Apport de l’analyse économique aux décisions sur la chronologie du stockage...

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La lettre de l'Itésé Numéro 33 Printemps 2018 18 Eclairages Apport de l’analyse économique aux décisions sur la chronologie du stockage des déchets radioactifs en couches géologiques par Phuong Hoai Linh DOAN, CEA/DAS/Itésé, Université ParisSaclay et Paris Dauphine, Université Paris Sciences et Lettres En France et à l’échelle internationale, le stockage profond est considéré comme la solution de référence pour la gestion définitive des déchets radioactifs à vie longue. La date de Mise en Service Industriel (MSI) de ce projet, mené par l’ANDRA et appelé CIGEO, est fixée par la loi. Mais la nature de ces choix publics mérite d’être questionnée au sens où le calcul économique peut permettre d’éclairer ces décisions. Cette note rappelle les principales conclusions de la thèse de Linh Doan, menée à Itésé et soutenue fin 2017 1 . L a question de la gestion des déchets radioactifs demeure une préoccupation majeure de l’opinion publique par rapport au nucléaire. Les déchets radioactifs produits par les activités nucléaires (les réacteurs nucléaires, la recherche, la défense et la médecine) sont traités en fonction de leur activité et de la durée de vie des radioéléments. Actuellement, les déchets de très faible, faible et moyenne activité à vie courte qui représentent, en France, plus de 90% du volume des déchets radioactifs disposent de sites de stockage spécialement aménagés pour les accueillir en surface. Les 10% restant (les déchets à vie longue, notamment haute activité (HA) et moyenne activité à vie longue (MAVL)) ne disposent pas de filière de gestion à long terme ; ils sont entreposés dans des installations conçues à cet effet 2 . Ces déchets concentrent la quasitotalité de la radioactivité et leur vie longue empêche de les stocker en surface ou à faible profondeur. La loi du 28 juin 2006 a retenu le stockage profond comme la solution de référence permettant d’assurer la sûreté à long terme vis àvis de tels déchets. Cette «valeur sociale» du stockage des déchets radioactifs dépend du concept, du lieu et du rythme d’exécution du projet. Notre analyse se focalise sur le dernier point, autrement dit sur l’impact du choix de la temporalité du stockage profond à la société Française. La loi pose en effet que la réalisation «rapide» du stockage est le meilleur choix pour la société. Par «rapide», il faut entendre que le déroulement de ce projet ne doit pas perdre de temps, et donc que des moyens suffisants doivent lui être alloués, sachant que le calendrier de réalisation est subordonné à un phasage précis, avec une grande importance donnée aux décisions de l’autorité de sûreté. Notre thèse est construite en interrogeant de façon systématique les dates possibles pour les grandes étapes du stockage. A ce jour, deux «grandes dates» ont été positionnées dans le processus en cours : celle de l’ouverture d’une phase dite «pilote» (ou Phipil) et celle du passage à la phase industrielle proprement dite. La méthode utilisée est de construire un indicateur balançant les coûts et le bénéfice d’un choix de date (indicateur appelé «Fonction d’Utilité» dans la thèse) et d’en mesurer les variations, positives ou négatives, pour des choix de dates différents : au plus tôt ou différés. Il s’agit donc d’interroger la rationalité économique des choix faits par le législateur, via cet outil. Les points principaux de notre thèse sont explicités ciaprès. Notre travail se positionne dans un domaine très peu visité par les économistes. Citons la thèse d’Aude Le Dars (2002) (plus «politique» sur les processus), celle d’O. IonescuRiffaud (2011) (avec options réelles), les articles de GollierDevezeaux (2001) et de H. Loubergé (2001) en France. A l’étranger, très peu de travaux s’orientent vers un contenu académique (AEN(2004), Lehtonen (2010), AEN (2013) ). Ceux de l’AEN (Agence de l’Energie Nucléaire de l’OCDE) sont essentiellement axés sur des compilations de coûts de stockage et des garanties sur les fonds dédiés afférents. Notre travail est le premier, à notre connaissance, qui s’interroge de façon organisée sur la question de l’échéancier du stockage profond. Ce faisant, notre ambition est de «contribuer à fonder une économie du stockage des déchets radioactifs». Nous espérons qu’elle a en partie au moins atteint son but. Nous avons positionné ce travail aux interfaces entre sciences humaines (par exemple la partie qui porte sur la valeur du stockage comme élément de la faisabilité

