Barthes_Modernité de Michelet

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Presses Universitaires de France is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Revue d'Histoire littéraire de la France. http://www.jstor.org Modernité de Michelet [with Discussion] Author(s): Roland Barthes Source: Revue d'Histoire littéraire de la France, 74e Année, No. 5, Michelet (Sep. - Oct., 1974), pp. 803-809 Published by: Presses Universitaires de France Stable URL: http://www.jstor.org/stable/40524969 Accessed: 29-04-2015 03:48 UTC Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. This content downloaded from 132.204.3.57 on Wed, 29 Apr 2015 03:48:50 UTC All use subject to JSTOR Terms and Conditions

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Semiotics

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    Modernit de Michelet [with Discussion] Author(s): Roland Barthes Source: Revue d'Histoire littraire de la France, 74e Anne, No. 5, Michelet (Sep. - Oct., 1974), pp.

    803-809Published by: Presses Universitaires de FranceStable URL: http://www.jstor.org/stable/40524969Accessed: 29-04-2015 03:48 UTC

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  • MODERNIT DE MICHELET

    Michelet n'est pas la mode, Michelet n'est pas moderne. Le grand historien est tomb lui-mme dans la trappe de l'Histoire. Pourquoi ?

    C'est une question svre, dramatique mme, du moins pour un sujet qui tout la fois aime profondment l'uvre de Michelet et veut participer l'avnement de ces nouvelles valeurs dont l'offen- sive forme ce qu'on appelle commodment l'avant-garde. Ce sujet croit alors vivre dans la contradiction, ce que notre civilisation, depuis Socrate, tient pour la plus grave des blessures qu'un sujet humain puisse recevoir des autres et de lui-mme. Et cependant : si ce n'tait pas ce sujet-l qui tait contradictoire, mais la Moder- nit elle-mme ? La censure vidente que l'avant-garde impose Michelet se retournerait alors contre elle au titre d'une illusion, d'une fantasmagorie ngative qu'il faut expliquer : l'Histoire - dont fait partie la Modernit - peut tre injuste, dirais-je - par- fois imbcile ? - : c'est Michelet lui-mme qui nous l'a appris.

    La Modernit de Michelet - j'entends sa modernit effective, scandaleuse, et non sa modernit humaniste, au nom de quoi nous l'inviterions rester toujours jeune dans l'histoire des lettres fran- aises - , la modernit de Michelet, je la vois clater au moins en trois points :

    Le premier intresse les historiens. Michelet, on le sait, a fond ce qu'on appelle aujourd'hui encore avec timidit l'ethnologie de la France : une faon de prendre les hommes morts du pass, non dans une chronologie ou une Raison, mais dans un rseau de com- portements charnels, dans un systme d'aliments, de vtements, de pratiques quotidiennes, de reprsentations mythiques, d'actes amou- reux. Michelet dvoile ce que l'on pourrait appeler le sensuel de l'Histoire : avec lui le corps devient le fondement mme du savoir et du discours, du savoir comme discours. C'est l'instance du corps qui unifie toute son uvre, du corps mdival - ce corps qui avait le got des larmes - au corps gracile de la Sorcire : la Nature elle-mme, mer, montagne, animalit, ce n'est jamais que le corps humain en expansion, et, si l'on peut dire, en contact. Son

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  • 804 REVUE D'HISTOIRE LITTRAIRE DE LA FRANCE

    uvre correspond un niveau de perception indit qui est encore largement occult par les sciences dites humaines. Cette faon de dporter l'intelligible historique reste trs singulire, car elle con- tredit la croyance qui continue nous dire que pour comprendre il faut abstraire, et, en quelque sorte, dcorporer la connaissance.

