Article Casta Bouden V3 Avec Intro

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L’identification du capital immat´ eriel dans les ´ etats financiers : probl´ ematique et enjeux In` es Bouden, Jean-Fran¸cois Casta To cite this version: In` es Bouden, Jean-Fran¸cois Casta. L’identification du capital immat´ eriel dans les ´ etats fi- nanciers : probl´ ematique et enjeux. sous la direction de Paul-Valentin Ngobo. Management du capital immat´ eriel, Economica, Paris, p. 77-98, 2013. <halshs-00679575> HAL Id: halshs-00679575 https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00679575 Submitted on 16 Mar 2012 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destin´ ee au d´ epˆ ot et ` a la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publi´ es ou non, ´ emanant des ´ etablissements d’enseignement et de recherche fran¸cais ou ´ etrangers, des laboratoires publics ou priv´ es.

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  • Lidentification du capital immateriel dans les etats

    financiers : problematique et enjeux

    Ine`s Bouden, Jean-Francois Casta

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    Ine`s Bouden, Jean-Francois Casta. Lidentification du capital immateriel dans les etats fi-nanciers : problematique et enjeux. sous la direction de Paul-Valentin Ngobo. Managementdu capital immateriel, Economica, Paris, p. 77-98, 2013.

    HAL Id: halshs-00679575

    https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00679575

    Submitted on 16 Mar 2012

    HAL is a multi-disciplinary open accessarchive for the deposit and dissemination of sci-entific research documents, whether they are pub-lished or not. The documents may come fromteaching and research institutions in France orabroad, or from public or private research centers.

    Larchive ouverte pluridisciplinaire HAL, estdestinee au depot et a` la diffusion de documentsscientifiques de niveau recherche, publies ou non,emanant des etablissements denseignement et derecherche francais ou etrangers, des laboratoirespublics ou prives.

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    Capital immatriel, stratgies et performances conomiques, P-V Ngobo (Ed.), Economica, paratre 2012.

    L'identification du capital immatriel dans les tats financiers : problmatique et enjeux

    Ins BOUDEN 1 et Jean-Franois CASTA 2

    1 Professeur lEcole de Management de Normandie 2 Professeur lUniversit de Paris Dauphine, DRM-Finance

    Abstract : Dans le monde conomique actuel, la valeur dune entreprise repose, pour une grande part, sur sa capacit utiliser et produire du capital immatriel (brevets, les marques dpenses de R&D, savoir-faire, rputation, satisfaction client, capital humain ou capital organisationnel ). Cependant, ces ressources incorporelles engendrent de nombreuses difficults conceptuelles au niveau de leur identification comme actifs par le modle comptable de reprsentation de lentreprise. Au regard dune perte de pertinence de linformation comptable pour les utilisateurs, qui se traduit sur les marchs financiers par une baisse tendancielle du Book-to-Market Ratio, les normalisateurs (comme lIASB et le FASB) ont mis en uvre un processus de reconnaissance comptable de certains lments constitutifs du capital immatriel. Aprs avoir prsent une typologie des ressources incorporelles mobilises par lentreprise, nous examinerons le rle jou par diffrents acteurs (rgulateur de march, prparateurs de comptes, directeurs financiers de socits cotes, commissaires aux comptes) lors de regroupements dentreprises (fusions, acquisitions, apports partiels, ) au regard de lampleur et de la nature des lments incorporels reconnus. En effet, parties prenantes au processus dlaboration des tats financiers, la confrontation de leurs arguments respectifs conduit, dans un cadre rglementaire donn, faonner la reconnaissance des incorporels acquis. Les normalisateurs, en souhaitant redonner de la pertinence linformation comptable, ont dvelopp un vaste dbat, autour du goodwill et de lallocation du prix dacquisition, qui pose le problme des objectifs des tats financiers et de lutilit de linformation comptable.

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    Capital immatriel, stratgies et performances conomiques, P-V Ngobo (Ed.), Economica, paratre 2012.

    Introduction

    Le capital immatriel constituant une composante de plus en plus importante de la valeur de

    march des socits, les normalisateurs comptables ont t incits tendre considrablement

    le champ des actifs incorporels identifiables (par ex. marques, brevets, relations clients

    contractuelles ou non contractuelles, listes de clients, droits dmission, mandats de gestion,

    concessions, bases de donnes, carnets de commande, etc.) condition quils fassent lobjet

    dun contrle (ou quils soient sparables) et quils puissent tre valus de faon fiable.

    Malgr cette volution, la reconnaissance comptable des immatriels reste partielle. Cette

    incompltude se manifeste, pour les socits cotes, par une forte baisse tendancielle du ratio

    book-to-market (Lev, 1999 ; Lev et al., 2005), cest--dire par la part de plus en plus faible

    que reprsente la valeur comptable des actifs reconnus au regard de la valeur de march de

    la socit. Au-del du problme de perte de pertinence de linformation comptable, ce

    phnomne suggre que les marchs valorisent des actifs, gnrateurs de cash flows, qui ne

    sont pas recenss par les tats financiers.

    Dans les conomies actuelles, la valeur conomique dune entreprise repose, pour une grande part, sur

    lutilisation du capital immatriel (brevets, marques, savoir-faire, rputation, capital humain, qualit

    du management ou capital organisationnel) et sur laptitude le dvelopper en interne ou lacqurir.

    Dans un tel contexte, le modle comptable de reprsentation de lentreprise, encore largement fond

    sur le principe transactionnel , se rvle de plus en plus inadapt produire une information

    pertinente, cest--dire utile pour la prise de dcision par des investisseurs [Lev, 2001]. La

    communication financire sur le capital immatriel marque par la primaut accorde par les

    rfrentiels comptables au critre de fiabilit de linformation sur celui de pertinence [Caibano et al.,

    2000] se traduit par une non reconnaissance de nombreux lments immatriels gnrs en interne,

    comme les marques.

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    Capital immatriel, stratgies et performances conomiques, P-V Ngobo (Ed.), Economica, paratre 2012.

    Paralllement, face laccroissement de la demande des investisseurs en informations financires et

    non financires, on assiste depuis une vingtaine dannes au dveloppement de la communication des

    entreprises sur les marques, les brevets, la R&D, le savoir-faire, le capital clients, lments qui

    relvent du capital immatriel dfini par Edvinsson et Malone, (1997). Bien que reposant lorigine

    sur une acception comptable, visant la reconnaissance des dpenses, des investissements et actifs

    immatriels, la plupart des conceptualisations du capital immatriel relve aujourdhui dune approche

    managriale et stratgique (Bejar, 2007).

    Au regard de cette volution, cet article se propose dtudier les difficults que pose lintgration du

    capital immatriel dans le processus de communication financire dfini par le rfrentiel comptable

    international International Financial Reporting Standards (IFRS). Afin dexplorer cette

    problmatique, nous nous appuierons sur une tude qualitative mene, lors de la transition vers les

    IFRS des socits franaises cotes franaises, auprs de diffrents acteurs du processus de

    communication financire. Le prsent article est organis de la faon suivante : la premire section

    prsente les concepts et les typologies ayant trait aux immatriels. La deuxime section expose les

    recherches portant sur la relation entre immatriels et performance de lentreprise. La troisime section

    examine la faon dont le rfrentiel IFRS reconnat les immatriels. La quatrime partie tudie le jeu

    des diffrents acteurs (prparateurs des tats financiers, commissaires aux comptes, Autorit des

    marchs financiers, ancien Conseil National de la Comptabilit) en tant que parties prenantes au

    processus de communication financire. Elle a pour objet de mettre en lumire leur position au regard

    de lallocation du prix dacquisition effectue lors de regroupements dentreprises.

