Attractivité de la France : analyse, perception et mesure · ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N°...

31
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 363-364-365, 2003 97 Attractivité de la France : analyse, perception et mesure Benoît Cœuré et Isabelle Rabaud* L’attractivité d’un pays renvoie à une gamme très large de déterminants : taille des marchés, coût du capital et du travail (au sein desquels la fiscalité joue un rôle important), présence ou non d’entreprises concurrentes ou complémentaires dans le processus de production. Dans une perspective de plus long terme, ce sont aussi les stratégies d’insertion dans les échanges, la qualité des infrastructures et des institutions, l’éducation et la formation. Les développements récents de la nouvelle économie géographique ont permis d’analyser plus finement l’interaction complexe entre coût des facteurs, taille des marchés et décisions de localisation des activités, mettant en évidence des effets d’agglomération cumulatifs qui justifient de considérer avec prudence les comparaisons statiques entre pays, en particulier en matière de fiscalité. Dès lors, comment mesurer l’attractivité ? La diversité des indicateurs disponibles désoriente souvent l’économiste et le décideur politique. Dans ce domaine comme dans d’autres, la France produit une variété précieuse de données – encore faut-il qu’elles soient mieux connues et utilisées. Il revient d’abord à l’utilisateur de clarifier le concept qu’il cherche à appréhender : mesure de la performance économique, observation des décisions d’implantation ou, plus en amont du processus de décision, de leurs déterminants. Dès que ces distinctions sont reconnues et prises en compte, la variété des indicateurs se révèle en fait un atout. Ni les indices synthétiques de compétitivité comme ceux construits par l’IMD de Lausanne ou par le Forum économique mondial de Davos, ni les données quantitatives comme les investissements directs étrangers enregistrés en balance des paiements, ne suffisent à mesurer l’attractivité. Les premiers, qui donnent de la France une image peu favorable, manquent d’homogénéité, ne reposent pas sur une vision théorique claire des déterminants de la croissance, et produisent des classements contradictoires et volatils. La piste la plus prometteuse d’amélioration consisterait à fonder de manière plus systématique la construction de ces indices sur les travaux économiques récents sur le rôle des institutions dans la croissance de long terme. Les secondes, qui soulignent au contraire la place de premier plan de la France comme pays d’accueil des investissements étrangers, n’appréhendent cependant que la dimension financière des décisions de localisation, sont fortement influencées par les opérations de fusions et acquisitions et par le développement des prêts à court terme entre entreprises affiliées. Il est donc utile de les croiser avec des indicateurs d’activité comme le chiffre d’affaires et l’emploi, ce que permettent progressivement les statistiques de l’Insee sur l’activité des groupes et les données Fats sur les entreprises étrangères élaborées par la Banque de France. COMPARAISONS INTERNATIONALES * Benoît Cœuré est professeur chargé de cours à l’École polytechnique. Isabelle Rabaud appartient au LEO, Université d’Orléans, et au Cepii. Les noms et dates entre parenthèses renvoient à la bibliographie en fin d’article.

Transcript of Attractivité de la France : analyse, perception et mesure · ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N°...

Page 1: Attractivité de la France : analyse, perception et mesure · ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 363-364-365, 2003 97 Attractivité de la France : analyse, perception et mesure Benoît

ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 363-364-365, 2003 97

Attractivité de la France : analyse, perception et mesureBenoît Cœuré et Isabelle Rabaud*

L’attractivité d’un pays renvoie à une gamme très large de déterminants : taille desmarchés, coût du capital et du travail (au sein desquels la fiscalité joue un rôle important),présence ou non d’entreprises concurrentes ou complémentaires dans le processus deproduction. Dans une perspective de plus long terme, ce sont aussi les stratégies d’insertiondans les échanges, la qualité des infrastructures et des institutions, l’éducation et laformation. Les développements récents de la nouvelle économie géographique ont permisd’analyser plus finement l’interaction complexe entre coût des facteurs, taille des marchéset décisions de localisation des activités, mettant en évidence des effets d’agglomérationcumulatifs qui justifient de considérer avec prudence les comparaisons statiques entrepays, en particulier en matière de fiscalité.

Dès lors, comment mesurer l’attractivité ? La diversité des indicateurs disponiblesdésoriente souvent l’économiste et le décideur politique. Dans ce domaine comme dansd’autres, la France produit une variété précieuse de données – encore faut-il qu’elles soientmieux connues et utilisées. Il revient d’abord à l’utilisateur de clarifier le concept qu’ilcherche à appréhender : mesure de la performance économique, observation des décisionsd’implantation ou, plus en amont du processus de décision, de leurs déterminants. Dès queces distinctions sont reconnues et prises en compte, la variété des indicateurs se révèle enfait un atout.

Ni les indices synthétiques de compétitivité comme ceux construits par l’IMD de Lausanneou par le Forum économique mondial de Davos, ni les données quantitatives comme lesinvestissements directs étrangers enregistrés en balance des paiements, ne suffisent àmesurer l’attractivité. Les premiers, qui donnent de la France une image peu favorable,manquent d’homogénéité, ne reposent pas sur une vision théorique claire des déterminantsde la croissance, et produisent des classements contradictoires et volatils. La piste la plusprometteuse d’amélioration consisterait à fonder de manière plus systématique laconstruction de ces indices sur les travaux économiques récents sur le rôle des institutionsdans la croissance de long terme. Les secondes, qui soulignent au contraire la place depremier plan de la France comme pays d’accueil des investissements étrangers,n’appréhendent cependant que la dimension financière des décisions de localisation, sontfortement influencées par les opérations de fusions et acquisitions et par le développementdes prêts à court terme entre entreprises affiliées. Il est donc utile de les croiser avec desindicateurs d’activité comme le chiffre d’affaires et l’emploi, ce que permettentprogressivement les statistiques de l’Insee sur l’activité des groupes et les données Fats surles entreprises étrangères élaborées par la Banque de France.

COMPARAISONS INTERNATIONALES

* Benoît Cœuré est professeur chargé de cours à l’École polytechnique. Isabelle Rabaud appartient au LEO, Universitéd’Orléans, et au Cepii.Les noms et dates entre parenthèses renvoient à la bibliographie en fin d’article.

Page 2: Attractivité de la France : analyse, perception et mesure · ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 363-364-365, 2003 97 Attractivité de la France : analyse, perception et mesure Benoît

98 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 363-364-365, 2003

a France doute de son attractivité. Au coursdes dernières années, de multiples études

ont alimenté un débat public sur ce thème. Laquestion de l’attractivité est fréquemment rame-née à celle des investissements directs étrangers(IDE) : à l’exception peut-être du Japon, oùl’enjeu commercial demeure prédominant, lecouple « flux d’investissements/attractivité »semble avoir pris la place du couple« commerce extérieur/compétitivité » dans ledébat public des pays développés. Il est vrai quel’environnement international de la France aprofondément changé. Le marché unique etl’euro accroissent la transparence sur le coût desfacteurs de production ; les capitaux sont mobi-les et le solde des paiements courants ne déter-mine plus la capacité à mobiliser des finance-ments extérieurs. L’objectif de moyen terme dela politique commerciale n’est donc plus lesolde du commerce extérieur, mais plutôt larecherche d’une structure commerciale créatricede valeur ajoutée et apte à satisfaire les goûts deplus en plus variés des consommateurs, dans unenvironnement caractérisé par la montée engamme et l’insertion dans le commerce intra-branches (Fontagné et Freudenberg, 1999).Parallèlement, la liberté de circulation des capi-taux et la baisse des coûts de transport donnentune importance nouvelle à la question de lalocalisation des activités. S’il y a concurrenceentre les nations membres de l’Union économi-que et monétaire, ce n’est plus pour accroîtreleur « compétitivité » et améliorer leur soldeextérieur, mais bien pour attirer les activités.

En réaction peut-être à cette évolution, la notionmême de compétitivité a évolué. Dès 1994,Krugman estimait que la notion de« compétitivité » d’une nation n’avait pas desens pour des économies peu ouvertes commeles États-Unis, car à la différence d’une entre-prise, chaque pays vend majoritairement sesproduits à ses propres citoyens, n’est pas soumisà une contrainte de profit, et bénéficie del’échange international, qui n’est pas un jeu àsomme nulle. Finalement, selon Krugman, laseule mesure pertinente de la performance d’unpays est la progression de sa productivité. Cetteanalyse est séduisante, même si sa portée peutêtre relativisée : d’une part, elle s’inscrivaitdans un contexte de polémique sur la politiquecommerciale américaine ; d’autre part, elle nes’applique pas entièrement à un pays de taillemoyenne et ouvert aux échanges comme laFrance. Les choix de spécialisation et les termesde l’échange continuent donc à importer. Il n’enreste pas moins que la définition de la compéti-tivité a évolué d’une conception strictement

centrée sur les échanges extérieurs à la notionplus vaste d’un niveau élevé de revenu etd’emploi, voire de cohésion sociale (1). Cetteévolution trouve un écho dans les progrèsrécents de l’analyse économique. La probléma-tique de l’attractivité peut, en effet, désormaisêtre explorée de manière autonome à l’aide d’unnouvel outil d’analyse : la « nouvelle économiegéographique ». Cette discipline apparue aucours des années 1990 s’est penchée sur lesdéterminants de la localisation des activités enfonction de la structure des échanges commer-ciaux (et notamment des effets de taille des mar-chés) et de données spatiales comme les coûtsde transport. Depuis peu, elle permet égalementd’analyser la dynamique conjointe de la concur-rence fiscale et de la concentration/dispersiondes activités.

L’objet de cet article n’est pas la compétitivitédans le sens large esquissé plus haut maisl’attractivité, définie comme la capacité d’unpays à attirer et retenir les entreprises. La mobi-lité des personnes, importante dans le débatpublic, ne sera pas étudiée (on pourra se reporterà Debonneuil et Fontagné, 2003). On se proposeici d’établir un lien entre les nouvelles appro-ches théoriques d’une part, les débats récents depolitique économique d’autre part, et enfin lespossibilités et les limites des données disponi-bles. Il ne s’agit donc pas de procéder à une nou-velle évaluation de l’attractivité de l’espace éco-nomique français. On souhaite plutôt mettre enperspective le débat sur l’attractivité, discuter lapertinence des méthodes empiriques employées,et enfin s’interroger sur les informations statis-tiques nécessaires pour alimenter ces exercices.

De nouveaux outils théoriques

ans la théorie traditionnelle du commerceinternational fondée sur le modèle Heks-

cher-Ohlin, l’investissement direct à l’étranger,comme l’échange commercial, procède del’exploitation des différences entre pays. Lesentreprises vont produire à l’étranger afin debénéficier des avantages du pays d’accueil,généralement d’un coût du travail moins élevé.Cette approche s’est progressivement heurtée àun fait incontestable : les flux d’investissementsdirects (IDE) sont principalement réalisés entre

L

1. Pour la genèse de cette idée, voir l’introduction au rapport duConseil d’analyse économique sur la compétitivité (Debonneuil etFontagné, 2003).

D

Page 3: Attractivité de la France : analyse, perception et mesure · ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 363-364-365, 2003 97 Attractivité de la France : analyse, perception et mesure Benoît

ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 363-364-365, 2003 99

les pays industrialisés, et non du Nord vers leSud. C’est la prise en compte des modalitésd’organisation des entreprises multinationalesqui va permettre de comprendre les détermi-nants de ces IDE « Nord-Nord » : intégrationverticale reposant sur une spécialisation des dif-férentes unités de production et sur un échangede biens intermédiaires et de produits semi-finisentre filiales et maisons-mères ; intégrationhorizontale par laquelle l’entreprise internaliseun actif spécifique (brevets, savoir-faire, mar-que déposée) et l’exploite au niveau internatio-nal, engendrant des « économies demultilocalisation » (cf. Markusen (2002), pourun tour d’horizon).

Une autre approche, sur laquelle on s’étendraplus en détail, s’est développée au cours desannées 1990 : celle de la « nouvelle économiegéographique ». Cette discipline connaît aujour-d’hui un certain degré de maturité théorique(cf. l’ouvrage de Baldwin et al., 2003, pourl’état de l’art sur la question). L’hypothèse cen-trale de concurrence monopolistique entre fir-

mes et de préférence des consommateurs pour ladiversité permet de faire apparaître des effetsd’agglomération liés à des interdépendances quise renforcent mutuellement (cf. encadré 1). Cer-tains de ces effets sont positifs, comme l’effetd’accès au marché, qui décrit la tendance desfirmes monopolistes à s’implanter sur les grandsmarchés et exporter vers les petits, ou l’effet decoût de la vie, effet de bouclage macroéconomi-que par lequel l’implantation de nombreuses fir-mes dans une même localité favorise l’augmen-tation du nombre de variétés produites et labaisse des prix. D’autres sont négatifs, commel’effet d’engorgement, qui encourage les firmesà s’installer dans des régions où le nombre deconcurrents est plus faible.

L’évolution dynamique d’une telle économiedépend de manière cruciale du degré d’ouver-ture commerciale. En effet, des coûts d’échangeélevés incitent les firmes à s’installer près desconsommateurs, créant une force de dispersionqui peut être supérieure aux forces d’agglomé-ration. On montre cependant que cette force de

Encadré 1

LA NOUVELLE ÉCONOMIE GÉOGRAPHIQUE :LE MODÈLE « CENTRE/PÉRIPHÉRIE » ET SES DÉVELOPPEMENTS

La nouvelle économie géographique, développéedepuis maintenant dix ans, renouvelle les théories dela localisation des entreprises. L’approche « centre/périphérie » fondatrice a été présentée par Krugman(1991) et développée par Fujita, Krugman et Venables(1999) (1).

Le modèle reprend la structure habituelle aux modèlestraditionnels du commerce international avec deuxpays (le nord et le sud), deux secteurs (manufacturierM et agricole A) et deux facteurs de production (les tra-vailleurs industriels H et agricoles L). Toutefois, con-trairement aux approches traditionnelles, où l’échangerepose sur la recherche de différences entre pays, lesdeux régions peuvent être supposées identiques enmatière de goûts, de technologie, de degré d’ouver-ture aux échanges et, initialement au moins, d’offre defacteurs. L’agriculture n’emploie que des travailleursagricoles et produit avec des rendements d’échelleconstants sur un marché de concurrence pure et par-faite. Le secteur manufacturier produit un bien diffé-rencié en concurrence monopolistique, en employantuniquement des travailleurs industriels avec un coûtfixe, source d’économies d’échelle, et un coût variablefonction du niveau de production. Les deux biens sontéchangeables, mais si l’échange du produit agricole seréalise sans entraves, celui du bien manufacturé seheurte à des coûts d’échange, que l’on représente parsouci de simplicité de la manière suivante : il fauttransporter

δ unités avec

δ > 1 pour qu’une unité arrive

à destination (on parle de coûts de type « iceberg », laquantité

δ - 1 ayant en quelque sorte « fondue » durantle transport). Le consommateur a une préférence pourla diversité : son utilité présente une élasticité de subs-titution constante et dépend du nombre de variétés debiens consommées (fonction de type Dixit-Stiglitz). Ildétermine son panier de consommation en deuxétapes : il répartit d’abord son revenu entre les pro-duits agricoles et manufacturés, puis il choisit la quan-tité et le nombre de variétés du bien manufacturé qu’ildésire compte tenu de la somme qu’il a choisi d’allouerau bien manufacturé. Les travailleurs agricoles sontsupposés immobiles internationalement, tandis queles travailleurs industriels peuvent migrer d’une régionà l’autre (2). (1) (2)

On montre que la combinaison des effets d’accès aumarché (la diversité des biens produits, donc le bien-être, augmentent avec la taille du marché) et de coûtde la vie crée une causalité circulaire. Ainsi, si le mondecomprend deux régions initialement identiques, le« nord » et le « sud », et si un travailleur industriel migredu sud vers le nord, alors le nombre de variétés debiens produites dans le nord augmente, le coût de la

1. On pourra se rapporter au manuel de Baldwin et al. (2003)pour une présentation détaillée.2. L’immigration est définie comme une fonction croissantead hoc du différentiel de rémunération réelle et de la part destravailleurs industriels déjà localisés dans la région.

Page 4: Attractivité de la France : analyse, perception et mesure · ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 363-364-365, 2003 97 Attractivité de la France : analyse, perception et mesure Benoît

100 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 363-364-365, 2003

vie diminue donc dans le nord et le salaire réelaugmente : de nouveaux travailleurs sont attirés (effetcoût de la vie). L’agglomération des firmes est dans cecas liée à la demande (« backward linkages »). Il en vade même si le choc initial accroît la part du revenumondial dépensée dans le nord, alors, les firmes vontpréférer se localiser sur le plus grand marché pourminimiser leurs coûts d’échange, si bien que la modifi-cation de la répartition des dépenses entraîne un chan-gement dans la distribution de la production (effetd’accès au marché). L’agglomération des firmes estalors liée à la production (« forward linkages »).

On retrouve dans les deux cas l’effet marché domesti-que (« home market effect »), décrit par Krugman(1980) : l’activité industrielle se délocalise plus queproportionnellement au choc initial, vers la région quis’est initialement élargie, permettant ainsi l’exploitationd’économies d’échelle smithiennes (3). Toutefois, ilexiste une force stabilisatrice : l’augmentation du nom-bre de variétés au nord induit une concurrence des fir-mes pour rechercher le consommateur et réduire leurrevenu, ce qui pèse sur les salaires et rend la localisa-tion au nord moins attractive (effet d’engorgement dumarché).

La nature de la dynamique dépend de l’intensité descoûts d’échange. Des coûts d’échange élevés créentune force de dispersion supérieure aux forces d’agglo-mération. Dans le modèle, la force de dispersion dimi-nue plus rapidement que les forces d’agglomération àmesure que les barrières à l’échange se réduisent. Onpeut ainsi définir un point mort (« break point ») decoûts d’échange au-delà duquel les forces d’agglomé-ration dépassent les forces de dispersion. L’équilibresymétrique avec une répartition des travailleurs indus-triels pour moitié dans chaque région devient alors ins-table. Une migration initiale vers le nord s’auto-entre-tient et conduit au déplacement de toutes les activitésindustrielles et de tous les travailleurs vers le nord. Ledegré d’ouverture correspondant au point mort dimi-nue lorsque la part des dépenses en biens industrielsdans le revenu augmente en raison de l’accroissementde la force de la causalité circulaire liée à la demande.

