Article de doctrine "La clause de retour conventionnel"

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Doctrine larcier Revue de planification patrimoniale belge et internationale 2015/1 5 La clause de retour conventionnel Fabienne Tainmont Maître de conférences à l’U.C.L. & Emmanuel de Wilde d’Estmael Avocat au Barreau de Bruxelles TABLE DES MATIÈRES Introduction .....................................................................................................6 1. Les contours du retour conventionnel ..............................................6 A. Les cas d’ouverture du retour conventionnel.............................................. 6 1. Le droit de retour est stipulé en cas de prédécès du donataire, qu’il laisse ou non des descendants .........................................................................7 2. Le droit de retour est stipulé en cas de prédécès du donataire sans postérité ������������������������������������������������������������������������������������������������ 7 3. Le droit de retour est stipulé en cas de prédécès du donataire et de ses descendants..................................................................................................8 B. Le bénéficiaire du droit de retour conventionnel ....................................... 8 C. Les donations visées par le retour conventionnel ...................................... 9 D. Le moment de la stipulation du retour conventionnel .............................. 9 2. La nature juridique du retour conventionnel et ses conséquences ............................................................................ 11 A. La nature juridique du retour conventionnel ........................................... 11 B. Les conséquences............................................................................................ 11 1. Le caractère rétroactif du droit de retour ........................................................... 11 2. Le caractère automatique du droit de retour...................................................... 12 3. L’absence de taxation en droit de succession ...................................................... 12 4. Le bénéfice du retour limité au donateur............................................................ 13 5. L’indemnisation des dommages causés au bien et des améliorations y apportées ........................................................................... 13 6. L’absence de contribution du donateur au passif héréditaire .......................... 13 3. Les modalisations du retour conventionnel .................................. 14 A. La limitation ou la suppression de la rétroactivité................................... 14 B. Le caractère automatique ou optionnel du droit de retour conventionnel................................................................. 15 C. Le retour conventionnel face à la situation du conjoint ou du cohabitant légal du donataire ........................................................... 17 D. L’objet du droit de retour .............................................................................. 17 1. La donation a porté sur une somme d’argent ou sur des choses fongibles......... 17 2. La donation a porté sur un bien qui a bénéficié d’améliorations ou subi des transformations........................................................................................ 18 3. La donation a porté sur un bien qui a été détruit .............................................. 18 4. Le retour alternatif quant à son objet .................................................................. 19 5. Le retour conventionnel et la subrogation .......................................................... 19 E. Autres modalisations ..................................................................................... 22 4. La renonciation au droit de retour conventionnel après l’acte de donation ..................................................................... 22 A. Pendente conditione.................................................................................... 23 B. Après le décès .................................................................................................. 23 5. Conclusion ..........................................................................................24

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La clause de retour conventionnel

Fabienne TainmontMaître de conférences à l’U.C.L.

&

Emmanuel de Wilde d’EstmaelAvocat au Barreau de Bruxelles

table des matières

Introduction .....................................................................................................61. Les contours du retour conventionnel ..............................................6

A. Les cas d’ouverture du retour conventionnel ..............................................61. Le droit de retour est stipulé en cas de prédécès du donataire,

qu’il laisse ou non des descendants .........................................................................72. Le droit de retour est stipulé en cas de prédécès du donataire

sans postérité ������������������������������������������������������������������������������������������������73. Le droit de retour est stipulé en cas de prédécès du donataire

et de ses descendants ..................................................................................................8B. Le bénéficiaire du droit de retour conventionnel .......................................8C. Les donations visées par le retour conventionnel ......................................9D. Le moment de la stipulation du retour conventionnel ..............................9

2. La nature juridique du retour conventionnel et ses conséquences ............................................................................11

A. La nature juridique du retour conventionnel ...........................................11B. Les conséquences ............................................................................................11

1. Le caractère rétroactif du droit de retour ........................................................... 112. Le caractère automatique du droit de retour ...................................................... 123. L’absence de taxation en droit de succession ...................................................... 124. Le bénéfice du retour limité au donateur............................................................ 135. L’indemnisation des dommages causés au bien

et des améliorations y apportées ........................................................................... 136. L’absence de contribution du donateur au passif héréditaire .......................... 13

3. Les modalisations du retour conventionnel ..................................14A. La limitation ou la suppression de la rétroactivité ...................................14B. Le caractère automatique ou optionnel

du droit de retour conventionnel .................................................................15C. Le retour conventionnel face à la situation du conjoint

ou du cohabitant légal du donataire ...........................................................17D. L’objet du droit de retour ..............................................................................17

1. La donation a porté sur une somme d’argent ou sur des choses fongibles.........172. La donation a porté sur un bien qui a bénéficié d’améliorations ou subi des transformations ........................................................................................ 183. La donation a porté sur un bien qui a été détruit .............................................. 184. Le retour alternatif quant à son objet .................................................................. 195. Le retour conventionnel et la subrogation .......................................................... 19

E. Autres modalisations .....................................................................................22

4. La renonciation au droit de retour conventionnel après l’acte de donation .....................................................................22

A. Pendente conditione .................................................................................... 23B. Après le décès ..................................................................................................23

5. Conclusion ..........................................................................................24

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Introduction

1. Le droit de retour conventionnel est une clause résolutoire stipulée dans le cadre d’une donation. Conformément à l’article 951 du Code civil, donateur et donataire conviennent que les biens donnés retour-neront dans le patrimoine du donateur, soit en cas de prédécès du donataire seul, soit en cas du prédécès du donataire et de ses descendants. Cette clause, très cou-rante en pratique, traduit le caractère intuitu personae de la libéralité : c’est le donataire et non ses succes-seurs que le donateur a voulu gratifier1.

2. Le droit de retour conventionnel ne doit pas être confondu avec le droit de retour légal visé à l’ar-ticle 747 du Code civil, lequel constitue un cas de suc-cession légale anomale. Le droit de retour légal est d’application lorsqu’un bien a été donné au donataire par un ascendant et que le donataire prédécède sans postérité. Le but est certes le même – faire en sorte que le bien donné retourne dans le patrimoine du dona-teur – mais le retour légal a des effets beaucoup plus limités que le retour conventionnel2.

3. Ces dernières années, les clauses de retour conven-tionnel ont suscité un regain d’intérêt directement lié à l’accroissement du nombre de donations.

L’allongement de la durée de vie de même que le désir d’aider la jeune génération expliquent que bien sou-vent, le testament est délaissé au profit de la donation dont la taxation, en matière mobilière, est fortement allégée depuis une dizaine d’années3.

Conscients entre autres du bénéfice qu’ils peuvent tirer de la non- applicabilité de la réserve de progressivité s’ils enregistrent la donation consentie (voy. art. 66bis, al. 2, C. succ. ou art. 2.7.3.2.9. du V.C.F.), disposant et bénéficiaire en profitent pour mettre par écrit les

1. M. Grimaldi, Droit civil. Libéralités. Partages d’ascendants, Paris, Litec, 2000, p. 174, n° 1225.2. H. De Page, Traité élémentaire de droit civil belge, t. VIII, vol. 1, 2e éd., Bruxelles, Bruylant, 1962, p. 679, n° 565.3. C’est la Région flamande qui, la première, a pris l’initiative de décider, par un décret du 19 décembre 2003, que toutes les dona-tions de biens meubles ne seraient plus soumises qu’à un droit d’en-registrement au taux non progressif de 3 % en ligne directe ou entre époux ou entre cohabitants (selon la même typologie que pour les droits de succession) et de 7 % entre toutes autres personnes (art. 131, § 2, C. enr. ou art. 2.8.4.1.1., § 2, du V.C.F.). La Région bruxelloise a adopté des dispositions semblables par une ordonnance du 9 mars 2005 (art. 131, § 2, C. enr.), tout en ne prenant en compte, pour le taux de 3 %, outre les époux, que les seuls cohabitants légaux (comme en matière de droits de succession). La Région wallonne a mis en œuvre une réforme comparable par son décret du 15 décembre 2005 (art. 131bis C. enr.). Actuellement, les taux sont de 3,3 % pour les dona-tions en ligne directe, entre époux et entre cohabitants légaux, 5,5 % pour les donations entre frères et sœurs, et entre oncles ou tantes et neveux ou nièces et 7,7 % pour les donations à d’autres personnes.

modalités de la donation, que ce soit dans l’acte de donation, s’ils ont recours au service d’un notaire, ou dans un pacte adjoint. Il en va de même des parties qui choisissent de prendre le risque des trois ans (voy. art. 7 C. succ. ou art. 2.7.1.0.5. du V.C.F.) et, dès lors, de ne pas enregistrer la donation. Les praticiens ont ainsi l’occasion de mettre leur ingéniosité à l’épreuve et de confectionner des clauses de retour conventionnel de plus en plus sophistiquées. Leur validité n’a toutefois pas encore été mise à l’épreuve de la jurisprudence, remarquablement pauvre en la matière.

Comme on le verra, l’insertion d’un retour convention-nel est particulièrement intéressante pour le donateur. En cas de prédécès du donataire et/ou de ses descen-dants, il a l’assurance de récupérer le bien donné et ce, sans payer de droits de succession4. Ces avantages cor-respondent bien à l’état d’esprit de nombre de dispo-sants qui acceptent de donner mais qui, dans le même temps, s’assurent de pouvoir récupérer l’objet de leur donation au moindre coût fiscal.

Notons toutefois que les législateurs flamand et wal-lon ont quelque peu assoupli les incidences fiscales en droit de succession en cas de retour légal5.

I.Les contours du retour conventionnel

A. Les cas d’ouverture du retour conventionnel

4. Conformément à l’article 951 du Code civil, le droit de retour des objets donnés peut être stipulé, soit pour le cas du prédécès du donataire seul, soit pour le cas du prédécès du donataire et de ses descendants.

◊ En revanche, le retour légal ne peut avoir lieu qu’en cas de prédécès du donataire sans descendance.

5. Si les parties n’ont pas indiqué dans quelle hypo-thèse précise le retour conventionnel était appelé à jouer, il appartiendra au tribunal de trancher cette question.

Le retour doit, à notre sens, jouer en cas du prédécès du donataire, qu’il laisse ou non des descendants6. Cette interprétation est conforme à la nature de la

4. E. Beguin, « Quelques réflexions sur le retour conventionnel et la pratique notariale », Rec. gén. enr. not., 2009, n° 26.015, p. 74.5. Il est renvoyé au point 29, infra.6. C. Demolombe, Cours de Code Napoléon, vol. XX, Traité des donations entre- vifs et des testaments, t. 3, Paris, A. Durand et L. Hachette et Cie, 1863, p. 473, n° 500 ; M.A. Masschelein, Schenking bij notariële akte, Bibliotheek Burgerlijk Recht en Procesrecht Larcier, Gand, Larcier, 2007, p. 108, n° 168 ; E. de Wilde d’Estmael, B. Delahaye et G. Hollan-ders de Ouderaen, « Les donations », in Rép. Not., t. III, l. VII, Bruxelles, Larcier, 2009, p. 247, n° 219.

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clause. Comme l’exprime F. Laurent7, « C’est une condi-tion résolutoire expresse ; elle demande donc une expres-sion de volonté, partant on ne peut l’étendre au- delà de ce que les parties ont déclaré vouloir ; sinon la condition résolutoire expresse deviendrait une clause résolutoire tacite, ce qui est contradictoire ».

Pour éviter toute discussion, mieux vaut donc identi-fier clairement l’hypothèse dans laquelle le retour est susceptible d’avoir lieu.

6. En présence de plusieurs donateurs et/ou dona-taires, mieux vaut éviter la formule, que l’on rencontre parfois dans les actes notariés ou dans les pactes adjoints, selon laquelle les parties sont « ci- après dénommées le donateur et le donataire ».

Des difficultés d’interprétation se poseront immanqua-blement.

Si un des donataires décède, le retour joue- t-il ou n’opère- t-il qu’en cas de prédécès de tous les donataires ? S’il joue, est- ce à concurrence de tout le bien ou à concur-rence de la part reçue par le donataire prédécédé ?

Proposition de clause

En cas de prédécès d’un des donataires, le retour conventionnel ne jouera qu’en ce qui concerne la part reçue par ce donataire, la donation subsistant dans le chef des autres donataires.

La pluralité de donateurs pose moins de problèmes car le retour n’est effectif qu’au profit du donateur encore en vie (voy. infra, n° 16). C’est en ce sens que la clause devra être exécutée. Il n’en demeure pas moins que pareille formulation est inadéquate lorsqu’un donateur seulement veut stipuler un droit de retour en sa faveur.

1. Le droit de retour est stipulé en cas de prédécès du donataire, qu’il laisse ou non des descendants

7. Dans cette hypothèse, le droit de retour conven-tionnel joue dès la mort du donataire. Il importe peu que celui- ci laisse ou non des descendants.

A priori, on pourrait supposer que cette variante est rarement utilisée. Généralement, les donations se font au sein de la famille et le donateur verra d’un œil favo-rable que les biens donnés passent aux enfants du donataire. En pratique, c’est toutefois cette variante qui est la plus courante en matière mobilière.

7. F. Laurent, Principes de droit civil, t. XII, Bruxelles, Bruylant, Paris, A. Durand & Pedone Lauriel, 1874, p. 541, n° 450. Voy. aussi les déve-loppements pp. 541 et 542, nos 451 et 452.

8. Plusieurs raisons incitent les parties à prévoir un retour même si le donataire laisse des descendants.

Il se peut d’abord que la donation ne soit pas effectuée dans un cadre familial. Le donateur souhaite gratifier le donataire mais en aucune façon les enfants du dona-taire si celui-ci prédécède.

Compte tenu des circonstances de fait, le donateur pourrait craindre que le donataire meure en laissant des enfants mineurs, ce qui compliquerait la gestion du bien donné.

