Analyse de la démocratie à travers la répartition de la ... · RICHESSE NATIONALE (LE CAS DE LA...

357
Analyse de la d´ emocratie ` a travers la r´ epartition de la richesse nationale : le cas de la Turquie Irem Berksoy To cite this version: Irem Berksoy. Analyse de la d´ emocratie `a travers la r´ epartition de la richesse nationale : le cas de la Turquie. Droit. Universit´ e Ren´ e Descartes - Paris V, 2014. Fran¸ cais. <NNT : 2014PA05D016>. <tel-01138099> HAL Id: tel-01138099 https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01138099 Submitted on 1 Apr 2015 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destin´ ee au d´ epˆ ot et ` a la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publi´ es ou non, ´ emanant des ´ etablissements d’enseignement et de recherche fran¸cais ou ´ etrangers, des laboratoires publics ou priv´ es.

Transcript of Analyse de la démocratie à travers la répartition de la ... · RICHESSE NATIONALE (LE CAS DE LA...

  • Analyse de la democratie a travers la repartition de la

    richesse nationale : le cas de la Turquie

    Irem Berksoy

    To cite this version:

    Irem Berksoy. Analyse de la democratie a travers la repartition de la richesse nationale : lecas de la Turquie. Droit. Universite Rene Descartes - Paris V, 2014. Francais. .

    HAL Id: tel-01138099

    https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01138099

    Submitted on 1 Apr 2015

    HAL is a multi-disciplinary open accessarchive for the deposit and dissemination of sci-entific research documents, whether they are pub-lished or not. The documents may come fromteaching and research institutions in France orabroad, or from public or private research centers.

    Larchive ouverte pluridisciplinaire HAL, estdestinee au depot et a la diffusion de documentsscientifiques de niveau recherche, publies ou non,emanant des etablissements denseignement et derecherche francais ou etrangers, des laboratoirespublics ou prives.

    https://hal.archives-ouvertes.frhttps://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01138099

  • UNIVERSITE PARIS DESCARTES

    Ecole doctorale Sciences juridiques, politiques, conomiques et de

    gestion- ED 262

    UNIVERSITE MARMARA

    Institut des Sciences sociales

    Thse de doctorat en Droit public

    soutenue le 26 novembre 2014

    ANALYSE DE LA DEMOCRATIE A TRAVERS LA REPARTITION DE LA

    RICHESSE NATIONALE (LE CAS DE LA TURQUIE)

    rem BERKSOY

    Sous la direction de

    Monsieur Jacques BUISSON, Professeur mrite lUniversit Paris

    Descartes (Paris 5) et Monsieur brahim KABOLU, Professeur lUniversit Marmara

    Membres du jury :

    Monsieur Eser KARAKA, Professeur lUniversit Istanbul,

    rapporteur

    Monsieur Mahmut KAIKI, Matre de confrence HDR lUniversit

    Istanbul, rapporteur

  • 2

    RESUME: Cette tude traite de la rpartition de la richesse nationale en Turquie vis--vis des principes dmocratiques. La richesse

    nationale peut tre formule des fins d'utilisation dans le domaine juridique comme le total du patrimoine des mnages et des personnes

    morales de droit public de lanne prcdente additionn au produit national net de l'anne donne. La dmocratie exprime la possibilit pour chacun de

    participer la politique (la participation) avec ses diffrences (dans ses intrts- selon son revenu, son ge, son tat de sant et des tats similaires- et son idologie) et davoir ainsi une influence en politique

    travers ses diffrences (le pluralisme). Cette tude se base sur l'ide que doit tre analyse avant tout la manire dont est rpartie la richesse du

    peuple pour savoir si l'Etat revt un caractre dmocratique. En effet, lattente de chacun dune organisation comme lEtat ne peut tre quune meilleure vie et cette dernire satisfaisant tous les besoins des hommes tels

    que lhbergement, la sant, lenseignement, la libert, la culture, les espaces verts a une contrepartie montaire.

    Mots-cls: Dmocratie, participation, pluralisme, budget, droits de lhomme, rpartition quitable, richesse nationale, ingalit, transparence, dpenses publiques, droits sociaux.

    Title: ANALYSIS OF DEMOCRACY THROUGH THE DISTRIBUTION OF

    THE NATIONAL WEALTH (THE CASE OF TURKEY)

    ABSTRACT: This study deals with the distribution of the national wealth in Turkey according to the principles of democracy. National wealth

    can be formulated for use in the legal field as the sum of the previous years household assets and the assets of legal persons governed by public law

    added to the net national product of the current year. Democracy is the possibility for everyone to participate in politics (participation) with his or her differences (in his or her interests based on income, age, state of health

    and similar conditions and his or her ideology) and thus to have an influence in politics through his or her differences (pluralism). This study is

    based on the idea that the way which the national wealth is distributed must be brought up before anything else, in order to find out whether a state has a democratic nature or not. Indeed, everyone expects a better life

    from an organization like the state, and such a life satisfying all human needs such as housing, health, education, freedom, culture, green spaces

    has a monetary consideration.

    Keywords: Democracy, participation, pluralism, public budget, human rights, equitable distribution, national wealth, inequality,

    transparency, public expenditure, social rights.

  • 3

    LISTE DES ABREVIATIONS

    a. : article.

    AGCC : Assemble gnrale de la Cour de cassation.

    AKP : Adalet ve Kalknma Partisi (Parti de la justice et du

    dveloppement).

    AMK : Anayasa Mahkemesi Karar (Dcision de la Cour

    constitutionnelle).

    AMKD : Anayasa Mahkemesi Kararlar Dergisi.

    ANAP : Anavatan partisi (Parti de la mre patrie).

    AHFD : Ankara niversitesi Hukuk Fakltesi Dergisi.

    Ba-kur : Esnaf ve Sanatkarlar ve Dier Bamsz alanlar

    Sosyal Sigortalar Kurumu (Institution dassurance sociale pour les artisans

    et les artistes et les autre professionnels libraux).

    BDDK : Bankaclk Dzenleme ve Denetleme Kurumu

    (Institution de rglementation et de surveillance des activits bancaires).

    BMKO : Bte ve Mali Kontrol Genel Mdrl (Direction

    gnrale de budget et de contrle financier).

    CEDH : Cour europenne des droits de lhomme.

    CET : Contribution conomique territoriale.

    Cf. : Comparer.

    CHP : Cumhuriyet Halk Partisi (Parti rpublicain du peuple).

    CIR : Code de l'impt sur le revenu.

    CIS : Code de l'impt sur les socits.

  • 4

    CJUE : Cour de justice de lUnion europenne.

    CMK : Ceza Muhakemeleri Kanunu (Loi sur la procedure

    criminale).

    CPT : Code pnal turc.

    CRDS : Contribution pour le remboursement de la dette

    sociale.

    CRFPGD : Code relatif la rglementation du financement public

    et de la gestion des dettes.

    CSG : Contribution sociale gnralise.

    CTCS : Code de la taxe sur la consommation spcifique.

    CTVA : Code de la taxe sur la valeur ajoute.

    CUJCC : Le Comit dunification de la jurisprudence de la Cour

    des comptes.

    DDK : Devlet Denetleme Kurulu (Conseil de contrle de

    lEtat).

    DSK : Trkiye Devrimci i Sendikalar Konfederasyonu

    (Confdration des syndicats ouvriers rvolutionnaires de la Turquie).

    DPT : Devlet Planlama Tekilat (Organisme de planification

    d'Etat).

    DSP : Demokratik Sol Parti (Parti dmocratique de la

    gauche).

    DYP : Doru Yol Partisi (Parti de la juste voie).

    ESSPROS : European system of integrated social protection

    statistics.

  • 5

    FMI : Fonds montaire international.

    GAP : Gneydou Anadolu Projesi (Projet dAnatolie Sud-

    orientale).

    GRECO : le Groupe dEtats contre la corruption.

    HSYK : Hakimler ve Savclar Yksek Kurulu (Haut conseil des

    juges et des procureurs).

    IBP : International Budget Partnership.

    HAUM : Trkiye Barolar Birlii nsan Haklar ve Aratrma ve

    Uygulama Merkezi.

    IISS : International Institute for Strategic Studies.

    INTOSAI : Organisation internationale des institutions suprieures

    de contrle des finances publiques.

    IAP : instrument daide de pradhsion.

    INSEE : Institut national de la statistique et des tudes

    conomiques.

    ISSAI : Les standards internationaux des institutions

    suprieures de contrle des finances publiques).

    KUR : Kurumu (Institution de lemploi).

    KASDEP : Krsal Alanda Sosyal Destek Projesi (Projet de soutien

    social en milieu rural).

    KT : Kamu ktisadi Teebbs (entreprise publique).

    LCC : Loi sur la Cour des comptes.

    LFP : Loi sur les fonctionnaires publiques.

  • 6

    LGFPC : Loi sur la gestion financire publique et le contrle.

    LPA : Loi sur la procdure administrative.

    LPC : Loi sur la procdure civile.

    LPP : Loi sur les partis politiques.

    LTO : Loi turque des obligations.

    MHP : Milliyeti Hareket Partisi (Parti de laction nationaliste).

    nbp : note de bas de page.

    NUTS : nomenclature des units territoriales statistiques.

    OCDE : Organisation de coopration et de dveloppement

    conomique.

    ONG : Organisation non gouvernementale.

    OTAN : Organisation du trait de lAtlantique Nord.

    OYAK : Ordu Yardmlama Kurumu (Institution d'entraide

    militaire).

    PACS : pacte civil de solidarit.

    PIB : produit intrieur brut.

    PNB : produit national brut.

    PNN : produit national net.

    QUANGO : quasi-autonomous non-governmental organisation.

    RP : Refah partisi (Parti du bien-tre).

    R.T. : Rpublique de Turquie.

  • 7

    RTK : Radyo ve Televizyon st Kurulu (Commission

    suprieure de la radiotlvision).

    SGK : Sosyal Gvenlik Kurumu (Institution de la scurit

    sociale).

    SGKK : Saytay Genel Kurul Karar (dcision du Conseil

    gnral de la Cour des comptes).

    SHP : Sosyaldemokrat Halk Parti (Parti populiste social-

    dmocrate).

    SIPRI : Stockholm International Peace Research Institute.

    SODES : Sosyal Destek Program (Programme de soutien social).

    SPK : Commission du march de capitaux (Semaye Piyasas

    Kurulu).

    SSK : Sosyal Sigortalar Kurumu (Institution des assurances

    sociales).

    SYDGM : Sosyal Yardmlar Genel Mdrl (Direction gnrale

    des aides sociales).

    SYDTF : Sosyal Yardmlama ve Dayanmay Tevik Fonu

    (Fonds dencouragement de lassistance et la solidarit sociale).