    1. CONCEPTUALISATION DU CAPITAL IMMATERIEL ET TYPOLOGIES

    1.1. Dfinitions

    Immatriels (intangibles)

    Capital immatriel (intellectual capital)

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    Capital immatriel, stratgies et performances conomiques, P-V Ngobo (Ed.), Economica, paratre 2012.

    Incorporels (intangibles) : acception comptable

    >> +>Voir la discussion de Bessieux-Ollier C. et E. Walliser (2010)

    1.2. Typologie du Capital immatriel

    La dcomposition du capital immatriel en trois lments se retrouve dans la littrature (par

    ex. Edvinsson et Malone, 1997 ; Sveiby, 1997), ainsi que dans les typologies labores par

    lOCDE (1998) et lInternational Federation of Accountants (IFAC). Elles distinguent :

    (i) le capital relationnel (fonds de commerce et relations positives avec les

    clients),

    (ii) le capital humain (savoirs, talents et comptences des collaborateurs de

    lentreprise),

    (iii) et le capital organisationnel (procds, systmes et efficience de lorganisation

    qui offrent lentreprise la possibilit daccumuler, de mmoriser et de

    transmettre son savoir-faire).

    Paralllement, la littrature propose diffrentes approches financires et non financires pour

    quantifier les diffrentes composantes du capital immatriel. Ainsi Bessieux-Ollier et al.

    (2006) opposent les approches comptables et managriales de production dinformation

    relative au capital humain. Leurs conclusions mettent en vidence la faiblesse de la

    comptabilit financire en matire de reconnaissance du capital humain et lexistence doutils

    managriaux permettant la mesure et le pilotage de cet actif incorporel.

    - Edvinsson L. et M. Malone, (1997) ont dfini le capital immatriel partir du tableau de

    pilotage utilis par lassureur sudois Skandia. Celui distingue trois formes : le capital humain

    (Motivation et fidlit des employs, Niveau dinitiative, Volont dapprendre, Crativit, Education,

    Comptences professionnelles, Diversit culturelle, Niveau dinvestissement dans les ressources

    humaines, Savoir-faire), le capital structurel interne (Systmes dinformation, Culture et stratgie,

    Position sur le march, Partage dinformation, Qualit et philosophie de gestion, Utilisation des

    nouvelles technologies) et le capital structurel externe (Relations avec le client, Intgration

    oprationnelle, Valeurs et normes comportementales, Marques, Fidlit des clients)

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    Capital immatriel, stratgies et performances conomiques, P-V Ngobo (Ed.), Economica, paratre 2012.

    source : Bjar (2006)

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    source : thse Escaffre (2002)

    1.3. Analyse lexicologique du capital immatriel (Bessieux-Ollier et Walliser, 2010)

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    Capital immatriel, stratgies et performances conomiques, P-V Ngobo (Ed.), Economica, paratre 2012.

    Analyse lexicologique du capital immatriel partir de revues acadmiques comptables majeures Accounting Review, Journal of Accounting Research, Accounting Organization and Society, Journal of Accounting and Economics, European Accounting Review, Comptabilit Contrle Audit, Review of Accounting Studies

    Mthodologie : Analyse scientomtrique par identification des informations prsentes dans le titre de larticle, dans son rsum pour identifier les thmatiques.

    Dictionnaire de mots associs au capital immatriel (Bessieux-Ollier et Walliser, 2010)

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    1.4. Processus de dveloppement du capital immatriel (Bjar, 2007)

    Source : Bjar (2007)

    Le processus de dveloppement dun capital immatriel multiforme a pour consquence

    une grande complexit de lvaluation des immatriels (Bontis, 2001), une reconnaissance

    comptable des incorporels trs incomplte (Lev, 2003) et se traduit in fine par une baisse tendancielle du ratio book-to-market (Lev, 1999 ; Lev et al., 2005).

    2 CAPITAL IMMATERIEL ET PERFORMANCE DE LA FIRME

    Ces recherches portant sur relation existant entre le capital immatriel et la performance de la firme

    donnent lieu trois types de problmatiques : les intangible value-relevance studies, qui privilgient

    limpact sur le rendement du titre et sur la performance financire ; lapproche fonde sur le processus

    de production, qui se focalise sur la performance oprationnelle ; lapproche Resource-Based View qui

    met laccent sur la performance concurrentielle de la firme.

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    2.1.Les intangible value-relevance studies ou la primaut de la performance financire

    au sens de la value-relevance1. Ces travaux se focalisant cependant sur certains immatriels comme

    les dpenses de Recherche et Dveloppement (R&D) (par ex. Sougiannis, 1994 ; Lev et Zarowin,

    1998 ; Cazavan-Jeny et Jeanjean, 2006) ou les brevets dposs (par ex. Griliches,1981 ; Cockburn et

    Griliches, 1988).

    Ces tudes empiriques sintressent la relation prsume entre le rendement du titre (price return

    index) et linvestissement en actifs immatriels de la firme ; elles sappuient sur lhypothse formule

    par Grabowski et Mueller (1978), selon laquelle les firmes voluant dans des industries recherche

    intensive prsentent des rendements de leur capital immatriel suprieurs la moyenne. Elles ont

    aliment un puissant courant de recherche nord-amricain qui a eu, au moins initialement, pour

    objectif dtayer empiriquement un argumentaire destin au FASB : si les dpenses de R&D

    engendraient des performances financires additionnelles, il convenait de les reconnatre

    comptablement comme des actifs. Bien que le FASB nait pas suivi cette voie le SFAS n2 (1974)

    interdisant lactivation des frais de R&D ces travaux ont mis en vidence un lien positif durable

    entre la profitabilit financire future dune entreprise et ses investissements, tant en R&D

    [Sougiannis, 1994 ; Lev et Sougiannis, 1996 ; Lev et Zarowin, 1998] quen publicit [Bublitz et

    Ettredge, 1989 ; Chauvin et Hirschey, 1993]. Sappuyant sur le modle dOhlson [1995], Sougiannis

    [1994] montre que laccroissement des dpenses de R&D conduit une augmentation du profit sur

    une priode de plus de 7 annes : il suggre quil existe une relation positive entre le prix de laction et

    la dpense de R&D, ainsi quentre le rendement du titre et laugmentation des investissements en

    R&D. Dans le mme sens, (Lev et Sougiannis, 1996) et (Lev et Zarowin, 1998) observent une relation

    inter-temporelle significative entre le capital de R&D et les rendements du titre venir, suggrant la

    1 Valuerelevance research examines the association between a security pricebased dependent variable and a set ofaccounting variables. An accounting number is termed valuerelevant if it is significantly related to the dependentvariable(Beaver,2002:459).

