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M. SCHNEIDER 1 , P. JOB, Y. MATHERON & A. MERCIER EXTENSIONS PRAXÉMIQUES LIÉES AUX ENSEMBLES DE NOMBRES : DES COMPLEXES AUX RELATIFS Abstract. English title. Praxemic extensions related to sets of numbers : from complex numbers to integers Abstract. This paper focuses on the learning and teaching of negative numbers. This topic has been intensively studied using, among others, theoretical frameworks stemming from psychology - we give a summary of those researches in the first part of the paper. It is our aim to point out the peculiarities of a purely didactical approach. We do so using didactic concepts and most notably that of a praxemic extension. This concept will be put to use to bring to light the kind of problems and/or debates teachers and students have to face when dealing with extension of sets of numbers. This is made possible by contrasting negative numbers with complex numbers – hence the title. Lastly we expose the main lines of two didactic engineerings, closely related to the praxemic extensions analyzed above, and show what kind of shape they display when they are cast in contrasting curricular settings. Résumé. Cet article porte principalement sur l’apprentissage et l’enseignement des nombres relatifs, même si notre analyse fait écho, à titre comparatif, à des travaux concernant les nombres complexes mentionnés dans le titre. Notre propos – 1 Ce travail est un des résultats du séjour de Maggy Schneider à Marseille, comme professeur invité par l’IFE (alors INRP), auprès de l’UMR P3, en avril et mai 2010. ANNALES de DIDACTIQUE et de SCIENCES COGNITIVES, volume x, p. xx – xx. © 200X, IREM de STRASBOURG.

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M. SCHNEIDER1, P. JOB, Y. MATHERON & A. MERCIER

EXTENSIONS PRAXÉMIQUES LIÉES AUX ENSEMBLES

DE NOMBRES :

DES COMPLEXES AUX RELATIFS

Abstract. English title.

Praxemic extensions related to sets of numbers : from complex numbers to integers

Abstract. This paper focuses on the learning and teaching of negative numbers. This topic has been intensively studied using, among others, theoretical frameworks stemming from psychology - we give a summary of those researches in the first part of the paper. It is our aim to point out the peculiarities of a purely didactical approach. We do so using didactic concepts and most notably that of a praxemic extension. This concept will be put to use to bring to light the kind of problems and/or debates teachers and students have to face when dealing with extension of sets of numbers. This is made possible by contrasting negative numbers with complex numbers – hence the title. Lastly we expose the main lines of two didactic engineerings, closely related to the praxemic extensions analyzed above, and show what kind of shape they display when they are cast in contrasting curricular settings.

Résumé. Cet article porte principalement sur l’apprentissage et l’enseignement des nombres relatifs, même si notre analyse fait écho, à titre comparatif, à des travaux concernant les nombres complexes mentionnés dans le titre. Notre propos – qui prend la forme d’une analyse a priori – vise à mettre en lumière la spécificité d’un regard proprement didactique sur un sujet déjà abordé maintes fois dans des cadres d’analyse plutôt psychologiques. Nombreuses sont en effet les recherches portant sur l’apprentissage et l’enseignement des nombres relatifs : nous en rendrons compte dans une première partie de cet article. Nous y décrirons également comment nous envisageons certains concepts didactiques comme outils d’analyse, en particulier celui d’extension praxémique. Ensuite, en dressant un parallèle entre nombres relatifs et nombres complexes, nous montrerons ce qui peut faire a priori débat ou problème lorsque professeur et élèves sont amenés à gérer des extensions d’ensembles de nombres. Enfin, à des fins prospectives, nous décrivons dans les grandes lignes deux ingénieries qui envisagent les extensions praxémiques analysées plus haut dans des perspectives curriculaires très différentes.

Mots–clés. extensions praxémiques, nombres relatifs, nombres complexes, positivisme empirique, ingénierie didactique

1 Ce travail est un des résultats du séjour de Maggy Schneider à Marseille, comme professeur invité par l’IFE (alors INRP), auprès de l’UMR P3, en avril et mai 2010.

ANNALES de DIDACTIQUE et de SCIENCES COGNITIVES, volume x, p. xx – xx.© 200X, IREM de STRASBOURG.

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M. SCHNEIDER, P. JOB, Y. MATHERON & A. MERCIER

Keywords. praxemic extensions, integers, negative numbers, complex numbers, empirical positivism, didactic engineering

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Introduction

Les questions d’apprentissage et d’enseignement liées aux extensions d’ensembles de nombres ont été prises en considération très tôt dans l’école dite française de didactique des mathématiques. Des travaux pionniers ont été menés par Brousseau sur les rationnels et décimaux, lesquels prenaient appui sur la notion d’obstacle de sa Théorie des Situations Didactiques (TSD) : « Puisque le fait de plonger un ensemble dans une extension change ses propriétés et celles de ses éléments que l’on peut désormais utiliser, nous pouvons nous attendre à de grandes difficultés et à des résistances au changement d’emploi lorsque l’habitude jouera un rôle - qu’il s’agisse d’habitudes psychologiques ou culturelles. C’est un des principaux obstacles épistémologiques que l’on rencontre en mathématiques. » (Brousseau, 1998). Ce concept d’obstacle, qu’il soit d’ordre épistémologique ou didactique, a fait l’objet ensuite d’un débat portant précisément sur les nombres relatifs (Glaeser, 1981). Quant aux nombres réels, ils ont été travaillés à des années d’intervalle, d’une part, par Douady dans le cadre de sa dialectique outil/objet (Douady, 1986) et, d’autre part, par Bronner (1997) en termes de rapports personnel et institutionnel à l’idécimalité dans le cadre de la Théorie Anthropologique du Didactique (TAD).

Les outils d’analyse exploités dans cet article se situent à la croisée de plusieurs théories didactiques : le concept d’extension praxémique (Matheron, 2010), développé à la section 1.3, s’inscrit dans la dialectique « ostensifs-non ostensifs » de la TAD (Bosch et Chevallard, 1999) tout en l’articulant à la théorie de la représentation sémiotique de Duval (1995). Mais le positivisme empirique (Job et Schneider, 2014), en tant qu’obstacle épistémologique, amarre la réflexion également à la TSD. Le parallèle fait ici entre nombres complexes et nombres relatifs (section 2) est structuré d’ailleurs par chacun de ces deux pôles : d’un côté, des extensions praxémiques envisagées du point de vue de la congruence ou non congruence de conversions entre registres de représentation ; de l’autre, un même obstacle épistémologique qui permet d’interpréter les résistances des élèves à ces deux extensions numériques.

Nous n’investiguerons pas ici d’autres cadres théoriques, nous contentant d’illustrer ce que notre choix et notre articulation de cadres conceptuels nous permettent de formuler comme hypothèses crédibles en marge de recherches connues concernant les nombres relatifs (sections 1.1 et 1.2).

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EXTENSIONS PRAXEMIQUES

La section 3 met à l’œuvre le concept d’extension praxémique sous la forme de deux ingénieries contrastées qui tiennent compte de l’obstacle du positivisme empirique.

1. D’un aperçu de recherches sur l’apprentissage et/ou l’enseignement des nombres relatifs à des outils d’analyse didactique

1.1. Des travaux qui se réclament de la dialectique « procédural/structural »

Parmi les nombreuses recherches portant sur les nombres relatifs, plusieurs s’ins–crivent dans un cadre théorique plus global formulé par A. Sfard. Rappelons brièvement ce dont il s’agit. Sfard (1991) montre que, dans l’histoire, les diverses sortes de nombres sont apparus d’abord au travers de manipulations et de processus (de mesure par exemple) avant d’être acceptés comme nouveaux objets indépendants de ces mêmes processus. Cette dialectique, de l’opérationnel à l’objet ou du procédural au structural lui inspire une interprétation des erreurs concernant les relatifs : faute d’avoir été impliqués dans cette dialectique lors de l’ensei–gnement, les nombres négatifs seraient l’objet, pour les élèves, d’une conception pseudo–structurale, en ce sens que ces derniers prendraient le signifiant pour le signifié. S’inscrivant dans ce cadre théorique, Gallardo (1994, 2001 et 2002) et Gallardo & Rojano (1993, 1994) déduisent de leurs analyses de textes historiques une relation entre le langage, les méthodes de résolution de problèmes utilisées et la conceptualisation des nombres négatifs. Et Gallardo définit quatre niveaux d’acception des négatifs : primo, nombre qui soustrait ; secondo, nombre relatif lié à l’idée de quantité opposée dans le domaine discret et à celle de symétrique dans le domaine continu ; tertio, nombre isolé, résultat d’une opération ou solution d’un problème ou d’une équation ; quarto,,concept formel de nombre négatif, fruit d’une extension du domaine numérique des naturels aux négatifs. A partir de là, Gallardo et Rojano, (1994) distinguent trois principales fonctions du signe moins : unaire (renvoyant au signifiant structural de nombre relatif, de nombre–solution, de nombre–résultat et de nombre négatif formel), binaire (concernant des signifiants opérationnels tels que soustraire en arithmétique ou en algèbre, retirer, compléter, calculer la différence entre deux nombres) et symétrique par référence au signifiant opérationnel qu’est prendre l’opposé d’un nombre. Plusieurs erreurs classiques observées chez les élèves peuvent alors être interprétées par une absence de perception de la polyvalence du signe mais aussi un manque d’« adaptibility » du signe aux situations rencontrées (Sfard et Linchevski, 1994).

Parmi ces erreurs ou difficultés, plusieurs surviennent dans la résolution d’équa–tions lorsque celle–ci se base, non sur des méthodes intuitives telles que la méthode de fausse position mais sur des méthodes formelles qui impliquent des principes comme : « tout terme qui change de membre, change de signe ». D’abord, des interviews d’élèves de 12–13 ans montrent que ceux–ci éprouvent des difficultés à accepter des solutions négatives aux équations que ce soit dans un contexte de

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résolution de problèmes ou même de résolution d’équations arithmétiques (Gallardo, 2001, 2002; Gallardo & Rojano, 1993, 1994). Ces difficultés peuvent être rapprochées sans doute de deux autres observations : les opérations sont perçues, par des élèves de l’école élémentaire, comme des actions à accomplir : un « do something signal » (Kieran, 1981) tandis que l’étape « x = » est vue comme un signal d’arrêt de la procédure en cours et non comme une solution à rapporter soit à l’équation, soit à un problème (Sfard et Linchevski, 1994). Toujours à propos de la résolution d’équations, Filloy & Rojano (1984, 1989) soulignent le côté délicat du passage des équations arithmétiques aux équations algébriques, passage qu’ils appellent pour cette raison « Didactic cut » et dont ils relèvent la trace dans des textes historiques. D’autres erreurs se manifestent dans la réduction de termes semblables. En particulier, celles qui sont liées à ce que Herscovics et Linchevski (1991) appellent le « detachment from the minus sign » qui consiste à ignorer le signe « moins » précédant un nombre ou une entité littérale et ce, y compris dans une somme numérique algébrique; ce que Vlassis (2004) explique par « l’inca–pacité de nombreux élèves à utiliser ce signe de manière unaire ». Herscovics et Linchevski (1991) évoquent d’autres erreurs liées à la réduction de termes semblables : par exemple, 19n + 67 – 11n – 48 deviendra 30n + 19 car, en rapprochant 19n de – 11n les élèves utiliseront le signe « plus » situé derrière 19n plutôt que le signe « moins » précédant 11n (c’est le phénomène de « Jumping off with the Posterior Operation »), tandis que 67 – 48 deviendra – 19 pour cause, sic, d’« Inability to select the appropriate operation for the partial sum ». A cela s’ajoutent des difficultés pour percevoir ce qui peut être négatif ou positif dans des expressions littérales. Ainsi, à la consigne (que nous jugeons peu claire) : « Dans l’expression – 18 – 2y + 5a – y, entoure les nombres entiers négatifs et souligne les entiers positifs », des élèves ne soulignent que les coefficients numériques, d’autres mobilisent des lettres en faisant éventuellement subir aux lettres a et y des sorts différents, d’autres envisagent des termes sans leur signe, … » (Vlassis, 2004). Quant à la règle des signes portant sur les opérations d’addition et de soustraction, quatre grandes difficultés lui sont associées, d’après Gallardo (1994) :

Généraliser abusivement des procédés adaptés à certains types d’ex-pressions mais pas à d’autres. Ainsi, considérer comme équivalentes les expressions – a – b et – a – (– b) parce que le signe moins est décodé comme un signe de soustraction et que, par conséquent, le deuxième signe moins à l’intérieur de la parenthèse est jugé inutile par les élèves.