On parle de point soutenable (« sustain point ») pourqualifier le degré d’ouverture pour lequel l’équilibre deconcentration des activités entièrement au nord ouentièrement au sud devient stable. Le degré d’ouver-ture correspondant au point mort est plus élevé que ledegré d’ouverture définissant le point soutenable. Ilexiste donc une zone dite de chevauchement oùl’équilibre symétrique et les équilibres d’agglomérationcomplète sont stables, lorsque le degré d’ouvertureest compris entre le point soutenable et le point mort.Les effets d’hystérèse de localisation jouent justementlorsqu’il existe des équilibres multiples ; alors, si unchoc temporaire (une subvention à la production, parexemple) dans une région induit le passage d’un équi-libre stable à un autre, la levée du choc ne conduit pasau renversement des effets du choc. De plus, un sautentre l’équilibre symétrique et les équilibres d’agglo-mération complète peut alors se produire par un sim-ple choc dans les anticipations. Ces mécanismes sontrésumés dans le graphique.

Encadré 1 (suite)

Graphique Le diagramme « Tomahawk » dans les modèles centre/périphérie

Lecture : le diagramme Tomahawk présente la part des tra-vailleurs industriels résidant dans le nord sH en ordonnée et ledegré d’ouverture des échanges

φ

=

τ

1−σ en abscisse, où

σ estl’élasticité de substitution entre les différentes variétés du bienmanufacturé et

τ le coût d’échange. Il décrit les zones de stabi-lité à long terme (en trait plein sur le graphique) des équilibresoù la production industrielle est répartie de manière équilibrée(sH = 1/2) ou concentrée au nord ou au sud (sH = 1 ou 0). Ainsi,si le degré d’ouverture est inférieur au point mort (« breakpoint »)

φB, alors seule la répartition équilibrée des activitésindustrielles entre les deux régions forme un équilibre stable.Lorsque le degré d’ouverture est supérieur au point soutenable(« sustain point »)

φS, le seul équilibre stable devient l’agglomé-ration de toutes les activités industrielles dans une région. Lestrois équilibres sont stables lorsque le degré d’ouverture estcompris entre le point soutenable et le point mort, zone dite dechevauchement.

φ S φ

B

φ0

SH

1/2

Le modèle centre/périphérie a donné lieu à des déve-loppements visant à modifier les hypothèses faites surles facteurs de production : (3)

- dans le modèle de « capital déraciné » (« footlosecapital »), le capital physique peut être employé àl’étranger, tandis que ses propriétaires dépensentleurs rentes dans leur pays. La distribution des reve-nus et le rendement du capital ne dépendent plus dela localisation des activités, et une des forces d’agglo-mération, l’effet coût de la vie, disparaît. Le point mortet le point soutenable sont confondus et coïncidentavec le libre échange, dans le cas symétrique ;

- dans le modèle d’« entrepreneur déraciné »(« footlose entrepreneur »), la production comprend uncoût fixe d’investissement en capital humain, et cecapital humain (l’« entrepreneur ») se déplace avec lecapital physique. Les forces d’agglomération sontplus faibles que dans le modèle centre/périphérie, desorte que le point soutenable et le point mort corres-pondent à des degrés d’ouverture plus élevés, mais lediagramme Tomahawk a la même forme.

3. Head, Mayer et Ries (2002) montrent que l’effet marchédomestique existe même si les biens manufacturés sonthomogènes, les coûts de transport ne sont pas du type ice-berg et si les prix sont influencés par la proximité des concur-rents. Toutefois, les économies d’échelle induisent un effet demarché domestique lorsque les variétés sont liées aux firmes,tandis que lorsqu’elles dépendent des pays, l’effet de marchédomestique est inversé.

Page 5: Attractivité de la France : analyse, perception et mesure · ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 363-364-365, 2003 97 Attractivité de la France : analyse, perception et mesure Benoît

ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 363-364-365, 2003 101

dispersion diminue plus rapidement que les for-ces d’agglomération quand les barrières àl’échange se réduisent, ce qui permet de définirun « point mort » de coûts d’échange, au-delàduquel les forces d’agglomération sont domi-nantes. On imagine, par exemple, une baisse descoûts d’échange dans une situation où les activi-tés industrielles sont réparties de manière équi-librée entre régions. Cette baisse n’a d’abordaucun effet... mais passé le « point mort », tou-tes les activités s’agglomèrent dans une seulerégion (cf. encadré 1 et son graphique). Il s’agitd’un processus discontinu, catastrophique ausens mathématique du terme. Ce résultat con-traste profondément avec celui des modèles detype Heckscher-Ohlin, où en présence de coûtsd’échange, les mouvements des facteurs visent àréduire les écarts de dotations factorielles relati-ves entre les pays, c’est-à-dire finalement à ren-dre ces derniers plus symétriques.

Un éclairage nouveau sur la concurrence fiscale et la dynamique de localisation

L’apport de la nouvelle économie géographi-que à la politique économique est double.D’une part, elle permet d’expliquer pourquoil’effet des politiques publiques peut ne pas êtrelinéaire, dans le sens où des décisionsd’ampleur limitée (par exemple, sur les tauxd’imposition) peuvent susciter un déplacementsoudain des activités. D’autre part, elle montreque cet effet dépend de la configuration dedépart et, en particulier, du degré initial depolarisation des activités. Il en va ainsi deseffets de la concurrence fiscale, où la prise encompte des effets d’agglomération aboutit à desrésultats originaux, voire contre intuitifs (Bald-win et al., 2003). Dans les modèles tradition-nels de concurrence fiscale (2), le rendement ducapital est décroissant par hypothèse et il n’y apas d’effet d’agglomération. La concurrencefiscale – définie comme un équilibre de Nashentre gouvernements (3) sur la fixation du tauxd’imposition du capital – crée une spirale à labaisse des taux d’imposition qui se révèlesocialement sous-optimale, et ce, d’autant plusque le capital est mobile. Le fardeau fiscal sereporte sur les facteurs les moins mobilescomme le travail, ce qui n’est pas grave pour leséconomies intensives en travail, mais peut êtredévastateur pour les économies avancées inten-sives en capital. C’est ce modèle de« concurrence fiscale dommageable » qui sous-tend le débat sur la fiscalité du capital enEurope. Quand on prend en compte les effetsd’agglomération, les mécanismes sont très dif-

Graphique IIntégration commerciale et concurrence fiscale dans un modèle d’économie géographique

Lecture :

φ est le degré d’ouverture commerciale comme dans le gra-

phique de l’encadré 1 ; mesure l’écart entre le taux d’im-

position des profits domestique t et celui du reste du monde t*.

φs est le point soutenable (« sustain point »), niveau d’intégrationcommerciale au-delà duquel la rente d’agglomération apparaît etpermet de maintenir un taux d’imposition supérieur à celui desconcurrents (T > 1). Si

φ < φs, seule une baisse de la fiscalité ducapital permet d’éviter les délocalisations.

T

φ = 0

T = 1

φ S φ = 1

T 1 t*–1 t–-------------=

férents. Les forces d’agglomération peuvent, eneffet, être suffisamment puissantes pour freinerla délocalisation : les pays les plus avancés, oùle capital est déjà concentré, bénéficient d’une« rente d’agglomération » et peuvent se per-mettre de maintenir des taux d’imposition plusélevés. On peut ainsi définir un « écart d’impo-sition soutenable » avec les pays concurrents,en deçà duquel le capital ne se délocalisepas. (2) (3)

Or, la rente d’agglomération dépend du degréd’ouverture commerciale : quand les coûtsd’échange sont très élevés, l’agglomérationn’est pas possible car il est trop coûteux de des-servir les marchés éloignés ; mais quand ils sonttrès bas, l’agglomération n’est pas nécessaire.Au total, la relation entre l’ouverture commer-ciale et l’écart d’imposition soutenable avec lesconcurrents suit donc une forme « en cloche »,illustrée par le graphique I : quand l’ouverturecommerciale est très grande ou très faible, il n’ya pas de rente d’agglomération et la fiscalité nepeut s’écarter durablement des pays concur-rents, sous peine de voir les activités délocali-sées. On voit bien ici que l’impact sur la locali-sation des activités industrielles d’une baisse oud’une hausse de la fiscalité du capital est pluscomplexe qu’il n’y paraît. Cet impact dépend en

2. Cf. (Wilson, 1999) pour une revue de littérature économique.3. C’est-à-dire un jeu où chaque gouvernement détermine saréponse optimale en fonction des choix des autres participants,l’« équilibre » étant la situation où ces choix sont mutuellementcompatibles.

Page 6: Attractivité de la France : analyse, perception et mesure · ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 363-364-365, 2003 97 Attractivité de la France : analyse, perception et mesure Benoît

102 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 363-364-365, 2003

effet du degré plus ou moins grand de concen-tration des activités et du degré d’ouverture auxéchanges commerciaux.

On peut introduire un degré de réalisme sup-plémentaire en prenant en compte le fait queles impôts levés dans chaque pays servent àfinancer les infrastructures de transport ou decommunication, la sécurité publique, l’éduca-tion et la formation, bref un ensemble de bienspublics qui bénéficient à toutes les entreprisesinstallées dans le pays, qu’elles soient d’ori-gine nationale ou étrangère. Cette analyse a étémenée par Andersson et Forslid (2003), quimontrent que la présence de biens publics créeune force d’agglomération supplémentaire ouamenity linkage. Cette force est, elle aussi,auto-entretenue : les travailleurs tendent às’installer dans le pays le plus accueillant, aug-mentant du même coup sa base fiscale et lessommes qu’il peut consacrer aux équipementspublics : « dans la grande ville, les lumièresbrillent plus fort ». Et il existe une relation « encloche », du même type que celle décrite par legraphique I, entre le degré d’intégration com-merciale et la quantité de biens publics fourniedans chaque pays. Pour un degré intermédiaired’ouverture commerciale, les grands pays peu-vent se permettre de produire un peu moins debiens publics en jouant sur leur rente d’agglo-mération.

Que se passe-t-il quand on introduit dans cesmodèles la possibilité d’une véritable concur-rence fiscale, c’est-à-dire d’un jeu portant surle niveau du taux d’imposition du capital ?Cette question est traitée par Baldwin et Krug-man (2000). Ici encore, la réponse dépend dudegré de concentration des activités. Quand lecapital est mobile mais très concentré dans un« grand » pays, ce pays peut se permettre demaintenir un taux d’imposition plus élevé queles « petits » pays plus pauvres. Mais l’équili-bre est discontinu : c’est au-delà seulementd’un certain écart d’imposition que les activi-tés se déplaceront du grand pays vers les petits.Ces derniers n’ont donc pas de raison d’abais-ser leur taux d’imposition pour attirer les acti-vités, et la concurrence fiscale ne pèse finale-ment que sur le grand pays. Ceci conduitBaldwin et Krugman, dans le contexte du débatsur l’harmonisation fiscale en Europe, à préco-niser une harmonisation de la fiscalité auniveau de celle des petits pays, et non à unniveau intermédiaire.

Le développement de la nouvelle économiegéographique demeure, à ce jour, principale-

ment théorique. La complexité des modèles,souvent non linéaires et qui font intervenir desconcepts très abstraits comme celui de coût deséchanges, rend ceux-ci difficile à confronterdirectement aux données. Comme on le verraplus loin, il est cependant possible de tester lesrésultats qui se dégagent de la théorie : impor-tance des effets de taille de marché et existencede processus cumulatif de polarisation des acti-vités.

L’importance des institutions

Pour tout projet d’implantation d’une activiténouvelle, le retour sur investissement à moyenou à long terme dépend de la productivité del’économie dans son ensemble, donc de son bonfonctionnement compris dans un sens pluslarge, au-delà des effets externes liés directe-ment aux politiques publiques. Depuis les tra-vaux de North (1990), une littérature économi-que est en plein essor sur le rôle des institutionsdans la croissance économique. Les « insti-tutions » y sont comprises au sens large commel’ensemble des procédures, des règles de com-portement ou des normes juridiques et régle-mentaires qui réduisent l’incertitude des agentséconomiques et rendent l’économie plus effi-cace. De nombreuses études empiriques cher-chent ainsi à construire des indicateurs de laqualité des institutions, puis à les relier à l’évo-lution du PIB par tête, qui mesure le niveau dedéveloppement. On trouvera une synthèse deces approches et une illustration empirique dansles perspectives économiques mondiales deprintemps du Fonds monétaire international(2003).

Le FMI évalue la qualité des institutions partrois types d’indicateurs : 1) une mesure synthé-tique de la qualité de la gouvernance dans sesdifférentes dimensions (Kaufmann, Kraay etZoido-Lobatón, 1999) : degré de démocratie,stabilité politique, efficacité des servicespublics, degré d’intervention de l’État dansl’économie, sécurité juridique et absence decorruption ; 2) la protection de la propriété pri-vée et 3) les limites à l’arbitraire du pouvoir exé-cutif. Selon le FMI, ces mesures contribuentsignificativement à expliquer les écarts de PIBpar tête entre pays en développement. Certainesétudes s’intéressent plus spécifiquement àl’attractivité des pays, mesurée par les investis-sements directs entrants. Stein et Daude (2001)étudient ainsi, dans le cas de l’Amérique latine,le lien entre les flux d’IDE et la mesure synthé-tique de la qualité de la gouvernance évoquée

Page 7: Attractivité de la France : analyse, perception et mesure · ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 363-364-365, 2003 97 Attractivité de la France : analyse, perception et mesure Benoît

ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 363-364-365, 2003 103

ci-dessus. Selon eux, une amélioration d’unécart-type de l’indicateur est associée, touteschoses égales par ailleurs (c’est-à-dire aprèsprise en compte de l’effet de déterminants tradi-tionnels des IDE comme le PIB par tête ou lafiscalité du capital), à un accroissement de130 % du stock d’investissements directs étran-gers. En résumé, les pays où l’on investit le plussont ceux qui sont les mieux gérés. En complé-ment, et toujours sur un panel de pays en déve-loppement, Wei (2000) montre que la corrup-tion est un frein significatif à l’investissementdirect étranger.

Ces études, centrées sur la problématique dudéveloppement, sont-elles transposables auxpays développés ? Leur intérêt principal estméthodologique : elles permettent d’établir unepasserelle entre les études économétriques tra-ditionnelles des déterminants de l’IDE et lesnotions, souvent employées sur un mode plusqualitatif, de qualité de la gouvernance et de laréglementation. Ainsi, la méthode employée parWei (2000) lui permet-elle d’établir qu’une aug-mentation du niveau de corruption d’un pays decelui de Singapour à celui du Mexique seraitéquivalente, du point de vue de l’attractivité desIDE, à une hausse de 18 à 50 % (selon les modè-les employés) de la fiscalité du capital. L’appli-cation aux flux d’IDE entre pays industrialisés,peu développée à ce jour, est certainement pos-sible, probablement au prix d’une réorientationdes indicateurs vers des critères plus discrimi-nants entre pays développés comme la qualitéde la réglementation (stabilité du cadre juridi-que, droit de la concurrence, stabilité financière)plutôt que la description de l’environnementpolitique.

Déterminants de l’attractivité : les études empiriques

’étude empirique de l’attractivité a connutrois étapes : i) en lien avec les modèles tra-

ditionnels des échanges internationaux, l’étudede la relation entre la décision de localisation, lecoût des facteurs et la taille des marchés, puisii) l’introduction des nouveaux déterminantscomme la fiscalité et la distance, dans l’esprit dela nouvelle économie géographique, et enfin iii)la mise en évidence de l’effet de marché domes-tique (« home market effect ») et l’étude plusfine de la dynamique de polarisation des activi-tés, notamment par l’observation de ses effetssur le marché du travail.

Une décision séquentielle d’implantation à l’étranger, dominée par les considérations de demande

Les approches théoriques ont montré que ladécision de s’implanter à l’étranger et le choixde localisation d’une entreprise se fondent surquatre critères : la taille du marché du paysd’accueil (la demande locale), le nombre de fir-mes déjà présentes sur le marché (économiesd’agglomération éventuellement contrebalan-cées par les coûts liés à la concurrence et à lacongestion), le coût du travail et du capital dansla région d’accueil, après prise en compte desmesures fiscales incitatives ; enfin, la qualitédes infrastructures publiques et du capitalhumain.

L’importance respective de ces critèresdemeure délicate à établir. On considère généra-lement que l’entreprise procède en trois étapespour prendre ses décisions d’investissementinternational. Elle choisit d’abord la régiond’implantation (Amérique, Asie ou Europe ?),puis au sein de cette zone, arbitre entre centre etpériphérie avant de se pencher sur le choix d’unpays (France ou Allemagne ? Grèce ouPortugal ?), puis d’une région de ce pays. Ainsi,dans la décision d’implantation à l’étranger desfirmes japonaises (Mayer et Mucchielli, 1999),le dynamisme du marché local compte plus pourle choix du pays que pour celui de la régiond’implantation, tandis que l’influence des salai-res n’est significative qu’au niveau des régions.Enfin, l’influence de la présence de firmes japo-naises déjà implantées est sensiblement plusimportante au niveau régional. Les facteurs decoût et les incitations telles que la fiscalité ou lesaides publiques ne jouent donc qu’un rôlesecond.

Selon Lipsey (2000), la taille du marché du paysd’accueil (appréhendée par le PIB nominal et lerevenu par tête), son dynamisme, sont égale-ment des facteurs explicatifs des choix de loca-lisation des filiales étrangères de firmes améri-caines. Une récente étude sur l’implantation dessites industriels français (Crozet, Mayer et Muc-chielli, 2003) établit qu’une augmentation de10 % du nombre de firmes d’origine étrangèreimplantées dans un département accroît de 3 %environ la probabilité de voir ce départementchoisi par d’autres firmes. Une même augmen-tation du nombre de concurrents français aug-mente cette probabilité de 10 %. Les entreprisesd’origine étrangère ont donc tendance à s’agglo-mérer, et n’attribuent pas un poids déterminant

L

Page 8: Attractivité de la France : analyse, perception et mesure · ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 363-364-365, 2003 97 Attractivité de la France : analyse, perception et mesure Benoît

104 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 363-364-365, 2003

aux coûts. Elles tendent en outre à s’implanterdans les régions frontalières de leur paysd’origine : le Nord-Est pour les entreprises bel-ges et néerlandaises, l’Est pour les entreprisesallemandes.