    La seconde modernit de Michelet intresse l'epistemologie. Tou- te l'uvre de Michelet postule - et souvent accomplit - une science vritablement nouvelle, pour laquelle on combat encore. Ne l'appelons pas encore science de l'Inconscient, ni mme plus largement Symbolique ; appelons-la du nom trs gnral que Freud dans son Mose lui a donn, la science du dplacement : Entstellung- Wissenschaft. Comment pourrions-nous dire (sans craindre le no- logisme) ? La Mtabologie ? Peu importe. Sans doute des opra- tions de dplacement, de substitution, mtaphorique ou mtony- mique, ont marqu de tous temps le logos humain, mme lorsque ce logos est devenu science positive. Mais ce qui assigne une place dj grandiose Michelet, dans ce nouveau discours de la Science, c'est que dans toute son uvre, peut-tre sous l'influence de Vico, qui, il ne faut pas l'oublier, bien avant le structuralisme contem- porain, a donn, pour chiffres de l'Histoire humaine, les grandes figures de la Rhtorique, la substitution, l'quivalence symbolique est une voie systmatique de connaissance, ou, si l'on prfre, la connaissance ne se spare pas des voies, de la structure mme du langage. Lorsque Michelet nous dit par exemple, littralement, que le caf est l'alibi du sexe , il formule en sous-main une logique nouvelle qui s'panouit aujourd'hui dans tout le savoir : le freudien, le structuraliste, et, je n'hsite pas le dire, le marxiste lui-mme, tous preneurs de cette science des substitutions, devraient se sen- tir l'ase dans l'uvre de Michelet.

    La troisime modernit de Michelet est la plus difficile perce- voir, peut-tre mme admettre, car elle se donne sous un nom drisoire : celui du parti pris. Michelet est l'homme du parti pris - combien de critiques, d'historiens, superbement installs dans le confort de la science objective, le lui ont reproch ! pour crire, si l'on peut dire, il prend parti : tout son discours est ouvertement issu d'un choix, d'une valuation du monde, des substances, des corps ; pas de fait qui ne soit prcd de sa propre valeur : le sens et le fait sont donns en mme temps, proposition inoue aux yeux de la Science. Un philosophe l'a assume : Nietzsche. Nietzsche et Michelet sont spars par la plus implacable des dis- tances, celle du style. Et pourtant, voyez comment Michelet value son sicle, le xixe sicle : sous une figure bien connue de Nietzsche, puis de Bataille (lecteur averti de Michelet, il ne faut pas l'oublier) : celle de l'Ennui, de l'aplatissement des valeurs. Le sursaut de Mi- chelet dans son sicle, sicle qu'il jugeait en quelque sorte teint , c'est d'avoir obstinment brandi la Valeur comme une sorte de

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  • MODERNIT DE MICHELET 805

    flamme apocalytique, car l'ide la plus moderne - ide qu'il par- tage prcisment avec Nietzsche et Bataille - c'est que nous som- mes dans la fin de l'Histoire, et cela, quelle avant-garde oserait encore le reprendre son compte ? C'est brlant, c'est dangereux.

    Cependant, on l'a dit, la modernit de Michelet ne perce pas. Pourquoi ? En Michelet, un certain langage fait obstacle, pse com- me une peau morte sur son uvre, l'empche d'essaimer. Dans le combat de la modernit, la force historique d'un auteur se mesure la dispersion des citations qu'on en fait. Or, Michelet se disperse mal, il n'est pas cit.

    Ce langage est ce qu'il faut bien appeler le pathos de Michelet. Ce pathos n'est pas constant, car le style de Michelet est heureuse- ment htroclite, jusqu'au baroque (la modernit aurait l une rai- son supplmentaire de rcuprer le texte micheltiste), mais il revient toujours, il enferme Michelet dans la rptition, dans l'chec. Or, qu'est-ce qui se rpte dans un langage ? C'est la signature. Certes Michelet fulgure sans cesse, il est sans cesse nouveau, mais la puissance norme et continue de son criture est aussi sans cesse signe par une marque idologique, et c'est cette marque, cette signature que la modernit refuse. Michelet crit navement son idologie et c'est ce qui le perd. L o Michelet croit tre vrai, sincre, ardent, inspir, c'est l qu'il apparat aujourd'hui mort, embaum : dmod jusqu'au rebut.