Penser la présence de parenthèses comme indice que l’opération en jeu est une multiplication : par exemple, effectuer 7 – (3) comme 7. –3 ou 7.3 ou –7.3.

Appliquer la règle des signes de manière inadéquate et parfois cumulative : – a – b devient a + b car « moins par moins donne plus »; remplacer – 5 –

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EXTENSIONS PRAXEMIQUES

(– 3), d’abord par 5 + (– 3) car « moins par moins donne plus », puis par 5 – 3 car « plus par moins donne moins ».

Accorder une prédominance aux nombres négatifs : – 2 – (– 3) devient – 5 plutôt que 1, un résultat positif étant considéré comme impossible par les élèves, étant donné le nombre de signes « moins » dans l’expression.

Certaines de ces difficultés semblent indiquer une confusion entre l’addition et la soustraction d’une part, et la multiplication d’autre part. Cela peut évidemment s’expliquer par un glissement langagier dans des expressions telles « moins par moins donne plus ». Et, pour Vlassis (2004), plusieurs d’entre elles ou d’autres analogues témoignent de l’étroite relation qui existe entre la fonction binaire de la soustraction algébrique et l’utilisation unaire du signe « moins » pour former un relatif.

Beaucoup de ces erreurs et leurs interprétations nous paraissent s’intégrer dans un registre plus psychologique que didactique et ce, même lorsqu’elles sont situées en référence à l’histoire des mathématiques. Ainsi, elles sont décrites en termes de « mauvaise perception » ou « d’incapacité à voir ». Nous nous expliquerons plus loin sur notre approche didactique. Mais il nous semble dérisoire de chercher une cohérence psychologique derrière des procédures qui, de toute façon, semblent indiquer que l’élève manipule des écritures sans référence aucune à l’une ou l’autre signification proprement mathématique, et sans la trace d’une quelconque interprétation. Pour notre part, nous parlerions d’« interprétation relevant d’une règle d’action ponctuelle » ou de « manque d’un discours théorique permettant de fonder une interprétation adéquate » en nous référant au travail de Serfati (2005) sur la révolution symbolique. Car, parmi les erreurs citées et analysées ci–dessus, plusieurs sont d’ordre syntaxique et on peut se demander si cette centration excessive sur la dimension syntaxique des opérations est la même lorsque les élèves peuvent les interpréter dans le contexte d’un problème ou d’un modèle. C’est l’objet de la section suivante.

1.2. Un débat sur le rôle des modèles

Outre Gallardo (1994), Putnam et al. (1987) se sont penchés sur cette dernière question. Leurs études respectives convergent vers la même conclusion : les élèves se comportent de manière assez schizophrénique, ne songeant pas à revenir aux contextes significatifs lorsqu’ils manipulent des expressions algébriques et allant même jusqu’à juger non pertinente pour ce traitement la référence à des modèles ou « situations–problèmes ».

Leur observation nous amène aux dispositifs d’enseignement des nombres relatifs et, en particulier, à l’utilisation de ce qu’on appelle des « modèles » de ces nombres; soit, au sens de Janvier (1983), des « embodiments or iconic represen–tations which are used to convey more concretely some abstract mathematical

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idea ». Cette définition nécessite un complément de sens par le biais d’exemples; l’idée même de ce qui est « concret » étant en effet fort relative et, comme Goldin (2001) le précise, les modèles pouvant être des représentations externes, telles que les représentations algébriques, ou des représentations internes, comme les symbo–lisations personnelles ou conceptions. Vlassis (2004) répertorie trois types de modèles, ainsi nommés par les chercheurs cités : la droite des nombres, le modèle de type « équilibre » (situation « concrète » où les nombres opposés sont représentés respectivement par des billes noires et blanches, des charges positives et négatives, des entrées et des sorties, des gains et des pertes) et un modèle mixte : un ballon qui monte et qui descend sous l’effet de petits sacs qui lui sont attachés et qui le lestent, et de petits ballons qui l’élèvent. Comme cette chercheuse le développe, le recours didactique à des modèles fait débat.

Pour certains auteurs, les modèles seraient indispensables dans l’enseignement car ils permettent aux élèves de « donner une signification » aux relatifs (Küchemann, 1981) ou une signification concrète et intuitive (Linchevski et Williams, 1996, 1998, 1999; Thompson et Dreyfus, 1988; Peled, Mukhopadhyay et Resnick, 1989 et Janvier, 1983 et 1985). En autorisant des représentations, ils seraient un soutien à l’apprentissage (Sfard, 1991 et Goldin, 2001). Pour eux en effet comme pour Duval (1993), la compréhension suppose d’avoir différentes représentations d’un même concept et d’opérer dans différents systèmes. Parmi les chercheurs hostiles à l’utilisation de modèles, Fischbein (1987) rejette tous les modèles concrets connus parce qu’ils ne correspondent à aucun des critères nécessaires à ses yeux : c’est–à–dire, permettre aux élèves de « surmonter les obstacles cognitifs connus », « éviter des conventions artificielles » et « créer une image mentale correcte du concept ». Au mieux, pour lui, ces modèles ne peuvent expliquer que quelques propriétés algébriques de ces nombres. Mais le principal argument contre les modèles se trouve dans l’idée que ceux–ci pourraient constituer un obstacle à une conception formelle des négatifs. C’est, entre autres, l’avis de Glaeser (1981) qui se réfère pour cela à l’issue de la crise des relatifs dans l’histoire des mathématiques – sur laquelle nous reviendrons – et qui, fort de cet appui historique, craint que l’usage de modèles n’entrave l’acceptation par les élèves des nombres formels. Il estime, en outre, qu’un bon modèle pour les propriétés additives risque de créer des blocages pour les propriétés multiplicatives.

Parmi les modèles, celui qui a fait couler le plus d’encre est la droite des nombres sur laquelle nous nous attardons quelque peu. Pour Freudenthal (1973), la droite des nombres est un excellent moyen de visualisation des principales opérations arithmétiques. Elle devrait être utilisée dès les premiers apprentissages arithmé–tiques et on y représenterait au fur et à mesure les différentes sortes de nombres enseignées : « The real numbers are pre–existent by their intuitive images2, and so

2 Propos qui n’engage que son auteur

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are the operations, the addition as a shift, the multiplication as dilatation, and the algebraic laws, as obvious or easily vizualized phenomena ». Cependant, ce chercheur estime qu’il ne faut pas surexploiter ce modèle, en particulier pour des cas tels que 3 – (– 7) et – 3 – (– 7) qui nécessitent une méthode « inductive – exploratoire » : celle–ci consiste à analyser les régularités observées dans les opérations avec les naturels et à en « déduire » des règles dans les négatifs. Par exemple, la suite de calculs : 3 – 2 = 1, 3 – 1 = 2, 3 – 0 = 3, 3 – (– 1) = 4, 3 – (– 2) = 5 se justifie en raison d’une régularité : « A chaque fois que le 2 e nombre descend de 1, la réponse augmente de 1 ». Nous reviendrons plus loin sur la réflexion de Freudenthal concernant les relatifs.

Peled, Mukhopadhyay et Resnick (1989) estiment, quant à eux, que la droite des nombres est un modèle mental spontané pour les négatifs, dès les premières années de l’enseignement primaire, en raison du fait que ce modèle est proche de « la vie de tous les jours ». Cependant, pour ces auteurs, les élèves peuvent avoir de la droite des nombres soit une conception correcte de « continuous number line », soit une conception erronée de « divided number line », zéro étant plus souvent associé à l’idée de barrière qu’à celle de nombre. Goldin et Shteingold (2001) insistent, eux, sur le caractère complexe de certains modèles, en particulier la droite des nombres qui requiert la capacité de regarder un nombre soit comme une position sur la droite (un point), soit comme un déplacement (flèche, sic). Comme nous le développerons plus loin en accord avec Serfati, ce double regard demande une interprétation fonctionnelle des écritures formelles, et donc une présentation qui ne soit pas seulement ostension des formalismes et de leur manipulation.

1.3. Une approche didactique systémique, outillée du concept d’extension praxémique

Vlassis (2004) situe les recherches précédentes entre deux approches qu’elle distingue de plusieurs points de vue. Ce qu’elle appelle une « approche épisté–mologique », ou encore « approche de tradition cognitive », dans laquelle elle situe à la fois les recherches qui se sont intéressées au développement historique des nombres négatifs afin d’éclairer les processus d’apprentissage des élèves, ainsi que les recherches relatives à la problématique des modèles et de leur pertinence dans les dispositifs d’enseignement. Et une « approche socioculturelle » basée principalement sur les travaux de Vygotsky, et à laquelle elle associe des recherches qui laissent une large place à la médiation sémiotique, en particulier celles de Radford (1998) et de Kieran (2001). Ces deux approches se différencient, à ses yeux, selon plusieurs critères. D’abord, les recherches épistémologiques renverraient plutôt à des modèles binaires concernant les interactions individu/objet de nature strictement individuelle tandis que les approches socioculturelles, concerneraient des modèles ternaires concernant les interactions individu/objet/ contexte social. Ensuite, dans les premières, le moteur du développement est

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interne, comme chez Piaget qui ne reconnaît la transmission sociolinguitisque comme facteur de développement que si les structures cognitives sont déjà présentes et, dans les secondes, l’origine du développement est externe puisque située, comme chez Vygotsky, dans les interactions sociales des individus. Enfin, les approches épistémologiques et les approches socioculturelles se distinguent par leur objet d’étude : l’évolution des concepts et des obstacles cognitifs qui y sont liés pour les premières alors que, pour les secondes, « ce sont le discours et les signes en tant qu’instruments médiateurs qui deviennent les unités d’analyse » (Vlassis, 2004, p. 68). La classification en deux entrées, « approche épistémo–logique » et « approche socioculturelle », occulte, par son caractère dichotomique, le fait que c’est à l’Ecole que l’on étudie généralement les mathématiques, dont les nombres relatifs. Ce qu’est devenu le savoir à l’issue de son parcours institutionnel jusque dans une classe, le type de relations qui se nouent autour de lui selon les positions d’élèves et de professeur, la spécificité de la forme scolaire qui dépend aussi de déterminants sociaux externes à cette institution, mais qui influent tant sur le savoir que sur la manière grâce à laquelle il est enseigné et appris, sont des incontournables dont la prise en compte nous apparaît fondamentale.

Un regard didactique. Selon nous, l’approche didactique développée par la Théorie des Situations Didactiques de Brousseau (1986-1998) et par la Théorie Anthropologique du Didactique de Chevallard (1998) permet de mieux penser une articulation entre les approches précitées. En effet, si nous considérons ces deux cadres conceptuels comme complémentaires et solidaires à la fois, nous pouvons schématiser cette approche en quelques points, utiles pour notre propos, et qui seront illustrés au fil de cet article :

La didactique ne peut faire l’économie d’une étude épistémologique, même si elle ne s’y réduit pas, et l’étude des obstacles épistémologiques, ainsi que celle d’une dimension fondamentale du savoir visé, demeurent des préalables incontournables dans la construction de toute ingénierie didactique.

L’activité mathématique y est modélisée non en termes de concepts, mais par la description des usages d’objets sémiotiques, usages qui sont toujours situés dans une institution donnée, qu’elle soit savante, professionnelle ou didactique. Cette modélisation sert à l’analyse didactique. Elle a revêtu plusieurs formes, selon les questions auxquelles les chercheurs se sont attaqués, mais nous considèrerons ici que ces formes relèvent d’une même position épistémologique et sont donc compatibles, sauf à ce que nous rencontrions des questions nécessitant un cadre théorique et des méthodologies aptes à saisir l’action conjointe enseignants-élèves à propos de savoirs (Sensevy et Mercier, 2007).

Décrire l’activité mathématique suppose une dialectique entre, d’une part, ce que Bosch et Chevallard (1999) nomment des « non–ostensifs » et

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Brousseau (1998 et 2004) des « connaissances » (les idées, les « concepts » mathématiques : des notions, dans le langage courant) et, d’autre part, ce que Bosch et Chevallard nomment les « ostensifs » et Brousseau des « représentations » (les signes graphiques, scripturaux, gestuels, etc. : des notations dit–on couramment lorsque ces ostensifs sont des graphismes reconnus et stables). Ainsi, pour nous, les notations permettent à la fois d’évoquer les notions et de réaliser le travail mathématique par une manipulation réglée qui est source d’une économie de pensée et d’action.