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    prsence dun biais de valorisation du titre des entreprises prsentant une intensit en R&D. Pour leur

    part, Chan et al. [2001] confirment cette hypothse, observant que les entreprises fortes dpenses de

    R&D (relativement leur valeur de march) tendent prsenter des rendements passs faibles et un

    biais de sous valorisation li un dficit de communication sur les immatriels. Bien que prsentant

    dimportantes diffrences en termes de rsultats, ces tudes mettent en vidence un coefficient de

    rponse positif lannonce de dpenses de R&D, mme en cas de baisse des bnfices. Cependant, le

    niveau de significativit des estimateurs varie considrablement, certainement en raison de

    lhtrognit des mesures de rendement (Lev, 2004).

    2.2. Linvestissement immatriel comme inducteur de performance oprationnelle

    Les recherches sintressant aux relations entre la profitabilit dexploitation (operating income / total

    sales) et linvestissement immatriel prsentent des rsultats plus robustes. Nakamura [2001] suggre

    quun investissement en immatriel soutenu durant plusieurs annes permettrait lentreprise, en cas

    de succs, daugmenter (en moyenne) les marges oprationnelles. Ces observations sont en accord

    avec les travaux de (Lev et Sougiannis, 1996) et (Lev et Zarowin, 1998). Selon ces auteurs, les

    dpenses de R&D sont des investissements raliss dans le dessein daugmenter les rsultats

    dexploitation futurs (future operating income) de lentreprise. Ainsi, la valeur intrinsque de ces

    investissements correspond la valeur actualise des rsultats dexploitations futurs additionnels

    quils gnrent. Ces recherches, comme celles de Sougiannis [1994], peroivent les immatriels

    comme une ressource part entire, au mme titre quun actif physique et suggrent leur mise en

    relation avec la performance concurrentielle de lentreprise.

    2.3 Les ressources immatrielles au cur lavantage concurrentiel

    Selon lapproche Resource-Based View (RBV), ce sont les ressources dune entreprise qui permettent

    de gagner ou de conserver un avantage comptitif durable. Des tudes rcentes sintressent aux

    relations entre les ressources immatrielles de la firme et sa performance concurrentielle (strategical

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    advantage/disadvantage). Elles montrent que la persistance des bnfices oprationnels (assimils au

    rsultat dexploitation ou operating income), le profit spcifique de la firme (diffrence entre le profit

    ralis par la firme et la moyenne des profits des firmes du secteur) et les investissements immatriels

    sont en interrelation. Villalonga [2004] met en vidence, partir dun chantillon de 1 992 entreprises

    amricaines cotes observes entre 1981 et 1997, que les ressources immatrielles sont positivement

    lies la persistance des profits ou pertes spcifiques. Ceci tendrait valider lhypothse centrale de la

    RBV, mais montre aussi que la dtention de certains actifs immatriels peut piger une entreprise

    dans un dsavantage concurrentiel durable.

    3. LES MODALITES DE RECONNAISSANCE COMPTABLE DU CAPITAL IMMATERIEL

    Les normes comptables traitant de la reconnaissance du capital immatriel sont en constante

    volution. En particulier, les dix dernires annes ont t marques par de nombreuses

    modifications visant limiter la marge de manuvre dont disposent les prparateurs des

    comptes. Ce mouvement a t initi par le normalisateur amricain, le FASB, qui a publi en

    2001 les normes SFAS 141 et 142, relatives respectivement aux regroupements dentreprises

    et au goodwill et autres actifs incorporels. A lchelle internationale, lIASB a publi en 2004

    la norme IFRS 3 Regroupements dentreprises et amend les normes IAS 38

    Immobilisations incorporelles et IAS 36 Dprciation dactif . Les nouveauts

    introduites par lIASB sinspirent largement des modifications entrines en 2001 par le

    normalisateur amricain. En France, dans le cadre des travaux entrepris en vue dassurer la

    convergence du rfrentiel comptable national avec les normes IFRS, plusieurs rglements

    ont t adopts par le CRC. Parmi ces rglements, figurent celui relatif lamortissement et

    dprciation des actifs (rglement CRC 2002-10) et celui traitant de la dfinition, de la

    comptabilisation et de lvaluation des actifs (rglement CRC 2004-06). Mme si les

    dispositions de ces deux textes concernent lensemble des actifs, elles modifient de manire

    non ngligeable le traitement comptable relatif aux actifs incorporels. Nous procdons dans

    cette section lexamen des dispositions normatives relatives la prise en compte du capital

    immatriel en comptabilit. En particulier, laccent sera mis sur le rfrentiel comptable

    international applicable de manire obligatoire pour ltablissement des comptes consolids

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    des socits franaises cotes et le rfrentiel comptable franais qui demeure obligatoire

    pour les comptes individuels et optionnel pour comptes consolids des socits franaises non

    cotes. Avant daborder les rgles de prise en compte du capital immatriel, nous exposons la

    dfinition dactif incorporel qui est fournie par les normalisateurs comptables. Dans les

    rfrentiels franais et international, une immobilisation incorporelle est dfinie comme tant

    un actif non montaire sans substance physique. Son inscription lactif du bilan nest

    possible que lorsquil est probable que les avantages conomiques futurs qui lui sont rattachs

    iront lentreprise et que son cot peut tre valu de manire fiable.

    Les rgles de prise en compte du capital immatriel sont prsentes en faisant la distinction

    entre les lments dvelopps en interne (3.1) et les lments acquis de manire spare ou

    dans le cadre dun regroupement dentreprises (3.2).

    3.1 Les incorporels gnrs en interne

    Les dispositions relatives au traitement comptable des actifs incorporels dvelopps en interne

    sont contenues au niveau de la norme IAS 38 et du rglement CRC 2004-06 dans les

    rfrentiels international et franais respectivement. Ces dispositions font la distinction entre

    les frais de recherche et dveloppement, dune part, et les autres actifs incorporels dvelopps

    par lentreprise, dautre part.

    Concernant les frais de recherche et dveloppement, les normalisateurs comptables

    distinguent traditionnellement entre les phases de recherche et de dveloppement. Les frais

    encourus pendant la phase de recherche doivent tre comptabiliss en charges et ne peuvent

    plus tre ports lactif du bilan une date ultrieure. Linterdiction de procder

    lactivation des frais de recherche est une position communment adopte par les

    normalisateurs comptables, linstar du normalisateur franais et de lIASB. La prise en

    compte des frais de dveloppement est, quant elle, conditionne par le respect de critres

    poss par les normes comptables. Dans le rfrentiel franais, ces frais peuvent tre

    comptabiliss lactif sils se rapportent des projets nettement individualiss, ayant de

    srieuses chances de russite technique et de rentabilit commerciale. Des critres plus

    concrets sont ensuite proposs par le rglement 2004-06 afin de limiter la marge

    dinterprtation des prparateurs des tats financiers. Ces critres incluent, titre dexemple,

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    la faisabilit technique ncessaire lachvement de limmobilisation incorporelle en vue de

    sa mise en service ou de sa vente ou encore la capacit valuer de manire fiable les

    dpenses attribuables au dveloppement de limmobilisation incorporelle (article 311-3 du

    rglement CRC 2004-06). Si lactivation des frais de dveloppement en cas de respect des

    critres noncs par le rglement CRC 2004-06 constitue la mthode prfrentielle, elle nest

    pas rendue obligatoire par le normalisateur franais. La position adopte par lIASB est

    quelque peu diffrente puisque la norme IAS 38 oblige les entreprises procder

    lactivation des frais de dveloppement lorsque les conditions quelle nonce sont remplies.