Hubert et Pain (2002) ont mené une étude com-parable sur la base des stocks bilatéraux et sec-toriels d’IDE. Les auteurs étudient les détermi-nants de la décision d’implantation desentreprises allemandes au sein de l’Union euro-péenne sur la période 1990 à 1996. Ils mettenten évidence le rôle de l’accumulation d’actifsspécifiques : une augmentation permanente de1 % du stock de recherche et développement(R&D) dans un secteur conduit à long terme àune hausse du stock d’IDE allemand de 1,75 %.Les effets de taille du marché, notamment euro-péen, ressortent également. Les économiesd’agglomération mesurées par la part du PIB dupays d’accueil dans le PIB européen ou parl’effort national de recherche jouent égalementun rôle positif. L’augmentation des coûts sala-riaux unitaires a un effet négatif : une hausse de1 % de ces coûts entraîne une réduction de3,9 % du stock à long terme d’IDE du pays. Ausein des politiques publiques retenues par lesauteurs, c’est l’infrastructure publique du pays(mesurée par l’investissement en capital fixe dugouvernement rapporté au PIB) qui a l’effetpositif le plus significatif. Toutefois, cet impactest partiellement contrebalancé par l’effet néga-tif de la part des fonds structurels du Feder dansle PIB, résultat observé également par Crozet etal. (2003) et qui suggère qu’un pays déjà trèsdéveloppé attire relativement plus d’IDE. Enfin,un effet positif, mais non significatif, est obtenupour l’intervention budgétaire ou fiscale (aidespubliques rapportées au PIB, taux effectifd’imposition des sociétés dans le paysd’accueil). Tous ces résultats doivent être relati-visés par le fait que l’IDE se révèle, par ailleurs,très inerte (4).

Un rôle significatif des écarts de fiscalitédu capital

Une littérature abondante a étudié le rôle desécarts de fiscalité du capital dans la décisiond’implantation, au niveau macroéconomiquecomme au niveau des entreprises. De Mooij etEderveen (2002) ont passé en revue vingt-cinqétudes publiées entre 1984 et 2001, dont certai-nes proposent plusieurs jeux d’estimation, ettrouvé une semi-élasticité médiane de l’IDE autaux d’imposition du capital de - 3,2, ce quisignifie qu’une hausse d’un point du taux

d’imposition entraîne une baisse de 3,2 % del’IDE entrant. La dispersion des résultats estcependant très grande, et les auteurs soulignentl’hétérogénéité des méthodes employées, qu’ils’agisse de la spécification économétrique(prise en compte ou non de la fiscalité du paysd’origine, type de données d’investissementdirect employées – nombre d’implantations,fusions/acquisitions ou IDE au sens de labalance des paiements) ou de la mesure de lafiscalité : taux moyen ou taux effectif, observéau niveau macroéconomique ou au niveau del’entreprise.

Bretin et Guimbert (2001) ont particulièrementdétaillé la mesure empirique du niveau de la fis-calité et en particulier la différence entre tauximplicite ex ante, construit pour des cas typesd’entreprises et de projets d’investissement, ettaux apparent ex post calculé par comparaisonde l’impôt sur les sociétés payé par les entrepri-ses et de leurs profits. Ils trouvent que la fisca-lité du pays d’accueil, mais pas celle du paysd’origine, a un impact significatif sur les fluxbilatéraux d’IDE. S’agissant du choix des indi-cateurs, ce sont les taux implicites ou les tauxeffectifs moyens (taux auxquels les gains obte-nus de l’investissement sont égaux à son coût),plutôt que les taux apparents ou les taux effec-tifs marginaux (taux pour lesquels le rendementaprès impôt d’un investissement marginal estégal à son coût initial), qui peuvent être reliésaux flux d’investissements. (4)

Au niveau microéconomique, Mayer et Muc-chielli (1999) ont mis en évidence, au traversdes aides à l’investissement, l’effet des allége-ments d’impôts sur les choix de localisation desentreprises japonaises. De même, Devereux etGriffith (1998) ont souligné l’impact des tauxeffectifs moyens sur la localisation des entrepri-ses américaines ou, plus précisément, sur lechoix entre pays d’accueil dès lors qu’une déci-sion d’implantation en Europe a été prise.Comme chez Bretin et Guimbert, la prédomi-nance de la fiscalité du pays d’accueil, plusimportante que l’écart avec le pays d’origine,valide la logique de décision séquentielledécrite ci-dessus. Enfin, dans une étude quiintroduit conjointement taille des marchés, dis-tance et fiscalité du capital, Bénassy-Quéré etal. (2003) identifient un effet significativementnégatif sur les flux bilatéraux d’IDE des taux

4. La valeur retardée de l’IDE est fortement significative, résultatprévisible sur séries temporelles compte tenu du fait que la varia-ble expliquée est le stock d’IDE, même si elle n’est pas significa-tive dans d’autres études comme celle de Lipsey (2000).

Page 9: Attractivité de la France : analyse, perception et mesure · ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 363-364-365, 2003 97 Attractivité de la France : analyse, perception et mesure Benoît

ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 363-364-365, 2003 105

d’imposition des sociétés, qu’ils soient légaux,apparents ou effectifs. Toutes choses égales parailleurs, un pays désireux de compenser par lafiscalité un éloignement de 10 % devrait abais-ser son taux d’imposition de deux points(10

× 0,5/2,5), compte tenu d’une élasticité à ladistance de - 0,5 et d’une semi-élasticité au tauxlégal de - 2,5. Ce résultat est à relier aux tauxd’imposition plus bas des États de la« périphérie » de l’Europe.

L’importance des effets d’agglomération

On aborde ici deux types de relations entredéveloppement des échanges et agglomération :l’effet dit de « marché domestique » (« homemarket effect ») et l’agglomération induite parles échanges (5).

L’effet « marché domestique » a été identifiépar Krugman (1980), qui a noté qu’un pays peutexporter un produit d’autant plus facilementqu’il peut exploiter les économies d’échelleliées à son marché intérieur. Cet effet peut êtreidentifié empiriquement quand le poids des sec-teurs bénéficiant d’économies d’échelle est plusélevé dans la production que dans la consomma-tion domestique ou, plus généralement, quandl’augmentation de la demande dans un paysconduit à une croissance plus que proportion-nelle de sa production.

À partir de données sectorielles relatives auxpays de l’OCDE, Davis et Weinstein (2003)montrent que dans sept secteurs sur les treizeétudiés, la croissance de la part de la région dansla production mondiale est plus élevée que cellede sa part dans la demande mondiale, reflet d’uneffet de marché domestique. Dans le cas duJapon, Davis et Weinstein (1999) concluent àl’existence d’effets d’agglomération régionauxdans neuf secteurs manufacturiers sur dix-neuf.La méthode empirique a cependant des élé-ments de fragilité, comme le montrent Head etMayer (2003) (6), qui préfèrent mettre en avantla meilleure rémunération des facteurs dans lesrégions où la demande est plus élevée plutôt quela spécialisation de la production (mesurée parla part dans le secteur manufacturier) dans lesactivités à économies d’échelle.

Les effets d’agglomération peuvent quant à euxêtre mis en évidence indirectement par les dis-parités spatiales de chômage et de salaires.Overman et Puga (2002) observent ainsi unepolarisation des taux de chômage au sein desrégions européennes. Les régions dont le taux

de chômage était relativement faible en 1986ont maintenu ou réduit leur taux de chômage en1996, tandis que celles qui connaissaient untaux de chômage élevé ne l’ont pas réduit. Enoutre, les différentes régions ont des positionscomparables par rapport à la moyenne euro-péenne quand elles sont limitrophes, qu’ellesappartiennent ou non au même pays. Lesauteurs montrent enfin que cette polarisation duchômage européen ne peut être reliée à l’évolu-tion de l’offre de travail entre 1986 et 1996,mais est étroitement associée au taux de créa-tions d’emplois sur cette période, donc à l’évo-lution de la demande. Ceci reflète, selon lesauteurs, les effets d’agglomération à l’œuvre aucours du processus d’intégration économiqueen Europe. Combes, Duranton et Gobillon(2003) ont étudié la distribution spatiale desalaires entre les 341 zones d’emploi françai-ses, qu’ils expliquent par des disparités de qua-lification et de productivité mais aussi parl’existence de synergies entre les travailleurs etles entreprises localisées au même endroit. Lesdifférences de qualifications entre zonesd’emploi, même à l’intérieur de chaque secteur,sont la principale source d’écarts de salaires,tandis que l’effet des différences de dotationsphysiques reste limité. Ce sont donc bien lesdéterminants des migrations humaines et de lalocalisation des entreprises qui expliquent lesdisparités de salaires. (5) (6)

Finalement, alors que les études économétri-ques attestent du rôle clé de la demande dans lalocalisation des firmes, la confirmation del’existence d’économies d’agglomérationdemeure plus délicate, notamment l’isolementd’un effet marché domestique. Toutefois, sielles sont en accord avec les résultats issus de lathéorie, elles permettent difficilement de tran-cher entre les différents modèles d’internationa-lisation de la firme. Leur lecture fait aussi res-sortir l’insatisfaction des économètres vis-à-visdes données disponibles, difficiles à mettre enregard des comportements identifiés par la théo-rie. Ceci vaut aussi bien pour les variables expli-catives – le débat sur la « bonne » mesure de la

5. Il existe un troisième effet dit de « potentiel de marché » : pourune revue complète de la littérature, voir Head et Mayer (2003).6. Si, dans ces deux études, la moyenne des coefficients estsupérieure à un, la médiane, moins sensible aux valeurs extrê-mes, est quant à elle nettement inférieure à l’unité. Par ailleurs,une part de la production domestique dans la production mon-diale moins que proportionnelle à la part de la demande domes-tique dans la demande mondiale dans une activité à économiesd’échelle peut révéler non pas l’absence d’effet de marchédomestique mais simplement la préférence des consommateursdomestiques pour certains produits nationaux (« home biaseddemand », cf. Trionfetti, 2001).

Page 10: Attractivité de la France : analyse, perception et mesure · ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 363-364-365, 2003 97 Attractivité de la France : analyse, perception et mesure Benoît

106 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 363-364-365, 2003

fiscalité du capital en est une illustration – quepour l’investissement direct lui-même. Hétéro-généité des sources, difficulté de distinguer lespremières implantations (greenfield) des prisesde participation ou extension de capacités exis-tantes (brownfield) sont très souvent relevées.

Perception de l’attractivité : profusion de rapports, d’indicateurs synthétiqueset d’enquêtes d’opinion

es rapports largement médiatisés, desenquêtes qualitatives auprès des chefs

d’entreprises, la publication de classements despays au regard d’indicateurs synthétiques sem-blent indiquer que la France a un problème spé-cifique d’attractivité vis-à-vis des investisseursétrangers. Pourtant, la prise en compte d’unegamme plus large d’indicateurs conduit à nuan-cer ce jugement.

Les rapports publics sur l’attractivité

Plusieurs rapports récents ont abordé la ques-tion de l’attractivité de l’économie française :rapport de l’Inspection générale des financessur « l’entreprise et l’Hexagone » (Lavenir etal., 2000), rapport d’information du Sénat surl’expatriation des compétences, des capitaux etdes entreprises (Badré et Ferrand, 2000), rap-port au Premier ministre sur l’attractivité du

territoire (Charzat, 2001), rapports du Com-missariat Général du Plan (1999 et 2000) sur lanouvelle nationalité de l’entreprise et sur lesperspectives de la France. De nombreux arti-cles de presse ont été consacrés à la mêmequestion.

Quelle est la méthode retenue dans cesrapports ? L’attractivité y est évaluée au senslarge comme la capacité à attirer ou retenir lescapitaux et les compétences, avec une attentionparticulière à la question des « centres dedécision », c'est-à-dire de la localisation dusiège des entreprises. Tous les rapports combi-nent des informations issues d'entretiens avecles acteurs concernés (responsables politiques,investisseurs ou chefs d'entreprise) et des don-nées quantitatives recueillies auprès des orga-nismes statistiques ou de sources privées, cabi-nets de conseil ou instituts indépendants. Lesinformations recueillies directement sous formed’enquêtes et d’entretiens, visent à hiérarchiserles déterminants potentiels de la décisiond’implantation. Dans certains cas (notammentle rapport Lavenir), les interlocuteurs sont inter-rogés de manière plus fine sur la localisation desactivités au sein de l’entreprise et sur la nationa-lité des cadres dirigeants.

Les informations quantitatives dessinent uneséquence de l’« amont » vers l’« aval » du pro-cessus de localisation des activités(cf. tableau 1) :

- mesures des déterminants de la localisationdes activités : coût du capital et coût du travail,

D

Tableau 1Typologie des indicateurs d’attractivité

Amont

→ Aval

Phénomène mesuré

Déterminants des choix de localisation

Observation des localisations choisies

Effet sur les performances économiques relatives

Indicateursutilisés

Taille du marchéQualité des infrastructuresFiscalité du capital (taux nominal ou apparent d’IS)Coût salarial unitaire, coin fiscalo-socialTaux de change effectif réelTaille du secteur (dans le cas d’effets de réseau)Jugement qualitatif sur l’environne-ment des entreprises (sources : OCDE, WEF, IMD, cabinets de con-seil).

IDE (sources : balance des paie-ments, Eurostat, OCDE)Décisions d’implantation (source : cabinets de conseil)Délocalisations fiscales (source : DGI).

PIB cumulé, ou taux de croissance moyen sur une périodeCréations d’emploi, en nombre ou en taux de croissanceInvestissement et création de trafic (exportations et importations) des entreprises étrangères dans un pays (sources : Banque de France, Euros-tat, OCDE)PIB par habitant, en valeur ou en standard de pouvoir d’achat (sources : Eurostat, OCDE)Indicateurs sectoriels : nombre de brevets, etc.

Source : synthèse des auteurs.

Page 11: Attractivité de la France : analyse, perception et mesure · ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 363-364-365, 2003 97 Attractivité de la France : analyse, perception et mesure Benoît

ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 363-364-365, 2003 107

avec une grande attention accordée à lafiscalité ; indicateurs traditionnels de compétiti-vité, comme le taux de change effectif réel ;taille du secteur, représentative des externalitésde réseau dans certains secteurs comme lafinance ; indications sur la qualité de l’environ-nement des entreprises, notamment dans sesdimensions réglementaires et sociales ;

- mesures quantitatives des mouvements de fac-teurs de production : flux ou stocks d’IDE,mouvements de personnel qualifié. S’agissantdes IDE, les sources sont très diverses : le rap-port de la Cnuced est la source la plus employée,ainsi que les intentions d’implantation re-cueillies par des enquêtes privées de typeMcKinsey. Les déplacements de personnel qua-lifié sont appréhendés par les « délocalisationsfiscales » observées par la direction généraledes impôts (Badré et Ferrand, 2000) ;

- mesures de la performance économique rela-tive de la France comparée à celle de ses parte-naires, notamment européens : performancemacroéconomique mesurée par la croissancecumulée du PIB ou de l’emploi ou encore leniveau du PIB par habitant, performance secto-rielle mesurée par le nombre de brevets déposésou le nombre d’emplois créés dans tel ou tel sec-teur d’activité, par exemple le secteur financier,qui fait l’objet d’une attention particulière dansplusieurs des rapports cités.

Les rapports préconisent d’alléger la fiscalité dutravail ou du capital et d’améliorer l’environne-ment général des entreprises : simplification etstabilisation de la réglementation, contractuali-sation des relations de travail, mais aussi de cla-rifier la communication publique sur le « siteFrance », par exemple en élaborant un indica-teur unique d’attractivité ou de compétitivité.Certains soulignent en outre la priorité à accor-der à la recherche et développement dont lefinancement doit être recherché dans une pers-pective européenne (Centre des jeunes diri-geants d’entreprise, 2003).

Une certaine méconnaissancedes sources statistiques

Au plan économique, on reconnaît parmi lesdéterminants évoqués ci-dessus les facteurs tra-ditionnels de localisation des activités (coût ducapital et du travail) et, dans certains secteurscomme la finance ou les nouvelles technologies,les facteurs de concentration mis en avant par la

nouvelle économie géographique (le rapportLavenir parle à ce sujet de la « tentation de PaloAlto » (7)). On peut s’étonner d’un relatif désin-térêt vis-à-vis des facteurs de demande, alorsmême que la taille des marchés est au plan théo-rique un déterminant majeur de la localisation.La taille du marché français, la position géogra-phique centrale de la France, proche des autresgrandes économies et au cœur des réseaux detransport européens, ne sont pas toujours évo-quées. En outre, parmi les composantes du coûtdes facteurs de production, la fiscalité est l’objetd’une attention justifiée, mais au détriment duniveau du coût des facteurs eux-mêmes, peuévoqués : taux d’intérêt, rendement et coûts detransactions sur le marché actions, coûts sala-riaux unitaires. Enfin, il n’y a pas de consensussur la mesure finale de la performance des pays :selon les cas, l’activité, l’emploi ou le revenupar habitant sont privilégiés.

Au plan statistique, plutôt que de regretter laméthodologie parfois approximative de tel outel rapport, il est intéressant d’y lire en creux desbesoins d’information réels et mal satisfaits parle système d’information public. En l’absencede sources internationales homogènes et dispo-nibles dans des délais raisonnables, le désir decomparaison internationale prime sur la cohé-rence statistique. De fait, si certains rapportspréconisent un enrichissement des informationsdisponibles, comme une ventilation des IDE parfonction dans la chaîne de production (R&D,commercialisation, production, etc.) ou partaille des entreprises investies (Chambre decommerce et d’industrie de Paris, 2002), le sen-timent dominant est celui d’une communicationencore insuffisante entre le producteur et l’utili-sateur de statistiques. Ainsi, le souhait mani-festé par certains rapports de disposer de la partdes firmes étrangères installées en France dansles exportations et les importations ou encore dela distinction entre investisseur premier etinvestisseur final révèle une méconnaissancedes travaux en cours à l’Insee et à la Banque deFrance (cf. infra). C’est pourquoi il est utiled’examiner de manière plus systématique lessources d’informations qualitative et quantita-tive disponibles et de s’interroger sur leur perti-nence économique et statistique pour l’analysede l’attractivité.

7. En référence à cette ville de la Silicon Valley où Bill Hewlett etDavid Packard ont créé l’entreprise qui porte encore leurs noms,et où de nombreuses entreprises de nouvelles technologies sesont par la suite installées.