Le donateur voudra peut- être récupérer le bien pour évi-ter qu’il tombe dans la succession de son enfant et que le conjoint de celui- ci y exerce son usufruit successoral.

Le choix de cette variante peut aussi s’expliquer pour des raisons fiscales.

ExempleUn fils (résident bruxellois) décède en laissant une succession très importante dans laquelle figurent les biens qu’il a reçus de son père (résident bruxellois). Ce fils laisse deux enfants.Afin de diminuer l’assiette imposable dans le chef des ayants droit du donataire, il pourrait être intéressant que le donateur exerce le droit de retour sur les biens donnés et transfère par donation ces biens à ses petits- enfants.S’il s’agit de biens mobiliers, taxés à un taux fixe, contrairement au taux progressif par tranches des droits de succession, l’écono-mie peut être considérable. Si la succession est importante, le taux maximal de 30 % sera d’application selon le droit bruxellois (art. 48 C. succ.). Si le donateur récupère les biens donnés et les transfère par donation à ses petits- enfants, il n’en coûtera que 3 % de droits d’enregistrement (art. 131, § 2, C. enr. Br.-Cap.), quelle que soit la valeur des biens mobiliers transmis.S’il s’agit de biens immobiliers, l’économie d’impôts sera certes moins importante mais la transmission aux petits- enfants par voie de donation plutôt qu’à titre successoral présente l’avantage de casser la progressivité de l’impôt, à tout le moins si la donation intervient plus de trois ans avant le décès du donateur8.La solution n’est pas toujours « parfaite », particulièrement en matière mobilière. En effet, il est possible que le donateur ne pro-cède pas à de nouveaux dons en faveur de ses petits- enfants, ce qui provoquera des différences éventuelles entre les branches d’enfants. Il est possible aussi qu’il y ait des difficultés de rapport ou de réserve dans le cadre de la succession du donateur en fonction des biens donnés et du moment de ces dons.

2. Le droit de retour est stipulé en cas de prédécès du donataire sans postérité

9. Dans cette deuxième hypothèse, le droit de retour s’exerce uniquement en cas de prédécès du donataire et en l’absence de descendants du donataire.

10. Si le donataire meurt en laissant une postérité, le droit de retour ne joue donc pas, même si cette posté-rité décède à son tour avant le donateur. La condition

8. Mais même dans ce cas, une économie d’impôts peut être réalisée si le bien a augmenté de valeur entre la donation et le décès. La base impo-sable en droit d’enregistrement sera plus faible qu’en droit de succession.

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résolutoire est en effet défaillie dès qu’il y a des enfants au décès du donataire9. Les biens donnés tombent donc dans la succession du donataire et sont recueillis conformément aux règles de dévolution applicables.

11. Dans cette variante, l’intention libérale du dona-teur s’élargit en quelque sorte à la descendance du donataire, c’est- à- dire tant à ses enfants qu’à la descen-dance de ceux- ci.

Le donateur admet que les biens donnés demeurent dans la proche famille du donataire, qui est du reste souvent la sienne également.

Mais le donateur accepte alors aussi que les biens don-nés restent, le cas échéant, en usufruit au conjoint sur-vivant du donataire qui n’est peut-être pas le parent des enfants du donataire, usufruit qui peut grever le patrimoine durant de très nombreuses années (ou un capital important en cas de conversion).

12. Afin d’éviter tout risque d’interprétation de la clause, on veillera à préciser que le droit de retour est stipulé en cas de prédécès du donataire et en l’absence de des-cendants « en vie au moment du décès du donataire ». Si seule l’absence de postérité est mentionnée et si les des-cendants du donataire sont eux- mêmes décédés avant le donataire, les héritiers du donataire pourraient être tentés de s’opposer au droit de retour au prétexte que la condition d’absence de descendants n’est pas remplie10.

3. Le droit de retour est stipulé en cas de prédécès du donataire et de ses descendants

13. Dans cette dernière hypothèse, le retour ne joue que si le donataire et ses descendants prédécèdent.

Le donateur ne prive donc pas les descendants du donataire de l’avantage de la donation11. Le droit de retour ne sera en effet effectif que si tous les descen-dants du donataire décèdent avant le donateur.

Si le donataire prédécède et laisse des descendants, le droit de retour continuera à grever les biens pendant le cas échéant de longues années, ce qui risque de pénaliser un partage rapide des biens entre les enfants du donataire12. Cette clause est toutefois à conseiller dans tous les cas où le donateur se réserverait l’usufruit

9. F. Laurent, Principes de droit civil, t. XII, Bruxelles, Bruylant, Paris, A. Durand & Pedone Lauriel, 1874, p. 542, n° 453.10. C. De Wulf (avec la coll. de J. Bael et S. Devos), La rédaction d’actes notariés. Droit des personnes et droit patrimonial de la famille, Waterloo, Kluwer, 2013, p. 412, n° 713.11. H. De Page, Traité élémentaire de droit civil belge, t. VIII, vol. 1, 2e éd., Bruxelles, Bruylant, 1962, p. 682, n° 567.12. C. De Wulf (avec la coll. de J. Bael et S. Devos), La rédaction d’actes notariés. Droit des personnes et droit patrimonial de la famille, Waterloo, Kluwer, 2013, p. 412, n° 713.

du bien donné (car dans ce cas, un partage entre les enfants du donataire n’aurait en principe lieu qu’au remembrement de la pleine propriété). De fait, cette clause permet d’éviter les effets négatifs du cas clas-sique de l’accident. Le donataire décède dans un acci-dent et son fils, victime du même accident, décède le lendemain. Dans la deuxième variante, il n’y aurait pas de retour conventionnel possible – et deux dévo-lutions successives rapides – alors que dans cette troi-sième variante, le bien reviendrait au donateur sans droits de donation ou de succession.

B. Le bénéficiaire du droit de retour conventionnel

14. Le droit de retour conventionnel ne peut être sti-pulé qu’au profit du donateur13 (art. 951, al. 2, C. civ.).

◊ Seul le donateur bénéficie du droit de retour légal. Il doit, au surplus, être un ascendant du donataire.

15. Il ne peut être stipulé au profit d’un tiers ou des héri-tiers du donateur14. On justifie généralement cette inter-diction par le fait qu’il s’agit d’une substitution prohibée (art. 896 C. civ.)15. On peut y voir aussi une conséquence de l’effet rétroactif de la clause de retour. Si la donation est censée ne jamais avoir été réalisée, le bien est réputé ne jamais avoir quitté le patrimoine du donateur16.

La sanction d’une telle stipulation interdite est contro-versée en doctrine. Il nous semble que la sanction est la nullité de la donation entière car la stipulation litigieuse constitue une substitution prohibée. Toutefois, si la stipu-lation est faite non seulement au profit du donateur mais aussi à l’égard des héritiers ou d’un tiers, la donation serait valable mais la stipulation à l’égard des héritiers ou de tiers serait nulle en vertu de l’article 900 du Code civil17.

13. La clause suivant laquelle « Les donateurs se réservent, à leur profit, le droit de retour des droits compris dans la présente donation, avec réversibilité sur la tête du survivant d’eux, savoir que ce droit pourra s’exercer pour l’entièreté par le survivant d’eux, pour le cas du prédécès du donataire » n’est donc pas valable.14. Ces héritiers peuvent toutefois se prévaloir d’un retour conven-tionnel si ce droit est né du vivant du donateur : Civ. Tournai, 8 mai 1872, Pas., 1874, III, p. 250.15. Voy. F. Laurent, Principes de droit civil, t. XII, Bruxelles, Bruylant, Paris, A. Durand & Pedone Lauriel, 1874, p. 540, n° 449 ; E. Beguin, « Quelques réflexions sur le retour conventionnel et la pratique nota-riale », Rec. gén. enr. not., 2009, n° 26.015, p. 74.16. M. Puelinckx- Coene, « Schenkingen onder ontbindende voorwaarde », in Schenking. Vermogensplanning met effect bij leven, coll. Handboek Estate Planning, 2e éd, Gand, Larcier, 2009, p. 467, n° 741.17. En ce sens, H. De Page, Traité élémentaire de droit civil belge, t. VIII, vol. 1, 2e éd., Bruxelles, Bruylant, 1962, p. 387, n° 298, B, et les nombreuses références citées ; E. de Wilde d’Estmael, B. Delahaye et G. Hollanders de Ouderaen, « Les donations », in Rép. Not., t. III, l. VII, Bruxelles, Larcier, 2009, p. 247, n° 219. Voy. aussi J. Sace, « Les libéralités. Dispositions générales », in Rép. Not., t. III, l. VI, Bruxelles, Larcier, 1993, p. 258, n° 243.

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16. S’il y a plusieurs donateurs, le droit de retour conventionnel peut n’être prévu qu’au profit de cer-tains d’eux, mais uniquement à concurrence de leur part respective18.

Exemple de clause

Les donateurs déclarent se réserver, chacun à son profit et pour ce qui le concerne, le droit de retour sur les quotités qu’il a données, dans le cas du pré-décès du donataire.

S’il est consenti au profit de tous, le droit de retour ne jouera qu’au bénéfice des donateurs encore en vie au moment du décès du donataire et uniquement à concurrence de la part qu’ils ont donnée. La part don-née par le ou les donateur(s) prédécédé(s) tombe dans la succession du donataire sans qu’il soit possible de prévoir que l’intégralité du bien donné reviendra au sur-vivant des donateurs19.

Si le donateur décède sans que la condition résolutoire se réalise, c’est- à- dire alors que le donataire est tou-jours en vie, la donation devient définitive.

C. Les donations visées par le retour conventionnel

17. Le droit de retour conventionnel peut être inséré dans n’importe quelle forme de donation.

Si la donation est notariée, il est inséré dans l’acte. Si la donation est manuelle ou indirecte, il est stipulé dans un pacte adjoint.

Qu’en est- il de la donation déguisée ?

La donation déguisée peut comporter un retour conven-tionnel20 mais l’acte apparent ne peut contenir la clause de retour car l’acte secret serait immédiatement révélé. Le retour conventionnel doit être stipulé dans un acte

On relèvera toutefois que si le retour en faveur des tiers ou des héri-tiers du donateur est la cause impulsive et déterminante de la dona-tion, c’est toute la donation qui doit être considérée comme nulle (N. Labeeuw, « Recht van terugkeer en zakelijke subrogatie », T.E.P., 2006, p. 108, n° 112).18. M. Grimaldi, Droit civil. Libéralités. Partages d’ascendants, Paris, Litec, 2000, pp. 175 et 176, n° 1226.19. M.A. Masschelein, Schenking bij notariële akte, Bibliotheek Burger-lijk Recht en Procesrecht Larcier, Gand, Larcier, 2007, p. 108, n° 169. Même en cas de retour partiel d’un bien immobilier, il est conseillé de dresser un acte authentique, signé par le donateur survivant et les héritiers du donataire, qui sera taxé au droit fixe et transcrit aux registres des hypothèques. Une information foncière complète sera de la sorte réalisée (Centre de consultation de la Fédération des notaires, question de la semaine 8 [02/2005]). 20. Contra : E. Beguin, « Quelques réflexions sur le retour conventionnel et la pratique notariale », Rec. gén. enr. not., 2009, n° 26.015, p. 75.

séparé, qui ne vaudrait toutefois qu’entre parties et ne serait donc pas opposable aux tiers et, par voie de consé-quence, à l’administration fiscale (art. 1321 C. civ.)21.

18. Il va de soi que la clause de retour conventionnel doit être stipulée, c’est- à- dire être expressément indi-quée dans un des actes susdécrits22.

Elle ne peut être tacite. Ainsi, une donation avec une clause d’avancement d’hoirie ne pourrait constituer une présomption de retour conventionnel ; il en va de même d’une clause interdisant au donataire d’aliéner ou d’hypothéquer le bien donné23.

19. La formulation de la clause n’est pas sacramen-telle mais elle doit établir de façon certaine la volonté du donateur24. Ainsi, le donateur est tenu de préciser explicitement qu’il souhaite le respect du droit de retour conventionnel et non simplement « un droit de retour ». En effet, ces derniers termes pourraient être interprétés comme le souhait de voir appliquer le droit de retour légal (art. 747 C. civ.), situation beaucoup moins radicale que le retour conventionnel.

20. Notons encore qu’un retour conventionnel peut être prévu quel que soit l’objet de la donation (mobilier, immobilier, corporel, incorporel, etc.). Seules les dona-tions portant sur des fruits et des revenus ne peuvent être assorties d’un droit de retour conventionnel25.

◊ Le droit de retour légal concerne toutes les donations, quel que soit leur objet, mais la preuve de ces donations devra être démontrée. Il va de soi qu’étant légal, il ne doit pas être stipulé.

D. Le moment de la stipulation du retour conventionnel

21. En principe, le retour est stipulé au moment de la donation.

Pourrait- il l’être après ?

Les avis divergent.

21. E. de Wilde d’Estmael, B. Delahaye et G. Hollanders de Ouderaen, « Les donations », in Rép. Not., t. III, l. VII, Bruxelles, Larcier, 2009, p. 246, n° 219.22. L’article 951 du Code civil dispose : « Le donateur pourra stipuler… ». Voy. aussi F. Laurent, Principes de droit civil, t. XII, Bruxelles, Bruylant, Paris, A. Durand & Pedone Lauriel, 1874, p. 545, n° 457.23. J. Sace, « Les libéralités. Dispositions générales », in Rép. Not., t. III, l. VI, Bruxelles, Larcier, 1993, p. 257, n° 243 ; E. Beguin, « Quelques réflexions sur le retour conventionnel et la pratique notariale », Rec. gén. enr. not., 2009, n° 26.015, p. 80.24. H. De Page, Traité élémentaire de droit civil belge, t. VIII, vol. 1, 2e éd., Bruxelles, Bruylant, 1962, p. 680, n° 565, B.25. Ibid., p. 683, n° 568 et p. 686, n° 571. De par leur nature, ils sont en prin-cipe destinés à être consommés par le donataire. Qui plus est, les fruits et revenus des biens donnés échappent toujours à la rétroactivité du droit de retour, conformément au droit commun de la condition résolutoire.