    SYDV : Sosyal Yardmlama ve Danma Vakflar (fondations

    de lassistance et de la solidarit sociale).

    T. : Tome.

    TBMM : Trkiye Byk Millet Meclisi (Grande assemble

    nationale de Turquie).

    TCS : Taxe sur la consommation spcifique.

  • 8

    TESEV : Trkiye Ekonomik ve Sosyal Etdler Vakf.

    TFPB : Taxe foncire sur les proprits bties.

    TFPNB : Taxe foncire sur les proprits non bties.

    TK : Trkiye Kmr letmeleri (Entreprises de charbon de

    Turquie).

    TL : livres turques.

    TMSF : Tasarruf Mevduat Sigorta Fonu (Fonds dassurance des

    comptes dpargne).

    TOK : Toplu Konut daresi Bakanl (Direction du service des

    logements collectifs).

    TBTAK : Trkiye Bilimsel ve Teknolojik Aratrma Kurumu

    (Institution de recherches scientifiques et technologiques de Turquie).

    Trk- : Trkiye i Sendikalar Konfederasyonu (Confdration

    des syndicats ouvriers de la Turquie).

    TSEV : Trkiye nc Sektr Vakf (la Fondation du troisime

    secteur de Turquie).

    TRT : Trkiye Radyo Televizyon Kurumu (Institution de radio

    et tlvision).

    TK : Trkiye statistik Kurumu (Institution des statistiques

    de Turquie).

    UE : Union europenne.

    V. : Volume.

    YCGK : Yargtay Ceza Genel Kurulu (le Conseil gnral pnal de

    la Cour de cassation).

  • 9

    YHGK : Yargtay Hukuk Genel Kurulu (Conseil gnral civil de la

    Cour de cassation).

    YSK : Yksek Seim Kurulu (Haute commission lectorale).

  • 10

    Sommaire

    RESUME.. 2

    LISTE DES ABREVIATIONS.. 3

    SOMMAIRE 10

    INTRODUCTION... 13

    PARTIE 1. ANALYSE DE LA DEMOCRATIE DE LA PART DE LA

    PARTICIPATION AU PROCESSUS BUDGETAIRE

    23

    Titre 1 Une lgislation qui ne permet pas la participation 23

    Chapitre 1 Lingalit des acteurs du droit au budget. 24

    Section 1 La formation antidmocratique de lorgane qui exercera le droit au

    budget..

    24

    A Lingalit dans laccs aux postes politiques 25

    B Un parlement en dficit de reprsentation.. 35

    Section 2 Des comptences sans responsabilits 42

    A Des comptences sans responsabilits au regard des actes juridiques

    de lexcuteur..

    55

    B Des comptences sans responsabilits au regard des actes juridiques

    du juge.

    71

    C Des comptences sans responsabilits au regard des actes juridiques

    du lgislateur...

    75

    Chapitre 2 Des finances publiques non-ouvertes au contrle populaire... 87

    Section 1 Un processus budgtaire non contrl 88

    A Ladoption dun budget non-transparent. 88

    B Un contrle insuffisant des comptes dfinitifs 113

    Section 2 Une gestion financire centralise.. 133

    A Une politique librale concernant les privatisations... 134

    B Une administration centrale qui ne veut pas partager ses prrogatives

    publiques financires...

    138

    i Labsence de volont politique concernant le transfert de comptence

    aux collectivits locales et aux autres personnes dans le cadre du

    principe de subsidiarit...

    138

  • 11

    ii Labsence de volont politique concernant la responsabilisation des

    gestionnaires...

    143

    iii Labsence de volont politique concernant lexistence des organismes

    indpendants de surveillance..

    144

    Titre 2 La quasi-inexistence de fonds publics allous la ralisation de la

    participation..

    147

    Chapitre 1 Linsuffisance des dpenses publiques en affranchissement de

    lindividu embourb dans les problmes de survie.

    150

    Section 1 Linsuffisance du financement de la scurit sociale.. 154

    A Un systme de scurit sociale fonde sur les cotisations des

    employs et des employeurs...

    155

    B Le montant insuffisant des dpenses de la scurit sociale... 160

    Section 2 Linexistence des dpenses daide sociale.. 168

    Chapitre 2 Linsuffisance des dpenses publiques en affranchissement de

    lindividu de la crainte de se mler des affaires de la socit.

    170

    Section 1 Linsuffisance des fonds publics allous au justiciard 170

    Section 2 La part importante des tablissements pnitentiaires dans les dpenses

    de justice.

    172

    Chapitre 3 Linsuffisance des dpenses publiques en individu ayant conscience

    de ses intrts et des acquis de lactivit collective

    173

    Section 1 La quasi-inexistence dun systme de financement public de la socit

    civile

    176

    A Une administration qui veut prserver le monopole de service public... 176

    B Une administration qui na pas une culture de coopration au sujet de

    la dfense des droits

    188

    Section 2 Un systme de subvention centralis et non-transparent 191

    Chapitre 4 Linsuffisance des dpenses publiques en dveloppement des peuples

    du monde.

    199

    Section 1 Leffet correctif des politiques financires errones des aides au

    dveloppement

    199

    Section 2 Linsuffisance des fonds publics allous laide au dveloppement. 202

    PARTIE 2 ANALYSE DE LA DEMOCRATIE DE LA PART DUN

    BUDGET PLURALISTE OU DE LA REPARTITION

    EQUITABLE DE LA RICHESSE NATIONALE.

    207

  • 12

    Titre 1 La violation du droit lgale protection face la charge de

    contribution aux dpenses publiques..

    226

    Chapitre 1 La facult contributive: une mesure dimposition qui ne sapplique

    pas...

    237

    Section 1 Une fiscalit indirecte qui porte atteinte au principe dgalit... 237

    A La grande part des impts indirects dans la totalit des revenus fiscaux 238

    B La non-adoption des techniques de personnalisation.. 239

    Section 2 Une fiscalit directe qui porte atteinte au principe dgalit.. 241

    A La violation du droit la vie par la fiscalit directe 241

    B Une fiscalit directe supporte par les contribuables ayant une facult

    contributive moins leve...

    247

    Chapitre 2 La non-conformit au principe dgalit des motifs de ne pas imposer

    selon la facult contributive

    257

    Section 1 Des motifs non-concrtiss. 258

    Section 2 Un traitement ingal fond sur la croyance 264

    Titre 2 La violation du droit lgale protection face aux dpenses

    publiques

    267

    Chapitre 1 Un traitement discriminatoire du fait de son revenu.. 267

    Section 1 Une protection ingale concernant les droits sociaux. 268

    Section 2 Une protection ingale concernant le droit la vie. 283

    Chapitre 2 Un traitement discriminatoire du fait de son ge: linsuffisance des

    dpenses publiques en ducation

    286

    Chapitre 3 Un traitement discriminatoire du fait de sa croyance. 293

    CONCLUSION. 305

    BIBLIOGRAPHIE 326

  • 13

    INTRODUCTION

    La richesse nationale est un concept d'conomie politique.

    Lconomie politique a pour objet, parmi les rapports des hommes vivant

    en socit, ceux-l seulement qui tendent la satisfaction de leurs besoins

    matriels, tout ce qui concerne leur bien-tre1. Suivant la division

    tripartite de Jean Baptiste SAY qui est reste classique, ces rapports sont

    traits sous trois grands chapitres: production, rpartition, consommation2.

    En conomie politique,la richesse qui est lobjet de la production, de la

    rpartition et de la consommation, dsigne, selon SAY, tout bien matriel,

    tout produit qui peut tre un objet de proprit3. Ce qui est richesse pour

    une personne prive lest pour une nation (qui nest que la runion des

    personnes prives aux yeux de l'conomie politique, laquelle ne raisonne

    pas sur des valeurs imaginaires)4.

    Cependant, dans le domaine conomique, le concept de la richesse

    nationale est utilis au sens de la croissance conomique dun pays pour

    fonder ensuite sa place dans la hirarchie des nations par rapport au niveau

    de celle-ci5. Cette croissance est principalement mesure de nos jours6

    1 GIDE, Charles: Principes dEconomie Politique, 1931, p.13.

    2 GIDE, p.14.

    3 Trsor de la Langue franaise informatis, Centre national de ressources textuelles et

    lexicales, http://www.cnrtl.fr/definition/richesse. 4 SAY, Jean-Baptiste: Trait dconomie politique ou simple exposition de la manire dont se

    forment, se distribuent et se consomment les richesses, Imprimerie de C. J. de Mat Fils et H. Remy, Bruxelles 1827, p.25.

    5 FREMEAUX, Philippe/ TOUAL, Louisa: Comment mesurer la richesse?, Alternatives

    Economiques no: 193, juin 2001, http://www.alternatives-economiques.fr/comment-mesurer-la-richesse-_fr_art_148_15629.html.

    6 La Richesse des nations", pour reprendre le titre de luvre la plus connue dAdam Smith

    (1723-1790), na pas toujours t pense dans les termes actuels. La comptabilit nationale, celle qui fournit les outils de calcul du PIB, a t mise au point pour lessentiel, entre les annes 1930 et 1970, et le premier rapport sur les comptes de la nation date, en France, de 1951. Dimportantes hsitations ont marqu cette priode, et cest par exemple seulement en 1976 que les conventions en vigueur en France ont intgr les services non marchands des administrations dans la dfinition de la richesse nationale (le PIB). Ils en taient exclus avant cette date, premier indice de lintervention de choix de type

    http://www.cnrtl.fr/definition/richessehttp://www.alternatives-economiques.fr/comment-mesurer-la-richesse-_fr_art_148_15629.htmlhttp://www.alternatives-economiques.fr/comment-mesurer-la-richesse-_fr_art_148_15629.html