La construction des savoirs correspond à un double processus : de définition progressive des notions conduisant à la stabilisation des sys–tèmes de notations et de leurs règles de fonctionnement, d’un côté; de normalisation des systèmes de notations et de réduction de leur coût d’usage en lien avec la production d’interprétations stables de ces pratiques que sont les notions. Ainsi, la mémoire et l’usage des savoirs sont collec-tifs, et en quelque sorte contractuels, à l’échelle d’une institution donnée; l’institution étant pour nous le groupe social dans laquelle ce processus trouve les conditions de son développement (c’est–à–dire un corps, au sens de Bourdieu et al., 1983).

Dans une telle institution didactique, les savoirs et leurs usages sont médiatisés autant par des jeux de langage du professeur et des élèves, permettant un mouvement entre « notions » et « notations », que par les interactions des élèves avec un « milieu » au sens de la TSD dénué d’intention didactique puisque dans ce cas, les élèves eux–mêmes sont porteurs de l’intention d’apprendre quelque chose de leur travail dans le milieu (Sensevy et Mercier, 2007).

Le concept d’extension praxémique. Comme on le voit, cette perspective va au-delà de l’opposition proposée par Vlassis entre dimensions propres aux « approches épistémologiques » et aux « approches socioculturelles » qu’elle permet d’articuler. Elle permet cependant d’intégrer les apports des travaux sur les systèmes sémiotiques que Duval par exemple étudie dans leur fonction cognitive de « cadres de représentations ». Car le jeu entre les systèmes de notations suppose et demande une référence aux actions et un contrôle par les notions associées, et les diverses approches didactiques sont donc, sur ce point, compatibles. Un concept particulier s’y inscrit et s’avère particulièrement utile en matière d’extensions d’ensembles de nombres : il s’agit du concept d’extension praxémique. Le terme de « praxème », au sens de Chevallard (1991), est formé à l’image du terme linguistique de lexème. En didactique, il s’agit d’une unité minimale de signification de la pratique du savoir, au sein d’une institution donnée, dotée d’une même signification pour les sujets de cette institution. Par exemple, l’écriture de deux nombres l’un sous l’autre, de telle manière que les chiffres des divers ordres soient exactement superposés, est un praxème, unité minimale de signification qui

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évoque déjà la pratique « poser une opération en colonnes ». De même calculer un produit, calculer une somme de produits sont des praxèmes dans l’accomplissement de la technique de calcul du produit de deux matrices. C’est à ce concept de praxème que se réfère la notion d’extension praxémique (Matheron, 2010). Cette expression désigne l’utilisation d’un praxème dans le cadre d’une pratique propre à une autre organisation mathématique que celle dont il est originairement issu, et sans que l’on se soit nécessairement enquis de la validité mathématique de cette extension d’usage.

L’histoire des mathématiques fournit des exemples célèbres de ce type d’exten–sions pour lesquelles la validité est soit prouvée au moment où elle s’accomplit, soit trouvée ultérieurement, au cours du développement historique des recherches et travaux en mathématiques. Par exemple, Newton procède dans sa Méthode des Fluxions et des Suites infinies (1671), à l’extension de la division des polynômes numériques dans le système de base dix aux opérations littérales de l’algèbre, la division des polynômes d’une variable. De même qu’un nombre décimal peut égaler la somme de la série des fractions décimales qui permettent son écriture, Newton regarde toute expression algébrique comme égale à un développement en série. Sans se préoccuper de questions de convergence, il convoque par-là toute une série de praxèmes dont la mobilisation est utilisée habituellement dans le cadre

strict de l’arithmétique, ainsi il obtient un développement de en divisant a2

par b + x « tout comme »3 il diviserait 1000 par 7, c’est–à–dire en mobilisant les mêmes praxèmes : disposition en potence, pratiques usuelles liées aux dividendes, diviseur et quotient, … Il s’agit là pour Newton de réaliser une économie de pensée et d’action en songeant à « appliquer à l’Algèbre la doctrine des fractions décimales, puisque cette application ouvre la route pour arriver à des découvertes plus importantes et plus difficiles » (Newton, Ib. p.2). C’est que, comme le souligne Matheron (2010, pp. 102–103) en faisant référence à Serfati (2005) « […] l’explosion du symbolisme […] permet, à un coût plus bas, l’engagement et le développement du travail mathématique. Ce symbolisme mathématique, c’est–à–dire ce que l’on nomme les ostensifs scripturaux en didactique des mathématiques, contient une dimension relative à son ergonomie. En cela les ostensifs scripturaux sont porteurs de mémoire : celle des choix multiséculaires faits par les commu–nautés de mathématiciens afin de rendre la pratique des mathématiques plus aisée, générale ou universelle ».

Les extensions praxémiques concernent donc l’usage de systèmes de praxèmes et des notations qui les supportent dans des pratiques nouvelles. Ces usages ne s’accompagnent pas forcément d’un contrôle a priori par un discours ou une construction technologique qui viendrait les justifier, comme on l’observe chez 3 Cette utilisation du praxème dans la nouvelle situation suppose bien sûr des adaptations.

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Newton. Cependant, en tant que « mémoire du savoir » (Matheron, Ib.), si ces extensions relèvent bien de la métis, c’est–à–dire d’une « ruse de l’intelligence », pas plus en classe quand elles sont le fait d’élèves que dans le travail des mathématiciens, elles ne sont ni aléatoires, ni erratiques. Ainsi l’ostensif « dy/dx », créé par Leibniz, rappelle–t–il l’idée du quotient différentiel « y/x » dans son extension à la désignation de la limite de ces quotients, alors que sa notation d’intégrale définie est emblématique non seulement de la procédure de sommation à l’origine des calculs d’aires et de volumes mais aussi d’une cohérence relative aux dimensions des grandeurs en jeu. En outre, si les extensions praxémiques donnent accès à de nouveaux non–ostensifs – par exemple la notion de développe-ments en série –, ou encore à un enrichissement des anciens à travers des pratiques nouvelles qui changent le regard qu’on leur portait – par exemple les tangentes, les aires sous l’angle du calcul infinitésimal –, c’est parce qu’elles sont établies de façon contrôlée par leurs auteurs mathématiciens, qui savent qu’ils créent là un calcul sur des objets nouveaux. Ainsi, la « grande conformité » entre les opérations algébriques que Newton s’autorise et les opérations arithmétiques, est évoquée par lui–même dans les termes suivants : « […] cette ressemblance ou analogie, qui serait parfaite, si les caractères n’étaient pas différents, les premiers étant généraux et indéfinis, et les autres particuliers et définis […] ». Quant à Fermat, s’il manipule des expressions littérales dans lesquelles sont mobilisés autant des « infinitésimaux » – sujets à caution, en analyse standard, car étant tantôt nuls tantôt non nuls au fil du développement – que des variables, c’est pour s’empresser de contrôler la pertinence de son calcul audacieux en montrant qu’il permet de retrouver des résultats déjà établis par ailleurs.

Les extensions praxémiques peuvent être aussi le fait d’élèves car elles sont de nature anthropologique, Brousseau (2004) ayant montré que les élèves peuvent produire des extensions praxémiques dans une situation d’action, mais aussi des systèmes de représentation et les praxèmes associés dans des situations de formulations relatives à leurs actions propres. Par-là l’usage d’un outil, ou l’outil lui–même, est transformé afin d’accomplir des tâches nouvelles auxquelles il n’était pas destiné. Pour autant, nous verrons qu’il ne s’agit pas d’un détournement de fonction comme dans le bricolage, au cours duquel des objets obsolètes sont cannibalisés. Se spécifiant selon les types différents d’institutions en lesquelles les extensions praxémiques se produisent, elles ne se présentent pas de la même manière au sein d’institutions de production de mathématiques – les institutions de mathématiciens –, et au sein d’institutions didactiques. Dans les classes où l’étude des mathématiques comprend la rencontre de problèmes nouveaux pour les élèves et la recherche de réponses connues à étudier, « l’invention » praxémique conduit souvent à l’extension indue d’une pratique antérieure pour un problème nouveau mais qui présente quelque similitude. Si, dans les institutions de production de mathématiques, elles sont assumées consciemment par les mathématiciens, il n’en

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va pas forcément de même dans les secondes où, contrat didactique oblige, les « élèves » se risquent à des extensions sans se poser les problèmes de leur validation comme objets mathématiques. Ils se contentent souvent de l’approbation ou la désapprobation du professeur (Fluckiger et Mercier, 2002). On peut mettre dans ce cas de figure les expressions abusives de la linéarité qui correspondent à des extensions non gérées du praxème : (@ + *)# = (@)# + (*)# entre le contexte des ensembles de nombres munis d’une addition et d’une multiplication distributive par rapport à l’addition, et le contexte de l’image d’une somme par une fonction comme somme des images des termes. De même en est–il d’élèves qui, résolvant une équation logarithmique, énoncent qu’ils « simplifient par ln », parce que la résolution évoque pour eux une similitude avec la simplification par le facteur commun a non nul lorsqu’il apparaît dans les deux membres d’une équation algébrique. Nous verrons que les extensions praxémiques supposent, au sein d’institutions didactiques, une gestion toute particulière.

2. Les extensions d’ensembles de nombres : enjeux scientifiques et enjeux didactiques

Comme nous l’avons précisé dans l’introduction, notre apport est d’abord constitué d’une analyse a priori des difficultés d’apprentissage et d’enseignement des relatifs. A commencer par un obstacle épistémologique que nous décrirons dans la section 2.1. Nous ferons ensuite, dans la section 2.2, une incursion dans l’univers didactique des nombres complexes pour en tirer, à la section 2.3., des éléments d’analyse sur les relatifs.

2.1. L’obstacle empiriste

Revenons à la dimension épistémologique et aux obstacles du même nom. Les extensions des pratiques qui engagent la notion de « nombre », – le « concept » de nombre, dit–on ailleurs – sont, pour Brousseau (1998), sources d’obstacles épistémologiques : « Puisque le fait de plonger un ensemble dans une extension change ses ‘propriétés’ et celles de ses éléments que l’on peut désormais utiliser, nous pouvons nous attendre à de grandes difficultés et à des résistances au changement d’emploi lorsque l’habitude jouera un rôle – qu’il s’agisse d’habitudes psychologiques ou culturelles. C’est un des principaux obstacles épistémologiques que l’on rencontre en mathématiques ».

La notion d’obstacle épistémologique peut être envisagée à différentes échelles. A l’instar de Bachelard (1938) qui l’introduit pour étudier comment la connaissance première des choses fait obstacle à sa connaissance rationnelle, et de Schneider (1988) ou Sierpinska (1992) en didactique des mathématiques, nous adopterons ici un regard large en considérant un tel obstacle comme une attitude épistémologique qui oriente inconsciemment le regard sur les choses, faisant ainsi écran à d’autres manières de les penser.

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En ce qui concerne les obstacles épistémologiques liés aux nombres relatifs, Glaeser (1981) demeure une référence même si on lui a reproché, lors de colloques, d’avoir parlé de ce type d’obstacles en termes de « difficultés » plutôt que d’avoir analysé à quels types d’erreurs prototypiques ils conduisent. Glaeser (Ib.) décompose l’histoire en trois grandes périodes au cours desquelles, respectivement, les solutions négatives ne sont pas acceptées, sont acceptées dans certains contextes ou émergent comme construction théorique déconnectée de tout référent sensible. Il inventorie six obstacles qu’il qualifie d’épistémologiques : inaptitude à mani–puler des quantités négatives isolées, difficulté à donner du sens à des quantités négatives isolées, difficulté à unifier la droite numérique, l’ambiguïté entre un zéro « origine » et un zéro absolu, la difficulté de s’écarter du sens initial attribué aux êtres numériques et le désir d’un modèle unifiant. Parmi ces difficultés, celle qui pousse à vouloir donner un sens concret aux nombres relatifs relève sans doute du positivisme empirique selon lequel les lois et concepts scientifiques se doivent d’être des reflets exacts des objets du monde physique au lieu de constructions intellectuelles faites par l’homme dans un projet donné qu’il soit de modélisation ou autre, ce qui est le sens donné à la notion d’expérience première par Bachelard. Le positivisme empirique est un obstacle dont Schneider (1988) a montré le caractère épistémologique et évalué l’impact important sur les premiers apprentissages de l’analyse mathématique. De manière significative en tout cas, Glaeser insiste sur le fait que la crise des nombres relatifs s’est résorbée quand, en 1867, Hankel s’affranchit de la nécessité de représenter les nombres négatifs par un quelconque modèle « concret » : « La révolution accomplie par Hankel consiste à aborder le problème dans une tout autre perspective. Il ne s’agit plus de déterrer dans la Nature des exemples pratiques qui “ expliquent ” les nombres relatifs sur le mode métaphorique. Ces nombres ne sont plus découverts, mais inventés, imaginés. » (Glaeser, 1981, p. 337).