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Certains26 considèrent que l’ajout postérieur d’un retour conventionnel porte atteinte au caractère irrévocable de la donation. De pur et simple, le droit du donataire deviendrait conditionnel. En d’autres termes, l’absence de clause de retour conventionnel a rendu le donataire propriétaire inconditionnel et définitif du bien donné de telle manière que la stipulation ultérieure d’un droit de retour reviendrait à ôter au donataire une partie de ses droits et à porter dès lors atteinte à l’irrévocabilité de la donation.

Il nous semble qu’un droit conventionnel peut être prévu postérieurement, de commun accord, dans un acte séparé mais cet ajout doit être considéré comme une donation du donataire originaire à l’égard du dona-teur originaire, sous la condition suspensive du prédé-cès du donataire originaire27. Les conditions de fond et de forme des donations doivent donc être remplies. S’il s’agit d’une donation d’immeuble, cet acte séparé doit être transcrit et devra donc être authentique. Il ne sera opposable aux tiers qu’à dater de la transcription.

Il importe de relever que l’ajout de la clause résolu-toire ne peut pas porter préjudice aux tiers qui auraient acquis entretemps des droits sur le bien donné ou à l’administration fiscale qui pourrait juger la clause inop-posable à son égard.

En ce qui concerne cette dernière, il faut distinguer selon que le contrat a sorti ou non tous ses effets au moment de la rédaction de la clause ultérieure.

Le contrat a sorti tous ses effets

Il est clair que l’administration fiscale pourrait considé-rer que la clause ultérieure constitue soit :

26. J. Sace, « Les libéralités. Dispositions générales », in Rép. Not., t. III, l. VI, Bruxelles, Larcier, 1993, p. 257, n° 243 ; E. Beguin, « Quelques réflexions sur le retour conventionnel et la pratique notariale », Rec. gén. enr. not., 2009, n° 26.015, p. 81, n° 22. Voy. aussi J. Bael (Het verbod van overeenkomsten over niet opengevallen nalatenschappen, Malines, Kluwer, 2006, pp. 284-289) considère qu’il s’agit même là d’un pacte sur succession future.27. M. Puelinckx- Coene, Rapport présenté le 13 septembre 2003 à la Chambre néerlandaise du Comité d’études et de législation, Dossier n° 4357 (Donation – Clause de retour conventionnel ultérieure), in Travaux du Comité d’études et de législation. Année 2004, Bruxelles, Bruylant, 2005, pp. 91 à 105 ; N. Labeeuw, « Recht van terugkeer en zakelijke subrogatie », T.E.P., 2006, p. 107, n° 111 ; M.A. Massche-lein, Schenking bij notariële akte, Bibliotheek Burgerlijk Recht en Procesrecht Larcier, Gand, Larcier, 2007, p. 94, n° 144 ; W. Pintens, Ch. Declerck, J. Du Mongh et K. Vanwinckelen, Familiaal vermogens-recht, 2e éd., Anvers, Intersentia, 2010, p. 609, n° 1143 ; J. Verstraete, « Wederzijdse giften met bedongen terugkeer als instrument van vermogensplanning », in Over naar familie. Liber amicorum Luc Weyts, Bruges, die Keure, 2011, p. 17, n° 21.Comp. : L. Weyts, « Evolutieve bedingen of wijzigingen nadien bij schenkingsakten », in Confronting the frontiers of family and succession law. Liber amicorum Walter Pintens, t. II, Cambridge, Antwerp, Port-land, Intersentia, 2012, p. 1178. L’auteur se demande si on ne peut pas y voir le simple ajout d’une modalité de la donation existante sur laquelle le donataire marquerait son consentement.

– une donation par le donataire initial au donateur ini-tial sous condition suspensive du prédécès du dona-taire initial devenu donateur (et donc perception du droit de donation au jour du décès et application de l’article 66bis C. succ. ; art. 2.7.3.2.9. du V.C.F. )28 ;

– une simple confirmation de la règle du retour légal (et donc perception des droits de succession en cas de prédécès du donataire).

Quelle que soit la position de l’administration fiscale, il y aura perception du droit de donation ou de succession.

Le contrat n’a pas sorti tous ses effets

La clause a fait l’objet d’un acte publié :

Il est difficile de prévoir la réaction de l’administration fiscale face à une telle clause lors de l’enregistrement de l’acte notarié.

Il semble néanmoins que les parties pourraient invo-quer l’omission involontaire lors de la rédaction de l’acte initial mais il s’agit d’une simple appréciation qui dépendra du bon vouloir de l’administration fiscale. Il est à craindre qu’elle ne se montre stricte en se basant notamment sur l’article 951 C. civ. qui prévoit que le donateur pourra stipuler le droit de retour. Une stipu-lation semble donc être nécessaire.

La clause n’a pas fait l’objet d’un acte publié :

Dans ce cas, il est à craindre que l’administration fiscale, à juste titre, invoque l’article 106 C. succ. (art. 3.17.0.0.9. du V.C.F.)

La portée de l’article 106 (art. 3.17.0.0.9. du V.C.F.) est claire : les parties ne peuvent se prévaloir à l’encontre de l’administration fiscale non seulement de l’acte ins-trumentaire, c’est-à-dire de l’écrit qui constate que la convention intervenue est autre que la convention appa-rente, mais de la simulation elle-même29 ; d’autre part, il est bien évident que la sincérité des faits allégués ne peut être prise en considération. À peine de tomber dans l’arbitraire, l’administration fiscale doit appliquer l’ar-ticle 106 (art. 3.17.0.0.9. du V.C.F.) sans aucune restriction.

Toutefois, elle a le droit de s’en tenir à la situation réelle, si tel est son intérêt30.

Il est donc à craindre que, si elle y a intérêt, elle refuse de tenir compte de la clause postérieure pour soutenir la perception des droits de succession en invoquant le droit de retour légal (pour autant que ses conditions d’application soient réunies).

28. M.A. Masschelein, Schenking bij notariële akte, Bibliotheek Burger-lijk Recht en Procesrecht Larcier, Gand, Larcier, 2007, p. 94, n° 144.29. Civ. Arlon, 11 juillet 1922, conf. par Liège, 5 mai 1923, Rec. gén. enr. not., nos 15.887 et 15.972 ; Civ. Bruxelles, 12 juillet 1941, Rec. gén. enr. not., n° 18.273 ; Rev. enr. et dom., n° 542.30. Rép. du Ministre des Finances à une question parl. du 1er avril 1985, Rec. gén. enr. not., n° 23.237.

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22. Compte tenu de l’absence d’unanimité en doc-trine quant à la validité d’une clause de retour ajoutée a posteriori, et des conséquences fiscales qu’un ajout ultérieur est susceptible d’avoir, on ne peut qu’encou-rager les praticiens à l’insérer ab initio31.

II.La nature juridique du retour

conventionnel et ses conséquences

A. La nature juridique du retour conventionnel

23. Le retour conventionnel est une condition résolu-toire de la donation.

◊ Le retour légal est un mode d’acquisition à titre suc-cessoral (il ne s’agit pas à proprement parler d’une « reprise » du bien donné). Il ne peut donc s’exercer que si le bien donné existe encore en nature dans la succes-sion (ou que si le prix de son aliénation est encore dû). L’ascendant donateur récupère le bien dans l’état dans lequel il se trouve, avec les charges dont le donataire l’a éventuellement grevé32. Par ailleurs, le successeur ano-mal doit être capable et digne de succéder. Il dispose également de l’option successorale et s’il est également appelé à la succession légale ordinaire, il peut opter dif-féremment.

La condition résolutoire est parfaitement licite puisqu’elle se base sur un événement casuel et incer-tain : le prédécès du donataire seul ou le prédécès du donataire et de ses descendants. Pareil événement ne dépend nullement de la volonté du donateur33.

Elle est du reste expressément prévue à l’article 951 du Code civil.

En revanche, un retour conventionnel ne pourrait pas être stipulé pour le cas du décès du donataire car dans ce cas, on serait en présence d’un terme extinctif qui violerait la règle de l’irrévocabilité des donations34.

31. Dans le même sens, E. SPruyt, « Schenking in de stief- en zorg-relatie en tussen “ex- en”, vrijstelling van successierecht bij wette-lijke terugkeer en verkrijgingen om niet door goede doelen : een beperkt vertimmerd Vlaams registratie- en successierecht », T. Not., 2014, p. 282, n° 24.32. H. De Page, Traité élémentaire de droit civil belge, t. VIII, vol. 1, 2e éd., Bruxelles, Bruylant, 1962, p. 684, n° 570.33. J. Verstraete, « Schenking met beding van terugval », in Liber amicorum Christian De Wulf, Bruges, die Keure, 1993, p. 205, n° 2.34. E. Beguin, « Quelques réflexions sur le retour conventionnel et la pratique notariale », Rec. gén. enr. not., 2009, n° 26.015, p. 74.

B. Les conséquences1. Le caractère rétroactif du droit de retour24. S’agissant d’une condition résolutoire, le retour conventionnel, s’il a lieu, opère avec effet rétroactif (art. 1179 C. civ.)35. Le bien retourne en nature dans le patrimoine du donateur36.

Puisque le donataire est réputé n’avoir eu aucun droit sur le bien donné en raison de la rétroactivité du retour, il n’a pu valablement en transmettre aucun37. C’est donc logiquement que l’article 952 du Code civil stipule que l’effet du retour est de résoudre toutes les aliénations du bien donné et de faire revenir ce bien au donateur, franc et quitte de toutes charges et hypothèques38.

La transcription de l’acte de donation immobilière aura permis aux tiers d’être avisés de la précarité du titre de propriété du vendeur. Ces tiers ne peuvent dès lors se prévaloir de l’usucapion par dix ou vingt ans, leur bonne foi étant mise en doute par le fait qu’ils auraient dû connaître la clause de retour insérée dans l’acte de donation. Ils ne pourront donc en principe qu’invoquer la prescription trentenaire qui ne commence à courir, conformément à l’article 2257 du Code civil, qu’à dater du jour de la réalisation de la condition39.

En matière mobilière, les tiers de bonne foi pourront toutefois se prévaloir de l’article 2279 du Code civil40. Le droit de retour sur la chose donnée est, dans ce cas, converti en une créance, chiffrée sur la base de la valeur du bien donné au jour du décès.

25. Tant que la condition est pendante, c’est- à- dire tant que le donateur et le donataire sont en vie, la

35. Rép. Not., « Traité des hypothèques et de la transcription » (E.Genin, mis à jour par R. Poncelet, A. Genin, G. de leval et M. Renard- Declairfayt), t. X, l. I, Bruxelles, Larcier, 1988, p. 272, n° 489.36. Ph. De Page, « Les donations. Actualité de certaines clauses », in Liber amicorum Paul Delnoy, Bruxelles, Larcier, 2005, p. 148.37. Toutes les aliénations successives du bien sont concernées (R. Jansen, « Zakelijke subrogatie bij enkele figuren uit het notariële (familial)vermogensrecht », in Le défi du notaire, Journées notariales de Ciney des 22 et 23 septembre 2011, Bruxelles, Larcier, 2011, p. 257, n° 14).38. L’article 952 in fine du Code civil énonce que l’hypothèque légale de la femme du donataire échappe à la rétroactivité de la condi-tion pour autant que l’immeuble ait été donné au mari par contrat de mariage. Cette exception n’est plus d’application pour les époux soumis aux nouvelles règles de la loi du 14 juillet 1976 qui a abrogé les dispositions de la loi hypothécaire réglementant cette hypo-thèque légale (J. Sace, « Les libéralités. Dispositions générales », in Rép. Not., t. III, l. VI, Bruxelles, Larcier, 1993, p. 259, n° 243).39. H. De Page, Traité élémentaire de droit civil belge, t. VIII, vol. 1, 2e éd., Bruxelles, Bruylant, 1962, p. 687, n° 571.40. W. Pintens, Ch. Declerck, J. Du Mongh et K. Vanwinckelen, Familiaal vermogensrecht, 2e éd., Anvers, Intersentia, 2010, p. 609, n° 1146. Pour davantage de développements, voy. R. Jansen, « Zakelijke subrogatie bij enkele figuren uit het notariële (familial)vermogensrecht », in Le défi du notaire, Journées notariales de Ciney des 22 et 23 septembre 2011, Bruxelles, Larcier, 2011, p. 257, n° 14.

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donation produit les effets d’une donation simple. Durant cette période d’attente, le donataire est plein propriétaire du bien donné et il le gère librement. Il peut vendre, donner, échanger, louer le bien. Le bien peut également faire l’objet d’une saisie par les créan-ciers du donataire.

Si la condition résolutoire se réalise, ces actes sont rétroactivement anéantis. En revanche, si la condition est défaillie, les droits du donataire sont définitivement consolidés – de même que ceux de ses ayants droit – sous réserve d’une éventuelle action en réduction lors du décès du donateur en cas de dépassement de la quotité disponible.

26. Conformément au droit commun, les fruits perçus ne doivent être rendus qu’à partir du jour où le droit de retour s’applique effectivement41. De même, les actes d’administration posés restent valables. Il en va notam-ment ainsi des baux consentis par le donataire pour autant que leur durée n’excède pas neuf ans42.

