ASC N°19 - La démocratie d'apparence

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Action Sociale Corporative Tribune royaliste du combat social N°19 ASC royalismesocial.com – 2012 1 Tribune du combat social ٠ VINCIT CONCORDIA FRATRUM ٠ Sociaux parce que royalistes L’ACTION SOCIALE CORPORATIVE POUR LES LIBERTÉS FRANÇAISES N°19 N°19 N°19 N°19 Mars 2012 royalismesocial.com

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Action Sociale Corporative Tribune royaliste du combat social N°19

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Tribune du combat social ٠ VINCIT CONCORDIA FRATRUM ٠ Sociaux parce que royalistes

L’ACTION SOCIALE CORPORATIVE POUR LES LIBERTÉS FRANÇAISES

N°19 N°19 N°19 N°19 Mars 2012 royalismesocial.com

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Bibliothèque / Vidéothèque :

Bienvenue à Gattaca :

Dans un monde futur, on peut choisir le génotype des enfants. Dans cette société hautement technologique qui pratique l'eugénisme à grande échelle, les gamètes des parents sont triés et sélectionnés afin de concevoir in vitro des enfants ayant le moins de défauts et le plus d'avantages possibles. Bien que cela soit officiellement interdit, entreprises et employeurs recourent à des tests ADN discrets afin de sélectionner leurs employés ; les personnes conçues de manière naturelle se retrouvent, de fait, reléguées à des tâches subalternes. Gattaca est un centre d'études et de recherches spatiales pour des gens au patrimoine génétique impeccable. Jérôme, candidat génétiquement idéal, voit sa vie détruite par un accident tandis que Vincent, enfant naturel, donc au capital génétique « imparfait », rêve de partir pour l'espace. Chacun des deux va permettre à l'autre d'obtenir ce qu'il souhaite en déjouant les lois de Gattaca.

La démocratie d’apparence :

"La démocratie d'apparence" ou comment faire participer utilement les individus à la vie politique : ce petit livre rassemble les Actes du colloque sur "La participation individuelle à la vie politique " du 19 avril 2007, au Palais du Luxembourg. Grande utopie moderne à l'usage des foules, la démocratie ne va généralement pas plus loin qu'une incantation politico-médiatique dont se prévalent des gouvernants et les décideurs ". D'un point de vue concret, elle n'est le plus souvent qu'une démocratie d'apparence aux mains d'oligarchies partisanes et de groupes de pressions puissants et organisés. Pourtant, au-delà des représentations imaginaires, se pose la question bien réelle et tout à fait actuelle, essentielle pour l'avenir de nos sociétés, de la participation effective des individus à la vie politique. Cette participation est difficile à organiser, mais, dans certaines conditions, elle peut, et doit, être mise en oeuvre utilement. Les auteurs examinent, loin de tout esprit partisan, les mécanismes qui permettraient au citoyen de participer réellement à la gestion de la vie

publique pour devenir un acteur véritable de la politique et non plus un simple sujet/enjeu du marketing politique. Une des conclusions de ce colloque était précisément de constater que le vote blanc et l'abstention sont, le plus souvent, les seules possibilités laissées à l'électeur pour échapper au piège de "l'apparence " et de l'instrumentalisation.

- Nos maîtres : Charles de Montalembert

P 3 à 6

- LA DEMOCRATIE D’APPARENCE Olivier TOURNAFOND

p8 à 15

- Des mots, des maux, démocratie Frédéric WINKLER

P 16 - Un système à faire désespérer les hommes

Augustin DEBACKER P 17

- Deux hommes ? Non, deux institutions.

Firmin BACCONNIER P 18 à 19

- Commerce de proximité en question

Benjamin GUILLEMAIND P 20

- Le monde agricole mérite mieux qu’une simple visite élecorale.

Jean-Philippe CHAUVIN P 21 à 22

- Le souci des faibles

Frédéric WINKLER P 23

Contact : [email protected] « Toute pensée qui ne se traduit pas en acte est une défaillance »

R. de la Tour du Pin

« Bienvenue à Gattaca» De Andrew Niccol

1997 - Sorti du DVD en 2003

« La démocratie d’apparence» Sous la direction de Bérénice Tournafond

Editeur : François-Xavier de Guibert

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Charles de Montalembert (1810-1870)

Jeunesse et formation (1810-1830)

Un aristocrate doué

La famille de Montalembert, originaire de l'Angoumois, pouvait faire remonter sa généalogie jusqu'au XIIIe siècle ; des chartes permettaient d'aller encore deux siècles plus haut. La tradition familiale était celle de la carrière des armes, dans laquelle s'étaient illustrés la plupart des ancêtres de Charles de Montalembert, notamment, au XVIIIe siècle, le marquis de Montalembert, général et ingénieur français, son grand-oncle.

Pendant la Révolution, le père de Charles de Montalembert, Marc-René de Montalembert, s'exile en 1792 sous la Terreur, et combat aux côtés des royalistes émigrés dans l'armée de Condé, puis dans la cavalerie britannique.

En 1808, il épouse Élise Rosée Forbes, fille de James Forbes, explorateur en Inde et en Afrique, savant et artiste, issu d'une vieille famille protestante écossaise. Le 15 avril 1810, leur fils aîné, Charles, naît à Londres. Jusqu'en 1819, il est élevé en Angleterre, à Stanmore par son grand-père maternel.

Après la chute de l'Empire, en 1814, le comte de Montalembert rentre en France aux côtés du roi Louis XVIII. En 1816, il est nommé ministre plénipotentiaire à Stuttgart, puis, à partir de 1820, siège à la Chambre des pairs, à Paris. Son fils poursuit ses études à Paris, d'abord au lycée Bourbon (actuel lycée Condorcet), puis, à partir de 1826, à l'institution Sainte-Barbe (1), rue des Postes. Étudiant zélé et d'une grande précocité intellectuelle, marqué par l'exemple du système politique britannique, Charles de Montalembert développe alors des idées politiques libérales. Parallèlement, la conversion de sa mère au catholicisme en 1822 renforce sa foi religieuse.

Ses études ne l'empêchent pas de développer un cercle important de relations intellectuelles et mondaines : le jeune homme fréquente alors le salon de Madame de Davidoff, celui de Delphine Gay, assiste aux cours du philosophe Victor Cousin, avec lequel il se lie d'amitié, de même qu’avec François Rio, professeur d'histoire à Louis-le-Grand. Mais ses amis les plus proches sont alors Léon Cornudet, futur conseiller d'État, et Gustave Lemarcis, qu'il a rencontré en septembre 1827 au château de la Roche-

Guyon, où il séjournait chez l'abbé-duc de Rohan.

Romantisme, libéralisme,

catholicisme. Comme toute sa génération, Montalembert

est influencé alors par les idées romantiques, rêve de sublime, de génie et de sacrifice. À l'âge de quinze ans, il prend la résolution solennelle de servir à la fois Dieu et la liberté de la France :

« En vivant pour notre patrie, nous aurons obéi à la voix de Dieu qui nous ordonne de nous aimer les uns les autres ; et comment pourrions-nous mieux aimer nos concitoyens qu’en leur dévouant notre vie entière ? Nous aurons ainsi vécu pour ce qu’il y a de plus beau et de plus grand dans le monde, la religion et la liberté. » (2)

Après avoir obtenu son baccalauréat le 2 août 1828, ainsi qu'un prix de rhétorique au concours général, il part le 26 août rejoindre ses parents en Suède, à Stockholm, où, en 1827, Marc René de Montalembert avait été nommé ministre plénipotentiaire. Le jeune vicomte de Montalembert admire alors Stockholm et les institutions politiques suédoises, mais méprise le roi Charles XIV, en raison de ses origines roturières et de son passé bonapartiste. Rebuté alors par la lecture de Kant, dont il traduit pour Cousin la Critique de la raison pratique, il découvre avec enthousiasme les œuvres des penseurs idéalistes et mystiques allemands, Schelling,

Zimmer, Baader, qui l'amènent à renier peu à peu l'éclectisme de Victor Cousin.

De retour à Paris en 1829, il commence en même temps que ses études de droit sa carrière de journaliste, en écrivant des articles sur la Suède pour la Revue française, dirigée par Guizot, Broglie et Barante, et en collaborant au Correspondant, feuille hebdomadaire fondée en mars 1829 par Carné, Cazalès et Augustin de Meaux. En matière littéraire, Montalembert est favorable à la jeune école romantique contre les « vieux classiques encroûtés » (3). Mais il sera parmi les premiers à saluer La Peau de chagrin d'Honoré de Balzac, « comme le roman qui a révélé l'énorme besoin de spiritualité de notre époque » (4).

La comtesse de Montalembert, sa mère, reçoit fréquemment Lamartine, Martignac, Delphine Gay. Charles de Montalembert admire Vigny, Sainte-Beuve, et, par-dessus tout, Victor Hugo, dont il soutient ardemment Hernani, qu'il voit comme une manifestation de la liberté dans le théâtre. Il fréquente alors assidûment le poète, qui lui fait découvrir l'architecture religieuse du Moyen Âge à travers la préparation de Notre-Dame de Paris.

L'engagement politique

(1830-1837) L'exemple irlandais.

Le 25 juillet 1830, Charles de Montalembert part pour l'Angleterre. Il est à Londres pendant la révolution de Juillet. D'abord favorable à la chute de Charles X, coupable selon lui d'avoir violé la Charte, fondement des libertés garanties par la monarchie constitutionnelle, il réprouve ensuite les excès anti-religieux des libéraux.

Depuis l'Angleterre, il part pour l'Irlande. Il y rencontre Daniel O'Connell, le fondateur de l'Association catholique (Catholic Association), qui a obtenu en 1829 l'émancipation politique des catholiques d'Irlande et qui personnifie aux yeux de Montalembert la liberté et la foi triomphantes, ainsi qu'une victoire pacifique, fondée sur le droit et non sur la violence. Montalembert est alors séduit par l'Église catholique d'Irlande, « libre et pauvre comme à son berceau » (5), puisque le gouvernement n'y prend aucune part à la nomination des évêques, et qu'elle ne vit

Nos maîtres

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que des dons de ses fidèles, situation qui contraste fort avec celle de l'Église de France, dont la situation est réglée par le Concordat de 1801 et les articles organiques : traditionnellement unie au gouvernement de la Restauration, sous le nouveau régime de la monarchie de Juillet, elle est en butte à l'opposition libérale.

L'Avenir et les débuts du

catholicisme libéral

Montalembert attend avec impatience depuis son adolescence de s'engager pour défendre la liberté civile et la liberté de l'Église catholique romaine. Longtemps, il se sent isolé dans cette voie. En désaccord avec les idées réactionnaires de la plupart des aristocrates catholiques qu'il fréquente, il déclare ainsi en 1827 que :

« Au nom d'une religion qui a introduit la vraie liberté dans le monde, on me prêche l'arbitraire et l'ancien régime. [...] Mais aujourd'hui je ne désespère pas de trouver des hommes qui [...] prennent pour mobile de leur conduite Dieu et la liberté. » (6)

À l'issue de la révolution de 1830, sa rencontre avec l'abbé Félicité de Lamennais lui fournit enfin l'occasion de s'engager pour défendre ses idées, et de développer dans le journal l'Avenir les thèses qui formeront la base du catholicisme libéral, mêlant la doctrine contre-révolutionnaire traditionnelle telle que l'avait développée Joseph de Maistre et la pensée libérale héritée des Lumières et de la Révolution française.

Lancé en octobre 1830 par Lamennais, dans un contexte très anticlérical, le nouveau journal marie ultramontanisme (défense de la souveraineté absolue du pape en matière religieuse) et libéralisme (défense de la liberté de conscience, de la liberté d'expression), aspirations démocratiques et catholicisme. Son rédacteur en chef est Lamennais, secondé par les abbés Gerbet et Lacordaire, qui devient rapidement l'un des amis les plus proches de Montalembert. Le 7 décembre 1830, les rédacteurs de l'Avenir résument leurs revendications : ils demandent la liberté de conscience, la séparation de l'Église et de l'État, la liberté d'enseignement, la liberté de la presse, la liberté d'association, la décentralisation administrative et l'extension du principe électif.

Les contributions de Montalembert dans l'Avenir concernent principalement la liberté d'enseignement et la défense des droits des peuples opprimés. Il soutient en effet l'émancipation des nationalités européennes, au nom du droit des personnes et des communautés à disposer d'elles-mêmes. Séduit par l’exemple des luttes d'Irlande, de Belgique, de Pologne, où l’Église catholique

romaine joue un rôle prépondérant dans le combat pour la liberté des nations, Montalembert rêve alors, à la suite de Lamennais, d’établir une souveraineté spirituelle du pape sur les peuples chrétiens d'Europe unis et libres.

Carrière parlementaire

(1837-1850) En 1837, Montalembert commence

véritablement sa carrière parlementaire. Même s'il n'apprécie guère la Monarchie de Juillet, qu'il considère comme un régime individualiste, bourgeois et matérialiste, au détriment de la cohésion sociale et de l’union nationale, il décide de soutenir cette monarchie constitutionnelle et libérale, dans le travail législatif mené à la Chambre des pairs. Il y défend inlassablement deux thèmes principaux : la défense du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes et celle des libertés religieuses, à travers le rétablissement officiel des congrégations religieuses et la liberté d'enseignement.

Ainsi, il soutient en Espagne les partisans de la reine Isabelle, favorables à une monarchie constitutionnelle, et défend avec constance la cause de la Pologne. Il lutte surtout pour la liberté de la Belgique, dont il avait salué l’affranchissement en 1830 : en 1838, lors de la crise diplomatique du Luxembourg et du Limbourg, il tente aux côtés de son beau-père, Félix de Mérode, mais sans succès, de convaincre le roi Louis-Philippe et son ministre, Mathieu Molé, de défendre les prétentions territoriales belges du roi Léopold contre le roi des Pays-Bas.

La constitution du « Parti catholique »

Cependant, l'essentiel de l'action de

Montalembert pendant les années 1837-1850 vise à la constitution d’un « parti catholique » unifié, fédérant l’action des catholiques français autour de la défense des intérêts de l'Église et la liberté d'enseignement, en s’assurant de l’appui des évêques, qui avait cruellement manqué aux hommes de l'Avenir.