De cette analyse en termes d’obstacle empiriste, on peut tirer parti soit en faveur, soit en défaveur d’une approche didactique faisant la part belle aux modèles. Tout dépend si l’on considère les élèves capables ou non d’entrer dans la perspective de Hankel. Nous reviendrons à ce débat et à ce que l’histoire peut nous apprendre, une fois clarifiées certaines questions scientifiques et didactiques susceptibles d’éclairer les choix. Nous le faisons ci–après en prenant l’exemple des nombres complexes qui a quelque parenté avec le nôtre, ce qui nous permettra de montrer que le problème didactique traité ici dépasse le seul cas des nombres relatifs.

2.2. Ce que nous apprennent les difficultés d’apprentissage liées aux nombres complexes

Les nombres complexes font leur apparition vers le milieu du XVI e siècle dans la théorie des équations. En particulier, des algébristes italiens : del Ferro, Cardan, Tartaglia et Bombelli résolvent des équations de degré 3 et introduisent des racines

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carrées de nombres négatifs qui, parfois, se simplifient pour conduire à des racines entières. Encore appelées entités « imaginaires », ces écritures seront longtemps exploitées avant qu’on ne leur reconnaisse le statut de nombres. Les réserves exprimées à leur encontre sont nombreuses. Par exemple, Berkeley, au XVIIIe siècle, souligne la difficulté à leur octroyer un sens quelconque : « le signe algébrique qui dénote la racine carrée d’un négatif a son usage dans les opérations logiques, quoiqu’il soit impossible de former par lui une idée de quelque quantité que ce soit ». Une avancée notable sera d’ailleurs l’introduction du symbole i pour remplacer la racine de -1. C’est dans un double registre alliant géométrie et physique que ces entités acquerront leurs lettres de noblesses au travers de modèles tels que les segments orientés de Wessel (fin du XVIIIe siècle) et, bien sûr, le plan de Gauss (XIXe siècle) qui fait suite aux travaux d’Argand. Mais, comme le souligne Van Praag (2003), une définition jugée enfin « propre » sera celle donnée par Hamilton pour qui les nombres complexes sont des couples de réels munis des deux opérations que l’on connaît.

Un double mouvement d’analyse–synthèse . On voit, dans cette évolution, se créer un double mouvement : d’abord impliqués dans une extension praxémique de calculs littéraux, les entités dites imaginaires se trouvent ensuite modélisées, l’un de ces modèles fournissant le moyen de les définir à partir des réels qui sont ici des objets ayant déjà un statut mathématique. A partir de ce moment, ils peuvent faire l’objet d’un exposé axiomatique. Un cours dispensé, à raison d’une heure par semaine, à des élèves de terminale littéraire en France, dans les années 1960 (Pitel, Durant & Touyarot, 1968) met en évidence ce double mouvement en s’inspirant de la double démarche « analyse–synthèse » des problèmes géométriques. Dans « l’analyse de la construction » de l’ensemble des complexes, les auteurs montrent que la résolution d’équations telles que x2 = – 1 et (x – m)2 = r avec r < 0 fait apparaître la nécessité d’inventer de nouveaux nombres : d’abord i tel que i2 = – 1, ensuite des nombres de la forme a + bi où a et b sont des réels. A ce moment, la forme du produit de tels nombres est amenée comme découlant du souhait de conserver pour ces nouveaux nombres les propriétés de la multiplication dans R, en particulier la distributivité de la multiplication par rapport à l’addition. Les auteurs concluent cette phase d’analyse de la sorte : « Cette démarche ne prouve pas l’existence des nombres complexes. Il faut construire ces nombres, en n’utilisant que des nombres connus, c’est–à–dire les nombres réels. L’expression a + bi n’ayant pas encore de sens, un nombre complexe sera noté à l’aide des seuls nombres réels a, b, qui le caractérisent » (p. 91). Dans la « synthèse de la construction » de l’ensemble des complexes, débutant par l’axiomatique de cet ensemble, les auteurs définissent alors ces nouveaux objets comme couples de réels : « L’analyse de la construction de C nous a conduit à considérer des nombres de la forme a + bi où a et b sont des nombres réels. L’idée originale d’Hamilton fut de pressentir l’importance du couple (a, b) formé des deux nombres. […] Avec

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Hamilton nous allons définir l’ensemble C des nombres complexes comme ensemble des couples (a, b) a et b étant des nombres réels ». Et de poursuivre en définissant, dans cet ensemble de couples, l’addition et la multiplication – qui est bien celle conjecturée dans la phase d’analyse – et que les auteurs désignent alors par de nouveaux symboles : les symboles classiquement associés à de telles opérations mais entourés d’un rond. Il ne restera, en fin de parcours qu’à montrer que les réels sont partie des complexes et que r peut être identifié à (r, 0) puis que les imaginaires purs sont de la forme (0, p) et que si l’on note i le nombre (0, 1) on retrouve bien l’équivalence des notations (a, b) et a + bi. Cette approche peut illustrer la dialectique que décrit Sfard (1991) dans la construction des diverses sortes de nombres : d’abord impliqués dans des manipulations formelles et des processus – avec une écriture qui constitue une extension praxémique de ce qui se fait avec les réels – avant d’être définis au sens mathématique du terme. Ce cours était aussi l’occasion – et c’est un des objectifs affichés par leurs auteurs – d’initier les élèves à ce qu’est la démarche axiomatique, ainsi qu’au débat entre intuition et formalisation, en leur proposant la lecture commentée de textes écrits par de célèbres mathématiciens tels que Dieudonné et Bourbaki. Il n’a été professé que deux ans, les programmes ayant changé rapidement sous la pression des profes-seurs qui n’en saisissaient pas aisément l’intérêt, trop philosophique.

Formalisme versus intuitionnisme. Au cours de leur recherche sur les difficultés d’apprentissage liées aux nombres complexes, Rosseel et Schneider (2003, 2004 et 2011) pointent deux perspectives opposées susceptibles de dicter des ensei-gnements assez différents et analysent leurs retombées. En substance, la première perspective est formaliste et postule que « la non–contradiction est un critère suffisant d’existence » des objets mathématiques, ceux–ci existant par le truchement d’une définition, voire d’une écriture : ainsi, c’est l’expression i2 = – 1 qui ferait exister i. La position sous–jacente est que la « pensée mathématique n’a d’existence que dans les systèmes d’écriture qui la manifestent », indépendamment de toute réalité ou de toute intuition (Encyclopædia Universalis, 1980). C’est celle de Bouvier et George (1979) qui donne, des nombres complexes, la définition suivante : « Si i est une racine du polynôme x2 + 1, pour tout nombre complexe z, il existe un unique couple (a, b) de R2 tel que z = a + bi » et c’est bien à partir, entre autres, d’un tel postulat d’existence que peut être développée, sur le mode de la non–contradiction, la théorie des nombres complexes. A l’opposé, les mathéma–ticiens du courant intuitionniste insistent, quant à eux, sur la construction de nouveaux objets mathématiques au départ d’objets déjà construits et estiment, par conséquent, que la construction d’objets participe à l’établissement du caractère non–contradictoire d’une théorie; sinon on court le risque que n’existe aucun objet satisfaisant un lot donné d’axiomes et que, par conséquent, une théorie qui en

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découlerait soit contradictoire. Ainsi, au lieu de définir les nombres réels de manière axiomatique, on s’attachera à les définir par des « opérations » – en un sens large – portant sur les nombres rationnels; soit en les définissant par des « coupures » comme Dedekind, soit par le biais de suites de Cauchy de rationnels comme l’a fait Cantor. Les constructions successives de nombres s’appuient alors sur des « intuitions premières » telle la succession que forment les nombres naturels. Notons que ce débat entre formalistes et intuitionnistes a fait l’objet d’une évolution dont Gilbert (1999) rend compte. Si d’aucuns, tel Dieudonné, ont pu lier la non–contradiction d’une théorie à l’existence, au sens ontologique du terme, des objets satisfaisant les axiomes de cette théorie, le projet des fondements de la mathématique a fait évoluer la non–contradiction de condition nécessaire d’exis–tence en mathématiques au statut de condition suffisante : « Si l’existence d’un objet n’entraîne pas de contradiction, on peut décider de postuler son existence ». Et de citer Godefroy (1999) : « […] un concept mathématique nouveau apparaît d’abord comme une chimère. Cependant, s’il répond à un besoin et qu’il est susceptible d’une formalisation cohérente, il est à plus ou moins long terme intégré (en dépit de la routine et des interdits) au corps des mathématiques, et scienti–fiquement parlant la question est réglée ».

Des extensions praxémiques qui font sens pour les élèves. Le dernier propos cité nous amène à nous demander dans quelle mesure les élèves acceptent d’étudier des chimères et, surtout, en réponse à quel besoin. La recherche de Rosseel et de Schneider (Ib.) apporte des éléments de réponse à cette question. En effet, sur la base d’interviews d’élèves ayant reçu un enseignement algébrique et axiomatique des complexes, ces chercheuses ont montré les limites d’une telle approche en termes de non–sens déclaré par les élèves, en particulier en ce qui concerne les extensions praxémiques que constituent les écritures a + bi et x2 = – 1 décodées, en dépit de l’enseignement, comme si l’on travaillait toujours dans les réels. Ainsi, certains élèves estimaient qu’on n’avait pas résolu l’équation x2 = – 1 car, pour eux, on n’avait fait que remplaçer la lettre x par une autre lettre i qui « n’est pas une solution » (sic) et d’autres continuaient de s’étonner, en fin de parcours, qu’on puisse trouver « un nombre dont le carré vaut –1 ». En somme, on retrouve en ce point la difficulté d’accepter de tels objets sans en avoir une interprétation pratique extérieure aux mathématiques qui puisse en donner un modèle; ce qui relève, ici encore, d’une vision positiviste des mathématiques. Quant à l’implication des élèves interviewés dans l’étude des complexes, elle semblait ne tenir qu’au contrat didactique. En bref, ils se rassuraient grâce à la facilité des procédures qu’ils devraient savoir mettre en œuvre : « Les exercices sont un peu plus difficiles que ceux qu’on faisait en 4e 4[Résolution, dans R, d’équations du second degré] avec le

4 14-15 ans

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discriminant, mais ce n’est pas hyper compliqué; c’est plus facile que les sinus et cosinus. Les exercices qu’on fait, c’est parfait ». Sur la base des résultats de leur recherche, Rosseel et Schneider ont alors construit une ingénierie s’inscrivant dans une perspective intuitionniste, et dans laquelle les nombres complexes sont introduits d’emblée comme des codages algébriques des similitudes dont l’origine du repère est un point fixe, sous forme de couples images de (1, 0) par ces transformations. L’expression de la composition de celles–ci, d’abord sous forme trigonométrique puis sous forme cartésienne, fait apparaître une opération sur ces couples qu’on appellera produit, montrant de la sorte aux élèves l’intérêt de multiplier ainsi deux couples plutôt que de multiplier « spontanément » leurs composantes. Ce n’est qu’au terme du processus que les couples de réels sont appelés nombres complexes, parce qu’ils s’additionnent et se multiplient; argument utilisé également par Brousseau à propos des rationnels. Mais, comme l’observent ces chercheuses, cela ne suffit pas à faire accepter par les élèves que les couples aient le statut de nombres. La plupart des élèves disent avoir affaire à deux nombres et non à un seul. Certains reviennent même sur une signification du non–ostensif « nombre » liée à l’activité de « dénombrement ». S’imposent là un débat collectif et un discours du professeur, sur ce changement de statut et la fantasmagorie qu’il suscite immanquablement dans les esprits, aujourd’hui tout comme par le passé. Rosseel et Schneider utilisent une notation spécifique pour l’addition et la multiplication des couples, faisant intervenir in fine l’égalité i2 = – 1 comme une forme réduite de l’égalité entre le produit du couple (0, 1) par lui–même et le couple (–1, 0), après avoir assimilé les couples de la forme (a, 0) aux réels a, ce qui ne suffit pas à régler la question de l’interprétation de ces couples comme nombres.