◊ Dans le cadre du retour légal, le donateur récupère le bien à titre successoral sans rétroactivité et éventuel-lement grevé des droits réels constitués sur le bien par le donataire. Si le bien a été aliéné, il n’existe plus en nature dans la succession de sorte que la succession anomale ne s’ouvre pas, même en cas de subrogation. Toutefois, si le prix de l’aliénation était encore dû au jour du décès, le droit se reportera sur le prix. Si le donataire a vendu le bien et si la vente est annulée, la succession anomale s’ouvrira également car le bien se retrouvera dans la succession en raison du caractère rétroactif de la nullité.Si le donataire a légué le bien, c’est au légataire qu’il est transmis et non au donateur. Le droit de retour légal ne joue qu’à défaut de dispositions de dernières volon-tés. La succession anomale est en effet une succession légale.

27. On notera enfin que si la donation était assortie d’une charge, le donateur est en principe tenu de resti-tuer ce qu’il a reçu43.

2. Le caractère automatique du droit de retour

28. Le droit de retour agit en principe de plein droit. Le donateur redevient unique propriétaire des biens donnés et il peut en exiger leur restitution immédiate.

41. I. De Stefani, « Le droit de retour », in La fiscalité des donations et ses incidences civiles, Louvain- la- Neuve, Anthemis, 2005, p. 132.42. E. Beguin, « Quelques réflexions sur le retour conventionnel et la pratique notariale », Rec. gén. enr. not., 2009, n° 26.015, p. 77.43. Voy. Cass. fr., 7 juin 1995, D., 1995, p. 614. En l’espèce, il a été décidé que le donateur était tenu de restituer au conjoint de la dona-taire la somme que cette dernière avait versée en exécution d’un contrat rétroactivement anéanti.

Si les successeurs du donataire s’opposent au droit de retour, le donateur n’aura d’autre alternative que d’in-troduire une action en revendication ou en paiement, selon que le bien donné est un corps certain ou une chose de genre44.

Le tribunal de la famille, après avoir vérifié la réalisation de la condition, constate le retour conventionnel. Il ne le prononce pas45.

Si le retour porte sur un immeuble, il est utile d’éta-blir un acte notarié constatant le retour. Cet acte sera transcrit pour assurer la publicité de la réalisation de la condition à l’égard des tiers46.

3. L’absence de taxation en droit de succession

29. C’est en vertu d’une condition résolutoire insé-rée dans un contrat que le donateur récupère le bien donné, et non à titre successoral. Il en résulte que des droits de succession ne doivent pas être acquittés lors du décès du donataire. En revanche, les droits de dona-tion éventuellement payés à l’occasion de la donation ne sont pas restitués car ils ont été régulièrement per-çus (art. 208 C. enr.).

◊ En sa qualité de successeur anomal, le successeur ano-mal doit s’acquitter du paiement de droits de succession, en fonction de la valeur vénale du bien donné au jour du décès, en vertu de l’article 1er du Code des droits de succession (ou art. 2.7.3.1.1. du V.C.F.).Les droits de donation, le cas échéant acquittés, ne sont pas restitués.

On notera toutefois les tempéraments apportés par les législations wallonne et flamande à cet égard :– l’article 67bis du Code des droits de succession wal-

lon, introduit par le décret du 18 décembre 2008, prévoit qu’il n’est pas tenu compte de la valeur des biens qui ont été antérieurement donnés entre vifs au défunt par un héritier pour la liquidation des droits de succession dus par cet héritier, si la dona-tion a été constatée par acte remontant à moins de cinq ans avant le décès. C’est la valeur vénale du bien au jour de la donation qui est exonérée. Si le

44. M. Grimaldi, Droit civil. Libéralités. Partages d’ascendants, Paris, Litec, 2000, p. 180, n° 1232.45. M. Puelinckx- Coene, « Schenkingen onder ontbindende voor-waarde », in Schenking. Vermogensplanning met effect bij leven, coll. Handboek Estate Planning, 2e éd, Gand, Larcier, 2009, p. 464, n° 732.46. E. Beguin, « Quelques réflexions sur le retour conventionnel et la pratique notariale », Rec. gén. enr. not., 2009, n° 26.015, p. 77 ; N. Labeeuw, « Recht van terugkeer en zakelijke subrogatie », T.E.P., 2006, p. 111, n° 115. Pour un modèle d’acte, voy. C. De Wulf, (avec la coll. de J. Bael et S. Devos), La rédaction d’actes notariés. Droit des personnes et droit patrimonial de la famille, Waterloo, Kluwer, 2013, pp. 424 et 425, n° 738.

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bien donné a augmenté de valeur entre le jour de la donation et le jour du décès, la différence est taxée en droits de succession47.

– l’article 55quinquies Code des droits de succession flamand (art. 2.7.6.0.4. du V.C.F.), introduit par le décret du 6 décembre 2013 et entré en vigueur le 24 janvier 2014, prévoit qu’est exempte de droits de succession la valeur des biens qu’obtiennent les ascendants dans la succession du testateur (! lire « le défunt ») lorsque les conditions cumulatives sui-vantes sont remplies :

– les biens ont fait l’objet d’une donation entre vifs par ces ascendants au « testateur » avant son décès (sans qu’il soit exigé que cette donation remonte à 5 ans maximum avant le décès, comme en Région wallonne) ;

– les biens se trouvent encore en nature dans la succes-sion ou, lorsqu’ils ont été cédés, il existe encore une « créance » pour ces biens dans la succession (cette condition n’est pas exigée en Région wallonne) ;

– le « testateur » est mort sans descendants.

L’application de cette exemption doit être expressé-ment demandée dans la déclaration de succession. À défaut, il n’est pas possible de demander une restitu-tion des droits de succession déjà payés48.

30. Il résulte de ce qui précède que, fiscalement, le droit de retour conventionnel est en principe plus avantageux que le retour légal de sorte que le praticien veillera à insérer un droit de retour conventionnel dans l’acte de donation ou dans le pacte adjoint même si le droit de retour légal pourrait trouver à s’appliquer.

Si le bien donné se trouve encore dans le patrimoine du donataire, il ne devra pas être mentionné à l’actif de la déclaration de succession. En effet, de par l’effet rétroactif, le bien disparait du patrimoine du donataire. Dans ce cas, il n’y aura donc aucun élément à l’actif ou au passif de la succession. Il sera alors judicieux d’expli-quer le retour conventionnel à la fin de la déclaration.

S’il a été convenu d’un retour par équivalent, c’est- à- dire en valeur (voy. infra, n° 56) ou si le bien donné n’existe plus en nature, la créance due au donateur figurera au passif de la déclaration (sur les risques liés à l’éventuelle applicabilité de l’art. 33 C. succ. ou art. 2.7.3.4.4. du V.C.F., voy. infra, n° 56)49.

47. Comp. : E. Beguin, « Quelques réflexions sur le retour conventionnel et la pratique notariale », Rec. gén. enr. not., 2009, n° 26.015, p. 78.48. Pour un commentaire, voy. E. SPruyt, « Schenking in de stief- en zorg-relatie en tussen “ex- en”, vrijstelling van successierecht bij wettelijke terug-keer en verkrijgingen om niet door goede doelen : een beperkt vertim-merd Vlaams registratie- en successierecht », T. Not., 2014, pp. 276 à 280.49. Dans ce cas, le bien n’existera plus en tant que tel dans le patri-moine du donataire, mais éventuellement, sous une autre forme ;

4. Le bénéfice du retour limité au donateur31. Le droit de retour conventionnel ne peut bénéfi-cier qu’au donateur, à l’exclusion de ses propres héri-tiers (voy. supra, n° 14).

Il s’agit ici aussi d’une conséquence liée à la nature du retour conventionnel.

5. L’indemnisation des dommages causés au bien et des améliorations y apportées

32. Si le donataire a détérioré le bien qui fait l’ob-jet du retour conventionnel, ses successeurs doivent, sauf convention contraire, indemniser le donateur. Conformément à l’article 1083 du Code civil, les choses doivent être remises dans le même état que si la dona-tion n’avait pas eu lieu50. Le donateur ne pourra toute-fois pas exiger d’indemnisation si le bien a diminué de valeur en raison de son usure normale51.

33. À l’inverse, si le donataire a amélioré le bien, les héritiers du donataire doivent être indemnisés par le donateur, sur la base de la théorie des impenses52.

◊ En cas de succession anomale, aucune indemnité de ce genre n’est due : le donateur reprend le bien dans l’état dans lequel il est au moment de l’ouverture de la succes-sion. Une indemnité ne peut être prévue car il s’agirait d’un pacte sur succession future, prohibé.

6. L’absence de contribution du donateur au passif héréditaire

34. Sauf convention contraire, le donateur ne parti-cipe au règlement d’aucune dette successorale. Il n’est ainsi pas tenu de supporter les dettes que le dona-taire aurait consenties pour améliorer ou entretenir le bien et qui demeureraient impayées au moment où le décès du donataire s’est produit. Ces dettes sont donc en principe à charge des successeurs qui ne recueillent pourtant pas le bien.

◊ Le successeur anomal, quant à lui, doit contribuer au passif de la succession dans la mesure de sa vocation suc-cessorale.

l’actif du défunt se composera dès lors de tout ce qui compose son patrimoine au jour de son décès (en ce compris les actifs fictifs).50. F. Laurent, Principes de droit civil, t. XII, Bruxelles, Bruylant, Paris, A. Durand & Pedone Lauriel, 1874, p. 551, n° 468.51. N. Labeeuw, « Recht van terugkeer en zakelijke subrogatie », T.E.P., 2006, p. 112, n° 117.52. I. De Stefani, « La donation et ses impacts successoraux. Quelques questions choisies », in Les donations. Aspects civils et fiscaux, Limal, Anthemis, 2011, p. 197, n° 96.

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III.Les modalisations du retour

conventionnel

35. Le droit de retour conventionnel peut faire l’objet de modalisations. Il est en effet admis que les articles 951 et 952 du Code civil sont de nature supplétive53.

◊ Tel n’est pas le cas du droit de retour légal en raison de la prohibition des pactes sur succession future. Il n’est ainsi pas possible de convenir que le droit de retour légal jouera même en présence d’une postérité dans le chef du donataire. Pour le reste, force est de reconnaître que l’in-terdiction de procéder à des aménagements convention-nels n’est pas nécessairement gênante. En effet, si le dona-taire souhaite vendre, donner ou léguer le bien donné, il peut le faire sans crainte que le bien fasse retour, à son décès, dans le patrimoine du donateur. Il en va de même si le bien doit être hypothéqué. En cas de décès, le bien fera retour dans le patrimoine du donateur dans l’état dans lequel il se trouve, c’est- à- dire grevé de l’hypothèque.Le fait que le droit de retour légal ne puisse pas être moda-lisé signifie aussi qu’en présence d’une clause de retour conventionnel, plus contraignante quant à ses effets que le droit de retour légal (dont les conditions d’ouverture sont, par hypothèse, réunies), l’ascendant donateur pourra se prévaloir du droit de retour légal sans qu’on puisse lui opposer le respect de la clause de retour conventionnel54.

36. Les lignes qui suivent vont examiner les modali-sations du droit de retour conventionnel. La pratique est assez diversifiée à cet égard. Les clauses les plus simples côtoient les clauses les plus complexes.

A. La limitation ou la suppression de la rétroactivité

37. Si un tiers souhaite acquérir un immeuble sus-ceptible de faire l’objet d’un retour conventionnel, le risque de résolution ne doit pas être négligé. Il en va de même pour une institution financière qui accepterait en garantie une hypothèque sur le bien donné.

Face à un tel titre de propriété, il relève du devoir de conseil du notaire d’aviser le candidat- acquéreur ou le créancier hypothécaire potentiel des conséquences de l’existence d’une clause de retour dans l’acte origi-

53. Ph. De Page, « Les donations. Actualité de certaines clauses », in Liber amicorum Paul Delnoy, Bruxelles, Larcier, 2005, p. 148.54. H. De Page, Traité élémentaire de droit civil belge, t. VIII, vol. 1, 2e éd., Bruxelles, Bruylant, 1962, p. 684, n° 570 ; E. de Wilde d’Est-mael, B. Delahaye et G. Hollanders de Ouderaen, « Les donations », in Rép. Not., t. III, l. VII, Bruxelles, Larcier, 2009, p. 248, n° 221, note infrapa-ginale 5. Voy. l’exemple donné par I. De Stefani, « Le droit de retour », in La fiscalité des donations et ses incidences civiles, Louvain- la- Neuve, Anthemis, 2005, pp.133 et 134, n° 20.

naire et de faire les recherches aux fins de vérifier si la clause est encore d’application au jour de la passation de l’acte authentique de vente ou de crédit55.

Si tel est le cas, le bien est difficilement négociable et ne constitue pas un bon instrument crédit. La clause de retour est en porte- à- faux avec le besoin de sécurité de l’acquéreur ou du créancier hypothécaire.

Afin d’anticiper ces difficultés, l’acte de donation peut comprendre certaines clauses particulières qui tendent à modaliser le droit de retour.

38. Il est d’abord possible de renforcer les effets du retour en stipulant une interdiction d’aliéner ou d’hy-pothéquer56. Les difficultés engendrées par la rétroac-tivité ne se poseront pas puisque le bien donné sera demeuré dans le patrimoine du donataire mais cette inaliénabilité pourrait ne pas convenir au donataire.

Exemple de clause

Le donataire ne pourra disposer du bien donné aussi longtemps que le donateur sera en vie. Il ne pourra l’aliéner ni le grever de droits réels ni encore le mettre en garantie de ses dettes ou d’obligations souscrites par des tiers. Le non- respect de ladite charge entraînera la résolution de la donation.

39. À l’inverse, il est également permis de procéder à un affaiblissement des effets du retour.

Il est loisible aux parties d’aménager, voire de suppri-mer, les effets de la rétroactivité qui résultent de la réalisation de la condition résolutoire. La théorie de la rétroactivité n’est pas d’ordre public57.

40. On peut prévoir ab initio que l’exercice du droit de retour ne préjudiciera ni aux éventuelles aliénations faites par le donataire ni aux hypothèques et autres charges réelles que le donataire aurait imposées sur le bien donné.