    Ces conditions sont dailleurs trs similaires celles du rglement CRC 2004-06 puisque le

    normalisateur franais sest inspir des dispositions de la norme IAS 38 lors de llaboration

    de ce texte. Une fois que les cots de dveloppement ont t ports lactif, ils doivent tre

    amortis de manire systmatique aussi bien dans le rfrentiel international que dans le

    rfrentiel franais.

    La position des normalisateurs comptables en matire de reconnaissance des autres lments

    incorporels gnrs en interne est beaucoup plus prudente. En effet, le rglement CRC 2004-

    06 et la norme IAS 38 interdisent lactivation des marques, notices, titres de journaux et

    magazines, listes de clients et autres lments similaires en substance qui sont dvelopps en

    interne. Cette position trouve son origine dans la difficult de distinguer le cot affrent la

    cration de ces lments du cot de dveloppement de lactivit dans son ensemble.

    3.2 Les incorporels acquis

    Le cas des incorporels acquis de manire spare ne pose pas de difficults particulires dans

    la mesure o la transaction constitue une base objective pour lestimation du cot de lactif.

    En revanche, lorsquil sagit dincorporels acquis loccasion de regroupements, deux

    problmatiques mergent demble : la possibilit didentifier lactif incorporel sparment du

    goodwill et la valeur lui attribuer. Dans le rfrentiel international, les rgles relatives la

    reconnaissance et lvaluation des incorporels acquis lors doprations de regroupements sont

    traites par les normes IFRS 3, IAS 38 et IAS 36. En France, le texte de rfrence est le

    rglement CRC 99-02 relatif aux comptes consolids des socits commerciales et entreprises

    publiques. Ce texte est applicable par les groupes franais non cots qui nont pas opt pour le

    rfrentiel IFRS. Il a fait lobjet dune mise jour en 2005 afin de faire converger les rgles et

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    mthodes relatives aux comptes consolids avec celles qui sont en vigueur lchelle

    internationale. Les dispositions du rglement CRC 2004-06 qui sont relatives la dfinition et

    aux critres de prise en compte des actifs incorporels demeurent applicables en cas de

    regroupements dentreprises.

    Une allocation du cot dacquisition est toujours ncessaire lorsquun prix a t pay pour un

    ensemble dactifs et de passifs. En particulier, la norme IFRS 3 et le rglement CRC 99-02

    imposent tout acqureur daffecter, la date dacquisition, le cot du regroupement aux

    actifs et passifs identifiables acquis y compris ceux qui ne figuraient pas au bilan de lentit

    cible sur la base de leurs justes valeurs respectives.2 La partie du cot du regroupement qui

    na pas pu tre alloue des lments identifiables correspond au goodwill. Ce dernier est

    comptabilis lactif du bilan consolid et soumis des tests de dprciation rguliers3 selon

    la norme IFRS 3. Les groupes franais nappliquant par le rfrentiel international peuvent, au

    choix, lamortir sur une dure maximale de 20 ans ou le soumettre des tests de dprciation

    annuels.4 Le caractre identifiable des incorporels a fait lobjet dune clarification particulire

    par les normalisateurs comptables dans la mesure o la ligne de dmarcation entre le goodwill

    et les autres incorporels est assez floue. Ainsi, un actif incorporel est reconnu sparment au

    bilan consolid lorsquil rsulte de droits contractuels ou lgaux ou lorsquil rpond au critre

    de sparabilit.

    Une liste dexemples dactifs incorporels pouvant tre reconnus sparment du goodwill lors

    dun regroupement est fournie, titre illustratif, par la norme IFRS 3 :

    - des actifs lis au marketing : les marques, les titres de journaux, les accords de non-

    concurrence ;

    - des actifs lis aux clients : les listes de clients, les contrats avec des clients et la

    relation commerciale concerne, ainsi que certaines relations non contractuelles avec la

    clientle ;

    - des actifs lis aux arts : les pices de thtre, les livres et les slogans publicitaires ;

    2 Une mthode drogatoire dont lapplication est conditionne par le respect de certains critres restrictifs est galement autorise par le rglement CRC 99-02. Dans ce cas, les actifs et passifs acquis sont valus leur valeur comptable et aucun goodwill nest comptabilis. Il faut souligner que dans la pratique cette mthode est applique dans des cas rares. 3 La mthodologie de mise en uvre des tests de dprciation est prescrite par la norme IAS 36. 4 Le test de dprciation doit tre ralis selon les dispositions du rglement CRC 2002-10.

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    - des actifs lis aux contrats : les accords de location, les droits de diffusion et accords

    de royalties ;

    - des actifs lis aux technologies : les brevets, les logiciels informatiques et les

    technologies non brevetes.

    Une liste plus rduite figure au niveau du rglement CRC 99-02 dont la dernire version

    semble marquer une rupture avec les pratiques passes des groupes franais en cartant les

    parts de march du champ des incorporels pouvant tre reconnus sparment du goodwill.

    Lvaluation initiale dun incorporel identifiable doit tre fonde sur sa valeur de march sil

    en existe une ou sur les avantages conomiques futurs quil permettra de dgager. Dans ce

    dernier cas, des hypothses et des paramtres dvaluation doivent tre dfinis par les

    prparateurs des tats financiers, ce qui implique lexercice dune part de jugement

    irrductible. Dans le rfrentiel international, une distinction est faite entre les incorporels

    identifiables dure de vie finie et les incorporels identifiables dure de vie indtermine.5

    Les premiers doivent tre amortis alors que les seconds doivent subir des tests de dprciation

    priodiques, linstar du goodwill. En France, le rglement CRC 2002-10 prvoit

    lamortissement des immobilisations incorporelles dont lutilisation par lentreprise est

    considre comme tant dterminable.6 Lorsque cette condition nest pas remplie, un test de

    dprciation priodique doit tre mis en uvre.

    4. ETUDE DU JEU DES ACTEURS : LES PRATIQUES DES GROUPES FRANAIS EN

    MATIERE DE RECONNAISSANCE DES INCORPORELS ACQUIS LORS DE

    REGROUPEMENTS

    Cette section est consacre ltude de limpact de lentre en vigueur du rfrentiel

    international sur les pratiques des groupes franais en matire de reconnaissance des

    incorporels acquis lors de regroupements. Les normes IFRS, applicables de manire

    obligatoire pour la prparation des comptes consolids des groupes cots depuis janvier 2005,

    se dmarquent sur certains points du rfrentiel franais. Il est donc lgitime de sinterroger

    5 Selon la norme IAS 38, les incorporels dure de vie indfinie sont des incorporels pour lesquels il ny a pas de limite prvisible la priode pendant laquelle ils gnreront des avantages conomiques futurs au profit de lentreprise. 6 Lutilisation dun actif est dterminable lorsque lusage attendu de lactif par lentit est limit dans le temps.