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  • La lettre de l'Itésé Numéro 33 Printemps 201818

    Eclairages

    Apport de l’analyse économique auxdécisions sur la chronologie du stockage desdéchets radioactifs en couches géologiques

    par Phuong Hoai Linh DOAN,CEA/DAS/Itésé, Université ParisSaclay et Paris

    Dauphine, Université Paris Sciences et Lettres

    En France et à l’échelle internationale, le stockage profond est considéré commela solution de référence pour la gestion définitive des déchets radioactifs à vielongue. La date de Mise en Service Industriel (MSI) de ce projet, mené parl’ANDRA et appelé CIGEO, est fixée par la loi. Mais la nature de ces choix publicsmérite d’être questionnée au sens où le calcul économique peut permettred’éclairer ces décisions. Cette note rappelle les principales conclusions de la thèsede Linh Doan, menée à Itésé et soutenue fin 20171.

    La question de la gestion des déchets radioactifsdemeure une préoccupation majeure de l’opinionpublique par rapport au nucléaire. Les déchets radioactifsproduits par les activités nucléaires (les réacteursnucléaires, la recherche, la défense et la médecine) sonttraités en fonction de leur activité et de la durée de viedes radioéléments. Actuellement, les déchets de trèsfaible, faible et moyenne activité à vie courte quireprésentent, en France, plus de 90% du volume desdéchets radioactifs disposent de sites de stockagespécialement aménagés pour les accueillir en surface. Les10% restant (les déchets à vie longue, notamment hauteactivité (HA) et moyenne activité à vie longue (MAVL))ne disposent pas de filière de gestion à long terme ; ilssont entreposés dans des installations conçues à cet effet2.

    Ces déchets concentrent la quasitotalité de laradioactivité et leur vie longue empêche de les stocker ensurface ou à faible profondeur. La loi du 28 juin 2006 aretenu le stockage profond comme la solution deréférence permettant d’assurer la sûreté à long terme visàvis de tels déchets. Cette «valeur sociale» du stockagedes déchets radioactifs dépend du concept, du lieu et durythme d’exécution du projet. Notre analyse se focalisesur le dernier point, autrement dit sur l’impact du choixde la temporalité du stockage profond à la sociétéFrançaise. La loi pose en effet que la réalisation «rapide»du stockage est le meilleur choix pour la société. Par«rapide», il faut entendre que le déroulement de ce projetne doit pas perdre de temps, et donc que des moyenssuffisants doivent lui être alloués, sachant que lecalendrier de réalisation est subordonné à un phasageprécis, avec une grande importance donnée aux décisionsde l’autorité de sûreté.

    Notre thèse est construite en interrogeant de façonsystématique les dates possibles pour les grandes étapesdu stockage. A ce jour, deux «grandes dates» ont étépositionnées dans le processus en cours : celle del’ouverture d’une phase dite «pilote» (ou Phipil) et celledu passage à la phase industrielle proprement dite. Laméthode utilisée est de construire un indicateurbalançant les coûts et le bénéfice d’un choix de date(indicateur appelé «Fonction d’Utilité» dans la thèse) etd’en mesurer les variations, positives ou négatives, pourdes choix de dates différents : au plus tôt ou différés. Ils’agit donc d’interroger la rationalité économique deschoix faits par le législateur, via cet outil. Les pointsprincipaux de notre thèse sont explicités ciaprès.