L’action à mener est immense, à la mesure de la division des catholiques français : les uns sont fidèles au régime déchu en 1830, au gallicanisme, et considèrent le roi Louis-Philippe comme un usurpateur. À leur tête se trouve Monseigneur de Quélen, l'archevêque de Paris, appuyé par l'abbé Dupanloup. L'autre fraction, soutenue par le pape Grégoire XVI, rassemble une partie de la jeune génération catholique, sous la direction de Lacordaire, Ozanam, et Montalembert. Ultramontains et libéraux, ils entreprennent alors, chacun à leur manière, de réconcilier la religion catholique et la société française post-

révolutionnaire, en détachant le catholicisme français des traditions légitimistes et gallicanes : tandis que Frédéric Ozanam se tourne vers l’action charitable, rapprochant les classes populaires de l’Église catholique, que Lacordaire prêche la liberté à Notre-Dame de Paris, Montalembert défend les libertés religieuses à travers son action politique.

À cette fin, il rachète en 1836 le journal l'Univers, fondé par l'abbé Migne, pour en faire un organe de combat au service des libertés de l'Église.

Il cherche ensuite à faire remplacer l’ancienne génération d’évêques légitimistes par des hommes indépendants du pouvoir royal et favorables aux idées libérales, et appuie auprès du roi plusieurs nominations importantes : celles de Bonald à Lyon, de Sibour à Digne, de Denys Affre à Paris, de Thomas Gousset à Reims, et de Doney à Montauban.

Montalembert soutient aussi la restauration des ordres religieux, supprimés en France par la Révolution française, qu'il s’agisse des bénédictins, reconstitués par Prosper Guéranger à Solesmes, ou des dominicains, restaurés par son ami Henri Lacordaire. Proche du père de Ravignan, il défend aussi avec constance les jésuites, très impopulaires, à plusieurs reprises menacés d'expulsion de France, dispersés en 1845.

La campagne pour la liberté

d'enseignement.

L'essentiel des combats menés par Montalembert et le parti catholique ont un objectif principal : obtenir la liberté d'enseignement, à savoir, la possibilité de créer des établissements d'enseignement secondaire en dehors du monopole de l'enseignement public d'État. Cette liberté concernerait avant tout les congrégations religieuses enseignantes, notamment les jésuites.

Plusieurs projets de loi à ce sujet sont proposés par les ministres de l'Instruction publique successifs : Victor Cousin en 1840, Villemain en 1841 et 1844. Ces projets se heurtent à l'opposition de la gauche, mais aussi à celle d'une grande partie du clergé français, qui les juge trop sévères pour l'enseignement catholique ; ainsi, le projet de 1844 interdit explicitement l'enseignement aux membres de congrégations.

Une campagne de presse et d'opinion sans précédent est déclenchée par les catholiques, à l'instigation de Montalembert, afin d'obtenir une loi plus favorable. L'Univers de Veuillot est l'organe du mouvement, et Montalembert le défend

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avec constance auprès des autorités romaines méfiantes face au libéralisme du titre. De nombreuses brochures sont publiées. Plusieurs évêques, tels le cardinal de Bonald, ou Mgr Parisis, évêque de Langres, s'expriment publiquement, ainsi que les abbés Maret et Combalot. Montalembert lui-même publie en 1843 une brochure intitulée Du devoir des catholiques dans la question de la liberté d'enseignement. Il y appelle les catholiques français à s'organiser pour la conquête de la liberté d'enseignement.

En conséquence, en 1844, Montalembert structure la campagne sur l'ensemble du territoire national, créant un comité directeur ainsi que des comités départementaux chargés de mobiliser sur le terrain l'opinion publique en faveur de la liberté d'enseignement par le biais de pétitions. Ces comités soutiennent aussi les candidats proches du parti catholique aux élections législatives de 1846. De nombreuses circulaires du comité central aux départements organisent la campagne, répandent les mots d'ordre de mobilisation. Précision intéressante, en juillet 1845 avec le prince de la Moskowa, fils du maréchal Ney, il proteste à la Chambre des Pairs contre les enfumades du Dahra, ordonnées par Bugeaud et le colonel Pélissier, l'un des épisodes les plus noirs de la conquête de l'Algérie.

Les élections sont un succès : plus de 140 députés élus sont favorables au parti catholique. Après ce succès, de nouvelles tensions apparaissent au sein du parti : certains, menés par Dupanloup, conservateur et proche politiquement du pouvoir royal, sont partisans de négocier avec le gouvernement, tandis que les partisans de Veuillot souhaitent poursuivre le combat. Mais ils sont de nouveau rassemblés dans leur opposition commune au projet de loi présenté en 1847 par Salvandy.

Échec et divisions du «Parti catholique»

Mais vite déçu par l'absolutisme du

nouveau régime, et par l'absence de concessions aux catholiques, Montalembert officialise sa rupture avec le Second Empire le 20 octobre 1852 par la publication d'un ouvrage, Les Intérêts catholiques au XIXe siècle, dans lequel il fait l'éloge du gouvernement représentatif. Consterné par le ralliement de nombreux évêques auparavant légitimistes, comme Donnet, Salinis ou Parisis au régime autoritaire de Napoléon III, Montalembert y demande aux catholiques de ne pas associer la cause de l'Église et celle de l'absolutisme monarchique. L'ouvrage le réconcilie avec les libéraux, comme Lacordaire, mais le brouille définitivement avec le nouveau parti clérical, ultramontain et

absolutiste, dont les idéologues sont Guéranger et Veuillot, qui traitent le livre de «Marseillaise parlementaire».

Pour répliquer aux attaques de l'Univers, les catholiques opposés à la dictature impériale relancent alors une revue, le Correspondant, fondée en 1828. Aux côtés de Montalembert y contribuent des orléanistes (le duc de Broglie, Dupanloup), des légitimistes (Falloux, Théophile Foisset), et des libéraux (Cochin, Lacordaire). Craignant un réveil d'anticléricalisme à la suite du ralliement de l'Église catholique à l'absolutisme napoléonien, de sa posture permanente d'adversaire de la raison, de la société moderne, de la liberté de conscience, des libertés politiques, la revue entreprend de montrer que ces principes constitutifs de la société moderne sont conformes à la religion catholique.

Le 9 janvier 1851, Charles de Montalembert est élu à l'Académie française. Il est reçu par Guizot le 5 février 1852. Avec les opposants au Second Empire, il soutient par la suite les candidatures de Dupanloup en 1854, de Berryer en 1855, de Falloux en 1856, de Lacordaire en 1860.

Sans enthousiasme, il siège au Corps législatif, tentant sans succès de faire exister une opposition parlementaire à l'Empire.

« L'histoire dira quelle fut l'infatigable complaisance et l'incommensurable abaissement de cette première assemblée du second Empire […], cette cave sans air et sans jour, où j'ai passé six ans à lutter contre des reptiles. » (7)

Candidat de nouveau aux élections législatives de 1857 à Besançon, Montalembert bénéficie de l'appui réticent de l'Univers. Mais l'opposition de l'administration impériale contribue à un échec écrasant. En réaction, l'Académie française en fait son directeur. Le Correspondant devient alors son principal terrain d'action.

Ainsi, en 1858, Montalembert effectue un voyage à Londres, où il fréquente les princes d'Orléans exilés. Il assiste aux séances du parlement britannique. De retour en France, il écrit un article intitulé « Un débat sur l'Inde au Parlement anglais », dans lequel, tout en exaltant la liberté des parlementaires britanniques, il critique la vie politique française. Les rédacteurs du Correspondant jugent l'article imprudent, mais l'enthousiasme de Lacordaire (« L'heure est venue de dire ce qu'on estime la vérité, quoi qu'il puisse en advenir...»)(8) décide finalement Montalembert à le publier ; l'article paraît le 25 octobre 1858. Des poursuites sont engagées immédiatement contre Montalembert, accusé par le ministère public d'avoir « excité à la haine et au mépris du gouvernement », « violé le respect dû aux lois », « attaqué les droits et l'autorité que l'Empereur tient de la constitution et du suffrage universel ». Les adversaires du régime impérial font de ce procès une tribune

politique. Défendu par les avocats Berryer et Dufaure, soutenu au tribunal par le duc de Broglie, Odilon Barrot, Villemain, et de nombreux autres opposants, Montalembert comparaît le 24 novembre 1858. Il est condamné à six mois de prison, 3000 francs d'amende, et fait appel. Le 2 décembre, l'empereur accorde sa grâce à Montalembert, qui la refuse. Il est donc jugé une deuxième fois, le 21 décembre 1858, et obtient une réduction de sa peine de prison de 6 à 3 mois (9), avant d'être de nouveau gracié par l'empereur.

Puis Montalembert s'oppose au soutien de la France de Napoléon III à l'unification italienne menée par le royaume de Piémont-Sardaigne sous l'égide de Cavour, menaçant le pouvoir temporel du pape Pie IX. En effet, en 1859, la France entre en guerre contre l'Autriche aux côtés du Piémont. En juillet 1859, l'armistice de Villafranca termine la guerre. L'Autriche abandonne la Lombardie au Piémont. Mais la Toscane, ainsi que les villes de Parme et Modène, et les légations pontificales de Bologne, Ferrare et Ravenne demandent à leur tour leur annexion au Piémont, menaçant l'existence-même des États pontificaux. Napoléon III demande en janvier 1860 au pape de faire le sacrifice de ses provinces révoltées, déclenchant de vives réactions chez les catholiques français. L'Univers, qui soutient le pouvoir temporel du pape, est interdit.

Le beau-frère de Montalembert, Xavier de Mérode, prend la tête des armées du Saint-Siège.

Contre l'absolutisme pontifical : «l'Église libre dans l'État libre» En 1863, les prélats et hommes

politiques catholiques de Belgique organisent un congrès international à Malines, rassemblant plus de trois mille participants. Le 20 août 1863 Montalembert y prononce un discours sur le rôle de l'Église dans les nouvelles sociétés démocratiques. Désespéré depuis des années par le discours réactionnaire de la plupart des organes les plus écoutés du Saint-Siège (notamment l'Univers et la Civiltà Cattolica), soutenant selon lui « les thèses les plus exagérées, les plus insolentes, les plus dangereuses, les plus répugnantes à la société moderne », révolté par l'attitude et les arguments de Veuillot et de Guéranger lors de l'Affaire Mortara, mais profondément fidèle à l'Église de Rome, Montalembert fait de son discours un manifeste en faveur du libéralisme catholique. Il réaffirme avec éloquence les principes fondamentaux du catholicisme libéral, tels qu'ils avaient été ébauchés dès

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l'époque de L'Avenir : défense de la liberté de conscience, indépendance de l'Église vis-à-vis du pouvoir politique. Il exalte l'ensemble des libertés publiques (liberté de la presse, liberté d'enseignement...), à termes bénéfiques selon lui à l'Église. Poursuivant son discours le 21 août, il développe plus particulièrement le thème de la liberté de conscience, tout en se défendant d'un quelconque relativisme religieux. Il affirme alors notamment :

« J'éprouve une invincible horreur pour tous les supplices et toutes les violences faites à l'humanité sous prétexte de servir ou de défendre la religion... L'inquisiteur espagnol disant à l'hérétique : la vérité ou la mort ! M’est aussi odieux que le terroriste français disant à mon grand-père : la liberté, la fraternité ou la mort ! La conscience humaine a le droit d'exiger qu'on ne lui pose plus jamais ces hideuses alternatives. »

Il défend l'idée d'une Église qui, «dégagée de toute solidarité compromettante, de tout engagement de parti ou de dynastie, apparaîtra au milieu des flots vacillants et agités de la démocratie, seule immobile, seule inébranlable, seule sûre d'elle-même et de Dieu, ouvrant ses bras maternels à tout ce qu’il y a de légitime, de souffrant, d'innocent, de repentant, dans tous les camps, dans tous les pays. »(10)

Ce discours de Malines suscite de vives réactions. Salué par les catholiques libéraux de Belgique et de France, Montalembert se heurte rapidement à l'opposition frontale de Veuillot et du parti clérical, ainsi qu'aux fortes réticences du Saint-Siège, représenté par le

cardinal Wiseman, le nonce Ledochowski, et les jésuites de la Civiltà Cattolica.

En réponse au discours de Malines, et malgré le soutien de Xavier de Mérode, en mars 1864, le cardinal Antonelli écrit, au nom de Pie IX, une lettre de blâme à Montalembert, qui se soumet en silence, optant pour « la résignation et la patience »(11). La réponse publique du pape au discours de Malines est, le 8 décembre 1864, l'encyclique Quanta Cura, à laquelle est annexée le Syllabus. Celui-ci est une liste de propositions condamnées, visant notamment les idées libérales, la liberté de conscience, la liberté de la presse. Consternés, les catholiques libéraux français répliquent, sous la plume de Dupanloup, qui défend fermement le Syllabus, tout en minimisant sa portée.

Profondément déçu par le Syllabus, mais demeurant fidèle au pape, gravement malade à partir de 1867, Montalembert se consacre désormais au Correspondant, dont il confie la direction à Léon Lavedan, ainsi qu'à son travail historique sur les Moines d'Occident.

La préparation du concile du Vatican, la future proclamation du dogme de l'infaillibilité pontificale lui font craindre la victoire du parti favorable à l'absolutisme monarchique et au pouvoir personnel du pape, aboutissant selon lui à une rupture complète entre l'Église et la société moderne. Il soutient donc les catholiques allemands opposés au dogme, et supplie, sans succès, Newman et Döllinger de prendre part au concile. Satisfait par les débuts de l'Empire libéral, il meurt, avant la fin du concile et la proclamation du dogme de

l'infaillibilité pontificale, en 1870 dans son hôtel particulier de la rue du Bac à Paris.