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    sur les changements quelles sont susceptibles dapporter dans le domaine particulier de la

    reconnaissance des incorporels. Pour rpondre cette interrogation, nous avons choisi de

    mener des entretiens semi-directifs auprs des acteurs impliqus au moment de cette dcision.

    Dans ce cadre, nous avons plutt cherch avoir accs une diversit dacteurs afin de

    confronter leurs points de vue et ce, en vue davoir une comprhension plus globale de la

    problmatique tudie (Demers, 2003). Ainsi, en plus des personnes travaillant au sein des

    directions financires de quelques groupes cots, nous avons contact des commissaires aux

    comptes. Nous avons galement jug pertinent de recueillir le point de vue du Conseil

    National de la Comptabilit (CNC)7 et de lAutorit des Marchs Financiers (AMF) sur la

    question de lidentification des incorporels acquis lors de regroupements dentreprises,

    respectivement travers son prsident et son directeur des affaires comptables. Notre

    chantillon final comporte dix entretiens dont quatre ont t mens avec des directeurs

    financiers, quatre avec des commissaires aux comptes, un avec le prsident du CNC et un

    avec ladjoint au directeur des affaires comptables de lAMF.8

    Ces entretiens ont t retranscrits pour faire ensuite lobjet dune analyse, conformment aux

    recommandations de Miles et Huberman (1994). Les rsultats de cette analyse sarticulent

    autour de deux points. Ainsi, nous tentons dabord didentifier les consquences attendues de

    lapplication des normes IFRS en matire de reconnaissance des incorporels acquis lors de

    regroupements, telles que perues par les acteurs impliqus dans cette dcision (4.1). Nous

    nous focalisons ensuite sur les discussions qui peuvent merger entre lentreprise et son

    commissaire aux comptes au moment de lidentification des incorporels acquis lors de

    regroupements dans le cadre des normes IFRS (4.2). Ces discussions montrent quune marge

    dinterprtation subsiste malgr les efforts dploys par le normalisateur international pour

    clarifier le traitement comptable de ces actifs incorporels.

    4.1 Consquences de lentre en vigueur des normes IFRS

    7 En 2009, le Conseil National de la Comptabilit (CNC) et le Comit de la Rglementation Comptable (CRC) ont fusionn pour donner naissance lAutorit des Normes Comptables (ANC). 8 Lannexe 1 prsente les fonctions occupes par les personnes interviewes ainsi que les conditions des entretiens mens.

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    Lentre en vigueur des normes comptables internationales, en particulier les normes IFRS 3

    et IAS 38, a entran de nombreuses modifications au niveau du traitement comptable des

    incorporels acquis lors de regroupements dentreprises. Ces normes ont, en effet, eu le mrite

    dapporter des clarifications qui faisaient dfaut au niveau des textes rglementaires franais.

    Cest ce que nous explique un des commissaires aux comptes rencontrs.

    J-FG (CAC) : [] je pense que les IFRS ont eu le mrite de codifier un certain nombre de choses et de donner des guidelines un petit peu plus prcis que, par exemple, le rglement 99-02.

    Ces clarifications concernent particulirement la dfinition et les critres didentification

    spare des incorporels. Quelles ont alors t les consquences immdiates des nouvelles

    dispositions introduites par le rfrentiel international sur les pratiques des groupes franais ?

    La nouvelle dfinition dactif incorporel, en interdisant lidentification des lments dont

    laccs aux avantages conomiques futurs ne peut pas tre contrl par lentreprise, supprime

    certaines spcificits franaises qui taient tolres dans le cadre de lancien rfrentiel

    comptable. Cest notamment le cas des parts de march et des fonds commerciaux qui sont

    revenus plusieurs reprises dans les discours de nos interlocuteurs.

    AN (DF) : Enfin, techniquement, ils [les critres didentification du rglement 99-02 et ceux de la norme IFRS 3] ne sont pas totalement identiques puisquil y a des restrictions concernant lidentification de certains lments, les parts de march notamment, surtout si nous prenons en considration la flexibilit de la rglementation franaise en la matire. MP (CAC) : [] je pense que la notion de goodwill et celle dincorporel va clarifier beaucoup de choses. Je pense notamment la distinction fonds commercial/goodwill. Il faudrait laisser ces notions dcanter mais je pense que ces rgles vont avoir le mrite de supprimer quelques exceptions franaises : identification de fonds commerciaux et de parts de march notamment.

    Selon un des commissaires aux comptes rencontrs, lallocation du cot dacquisition ne peut

    que gagner en clart du fait de linterdiction de lidentification dlments aussi douteux que

    le fonds commercial ou les parts de march.

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    MP (CAC) : Linterdiction didentifier des parts de march va amliorer les choses puisque personne ne comprenait vraiment le fait davoir des parts de march non amorties par rapport un goodwill. Donc, je pense que les choses vont tre un peu plus claires.

    Paralllement linterdiction de porter certains lments incorporels lactif du bilan, les

    nouveaux critres didentification vont avoir pour effet dencourager la reconnaissance

    dautres lments incorporels qui faisaient partie intgrante du goodwill avant lentre en

    vigueur des normes IFRS. En effet, la version amende de la norme IAS 38 dfinit un

    incorporel identifiable comme tant un lment sparable ou rsultant de droits contractuels

    ou lgaux ( 12). Comme nous lexplique ce commissaire aux comptes, en raison de la

    rigueur de ces critres, il deviendra plus difficile dviter lidentification spare des

    incorporels qui y rpondent mme si la volont du groupe acqureur est de maximiser la

    valeur du goodwill.

    MP (CAC) : Je pense quelle [lidentification dincorporels] sera plus importante puisque les normes comptables, les commissaires aux comptes ainsi que lAMF poussent une telle identification. Il y a des pressions de plus en plus pousses pour que ces affectations soient plus professionnelles.

    Laction de lAutorit des Marchs Financiers (AMF), dans ce cadre, est dailleurs importante

    souligner. Le gendarme boursier, garant de la bonne application des textes comptables,

    veille ce que le goodwill dgag loccasion des regroupements ne soit pas survalu. Des

    demandes de rectification du rapport annuel peuvent donc tre formules lorsque les groupes

    incluent, dans leur goodwill, des lments qui rpondent aux critres didentification

    prconiss par les normes IFRS. Cest ce que nous explique ladjoint au directeur des affaires

    comptables de lAMF.

    SB (AMF) : Sur la base de ces dispositions contraignantes, lorsque lAMF revoit les tats financiers des metteurs, notamment loccasion des regroupements, elle sassure que lcart entre le prix pay et la quote-part de lacqureur dans la juste valeur des actifs et passifs identifiables acquis a bien fait lobjet dune ventilation explicite et que le goodwill nest vritablement quun cart rsiduel et ne comprendrait pas des lments que les textes demanderaient dvaluer de faon spare.

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    Bien que lidentification spare dincorporels acquis lors de regroupements dentreprises soit

    encourage par les normes IFRS, la marge de manuvre des entreprises se trouve

    sensiblement rduite du fait de lentre en vigueur de ces normes. En effet, comme le rappelle

    un de nos interlocuteurs, la norme IFRS 3 propose, au niveau de son annexe, une liste des

    lments incorporels pouvant faire lobjet dune inscription spare lactif de lacqureur.

