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  • Bernard Sergent

    La religion cosmique des Indo-EuropensIn: Annales. conomies, Socits, Civilisations. 45e anne, N. 4, 1990. pp. 941-949.

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    Sergent Bernard. La religion cosmique des Indo-Europens. In: Annales. conomies, Socits, Civilisations. 45e anne, N. 4,1990. pp. 941-949.

    doi : 10.3406/ahess.1990.278879

    http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1990_num_45_4_278879

  • LA RELIGION COSMIQUE DES INDO-EUROP ENS

    NOTE CRITIQUE

    BERNARD SERGENT

    Le livre de Jean Haudry est la runion tudes publies pour la plupart antrieure ment dans la Revue des tudes indo-europennes onde par lui Lyon avec Jean Varenne et Jean-Paul Allard Trois thses principales sont soutenues en premier lieu que la cosmologie indo-europenne la plus ancienne repos sur ide de trois cieux respectivement diurne nocturne et crpusculaire tournant autour de la terre et que l se trouve origine des trois fonctions et des couleurs qui leur sont associes savoir selon cet auteur le blanc le noir et le rouge en second lieu que la desse grecque Hera ait t initialement la desse de Anne et en particulier de la partie la plus belle de anne le printemps con comme une vritable aurore au sortir de la nuit hivernale enfin que la notion et le nom grecs du hros proviendraient de ce ils agissait lus parvenus immortalit en gagnant anne est--dire Hera un et autre noms tant de la famille de anglais year allemand Jahr etc ces trois dmonstrations accrochent un grand nombre examens particuliers tymologies de noms de dieux ou de hros de comparaisons de formules potiques de motifs mythiques

    La plus solide de ces dmonstrations est la seconde Outre etymologie dont Haudry est pas inventeur et ailleurs ici il cite ses sources le parallle men entre Hera et les Hrai les Heures qui sont rellement en Grces des desses du printemps de mme que beaucoup lments de la tradition et de la religion grecques concernant la desse confortent hypothse elle ait pu tre au moins dans un stade antrieur la religion classique une desse de Anne clbre principalement au printemps La seconde des thses voques est sduisante autant que auteur pas utilis ou maladroitement certaines donnes de la tradition qui taient susceptibles appuyer la thse ainsi le mythe de Jason pp 274-275 auteur parat ignorer le mythe qui montre Jason portant Hera lors de sa traverse de Anauros et il signale en note que le rcit appelle une tude plus pousse il ignore simplement toutes les tudes qui ont t consacres Jason monosandalos par Deonna Brelich Vidal- Naquet la discussion sur les relations entre Hera et Herakles pp 183 188-189 est tout fait insuffisante elle et gagn poser le problme en termes structuraux

    propos du livre de Jean HAUDRY La religion cosmique des Indo-Europens Milan-Paris ditions des Belles Lettres Arche 1987 329

    941 Annales ESC juillet-aot 1990 n0 pp 941-949

  • AUTOUR DU RELIGIEUX

    Quant la premire thse elle ne rsiste pas la critique Sa base factuelle est extr mement mince et auteur doit solliciter les donnes ce dont on verra autres exem ples En effet les trois cieux dont parle Rig-Veda 35 sont nettement le Jour la Nuit et le Monde infrieur ils ne tournent pas et deux des trois sont noirs Les deux crpuscules en revanche sont des coupures et la propre etymologie que soutient Haudry pour le nom de Kronos le coupeur entre Ouranos-ciel nocturne et Zeus- ciel diurne le confirmerait Pour trouver malgr tout et malgr absence attesta tion un ciel rouge auteur doit jouer pp 51-53 sur les sens des diffrents mots issus de la racine indo-europenne *reg.-e/os savoir selon les diverses langues indo europennes tnbres monde infernal soir espace sombre mais aussi en sanscrit menstrues La seule chose que on peut en fait tirer de ces don nes est que le terme dsigne le crpuscule parfois rougetre et surtout sombre et subsidiairement que les deux cieux noirs de R.-V. 35 en font un dans la pense indo-europenne reconstituable par le vocabulaire Or il agit l de unique base factuelle de la thse en question on voit elle surinterprte les donnes au besoin par des contresens Les consquences tires de hypothse des trois cieux tour nant sont ds lors nulles et non avenues en particulier il est impossible de tirer de image de ces trois cieux la thorie indo-europenne des trois fonctions et le systme des couleurs qui est li il ne agisse pas de couleurs clestes est ailleurs prouv une part dans le fait que la couleur lie la troisime fonction varie parfois est le noir mais dans de nombreux textes est le vert le bleu le brun) autre part dans la rcurrence de la liaison entre la couleur blanche et la sphre religieuse dans quantit de socits non indo-europennes2 et universellement de celle entre le rouge et la guerre