    La puissance actuelle d'un crivain pass se mesure aux dtours qu'il a su imposer l'idologie de sa classe. L'crivain ne peut ja- mais dtruire son idologie d'origine, il ne peut que tricher avec elle. Michelet n'a pas su ou n'a pas voulu tricher avec le langage hrit du Pre, petit imprimeur, puis grant d'une maison de sant, rpublicain, voltairien, en un mot : petit-bourgeois. Or, l'idologie petite-bourgeoise, parle nu, comme ce fut le cas pour Michelet, est de celles qui aujourd'hui ne pardonnent pas, car c'est encore largement la ntre, celle de nos institutions, de nos coles et, ds lors, elle ne peut tre prise contretemps, comme nous pouvons le faire de l'idologie progressiste de la bourgeoisie du xviir9 sicle. D'un point de vue moderne, Diderot est lisible, Michelet presque plus. Tout son pathos, Michelet le tient en fait de son idologie de classe, de l'ide, la fiction pourrait-on dire, selon laquelle les institutions rpublicaines ont pour fin, non de supprimer la divi- sion du capital et du salariat, mais d'attnuer et en quelque sorte d'harmoniser leur antagonisme. De l, d'une part, tout un discours unitaire (nous dirions aujourd'hui : un discours du signifi) qui ne peut qu'aliner Michelet toute la lecture psychanalytique, et, d'autre part, une pense organiciste de l'Histoire, qui ne peut que lui fermer la lecture marxiste.

    Alors, que faire ? Rien. Que chacun se dbrouille avec le texte de Michelet selon son propre bonheur. Visiblement, nous ne som-

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  • 806 REVUE D'HISTOIRE LITTRAIRE DE LA FRANCE

    mes pas encore mrs pour une lecture discriminatoire, qui accepte- rait de fragmenter, de distribuer, de pluraliser, de dcrocher, de dissocier le texte d'un auteur selon la loi du Plaisir. Nous sommes encore des thologiens, non des dialecticiens. Nous prfrons jeter Fenfant avec l'eau de la baignoire plutt que de nous salir. Nous ne sommes pas encore assez duqus pour lire Michelet.

    Roland Barthes.

    DISCUSSION M. VlALLANEIX

    Je remercie M. Barthes de son tmoignage, et je demande ceux qui veulent prendre la parole de se dsigner... (silence) Ce discours serait-il sans rplique ? Roland Barthes l'a dit lui-mme, il y a bien deux voix qui peuvent s'opposer l'une l'autre. M. Pomeau

    II est dcourageant pour un diteur de Michelet ! M. Viallaneix

    Non, parce qu'un diteur des uvres de Michelet est un naf, qui travaille pour l'avenir et lance la bouteille la mer. M. Barthes

    Est-ce qu'elles se vendent ? Ce serait la question. M. Pomeau

    Je ne sais pas. Il y a un critre, actuellement : c'est la vente en livres de poche. D'aprs certains lments, la vente de Michelet en livres de poche confirmerait ce que vous nous avez dit.

    M. Barthes En tout cas, ce qui est le plus connu de lui, du niveau d'une semi-culture

    de masse, c'est l'Histoire de la Rvolution. Je pense qu'effectivement tous les livres de la dernire priode sont des livres merveilleusement distractifs et, si je puis dire, voluptueux... Mlle Orr

    Le mlange de styles dont vous avez parl est peut-tre ce qui intrigue le plus chez Michelet et ce qui attirera enfin un plus grand public. Dans ses livres, on voit face face des contradictions frappantes, et il semble en tre conscient. Par exemple, dans la Prface de 1869 , il reconnat que sa flam- me l'a amen soutenir trop d'erreurs dans l'Histoire du Moyen Age. Or la page suivante il loue sa mthode passionnante qui fait revivre l'histoire. C'est un cas psychologique ou stylistique trs curieux parce qu'il dveloppe presque spontanment une pense et son oppos sur un ton chaque fois aussi naf et insistant. M. Seebacher

    Les questions d'dition et de publicit, c'est un peu l'histoire de la poule et de l'uf ! Qui est-ce qui va commencer ? Est-ce qu'on va attendre que le public ait envie de Michelet pour diter des livres, ou est-ce que des diteurs vont avoir le courage de sortir un certain nombre de livres peu prs compltement inconnus ?