On voit apparaître dans cet exemple des choix didactiques relatifs à une extension praxémique. Le « besoin » dont parle Godefroy, et auquel répondent les nombres complexes, est déjà l’objet d’un choix : d’un côté, le projet de complétude et de cohérence à l’origine du théorème fondamental de l’algèbre qui octroie aux polynômes un nombre de racines égal à leur degré; de l’autre, le codage algébrique de transformations géométriques. Un premier critère de choix est l’usage plus ou moins probable que les élèves feront de ces nombres dans leur avenir scolaire : d’une problématique purement algébrique, que rencontreront les élèves qui optent pour des études supérieures en mathématiques, à des usages plutôt propres aux futurs utilisateurs de mathématiques, au carrefour de la géométrie et de la physique où, par exemple, les vecteurs tournants de Fresnel s’inspirent de transformations géométriques pour modéliser les variations de courants alternatifs. Un second critère, sur lequel nous insisterons davantage ici, a trait à la possibilité de mettre sous contrôle d’un système donné, « faisant sens » pour les élèves, les comportements des nouveaux objets créés et, par conséquent, de valider l’extension praxémique qui les fait vivre. Dans le cas présent, Rosseel et Schneider ont évité

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l’usage a priori d’écritures de type a + bi – celles–là même grâce auxquelles Pitel et al. (1968) induisent la forme que devrait avoir le produit de deux complexes – car, comme en témoignent les interviews mentionnées supra, ces formes sont sources d’incompréhension. Par contre, le contexte des similitudes, dont le centre est l’origine du repère, semblait à ces chercheuses une entrée en matière abordable pour des élèves ayant un rapport stable et idoine à la trigonométrie élémentaire du cercle, la forme cartésienne du produit de deux complexes découlant alors des formules d’addition : cos (a + b) et sin (a + b).

En somme, dans leur scénario didactique, l’extension praxémique est l’abou–tissement d’un processus d’étude, et non un élément déclencheur de celui–ci, et les similitudes forment un système qui permet de réguler et de valider le compor–tement des nombres complexes qui en constituent un modèle, au sens de la modélisation intra–mathématique (Chevallard, 1989). Rosseel et Schneider (2011) ont décrit les succès et les limites de leur dispositif au cours duquel elles n’ont rencontré que des élèves ne trouvant guère de sens à une approche formaliste, que ce soit dans des classes « fortes » ou « faibles » en mathématique. Elles n’excluent cependant pas qu’existent des élèves acceptant de rentrer dans un jeu qui consiste à explorer le comportement de « chimères ». Et de reprendre un dialogue extrait d’un roman de R. Musil, Les désarrois de l’élève Törless, où l’on voit deux adolescents prendre des partis opposés sur ce point de vue. Au premier qui persiste à penser, en dépit de l’enseignement reçu, que la racine carrée d’un nombre négatif n’existe pas, le second rétorque : « Précisément : on agit comme si ce n’était pas impossible, en dépit des apparences, en pensant que cela finira bien par donner un résultat quelconque. […] Je crois que si l’on voulait se montrer trop pointilleux, il n’y aurait pas de mathématiques du tout ». On rejoint là un aspect de la métis dont Matheron (2010) souligne l’importance pour la création mathématique non seulement dans les institutions savantes, mais aussi dans les institutions scolaires. Une des clés du problème pourrait être dans le fait que, dans les propositions d’enseignement disponibles, l’extension praxémique est engagée sous l’impulsion du professeur tandis que son contrôle ne peut exister durablement pour les élèves que s’ils en sont les auteurs, l’expertise du professeur consistant alors à accom–pagner leur production. Nous y reviendrons.

2.3. Des complexes aux relatifs

Ce titre, un peu particulier, indique qu’il y aurait lieu de faire un parallèle entre les difficultés éprouvées par les élèves à propos des nombres complexes et celles concernant les relatifs. Evidemment, un complexe peut être un couple de réels négatifs mais, au moment où ce type de nombre sera enseigné, l’élève est supposé avoir « adopté » les nombres munis d’un signe « – ». Nous ferons en effet cette hypothèse, au risque de certaines illusions. Ce que nous voulons montrer ici, c’est

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en quoi le cas des nombres relatifs s’apparente à celui des complexes, du point de vue des difficultés d’apprentissage, et en quoi il s’en différencie.

L’obstacle empiriste en commun. D’abord, le même obstacle empiriste est à l’œuvre dans les deux cas, bien que de manière différente. En effet, l’existence des relatifs négatifs ne fait pas l’objet d’un même scepticisme que celle des complexes, en raison de l’usage des premiers dans la culture : codage de températures, de profondeurs sous–marines, niveaux d’ascenseur, échelles de temps, gestion de comptes, etc. Cependant, comme le montrent les recherches citées à la section 1, il n’est pas évident de donner par ce moyen un « sens » acceptable aux opérations et en particulier à la multiplication. Ainsi, la règle du produit « moins par moins donne plus » semble pâtir, autant que le théorème de Pythagore jadis, d’une répu–tation de « pont aux ânes » ainsi qu’en témoignent plusieurs réactions d’adultes recueillies par Rosseel et Schneider (2011) : « Là où j’ai commencé à décrocher en math, c’est quand on m’a dit que moins par moins donne plus. Je n’ai jamais compris que, par exemple, – 2 fois – 3 cela donne + 6. J’en ai conclu que les maths, c’était pas mon truc ». Comme le montrent ces chercheuses, les raisons de ce malaise seraient bien liées au fait que les règles relatives au calcul des relatifs sont souvent enseignées comme des règles arbitraires et, par-là, que les élèves devenus adultes regrettent de ne pas avoir pu leur associer une signification « concrète ». On en voit des exemples répétés dans certains ouvrages d’enseignement qui proposent tout crument de considérer que 7 + (–3) = 7 – 3 « parce qu’en pratique, on enlève le + devant une parenthèse », ce qui supprime le signe d’opération + ( !) et transforme le signe unaire – en signe binaire.

Des relatifs tantôt états, tantôt opérateurs. Revenons sur une difficulté majeure liée à certains statuts du signe « – » relevés par Gallardo et Rojano (1994) : dans l’expression – 15 – (– 37), les deux signes « – » associés aux écritures chiffrées 15 et 37 ont une « fonction unaire » alors que le signe « – » du milieu a une « fonction binaire » et doit être interprété comme signe d’opération. Ces deux fonctions renvoient respectivement à ce qu’on appelle communément les deux statuts des nombres (qu’ils soient relatifs ou non) tantôt dénotant des « états », tantôt dénotant des « variations ». Ce dernier statut se prête à son tour à des opérations dont rendent compte des expressions telles que « retrancher 4, puis additionner 3 » et que traitaient d’anciens manuels tel N. J. Schons (1957) où l’on illustre, par la droite des nombres ce que signifie « additionner 4, puis additionner 3 » ou « retrancher 4, puis additionner 3 ».

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On peut voir là d’ailleurs un risque lié à l’usage de la droite graduée qui mêle des nombres ayant des statuts différents : soit états, soit variations ou, au contraire, un atout comme le développent (Job et al., 2014) en référence à la scolarité future des élèves lesquels étudieront le taux moyen d’une fonction sur l’intervalle [x , x + x] en passant d’un état x de la variable indépendante à l’état x + x par une variation x tantôt additive, tantôt soustractive.

Cette distinction entre états et opérateurs subit un sort particulier dans les jeux d’écriture concernant les relatifs. Pensons en effet à la transformation de – 5 – (– 7) en – 5 + 7 dans laquelle deux signes « – » de statuts distincts sont remplacés par un seul signe « + » apparent, opératoire entre –5 et 7, deux états de signes différents dont l’un est apparent et l’autre non. Qui plus est, se joue ici, de deux manières, la 3ème fonction « symétrique » du signe « – » répertoriée par Gallardo et Rojano (Ib.) : on remplace une soustraction par son opération « opposée » qu’est l’addition en même temps que l’état « –7 » par son « opposé » « +7 ».

Le statut « opérateur » des nombres est invoqué dans plusieurs curricula sous le nom de « programmes de calcul ». Mais ceux–ci ont–ils un statut mathématique ? C’était le cas à l’époque des mathématiques modernes. Ainsi, dans Gagnaire (1972), à tout nombre relatif a, « on associe une relation, notée  a, de source Z, de but Z, et dont le graphe sera l’ensemble des couples (x, x + a) ». Quant à l’application, relation réciproque de la précédente, elle sera notée  a. Cela sous–entend, bien sûr, l’existence d’une opération définie sur ces programmes de calcul : il s’agit de les « composer », de les « combiner », de « faire l’un puis l’autre ». D’où l’idée d’une première piste d’ingénierie dans laquelle les nombres relatifs et leurs opérations constituent un modèle des programmes de calcul et de leur composition. Elle sera décrite à la section 3.1. et elle engage les élèves à rendre compte du comportement de programmes de calcul au moyen de calculs de nombres. Ainsi, on peut modéliser le résultat « ajouter 1, puis ajouter 2 à un nombre revient à lui ajouter 3 », ce qui peut encore s’écrire :

a + 1 + 2 = a + 3

par le calcul suivant : 1 + 2 = 3, qui porte sur des opérateurs. Mais comme ce fut le cas depuis le CP, il n’est toujours pas nécessaire d’introduire cette précision, bien au contraire. Un projet nouveau peut alors être formulé sur la base de cette première référence : inventer de nouveaux nombres auxquels on pourrait identifier les programmes de calculs soustractifs. Il s’agit là d’un projet ayant une dimension

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fondamentale par rapport au savoir visé, mais dont l’organisation didactique qui pourrait la porter, en laissant de la place pour que les élèves rencontrent par eux–mêmes les questions résultant de l’étude et non de la seule volonté du professeur, reste encore à inventer. Il soulève au minimum une difficulté de congruence des écritures.

Des transformations d’écriture congruentes ou non entre système et modèle   ? Du point de vue des extensions praxémiques, cette difficulté est de taille et rend l’apprentissage des relatifs plus difficile que celui des complexes. Pour en rendre compte, nous reviendrons à l’approche des complexes décrite à la section 2.3. Dans cette ingénierie, on l’a vu, les écritures x2 = – 1 et a + bi qui constituent de telles extensions surviennent en fin de processus, les couples acquérant seulement alors le statut de nombres en raison du fait qu’on peut les additionner et les multiplier. Avant cela, leur produit est noté avec une notation nouvelle pour les élèves (une croix dans un rond), laquelle fait pendant au signe canonique « o » qui représente la loi de composition de transformations, ici de similitudes dont le centre est l’origine des axes. On peut donc faire une « conversion congruente entre deux registres de représentation » au sens de Duval (1995), l’écriture s o s’, où s et s’ sont des similitudes, devenant l’écriture (a, b) (a’, b’), chaque « entité » de sens de l’une correspondant à une et une seule entité de l’autre, pourvu que l’entité soit le couple (a, b) et non l’une de ses composantes. Pour ce qui est des relatifs, cela se présente assez différemment et c’est là une difficulté entravant la sémiose. D’abord, parce que le codage des programmes de calcul choisi d’entrée de jeu rappelle fortement l’écriture des nombres connus jusque–là par les élèves : « Du point de vue des élèves, un opérateur tel que –2 est en effet codé d’une manière qui se rapproche fortement du souvenir de l’écriture d’un nombre, en vigueur depuis leur entrée à l’Ecole : même si ce nombre possède la particularité nouvelle d’être affecté d’un signe représentant celui d’une opération, dans ce cas une soustraction » (Matheron, 2010). De ce fait, poursuit l’auteur « Les ostensifs conduisent, par un phénomène de proximité engendré par la perception, à une extension de leur usage, au–delà de celui pour lequel ils ont été créés ».

Enfin, les propriétés des complexes relatives à leur produit, ne fût–ce que la forme de ce dernier, se valident complètement à partir du système qu’ils modélisent, soit sur base de connaissances sur les similitudes et leur composition ; par exemple lorsque l’on compose deux similitudes de même centre, leurs angles s’ajoutent et leurs rapports se multiplient.