    or la guerre est pas essence de la seconde fonction indo-europenne qui est comme Dumzil bien indiqu la force physique3 Il ensuit que le systme indo europen des couleurs est pas primaire mais driv et au second degr force phy sique o guerre o rouge)

    Voici que ai parl ignorances de contresens de surinterprtations est--dire une bien mauvaise philologie est hlas ce qui caractrise en fait ce livre un bout autre Les manipulations les approximations les assertions sans discussion abondent de mme que les omissions de dtails gnants pour une dmonstration en cours

    Exemples de ce dernier procd 112 auteur soutient que la desse Lto est la Nuit ce que confirme son pithte de chia la source sur ce point est pas donne est Eusbe Prparation vanglique III citant Plutarque) ce qui permet ignorer Eusbe parl de Lto Mukhia en ajoutant que certains disent nukhia les qualificatifs sont donc toujours rappels ensemble et le travail un phi lologue srieux et consist les discuter Page 270 Haudry assure vidence tenant ses dmonstrations antrieures que dans le mythe des Travaux Herakles les vaches rousses de Geryn que le hros va qurir sont des images de Aurore comme dans les textes vdiques il nglige simplement de signaler que dans le mythe le de Geryn est occidentale et rouge ce qui eut quelque peu compliqu sa dmonstration Dans un grand nombre de cas auteur cite des etymologies comme acquises et certaines 15

    signifie littralement sommeil de anne 86 le nom de Deu- calion est issu de la forme dissimile un *leukalin signifiant le Blanc de mme que celui de Pollux polude kes est dissimile de poluleuk cf vd purur c-

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    Exemples approximations imprcisions de choses superficiellement traites 68 il est question de la fte celtique de Samonios qui est clbre le premier

    novembre est inexact Samonios est le nom un mois sur le Calendrier gaulois de Coligny le nom de la fte irlandaise est Samain Page 108 on parle du terme grec

    Themis Institution dont le nom correspond au dharma classique est absurde le sens du grec thmis thmistes aucune poque pu tre proche du sens rigoureusement li la forme de la socit indienne de dharma Pages 123-124

    Pausanias 22 nous apprend en Arcadie trois temples taient vous . il avait bien plus de trois temples Hra en Arcadie ceux auxquels il est

    fait allusion ici la rfrence prcise est Paus. VIII 22 se trouvaient Stymphale dans le nord-est de cette contre Page 204 au sujet de Pasipha son nom celle qui brille pour tous indique une figure solaire ou lunaire de avis de plusieurs commentateurs anciens ou modernes ce dont Haudry visiblement cure Page 155 je cite Olympie Hera est desse confdrale les seize femmes qui tissent son pplos symbolisent les seize villes de la confdration on est laiss dans ignorance de la confdration dont il agit par ailleurs le nombre des Seize femmes est origine sacre il ne tient pas au nombre de cits de je ne sais quelle confdration

    Page 15 auteur mentionne les Douze Jours du monde germanique et celtique est encore une improprit lesdits Douze Jours fte hivernale qui tend de Nol Epiphanie dans les pays chrtiens une part ne sont pas attests dans ancien fes- tiaire celtique autre part le sont principalement dans le monde slave et balkanique et en Inde ancienne ils sont par ailleurs reviendrai largement attests en dehors du monde indo-europen

    Page 136 le mois attique de Gamlin est pas notre mois de janvier il est cheval sur ce dernier mois et sur fvrier en sorte que les Lnaia ftes attiques du pressurage de la vigne ne peuvent tre des ftes de milieu hiver quoi en aient dit Jeanmaire et Haudry aprs lui) mais bien de fin hiver Mme page en note un renvoi Louis Gernet dans son recueil Anthropologie de la Grce antique Paris 1982 las ce ne peut tre son recueil puisque est un ouvrage posthume et pour sa premire di tion de 1968