Page 12: Attractivité de la France : analyse, perception et mesure · ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 363-364-365, 2003 97 Attractivité de la France : analyse, perception et mesure Benoît

108 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 363-364-365, 2003

Une confiance excessive dans des enquêtes dont la méthodologie est fragile...

Les rapports s’appuient sur les sondages d’opi-nion auprès des chefs d’entreprise réalisés pardes cabinets de conseil, portant sur la créationou le maintien de firmes d’origine étrangère enFrance. Les réponses à ces enquêtes soulignentles atouts de la France – localisation géographi-que au centre de l’Europe, qualité des infrastruc-tures, de la formation des chercheurs et du capi-tal humain en général –, tout en présentant leniveau de fiscalité et la complexité juridiquecomme des freins (Ernst & Young, 2002). Cesconclusions sont naturellement sensibles auxchoix du panel de chefs d’entreprises interrogés,à la date des interviews et à leurs conditions deréalisation (entretiens téléphoniques, réponses àun questionnaire, discussions à bâtons rompusavec des entrepreneurs). Un examen attentif desréponses révèle en outre que l’image de laFrance est souvent meilleure que leur résumé nele laisse entendre (cf. encadré 2).

... et dans des indices synthétiquesde compétitivité

Outre des indicateurs quantitatifs de perfor-mance économique comme le PIB par habitanten parité de pouvoir d’achat, dont la portée sta-tistique a suscité un débat récent (Magnien,Tavernier et Thesmar, 2002), la capacité despays à attirer des entreprises étrangères estfréquemment évaluée à partir d’indices mixtesquantitatifs et qualitatifs dits de « compé-titivité ». Ces indices se sont multipliés au coursdes dernières années (8). Le graphique IIrésume l’évolution récente du classement de laFrance au regard de trois d’entre eux, dont deux,le Competitiveness and Growth Index du Foruméconomique mondial de Davos et de l’Univer-sité d’Harvard et le World CompetitivenessOverall Scoreboard de l’Institut international demanagement de Lausanne (IMD), bénéficientd’un écho médiatique particulier (cf. en-cadré 3).

L’hétérogénéité des informations utilisées pourconstruire ces indicateurs, combinaisons dedonnées quantitatives et qualitatives aussi dis-semblables que la présence d’une place finan-cière de premier rang et le niveau des coûts sala-riaux, pose problème à plusieurs titres. Au planméthodologique, tout d’abord. Il est délicat demettre en œuvre une méthode d’enquête harmo-nisée dans un grand nombre de pays : la repré-sentativité et la comparabilité des échantillons

Graphique IIClassement des pays du G7 + 5 selon les différents indices composites

Lecture : le rang de classement pour chaque pays pour les indi-cateurs dits de « compétitivité » établis par le Forum économiquemondial (GCI et MCI), A.T. Kearney, l’IMD de Lausane et les indi-ces de globalisation de la Cnuced est représenté sur l’axe desordonnées. À des fins de comparaisons, on a retenu les pays duG7 (États-Unis, Japon, Allemagne, Royaume-Uni, France, Italie,Canada) et cinq autres pays, notamment des petites économiestrès ouvertes (Espagne, Finlande, Irlande, Pays-Bas et Singapour)habituellement bien classées.Sources : institutions concernées, classement pour l’année 2002,sauf pour la Cnuced (moyenne 1998-2000).

141

121

101

81

61

41

21

1

États-

Unis

Japo

n

Allem

agne

Fran

ce

Royau

me-

UniIta

lie

Canad

a

Espag

ne

Finlan

de

Irlan

de

Pays-

Bas

Singap

our

GCI (WEF Davos)MCI (WEF Davos)Globalization Index (A.T. Kearney)WCS (IMD Lausanne)

Inward FDI Index (Cnuced)Inward Potential FDI Index (Cnuced)

ne sont en rien garanties. Il est également diffi-cile d’établir et de mettre en œuvre une méthoded’agrégation de données qualitatives fondée surdes bases économiques rigoureuses. Grégoir etMaurel (2003) montrent ainsi qu’en ré-estimantles pondérations des différentes composantes del’indice du Forum économique mondial demanière à maximiser sa corrélation avec lacroissance (ce qui constitue son but affiché),l’Estonie se classerait au premier rang mondialen 2001, devant la Hongrie, la Chine et la Slové-nie en lieu et place de la Finlande, des États-Unis, de Taiwan et de Singapour dans le classe-ment publié. (8)

Au plan théorique, ensuite, le choix des varia-bles et la formulation des questions contribuent

8. Le dernier en date, élaboré par une équipe de l’université deMontpellier, à partir de divers critères mesurant la performanceéconomique, la situation sociale et l’adaptation à l’avenir despays de l’OCDE, constate une meilleure situation sociale qu’éco-nomique en France, mais un manque d’adaptation de la France àl’avenir que seuls des investissements significatifs en R&D et enéducation seraient susceptibles de corriger (Le Monde du 8 juillet2003).

Page 13: Attractivité de la France : analyse, perception et mesure · ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 363-364-365, 2003 97 Attractivité de la France : analyse, perception et mesure Benoît

ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 363-364-365, 2003 109

eux-mêmes à orienter les réponses, et le risqueest grand de dépendre d’une vision a priori desinstitutions favorables à la croissance. Depuisles travaux de Mankiw, Romer et Weill (1992),la théorie de la croissance fournit un fondementthéorique à la notion de convergence« conditionnelle » au niveau initial de dévelop-pement, au stock de capital humain et plus géné-ralement à la qualité des institutions, mais il n’ya pas consensus parmi les économistes sur lamanière de mesurer ces variables (FMI, 2003,cf. supra). Ainsi, le mauvais classement de laFrance selon les indices de l’IMD et de Davoss’explique en partie par le jugement négatifporté sur la réglementation du travail, la fiscalitéet le poids des dépenses publiques. Or, DeGrauwe (2002) a montré qu’à l’exception desÉtats-Unis, il existe une relation positive entrele poids des dépenses de protection sociale dansle PIB et l’indice IMD, résultat qui explique lebon classement des pays d’Europe du Nord.Plus généralement, les réponses aux questionsrévèlent une représentation d’un développe-

ment économique organisé autour d’un État auxcompétences restreintes et fondé sur le contratplutôt que sur la loi et la réglementation. Cettereprésentation mériterait d’être confrontée auxdéveloppements récents de l’analyse économi-que, aussi bien sur le plan théorique qu’empiri-que.

Il est donc difficile de tirer une conclusion uni-voque du graphique II, si ce n’est la positionsystématiquement plus favorable des États-Unis, des Pays-Bas et de certains petits pays trèsouverts comme Singapour, l’Irlande et la Fin-lande, malgré, pour ces derniers, des évolutionsplutôt défavorables en 2003, mais divergentesselon les instituts. Ceci devrait conduire à rela-tiviser les discours alarmistes relatifs au manqued’attractivité de la France par rapport à ses prin-cipaux concurrents, du moins quand ils sontfondés sur ces indices.

D’autres instituts ont développé des« indicateurs de globalisation » ou des mesures

Encadré 2

LES ENQUÊTES D’OPINION AUPRÈS DES CHEFS D’ENTREPRISE :L’EXEMPLE DU BAROMÈTRE 2003 « ATTRACTIVITÉ DU SITE FRANCE » D’ERNST & YOUNG

Deux cents dirigeants d’entreprises françaises et inter-nationales ont été interrogés par téléphone du 4 marsau 2 avril 2003. Les résultats de ces entretiens sontcroisés avec les informations quantitatives de la base« Ernst & Young European Investment Monitor » quiinclut les flux d’IDE au sens de la balance des paie-ments ainsi que le nombre d’implantations recenséespar l’Agence française des investissements internatio-naux (AFII). Or, si l’introduction de ces dernières don-nées s’explique par le partenariat entre l’AFII et Ernst& Young, leur champ diffère sensiblement de celui desstatistiques d’IDE (cf. tableau 2). L’enquête distinguedes critères dits « qualifiants » (localisation par rapportaux marchés, efficacité des infrastructures, qualité del’environnement), des critères « discriminants » (cadreréglementaire, niveau de fiscalité, cadre financier,gains de productivité) à partir desquels s’établit unpremier choix, puis des critères « différenciants » spé-cifiques à certains types de personnel, de fonctions,d’activités ou secteurs.

La France demeure en bonne position sur les premierscritères, tandis que la perception des entreprisesdeviendrait plus optimiste qu’en 2002 concernant lastabilité réglementaire et l’évolution de la flexibilité dutravail et des coûts salariaux. Ces critères perdentd’ailleurs de leur importance. En d’autres termes, sices trois handicaps traditionnels de la France persis-tent, l’image de la France et la confiance des entrepri-ses s’améliorent, notamment en matière d’environne-ment administratif et de travail. Cependant,

l’attractivité (mesurée par le rapport entre les implanta-tions et le PIB) demeure inférieure au poids économi-que de la France.

Contrastant avec la vision pessimiste de 2001, lesrésultats indiquent une stabilité de la part des projetsd’investissements en Europe destinés à la France et auRoyaume-Uni. Bien que la part de la France reste infé-rieure à son poids dans le PIB (13 % contre 19 %), saposition devient meilleure que celle de l’Allemagne,notamment en matière d’attractivité pour les activitésde services (sièges sociaux et centre de R&D). LeRoyaume-Uni et la France résistent bien à la concur-rence des Peco et demeurent les deux principalesdestinations des projets d’investissements destinés àl’Europe. Alors que l’image de l’Allemagne décline,notamment concernant son marché intérieur, laFrance obtient des bons résultats sur la plupart descritères. L’attractivité de la France s’améliore, bienqu’elle demeure loin derrière le Royaume-Uni en ter-mes de fiscalité et de réglementation du marché dutravail et derrière les Peco concernant les coûts sala-riaux.

On peut objecter à ces conclusions que le raisonne-ment sur le nombre d’implantations étrangères estbiaisé par la non-prise en compte de la taille des opé-rations. En outre, compte tenu de la dégradation de laconjoncture, le contraste entre le pessimisme du baro-mètre 2002 et l’optimisme attentiste du baromètre2003 surprend pour le moins.

Page 14: Attractivité de la France : analyse, perception et mesure · ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 363-364-365, 2003 97 Attractivité de la France : analyse, perception et mesure Benoît

110 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 363-364-365, 2003

synthétiques des flux d’investissements directs,afin de mesurer l’insertion internationale despays (cf. encadré 4). Comme les indices synthé-tiques de « compétitivité », ces indicateurspèchent par l’instabilité de leurs classements,l’hétérogénéité des variables regroupées et,dans le cas de l’indicateur de globalisation de lasociété de conseil AT Kearney, par l’attributionde pondération ad hoc. Ils n’offrent donc qu’unevision imparfaite des performances internatio-nales.

La mesure quantitative :les statistiques d’investissements directs et les données d’activités des firmes étrangères

ontrairement aux indices synthétiques dontla méthodologie dépend des instituts qui

les produisent et change dans certains cas cha-que année, les statistiques d’IDE font l’objet

C

Encadré 3

MESURER L’ATTRACTIVITÉ : LES INDICES DU FORUM ÉCONOMIQUE MONDIALET DE L’IMD DE LAUSANNE

Le Forum économique mondial élabore, tous les ans,deux indicateurs fondés à la fois sur les informationséconomiques disponibles et sur une enquête d’opi-nion auprès de 4 800 hommes d’affaires installés dans80 pays.

• L’indicateur de compétitivité et de croissance (GCI)qui estime les perspectives sous-jacentes de crois-sance durant les cinq à huit ans à venir, regroupe desinformations sur la technologie, l’environnementmacroéconomique et la qualité des institutions publi-ques. Le critère technologie – nombre de brevetsdéposés par habitant – a un poids deux fois plus élevéque les autres pour les pays dits leaders (dont laFrance) et identique pour les autres pays. La bonnegouvernance publique est mesurée par le degré decorruption et l’importance accordée à la loi et aux con-trats tels qu’ils sont perçus par les hommes d’affairesinterrogés. Enfin, la qualité de l’environnement macro-économique est évaluée par la stabilité macroécono-mique, la notation du crédit des emprunts d’État et lepoids des dépenses publiques. Au regard de cet indi-cateur, la France est passée du vingtième au trentièmerang mondial en 2002.

• L’indicateur de compétitivité microéconomique(MCI) fait état d’une perte de deux places pour laFrance : du treizième au quinzième rang. Un dévelop-pement insuffisant des nouvelles technologies del’information et des télécommunications expliquerait lerecul de la France en termes de technologie.

Au total, malgré une très bonne notation financière etune certaine stabilité macroéconomique, l’environne-ment macroéconomique de la France est jugé déce-vant principalement en raison du poids important desdépenses publiques, tandis qu’un niveau de corrup-tion considéré comme significatif et l’instabilité desrègles juridiques pèseraient sur la gouvernance desinstitutions publiques.

Le tableau de bord de la compétitivité mondiale (WorldCompetitiveness Overall Scoreboard) établi par l’IMDde Lausanne a été remanié en 2003 avec l’établisse-ment d’un classement différent selon la taille des pays(plus ou moins 20 millions d’habitants) et l’introductionde huit régions économiques (Bavière, Catalogne, Île-de-France, Lombardie, Maharastra, Rhône-Alpes,

Zhejiang et état de São Paulo) placées sur le mêmeplan que les 59 pays étudiés, même si leurs marges demanœuvre sont plus réduites en matière de politiqueéconomique et structurelle (International Institute forManagement Development, 2003).

243 critères sont utilisés pour construire l’indicateur :127 critères économiques, qui représentent les deuxtiers du classement global, et 116 critères qualitatifsissus d’une enquête annuelle d’opinion menée auprèsde 4 256 décideurs interrogés sur les pratiques degestion, les relations du travail, la corruption, les ques-tions environnementales ou la qualité de la vie de leurpays de résidence (78 autres critères sont présentéscomme simples éléments d’information). Quatre fac-teurs de compétitivité sont distingués : la performanceéconomique, l’efficience des administrations publi-ques, l’efficience des entreprises et l’infrastructure,chacun étant décomposé en cinq sous-groupes. Lesvingt subdivisions ainsi créées sont pondérées cha-cune à 5 %. Les critères regroupés dans une mêmesubdivision sont hétérogènes : ainsi, le classementdes flux d’IDE entrants et sortants voisine avec le sen-timent des décideurs sur la priorité accordée au déve-loppement durable.

Globalement, si la France se classe convenablementsur les indicateurs objectifs, le sentiment des déci-deurs demeure défavorable, notamment sur les capa-cités françaises d’adaptation aux changements éco-nomiques (quatorzième place sur trente) et« d’efficience » dans les affaires (onzième place surtrente). Au total, en 2003, elle progresse d’une place etredevient huitième des trente « grands pays », commeen 2001. Les États-Unis demeureraient le pays le pluscompétitif en raison de la baisse des taux d’intérêt etde la vigueur de la consommation, tandis que la lentemise en œuvre des réformes structurelles et la persis-tance de déficits publics élevés pèseraient sur la com-pétitivité des grands pays européens. La première desrégions classées, l’état de São Paulo, occupe la trei-zième place. Parmi les 29 « petits pays », la Finlanderavit la première place aux Pays-Bas, qui pâtiraient del’instabilité politique et sociale et chutent de sept pla-ces. La région la plus en pointe est l’Île-de-France, à laquinzième place.

Page 15: Attractivité de la France : analyse, perception et mesure · ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 363-364-365, 2003 97 Attractivité de la France : analyse, perception et mesure Benoît

ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 363-364-365, 2003 111

d’une méthodologie discutée et agréée auniveau international. Elles ne fournissent cepen-dant qu’une information partielle sur les mouve-ments de localisation/délocalisation : elles nedisent rien sur la part des créations ex nihilo etn’appréhendent que la dimension financière desopérations, si bien qu’elles ne permettent pas deconnaître la participation des entreprises étran-gères à l’activité de leur pays d’implantation.Depuis 1996, la Banque de France produit desstatistiques sur les filiales d’entreprises étrangè-res, notamment de services (Fats ou ForeignAffiliates Trade Statistics, cf. infra), qui demeu-rent cependant en cours de développement et

d’harmonisation internationale. Il est doncimportant pour l’utilisateur de bien comprendreles différents concepts utilisés et les méthodesde construction des données.

Selon les statistiques d’IDE,la France est un pays « carrefour »pour les investissements

Les statistiques de flux et de stocks d’investisse-ment direct entre la France et l’étranger établiespour le compte de l’État par la Banque deFrance recensent, conformément aux recom-

Encadré 4

MESURER L’INSERTION INTERNATIONALE :LES INDICATEURS D’AT KEARNEY ET DE LA CNUCED

Depuis deux ans, la société de conseil AT Kearneypublie, en collaboration avec la revue Foreign Policy,un indice de globalisation calculé pour soixante-deuxpays et fondé sur quatre critères : l’« intégrationéconomique » (mesurée par la somme des exporta-tions et des importations ou des flux entrants d’inves-tissements directs ou de portefeuille ou des revenusde facteurs reçus et versés à l’étranger rapporté auPIB), la technologie (nombre d’internautes et accès àdes réseaux sécurisés), le « contact personnel »(échanges touristiques internationaux, trafic téléphoni-que et transferts courants internationaux) et« l’engagement politique » (participation aux organisa-tions internationales, aux missions de sécurité del’ONU et nombre d’ambassades étrangères). Pourchaque critère, les pays sont notés de 0 à 1, ce quipeut créer certaines distorsions. Ainsi, le ratio (expor-tations + importations)/PIB est très supérieur à 100 %pour les petits pays très ouverts, de sorte que despays de taille moyenne relativement ouverts comme laFrance ou l’Allemagne se voient attribuer un coefficientassez petit. Par ailleurs, une pondération de deux estattribuée à la part des flux d’investissements directsou de portefeuille dans le PIB et aux variables liées àl’utilisation d’Internet, ces indicateurs étant arbitraire-ment jugés particulièrement importants pour expliquerla globalisation. Enfin, le principe consistant à ramenerla somme des flux d’échanges et d’investissement auPIB avantage les petits pays ouverts qui se partagentles premières places.

En 2003, l’Irlande conserve sa première place devantla Suisse (cf. graphique II). La France est douzième,juste derrière les États-Unis. La Chine, dont les échan-ges et les flux d’IDE demeurent déséquilibrés, pâtit dela convention d’agrégation des composantes del’indice et se situe au cinquante et unième rang. LaFrance se classe première en termes d’engagementpolitique du fait de son implication dans les forces del’ONU, et réalise de meilleures performances que lesÉtats-Unis pour l’intégration économique (en raison desa plus grande ouverture commerciale) et pour le

« contact personnel » en lien avec sa position de pre-mière destination touristique et de troisième exporta-teur mondial en 2002. Comme pour le Forum économi-que mondial, la technologie demeure un point faible dela France.