Les programmes de calcul peuvent–ils, vis–à–vis des relatifs et de leurs opérations d’addition et de soustraction, jouer le même rôle que certaines similitudes vis–à–vis des complexes et de leur multiplication ? C’est–à–dire constituer un système qui régit le comportement d’un modèle en termes de nombres relatifs censés en rendre compte, système dont les éléments sont des objets ayant un statut

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mathématique, même si les transformations en jeu ne sont vraiment définies, dans les classes concernées, qu’au terme de leur caractérisation algébrique. Pourquoi pas ? Cependant, comment préserver la congruence des écritures entre le système des programmes de calcul et leur modélisation par des nombres relatifs – à supposer que cela soit souhaitable – et en même temps garder la trace qu’il s’agit bien là d’une démarche de modélisation ? Faudrait-il pour cela créer un ostensif particulier pour les programmes de calcul, par exemple [+ 3] pour « ajouter 3 », [–2] pour « retrancher 2 » et une écriture particulière pour « officialiser » leur composition, au–delà du seul usage du mot « puis » dans des expressions telles que « additionner 4 puis retrancher 5 » ? Remplacer la lourdeur subséquente des écritures par un calcul plus convivial sur des nombres positifs et/ou négatifs devient alors un projet explicite, le comportement des programmes de calcul additifs et soustractifs fournissant un discours technologique qui justifie les règles du calcul sur les nombres supposé le modéliser.

L’enjeu n’est–il pas effectivement d’engager les élèves dans une extension praxémique entre l’univers des nombres naturels et celui des nombres relatifs tout en freinant en quelque sorte leur métis, vite encouragée par une proximité ostensive, et en la mettant sous contrôle ? Ce dernier peut être assumé par le comportement des programmes de calcul, qui servent ainsi de métaphore fondamentale et de technologie pour le calcul sur les relatifs. Mais de quel prix faut-il payer cette dialectique entre système et modèle, au sens de Chevallard (1989) ? En particulier, jusqu’à quel point peut–on alourdir la réflexion des élèves en les encombrant de notions et notations, en particulier la composition de tels programmes, l’opposé d’un programme et les signes associés ? Nous reviendrons à ces questions dans la section 3, après avoir ébauché une autre piste de type algébrique.

Des paramètres tant négatifs que positifs pour fédérer des cas multiples. Cette piste s’appuie sur le rôle joué par les relatifs dans l’algébrisation des problèmes mathé-matiques qu’ils soient de nature géométrique ou autre. En particulier, ils assurent, selon Freudenthal (1973) une forme de généralité des descriptions algébriques d’objets géométriques : « If straight lines are to be described algebraically in their totality, if curves are to be described in any situation, one cannot but admit negative numbers. The need for general validity of algebraic solution to which the negative numbers owed their existence, is reinforced from the 17th century onward by the need for general validity of descriptions of geometric relations. The second need, more content directed than the formal algebraic one, is the most natural and compelling. It is properly responsible for the success story of negative (and also of complex) numbers. ». C’est ce point de vue qui inspire à Freudenthal sa méthode inductive–exploratoire décrite plus haut par laquelle une même régularité numérique doit s’appliquer aux coordonnées de tous les points d’une droite, que

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ces coordonnées soient positives ou négatives. Et c’est bien là ce qui a rendu la méthode de Descartes efficace car démontrer, par la méthode analytique, des propriétés de figures géométriques avec du calcul sur des coordonnées et des équations dans un repère donné suppose de choisir ce dernier de manière à simplifier les calculs, ce qui revient souvent à situer les figures en question à cheval sur plusieurs quadrants formés par ce repère. Et ce, même si Descartes lui-même n’utilisait pas de repère.

Cependant, en rejoignant et en extrapolant le modèle épistémologique de référence de Gascon (1993) relatif à l’algèbre élémentaire, nous estimons que la généralité des modèles algébriques et fonctionnels tient à la possibilité de considérer aussi des paramètres négatifs. Prenons un exemple au carrefour de la géométrie analytique et de l’analyse. Si l’ensemble des paraboles, sous–ensemble des coniques, peut être représenté par un ostensif unique : une équation du type ax2 + by2 + cxy + dx + ey + f = 0 sur les coefficients de laquelle porte une contrainte, c’est parce qu’on considère que les paramètres a, b, …, f peuvent dénoter des valeurs numériques tant négatives que positives. Et, quant au sous–ensemble des paraboles dont les axes de symétrie sont parallèles (pour en revenir à un niveau scolaire pas trop élevé), on peut le considérer représenté par la classe des polynômes du second degré : y = ax2 + bx + c au prix bien sûr du choix d’un axe des ordonnées parallèle à ces axes de symétrie mais aussi au prix d’une variation possible du signe des paramètres a, b et c. On est là en présence d’une démarche dont l’occurrence est grande en mathématiques, à savoir la réduction ostensive d’une variété de cas de figures à une seule formulation qui les englobe tous. Ainsi, la formule de Chasles exprime que la distance algébrique de A à C vaut la somme des distances algébriques respectives de A à B et de B à C, quelles que soient les positions des points A, B et C sur un axe orienté, c’est–à–dire quels que soient les signes de ces distances : le concept de nombre relatif permet ici de réduire quatre cas distincts en une seule écriture. On peut imaginer que la première rencontre des élèves avec cette démarche de réduction soit le travail de la classe des fonctions y = ax + b, qui rassemble toutes les droites (sauf celles parallèles à l’axe des ordonnées), dont certaines caractéristiques : croissance et position par rapport à l’origine sont distinguées en fonction des signes respectifs des paramètres a et b, soit la pente et l’ordonnée à l’origine. Ce sera le point de départ d’une ingénierie décrite à la section 3.2.

Cette ingénierie, basée sur l’idée que les expressions littérales dénotent, au sens développé par Serfati (2005), débouche sur une combinatoire de sens hypothétiques auquel conduit l’assemblage élémentaire « a + b », suivant les signes des nombres représentés par a et b. Il en ira de même pour les assemblages « ab » et « a – b ». Ce dernier est tout aussi digne d’étude même si, à partir des exemples précédents, on pourrait imaginer qu’on peut se contenter du seul signe

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« + » comme signe binaire entre deux termes, l’éventuel caractère négatif de ceux–ci pouvant être pris en compte par les paramètres. Ce serait ignorer que les expressions algébriques ont plusieurs formes dont l’intérêt réside dans le sens dont elles sont porteuses : par exemple, ax2 + bx + c se factorise en a (x – m) (x – p) où les facteurs contiennent le signe « moins » binaire, expression qui donne un accès direct aux racines m et p de la fonction correspondante. Dans cette perspective, l’enseignement des relatifs ne peut faire l’économie ni de la multiplicité des sens octroyés aux sommes et différences de relatifs ou produits, ni de leur discrimi-nation.

3. Aperçu de deux ingénieries contrastées

Mais une analyse a priori comme celle que nous avons faite à la section 2, sur base du concept d’extension praxémique, ne contraint pas complètement le jeu du professeur et encore moins celui du chercheur. Nous l’illustrons par la description de deux ingénieries dont les concep-teurs se réclament grosso modo de cette même analyse. Et, dans une dernière partie conclusive, nous tenterons de résumer ce qui les rapproche et ce qui les différencie.

3.1. Introduction des nombres relatifs à partir de « programmes de calcul »

Pour tenter de sortir de ces difficultés récurrentes, l’équipe (CD)AMPERES de Marseille a expérimenté un dispositif didactique qui tente de faire vivre les nombres relatifs comme réponse à un projet déclaré d’emblée, et susceptible d’in–terpeller les élèves 5

De quoi s’agit–il ? Partant d’une suggestion faite par Chevallard dans son séminaire 2004–2005 pour les PLC2 de l’IUFM d’Aix–Marseille, Matheron et Mercier construisent une ingénierie basée sur la notion de programme de calcul et destinée à initier, chez des élèves de 5e, une étude des nombres relatifs. On propose aux élèves d’effectuer mentalement des calculs du type a + b – c où a, b et c sont des nombres naturels. Les nombres b et c sont choisis de manière à inciter les élèves à calculer d’abord b – c = d pour remplacer le « sous–programme de calcul » + b – c qui consiste à « d’abord ajouter b et ensuite retrancher c » au nombre a par un sous–programme de calcul plus simple, + d, qui consiste à « ajouter d ». Les programmes de calcul sont donc les modèles d’opérations définies dans l’espace du langage par des verbes à l’impératif, ce qui permettra d’interpréter les écritures produites tout au long du processus d’extension praxémique dans le cadre d’un espace d’action qui sert de référence. Dans un premier temps, il s’agit du cas où b > c. Par exemple, les auteurs choisissent des calculs du type 17 + 21 – 1 ou 148 + 199 – 99 pour rendre « tentante » d’emblée la

5 Pour plus de détails, voir http://www.pedagogie.ac-aix-marseille.fr/upload/docs/application/pdf/2013-06/les_nombre_relatifs_en_5e.pdf.

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soustraction b – c, une variable didactique cruciale étant d’exiger des calculs à la fois mentaux et rapides. Les élèves, à qui l’on a enseigné les années précédentes que les calculs doivent s’effectuer, dans ce cas, de la gauche vers la droite, s’aperçoivent assez vite de l’économie que procure le calcul des deux derniers termes et l’ajout du résultat au premier. De même, dans le cas où b < c le programme de calcul initial est alors remplacé par un programme plus simple qui consiste non pas à ajouter d mais à « soustraire le résultat de l’opération c – b » (ce que l’on ne sait pas, à ce stade, produire par travail sur l’agrégation de symboles initialement donnée, tandis qu’on l’énonce fort bien et qu’on le désigne – d comme sous–programme résultat). Par exemple, 4586 + 32 – 33 sera remplacé par 4586 – 1, puisque ajouter 32 et soustraire 33 revient à soustraire 1. Dans ce cas encore, les nombres b et c ne sont pas choisis au hasard, ils doivent être suffisamment proches pour engager à l’usage de leur différence. La justification mathématique de cette manière de faire est demandée aux élèves, qui mis face au fait qu’ils ont soustrait 33 de 32 recourent alors au souvenir de la « technique d’emprunt » enseignée à l’école élémentaire pour la soustraction dans le cas d’une retenue. Ainsi : 4586 + 32 –33 = 4585 + 1 + 32 – 33 = 4585 + 33 – 33 = 4585. On peut étendre ce travail à des nombres décimaux et on peut envisager des programmes de calculs initiaux plus complexes. Ce qui sera, dans cette expérimentation, l’objet d’un travail ultérieur.

Un type fondamental de sous–programmes de calcul du type + b – c inclus dans le programme de calcul a + b – c, est alors institutionnalisé, avec une notation ad hoc : il s’agit d’abord du sous–programme de calcul noté « – 1 », présenté comme une écriture économique de sous–programmes plus complexes tels que + 124 – 125 ou + 313 – 314. Et l’on écrit

– 1 = + 124 – 125 = + 313 – 314.

Ces écritures s’interprètent par leur insertion dans un calcul décrit comme programme agissant sur un nombre initial : « si, à un nombre, on soustrait 1, cela revient à lui ajouter 124 puis retrancher 125 ». Ce que l’on note : … –1 = … + 124 –125 ; les « … » jouant le rôle d’un symbole littéral jugé parfois par les professeurs, à ce moment de la scolarité, comme étant « hors programme » (le respect du programme, interprété comme ensemble d’interdits, est considéré comme une règle de conduite à suivre absolument par les professeurs de mathématiques, en France). La familiarité avec cette écriture s’étant installée, elle devient, par souci d’économie : + 124 – 125 =  –1. Ainsi y a–t–il « autonomisation » progressive de ce type d’écritures par rapport au sens donné initialement, qui était trouvé dans la simplification de programmes de calcul énoncés tout d’abord oralement comme des actions ; mais les élèves peuvent y revenir s’ils en éprouvent le besoin. Les élèves n’éprouvent ensuite aucune peine à trouver des programmes de calcul qui reviennent à soustraire 2, 3, 4, etc., en

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comprenant qu’il s’agit de choisir deux nombres dont la différence est 2, 3, 4, etc., d’ajouter le plus petit et de soustraire le plus grand.