    Haudry discute du personnage de Tituos pp 215-216 sans mentionner son carac tre nettement lunaire dommage dans une discussion portant sur aspect

    cosmique des tres mythiques Page 229 il ne voit comme indice un culte des hros ds poque mycnienne que la mention tiriseroe au Triple Hros sur deux tablettes de Pylos et il donne de ce personnage 192 une interprtation qui aucun fondement dans la documentation il en est pourtant autres indices puisque plu sieurs toponymes dans les tablettes en linaire de Pylos sont tirs de noms que on connat poque historique comme ceux de vieux hros ploponsiens5 Plus ton nant la longue discussion sur les rapports entre Zeus et Hera que auteur juste titre tient pour anciens ne cite explicitement nulle part le document essentiel sur ce point et qui eut vit bien des lignes savoir association de ces deux divinits dans le mme sanctuaire aprs une tablette pylienne Tn 316 verso il est seulement voqu

    113 et non rfrenc exactement Nombre de suppositions sur les lgendes et les rites de la desse Hera sans tre

    ncessairement inexactes se passent de dmonstrations on est tenu de faire confiance inspiration de auteur ainsi pp 133-134 pour la lgende Io 142 pour celle des enfants de Mde Corinthe 132 pour celle Ixin pp 138-139 pour les ftes de Hera Samos les deux premires par exemple sont mythes fondateurs de rituels ini tiatiques et cet aspect essentiel est pas pris en compte)

    Ces mythes et cultes sont ailleurs voqus gnralement travers un auteur

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    moderne par exemple le Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine de Pierre Grimai est sans conteste un bon ouvrage mais les notices sont synthtiques et cela interdit tudier un mythe en fonction de ses variantes voir par exemple pp 214-216 sur Tantale Sisyphe Tituos 133 sur Io 110 sur union entre Zeus et G 70 sur la fte des Kronia Le danger de la mthode clate dans un passage comme celui-ci

    262 Une lgende clbre conte une premire tentative malheureuse immortalisation Thetis plonge Achille nouveau-n dans le Styx mais comme elle le tient par le talon cette partie de son corps demeure vulnrable et est l que atteindra la flche de Paris le passage est pas rfrenc est tellement clbre dom mage car auteur se fut alors aper il est littrairement trs tardif il est pas men tionn avant Stace auteur latin du Ier sicle de notre re) et si des peintures de vases tmoignent de son existence antrieurement il est en tout cas pas homrique Haudry ignore superbement ces nuances

    La situation du ct des auteurs modernes est gure plus brillante Un paragraphe sur la desse Mtis ignore le livre fondamental de Marcel Dtienne et Jean-Pierre Ver- nant sur la Mtis des Grecs Page 221 Haudry dcouvre je veux bien le croire une rpartition trifonctionnelle de six hros dans un fragment du pote laconien Tyrte lui qui se targue de dcouvrir du matriel indo-europen hrit en Grce ignore donc que avais signal ce passage dix ans auparavant7 Enfin plus trange premire vue quoique explicable le fondateur et matre de ce type tudes Georges Dumzil est cit le moins souvent possible Il aurait d tre au sujet du dieu indien Dyau sur Mitra et Varuna Tyr et Wotan pp et 90 sur interprtation de la Rigsthula Scandinave et tymologie de anthroponyme Rig 30 sur inversion des dieux en dmons en Iran mazden 93 sur les guerres des Ases et des Vanes des Romains et des Sabins8 il est tout de mme 32) est pour justifier un point topique dont Haudry besoin dans sa dmonstration Il faut savoir ici que si un ct Haudry et ses compagnons de route se rclament souvent de Dumzil et tirent eux le bnfice de ses dcouvertes9 le grand philologue lui avait demand Jean Haudry de sup primer de son Que sais-je sur les Indo-Europens les passages les plus ambigus politiquement10 et refus toute participation aux travaux de cette quipe ne prfa ant aucun de ses ouvrages envoyant pas article sa revue mettant enfin le plus de dis tance entre lui et cette entreprise On comprend alors que la mythologie cosmique un Haudry ne doive miraculeusement plus rien Dumzil dont les trois fonctions ailleurs devenues la fois clestes ci-dessus et sur terre des castes ci-dessous) sortent de ce traitement dfigures