Il consacra beaucoup de son temps à un grand travail sur le monachisme en Occident. Il fut d'abord attiré par le personnage de saint Bernard et lui consacra un volume ; par la suite, cependant il abandonna ce travail sur le conseil de son ami Dupanloup et l'édition entière fut détruite. Il élargit alors son plan original et publia les premiers volumes de ses Moines d'occident (1860), œuvre admirablement écrite et qui fut reçue avec beaucoup d'admiration dans ces cercles où la langue était plus appréciée que l'étude elle-même. Le travail, inachevé à la mort de l'auteur, fut complété par la suite à l'aide de quelques longs fragments retrouvés parmi ses papiers (vols. VI et VII, 1877).

Source : Wikipédia

(1) Actuel lycée Jacques-Decour. (2) Lettres, p. 91, cité par Lecanuet, op. cit., t. I, p. 35. (3) lettre de Charles de Montalembert à Gustave Lemarcis, 26-27 février 1830, citée par Lecanuet, op. cit., p. 88. (4) David Bellos, Honoré de Balzac, Cambridge University Press, 1987, p.6 (ISBN 0521316340) (5) L'Avenir, janvier 1831. (6) Lettre de Charles de Montalembert à François Rio, septembre 1827, citée par Lecanuet, op. cit., t.I, p. 38 (7) Lettre à M. Daru, in Lecanuet, op. cit., t. III, p. 159. (8)Lettre de Lacordaire à Montalembert, 14 octobre 1858. (9) Djamel Souafa & Vincent Guillin , « La réception de Stuart Mill en France [archive] », La Vie des idées, 18 mai 2010. ISSN : 2105-3030. (10) Charles de Montalembert, Discours de Malines, 20-21 août 1863, cité par Lecanuet, op. cit., p. (11) Lettre à M. de Malleville, 25 janvier 1865, citée par Lecanuet, op. cit., t. III, p. 394

22 mars 1841 : Loi Montalembert sur le travail des enfants Le 22 mars 1841 est votée, à l’initiative de députés royalistes légitimistes, la loi Montalembert qui interdit le travail des enfants de moins de huit ans et en limite la durée jusqu’à seize ans. Bien que peu appliquée, elle n’en constitua pas moins une certaine évolution des mentalités. Certains élus légitimistes sont indignés par la misère et l’exploitation des ouvriers. C’est le vicomte Alban de Villeneuve-Bargemont qui pose le premier, devant la Chambre des députés, le problème dans toute son ampleur : «La restauration des classes inférieures, des classes ouvrières, souffrantes, est le grand problème de notre âge» (22 décembre 1840). Il fait voter le 22 mars 1841 la loi réglementant le travail des enfants, réclamée aussi par le comte Charles de Montalembert, autre grand aristocrate catholique.

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« Elle attendait, un crucifix fait de deux bouts de bois par un soldat anglais posé sur sa poitrine, le crucifix de l’église voisine élevé en face de son visage au-dessus des premières fumées. Et la première flamme vint, et avec elle le cri atroce qui allait faire écho, dans tous les cœurs chrétiens, au cri de la Vierge lorsqu’elle vit monter la croix du Christ sur le ciel livide. De ce qui avait été la forêt de Brocéliande jusqu’aux cimetières de Terre Sainte, la vieille chevalerie morte se leva dans ses tombes. Dans le silence de la nuit funèbre, écartant les mains jointes de leurs gisants de pierre, les preux de la Table ronde et les compagnons de saint Louis, les premiers combattants tombés à la prise de Jérusalem et les derniers fidèles du petit roi lépreux, toute l’assemblée des rêves de la chrétienté regardait, de ses yeux d’ombre, monter les flammes qui allaient traverser les siècles, vers cette forme enfin immobile, qui devenait le corps brûlé de la chevalerie. »

André Malraux

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La démocratie d’apparence :

Introduction : La démocratie est devenue la grande

affaire de l’homme occidental. Jadis l’homme se souciait du bien et du mal, de la divinité, de l’éternité de l’âme, du bien commun, de la justice, du progrès, etc... Aujourd’hui il se soucie essentiellement de la « démocratie ».

Dans la presse, dans les médias

audiovisuels, à l’université, dans les partis politiques, dans les sphères du pouvoir, dans les clubs mondains, tout un chacun se gargarise de ce mot qui a évidemment perdu en signification ce qu’il a gagné en extension. Désormais la référence à la démocratie est quasi incantatoire ; il n’est pas rare de trouver le mot répété jusqu’à quinze fois dans un article politique ou juridique, comme au XVIIe siècle le mot « chrétien » dans la littérature officielle.

S’agit-il d’un phénomène de mode ? A ce stade il vaudrait mieux parler d’un phénomène à caractère religieux car on dépasse très largement en temps et en ampleur le simple phénomène de la mode. Or ce phénomène de société ne manquera pas de surprendre tout esprit critique épris à la fois de lucidité et de modération pour qui la démocratie n’est guère qu’un mode de gouvernement parmi d’autres. Mode de gouvernement qui a comme les autres ses avantages et ses inconvénients, mais dont on ne saurait attendre qu’il apporte à lui seul la solution aux maux de l’humanité. Car on peut être certain que le simple jeu des mécanismes démocratiques comme le suffrage universel ne permettra pas de résoudre les défis du XXIe siècle s’il n’est pas associé à d’autres mécanismes qui feront appel à l’intelligence, à la créativité, au courage et à la qualité des individus, donc à des valeurs qui découlent plutôt d’une vision aristocratique de la société et de l’homme, aristocratique au sens philosophique du terme évidemment...

La démocratie est donc omniprésente et

même hypertrophiée dans notre vision du monde occidentale et moderne ; mais paradoxalement ce concept qui a pris une importance faramineuse, moderne rival de Dieu, est étrangement flou et fuyant et en fin de compte personne ne sait trop bien en quoi réside cette fameuse « démocratie » !

Essayons donc d’y voir plus clair. Laissons

là l’imagerie d’Epinal sortie du discours révolutionnaire, à l’usage des enfants des écoles, des étudiants laborieux et des foules crédules, pour tenter de pénétrer la réalité des choses.

Il faut tout d’abord réfléchir à cette

constatation que le publiciste italien Mosca avait fait dès la fin du XIXeme siècle : dans les systèmes démocratiques disait-il, les minorités organisées l’emportent nécessairement sur la majorité désorganisée. L’auteur y décrit comment de tout temps les oligarchies se sont partagé le pouvoir, quelque soit le régime politique et répond par avance à une objection : « …Si l’on comprend sans difficulté qu’un homme seul ne saurait commander une masse s’il n’est en elle une minorité qui le soutienne, il est assez difficile d’admettre comme un fait constant et naturel que les minorités commandent aux majorités plutôt que celles-ci à celles-là. Or, c’est là un de ces points, comme il en est tant dans toutes les autres sciences, où l’apparence première des choses est contraire à leur réalité. Dans les faits, il est fatal qu’une minorité organisée, qui obéit à un élan unique, l’emporte sur une majorité désorganisée. La force de la minorité, quelle qu’elle soit, est irrésistible face à tout individu de la majorité, qui se trouve seul face à la totalité de la minorité organisée ; et dans le même temps, on peut dire que celle-ci est organisée précisément parce qu’elle est une minorité. »

Ce constat lucide permet de comprendre un certain nombre d’aspects paradoxaux des régimes démocratiques ; il explique sans doute le déphasage chronique qui existe dans ces

régimes entre la dogmatique officielle et la réalité du pouvoir. L’analyse de Mosca est de nature à répondre à beaucoup de nos interrogations sur le fonctionnement de ce qu’il est convenu d’appeler « les Grandes Démocraties »…

La démocratie serait donc une fiction,

elle-même au service d’oligarchies organisées ; elle serait même, plus subtilement encore, un système d’occultation du pouvoir. Au fond, la question ne serait donc pas tellement de choisir entre un régime démocratique et un régime aristocratique, mais entre un régime où l’élite se dissimule derrière le masque de la majorité et de la volonté commune (la démocratie) et un régime où l’élite opère au grand jour (la monarchie et les Etats aristocratiques)…

Cette réflexion amène alors à deux

autres questions embarrassantes qui pourraient donner lieu à une réflexion à la fois sociologique et philosophique :

1) pourquoi certaines élites éprouvent-t-elles le besoin de se dissimuler ?

2) quelles sont celles dont l’autorité est légitime pour commander aux hommes ?

Mais ces questions nous emmèneraient

trop loin et pour l’heure nous nous contenterons de procéder à une sorte de radiographie du système démocratique puisque son apparence ne correspond pas nécessairement à son contenu.

On peut alors poser trois questions embarrassantes mais pourtant tout à fait actuelles, à savoir :

I - Sommes nous en démocratie ?

La question est d’une affligeante

banalité car on la pose presque à tous les coins de rues. Et pourtant on peut lui apporter des réponses contradictoires. Tout dépend en effet de la manière dont on a défini préalablement la démocratie, car le terme est aujourd’hui si vague qu’il peut

- « Sommes nous en démocratie ?»(I), - « A quoi sert la démocratie ? » (II) - « A quelles conditions peut-elle fonctionner ? » (III).

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La démocratie La Démocratie, ou état démocratique, est l’état naturel des sociétés simples où la diversité des conditions est peu marquée ; ou bien encore l’état arbitraire de celles où les conditions sociales sont réputées sans rapport avec les fonctions politiques. Elle est ainsi tantôt dans la nature des choses, tantôt au rebours de celle-ci, tantôt une vérité, tantôt un contresens. On la trouve, par cette raison, tantôt à l’origine des sociétés, tantôt à leur fin, rarement à l’apogée de leur développement historique. Ainsi les pasteurs de la steppe, les paysans de la montagne, et d’une manière générale les populations exclusivement composées de laboureurs ou de pécheurs, c’est-à-dire de familles vouées au travail manuel et aux professions sédentaires, comme celles de la Suisse, de la Norvège, de la Serbie, vivent naturellement à l’état démocratique. Historiquement, à mesure que les conditions sociales se différencient, les fonctions sociales se compliquent, et celles de ces fonctions qui supposent une éducation traditionnelle et la disposition de certains moyens d’action sont l’origine de fonctions politiques héréditaires. Ces fonctions venant à leur tour à se compliquer avec les besoins de la société par le développement de la civilisation, il se crée, à côté de l’aristocratie, une bureaucratie d’employés habiles et une ploutocratie de spéculateurs heureux, qui se substituent peu à peu à celle-ci en paraissant d’abord se fondre avec elle, pour fournir l’une les rouages de l’État, l’autre l’huile qui fait marcher ces rouages. Quand le mécanisme ainsi bien graissé a joué un temps suffisant, il n’a plus laissé subsister d’autorités sociales naturelles, de corporations autonomes, de familles unies et indépendantes, et la société revient à l’état démocratique. Mais comme elle n’a plus alors les moeurs simples et les principes austères de la démocratie primitive, la discipline du foyer, l’attachement au sol et à la profession, elle ne présente plus de base d’organisation et devient ingouvernable, chacun prétendant y être maître et personne ne voulant y servir. C’est ce que montre l’histoire des républiques grecques, de l’empire romain et de plusieurs peuples modernes.

Etudes sociales et politiques par René de la Tour du Pin

englober des choses très différentes. Première définition possible, la démocratie

serait synonyme « d’Etat de droit ». C’est la conception la plus large, celle que

l’on retrouve souvent dans les Etats anglo-saxons. La démocratie est ici entendue dans son aspect juridique, à savoir la défense des libertés fondamentales et des droits de l’homme. On est tenté alors de répondre par l’affirmative : nous vivons biens dans une démocratie puisque nous pouvons organiser librement des réunions politiques, que nous ne pouvons être arbitrairement incarcérés, que nos propriétés sont reconnues et protégées, etc…

Mais une analyse un peu plus approfondie conduit à relativiser cette affirmation :

- Tout d’abord le système démocratique

ne protége pas toujours l’Etat de droit ; il recèle parfois même des tentations totalitaires. On l’a vu dans le passé, les débordements de la Révolution française en constituent l’illustration. Plus récemment la prise du pouvoir par Hitler résultait d’un processus parfaitement démocratique.

Et même de nos jours, ce qu’il est convenu en France d’appeler « notre

démocratie » manifeste depuis quelques temps des dérives éminemment fâcheuses. Par exemple en 1990, la loi « Gayssot » a décidé de frapper de sanctions correctionnelles tous ceux qui contestaient publiquement les crimes reconnus comme tels par le Tribunal International de Nuremberg à la fin de la seconde guerre mondiale. Puis en janvier 2005 une autre loi a été votée qui punit désormais de peine correctionnelle les personnes qui tiennent en public des propos « homophobes », autrement dit hostiles à l’homosexualité, sans que l’on sache très bien comment définir ce terme…Enfin fin 2006 l’Assemblée Nationale a voté en première lecture une proposition de loi qui vise à punir de peine de prison ceux qui remettent en question la réalité du génocide arménien…

Cette manière de légiférer n’a rien à envier aux Etats totalitaires qui imposent une vérité officielle qu’il est interdit de contester. Beaucoup s’en sont émus, même à gauche puisqu’à l’initiative du journal « Libération » un certain nombre d’historiens de renom ont signé une pétition intitulée « Liberté pour l’histoire » qui a recueilli plus de 500 signatures. De leur coté, de nombreux professeurs de droit ont également signé une pétition pour réclamer l’abrogation des lois « mémorielles » qui créent

en fait des délits d’opinion… On imagine aisément en effet les excès

auxquels peuvent donner lieu de tels précédents législatifs : dans deux ans, dans cinq ans, dans dix ans le Parlement décidera-t-il de punir des même peines correctionnelles ceux qui critiqueront ouvertement l’immigration, la construction européenne ou encore la démocratie elle-même, ce qui placerait la présente contribution hors la loi ?... On n’en est pas là évidemment, mais on parle déjà d’interdire tout propos qui serait susceptible de justifier la colonisation…Il n’y a que le premier pas qui coûte dit-on, et ce premier pas a été franchi en 1990 avec la loi « Gayssot » qui a vu le premier accroc à la liberté d’expression et à la libre recherche scientifique.

C’est un exemple qui montre que la

démocratie ne se confond pas nécessairement avec la liberté et la défense de l’Etat de droit.