A ce stade, les auteurs du projet ont permis la fréquentation et l’usage par les élèves de nouveaux objets qui n’ont pas encore le statut de nombres : ainsi, + 1 représente la simplification de multiples sous–programmes de calcul qui reviennent tous à « ajouter 1 à un nombre ». Néanmoins, la pratique de ces objets semble assez proche de ce qui se fait avec des nombres : à savoir des calculs dont les résultats, à l’écriture beaucoup plus économique, constituent l’aboutissement. En effet, on a proposé aux élèves de multiples exercices au cours desquels ils éprouvent la commutativité des opérations et rencontrent des programmes de calcul plus variés contenant deux additions ou deux soustractions successives, trois opérations et aussi des programmes de calcul au cours desquels une étape donne 0. Le fichier en ligne commente ainsi cette phase : « L’idée commence à vivre que ce que l’on fait sur les programmes de calcul s’apparente à ce qui se fait avec des nombres. C’est désormais au professeur de dire que l’on “ invente ” ainsi de nouveaux nombres : les négatifs ». De fait, les nombres relatifs sont à ce moment institutionnalisés comme étant soit des nombres négatifs composés d’un signe « moins » et d’une partie numérique dite « valeur absolue du nombre relatif », soit des nombres positifs précédés d’un signe « plus » et d’une partie numérique qui est elle aussi valeur absolue du nombre relatif, mais cela n’est pas dit car les relatifs positifs ne sont pas différenciés des nombres positifs. Le nombre 0 est présenté comme « un nombre à la fois positif et négatif » car, comme le dit un des professeurs observés, « ajouter 4, puis soustraire 4, ça revient à ajouter 0 […] tu peux écrire que cela revient à ne rien faire ou à ajouter 0 ». Les pratiques dans lesquelles les élèves ont été engagés – par exemple calculer + 5 – 9 + 6 – sont vues comme des calculs d’un genre nouveau et conduisent à se poser la question : « Ces nombres relatifs sont–ils vraiment des nombres, et au juste comment le sait–on, ou plutôt que fait–on avec des nombres ? » Les élèves répondent à ces questions par le fait qu’on compare des nombres et que l’on opère sur des nombres. Le professeur sélectionne, parmi les propositions des élèves, celles qui relèvent d’une addition ou d’une soustraction; les autres opérations étant au programme de la classe supérieure.

A ce moment certaines écritures subissent une mutation progressive : d’écritures modélisant des sous–programmes de calcul, elles deviennent peu à peu écritures portant sur des nombres, par une extension d’usage qui autorise néanmoins le retour au sens premier si des élèves en éprouvent le besoin.

Nous arrêtons en ce point la description à très gros traits de cette phase de l’ingénierie qui concerne des élèves de 12 à 14 ans. Le travail dans lequel on engage les élèves, pourrait être volontiers désigné du terme de construction mathé-matique; la nature des savoirs en jeu importe dans ce cas l’organisation didactique choisie. Les élèves instruisent des questions didactiquement transposées, dont les

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réponses relèvent de la construction du groupe commutatif (Z, +) totalement ordonné par ≤.

L’entrée par les programmes de calcul constitue, pour les chercheurs concernés, un moyen de faire rencontrer par les élèves, à travers un principe fonctionnel d’économie qu’ils éprouvent, des objets nouveaux qui se comportent tout d’abord pour eux, un peu comme des nombres. Et pour lesquels il s’agit de construire, de manière rationnelle, des propriétés de calcul qui vont leur conférer le statut de nombre. Pour cette raison, Mercier estime que les programmes de calcul jouent, vis–à–vis des nombres relatifs, le rôle de « métaphore fondamentale », expression sur laquelle nous reviendrons dans la conclusion, Matheron préférant parler de « raison d’être » en adoptant le langage de la théorie de la transposition didactique.

La technique didactique consistant à faire advenir des extensions praxémiques fonctionne efficacement dès que le professeur accompagne les élèves qui s’y engagent en leur posant des questions de plus en plus difficiles au fur et à mesure de la confiance que les élèves développent envers leurs inventions. Le propre de telles extensions praxémiques réside dans le fait que les non–ostensifs (les notions) auxquelles réfèrent les ostensifs (les signes, les parenthèses, les symboles d’opérations) doivent être temporairement oubliées, au profit du travail qu’autorisent les ostensifs et qu’ils anticipent; « en se laissant porter » vers les actions qu’ils appellent. Les notions de situation d’action et de formulation permettent de bien suivre le processus et d’en distinguer les étapes. La phase dans laquelle sont plongés les élèves relève du type de celles qui, exploratoires, anticipent l’ébauche de techniques valides (avec la formulation des règles du monde de l’action) et de leurs justifications mathématiques (moment technologique, recherche d’une validation des techniques). Le temps d’une technologie, qui justifiera la validité des résultats ainsi établis, est postérieur et ne se réalisera que si le professeur décide de le faire advenir. Mais pris dans un contrat de type argumentatif, dans les classes observées depuis cinq années, des élèves s’engagent, de leur propre chef, dans la recherche d’une technologie pour les techniques de calcul et de comparaison.

Les élèves savent bien que les opérations sur les nombres ne se limitent pas à l’addition et la soustraction. Cependant, la question de la possibilité de la multiplication des relatifs arrive au programme dans la classe de niveau supérieur (élèves de 13 à 14 ans). Suivant la même logique, on étendra pour la multiplication sa propriété de distributivité par rapport à l’addition et la soustraction. Ainsi rencontre–t–on, lors de divers calculs, ceux du type 3,8  (4,7 – 14,7). L’extension de la distributivité à gauche permet d’aboutir à 3,8  (4,7 – 14,7) = 3,8  (– 10) = 3,8  4,7 – 3,8  14,7 = 17,86 –55,86 =  – 38; c’est–à–dire au produit d’un positif par un négatif. Le produit d’un négatif par un positif, qui permet de s’assurer de la commutativité, est obtenu de façon analogue en utilisant la distributivité à droite.

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Des calculs semblables, tels que (– 2,5)  (– 4) = (– 2,5)  [2 – 6] = (– 2,5)  2 – (– 2,5)  6 = – 5 – (–15) = 10 permettent d’établir le produit de deux négatifs. La place manque pour décrire avec plus de finesse le processus didactique, mais il repose, lui aussi, sur la dévolution d’extensions praxémiques aux élèves. Ces dernières, fonctionnelles, sont nécessitées par les questions qui surgissent lorsqu’on confronte les élèves à des calculs d’un nouveau type.

3.2. Introduction des nombres relatifs dans un contexte de modélisation de mouvements

Cette ingénierie, qui est celle de l’équipe belge, s’inscrit dans la perspective de la piste algébrique évoquée plus haut et dans laquelle la généralité des modèles algébriques tient à la possibilité de rendre négatifs les paramètres aussi bien que les variables. Le système modélisé est celui de mouvements rectilignes uniformes et l’ingénierie a été expérimentée à plusieurs reprises avec des élèves de 12 ans (Job et al., 2014). Elle est composée des cinq étapes décrites sommairement ci–dessous.

Une première activité de modélisation a pour objectif de faire passer les élèves d’un contexte quotidien – deux voitures qui roulent à même vitesse constante sur des routes droites distinctes et qui se font « flasher » par un radar – au regard du physicien qui, au-delà de circonstances particulières, standardise ces mouvements équivalents par un même tableau numérique et une même formule. Et c’est ce qui est demandé aux élèves. Dans un premier temps, ce modèle qui donne la position p en fonction du temps t, ici p = 2t (La vitesse de 120 km/h a été exprimée en 2 km/min pour préserver une simplicité numérique) est interprété par les élèves, pour des valeurs de p et t positives, en termes d’espace parcouru par rapport au radar plutôt que de position, et de durée plutôt que d’instant. C’est cette confusion, sans conséquence à ce stade, qui leur permet de s’investir dans la tâche de modélisation.

Une deuxième activité leur demande de compléter le tableau numérique pour les voitures qui roulaient déjà à la même vitesse « avant de se faire flasher ». L’enjeu est ici de comparer plusieurs manières de distinguer « avant » et « après » que ce soit au niveau du temps ou de la position : codage par des couleurs différentes, par exemple … mais aussi codage par des nombres négatifs faisant partie de la culture des élèves qui ont étudié la « ligne du temps » ou qui se réfèrent aux étages d’un immeuble. Dans la foulée, 0 intervient comme instant intermédiaire entre t = – 1 et t = 1 et comme position du radar. Les enjeux de cette deuxième étape sont multiples. Il s’agit en effet, cette fois, de faire apprendre aux élèves à distinguer un espace parcouru qui ne peut être que positif et une position dont le signe permet de situer le mobile « en avant du radar  » ou « après le radar », à distinguer pareillement durée et instant et à modéliser les voitures sur la route par des points sur une droite graduée. Les statuts « état » et « variation » des nombres relatifs sont

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particulièrement bien distingués par le biais de la différence entre « instant » et « durée » ou de celle entre « position » et « espace parcouru ». En outre, et ce n’est pas le moins, cette étape permet de poser une question cruciale aux élèves : garde–t–on ou non la même formule pour modéliser le mouvement « avant » le radar ? Le débat qui s’engage alors débouche sur le choix d’une formule unique pour rendre compte du mouvement dans son ensemble et le professeur explique que ce choix se paie au prix d’une règle qu’on doit imposer au modèle : « moins par plus donne moins ». En effet, la formule p = 2t, donne bien p = – 6 pour t = – 3, ce qui suppose que 2 x (–3) = – 6 en vertu de la dénotation.

Une troisième étape consiste à modéliser d’autres mouvements rectilignes uniformes en faisant varier la vitesse (toujours positive) et se solde par une généralisation de l’ensemble des mouvements étudiés par une même formule, p = vt, grâce à l’introduction du paramètre v pour représenter chacune de ces vitesses.

Des mouvements en sens opposés sont envisagés dans une quatrième étape. Il s’agit de rendre compte des mouvements de deux voitures qui roulent à la même vitesse mais en sens opposés sur une même route où elles se font flasher en même temps. Le modèle attendu doit permettre de distinguer les voitures en de mêmes instants. Une formule du type p = –2 t est retenue pour la voiture qui va des positions positives vers les positions négatives. Ce choix se solde par une double décision : accepter une vitesse négative ce qui a l’avantage d’indiquer le sens du parcours et instaurer la règle « moins par moins donne plus » qui autorise une dénotation cohérente : le calcul 2 = (–2) (–1) par exemple rend compte du fait que (–1, 2) figure dans le tableau numérique. A ce stade et moyennant le fait que le paramètre v peut être aussi bien négatif que positif, les mouvements rectilignes déjà envisagés sont modélisés par une unique formule p = vt.

Dans une cinquième étape, les élèves sont invités à rendre compte des mouvements respectifs de deux voitures qui roulent à la même vitesse et dans le même sens mais en gardant un même écart entre elles. Les enjeux sont multiples : modéliser tous les mouvements rectilignes uniformes par la formule p = vt + p0 où p0 est la position du mobile au temps t = 0, introduire l’espace parcouru à partir d’une différence de deux positions et définir la valeur absolue comme mesure de cet espace. Et, ce n’est pas le moins non plus, le dernier enjeu est de faire travailler les règles liées à l’addition et la soustraction des nombres relatifs comme règles autorisant la modélisation en construction de ces mouvements. Parmi ces règles, certaines telles la commutativité ne font pas grand bruit. D’autres sont plus étonnantes aux yeux des élèves, comme vu plus haut. Pour donner un exemple, l’écart entre les deux positions positives 5 et 7 s’obtient en retranchant la plus petite de la plus grande, soit 7 – 5 = 2. Si l’on envisage ensuite les positions – 3 et – 5, l’écart de 2 s’obtient de la même manière : – 3 – (– 5), au prix de la transformation de – (– 5), en + 5. A

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partir de là, si l’on veut algébriser cette procédure en notant a et b deux positions distinctes sur la route, l’écart est rendu, soit par le calcul a – b si a est supérieur à b, soit par le calcul b – a dans le cas contraire. Et, pour éviter de formuler l’alternative, on introduit le symbole .

Comme illustré dans cette section, la question de l’existence d’un modèle permettant de travailler à la fois la multiplication des relatifs et leur addition est relative au spectre épistémologique qu’on s’autorise. Comme pour les programmes de calcul, on peut en effet parler aussi des mouvements rectilignes uniformes comme « métaphore fondamentale » introduisant aux nombres relatifs. Nous reviendrons dans la conclusion sur le sens de cette expression pour nous restreindre ici au sens expliqué ci–après. La recherche d’un modèle algébrique unique qui rend compte de tous les mouvements rectilignes uniformes est une raison d’être profonde des relatifs, de leurs opérations et de leurs propriétés. Elle conduit à la méthode inductive–exploratoire de Freudenthal mais la dépasse en ce sens que, ici, c’est le registre algébrique qui commande au registre numérique. Et, qu’en outre, le niveau algébrique visé concerne tout autant les paramètres du modèle, comme v et p0 que les variables t et p que le modèle met en correspondance. Cet aspect illustre parfaitement bien la réversibilité système/modèle car cette modélisation a des retombées non négligeables sur la manière de regarder le système : en termes d’instants et de positions plutôt que d’espaces parcourus et de durées, avec un sens octroyé aux valeurs négatives de ces variables, mais aussi en envisageant des vitesses dont le signe + ou – va permettre de préciser le sens du parcours. Et c’est bien un tel regard qui est à l’origine de la construction de la vitesse moyenne comme grandeur quotient p/t ou de la vitesse instantanée comme dérivée d’une loi de position tout en préparant à sa modélisation vectorielle.