    Notre travail se positionne dans un domaine très peuvisité par les économistes. Citons la thèse d’Aude Le Dars(2002) (plus «politique» sur les processus), celle d’O.IonescuRiffaud (2011) (avec options réelles), les articlesde GollierDevezeaux (2001) et de H. Loubergé (2001) enFrance. A l’étranger, très peu de travaux s’orientent versun contenu académique (AEN(2004), Lehtonen (2010),AEN (2013) ). Ceux de l’AEN (Agence de l’EnergieNucléaire de l’OCDE) sont essentiellement axés sur descompilations de coûts de stockage et des garanties sur lesfonds dédiés afférents. Notre travail est le premier, ànotre connaissance, qui s’interroge de façon organisée surla question de l’échéancier du stockage profond. Cefaisant, notre ambition est de «contribuer à fonder uneéconomie du stockage des déchets radioactifs». Nousespérons qu’elle a en partie au moins atteint son but.

    Nous avons positionné ce travail aux interfaces entresciences humaines (par exemple la partie qui porte sur lavaleur du stockage comme élément de la faisabilité

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    sociale du nucléaire) et sciences de l’ingénieur. En nousbasant sur nos connaissances en nucléaire (via unepremière formation avec un diplôme d’ingénieur dans cedomaine), et bien que cette thèse soit résolument ancréedans les compétences en économie, nous avons prêté uneconstante attention à ce qu’elle traite du stockage desdéchets radioactifs avec des données validées et prochesde la «réalité de terrain», en rapportant ces données leplus systématiquement possible à une vision globale desenjeux et mécanismes à l’œuvre.

    Au plan des méthodes, nous avons tenté de combinerl’analyse économique standard des projets industrielsavec une approche d’essence «coûtsbénéfices». Nostravaux sont inscrits dans des échéances longues, enproposant des traitements mettant en lumière lesincertitudes sur le futur de nos sociétés.

    Figure 1 : Le concept de stockage CIGEO (source ANDRA)

    Nous avons obtenu des résultats pour éclairer la prise dedécision publique à court terme. Ils sont diffusés aumoment où le gouvernement s’est engagé dansl’élaboration de sa Programmation Pluriannuelle del’Energie. Certains d’entre eux interrogent les choix duconcept de stockage CIGEO, principalement sous l’anglede l’échéancier «interne» (phasage des stockages, durée etflux afférents) :

    • Les choix en ce qui concerne le phasage français sontassez éloignés d’un calcul d’optimum. La loi de 1991 a ététraduite par l’étude d’un projet de stockage unique pourles déchets de haute activité (HA) et de moyenne activitéà vie longue (MAVL). Or les dates de stockage au plus tôtdes déchets les plus potentiellement dangereux (HA) nepermettent pas à notre génération de mettre en œuvreindustriellement la solution de gestion de long terme3. Il aainsi été décidé, d’une part, de mettre en œuvre unephase pilote (cf. supra), et, d’autre part, de commencerpar stocker les déchets MAVL. S’en suit un échéancierétalé sur une période très longue, au cours duquel lestockage des déchets de moyenne activité « attend » les