- Une seconde observation vient étayer

cette analyse. L’histoire montre que les libertés publiques et les droits subjectifs ont également été défendus par d’autres formes d’Etats de droit que les Etats démocratiques, puisque tout au long de leur histoire les monarchies européennes ont offert des garanties politiques et juridiques à leurs sujets. Ainsi en France sous l’Ancien Régime, même si les libertés publiques n’étaient pas ce qu’elles sont aujourd’hui, on protégeait la liberté d’association, le droit de propriété, la liberté d’aller et venir, la liberté contractuelle, la liberté de se marier et de fonder une famille, etc.…

De même au XIXeme siècle, des Etats aristo-monarchiques comme l’Empire

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La République, VIII, 557b – 558 b. « Eh bien !A mon avis, la démocratie apparaît lorsque les pauvres, ayant emporté la victoire sur les riches, massacrent les uns, bannissent les autres, et partagent également avec ceux qui restent le gouvernement et les charges publiques ; et le plus souvent ces charges sont tirées au sort. (…) Maintenant, voyons de quelle manière ces gens-là s’administrent, et ce que peut être une telle constitution. Aussi bien est-il que l’individu qui lui ressemble nous découvrira les traits de l’homme démocratique. En premier lieu, n’est-il pas vrai qu’ils sont libres, que la cité déborde de liberté et de franc-parler, et qu’on y a licence de faire tout ce qu’on veut ? Or il est clair que partout où règne cette licence chacun organise sa vie comme il lui plaît. On trouvera donc, j’imagine, des hommes de toute sorte dans ce gouvernement plus que dans aucun autre. Ainsi, il y a chance qu’il soit le plus beau de tous. Comme un vêtement bigarré qui offre toute la variété des couleurs, offrant toute la variété des caractères, il pourra paraître d’une beauté achevée. Et peut-être beaucoup de gens, pareils aux enfants et aux femmes qui admirent les bigarrures, décideront-ils qu’il est le plus beau. Et c’est là qu’il est commode de chercher une constitution, parce qu’on les y trouve toutes, grâce à la licence qui y règne ; et il semble que celui qui veut fonder une cité, ce que nous faisions tout à l’heure, soit obligé de se rendre dans un Etat démocratique, comme dans un bazar de constitutions, pour choisir celle qu’il préfère, et d’après ce modèle, réaliser ensuite son projet. Dans cet Etat, on n’est pas contraint de commander si l’on en est capable, ni d’obéir si l’on ne veut pas, non plus que de faire la guerre quand les autres la font, ni de rester en paix quand les autres y restent, si l’on ne désire point la paix ; d’autre part, la loi vous interdit-elle d’être magistrat ou juge, vous n’en pouvez pas moins exercer ces fonctions, si la fantaisie vous en prend. N’est-ce pas une condition divine et délicieuse au premier abord ? (…) Tels sont les avantages de la démocratie. C’est un gouvernement agréable, anarchique et bigarré, qui dispense une sorte d'égalité aussi bien à ce qui est inégal qu’à ce qui est égal. »

Platon

allemand ou l’Empire Austro-Hongrois ont défendu très efficacement les principales libertés publiques, et n’ont pas hésité à introduire le suffrage universel. Ils ont en outre été les premiers à mettre en place un système de protection sociale inexistant chez nous à cette époque…Enfin, on pourrait faire observer qu’en Angleterre la défense des droits de l’individu avec notamment « l’habeas corpus » est bien antérieure à l’avènement de la démocratie politique.

- Plus fondamentalement enfin, la

démocratie ne se confond pas avec le libéralisme ou l’esprit de tolérance car rien n’interdit à la majorité d’opprimer la minorité dès lors que cette majorité est détentrice de la souveraineté politique. Certes, les démocraties libérales s’efforcent d’empêcher ces abus et posent des garde-fous notamment sur plan juridique et institutionnel, mais ceux-ci constituent précisément une limitation du principe démocratique au nom d’autres impératifs jugés prioritaires : la liberté individuelle, le droit des minorités, la tolérance, le respect de la personne humaine, etc... Or ces impératifs auxquels se soumet le régime ne sont pas nécessairement eux-mêmes liés au concept de « démocratie », mais à une conception plus large de la Civilisation.

Bref, l’Etat démocratique n’est qu’une forme d’Etat de droit parmi d’autres. Comme d’autres il peut aussi dériver vers des atteintes aux libertés et l’histoire montre qu’il suffit d’une crise et d’un concours de circonstances économiques, sociales, militaires, voire simplement électorales pour qu’un parti révolutionnaire puisse être porté au pouvoir. La démocratie n’est donc pas toujours synonyme d’Etat de droit et nos libertés sont peut être davantage liées à notre tradition historique qu’à la forme actuelle du gouvernement.

Dans une telle perspective, la question de savoir si l’on est ou non en démocratie est assez secondaire…

Deuxième définition possible, la

démocratie serait « le gouvernement du Peuple, par le Peuple, pour le Peuple ».

Cette seconde définition est issue de la Révolution française et de l’idéologie égalitaire et on la retrouve d’ailleurs dans la Constitution de la Ve République ; elle est plus étroite que la précédente et correspond à l’aspect politique du régime démocratique. Elle est souvent mise en avant par les politiciens de droite comme de gauche qui aiment à se replonger dans la mystique révolutionnaire, source présumée de légitimité électorale.

Une telle définition conduit à donner à la question qui nous occupe une réponse brutale,

mais que nous croyons lucide. Pour le philosophe René Guénon, « le

gouvernement du Peuple par lui-même est une véritable impossibilité, une chose qui ne peut pas même avoir une simple existence de fait, pas plus à notre époque qu’à une autre ». Autrement dit, nous ne sommes pas en démocratie puisque le Peuple est un corps impuissant qui sera toujours gouverné en fait par des élites. On pourrait même ajouter que non seulement nous ne sommes pas en démocratie, mais que nous n’y serons jamais compte tenu de l’impossibilité absolue pour ce Peuple de se gouverner de manière autonome, faute de disposer comme un individu de conscience, de volonté et de réflexion.

L’affirmation est sans doute cruelle pour nos contemporains et ne peut de prime abord que heurter leur sensibilité égalitaire. Mais on ne manquera pas d’être frappé par le caractère artificiel de la théorie de la volonté générale qui constitue un des principaux piliers de la doctrine démocratique. En réalité la volonté générale supposerait l’unanimité ce qui est impossible en pratique et cette prétendue volonté générale n’est autre qu’une volonté majoritaire, ce qui n’est pas du tout la même chose. En outre, cette volonté majoritaire est elle-même fictive puisque désormais dans les grandes démocraties ce sont parfois les abstentionnistes et les protestataires qui sont en réalité majoritaires !

Dès lors, la « volonté générale » n’est rien d’autre que la volonté de la minorité la plus forte et la mieux organisée, ce qui nous renvoie à l’analyse de Mosca, évoquée au début de cette contribution.

Ce n’est que de manière exceptionnelle et dans des périodes de crise extrêmement graves que le Peuple peut manifester une

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volonté à peu près claire: c’est par exemple le ralliement massif des français au Général De Gaulle à la fin des année 1950 ; ou celui au Maréchal Pétain en 1940… Ce qui montre d’ailleurs que pour être claire dans certaines circonstances, la volonté populaire n’est pas pour autant systématiquement clairvoyante…

Cette seconde définition, utopique, de la

démocratie conduit inéluctablement à une réponse négative à la question posée : nous ne sommes pas en démocratie parce que celle-ci n’existe pas. Elle n’est rien d’autre qu’une fiction idéologique à l’usage des peuples, un habile appareil psychologique et idéologique au service des oligarchies au pouvoir.

En outre on sait avec Aristote et Montesquieu que la démocratie tend à se corrompre de deux manières, soit en dérivant vers l’anarchie, c'est-à-dire la lutte de tous contre tous, soit en dérivant vers la ploutocratie, c'est-à-dire vers la dictature des riches. Dans les deux cas, le régime se dégrade et aboutit à la loi du plus fort, du plus rusé et du plus cynique.

Or l’évolution des régimes démocratiques contemporains révèle hélas que ces deux corruptions sont toujours d’actualité : le lien social s’est altéré et la société tend à être dominée par la violence et les rapports de force (anarchie). Parallèlement le monde occidental est désormais dirigé par des puissances économiques et financières (ploutocratie) bien visibles à travers la mondialisation. Ainsi dans un article paru dans le journal « Le Monde » le 16 novembre 2001, notre éminente collègue Mireille Delmas-Marty n’hésitait pas à écrire : « Le monde est gouverné par une ploutocratie cosmopolite suffisamment flexible et mobile pour marginaliser à la fois les Etats, les citoyens et les juges ».

Dès lors, face à la réalité de ces dérives les pessimistes auront tendance à répondre : « nous sommes bien en démocratie puisque nous baignons dans un climat d’anarchie et de ploutocratie ».

Enfin les cyniques « in peto » ajouteront peut-être «…et c’est fort bien comme cela puisque nous y trouvons notre compte…».

Nous ne sommes plus loin du « dernier homme » dont parlait Nietzsche.

Décidément la question naïve « sommes

nous en démocratie » conduit déjà à des réponses bien embarrassantes… Mais tout n’est pas encore dit car il est une troisième manière de définir la démocratie.

Troisième définition possible, la

démocratie serait la participation des individus à la vie politique.

Cette troisième définition renvoie à l’aspect sociologique de la démocratie, compris comme la volonté de chaque individu de participer aux processus décisionnels. La question revient alors à s’interroger sur la possibilité pour l’homme de maîtriser son destin à travers le destin collectif. A cette question, la réponse est pour le moins surprenante pour ne pas dire paradoxale.

- Dans l’état actuel des choses, c'est-à-dire

dans les régimes de démocratie représentative comme le sont les grands pays industriels, la possibilité pour un homme ordinaire d’influer sur l’évolution de la société est extrêmement faible pour ne pas dire inexistante. Cela explique en grande partie l’abstention fréquente d’une bonne partie du corps électoral, celle qui est résignée à son impuissance ; de même que le vote protestataire d’une autre partie, celle qui ne l’est pas encore et dont l’exaspération va grandissante à l’endroit des maîtres du jeu, à

savoir les oligarques qui détiennent en fait les leviers de commande.

Cette impuissance a depuis longtemps été dénoncée. Rousseau disait que dans les régimes de démocratie parlementaire « le Peuple est libre un jour (celui des élections) et esclave cinq ans (entre les échéances électorales) ». Charles Péguy quant à lui parlait « du droit de vote cette fraction impuissante du pouvoir ».

Pourquoi cette impuissance ? Elle est inéluctable et liée à la nature même des choses : à la différence des sociétés aristocratiques dans lesquelles la liberté est conçue comme une prérogative ou un droit que tel individu ou telle communauté peut opposer à l’Etat, dans les sociétés démocratiques elle est conçue comme la participation à la décision politique. Or les choses étant ce qu’elles sont, cette liberté se réduit mathématiquement avec le nombre des participants. La fraction de la souveraineté qui était d’environ 1/400e pour les membres de l’Aréopage, l’assemblée politique d’Athènes, ne sera plus évidemment que de 1/500 000 000e dans le cadre d’un empire comme la Communauté européenne. Autant dire qu’elle sera purement verbale et laissera le champ libre aux puissantes oligarchies médiatiques, financières et bureaucratiques que nous évoquions précédemment.

Dans un système qui postule la liberté et l’égalité de ses membres, l’influence de l’individu se dilue inexorablement dans le nombre. Elle est comme un faisceau de lumière qui se perd dans l’immensité des ténèbres...

Certes ce pouvoir dilué à l’extrême a-t-il néanmoins son utilité puisque de temps à autres un sentiment commun soulève ce corps électoral et met en échec les grandes visées des oligarchies au pouvoir ; on l’a vu

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La démocratie ou régime de la compétition légale pour le pouvoir suprême, la démocratie ou régime de l’élection du chef (ou des chefs), est essentiellement fin du peuple et fin de civilisation. Régime qui ne parvint point à défendre Athènes de la Macédoine. Régime qui ne réussit point à sauver Rome des Barbares. Régime qui effondra la Pologne entre Frédéric, Catherine et Marie-Thérèse, ses diviseurs. Et pourtant, socialement, ethniquement, intellectuellement, le Polonais était bien supérieur au Russe, au Prussien et à l’Autrichien. L’histoire, purgée de ses fables, nous apprend que le Germain était bien inférieur au Romain. Le Macédonien n’était rien devant l’Athénien. Mais ces belles races dont la gloire a longtemps survécu à la ruine de leurs États, ces races de grand avenir eurent des idées politiques et sociales sans avenir. En revendiquant la liberté de compétitions personnelles contre l’évidente nécessité de maintenir d’abord leur groupe social, elles ont perdu l’indépendance du groupe avec celle de l’individu par-dessus le marché. C’est le type achevé de la mauvaise affaire.

Charles Maurras – Nos raisons contre la république

il n’y a pas si longtemps avec certains référendums ou certaines élections…Mais ces démentis électoraux, pour cinglants qu’ils soient, n’influent que partiellement sur le cours des choses : ils interviennent souvent trop tard, de manière ponctuelle et leur effet est considérablement amorti par la collusion de fait des grands partis au pouvoir. Tout au mieux est-on en présence d’une soupape de sûreté ; en aucun cas d’une implication du citoyen dans la décision politique.

En définitive, le prétendu « déficit démocratique » dont on nous rebat les oreilles est beaucoup plus structurel que fonctionnel ; il tient paradoxalement à la conception démocratique elle-même, c’est à dire quantitative et égalitariste de la société.

- Il n’est possible de remédier à cette

impuissance que de deux manières : soit en limitant le mécanisme démocratique à de très petites entités politiques comme les cantons suisses dans lesquelles l’influence de l’électeur retrouve son poids ; soit en abandonnant les postulats de liberté et d’égalité chers aux régimes occidentaux modernes au profit d’une conception inégalitaire et aristocratique qui fait dépendre l’influence des individus dans la vie publique d’un multiplicité de facteurs : la profession, la compétence, la condition sociale, la famille, la culture, la motivation personnelle, etc.…En admettant que tous ne peuvent gouverner on peut alors permettre à certains d’avoir sur la vie publique une influence notable et parfois décisive.