L’extension praxémique est donc sous le contrôle de cette conformité entre le système et son modèle. Elle préserve la congruence des écritures pour autant qu’on pense chacune des lettres de l’expression algébrique comme porteuse de deux informations : la norme de la mesure de la grandeur qu’elle représente et le signe unaire associé à cette même grandeur. Les signes « – » et « + » qui relient ces lettres sont alors les seuls à avoir une fonction binaire : ils désignent donc très clairement les opérations portant sur les nombres relatifs. C’est pareil pour la multiplication qu’elle soit notée d’une «  » ou signifiée par la juxtaposition de a et b dans l’assemblage « ab ». Comme nous le verrons plus loin, il est symptomatique que les écritures utilisées par Hankel évitent de mélanger des signes « – » et « + » qui ont, tantôt une fonction unaire, tantôt une fonction binaire.

En résumé, cette ingénierie s’inscrit dans une visée socio–constructiviste au sens des épistémologues des sciences : on y présente les théories, concepts, etc. comme des constructions humaines répondant à des projets bien déterminés et non comme

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des donnés arbitraires. C’est là une approche qui ne semble pas faire partie, non seulement de l’épistémologie spontanée des professeurs, mais aussi tout simplement de leur culture mathématique, ces derniers ayant sans doute été habitués à devoir accepter d’emblée, sans raison avancée, des axiomes régissant le comportement des objets mathématiques étudiés. Nous y revenons dans la conclusion.

Analyse conclusive

Chacune des deux ingénieries décrites a donné lieu à des expérimentations dans les classes mais, comme annoncé dans l’introduction, notre propos présent se limite à une analyse a priori de leurs enjeux. Nous ne relèverons donc pas les difficultés rencontrées, ni ne discuterons des potentialités d’adidacticité que chacune de ces ingénieries comporte.

Notre analyse comparative s’appuiera sur la réflexion menée supra à propos d’approches liées aux complexes et analysées à la section 2.2. D’abord, comme ces dernières, les deux ingénieries concernant les relatifs relèvent d’une perspective socio–constructiviste au sens des épistémologues : il s’agit, dans les deux cas, d’un projet de construction des relatifs et de leurs opérations axé sur des raisons d’être explicites qui motivent à la fois la forme des objets construits et leurs propriétés.

Ensuite, dans les deux cas, l’approche est articulée sur une dialectique systè-me/modèle au sens de Chevallard (1989) : dans la première ingénierie, les nombres relatifs sont d’abord des modèles d’un système formé de programmes de calcul et, dans la seconde, ils s’intègrent dans une modélisation algébrique d’un système fait de mouvements rectilignes uniformes. Et, dans les deux, le comportement des relatifs est contraint par le système lui–même qu’il modifie à son tour par un processus de réversibilité entre système et modèle. Ces ingénieries s’apparentent donc à l’approche conçue par Rosseel et Schneider (2011) pour introduire les complexes, ceux–ci constituant un modèle du système formé de similitudes particulières et des propriétés de leur loi de composition.

Enfin, les ingénieries décrites aux sections 3.1. et 3.2. ont toutes deux été qualifiées de métaphores fondamentales et cette dénomination commune appelle un commentaire. Le mot « métaphore » peut renvoyer, comme chez Janvier (1983) cité plus haut et chez Sfard (2000), au discours de l’enseignant pour initier les élèves à des idées mathématiques abstraites au départ d’objets plus concrets. Il renvoie aussi aux métaphores conceptuelles du courant de « l’embodied cognition » en neuro–sciences telles qu’étendues par Lakoff et Nunez (1997) : des métaphores enracinées dans l’expérience sensorielle (grounding metaphors) à celles reliant deux domaines mathématiques (linking metaphors). C’est ce dernier aspect qui est illustré par les deux ingénieries concernées bien qu’avec des

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nuances : dans l’ingénierie décrite à la section 3.1, on identifie bien le domaine numérique, l’autre domaine mis en relation étant un domaine moins facile à cerner : un sous–domaine du précédent axé sur les programmes de calcul, eux–mêmes pouvant relever ultérieurement, comme on a vu, du domaine des applications. Quant à l’ingénierie décrite à la section 3.2, elle relie un sous–domaine de la cinématique au domaine algébrique qui, à son tour, conditionne le domaine numérique.

Mais, au–delà du mot « métaphore », nous insistons sur le qualificatif « fonda-mental » au sens où l’entend Brousseau pour qui les situations fondamentales sont des modèles du savoir mathématique qui est l’objet de l’enseignement en cours en ce sens qu’elles en créent la nécessité. Cela ne préjugeant en aucune manière des potentalités adidactiques de ces situations tant il est vrai qu’un discours de l’ensei-gnant peut, par sa valence heuristique, favoriser d’autres formes d’adidacticité (Mercier, 1995 et 1998, Schneider, 2001 et 2011, Job et Schneider, 2014). Ce caractère fondamental nous éloigne cependant de certains modèles, tel celui des ballons auxquels sont accrochés des sacs, décrits à la section 1.2. qui permettent peut–être de donner une image du comportement des relatifs et de l’une ou l’autre de leurs opérations mais en aucun cas, de déterminer la nécessité d’un tel comportement. Dans les ingénieries décrites plus haut, l’intérêt de ce compor-tement fait, au contraire, l’objet d’une phase d’analyse, à la manière de Pitel et al. (1968), au cours de laquelle se construit un discours technologique qui le valide.

Au–delà de ce qui les rapproche, ces ingénieries se situent respectivement à des pôles fort différents de l’activité mathématique. Nous en rendrons compte à travers une description succincte de deux manières de justifier la règle « moins par moins donne plus ». D’abord celle de Stevin (1625) qui aboutit à la nécessité d’écrire que (– b) (– d) = bd en déterminant de plusieurs manières des aires de rectangles formant un puzzle composite. Ensuite, celle de Hankel (1867) qui justifie les règles de la multiplication, non plus par référence à la modélisation de grandeurs, mais par le respect d’un principe de permanence : la multiplication dans Z doit prolonger la multiplication dans N tout en gardant de « bonnes propriétés », entre autres, respecter la règle de distributivité de la multiplication par rapport à l’addition. Ce qui l’amène, lui aussi à égaler le produit de deux nombres positifs à celui de leurs opposés : a b = oppa oppb. Stevin et Hankel considèrent donc tous deux la propriété « moins par moins donne plus », non pas comme une règle décrétée arbitrairement mais comme une règle induite par un projet plus global. On peut dès lors dire, au prix d’un anachronisme, qu’ils s’inscrivent tous deux dans une visée socioconstructiviste, du moins dans cette partie de leur œuvre. Cependant, leurs justifications diffèrent considérablement : Stevin s’appuie sur l’idée que les nombres représentent des grandeurs tandis que Hankel se situe à un niveau plus formel des mathématiques où les extensions des ensembles de nombres se doivent

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de conserver les propriétés structurelles des nombres existants. Des ingénieries sur les relatifs décrites plus haut, celle misant sur les programmes de calcul se situe plus du côté de Hankel, tout comme le curriculum français qui emprunte à ce dernier sa justification de la règle des signes. Peut–on voir là un héritage du programme qui caractérisait les mathématiques modernes et dans lequel Z était présenté dans un projet de symétrisation de N ? Ce programme voulait en tout cas rendre compte du travail de fondement et de restructuration de l’ensemble des domaines mathématiques autour des notions d’ensembles structurés et de relations entre ces ensembles. Cette première ingénierie est ainsi inspirée d’une organisation mathématique globale de type « mise en forme déductive », au sens de Schneider, 2008, Job et Schneider, 2014. Par contre, l’ingénierie décrite à la section 3.2. débouche sur ce que les mêmes chercheurs appellent une organisation mathé-matique de type « modélisation » qui fait la part belle à des validations de type pragmatique ici basées sur l’économie réalisée par le caractère général du modèle algébrique d’un certain type de mouvement.

Cette différence a, en l’occurrence, une répercussion en termes de changements de registres et de congruence des écritures correspondantes entre système et modèle. Dans l’ingénierie basée sur les programmes de calcul, la problématique reste numé-rique et, comme nous l’avons montré à partir du cas des complexes, les traductions sont non congruentes, le système de notations emmêlant, entre autres, divers statuts du signe « – ». Dans l’ingénierie s’appuyant sur la cinématique, c’est le registre algébrique qui détermine la combinatoire des sens numériques qu’il recouvre, le statut unaire du signe « – » étant encapsulé au départ dans le paramètre littéral.

Globalement, ce parallèle nous a permis de mettre en évidence plusieurs conditions dont l’absence pourrait hypothéquer le bon fonctionnement des extensions praxé-miques concernées :

L’existence d’un système dont les nombres construits constitueront un modèle, système devant être désigné par des jeux de langage et de notations suffisamment consistants surtout pour octroyer au système une valence technologique vis–à–vis des propriétés du modèle à défaut de permettre une traduction congruente entre système et modèle. En effet, comme montré par Mercier (2008), « les jeux de langage [du professeur et des élèves à propos d’un savoir donné] qui produisent les significations nouvelles peuvent s’avérer impossibles, faute par exemple de la disponibilité d’un lexique adéquat et plus généralement faute d’une dialectique disponible entre une notation ou un système de notations et une notion ou un univers cognitif associés. ».

Celle d’un contrat permettant l’entrée des élèves dans une perspective d’analyse heuristique où, en accord avec le socio–constructivisme des épistémologues, les objets mathématiques sont produits pour satisfaire un

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projet humain déterminé. Ce contrat doit s’appuyer sur un discours qui rend le projet visible pour les élèves.

La négociation d’une dialectique entre la construction de ces objets à partir d’objets mathématiques pré–existants, à la manière des intuitionnistes, et l’acception d’un jeu plus formaliste.

Notre propos touche par conséquent au risque dénoncé par Sfard (1991) d’une conception pseudo–procédurale. Il y a bien lieu ici de distinguer virtuosité des élèves à manipuler des calculs sur des nombres relatifs et leur capacité à tenir un discours technologique sur leurs propriétés. Mais il s’agit aussi de freiner en quelque sorte la métis des élèves, vite encouragée par une proximité ostensive, en la mettant sous contrôle.

Au-delà de la nécessité d’un cadrage épistémologique large, que notre article illustre nous semble–t–il, il reste un aspect à considérer dans une approche spéci-fiquement didactique : évaluer le coût des ingénieries concernées en regard de leur espérance en termes de viabilité écologique dans les institutions scolaires. Ainsi, il n’est pas évident pour le professeur lambda d’engager ses élèves dans un travail d’analyse, sans doute faute de s’y être déjà essayé pour son propre compte. Plus généralement, la question : « En quoi consiste la production de mathématique ? » semble absente de ce qu’on pourrait appeler une culture de société. De même, la constitution du système et de ses notations adéquates pourrait–elle être jugée trop « onéreuse » en termes de manipulation de symboles et de notions dont la durée de vie scolaire serait peut–être très brève. Une « approche réflexive dans une communauté de pratique d’enseignants » (Parada et al., 2013) devrait ici prendre le relais. A suivre …

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ULg, Département de mathématique, Allée de la découverte 12 (B37), 4000 Sart-Tilman, Belgique,[email protected]

Y. Matheron

EA ADEF ; Aix-Marseille Univ.; ENS de Lyon, IFE, 13248, Marseille, France. [email protected]

A. Mercier

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Page 38: AUTEUR : Prénom NOM · Web viewGallardo A. & Rojano T. (1993), Negative solutions in the context of algebraic word problems, in Proceedings of the Fifteenth International Conference

M. SCHNEIDER, P. JOB, Y. MATHERON & A. MERCIER

EA ADEF ; Aix-Marseille Univ.; ENS de Lyon, IFE, 13248, Marseille, France, [email protected]

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