  • 14

    travers lindicateur dit du produit intrieur brut (PIB). Le PIB est calcul

    en additionnant la contribution de chaque agent conomique la production

    de richesses. Le changement de PIB est accept comme lindicateur de la

    croissance conomique. Pour autant, cet indicateur est de plus en plus

    critiqu pour ne pas sinterroger sur lutilit relle de ce quil additionne7, ni

    sur les conditions sociales et environnementales telles que l'extinction des

    ressources non renouvelables, dans lesquelles les richesses mesures sont

    produites et pour rduire les richesses aux seules activits marchandes et

    politique dans une mesure qui nous parat aujourdhui naturelle que parce quon a oubli les dbats fondateurs (Voir J. Gadrey et F. Jany-Catrice, 2005, chapitre VIII). Mais bien dautres indices peuvent tre trouvs en remontant plus loin dans lhistoire. On saperoit alors que ce sont largement les intrts et les ides des dtenteurs du pouvoir conomique, des puissants, qui ont t chaque poque au cur de la conception dominante de la richesse (GADREY, Jean: Richesse (Dfinition et Mesures de la), Encyclopdia Universalis France 2014, http://www.universalis.fr/encyclopedie/definitions-et-mesures-de-la-richesse/). L'mergence des Etats-nations centraux correspond au XVe sicle. La priode ayant prcd est celle lors de laquelle l'Europe occidentale apparat comme un ensemble de rgions et de provinces constituant des units conomiques partiellement autonomes. A cette poque, la richesse est mesure en relation avec le montant de minraux prcieux dtenus en faisant un parallle avec la puissance conomique de la nation et celle d'un commerant (GZE, Ayferi: Liberal, Marxiste, Faist, Nasyonal Sosyalist ve Sosyal Devlet (Etat librale, marxiste, fasciste, national-socialiste et sociale), Beta, 4

    e dition, stanbul 2005,

    p.11). Le systme mercantiliste qui se focalise sur le dveloppement du commerce extrieur et l'industrie de la production pour dtenir les minraux prcieux a t suivi par l'Ecole physiocrate qui considre la terre comme seule source de richesses (GIDE, p.15-16). Lapparition du livre Recherches sur la nature et les causes de la richesse des Nationsd'Adam Smith en 1776 a marqu un tournant dans l'histoire de l'Economie politique (GIDE, p.16-17). Selon SMITH, considr comme le pre fondateur de l'Economie Politique classique, auquel se sont rfrs ses disciples pendant tout un sicle, la richesse repose avant tout sur la production industrielle. MALTHUS considre que la richesse d'un pays repose sur les biens matriels changeables, dont la valeur est mesurable grce aux prix. Chez lui comme chez Smith, le seul crateur de cette richesse est le travail. Cette conception de la richesse a marqu la totalit du 19

    e sicle et une partie du 20

    e et a t largement adopte par Karl MARX (1818-1883)

    (GADREY). Tel quindiqu dj par SAY en 1803, l'Ecole Marginaliste et la Thorie noclassique sinscrivent dans la reprsentation marchande de la richesse en dfendant que le critre de contribution la richesse ne repose pas dans la matrialit des productions, mais dans le fait quelles ont une valeur changeable. Depuis deux sicles, ces deux approches coexistent. En France- comme mentionn ci-dessus- ce n'est que depuis 1976 que les services non marchands des administrations sont pris en compte dans le calcul de la richesse nationale. Depuis 1990, ce contenu jug trs insuffisant fait l'objet de critiques (GADREY) de ne pas sinterroger sur lutilit relle de ce quil additionne, ni sur des conditions sociales et environnementales, par exemple sur l'extinction des ressources non renouvelables, dans lesquelles les richesses mesures sont produites et de rduire la richesse aux seules activits marchandes et celles qui leur sont assimilables (FREMEAUX/ TOUAL).

    7 Comme exemple de recherche qui dmontre que la croissance conomique/ laugmentation

    de la production prsente comme la solution tous les problmes constitue en fait le problme lui-mme, voir GADREY, Jean: Adieu la Croissance: Bien Vivre dans un Monde Solidaire, Les Petits Matins, Alternatives Economiques, Paris 2010.

    http://www.universalis.fr/encyclopedie/definitions-et-mesures-de-la-richesse/

  • 15

    celles qui leur sont assimilables8. Quant toute la partie de l'conomie

    politique qui traite de la rpartition, elle n'est autre que l'tude des

    instruments de mise en uvre tant bien que mal du principe juridique

    cuique suum ( chacun ce qui lui revient)9. A ce point, l'indicateur PIB qui

    ne fournit pas d'information sur les volutions de lventail des revenus et

    surtout sur le patrimoine qui est un lment essentiel des ingalits, reste

    galement insuffisant pour fournir des informations sur la rpartition.

    Contrairement aux sciences positives qui tudient la relation de

    cause effet pour constituer des donnes, la science juridique est une

    science normative (dterminant une norme/ un jugement de valeur). C'est

    pourquoi,- comme expliqu ci-dessus- une notion telle que la croissance

    conomique dont on ne connat pas les rpercussions sur les titulaires de

    droits et liberts, n'est pas utilisable en droit. Conformment la dfinition

    de SAY cite ci-dessus, la richesse nationale peut tre formule des fins

    d'utilisation dans le domaine juridique comme le total du patrimoine10 des

    mnages et des personnes morales du droit public de lanne prcdente

    additionn au produit national net (PNN)11 de l'anne donne. Cette

    formule, tout en tant utilisable pour valuer le partage de la richesse

    nationale au sein du peuple, demeure toujours incomplte pour rpondre

    aux autres critiques adresses l'indicateur PIB.

    8 FREMEAUX/ TOUAL. Pour plusieurs indicateurs prenant en compte les conditions sociales et

    environnementales dans lesquelles les richesses mesures sont produites voir GADREY, Jean/ JANY- CATRICE, Florence: Les Nouveaux Indicateurs de Richesses, La Dcouverte, Paris 2005.

    9 GIDE, p.13.

    10 Le patrimoine est le restant aprs avoir diminu le passif total du total des biens et droits

    ayant une valeur dchange, qui se trouvent sous la possession des personnes- entre autres des personnes de droit public, donc du peuple- selon les principes du droit priv (Pour les dfinitions du patrimoine utilises pour limpt sur le patrimoine, voir TUNCER, Selahattin: Servet Vergileri (Les Impts sur le patrimoine), Maliye Enstits Konferanslar: 7, stanbul niversitesi, stanbul 1961, p.159).

    11 Pour obtenir le PNN, il faut retrancher au produit national brut (PNB) la valeur de la

    dprciation des actifs. Le PNB correspond la somme des revenus primaires perus, pendant une priode donne, par les agents conomiques nationaux.

  • 16

    Il convient galement de clarifier ce que la dmocratie, en fonction

    de laquelle le partage de la richesse nationale sera analys dans l'tude,

    signifie. La dmocratie, selon la clbre dfinition d'Abraham Lincoln est le

    gouvernement du peuple par le peuple, pour le peuple. Il est largement

    accept que la dmocratie dans la prise de dcision et dans la pratique de

    celle-ci est le modle le plus convenable pour l'objectif du dveloppement

    continu des droits de l'homme12 qui est la raison dexistence de lEtat13.

    Dans ce sens, un Etat dmocratique est, pour l'ensemble des peuples du

    monde- indpendamment des diffrences culturelles, politiques, sociales et

    conomiques-, un droit qui repose sur des valeurs communes et

    universelles14. Donc, la dmocratie a dpass le statut de rgime idal pour

    la continuit des droits de lhomme et a atteint le statut de droit part

    entire. Ce droit exprime la possibilit pour chacun de participer la

    politique (participation) avec ses diffrences (dans ses intrts selon ses

    revenus, son tat de sant, son ge, son sexe- et son idologie) et davoir

    ainsi une influence en politique travers ses diffrences (pluralisme). Les

    personnes peuvent participer la politique pour dfendre leurs propres

    intrts ou les droits des autres.

    La Constitution de la Rpublique de Turquie (R.T.)15 dfinit la

    dmocratie dans son article 2 comme l'une des caractristiques de l'Etat. Au

    motif de l'article 5 de la Constitution, il est galement expos que la

    dmocratie, tant le rgime le plus adapt la ralisation et la garantie des

    droits de lhomme et des liberts fondamentales, est la raison d'tre de

    12

    KUURAD, onna: Yirmibirinci Yzyln Eiinde Demokrasi Kavram ve Sorunlar (La Notion de dmocratie et ses problmes la veille du 21

    e sicle), Hacettepe niversitesi Edebiyat

    Fakltesi Dergisi, Cumhuriyetimizin 75. Yl zel Says, Ankara 1998, p.26. Churcill a dfini la dmocratie comme "le moins mauvais" des rgimes (DER LNDEN, Ren Van, (communication), Le Rle des Partis Politiques Dans La Construction de la Dmocratie, Conseil de lEurope, Moscou 2006, p.159).

    13 KUURAD, p.24.

    14 La Dclaration Universelle Sur La Dmocratie art.1, http://www.ipu.org/cnl-f/161-dem.htm.

    15 No: 2709, J.O.: 9.11.1982, http://www.tbmm.gov.tr/anayasa/anayasa_2011.pdf.

    http://www.ipu.org/cnl-f/161-dem.htmhttp://www.tbmm.gov.tr/anayasa/anayasa_2011.pdf

  • 17

    l'Etat16. Par ailleurs, dans le prambule de la Constitution apparat

    l'expression la dmocratie libertaire indique dans cette Constitution. Au

    lieu de se contenter des expressions de la dmocratie universelle ou de

    l'Etat dmocratique, le pouvoir constituant a limit ds la Constitution les

    liberts et la dmocratie reposant sur les liberts par la lettre de celle-ci.

    Les autorits turques ont d'ailleurs voulu mettre des rserves concernant

    plusieurs droits et liberts, commencer par la libert d'expression et

    d'association, lorsqu'elles ont fait la demande aux autorits europennes

    concernant le droit de requte individuel prvu par la Convention

    europenne des droits de l'homme afin de ne pas faire un compromis sur la

    perception des liberts et de la dmocratie aux turcs17 dans les limites

    16

    La Constitution de la R.T. (avec lexpos des motifs) TBMM, Ankara 2011, p.8, https: //yenianayasa.tbmm.gov.tr/docs/gerekceli_1982_anayasasi.pdf.