    déchets HA, avec des coûts fixes importants(radioprotection, surveillance, gardiennage…).Industriellement, il aurait été significativement moinsonéreux de planifier un stockage permettant unecoactivité (MAVL et HA stockés en même temps), surune durée très nettement plus courte. Les gains associésen coûts brut seraient de l’ordre de 20% sur le coût bruttotal du projet. Mais il aurait alors fallu attendre plusieursdécennies, ce qui n’est pas l’esprit de la loi de 1991, ni afortiori celui de la loi de 2006.• Une autre source de gain économique serait de spécifierun diagramme des flux en supprimant la relationimplicite qui a présidé au design du stockage, laquelledétermine que les flux de déchets stockés (il s’agit iciessentiellement des déchets HA) correspondent au fluxannuel, tel qu’issu du parc (déchargement descombustibles usés) des décennies auparavant. Nostravaux, qui restent indicatifs, suggèrent qu’un rythmedouble permettrait des économies de l’ordre de 10% surle coût brut total du projet4.D’autres résultats portent sur les choix de positionnementdu stockage, en particulier au regard de la date de débutdu stockage (en se fondant sur un concept de typeCIGEO) :• L’analyse économique la plus simple du sujet5 pousse àdécaler le stockage définitif, dès lors que les coûtsd’entreposage sont faibles au regard des coûts dustockage à long terme. Cet effet est renforcé par le fait quela puissance thermique des déchets HA diminue avec letemps6. Une décision d’entreposage «sine die» est en effetde l’ordre de 10 fois moins onéreuse qu’un stockage«rapide»7. Ce résultat éclaire la décision de stockagecomme un choix plus onéreux, qui traduit la volonté denotre génération à agir sans délais excessif visàvis dessuivantes. Ce positionnement date de l’origine de laproduction d’électricité nucléaire, ou presque, et est laligne suivie par les industriels bien avant la loi de 2006.• Ce premier résultat doit être nuancé compte tenu desmontants très importants des dépenses annuelles faitespour conduire le projet de stockage (ingénierie,recherche, accompagnement des territoires). Cesmontants, si l’on les considère comme récurrents quelleque soit la date de lancement du projet CIGEO, pèsentd’un poids suffisant pour que le « gain économique » lié àun éventuel report du projet soit de fait effacé par lesdépenses annuelles8.• En conséquence, si l’on prend de surcroit en compte lesordres de grandeurs des écarts entre les scénarios(lesquels sont généralement de quelques centaines demillions d’euros, alors que le coût du projet CIGEO seraitde l’ordre de 25 milliards d’euros), dès lors que le paysest engagé dans le principe du stockage (ce que dit la loi),la réalisation du stockage dès que possible parait uneoption économiquement acceptable9.• Nous montrons aussi que plus nos anticipations sur lefutur sont incertaines (par exemple si des périodes derégression économiques paraissent envisageables) plusnous devrions stocker les déchets rapidement.

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    La combinaison de l’analyse des flux internes du conceptet des points supra est en fait aisée à formuler. Leprincipe d’un stockage «rapide» a amené à des choix deconcept dans lesquels le coût a été considéré comme unfacteur secondaire (ce qui a été rattaché au principe«pollueurpayeur» par la loi de 2006). Dès lors que ceschoix sont faits et que la dynamique du projet estengagée, notre analyse économique n’apparait pas à cestade comme donnant un argument de poids pour oucontre le maintien des objectifs temporels du stockage.

    Toutefois, un autre résultat pourrait venirsignificativement nuancer ce qui précède. Il s’agit du faitque le stockage «rapide», décidé par la loi de 2006, tireune part de son intérêt dans le synchronisme de sonouverture avec la période de (possible) renouvellementdu parc nucléaire, autour de 2030. Ce résultat est lié à ceque la faisabilité sociotechnique du renouvellement duparc serait meilleure, dès lors qu’une solution de longterme pour la gestion des déchets radioactifs serait envoie de démonstration crédible (voir figure 2)10. Ainsi lavaleur économique de la décision de la première étape dedémonstration (phase pilote) est renforcée par lecalendrier d’ensemble du parc.

    Figure 2 : Modification de l'opinion publique s'il existait unesolution sûre et définitive pour la gestion des déchets

    radioactifs.

    L’autre choix de temporalité portera sur le lancementplus ou moins rapide de la phase d’exploitation courante,appelée à suivre la phase pilote. Notre analyse del’intérêt économique de lancer la seconde phase, destockage industriel «dans la foulée» de la phase pilote està ce stade plutôt nuancée. Cet intérêt dépendranotamment du niveau d’incertitude sur l’économie à longterme. Plus le niveau d’incertitude augmente, plus ilapparaît préférable de maintenir nos efforts pour unstockage rapide et continu. Il est toutefois important denoter que la décision d’enclencher ou non l’exploitationcourante après la phase pilote, à prendre d’ici unevingtaine d’années, pourra être affinée après l’analysedes résultats de la réalisation de cette phase.