On peut aussi combiner les deux remèdes en organisant de petites entités politiques à caractère démocratique où tout individu dispose d’une certaine influence, à l’intérieur d’un système aristocratique où le rôle des individus est inégalitaire. C’est un peu l’idée du régime mixte d’Aristote qui a pu fonctionner

avec profit dans certains Etats : la République romaine, l’Empire allemand, l’Empire Austro-Hongrois, et bien sûr aussi la Monarchie française à certaines époques de son histoire. Maurras lui-même, ce grand pourfendeur de la démocratie, n’y était pas hostile lorsqu’il préconisait « la monarchie en haut, les républiques en bas » !

A la réponse à la question « sommes

nous en démocratie ? », la réponse est donc comme nous l’avons dit paradoxale : ce qui entrave la possibilité des individus d’influer sur leur destin collectif, donc ce qui paralyse l’accès réel à la vie politique et le pouvoir concret des citoyens, ce sont précisément les dogmes universalistes et égalitaristes de la démocratie ! Ce qui nous amène à nous demander à quoi sert la démocratie.

II - A quoi sert la démocratie ?

Encore faut-il, une fois de plus, savoir de

quoi l’on parle car la démocratie se présente tantôt comme un dogme, tantôt comme une pratique.

Utilité de la démocratie comme dogme ou

comme idéologie ? Au risque de paraître décidément

provocateur et de choquer certains, nous sommes convaincus pour notre part qu’en tant que dogme à caractère sacré, en tant que religion des temps modernes, la démocratie non seulement ne sert rigoureusement à rien,

mais encore risque d’avoir un effet franchement nocif en distillant dans le corps social des ferments de jalousie et de haine à l’endroit de ceux qui ont une position sociale supérieure.

En outre cette idéologie postule la supériorité de la quantité sur la qualité, de la masse sur l’individualité, du non-sens sur le sens, du relativisme absolu sur la recherche de la vérité. Elle postule aussi que la majorité a toujours raison et que la minorité doit nécessairement s’incliner, ce qui est contraire au développement de la civilisation, heurte le bon sens le plus élémentaire et risque de provoquer des régressions inacceptables. On sait aujourd’hui que la politique criminelle menée par Adolphe Hitler était soutenue, en tout cas dans ses débuts, par une large majorité d’allemands. Une majorité d’erreurs ne fera jamais une vérité !

Pour notre part nous voyons dans l’idéologie démocratique un système à la fois faux et pernicieux, une erreur intellectuelle fondamentale de l’homme moderne à l’instar du marxisme-léninisme et du national-socialisme, autres grandes idéologies matérialistes et réductrices de l’occident contemporain. Cette idéologie est en outre à l’origine du phénomène de confiscation du pouvoir par les oligarchies que nous avons évoqué dans notre première partie.

Si la divinisation de la démocratie est perverse, en revanche il n’en va pas de même de sa pratique bien comprise.

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Utilité de la démocratie comme pratique ? Nocive en tant que philosophie

universaliste, la démocratie est en revanche fort utile quand on la remet à sa place et qu’on la conçoit comme un mode d’exercice du pouvoir ou un mode d’organisation sociale parmi d’autres.

L’histoire européenne montre en effet que dans nos sociétés le pouvoir a été lié tantôt à l’hérédité (autrement dit à une idée de propriété familiale), tantôt à la compétence, tantôt enfin à l’élection. Le pouvoir est donc soit monarchique, soit aristocratique (au sens aristotélicien de l’élite), soit démocratique. Or il est indiscutable que la pratique démocratique a un effet positif dans un certain nombre de cas, ne serait-ce que parce qu’elle constitue un contrepoids aux autres sources du pouvoir.

La pratique démocratique constitue tout

d’abord un instrument de contrôle de l’état de la société et une véritable soupape de sûreté lorsque les élites qui sont en charge de la nation s’égarent. L’absence de représentation électorale est probablement une des causes de la Révolution française puisque le Roi ne disposait d’aucun moyen pour connaître l’état véritable de l’opinion publique. Certains historiens estiment même que si le suffrage universel, qui est par nature conservateur, avait existé en France dès la fin du XVIIIe siècle, aucune des révolutions ultérieures n’aurait eu lieu.

C’est ce mécanisme d’auto-sécurité, cette soupape de sûreté qui a permis à la Grande-Bretagne au début des années 1980 de rompre avec les dérives dangereuses d’une sociale-démocratie délétère et au gouvernement de Mme Thatcher d’initier un spectaculaire redressement économique.

Mais encore faut-il que la soupape de sûreté soit encore en état de fonctionner,

autrement dit que l’alternance ne soit pas fictive...

Deuxième avantage lié à l’introduction de

mécanismes démocratiques dans la société, l’amélioration de la mobilité sociale. La faiblesse des sociétés aristocratiques tient souvent au fait qu’elles tombent dans l’immobilisme d’un système de castes sclérosé. A l’inverse le libre accès aux fonctions et la possibilité de promotion sociale rapide permet de faire émerger des talents individuels en grand nombre qui seraient restés figés et endormis dans un système dominé par les hiérarchies traditionnelles.

Les institutions électives et démocratiques, comme celles fondées sur la compétence individuelle, jouent donc un rôle d’accélérateur social. Au contraire l’hérédité des fonctions et des positions joue un rôle de stabilisateur social. Les deux présentent des avantages et des inconvénients ; il faut savoir les combiner comme ont su le faire les anglais pendant des siècles.

Troisième avantage, les pratiques

démocratiques, du moins lorsqu’elles sont comprises de manière à la fois modérée et loyale, permettent l’implication des individus dans la vie publique et sociale. Dans la France du XVIIeme siècle, l’activité économique était faible et les progrès de l’instruction publique modeste. Une personne sur deux savait lire et écrire avant la Révolution et il y avait peu d’échanges. Avec la révolution industrielle et le développement économique, on entre dans des sociétés mobiles dotées d’un fort dynamisme propre qu’il n’est plus possible de gouverner « ex cathedra » à la manière d’un Richelieu ou d’un Louis XIV. C’est ce tournant de la modernité que la monarchie française a été malheureusement incapable de prendre.

L’utilisation d’institutions démocratiques adaptées aux circonstances et en particulier à l’échelle locale permet d’améliorer le fonctionnement de l’Etat par une sorte de processus d’autogestion dont on voit des exemples en Suisse. C’est autant de charge en moins pour l’Etat central qui est alors dispensé de l’obligation de tout régenter et qui peut se concentrer sur les grandes orientations de la nation.

Un autre avantage encore est de permettre à l’individu de s’impliquer dans un projet collectif qu’il fait sien, sans que celui-ci ne lui soit imposé de manière hiérarchique par les élites au pouvoir, puisque élites il y aura toujours quelque soit la forme de l’Etat.

Tous ces avantages sont réels. Mais il

ne faudrait pas croire que seules les pratiques démocratiques sont vertueuses. Les pratiques aristocratiques peuvent l’être tout autant lorsqu’elles aussi sont intelligemment comprises : le dépassement de soi, le sens de l’honneur et du devoir, la générosité, le mépris de l’argent, l’élitisme et le raffinement des mœurs, l’originalité et la créativité individuelle apportent autant à la société que les pratiques démocratiques.

En vérité la folie de l’homme moderne est d’opposer ce qui devrait être complémentaire. Mais là n’est pas notre sujet et puisque nous avons résolu d’ausculter ici la démocratie. Voyons maintenant à quelles conditions elle peut fonctionner ?

III - A quelles conditions la démocratie

fonctionne-t-elle ? Les deux premières parties de cet

exposé sont de nature à surprendre le lecteur car elles conduisent à une vision paradoxale ou en tout cas inhabituelle des faits sociaux. Il en ressort que la démocratie conçue comme un projet révolutionnaire destiné à changer le monde et la société est une utopie impraticable et néfaste qui n’a d’ailleurs aucune existence tangible. Mais il en ressort aussi que la technique démocratique qui consiste à prendre en compte les courants sociaux, à reconnaître leur existence et à développer l’autonomie des individus et des collectivités est indiscutablement utile.

Et le paradoxe continue lorsque nous constatons que cette pratique ne peut fonctionner convenablement qu’à des conditions précises tout à fait contraire au messianisme démocratique « grand public».

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La démocratie n’est pas un fait. La démocratie est une idée. Cette idée inspire des lois. Et ces lois et ces institutions se révèlent de jour en jour plus désastreuses, destructives et ruineuses, plus hostiles aux tendances naturelles des mœurs héréditaires et des coutumes d’un grand peuple, au jeu spontané des intérêts et au développement du progrès. Pourquoi ? Parce que l’idée démocratique est fausse, en ce qu’elle est en désaccord avec la nature. Parce que l’idée démocratique est mauvaise en ce qu’elle soumet constamment le meilleur au pire, le supérieur à l’inférieur : au nombre la qualité, c’est-à-dire la compétence et l’aptitude. Les défenseurs de la démocratie, ceux qui ne manquent point tout à fait de sens et d’intelligence, sont des mystiques : leur opinion ne se soutient que par un mélange de rêveries et d’impulsions véritablement subjectives. Ni l’histoire des hommes, ni l’étude de leur nature ne permettent d’adhérer au démocratisme, comme à un principe supérieur.

Charles Maurras – Nos raisons contre la république Première condition : un cadre strict : La pratique de la démocratie suppose, on

l’a déjà dit, une petite structure politique à taille humaine afin que le rôle de l’individu y soit effectif. Dans de petits Etats comme la Suisse, cette condition peut être remplie, mais dans les grands Etats, peuplés de plusieurs dizaines ou centaines de millions de personnes ce n’est plus le cas. Il faut alors l’implanter à l’échelle locale grâce à un système décentralisé qui favorise les libertés locales et l’autonomie des petites entités, ce qui pose la question du contrôle de l’Etat sur cette mosaïque politique.

Un autre cadre possible aux pratiques démocratiques peut être fourni par une structure aristocratique et inégalitaire. A ce moment là, des autorités arbitrales liées à la tradition, à la compétence ou à l’hérédité peuvent prévenir les éternelles dérives du système démocratique, à savoir l’anarchie, le clientélisme et la démagogie. C’est l’idée du régime mixte que nous avons déjà évoquée précédemment.

L’idée n’est pas nouvelle puisque Aristote la développait déjà et l’un des succès de la Monarchie française à son apogée fut sans doute de savoir concilier l’autorité du Roi avec les innombrables libertés locales. On oublie un peu vite que sous l’Ancien Régime les fonctions étaient électives chaque fois qu’elles n’étaient pas réservées à certaines catégories de personnes en raison de leur naissance ou de leur compétence...

A l’inverse, il n’y a rien de plus défavorable au développement de la démocratie que les vastes Etats aux contours flous et mal délimités ou l’homme se sent perdu et dépassé par les événements.

Deuxième condition : un population unie et cohérente :

La démocratie implique que les électeurs qui vont tenter de concourir à une volonté

commune aient un certain nombre de choses en commun et ne constituent pas des communautés hostiles qui cherchent à imposer leur point de vue par la loi du plus fort. Pendant très longtemps cette condition était remplie dans les nations européennes, et c’est encore le cas en Suisse en raison de l’histoire à part de ce petit pays à la population homogène en dépit des différences linguistiques et religieuses.

Mais dans les autres pays d’Europe ouverts à toutes les religions, les ethnies et les cultures, où les mouvements de population sont de plus en plus importants et où l’individualisme est prédominant, ce fond commun a disparu en grande partie. On dit que Rousseau avait conçu son système politique et sa théorie de la volonté générale en pensant à la République de Genève telle qu’il l’avait connu dans son enfance. Est-il sérieusement envisageable de transposer un tel système à un empire cosmopolite et multinational comme l’Union Européenne ? C’est la grande interrogation de notre collègue Pierre Manent, Professeur à l’Institut d’Etude Politique de Paris, qui se demande si la démocratie est possible sans le cadre de la nation traditionnelle.

Troisième condition : un contrôle effectif par l’électeur :

La démocratie n’est intéressante que si l’électeur a l’impression qu’il a un pouvoir véritable et que les dés ne sont pas truqués. C’est une évidence, mais il est bon de la répéter lorsque l’on voit certaines dérives de la Veme République en France.

Dès lors, moins il y a d’intermédiaires entre l’électeur et le pouvoir, mieux la démocratie fonctionne. A l’inverse, plus il y a d’intermédiaires, plus elle court le risque de dégénérer.

La démocratie directe présente donc des avantages indiscutables par rapport à la

démocratie représentative qui déforme la volonté des électeurs et crée des oligarchies parasites qui prétendent exprimer la volonté du Peuple mieux que le Peuple lui-même. C’est ainsi que des pratiques telles que le référendum d’initiative populaire, le mandat impératif donné aux représentants, ou le droit pour la population de contrôler directement l’emploi des fonds publics pourrait être utilement introduits dans les institutions. Or la plupart des hommes politiques y sont hostiles car ils redoutent à tort ou à raison de tomber dans l’anarchie et le « populisme ».

En réalité, la crainte qu’inspire la démocratie directe n’est légitime que lorsque l’on prétend tirer toute la légitimité politique de la volonté populaire, ce qui nous ramène une fois de plus au caractère dangereux de l’idéologie démocratique. Car avec la démocratie directe l’Etat risque en effet de devenir ingouvernable. En revanche, si des éléments de démocratie directe sont insérés dans un système politique qui reconnaît l’existence d’autres formes de légitimités politique, le risque est bien moindre du fait de ces contrepouvoirs.

Montesquieu ne se serait pas exprimé différemment, lui qui voulait que « le pouvoir arrête le pouvoir ».

Conclusion : La démocratie telle qu’elle est entendue

dans les grands Etats occidentaux est en grande partie un système fictif, une construction intellectuelle artificielle qui repose sur le mythe de la «volonté générale».