La Cnuced (Centre des Nations Unies pour le com-merce et le développement) a construit deux indica-teurs quantitatifs. Le premier (Inward FDI Index) cor-respond à la part des investissements directs entrantsdans le PIB, en moyenne sur les périodes 1988-1990et 1998-2000 afin d’éviter que les classements nesoient affectés par les importantes opérations d’acqui-sitions réalisées en 1999 et 2000. Le deuxième (InwardFDI Potential Index) se définit comme la moyenne sim-ple de huit indicateurs centrés et réduits considéréscomme faiblement variables au cours du temps : letaux de croissance du PIB, le PIB par tête, la part desexportations dans le PIB, le nombre de lignes de télé-phone pour 1 000 habitants, la consommation d’éner-gie par tête, la part des dépenses de recherche etdéveloppement dans le revenu national brut, la partdes étudiants de niveau III dans la population, le risquepays. Ce deuxième indice est également calculé enmoyenne annuelle 1988-1990 et 1998-2000. Concer-nant l’indice d’IDE, la France passe de la treizième à ladix-neuvième position entre les périodes 1988-1990 et1998-2000, tandis que les États-Unis occupent la pre-mière place. L’emploi d’indicateurs d’ouverture pon-dérés par le PIB fournit un élément d’explication aubon classement des petits pays. Concernant le poten-tiel d’investissement, les États-Unis occupent la pre-mière place pour la période 1998-2000 et la France estdix-neuvième (cf. graphique II).

La Cnuced répartit alors les pays en quatre groupesselon qu’ils se classent au-dessus ou au-dessous dela moyenne pour l’un et l’autre des deux indicateurs.Ainsi, sur la période 1998-2000, l’Allemagne, la Franceet le Royaume-Uni, comme l’Argentine, ou la Pologne,appartiennent au « groupe leader » qui combine à lafois un indice et un potentiel d’IDE élevé.

Page 16: Attractivité de la France : analyse, perception et mesure · ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 363-364-365, 2003 97 Attractivité de la France : analyse, perception et mesure Benoît

112 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 363-364-365, 2003

mandations internationales (FMI, OCDE,Eurostat, BCE), les opérations réalisées par desinvestisseurs résidents (respectivement nonrésidents) afin d’acquérir ou d’accroître un inté-rêt durable dans une entreprise non résidente(respectivement résidente) et de détenir uneinfluence dans sa gestion. La notion d’investis-sement direct est plus large que celle de con-trôle. Par convention, une relation d’investisse-ment direct est établie dès lors qu’une entrepriseou un particulier (l’investisseur) détient aumoins 10 % des droits de vote lors des assem-blées générales d’une entreprise (considéréealors comme l’entreprise investie) ou, à défaut,10 % du capital social. Lorsque ce seuil de par-ticipation est atteint, l’ensemble des opérationsfinancières entre les deux entreprises est enre-gistré en investissements directs. En dessous duseuil de 10 % des actions ou des droits de vote,l’opération est considérée comme un investisse-ment de portefeuille (9). La ventilation géogra-phique des flux s’effectue en fonction de la pre-mière contrepartie identifiée (un investissementen France effectué par la filiale néerlandaised’une société américaine sera considéré commeun investissement direct des Pays-Bas enFrance) et la ventilation sectorielle selon l’acti-vité de la société résidente, tant pour les inves-tissements entrants que sortants (10). Les statis-tiques d’IDE diffèrent des données sur lesfusions et acquisitions transfrontières élaboréespar des entreprises privées. Une acquisition àl’étranger réalisée par l’intermédiaire d’unefiliale non résidente, par exemple, ne donnerapas lieu à un flux d’investissement direct enre-gistré en balance des paiements. Réciproque-ment, les flux d’investissements directs com-prennent des opérations qui ne figurent pasparmi les fusions et acquisitions, comme lescréations de sociétés ex nihilo et les extensionsde filiales existantes, l’ensemble constituant lesopérations en capital social. Les bénéfices réin-vestis et les prêts et placements entre sociétésaffiliées sont également inclus dans les IDE(Banque de France, 2002).

En 2002, une lecture stricte des statistiques mon-tre une progression de la France de la quatrième(11) à la deuxième place des pays d’accueil desflux d’IDE, derrière le Luxembourg (12), maisdevant la Chine. Elle devance également lesÉtats-Unis où des désinvestissements liés à desremboursements d’emprunts et à des octrois deprêts des filiales américaines à leurs maisonsmères non résidentes à hauteur de 34 milliardsd’euros se combinent à une réduction des opéra-tions en capital social (75 milliards d’euros con-tre 154 milliards en 2001). Ainsi, les entrées

d’IDE aux États-Unis deviennent trois fois infé-rieures à celles de la zone euro, alors que les opé-rations en capital social, création, acquisition ouextension d’entreprises, des deux zones sontéquilibrées. La France demeure le troisième paysinvestisseur à l’étranger en 2002 (13), derrière leLuxembourg et les États-Unis et devant le Japon(14). La première place du Luxembourg, enentrées comme en sorties d’IDE, s’explique parl’importance des prêts à court terme entre affi-liées, elle-même liée à la taille de la place finan-cière luxembourgeoise et à une fiscalité aména-gée. Ces caractéristiques atypiques duLuxembourg ont conduit certaines organisationsinternationales, comme l’OCDE, à l’exclure deleurs classements (OCDE, 2003) (15), ce quiplace la France au premier rang des paysd’accueil en 2002. Si on se restreint aux opéra-tions en capital social (cf. supra), la France sesitue au deuxième rang derrière les États-Unis,résultat inattendu pour un pays dont l’attractivitéfait débat. (9) (10) (11)( (12) (13) (14) (15)

Compte tenu de la variabilité d’une année surl’autre des flux d’IDE, il est utile de disposerd’une mesure des flux entrants et sortants indé-pendante de la taille des opérations. Le coeffi-cient de Balassa, introduit dans cette acceptionpar Mucchielli (1982), rapporte le solde desinvestissements directs à l’étranger à la sommedes flux entrants et sortants. Il permet de dis-tinguer de manière parlante des « pays

9. Le pourcentage de 10 % du capital social ou des droits devote correspond à la norme internationale figurant dans le cin-quième Manuel de la balance des paiements du FMI publié en1993. Auparavant, seule la notion d’intérêt durable dans l’entre-prise investie était retenue et le pourcentage du capital social oudes droits de vote détenu à partir duquel flux et stocks étaientclassés en investissements directs variait selon les pays. Un seuilde 20 % était ainsi appliqué en France. 10. Le cinquième Manuel de la balance des paiements et leGuide de compilation qui l’accompagne édités par le FMI recom-mandent la prise en compte du contrôle indirect. Toutefois, larécente enquête menée conjointement par le FMI, l’OCDE etEurostat sur la compilation des statistiques d’IDE montre queseuls neuf pays sur trente au sein de l’OCDE identifient l’investis-seur ultime pour les IDE entrant et seulement cinq pour les IDEsortant (BCE, 2002). 11. En 2001, la France était devancée par les États-Unis, l’unionéconomique belgo-luxembourgeoise et le Royaume-Uni. Elledevançait toutefois les Pays-Bas, le Canada et l’Allemagne.12. En 2002, la Banque nationale de Belgique et la Banque cen-trale du Luxembourg ont publié pour la première fois des balan-ces des paiements séparées (sans rétropolation ) et non plus del’union belgo-luxembourgeoise. 13. La France était également le troisième pays investisseur àl’étranger en 2001, derrière les États-Unis et l’union belgo-luxem-bourgeoise et devant le Royaume-Uni, les Pays-Bas et l’Allemagne.14. Classement des auteurs à partir des données des banquescentrales ou des instituts statistiques nationaux, mis à jour le10 juillet 2003.15. Pour leur part, les Pays-Bas excluent désormais les transac-tions de certains intermédiaires financiers (Special Purpose Enti-ties), qui réalisent principalement des opérations de trésorerie, deleurs statistiques nationales, ce qui rend délicate la comparaisoninternationale des données.

Page 17: Attractivité de la France : analyse, perception et mesure · ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 363-364-365, 2003 97 Attractivité de la France : analyse, perception et mesure Benoît

ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 363-364-365, 2003 113

investisseurs » (coefficient inférieur à - 1/3),des « pays d’accueil » (coefficient supérieur à1/3) et des « pays carrefours » dont les fluxentrants et sortants sont proches de l’équilibre(coefficient compris entre - 1/3 et 1/3). L’évolu-tion à moyen terme des principaux pays estdécrite dans le graphique III. Au-delà des per-turbations de 1999 et 2000, années où les opéra-tions de fusions et acquisitions ont atteint uneampleur historique, ces évolutions mettent enévidence une attractivité réaffirmée des grandspays européens et un déclin récent des États-Unis, qui demande à être confirmé :

- jusqu’en 1998, comme le Royaume-Uni, laFrance est demeurée un pays carrefour des IDEet elle n’est devenue un pays investisseur net àl’étranger qu’en 1999 et en 2000, en raison de lanotable accélération des fusions et acquisitions.En 2001, les deux pays renouent avec leur tradi-tion de pays carrefour et le Royaume-Unidevient même pays d’accueil en 2002 ;

- l’Allemagne, pays traditionnellement inves-tisseur net à l’étranger jusqu’en 1998, a rejointdepuis 1999 la France et le Royaume-Uni

comme pays carrefour, à l’exception de l’année2000 marquée par l’acquisition de Mannesmanpar Vodafone ;

- les États-Unis sont demeurés un pays carre-four de 1990 à 2001, mais alors que les entréesd’IDE y avaient dépassé les sorties entre 1998 et2001, ils ont rejoint le Japon en 2002 commepays investisseur en raison de la chute des IDEentrants.

Le raisonnement en termes de stocks d’IDE,ensemble des avoirs détenus par des non-rési-dents, offre une vision plus précise et plus stabledu degré d’internationalisation. Cet indicateur,établi par une enquête minutieuse, n’est dispo-nible que dix-huit mois après la fin de la périodede référence, soit par exemple en juin 2003 pourla fin 2001. Il fait l’objet de deux modalités devalorisation différentes :

- une évaluation à la valeur de marché, effec-tuée globalement, en raison de la difficulté decalcul de la valeur individuelle de cession desactifs non cotés. Dans ce cas, les stocks ne sontventilés ni géographiquement, ni sectoriel-lement ;

Graphique IIIGrands pays « d’accueil », « investisseurs » et « carrefours » : coefficients de Balassa

Lecture : le coefficient de Balassa rapporte le solde des investissements directs à la somme des IDE sortants (IDEs) et des IDE entrants(IDEe). Ce ratio BA = ((IDEe - (IDEs)/(IDEe + IDEs)) est compris par construction entre - 1 et 1. Plus il est proche de - 1, plus le pays estspécialisé dans les investissements directs à l’étranger et moins il reçoit lui-même d’investissements directs. Inversement, un coefficientproche de + 1 caractérise un pays d’accueil. Si BA = 1/3, les investissements directs entrants sont deux fois plus élevés que les investis-sements directs sortants, et inversement si BA = - 1/3.Sources : calculs des auteurs à partir des données nationales de balance des paiements et de la base Chelem du Cepii.

1,00

0,33

0,33

1,001990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002

Pays d'accueil

Carrefour

Investisseur

France Allemagne États-Unis Royaume-Uni Japon

Page 18: Attractivité de la France : analyse, perception et mesure · ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 363-364-365, 2003 97 Attractivité de la France : analyse, perception et mesure Benoît

114 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 363-364-365, 2003

- une évaluation à la valeur comptable, lesstocks sont calculés à partir des montants ins-crits au bilan des sociétés réalisant l’investisse-ment. L’acquéreur et la société investie, le paysde la société investisseuse, l’activité principalede la société investie peuvent alors être recon-nus.

Le pays de résidence des investisseurs, premierpays de contrepartie, est identifié, mais on neconnaît pas le pays de l’investisseur ultime.L’évolution des stocks exprimés en valeur demarché entre deux dates dépend du montant desflux d’IDE enregistrés d’une date à l’autre(généralement une année ou un trimestre), maiségalement des variations des cours de change etde bourse, ainsi que d’éventuels autres ajuste-ments, intervenus durant la période. Ainsi, lestock d’investissements directs français àl’étranger en valeur de marché diminue-t-il de7 % entre le 31 décembre 2000 et le31 décembre 2001 en raison de moins-valuesboursières et des variations de change, contras-tant avec les flux d’investissements directs àl’étranger de 103,9 milliards d’euros observésen 2001. La baisse serait de 21 % en 2002.

En 2001, abstraction faite de la Chine, la Franceconserve sa cinquième place tant en termes destocks d’investissements directs étrangers quede stocks d’IDE à l’étranger (respectivement327,9 et 554,5 milliards d’euros), derrière lesÉtats-Unis, le Royaume-Uni, l’union belgo-luxembourgeoise et l’Allemagne, mais devantles Pays-Bas. Rapporter ces chiffres au PIB per-met de mettre en évidence l’impact des IDEdans les petits pays très ouverts : ainsi, pourl’union belgo-luxembourgeoise, le stockd’investissements étrangers atteint 226 % duPIB à la fin 2001, contre 38 % pour leRoyaume-Uni. La France avec 22 %, se situejuste derrière l’Allemagne (25 %). En matièred’investissements directs à l’étranger, les stocksde l’union belgo-luxembourgeoise s’établissentà 204 % du PIB fin 2001, contre 63 % pour leRoyaume-Uni, 38 % pour la France et 28 %pour l’Allemagne (Banque de France et Minis-tère de l’Économie, des Finances et de l’Indus-trie, 2003).

En résumé, les statistiques de flux et de stocksd’IDE permettent de mesurer la valeur des opé-rations financières réalisées par les entreprisesétrangères et du capital financier détenu par desinvestisseurs étrangers, mais la forte sensibilitédes opérations de fusions et acquisitions à laconjoncture, notamment dans les nouvelles

technologies, et la progression des opérations àcourt terme entre affiliées, rendent délicate leurutilisation comme mesure de l’attractivité.Ainsi, s’agissant de la France, les prêts à courtterme ont représenté 56 % du total des investis-sements directs étrangers et 34 % de l’ensembledes investissements directs français à l’étrangeren 2001. En tout état de cause, les IDE consti-tuent un canal de financement inter-entreprisessusceptible de prendre des modalités diverses(prêt, avance, apport en capital, etc.) et pourl’essentiel sans impact immédiat sur la forma-tion de capital productif, et donc distinct de laFBCF. Si un investissement direct peut effecti-vement se matérialiser sous la forme d’un inves-tissement physique, ce cas constitue désormaisdavantage l’exception que la règle. Enfin, cesstatistiques ne rendent pas compte de la contri-bution des firmes d’origine étrangère à l’activitééconomique du pays hôte, et elles ne permettentpas d’isoler les créations d’entreprises (green-field) – qui sont pourtant l’un des indicateurspertinents pour mesurer l’attractivité d’un terri-toire. Toutefois, elles offrent l’avantage consi-dérable de reposer sur une méthodologie com-mune, permettant d’établir de manière rigou-reuse des comparaisons internationales.

L’enrichissement par des données relatives à l’activité des firmes étrangères

Une bonne mesure du développement des fir-mes multinationales doit prendre en compte laparticipation des entreprises étrangères à l’acti-vité économique de leur pays d’accueil : chiffred’affaires, valeur ajoutée, emploi, FBCF, expor-tations et importations de biens et services. Desstatistiques de ce type sont établies par l’Insee etla Banque de France et ont connu au cours desdernières années des améliorations importantesaussi bien en matière de contenu que de dispo-nibilité. Des informations provenant de déclara-tions administratives comme les intentions decréations d’emploi par les firmes d’origineétrangère publiées par l’Agence Française desInvestissements Internationaux (AFII) oud’enquêtes réalisées par des services ministé-riels comme l’enquête « filiales étrangères » dela direction des relations économiques extérieu-res (Dree) sont également disponibles (cesinformations sont résumées dans le tableau 2).Contrairement aux IDE, il n’existe pas encorepour l’instant de méthodologie internationalecommune pour ce type de données, maisl’OCDE et plus récemment Eurostat travaillenten ce sens. Si les institutions qui établissent labalance des paiements se limitent, dans leur

Page 19: Attractivité de la France : analyse, perception et mesure · ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 363-364-365, 2003 97 Attractivité de la France : analyse, perception et mesure Benoît

ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 363-364-365, 2003 115

majorité, à l’identification de la première con-trepartie, comme pour les IDE, la plupart desinstituts nationaux de statistiques recherchent lebénéficiaire ultime en remontant la chaîne decontrôle afin, d’une part, d’identifier le donneurd’ordres et, d’autre part, de prendre en comptel’ensemble des sociétés sous contrôle étranger,direct et indirect.

L’Insee établit des statistiques sur l’activité desfiliales françaises d’entreprises étrangères à par-tir de l’enquête réalisée auprès des entreprisesrésidentes pour préciser la composition desgroupes (enquête « liaisons financières » ouLifi). L’ensemble des entreprises résidentessous contrôle étranger, secteur financier inclus,représentait, en 1999, 13 % des effectifs salariésdu secteur privé (soit 1,7 million de personnes)et 16 % de l’investissement matériel (Depoutot,2003). L’Insee a publié des séries rétrospectivesd’agrégats économiques relatifs aux groupesétrangers présents en France, incluant unedécomposition entre entreprises sous contrôlefrançais et entreprises sous contrôle étranger(Chabanas, 2002). Le Service des études et des

statistiques industrielles du Ministère del’Industrie (Sessi), quant à lui, réalise à partir deLifi et de l’enquête annuelle d’entreprise unepublication annuelle décrivant la pénétrationétrangère dans l’industrie manufacturière fran-çaise. La publication du Sessi fournit des infor-mations détaillées sur le chiffre d’affaires,l’investissement ou les exportations, répartiesselon le taux de contrôle (outre le contrôle à50 %, un seuil d’influence étrangère de 33,3 %est également retenu) et la nationalité, mais éga-lement selon le secteur d’activité, la taille del’entreprise et la région d’implantation. Leschiffres les plus récents (Sessi, 2002) confir-ment l’importante pénétration étrangère dansl’industrie : près de la moitié des entreprisesmanufacturières de plus de 1 000 salariés et untiers de celles de plus de 100 salariés correspon-dent à des implantations étrangères en France.Après intégration des informations de la baseDiane (16) sur les petites entreprises, la part des

16. La base de données Diane, constituée à partir des déclara-tions des entreprises auprès des greffes des tribunaux de com-merce, est éditée par Coface SCRL.