    17 En Turquie, depuis la Loi "Tekilt- Essiyye" de 1924 (No: 491, J.O.: 24.4.1924) sont

    considrs comme "Turcs" tous les citoyens indpendamment de leur religion et de leur race. Cette formule qui figure l'article 88 de la Constitution de 1924 a t reprise l'article 54 de la Constitution de 1961 (No: 334, J.O.: 20.7.1961) et l'article 66 de la Constitution de 1982 actuellement en vigueur. Les expressions "l'Etat de Turquie" figurant l'article 3 de la Constitution de 1921 et l'expression "Le Public de la Turquie" figurant l'article 88 de la Constitution de 1924 qui sont les Constitutions de la rvolution rpublicaine sont remplaces par l'expression "L'Etat Turc" dans les Constitutions de 1961 et 1982. Car le qualificatif "Turc" qui est l'quivalent d'un concept juridique (de la citoyennet) est galement l'origine ethnique de la majorit de ceux qui vivent en Turquie, permettant ainsi au nationalisme turc de faire interdire par la loi une langue au point d'arriver un barbarisme culturel (TANR, Blent/ YZBAIOLU, Necmi: 1982 Anayasasna Gre Trk Anayasa Hukuku (Le Droit constitutionnel turc selon la Constitution de 1982), Yap Kredi Editions-1447, Cogito-102, 3. Edition, stanbul 2002, p.81), il fait l'objet de critiques adresses par les citoyens d'une autre origine ethnique qui vivent en Turquie ainsi que de certains juristes et activistes. La loi portant cette interdiction linguistique est la loi intitule "La loi sur les publications faites dans une autre langue que le Turc" (No: 2932, J.O.: 22.10.1983). L'article premier de la loi intitul Objectif et contenu se lit ainsi: Cette loi dfinit les principes et les procdures relatives aux langues interdites dans l'expression et la diffusion des opinions, dans le but de prserver l'intgrit indivisible de l'Etat et de la nation, de la souverainet nationale, de la Rpublique, de la scurit nationale et de l'ordre public." Ainsi, "il est interdit d'exprimer, de diffuser et de publier des opinions dans une quelconque autre langue que la premire langue officielle des Etats reconnus par l'Etat turc. Ceci ne porte pas prjudice aux dispositions des Conventions internationales auxquelles l'Etat turc est partie ainsi que les publications des institutions d'ducation, d'enseignement, de recherche scientifique et des institutions publiques.Avec son article 3 qui rgit la langue maternelle des citoyens turcs, la loi dispose que, La langue maternelle des citoyens turcs est le turc. Sont interdites a) les activits visant utiliser et diffuser d'autres langues que le turc comme langue maternelle b) les affiches, les pancartes, les slogans, les panneaux et d'autres supports rdigs ainsi que la radiodiffusion faite travers des disques, des bandes sonores ou visuelles dans une autre langue que le turc, ports et utiliss lors de runions et des manifestations sauf en cas d'autorisation obtenue du plus haut responsable administratif". Les articles 4 et 5 de la loi compose de huit articles dfinissent les sanctions et prvoient le rappel. Cette loi prpare par le Conseil national de scurit a t abroge par l'article 23 de la loi sur la lutte anti-terrorisme (No: 3713, J.O.: 12.4.1991); ses dispositions constitutionnelles ont t abroges par l'amendement constitutionnel de 2001 (Trkiye

    https://yenianayasa.tbmm.gov.tr/docs/gerekceli_1982_anayasasi.pdfhttps://yenianayasa.tbmm.gov.tr/docs/gerekceli_1982_anayasasi.pdf

  • 18

    approuves par les autorits turques. Cependant, ces demandes de

    rserves ne furent pas acceptes par les autorits europennes18. La

    dmocratie ne peut seulement tre limite si les liberts sont abuses en

    vue de la dtruire ou de dtruire les liberts elles-mmes19. Hormis ce

    dernier cas, la non-correction de la lgislation engendrant des restrictions

    antidmocratiques qui contredisent les liberts et la dmocratie universelle,

    fait natre la responsabilit des dputs et des juges.

    Cette tude se base sur l'ide que doit tre analyse avant tout la

    faon dont est partage la richesse nationale au sein du peuple pour savoir

    si l'Etat, lequel constitue la personnalit morale de ce dernier, revt un

    caractre dmocratique de la part du peuple et ses principaux organes (le

    lgislatif, l'excutif et le judiciaire). En effet, lattente de chacun dune

    organisation comme lEtat ne peut tre quune meilleure vie et cette

    dernire, satisfaisant tous les besoins des hommes tels que lhbergement,

    la sant, lenseignement, la libert, la culture et les espaces verts, a une

    contrepartie montaire. Dans les dmocraties, la richesse nationale est

    utilise par le biais du droit au budget dont le peuple est titulaire20 et qui

    donne ce dernier les comptences pour imposer, dpenser, prparer le

    budget, sendetter et grer les biens publics21. Cest pour cette raison que le

    Cumhuriyeti Anayasasnn Baz Maddelerinin Deitirilmesi Hakknda Kanun, No: 4709, J.O.: 17.10.2001- 24556 (mkerrer)) (TANR/ YZBAIOLU, p.81, nbp.28).

    18 TANR/ YZBAIOLU, p.86-88.

    19 Voir ce sujet, HAKYEMEZ, Yusuf evki: Militan Demokrasi Anlay (La Conception de la

    dmocratie militante), Editions Sekin, Ankara 2000 ve KANADOLU, O. Korkut: Almanyada Mcadeleci Demokrasi (La Dmocratie militante en Allemagne), Ouz mregne Armaan, HF Editions, stanbul 1998, p.977-990, cit par: TANR/ YZBAIOLU, p.87-89.

    20 Le droit au budget appartient au peuple, donc aux citoyens. C'est pourquoi, il est possible

    de parler de la comptence budgtaire des parlements ou des gouvernements et des fonctions et responsabilits qui en dcoulent et non pas de leur droit au budget. (AAN, Nami: Modern Bte Srecinde Parlamentonun Rol (Le Rle du Parlement dans le processus budgtaire moderne), Bte Srecinde Parlamentonun Deien Rol, TBMM Basmevi, Ankara 2009, p.183).

    21 AAN, p.183.

  • 19

    droit au budget est lindicateur le plus clair travers lexcution duquel peut

    tre valu si un peuple a le droit ou non de se gouverner lui-mme22.

    Aprs avoir mis les problmes montaires au centre de la discussion

    sur la dmocratie, il faut constater cette harmonie ou cette dysharmonie en

    tudiant les dispositions procdurales et matrielles du droit financier. Nous

    avons dj dfini la dmocratie en se basant sur les principes de

    participation et de pluralisme. La participation est relative la procdure et

    permet de mesurer la conformit du droit financier la dmocratie du point

    de vue des normes procdurales. Le pluralisme est, dautre part, relatif au

    rsultat atteindre, et il est lindicateur de la conformit du droit financier

    la dmocratie du point de vue des normes substantielles. La procdure

    financire doit tre rgle de faon permettre chaque citoyen de

    participer, personnellement ou par lintermdiaire de leurs reprsentants,

    la gestion financire et, une telle gestion financire participative devrait

    rsulter comme un budget qui reflte lintrt et lidologie de tous

    concernant la rpartition de la richesse nationale. Les personnes, jeunes ou

    ges, malades ou en bonne sant, riches ou pauvres ou dans d'autres

    situations, ont besoin de bnficier de certains droits de l'homme en

    priorit, en fonction de leur tat. Un budget qui reflte lintrt et lidologie

    de tous signifie le fait que le budget reflte le financement des droits de

    lhomme qui correspondent ces intrts et idologies. Sinon, il est

    vident que linsatisfaction des groupes sociaux dont la jouissance de la

    richesse nationale est empche, donnera lieu la dsintgration sociale

    dans une dmocratie. Cependant, le fait de connatre ses intrts et la

    participation au gouvernement par la connaissance de ces deniers ne sont

    possible quen liminant les obstacles rendant les individus timides,

    insuffisants, indiffrents ou intolrables lgard de la participation aux

    affaires publiques.

    22

    FEYZOLU, Bed N: Modern Anayasalarda Bte Hakk (Le Droit au budget dans les constitutions modernes), .. ktisat Fakltesi Maliye Aratrma Merkezi Konferanslar, 29. Seri, 1983-1984, p.3.

  • 20

    Cette tude qui vise dterminer le caractre dmocratique de la

    Turquie travers la rpartition de sa richesse nationale et donc travers le

    budget, instrument principal de la politique23, est compose de deux

    grandes parties qui tudient le thme des points de vue participatif (Partie

    1) et pluraliste (Partie 2). L'examen de la conformit la dmocratie de

    l'utilisation de la richesse nationale permettra galement de mesurer la

    qualit du service dmocratique offert par le personnel public- commencer

    par ceux qui sont dots des comptences les plus importantes, savoir les

    dputs, les juges et les ministres- qui reoit une grande partie de la

    richesse nationale sous forme de salaire.

    L'tude se limite l'ordre juridique prvu par le systme

    conomique capitaliste, lequel a deux aspects: l'conomie librale (dun Etat

    limit) et l'conomie sociale (d'un Etat interventionniste). La doctrine

    socialiste ou communiste n'a pas t prise en compte24. C'est pourquoi cette

    23

    Dans la quasi-totalit des pays dans le monde, le budget est l'unique instrument de tout acte de l'Etat (CANGZ, Cokun: Redistribution of Power and Status Through Public Finance: The Case of Turkey, Republic of Turkey Ministry of Finance Strategy Development Unit, Issue No: 2010/401, Ankara 2010, p.19).

    24 Lquivalent de lEconomie librale dans le domaine constitutionnel est le

    constitutionnalisme libral qui a marqu le XIXe sicle. L'Etat libral instaur par les mouvements du constitutionnalisme libral est une organisation politique qui rsulte de la ncessit de sanctionner par un organe suprieur les individus qui ne se conforment pas aux lois naturels selon lesquels les individus sont supposs vivre de faon libre et gale dans la nature (GZE, p.3-4). L'objectif des organes de l'Etat est de protger les droits naturels (acquis la naissance) des individus qui ne se sont pas perdus avec le temps. Ces droits naturels sont les liberts, le droit la scurit, le droit de proprit et le droit de rsistance loppression (GZE, p.8).

    Le mouvement du constitutionnalisme socialiste ayant marqu le XXe sicle, reflte un

    systme d'ides fondamentalement oppos celui qui faonne le mouvement constitutionnel libral selon lequel "les individus naissent libres", "qu'ils sont gaux dans une atmosphre de libert". On ne peut parler de la libert d'un individu dont les besoins vitaux fondamentaux ne sont pas satisfaits. Il n'y a pas de libert et une galit mais une rpression et une exploitation l'origine. L'histoire de l'humanit est faite de guerres entre les classes, une guerre qui oppose les minorits exploitantes et les masses exploites, les matres et les esclaves, les seigneurs et les serfs. Avec la Rvolution industrielle, cette guerre est transforme en une lutte entre les capitalistes dtenant les moyens de production et les proltaires qui leur louent leurs forces de travail. L'Etat n'est donc que l'instrument de rpression au service de la classe dominante. L'appareil tatique, arrach aux mains de cette minorit, doit passer aux

  • 21

    tude ne rpond pas aux questions de savoir si la production de base doit

    tre publique ou prive pour atteindre le niveau optimal de production et si,

    lorsque l'objectif est la prosprit pour tous, l'objectif datteindre le niveau

    optimal de production peut tre nglig ou dans quelles mesures il pourra

    ltre pour dterminer le systme conomique idal.

    De plus, avec sa formule utilise dans cette tude, la richesse

    nationale est lacunaire du fait quelle ne remet pas en cause lutilit relle

    mains de la majorit constitue d'ouvriers, de paysans et dintellectuels jusqu ce que se forme une socit sans classe et sans exploitation en socialisant les moyens de production (KABOLU, brahim: Anayasa Hukuku (Anayasa), 5

    e dition rvise, LEGAL, stanbul 2009, p.93).