Force est de constater en pratique que la volonté majoritaire du corps électoral est très souvent méconnue ou trahie par ceux

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« Un homme qui travaille à assurer sa dynastie, qui bâtit pour l'éternité est moins à craindre que des parvenus pressés de s'enrichir et de signaler leur passage par quelque action d'éclat. » « Il faut avoir vécu dans cet isoloir qu'on appelle Assemblée nationale, pour concevoir comment les hommes qui ignorent le plus complètement l'état d'un pays sont presque toujours ceux qui le représentent. »

P-J Proudhon

qui ont pourtant pour mission de la servir ; que cette volonté majoritaire est improprement appelée « volonté générale » et qu’elle est en outre éminemment changeante et manipulable comme le révèlent les innombrables alternances qui jalonnent l’histoire des démocraties occidentales.

Le succès de ce système fictif n’est pas dû à son efficacité et à sa vertu mais seulement au fait qu’il est parvenu à incarner, à la suite de toutes sortes de circonstances historiques et de guerres, une tendance fondamentale des sociétés modernes qui est le besoin d’émancipation des individus lorsque ceux-ci commencent à se développer économiquement. Bertrand de Jouvenel remarquait que la volonté d’échapper à sa condition est l’un des grands moteurs de l’humanité.

Mais, et c’est là le formidable paradoxe des temps modernes, cette émancipation s’est vite avérée illusoire et utopique, de telle sorte que les oligarchies ont rapidement compris comment contrôler ce mouvement et même comment l’instrumentaliser.

Ainsi, le succès du régime démocratique tel que nous le connaissons est dû aussi, et pour une large part, au ralliement des élites occidentales qui ont vu tout le parti qu’elles pourraient tirer d’un système qui permettait de diriger le peuple en lui donnant l’illusion qu’il commande. Et d’un système qui de surcroît leur assure l’irresponsabilité puisque c’est la collectivité qui est censé avoir pris les décisions...

En fin de compte, et un peu comme dans

le cas du marxisme, autre illusion de l’homme occidental et autre système erroné, les résultats n’ont pas été à la hauteur des espérances. Le suffrage universel n’a pas eu la vertu miraculeuse d’établir le paradis sur terre, pas plus en France qu’en Irak. Le seul résultat tangible est l’apparition d’une oligarchie politique, médiatique et financière qui refuse de se reconnaître comme telle

parce qu’il lui est devenu commode de se camoufler derrière le paravent de la volonté populaire.

Si l’on veut sortir des dialectiques

absurdes et des faux semblants, il faut d’abord essayer de voir la réalité des relations humaines. La loi n’est pas l’expression de la volonté générale, la loi est l’expression du pouvoir. Or ce pouvoir doit être légitime.

Toute la question est donc de savoir comment dégager le pouvoir légitime. Ce sera une des grandes questions du XXIeme siècle.

Il faut aussi savoir comment obtenir le consentement des individus, puisque pour reprendre la formule de Sieyès, « l’autorité vient d’en haut et la confiance vient d’en bas».

Il faut enfin tenter d’articuler le pouvoir des individus et des collectivités face aux élites qui contrôlent l’Etat pour leur permettre de participer utilement à la vie politique. On pourra à cette fin recourir à des pratiques démocratiques dont nous avons évoqué l’utilité.

En ce qui nous concerne, nous avons

fréquemment exprimé notre préférence pour le régime mixte préconisé par Aristote qui pourrait trouver sa traduction contemporaine dans une monarchie institutionnelle : autrement dit un monarque, une élite, un peuple. C’est une conception traditionaliste, inégalitaire et dans laquelle l’homme ne naît pas libre, mais peut le devenir s’il le veut. Elle est donc délibérément anti-moderne, à contre courant de la pensée contemporaine et hostile au fondamentalisme démocratique, c’est à dire à cette philosophie qui idolâtre le nombre comme nouvelle religion universelle.

Car la démocratie entendue de cette manière excessive et utopique risque fort d’être la dernière illusion de l’homme moderne et les abus que sa passion fanatique et déraisonnée engendreront auront raison de la nation, de la cohésion sociale et au passage de la liberté individuelle.

En revanche il y a de fortes chances pour que la voie du développement véritable réside dans la complémentarité entre les formes traditionnelles du pouvoir, la compétence et l’élection, autrement dit dans un Etat qui valorise son passé pour construire l’avenir.

Enfin après ces considérations socio-

politiques, un peu de droit privé pour finir, puisque ces mélanges sont dédiés à un illustre privatiste.

Le pouvoir aujourd’hui est étroitement

lié à la création de la règle de droit ; celui qui est en mesure d’imposer une norme juridique dispose d’une fraction du pouvoir, ce qui constitue en même temps pour lui un espace de liberté : or on sait que les systèmes juridiques sont le résultat de quatre sources en état d’interaction permanente : le pouvoir politique qui édicte des lois ; le juge qui rend des décisions qui finissent à la longue par former une jurisprudence ; les jurisconsultes dont les avis et réflexions constituent la doctrine ; enfin les sujets de droit eux-mêmes dont les usages constitue les coutumes. Rippert les a appelées les « forces créatrices du droit ».

Dès lors le poids respectif des ces quatre sources de droit dans l’ordre juridique est directement en rapport avec les rapports de forces sociaux-économiques et les libertés dont disposent tant les personnes physiques que les entreprises, quelque soit par ailleurs la forme politique du gouvernement, démocratique ou non. Ainsi un Etat aristocratique dans lequel le droit est coutumier et jurisprudentiel peut donner bien plus de liberté aux sujets de droit qu’un Etat démocratique qui ne reconnaît que la loi comme source de droit, surtout si cette loi est elle-même à la discrétion d’un parti majoritaire tout puissant.

Or l’invocation permanente, obsessionnelle et incantatoire de la «démocratie » dans nos sociétés moderne est précisément un écran de fumée qui permet d’occulter commodément cet aspect fondamental des choses.

Olivier Tournafond

Professeur à l’Université de Paris XII

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Des mots, des maux, démocratie : La Démocratie dans l'Etat, est le privilège des hommes qui veulent

dilapider leur patrimoine et leurs libertés. Selon même Rousseau, c'est un système pour des demi-dieux... Suivant l'observation de la vie, parfaitement antinaturelle. En fait, pour un Etat, c'est l'argument des manipulateurs de foule, pour leur seul profit ?

N'est-elle pas finalement, l'excuse à la plus grande fumisterie de l'histoire permettant à des "Ripoux" de s'approprier le pouvoir afin de "s'engraisser" sur le dos du Peuple gavé de matérialisme. Bernanos disait que « La Démocratie est la forme politique du Capitalisme ». Ce peuple que l'on façonne, que l'on écrase, que l'on haït et dont on "suce" la sève jusqu'à la limite de la révolte mais qui est devenu tellement individualiste et anesthésié, qu'il en a perdu quelquefois le bon sens qui faisait de lui jadis le phare du monde...Démocratie égal Ploutocratie disait Charles Maurras, grand Helléniste en arrivant à la conclusion, après une longue observation historique et politique, que tout compte fait, la Démocratie c'était le mal et la mort...

La démocratie dans l’Etat, devient en fait le tombeau des peuples. Comme le disait Paul Valery : « L’art de la démocratie c’est d’empêcher les hommes de s’occuper de ce qui les regarde et de les faire décider de ce à quoi ils n’entendent rien » Au contraire nous réclamons plus de démocratie dans la commune et la gestion de nos métiers, comme cela existait dans l’Ancienne France. Le peuple d’alors votait beaucoup et décidait directement, forme de démocratie directe, de l’organisation de tous ce qui touchait la proximité de sa vie sociale. Tout cela, avec évidemment les imperfections et la rusticité d’alors, mais l’esprit y était, ce n’est pas les femmes qui votaient avant de perdre ce droit avec nos libertés réelles en 1789, qui me contrediront !!

Nous préférons une saine organisation aristotélicienne humaniste voir Démophile, véritable amour du Peuple, ce qui pour les chrétiens rappels l’esprit des Saints Evangiles. Selon nous, il faut aller vers l’équilibre entre les droits et les devoirs et éviter ainsi le déclin de notre civilisation vers les temps obscurs de la barbarie....

L'histoire est un puits d'expérience où toute mauvaise loi donne telle conséquence. Où tel acte gouvernemental donne tel effet. Où tel système donne tel résultat...La démocratie dans la Grèce antique fut grande parce qu'elle puisait l'héritage monarchique savamment accumulé au fil du temps puis sombra dans le chaos...

Le monde Romain mourra dans un étatisme étouffant... La Révolution détruisit l'Europe monarchique en donnant l'unité à l’Allemagne. Cette paix européenne tissée depuis longtemps par nos rois avec les mariages et le Traité de Westphalie... Avec la république, nous eûmes les conséquences et les invasions de notre sol suivirent...En 1914, la république s’acharna a envoyer, une année de guerre en plus, dans les charniers sanglant, notre jeunesse de France, parce qu’elle désirait détruire la monarchie Autrichienne. Ce n’est plus un secret aujourd’hui et nous savons que depuis 1917, l’Autriche voulait négocier !!

Depuis 1789, nous sommes les "supplétifs" des anglo-saxons, quand aurons-nous une politique française...La république déclencha les guerres d'enfer dont le Golfe aurait pu être un nouveau début. Nous avons d'ailleurs servi une nouvelle fois "Sa très gracieuse Majesté britannique" en garantissant avec nos soldats ses stocks de pétrole. Aujourd’hui, supplétifs du nouvel ordre mondial, en désirant imposer nos modèles de gouvernements, nous jouons aux gendarmes du monde et nos soldats se font tuer en Afghanistan, en Syrie et en Libye, parce que l’on s’estime le droit de s’immiscer dans la politique des autres pays !! Notre diplomatie comme toute notre politique d'ailleurs est au service de "Lobbys" internationaux.

La Démocratie n'existe pas pour les pauvres et les faibles que l'on redécouvre pendant la période de Noël. La société du spectacle se maquille, une fois l'an, de la grâce du "bon Samaritain".

Revenons à la nature qui nous offre tout sauf une société égalitaire,

les espèces vivent dans un équilibre complexe et réglé comme une horloge. Point de gâchis car tout y est mangé et biodégradable. Les animaux ont un chef naturel comme les éléphants ou le cerf de nos forêts, d'égalité point...Une autre règle régie la vie animale, c'est l'incontournable loi de l'espace de vie où plus exactement le territoire d'évolution et de survie de chaque espèce. On s'aperçoit selon certaines études que l'homme est aussi soumis à cette règle fondamentale. Ainsi chaque peuple est fait pour évoluer, vivre et prospérer dans un espace donné. Les études de l’ethnologue Konrad Lorenz ont apportés des lumières sur le comportement animal et humain : « Tout ce que l'homme vénère et révère par tradition, ne représente pas une valeur éthique absolue, mais n'est sacré que par rapport au cadre de référence de telle ou telle culture [...] Si les normes sociales et les coutumes ne développaient pas leur vie et leur pouvoir autonomes particuliers, si elles n'étaient pas haussées à la valeur de fins sacrées en soi, il n'y aurait pas de vie commune basée sur la confiance, pas de foi, pas de loi ». Dehors toutes les théories cosmopolites destinées à détruire l'identité d'un peuple, n'oublions pas que Dieu n'a pas voulu de Babel dans la Genèse. « Le contraire donne irrémédiablement des conflits et les cultures viennent s'affronter pour amener comme résultat la soumission du perdant. La lutte collective d'une communauté contre une autre existe lorsqu'elles comportent trop d'individus pour que ceux-ci puissent se connaître tous individuellement. »

K. Lorenz.

Eloignons nous des dangereuses utopies intellectuelles.

Frédéric Winkler

http://www.madine-france.com/

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Un système à faire désespérer les hommes : « En démocratie, la politique est l’art de faire croire au peuple

qu’il gouverne ». Ce constat, clair et sans circonvolutions politiciennes, n’est évidemment pas de notre temps. Dressé par Louis Latzarus dans son livre La Politique (1928), il décrit pourtant parfaitement l’actuelle « démocratie d’apparence » française, cette lamentable hypocrisie bicentenaire qui ôte au peuple toute possibilité de participation effective à la vie politique, qu’elle soit locale ou nationale d’ailleurs, en lui faisant croire l’inverse par d’habiles et odieuses manipulations.

Georges Bernanos écrivait : « Les démocraties ne peuvent pas plus se passer d'être

hypocrites que les dictatures d'être cyniques ». Il apparaît donc évident que les manipulations politiciennes

forment le socle même de notre système, Démagogie, Populisme et Xyloglossie se partageant le podium des procédés rhétoriques les plus exécrables et les plus usités.

Si odieux qu’ils puissent paraître, ces exercices ne sont pourtant que les arbres qui cachent la forêt, l’actuelle déformation intellectuelle française se chargeant de faire taire les imprudents qui auraient l’outrecuidance d’élever une quelconque protestation face à cette lamentable hypocrisie politique. Dogmatisation de la « démocratie salvatrice des peuples », annihilation complète de tout libre-arbitre, ce « sapere aude » qu’il clame officiellement et méprise officieusement, mise à l’index de tout auteur ou livre « politiquement incorrect» (Maurras, Brasillach et Céline en ont notamment fait les frais récemment) : tout semble bon pour faire taire la voix de la résistance française, la voix de l’intelligence et du bon sens.

L’affligeante «valse d’ego» quinquennale, véritable paroxysme de cette politique, est le point central de ce système : gardant l’apparence d’une démocratie, elle préserve l’oligarchie dirigeante de toute réelle menace, notamment par les « sacro-saintes » 500 signatures, et surtout, met en place le procédé d’inversion tant décrié par Maurras : alors que les citoyens sont censés exercer leur

liberté en votant pour tel ou tel candidat, une fois l’élection passée c’est comme s’ils s’étaient livrés pieds et poings liés aux élus. Ils deviennent impuissants à empêcher les décisions prises en leur nom ou les lois votées par leurs représentants.