    Mme si cette liste nest pas exhaustive, les prparateurs des comptes pourront difficilement

    justifier lidentification dlments qui ny figurent pas. Ainsi, mme si cette liste avait pour

    objectif principal dorienter les prparateurs des comptes lors de lallocation du cot

    dacquisition, il apparat clairement quelle vise galement limiter lidentification

    dlments caractre douteux.

    MP (CAC) : Je dirais que lidentification dincorporels va tre un peu moins fantaisiste puisquil y a moins de catgories dincorporels. Les normes internationales sont plus normes puisquelles proposent une liste. [] Elle [la liste] nest pas exhaustive mais il faut vraiment tre inventif pour en trouver dautres. Je nai pas encore vu dincorporels identifis qui ne figurent pas sur la liste. Je pense quil ny en a pas tellement en dehors de ceux-l. [] Enfin, je pense que du moment que la norme fournit une liste, nous aurons du mal identifier des lments en dehors de celle-ci.

    Par ailleurs, mme si les normes IFRS offrent moins de flexibilit que le rfrentiel franais,

    le domaine des incorporels demeure entach dune part de subjectivit irrductible, comme le

    suggrent les propos de ce commissaire aux comptes.

    MP (CAC) : Mais les critres didentification des incorporels laissent toujours une ouverture aux prparateurs des comptes, mme aujourdhui. Je dirais tout de mme que ctait un peu moins encadr dans le rglement 99-02.

    Cette subjectivit est notamment due linterrelation qui existe entre la phase de

    lidentification et celle de lvaluation. En effet, selon ce commissaire aux comptes, mme si

    la nouvelle dfinition du caractre identifiable dun incorporel oblige les prparateurs des

    comptes rgler le problme de lidentification avant celui de lvaluation, les deux

    dmarches restent trs interrelies.

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    MR (CAC) : Ce ne sont pas deux dmarches dissocies pour moi. On ne nous dit pas : voil les composants et puis, aprs, on va mettre un prix sur les composants . Je pense quil y a une espce de dmarche conjointe identification-valuation.

    Lorsque la question de la valeur pose un problme, il nest plus possible de porter lactif un

    lment mme si celui-ci rpond aux critres didentification prconiss par les normes

    comptables. Cest ce que nous explique lancien prsident du CNC.

    AB (CNC) : Mais si je peux individualiser un lment et que je ne peux pas lui attribuer une valeur, jai un problme aussi. [] Donc, un moment donn, vous devez les rgler tous les deux.

    Ainsi, les difficults lies lvaluation dun lment incorporel particulier peuvent

    dcourager son identification spare. Cela peut par exemple tre le cas des bases dabonns

    dont la valorisation ncessite davoir une bonne estimation de la dure probable de

    labonnement ainsi que des cash-flows qui lui sont associs, comme nous lexplique ce

    directeur financier.

    DD (DF) : La base des abonns a une valeur puisquelle est gnratrice de cash-flows futurs. Tout le monde sait quil est difficile de se dsabonner. Les gens sont paresseux, fidles et gnralement, ils laissent aller. Tout cela a une valeur qui se traduit par des cash-flows futurs. [] La valeur que lon va affecter la base dabonns va varier en fonction de ces critres. Il ne suffit pas davoir des abonns, il faut savoir combien de temps ils restent en moyenne et combien ils rapportent chaque mois.

    En outre, au moment de lallocation du cot dacquisition, on se retrouve en prsence dun

    rsidu qui comprend la fois un goodwill et des incorporels potentiellement individualisables.

    Une fois la question de lidentification rgle, les prparateurs des comptes se trouvent

    confronts un problme de rpartition dun flux davantages conomiques futurs entre les

    diffrentes catgories dincorporels identifiables qui contribuent souvent, de faon

    concomitante, la gnration de ce flux. Cest ce qui ressort implicitement des propos de

    lancien prsident du CNC.

    AB (CNC) : L, vous avez achet un ensemble qui se trouvait dans un goodwill, dans un cart de premire acquisition, et vous cherchez savoir si dans cet

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    ensemble, vous avez des portions que vous devez individualiser. Cest la mme dmarche que vous appliquez lorsque vous achetez un immeuble de manire globale et que vous allez identifier des choses qui sont sparables (ventuellement, la faade, le chauffage, la toiture). Donc, les deux processus sont un peu interrelis. Mais dans le goodwill, cest encore plus fort parce que cest un ensemble que vous achetez et qui, trs souvent, constitue un rsidu.

    Les propos recueillis sur les nouveaux critres didentification des incorporels suggrent que

    lintroduction des normes IFRS aura un effet mitig sur les pratiques des groupes franais.

    Ces critres interdisent, en effet, lidentification de certains lments spcifiques mais

    largissent en mme temps le spectre des incorporels pouvant tre reconnus loccasion de

    regroupements, notamment ceux qui ne font pas lobjet dune protection juridique ou

    contractuelle. Dans ces conditions, il sera difficile de dire si on doit sattendre un

    accroissement ou une rduction du poids des incorporels identifiables relativement celui

    du goodwill dans les bilans IFRS des groupes franais. Ce point a t soulev par Bessieux

    Ollier et Walliser (2007) qui soulignent que cette double lecture de la norme IAS 38

    peut donc avoir un impact inverse sur les comptes consolids des entreprises (p. 226). De

    plus, il semble quune marge de manuvre subsiste malgr la rigueur qui a t introduite par

    les normes IFRS en matire de reconnaissance des incorporels acquis loccasion

    doprations de regroupement. Cette flexibilit peut donner lieu des discussions entre les

    acteurs impliqus lors de la prise de dcision, notamment la direction financire de

    lentreprise et son commissaire aux comptes.

    4.2 Lidentification des incorporels lors de regroupements : objet de discussions frquentes

    entre lentreprise et son commissaire aux comptes

    Certains de nos interlocuteurs ont mis en avant le caractre rcurrent des discussions relatives

    lidentification des incorporels acquis lors de regroupements dentreprises. Celles-ci sont, en

    effet, plus frquentes et plus tendues depuis lentre en vigueur des normes IFRS, comme

    le souligne ce commissaire aux comptes.

    J-FG (CAC) : [] et effectivement, il y a des discussions un peu plus tendues que par le pass. Cest vrai quil ny avait pas de discussions rellement quand tout le monde allouait cela des carts dacquisition. Les discussions sont un peu plus tendues ou un peu plus pointues techniquement quand il sagit de dire il faut

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    impliquer des experts pour valoriser un certain nombre de choses . Donc, oui, il y a des discussions un peu plus complexes.

    Nous nous proposons, dans ce qui suit, dapporter un clairage sur lobjet des discussions qui

    portent sur le traitement comptable des incorporels acquis lors de regroupements

    dentreprises.

    Une premire tendance sest dgage partir des propos recueillis. Il apparat, en effet, que

    les problmatiques lies lvaluation des incorporels acquis lors de regroupements suscitent

    plus de discussions que celles qui sont relatives leur identification. Cest ce que suggrent

    les propos de ce commissaire aux comptes et de ce directeur financier.