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  • MODERNIT DE MICHELET 807

    M. Picard Je voudrais dire combien je suis sensible aux dernires affirmations de M.

    Barthes concernant le style petit-bourgeois et le pathos, qui, au stade o nous sommes de la critique, risquent d'tre un cran, et un cran trs dange- reux... Je crois que votre remarque est d'autant plus importante qu'elle peut se gnraliser la plupart des grands mconnus de la fin du sicle dernier. Je pense en particulier Jules Verne, par exemple. On peut parler, propos de Jules Verne, d'un pathos comparable celui que vous venez d'voquer, et c'est dommage, car cela nous empche d'accder un autre type de systme signifiant qu' celui que constitue la linarit du style, si bien que nous mcon- naissons en un sens ou un autre une uvre comme celle de Jules Verne. M. Barthes

    C'est trs vrai. Je dirai qu'on est moins injuste envers Jules Verne qu'envers Michelet. D'abord, sur le plan des tirages, Jules Verne est certainement un des auteurs les plus traduits et les plus vendus dans le monde entier, et d'autre part, sur le plan de cette espce d'excitation critique qui peut entourer un auteur, il y a eu beaucoup de livres. Enfin, il y a un jules-vernisme plus ou moins latent. M. Picard

    Trs suspect ! M. Barthes

    Tout snobisme est ambigu ! Il ne faut pas oublier que Mme Verdurin tait une personne qui aimait Debussy et Wagner, et non pas Ambroise Thomas. Il faut accepter ces choses-l ! Tandis que pour Michelet il n'y a pas encore cette espce d'excitation critique, de tentative un peu excentrique, qui entoure l'uvre de Jules Verne. Et peut-tre est-ce l que je suis un peu pessimiste : je le sens vraiment tomb dans une trappe. Certes, il y a quelques michel- tistes, il y a Serres ! Enfin il y a des gens qui aiment Michelet, qui aiment le texte de Michelet, qui ont un rapport personnel, erotique , si je puis dire, avec le texte de Michelet, mais ce sont des isols. Cela n'a pas encore franchi la barrire...

    Il y a ici des professeurs ; ils peuvent donc apporter leur tmoignage l- dessus : au niveau de ce que Michelet aurait sans doute appel la jeunesse tudiante, vraiment, je ne pense pas que Michelet ait la moindre existence !

    (protestations dans la salle) M. le Prsident

    Est-ce que ces bruits divers pourraient se matrialiser dans une intervention ? M. Berchet

    Je voudrais vous demander quelle distinction vous faites rellement entre ce que vous appelez le pathos, que vous rangez dans le dmod, et ce que vous appelez le parti pris, qui, lui, est un signe de modernit.

    Je voudrais connatre votre opinion l-dessus, parce que a me parat une des grandes quivoques de Michelet. M. Barthes

    Tout ce que j'ai dit sur la valeur vient d'un arrire-fond nietzschen, qui est l'valuation ; or, mon avis, Michelet sort instantanment du pathos chaque fois qu'il pose ses valeurs lui, qui sont des valeurs corporelles. Ainsi, quand il parle d'un roi qu'il n'aime pas, il trouve l'adjectif de valeur, et l, ce n'est plus de l'idologie. Le partage est assez facile faire. M. Berchet

    Ce que je voulais dire c'est qu'en arrire-fond il y a contradiction, chez Michelet, entre le pathos, peut-tre aussi la valeur, et ce que vous appelez le

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  • 808 REVUE D'HISTOIRE LITTRAIRE DE LA FRANCE

    parti pris du corps, de la nature. Et je pense ce que dit Bataille propos de La Sorcire. Il regrette que Michelet, tout en ayant, on ne sait comment, pris le parti du corps dans La Sorcire, finisse par faire une rcupration progressiste de la Sorcire, en en faisant un avatar de Promthe. M. Barthes