Tableau 2Présentation des enquêtes sur les données d’activités des filiales étrangères

Activités des filiales d’entreprises étrangères en FranceActivités des filiales étrangères d’entreprises

françaises

Enquête statistique obligatoire

Enquête liaisons financières (Lifi) de l’Insee :- filiales françaises (de groupes étrangers) de plus de 500 salariés ou détenant plus de 1,2 million d’euros de titres de participation ;- enquête de stock,permet le calcul du contrôle majoritaire direct et indirect ;- pays de l’investisseur immédiat et final ;- secteur d’activité de l’entreprise résidente.Les résultats de cette enquête sont combinés avec des indicateurs d’activité disponibles sur les entreprises fran-çaises (Skalitz, 2002).Une amélioration de la couverture du champ des petites entreprises a été réalisée.

Enquête obligatoire Banque de France (1)

- visant l’exhaustivité ;- enquête de stock, aucune information sur les créa-tions, notamment d’emplois ;- contrôle majoritaire direct ;- pays de l’investisseur immédiat ;- secteur d’activité de la filiale résidente ;- chiffre d’affaires, valeur ajoutée, effectifs, capital social, exportations et importations.

- visant l’exhaustivité ;- enquête de stock, aucune information sur les créations ;- contrôle majoritaire direct ;- pays de l’investisseur immédiat ;- secteur de l’entreprise résidente investisseuse pouvant différer de l’activité investie ;- chiffre d’affaires seulement.

Déclarations ou enquê-tes non obligatoires et non exhaustives réali-sées par des administra-tions

Déclarations de créations d’emplois par les entreprises étrangères pour percevoir la prime d’aménagement du territoire (PAT) recueillies par l’AFII :- emplois créés lors de l’installation ou de l’extension de l’activité en France ou préservés lors de la reprise de fir-mes en règlement judiciaire ;- distinction du greenfield et du brownfield ;- contrôle minoritaire : 33 % ;- exclusion des secteurs miniers, des services finan-ciers, de l’hôtellerie/restauration ;- vérifications ex post des créations d’emplois promises, en cours de réalisation.

Enquête dite filiales étrangères de la Dree :- informations recueillies dans 133 pays auprès des filiales étrangères d’entreprises françaises par les missions économiques du ministère de l’économie, des finances et de l’industrie (don-nées non redressées) ; - contrôle minoritaire direct et indirect ;- secteur d’activité de l’entreprise interrogée ;- effectifs, chiffres d’affaires, ancienneté parfois.

1. Ces données proviennent de l’obligation faite à tous les résidents de déclarer à la Banque de France leurs opérations à l’étranger, directement ou par l’intermédiaire des banques.

Sources : Mucchielli, Thollon-Pommerol et Nivat (2001), Banque de France (2003) et Skalitz (2002) .

Page 20: Attractivité de la France : analyse, perception et mesure · ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 363-364-365, 2003 97 Attractivité de la France : analyse, perception et mesure Benoît

116 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 363-364-365, 2003

entreprises sous contrôle étranger dans l’emploiestimée par l’Insee augmente de 13 % à 15 %(Commissariat Général du Plan, 2002).

Depuis la conclusion de l’Accord général sur lecommerce des services (AGCS) et pour répon-dre au besoin d’informations relatives à l’inter-nationalisation des services, la Banque deFrance élabore des données dites Fats à partirdu croisement de fichiers, diverses sources four-nissant, d’une part, la situation des entreprisesrésidentes au regard du contrôle étranger (17) et,d’autre part, des informations sur les activitéséconomiques des entreprises (18).

Pour les Fats dites primaires, les filiales françai-ses concernées sont des entreprises résidentesdont le capital social est détenu directement àplus de 50 % par un investisseur étranger. Encombinant des données de balance des paie-ments et des données de l’Insee, la Banque deFrance établit désormais également des statisti-ques Fats dites secondaires ou indirectes quiprennent en compte les entreprises résidentesindirectement contrôlées par l’étranger. Despremières estimations permettent ainsi d’éva-luer à près de deux millions le nombre de sala-riés dans des entreprises sous contrôle étrangerdirect et indirect (soit 15,2 % des effectifs sala-riés des entreprises résidentes), multipliant par2,2 l’évaluation de 800 000 emplois sous con-trôle étranger réalisée à partir des Fats primai-res. L’internationalisation des entreprises appa-raît moins importante en France que dans lespetits pays européens très ouverts (Belgique,Luxembourg, Irlande) ou dans certains paysd’Europe centrale et orientale (Hongrie, notam-ment) où les firmes d’origine étrangèreemploient près de 20 % de la population activeoccupée. Toutefois, l’implantation des firmesétrangères semble un peu plus élevée en Franceque chez ses principaux partenaires européens(9 % en Italie et environ 7 % en Allemagne),bien que les comparaisons internationalesdemeurent délicates en raison des différences dechamp sectoriel, notamment pour les services(Boccara, 2002).

Sur un champ plus restreint mais plus rapide-ment disponible et offrant des informations surl’emploi des filiales étrangères de firmes fran-çaises – alors que les Fats n’indiquent que lechiffre d’affaires –, l’enquête dite « filialesétrangères » de la Dree est publiée tous les ansen septembre (Dree, 2003). Le principe de ladétention de 10 % au moins du capital est retenupour les filiales de premier rang, mais pour lesprises de participation en cascade, le contrôle

majoritaire demeure la norme. Cette sourced’information complémentaire, n’est malheu-reusement pas exhaustive. (17) (18)

Un premier éclairage sur le lien entre IDE etemploi est disponible dès le printemps, lorsquel’AFII rend publiques les créations d’emploisauxquelles s’engagent les entreprises étrangèressur la base des déclarations réalisées pour perce-voir la prime pour l’aménagement du territoire.En 2002, l’AFII a répertorié 438 projetsd’implantation qui devraient en principe donnerlieu à la création ou à la sauvegarde de22 861 emplois (dont 51 % dans des extensionsd’entreprises et 44 % dans des créations), soit10 % de moins qu’en 2001 (AFII, 2003). Lesenquêtes de l’AFII, sources d’informationimportante sur la répartition régionale des pro-jets et sur la répartition entre premières implan-tations et modifications (greenfield/brown-field), soulèvent a priori deux types dequestions : la représentativité de l’échantillon etla surestimation probable des chiffres de créa-tions d’emplois annoncés par les entreprises.L’examen ex post des emplois créés au regarddes annonces de l’année 1995 suggère que lescréations annoncées ont été effectivement res-pectées à près de 100 % entre 1995 et l’été 2001(Mathieu, 2001), mais l’échantillon est de taillelimitée (264 projets). Le respect des engage-ments est évalué en termes nets (autrement dit,on ignore s’il s’agit de créations d’emploisoffensives ou défensives) et l’examen détaillérévèle des échecs comme des succèsinattendus ; enfin, les données incluent tant lesannonces de créations d’emplois que lesemplois maintenus lorsque les entreprises sontreprises, partiellement ou totalement, par desinvestisseurs étrangers. L’AFII participe àl’amélioration de la compréhension des statisti-ques d’IDE en publiant sur son site Internet unenote décrivant les différences de champ entreses données et les flux d’IDE publiés par la Ban-que de France.

Le « chaînon manquant » qui permettraitd’assurer la cohérence, au moins au niveaumacroéconomique, entre investissements

17. Ces données proviennent de l’obligation faite à tous les rési-dents de déclarer à la Banque de France leurs opérations àl’étranger, directement ou par l’intermédiaire des banques. Ils’agit du fichier bancaire des entreprises (base Fiben), de la basede règlements et des enquêtes de stocks d’investissementsdirects de la Direction de la balance des paiements et de la baseBafi de la Commission bancaire (pour plus de précisions cf. (Belliet Peyroux, 1999)).18. Des sources externes (Insee, Commission de contrôle desassurances, presse économique) complètent les données (Belliet Peyroux, 1999).

Page 21: Attractivité de la France : analyse, perception et mesure · ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 363-364-365, 2003 97 Attractivité de la France : analyse, perception et mesure Benoît

ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 363-364-365, 2003 117

directs et statistiques d’activité serait la forma-tion brute de capital fixe réalisée par les entre-prises étrangères en France. À terme, la con-frontation des statistiques Fats et des IDEenregistrés en balance des paiements devrait lepermettre, l’Insee étant en mesure de fournir desinformations sur la contribution des entreprisesétrangères à la FBCF réalisée sur le territoirefrançais. Symétriquement, seules les enquêtesappropriées permettront de mesurer la FBCFréalisée par les filiales étrangères d’entreprisesfrançaises.

Il convient de soutenir et d’encourager les effortsdéployés par les différents producteurs de don-nées – Banque de France, Insee, Dree et AFII –notamment en application des recommandationsdu Cnis (Mucchielli et al., 2001), pour dévelop-per leurs données, les rapprocher quand c’estpossible et mieux expliciter leurs différences etleurs apports respectifs. À ce titre, toute initia-tive visant à apparier les statistiques de l’Insee,

de la Banque de France avec les informations dela Dree et de l’AFII serait bienvenue. Au niveauinternational, les efforts de l’OCDE et d’Euros-tat afin d’harmoniser les statistiques Fats etd’élaborer une méthodologie commune aux sta-tisticiens d’entreprises et de balance des paie-ments agréée au niveau international doiventêtre encouragés. En complément, les produc-teurs de statistiques pourraient à terme incluredans leurs enquêtes une question relative auxcréations d’entreprises, afin de faciliter la dis-tinction entre première implantation et modifica-tion (greenfield et brownfield). Enfin, les effortspeuvent être poursuivis afin d’améliorer l’infor-mation et l’accès des utilisateurs aux donnéesdisponibles, en particulier sur longue période, età leur méthodologie. De leur côté, on ne peutqu’encourager les utilisateurs à consulter plusfréquemment les producteurs de statistiques afinde mieux percevoir les possibilités des statisti-ques disponibles ainsi que leurs limites. ■

Cet article est une version révisée d’une présentation au colloque de la Banque de France du 20 mars2002, « Les investissements directs de la France dans la globalisation : mesure et enjeux » (Cœuré etRabaud, 2003). Les auteurs remercient Thierry Mayer, Agnès Benassy-Quéré et les relecteurs d’unepremière version de l’article pour leurs remarques. Les opinions exprimées dans cet article sont cel-les des seuls auteurs et n’engagent pas les institutions auxquelles ils appartiennent ou ont appartenu.

BIBLIOGRAPHIE

Agence Française des Investissements Interna-tionaux (2002), « Les résultats 2001 de l’enquêteAFII sur les décisions d’investissements étrangersen France », Communiqué de presse du 15 mai.

Andersson F. et Forslid R. (2003), « Tax Compe-tition and Economic Geography », Journal ofPublic Economic Theory, vol. 5, n˚ 2, pp. 279-304.

AT Kearney (2003), « Measuring Globalization:Who’s Up, Who’s Down? » Foreign Policy, jan-vier-février.

Badré D. et Ferrand A. (2000),« Mondialisation : réagir ou subir. La France faceà l’expatriation des compétences, des capitaux etdes entreprises », rapport d’information du Sénatn˚ 386.

Baldwin R. et Krugman P. (2000),« Agglomeration, Integration and Tax

Harmonisation », CEPR Discussion Papern˚ 2630.

Baldwin R., Forslid R., Martin Ph., OttavianoG. et Robert-Nicoud F. (2003), Economic Geo-graphy and Public Policy, Princeton UniversityPress.

Banque de France (2002), « La balance des paie-ments et la position extérieure de la France », Noted’information, décembre.

Banque de France et Ministère de l’Économie,des Finances et de l’Industrie (2003), Rapportannuel : la balance des paiements et la positionextérieure de la France 2002.

Banque de France (2003), Les investissementsdirects de la France dans la globalisation :mesure et enjeux, Actes du colloque de la Banquede France du 20 mars 2002.

Page 22: Attractivité de la France : analyse, perception et mesure · ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 363-364-365, 2003 97 Attractivité de la France : analyse, perception et mesure Benoît

118 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 363-364-365, 2003

Belli S. et Peyroux C. (1999), « Les “FATS” : unenouvelle source d’information sur les investisse-ments directs étrangers dans le secteur tertiaire »,Économie et Statistique, n˚ 326-327, pp. 129-137.

Bénassy-Quéré A., Bretin E., Lahrèche-RévilA., Madiès T. et Mayer T. (2003),« Complément D : La compétitivité fiscale », dansCompétitivité, Rapport du CAE n˚ 40,M. Debonneuil et L. Fontagné, pp. 185-214.

Boccara F. (2002), « La prise en compte de la pro-blématique “groupes d’entreprises” », présenta-tion au groupe technique « La recomposition ducapital des entreprises européennes : mondialisa-tion ou européanisation ? » du groupe de travail« Financement des économies, une approchecomparative » du Commissariat général au plan,mimeo.

Bretin E. et Guimbert S. (2001), « Tax Competi-tion: To Cure or To Care? », Direction de la prévi-sion, présentation au séminaire Fourgeaud du20 juin.

Centre des jeunes dirigeants d’entreprise(2003), Quelle attractivité de la France au sein del’Europe ?, contribution au débat sur l’attractivitéde la France, 25 février.

Chabanas N. (2002), « Les entreprises françaisesdes groupes vues à travers les enquêtes “liaisonsfinancières” de 1980 à 1999 », document de travailInsee n˚ 2002/04.

Chambre de commerce et d’industrie de Paris(2002), « Comment améliorer l’accueil des inves-tissements étrangers en France ? », document detravail, 15 janvier.

Charzat M. (2001), Rapport au premier ministresur l’attractivité du territoire français, La Docu-mentation française, Paris.

Cnuced (2002), World Investment Report: Trans-national Corporations and Export Competitive-ness.

Cœuré B. et Rabaud I. (2003), « Connaissancede l’attractivité de la France : problématique etbesoins statistiques », dans Les investissementsdirects de la France dans la globalisation :mesure et enjeux, Actes du colloque de la Banquede France du 20 mars 2002.

Combes P.-P., Duranton G. et Gobillon L.(2003), « Complément C : Origine et ampleur desinégalités spatiales de salaire en France », dans

Compétititivité, Rapport du CAE n˚ 40,M. Debonneuil et L. Fontagné, pp. 163-183.

Commissariat Général du Plan (1999), La nou-velle nationalité de l’entreprise, Rapport dugroupe de travail présidé par J.-F. Bigay, La Docu-mentation française, Paris.

Commissariat Général du Plan (2000), Rapportsur les perspectives de la France, Rapport de lacommission de concertation présidée par J.-M.Charpin, La Documentation française, Paris.

Commissariat Général du Plan (2002), L’appa-reil statistique français face aux groupes d’entre-prises, Rapport du groupe de travail présidé parR. Depoutot, disponible sur www.plan.gouv.fr.

Crozet, M., Mayer T. et Mucchielli J.-L. (2003),« How do Firms Agglomerate? A Study of FDI inFrance », à venir dans Regional Science andUrban Economics.

Davis D. et Weinstein D. (1999), « EconomicGeography and Regional Production Structure:An Empirical Investigation », European Econo-mic Review, vol. 43, pp. 379-407.

Davis D. et Weinstein D. (2003), « MarketAccess, Economic Geography and ComparativeAdvantage: An Empirical Assessment », Journalof Intenrational Economics, vol. 59, n˚ 1, janvier,pp. 1-23.

Debonneuil M. et Fontagné L. (2003), Compéti-tivité, Rapport du CAE n˚ 40, M. Debonneuil etL. Fontagné, La Documentation française.

De Mooij R. et Ederveen S. (2002), « Taxationand Foreign Direct Investment: A Synthesis ofEmpirical Research », CPB Discussion Paper, n˚ 4.

Depoutot R. (2003), « Les groupes d’entrepriseset le poids des filiales étrangères, d’après le fichierLifi », dans Les investissements directs de laFrance dans la globalisation : mesure et enjeux,Actes du colloque de la Banque de France du20 mars 2002.

Devereux M. et Griffith R. (1998), « Taxes andthe Location of Production: Evidence from a Panelof US Multinationals », Journal of Public Econo-mics, n˚ 68, pp. 335-367.

Direction des Relations Économiques Extérieu-res (2003), « L’emploi des filiales à l’étranger :l’enquête de la DREE », dans Les investissementsdirects de la France dans la globalisation :

Page 23: Attractivité de la France : analyse, perception et mesure · ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 363-364-365, 2003 97 Attractivité de la France : analyse, perception et mesure Benoît

ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 363-364-365, 2003 119

mesure et enjeux, Actes du colloque de la Banquede France du 20 mars 2002, pp. 94-97.

Ernst & Young (2003), 2003 survey, Attractivi-ness of France for Foreign Direct Investment:France at a Crossroad ?, juin, diponible surwww.ey.com/global/content.nsf/International/Home.

Eurostat (2002), Treatment of indirect FDI rela-tionships, points of discussions for the FDI Euros-tat/ECB Task Force, 15e réunion du ComitéBalance des paiements du FMI, Camberra, 21-25 octobre.

Fonds Monétaire International (2003),« Growth and Institutions », World EconomicOutlook, avril, chapitre 3.

Fontagné L. et Freudenberg M. (1999), « Mar-ché unique et développement des échanges »,Économie et Statistique, n˚ 326-327, pp. 31-52.

Forum économique mondial (2003), GlobalCompetitiveness Report 2002-2003.

Fujita M., Krugman P. et Venables A. (1999),The Spatial Economy: Cities, Regions and Inter-national Trade, MIT Press, Cambridge.

De Grauwe P. (2002), Globalisation and SocialSecurity, Rapport pour la Commission euro-péenne.

Grégoir S. et Maurel F. (2003),« Complément A : les indicateurs de compétitivitédes pays : interprétations et limites », dans Com-pétititivité, Rapport du CAE n˚ 40, M. Debonneuilet L. Fontagné, pp. 97-132.