    Il faut en effet en venir aspect le plus dsagrable de ce travail plus que des oublis ou des ignorances la manipulation des documents Soit par exemple le passage sui vant qui est le rsum-programme un chapitre

    La lgende grecque de Deucalion et Pyrrha mythe origine de la socit repose sur application sociale du scheme cosmique des trois couleurs Deuca lion signifie le Blanc Pyrrha le Rouge et pour repeupler le monde aprs le dluge ils lancent derrire eux des pierres sur la Terre noire De la Terre ainsi fconde naissent des hommes et des femmes Puis unissant Deucalion et Pyrrha procrent Hellen anctre des Grecs est dire que les Grecs sont issus de union des deux principes suprieurs le principe blanc du ciel-diurne le sativa indien et le principe rouge du ciel auroral et crpusculaire le rajas indien) tandis que les non-Grecs ont en eux le principe noir de la Terre le tamas indien La filiation tablit donc ainsi trois cieux trois couleurs trois principes trois castes trois natures individuelles 81)

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    est une manipulation et monstrueuse arbitraire Les auteurs grecs ont jamais prtendus que le mythe de Deukalin tait un mythe origine de la socit mais celui globalement de humanit ils ont jamais dit que les hommes ns des pierres taient des non-Grecs Au contraire dans les mythes tout semblables les fondateurs de aristocratie de Thbes sont ns des dents un dragon jetes en terre par Kadmos qui est lui origine divine les uns ne sont pas moins grecs et plus noirs que autre Dans un troisime mythe Aiakos fils de Zeus obtient de celui-ci la transformation des fourmis de le gine en hommes cela forma les Myrmidons la troupe guerrire Achille On dit plus haut ce il fallait penser des trois cieux mais on pointera ici la singulire occurrence du terme caste On sait que la caste est une institution spci fiquement indienne et dont il existe de parallles rigoureux nulle part ailleurs Haudry lui dcide sans preuve que est une institution indo-europenne pp 286- 287 292) et ds lors en trouve partout en Grce dans le passage ci-dessus est de la science-fiction) dans Iran ancien pp 11 83 est une surinterprtation des don nes) et chez les Germains mdivaux pp 90 286 est de ordre du fantasme)

    On vient de voir comment un mythe grec est lu en plaquant artificiellement sur lui une classification indienne est la mthode usuelle dans ouvrage Page 11 la Tho gonie hsiodique dsarticule pour adapter des donnes indiennes aboutit un schma de succession Ouranos-Kronos-Zeus- nouveau Kronos- nouveau Zeus Pages 131-132 le mythe de Hera pendue sur ordre de Zeus fait objet un traitement contradictoire les enclumes accroches aux pieds de la desse seraient une image du ciel) appuy sur une strophe un hymne vdique dont le contenu offre rien de commun hormis un mot signifiant fix avec le mythe grec Pages 148-149 cer taines pithtes de Hera signifiant atteleuse hippique cochre sont inter prts directement en fonction de mtaphores vdiques la mthode correcte et consist chercher abord le sens de ces piclses intrieur de la culture grecque puis ce sens dgag de vrifier il se rapprochait un matriel indien comparable

    Autres exemples de manipulations Le tableau 98 des quatre catastrophes de la fin du monde rien indo-europen Le lecteur vrifiera aisment que est une cons truction de esprit non fonde sur des textes Page 80 une discussion fonde sur un mot hittite et sur la place de Nux la Nuit en grec dans un hymne orphique aboutit faire reconsidrer la signification de Nux dans la cosmogonie Hsiode. qui doit tre elle aussi le ciel crpusculaire de la tombe de la nuit Haudry nous mon trera-t-il bientt Hsiode ne parlait pas grec Page 266 tudiant le mythe voqu dans Iliade du combat annuel entre les grues et les Pugmaoi il ose crire Le mas sacre des nains qui sont noirs mme il ne agit pas des Pygmes proprement dit). ainsi auteur est conscient que les Pygmes homriques ne sont pas les Pyg mes actuels et pourtant vidence moderne selon laquelle les Pygmes sont noirs adapte trop bien sa thse pour il ait le courage scientifique de en point tenir compte La manipulation va ici incohrence