    Notre thèse vise aussi à éclairer le long terme, enmodélisant en particulier les cycles nucléaires, recyclagecompris. Elle permet de montrer que les enjeux relatifs au

    stockage des déchets issus des réacteurs futurs dequatrième génération apparaissent de deuxième ordrepar rapport aux trois facteurs principaux : le coût desréacteurs de nouvelle génération, le prix de l’uranium,l’économie du recyclage (progrès technique des usines).Ces résultats pourraient être de nature à contribuer àorienter les actions de recherche définies par les PouvoirsPublics, actuellement en cours.

    Pour finir, ce travail ouvre un certain nombre de piste, cequi va dans le sens d’un intérêt du développement decette nouvelle «économie du stockage des déchetsradioactifs», tant au plan académique (et souvent dansune démarche pluridisciplinaire) qu’au plan des travauxempiriques. La faisabilité sociotechnique du stockage àlong terme mériterait en outre un couplage entre desétudes de sociologie, d’anthropologie, de sciencespolitiques… avec nos collègues économistes. De plus, descoopérations en matière de recherche et dedéveloppement ainsi que des échanges de connaissanceset d’expériences entre pays apparaissent ainsi importantsdans ce contexte, afin de mieux éclairer les différentschoix de stockage et choix de cycle dans le monde11. Cesfacteurs, sociaux, politiques ou éthiques, interviennentdans les processus de décision et la mise en œuvre dessolutions. Ils sont sans doute largement à l’origine duchoix de la représentation nationale française en faveurd’un stockage «rapide». Des travaux en ce sens seraientcertainement très utiles, mais nécessiteraient un effort decollecte de données et de formalisation probablementd’ampleur.

    Quoiqu’il en soit, s’il est patent que les études en scienceshumaines et sociales (économie comprise) pourraient êtredéveloppées avec intérêt et même avec une certaine«utilité sociale», ces études ne sauraient qu’aborder bienpartiellement le champ des décisions concernant lagestion temporelle du stockage profond. L’essentiel estbien de garantir la sûreté du stockage, lors de ses phasesd’exploitation et de postfermeture.

    1 Thèse soutenue le 7 décembre 2017, « Prise en compte économique dulong terme dans les choix énergétiques relatifs à la gestion des déchetsradioactifs », avec pour jury M. Patrice GEOFFRON (Professeur, HDR,Président), M. JeanGuy DEVEZEAUX DE LAVERGNE (Directeur d’Itésé, HDR, Directeur de thèse), M. Jacques PERCEBOIS (Professeurémérite, HDR, Rapporteur), M Frédéric LANTZ (Professeur, HDR,Rapporteur), M. Jan Horst KEPPLER (Professeur, HDR, examinateur), M.Luis APARICIO (Chargé de recherche à l’ANDRA, Examinateur), M. JeanPaul MINON (Ancien directeur de l’ONDRAF, Examinateur), M. NorbertLADOUX (Professeur émérite, HDR, Examinateur).2 Données ANDRA – Agence nationale pour la gestion des déchetsradioactifs3 En effet, la période de stockage qui a été jugée réalisable industriellement,compte tenu de la nécessité de baisse de la puissance thermique des colis dedéchets vitrifiés, se situe vers 2070. Il s’agit en fait d’une analyseéconomique à elle seule. Ainsi, JL Girotto et B.Villeneuve ont montré en2005 qu’un stockage de déchets HA effectué après 300 ans d’entreposage