Ainsi, si le donataire compte vendre l’immeuble, l’ac-quéreur sera assuré que le bien acquis ne fera pas retour dans le patrimoine du donateur. La clause peut être d’application quelle que soit l’identité du cocontractant du donataire ou être limitée à tel ou tel cocontractant.

Il reste encore à régler les rapports entre le donateur et le donataire.

55. E. de Wilde d’Estmael, B. Delahaye et G. Hollanders de Ouderaen, « Les donations » in Rép. Not., t. III, l. VII, Bruxelles, Larcier, 2009, p. 249, n° 222.56. M.A. Masschelein, Schenking bij notariële akte, Bibliotheek Burger-lijk Recht en Procesrecht Larcier, Gand, Larcier, 2007, pp. 111 et 112, n° 174 ; N. Labeeuw, « Recht van terugkeer en zakelijke subrogatie », T.E.P., 2006, p. 110, n° 114.57. Ph. De Page, « Les donations. Actualité de certaines clauses », in Liber amicorum Paul Delnoy, Bruxelles, Larcier, 2005, p. 148 ; Cass., 9 novembre 1956, Pas., 1957, I, p. 254.

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Soit le donateur renonce au droit de retour. Celui- ci n’est donc appelé à jouer que si le bien se retrouve encore en nature dans la succession, à l’instar du retour légal. Les difficultés avec les tiers sont donc évi-tées mais une renonciation générale risque de vider la clause de retour de sa substance de sorte que le dona-teur préférera peut- être intervenir à l’acte d’aliénation ou de constitution d’hypothèque pour donner son accord ou pour le refuser58.

Exemple de clause

Le droit de retour conventionnel ne s’exercera que si le bien se retrouve en nature dans la succession du donataire.

Soit il renonce au retour en nature mais pas au droit de retour en tant que tel. Le retour est donc main-tenu mais il est convenu qu’il s’exercera en argent.

Quelle valeur doit être retenue ? La valeur au jour de la donation, au jour de l’aliénation ou au jour du décès ?

Toutes les options nous paraissent valables même si, dans la pureté des principes, c’est la valeur au jour du décès qu’il y a lieu de retenir car si le bien était resté dans le patrimoine du donataire, c’est ce bien qui aurait fait retour, forcément à sa valeur à ce moment59. En l’absence de précisions, c’est de cette valeur dont il y a lieu, selon nous, de tenir compte.

L’évaluation ne sera toutefois pas toujours aisée car le bien sera passé en d’autres mains. Par ailleurs, la suc-cession du donataire risque de devoir s’acquitter d’un montant supérieur au prix de l’aliénation.

On propose parfois de faire correspondre la somme due au prix de l’aliénation, éventuellement indexé60. La solution a le mérite d’être aisée à mettre en œuvre car le prix de l’aliénation est connu (en cas d’aliénation à titre onéreux) et ne prête a priori pas à discussion.

On peut aussi retenir la valeur du bien au jour de la donation avec la difficulté que si la donation n’est pas authentique ou si elle n’a pas fait l’objet d’un enregis-trement, le bien n’aura pas nécessairement été estimé de sorte qu’il ne sera pas aisé de déterminer, le cas échéant longtemps après la donation, le montant à verser au donateur.

58. C. De Wulf (avec la collaboration de J. Bael et S. Devos), La rédac-tion d’actes notariés. Droit des personnes et droit patrimonial de la famille, Waterloo, Kluwer, 2013, p. 415, n° 720.59. Ph. De Page, « Les donations. Actualité de certaines clauses », in Liber amicorum Paul Delnoy, Bruxelles, Larcier, 2005, pp. 149 et 150.60. I. De Stefani, « Le droit de retour », in La fiscalité des donations et ses incidences civiles, Louvain- la- Neuve, Anthemis, 2005, p. 136.

Exemple de clause61

En cas d’aliénation du bien donné par le dona-taire, à titre gratuit ou à titre onéreux, le donateur renonce à en demander le retour en nature.Le retour opérera alors en valeur, la succession du dona-taire étant tenue de verser au donateur une somme égale à la valeur du bien au jour du décès du donataire/au jour de la donation/au jour de l’aliénation dans un délai de X mois à compter du jour du décès. À défaut d’accord, la partie la plus diligente saisira le tribunal de la famille qui désignera un expert chargé d’établir ladite valeur, sans contestation possible et aux frais de toutes les parties. La somme due sera versée dans un délai de X mois à dater du dépôt du rapport d’expertise. En cas de non respect de ce délai, la somme due pro-duira de plein droit, dès l’expiration de ce délai et sans mise en demeure préalable, des intérêts au taux légal en vigueur au jour du décès, majoré de deux points.

41. En cas d’affectation hypothécaire, le donateur peut consentir à récupérer le bien grevé de l’hypo-thèque prise par le donataire62. Le donateur peut aussi s’engager à renoncer au droit de retour si le bien donné a été hypothéqué. Il peut encore s’engager à renoncer au droit de retour si le bien a été hypothéqué et si, lors du prédécès du donataire, la mainlevée de l’hypothèque n’a pas été donnée.

42. Si le donataire est marié et s’il envisage de faire le cas échéant apport du bien à la communauté, le donateur peut s’engager à renoncer à la clause de retour si l’apport se réalise, soit totalement, soit en ce qui concerne uniquement l’usufruit du bien apporté63.

B. Le caractère automatique ou optionnel du droit de retour conventionnel

43. Dans la foulée d’un courant qui cherche à privilé-gier au maximum l’autonomie de la volonté du bénéfi-ciaire d’une clause patrimoniale au moment du décès, la doctrine a réfléchi à assouplir la clause de retour conventionnel en la rendant optionnelle.

Le donateur bénéficie ainsi de la faculté de faire jouer ou non la clause de retour en fonction des contingences civiles et fiscales existant au jour du prédécès du donataire.

61. Pour une autre proposition de clauses, avec des variantes, voy. I. De Stefani, « Le droit de retour », in La fiscalité des donations et ses incidences civiles, Louvain- la- Neuve, Anthemis, 2005, pp. 140 et 141.62. Rép. Not., « Traité des hypothèques et de la transcription » (E. Genin, mis à jour par R. Poncelet, A. Genin, G. de leval et M. Renard- Declairfayt), t. X, l. I, Bruxelles, Larcier, 1988, p. 272, n° 489.63. E. Beguin, « Quelques réflexions sur le retour conventionnel et la pratique notariale », Rec. gén. enr. not., 2009, n° 26.015, p. 82.

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Il fera peut- être jouer le retour si le donataire est marié au jour de son décès ou si les enfants du donataire sont encore mineurs afin d’éviter que le parent survi-vant – dont il se méfie – gère le bien donné, particu-lièrement s’il s’agit d’un portefeuille- titres ou d’actions d’une société familiale, ce qu’il lui appartient seul de faire conformément aux règles relatives à l’autorité parentale. Il n’exercera peut- être pas le droit de retour si les enfants du donataire décédé sans conjoint sont majeurs et aptes à gérer le bien donné.

Le choix de l’exercice ou non du retour pourrait aussi dépendre de la situation financière du donataire. L’exer-cice du retour peut se révéler intéressant lorsque la suc-cession du donataire comporte de nombreuses dettes. Les créanciers successoraux ne peuvent en effet faire valoir leurs droits sur les biens faisant l’objet du retour64.

L’exercice du retour permet aussi une transmission des biens donnés à un moindre coût fiscal (voy. supra, n° 29). On ne le mettra toutefois pas nécessairement en œuvre si, à terme, le but est que les biens soient transmis aux enfants du donataire et si le donateur risque de ne plus disposer de la capacité juridique ou du consentement éclairé pour consentir une dona-tion à ses petits- enfants. Si le donateur n’est déjà plus capable d’opter au jour du décès du donataire, il fau-dra, le cas échéant, veiller à préciser qu’en l’absence de choix dans le délai imparti, le retour est censé ne pas avoir été stipulé.

44. La question de la validité du caractère optionnel de la clause s’est posé au regard de l’article 944 du Code civil en vertu duquel est nulle la donation assor-tie d’une condition dont l’exécution dépend de la seule volonté du donateur. En pareil cas, il est en effet porté atteinte à l’irrévocabilité renforcée des donations.

Aucun grief de cet ordre ne peut toutefois être opposé à la clause de retour facultatif. La réalisation de la condition ne dépend nullement de la seule volonté du donateur. La volonté du donateur ne joue qu’au niveau de l’effet qui sera attaché à la réalisation de la condition résolutoire65.

Aucun risque n’est à craindre, non plus, du côté fis-cal. L’administration fiscale ne peut invoquer la règle de l’article 68 du Code des droits de succession (ou art. 2.7.7.0.3. du V.C.F.) en vertu de laquelle le bénéficiaire d’une renonciation à une part successorale ab intestat ne

64. M. Puelinckx- Coene, « Schenkingen onder ontbindende voorwaarde », in Schenking. Vermogensplanning met effect bij leven, coll. Handboek Estate Planning, 2e éd, Gand, Larcier, 2009, p. 464, n° 732.65. En ce sens, la conclusion adoptée à l’unanimité par la Chambre française du Comité d’études et de législation (« La clause de droit de retour optionnel. Dossier n° 2021 »), Notamus, 3/2010, p. 8 ; Voy. aussi D. Michiels, « Les clauses optionnelles en droit patrimonial de la famille belge », Rev. not. b., 2012, p. 627, n° 36.

peut jamais payer moins de droits que le renonçant. En l’espèce, il n’est pas question de renonciation abdica-tive mais de l’exercice d’une option, d’une faculté66.

45. Afin de ne pas bloquer les opérations de liqui-dation et partage de la succession du donataire, il importe de veiller à préciser un délai endéans lequel le donateur doit exercer son choix en tenant compte du fait que la déclaration de succession doit déjà être déposée dans les quatre mois du décès (si le décès a eu lieu en Belgique, du moins si le défunt était un résident fiscal wallon ou bruxellois). Un délai de trois mois paraît à cet égard raisonnable. Si le donateur meurt à son tour, sans avoir exercé de choix, le droit d’option passe aux héritiers du donateur. Si les héritiers choisissent de faire jouer le retour conventionnel, le bien donné fera retour dans le patrimoine du donateur et sera attribué conformément aux règles de dévolution applicables.

Le mode de communication du choix sera également indiqué (par exemple, la lettre recommandée par la poste, le cachet de la poste faisant foi) de même que l’identité de la personne à qui ce choix doit être com-muniqué (les successeurs et/ou le notaire liquidateur).

Enfin, il sera précisé ce qu’il en est en cas d’absence de choix dans le délai imparti ou dans l’hypothèse où le donateur n’a plus la capacité juridique d’exercer ce choix.

Soit l’absence de choix entraîne automatiquement le retour. Soit il fait obstacle au retour67.

46. Exemple de clause

66. En ce sens, la conclusion adoptée à l’unanimité par la Chambre française du Comité d’études et de législation (« La clause de droit de retour optionnel. Dossier n° 2021 »), Notamus, 3/2010, p. 9. Voy. aussi D. Michiels, « Les clauses optionnelles en droit patrimonial de la famille belge », Rev. not. b., 2012, pp. 627 et 628, n° 36.On notera que certains modèles de clauses optionnelles utilisent le terme « renonciation » ou « renoncer » (« Le donateur se réserve le droit de renoncer au bénéfice de ce droit de retour dans les trois mois du décès du donataire »), qui est absolument à éviter.67. Ph. De Page, « Les donations. Actualité de certaines clauses », in Liber amicorum Paul Delnoy, Bruxelles, Larcier, 2005, p. 148.

En cas de prédécès du donataire, qu’il laisse ou non une postérité / En cas de prédécès du donataire sans postérité / En cas de prédécès du donataire et de ses descendants, le donateur se réserve le droit de demander le retour du bien présentement donné, conformément à l’article 951 du Code civil.Il devra faire connaître son choix par lettre recom-mandée avec accusé de réception adressée au notaire liquidateur et/ou aux successeurs du dona-taire dans un délai de trois mois à compter du décès du donataire, le cachet de la poste faisant foi.

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C. Le retour conventionnel face à la situation du conjoint ou du cohabitant légal du donataire

47. En vertu de l’article 745bis, paragraphe 2, du Code civil, le conjoint survivant recueille l’usufruit des biens soumis au droit de retour légal à moins qu’il en ait été décidé autrement dans l’acte de donation. Rien de tel n’est prévu pour le cohabitant légal survivant dans l’ar-ticle 745octies du Code civil.

En présence d’une clause de retour conventionnel, c’est l’inverse qui prévaut pour le conjoint survivant. L’usufruit du conjoint survivant n’est maintenu que s’il est prévu qu’il le soit68.

Il importe peu à cet égard que le bien donné soit resté dans le patrimoine propre du donataire ou ait été apporté à la communauté69.

S’il est conventionnellement prévu que le retour ne portera pas préjudice aux droits en usufruit du conjoint, le bien ne retournera qu’en nue- propriété dans le patrimoine du donateur, lequel n’a évidemment pas la garantie de récupérer la pleine propriété du bien avant son propre décès. La même clause peut être prévue au profit du cohabitant légal en ce qui concerne son droit d’usufruit sur la résidence commune.

Une clause plus large est également possible. Le droit de retour ne porterait pas préjudice aux libéralités entre vifs ou à cause de mort que le donataire aurait faites à son conjoint/à son cohabitant légal, tant en pleine propriété qu’en usufruit.

Exemple de clause

68. L. Raucent, Les successions, Louvain- la- Neuve, Academia- Bruylant, Maison du Droit de Louvain, 1988, p. 107, n° 184.69. En cas de prédécès de l’époux apporteur, le bien donné, puis apporté, fait en effet retour dans le patrimoine du donateur (E. Beguin, « Quelques réflexions sur le retour conventionnel et la pratique notariale », Rec. gén. enr. not., 2009, n° 26.015, p. 82, n° 26).

