le JCP 2017, éd. S, II, 1107, note Jean-Yves Kerbourch.

Note sous Soc., 1er février 2017, no 800 ci-dessus

Par cet arrêt, la chambre sociale de la Cour de cassation détermine la protection dont bénéficient les salariés membres des commissions paritaires professionnelles ou interprofessionnelles.

Les articles  L.  2234-1 à L.  2234-3 du code du travail prévoient que des commissions paritaires professionnelles ou interprofessionnelles peuvent être instituées au niveau local, départemental ou régional, par accord conclu dans les conditions prévues à l’article  L.  2231-1. Ces commissions concourent à l’élaboration et à l’application de conventions et accords collectifs de travail, négocient et concluent des accords d’intérêt local, notamment en matière d’emploi et de formation continue, examinent les réclamations individuelles et collectives et examinent toute autre question relative aux conditions d’emploi et de travail des salariés intéressés. Les accords instituant ces commissions déterminent les modalités de protection contre le licenciement des salariés membres de ces commissions et les conditions dans lesquelles ils bénéficient de la protection prévue par les dispositions du livre IV, relatif aux salariés protégés.

Ces dispositions sont issues de la loi no 2004-391 du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, qui a fait de ces commissions l’instrument d’un dialogue social «  territorial » susceptible d’intéresser les entreprises de toute taille relevant de leur champ d’application (B. Teyssié, « Les commissions paritaires professionnelles ou interprofessionnelles [loi no 2004-391 du 4 mai 2004, article 48] », JCP, éd. E, no 43, 21 octobre 2004, 1545, § 3).

Selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation et du Conseil d’État, les institutions représentatives créées par voie conventionnelle doivent, pour ouvrir à leurs membres la procédure spéciale protectrice prévue en faveur des représentants du personnel et des syndicats, être de même nature que celles prévues par le code du travail (Soc., 29 janvier 2003, pourvoi no 00-45.961, Bull. 2003, V, no 34 ; Soc., 12 juillet 2006, pourvoi no 04-45.893, Bull. 2006, V, no 258).

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51•

15 juin 2017Arrêts des chambres

•Bulletin d’information

En l’absence de précision textuelle, s’est posée la question de la protection des salariés membres de ces commissions : leur protection résulte-t-elle du texte législatif ou doit-elle être expressément prévue par les accords instituant ces commissions ?

La chambre sociale de la Cour de cassation a été saisie de cette question en 2011. En l’espèce, l’inspecteur du travail s’était déclaré incompétent pour statuer sur la demande d’autorisation de licenciement du salarié membre d’une commission paritaire régionale, instituée par la convention collective nationale des entreprises d’architecture du 27 février 2003, étendue par arrêté du 6 janvier 2004. Le salarié avait fait valoir devant les juges du fond que son licenciement était nul pour avoir été prononcé sans autorisation administrative. La cour d’appel avait fait droit à ses demandes. La chambre sociale de la Cour de cassation a cassé l’arrêt d’appel en considérant que la décision d’incompétence de l’inspecteur du travail constituait une décision administrative, de sorte que le principe de séparation des pouvoirs faisait obstacle à ce que le juge judiciaire se prononce sur la nécessité de l’autorisation administrative de licenciement du salarié. Pour la chambre sociale, il appartenait aux juges du fond, en présence d’une difficulté sérieuse sur le bénéfice du statut protecteur, d’inviter les parties à saisir la juridiction administrative (Soc., 4 octobre 2011, pourvoi no 10-18.023, Bull. 2011, V, no 225).

Saisi de la question préjudicielle posée par la cour d’appel de renvoi, le Conseil d’État a déduit la protection, non de la convention collective des architectes, mais des dispositions du code du travail (CE, 4 mai 2016, no 380954, mentionné dans les tables du Recueil Lebon). Il a également précisé que les membres de ces commissions bénéficiaient de la protection accordée aux délégués syndicaux.

Dans l’affaire soumise à la chambre sociale ici commentée, le salarié, dont le contrat de travail était régi par la convention collective nationale des cabinets ou entreprises de géomètres-experts, géomètres-topographes, photogrammètres et experts fonciers du 13 octobre 2005, étendue par arrêté du 24 juillet 2006, avait été licencié sans autorisation administrative, alors qu’il avait été désigné pour représenter une organisation syndicale à la commission paritaire nationale pour l’emploi et la formation professionnelle et à la commission paritaire nationale de la négociation collective. Soutenant que son licenciement constituait un trouble manifestement illicite, le salarié avait saisi en référé la juridiction prud’homale, laquelle avait rejeté ses demandes.