Head K., Mayer T. et Ries J. (2002), « On thePervasiveness of Home Market Effects », Econo-mica, vol. 69, n˚ 275, pp. 371-390.

Head K. et Mayer T. (2003), « The Empirics ofAgglomeration and Trade », CEPR Discussionpaper n˚ 3985, juillet.

Hubert F. et Pain N. (2002), « Aides à l’investis-sement, intégration européenne et localisation del’investissement direct allemand », Économie etPrévision, n˚ 152-153, pp. 151-170.

International Institute for Management Deve-lopment (2003), World Competitiveness Year-book.

Kaufmann D., Kraay A. et Zoido-Lobatón P.(1999), « Aggregating Governance Indicators »,World Bank Policy Research Working Paper,n˚ 2195.

Krugman P. (1994), « Competitiveness : a Dan-gerous Obsession », Foreign Affairs, vol. 73, n˚ 2,pp. 28-44.

Krugman P. (1991), « Increasing Returns andEconomic Geography », Journal of Political Eco-nomy, vol. 99, n˚ 3, pp. 483-499.

Krugman, P. (1980), « Scale Economies, ProductDifferentiation, and the Pattern of Trade », Ameri-can Economic Review, vol. 70, pp. 950-959.

Lavenir F., Joubert-Bompard A. et WendlingC. (2000), L’entreprise et l’Hexagone, rapport del’Inspection générale des finances, septembre.

Lipsey R. (2000), « Interpreting Developed Coun-tries’s Foreign Direct Investment », NBER Wor-king Paper n˚ 7810, juillet.

Magnien F., Tavernier J.-L. et Thesmar D.(2002), « Le recul du PIB par habitant de la Francetraduit surtout l’imperfection des comparaisonsinternationales », Économie et Statistique, n˚ 354,pp. 3-20.

Mankiw N., Romer D. et Weil D. (1992), « AContribution to the Empirics of EconomicGrowth », Quarterly Journal of Economics,vol. 107, n˚ 2, pp. 407-437.

Markusen J. (2002), Multinational Firms and theTheory of International Trade, MIT Press.

Mathieu E. (2001), « Les investisseurs internatio-naux en France », Les Notes Bleues de Bercy,n˚ 218.

Mayer Th. et Mucchielli J.-L. (1999), « La loca-lisation à l’étranger des entreprises multinationa-les, une approche d’économie géographique hié-rarchisée appliquée aux entreprises japonaises enEurope », Économie et Statistique, n˚ 326-327,pp. 159-176.

Mucchielli J.-L., Thollon-Pommerol V. et NivatD. (2001), « Les investissements directs étrangersen France », rapport du Cnis n˚ 64, février, forma-tion Monnaie, finance, balance des paiements.

Mucchielli J.-L. (1982), « La dynamique desinvestissements internationaux » in Multinationa-les européennes et investissements croisés édité

Page 24: Attractivité de la France : analyse, perception et mesure · ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 363-364-365, 2003 97 Attractivité de la France : analyse, perception et mesure Benoît

120 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 363-364-365, 2003

par B. Lassudrie-Duchêne, J.-L. Mucchielli, Ch.-A. Michalet et J.-P. Thuillier, Economica.

North D. (1990), Institutions, InstitutionalChange and Economic Performance, CambridgeUniversity Press, New York.

OCDE (2003), « Trends and Recent Develop-ments in Foreign Direct Investment », dans OECDInternational Investment Perspectives, juin.

Overman H. et Puga D. (2002),« Unemployment Clusters across Europe’sRegions and Countries », Economic Policy,vol. 34, pp. 115-147.

Sessi (2002), Implantation étrangère dansl'industrie française au 01/01/2000.

Skalitz A. (2002), « Au-delà des entreprises : lesgroupes », Insee Première, n˚ 836.

Stein E. et Daude Ch. (2001), « Institutions, Inte-gration, and the Location of Foreign DirectInvestment », préparé pour l’assemblée annuellede la Banque interaméricaine de développement,Santiago du Chili.

Trionfetti F. (2001), « Using Home-BiaisedDemande to Test Trade Theories », Weltwirts-chaftliches Archiv., vol. 137, n˚ 3, pp. 404-426.

Wei S.-J. (2000), « How Taxing is Corruption onInternational Investors? », Review of Economicsand Statistics, vol. 82, n˚ 1, pp. 1-11.

Wilson (1999), « Theories of Tax Competition »,National Tax Journal, vol. 52, n˚ 2, pp. 269-304.

Page 25: Attractivité de la France : analyse, perception et mesure · ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 363-364-365, 2003 97 Attractivité de la France : analyse, perception et mesure Benoît

ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 363-364-365, 2003 121

COMMENTAIRE

LES POLITIQUES PUBLIQUES PEUVENT-ELLES INFLUER SUR LA LOCALISATION DES ENTREPRISES MULTINATIONALES ?

Thierry Madiès, Professeur à l’Université de Fribourg (Suisse)

Benoît Cœuré et Isabelle Rabaud s’intéressent àla difficile question de l’attractivité d’un pays.Ils cherchent en particulier à donner des fonde-ments théoriques à cette notion, malaisée à défi-nir. Ils discutent aussi des mesures et des sour-ces statistiques qui permettent de l’appréhenderdans le cas du « site France ». Cet article estdonc bienvenu car il contribue à donner des fon-dements rigoureux à une question dont se sontsaisis aussi bien les décideurs que les cabinetsde consultants en tout genre (en témoignent lesmultiples rapports portant sur cette question).L’étude de l’attractivité d’un pays a été négli-gée par les économistes, non seulement parcequ’elle semblait peu différente de celle de com-pétitivité mais aussi faute de disposer d’outilsthéoriques adéquats. Il ne faut pas, comme lesoulignent justement les auteurs, tomber dans lepiège du couple faussement siamois attractivité/compétitivité. La compétitivité (notion très dis-cutée et mise à mal par Paul Krugman dans lesannées 1990 (1) peut être définie, selon les ter-mes de la déclaration de Lisbonne, comme « lacapacité d’une nation à améliorer durablementle niveau de vie de ses habitants et à leur procu-rer un haut niveau d’emploi et de cohésionsociale ». L’attractivité est définie par les deuxauteurs (qui reprennent la définition de la plu-part des rapports officiels) « comme la capacitéd’un pays à attirer des activités des entreprises »(il faudrait en réalité parler d’activités économi-ques de façon plus générale et y inclure les per-sonnes physiques).

En ce sens, l’attractivité est a priori plus restric-tive et constitue une condition nécessaire à lacompétitivité. L’attractivité s’inscrit en outre –et il est dommage que les auteurs n’aient pasinsisté suffisamment sur ce point – dans le cadred’une compétition (spatiale) entre sites dont lespouvoirs publics ne sont évidemment pasabsents (on emploie à dessein le terme de com-pétition plutôt que celui de concurrence dans lesens où tous les sites en compétition ne sesituent pas sur la même ligne de départ, le tempset l’histoire pouvant conférer des avantages par-ticuliers et cumulatifs à certains sites) (2). C’estprécisément en référence à ce processus de« mise en compétition » des territoires qui

fonde l’attractivité (ou la non-attractivité !)d’une région ou d’un pays et au rôle des pou-voirs publics que sera construit ce commentaire.

Je ne reviendrai pas sur l’étude des différentsindices synthétiques de compétitivité présentéspar les deux auteurs, et ce pour deux raisons.Tout d’abord parce que cette question a déjà faitl’objet d’une analyse très documentée dans unrapport récent du Conseil d’Analyse Économi-que (CAE) sur la « compétitivité » (Debonneuilet Fontagné, 2003). Ensuite parce il n’y a pasvéritablement de lien entre les développementsconsacrés à ces indices et le reste du texte (oualors il aurait fallu entrer au niveau de la partiethéorique dans une littérature qui marie nouvelleéconomie géographique et croissance endogènelocalisée (3) et traiter des facteurs de la crois-sance économique (les facteurs d’ordre institu-tionnel et politique n’étant que des facteursparmi d’autres) – au risque de s’éloigner dusujet et d’étudier les facteurs de compétitivité etnon plus d’attractivité). (1) (2) (3)

La localisation des activités économiques dans l’espace

Les auteurs commencent par fonder leur argu-mentation théorique sur les travaux de la nou-velle économie géographique (NEG) avec undouble objectif : tirer des enseignements théori-ques les déterminants principaux de localisationdes entreprises (que les tests empiriques serontchargés de valider ultérieurement) et montrer enquoi les différentes configurations spatiales sus-ceptibles de se produire ont un effet sur la con-currence fiscale (la nature concurrentielle duprocessus d’attractivité est limitée dans l’articleaux seuls comportements stratégiques résultantsd’écarts éventuels de fiscalité entre pays).

1. Cf. Krugman (1994).2. Cette métaphore sportive est utilisée par Guesnerie et Tirole(1985) pour illustrer les problèmes spécifiques posés par lacourse à l’innovation en économie industrielle (cf. infra).3. Cf. Catin et Ghio (2000) pour une présentation non techniquede cette littérature économique.

Page 26: Attractivité de la France : analyse, perception et mesure · ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 363-364-365, 2003 97 Attractivité de la France : analyse, perception et mesure Benoît

122 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 363-364-365, 2003

La NEG cherche à expliquer la localisation desactivités économiques dans l’espace comme lerésultat d’une tension entre des forces centripè-tes qui conduisent à une dispersion des activitéséconomiques dans l’espace et des forces centri-fuges qui sont à l’origine de l’agglomérationspatiale des activités. Ainsi, les marchés carac-térisés par un nombre assez élevé de firmessubissent une concurrence plus forte, tant sur lemarché des biens que sur celui du travail. Ceciexerce une force centrifuge qui conduit à unedispersion des activités économiques dansl’espace. Mais la combinaison de rendementsd’échelle croissants et des coûts de transportincite les entreprises à s’établir à proximité desgrands marchés qui sont également ceux où lesentreprises sont nombreuses. Cela crée desexternalités pécuniaires qui exercent une forcecentripète à l’origine de l’agglomération desactivités économiques (Krugman, 1991) (4) (5).L’intégration économique (généralement défi-nie comme une réduction des coûts de transac-tions), en modifiant l’équilibre entre forcescentrifuges et centripètes peut affecter demanière décisive la localisation des activitéséconomiques.

La synthèse présentée par les deux auteursexplique bien le phénomène de « causalitécirculaire » ainsi que les effets de l’intégrationéconomique (définie comme une réduction descoûts de transaction) sur la localisation des acti-vités dans l’espace. On peut cependant regretterqu’elle n’insiste pas suffisamment sur les méca-nismes sous-jacents aux forces d’agglomérationet de dispersion (6) et qu’elle néglige la questionde savoir où l’agglomération se produit (quandelle se produit). Cette question (qui a longtempsété le maillon faible de cette littérature) estimportante quand on s’intéresse spécifiquementà la question de l’attractivité. En effet, la des-cription de l’agglomération comme un proces-sus auto-entretenu offre la possibilité de plu-sieurs configurations spatiales (Ottaviano etPuga, 1997). Comment discriminer entre cesconfigurations ? En outre, il me semble que sil’objectif de la partie théorique était de mettreen exergue les déterminants de la localisationdes activités économiques dans l’espace –essentiellement la taille du marché d’accueil, lenombre de firmes déjà présentes sur le marché,le coût du travail et du capital dans la régiond’accueil ou encore certaines variables fiscalesou de dépenses publiques –, il aurait été utile deprésenter un modèle simple (même non

« bouclé ») permettant de relier le profit réalisédans une localisation donnée aux déterminantsen question (en ce sens, l’utilisation du supportthéorique des articles de Devereux et Griffith(1998) ou de Crozet, Mayer et Mucchielli(2003) aurait été bienvenue) (7). (4) (5). (6)

Concurrence fiscale et rendements croissants de localisation (7)

Les auteurs mettent ensuite l’accent sur la fisca-lité pesant sur les entreprises et sur les effets quel’on peut attendre d’écarts de fiscalité entredeux localisations différentes. Ces développe-ments sont particulièrement intéressants car ilsremettent en cause bien des idées reçues, notam-ment l’intuition selon laquelle la concurrencefiscale conduirait nécessairement à des tauxd’imposition socialement trop faibles(d’ailleurs, dans les modèles traditionnels deconcurrence fiscale à la Wildasin (1988), lestaux d’imposition choisis à l’équilibre de Nashfiscal peuvent devenir plus élevés qu’à l’opti-mum social si l’on introduit un bien collectif quiaccroît la productivité marginale du capital).

Les travaux standards sur la concurrence fis-cale (8) supposent que le capital peut se déplacersans coût d’un site à un autre en fonction desseuls écarts de fiscalité. L’existence de rende-

4. On doit à Scitovski (1954) la distinction entre externalités tech-nologiques et pécuniaires.5. Il existe évidemment d’autres types d’externalités en jeu : lesexternalités technologiques produites par les interactions inter-personnelles (externalités de proximité au sens de Marshall –« the secrets of industry are in the air ») conviennent le mieuxpour rendre compte des phénomènes d’agglomération de« petites échelle » (micro-territoires). En revanche, expliquer lesagglomérations de grande échelle impose de faire appel, soit àd’autres externalités technologiques dont l’efficacité ne réduitpas avec la distance, soit à des externalités pécuniaires. Celles-ci étant médiatisées par les marchés, leur influence peut se faireressentir sur de longues distances (Ottaviano et Puga, 1997).6. On citera parmi les forces centripètes les gains d’accès aumarché (Brülhart et Torstensson, 1997), l’existence d’externalitésentre entreprises de type amont/aval (Krugman et Venables,1996) ou encore les « spillovers » technologiques (Martin et Otta-viano, 1999) et la mobilité des facteurs (Baldwin, 1999). Pour cequi concerne les forces tendant à s’opposer au processusd’agglomération, on retiendra certaines externalités négativesliées à la pollution ou à la congestion, ou l’existence d’un payspériphérique qui possède un avantage comparatif sur le centre(Ricci, 1999).7. Je ne reviens pas sur les développements que les deuxauteurs consacrent aux institutions. Ces développements mérite-raient une partie à eux seuls mais cela contribuerait à s’éloignerdu cœur de l’article qui est celui de l’attractivité et nécessiteraitde faire appel à d’autres travaux comme ceux de Alésina etPerotti ou de relier croissance et économie géographique ouencore les facteurs de la croissance.8. Voir les articles fondateurs de (Zodrow et Miezskowsky, 1986),et (Wildasin, 1988).

Page 27: Attractivité de la France : analyse, perception et mesure · ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 363-364-365, 2003 97 Attractivité de la France : analyse, perception et mesure Benoît

ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 363-364-365, 2003 123

ments d’échelle croissants et d’une concurrencemonopolistique constitue une force d’agglomé-ration qui rend illusoire l’idée selon laquelle lesfacteurs mobiles peuvent répondre à la marge àdes écarts de taux de taxation (9). L’inertie quiprovient des forces d’agglomération fait que laconcurrence fiscale ne conduit pas nécessaire-ment à des taux de taxation « trop bas » (commedans les modèles à rendements d’échelles cons-tants) dès lors que le facteur mobile est concen-tré et qu’il constitue donc une rente taxable pourles pouvoirs publics. En outre, les régions« périphériques » n’ont aucun intérêt à se lancerdans une course au moins-disant fiscal pour atti-rer des activités économiques au détriment du« cœur » car elles savent parfaitement que lesrégions les plus riches sont en mesure de répon-dre à une stratégie agressive par des taux de pré-lèvement encore plus faibles (Baldwin et Krug-man, 2000).

Les régions du « cœur » peuvent choisir un tauxd’imposition plus élevé que celui des régions« périphériques » mais à condition que ce tauxne soit pas suffisamment élevé pour inciter lesrégions périphériques à se lancer dans unecourse au moins-disant fiscal (stratégie dite de« tax limit » qui remet par ailleurs en cause lesconclusions de l’analyse traditionnelle enmatière d’harmonisation fiscale, selon laquelleles taux d’imposition devraient converger versun taux uniformisé). Enfin, l’intégration écono-mique commence par réduire l’intensité de laconcurrence fiscale pour ensuite l’augmenter.En effet, un résultat standard de la nouvelle éco-nomie géographique est que les effets d’agglo-mération (et donc la rente taxable) sont les plusforts pour des coûts de transport intermédiaires– autrement dit pour des coûts qui sont à la foissuffisamment faibles pour rendre l’aggloméra-tion possible et suffisamment élevés pour que laconcentration spatiale devienne nécessaire (10).

Incitations financières et surenchères entre régions pour attirer des activités économiques

Les modèles de concurrence fiscale (au sensstrict de « tax competition ») sont considérable-ment enrichis par la prise en compte des effetsd’agglomération comme le montrent bien lesauteurs. La fiscalité n’est cependant pas le seulinstrument « budgétaire » entre les mains despouvoirs publics afin d’attirer des bases mobi-

les. L’analyse des politiques publiques visant àattirer sur un territoire des activités économi-ques (au sens plus large de « fiscalcompetition ») peut être améliorée en utilisantdes modèles qui font une plus large place auxcomportements stratégiques des différentsacteurs (entreprises et acteurs publics). Il est, enparticulier, nécessaire de s’émanciper del’hypothèse selon laquelle le capital mobileserait réductible à un continuum d’investisseursprivés de taille insignifiante. Cette littérature estdisparate et emprunte à des champs très diffé-rents de l’analyse économique : modèlesd’enchère et de négociation ou encore modèlesdont l’inspiration se trouve dans la littératuresur la course aux brevets en économie indus-trielle. On en propose maintenant un aperçu(cf. Madiès (1999) pour plus de détails). (9) (10)

L’expérience montre qu’une entreprise qui sou-haite procéder à un investissement s’engagedans un processus de négociation souvent longavec les régions susceptibles de l’accueillir (11).Dans ces conditions, un certain nombre de tra-vaux, encore peu nombreux, ont montré que lacompétition entre régions pouvait être modéli-sée sous la forme d’un jeu de négociations entreun investisseur privé et plusieurs régions. Lesarticles de Bond et Samuelson (1986), King,McAfee et Welling (1993) et Doyle et VanWijnbergen (1994) sont représentatifs de cetteapproche. Ces travaux permettent de donner uneexplication théorique aux politiques d’exonéra-tions fiscales temporaires et aux aides financiè-res octroyées par les collectivités publiques auxentreprises (12). Ils permettent aussi de discuterde l’impact de ces aides sur les décisions de

9. Voir Ludema et Wooton (1998), Andersson et Forslid (1999) ouencore Forslid et Ottaviano (1999) pour plus de détails.10. Cependant, les effets de la fiscalité ne sont pas les mêmesselon que les activités économiques sont agglomérées ou dis-persées (Ludema et Wooton, 1998). En outre, Andersson et For-slid (1999) ont montré que la stabilité de l’équilibre avecdispersion des activités économiques peut être affectée par desimpôts qui opèrent une redistribution entre le facteur mobile (tra-vail qualifié) et immobile (travail non qualifié) car cela modifie lesforces d’agglomération. Il apparaît en particulier qu’une augmen-tation, même parfaitement coordonnée, des taxes sur le facteurmobile peut rendre l’équilibre avec dispersion complètement ins-table et conduire à une agglomération où l’activité économiqueet tous les travailleurs qualifiés se concentrent dans un seul pays.11. Le terme de région doit être entendu dans une acceptionlarge : il peut s’agir de régions au sein d’un même pays ou depays.12. Doyle et Van Wijnbergen (1994) montrent par exemple (dansun modèle en information complète) que si un investisseur privésupporte des coûts irrécupérables quand il s’installe sur un site, lesexonérations fiscales octroyées ex ante par les collectivités publi-ques sont égales à l’augmentation anticipée des impôts futurs.