48. L’opportunité de garantir au survivant l’usufruit du bien qui fait l’objet du retour doit être appréciée au cas par cas.

Il se peut ainsi que le donateur ne souhaite absolu-ment pas que le conjoint du donataire – le cas échéant nettement plus jeune que lui et avec qui il ne s’entend pas – jouisse du bien. Dans un tel cas de figure, il préfé-rera récupérer le bien et le transmettre à une autre per-sonne de son choix. À cet égard, il importe peu que le bien donné ait constitué le logement familial du dona-taire et de son conjoint. Celui- ci ne pourra s’opposer au retour en arguant qu’il ne peut être privé de sa réserve concrète. En l’espèce, cette réserve concrète n’existe pas. Par l’effet de la condition résolutoire, le logement familial ne tombe pas dans la succession du donataire et la donation est censée n’avoir jamais eu lieu.

À l’inverse, il se peut que le donateur accepte que le conjoint du donataire continue à occuper le bien. Il en sera ainsi si la donation a été consentie par le donateur à son fils et que ce dernier laisse des enfants en bas âge. Rien n’empêche toutefois de limiter cet usufruit dans le temps.

D. L’objet du droit de retour

49. Le droit de retour porte en principe sur les objets qui ont été donnés, quelle que soit leur nature (argent, portefeuille- titres, maisons d’habitation, terrains à bâtir, meubles meublants, bijoux, objets de collection, etc.).

Généralement, c’est l’intégralité des biens donnés qui fait l’objet du droit de retour. Rien n’empêche toutefois de limiter le retour à certains des biens donnés ou à certains droits (uniquement la nue- propriété et non la pleine propriété)70.

Si le bien donné ne subit aucune transformation et est resté dans le patrimoine du donataire, aucune diffi-culté particulière ne se posera lors du retour du bien.

En pratique, la situation est bien plus complexe.

Plusieurs cas de figure doivent être distingués.

1. La donation a porté sur une somme d’argent ou sur des choses fongibles

50. Il est parfaitement possible de prévoir un retour conventionnel si l’objet de la donation est une somme d’argent même si une somme d’argent est, par nature, appelée à se confondre dans le patrimoine du dona-taire. Dans un tel cas, le donateur est en réalité titulaire

70. M. Grimaldi, Droit civil. Libéralités. Partages d’ascendants, Paris, Litec, 2000, p. 176, n° 1227.

À défaut d’avoir pris attitude dans ce délai, le droit de retour conventionnel sera censé n’avoir jamais été organisé au profit du donateur (variante : le droit de retour conventionnel sera censé sortir de plein droit ses effets au profit du donateur).

Le droit de retour s’exercera sans préjudice aux droits successoraux légaux du conjoint/du coha-bitant légal du donataire et sans préjudice aux libéralités entre vifs ou à cause de mort que le donataire lui aurait faites, tant en pleine propriété qu’en usufruit.

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d’un droit de créance conditionnel portant sur le mon-tant donné71.

51. Si la donation a porté sur des choses fongibles, le donataire en devient définitivement propriétaire dès le jour de la donation. Il peut dès lors librement en disposer de sorte que le donateur bénéficie d’un droit de créance conditionnel portant sur la même quan-tité de choses de même nature. En cas de prédécès du donataire, ses successeurs sont tenus d’en rendre l’équivalent même si le prix auquel le donataire les a aliénés est inférieur à la valeur des biens au jour du décès72.

2. La donation a porté sur un bien qui a bénéficié d’améliorations ou subi des transformations

52. Il arrive que le donataire procède à certaines amé-liorations du bien donné. Il a restauré le tableau, a rem-placé les châssis de la maison, a équipé la maison de panneaux solaires, a remplacé la chaudière, etc.

De même que la succession du donataire doit indem-niser le donateur pour les dommages volontairement causés au bien, le donateur est tenu d’indemniser la succession du donataire pour les améliorations dont le bien a bénéficié (voy. supra, nos 32 et 33).

Il est toutefois possible de convenir que le bien fera retour tel qu’il existera au moment du prédécès du dona-taire sans qu’une quelconque indemnisation soit due73.

53. Qu’en est- il lorsque le donataire a reçu un terrain sur lequel il a construit un immeuble ?

Si le retour joue, le terrain fera retour au donateur avec la construction en vertu de la règle énoncée à l’ar-ticle 552 du Code civil selon laquelle la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous74. Il en va ainsi même dans l’hypothèse où le donataire a contracté un crédit hypothécaire et que le donateur est intervenu à l’acte75.

71. Ch. Aughuet, « Droit civil – Donation portant sur une somme d’argent destinée à acquérir un immeuble – Droit de retour conventionnel – Quid du retour conventionnel portant sur l’im-meuble acquis au moyen des fonds donnés – Quid de la subroga-tion ? – Retour subrogatoire », Notamus, 2/2007, p. 17. Pour l’aspect fiscal, voy. infra n° 56.72. M.A. Masschelein, Schenking bij notariële akte, Bibliotheek Burger-lijk Recht en Procesrecht Larcier, Gand, Larcier, 2007, p. 112, n° 174.73. I. De Stefani, « La donation et ses impacts successoraux. Quelques questions choisies », in Les donations. Aspects civils et fiscaux, Limal, Anthemis, 2011, p. 197, n° 98.74. E. Beguin, « Quelques réflexions sur le retour conventionnel et la pratique notariale », Rec. gén. enr. not., 2009, n° 26.015, p. 76.75. Sa renonciation se limite en effet à l’hypothèque (M.A. Massche-lein, Schenking bij notariële akte, Bibliotheek Burgerlijk Recht en Procesrecht Larcier, Gand, Larcier, 2007, p. 100, n° 157).

En principe, la construction fera toutefois l’objet d’une indemnisation de la part du donateur sur la base de la théorie des impenses76.

Dans un tel cas de figure, l’opportunité du retour doit être clairement posée.

L’évaluation du coût de la construction risque d’être compliquée si le donataire a lui- même effectué cer-tains travaux ou s’il ne dispose pas ou plus des factures. Une créance sera alors portée au passif de la décla-ration de succession. Si le donateur est également un héritier du donataire, l’application de l’article 33 C. succ. (art. 2.7.3.4.4. du V.C.F.) ne pourra être évitée. Toutefois, si la réalité du don et de la clause de retour est démontrée, la dette réunira toutes les apparences de la sincérité au sens de cette disposition. Afin d’éviter ces calculs fastidieux, l’absence d’indemnisation pour la construction peut théoriquement être prévue mais elle ne correspondra généralement pas au souhait des parties. Si le bien a constitué le logement du dona-taire et de sa famille, le conjoint du donataire et ses enfants77 se verraient non seulement expulsés du logement mais, en outre, ils ne pourraient pas réclamer d’indemnité pour la construction. Ne pourrait-on dès lors pas y voir une libéralité visée par l’article 7 C. succ. (ou art. 2.7.1.0.5. du V.C.F.).

Il peut dès lors paraître plus raisonnable de stipuler que le retour n’aura pas lieu si le donataire a construit sur le terrain78. On pourrait aussi prévoir un retour par équi-valent, sur la base de la valeur du terrain au jour de la donation ou au jour du décès. Dans ce cas, une créance sera alors également portée au passif de la déclaration de succession avec, comme indiqué supra, l’applica-tion de l’article 33 C. succ. (art. 2.7.3.4.4. du V.C.F.).

3. La donation a porté sur un bien qui a été détruit

54. La perte fortuite, qu’elle soit totale ou partielle, est supportée entièrement par le donateur.

Réputé n’avoir jamais perdu la propriété du bien donné, il faut en effet considérer que le bien donné est resté à ses risques79. Cette solution se justifie aussi au

76. Centre de consultation de la F.R.N.B., question de la semaine 21 (05/2006). Pour un rappel de la théorie des impenses, voy. E. Beguin, « Quelques réflexions sur le retour conventionnel et la pratique nota-riale », Rec. gén. enr. not., 2009, n° 26.015, p. 76.77. Si le retour a été prévu, que le donataire laisse ou non une posté-rité.78. C. De Wulf (avec la coll. de J. Bael et S. Devos), La rédaction d’actes notariés. Droit des personnes et droit patrimonial de la famille, Waterloo, Kluwer, 2013, p. 415, n° 723.79. M. Grimaldi, Droit civil. Libéralités. Partages d’ascendants, Paris, Litec, 2000, p. 180, n° 1233.

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regard de l’article 1302 du Code civil80. Toutefois, s’il s’agit d’une chose de genre, la succession du donataire sera tenue de rendre l’équivalent en vertu de l’adage « Genera non pereunt »81.

Si une indemnité d’assurance a été versée, il n’est pas certain que la succession du donataire en soit rede-vable au donateur82. Si tel est le souhait des parties, autant expressément l’indiquer pour éviter toute contestation.

55. Si la perte du bien est due à la faute du donataire, ses successeurs, réputés simples détenteurs, sont tenus d’indemniser le donateur, sauf convention contraire83. Il nous paraît que l’indemnisation devra être chiffrée sur la base de la valeur du bien au jour du décès.

4. Le retour alternatif quant à son objet56. Une clause de retour alternatif peut également être prévue.

Le choix est laissé à la succession du donataire de faire por-ter le retour sur la chose donnée ou sur sa contre- valeur au jour du décès (ou au jour de la donation ou encore au jour de l’aliénation si le bien donné a été aliéné).

En cas de retour « par équivalent », la succession du donataire a ainsi la possibilité de conserver le bien donné tout en permettant au donateur d’en récupérer la contre- valeur.

Une créance sera alors portée au passif de la déclara-tion de succession. Si le donateur est également un héritier du donataire, l’application de l’article 33 du Code des droits de succession ne pourra être évitée. Mais si la réalité du don et de la clause de retour est démontrée, la dette réunira toutes les apparences de la sincérité au sens de cette disposition. Même si le retour a été aménagé, ce mécanisme est prévu par la loi elle- même84.

80. E. Beguin, « Quelques réflexions sur le retour conventionnel et la pratique notariale », Rec. gén. enr. not., 2009, n° 26.015, p. 76.81. Ibid.82. En ce sens, voy. l’article 1303 du Code civil et E. Beguin, « Quelques réflexions sur le retour conventionnel et la pratique notariale », Rec. gén. enr. not., 2009, n° 26.015, p. 76 ; I. De Stefani, « Le droit de retour », in La fiscalité des donations et ses incidences civiles, Louvain- la- Neuve, Anthemis, 2005, p. 140, n° 28. Contra : N. Labeeuw, « Recht van terug-keer en zakelijke subrogatie », T.E.P., 2006, pp. 112 et 113, n° 117.83. M. Grimaldi, Droit civil. Libéralités. Partages d’ascendants, Paris, Litec, 2000, p. 180, n° 1233.84. En ce sens également, Ph. De Page, « Les donations. Actualité de certaines clauses », in Liber amicorum Paul Delnoy, Bruxelles, Larcier, 2005, p. 151 ; J. Verstraete, « Wederzijdse giften met bedongen terug-keer als instrument van vermogensplanning », in Over naar familie. Liber amicorum Luc Weyts, Bruges, die Keure, 2011, p. 21, n° 35.

5. Le retour conventionnel et la subrogation57. Les parties pourraient- elles convenir de faire porter le retour en nature sur les biens qui se sont substitués aux biens donnés dans le patrimoine du donataire ?

On songe à l’hypothèse où le donateur a acheté un bien avec l’argent qui a été donné. Est- il possible de prévoir que le droit de retour portera sur le bien qui a été acquis et non pas sur la somme d’argent ?

Les cas de figure sont multiples.

Des parents donnent à un enfant une maison d’une valeur de 200.000 € et à l’autre enfant une somme de 200.000 € pour s’acheter un immeuble. Les parents souhaitent que le retour porte, dans les deux cas, sur l’immeuble.

Des parents procèdent à un achat scindé usufruit/nue- propriété, rassurés par les quelques éclaircissements apportés par l’administration quant aux conditions d’application de l’article 9 du Code des droits de suc-cession (art. 2.7.1.0.7. du V.C.F.). Les parents financent l’entièreté de l’opération, c’est- à- dire l’acquisition de l’usufruit en ce qui les concerne et l’acquisition de la nue- propriété pour leur enfant. Est- il possible de convenir que le retour n’aura pas pour objet la somme d’argent donnée mais la nue- propriété du bien ?

Dans ces mécanismes de donation- achat, l’objet de la donation est et reste la somme d’argent donnée en vue d’acquérir l’immeuble, conformément à l’enseigne-ment constant de la Cour de cassation85. Le donateur ne pourrait pas justifier (et donc exiger) que le retour porte sur (la nue- propriété de) l’immeuble car, selon lui, c’est ce qui aurait été donné. Pourrait- il convenir avec le donataire que le retour portera sur autre chose que la somme d’argent, en l’occurrence sur le bien acquis en emploi de la somme ?

La problématique est la même lorsque le donataire a reçu non pas une somme d’argent mais un bien qu’il a aliéné. Est- il autorisé de faire porter le retour sur le bien subrogé au bien donné ?

58. Il est frappant de constater qu’actuellement, nombre de clauses de retour conventionnel sont assor-ties d’une clause subrogatoire.

La plus grande prudence s’impose néanmoins car, à notre connaissance, la validité de pareille clause n’a pas encore été affirmée par la jurisprudence. Quant à la doctrine, elle est très divisée sur cette question.

Pour Philippe De Page, la clause paraît licite en ce qu’elle organise le mode de retour. Stipuler en termes

85. Cass., 15 novembre 1990, J.T., 1991, p. 518, note L. Vogel ; Cass., 11 février 2000, Rev. not. b., 2000, p. 677, obs. D.S. et Cass., 25 janvier 2010, Rev. trim. dr. fam., 2010, p. 1311, note F. Tainmont.