    J-FG (CAC) : Les discussions dapprofondissement tournent gnralement plus autour des mthodes utilises et des valorisations que sur la dsignation, la spcification des lments valoriser. SD (DF) : Les discussions concernent plus le choix des mthodes dvaluation sur lesquelles ils [les commissaires aux comptes] pourraient tre ou ne pas tre daccord. Cest surtout cela en fait.

    Deux raisons sont avances pour justifier cette tendance. Dabord, les aspects inhrents

    lidentification ont fait lobjet dune telle clarification par le normalisateur international que la

    marge dinterprtation laisse aux prparateurs des comptes a t significativement rduite.

    Cela concerne aussi bien les critres didentification qui ont t dfinis de manire prcise au

    niveau de la norme IFRS 3 que la liste des incorporels pouvant potentiellement tre inscrits

    distinctement au bilan de lacqureur, fournie titre illustratif par lannexe de cette norme.

    Ensuite, lvaluation est un domaine qui fait largement appel lexercice du jugement

    professionnel. Notamment, le choix des paramtres dvaluation implique une part

    irrductible de subjectivit qui complique leur apprciation par le commissaire aux comptes.

    ER (CAC) : Nous ne discutons pas en gnral la nature de llment puisque les textes sont suffisamment clairs. [] Aujourdhui, concernant les natures des lments, nous avons une lecture des textes qui est commune avec les socits. MR (CAC) : Mais dans la nature de ce quon active, le folklore comptable, a ne fait pas long feu. Je veux dire, on constate vite un dsaccord et on a les moyens pour dire je ne veux pas de a . Cest plus difficile de discuter un taux de croissance linfini ou un taux de risque ou un taux dactualisation ou un bta de

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    secteur parce que l, on est devant un domaine qui est objectivement plus difficile juger.

    Cela ne veut pas dire pour autant que lidentification est compltement exclue des changes

    que lentreprise peut avoir avec son commissaire aux comptes propos de la comptabilisation

    des incorporels acquis lors doprations de croissance externe. Cest ce que nous explique un

    des commissaires aux comptes rencontrs.

    MP (CAC) : Nous discutons de cela [la nature des incorporels identifis lors de regroupements]. Ce nest pas un lment de discussion sur lequel nous nous tendons normment mais cest un sujet que nous voquons. En fait, il nous arrive rarement davoir une divergence de point de vue avec les clients sur ce point.

    Mme si les divergences de point de vue sont plutt rares dans ce cadre, elles peuvent tout de

    mme merger. En particulier, nous avons pu identifier deux cas de figure. Ainsi, le

    commissaire aux comptes peut contester lidentification dun lment incorporel que le

    groupe acqureur souhaite inscrire lactif de son bilan loccasion dune opration de

    regroupement. Il peut galement souhaiter lidentification dun lment incorporel que

    lentreprise a ignor lors de lallocation du cot dacquisition.

    J-FG (CAC) : Il mest arriv effectivement den discuter, de dire tiens, je suis surpris que, dans tel cas, soit vous nayez pas fait une valorisation de ce type dlment soit vous ayez identifi tel autre lment et de demander comment a se rationalise.

    Dans le premier cas, le dsaccord concerne des lments qui ont t inscrits sparment

    lactif du bilan par lacqureur mais dont lidentification est discutable du point de vue du

    commissaire aux comptes. Lidentification peut tre conteste soit parce que la nature de

    lactif en question nest pas cohrente avec le secteur dactivit de la cible, soit parce que le

    critre de sparabilit nest pas rempli.

    ER (CAC) : Aprs, il peut y avoir comme vous venez de lindiquer, des discussions sur la nature de certains lments tels que les relations clientle []. [] La nature nest normalement pas discutable sauf si, de par la spcificit sectorielle, il ne peut pas y avoir de relations clientle. Dans ce cas, on refuse lidentification de cet lment de facto.

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    MP (CAC) : Ce sont des choses que lon ne peut pas cder indpendamment de lentreprise et donc, je trouve quil serait ridicule de les valoriser. Maintenant, du moment que cest autoris, on ne peut pas le contester. Aprs, il faut justement que la mthode dvaluation et le chiffrage ne soient pas compltement aberrants.

    En revanche, comme lillustrent ces propos, le commissaire aux comptes peut faire preuve de

    tolrance lorsque lidentification de llment nest pas expressment interdite par les textes et

    condition que la mthode dvaluation propose soit raisonnable. Le commissaire aux

    comptes peut donc passer outre ses propres rticences lorsque les normes comptables sont

    scrupuleusement respectes par lentreprise acqureuse.

    Dans le second cas, le dsaccord concerne des lments qui doivent faire lobjet dune

    identification spare du point de vue du commissaire aux comptes mais qui ont t inclus au

    niveau du goodwill dans le projet dallocation propos par le groupe acqureur. Un des

    directeurs financiers interviews a voqu une telle situation.

    SD (DF) : Dans le purchase accounting de NB,9 ils [les commissaires aux comptes] nous ont ennuy sur certains actifs quils voulaient absolument que lon valorise et sur lesquels nous ntions pas daccord parce que nous pensions justement quils ne comprenaient rien au business. Cela nous est donc dj arriv.

    Dans le cas despce, le groupe a procd au rachat dune chane de tlvision qui produit des

    programmes et les revend des stations de diffusion. Pour le commissaire aux comptes, le

    contrat commercial qui existe entre la chane de tlvision et les stations de diffusion doit

    faire lobjet dune identification spare lactif du bilan de lacqureur puisquil rpond aux

    critres de la norme IFRS 3. En revanche, pour le directeur financier du groupe acqureur, ce

    contrat ne constitue pas forcment un incorporel identifiable du seul fait quil rpond aux

    critres dfinis par les normes comptables. Lapprciation du caractre identifiable dun

    incorporel doit dcouler dune analyse pointue du cur de mtier de la cible et des synergies

    recherches par lacqureur travers la transaction.

    SD (DF) : Donc, il y a souvent comme a des discussions avec les commissaires aux comptes qui pensent avoir la science infuse sur lvaluation mais qui ne

    9 Le nom de cette entreprise a t masqu afin de respecter lanonymat de la personne interviewe.

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    comprennent pas grand-chose quant la nature de certains actifs. Tout a parce que ctait sparable et identifiable. Ils nous sortaient donc comme a des actifs la pelle et engageaient des discussions sur la valeur que pouvaient avoir de tels actifs. A la fin, on leur disait que ctait tellement ngligeable quon ne va peut-tre pas sennuyer faire ce genre de choses. Voil le genre de dbats quil peut y avoir. Ce nest pas aussi automatique que a. Avec ces textes, ils se croient tout permis pour aller chercher le contrat, lactif quil va falloir identifier au bilan. Et ils nous crent des usines gaz dbattre linfini.

    Ce directeur financier reproche ainsi aux commissaires aux comptes davoir une interprtation

    rigide des normes comptables. Lapplication des dispositions de ces normes, au pied de la

    lettre, est susceptible dentraner une identification massive dlments incorporels qui sont

    loin de fonder la valeur de la cible aux yeux de lacqureur. Cette situation est dautant plus

    problmatique pour le groupe acqureur que les mthodes qui doivent tre mises en uvre

    pour valuer de tels lments sont gnralement trs complexes.