De ces hypocrisies républicaines, de ces promesses démagogiques et ces lamentables manipulations politiques, il n’en découle évidemment qu’une profonde désespérance politique du pays réel, un réel désaveu et dégoût pour ce régime qu’il n’a pas le courage de remettre en cause, dogmatisation oblige. Qui n’a pas entendu son voisin s’énerver face aux hypocrisies et promesses démagogiques des candidats à la présidentielle ? Qui n’a pas vu ses amis résignés, se demandant entre eux pour qui ils allaient voter et en sachant pertinemment la futilité de ce geste qu’ils se sentent néanmoins obligés de faire, formatage intellectuel oblige ? Camus ne disait il pas à son époque que « La société politique contemporaine est une machine à faire désespérer les hommes » ?

C’est à ce niveau que le combat royaliste prend tout son sens, et seul le manque de courage ou de formation peut nous empêcher de profiter de l’avenue qui s’offre ainsi à nos idées : en s’appuyant sur les écrits de Maurras, Bainville, Daudet et tant d’autres, n’hésitons pas à faire entendre la voix royaliste autour de nous, à sensibiliser notre entourage à la pertinence royale au XXI°Siècle. Face à cette démocratie d’apparence, face « à cette oligarchie gouvernementale qui sait ce qu’elle veut et qui le veut bien » comme disait le Maître de Martigues, opposons avec la force et la vigueur propres aux Camelots du Roi notre espérance pour la France et notre espoir de redressement national pour notre Patrie.

Augustin DEBACKER

http://franceroyale.e-monsite.com/

Les objectifs de l’ASC : - Combattre le libéralisme économique ainsi que les avatars idéologiques issus du socialisme et du communisme. - Développer un militantisme à tous les niveaux (terrain et internet) - Promouvoir l’enracinement en défendant la base de toute civilisation : la paysannerie, la pêche, l’artisanat, les ouvriers…etc. - Promouvoir la décentralisation du pouvoir en proposant le système monarchique pour sa capacité à mener une politique stable et durable. - Défendre un écologisme désidéologisé répondant aux seuls besoins que la nature nous impose. - Combattre toute forme de pouvoir ou Loi ayant pour objectif la soumission des peuples face au règne de l’argent. - Revaloriser la notion de travail et de responsabilité - Défendre l’histoire de France face aux manipulations historiques de la république et de son avatar : l'Education Nationale - Lutter contre toute forme d'impérialisme de domination mondiale - Développer une stratégie syndicale désidéologisée - Moderniser et développer la doctrine corporative - Participer à des structures sociales

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Deux hommes ? Non, deux institutions (1596 – 1935)

Nous venons de rouvrir un beau livre paru il y a huit ans, mais qui n'a rien perdu de son actualité. Il a pour titre : « Deux époques; deux hommes », et comme sous-titre : « Les sauveurs de l'économie nationale » (Radot, éditeur).

L'auteur est Mme Jeanne Rouvier ; ancien membre du Conseil supérieur du travail.

La première époque comprend la fin du

XVIe siècle et le commencement du XVIIème : la France renaît après les désastres causés par trente années de guerres civiles.

La deuxième époque est l'après guerre de 1914. Si la première époque est caractérisée par le prompt relèvement du pays, c'est, assure Mme Rouvier, parce que nos pères du XVIème siècle finissant eurent la chance de rencontrer un homme de génie : Barthélémy Laffemas. Au contraire, nos difficultés présentes tiendraient au fait que nous n'aurions à notre disposition que l'homme sans génie qui a nom Léon Jouhaux.

L'explication que nous donne Mme Rouvier est bien sommaire et tout à fait inattendue. Hâtons-nous pourtant de dire que les faits exposés dans son livre en suggèrent une autre beaucoup plus raisonnable, à savoir que l'heur ou le malheur des Français tient beaucoup moins aux hommes, qu'aux vertus ou aux vices de leurs institutions.

Ce qui frappe, dans la première période, c'est la gravité de la chute, la soudaineté et l'éclat du rebondissement.

Nous sommes en 1596. La France compte trente années de guerres religieuses qui ont réduit sa population à douze millions d'habitants, dont deux millions n'ont d'autre ressource que de mendier : un mendiant sur six habitants. Dans les campagnes, la détresse est extrême (les deux tiers du pays sont en friche) et dans les villes la misère est plus atroce encore. Il y a cependant des gens qui étalent un luxe insolent, parce qu'ils se sont enrichis à la faveur des troubles : hommes de guerre, de finance ou de négoce. Mais ce n'est pas la nation qui tire profit de leurs dépenses. L'étranger leur fournit objets de luxe et de première nécessité, car nous n'avons plus ni agriculture, ni industrie, ni commerce.

Joigner que le Trésor est vide, que la dette est énorme et qu'une portion considérable des revenus de l'Etat est en des mains étrangères.

Or, cette France de 1596, qui apparaît

comme un champ de désolation, s'est redressée avec une promptitude prodigieuse.

Elle est, en effet, devenue en peu d'années le pays de l'Europe le plus riche, le plus prospère, le plus redouté, le plus envié. Que s'est-il donc passé ? Le livre de Jeanne Bouvier le fera paraître.

Le 4 novembre 1596, Henri IV convoque, à

Rouen, les notables, qui représentent les forces morales et les grands intérêts du pays. Dans la harangue qu'il prononce en ouvrant l'assemblée, il dit en résumant une triste page de notre histoire :

« J'ai trouvé la France non seulement

quasi ruinée, mais presque toute perdue pour les Français. Par mes peines et mes labeurs, je l'ai sauvée de la perte. Sauvons-la, à cette heure, de la ruine. »

Le roi avait reçu plusieurs projets de

quelques bons citoyens touchant les moyens de relever l'industrie nationale qu'il soumit à l'assemblée. Le plus remarquable de ces mémoires était un projet de réorganisation économique rédigé par son tailleur et valet de chambre, Barthélémy Laffemas, sous le titre de : « Règlement général pour dresser les manufactures en ce royaume. »

L'idée dominante de Laffemas était que le

pays doit tâcher de se suffire dans la

production des objets manufacturés qui lui sont nécessaires et ne pas les demander à l'étranger. Les moyens qu'il mettait en avant pour y parvenir sont au nombre de quatre :

1° prohibition d'entrée dans le

royaume des draps et d'étoffes de soie manufacturés par les étrangers, ceci afin d'éviter l'émigration du numéraire national ;

2° importation des industries de luxe que nous n'avions pas et développement de celles que nous possédions déjà;

3° établissement dans chaque ville d’une Chambre de commerce pour chaque communauté d'arts et métiers ; et, dans la ville principale du diocèse, création d'un grand bureau des manufactures. Chambres et bureaux avaient pour objet d'obtenir des marchands et artisans des produits irréprochables sous le rapport de la qualité et de la beauté;

4° développement des manufactures

sur toute la surface du territoire. A ce dernier moyen se rattachait l'établissement, dans chaque ville, de grands ateliers destinés à l’occupation des sans-travail.

Les propositions de Laffemas firent

peur. Elles se heurtèrent à l'hostilité de la plupart des membres de l'assemblée, en particulier à celle du personnage le plus influent de l'époque, le grand Sully, tout à fait opposé à l'industrie et qui ne concevait pas que la France pût se relever autrement que par le développement exclusif de l'agriculture.

Par bonheur, il y avait Henri IV, qui voyait beaucoup plus loin que son premier ministre et qui fit siennes les idées de Laffemas. Au fameux plan de ce dernier, il incorpora les projets agricoles de Sully et établit de la manière suivante le programme économique qui devra guider son gouvernement :

1° Donner au cultivateur la sécurité

pour ses travaux, la possibilité de développer sa production et d'écouler ses produits à un prix rémunérateur.

2° Donner par l'industrie des moyens d'existence à la classe pauvre et

Barthélémy de LAFFEMAS 1545-1612

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transformer les mendiants en ouvriers vivant de leur travail et enrichissant la nation.

3° Retenir en France le numéraire que l'industrie étrangère en tire.

4° Se mettre en mesure de fabriquer dans le royaume les étoffes de soie devenues l'un des besoins généraux.

5° À cet effet, multiplier la graine des vers à soie, établir partout des manufactures et étendre l'industrie de la soie à toutes les provinces de France.

Ce programme ne donnait pas satisfaction

à Sully qui, en fait d'industrie, ne voulait rien entendre et il fallut que Henri IV employât toute son autorité et toute sa diplomatie pour amener Sully à se tenir tranquille.

Chose bien digne d'attention : ces deux hommes, Sully et Laffemas, qui ne s'entendaient à peu près sur rien, ont collaboré, parce que telle fut la volonté d'Henri IV. Ils ont travaillé, chacun dans son domaine : Sully dans les finances et dans l'agriculture, où d'ailleurs, il fit merveille ; Laffemas dans l'industrie et le commerce, et c'est dans cette collaboration imposée, par Henri IV, de l’industrie et de l'agriculture, que la France, en peu d'années, a trouvé cette prospérité étonnante qui est notée par tous les contemporains.

La France qui, avant sa restauration par Henri, demandait à l'importation les cinq sixièmes de ses fournitures, dès les premières années du XVIIe siècle, pouvait non seulement se suffire, mais encore envoyer les excédents de sa production en Allemagne, en Flandre, en Hollande, en Angleterre et jusqu'au Portugal. Les deux tiers de la dette sont acquittés; l'Etat est rentré en possession de son domaine ; le peuple, suivant l'expression d'Olivier de Serres, « demeure en sûreté publique sous son figuier ».

Voilà des faits. Ils sont de nature à rassurer les Français qui, au spectacle des maux de la patrie, glissent au pessimisme et au découragement. Ces faits nous disent qu'avec les Français, quelle que soit leur détresse,'une situation peut être tragique, mais n'est jamais désespérée.

Tout en tenant compte de la différence des temps, on peut parfaitement soutenir que, somme toute, les Français qui vivaient en 1596 étaient tombés plus bas que nous. Ils se sont relevés pourtant.

Faut-il donc aujourd'hui, dix-sept années après la Grande Guerre, désespérer parce qu'au lieu de Barthélémy Laffemas, Jeanne Bouvier n'a découvert qu'un Léon Jouhaux, s'offrant, au nom de la Confédération générale du Travail, à relever la France ? Or, ce Jouhaux, bien que choyé, flatté par les grands du jour, Mme Bouvier le considère comme incapable de remplir une telle tâche. Jouhaux en est incapable assurément, mais c'est lui faire beaucoup d'honneur que de prononcer 'son nom à propos de Laffemas et, en même temps, c'est se montrer pour lui bien sévère.

Dans les circonstances présentes, mettez

Laffemas à la place de Jouhaux. Laffemas avait un sens national que l'on ne perçoit guère chez le chef de la C.G.T., et, à ce titre, il ne ferait sans doute pas de mal, mais il lui serait à peu près impossible de faire du bien, parce que nos difficultés tiennent moins à l'incapacité ou à la méchanceté des hommes, qu'à la malfaisance des institutions. Nous avons à notre époque, dans les partis de gauche comme dans les partis de droite, dans l'agriculture comme dans l'industrie et la banque, l'étoffe de grands hommes et même de très grands hommes. Nous avons certainement des Sully et des Laffemas, mais nos institutions démocratiques s'opposent à leur mise en valeur.

La vérité est que nos pères du XVIème siècle finissant avaient sur nous une supériorité immense et c'est cela qui leur a permis de rebondir. Ils possédaient l'institution hors de laquelle il n'est pas de redressement possible, parce qu'elle en contient les conditions qui se nomment : autorité, continuité, responsabilité. Les Français de 1596 possédaient le roi national.

Il n'est pas vrai de dire que, sans le roi,

Laffemas fût parvenu à restaurer la France. Laffemas, nous l'avons vu, était combattu par la plupart des ministres de Henri IV et

notamment par le grand Sully. C'est grâce à l'autorité de Henri que Sully et Laffemas ont collaboré. Sans lui, ils se fussent peut-être déchirés.

Preuve certaine que, pour sauver le pays, la bonne volonté des hommes ne suffit pas. Il faut que cette bonne volonté se meuve dans le cadre d'institutions qui la servent.

Or, il est une institution qui assemble les hommes et les pousse à construire : c'est la monarchie nationale. Il en est une autre qui les divise en partis et les lance au pillage des biens amassés par les pères : c'est la démocratie.

Les contemporains de Henri IV ont rejeté la démocratie et opté pour le Roi national : la paix et une prospérité qui tient du prodige furent leur récompense.

Firmin BACCONNIER (1935)

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Commerce de proximité en question La loi Royer de 1973 institua des Commissions d’Urbanisme

Commercial (CDUC), qui devaient donner leur agrément à l’implantation des grandes surfaces de plus de 1.000 m, afin d’en freiner l’extension et maintenir le petit commerce de proximité. Aujourd’hui celui-ci a disparu dans 18.000 communes rurales sur les 36.000 existantes et des communes urbaines importantes sont touchées. Ce dispositif s’avéra inefficace, surtout en raison d’élus qui ont cédé aux pressions financières des grandes enseignes.

D’où l’inquiétude grandissante des élus locaux et des commerçants devant le reflux des grandes enseignes, qui cherchent à se réimplanter en centres villes pour anticiper un changement de comportement de la clientèle, qui, dans un contexte de crise, redécouvre les avantages de la proximité. De leur côté les hard-discounts à prix cassés mènent une offensive en ce sens pour concurrencer les géants de la distribution.

On assiste donc à une confrontation entre la grande distribution qui n’est préoccupée que du marché et les milieux professionnels. Les élus locaux voudraient trouver un équilibre entre ces intérêts antagonistes et contenter l’aspiration des consommateurs au maintien des commerces de proximité et d’un urbanisme commercial local.

Mais on se perd dans les corrections apportées à la loi Royer : loi Sapin de 1993, loi Raffarin, qui en 1996 avait ramené à 300 m. le seuil autorisé, loi Galland sur les marges-arrières, décret Dutreil de 2007, instituant un droit de préemption des maires sur les cessions de commerce. Cette mesure protectionniste fait bondir les libéraux qui y voient une atteinte au droit de propriété, considéré par eux comme un droit absolu, et une entrave aux sacro-saintes lois du marché.