    Avec l'effet du mouvement socialiste, une part du monde sest transforme au systme

    socialiste. Dans le systme conomique socialiste, les principaux appareils de production et d'change appartiennent la socit (MANDEL, Ernest: Marksist Ekonomi El Kitab (Manuel de lconomie marxiste), zgr niversite Kitapl: 68, Edition Maki Basn, 3. Edition, Ankara 2008 (traduit par: Orhan Suda), p.609). Cela tant, le seul facteur crant de la valeur dans une conomie socialiste est le travailleur. Une partie de la valeur ajoute cre par le travailleur est oriente au financement des nouveaux investissements publics et autres dpenses publiques; le reste prenant la forme de salaires pays aux travailleurs (TRKKAN, Erdal: Ekonomi ve Demokrasi (Economie et dmocratie), Ekonomik ve Sosyal Aratrmalar: 2, Turhan Kitabevi, Ankara 1996, p.93). En revanche, dans le systme capitaliste, profitent d'une grande partie de cette valeur ajoute cre, non pas les travailleurs ou la socit, mais les particuliers et ce, sous les dnominations de profit, rente et intrt (HARRIS, Laurence/ KIERNAN, V. G/ MILIBAND, Ralph: Marksist Dnce Szl (Dictionnaire de la pense marxiste), Edition letiim, 4

    e

    dition, stanbul 2005 (traduit par: Mete Tunay), p.46-47). Dans lautre partie du monde, les constitutions librales ont commenc se socialiser: Les

    droits sociaux, autrement dit les obligations sociales de lEtat ont commenc figurer dans les constitutions aux cts des liberts conomiques et intellectuelles (KABOLU, Anayasa, p.96-97). La reconnaissance des droits sociaux est dfinie comme une sorte de rconciliation entre la classe capitaliste et les masses populaires de travailleurs afin de lassurance de la protection du systme conomique capitaliste (TANR, Blent: Anayasa Hukukunda Sosyal Haklar (Les Droits sociaux dans le droit constitutionnel), Editions May, stanbul 1978, p.121).

    Avec l'affaiblissement du bord socialiste partir de 1980, le pouvoir de reprsentation des

    masses populaires constituant la majorit et ayant prioritairement besoin de bnficier des droits sociaux s'est affaibli au niveau des constitutions. Ce processus est appel dans le domaine conomique le nolibralisme (KABOLU, Anayasa, p.9).

    L'conomie librale et la dmocratie sociale se distinguent l'une de l'autre quant au partage

    dans une conomie capitaliste. A l'origine de la diffrence entre un Etat social/ interventionniste et un Etat conomie librale, rside "la productivit marginale". A la diffrence de l'idologie de la dmocratie sociale, dans le systme conomique libral, la part de la valeur ajoute paye aux ouvriers et aux autres composantes considres comme facteur de production par le systme conomique capitaliste est apprcie en lien avec la productivit marginale seule et non pas avec les droits sociaux (TRKKAN, p.94).

  • 22

    de ce quelle additionne, ni les conditions sociales et environnementales

    telles que l'extinction des ressources non renouvelables dans lesquelles les

    richesses mesures sont produites.

  • 23

    PARTIE 1. ANALYSE DE LA DEMOCRATIE DE LA PART DE LA

    PARTICIPATION AU PROCESSUS BUDGETAIRE

    Le droit et le devoir25 de participer lgal accs la prise de

    dcisions publiques et lexercice de celles-ci de chaque citoyen (et dans

    certaines limites des trangers galement26) travers ses diffrences (dans

    ses intrts selon son ge, son sexe, ses revenus et des tats similaires-

    et son idologie) constitue lun pilier de la dmocratie. Il sagit ici de traiter

    si la lgislation du pays en question permet la participation (Titre 1) et le

    montant de fonds allous pour surmonter les obstacles qui se posent la

    ralisation de la participation (Titre 2).

    Titre 1. Une lgislation qui ne permet pas la participation

    Jusquaujourdhui, la Turquie a appliqu la dmocratie sous sa forme

    reprsentative dans le domaine financier. Dans la dmocratie

    reprsentative, le droit de participation la gestion des affaires publiques

    25

    Linclusion la gestion publique constitue un devoir auprs du citoyen plutt quune responsabilit. La responsabilit est ne du Droit et soumise des rgles juridiques, sa violation fait lobjet de sanctions. Lorigine de devoirs en revanche repose sur la morale (KABOLU, brahim: zgrlkler Hukuku, 6. Bask, mge Kitabevi, Ankara 2002, (zgrlkler), p.562). Il est possible de parler ce stade dun devoir confr au citoyen puisque limposition des rgles contraignantes afin que chaque citoyen accomplisse sa tche dmocratique nest ni suffisant, ni tout fait possible dans les dmocraties.

    26 Le Parlement europen avait dcid en 1989 de confrer le droit de vote aux lections

    municipales aux trangers rsidant et travaillant sur le territoire de douze Etats membres de lUnion europenne. Le droit de vote aux lections municipales a t confr aux trangers au Danemark, en Sude, aux Pays-Bas, en Irlande et en Grande Bretagne; dans ce dernier pays, le droit d'lire et d'tre lu a t confr aux citoyens du Commonwealth l'instar des citoyens britanniques (KABOLU, zgrlkler, p.420, nbp.286).

  • 24

    se concrtise au sein de deux droits: le droit lgalit politique (Chapitre

    1) et le droit de contrle populaire27 (Chapitre 2).

    Chapitre 1. Lingalit des acteurs du droit au budget

    Lgalit politique signifie premirement la possibilit pour chaque

    citoyen, condition quil possde les qualifications objectives pralablement

    dfinies, de se charger lui-mme de la gestion des affaires publiques.

    Lgalit politique signifie deuximement la possibilit dinfluencer

    indirectement la gestion des affaires publiques, en respectant galement

    lgalit des chances, par le biais, notamment, dun parlement pluraliste28.

    Ces deux piliers de lgalit politique se rapportent la formation de

    lorgane qui exercera au nom du peuple le droit au budget dans les

    dmocraties reprsentatives (Section 1). Lgalit politique tmoigne

    galement quil nexiste pas dans lEtat de personnes distingues vis vis

    des responsabilits juridiques (Section 2).

    Section 1. La formation antidmocratique de lorgane qui

    exercera le droit au budget

    Il sagit ici de rvler si les postes de dcision sont accessibles par

    toutes les composantes de la socit (A) et si les organes de dcisions

    portent un caractre reprsentant galement toutes les composantes de la

    socit (B).

    27

    BEETHAM, David: La Dmocratie: Principes Essentiels, Institutions et Problmes, La Dmocratie: Principes et Ralisation, Union Interparlementaire, Genve 1998, p.23.

    28 BEETHAM, p.31.

  • 25

    A. Lingalit dans laccs aux postes politiques

    Le premier pilier de lgalit politique, qui est de lgalit dans

    laccs aux postes politiques, concerne, dans les dmocraties

    reprsentatives, le systme des partis politiques dun pays. Pour valuer

    lgalit dans laccs aux postes politiques, il faut voir si les mcanismes

    institutionnels et lgislatifs en place concernant limmatriculation des partis

    politiques ont un caractre encourageant ou ardu et ensuite, si le

    financement public des partis politiques sert son objectif. Dans le cadre de

    ltude, il sagira de sintresser seulement au financement public des partis

    politiques.

    Dans les dmocraties, la libert de parler existe; si vous voulez

    vous faire entendre, cela a cependant un prix. Ce prix a beaucoup

    augment avec lutilisation du support professionnel et des moyens de

    communication de masse29. Lorsque cest le cas, le parti dune personne

    riche ou les partis supports par des personnes riches peuvent attirer les

    voix des indcis et des apolitiques laide des campagnes de publicit et de

    promotion. Pour cette raison, des lections libres et comptitives ne sont

    pas possibles, sauf si les partis et les candidats ont la possibilit de

    communiquer suffisamment avec les lecteurs30.

    29

    KIRBA, Sadk: Trkiyede Kaytd Ekonomi (Economie souterraine en Turquie), Yolsuzluk Siyasetin Finansman, Phoenix, Ankara 2012, p.163- 164. Le fait que, pendant les lections parlementaires de 2002 de la Turquie, Gen Parti, un parti politique qui ne dispose pas dune organisation, dune idologie claire concernant les problmes du pays, dun programme bien tabli et de membres connus par le public sauf le prsident et un chanteur, a gagn 2,3 millions de votes, un pourcentage de 7,25% au bout dune campagne de trois mois, dmontre bien le pouvoir de largent dans la politique, dans une socit apolitique. (UZUN, Cem Duran: Siyasi Partilerin Finansman (Financement des partis politiques), Adalet Yaynevi, Ankara 2010, p.18- 19).

    30 GENKAYA, mer Faruk: Siyasi Partilere ve Adaylara Devlet Destei, Balar ve Seim

    Giderlerinin Snrlandrlmas (Support tatique aux partis politiques et aux candidats, les dons et la limitation des dpenses lectorales), Siyasi Partilerde Reform, Editions TESEV, stanbul 2000, p.140.

  • 26

    Laide publique aux partis politiques par lEtat entre en jeu cette

    occasion. La raison de la subvention des partis par lEtat est de garantir

    lgalit du pouvoir comptitif des partis. Cela vise supporter, contre les

    partis et programmes politiques supports par les personnes qui prosprent

    dans le statu quo, les petits partis politiques dont le programme ne plat pas

    du tout aux intrts tablis et les nouveaux partis nayant pas de relation

    avec les groupes dintrt, au nom de la dmocratie pluraliste et librale.

    Dans les nouvelles dmocraties, au cours de la priode post-communiste en

    particulier, il a t trs important de supporter les nouveaux partis contre

    lavantage matriel et financier des partis successeurs des partis

    communistes31. On empche ainsi la monopolisation de la politique par des

    magnats de mdia comme Berlusconi ou Thaksin Shinawatra32, qui ont

    atteint le succs grce leur fortune personnelle et le pouvoir mdiatique.

    Cependant, cette ncessit pourrait galement tre satisfaite laide des

    rglementations limitatives concernant les relations des partis politiques

    avec les mdias et leur financement et on pourrait ainsi canaliser les

    immenses ressources alloues aux partis politiques aux autres priorits

    selon la prfrence politique.

    Le point le plus important est que cette aide ne soit pas utilise pour

    consolider la position des partis dj existants. La scne politique doit tre

    ouverte aux nouveaux partis des conditions gales. Sinon ce transfert

    public signifiera la destruction totale de la lgitimit du systme des partis

    en opprimant financirement lexistence et la concurrence politique et en

    obligeant les individus supporter des partis et des programmes opposs

    leurs intrts ou leurs opinions politiques.

    31

    BIEZEN, p.38. 32

    FERDINAND, p.106.