    Oui, et il y a l une dernire contradiction. Mais il faut toujours se rappe- ler qu'il y a un continuum des langages. Le langage prsente cette particula- rit, en un sens terrible, d'tre la fois quelque chose de napp et quelque chose de divis. C'est un continu discontinu, ou un discontinu continu. On peut donc aller trs insensiblement d'une criture extrmement intense, ardente, mtallique, en tant qu'criture, des nonciations absolument insupportables pour un lecteur moderne, tort, peut-tre, parce que nous avons nos valeurs nous. Ainsi dans un livre comme Nos Fib il y a des choses absolument pas- sionnantes, mais il y a aussi des phrases, en particulier des phrases de justi- fication du Pre, qui sont peut-tre illisibles aujourd'hui. Mais tout cela se fait insensiblement. Cest un texte trs baroque, c'est un texte, comme aurait dit Bataille, htrologique, et je pense que l est la raison profonde de la censure qui pse sur Michelet, en tout cas au niveau de l'institution de la science his- torique, car ce que la socit institutionnelle n'admet pas, c'est l'htrologie des discours et des savoirs.

    Michelet est un htrologue, et c'est cela que nous ne supportons pas bien en lui. Et c'est cela que j'ai comment en disant que nous n'tions pas assez duqus pour lire Michelet. Notre ducation devrait tre une ducation qui va dans le sens de l'htrologie. M. Jean-Pierre Richard

    Je dsire simplement poser une question Roland Barthes, en me rfrant son article sur Michelet, article de L'Arc qui met en question la modernit de cet auteur. Dans cet article, vous voquiez trs bien, propos de l'criture de Michelet, ce que vous nommiez Yentrain du signifiant. Je voulais seulement vous demander si, aujourd'hui, cet entrain vous apparat, comme il m'ap- paraissait moi-mme en vous coutant, moins vident, moins entranant. M. Barthes

    Je suis content que vous ayez dit cela, car depuis que j'ai prpar ce texte j'ai un remords. En fait, je sentais qu'il y avait quatre points de modernit, et je n'en ai dit que trois. Le quatrime point (je n'ai pas eu le temps de compl- ter), c'tait cela. Mais en mme temps c'tait difficile dire. Disons que Michelet, effectivement, c'est du texte, c'est de l'criture, c'est du signifiant ; en lui s'pand quelque chose qui est l'or du signifiant. Telle est la quatrime modernit de Michelet, et je le pensais encore en entendant les citations de Michelet qu'on a faites ce matin. Bien sr, elles taient bien choisies, mais en un sens elles sont toujours admirables. C'est vraiment l'or du signifiant qui s'pand, et cela, c'est vraiment la modernit de Michelet. M. Albouy

    C'est plutt une sorte de plainte que je voudrais mettre, car au fond, en entendant l'expos de Roland Barthes, on a l'impression qu'il vise une sorte d'auteur du xixe sicle... Je veux dire que du xixe sicle on admet tout ce qui a t rupture avec ce sicle-l, non seulement Lautramont, Mallarm, etc., mais mme, dans Michelet, on fait passer une ligne de rupture entre le Michelet antrieur, et un Michelet qui serait le moins pire , si je puis dire, ou le meilleur, le Michelet de la seconde moiti, d'aprs 1848. Alors, cela m'inquite. Je me demande si l'on n'a pas tendance, trop souvent, confondre l'idologie d'un Michelet, d'un Hugo, etc., et l'image qui en a t donne par une certaine austrit Troisime Rpublique , cet enfant la fois lgitime et

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  • MODERNIT DE MICHELET 809

    naturel de la Troisime Rpublique. Il ne faudrait pas rejeter la vision Troisi- me Rpublique, les Avenues Victor Hugo, les Avenues Michelet, sur l'uvre et l'idologie mme de Michelet et de Hugo.