    Pages 58-64 auteur se donne beaucoup de mal pour trouver une etymologie com mune aux noms du dieu indien Savitar impulseur quotidien du Soleil et du Saturne latin ft en dbut hiver Malheureusement il faudrait pour correspondre au -v- du mot indien un -v- prononc -w- dans le mot latin cela ne tienne La forme est donc pas latine elle peut tre sicule comme on propos pour autres raisons il semble que dans cette langue le *w soit sujet tomber au moins initiale talos witalos On sait par ailleurs que le nom des sicules se rattache celui de la faucille est le peuple la faucille ou le peuple du dieu la faucille 63 Outre la pirouette qui consiste chercher tymologie du nom un vieux dieu latin dans une langue inconnue et de Sicile on ici un montage qui surprend chez un monsieur connu comme

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    linguiste les Anciens accordent considrer que le mot Italia abord dsign actuelle Calabre et non pas la Sicile seul Denys Halicarnasse propose une etymo logie sicilienne mais appuye sur un mot witulus de la langue des indignes Antiquits romaines 35 en ce cas le sicule avait pas perdu le -w- initial le nom des sicules

    de rapport avec la faucille que pour autant on le rapproche du mot zanki faucille emprunt par le grec leur langue le rapprochement est plus que dou

    teux Par ailleurs Saturne eu de rapport avec la faucille partir du moment o sur un plan uniquement littraire on identifi au Kronos grec La linguistique Haudry est ici du magma Mais citons la conclusion de cette discussion tymologique

    les lois phontiques du sicule sont trop peu connues pour on tente une hypothse De plus un nom propre immotiv est sujet diverses dformations qui ajoutent aux volutions phontiques Mieux vaut donc revenir aspect fonctionnel du rapprochement ici les correspondances sont manifestes ds on prend en consid ration homologie entre le jour et anne ou comment prouver importe quoi

    On peut certes se demander comment un dieu ft au dbut de hiver peut tre homologue un dieu agissant avant le jour Ce est pas compliqu Peut-tre Saturne dans un tat plus ancien de la lgende se manifestait-il aussi au crpuscule de la journe est ce que suggrent une part le paralllisme formel avec diurnus et noc- turnus autre part la dnomination de Italie comme Saturnia tellus qui peut tre le

    terre du couchant comme son autre nom Hesperia pp 62-63 Soit deux peut tre et une absurdit Hesperia est un nom grec Italie est occidentale pour

    les Grecs pas pour les Italiens) Page 207 Dionysos est le dieu de hiver nous dit-on en raison du texte de Plu-

    tarque selon lequel Apollon quitte Delphes en hiver pour laisser la place Dionysos Contresens encore une fois dieu de la vgtation Dionysos le pouvoir imposer la vie malgr les frimas il est pas le dieu de ceux-ci

    Une autre dmarche tonnante est celle qui consiste voir partout des desses Aurores Dans le seul domaine grec Aphrodite pp 16 177 288) Athna pp 128 135 179 289) Hlne pp 94 190) Thtis la mre Achille pp 175 261 262 Ail leurs 289) est la desse irlandaise de la guerre la Morrigan Haudry trouve des desses aurores comme au xixe sicle les mythologues trouvaient des hros solaires jus- ques et compris Napolon Mais ici encore imprcision approximation empor tent sur le scientifique Pour Aphrodite 16 on nous dit que Nagy montr de fa on convaincante Aphrodite reprsente la desse indo-europenne de Aurore avec renvoi au livre The Best ofthe Achaeans Baltimore-Londres 1979 197 ss or est faux Gregory Nagy montre en effet endroit indiqu par comparaison entre les mythes grecs et ceux de Inde Aphrodite d emprunter des mythes qui en Inde concernent Aurore et nullement Aphrodite est elle-mme aurorale Aux pages 177 et 188 pour le mme sujet la rfrence change il agit prsent de tude de Deborah Boedeker Entry into Greek Epic Leyde 1974 cette fois la rfrence est bonne mais incomplte identification est faite 15 du livre indiqu La surinterprtation concerne galement Thtis pour identifier Aurore auteur appuie 175 sur une citation Legrand 261 nouveau sur le livre de