  • 27

    Traditionnellement, les partis politiques de lEurope occidentale ont

    financ leurs activits laide des supports privs. Les partis socialistes et

    sociaux-dmocrates ont profit des cotisations des membres et des dons

    des syndicats associs pendant que les partis libraux et conservateurs ont

    profit des dons des personnes riches et du secteur priv. Le financement

    public des partis politiques a, son tour, eu lieu de manire indirecte par

    les revenus publics renoncs; les dpenses fiscales33.

    La Rpublique fdrale dAllemagne est la premire parmi les pays

    dEurope occidentale qui a prvu une aide directe des partis politiques par

    lEtat. Un petit crdit de budget a t mis en place partir de 1959 et, en

    1967, la base lgale des aides publiques aux partis politiques a t

    constitue. Plusieurs pays ont suivi lexemple de lAllemagne et ont prvu la

    subvention, dabord des groupes parlementaires et ensuite, des

    organisations centrales des partis. Les dmocraties prcoces comme le sud

    de lEurope et lEurope orientale ont aussi prvu des aides publiques

    importantes aux partis politiques en vue de ltablissement du pluralisme en

    galisant le pouvoir comptitif politique et en facilitant lintgration des

    nouveaux partis au systme34.

    La Suisse est la seule dmocratie dEurope occidentale o les

    organisations des partis ou les campagnes lectorales ne peuvent profiter

    daucune subvention fdrale. En Irlande et au Royaume-Uni, seul le groupe

    parlementaire peut profiter du financement public. Au Royaume-Uni,

    lobjectif de la subvention dont seuls les partis dopposition peuvent profiter

    dans le cadre des rgles spcifiques est de les supporter pour remplir leurs

    fonctions parlementaires, en particulier, la fonction de contrler le

    gouvernement. Ce transfert est utilis pour financer les tudes des

    33

    BIEZEN, p.35. 34

    BIEZEN. p.35.

  • 28

    responsables de lopposition, les services du groupe dopposition et le

    secrtariat du leader de lopposition. Au Royaume-Uni, la question de la

    subvention publique des partis politiques a t dbattue pour longtemps

    pendant la rdaction de la loi sur les partis politiques, les lections et les

    referendums et a t enfin rejete. Un montant de seulement 2 millions de

    livres sterling est prvu au titre de subvention de dveloppement pour

    financer les travaux dtudes politiques des partis35. Les autres exemples

    des pays o les partis politiques ne peuvent pas profiter de la subvention

    directe de lEtat sont lArmnie, Chypre du sud, la Moldavie, la Lettonie,

    Malte, lUkraine, le Venezuela, les Etats-Unis dAmrique et la Nouvelle-

    Zlande36. Aux Etats-Unis, les contribuables dcident si une subvention

    indirecte des partis politiques sera effectue au moment o ils font leur

    dclaration fiscale37. Largument le plus important contre la subvention des

    partis politiques par lEtat est que le fait dobliger le citoyen supporter des

    partis et des programmes politiques qui ne se sont pas conformes ses

    intrts ou ses sensibilits politiques est contraire aux liberts

    fondamentales38.

    Le financement public des partis politiques est ralis directement

    en trois domaines; le financement oprationnel des partis, le financement

    des campagnes lectorales et le financement des groupes parlementaires;

    ou indirectement par la reconnaissance dun temps gratuit de diffusion sur

    les chanes de tlvision publique, les paiements aux groupes

    parlementaires en titre de laide dtude, de papeterie et de consultation, le

    financement des associations de recherche et dducation et les exemptions

    et autres avantages fiscaux relatif aux frais et aux aides prives39.

    35 BIEZEN, p.34- 35.

    36 TJERNSTRM, Maja: Matrix on Political Finance Law and Regulations Funding of Political

    Parties and Election Campaigns, International IDEA, Trydells Tryckeri UE, Sude, p.209- 213. 37

    GENKAYA, p.143. 38

    BIEZEN, p.34- 35. 39

    GENKAYA, p. 145- 153; UZUN, p.46 et suiv.

  • 29

    Les partis politiques doivent avoir gagn un certain soutien

    populaire pour pouvoir profiter de la subvention publique directe. Sinon, des

    partis pouvaient tre fonds pour le seul objectif de profiter de la richesse

    nationale40. En revanche, un seuil trs lev de soutien comme condition de

    bnfice de laide publique liminerait la raison dtre, cest--dire le motif

    dmocratique de cette subvention. En Autriche, les partis qui ont au moins

    cinq siges au parlement ou qui ont reu plus de 1% des votes peuvent

    profiter de largent public. Au Portugal, les partis doivent avoir reu 50.000

    votes qui correspondent 0,6% de llectorat pour pouvoir profiter de la

    subvention publique. Parfois, les partis ou les listes des minorits

    linguistiques sont exempts du seuil de vote et peuvent toujours profiter de

    la subvention publique. En Espagne, on affirme que le seuil de votes de 3%

    est trs lev et que cela cre une situation injuste pour les minorits vu le

    systme lectoral dj dsquilibr41. En Turquie, le seuil pour la

    subvention publique est de 7%42.

    Le montant transfr aux partis politiques ou aux candidats peut

    tre soit un montant fixe soit un montant proportionnel au pourcentage des

    votes ou des siges. Les Etats, en gnral, adoptent un systme qui

    combine ces deux mthodes. Ce qui dtermine la mesure de laugmentation

    du pouvoir comptitif des nouveaux partis et des petits partis face aux

    grands partis ayant plus de ressources et ce qui facilite lentre des

    nouveaux partis sur la scne politique est le mthode de lallocation de la

    subvention publique. Cette subvention, pour quelle puisse satisfaire sa

    raison dtre, ne doit pas tre exclusivement lie au support lectoral des

    partis. En Hongrie, 25% de la subvention publique est distribue en parts

    gales aux partis ayant des siges au parlement et 75%, selon le

    pourcentage des votes. En Rpublique tchque, un parti doit avoir reu au

    40

    LARRIEU, p.187. 41

    BIEZEN, p.49- 50. 42

    Loi sur les partis politiques (LPP) (Siyasal Partiler Kanunu, No: 2820, J.O.: 24.4.1983- 18027), art. annexe 1/4.

  • 30

    moins 3% des votes pour pouvoir profiter de la subvention publique.

    Ensuite, cette subvention est distribue en parts de 0,1%, 3% et 5% selon

    le pourcentage des votes reus. De plus, une subvention annuelle fixe par

    sige est prvue. LAllemagne prvoit 0,85 euro pour les premiers 4 millions

    de votes et 0,7 euro pour le reste43. Dans la Fdration de Russie, en

    Azerbadjan et en Thalande, la subvention publique est distribue aux

    partis en parts gales44. La subvention des partis politique par lEtat na pas

    pour fonction de rcompenser les partis qui reoivent un soutien populaire

    lev. Pour cette raison, les rglementations concernant les subventions

    publiques doivent prvoir la distribution galitaire et quitable de ressources

    fondamentales ncessaires pour les travaux lectoraux tous les partis et

    tous les candidats qui peuvent influencer les lections45. Un pays o les

    subventions publiques sont dtermines selon le nombre des siges dans un

    systme lectoral inquitable de manire mpriser les minorits

    supporterait financirement, en effet, le dsquilibre du systme lectoral46.

    En Turquie, le seuil lectoral national de 10%, sans prcdent dans les pays

    dmocratiques, est galement la condition pour profiter de la subvention

    publique qui correspond 1/2500 des revenus du budget47.

    Face au risque que les partis arrtent le contact avec la base

    politique et se centralisent en comptant sur cette subvention, la subvention

    publique doit tre la fois quitable et modre48.

    43

    BIEZEN, p.47- 48. 44

    TJERNSTRM, p.209- 213. 45

    GENKAYA, p.140. 46

    BIEZEN, p.48 47

    LPP art. annexe 1/1. 48

    Ce principe correspond larticle 68 de la Constitution turque avec le concept suffisant et quitable, conformment aux standards internationaux du financement public des partis politiques. Cependant, la pratique est perptue laide des rglementations lgales anticonstitutionnelles. La subvention suffisante signifie un niveau qui supporte les organisations politiques petites et faibles et les partis pour quils puissent achever leur but de produire de la politique et quils ne soient pas subordonns aux donneurs privs. Il ne sagit pas du financement de toutes les dpenses des partis politiques; en effet, les partis politiques ne sont pas des organes de lEtat. Conformment leurs motifs dmocratiques, ils doivent rester des personnes prives. Pour cette raison, personne ne peut tre oblig

  • 31

    En France, la limite maximale de la subvention publique est 73

    millions deuros qui correspondent 1/3200 du budget de 200749, lesquels

    sont distribus entre plus de cinquante partis et organisations politiques50.

    Au Portugal, lequel est un exemple plus similaire la Turquie avec son

    niveau de vie relativement plus bas, son exprience dmocratique

    relativement rcente et les membres des partis moins nombreux, le

    montant annuel allou aux partis politiques est li au salaire minimum. Pour

    chaque vote reu pendant la dernire lection parlementaire, les partis

    politiques reoivent 1/225 du salaire minimum titre de subvention. 20%

    de ce montant sont distribus de manire gale entre les partis et les

    candidats et les 80% restants, selon le rsultat des lections51. En Turquie,

    de financer les partis politiques totalement. En vue de donner aux petits partis une chance raliste, il est raisonnable de considrer une subvention minimale distribue en parts gales ajoute un montant proportionnel la taille des partis pour quils puissent avoir une existence oprationnelle. (NASSMACHER, Karl- Heinz: Political Parties, Funding and Democracy, Funding of Political Parties and Election Campaigns, International IDEA, Trydells Tryckeri EU, Sude, p. 14). part cela, les partis politiques doivent survivre laide du soutien quils reoivent du peuple. Comme cela rendra les partis politiques financirement dpendants au peuple, cela entranera une politisation du peuple de leur part, conformment leur raison dtre dmocratique. La distribution quitable de la subvention publique doit aussi tre dtermine en tenant compte des deux principes prcits. En Turquie, par contre, les consquentes subventions publiques dont seulement quelques partis peuvent profiter constituent presque la totalit du revenu de certains partis. AKP est un exemple stupfiant de cette situation. Le pourcentage de la subvention publique dans les revenus dAKP remonte 90%. Les 10% restants se composent essentiellement des revenus du patrimoine acquis principalement par largent public (Voir le bilan de revenu- dpense du Centre gnral dAKP entre 1.1.2013- 30.11.2013, http://www.akparti.org.tr/site/akparti/gelir-gider). En consquence du systme financier public antidmocratique, AKP est devenu un vritable organe dEtat du point de vue financier avec son budget de 151 millions grce son pourcentage de vote lev, la liquidit venant des annes prcdentes et les revenus de dpts bancaires ainsi que de la subvention publique indirecte. Linstitution de la subvention des partis politiques par lEtat cre mme des revenus dintrt cause de lutilisation arbitraire (sans rapport la raison dtre dmocratique de linstitution) de largent public. Ainsi, les partis politiques ralisent leurs propagandes politiques laide de la presse crite et visuelle, qui est trs chre (UZUN, p.185) Cela transforme les campagnes lectorales en des oprations dispendieuses de commercialisation et dtruit la dignit des lections. Dautre part, la mme situation cre un dsavantage considrable de concurrence pour les organisations plus petites et rend leur libert dexpression politique inutilisable. (Voir TBB Anayasa nerisi (Proposition de constitution du TBB (lUnion des barreaux de Turquie)) a.45/ 5,6,7 et leurs motifs, Editions Trkiye Barolar Birlii: 131, 4

    e

    dition, Ankara, p.96 et suiv). 49

    http://www.performance-publique.budget.gouv.fr/fileadmin/medias/documents/ressources/PLR2011/PLR2011.pdf, p.15.