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généraux la subrogation suffit86. Il n’est pas nécessaire d’imposer au donataire l’emploi ou le remploi du bien donné. D’autres exigent toutefois une clause d’emploi ou de remploi87.

Mieke Puelinckx- Coene88, suivie par plusieurs autres auteurs que nous rejoignons89, est, elle, nettement plus réservée quant à la validité de la subrogation. Il n’est en effet pas évident d’admettre que le bien subrogé va être soumis au même régime juridique que le bien donné initialement de telle manière que, par la réalisation de la condition résolutoire, le donateur sera réputé avoir toujours été le seul propriétaire du bien subrogé, lequel disparaîtra du patrimoine du dona-taire et échappera donc au gage de ses créanciers.

Prenons un cas concret. Un père donne à sa fille une somme d’argent pour qu’elle achète un appartement. Une clause subrogatoire est prévue dans l’acte de donation afin que le retour, s’il joue, porte sur l’appar-tement et non pas sur la somme d’argent.

La fille souhaite réaliser des travaux dans l’apparte-ment et cherche à contracter un crédit hypothécaire.

86. Ph. De Page, « Les donations. Actualité de certaines clauses », in Liber amicorum Paul Delnoy, Bruxelles, Larcier, 2005, pp. 152 et 153. Afin d’éviter que la clause ne soit considérée comme constitutive d’un pacte sur succession future (quod non, selon lui), un retour alternatif est proposé. Le retour porte, au choix du donateur, soit sur les biens acquis en emploi, remploi ou subrogation des biens initialement donnés, soit sur une somme correspondant à la valeur que les biens donnés auraient eue au jour du décès du donataire, le retour en argent étant préféré si les biens subrogés ont, au jour du décès, une valeur supérieure. Voy. aussi A. Verbeke, « Combi- schenking », in Schenkingen als instrument van vermogensplanning, Vormingsnamiddag – Cyclus vermogensplanning, Formation organisée par le Nederlandstalige gemeenschapsraad de la F.R.N.B, le 17 février 2006, n° 43.87. F. Laurent, Principes de droit civil, t. XII, Bruxelles, Bruylant, Paris, A. Durand & Pedone Lauriel, 1874, pp. 552 et 553, n° 470. Voy. aussi I. De Stefani, « Le droit de retour », in La fiscalité des donations et ses incidences civiles, Louvain- la- Neuve, Anthemis, 2005, pp. 142 et 143. Selon elle, l’emploi doit être prévu mais peut être rédigé en termes relativement généraux (avec la difficulté que cela comporte en termes de traçabilité).88. M. Puelinckx- Coene, « Schenkingen onder ontbindende voorwaarde », in Schenking. Vermogensplanning met effect bij leven, coll. Handboek Estate Planning, 2e éd, Gand, Larcier, 2009, pp. 467 et 468, n° 742.89. Ch. Aughuet, « Droit civil – Donation portant sur une somme d’argent destinée à acquérir un immeuble – Droit de retour conven-tionnel – Quid du retour conventionnel portant sur l’immeuble acquis au moyen des fonds donnés – Quid de la subrogation ? – Retour subrogatoire », Notamus, 2/2007, pp. 118 et 119. M.A. Masschelein (Schenking bij notariële akte, Bibliotheek Burgerlijk Recht en Procesrecht Larcier, Gand, Larcier, 2007, p. 110, n° 171) déconseille la clause de subrogation réelle parce qu’en l’état actuel du droit, sa validité ne peut être garantie. C. De Wulf (avec la coll. de J. Bael et S. Devos), La rédaction d’actes notariés. Droit des personnes et droit patrimonial de la famille, Waterloo, Kluwer, 2013, p. 418, n° 727) est d’avis que la clause peut susciter des objections. J. Bael (Het verbod van overeenkomsten over niet opengevallen nalatenschappen, Malines, Kluwer, 2006, pp. 282 et 283) y voit même un pacte sur succession future prohibé.

Le titre de propriété mentionne que la fille a acquis le bien des vendeurs X et Y, sans mentionner l’existence d’une donation de sommes de la part de son père. Confiante, la banque octroie le crédit.

La fille décède quelques années plus tard. Conformé-ment à la clause subrogatoire, l’appartement fait retour dans le patrimoine du père. Le créancier hypothécaire voit de la sorte le bien disparaître du patrimoine de son débiteur et son hypothèque anéantie en raison du caractère rétroactif du retour.

En revanche, une hypothèse dans laquelle la clause subrogatoire ne paraît susciter aucune difficulté est celle où le bien donné a été aliéné une seule fois et où, au moment du prédécès du donataire, le prix n’a pas encore été versé90. Il en irait de même, selon nous, si le prix ne s’était pas encore confondu dans la masse, à l’instar de ce que prévoit l’article 353-16 du Code civil pour le retour légal dans la parenté adop-tive simple.

59. Outre les difficultés relatives à la validité propre-ment dite du retour subrogatoire au niveau civil se pose aussi la question de la praticabilité de la clause. La subrogation doit en effet être prouvée, ce qui est loin d’être évident surtout en cas d’aliénations successives. Sans cette preuve, le retour ne pourra pas s’exercer, à moins de prévoir un retour alternatif91.

Les difficultés se corsent encore quand la somme d’argent n’a servi que partiellement à l’acquisition d’un bien par le donataire et son conjoint ou lorsque le bien subrogé a été partiellement financé par l’aliénation du bien donné et par d’autres sources (un emprunt contracté par le donataire et son époux, d’autres fonds propres du dona-taire ou des fonds propres du conjoint, etc.)92.

60. Après avoir examiné la validité du retour subro-gatoire – qui est loin d’être assurée – de même que son opportunité, il reste à s’interroger sur l’incidence de la clause sur le plan fiscal.

Comment l’administration fiscale va- t-elle analyser le retour dont il a été convenu qu’il ne porterait pas sur

90. En ce sens également, M.A. Masschelein, Schenking bij nota-riële akte, Bibliotheek Burgerlijk Recht en Procesrecht Larcier, Gand, Larcier, 2007, p. 102, n° 157, note infrapaginale 458 et M. Puelinckx- Coene, « Schenkingen onder ontbindende voorwaarde », in Schenking. Vermogensplanning met effect bij leven, coll. Handboek Estate Plan-ning, 2e éd, Gand, Larcier, 2009, p. 468, n° 742.91. I. De Stefani, « Le droit de retour », in La fiscalité des donations et ses incidences civiles, Louvain- la- Neuve, Anthemis, 2005, p. 143, n° 30. Le retour porterait alors sur une somme d’argent correspondant à la valeur d’aliénation du bien.92. Voy. sur cette question les solutions – nécessairement complexes – proposées par I. De Stefani (« Le droit de retour », in La fiscalité des donations et ses incidences civiles, Louvain- la- Neuve, Anthemis, 2005, pp. 143 et 144, n° 31).

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la somme d’argent donnée mais sur l’immeuble acquis au moyen de ces deniers ?

La doctrine est hésitante et la jurisprudence, à notre connaissance inexistante, ne nous est d’aucun secours.

61. Est- il possible de soutenir que l’acte qui consta-tera le retour est passible du seul droit fixe de 50 € parce qu’il ne s’agit pas d’un acte translatif ou décla-ratif de propriété, le donateur tenant son titre non pas de l’acte en question mais d’un acte de donation antérieur ? Ce n’est pas si simple car la résolution de la donation dépend d’une manifestation de volonté de la part du donateur, à tout le moins si le retour a été libellé de manière facultative93.

62. Un droit proportionnel d’enregistrement est- il nécessairement pour autant dû ?

Certains auteurs considèrent que le retour de l’im-meuble dans le patrimoine du donateur est passible du droit de vente de 10 ou 12,5 % (art. 44 C. enr. ou art. 2.9.4.1.1. du V.C.F.)94.

Philippe De Page95 craint ainsi que l’administration fiscale analyse l’opération comme une dation en paie-ment et conseille dès lors de prévoir un retour subro-gatoire alternatif. Le retour pourrait ainsi se réaliser

93. E. SPruyt, « Schenking in de stief- en zorgrelatie en tussen “ex- en”, vrijstelling van successierecht bij wettelijke terugkeer en verkrijgingen om niet door goede doelen : een beperkt vertimmerd Vlaams registratie- en successierecht », T. Not., 2014, p. 285, n° 25. Voy. aussi F. Werderfroy, Droits d’enregistrement, Kluwer, 2012-2013, p. 143, n° 144.94. Ph. De Page, « Les donations. Actualité de certaines clauses », in Liber amicorum Paul Delnoy, Bruxelles, Larcier, 2005, p. 153 ; N. Labeeuw, « Recht van terugkeer en zakelijke subrogatie », T.E.P., 2006, pp. 117 et 118, n° 123 ; E. Beguin, « Quelques réflexions sur le retour conventionnel et la pratique notariale », Rec. gén. enr. not., 2009, n° 26.015, p. 82, n° 27 ; J. Verstraete, « Wederzijdse giften met bedongen terugkeer als instrument van vermogensplanning », in Over naar familie. Liber amicorum Luc Weyts, Bruges, die Keure, 2011, p. 21, n° 34. Contra : E. SPruyt, « Schenking in de stief- en zorgrelatie en tussen “ex- en”, vrijstelling van successierecht bij wettelijke terugkeer en verkrijgingen om niet door goede doelen : een beperkt vertim-merd Vlaams registratie- en successierecht », T. Not., 2014, p. 285, n° 25. Selon cet auteur, l’application du droit de vente suppose l’exis-tence d’une transmission à titre onéreux, ce qui n’est pas le cas ici.95. Ph. De Page, « Les donations. Actualité de certaines clauses », in Liber amicorum Paul Delnoy, Bruxelles, Larcier, 2005, p. 153. Comp. quant à la qualification de dation en paiement, Ch. Aughuet, « Droit civil – Donation portant sur une somme d’argent destinée à acquérir un immeuble – Droit de retour conventionnel – Quid du retour conventionnel portant sur l’immeuble acquis au moyen des fonds donnés – Quid de la subrogation ? – Retour subrogatoire », Notamus, 2/2007, p. 118 et E. SPruyt, « Schenking in de stief- en zorgrelatie en tussen “ex- en”, vrijstelling van successierecht bij wettelijke terugkeer en verkrijgingen om niet door goede doelen : een beperkt vertimmerd Vlaams registratie- en successierecht », T. Not., 2014, p. 286, n° 25.Ces auteurs estiment qu’il n’y a pas dation en paiement lorsque la donation prévoit expressément que le droit de retour portera sur le bien subrogé. Dans un tel cas de figure, la chose remise à titre de paie-ment n’est pas différente de celle qui est due en vertu de l’obligation.

au moyen d’une somme d’argent mais encore faudra- t-il que la succession dispose des fonds nécessaires.

Nathalie Labeeuw96 estime que l’administration fiscale pourrait invoquer la théorie de l’apparence.

63. Dans le cas où la valeur du bien restitué sera supérieure à la valeur du bien donné, l’administration fiscale pourrait difficilement établir l’existence d’une donation indirecte à hauteur de la différence de valeur car elle ne parviendra généralement pas à prouver l’animus donandi dans le chef du donataire qui est, par hypothèse, décédé…97

64. La plus grande incertitude règne donc sur le sort fiscal d’un retour subrogatoire qui s’effectue au moyen d’un immeuble.

Si les parties prennent malgré tout le risque civil et fis-cal d’insérer pareille clause, elles pourraient convenir qu’en cas de subrogation, le retour aura lieu en valeur et non en nature, en fonction de l’estimation du bien subrogé au jour du décès mais bien souvent, cela ne correspondra pas à leur souhait98.

65. Qu’en est- il dans le cas spécifique d’une donation portant sur un portefeuille de valeurs mobilières ?

On le sait, une bonne et saine gestion du portefeuille implique que certains titres soient vendus tandis que d’autres soient achetés. D’autres titres encore viennent à échéance. Le bien donné ne reste pas figé mais est en continuelle évolution.

Plusieurs options sont envisageables.

Soit les parties renoncent à insérer un droit de retour qui s’accommode mal de la nature du bien donné.

Soit elles prévoient un retour par équivalent. En cas de prédécès du donataire, sa succession serait tenue de verser au donateur la contrevaleur du portefeuille au jour de la donation. Cette alternative est valable mais n’est pas entièrement satisfaisante car, a priori, c’est la valeur du portefeuille au jour de la réalisation de la condition dont il faudrait tenir compte. Par ailleurs, il n’existe aucune garantie que la succession du dona-

96. N. Labeeuw, « Recht van terugkeer en zakelijke subrogatie », T.E.P., 2006, pp. 117 et 118, n° 123.97. Ph. De Page, « Les donations. Actualité de certaines clauses », in Liber amicorum Paul Delnoy, Bruxelles, Larcier, 2005, p. 153 ; E. SPruyt, « Schenking in de stief- en zorgrelatie en tussen “ex- en”, vrijstelling van successierecht bij wettelijke terugkeer en verkrijgingen om niet door goede doelen : een beperkt vertimmerd Vlaams registratie- en successierecht », T. Not., 2014, p. 285, n° 25.98. N. Labeeuw, « Recht van terugkeer en zakelijke subrogatie », T.E.P., 2006, p. 118, n° 123 ; E. SPruyt, « Schenking in de stief- en zorgrelatie en tussen “ex- en”, vrijstelling van successierecht bij wettelijke terugkeer en verkrijgingen om niet door goede doelen : een beperkt vertimmerd Vlaams registratie- en successierecht », T. Not., 2014, p. 286, n° 25.