    Boedeker avec comme rfrenciation passim or aucun de ces deux auteurs ne parle identification entre Thtis et Aurore ils notent seulement Mme Boedeker

    84 de son tude que les mythes de Thtis et Es Aurore grecque se ressemblent Enfin au sujet Athna la 135 la prsente comme une Mchante Aurore sic) et la 179 annonce Comme on essaiera de le montrer Athna fille de Zeus est aussi une Aurore la dmonstration de ce point apparat en aucun endroit de ouvrage Tout cela est en air

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    La rapidit et la superficialit ont donc prsid ce travail On comprend pourquoi alors activit fantasmatique tant de place dans criture de cet auteur On signale ci-dessus au sujet des castes et des trois cieux qui sont autant de projections du dsir de auteur Il en autres Et elles sont plus graves Dire des thiopiens de VIliade et de VOdysse que ce ne sont pas des Ngres est pas faux mais un peu choquant crire que la guerre des Ases et des Vanes dans le lgendaire scandinave celle des Romains et des Sabins dans le rcit des origines de Rome sont censes avoir mis fin une fois pour toutes au conflit entre lite et la plbe 93 est un grossier contre sens dans lequel pointe une projection aussi malsaine que dans la projection du concept de castes sur tout le monde indo-europen Mais le pire se trouve dans ahurissante manipulation un certain nombre de donnes pour donner corps et vie au mythe moderne de origine borale des Indo-Europens Il agit un chafaudage de contresens Haudry reconstitue partir de formules vdiques essentiellement une expression potique indo-europenne contenant expression nuit hivernale pp 14 et 243 ss prend littralement cette dernire expression comme signifiant que hiver est une nuit et non pas ce qui est pourtant vident que la priode hivernale est con ue comme une longue nuit ainsi pp 245-246 cette priode obscurit ne peut tre initialement sic que la nuit de hiver qui se termine avec le dbut de la nou velle anne On sait que le Vda conserve par ailleurs le lointain souvenir une

    longue nuit comme celle que on connat dans les rgions proches du ple et les passages du Vda en question si fondamentaux pour ladite thse ne sont pas cits il interprte littralement une formule comme celle de Avesta ast VI quand le Soleil ne se lve pas les dmons dtruisent tout ce qui existe dans les sept parties de univers pp 64-65 alors il sait trs bien voir des mtaphores dans autres for mules semblables ici ide renvoie implicitement ce qui se passe dans des clipses

    plus courantes en Iran que des nuits polaires il dcide que la notion des Douze Jours remonte la priode indo-europenne commune 15 et interprte gale ment littralement est une nuit hivernale de douze jours mme page il cons tate homologie dans les penses anciennes de Inde ou de Irlande des units de temps du type jour anne 12 et cf 74) puis l encore en donne une interprtation partir de faits rels alors il agit sans doute un fait de pense12

    La raison de homologie entre les units de temps apparat dsormais dans les rgions circumpolaires anne est effectivement homologue du jour elle consiste en une longue nuit une priode dangereuse il faut traverser une suite aurores un long jour 18 Sur ces prmisses la conclusion impose les Indo- Europens sont leur berceau au-del du cercle polaire pp 269 295 Et voici le comble de absurde Suivant la latitude cette nuit hivernale est plus ou moins longue une certaine latitude la nuit hivernale dure effectivement douze jours est pour cette raison que la priode des douze jours secondairement mise en relation avec les douze mois de anne est considre comme nocturne 269 On regrettera Haudry ait eu la paresse de chercher quelle latitude exacte le soleil disparat pendant douze jours de suite dans le nord de la Scandinavie il et pu nous dire alors en quel point prcis des Indo-Europens taient sortis de terre

    Las Ds lors que les hommes ont commenc vouloir compter le temps ils se sont aper une anne solaire renfermait peu prs douze cycles lunaires et un trs grand nombre de calendriers dans le monde indo-europen et ailleurs comportent douze mois Dans le monde indo-europen et ailleurs ces mois sont personnifis symboliss