    Une fois que les dsaccords relatifs lidentification sont rsolus, les discussions sengagent

    autour de lvaluation.

    ER (CAC) : Une fois que nous sommes daccord sur la nature de llment, les discussions sengagent sur le suivi de la valorisation. Et l, il peut y avoir des discussions trs importantes.

    A la date dacquisition, lentreprise doit justifier lexistence dune mthode dvaluation

    fiable de llment incorporel pour pouvoir linscrire sparment du goodwill lactif du

    bilan. Sur la base de la documentation fournie par lentreprise, le commissaire aux comptes se

    prononce sur lacceptabilit de lvaluation. Il peut alors demander lentreprise de revoir la

    valeur quelle a dcid dattribuer llment en question. Il peut mme refuser

    lidentification dun lment lorsque les critres retenus pour son valuation lui paraissent

    compltement infonds. Et ceci peut concerner aussi bien des incorporels dont lidentification

    peut prter discussion tels que les relations clientle que des incorporels dont lidentification

    est moins problmatique tels que les marques. Dans le cas o lvaluation de llment est

    conteste par le commissaire aux comptes, lcart est bascul en goodwill.

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    ER (CAC) : Mais partir du moment o il est possible didentifier des relations clientle en fonction de lactivit de lentreprise, cette dernire nous communique la manire avec laquelle elle a procd lvaluation de cet lment. Si nous ne sommes pas daccord avec la valeur attribue, nous demandons que celle-ci soit rvise. Et l effectivement, partir de 1000, ils peuvent arriver 10 voire mme 0. ER (CAC) : Par exemple, dans le cas des marques, nous demandons lentreprise de nous communiquer les critres retenus pour leur valuation, quils dcoulent des expertises faites par des cabinets externes ou dune valuation faite par lentreprise pour son propre compte. Si nous ne sommes pas daccord avec ces critres, nous demandons crter la valeur attribue la marque et la diffrence sera affecte au goodwill.

    Les difficults lies lvaluation peuvent galement merger la date de clture de

    lexercice. Dans certains cas, la spcificit de lincorporel peut tre telle que lentreprise et

    son auditeur se trouvent dans limpossibilit dapprhender sa valeur recouvrable. Ainsi, dans

    le secteur de laudiovisuel, la dtermination de la valeur dutilit et/ou de la valeur de march

    des droits de diffusion de certains programmes peut poser des difficults de taille. Des

    discussions tendues peuvent alors sengager entre lentreprise et son auditeur qui nest pas en

    mesure de proposer des solutions toutes faites puisquil se retrouve, au mme titre que son

    client, face une impasse mthodologique au moment de lapplication des dispositions de la

    norme IAS 36.

    SD (DF) : Le modle de CA10 est trs diffrent puisquil est impossible de dire si les gens prennent labonnement pour ce programme plutt que pour un autre. Nous sommes donc confronts des aberrations qui nous font rentrer dans des dbats thoriques linfini et o on est incapable dutiliser la mthode de la valeur dusage, dutilit parce quon ne peut pas faire de DCF et o nous navons pas de valeur de march non plus puisque nous sommes les seuls avoir achet le droit et le diffuser. Alors aprs, quest-ce quon fait ? Je vous laisse imaginer les discussions. Cest exactement le genre de discussions que nous avons avec nos auditeurs puisque nous dcouvrons un peu les IFRS. Nous nous retrouvons face des espces dimpasses conceptuelles avec des dbats thoriques sans fin. Et la fin, pas plus eux que nous navons raison puisquil sagit dune impasse mthodologique.

    10 Le nom de cette entreprise a t masqu afin de respecter lanonymat de la personne interviewe.

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    Capital immatriel, stratgies et performances conomiques, P-V Ngobo (Ed.), Economica, paratre 2012.

    Conclusion :

    Le sujet des incorporels, et en particulier les problmatiques lies leur identification et leur

    valuation, occupe une place prpondrante lors des discussions qui sengagent entre

    lentreprise et son commissaire aux comptes. En ce qui concerne les aspects relatifs

    lidentification, nous assistons souvent une confrontation entre la perception du commissaire

    aux comptes, base sur une interprtation rigide des normes comptables, et celle du groupe

    acqureur qui cherche dpasser lapplication littrale des textes en proposant de mieux

    traduire les objectifs conomiques de la transaction. Si aucune des perceptions ne simpose a

    priori sur le plan conceptuel, il nous a sembl que lapplication rigoureuse des textes tait

    dterminante dans la rsolution des conflits qui peuvent merger dans ce cadre. Pour ce qui

    est de lvaluation, lissue des dbats entre lentreprise et son commissaire aux comptes est

    moins prvisible puisquil sagit dun domaine qui sollicite normment lexercice du

    jugement professionnel. Dailleurs, il est lgitime de sinterroger sur le rle que peuvent jouer

    les valuateurs externes lorsquils sont sollicits pour procder la valorisation des

    incorporels acquis lors doprations de regroupement. Leur expertise en la matire simpose-t-

    elle aussi bien lentreprise qu son commissaire aux comptes ?

    Une reconnaissance encore trs partielle des immatriels => une place prdominante laisse par dfaut au Goodwill

    Un important enjeu de communication financire pour les entreprises

    Un arbitrage dlicat entre pertinence et fiabilit de linformation financire

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    Capital immatriel, stratgies et performances conomiques, P-V Ngobo (Ed.), Economica, paratre 2012.

    Annexe 1 : Rcapitulatif des entretiens

    Entretien Organisation Interlocuteur Titre Date Dure Recueil

    1 Groupe cot AN (DF) Responsable planification

    et information financire

    21/03/2006 45 minutes

    Not

    2 Groupe cot DD (DF) Directeur financier

    28/03/2006 52 minutes

    Enregistr et

    retranscrit

    3 Groupe cot JL (DF) Directeur du service

    consolidation & reporting

    21/04/2006 75 minutes

    Not

    4 Groupe cot SD (DF) Directeur du budget et de

    la consolidation

    27/04/2006 65 minutes

    Enregistr et

    retranscrit

    5 Cabinet daudit

    ER (CAC) Associ 08/03/2006 35 minutes

    Enregistr et

    retranscrit

    6 Cabinet daudit MP (CAC) Associ 10/04/2006 62 minutes

    Enregistr et

    retranscrit

    7 Cabinet daudit J-FG (CAC) Associ 29/05/2007 41 minutes

    Enregistr et

    retranscrit

    8 Cabinet daudit MR (CAC) Associ 08/06/2007 115 minutes

    Enregistr et

    retranscrit

    9 Conseil National de la

    AB (CNC) Prsident 10/04/2006 60 minutes

    Enregistr et

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    Capital immatriel, stratgies et performances conomiques, P-V Ngobo (Ed.), Economica, paratre 2012.

    Comptabilit retranscrit

    10 Autorit des Marchs

    Financiers

    SB (AMF) Adjoint au directeur des

    affaires comptables

    20/04/2006 20 minutes

    Enregistr et

    retranscrit

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