En 2008, à la suite du très libéral rapport Attali, la Loi de modernisation de l’économie a reporté à 1.000 m. le seuil d’installation sans autorisation, privilégiant ainsi les grandes chaînes commerciales et augmentant l’inquiétude des petits commerces qui survivent. Ainsi à Paris en 20 ans les bouchers sont passés de 1.200 à 600 et il n’y a plus que 74 poissonniers. Face à la désertification commerciale, des

maires de communes rurales depuis plusieurs années offrent des conditions avantageuses ( local gratuit, avantages fiscaux…) pour réimplanter des activités vitales : ici une boulangerie, là un plombier, ailleurs un bar-épicerie. Mais des centres urbains sont également touchés : au centre d’Ivry, entre 2005 et 2008, 40 petits commerces ont fermé, alors que 41% des habitants sont attachés à leur commerce de proximité. La municipalité vient de signer une convention avec la Chambre de Commerce, pour redynamiser le commerce local : éclairage du quartier, rénovation du marché et de vitrines. A Auffargis (78) le maire a favorisé l’ouverture d’une petite supérette, comprenant boucherie et relais poste.

Le député du Loiret J.P.Charie fait actuellement des propositions pour remplacer ces Commissions, issues de la Royer, par de nouvelles, où les critères d’évaluation ne seraient plus des mètres carrés, mais un projet d’aménagement global équilibré, prenant en compte les périmètres d’urbanisme, l’environnement, les transports et livraisons et l’aménagement urbain. Elles seraient composées d’élus locaux, d’acteurs économiques, de consommateurs et d’experts. Et assorties de gardes fous efficaces avec des instances de recours et de contrôle indépendantes, pour éviter les risques de corruption. « Il apparaît évident, affirme son collègue, O. Carré, que l’urbanisme commercial doit relever de la compétence des collectivités territoriales. »

Ce qui paraît important et louable dans ce projet, c’est le souci d’appliquer au mieux le principe de subsidiarité, en donnant un large pouvoir de décision aux corps intermédiaires locaux (maires, élus locaux, professionnels, consommateurs…) premiers concernés. Ce ne sont pas les chrétiens sociaux qui s’en plaindront.

Quoiqu’il en soit, les lois valent surtout ce qu’en font les hommes.

Benjamin Guillemaind www.alliance-sociale.org

Adieu Benjamin Guillemaind : Nous avons appris la disparition de notre vieil ami Benjamin GUILLEMAIND le 6 février 2012 (86 ans). Ancien artisan carreleur, il dirigeait l'Alliance sociale des peuples et pays de France, association de défense et de promotion des métiers, dans le cadre de l’Ordre social chrétien et de l’enseignement des catholiques sociaux. A ce titre, il dénonçait avec justesse le libéralisme, comme principale cause de tous les maux de notre société. A plusieurs reprises nous nous sommes rencontrés et avons travaillés de concert...Depuis que je tenais dans ses réunions pour la St Joseph mon petit stand montrant les revues du "Paysan Biologiste" auquel je collaborais...Il y a déjà de nombreuses années. Depuis il nous encourageait à continuer le travail et à diffuser le plus possible ses textes dans notre revue de l'"Action Sociale Corporative pour les Libertés Françaises"... Adieu Benjamin, vieux camarade, nous continuons le combat social.

Frédéric Winkler

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Le monde agricole mérite mieux qu'une simple visite électorale

Chaque année, c'est un rituel qui annonce le printemps et, en période électorale, aucun des postulants à l'Elysée n'oublie d'y sacrifier : le Salon de l'agriculture ! Mais cela cache aussi un immense malentendu : les politiciens, pour la plupart, ne s'intéressent plus à l'agriculture ni aux agriculteurs parce qu'ils ont intégré que le monde actuel était désormais « urbain » et qu'ils plaquent sur la société des campagnes des modèles économiques qui oublient les particularités rurales et paysannes, ces mêmes politiciens ne raisonnant qu'en terme

de compétitivité et de profits, alors que ce ne sont pas forcément les éléments les plus déterminants de l'activité agricole.

De plus, la poussée de la rurbanisation qui mange

littéralement près de 80.000 hectares de terres arables chaque année se fait au détriment des agriculteurs, même si ceux-ci participent de ce mouvement par le simple fait qu'une terre devenue constructible vaut parfois jusqu'à 50 fois ce qu'elle valait comme terre agricole ! Pour des propriétaires ruraux souvent en difficulté financière ou simplement désireux de laisser un héritage à leurs enfants, la tentation est forte, et cela n'est pas incompréhensible, me semble-t-il...

Autant dire que, les critères de profitabilité ayant

envahi tout (ou presque) l'espace mental de nos sociétés, les agriculteurs sont soumis à des pressions qu'il leur est difficile de supporter très longtemps : il est loin le temps où la terre comptait plus que l'argent, et cela explique aussi la difficulté de maintenir une agriculture de petites et moyennes exploitations qui, pourtant, serait un moyen de

relancer, en de multiples espaces ruraux aujourd'hui en cours de déprise agricole, un véritable aménagement du territoire et une agriculture plus équilibrée et moins dépendante des Marchés internationaux...

Les politiciens et les technocrates (ce dernier terme étant pris de

manière « neutre » si, eux, par formation et déformation, ne le sont

Le travail et la joie Le croira-t-on, nous avons été nourris dans un peuple gai. Dans ce temps-là un chantier était un lieu de la terre où des hommes étaient

heureux. Aujourd’hui un chantier est un lieu de la terre où des hommes récriminent, s’en veulent, se battent, se tuent. De mon temps tout le monde chantait. […] Dans la plupart des corps de métiers on chantait. Aujourd’hui on renâcle. Dans ce temps-là on ne gagnait pour ainsi dire rien. Les salaires étaient d’une bassesse dont on n’a pas idée.

Et pourtant tout le monde mangeait. Il y avait dans les plus humbles maisons une sorte d’aisance dont on a perdu le souvenir. Au fond on ne comptait pas.

Et on n’avait pas à compter. Et on pouvait élever des enfants. Et on en élevait. Il n’y avait pas cette espèce d’affreuse strangulation

économique qui à présent, d’année en année, nous donne un tour de plus. On ne gagnait rien ; on ne dépensait rien ; et tout le monde vivait.

Il n’y avait pas cet étranglement économique d’aujourd’hui, cette strangulation scientifique, froide, rectangulaire, régulière, propre, nette, sans une bavure, implacable, sage, commune, constante, commode comme une vertu, où il n’y a rien à dire, et où celui qui est étranglé a si évidemment tort.

On ne saura jamais jusqu’où allait la décence et la justesse d’âme de ce peuple, une telle finesse, une telle culture profonde ne se retrouvera plus.

Ni une telle finesse et précaution de parler. Ces gens-là eussent rougi de notre meilleur ton d’aujourd’hui, qui est le ton bourgeois. Et aujourd’hui tout le monde est bourgeois.

Nous croira-t-on, […], nous avons connu des ouvriers qui avaient envie de travailler. On ne pensait qu’à travailler. Nous avons connu des ouvriers qui le matin ne pensaient qu’à travailler.

Ils se levaient le matin, et à quelle heure, et ils chantaient à l’idée qu’ils partaient travailler. À onze heures ils chantaient en allant à la soupe…

Extraits de “l’argent” de Charles Péguy - 1913

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pas...) connaissent ces tendances lourdes contemporaines et ils n'ont guère de temps à « perdre », semble-t-il, à défendre un monde paysan qui apparaît en déclin, malgré la place des exportations françaises sur le Marché mondial, et qui ne compte plus guère en tant que spécificité sociale, ce qu'expliquait déjà Henri Mendras dans son maître-livre « La fin des paysans », dans les années 60, en un temps où, pourtant, l'agriculture employait encore directement plusieurs millions de personnes !

Ainsi, les dirigeants politiques, candidats à la présidentielle ou non,

sont-ils moins intéressés à la question agricole, ne serait-ce que parce que le réservoir de voix y est désormais moins rempli, et que notre société a rejeté largement ce qui pouvait apparaître comme les « valeurs paysannes », pourtant plus « naturelles » ou respectueuses du temps et de la terre... J'ai bien écrit « valeurs paysannes » et non seulement « agricoles » car, aujourd'hui, je ne confonds pas ces valeurs et traditions paysannes avec la sorte de fureur productiviste et le modèle de « l'agrobusiness » qui savent si bien et si dangereusement faire « mentir la terre »...

Et pourtant ! La France agricole, dans sa diversité, ses tentations

et, parfois, les errements de ceux qui la représentent, reste une « France des possibles », et la crise actuelle pourrait bien, paradoxalement, entraîner un certain renouveau paysan (j'ai bien écrit « paysan ») et une revitalisation des campagnes, là où il y a de la place et des richesses à faire surgir de terre...

Les politiciens auraient tort de négliger un monde rural qui a

encore, s'il saisit l'occasion au vol, de belles et prometteuses heures devant lui. Aussi, se contenter d’aller à la pêche aux voix (sans approfondir la réflexion sur l’avenir de nos campagnes…) comme le font, rituellement, nos candidats à l’Elysée est une preuve supplémentaire du « court-termisme » électoral dont la France toute entière, en définitive, est la principale victime…

Jean-Philippe Chauvin

nouvelle-chouannerie.com

Vers prémonitoires qui datent du XVIème siècle…

"Des Turcs, des Mamelus, des Perses, des Tartares ; Bref, par tout l'univers tant craint et redouté,

Faut-il que par les siens luy-mesme soit donté ? France, de ton malheur tu es cause en partie ;

Je t'en ay par mes vers mille fois advertie : Tu es marastre aux tiens et mere aux estrangers, Qui se mocquent de toy quand tu es aux dangers, Car sans aucun travail les estrangers obtiennent Les biens qui à tes fils justement appartiennent."

Ronsard (poète français du XVIe siècle), Discours à G. des-Autels, œuvres complètes de Ronsard, éd. La Pléiade, tome II, p.568.

Ouvriers, employés, chômeurs, patrons...etc. Si l’ASC vous intéresse, n’hésitez pas à nous envoyer tous les renseignements dont vous pouvez disposer sur l’exercice de vos professions et les abus dont il convient de poursuivre la réforme. Devenez acteur d’une économie plus humaine libérée du règne de l’argent : [email protected]

www.lecri.fr

www.radio-royaliste.fr

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Le souci des faibles : « Si un pauvre à querelle contre riche, soutiens le pauvre plus que le riche… » Saint Louis à son fils

« Nous considérons Saint Louis et Saint Vincent de Paul, comme les ancêtres des sociaux-chrétiens » disait Jean Saint Ellier dans la revue «Notre Avenir Français ». Le pouvoir a d’abord pour rôle de protéger les plus faibles, les petits contre ceux qui ont la puissance : « qu’un pauvre, doit bénéficier, devant ses juges, de plus d’indulgence, « à priori », qu’un riche…nous sommes loin de l’égalité en droits ». Saint Louis pratiqua toute sa vie cet adage, même contre les seigneurs, dans l’enseignement du Christ en un temps ou la féodalité était toute puissante. Saint Vincent dévoua sa vie à soulager la misère. Les Frères de Saint Vincent de Paul en animant les cercles d’ouvriers, reprendront la détermination du grand ancêtre, Monsieur Vincent, après la Révolution, devant le développement du machinisme et du prolétariat, issus de1789…

Les conséquences sociales seront terribles, Villeneuve Bargemont se fera l’écho des atrocités commises dans les usines. Les travaux de rénovation sociale entrepris par la Restauration s’évanouiront avec le roi en exil…

Les royalistes continueront malgré tout leur lutte contre l’injustice sociale, contre l’esclavage des ouvriers né de la Révolution bourgeoise. A la différence des socialistes qui ne voudront jamais remonter aux sources du mal, les royalistes comprirent vite que le bouleversement de l’ordre ancien avait permis, par la destruction des anciennes corporations, la mise au ban de la société du monde ouvrier. En perdant son titre de propriété et ses droits professionnels acquis depuis des siècles, par la coutume et reconnus par le roi, l’ouvrier devenait esclave de la société issue de 1789.

Des grands noms comme Berryer, Albert de Mun, La Tour du Pin

et jusqu’à Le Courgrandmaison, tous royalistes, feront ce que l’on nommera le catholicisme social, « Sachant ce qui s’est passé par la suite, on s’aperçoit qu’ils avaient vu juste. Car ce qui s’est passé, c’est le Front Populaire de 1936 qui a repris, à son compte, les revendications des monarchistes sociaux et a octroyé aux partis de lutte des classes, l’image de marque d’être les seuls

défenseurs des travailleurs : Alors que les ouvriers étant les principales victimes de 1789, c’est avec eux qu’il fallait engager la contre-révolution, tel fut le sens de la lettre du Comte de Chambord aux ouvriers. »

Jean Saint Ellier Les monarchistes sociaux se heurtèrent à la grande bourgeoisie

victorieuse de 89 et tenant le pouvoir culturel : « avec tout ce que cela comporte de force de discrédit porté

sur une école de pensée » J.S. Ellier

D’autres obstacles autant politiques que religieux aussi. Des

restes de jansénisme, que Saint Vincent combattit en son temps, avaient transformés et orientés la mentalité catholique vers une forme de protestantisme. Une forme puérile et individualiste de moralisme puritain dédaignant la charité ou l’utilisant à des fins intéressés.

Le « cinéma » de la messe du dimanche, où l’on regarde qui vient, où l’on chuchote et critique et où finalement on s’habille en

uniforme comme les pires sectes anglo-saxonnes. Redécouvrez les chrétiens du Moyen-âge en France pour comprendre le gouffre avec ce que nous sommes devenus et relisez Régine Pernoud… Pour les politiques, disons qu’une partie des hommes hostiles aux changements sont devenus conservateurs, par paresse d’esprit, prêt à avaler tout ce qui de près ou de loin fait figure d’ordre. Ils ont aussi acceptés les lois antisociales de la République et digérés la Révolution. Ils ont fait, par peur de toute insurrection ouvrière, le lit de la République antisociale, par paresse et soumission, sous prétexte de paix. Ces hommes là sont encore là, avec dans la tête le cliché de l’ouvrier ennemi de l’ordre en oubliant l’insurrection Vendéenne éminemment populaire ?

Frédéric Winkler

www.sacr.fr

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