    D'autre part, je suis bien d'accord avec Barthes que Michelet n'est intres- sant que dans la mesure o il arrive ruser avec l'idologie de sa classe. Mais j'ai senti, tant dans l'expos de Linda Orr que dans celui de Barthes, une sorte d'animosit particulire l'gard de cette idologie qui est, en gros, celle du romantisme de 1848. Vous lui en voulez spcialement !

    M. Barthes Ah, non ! Non ! (rires)

    M. Albouy L'explication est que Michelet serait en quelque sorte domin, manipul par

    cette idologie. Je crois qu'il faudrait se prcipiter vers l'issue que vous indi- quez, tout de mme, qui est de renoncer une bonne fois pour toutes la thologie. Je crois que, dans le jugement qui nous loigne de Michelet, les valeurs thologiques ou morales jouent beaucoup trop, c'est--dire qu'on fait grief Michelet d'avoir navement cru des choses auxquelles il ne faut pas croire (le progrs, etc.), comme s'il y avait des ides condamnables !

    M. Bowman J'interviens tout simplement pour rpondre en partie M. Albouy. Je crois

    que le problme n'existe pas, en ce sens que la dialectique tait la disposi- tion de Michelet partir de 1840 sans aucune difficult et qu'il ne l'a jamais utilise, comme toute sorte de thories du socialisme taient aussi sa disposi- tion. Et, devant ces problmes, il retombe dans ce que Roland Barthes entend par le pathos . Pourquoi ? Il n'est pas le seul. On pourrait dire exactement la mme chose d'un Lamennais. Mais le problme reste grave, mme par com- paraison avec d'autres de ses contemporains.

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    Article Contentsp. [803]p. 804p. 805p. 806p. 807p. 808p. 809

    Issue Table of ContentsRevue d'Histoire littraire de la France, Vol. 74, No. 5 (Sep. - Oct., 1974) pp. 769-959Front MatterAvant-propos [pp. 771-771]Introduction [pp. 772-774]L'ternel entracte: le temps de l'histoire naturelle [with Discussion] [pp. 775-786]Michelet, la soupe [with Discussion] [pp. 787-802]Modernit de Michelet [with Discussion] [pp. 803-809]Le ct de la mort ou l'histoire comme clinique [with Discussion] [pp. 810-823]Michelet et les mtamorphoses du Christ [with Discussion] [pp. 824-851]Rimbaud, lecteur de Michelet [with Discussion] [pp. 852-862]Michelet la lumire de 1900 [with Discussion] [pp. 863-883]DocumentsTrois lettres indites de Michelet Mary Lowell Putnam [pp. 884-886]Cinq lettres indites de Michelet et de sa femme Athnas [pp. 887-891]

    Comptes rendusReview: untitled [pp. 892-892]Review: untitled [pp. 892-893]Review: untitled [pp. 893-894]Review: untitled [pp. 894-895]Review: untitled [pp. 895-896]Review: untitled [pp. 896-898]Review: untitled [pp. 898-900]Review: untitled [pp. 900-900]Review: untitled [pp. 900-902]Review: untitled [pp. 902-904]Review: untitled [pp. 904-905]Review: untitled [pp. 905-906]Review: untitled [pp. 906-908]Review: untitled [pp. 908-909]Review: untitled [pp. 909-910]Review: untitled [pp. 910-911]Review: untitled [pp. 912-914]Review: untitled [pp. 914-919]Review: untitled [pp. 919-920]Review: untitled [pp. 920-921]Review: untitled [pp. 921-922]Review: untitled [pp. 922-923]Review: untitled [pp. 923-924]Review: untitled [pp. 924-925]Review: untitled [pp. 925-926]Review: untitled [pp. 926-927]Review: untitled [pp. 927-928]Review: untitled [pp. 928-929]Review: untitled [pp. 929-931]Review: untitled [pp. 931-932]Review: untitled [pp. 932-933]

    Bibliographie [pp. 934-957]Rsums [pp. 958-959]Back Matter