    50 Snat, Le financement de la vie politique,

    http://www.senat.fr/role/fiche/financ_vie_pol.html. 51

    BIEZEN, p.51- 52.

    http://www.akparti.org.tr/site/akparti/gelir-giderhttp://www.performance-publique.budget.gouv.fr/fileadmin/medias/documents/ressources/PLR2011/PLR2011.pdfhttp://www.performance-publique.budget.gouv.fr/fileadmin/medias/documents/ressources/PLR2011/PLR2011.pdfhttp://www.senat.fr/role/fiche/financ_vie_pol.html

  • 32

    1/2500 du budget gnral est distribu entre les partis qui ont dpass le

    seuil lectoral de 10% et qui avaient le droit de participer aux dernires

    lections nationales. Cette subvention est multiplie par trois en priode

    dlection nationale et par deux, en priode dlections municipales. En plus

    de cette allocation, le budget contient une allocation supplmentaire pour la

    subvention des partis politiques qui ont reu plus de 7% des votes52. Les

    candidats indpendants, pourtant, ne peuvent pas profiter de ces

    subventions pour entendre leurs voix53. cause de ce montant immodr

    de subvention et de cette mthode dsquilibre de distribution, lallocation

    du budget pour les partis politiques est distribue entre trois partis depuis

    2007. Le montant total que nous avons transfr ces trois partis (AKP,

    CHP, MHP) est 456 millions de livres turques (TL) juste pour 2011 et 2012

    et juste en tant quaide directe.

    Il est important que le montant de la subvention soit fix par une

    loi. Sinon, le parti au pouvoir peut en abuser. Par exemple, en Autriche, la

    subvention qui tait 4 millions de schillings autrichiens est remonte 14

    millions en 1985 et a diminu de 3 millions en 1987 avec lentre de 8

    parlementaires du Parti vert54. En Turquie aussi, les aides ont t doubles

    par une loi transitoire de 1991 qui a ensuite t rendue permanente55.

    Les partis politiques ont adopt des lois qui leur permettent de

    mettre les subventions dans leurs caisses immdiatement. Selon la Loi sur

    52

    LPP art. annexe 1. 53

    Le droit dlire, dtre lu et de sengager aux activits politiques prvu larticle 67 de la Constitution de la R.T. nonce que le droit politique des citoyens consiste sengager dans des activits individuellement ou au sein dun parti politique. Par contre, le fait que les candidats indpendants se trouvent face des candidats profitant de la subvention publique constitue une violation de larticle 67 de la Constitution. (IIK, H. Fehim: Parti i Demokrasi Asndan Yasa Deiiklii Gerei (La Ncessit damendement du point de vue de la dmocratie interne des partis politiques), Anayasa Yargs Dergisi, V. 16, 1999, p. 357).

    54 BIEZEN, p.48.

    55 YKSEL, Nahit: Siyasetin Kamusal Finansman (Financement public de la politique), T.C.

    Maliye Bakanl Strateji Gelitirme Bakanl Edition No: 2007/373, Ankara 2007, p.95, 97.

  • 33

    les partis politiques (LPP)56, ces subventions sont payes dans les 10 jours

    suivant lentre en vigueur de la loi du budget gnral annuel. Les

    paiements multiplis des annes dlection sont faits dans 10 jours suivant

    la dcision de la Commission lectorale centrale (YSK) concernant le

    calendrier de llection57.

    Dans les pratiques dmocratiques, les dpenses que les partis et les

    candidats peuvent faire sont limites lgalement en quantit ainsi quen

    qualit. Par consquent, les dpenses permises sont numres dans les

    lois de plusieurs pays europens et la limite maximale de dpenses pour les

    lections parlementaires, municipales et du Parlement europen est fixe,

    gnralement de manire proportionnelle aux nombres dlecteurs58. En

    Turquie, par contre, il ny a aucune limitation sauf la disposition qui nonce

    que les dpenses des partis politiques doivent tre conformes leurs

    objectifs. De plus, les revenus et les dpenses des candidats ainsi que les

    revenus et les dpenses en nature et en service des partis sont hors

    contrle59. GRECO (le Groupe dEtats contre la corruption) a recommand

    la Turquie de limiter les dpenses, en particulier celles de campagne, des

    partis politiques60. Une enqute effectue en Turquie dmontre que 91,8%

    du peuple pense que les articles de dpenses de campagnes lectorales

    doivent tre dtermins de manire claire. La mme enqute dmontre

    aussi quune grande majorit du peuple pense que les dpenses lectorales

    des partis et des candidats doivent tre effectues, non en espce, mais en

    56

    Siyasi Partiler Kanunu (No: 2820, R.G: 22.4.1983- 18027). 57

    LPP a. annexe 1/2 et 5. 58

    Voir Direction de lInitiative Parlementaire er des Dlgations, Note sur la limitation des dpenses lectorales et les comptes de campagne, dcembre 2010, http://www.senat.fr/lc/lc212/lc212.pdf et UZUN, p.76- 79.

    59 KIRBA, p.188, 207.

    60 GRECO, Rapport dvaluation de la Turquie sur la transparence du financement des partis

    (GRECO), Strasbourg 22- 26 mars 2010 p.18, http://www.uhdigm.adalet.gov.tr/uluslararas%C4%B1_isbirligi/uluslararasi_orgutler/greco_turkiye_raporlar/TEMA%20II%20-%20greco_siyasi_partiler.pdf.

    http://www.senat.fr/lc/lc212/lc212.pdfhttp://www.uhdigm.adalet.gov.tr/uluslararas%C4%B1_isbirligi/uluslararasi_orgutler/greco_turkiye_raporlar/TEMA%20II%20-%20greco_siyasi_partiler.pdfhttp://www.uhdigm.adalet.gov.tr/uluslararas%C4%B1_isbirligi/uluslararasi_orgutler/greco_turkiye_raporlar/TEMA%20II%20-%20greco_siyasi_partiler.pdf

  • 34

    chque pour un meilleur contrle et que les dpenses lectorales doivent

    tre limites61.

    Dans les pays dEurope occidentale, parfois le support direct aux

    institutions de recherche et de formation des partis ainsi quaux branches

    femmes et branches jeunesse des partis peut dpasser62 le montant

    transfr au centre du parti. En Turquie, par contre, ces aides sont

    transfres aux centres gnraux des partis. Le fait que lallocation de cette

    subvention aux organisations locales et aux institutions associes charges

    des activits de formation et de recherche est exclusivement dtermine

    linitiative du centre entrane la centralisation et lanti-dmocratisation des

    partis63.

    Quant la subvention publique indirecte des partis politiques, le

    moyen gnralement utilis pour encourager les dons privs aux partis

    politiques est dexonrer les dons au dtriment du trsor public ou de les

    rendre dductibles. Pour viter de supporter les donneurs riches par ce

    systme davantage fiscal et pour ne pas crer un obstacle devant lgalit

    des chances entre les partis, ces avantages fiscaux doivent tre limits aux

    dons dimportance faible ou moyenne. De ce fait, la Cour constitutionnelle

    allemande a jug, en 1958, que lavantage fiscal gal pour tous les

    donneurs est anticonstitutionnel. En effet, les personnes haut revenus et

    les partis drivs de cette section de llectorat profitent davantage de ces

    avantages par rapport aux autres. Dans plusieurs pays, il ne sagit daucune

    rduction fiscale concernant les dons et les cotisations. On peut citer le

    61

    SUSMU, p. 11. 62

    GENKAYA, p. 148. 63

    UZUN, p.182-183.

  • 35

    Royaume Uni avec le motif de refus de toutes subventions publiques en

    faveur des partis politiques64.

    B. Un parlement en dficit de reprsentation

    Le droit au budget, c'est--dire le droit de dcider comment

    partager au sein de la socit la richesse produite dans un pays par le biais

    des politiques de dpenses publiques ainsi que des politiques fiscales et de

    gestion des biens publics65; est un droit relevant de l'Etat. L'Etat cependant;

    -avant la reconnaissance de l'Etat de droit dmocratique actuel- a eu

    diffrentes significations au cours de l'volution de l'histoire fiscale.

    La personnalit juridique de lEtat n'a pas longtemps t admise,

    except celle de la couronne66. Par consquent, les revenus et les dpenses

    qui sont aujourd'hui considrs comme public; ont t raliss

    auparavant, au sein de la proprit prive du monarque67. Donc, il n'existait

    pas dans les temps anciens une distinction entre finance prive et finance

    publique.

    La conception dintrt public a merg antrieurement aux

    concepts de personnalit publique, proprit publique et finances

    publiques.

    64

    BIEZEN, p.44-45. 65

    AAN, p.183. 66

    DOEHRING, Karl: Genel Devlet Kuram (Thorie gnrale de lEtat), nklap Kitabevi, Ankara 2002 (traduit par: Ahmet Mumcu), p.48.

    67 JOUANNET, Emmanuelle: De La Personnalit et La Souverainet de lEtat dans la

    Constitution de 58. Thorie Franaise de lEtat et Intgration Europenne, La France et Le Droit International, Pedone, Paris 2007, par.10-2.