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    mtaphoriss par exemple par Douze Animaux au carnaval et les commen tateurs les folkloristes les mythologues ont tous vu dans les Douze Jours du change ment anne une mtaphore des douze mois Il faut une puissante imagination fantas matique pour aboutir aux contresens et manipulations conceptuelles dont tmoigne le livre de Jean Haudry ai parl ailleurs de la source idologique de ces fantasmes14 On voit que de ce ct rien chang

    Bernard SERGENT Paris

    NOTES

    Sur les rougeurs aurorales et vesprales cf mon article Celto Hellenica Celleh et Kphalos dans les Mlanges Leveque 1989 pp 261-292 pp 273-274 sur erebos reflet du mot indo-europen en grec mon article Enfers mode grec dans Rituels de deuil tra vail du deuil sous la direction de Tobie NATHAN Nouvelle Revue Ethnopsychiatrie 10 1988 pp 52-55

    Par exemple en Egypte ancienne RODOTE II 37) chez les Hbreux Samuel XXII 18) les Syriens Edesse LUCIEN La desse syrienne 42) les chamanes buriates en Sibrie

    ELIADE La chamanisme et les techniques archaques de extase Paris Payot 2e dition 1968 pp 108 et 157) ou en Amrique les Inca et les Tule de tat de Panama

    Les dieux des Indo-Europens Paris PUF 1952 Richard DIETERLE The Thirty Brothers Journal of Indo-European Studies 15 1-2

    1987 pp 190-191 193-194 Mon tude Mythologie et histoire en Grce ancienne Dialogues Histoire ancienne

    1979 62 DETIENNE J.-P VERNANT Les ruses de intelligence la Mtis des Grecs Paris Flam-

    marion 1974 Dans La reprsentation spartiate de la royaut Revue de Histoire des Religions 189

    1976 pp 50-51 Respectivement Les dieux souverains des Indo-Europens Paris Gallimard 1977 208

    id. pp 55 ss 183 ss La Rigsthula et la structure sociale indo-europenne Revue de His toire des Religions 154 1958 pp 1-9 Les dieux des Indo-Europens pp 15-21 Tarpeia Paris Gallimard 1947 247 ss

    Cf HAUDRY Les Indo-Europens Paris PUF 1981 Je remercie Georges Dumzil avoir bien voulu lire le manuscrit de ce livre il va de soi que en reste seul

    responsable cela vaux mieux Le dernier numro 1989 tudes indo-europennes la revue de VARENNE HAUDRY ALLARD lequel fut le prsident du jury de la thse rvisionniste Henri ROQUES Nantes est un Hommage Georges Dumzil

    10 Cf sur SERGENT Penser et mal penser les Indo-Europens Annales ESC 1984 pp 559-681 note critique au sujet du livre de HAUDRY Les Indo-Europens

    11 Exemple notable Haudry reconstitue une kenning indo-europenne sans prendre le soin expliquer ses lecteurs une kenning est un procd de la posie scandinave ancienne consistant remplacer le synonyme un nom par une priphrase qui aurait t la formule

    traverser eau de la tnbre hivernale pp 14 98 243-284 est un des points admissibles de son travail Mais nulle part il ose la prendre littralement il ne peut pas En hiver dans les sphres borales o auraient vcu ses Indo-Europens mythiques les rivires sont geles) et il sait alors trs bien reconnatre une mtaphore 269 traverser eau de la tnbre infernale doit entendre passer le temps de hiver comme en t on traverse eau

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    12 En Irlande par exemple les textes parlent de la nuit hiver et la fte de Samain localise au 1er novembre en calendrier romain est le dbut de la priode sombre de anne par exemple Fran oise LE Roux tudes sur le festiaire celtique Ogam 13 1961 487 et La mytho logie irlandaise du Livre des Conqutes id. 20 1968 391 Il agit videmment de concepts actuels et Irlande avait pas besoin tre borale pour les crer

    13 DUM ZIL Le problme des Centaures Paris Geuthner 1929 50 14 Voir note 10

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    InformationsAutres contributions de Bernard SergentCet article cite :Bernard Sergent. Penser et mal penser les Indo-Europens, Annales. conomies, Socits, Civilisations, 1982, vol. 37, n 4, pp. 669-681.Bernard Sergent. Mythologie et histoire en Grce ancienne, Dialogues d'histoire ancienne, 1979, vol. 5, n 1, pp. 59-101.

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