L’arrêt de cour d’appel est cassé par la Cour de cassation : « Il résulte [des articles L. 2234-3 et L. 2251-1 du code du travail] que le législateur a entendu accorder aux salariés membres des commissions paritaires professionnelles créées par accord collectif la protection prévue par l’article L. 2411-3 du code du travail pour les délégués syndicaux en cas de licenciement […]. Ces dispositions, qui sont d’ordre public en raison de leur objet, s’imposent, en vertu des principes généraux du droit du travail, à toutes les commissions paritaires professionnelles créées par accord collectif, y compris celles créées par des accords antérieurs à l’entrée en vigueur de la loi du 4 mai 2004 ».

Par cette décision, la chambre sociale de la Cour de cassation apporte une triple précision  : les salariés membres de ces commissions paritaires bénéficient, de par la loi, du statut protecteur ; leur protection est celle des délégués syndicaux ; enfin, cette protection leur est due quelle que soit la date de création de la commission.

En déduisant des termes mêmes de l’article L. 2234-3 du code du travail la qualité de salarié protégé des salariés membres des commissions paritaires professionnelles créées par accord collectif, la chambre sociale garantit la constitutionnalité de cette disposition. En effet, le Conseil constitutionnel a, dans sa décision du 9 décembre 2011 (Conseil constitutionnel, 9 décembre 2011, décision no 2011-205 QPC, Patelise F. [Nouvelle-Calédonie  : rupture du contrat de travail d’un salarié protégé]), censuré les dispositions de l’article Lp. 311-2 du code du travail de Nouvelle-

Calédonie, dans sa rédaction résultant de la loi du pays no 2008-2 du 13  février 2008 relative au code du travail de Nouvelle-Calédonie, qui ne prévoyaient aucune disposition assurant la protection des représentants du personnel élus ou désignés au sein des collectivités publiques pour les agents contractuels des administrations publiques.

Cette jurisprudence concordante de la Cour de cassation et du Conseil d’État permet aux salariés membres des commissions paritaires instituées par accord collectif, dont l’activité de négociation collective est amenée à s’étendre, d’être protégés comme le sont, de par la loi, les salariés membres de la commission paritaire régionale interprofessionnelle instituée par la loi no 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi.

No 801

Statuts professionnels particuliersEmplois domestiques.  - Concierge.  - Licenciement.  - Dispositions applicables. - Détermination. - Portée.

Le licenciement par un syndicat de copropriétaires, qui n’est pas une entreprise au sens des dispositions de l’article L. 1233-1 du code du travail, du salarié employé en qualité de concierge de l’immeuble, même s’il repose sur un motif non inhérent à sa personne, n’est pas soumis aux dispositions concernant les licenciements pour motif économique.

Soc. - 1er février 2017. REJET

No 15-26.853. - CA Aix-en-Provence, 17 mars 2015.

M. Frouin, Pt. - Mme Depelley, Rap. - M. Weissmann, Av. Gén. - SCP de Nervo et Poupet, Me Balat, Av.

Un commentaire de cette décision est paru au JCP 2017, éd. S, II, 1100, note Thibault Lahalle.

No 802

UrbanismeBâtiments menaçant ruine ou insalubres.  - Interdiction définitive d’habiter. - Arrêté de déclaration d’insalubrité ou de péril. - Relogement des occupants. - Proposition. - Notification. - Cotitularité du bail. - Effet.

Lorsqu’un immeuble est frappé d’un arrêté préfectoral d’insalubrité interdisant de façon immédiate et définitive l’habitation, le bailleur, tenu d’une obligation de relogement des occupants en application de l’article L. 521-1 du code de la construction et de l’habitation, doit notifier sa proposition de relogement de la famille à tous les cotitulaires du bail.

3e Civ. - 9 février 2017. CASSATION

No 16-13.260. - CA Aix-en-Provence, 26 février 2015.

M. Chauvin, Pt. - M. Parneix, Rap. - Mme Guilguet-Pauthe, Av. Gén. - SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, SCP Boré et Salve de Bruneton, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la Rev. loyers 2017, p. 122, note Elodie Pouliquen.

No 803

VoirieChemin d’exploitation. - Définition. - Chemin servant à la communication entre divers fonds ou à leur exploitation. - Ouverture au public. - Portée.

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52•

Bulletin d’informationArrêts des chambres

•15 juin 2017

L’ouverture d’un chemin au public ne suffit pas à exclure la qualification de chemin d’exploitation.

3e Civ. - 9 février 2017. CASSATION

No 15-29.153. - CA Grenoble, 27 octobre 2015.

M. Chauvin, Pt. - M. Echappé, Rap. - Mme Guilguet-Pauthe, Av. Gén. - SCP Delvolvé et Trichet, SCP Monod, Colin et Stoclet, Av.

Les titres et sommaires des arrêts de la première chambre civile des 25  janvier 2017 (pourvoi no 15-25.210) et 8  février 2017 (pourvoi no 15-27.124) paraîtront ultérieurement.

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