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    reviendrait 5 fois moins cher (en coûts bruts) que le stockage après 30 ans.Après une période d’entreposage de l’ordre de 80 ans, l’emprise dustockage des déchets HA est proche du minimum (avec le concept actuel), àquelques dizaines de % près.4 A noter que ces deux sources de gain seraient, le cas échéant, cumulables5 Il s’agit d’un calcul de valeur (ou plutôt de coût) actuelle nette dustockage, avec des taux d’actualisation usuels (supérieurs au pour cent).6 Voir note supra.7 Cet ordre de grandeur est très rustique et dépend notamment desparamètres économiques tels que l’actualisation. Il faut toutefois noter queles déchets historiques disposent actuellement tous de lieu d’entreposage(parfois en cours de modification, dans le cadre d’opérations de reprise desanciens colis)8 En termes plus économiques, partons des coûts annuels pour lespropriétaires (« producteurs ») des déchets. Ils sont de l’ordre de 150millions d’euros/an, et comprennent des dépenses de R&D significatives,mais aussi déjà actuellement une part de dépenses préalables liées au projet.La thèse montre que le « gain annuel » obtenu en actualisant les coûts duprojet avec un décalage d’une année (si le projet démarre un an plus tard, savaleur actuelle nette est diminuée d’un pourcentage égal au tauxd’actualisation retenu, soit de quelques pour cent) resterait supérieur auxdépenses annuelles qui « consomment » environ la moitié de ce gain pareffet d’actualisation. Il resterait donc un gain économique à attendre si l’onconsidère que le montant annuel de dépense pour le projet restera inchangé.De surcroît, si les dépenses annuelles étaient en partie « gelées » pour unepériode de plusieurs années (avec décision politique à la clé), l’intérêtéconomique d’un report serait d’autant plus net.9 Ceci d’autant plus que les producteurs des déchets ont d’ores et déjàprovisionné des montants à la hauteurs des dépenses prévues. Mais cerésultat reste tributaire du montant du projet CIGEO. Par le passé, les coûtsont régulièrement évolué à la hausse (ils étaient d’un peu plus de 10milliards d’euro en 2005). Ce montant a presque doublé depuis (même si lepérimètre a évolué). Une augmentation du devis de CIGEO pourrait parcontre aller jusqu' à inverser ce résultat.10 Curieusement, le dernier sondage (figure 2 et ref. [6]) que nousconnaissons sur la perception de l’acceptabilité du nucléaire, en fonction dela (non) démonstration de faisabilité d’une filière de gestion à long termedes déchets, date de 2008.11 De tels échanges ont notamment lieu sous les auspices de l’AgenceInternationale de l’Energie Atomique ou de l’OCDE/ Agence de l’EnergieNucléaire.

    Eléments de bibliographie[1] Audition CNE – Commission nationale d’évaluation, 09/03/1005,France.[2] C.Gollier et JG.Devezeaux de Lavergne, « Analyse quantitative de laréversibilité du stockage des déchets nucléaires : valorisation des déchets »,Economie et Prévision 149, Options Réelles, 2001, 113.[3] H.Loubergé et al, “Long term risk management of nuclear waste: a realoptions approach”, Journal of Economic Dynamics and Control 27, 2001,157180.[4] Commissariat général du plan, Marcel Boiteux, « Transports : choix desinvestissements et coût des nuisances », 2001.[5] Conseil économique pour le développement durable, « L’évaluationéconomique des scénarios énergétiques », 2013.[6] Commission Européenne, Eurobaromètre spécial 297, « Attitudes àl’égard des déchets radioactifs », 2008.[7] IEA, NEA, OECD, “Projected costs of generating electricity”, 2015.[8] Commissariat général du plan, Daniel Lebègue, « Révision du tauxd’actualisation des investissements publics », 2005.[9] SFEN, « Déchets radioactifs : Le centre de stockage géologique Cigéo,une solution responsable », 2016.[10] Arrêté du 15 janvier 2016 relatif au coût afférent à la mise en œuvredes solutions de gestion à long terme des déchets radioactifs de hauteactivité et de moyenne activité à vie longue.[11] Loi n° 2006739 du 28 juin 2006 de programme relative à la gestiondurable des matières et déchets radioactifs.[12] http://www.cigéo.com/