  • 36

    En prcisant les charges financires et en crant les assembles des

    reprsentants du peuple dont les charges exceptionnelles sont soumises

    leur approbation, La Magna Carta68 est dcrite comme la premire

    acquisition de la lutte pour la dmocratie dans lhistoire. Nanmoins,

    l'augmentation des dpenses militaires, notamment pendant la guerre de

    Cent Ans, a conduit le Roi remettre en cause le caractre exceptionnel et

    fond sur le consentement du Parlement de ses revenus perus sous le nom

    daide69. Dautre part, le Roi esprait briser le pouvoir de l'Eglise, son rival

    politique70. Durant la mme priode, les bourgeois ayant augment

    l'accumulation du capital la suite de lextension des possibilits de

    commerce; ont eu, la ncessit d'un modle d'organisation centralise

    comportant un systme juridique, administratif et de scurit stable et

    uniforme leur garantissant leurs activits commerciales, acclrant

    l'accumulation du capital et permettant galement de protger leurs intrts

    l'extrieur du pays est apparue71. En instituant l'Arme royale

    permanente, L'Ordonnance royale de 1439 a rpondu la demande de

    scurit des bourgeois comme la justification de lgitimit des charges

    financires recueillies auprs du peuple. Dsormais, les impts la charge

    du peuple et le service militaire obligatoire seront utiliss pour l'arme

    permanente qui est au service du Royaume, et non pas pour l'arme prive

    du Roi combattant pour le Roi72. Ainsi, la fin du Moyen-Age l'impt, outre

    le fait quil signifie la suppression de corves, a permis de renforcer le

    sentiment d'appartenance une communaut dorigine. Afin d'assurer la

    continuit de l'impt, le monarque doit se montrer comme le garant

    d'intrt gnral. Dans ce sens, en plus de la scurit nationale qu'il assure

    68

    Pour la traduction partielle en turc voir MUSULIN, Janko: Hrriyet Bildirgeleri (Les Dclarations de liberts), Editions Belge, stanbul 1983 (traduit par: Necmi Zeka), p.30-33.

    69 FEYZOLU, p.4-5; MONNIER, Jean- Marie: LImpt et La Contrainte ou La Dialectique de

    lAutonomie et de la Responsabilit, European Journal of Economic and Social Systems, V.19, N.1, p.99. 70

    KAPAN, Mnci: Politika Bilimine Giri (Introduction la Science politique), Bilgi, 23. Edition, Ankara 2009, p.59.

    71AKIN, lhan: Kamu Hukuku (Droit public), Beta, 5

    e dition, stanbul 1987, p.76.

    72MONNIER, p.99.

  • 37

    avec son arme permanente, le monarque est la force motrice du

    dveloppement conomique; il organise par exemple la tche d'irrigation

    des terres. Une fois encore, le monarque rgit la relation entre les individus

    et leur Dieu en exerant les activits religieuses. D'autre part, une

    administration fiscale a t tablie pour la dtermination de ce qui serait

    impos et du montant maximal qui n'empchera pas la reproduction de la

    richesse73.

    La notion de souverainet a vu le jour au cours de cette priode74.

    La perception de la souverainet de Bodin qui rejette le fodalisme et toutes

    autres formes de systmes politiques mixtes dans lesquels le peuple et les

    aristocrates partagent le pouvoir politique avec le souverain75 a t utilise

    comme une affirmation politique par les Rois, aussi bien l'intrieur

    (contre les seigneurs fodaux) qu' l'extrieur du pays (contre la Papaut et

    l'Empire romain-germanique) pour exprimer qu'ils ne reconnaissaient pas

    un pouvoir rival contre eux-mmes76. En consquence, la monarchie fodale

    a laiss sa place la monarchie absolue, institutionnalise de manire

    centrale dans le pays et souveraine pour l'intrt public. Sur cette

    structure juridique, ont commenc tre fonds les Etats-nations,

    aujourd'hui admis comme des Etats modernes.

    L'influence de la philosophie des Lumires sur la vie politique a

    conduit une rupture conceptuelle dans l'identit des concepts de l'Etat et

    du souverain. Il est possible d'observer cette volution dans la clbre

    citation de Frdric le Grand, qui se dsignait lui-mme comme le premier

    serviteur de l'Etat. Mais le monarque demeure la personne inviolable et

    irresponsable et ne peut tre poursuivi devant la justice du fait dune

    73

    ARDANT, Gabriel: Histoire de lImpt, C.1, Fayard, Paris 1971, p.431. 74

    KAPAN, p.59. 75

    AKIN, p.92-93. 76

    KAPAN, p.59.

  • 38

    injustice quil aurait engendre. A la suite de cette situation qui suscitait de

    plus en plus d'agitation, un trsor public, outre la fortune du monarque, a

    t cr dans certaines limites comme une grce du Roi77.

    La philosophie des Lumires a t l'une des raisons qui a facilit la

    naissance de la monarchie constitutionnelle aprs la rvolution de 1789.

    Dans une monarchie constitutionnelle, le monarque avec les reprsentants

    du peuple constituait les deux partenaires du pouvoir de lEtat78.

    R. Carr de Malberg exprime que dans la Constitution franaise de

    1791 instaurant le rgime rpublicain la place de la monarchie, le

    constituant a identifi l'Etat et le peuple ou nation en utilisant la notion de

    la souverainet nationale: la Nation en tant que personne sappelle

    lEtat79.

    En revanche, l'Etat comme personne morale de droit public ne

    devient llment principal de la thorie de lEtat en France qu' partir de la

    troisime Rpublique. Cette construction juridique a t utilise pour la

    reconnaissance de la souverainet nationale contre le Parlement qui tait

    dot d'une autorit large et illimite durant la troisime Rpublique. Les

    tudes de J. Chevallier et M.J. Rdor dmontrent bien la stratgie de la

    littrature de cette poque qui tait de transformer l'Etat lgal de 1875 en

    un Etat de droit (l'Etat limit par le droit dans lequel le Parlement et la loi

    sont eux-mmes soumis au droit). Depuis, l'Etat est le statut de la

    communaut souveraine compose d'individus ayant acquis la personnalit

    morale80. Le systme budgtaire franais a ainsi atteint sa maturit cette

    77

    DOEHRING, p.49. 78

    DOEHRING, p.49. 79

    JOUANNET, par.6. 80

    JOUANNET, par.9.

  • 39

    poque et le Dcret rglementant la comptabilit publique est pris comme

    modle par de nombreux pays tels que la Turquie, dans la construction de

    systmes budgtaires81.

    Le droit au budget constitue donc aujourd'hui, comme tous les droits

    rsultant de lexistence dun Etat de droit dmocratique, un droit qui

    appartient au peuple. Le peuple peut exercer ce droit directement ou

    indirectement par l'intermdiaire de reprsentants. Lgalit politique exige

    que chacun puisse influencer la gestion publique. En dmocratie directe

    applique dans les communes et les cantons en Suisse, le droit au budget

    est exerc par des citoyens qui votent pour les recettes et dpenses

    publiques aprs en avoir discut dans des forums82. En revanche, dans les

    dmocraties semi-directes dans lesquelles les techniques de dmocratie

    directe sont appliques, les citoyens peuvent tre directement impliqus

    dans le processus lgislatif travers le droit de veto lgislatif, l'initiative de

    lgislation du peuple et le rfrendum83.

    Le droit au budget en Turquie a t utilis jusqu' ce jour dune

    faon reprsentative par lentremise du Parlement. Dans les tudes sur la

    dmocratie, une importance spciale est attribue aux parlements. En ce

    sens, on insiste sur la ncessit de laugmentation du rle et des

    comptences budgtaires des parlements. Dans ce cas, en tenant compte

    du fait que le gouvernement, aujourdhui, est pour la plupart form par des

    dputs lus contrairement au pass, il est possible de se demander ce qui

    lui impartit un statut dmocratique ce point exceptionnel.

    81

    FEYZOLU, p.6. 82

    KABOLU, Anayasa, p.176. 83

    KABOLU, Anayasa, p.185 et suiv.

  • 40

    Le gouvernement est form par un nombre suffisant de dputs,

    cest--dire un nombre permettant datteindre le vote de confiance. Si un

    parti possde une majorit suffisante pour former un gouvernement de parti

    unique, le leader ou un autre membre dsign peut former le gouvernement

    en qualit de premier ministre et obtenir le vote de confiance sans difficult

    grce sa majorit parlementaire. En revanche, pour que le leader ou un

    autre membre dsign dun parti minoritaire forme le gouvernement, il est

    ncessaire quil ait le soutien des autres partis. Donc, la majorit du

    parlement est encline supporter le gouvernement.

    Toutefois, le parlement est une institution o toutes les opinions

    politiques ayant un certain soutien dans la socit doivent tre

    reprsentes. Limportance attache au parlement provient du fait que la

    voix de lopposition ne peut se faire entendre que dans celui-ci.

    Cependant, le systme politique turc, qui comporte un barrage

    lectoral territorial de 10%, a une valeur dmocratique limite84. La valeur

    attribue au parlement en Turquie nest pas la dmocratie, mais le fait que

    ressortent, en assurant la majorit dun seul parti, des gouvernements qui

    resteront longtemps au pouvoir. Pour la premire fois depuis 1983 o le

    barrage de 10% a t mis en place, 45% des voix ont t exclues aux

    lections nationales de 2002 et le parti AKP a obtenu 66,4% des siges, ce

    qui constitue une majorit presque suffisante pour amender la constitution,

    avec seulement 34,4% des voix. On pense que la confiance en la justice,

    une autre institution constitutionnelle, prvient une crise de lgitimit

    cause par cette majorit parlementaire artificielle85.

    84

    KABOLU, p.195- 196. 85

    SABUNCU, Yavuz: Seim Barajlar ve Siyasal Sonular (Seuils lectoral et ses effets politiques), Anayasa Yargs: 23, Editions dAnayasa Mahkemesi, Ankara 2006, p.193, 195-197.

  • 41

    En plus du barrage lectoral, la Turquie est un pays o la culture

    dmocratique ne trouve pas son reflet au sein du gouvernement. Le leader

    de lAKP qui est seul au pouvoir depuis 2002 rpond toutes demandes et

    rsistances dmocratiques, quelles sexpriment au niveau national ou local,

    avec un discours de rgler les comptes aux urnes. La mme culture

    dmocratique est aussi partage par les autres dputs du parti. Selon une

    tude base sur le compte de Twitter officiel de la Grande assemble

    nationale de Turquie (TBMM), pendant quatre-cent-quarante jours entre

    2012 et 18me juin 2013, lensemble des cinquante motions dinvestigation

    propos par lAKP a t approuv alors que lensemble des deux cent seize

    propos par lopposition concernant des sujets divers des droits sociaux la

    libert dexpression, de la loi des forts au dficit public a t refus86. Le

    TBMM ne partage pas dinformation qui rendrait une telle analyse possible.

    Les dputs du mme parti ont collectivement refus une proposition de loi

    dpose par leur parti quand lopposition a vot positivement, en pensant

    quelle tait propose par lopposition87.

    Il y a certaines mthodes utilises afin de rendre possible la force

    effective de lopposition dans le domaine de la gestion financire. Lune est

    de permettre lopposition de prsider les comits financiers. Dans plusieurs

    pays, le prsident de la commission des comptes dfinitifs est

    traditionnellement dsign parmi les membres de l'opposition. Cela convient

    la tradition non partisane du systme de Commission des comptes

    publics88. Une telle tradition nexiste pas en Turquie. Une majorit qualifie