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taire disposera effectivement des liquidités nécessaires pour verser ce montant, d’autant qu’il pourrait exister d’autres créanciers successoraux.

Soit les parties font porter le retour sur le portefeuille envisagé in globo, tel qu’il existe au jour du décès du donataire99.

Exemple de clause

Il est indispensable que le portefeuille- titres conserve une identité propre100 et que le donataire ne puisse en disposer avant le décès du donateur, ce qui ne posera guère de difficultés pratiques si le donateur s’en est réservé l’usufruit101.

Dans un tel cas de figure, on évite les deux reproches généralement formulés à l’encontre de la clause subro-gatoire. Le bien qui fait retour est le bien qui a été donné et on évite les difficultés liées à la traçabilité des opérations effectuées.

E. Autres modalisations66. La clause de retour peut encore être limitée dans le temps.

Ainsi, les parties pourraient prévoir que le droit de retour jouera si le donataire prédécède dans un délai de X ans à compter du jour de la donation.

67. Donateur et donataire peuvent aussi convenir que le retour ne jouera pas dans certaines hypothèses bien précises, par exemple lorsque le bien a été aliéné – à titre gratuit ou à titre onéreux – à telle ou telle personne (par exemple, les enfants du donataire, son

99. M.A. Masschelein, Schenking bij notariële akte, Bibliotheek Burger-lijk Recht en Procesrecht Larcier, Gand, Larcier, 2007, p. 102, n° 157, note infrapaginale 458.100. J. Verstraete, « Wederzijdse giften met bedongen terug-keer als instrument van vermogensplanning », in Over naar familie. Liber amicorum Luc Weyts, Bruges, die Keure, 2011, pp. 20 et 21, n° 32.101. E. Beguin, « Quelques réflexions sur le retour conventionnel et la pratique notariale », Rec. gén. enr. not., 2009, n° 26.015, pp. 76 et 77.

conjoint)102 ou plus généralement lorsque le donataire prédécède et laisse un conjoint ou un cohabitant (légal ou de fait)103.

IV.La renonciation au droit de retour

conventionnel après l’acte de donation

68. Lorsque la renonciation au droit de retour conven-tionnel n’a pas été prévue dans l’acte de donation (ou dans le pacte adjoint), par exemple en cas d’aliénation du bien donné, le donateur a encore la possibilité de renoncer à ce droit de retour à tout moment, soit pen-dente conditione, soit même après le décès du dona-taire104. Il ne s’agit pas d’un pacte sur succession future puisque le donateur ne renonce pas à des droits pure-ment éventuels dans la succession future du donataire. Il renonce à des droits conditionnels qui se trouvent dans le patrimoine du donataire au jour de la renon-ciation105.

◊ Il n’est bien entendu pas possible de renoncer au droit de retour légal du vivant du donataire car il s’agirait d’un pacte sur succession future. Si le prédécès du donataire survient, l’ascendant donateur peut néanmoins renoncer à cette succession anomale, sans qu’il soit tenu d’opter dans le même sens s’il est également successeur dans la succession ordinaire.

69. Le cas échéant, une renonciation au retour lors de la donation – dans l’acte notarié de donation ou dans le pacte adjoint – sera préférable. Il en va ainsi si le donataire redoute que le donateur refuse de renon-cer ultérieurement au retour ou si, au moment où la renonciation au retour est envisagée, le cas échéant plusieurs années après la donation, le donateur ne dis-pose plus de la capacité juridique requise.

102. M.A. Masschelein, Schenking bij notariële akte, Bibliotheek Burgerlijk Recht en Procesrecht Larcier, Gand, Larcier, 2007, p. 111, n° 172 ; C. De Wulf (avec la coll. de J. Bael et S. Devos), La rédaction d’actes notariés. Droit des personnes et droit patrimonial de la famille, Waterloo, Kluwer, 2013, p. 414, n° 718.103. N. Labeeuw, « Recht van terugkeer en zakelijke subrogatie », T.E.P., 2006, p. 109, n° 113.104. Pour un exemple de renonciation pendente conditione, voy. Civ. Bruges, 26 mai 1891, Pas., 1892, III, p. 294. En l’espèce, le donateur avait concouru sans restrictions ni réserves à la vente de l’immeuble donné.105. M. Coene, « Commentaar bij art. 951 B.W. », in Erfenissen, schenkingen en testamenten. Commentaar met overzicht van rechts-praak en rechtsleer, Anvers, Kluwer, 2003, p. 26, n° 60. Voy. aussi L. Flamant, « Nut of nutteloosheid van de tussenkomst van de schenker », T. Not., 2008, p. 277.

Les parties précisent que la donation ne se rapporte pas particulièrement aux éléments individuels com-posant ut singuli le compte- titres dont question mais porte sur le compte- titres envisagé in globo. La com-position du compte- titres peut être modifiée par emploi ou remploi des différents éléments formant l’universalité. Dès lors, les changements dans la com-position du compte- titres par emploi ou remploi n’af-fecteront pas l’objet de la présente donation, étant le compte- titres individualisé sous le numéro *.

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A. Pendente conditione70. Pendente conditione, c’est- à- dire durant la vie du donataire, le donateur peut renoncer en tout ou en partie au droit de retour, de manière expresse ou tacite106.

L’occasion se présentera lorsque le donataire souhaite vendre ou affecter en hypothèque le bien donné et que l’acte de donation ou le pacte adjoint ne traite pas de cette éventualité.

Le donataire doit vaincre la réticence de son interlocu-teur qui redoute l’éventuelle résolution de la vente ou de l’hypothèque.

71. La renonciation est expresse lorsque le donateur intervient à l’acte pour renoncer à poursuivre le bien entre les mains du vendeur ou du créancier hypothé-caire. La renonciation peut aussi intervenir en cas d’ap-port du bien donné au patrimoine commun.

La renonciation est tacite en cas de concours du dona-teur, sans réserves, à la vente du bien par le donataire ou à un acte d’affectation hypothécaire107.

72. Comment la renonciation doit- elle être qualifiée juridiquement ?

Les avis sont partagés en doctrine.

Certains108 voient dans la renonciation anticipée au retour conventionnel une nouvelle donation qui serait de la sorte consentie par le donateur originaire, pour autant que la renonciation intervienne animus donandi. La donation serait réalisée sous condition suspensive du prédécès du donataire.

Le patrimoine du donateur s’appauvrit car il perd une chance de récupérer le bien en cas de prédécès du dona-taire et le patrimoine du donataire s’enrichit puisqu’il est assuré de conserver le bien donné (sauf réduction en cas de dépassement de la quotité disponible).

106. Rép. Not., « Traité des hypothèques et de la transcription » (E. Genin, mis à jour par R. Poncelet, A. Genin, G. de leval et M. Renard- Declairfayt), t. X, l. I, Bruxelles, Larcier, 1988, p. 272, n° 489.107. Dans cette hypothèse, la renonciation est limitée à l’hypo-thèque (H. De Page, Traité élémentaire de droit civil belge, t. VIII, vol. 1, 2e éd., Bruxelles, Bruylant, 1962, p. 689, n° 571bis ; M.A. Masschelein, Schenking bij notariële akte, Bibliotheek Burgerlijk Recht en Proces-recht Larcier, Gand, Larcier, 2007, p. 100, n° 157).108. M. Coene, « Commentaar bij art. 951 B.W. », in Erfenissen, schenkingen en testamenten. Commentaar met overzicht van rechts-praak en rechtsleer, Anvers, Kluwer, 2003, p. 26, nos 61 et 62 ; N. Labeeuw, « Recht van terugkeer en zakelijke subrogatie », T.E.P., 2006, p. 115, n° 120 ; M.A. Masschelein, Schenking bij notariële akte, Bibliotheek Burgerlijk Recht en Procesrecht Larcier, Gand, Larcier, 2007, p. 112, n° 175 ; W. Pintens, Ch. Declerck, J. Du Mongh et K. Vanwinckelen, Fami-liaal vermogensrecht, 2e éd., Anvers, Intersentia, 2010, p. 609, n° 1145 ; J. Verstraete, « Wederzijdse giften met bedongen terugkeer als instru-ment van vermogensplanning », in Over naar familie. Liber amicorum Luc Weyts, Bruges, die Keure, 2011, p. 16, n° 20.

D’autres considèrent que cette renonciation anti-cipée ne vient que conforter la donation originaire en consolidant les droits du donataire originaire109. Les arguments qu’ils avancent paraissent convain-cants. D’abord, force est de reconnaître que l’inten-tion libérale du donateur est rarement présente. Il ne s’agit en effet pas tant de gratifier une nouvelle fois le donataire que de parer aux inconvénients de la clause de retour dans les relations du donataire avec les tiers. Par ailleurs, il ne paraît pas aisé de détermi-ner concrètement l’objet de cette nouvelle donation. Ainsi, si la clause de retour n’avait pas été insérée, l’objet de la donation aurait- il été plus important que celui de la donation affectée d’un tel retour ? On peut en douter.

73. Si la donation est immobilière, la renonciation au droit de retour constitue une renonciation à un droit de propriété sous condition suspensive. Il s’agit donc d’une renonciation à un droit réel immobilier qui est assujettie à la transcription en vertu de l’article 1er de la loi de 1851110.

74. Notons encore que la renonciation au retour conventionnel n’empêche pas le donateur de se préva-loir du retour légal si les conditions d’application sont réunies au jour du décès du donataire111.

B. Après le décès75. Le donateur peut renoncer au droit de retour une fois que la condition résolutoire s’est réalisée, c’est- à- dire lors du décès du donataire112. Il laisse alors le bien donné à la succession du donataire.

Comment qualifier l’opération ?

À moins qu’il soit facultatif, le retour opère automati-quement. Le bien a déjà fait retour dans le patrimoine du donateur avant que celui- ci n’ait eu l’occasion d’y renoncer.

Il faut dès lors considérer, nous semble- t-il, que la renonciation constitue une nouvelle donation

109. M. Grimaldi, Droit civil. Libéralités. Partages d’ascendants, Paris, Litec, 2000, p. 178, n° 1230 ; E. Beguin, « Quelques réflexions sur le retour conventionnel et la pratique notariale », Rec. gén. enr. not., 2009, n° 26.015, p. 81, n° 22 ; Ch. Aughuet et M. Grégoire, « Droit de retour conventionnel. Possibilité d’y renoncer pendente conditione ? Aspects civils », Notamus, 2/2009, pp. 16 à 18.110. Rép. Not., « Traité des hypothèques et de la transcription » (E. Genin, mis à jour par R. Poncelet, A. Genin, G. de leval et M. Renard- Declairfayt), t. X, l. I, Bruxelles, Larcier, 1988, p. 272, n° 489.111. E. Beguin, « Quelques réflexions sur le retour conventionnel et la pratique notariale », Rec. gén. enr. not., 2009, n° 26.015, p. 79.112. F. Laurent, Principes de droit civil, t. XII, Bruxelles, Bruylant, Paris, A. Durand & Pedone Lauriel, 1874, p. 550, n° 466 ; I. De Stefani, « Le droit de retour », in La fiscalité des donations et ses incidences civiles, Louvain- la- Neuve, Anthemis, 2005, p. 135.

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Page 20: Article de doctrine "La clause de retour conventionnel"

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Doctrine | Fabienne Tainmont et Emmanuel de Wilde d’EstmaelRe

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consentie par le donateur aux ayants droit du dona-taire111.

Cette qualification est bien entendu lourde de consé-quences tant au niveau civil que fiscal112, de sorte qu’il est nettement préférable de libeller la clause de retour de manière facultative.

Conclusion

76. La multiplication des donations, encouragée par une fiscalité favorable, a mis les clauses de retour conven-tionnel au devant de la scène doctrinale.

Libellées de manière relativement simples jusqu’il y a peu, ces clauses se sont considérablement sophistiquées, notamment pour préserver la liberté du donateur de faire jouer ou non le retour et pour tenir compte des éven-tuelles aliénations successives du bien donné. Il en résulte des clauses très complexes et parfois incohérentes.

Certaines évolutions sont favorables et ne posent pas de difficultés quant à leur validité. En revanche, d’autres sont plus audacieuses et ne sont pas exemptes de toute critique sur le plan juridique. On songe en particulier aux clauses de subrogation qui tendent actuellement à être systématiquement insérées dans les clauses de retour. La prudence est pourtant de rigueur. La juris-prudence ne s’est pas encore prononcée sur leur vali-dité ; l’effectivité de la clause suppose une traçabilité des diverses opérations effectuées ; la subrogation est tout à fait inopportune dans certaines situations et son traitement fiscal est incertain.

Plus que jamais, le praticien doit veiller à être à l’écoute des parties. Il doit d’abord poser la question de l’opportunité d’insérer une clause de retour. Il doit ensuite libeller la clause de telle manière qu’elle soit compréhensible par les parties, adaptée à leur situation concrète et sûre d’un point de vue juri-dique.

113. M.A. Masschelein, Schenking bij notariële akte, Bibliotheek Burgerlijk Recht en Procesrecht Larcier, Gand, Larcier, 2007, p. 112, n° 175 ; W. Pintens, Ch. Declerck, J. Du Mongh et K. Vanwinckelen, Familiaal vermogensrecht, 2e éd., Anvers, Intersentia, 2010, p. 610, n° 1146 ; L. Weyts, « Evolutieve bedingen of wijzigingen nadien bij schenkingsakten », in Confronting the frontiers of family and succession law. Liber amicorum Walter Pintens, t. II, Cambridge, Antwerp, Portland, Intersentia, 2012, p. 1777.114. Des droits de donation seront en effet dus selon l’éventuel lien de parenté entre le donateur et les héritiers du donataire (J. Verstraete, « Wederzijdse giften met bedongen terugkeer als instrument van vermogensplanning », in Over naar familie. Liber amicorum Luc Weyts, Bruges, die Keure, 2011, p. 16, n° 20).

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