Page 28: Attractivité de la France : analyse, perception et mesure · ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 363-364-365, 2003 97 Attractivité de la France : analyse, perception et mesure Benoît

124 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 363-364-365, 2003

localisation des entreprises et donc plus généra-lement des effets d’aubaine que peuvent engen-drer les interventions économiques des collecti-vités publiques.

King, McAfee et Welling (1993) proposent, parexemple, un modèle de négociations simulta-nées entre un investisseur privé (une entreprise)et deux régions qui sont disposées à lui offrir desavantages financiers pour qu’il s’installe surleur territoire. L’entreprise supporte des coûtsirrécupérables qui réduisent son pouvoir denégociation futur mais elle peut changer delocalisation ultérieurement (en deuxièmepériode). La résolution du modèle permetd’obtenir un certain nombre de conclusionsintéressantes même s’il ne dit rien sur la formed’aide la plus appropriée. En premier lieu, sideux régions ont des atouts très différents, lesconsidérations financières sont beaucoup moinsimportantes et la région qui bénéficie des fac-teurs de localisation les plus attractifs (c’est-à-dire la productivité la plus élevée) attire l’inves-tisseur sans avoir besoin de s’engager dans unesurenchère coûteuse en termes de ressourcespropres. L’entreprise ne change pas de localisa-tion à la deuxième période. En revanche, plusdeux régions sont proches du point de vue desconditions de production et de commercialisa-tion qu’elles offrent aux entreprises et plusl’investisseur privé est en position de force dansles négociations financières qu’il engage avecles régions. En les mettant systématiquement enconcurrence, l’investisseur peut ainsi obtenirdes conditions financières très avantageuses ; cequi peut se traduire par des pertes budgétairespour les collectivités locales concernées.

Plus généralement, la théorie économiqueéprouve des difficultés à intégrer la diversité desstratégies développées par les acteurs publicsdans le cadre d’un modèle général de concur-rence territoriale. Il est cependant possible defaire appel à des modèles de jeux utilisés en éco-nomie industrielle pour étudier la compétitionentre entreprises. Par exemple, la compétitionentre régions précède souvent l’installation desactivités économiques sur leur territoire et ellesengagent des dépenses irrécupérables avant queles entreprises n’aient choisi définitivement leurlieu d’installation. D’un point de vue théorique,cette forme de concurrence peut être étudiée enfaisant appel à des modèles de course à l’inno-vation et au brevet en économie industrielle(Taylor, 1992). Le fait qu’une région réussisse à

attirer une entreprise avant les autres lui confèreune prime analogue à celle d’un brevet. En effet,outre la perspective de création d’emplois, lalocalisation de cette entreprise, surtout si elle estde grande taille, a des effets dynamiques impor-tants sur le tissu industriel de cette région.

La compétition que se livrent les régions en ter-mes d’infrastructures conditionne aussi le mon-tant des avantages financiers qu’elles pourrontaccorder aux entreprises susceptibles de s’ins-taller sur leur territoire. En effet, comme lemontrent Jullien, Rychen et Soubeyran (1998),l’issue de la concurrence entre régions pour atti-rer une entreprise – c’est-à-dire l’équilibre deNash du jeu d’attraction en termes d’infrastruc-tures et d’offres financières – dépend : 1) descapacités d’investissement de chaque région (etdonc de son potentiel fiscal initial et de sataille), 2) des effets induits de cette localisationà la fois pour l’entreprise entrante et pour lesentreprises déjà installées (économies d’agglo-mération) et 3) de l’adaptation des infrastructu-res publiques locales aux besoins de l’entre-prise. Ainsi, une bonne spécialisation desinfrastructures permet de surmonter un handi-cap initial de potentiel fiscal.

Enfin, les modèles d’économie industrielle peu-vent être aussi utilisés pour décrire la compéti-tion entre régions quand il existe une concentra-tion spatiale d’entreprises dans une région, etque d’autres régions essaient d’attirer ces entre-prises. L’existence de rendements croissants delocalisation fait que les efforts que doit déployerune région rivale pour attirer ces entreprises serévèlent d’autant plus coûteux que la concentra-tion spatiale déjà en place est importante, toutau moins si cette dernière ne connaît pas de ren-dements décroissants à partir d’un certain seuil.Si la (ou les) première(s) entreprise(s) ne sou-haite(nt) pas spontanément changer de localisa-tion, alors il peut être profitable pour une régionconcurrente d’offrir une aide à l’installation auxnouvelles entreprises de façon à provoquerl’événement initial (« small event »), autrementdit le départ de la première entreprise. On mon-tre alors qu’une solution possible consiste pourune région concurrente à proposer, à l’imaged’un monopole discriminant, de faire payer auxentreprises qui viennent s’installer chez elle, lem2 de terrain industriel en fonction de leur ordred’arrivée. L’avantage d’une telle solution estqu’elle permet de réduire l’effet d’inertie lié aucoût de délocalisation pour les premières entre-

Page 29: Attractivité de la France : analyse, perception et mesure · ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 363-364-365, 2003 97 Attractivité de la France : analyse, perception et mesure Benoît

ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 363-364-365, 2003 125

prises, les premières entreprises payant évidem-ment un prix du mètre carré plus faible que lesentreprises « suiveuses ».

Toute cette littérature économique aurait permisaux auteurs de discuter davantage des effets despolitiques régionales européennes et des politi-ques nationales (ou locales) d’aménagement duterritoire sur le choix de localisation des entre-prises multinationales (cette question est effleu-rée dans la partie consacrée aux études empiri-ques).

La localisation des activités économiques : sources statistiques et études empiriques

L’étape suivante dans la démarche des auteursconsiste à fournir un certain nombre d’élémentsempiriques sur les facteurs permettant d’expli-quer la localisation des investissements directs àl’étranger (IDE). Les statistiques de flux et destock d’investissements directs entre la Franceet l’étranger sont souvent utilisées comme unepreuve de l’attractivité (ou, au contraire, dumanque d’attractivité) de notre pays (Levasseur,2002 ; Debonneuil et Fontagné, 2003). Pour-tant, comme le soulignent les auteurs, les statis-tiques d’IDE (entrants) doivent être maniéesavec précaution car elles mesurent uniquementla valeur des opérations financières réalisées parles entreprises étrangères en France. Les opéra-tions à court terme entre sociétés affiliées (quientrent dans les statistiques d’IDE) et la volati-lité des opérations de fusions et acquisitionssont à l’origine de ces difficultés. Dans ces con-ditions, un investissement direct en France ne sematérialise pas nécessairement (loin s’en faut !)par la création d’une unité de production enFrance (« greenfield »). En outre, seul le paysde résidence du premier pays de contrepartie estidentifié et non pas l’investisseur ultime. Cesprécautions prises, il semble confirmé que laFrance est un « pays carrefour » dans le sens oùles flux entrants et sortants sont proches del’équilibre. Les statistiques d’IDE peuvent êtreutilement complétées par une mesure de la par-ticipation des entreprises multinationales àl’activité, l’investissement ou à l’emploi dupays d’accueil.

Les développements consacrés aux études éco-nométriques des choix de localisation des entre-prises multinationales auraient peut-être dûinsister davantage sur la nature hiérarchisée du

processus de localisation en distinguant les fac-teurs de « macro-localisation » et de « micro-localisation » (les politiques locales sont parexemple complètement ignorées). L’étude deJayet et Wins (1993), même ancienne, fournitdes indications utiles sur le sujet. Les deuxauteurs analysent les processus de localisationde 56 entreprises étrangères ayant envisagé uneinstallation en France. L’examen détaillé desprocessus de localisation fait apparaître deuxgrandes dimensions structurantes de ces proces-sus.

Il s’agit, d’une part, des problèmes d’informa-tion que l’entreprise doit résoudre pour avoirune connaissance suffisante des localisationspossibles et pour lui permettre de trancher entrecelles-ci. Le processus d’acquisition de l’infor-mation se fait de la façon suivante. Au début,l’entreprise cherche des informations fortementdiscriminantes dont la collecte est peu coûteuse.Ces informations, le plus souvent standardisées,concernent l’accessibilité des lieux, la présencede marchés locaux ou encore les conditions deproduction. Ces informations lui permettentdéjà d’écarter des sites que l’on ne retrouveratrès vraisemblablement plus lors d’investiga-tions plus approfondies en aval du processus dedécision. Il s’agit, d’autre part, de l’importancedes facteurs de localisation (définis par les deuxauteurs comme « l’ensemble des caractéristi-ques socio-économiques propres à une locali-sation donnée qui, aux yeux de l’entreprise,différencient cette localisation des autres locali-sations possibles et en déterminent la valeurajoutée »).

Au total, il apparaît que plus un site est consi-déré comme attractif par les investisseurs privésdu point de vue des facteurs traditionnels delocalisation et moins les considérations finan-cières (aides à l’installation, exonérations fisca-les temporaires, etc.) sont importantes. Enrevanche, plus le rôle joué par ces facteurs estfaible, plus la différenciation entre les sites estfaible et plus les considérations financièresdeviennent importantes au moment du choixfinal. En d’autres termes, les auteurs concluentqu’il « existe fréquemment une incompatibilitéentre le cumul local de critères de localisationfavorables et l’existence d’une offre de finance-ment alléchante [et que] les autorités localesont en général des stratégies qui les amènent àprivilégier les spécificités du territoire qu’ellesproposent ou au contraire à mettre en avant les

Page 30: Attractivité de la France : analyse, perception et mesure · ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 363-364-365, 2003 97 Attractivité de la France : analyse, perception et mesure Benoît

126 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 363-364-365, 2003

conditions financières qu’elles peuvent offrir etcumulent rarement les deux ».

Plus généralement, un tableau synoptique destravaux économétriques récents et de leurméthodologie aurait été bienvenu (mais cetteremarque pourrait être faite à la plupart des tra-vaux d’économie appliquée), d’autant que lesauteurs n’en citent qu’un nombre limité sansappréhender l’ensemble des déterminants deschoix de localisation (on trouvera une étuderelativement détaillée des stratégies des multi-nationales selon la nationalité de la tête degroupe, une recension complète des travauxéconométriques et un tableau synthétique dans(Levasseur, 2002)). Enfin, Le World InvestmentReport (Cnuced, 2001) souligne qu’il existe uneforte polarisation des filiales étrangères desentreprises multinationales dans quelques gran-des aires métropolitaines (Tokyo au Japon,région Île-de-France en France, Vienne enAutriche, etc.).

On retiendra des développements qui précèdentque la question de l’attractivité doit être étudiée

dans le cadre d’une mise en compétition des ter-ritoires (la formation de ces derniers étant lerésultat de forces d’agglomération et de disper-sion). Les territoires en compétition (nations ourégions) ne bénéficient pas des mêmes atouts etles écarts d’attractivité (de productivité ?) quien résultent sont souvent cumulatifs – l’intégra-tion économique venant généralement renforcerles phénomènes de polarisation contrairement àl’intuition première. Les politiques publiquesne peuvent se limiter à l’octroi d’aides fiscaleset financières pour attirer des activités écono-miques car elles risquent de se traduire pardes surenchères (dues au comportement noncoopératif des pouvoirs publics) qui sont vrai-semblablement inefficaces quand les effetsd’agglomération sont importants. On convientgénéralement que ces politiques doivent plutôtse concentrer dans le long terme sur le finance-ment d’infrastructures publiques et la formationde capital humain : on voit bien qu’il est alorsnécessaire d’introduire de la dynamique dansl’analyse et que la productivité de long termen’est peut-être finalement qu’un révélateur del’attractivité ! ■

BIBLIOGRAPHIE

Andersson F. et Forslid R. (2003), « Tax Compe-tition and Economic Geography », Journal ofPublic Economic Theory, vol. 5, n˚ 2, pp. 279-304.

Baldwin R. (1999), « Agglomeration and Endo-genous Capital », European Economic Review,vol. 43, pp. 253-280.

Baldwin R. et Krugman P. (2000),« Agglomeration, Integration and TaxHarmonization », CEPR Discussion paper, n˚ 2360.

Bond E.W. et Samuelson L. (1986), « TaxHolidays as Signals », American EconomicReview, vol. 76, pp. 820-826.

Brülhart M. et Torstensson J. (1997),« Regional Integration, Scale Economies andIndustry Location in the European Union », CEPRDiscussion Paper, n˚ 1435.

Catin M. et Ghio S. (2000), « Économiesd’agglomération, concentration spatiale etcroissance », in Baumont C. et al. (éds) : Écono-mie géographique : les théories à l’épreuve desfaits, Économica, Paris.

Crozet M., Mayer T. et Mucchielli J.-L. (2003),« How do Firms Agglomerate? A Study of FDI inFrance », à paraître dans Regional Science andUrban Economics.

Cnuced (2002), World Investment Report: Transna-tional Corporations and Export Competitiveness.

Debonneuil M. et Fontagné L. (2003), Compéti-tivité, Rapport du CAE n˚ 40, La DocumentationFrançaise, Paris.

Devereux M. et Griffith R. (1998a), « Taxes andthe Location of Production: Evidence From aPanel of US Multinationals », Journal of PublicEconomics, n˚ 68, pp. 335-367.

Page 31: Attractivité de la France : analyse, perception et mesure · ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 363-364-365, 2003 97 Attractivité de la France : analyse, perception et mesure Benoît

ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 363-364-365, 2003 127

Devereux M.P. et Griffith R. (1998b), « The Taxa-tion of Discrete Investment Choices », Institute forFiscal Studies, Working Paper Series, 98/16.

Doyle C. et Van Wijnbergen S. (1994),« Taxation of Foreign Multinationals: A Sequen-tial Bargaining Approach to Tax Hollidays »,International Tax and Public Finance, n˚ 1,pp. 221-225.

Ferrer C. (1998), « Pattern Determinants of Loca-tion Decisions by French Multinationals in Euro-pean Regions », in Mucchielli J.-L. (ed.), Multina-tional Location Strategy, Research in GlobalStrategic Management, n˚ 6, pp. 117-138, JAIPress, London.

Forslid R. et Ottaviano G. (1999), « Trade andAgglomeration: An Analytically Solvable Case »,mimeo, Lund University.

Guesnerie R. et Tirole J. (1985), « L’économiede la recherche-développement : introduction àcertains travaux théoriques », Revue Économique,vol. 36, n˚ 5, pp. 843-871.

Jayet H. et Wins P. (1993), « Comment les entre-prises se localisent-elles ? », CESURE, dossier derecherche, n˚ 93-3, Rapport au CommissariatGénéral du Plan.

Jullien B., Rychen F. et Soubeyran A. (1999),« Dépenses publiques, disparités locales et attrac-tion des activités économiques », document de tra-vail, Université de la Méditerranée.

King I., Mc Afee R.P. et Welling L. (1993),« Industrial Blackmail of Local Governments »,Social Science Working Paper 739, CaliforniaInstitute of Technologiy, Pasadena, non publié.

Krugman P. (1991), « Increasing Returns andEconomic Geography », Journal of Political Eco-nomy, vol. 99, pp. 483-499.

Krugman P. (1994), « Competitiveness: A dan-gerous Obsession », Foreign Affairs, mars-avril.

Krugman P. et Venables A.J. (1996),« Integration, Specialization and Adjustment »,European Economic Review, vol. 40, pp. 959-967.

Levasseur S. (2002), « Investissements directs àl’étranger et stratégies des entreprisesmultinationales », in La mondialisation etl’Europe, Revue de l’OFCE, hors-série, mars,pp. 103-152.

Ludema R.D. et Wooton I. (1998), « EconomicGeography and the Fiscal Effects of RegionalIntegration », CEPR Discussion Paper, n˚ 1822.

Madiès T. (1999), « Compétition entre collectivi-tés locales et politiques d’attraction desentreprises : quelques apports de l’économieindustrielle à l’économie publique locale », Revued’Économie Régionale et Urbaine, n˚ 5, pp. 999-1019.

Martin P. et Ottaviano, G. (1999), « GrowingLocations: Industry Location in a Model of Endo-genous Growth », European Economic Review,vol. 43, n˚ 2, pp. 281-302.

Mayer T. et Mucchielli J.-L. (1999), « La locali-sation à l’étranger des entreprises multinationales.Une approche d’économie géographique hiérar-chisée appliquée aux entreprises japonaises enEurope », Économie et Statistique, n˚ 326-327,pp. 159-176.

Ottaviano G. et Puga D. (1997),« L’agglomération dans l’économie mondiale »,Économie Internationale, n˚ 71, pp. 75-100.

Ricci L.A. (1999), « Economic Geography andComparative Advantage: Agglomeration VersusSpecialization », European Economic Review,vol. 43, n˚ 2, pp. 357-377.

Taylor L. (1992), « Infrastructural CompetitionAmong Local Juridictions », Journal of PublicEconomics, vol. 49, pp. 241-259.

Wildasin D.E. (1988), « Nash Equilibria inModels of Fiscal Competition », Journal of PublicEconomics, vol. 35, pp. 229-240.

Zodrow G.R. et Mieszkowsky P.M. (1986),« Pigou, Property Taxation and the Under Provi-sion of Local Public Goods », Journal of UrbanEconomics, vol. 19, pp. 356-370.